Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 30 novembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Oui, Monsieur Nicholls.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Une ou

  9   deux questions avant que nous ne commencions. J'ai vérifié le compte rendu

 10   d'audience que nous avons versé au dossier, en tant que déclaration du

 11   témoin en vertu de l'article 92 bis, et il y a deux pages de témoignage qui

 12   n'étaient pas entendues en audience publique, donc il est préférable de

 13   conserver les deux versions, c'est plus simple.

 14   J'ai remarqué une erreur lorsque j'ai relu le compte rendu d'audience. 22

 15   064, la dernière phrase :

 16   "Quelle a été la durée de la vidéo ?"

 17   Il faudra lire :

 18   "Quelle a été la durée de la réunion ?"

 19   Je souhaite également avertir les Juges de la Chambre que je me suis

 20   entretenu avec Me Robinson. Nous avons eu du mal à recruter des interprètes

 21   de langue néerlandaise et nous essayons de trouver une solution.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voici ma question : Nous avons besoin

 23   d'interprètes néerlandais pour les deux témoins suivants ?

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, tout à fait, et la déposition du Dr

 25   Wright sera un peu plus longue que prévu, parce que c'est le premier expert

 26   qui va nous fournir des explications sur le fonctionnement de ce que nous

 27   allons aborder et l'interrogatoire principal sera un peu plus long que ce

 28   que nous avions prévu. Je souhaitais en avertir tout un chacun.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Bonjour, Monsieur Boering.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à toutes les

  6   personnes présentes dans le prétoire.

  7   LE TÉMOIN : PIETER BOERING [Reprise]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'ai été informé du

 12   fait que vous avez 40 minutes aujourd'hui pour contre-interrogé M. Boering.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Boering, vous avez dit que vous n'avez pas vu de soldat serbe

 16   pendant longtemps et qu'il fallait quelqu'un de la 28e Division vous les

 17   signale; pourquoi était-ce ainsi ?

 18   Lorsque vous avez pris la décision -- ou plutôt, lorsque la décision a été

 19   prise sur le soutien ou l'appui aérien rapproché, le dilemme qui était le

 20   vôtre c'était de savoir où se trouvaient les troupes serbes pour que vous

 21   puissiez lancer les frappes aériennes; alors pourquoi -- ou les frappes --

 22   pourquoi deviez-vous connaître leur position ? Est-ce que vous aviez besoin

 23   de les voir également de vos propres yeux ?

 24   R.  A l'époque, il y avait des attaques en direction de l'enclave et la

 25   population se dirigeait vers la ville de Srebrenica, et il y avait des

 26   coups de feu et des actes de violence perpétrés de l'extérieur et en

 27   direction de l'enclave, et le Bataillon néerlandais s'est retiré ainsi que

 28   des combattants musulmans. Malgré cela, il y avait une tentative de


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  1   cessation d'hostilité, il fallait mettre en place un système de défense qui

  2   permettrait de les contenir, il était important de pouvoir mettre sur pied

  3   un système de défense adéquat qui pouvait résister à une force aussi

  4   importante, et donc il fallait un appui aérien; cependant, une menace

  5   devait exister dans ce cas et un échange de coups de feu.

  6   Pour ce qui est de la procédure de demande d'appui aérien, c'est quelque

  7   chose auquel je participais moi-même même si c'était de façon indirecte. Il

  8   fallait des preuves des faits tangibles pour démontrer qu'il y avait

  9   effectivement un conflit.

 10   Q.  Merci. Mais vous aviez également besoin de pouvoir voir ces personnes;

 11   vous souhaitiez les voir, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il y avait une raison

 12   particulière à cela ?

 13   R.  Encore une fois, ce n'est pas moi qui m'occupais de cela. S'il y a un

 14   appui aérien rapproché, il est nécessaire de voir ce qui se passe, parce

 15   qu'il est important de pouvoir mesurer le degré de menace que cela pose à

 16   vos troupes, et des dégâts que cela pourrait provoquer.

 17   Q.  Combien de contrôleurs aériens avancés aviez-vous dans votre bataillon

 18   ?

 19   R.  En interne nous avions deux contrôleurs aériens avancés qui avaient été

 20   formés à cet effet. C'étaient leurs principales missions, et outre cela, il

 21   y avait également d'autres personnes qui pouvaient faire ce travail, par

 22   exemple, les forces spéciales.

 23   Q.  Merci. Donc vous aviez vos propres contrôleurs aériens avancés, et vous

 24   aviez également des contrôleurs aériens avancés supplémentaires. Ils

 25   étaient placés sous le contrôle de qui, ces derniers contrôleurs aériens

 26   avancés ?

 27   R.  Ils étaient tous placés sous le commandement du commandant du

 28   bataillon, à savoir M. Karremans.


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  1   Q.  Merci. En raison des contrôleurs aériens avancés que vous aviez besoin

  2   de voir visuellement les troupes et l'artillerie, de façon à pouvoir

  3   orienter les frappes aériennes, guider les frappes aériennes ?

  4   R.  Comme je vous l'ai dit précédemment, un contrôleur aérien avancé, dans

  5   un cas comme celui-ci, doit pouvoir voir sa cible.

  6   Q.  Merci. Donc ils visent l'avion qui est au-dessus de lui, et il fait

  7   partie de l'équipage à bord de l'avion; c'est exact ? Pardonnez-moi, mais

  8   il y a un problème au niveau du compte rendu d'audience. Veuillez

  9   m'accorder quelques instants, s'il vous plaît.

 10   Donc le contrôleur aérien avancé travaille en étroite collaboration avec

 11   l'équipage qui est à bord de l'avion, pour pouvoir cerner la cible ?

 12   R.  Oui, oui c'est ça. Cela se passe ensemble, et ils sont en contact l'un

 13   avec l'autre.

 14   Q.  Merci. Vous avez parlé du 10 juillet, vous avez dit qu'il y avait des

 15   fusillades le long de la route qui était encombrée de réfugiés. S'agissait-

 16   il de tirs directs ou indirects ? Ils tiraient avec quoi, des mortiers, des

 17   canons peut-être, ou des fusils à canon avec un champ visuel réel ? De quel

 18   type d'attaque s'agissait-il ?

 19   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Question posée par M. Karadzic

 20   : Donc ils prennent pour cible l'avion qui se trouve au-dessus, et les

 21   contrôleurs aériens avancés font partie de l'équipage de l'avion, mais ils

 22   ne sont pas à bord de l'avion.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, il s'agit là d'une question complexe.

 24   Pour autant que je m'en souvienne, à la date du 10 juillet, il y avait des

 25   tirs avec des tirs de mortier sporadiques, et il y avait des tirs indirects

 26   également, qui provenaient, je suppose d'un fusil ou d'une pièce

 27   d'artillerie. Donc il s'agissait dans ce cas de tirs indirects. Pour ce qui

 28   est des tirs directs, c'est quelque chose que l'on pouvait entendre. On


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  1   pouvait entendre des tirs, mais ce n'est pas quelque chose que j'ai observé

  2   personnellement.

  3   Q.  Merci. Vous souvenez-vous du fait que la version communément adoptée

  4   ici, c'est qu'un obus à Markale a tué des douzaines de personnes -- des

  5   milliers de douzaines de personnes, et un autre obus en a tué moins, alors

  6   que, vous, vous n'avez vu qu'un seul jeune garçon blessé. Est-ce que vous

  7   pouvez vous décider sur ce point ? S'agissait-il de mauvais tireurs ou est-

  8   ce qu'il pourrait s'agir du fait qu'ils ne tiraient pas du tout sur la

  9   colonne ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Tout d'abord, il s'agit d'une question

 12   multiple, et deuxièmement, je ne sais pas ce que le témoin ait censé faire

 13   avec ce commentaire : "Vous souvenez-vous de la version communément

 14   adoptée, c'est qu'un obus à Markale a tué des dizaines de personnes -- des

 15   douzaines de personnes …" alors que ceci n'a rien à voir avec sa

 16   déposition, et c'est polémique de surcroît, lorsqu'il doit qu'il doit se

 17   décider finalement et choisir une version.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez reformuler votre question, s'il

 19   vous plaît, Monsieur Karadzic.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Etant donné qu'il y avait des tirs de part et d'autre de la route, sur

 22   laquelle circulaient un nombre important de réfugiés, et vous n'avez vu

 23   qu'un seul garçon, blessé. Pouviez-vous en conclure qu'il s'agissait de

 24   mauvais tireurs ou qu'ils ne prenaient pas les gens pour cible du tout ?

 25   R.  Alors, si nous parlons de ce qui se passait de part et d'autre de la

 26   route, à la manière dont vous l'avez dit, je précise que --

 27   L'INTERPRÈTE : Point d'interrogation de la part de l'interprète.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] -- je suppose qu'il s'agit d'une dizaine de


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  1   kilomètres de la ville, à l'intérieur de Srebrenica -- ou Srebrenica se

  2   trouve au pied de colline. Il y avait beaucoup de gens dans les rues, et

  3   des mortiers atterrissaient sur la ville, et ces mortiers provenaient de

  4   l'extérieur de la ville. A savoir si l'intention était de blesser des

  5   personnes, de les prendre pour cible, de les inquiéter, je ne sais pas,

  6   mais je crois qu'il s'agissait de les inquiéter.

  7   Q.  Alors, pour ce qui est de vos propres déplacements, déplacements des

  8   civils, pouviez-vous en conclure que l'objectif de ces tirs était

  9   d'entraver et non pas de tirer pour tuer, d'entraver le déplacement en

 10   question ?

 11   R.  Moi, j'ai l'impression que cela avait davantage ou concernait davantage

 12   la population musulmane, pour que la population se mette en branle, pour

 13   qu'elle -- pour faire en sorte que le plus grand nombre se rende à

 14   Potocari.

 15   Q.  Alors la question que je vous pose maintenant, c'est à propos du tir.

 16   Je vais vous poser la question plus tard. En réalité, je vais d'abord vous

 17   poser une question au sujet de la FORPRONU. Avez-vous remarqué que les tirs

 18   contre le bataillon avaient pour objectif de restreindre vos sorties de

 19   votre base et que vous n'avez subi aucune perte en hommes ?

 20   R.  Oui, il est vrai qu'à de multiples reprises, j'ai observé des tirs

 21   derrière moi. Il s'agissait des tirs depuis des chars, des mortiers -- des

 22   tirs de mortiers. Cela avait pour but de signaler que, nous, en tant que

 23   Bataillon néerlandais, nous devions rester à la base dans la mesure du

 24   possible et ne pas trop nous déplacer à l'extérieur de l'enceinte. C'est

 25   quelque chose qui m'a été signalé, de façon très claire, lorsque j'étais en

 26   contact avec des militaires serbes lorsque j'étais à Bratunac pour leur

 27   parler. Nous devions être très prudents, et en général, nous prenions

 28   contact les uns avec les autres par le biais d'un talkie-walkie.


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  1   Q.  Merci. Concernant le déplacement de la population, saviez-vous que

  2   c'était les autorités qui ont fait bouger la population en envoyant des

  3   messages dans chaque village, à savoir que ces personnes devaient se

  4   rassembler à Potocari, et que ceci est arrivé bien avant la survenue des

  5   Serbes ?

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que je peux demander s'il y a un

  7   fondement pour cette partie-ci de la question : "Tout ceci est arrivé bien

  8   avant l'arrivée des Serbes," que les messages étaient envoyés dans les

  9   villages pour que les personnes soient rassemblées et aillent à Potocari ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois qu'une déposition précédente

 11   n'a pas été mentionnée. Je crois que l'accusé peut en toute équité poser

 12   cette question.

 13   Je vais consulter mes collègues.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous pouvons poursuivre.

 16   Veuillez répondre à la question, Monsieur Boering, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais rien à ce sujet.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Alors je vais essayer de vous aider, vous, les Juges de la Chambre,

 20   ainsi que M. Nicholls. C'est quelque chose qui nous a été -- pour lequel le

 21   témoin précédent nous a fourni une explication. Il n'était au courant de

 22   rien avant l'arrivée des autorités. Il disait que les gens se déplaçaient

 23   en direction de Potocari.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant voir le

 25   19721 numéro 65 ter du prétoire électronique, s'il vous plaît ?

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Nous faisons valoir qu'il n'y avait aucune menace ou danger pour la

 28   population civile et que ce sont les civils, sur la base de leurs propres


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  1   estimations et craintes, qu'ils se sont rassemblés à Potocari, n'est-ce pas

  2   ?

  3   Ce document concerne --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez attendre. Vous avez présenté

  5   votre thèse au témoin et laissez le témoin répondre. Attendez.

  6   Vous avez entendu la question, Monsieur Boering. M. Karadzic a présenté sa

  7   thèse. Il a précisé qu'il n'y avait aucune menace -- que la population

  8   civile ne faisait l'objet d'aucune menace et n'était pas en danger et que

  9   les civils, en se basant sur leurs propres estimations de la situation et

 10   leurs propres craintes, se sont rassemblés à Potocari; êtes-vous d'accord

 11   avec cela ?

 12   La question ne concerne pas le document que vous avez sous les yeux.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Y avait-il des contacts en ville entre les civils et l'armée serbe ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une question à la fois, Monsieur

 16   Karadzic.

 17    LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec ce que dit M.

 18   Karadzic. Il y avait effectivement parmi la population un sentiment de

 19   crainte. La population ne savait absolument pas quoi faire, et moi-même,

 20   j'étais parmi eux, je me suis entretenu avec un certain nombre de personnes

 21   à plusieurs reprises, et ils m'ont demandé ce qu'ils devaient faire. Cela

 22   comprenait des personnes que je connaissais depuis longtemps et j'avais de

 23   bons rapports, de bonnes relations avec ces personnes.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Merci. Peut-être que je n'ai pas été très habile lorsque j'ai posé ma

 26   question. Ma question était censée signifier ceci : Y avait-il des contacts

 27   entre l'infanterie serbe et les civils en ville, ou est-ce que les civils

 28   s'étaient rendus à Potocari avant cela ?


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  1   R.  Personnellement, pendant les deux ou trois jours qui ont précédé la

  2   chute de Srebrenica, pour ce qui est de Potocari, je n'ai pas d'avis à

  3   donner sur la journée et demie qui a précédé la chute de l'enclave;

  4   cependant, il y avait de nombreuses personnes qui se dirigeaient vers

  5   Potocari. Je crois qu'il s'agissait plutôt d'un rassemblement autour de

  6   Srebrenica.

  7   Q.  Est-ce que quelqu'un a fait l'objet de menace -- est-ce que quelqu'un a

  8   été menacé par des fusils à Potocari ? Veuillez bien regarder ce document,

  9   s'il vous plaît, qui commence par : "On fait état de rumeurs de personnes

 10   qui étaient retenues à bout portant," et ensuite il a été dit que cela

 11   n'avait pas été le cas.

 12   L'INTERPRÈTE : Correction : Ces personnes avaient été retenues sous la

 13   menace d'un fusil.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors vous parlez de menace, de fusils à

 15   Potocari. Je ne sais pas très bien de quoi vous parlez. Aux mains de qui ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  J'essaie de vous dire -- écoutez, regardez ce document. On indique que

 18   des fusils étaient dirigés vers certaines personnes. C'est ce qui a été

 19   dit. Ensuite il s'est avéré que ceci n'était pas arrivé. Vous-même vous

 20   avez confirmé que ceci n'était pas arrivé.

 21   R.  D'après ce que je vois, ce rapport a été rédigé au moment où l'enclave

 22   était déjà tombée. Le flot de réfugiés était déjà parti vers Potocari, et

 23   il est qu'il y avait un certain nombre de soldats serbes qui étaient là

 24   près de l'usine, justement c'est la situation autour de l'usine, c'est-à-

 25   dire à Potocari, qui nous intéresse. Est-ce que ces civils étaient menacés

 26   par des armes, ou est-ce qu'il y avait une communication normale avec les

 27   soldats serbes, comme on le voit décrit ici ? Je peux donner lecture en

 28   anglais et on vous le traduira.


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  1   "Ils sont également allés encercler l'usine à quelque 200 mètres de la base

  2   dans la direction de Potocari où se trouvait un grand nombre de réfugiés.

  3   Les observateurs militaires des Nations Unies ont été sollicités pour

  4   s'entretenir avec des soldats de l'armée la Republika Srpska pour lesquels

  5   on avait indiqué qu'ils avaient tourné leurs fusils de façon menaçante en

  6   direction des réfugiés au niveau de l'usine. Or, il s'est avéré que ce

  7   n'était pas exact une fois que nous sommes arrivés. Au contraire, nous

  8   avons vu des soldats de l'armée des Serbes de Bosnie donner des cigarettes

  9   et des confiseries à des réfugiés, et j'espère qu'on ne dira pas que ça

 10   avait été fait pour faire semblant."

 11   Alors vous n'avez vu vous-même personne de menacer par des armes; c'est

 12   bien cela, Monsieur ?

 13   R.   J'ai lu le rapport, qui a probablement été rédigé par les observateurs

 14   militaires des Nations Unies à cette époque. Je m'étais renseigné auprès de

 15   ces observateurs militaires des Nations Unies et je leur avais demandé de

 16   se placer à proximité du bâtiment où avait lieu le tri des hommes, pour

 17   qu'il y ait déportation, et ceux-là avaient été menacés par des armes, en

 18   effet. D'après ce que je crois comprendre de ce rapport, il ne m'est pas

 19   possible d'en juger parce que je n'ai pas fait des constatations de cette

 20   sorte. Mais, en même temps, j'ai été présent à l'occasion d'un autre

 21   événement où il y avait implication d'un certain nombre de membres de

 22   l'équipe des observateurs des Nations Unies, et si je me souviens bien des

 23   choses, ils ont été là-bas sous le commandement d'un dénommé Kingori.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

 26   cette pièce ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1969.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc, à cette époque, vous n'aviez vu aucun meurtre, mais vous et vos

  3   collaborateurs, vous avez vu et filmé neuf cadavres à côté d'un puits, mais

  4   vous n'avez pas vu quand et où ces gens ont été tués; c'est bien cela ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 65 ter 02003.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Il s'agit d'un rapport du corps, daté du 13 juillet, où il est dit que

 10   200 ou 300 soldats ennemis avaient réussi à passer vers le secteur du mont

 11   Udrc, et que là-bas, il y avait des combats en cours. Au paragraphe 3, on

 12   dit :

 13   "La zone de responsabilité du corps se trouve être placée sous contrôle

 14   complet. Pour le moment --" "-- il y a pour le moment des transports de

 15   l'enclave de Srebrenica organisés pour quelque 15 000 habitants musulmans."

 16   Alors c'est probablement la fin du rapport de combat pour cette journée-là.

 17   Alors est-ce que vous avez entendu des échanges de coup de feu ? Est-ce que

 18   vous avez eu des rapports pour ce qui est des combats qui se seraient

 19   produits autour de Srebrenica, dans les forêts et aux monts environnants ?

 20   R.  D'après ce que j'ai compris, il y a eu un certain nombre de militaires

 21   musulmans avoir quitté l'enclave pour s'efforcer d'atteindre Tuzla. Je ne

 22   savais pas quel était leur nombre; cependant, quoi qu'il en soit il s'est

 23   probablement agi pour la plupart des cas de militaires en possession

 24   d'armes parce que parmi les hommes parmi les réfugiés autour de Potocari,

 25   il n'y a pas eu beaucoup d'hommes. Lorsque j'ai accompagné le premier

 26   transport de réfugiés, premier convoi - et il s'agissait peut-être de dix à

 27   15 autocars - le chemin que nous avons emprunté -- plutôt, laissez-moi

 28   d'abord dire que nous nous sommes arrêtés deux fois chemin faisant parce


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  1   qu'il y a eu des échanges de tir. J'ai supposé qu'il s'agissait de gens

  2   s'efforçant de fuir vers Tuzla, et que c'était des Musulmans essayant de

  3   parvenir jusqu'à Tuzla. C'est ainsi que je me souviens de l'événement.

  4   Q.  Dernière page, où il y a "décision." Voyez donc ce que le général

  5   Krstic a décidé à la date du 13 juillet. Il s'agissait de procéder au

  6   contrôle des territoires, bloquer, emprisonner, désarmer, briser les

  7   effectifs des Musulmans, protéger la population et les biens matériels en

  8   s'assurant en même temps contre toute attaque dans le dos sur les lignes de

  9   défense et assurer des voies de communication, et cetera, et cetera.

 10   Alors vous voyez que le général Krstic, dès ce moment-là, avait considéré

 11   que l'une des choses importantes consistait précisément à protéger la

 12   population ?

 13   R.  Je vois que c'est ce que le document nous dit.

 14   Q.  Est-ce que vous avez eu des informations qui vous rendrait ceci

 15   familier pour ce qui est du comportement d'un commandant militaire ? Est-ce

 16   que vous aviez eu des informations montrant que c'est bel et bien ainsi que

 17   les choses ont été faites ?

 18   R.  C'est ce qu'on pourrait décrire comme étant un comportement correcte,

 19   une bonne façon de se comporter.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander le versement au

 22   dossier de cette pièce ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1970, Madame,

 25   Messieurs les Juges.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 10 -- 01983, de

 27   la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Penchez-vous donc sur ceci. Il s'agit d'un ordre et pour ce qui est du

  2   descriptif relatif aux ennemis, on dit que :

  3   "L'ennemi, dans l'enclave de Srebrenica, est complètement anéanti. On est

  4   en train de nettoyer le terrain."

  5   Alors, page 3, s'il vous plaît, pour ce qui est de la version anglaise.

  6   C'est le paragraphe 9, petit (c) qui nous intéresse.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante en version anglaise, s'il vous

  8   plaît, et la page 3, en version serbe, s'il vous plaît.  Alors on parle de

  9   la "Sécurité" au petit (c).

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Je vous renvoie vers le paragraphe en dessous :

 12   "On dit que la population musulmane civile et la FORPRONU ne sont pas les

 13   cibles de nos opérations, les rassembler et les garder sous garde, sous

 14   gardiennage, et détruire, briser les groupes armés de Musulmans."

 15   Alors est-ce que ce type de comportement a été celui que vous aviez vu ?

 16   R.  Je ne peux pas vous fournir une position complète à ce sujet.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous êtes

 18   en train de poser au témoin des questions relatives à l'opération de Zepa

 19   ou relative à l'attaque de Srebrenica ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, du point de vue du Corps de la

 21   Drina, il s'agissait de deux enclaves qui étaient prises ensemble ou

 22   abordées ensemble, et l'ordre portait sur le comportement à adopter vis-à-

 23   vis de la population et vis-à-vis de la FORPRONU tant pour ce qui est de

 24   Zepa que pour ce qui est de Srebrenica. C'est un document qui est classé

 25   strictement confidentiel et secret militaire.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez entendu la réponse du

 27   témoin.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous allez accepter le versement au


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  1   dossier de ce document ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que vous aurez d'autres

  3   occasions de demander son versement au dossier.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je suis d'accord, merci.

  5   Penchons-nous maintenant sur le 02023, de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire, Monsieur Boering, que ce n'est

  8   que le 12 juillet qu'on a commencé à assurer du carburant ?

  9   Et on dit :

 10   "Conformément à l'ordre du commandant de l'état-major principal de l'armée

 11   de la Republika Srpska, pour ce qui est d'assurer 50 autocars à des fins

 12   d'évacuation de la population dans l'enclave de Srebrenica, nous vous

 13   prions de nous approuver à titre complémentaire les quantités et type de

 14   carburant suivant …"

 15   Puis on dit aussi : Quand est-ce que ces autocars vont être assurés

 16   pour ce qui est des municipalités de Pale, Sokolac, et cetera ? Et on dit

 17   que la destination est pour le moment encore inconnue.

 18   Alors le commandant du Corps de la Drina, celui qui est un commandant

 19   sortant, ne sait pas où les réfugiés demanderont à partir. Ce n'est que le

 20   12 donc que l'on prépare les autocars et le carburant, une fois que le

 21   général Mladic a été informé par la direction musulmane concernant ce que

 22   celle-ci souhaitait; c'est bien cela ?

 23   R.  Je vois la date de ce document, qui est celle du 12 juillet, et c'est

 24   le 12, vers la pause déjeuner, donc vers midi que j'ai vu un nombre assez

 25   grand d'autocars à Potocari, autocars qui étaient prévus pour le tout

 26   premier convoi.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce


Page 22150

  1   document ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D1971, Madame,

  4   Messieurs les Juges.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-il exact de dire, Monsieur Boering, que c'est le 13 au matin qu'on

  7   a commencé à faire monter les gens sur les autocars, même avant que les

  8   Serbes ne fassent leur apparition ?

  9   R.  Ça, je ne le sais pas. Je n'étais plus présent sur les lieux.

 10   Q.  Ah oui, excusez-moi, c'est vrai, vous étiez déjà parti. Mais penchons-

 11   nous sur le 65 ter, 2352, s'il vous plaît. Etes-vous d'accord avec moi pour

 12   dire que ceci est un rapport relatif à la date du 12 juillet ? Vers le

 13   début de la soirée, on dit que :

 14   "Le transport des réfugiés a été stoppé en raison de la nuit, et qu'au

 15   matin à 7 h, on recommencera à les transporter. Les réfugiés ont été

 16   déchargés à quelque quatre kilomètres de la ligne des combats vers Tuzla  -

 17   -

 18   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien compris.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  -- alors tous ont été bien traités et personne n'a été blessé. Ça a été

 21   dit par l'un des soldats hollandais qui avait accompagné le convoi.

 22   Alors c'était vous qui étiez dans l'un des convois qui se dirigeait vers

 23   Kakanj, n'est-ce pas ?

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : Il fallait entendre Kladanj et non

 25   pas Kakanj.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais avec l'un des convois, le tout

 27   premier. Pour ce qui est des autres convois, je ne sais pas ce qu'il en a

 28   été. Pour ce qui est du tout premier convoi où j'ai été impliqué moi-même,


Page 22151

  1   j'ai pu voir qu'à l'arrivée, lorsque nous sommes arrivés jusqu'à l'endroit

  2   où à partir duquel les réfugiés étaient censés continuer à pied, que l'on

  3   avait dissocié du reste les hommes pour les emmener de côté vers la forêt,

  4   et moi, je n'ai pas été autorisé de les suivre.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-il exact de dire, Monsieur Boering, qu'ils n'ont pas marché depuis

  7   la ligne de conflit jusqu'à Tuzla, mais jusqu'au début du territoire qui

  8   était contrôlé par les Musulmans ?

  9   R.  Je n'ai pas très bien compris votre question.

 10   Q.  Certains témoins, issus des effectifs militaires étrangers, on a dit

 11   qu'on les avait emmenés jusqu'à la ligne de confrontation et qu'on les a

 12   fait marcher à pied jusqu'à Tuzla. Moi, je considère qu'ils n'ont marché

 13   que sur le "no man's land." Or, Tuzla c'est très loin et il serait

 14   complètement déraisonnable d'affirmer qu'ils ont fait tout ce trajet à

 15   pied, qu'ils ont marché dans cette direction sur peut-être trois ou quatre

 16   kilomètres seulement et non pas sur la route entière, la longue entière de

 17   la route jusqu'à Tuzla ?

 18   R.  Oui, ils ont marché sur quatre ou cinq kilomètres, en effet.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

 21   cette pièce ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1972, Madame,

 24   Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il serait temps d'en terminer, Monsieur

 26   Karadzic.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 22152

  1   Q.  Est-il exact de dire, Monsieur - et c'est ce qui figure au 92 ter, à

  2   savoir dans votre témoignage dans l'affaire Popovic - vous avez dit que

  3   vous n'avez pas été bien accueilli à Kladanj, du côté musulman; c'est bien

  4   cela ? C'est-à-dire ils ne vous faisaient pas confiance et ils ont eu une

  5   attitude hostile à votre égard, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Merci, Monsieur Boering. Je viens d'en terminer avec le temps qui m'a

  8   été imparti, et je vous remercie de vos réponses aimables.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, avez-vous des

 10   questions complémentaires ?

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Boering -- ou Colonel Boering, hier,

 14   on vous a posé toute une série de questions pour ce qui est des tirs sur la

 15   population. Il s'agit de la page 22 124 du compte rendu, et il en a même

 16   été question aujourd'hui pour ce qui est de cette population civile de

 17   l'enclave qui s'est dirigé vers Potocari à la date du 11. Vous avez dit,

 18   hier, en page 22 086, on vous a posé des questions au sujet des

 19   négociations au sujet desquelles cela était la raison pour laquelle les

 20   gens ont décidé d'aller à Potocari puis de s'en aller, y compris M. Akashi

 21   et les Musulmans. Alors il a été aussi question en page 22 122 de la date à

 22   laquelle cela s'est passé, le 8 ou le 11 juillet, et s'il y a eu des

 23   pilonnages à l'époque. On a posé aussi des questions à ce sujet aujourd'hui

 24   aussi. J'aimerais qu'on se penche sur un certain nombre de documents datant

 25   de cette période.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais qu'on montre le 02342 de la

 27   liste 65 ter sur nos écrans, s'il vous plaît. Pouvons-nous faire zoomer

 28   afin que le colonel puisse lire ?


Page 22153

  1   Q.  Il s'agit d'un rapport des observateurs militaires des Nations Unies

  2   daté du 10 juillet. Il s'agit de 13 heures 38, donc en début d'après-midi.

  3   Alors je vous renvoie vers ce paragraphe, c'est assez court, Colonel. On

  4   dit :

  5   "Sujet : Nouveauté au sujet de la situation.

  6   "La commune de Srebrenica a été lourdement pilonnée. On a enregistré 49

  7   obus entre 12 heures 50 et 13 heures 53 cet après-midi, neuf obus ont été

  8   tirés sur la ville-même …"

  9   Puis un peu plus loin, on dit :

 10   "Nous estimons que la situation présente ne fait que se détériorer. Nous

 11   sommes toujours en train d'assurer un monitoring."

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais puis-je dire aussi que M. Nicholls est en

 13   train de sauter des passages où il est justement question "d'échange de

 14   tirs" ?

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est bon. C'est bon. Alors :

 16   "Il y a eu des tirs en direction de la ville et il y a eu des

 17   échanges occasionnels de tirs. Nous estimons que la situation présente ne

 18   fait que se détériorer."

 19   Q.  Alors, à la lecture de ce paragraphe, Monsieur, que pouvez-vous faire

 20   comme commentaire au sujet de la gravité du pilonnage de la ville de

 21   Srebrenica à la date du 10 juillet ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, et nous voudrions aussi savoir la

 23   signification des abréviations HMG et SA.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, je dois avouer que je n'en étais pas

 25   sûr moi-même.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] HMG, ça veut dire "heavy machine-gun," c'est-

 27   à-dire "mitrailleuse lourde." SA, ça veut dire "arme d'infanterie," donc ce

 28   sont des armes légères, par opposition à armes lourdes. Dans ce rapport, on


Page 22154

  1   décrit les résultats des tirs dirigés vers l'enclave, et on voit que ce

  2   n'était pas des tirs dans une quantité limités, mais que c'était plutôt

  3   extensif, et l'une des missions des observateurs militaires des Nations

  4   Unies c'était justement de compter le nombre de projectiles et d'assurer un

  5   suivi de la situation.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation]

  7   Q.  Merci.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais demander le versement au dossier

  9   de ce document.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça sera versé au dossier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du P3991.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation]

 13   Q.  Toujours le même sujet, Colonel Boering, mais maintenant nous allons

 14   passer à la date du 11 juillet.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais, à cet effet, qu'on nous montre

 16   le 02346, un autre rapport des UNMO pour l'après-midi, et je voudrais que

 17   ce soit zoomé afin que le colonel Boering puisse lire ce qui y est dit.

 18   Q.  Alors je vais vous en donner lecture, autant que M. Karadzic a bien

 19   voulu en donner lecture :

 20   "En ce moment, on ne peut plus compter le nombre de personnes dans ce flot

 21   de réfugiés et de blessés. Nous estimons qu'il y a quelque 20 000 réfugiés

 22   qui sont arrivés vers la base néerlandaise de Potocari et il y en a encore

 23   qui arrivent. Depuis l'envoi de notre dernier rapport, les pilonnages de la

 24   ville ont continué en dépit des frappes aériennes. La ville se trouve entre

 25   les mains des forces des Serbes de Bosnie. Au cas où les bombardements

 26   continueraient, il y aura des pilonnages pour ce qui est de tout ce qui se

 27   trouve au sein de l'enclave. C'est valable pour la FORPRONU et les autres

 28   organisations des Nations Unies.


Page 22155

  1   "La Compagnie B a quitté la base de Srebrenica…" - je suis en train de

  2   sauter des passages - "Les frappes aériennes au nord de l'enclave n'ont pas

  3   encore commencé, ce qui signifie que la base est une cible très facile avec

  4   ses armements en bordure nord de l'enclave."

  5   A l'occasion de l'interrogatoire effectué par M. Karadzic, on a vu le

  6   rapport du commandant Karremans, qui dit qu'ils sont comme des canards

  7   explosés au tir. Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer la situation

  8   pour ce qui est de l'enclave et nous dire ce que vous pensez de ce rapport

  9   ? Est-ce que ce rapport exprime de façon exacte la description de la

 10   situation telle qu'elle se présentait à la date du 11 juillet autour de

 11   cette base de Potocari ?

 12   R.  Le rapport que j'ai sous les yeux, oui, je suis tout à fait d'accord

 13   que se dit ce texte et je m'en souviens effectivement, pour ce qui est de

 14   M. Mladic, il a été dit pendant certains pourparlers que, si les frappes

 15   aériennes devaient se poursuivre, M. Mladic n'aurait aucun mal à nous

 16   pilonner dans l'enclave, et à nous pilonner aussi. Ceci s'est passé sur la

 17   crête nord de l'enclave, et il y avait suffisamment de cibles --

 18   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète et point d'interrogation.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était possible de tirer sur Potocari depuis

 20   cet endroit. Il y avait des gens qui tiraient depuis les collines et qui

 21   tiraient sur Srebrenica et ces environs. Ils tiraient depuis ces positions-

 22   là. Nous savions qu'il y avait cette éventualité-là qui pouvait tirer

 23   depuis leurs positions dans les collines.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation]

 25   Q.  C'est avant votre première réunion avec le général Mladic ce même jour,

 26   n'est-ce pas, que ce rapport a été publié ?

 27   R.  Si je regarde la date, oui, c'est exact.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce


Page 22156

  1   document, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3992, Madame, Messieurs

  4   les Juges.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation]

  6   Q.  Un ou deux documents.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Le 02347, un autre document daté du 11

  8   juillet un rapport des observateurs militaires des Nations Unies un peu

  9   plus tard dans la journée.

 10   Q.  Je ne vais pas lire l'intégralité du document pour pouvoir gagner du

 11   temps, mais ce document parle de la quantité d'eau qui reste pour toutes

 12   les personnes présentes et le Bataillon néerlandais, la nourriture qu'il y

 13   a encore à disposition, que le nombre de blessés graves correspond à 35 et

 14   qu'il est impossible de dénombrer le nombre de blessés légers. Que le

 15   Bataillon néerlandais ne peut pas fournir une aide importante et les

 16   médecins sans frontières non plus. Voici donc ma question : Veuillez

 17   regarder ceci et dites-nous si ceci est conforme à la situation dans la

 18   base d'après vos souvenirs à la date du 11 juillet ?

 19   R.  Oui. Ceci est le reflet de la situation à l'époque et, si je regarde

 20   les heures, ceci a été envoyé vers 16 heures, donc avant même que cette

 21   réunion avec le général Mladic n'ait lieu, donc je parle de la première

 22   réunion.

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document a déjà été versé au dossier

 26   et porte la cote P841.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, c'est exact. Pardonnez-moi.

 28   Dernier document, 02348, encore une fois, daté du 11 juillet, ce document


Page 22157

  1   évoque la situation à la base de Potocari et dans l'enclave.

  2   Q.  Nous sommes maintenant à 17 heures.

  3   "Le nombre de blessés graves est passé à 50 …"

  4   Je vais paraphraser pour gagner du temps. Le Bataillon néerlandais

  5   tente de faire quelque chose pour ce qui est de la situation sur le plan

  6   alimentaire mais il n'y en a pas assez pour les 48 heures à venir. Le

  7   Bataillon néerlandais à l'intention de mettre sur pied une petite zone

  8   protégée dans l'enceinte de Bataillon néerlandais pour protéger les

  9   réfugiés.

 10   Si vous regardez le troisième paragraphe également, qui évoque les tirs de

 11   l'armée serbe de Bosnie, à savoir la VRS, 22 obus de roquette en direction

 12   de Dugo Polje et on peut le -- le son est très proche et le sentiment de

 13   panique se développe à chaque fois qu'un obus tombe.

 14   Vous avez parlé de cela, Vous avez dit que le pilonnage avait pour but

 15   d'effrayer les réfugiés et les civils. Pourriez-vous commenter de cela, et

 16   la situation que ce document décrit peu de temps avant votre première

 17   réunion avec le général Mladic, qu'adviendrait-il des personnes qui se

 18   trouvaient là ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir. Il serait plus

 20   juste si M. Nicholls disait au témoin où ces obus ou sur quoi ces obus

 21   étaient lancés parce qu'on dit ici qu'il y avait un nombre important de

 22   personnes qui participaient au combat.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que le témoin est à même de lire le

 24   document. Je lui demande simplement d'expliquer cela et nous saurons

 25   davantage d'où provenait le pilonnage ensuite je pourrais lui poser la

 26   question.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Alors veuillez poursuivre.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Le document évoque le fait qu'à différents


Page 22158

  1   endroits, il y avait des tirs indirects, et que ceci semait la terreur

  2   parmi la population et les réfugiés encore davantage, parce qu'il ne savait

  3   pas comment la situation allait évoluer, et ceci décrit fort bien la

  4   situation telle que je l'ai vécue également. Ceci a conforté la population

  5   dans l'idée qu'elle pouvait encore être en sécurité en quelque sorte à

  6   Potocari, dans les environs de Potocari.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

  8   de ce document, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à quel endroit ce

 10   document indique-t-il qu'un nombre important de personnes participait au

 11   combat ou aux tirs de coups de feu ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi, Excellences, cela figurait dans

 13   le document précédent, à savoir qu'un nombre important de combattants

 14   musulmans participaient au combat. Nous sommes ensuite rapidement passé à

 15   un autre document, d'où mon erreur, et c'est la raison pour laquelle je

 16   soulève une objection maintenant, car aucun motif militaire n'a été avancé

 17   ici pour que l'on puisse tirer sur Budak ou d'autres villes ou est-ce qu'il

 18   s'agissait simplement d'une mesure d'intimidation.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre intervention est inconvenante.

 20   Nous allons verser au dossier ce document.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3993, Madame, Messieurs

 22   les Juges.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Q.  Un peu plus tôt aujourd'hui, vers la fin de votre contre-

 25   interrogatoire, M. Karadzic vous a posé une question - cela se trouve aux

 26   pages 11 et 12 - sur le général Krstic, et vous a montré son rapport daté

 27   du 13 juillet, et vous a demandé que, si ceci reflétait un comportement

 28   approprié de la part du commandant, en citant en particulier un passage qui


Page 22159

  1   évoquait la population, je pense qu'il s'agissait là de la population

  2   musulmane et non pas de la population serbe.

  3   Je souhaite vous montrer un rapport émanant du général Krstic, commandant

  4   du Corps de la Drina. Il était membre d'état-major, et ce document est daté

  5   du 17 juillet 1995.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Le numéro 65 ter est le 02007, s'il vous

  7   plaît.

  8    Q.  Nous voyons qu'il s'agit d'un document qui est daté du 17 juillet. Je

  9   souhaite regarder le bas de la page en anglais, le troisième paragraphe,

 10   cela a été affiché en serbe également.

 11   Je suis sûr que vous n'avez pas vu ce document auparavant, prenez

 12   quelques instants pour lire ce paragraphe, intitulé, la situation

 13   territoriale dans la zone de responsabilité, bien évidemment du Corps de la

 14   Drina.

 15    "La situation territoriale du Corps est placée sous le contrôle de

 16   nos unités, même si une sécurité totale et entière n'a pas encore été

 17   établie dans le périmètre de ces villages d'où l'ennemi est en train de

 18   battre en retraite …" on parle d'évacuation.

 19   Ensuite je souhaite voir le bas du paragraphe, et ensuite il faudra

 20   passer à la page suivante : 

 21   "Au cours des trois derniers jours, suite au transport de la

 22   population civile de l'ancienne enclave de Srebrenica à Kladanj, il y a eu

 23   de nombre de cas croissant de personnes qui se seraient perdues et qui

 24   revenaient vers nous, depuis Kladanj qui sont arrivés sur leur ligne de

 25   défense. Après avoir été averti par nos soldats, elles ont essayé de

 26   s'enfuir. Hier, deux femmes sont arrivées de Kladanj, de la direction de

 27   Kladanj et sur les premières lignes de défense de la Vlpbr dans le secteur

 28   de Luka. Et comme elles ont refusé de se rendre et qu'elles se sont enfuies


Page 22160

  1   en direction de Kladanj, on leur a tiré dessus et elles sont mortes en

  2   conséquence."

  3   Vous étiez donc un officier au sein de l'armée, des réfugiés civils

  4   qui se perdent et qui se redirigent vers les lignes serbes, la solution du

  5   général Krstic consistait alors à les avertir, à leur demander de se

  6   rendre, et ensuite de leur tirer dessus et de les tuer. Pourriez-vous

  7   décrire cela et nous en parler ? Je vais vous poser la même question que

  8   vous a posée M. Karadzic : Comment ceci est-il l'illustration d'un

  9   comportement convenable de la part d'un commandant ou d'un comportement

 10   digne d'un officier ? Il y a une objection, donc veuillez ne pas répondre

 11   encore, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, objection parce

 14   que ceci ne découle pas du contre-interrogatoire.

 15   M. NICHOLLS : [aucune interprétation] 

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Nicholls a cité un certain passage,

 17   extrait d'un ordre donné par le général Krstic, le 13 juillet, comment

 18   répondriez-vous à cet argument ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Parce que ce document traite d'un incident

 20   qui date du 17 juillet, qui n'a rien à voir avec ce qui a été abordé par le

 21   Dr Karadzic pendant son contre-interrogatoire. Donc --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi, lorsque j'ai posé la

 23   question à M. Karadzic, à savoir comment ce document avait un quelconque

 24   lien avec Zepa, comment ceci avait un rapport avec l'enclave de Srebrenica

 25   ? Ensuite il a dit que c'était un document à caractère général qui avait

 26   trait à la population ou qui concernait la population civile. Pourquoi

 27   l'Accusation ne peut-elle pas verser ce document pour réfuter cet argument-

 28   là ?


Page 22161

  1   M. ROBINSON : [interprétation] Parce que cela évoque un tout nouvel

  2   incident qui n'a pas fait partie du contre-interrogatoire. Si vous tentez

  3   de définir l'action de quelqu'un envers la population civile qui s'est

  4   produit pendant le mois de juillet, par exemple, cela pourrait découler du

  5   contre-interrogatoire, et ceci est injuste vers l'Accusation, parce qu'à ce

  6   moment-là, on peut élargir de façon incroyable le contre-interrogatoire, et

  7   les questions supplémentaires peuvent à ce moment-là donner lieu à des

  8   questions posées par la Défense, après cela.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je répondre ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez marquer une pause, s'il vous

 11   plaît.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Alors la question concernant le document

 13   daté du 13 juillet a été posé pour montrer que le général Krstic était un

 14   commandant professionnel, un bon commandant, parce qu'il souhaitait assurer

 15   la protection de la population civile. Cela a laissé entendre qu'il

 16   s'agissait -- ou laisser entendre qu'il s'agissait, dans ce cas de la

 17   population civile, et quatre jours plus tard, ce sont les mêmes personnes,

 18   les réfugiés, les femmes, les civils de Potocari, il s'agit toujours du

 19   même commandant. Lorsque ces femmes ont été transportées ou qu'elles se

 20   sont perdues, lorsqu'elles se dirigeaient vers les lignes du Corps de la

 21   Drina, le rapport de Krstic a dit que leur politique consistait à leur

 22   demander de se rendre, et ensuite à les tuer. Donc je crois que cela

 23   découle directement de cela et qu'une porte a été ouverte qui nous permet

 24   de poser la question. Je crois que nous n'allons pas trop loin, et lorsque

 25   vous ouvrez une porte, dans ce cas, il faut pouvoir en accepter les

 26   conséquences.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je préciser la pensée de Me Robinson ?


Page 22162

  1   Ceci est arrivé à 60 kilomètres de Srebrenica, et quatre jours après la fin

  2   de l'évacuation. Troisièmement, il ne s'agit pas d'une décision prise par

  3   le général Krstic, il était simplement en train de rédiger un rapport sur

  4   les événements. Il ne disposait pas des informations, il n'avait pas -- il

  5   n'a pas eu le temps de donner un ordre pour que ces personnes soient tuées.

  6   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci est arrivé sur la ligne de front, loin de

  8   Srebrenica.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Nicholls n'a pas dit que le général

 10   Krstic avait donné l'ordre pour que ceci soit fait.

 11   Nous sommes d'accord pour dire que la remarque de M. Nicholls porte

 12   sur un cadre temporaire analogue, porte sur les mêmes personnes et il est

 13   parfaitement légitime de poser cette question.

 14   Ceci sera versé au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P3994, Madame, Messieurs les Juges.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Sauf votre respect, Votre Excellence, M.

 17   Nicholls a dit que la solution avait été fournie par Krstic.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Non.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Microphone, s'il vous plaît.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame, Messieurs les Juges,

 21   je crois que le témoin n'a pas répondu à la question que je lui ai posée.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est exact, pardonnez-moi.

 23   Si vous vous souvenez de la question, est-ce que vous pouvez y

 24   répondre, s'il vous plaît ?

 25   M. NICHOLLS : [interprétation]

 26   Q.  Voici donc ma question : Ce rapport, tel que vous le lisez, est-il

 27   l'illustration, ou est-il le reflet d'un comportement adéquat de la part

 28   d'un commandant ou d'un officier digne de ce nom ?


Page 22163

  1   R.  Ce qui est décrit ici est ce qu'on appelle un crime de guerre, et un

  2   commandant digne de ce nom devrait réagir à cela.

  3   Q.  Je vous remercie.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

  5   stade.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je avoir deux minutes ?

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Ecoutez, je soulève une objection. Peut-être

  8   que je suis allé plus vite que la musique mais cela arrive sans cesse, il

  9   demande toujours -- M. Karadzic demande toujours à vouloir poser des

 10   questions supplémentaires.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, cela porte sur ce document, la

 12   Chambre ne vous autorise pas à poser des questions supplémentaires.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, cela a trait à des documents

 14   précédents qui citent certains lieux.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, avant que nous -- avant que les

 16   Juges de la Chambre ne vous autorisent à poser des questions, nous

 17   souhaitons au préalable entendre votre question.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce qui m'intéresse c'est de savoir si ces lieux

 19   qui ont fait l'objet de cible se trouvaient à l'intérieur de la ville, à

 20   l'intérieur de l'enclave ou s'il s'agissait de collines qui étaient placées

 21   sous le contrôle de ce qui restait de l'armée musulmane. Car certaines

 22   coordonnées ont été évoquées, je souhaite savoir si ceci porte sur la ville

 23   même ou si elles concernent les points qui se trouvaient à l'extérieur de

 24   la ville.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons vous autoriser à poser cette

 26   question, mais si, oui, écoutez, si l'Accusation souhaite à nouveau poser

 27   des questions suite à la question que vous allez poser, nous allons

 28   autoriser l'Accusation à le faire.


Page 22164

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une question simplement.

  3   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Karadzic :

  4   Q.  [interprétation] Monsieur Boering, est-il exact que Gradac et Budak ne

  5   sont pas situés dans la ville mais plutôt à l'extérieur de la ville, sur

  6   les collines voisines et qu'à l'époque, ces deux -- le reste -- ce qui

  7   restait de la 28e Division se trouvait en force dans ces endroits-là.

  8   R.  Cela, je ne le sais pas, en tout cas, en ce qui concerne la deuxième

  9   partie de votre question.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il n'a pas répondu à la question. Ces deux

 14   endroits se trouvent-ils dans la ville ou à l'extérieur de la ville ? Le

 15   témoin n'a pas répondu à la question.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répondre à la question,

 17   Colonel Boering ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne se trouve pas dans la ville elle-même,

 19   mais près de la ville.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai une question à vous poser qui découle

 22   de cela.

 23   Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Nicholls :

 24   Q.  [interprétation] A la date du 11 juillet, est-ce que des obus ont été

 25   tirés au dessus de la base ?

 26   R.  Oui, cela est arrivé.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.


Page 22165

  1   J'ai une question secondaire à vous poser, Colonel Boering.

  2   Questions de la Cour :

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A propos de votre grade, est-ce

  4   que vous êtes colonel ou est-ce que vous êtes général de corps d'armée ?

  5   R.  Je suis général de corps d'armée. Par le passé, j'ai vu qu'on

  6   m'attribuait le grade de "colonel," et très souvent dans les rapports, j'ai

  7   vu le grade de "colonel," et ce qui devrait figurer c'est "général de corps

  8   d'armée."

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Donc ceci précise

 10   cette question-là.

 11   Ceci met un terme à votre déposition, à moins que mes collègues

 12   n'aient des questions à vous poser. Au nom des Juges de la Chambre de ce

 13   Tribunal, nous vous remercions d'être venu déposer à La Haye. Vous êtes

 14   libre de partir, et nous allons nous lever tous ensemble.

 15   Nous allons faire une pause et revenir à 11 heures moins 5.

 16   [Le témoin se retire]

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande au témoin de nous donner

 21   lecture de la déclaration solennelle.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN : EVERT ALBERT RAVE [Assermenté]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Mettez vous à l'aise, Monsieur.

 27   A vous, Madame West.

 28   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,


Page 22166

  1   Messieurs les Juges.

  2   Monsieur le Greffier, je voudrais qu'on nous passe le 65 ter 90299, s'il

  3   vous plaît.

  4   Interrogatoire principal par Mme West :

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Comment vous appelez-vous ?

  8   R.  Je m'appelle Evert Albert Rave.

  9   Q.  Est-ce que vous êtes à la retraite de l'Armée royale néerlandaise ?

 10   R.  Oui, je suis à la retraite depuis l'an 2009.

 11   Q.  Quel a été votre grade ?

 12   R.  J'ai été commandant.

 13   Q.  Vous avez témoigné dans l'affaire Krstic en 2000 ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Dans l'affaire Tolimir en 2010 ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Il y a une déclaration consolidée qui comporte les parties pertinentes

 18   de vos témoignages, y compris la déclaration que vous aviez faite en 1998

 19   au bureau du Procureur. Cette déclaration est sur l'écran. Vous l'avez

 20   examinée et signée le 10 novembre, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Et --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Tous les deux, vous parlez

 24   la même langue. Je vous demande de faire des pauses entre les questions et

 25   les réponses.

 26   Mme WEST : [interprétation] Oui. Merci.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Ce n'est que maintenant que

 28   la version française vienne de se terminer.


Page 22167

  1   Mme WEST : [interprétation]

  2   Q.  Pouvez-vous confirmer le fait que votre déclaration reflète de façon

  3   précise ce que vous avez dit dans vos témoignages antérieurs ainsi qu'à

  4   l'occasion de cette déclaration faite auprès du bureau du Procureur ?

  5   R.  Oui, c'est bien ce qui s'y trouve.

  6   Q.  Monsieur, si on vous posait les mêmes questions sur les mêmes sujets de

  7   nos jours, est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses aux Juges de la

  8   Chambre ?

  9   R.  Oui, je fournirais exactement les mêmes réponses.

 10   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander le

 11   versement au dossier de cette déclaration et des pièces associées.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera versé au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P3995.

 14   Mme WEST : [interprétation] Je vais maintenant donner lecture d'un résumé

 15   de la déclaration.

 16   L'officier Evert Rave a été déployé dans l'enclave de Srebrenica en janvier

 17   1995. En sa qualité d'officier chargé des liaisons, il a été chargé des

 18   contacts avec la population musulmane au sein de l'enclave, ainsi qu'avec

 19   les représentants de la VRS à l'extérieur. M. Rave a également été

 20   conseiller chargé de la sécurité sur le terrain, et il a été conseiller du

 21   commandant du Bataillon néerlandais.

 22   A partir de la fin mars 1995, les forces des Serbes de Bosnie ont de

 23   plus en plus restreint l'arrivée des convois transportant de l'aide

 24   humanitaire vers l'enclave. Par conséquent, les civils musulmans au sein de

 25   l'enclave n'avaient pas suffisamment de vivres et de provisions, et il y a

 26   eu des cas où les civils musulmans ont fouillé dans les poubelles du

 27   Bataillon néerlandais.

 28   Ces restrictions ont également affecté le Bataillon néerlandais. Il y


Page 22168

  1   a eu des problèmes de carburant et d'acheminement de vivres. Rave avait

  2   l'impression d'être gardé prisonnier dans cette enclave.

  3   Le 3 juin, les Serbes de Bosnie se sont emparés du poste

  4   d'observation Echo en frontière sud de l'enclave. En première semaine du

  5   mois de juillet, les tensions ont monté et les pilonnages à partir des

  6   positions de la VRS se sont intensifiés. A partir du 6 juillet et pendant

  7   les journées qui ont suivi, la VRS s'est attaquée à l'enclave avec des

  8   lance-roquettes et avec des pièces d'artillerie. Rave a été témoin des

  9   points d'impact en proximité de la base des Nations Unies de Potocari.

 10   Plusieurs maisons de civils ont été touchées. A partir des rapports qui

 11   leur parvenaient, ils ont su que des civils avaient été blessés.

 12   Rave a également décrit des attaques contre les autres postes

 13   d'observation des Nations Unies pendant les journées qui ont suivi. Des

 14   soldats du Bataillon néerlandais qui ont été capturés au poste

 15   d'observation ont été ramenés à Bratunac. Le 9 juillet, les tirs à

 16   proximité de Srebrenica se sont intensifiés et, le 10, les rues étaient

 17   comblées de personnes qui étaient très anxieuses et inquiètes.

 18   Le 11 juillet, la ville a été pleine de gens qui s'étaient réunis au

 19   niveau de la base de la Compagnie Bravo, une base des Nations Unies à

 20   Srebrenica, parce que les gens avaient pensé qu'ils se trouveraient plus en

 21   sécurité. Il y a eu de la panique, les gens, les réfugiés ont traversé les

 22   clôtures, enfin ont franchi les clôtures de cette Compagnie Bravo et sont

 23   entrés dans la base des Nations Unies elle-même. Il y a eu des obus de

 24   mortiers qui sont tombés autour et il y a eu plusieurs personnes de

 25   blessées.

 26   Le Bataillon néerlandais a estimé que la chose la plus sage à faire

 27   c'était de transférer les réfugiés à Potocari, où les lieux étaient plus

 28   grands. Le témoin et le commandant Boering ont fait quitté les réfugiés


Page 22169

  1   vers Potocari, et il y avait un flot de réfugiés qui se déplaçaient dans

  2   cette même direction, vers Potocari. Les obus de mortiers tombaient des

  3   deux côtés de la route, et Rave a conclu du fait que les Serbes avaient

  4   souhaité pousser les gens vers Potocari pour que les réfugiés s'y

  5   installent. La base des Nations Unies de Potocari était bondée de gens

  6   parce qu'ils s'étaient rassemblés là, 10 à 15 000 réfugiés. Il y avait des

  7   personnes âgées, des personnes malades, des femmes et des enfants.

  8   Le 11 juillet à 8 heures du soir, Rave a participé à une première

  9   réunion qui s'est tenue à l'hôtel Fontana de Bratunac. Il est arrivé là-bas

 10   avec le colonel Karremans et le commandant Boering. A l'hôtel Fontana, le

 11   témoin a vu plusieurs soldats des Nations Unies qui avaient été capturés

 12   par les membres de l'armée des Serbes de Bosnie à l'occasion de la prise

 13   des postes d'observation.

 14   Le témoin a été surpris d'y voir le général Mladic. Tout ce qui

 15   semblait se passer à cette réunion semblait être prémédité. Il y avait une

 16   équipe de cinéma. Il n'y a pas eu de véritables négociations mais ont leur

 17   a dicté en termes simples ce qui devait se passer. Pendant les dix

 18   premières minutes de la réunion, l'ambiance était très tendue. Tous ont été

 19   coincés là. Et de l'avis du témoin, la finalité de la réunion c'était de

 20   montrer qui avait son mot à dire.

 21   Le 11 juillet à 11 heures, Rave a participé à une deuxième réunion à

 22   l'hôtel Fontana. Il y est arrivé avec le colonel Karremans, M. Boering et

 23   Nesib Mandzic, qui était venu là en tant que représentant de la population

 24   civile musulmane. Tout de suite après leur arrivée, il y a eu un cochon

 25   dégorgé à l'extérieur de la pièce où se tenait la réunion. Rave a considéré

 26   que c'était une intimidation pure et simple parce qu'il y avait Nesib

 27   Mandzic, le représentant des Musulmans, qui était présent.

 28   Une équipe de cameramen étaient présente à la réunion. Mladic a


Page 22170

  1   montré une plaque brisée qui avait été enlevée d'un bâtiment des autorités

  2   de la ville de Srebrenica, et il l'a montrée en tant que trophée témoignant

  3   de leur victoire. On leur a fait savoir qu'il fallait arranger un transport

  4   de réfugiés avec des bus, et il y a été demandé auprès de Karremans

  5   d'organiser un transport par autocar. Tous les plannings dont a parlé

  6   Mladic ont été formulés en guise de proposition, et à la fin de la réunion

  7   le témoin n'était plus du tout sûr de la nature du planning et de la façon

  8   dont cela devait être réalisé.

  9   Au matin du 12, Rave a été témoin de l'avancement des troupes des

 10   Serbes de Bosnie en direction de Potocari. Cet avancement et les pilonnages

 11   continus de Potocari ont fait très peur aux civils. Rave n'a pas été

 12   présent à l'occasion d'une troisième réunion à l'hôtel Fontana. Mais après

 13   cette réunion, toutefois, Rave et le commandant Boering sont revenus vers

 14   Bratunac pour discuter des détails au sujet des autocars et du carburant.

 15   Mais une fois arrivés vers midi, ils n'y ont retrouvé aucun représentant.

 16   Ils sont entrés en contact avec le commandant Nikolic pour être informés du

 17   fait que les autocars se trouvaient déjà à Potocari.

 18   Lorsque Rave est revenu à Potocari vers 1 heure, les autocars se

 19   trouvaient déjà là-bas. Le témoin pensait que toute cette opération de

 20   prise et de déportation de la population civile se trouvait être organisée

 21   par avance.

 22   A Potocari, Rave a pu voir des hommes musulmans âgés de 17 à 70 ans

 23   séparés des femmes et des enfants. Ils ont été gardés dans un bâtiment

 24   blanc. Le témoin a vu à plusieurs reprises des gens effrayés sortir de

 25   cette maison, tenter de s'échapper, ils criaient, ils voulaient s'échapper,

 26   ils ne voulaient pas monter à bord de l'autocar. On les a forcés à monter,

 27   on leur a donné des coups de pied et des coups autres.

 28   Le témoin a personnellement vu trois autocars quitter Potocari. Le


Page 22171

  1   Bataillon néerlandais n'a plus été en mesure d'escorter les convois, et il

  2   a vu Mladic à Potocari à la date du 12.

  3   D'après le témoin, Mladic était au cours de ce processus de

  4   séparation des hommes du reste. Mladic a dit à Rave qu'on essayait de

  5   trouver les soldats parmi les hommes qui étaient là.

  6   La déportation des réfugiés et la séparation des hommes du reste a continué

  7   le jour d'après, le 13, et après le 13, il y a eu des réfugiés blessés qui

  8   sont restés à la base de Potocari. Plusieurs jours plus tard, le 16, Rave a

  9   rencontré un représentant des civils serbes et il s'est présenté comme

 10   étant Miroslav Deronjic, et il a dit qu'il était le nouveau maire de

 11   Srebrenica. Deronjic a parlé de ses liens avec Karadzic et parlait de

 12   contacts directs avec Karadzic. Rave a assisté à une réunion entre

 13   Karremans et Deronjic.

 14   Le 17, le commandant Nikolic a dit qu'il y avait plusieurs blessés, entre

 15   autres, sept personnes qui étaient disparues de l'hôpital de Bratunac, et

 16   le 21 juillet, Rave et le Bataillon néerlandais ont quitté cette enclave.

 17   Ceci met un terme au résumé rédigé à cette fin.

 18   Q.  Monsieur, paragraphe 68, vous avez indiqué que vous avez été surpris de

 19   voir Mladic à cette première réunion qui s'est tenue à l'hôtel Fontana.

 20   Pourquoi avez-vous été surpris ?

 21   R.  Nous n'avions jamais, jusque-là, eu l'occasion de rencontrer le général

 22   Mladic. On avait fait la connaissance du général Zivanovic, qui était

 23   chargé des troupes serbes aux environs de l'enclave. Nous avons eu

 24   l'impression que les troupes serbes qui se trouvaient autour de l'enclave

 25   s'attaquaient à nous. Lorsque nous sommes allés à l'hôtel Fontana, nous

 26   nous attendions à y trouver le général Zivanovic parce que nous pensions

 27   que c'était lui qui était chargé de cette zone et nous avions pensé que

 28   c'est avec lui que nous allions négocier en fin de compte.


Page 22172

  1   Q.  Mais qui avait demandé à ce que la réunion se tienne ?

  2   R.  Je ne le sais vraiment pas, mais je pense que c'est la VRS qui avait

  3   demandé cette réunion parce que nous avions reçu des ordres du colonel

  4   Karremans pour ce qui était d'aller en sa compagnie à l'hôtel Fontana. Il

  5   n'y avait pas d'ordre du jour. Nous ne savions pas du tout à quoi nous

  6   attendre là-bas. A mon avis, la VRS avait organisé cette réunion.

  7   Q.  Mais vous nous avez dit que la réunion s'était tenue à 8 heures. A

  8   quelle heure êtes-vous arrivés ?

  9   R.  Une heure avant, à 7 heures du soir.

 10   Q.  Au paragraphe 72 de votre déclaration, vous mentionnez le fait que tout

 11   semblait avoir été prémédité pour ce qui est de cette réunion. Pouvez-vous

 12   nous dire pourquoi vous vous étiez fait cette opinion ?

 13   R.  Lorsque nous sommes entrés dans la pièce où la réunion était censée se

 14   tenir, ce que nous ne pensions pas y trouver c'était tout d'abord d'y voir

 15   le général Mladic. Nous avons vu pas mal de civils et toute une équipe de

 16   cameramen, et à ce moment-là on nous a fait nous installer dans un coin.

 17   Nous n'avions pas la possibilité de nous mettre ailleurs. L'équipe de

 18   cameramen a tout filmé. Je pense que ce n'est pas un déroulement habituel

 19   d'une réunion entre deux commandants militaires, ce n'est pas d'habitude

 20   organisé de la sorte, en particulier lorsque l'on tient compte du

 21   comportement du général Mladic et du fait que tout a été filmé. J'ai eu

 22   l'impression qu'on voulait nous intimider, mais on voulait aussi que les

 23   caméras consignent tout ce qui s'est passé.

 24   En particulier vers la fin lorsque nous avons essayé de nous en

 25   aller, le colonel Karremans a reçu l'ordre de prendre une bière avec le

 26   général Mladic. Le problème c'était qu'il ne semblait pas y avoir de bière.

 27   Alors je sais que ce n'est pas une chose tout à fait recommandable que de

 28   voir des gens prendre une bière sur un film, mais lorsque nous nous sommes


Page 22173

  1   trouvés là-bas, nous savions que lorsqu'un commandant remporte une

  2   victoire, ça donne mieux que de le voir lever un verre de vin ou de

  3   champagne. Et je n'ai pas considéré que même l'interprète qui avait

  4   interprété les négociations ou les pourparlers entre Mladic et Karremans,

  5   il s'était un peu éloigné pour qu'on voie mieux Mladic et Karremans sur les

  6   prises de vue. Donc, à mon avis, tout ceci avait été organisé par avance

  7   pour montrer au reste du monde ce qui se passait là-bas, et ce, de la façon

  8   dont Mladic avait souhaité le montrer.

  9   Q.  Monsieur, nous allons d'abord vous montrer la vidéo d'une première

 10   rencontre. C'est la référence 65 ter 40582. Nous allons commencer avec le

 11   clip qui se trouve à l'endroit 33 minutes et 22 secondes. Nous allons faire

 12   des arrêts sur image à plusieurs reprises, puis on va voir la totalité du

 13   clip.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Alors les avions de l'OTAN, à qui appartenaient-ils ? Au Néerlandais

 17   ? C'est vous qui avez demandé les frappes ? Est-ce que c'était des avions

 18   néerlandais ?

 19   Karremans : Non, je pense que le général Mladic n'a pas compris les choses.

 20   Nous avons demandé dans une phase concrète que le commandant des effectifs

 21   dispose de ces moyens. Et telle que la situation s'était présentée au

 22   niveau de l'enclave, c'était à lui de décider --"

 23   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que c'est très difficilement

 25   compréhensible de lire le texte de la transcription sur la prise de vue.

 26   Mme WEST : [hors micro]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, micro pour vous.

 28   Mme WEST : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.


Page 22174

  1   Q.  On s'est arrêtés à 39.19. Mladic a commencé à parler et il commence à

  2   élever le ton. Je sais que vous avez récemment eu l'occasion de revoir

  3   cette vidéo. Est-ce qu'à l'occasion de cette rencontre, d'après ce que vous

  4   avez gardé en mémoire, il y a eu d'autres moments où Mladic a élevé la voix

  5   ?

  6   R.  Oui, il l'a fait à plusieurs reprises. Il a commencé d'abord à accuser

  7   le colonel Karremans, et ensuite il a fait la même chose avec moi et M.

  8   Boering, mais on ne le voit pas sur cet enregistrement vidéo.

  9   Q.  Donc l'endroit où il crie contre vous et le commandant Boering, ça ne

 10   se voit pas sur la vidéo ?

 11   R.  Non, ça ne se voit pas sur la vidéo.

 12   Q.  Continuons.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Mladic : Donc je vais répéter ma question. Est-ce que vous qui avez

 16   donné l'ordre à vos soldats de tirer sur les miens ?

 17   Karremans : J'ai donné l'ordre de se défendre, je leur ai donné l'ordre de

 18   se défendre.

 19   Mladic : Contre qui se sont-ils défendus alors que personne ne s'est

 20   attaqué à eux ?"

 21   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 22   Mme WEST : [interprétation]

 23   Q.  Je vais m'arrêter une fois de plus au niveau de l'endroit 39.42 et

 24   Mladic dit :

 25   "Contre qui se défendaient-ils" - en parlant du Bataillon néerlandais -

 26   "alors que personne ne s'attaquait à eux".

 27   Monsieur, vous vous trouviez dans cette enclave depuis six mois déjà; est-

 28   ce que quelqu'un s'est attaqué aux Unités du Bataillon néerlandais ?


Page 22175

  1   R.  A la fin de la journée du 10 et du 11, les effectifs du Bataillon

  2   néerlandais ont été sous attaque, en particulier le matin du 11, et le soir

  3   au 10, il y a eu une réunion, et la question venue du commandement

  4   supérieur avait été celle de savoir si les forces des Nations Unies avaient

  5   été sous attaque. Le matin suivant, le 11, l'un de vos blindés de transport

  6   de troupe a avancé et il y a un char de la VRS qui lui a tiré dessus, et il

  7   y a eu une attaque de la VRS contre nos postes d'observation.

  8   Q.  Qu'en est-il des civils musulmans ? Ont-ils été attaqués le 10 et le 11

  9   ?

 10   R.  Mais avant cela l'enclave toute entière avait été placée sous attaque

 11   au mortier et aux tirs d'artillerie, et il en va de même pour ce qui est de

 12   la population musulmane, la population civile toute entière de l'enclave a

 13   été placée sous attaque.

 14   Q.  Est-ce que ce que Mladic était vrai ?

 15   R.  Que voulez-vous dire ?

 16   Q.  Mais de quoi se défendaient-ils alors qu'ils n'étaient pas attaqués ?

 17   R.  Non, on a été sous attaque. Nos troupes ont été attaquées.

 18   Q.  Merci. Nous allons continuer.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Mladic : En application des accords du mois d'avril 1995, vous étiez

 22   censés désarmer les Musulmans de Srebrenica."

 23   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : accord de 1993.

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Mladic : Vous les avez armés et préparés au combat contre les

 27   Serbes. Ensuite vous avez donné l'ordre à vos troupes de tirer sur mes

 28   hommes. Alors laissez-moi entendre ce que vous avez à dire.


Page 22176

  1   Karremans : J'ai été sollicité par les forces de Bosnie-Herzégovine au sein

  2   de l'enclave à huit reprises pendant le mois passé pour leur donner des

  3   armes depuis le point de rassemblement.

  4   Mladic : Combien d'armes aviez-vous au poste de rassemblement ? Le savez-

  5   vous ?

  6   Karremans : Il y a eu deux chars et beaucoup de petites armes, un peu de

  7   mortier, et il y avait eu 300 fusils à peu près. Et j'ai refusé huit fois

  8   et j'ai expliqué aux gens dans l'enclave que cela ne servirait pas les

  9   intérêts de la population dans celle-ci. J'ai essayé de préserver une

 10   situation de statu quo. Et nous avons recueilli des armes que nous avions

 11   vues être là-bas au début, et ça a été rassemblé à un poste de

 12   rassemblement d'armes. Je suis tout à fait conscient du fait qu'il y avait

 13   beaucoup d'autres armes au sein de l'enclave et qu'il y a eu contrebande

 14   d'armes depuis l'extérieur de l'enclave. Et j'ai véhiculé cette information

 15   à bien des reprises vers les autorités supérieures au niveau -- à Tuzla et

 16   à Sarajevo. Et il y a eu 200 soldats néerlandais qui se trouvent au sein de

 17   l'enclave et nous n'avons pas été capable de fermer l'accès de celle-ci à

 18   l'enclave. Et lorsque nous voyons des individus déambulés au sein de

 19   l'enclave avec des armes, nous avons eu coutume de les déposséder de ces

 20   armes."

 21   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 22   Mme WEST : [interprétation]

 23   Q.  On s'est arrêté une fois de plus au point 43 minutes, 3 secondes, et je

 24   voudrais dire au compte rendu d'audience que la transcription de cette

 25   vidéo se trouve au recueil 65 ter sous la référence 03099 et on a la

 26   transcription de cette vidéo en page 7828 du compte rendu.

 27   Monsieur Rave, ici, on a pu voir et entendre Mladic :

 28   "Vous avez demandé une réunion, dites-moi ce que vous voulez."


Page 22177

  1   Or, vous nous avez dit tout à l'heure que ce n'est pas le Bataillon

  2   néerlandais qui avait demandé une réunion mais les Serbes de Bosnie. Alors

  3   comment comprenez-vous ce type de déclaration ?

  4   R.  Ça, ça a été l'une des déclarations du général Mladic, et ce n'est que

  5   des mots, parce que je ne peux pas imaginer que le colonel Karremans ait

  6   demandé une réunion et que tout à coup le général Mladic fasse son

  7   apparition depuis Pale ou de Sarajevo pour aller de l'avant au sujet d'une

  8   demande que vous auriez formuler. Alors c'est juste des mots dit comme

  9   cela, peut-être même un mensonge pour dire que c'est nous qui avions

 10   demandé une réunion, et par la suite, j'ai pu voir à plusieurs reprises que

 11   le général Mladic nous avait mention, non pas seulement lors de cette

 12   réunion-là, mais plus tard qu'il a été question de ce qu'il convenait de

 13   faire des réfugiés et des hommes.

 14   Q.  Bon, nous allons continuer avec la vidéo.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Je me suis entretenu avec le général Nikolic et avec les autorités

 18   nationales au sujet d'une requête, présentée au nom de la population. C'est

 19   une requête puisque je ne suis pas en situation d'exiger quoi que ce soit.

 20   Nous, c'est-à-dire le commandement à Sarajevo, avons dit que l'enclave

 21   était perdue et j'ai reçu des ordres de la part du commandement de la

 22   Bosnie-Herzégovine de prendre soin de la totalité des réfugiés. Et ils sont

 23   à peu près 10 000 au niveau de la base de Potocari, femmes et enfants

 24   compris. Et le commandement de la Bosnie-Herzégovine a dit de négocier le

 25   retrait du bataillon ainsi que le retrait de ses réfugiés. Et on m'a

 26   demandé de voir s'il y avait possibilité d'aider au retrait de ces gens-là.

 27   Il y a des femmes qui sont en mesure de parler l'anglais. Et d'après ce que

 28   j'ai ouï-dire de la bouche d'autres soldats, il s'agissait d'aider la


Page 22178

  1   population à diminuer ses souffrances. Et les gens nous ont dit qu'on

  2   attendait des autocars qui permettraient de quitter l'enclave. Parce que

  3   ces personnes sont malades, elles sont fatiguées, elles ont très peu, et le

  4   général Nikolic m'a -- dé disons de fournir une aide humanitaire, comme de

  5   la nourriture et des médicaments, parce que même dans mon bataillon je ne

  6   dispose pas de carburant, quasiment rien. Nous n'avons quasiment plus

  7   carburant parce que nous n'avons plus de laissez-passer. Au cours des

  8   quatre derniers mois, nous sommes dans une situation fort difficile depuis

  9   quatre mois maintenant, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu

 10   accomplir ma mission en tant que militaire. Et j'ai déployé tous les

 11   efforts en mon pouvoir pour leur venir en aide.

 12   Envers qui ? Aider ? Et de qui aider ?

 13   L'armée.

 14   Est-ce que vous fumez ?

 15   Normalement, oui je fume. Mais j'ai tellement fumé ces derniers jours.

 16   Prenez une cigarette. Ce n'est pas la dernière cigarette de votre vie. Cela

 17   vous permettra d'être un petit peu intimé. Ce n'est pas la dernière

 18   cigarette de votre vie.

 19   Alors, disons, la partie ou la mission militaire du Bataillon

 20   néerlandais est maintenant terminée. Ils m'ont demandé d'aider les réfugiés

 21   dans la mesure du possible.

 22   Très bien. Autre chose.

 23   En ce qui concerne le poste d'observation OP. Remarques personnelles.

 24   Où sont-ils ?

 25   A l'hôtel.

 26   Pas de problème. Et si vous continuez à pilonner nous ne serons pas

 27   des ôtes pendant longtemps si vous continuez à pilonner. Nous savons

 28   pilonner aussi, vous savez.


Page 22179

  1   Quelle est votre proposition ? Comment envisagez-vous de résoudre

  2   cette situation ?

  3   Si je puis dire quelque chose à ce sujet. Ce n'est, disons, pas la

  4   même chose que Sarajevo. Parce qu'il y a les décideurs, ceux qui décident

  5   de la politique. A mon avis, nous verrons la fin de l'enclave, et ce, pour

  6   la population, et ce n'est pas pour l'ABiH qu'on y mettra un terme. Il faut

  7   venir en aide à la population dans la mesure du possible sortir de

  8   l'enclave. Je ne sais pas où ces gens vont se rendre. Je vais aider la

  9   population à quitter l'enclave dans la mesure du possible. Je ne sais pas

 10   dans quelle direction ils vont se rendre. Je pense que la plupart d'entre

 11   eux souhaitent se rendre à Tuzla, parce que là, il y a trois mois j'ai

 12   entendu dire qu'ils souhaitaient s'y rendre il y a trois mois. A mon avis,

 13   ils auront un meilleur niveau de vie que dans l'enclave, d'après ce que

 14   j'ai vu et d'après moi, car ils vivent de façon tout à fait misérable, si

 15   je puis m'exprimer ainsi. Ils n'ont que très peu de moyens au sein du

 16   bataillon de nourriture et de médicaments. J'ai essayé de leur venir en

 17   aide dans la mesure du possible. Ça c'est une de mes missions au sein du

 18   Bataillon néerlandais.

 19   Vous les avez aidés ?

 20   Plus que cela n'était nécessaire. Je suis là pour venir en aide à la

 21   population civile et non pas pour venir en aide à l'armée.

 22   Oui, vous êtes là pour aider les Musulmans et les Croates ?

 23   Et vous nous avez isolés, nous, les Serbes, van der Brook.

 24   En particulier, Van den Broek. C'est lui qui a détruit un rêve. Notre

 25   rêve de vivre dans un pays ensemble, tous les peuples heureux ensemble,

 26   parce que nous étions un pays heureux avec des populations qui étaient

 27   heureuses. Nous vivions bien à Srebrenica jusqu'à ce que les Musulmans

 28   commencent à écouter Van den Broek, Zimmerman [phon], et la mafia


Page 22180

  1   occidentale, et ce que leur disait cette mafia. Devant la municipalité --

  2   du bâtiment de la municipalité de Srebrenica il y avait des tirs de

  3   mitrailleuse.

  4   Qu'est-ce qu'il y avait ?

  5   Et je vais vous montrer en fait. Laissez-moi vous montrer. Vos forces

  6   m'ont pris pour cible personnellement. Vos troupes ont ouvert le feu et ont

  7   tiré sur moi personnellement.

  8   Ça je ne suis pas au courant. Je suis désolé. Je ne sais rien à ce

  9   sujet. Pardonnez-moi.

 10   Dans ce cas, je souhaite m'excuser en tant qu'être humain et en tant

 11   que militaire dans ce cas je vous présente mes excuses. Parce que

 12   d'habitude on ne tire pas sur des généraux dans des circonstances normales.

 13   Et je ne tirais pas non plus dans des circonstances normales. Quand

 14   êtes-vous né ? Quel âge avez-vous ?

 15   Comment ?

 16   Quel âge avez-vous ? Quand êtes-vous né ?

 17   En '48. J'ai 45 ans.

 18   Vous avez 45 ans. Vous êtes six ans plus jeune que moi. Et c'est la

 19   première guerre dont vous avez été le témoin personnellement; avez-vous

 20   participé à une autre guerre ?

 21   Non. Non. J'étais au Liban en 1979. J'étais commandant de compagnie.

 22   J'étais à Zagreb en 1991 pendant la guerre en Croatie et en Slovénie. Et

 23   j'étais en Slovénie et en Croatie pendant la guerre en 1991.

 24   Et vous êtes venu au bon endroit à Srebrenica ? Vous êtes vraiment venu à

 25   Srebrenica; c'est la première guerre de votre carrière ?

 26   C'est la première guerre de ma carrière. Et ça c'est mon pays.

 27   Je comprends. Ce n'est pas le vôtre. Il n'y a aucune raison pour que vos

 28   blindés me tirent dessus, qu'ils tirent dans ma direction. Encore une fois


Page 22181

  1   vous me tirez dessus, c'est mon pays. Vous tirez sur mon pays.

  2   Je ne suis pas en train de tirer sur les Pays-Bas.

  3   Et moi, je ne tire pas sur les Pays-Bas.

  4   Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Qu'est-ce qu'on va faire ?

  5   J'ai -- le général Nikolic m'a demandé. Il ne savait pas que j'allais

  6   vous rencontrer ici à Bratunac."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   Mme WEST : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, nous venons de nous arrêter à 53 minutes et 10 secondes et

 10   c'est Karremans qui vient de dire :

 11   "Je ne savais pas que j'allais vous rencontrer ici à Bratunac …"

 12   Pour ce qui est du compte rendu d'audience, il s'agit de la page 7 834 de

 13   la transcription.

 14   D'après vous, Karremans avait-il jamais rencontré Karremans avant cette

 15   date-là ?

 16   R.  A ma connaissance, il ne l'avait jamais rencontré auparavant.

 17   Q.  Un peu plus tôt dans cette vidéo Karremans parle de van der Broek -- un

 18   monsieur est cité qui s'appelle Van der Broek en le critiquant. Pourriez-

 19   vous nous dire qui c'est était ?

 20   R.  A ce moment-là, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas ?

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Sinon, en fait, j'aurais pu me préparer et me préparer à cette

 25   discussion que nous avons. Le général Nikolaj m'a demandé. Eh bien,

 26   j'aurais été mieux préparé si j'avais su. Il m'a demandé de demander la

 27   libération de la population civile, de vous -- remettre en liberté la

 28   population civile. Cela vaut également pour le bataillon parce que, comme


Page 22182

  1   je vous l'ai déjà expliqué, pendant quatre mois nous n'avons rien du tout.

  2   Comme je l'ai dit au début, nous n'avons rien reçu depuis quatre mois. Et à

  3   mon avis, les soldats -- mes soldats souhaitent rentrer chez eux. Le

  4   général Nikolic m'a demandé.

  5   D'accord.

  6   Il est préférable de quitter les lieux après des négociations, après

  7   que nous soyons autorisés à partir de Pale."

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   Mme WEST : [interprétation]

 10   Q.  Nous nous sommes arrêtés à 54 minutes et 28 secondes, et à ce moment-

 11   là, Karremans évoque Pale. Monsieur, pourriez-vous nous parler des contacts

 12   ou d'interactions entre le Bataillon néerlandais et Pale ?

 13   R.  Ecoutez, nous n'avons pas d'interaction nous-mêmes avec Pale, mais pour

 14   ce qui de ce que nous souhaitions accomplir dans l'enclave, si nous

 15   souhaitions qu'un convoi quitte l'enclave, qu'un convoi entre, qu'il y ait

 16   des convois chargés d'approvisionnement qui entrent, qu'il y ait des -- que

 17   cela porte sur les questions d'évacuation, de l'évacuation médicale pour

 18   des personnes blessées, tout devait être approuvé par la VRS. Et chaque

 19   fois que nous envoyons une demande, il y avait une demande qui était

 20   envoyée à la Brigade de Bratunac. La plupart du temps, cela passait par la

 21   chaîne de commandement et ensuite ils nous ont dit que cela devait être

 22   envoyé à Pale. Donc nous avions l'impression que tout ce qui avait trait à

 23   l'enclave devait être approuvé ou fait l'objet d'une autorisation de Pale.

 24   Je ne sais pas si Pale était une autorité civile ou militaire, mais nous

 25   avions besoin de leur approbation.

 26   Q.  Merci. Nous allons poursuivre.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]


Page 22183

  1   "Il m'a demandé si j'avais reçu l'autorisation en ce qui concerne la

  2   population civile. Je ne devais pas -- je ne devais m'occuper d'eux, c'est

  3   ce qu'ils ont demandé, je ne sais pas ce que je dois répondre à cela. Parce

  4   que je me rends compte que ces questions devraient être posées aux gens qui

  5   sont à Pale ou aux gens qui sont à Sarajevo. Je ne m'y suis jamais rendu

  6   donc je ne sais pas comment ça marche là-bas, je ne sais pas comment les

  7   choses se font là-bas. Comme j'avais l'habitude de dire, un pianiste --

  8   Pardonnez-moi, comment ?

  9   Ce que j'avais l'habitude de dire, c'est que je suis un pianiste et ne

 10   tirez pas sur un pianiste.

 11   Vous n'êtes pas un très bon pianiste. C'est ce que m'a demandé le général

 12   Nikolic, et c'est pour cela qu'il m'a demandé, et le général Janvier aussi,

 13   il a reçu des ordres du général Janvier, à Sarajevo, et aussi les autorités

 14   nationales et aussi des autorités nationales d'arrêter au nom de la

 15   population, d'arrêter ce qui était en train de se faire, se produire,

 16   disons depuis les six derniers jours, d'arrêter au nom de la population,

 17   d'arrêter tout ce qui se passe depuis six jours. Chacun aime avoir une

 18   situation qui est un statu quo, et ensuite pour pouvoir quitter l'enclave.

 19   Nous allons demander à ce qu'il y ait un statu quo pour que les gens

 20   puissent quitter l'enclave, et ce, au nom, je parle au nom de la population

 21   civile, qu'il y ait une zone protégée autour de la base de Potocari, c'est

 22   ce que j'ai demandé.

 23   Vous avez demandé cela à qui ?

 24   Je suis passé par le poste d'observation Papa. J'ai déjà posé la question,

 25   parce que nous sommes ici dans la zone protégée de la base. Parce que je

 26   suis ici disons avec 300 soldats et plus de 10 000 personnes, parce que

 27   disons au camp, il y a plus de 300 soldats et 10 000 civils. Nous aimerions

 28   faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider la population civile.


Page 22184

  1   Etes-vous marié, vous avez une femme et des enfants ?

  2   J'ai deux enfants.

  3   Depuis combien de temps ne les avez-vous pas vus ?

  4   Six mois.

  5   Et vous aimeriez les voir ?

  6   Pardon ?

  7   Vous aimeriez les voir ?

  8   Bien sûr. Mes soldats que vous avez tués aujourd'hui souhaitaient également

  9   voir leurs enfants, à Srebrenica.

 10   Oui, ce n'est pas difficile de l'imaginer. Je comprends la même chose vaut

 11   pour le général Mladic. Je crois que le général Mladic a entendu que --

 12   Pardon. Je crois que le général Mladic a entendu dire que j'ai perdu un

 13   soldat, samedi dernier aussi, il a entendu parler. J'ai également perdu un

 14   soldat samedi dernier, il est maintenant aux Pays-Bas. J'ai perdu un

 15   soldat, il y a deux mois aussi, c'était le jour de son anniversaire. Et

 16   comme c'était un soldat des forces de maintien de la paix, si je puis dire,

 17   j'ai dû m'entretenir avec ses parents. En tout cas, la première fois, ce

 18   n'est pas très agréable je dois dire. J'ai dû parler à leurs parents.

 19   Certains soldats rentrent -- des soldats qui sont rentrés depuis six mois,

 20   qui ont été l'objet d'un incident, ils rentrent parce qu'ils ont fait

 21   l'objet de tir ou parce qu'ils ont marché sur des mines. Et c'est pour mes

 22   soldats  --

 23   J'ai une question.

 24   Oui.

 25   Que puis-je dire au général Nikolic, après notre entrevue ici ce soir ?

 26   Lieutenant-colonel, Monsieur Colonel, il n'y a pas grande utilité à ce que

 27   vous parliez au général Nikolic. Vous n'avez pas une conversation

 28   intéressante avec le général Nikolic, il ne peut pas vous aider non plus,


Page 22185

  1   ni il ne peut pas aider la population musulmane non plus. Mais si vous

  2   insistez pour lui dire quelque chose, dites-lui ceci, et transmettez-lui

  3   ceci, les forces de la FORPRONU malgré les opérations et les frappes

  4   aériennes de l'OTAN et les actions de combat contre les miennes, ne

  5   constituent pas l'objectif de mes opérations ou la cible de mes opérations,

  6   quelles que ce soient les frappes aériennes qui sont lancées.

  7   Vous tirez sur mes soldats, mais ceci ne constitue pas mon objectif.

  8   Chacun de vos officiers et soldats comme vous-même, vous n'avez qu'une

  9   seule vie, et je ne pense pas que vous ayez l'envie de la perdre ici. C'est

 10   la raison pour laquelle je vous demande votre coopération pleine et

 11   entière.

 12   La population musulmane n'est pas la cible de mes opérations non

 13   plus. Et mon objectif ne consiste pas à prendre pour cible la population

 14   civile musulmane. Je souhaite vous aider, même si vous ne le méritez pas ni

 15   en tant qu'être humain ni en tant qu'officier. Je le fais pour les enfants

 16   et la FORPRONU. Je ne veux que leur mère les reçoivent une fois -- je ne

 17   voudrais pas que leur mère les accueillent dans leur cercueil. Donc je veux

 18   aider la population musulmane qui, elle non plus n'a pas à se voir

 19   reprocher tout ce qui s'est passé. Donc je vais vous demander la chose

 20   suivante : Pouvez-vous demander aux représentants de la population civile

 21   de venir ici ? Est-ce que vous pouvez faire cela ? Et je voudrais que nous

 22   aboutissions à un arrangement avec eux, et depuis ici, vous pouvez sortir

 23   tous ou rester tous ou mourir tous ici. Bon, je ne veux pas que vous

 24   mouriez.

 25   Si l'armée musulmane à Srebrenica veut négocier, vous pouvez faire

 26   venir l'un de leurs représentants.

 27   Je comprends.

 28   Je voudrais que M. Tursunovic vienne si possible ou la personne qui


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  1   de votre avis constituerait l'autorité suprême, puisque Naser Oric n'est

  2   pas là. Et faites-nous savoir à qui peut-on s'attendre, nous pouvons

  3   aboutir à un accord pour que tout ceci se termine et que de façon pacifique

  4   l'on résolve le problème de la population civile, de vos soldats, de

  5   l'armée musulmane, et vous avez mes garantis pour ce qui est d'une

  6   organisation de cette réunion, et des gens que vous ferez venir avec vous.

  7   Est-ce que vous pouvez le faire cette nuit-ci ?

  8   Mais si je puis le dire, je ne sais vraiment pas, parce que je voudrais le

  9   faire, mais je ne sais pas où sont ces gens, il va falloir les trouver, et

 10   je ne sais pas où sont les autorités civiles. Je ne sais pas où sont les

 11   autorités militaires, mais je peux demander par le biais des interprètes

 12   d'arranger une rencontre cette nuit. Je suis tout à fait disposé à le

 13   faire, mais je ne peux pas vous faire de promesse à l'instant même. Et vous

 14   pouvez vous charger de faire venir des représentants de la population

 15   civile, comme ça je pourrais entendre ce que eux souhaitent.

 16   Karremans : Oui, je vais demander. Et si le général veut bien le

 17   comprendre, il va falloir que j'aille voir parmi ces gens, ces personnes

 18   âgées, ces femmes, et ces enfants s'il y aurait quelqu'un, une personne qui

 19   pourrait être le représentant. Et je pense que le général comprendra que

 20   nous allons chercher parmi une foule de 10 000 personnes, femmes et

 21   enfants. Et, bien sûr, le mieux se serait d'avoir des autorités civiles.

 22   Mladic : Je voudrais que vous les fassiez venir. Je voudrais aider la

 23   population civile et les militaires. Donc je vous fais la suggestion qui

 24   consiste à veiller à me le faire savoir d'ici à 23 heures pour ce qui est

 25   des personnes qui seraient à même de venir à la réunion. Et pour ce qui est

 26   de la journée de demain, veillez à ce que les représentants de leurs

 27   autorités soient là afin que nous résolvions ce problème sans qu'il y ait

 28   perte de vie humaine et sans qu'il n'y ait effusion de sang.


Page 22187

  1   Karremans : J'ai une question, une dernière question. Est-ce que je peux

  2   faire venir des représentants de la MSF avec moi ?

  3   Mladic : Les organisations internationales peuvent venir être représentées

  4   aussi. Elles ne sont pas la cible de mes opérations. Est-ce que vous avez

  5   des soldats blessés ? Comment ? Est-ce que vous avez des soldats blessés ?

  6   Karremans : Quelques-uns.

  7   Mladic : Vous pouvez les faire venir, on prendra soin de vos blessés aussi.

  8   Est-ce que les Musulmans ont des blessés parmi eux ? Parce qu'on prendra

  9   soin d'eux aussi. Nous n'avons pas de médicaments, toutefois. Il y a des

 10   gens parmi les Musulmans qui sont en train de mourir, et nous sommes en

 11   train de faire de notre mieux pour surmonter les difficultés.

 12   Mladic : Combien sont-ils ?

 13   Karremans : Enfin, pour ce qui est du moment où j'ai quitté le camp, nous

 14   avions eu 82 personnes blessées. On en a compté 82.

 15   Mladic : Et bien, je suis disposé à les accepter pour ne pas qu'ils

 16   meurent.

 17   Karremans : Moi je vous remercie de cette aide humanitaire. Un grand merci.

 18   Merci beaucoup de cette rencontre, et je vous ferai savoir par le biais de

 19   l'officier du poste d'observation. On vous le fera savoir avant 11 heures

 20   ce soir pour ce qui est de savoir si nous pouvons trouver quelqu'un

 21   d'approprié pour représenter la population civile et l'emmener avec moi à

 22   cette réunion. Et nous allons accepter les représentants des organisations

 23   internationales de vos effectifs et de la population civile et on se mettra

 24   d'accord à la réunion pour ce qui est du matériel qu'ils ont à leur

 25   disposition, et plus tard nous déterminerons un planning.

 26   J'ai une dernière question personnelle : Est-ce que je peux

 27   m'entretenir avec mes soldats? Ceux-ci ? 

 28    Où sont-ils ?


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  1   "Ils sont dans les pièces.

  2   Mladic : Faites-les venir. Okay.

  3   Karremans : Oui, merci."

  4   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  5   Mme WEST : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur, le colonel Karremans est en train de parler avec ses soldats;

  7   est-ce que vous savez à quoi il fait référence ?

  8   R.  Oui, pendant la prise de l'enclave, il y a eu des postes d'observation

  9   qui ont été capturés et il y a des soldats à nous qui ont été acheminés

 10   jusqu'à Bratunac. Je crois qu'il y a eu à Bratunac à ce moment-là 20 ou 30

 11   soldats à nous qui étaient prisonniers de guerre.

 12   Q.  Etaient-ils à l'hôtel à ce moment-là ?

 13   R.  Oui, lorsque nous sommes entrés dans l'hôtel on a vu dans une pièce

 14   plusieurs de nos soldats qui se trouvaient rassemblés là.

 15   Q.  Merci. On peut aller de l'avant.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Mladic : Alors faites-nous venir. Est-ce que vous voulez prendre une

 19   bière avec moi ?

 20   Karremans : Je veux quoi ?

 21   Question : Une bière.

 22   Karremans : Non, merci.

 23   Question : Pourquoi ?

 24   Mladic : Et un déjeuner ?

 25   Karremans : Ce n'est pas dans les règles. Bon, je vais prendre une bière.

 26   Je vous dis que j'apprécie, mais mes soldats ne prennent pas de bière donc

 27   je ne devrais pas prendre une bière non plus.

 28   Mladic : Mais lui c'est un officier, il prendra bien une bière. Et on fera


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  1   préparer des sandwichs pour les soldats, comme ça personne ne mourra de

  2   faim.

  3   Karremans : Oui, merci. Et dites à votre aviation de ne plus venir. On peut

  4   servir du vin avec de l'eau minérale. Il n'y a pas de bière. Nous sommes

  5   sous blocus. Le spritzer c'est un mélange de vin blanc et d'eau gazeuse.

  6   Bon. Alors je m'attends à ce que vous veniez ici vers 23 heures avec votre

  7   délégation et nous allons avoir un dîner et nous allons nous mettre

  8   d'accord sur les arrangements.

  9   "Est-ce qu'on peut demander à M. Nikolic d'assurer les autocars ? Et bien,

 10   si c'est possible, je crois que nous allons l'arranger et on verra ce que

 11   les Musulmans auront à dire.

 12   Les seules langues officielles ici sont le serbe et l'anglais."

 13   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : C'est assez inaudible, précise la cabine française. On

 15   demande à l'interprète de [inaudible] en fait [inaudible].

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Nous n'avons pas vu de boisson, de bière, et tout ça depuis très

 19   longtemps nous autres, et je peux dire que les soldats s'étaient habitués à

 20   la chose. Nous autres on a pris l'habitude de manger une fois tous les

 21   jours. C'est bon pour la ligne, dit-on.

 22   Mets là-bas trois litres de vin et trois eaux minérales. Emballe des

 23   sandwichs, autant de sandwichs que de soldats. Vos soldats sont là, vous

 24   pouvez vous entretenir avec eux maintenant, et je m'attends à vous revoir

 25   ici à 23 heures. Au revoir."

 26   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 27   Mme WEST : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur le Témoin, ceci met un terme à cette vidéo, horodateur 1


Page 22190

  1   heure, 12 minutes, et 42 secondes.

  2   Je vous ai demandé avant s'il y avait des parties de la réunion qui

  3   n'étaient pas incluses dans la vidéo, et vous avez dit qu'il y avait une

  4   partie où Mladic élevait la voix à votre intention et à l'intention du

  5   commandant Boering. Est-ce qu'il y a d'autres parties que vous ne voyez pas

  6   ?

  7   R.  Oui, j'ai pris quelques notes. Nous avons plusieurs menaces à

  8   l'intention du colonel Karremans disant que ce n'est pas votre dernière

  9   cigarette, est-ce que vous voulez revoir votre famille ? On ne vit qu'une

 10   fois, et il est préférable de ne pas perdre sa vie ici. Ça faisait partie

 11   de la réunion. Il a menacé également de prendre à partie les réfugiés, et

 12   puis il avait des soldats qui étaient pris en otages à l'hôtel Fontana.

 13   Q.  Donc cette partie-là n'est pas dans la vidéo ?

 14   R.  Non, elle n'était pas dans la vidéo.

 15   Q.  Nous allons parler de la deuxième réunion. Qui a demandé d'organiser

 16   une deuxième réunion ?

 17   R.  L'accord avait été conclu par le général Mladic. Il voulait un

 18   représentant de la population civile.

 19   Q.  Ce n'était que quelques heures plus tard, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous avez fait partie de la deuxième réunion ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous avez entendu quelque chose 

 24   d'inhabituel ?

 25   R.  Oui. Ce qui était inhabituel, c'est que, dans la pièce, un des soldats

 26   de la VRS - je pense que c'était le garde du corps du général Mladic - je

 27   l'ai vu à plusieurs reprises à proximité du général Mladic. Il était à côté

 28   de la fenêtre et le rideau était ouvert. Au début de la réunion, après


Page 22191

  1   avoir commencé la réunion, un cochon a été sacrifié sous la fenêtre, et

  2   ensuite la fenêtre a été fermée.

  3   Q.  C'est ce que vous mentionnez, dans votre paragraphe 78, dans votre

  4   déclaration. Lorsque le cochon a été égorgé, et vous avez entendu donc les

  5   sons, quelle a été la réaction des gens dans la pièce ?

  6   R.  Certains n'ont pas réagi du tout. Je pense qu'ils savaient déjà, selon

  7   moi, que ce cochon allait être égorgé. Donc ils savaient ce qui allait se

  8   passer. D'autres ont réagi en grimaçant, notamment ceux qui étaient juste à

  9   côté de moi. Vous aviez le lieutenant-colonel Kosoric qui faisait la

 10   grimace et qui, en même temps, rigolait. Le lieutenant-colonel Kosoric a

 11   dit : C'est ainsi que l'on procède ici.

 12   Q.  Est-ce que vous avez remarqué une réaction de la part de M. Mladic ?

 13   R.  Non, rien du tout.

 14   Q.  Vous avez parlé précédemment du fait que vous pensiez que la première

 15   réunion avait été prévue à l'avance. Est-ce que vous pensiez que la

 16   deuxième réunion avait également été orchestrée, y compris le fait qu'un

 17   cochon soit égorgé ?

 18   R.  Oui, bien sûr. Le fait que la réunion ait été organisée par le Général

 19   Mladic -- parce que je ne pense pas qu'il savait quels étaient les

 20   représentants que l'on allait faire venir à la réunion. Ceci était

 21   également organisé à l'avance, et le fait que ce cochon ait été égorgé

 22   avait été organisé à l'avance également. C'était pour nous intimider,

 23   notamment les représentants des Musulmans.

 24   Q.  Nous allons faire visionner la deuxième réunion qui commence à une

 25   heure, 12 minutes et 42 secondes. Cela commence à la page qui se termine

 26   par 7848.

 27   [Diffusion de cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] :


Page 22192

  1   "Si vous êtes d'accord, on devrait commencer par les représentants

  2   des réfugiés. Nous sommes ravis que nous ayons retrouvé M. Mandic. Ce soir,

  3   il faudrait coucher sur papier les premières réflexions concernant

  4   l'évacuation de la population et il faudrait également parler des premiers

  5   besoins des populations. Je vais donc me fier à cette liste. Je vais

  6   commencer par ce qui s'est passé à Potocari, dans les usines aux environs

  7   de l'enceinte de Potocari. Nous avons environ 15 000 à 20 000 personnes,

  8   mais il y en a encore qui arrivent. Nous les accompagnons …"

  9   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 10   Mme WEST : [interprétation]

 11   Q.  Donc, à une heure, 14 minutes et 13 secondes, nous venons d'entendre un

 12   bruit; est-ce que c'est le bruit du cochon qui est égorgé ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Très bien. Nous allons continuer.

 15   [Diffusion de cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] :

 17   "… nous allons les accompagner. Nous allons les aider à trouver un

 18   hébergement quelque part. Et parmi ces réfugiés, nous avons environ 88

 19   blessés, et nous en avons quatre qui sont grièvement blessés. Nous avons

 20   appris de Médecins sans frontières qu'il y en a encore huit qui sont à

 21   Srebrenica."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   Mme WEST : [interprétation]

 24   Q.  Comment saviez-vous qu'il s'agissait d'un cochon ?

 25   R.  J'ai entendu déjà comment on égorgeait un cochon. Mon grand-père était

 26   fermier, et donc j'ai reconnu ce son.

 27   Q.  Et, selon vous, que -- comment pensiez-vous que l'effet allait se

 28   produire ?


Page 22193

  1   R.  C'était vraiment étonnant de voir --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'intervenir ici. Je pense qu'on

  3   demande au témoin de se lancer dans des conjectures, et il y a trop de

  4   questions qui n'ont rien à voir avec les faits.

  5   Mme WEST : [interprétation] Je vais retirer la question, Monsieur le

  6   Président.

  7   Nous pouvons continuer à visionner la vidéo.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  9   [Diffusion de cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] :

 11   "La situation des populations civiles dans l'enceinte et dans les

 12   usines est très difficile parce qu'ils sont mal nourris; ils n'ont pas eu

 13   suffisamment de nourriture au cours des dernières semaines. Et en raison de

 14   cela, il y a énormément de personnes qui sont malades, je dirais la plupart

 15   de la population. Environ 95 % sont des femmes, et il y beaucoup d'enfants

 16   également. Il y a également des personnes âgées et pratiquement aucun

 17   homme. Et beaucoup de ces personnes sont sales. Enfin, ce que je veux dire,

 18   c'est que leurs habits sont sales et qu'ils ont également des puces, et

 19   cetera, et cetera.

 20   Donc ce que nous allons faire ce soir et demain, parce qu'on ne

 21   s'attendait pas à avoir autant de personnes qui arriveraient dans

 22   l'enceinte, nous allons essayer de concevoir un système d'approvisionnement

 23   en eau et en nourriture de façon à ce que ces personnes puissent se

 24   sustenter au moins deux fois par jour. Nous allons donc essayer de

 25   concevoir ce système ce soir ou demain. Pour l'instant, les gens sont assez

 26   tranquilles, et nous espérons que la situation ne va pas changer. Nous

 27   avons également dépêché des soldats au sein de ce groupe de personnes pour

 28   les aider autant que faire se peut.


Page 22194

  1   Maintenant, pour ce qui est des problèmes de nourriture, la

  2   population n'a pas du tout de nourriture. Et pour mes soldats, il me reste

  3   des rations pour deux jours, après je n'ai plus rien. Selon moi, cela

  4   signifie, si vous me permettez de le dire, que notre priorité doit être la

  5   nourriture. Ensuite, il nous faut des médicaments. J'ai parlé au

  6   représentant de Médecins sans frontières, et elle m'a expliqué qu'à

  7   l'hôpital à Srebrenica, il leur restait suffisamment pour tenir 30 jours.

  8   Et s'il avaient ces approvisionnements, et ensuite --

  9   M. Mladic : Qui est cette personne ?

 10   La réponse d'une voix masculine : C'est quelqu'un de la sécurité.

 11   M. Mladic : Restez dehors, vous aussi. Et vous ?

 12   M. Karremans : On pourrait dire --

 13   M. Mladic : Jeune homme, restez dehors.

 14   M. Karremans : On pourrait demander de savoir si on pourrait aider les

 15   personnes blessées pendant environ 20 ou 30 jours.

 16   M. Mladic : Et puis il a les stocks.

 17   M. Karremans : [imperceptible] sont encore à l'hôpital à Srebrenica.

 18   Aujourd'hui, MSF n'était pas en mesure d'acheminer ces médicaments, ni le

 19   matériel spécial.

 20   M. Mladic : Mais ceci est parti maintenant. Je suis allé à l'hôpital. Et

 21   vous, apportez le signe. Ils l'ont enlevé. Il n'y a rien. Nous avons rien

 22   trouvé.

 23   M. Karremans : O.K., il va falloir que je règle tout cela. Nos médicaments,

 24   eh bien, nous avons un stock quasiment égal à zéro. La seule chose que je

 25   peux faire, c'est de re-contacter les deux équipes de chirurgie. Ils ont

 26   déjà travaillé cet après-midi, et ce soir il y a encore des opérations

 27   importantes qui doivent être organisées, mais c'est seulement pour quelques

 28   personnes, et puis les médicaments pour ces actes chirurgicaux ne suffiront


Page 22195

  1   plus. Donc, si vous me le permettez, Monsieur, je pense que l'évacuation

  2   des blessés pourrait être notre deuxième priorité. Il faudrait organiser

  3   cela.

  4   Ensuite, on pourrait peut-être appeler rapidement au téléphone l'UNHCR à

  5   Belgrade. Ils disposent d'une trentaine de véhicules, des petits camions,

  6   et ils pourraient les acheminer, si on peut tomber d'accord là-dessus.

  7   Puis, il y a la nourriture de manière générale.

  8   Puis, troisièmement, le carburant, le diesel, comme vous le savez.

  9   Une autre voix : Ah, vous êtes là. Passez-moi une bouteille, ou

 10   quelque chose du même genre. Cette table ou ce tableau vient du bâtiment de

 11   la municipalité à Srebrenica. Je l'ai apporté.

 12   M. Mladic : Il n'y a pas de médicaments à l'hôpital. Je venais juste

 13   d'arriver de Srebrenica avant notre première réunion ici. J'ai traversé

 14   l'ensemble de la ville à pied.

 15   M. Karremans : Je vais devoir régler ceci parce que c'est ce que le

 16   représentant de Médecins sans frontières m'a dit.

 17   M. Mladic : Je n'en ai rien à faire de ce que le représentant a dit.

 18   Laissez le lieutenant-colonel dire ce qu'il veut dire, et ensuite je veux

 19   entendre le nom de -- quel est son nom déjà ?

 20   M. Mandzic : Mandzic. Mandzic.

 21   M. Mladic : Mandzic.

 22   M. Mandzic : Nesib.

 23   M. Mladic : Nesib, est-ce que vous fumez ? Prenez une cigarette."

 24   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Arrêtons l'enregistrement.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre se posent la

 28   question du calendrier des audiences, parce que si le témoin doit revenir


Page 22196

  1   demain, il n'est pas prévu d'interprétation avec le néerlandais. Il n'y

  2   aura pas d'interprète néerlandophone.

  3   Mme WEST : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le Président. Nous

  4   savons qu'il n'y aura pas d'interprète néerlandophone demain. Nous allons

  5   essayer de résoudre ce problème afin d'essayer d'obtenir un interprète

  6   néerlandophone, mais nous avons compris que le Tribunal n'était pas en

  7   position de fournir ce service. Donc nous -- ce que nous avons anticipé,

  8   c'est que le témoin repartirait. Et nous sommes conscientes de ce problème.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, je vois que le témoin

 10   suivait en anglais et répondait en anglais également, mais nous allons

 11   voir.

 12   Mme WEST : [interprétation] Le problème de la langue se pose pour le

 13   témoin suivant.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, ce qui me préoccupe,

 15   c'est le témoin que nous avons aujourd'hui, M. Rave. Nous avons accordé

 16   deux heures à la Défense, et il est évident que nous n'allons pas être en

 17   mesure de finir aujourd'hui avec la déposition de ce témoin.

 18   Mme WEST : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président. Je vais

 19   raccourcir la durée prévue pour le visionnage de cet enregistrement vidéo,

 20   puis ensuite j'en aurai encore pour cinq minutes des questions.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Allez-y.

 22   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Q.  Alors, Monsieur Rave, juste avant d'arrêter, nous avons entendu un

 24   commentaire de Mladic en page 7 853 du compte rendu concernant un signe ou

 25   une plaque. Il dit, je cite :

 26   "Ceci a été enlevé du bâtiment de la municipalité de Srebrenica. Je l'ai

 27   emmené moi-même."

 28   A quoi se réfère-t-il ?


Page 22197

  1   R.  Il y avait une plaque que nous avons vue et qu'on a emmenée à

  2   l'intérieur, on le voit dans la vidéo. Il l'a ramenée comme une sorte de

  3   trophée pour montrer ce qu'il en était de Srebrenica, à mon avis.

  4   Q.  Merci. Si nous continuons à visionner cette vidéo, vous avez pu le

  5   voir, il y a une partie d'une conversation entre Mladic et Nesib Mandzic,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Nous n'allons pas visionner cet extrait. Mais M. Mandzic, en fait, fait

  9   un certain nombre de déclarations à M. Mladic, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors, nous allons maintenant avancer plus rapidement --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons visionner cette

 13   partie de la vidéo plus tard ?

 14   Mme WEST : [interprétation] C'est ce que nous avions l'intention de faire,

 15   parce que le témoin a participé à cette réunion.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, pourquoi ne visionnons-

 17   nous pas cet extrait ?

 18   Mme WEST : [interprétation] Très bien. Nous allons le faire. Je vous

 19   remercie.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Depuis le 16 février, nous n'avons pas reçu de carburant diesel.

 23   Aujourd'hui, nous avons été contraints d'abandonner 4 à 5 000 litres de

 24   carburant, et c'est ce dont j'ai besoin pour générer l'électricité.

 25   Question de Mladic : Où avez-vous laissé ce carburant ?

 26   Karremans : Dans l'enceinte.

 27   Question de Mladic : Où, à Srebrenica ?

 28   Réponse de Karremans : A Potocari. C'est tout ce qu'il leur reste, 4 à 5


Page 22198

  1   000 litres, ils ont besoin pour les groupes électrogènes.

  2   Karremans : Nous avons besoin des groupes électrogènes, bien sûr, pour

  3   l'électricité, et notamment pour le système de recyclage de l'eau, afin que

  4   nous ayons de l'eau potable et une eau qui soit utilisable. Et c'est

  5   également l'eau dont nous avons besoin pour les systèmes de refroidissement

  6   et pour les opérations chirurgicales. Ensuite, j'ai fait une demande. J'ai

  7   demandé une équipe du HCR et des autorités civiles capable de nous fournir

  8   du matériel tel que des autobus. La seule chose que je peux faire, c'est

  9   examiner et vérifier le nombre de personnes et compte tenu de ce nombre de

 10   personnes, dire ce qu'il en est du transport.

 11   Soldat néerlandais : Le décompte.

 12   Karremans : Si c'est possible, je peux cependant demander des autocars via

 13   ma propre hiérarchique militaire, mais je ne sais vraiment pas ce qu'ils

 14   peuvent me donner. Je ne le sais pas encore. Nous sommes en train d'essayer

 15   de déterminer qui souhaite partir, mais cela demande du temps. Et combien

 16   de personnes souhaitent partir ? Je ne sais pas ce qu'il est possible de

 17   faire, mais je suppose que c'est quelque chose que M. Mladic peut dire. Je

 18   ne sais pas où il souhaiterait aller. Ensuite, nous ferions, disons, un

 19   plan, nous élaborerions un plan d'évacuation, quelles sont les personnes

 20   qui doivent partir en premier en raison de leur âge, de leur état de santé,

 21   de maladies, et cetera. Et enfin, mais ce n'est pas ce qui est le moins

 22   important, Monsieur, nous avons réfléchi au facteur temps et à la période à

 23   envisager. Je ne sais pas combien de temps cela prendra parce que si on

 24   nous autorise à démarrer l'évacuation, et bien, je ne sais pas quels seront

 25   les moyens qu'on m'accordera et de quels moyens nous aurons besoin. C'est

 26   ce que j'ai réussi à coucher par écrit de façon très générale et très

 27   rapidement. Lorsque nous serons rentrés à l'enceinte de Potocari, nous

 28   aurons à déterminer les détails, bien sûr, et nous avons déjà commencé, en


Page 22199

  1   fait.

  2   Mladic : Merci.

  3   Karremans : De rien.

  4   Mladic : Nesib, c'est votre nom -- votre nom de famille ?

  5   Mandzic : Mandzic.

  6   Mladic : Mandzic, Nesib, à vous.

  7   L'interprète : Excusez-moi. Est-ce que vous voulez que le colonel soit

  8   informé ou --

  9   Mladic : Vous pouvez tout traduire pour lui.

 10   S'adressant à Nesib : Je vous écoute. Qu'est-ce que vous voulez ?

 11   Mandzic : Et bien, je suis -- je ne suis pas un représentant officiel des

 12   autorités. Il est vrai que j'étais le principal d'une école secondaire

 13   avant cette guerre. Avant la guerre, j'enseignais l'ingénierie électrique,

 14   ou plutôt l'électricité, et il était logique que je -- en fait, j'ai été un

 15   peu surpris quand on m'a proposé comme représentant des réfugiés, alors que

 16   j'étais moi-même un réfugié dès le début, depuis déjà trois ans et demi. Au

 17   début, M. le Colonel -- le commandant du Bataillon néerlandais nous a

 18   informés qu'il y avait dans les vieilles usines et ateliers environ 15 à 20

 19   000 réfugiés. Moi, je peux vous dire avec certitude que maintenant, ils

 20   sont plus de 30 000, et leur nombre augmentera pendant la nuit parce qu'ils

 21   continuent à arriver en provenance de ces villages éloignés. Ces réfugiés,

 22   dans l'ensemble, viennent de différentes municipalités, surtout Srebrenica,

 23   Bratunac, Vlasenica, Zvornik, Visegrad, Rogatica. C'est pourquoi je dis

 24   plusieurs municipalités. Et encore une fois, je vous le redise, dans ce

 25   domaine, je ne suis absolument pas préparé. Franchement, je n'ai jamais

 26   réfléchi à tout cela. Je voudrais demander à M. le Général Mladic et à M.

 27   le Colonel, le commandant du Bataillon français -- néerlandais, s'il y a ou

 28   non un accord de haut niveau. Je pense notamment aux organisations


Page 22200

  1   internationales de la Croix-Rouge, le HCR, et autres.

  2   Mladic : Veuillez noter par écrit ce qui suit : premièrement, vous devez

  3   déposer vos armes et à tous ceux qui déposeront leurs armes, je garantis

  4   qu'ils auront la vie sauve. Je vous donne ma parole en tant qu'homme et en

  5   tant que général, ma parole que j'userai de mon influence pour venir en

  6   aide à la population musulmane innocente qui n'est pas la cible des

  7   opérations de combat menées par la VRS. La cible de nos opérations ne sont

  8   pas non plus les organisations humanitaires internationales, ni les forces

  9   de la FORPRONU, bien que les forces de l'OTAN, tout comme celles de la

 10   FORPRONU, aient tiré aujourd'hui sur ordre de la FORPRONU non seulement sur

 11   les positions de la VRS mais également en visant la population civile. Afin

 12   de pouvoir prendre une décision, aussi bien en tant qu'homme qu'en tant que

 13   commandant, je dois entendre une position claire des représentants de votre

 14   peuple. J'ai besoin d'entendre d'eux si vous voulez survivre ou si vous

 15   voulez disparaître. Je suis disposé à recevoir ici une délégation de

 16   représentants, responsables et officiels de la partie musulmane à 10 heures

 17   du matin, représentants avec lesquels je pourrai discuter du sauvetage de

 18   votre peuple et de son départ de l'enclave -- de l'ex-enclave de

 19   Srebrenica. D'ici à 10 heures du matin demain, je donnerai l'ordre

 20   d'arrêter les opérations. Quant à vos combattants qui déposeront leurs

 21   armes, nous les traiterons dans l'esprit des conventions internationales et

 22   nous garantiront à tout un chacun qu'il aura la vie sauve, même ceux qui

 23   ont commis des crimes à l'encontre de notre peuple. Est-ce que vous m'avez

 24   compris ? Nesib, l'avenir de votre peuple est entre vos mains, et ce, pas

 25   uniquement sur ce territoire. J'en ai terminé. Vous pouvez repartir. Je

 26   vous attends ici à 10 heures du matin demain. Raccompagnez-les.

 27   Mandzic : Je dois vous dire, Général, je vous dis honnêtement, j'ai été

 28   choisi par hasard comme représentant, mais si vous n'en êtes pas satisfait,


Page 22201

  1   ce n'est pas un problème.

  2   Mladic : C'est votre problème. Amenez ceux qui peuvent garantir la remise

  3   des armes et sauver votre peuple de la destruction. Merci, Monsieur.

  4   Mandzic : Merci. Au revoir.

  5   Karremans : Au revoir.

  6   Mladic : Au revoir. Tout est entre vos mains. Et faites venir des personnes

  7   influentes des environs. Si les hommes ne peuvent le faire, les femmes le

  8   pourront."

  9   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 10   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai plus que 3 minutes de questions. La

 11   vidéo s'arrête à 1 heure 38 minutes et 7 secondes. Je vous remercie. Je

 12   n'ai que quelques questions.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 14   Mme WEST : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez déjà dit que vous pensiez que les

 16   réunions avaient été arrangées au préalable. Nous allons passer maintenant

 17   aux événements de Potocari. Après cette réunion, est-ce que vous êtes

 18   retourné à Potocari ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pour les deux jours qui ont suivi, est-ce que vous êtes resté à

 21   Potocari ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans votre déclaration au paragraphe 97, vous avez dit que les

 24   événements à Potocari semblaient être organisés. Vous avez parlé de la

 25   totalité de l'opération, de la prise de contrôle, du départ des populations

 26   civiles qui était organisé au préalable. C'était dans votre déposition.

 27   Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

 28   R.  Je pense que c'était le cas parce que la soirée du 11, on voit que le


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  1   général Mladic demandait des bus, et nous n'étions pas en mesure de fournir

  2   des bus, donc le lendemain matin, le 12, après que, M. Boering et moi-même,

  3   nous soyons rendus à Bratunac, vers 12 heures, entre 12 heures et 13

  4   heures, d'un seul coup, des bus et des camions étaient disponibles. Donc,

  5   ils ont dû être préparés au préalable, et nous avons également vu que les

  6   femmes musulmanes et les hommes musulmans étaient séparés les uns des

  7   autres et que ceci avait été préparé à l'avance également. Les hommes

  8   étaient séparés. On a commencé à passer en revue les hommes, et le général

  9   Mladic nous a dit qu'il voulait s'assurer qu'il n'y avait pas des soldats

 10   ou des criminels de guerre parmi ce groupe de personnes parce que, sinon,

 11   il les ferait prisonniers de guerre. Enfin, tous sont montés séparément à

 12   bord de bus et des reporters étaient disponibles avec des vidéos pour

 13   filmer tout cela lorsque Mladic est arrivé et en fournissant du pain ainsi

 14   que des sucreries à la population locale. Donc, c'était un spectacle

 15   orchestré pour les médias.

 16   Toutes les réunions au Fontana avec les photos, avec les équipes

 17   également de journalistes ainsi que durant la deuxième réunion, tout ceci

 18   était préorganisé.

 19   Q.  Vous avez mentionné au paragraphe 89 que vous aviez vu des soldats de

 20   troupes régulières ainsi que des soldats de troupes irrégulières. Quelle

 21   était l'apparence de ces deux groupes ? En quoi différaient-ils les uns des

 22   autres ?

 23   R.  Vous aviez l'armée de la VRS classique qui était très bien habillée et

 24   très bien organisée. Puis vous aviez des troupes irrégulières, et je parle

 25   donc de ceux qui portaient certaines parties d'uniformes et pas la

 26   totalité, ils portaient des bandanas également au niveau du front, et ils

 27   étaient là pour faire peur à la population locale. Il s'agissait de

 28   personnes qui avaient arrêté les bus en direction de Kladanj et qui avaient


Page 22203

  1   saisi nos véhicules des Nations Unies. Après, j'en ai parlé à Mladic et je

  2   lui ai dit ce qui s'était passé, et également que ses troupes mais

  3   également les troupes de la VRS avaient volé des vêtements, avaient volé

  4   des armes, et cetera, et cetera, et il m'a dit que ce n'était pas ses

  5   troupes mais c'était des troupes irrégulières et qu'elles n'étaient pas

  6   sous son contrôle.

  7   Q.  Mais vous avez mentionné dans ce paragraphe que vous pensiez qu'il

  8   s'agissait de troupes irrégulières -- n'étaient en fait irrégulières que de

  9   par leur apparence. Pourquoi avez-vous dit cela ?

 10   R.  Bien, parce que je peux supposer, comme nous voyons des vidéos, que le

 11   général Mladic contrôlait totalement tout cela. Il n'aurait jamais accepté

 12   qu'il y ait des troupes irrégulières qui soient présentes dans sa zone de

 13   responsabilité et que ces troupes fassent des choses qu'il ne voulait pas

 14   qu'ils fassent. Pour moi, c'était simplement la possibilité de lui donner

 15   une plus grande marge de manœuvre et de procéder à des exactions contre la

 16   population locale ou à l'intention de la FORPRONU, et il pouvait en plus

 17   s'en laver les mains en disant que ces troupes n'étaient pas les siennes.

 18   Q.  Merci, Monsieur.

 19   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Est-ce que vous versez les pièces

 21   associées, Madame West ?

 22   Mme WEST : [interprétation] Oui, merci.

 23    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y en a deux, n'est-ce pas ? Vous ne

 24   versez pas la vidéo de manière séparée, n'est-ce pas ?

 25   Mme WEST : [interprétation] C'est exact. Comme je l'ai dit lundi, nous

 26   espérons verser la totalité de la vidéo dans son ensemble.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas d'objection.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Non, pas d'objection.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Toutes ces pièces seront

  2   versées au dossier. Est-ce que l'on pourrait recevoir des cotes, s'il vous

  3   plaît, pour ces deux pièces.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 02366

  5   deviendra la pièce P3996, et le document de la liste 65 ter 15259 deviendra

  6   la pièce P3997.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que M. Karadzic commence son

  8   contre-interrogatoire, nous allons donc faire une pause d'une heure, et

  9   nous reprendrons à 13 heures 40.

 10   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 40.

 11   --- L'audience est reprise à 13 heures 42.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Messieurs Tieger et Karadzic, la Section

 13   VWS vient de m'informer que le témoin ne serait pas disponible demain, le

 14   témoin d'aujourd'hui. Par conséquent, je me suis renseigné pour savoir s'il

 15   serait possible d'avoir un autre volet d'audience après 15 heures. On m'a

 16   informé que c'était possible, et par conséquent, nous pourrons avoir un

 17   bref volet d'audience jusqu'à 16 heures 15, avec une brève pause entre ce

 18   volet d'audience-ci et le prochain. Voilà donc ce que l'on pouvait faire.

 19   Donc, Monsieur Karadzic, je vous demande, s'il vous plaît, de commencer

 20   votre contre-interrogatoire.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que cela

 22   signifie qu'on doit terminer la déposition de ce témoin aujourd'hui et que

 23   l'on ne peut pas le demander de recomparaître un autre jour de la semaine ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si c'est nécessaire, ce sera, bien sûr,

 25   possible, mais je pense que vous aurez suffisamment de temps dans les deux

 26   heures qui vous sont imparties. Enfin, nous verrons.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ferais de mon mieux.

 28   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :


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  1   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rave.

  2   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

  3   Q.  Je voudrais vous remercier d'avoir accepté de rencontrer l'équipe de la

  4   Défense, ce qui va nous aider à avancer plus vite en besogne aujourd'hui.

  5   Je vais essayer de poser des questions aussi simples que possible, de façon

  6   à ce que vous puissiez répondre par oui ou par non, dans la mesure du

  7   possible, bien sûr. Pour commencer, j'aimerais savoir si c'est exact que

  8   votre déclaration consolidée a été créée par le bureau du Procureur et que

  9   vous vous l'avez en fait entérinée; en d'autres termes, les formulations

 10   sont la responsabilité de l'Accusation ?

 11   R.  Oui, je crois, mais il s'agit, en fait, d'une compilation de mes

 12   déclarations précédentes.

 13   Q.  Merci. Ce qui m'intéresse c'est ce qui n'a pas été inclus plutôt que ce

 14   qui a été inclus. Je voudrais passer au paragraphe 5, par exemple, qui

 15   dresse la liste de vos attributions. On ne voit pas qu'une de vos tâches

 16   était de procéder à la démilitarisation de l'armée de Bosnie dans

 17   l'enclave, comme vous l'avez fait justement remarqué dans l'affaire

 18   Tolimir, et j'en veux pour preuve le document 1D04692, page 6 779. Vous

 19   avez dit que la mission du Bataillon néerlandais était - et vous considérez

 20   ceci comme le premier rôle - de démilitariser l'enclave, de protéger la

 21   population civile autant que possible avec les ONG. N'est-ce pas exact de

 22   dire qu'il s'agissait d'une partie très importante de votre mission ?

 23   R.  Oui, tout à fait, c'était une partie très importante de la mission,

 24   mais je ne vois pas dans cette partie que l'on devait être en contact avec

 25   la VRS -- enfin, c'est au paragraphe 6. Mais effectivement, cela faisait

 26   partie de notre mission, c'est exact.

 27   Q.  Merci. Vos interlocuteurs du côté bosniaque et du côté serbe, du côté

 28   donc bosno-musulman et du côté bosno-serbe, et je parle du paragraphe 6,


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  1   est-ce qu'ils étaient au courant du rôle que vous occupiez et pourquoi vous

  2   entreteniez des contacts avec eux, est-ce qu'ils étaient au courant de vos

  3   attributions ?

  4   R.  Je ne sais pas s'ils savaient exactement quelle était ma mission.

  5   Q.  Merci. Dans certains passages de votre déclaration - je peux fournir

  6   des références, si nécessaire, mais je vais essayer d'aller assez vite -

  7   vous formulez l'opinion consistant à dire qu'il n'y avait pas vraiment

  8   d'armée bosno-musulmane dûment constituée et qu'il n'y avait que certains

  9   groupes indépendants.

 10   R.  Je n'ai pas dit, je crois, qu'il s'agissait de groupes indépendants.

 11   L'armée, pour nous, c'était M. Naser Oric ainsi que son commandant en

 12   second et son chef d'état-major, M. Ramiz, ainsi que certains autres

 13   militaires. Mais il n'y avait pas vraiment d'armée permanente et il n'y

 14   avait pas vraiment de groupes militaires visibles et réels dans l'enclave.

 15   Q.  Mais si je vous dis qu'en fait il y avait quatre brigades et un

 16   bataillon indépendant plus une cinquième brigade qui étaient cantonnés à

 17   Zepa, ainsi que deux autres bataillons à affectation spéciale, comme par

 18   exemple un bataillon médical et un autre, donc au total, il y avait sept

 19   unités organisées avec les commandants, avec un état-major, avec un appui

 20   logistique, avec des soldats armés; est-ce que cela vous surprendrait ?

 21   R.  Oui, cela me surprend, parce que nous n'avons jamais vu de signe d'une

 22   armée régulière, comme vous le mentionnez ici, et c'est ce que je mentionne

 23   également dans le paragraphe 8 de ma déclaration consolidée. Il y avait le

 24   8e Groupe opérationnel, mais ce n'était pas vraiment un groupe réel, et

 25   nous n'avions aucune idée de l'organisation de ce groupe, mis à part les

 26   couches supérieures de la hiérarchie de ce groupe.

 27   Q.  Quand vous dites "nous," est-ce que vous parlez également de vos

 28   commandants, c'est-à-dire les commandants du Bataillon néerlandais ? Est-ce


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  1   que vous pensez qu'ils avaient plus d'information que vous ?

  2   R.  Lorsque l'on parle de l'armée et de l'existence d'une armée permanente,

  3   je pense qu'eux non plus ne savaient pas qu'il y avait une autre

  4   organisation avec plusieurs brigades, comme vous venez de l'expliquer.

  5   Q.  Je vous demande d'apporter des précisions. Vous parlez d'une "armée

  6   permanente". Est-ce que vous voulez dire des unités qui étaient cantonnées

  7   dans des garnisons et qui sont toujours à la disposition de leurs

  8   commandants, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est une armée qui peut être mobilisée et, comme je vous le dis, nous

 10   ne savions pas qu'une armée existait, si elle existait. Nous n'avions pas

 11   affaire avec des structures de l'armée telles qu'un groupe opérationnel ou

 12   des brigades ou des compagnies ou des détachements.

 13   Q.  Est-ce que c'est peut-être parce que Zulfo Tursunovic, un des

 14   commandants d'une brigade, n'était pas disposé à communiquer avec la

 15   FORPRONU et ne voulait pas fournir ces informations ?

 16   R.  Pour moi, M. Zulfo Tursunovic était un des dirigeants d'une partie de

 17   l'enclave. L'enclave était divisée dans la partie nord et dans la partie

 18   sud. Dans la partie nord, nous avions le commandant d'une compagnie qui

 19   était en contact avec les dirigeants locaux, et dans la partie sud, nous

 20   avions un commandant de compagnie qui traitait avec les dirigeants locaux.

 21   Maintenant, je ne sais pas si vous parlez de Zulfo Tursunovic, si vous

 22   parlez donc de dirigeant militaire avec un grade et avec une organisation.

 23   Je ne pense pas que ce soit le cas. Pour moi, c'était un dirigeant civil

 24   local, parce que je ne l'ai jamais vu -- ou plutôt, je ne l'ai vu qu'une

 25   fois, et je ne l'ai jamais vu porter un uniforme militaire, par exemple.

 26   Q.  Très bien. Savez-vous que jusqu'à 85 % de l'armée musulmane, dans les

 27   premières années de la guerre, portait des habits de civils, et que, par

 28   conséquent, même quand ils combattaient, ils ne combattaient pas en


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  1   uniforme, mais en mufti ?

  2   R.  Non, je ne le savais pas.

  3   Q.  Merci. Lors d'une réunion d'information, de débriefing donc, le 30 août

  4   1995, vous avez dit que vous aviez eu des contacts avec l'ABiH et avec

  5   l'armée bosno-serbe, c'est-à-dire donc avec la VRS. Quand avez-vous eu des

  6   contacts avec l'ABiH ?

  7   R.  L'armée bosno-serbe -- pardon, l'armée bosno-musulmane, je crois que

  8   nous parlions des Musulmans, des contacts qui se trouvaient à l'intérieur

  9   de l'enclave.

 10   Q.  Merci. Vous et de nombreux collègues du Bataillon néerlandais dont vous

 11   étiez membre nous ont confirmé que vous n'aviez pas du tout accès au

 12   triangle de Bandera; est-ce exact ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Vous ne pouviez pas vous rendre dans le triangle de Bandera à cause de

 15   civils qui vous bloquaient l'accès ou de civils armés ?

 16   R.  Des civils.

 17   Q.  Des civils qui ne portaient pas d'armes ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Savez-vous que durant un incident, un de vos camarades a été capturé

 20   dans ce triangle de Bandera ?

 21   R.  Oui, je sais que, durant la période allant du 28 au 31 janvier 1995,

 22   certaines de nos patrouilles étaient arrêtées dans la zone, mais la seule

 23   fois où j'étais présent là-bas c'était le 29 janvier pour un

 24   réapprovisionnement de nos troupes. J'y suis allé avec Ramiz, et à ce

 25   moment-là je n'ai pas remarqué d'hommes armés qui demandaient à nos

 26   patrouilles de s'arrêter.

 27   Q.  Où avez-vous obtenu votre ravitaillement ? Est-ce que vous les achetiez

 28   auprès des villageois ?


Page 22209

  1   R.  A cette époque-là, c'est-à-dire en janvier, nous avions encore nos

  2   propres ravitaillements, et je pense que vous deviez savoir que notre

  3   approvisionnement venait du centre de la Bosnie. Nous recevions ceci par

  4   des convois, et nous ravitaillions nos troupes avec nos propres

  5   ravitaillements.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant passer au

  8   document D01956, qui devrait être dans notre système du prétoire

  9   électronique. C'est un document de janvier, et porte sur ce thème.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Mais, en attentant, est-ce exact que vos hommes ont été faits

 12   prisonniers et qu'ils sont restés en captivité pendant trois ou quatre

 13   jours ?

 14   R.  On les a stoppés là-bas et ils n'ont pas eu le droit de rentrer à la

 15   base du 28 janvier au 31 janvier.

 16   Q.  Merci. J'aimerais que vous jetiez un coup d'œil à ce document. Ce

 17   document devra avoir une traduction, parce qu'il n'y a pas de cote MFI.

 18   C'est une pièce à proprement parler.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document a probablement été versé au

 20   dossier en sachant que la traduction anglaise existait, mais peut-être qu'à

 21   l'époque cette traduction anglaise n'avait pas encore été chargée sur le

 22   système du prétoire électronique.

 23   Mme WEST : [interprétation] Oui, je crois que nous avons une traduction.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je crois que c'est exactement comme

 25   cela que les choses se sont passées.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi aussi, j'ai la traduction, donc on peut

 27   peut-être charger ce document sur le système du prétoire électronique.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On peut peut-être placer ce document sur


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  1   le rétroprojecteur ?

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Ce télégramme émane de Naser Oric, est adressé au commandement du 2e

  4   Corps, et il parle exactement de cela. Il est mentionné que le commandant

  5   du Bataillon néerlandais à Srebrenica a donné l'ordre à ses patrouilles

  6   d'entrer dans la zone où les mouvements ont été interdits. Le commandant de

  7   la 281e Brigade de Montagne, conformément à l'accord conclu avec le

  8   commandant du 8e Groupe opérationnel, et conformément à l'accord avec

  9   l'officier de liaison de la FORPRONU, a empêché les patrouilles d'aller

 10   plus loin, patrouilles donc de la FORPRONU, en les avertissant qu'ils

 11   n'avaient pas le droit de se rendre dans cette direction.

 12   Donc il s'agissait de la 281e Brigade légère -- non, pardon, de la

 13   Brigade de Bosnie orientale, conformément à l'accord conclu avec le

 14   commandant du 8e Groupe opérationnel. Cela ne semble pas être des civils.

 15   Cela semble être des militaires, et c'est leur propre structure.

 16   R.  Oui, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de militaires dans l'enclave.

 17   Naser Oric était un de ces dirigeants militaires dans l'enclave, ainsi que

 18   Ramiz. Bien sûr, ce type d'ordre venait du commandement de l'ABiH, mais,

 19   moi, je ne l'ai jamais vu.

 20   Q.  Merci. Peut-on maintenant examiner le document P3987.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La partie pour moi un peu difficile à

 22   suivre est celle où vous dites que c'étaient des civils qui vous

 23   empêchaient d'accéder à Bandera. Alors est-ce que vous pourriez nous

 24   expliquer de quelle façon des civils pouvaient-ils influencer des soldats

 25   de la FORPRONU et les empêcher de faire quelque chose ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est assez simple. Nous savions qu'il y avait

 27   des hommes armés dans la région. Ce qu'ils faisaient, c'est qu'ils nous

 28   bloquaient le passage en nous disant que nous n'avions pas la permission de


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  1   passer. Ils nous avaient informés dès le 8 ou le 10 janvier, lorsque des

  2   combats étaient en cours dans la partie occidentale de l'enclave. Ils nous

  3   avaient dit que nous ne devions pas aller patrouiller là-bas. Alors ils

  4   étaient des civils, et pour cela, je crois que M. Franken, le commandant en

  5   second, a ordonné à ses patrouilles de se rendre dans l'intérieur du

  6   triangle de Bandera, bien que cela n'ait pas été autorisé par la BiH. Il a

  7   ordonné cela parce qu'il n'y avait pas d'armée susceptible de l'arrêter --

  8   c'est ce qu'il a dit, je crois. Bien sûr, lorsqu'ils ont été arrêtés par

  9   des civils ou bloqués par des civils -- en fait, je ne sais pas, il y a

 10   peut-être eu des civils armés sans que j'en sois au courant, mais lorsqu'on

 11   les a arrêtés, je crois qu'ils se sont, en fait, arrêtés pour ne pas

 12   aggraver la situation.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous rappelez-vous qui étaient ces

 14   civils qui vous ont barré le passage ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moins les civils dirigés par Zulfo

 16   Tursunovic, qui était le chef local dans cette zone.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

 18   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous venez de parler du 10 janvier, et vous rejoignez en fait ce que

 22   j'avançais, parce que vous voyez ce qui est dit ici : il est dit qu'on vous

 23   a barré le passage, et ce, en renforçant le poste de Buljim-Jabucno, et il

 24   est question de restitution des ennemis, c'est-à-dire des Serbes.

 25   Il est question des civils et d'armes que ces derniers auraient

 26   déplacées afin de mettre fin à votre supervision de ces armes, qui

 27   représentait un problème. Il est également dit, je cite :

 28   "S'ils ne remplissent pas cette condition, le commandement va


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  1   interdire les déplacements de la FORPRONU dans cette zone et prendre des

  2   mesures concrètes pour le retour de l'ennemi à ses positions initiales."

  3   Est-ce que vous vous rappelez qu'on vous avait demandé de combattre

  4   les Serbes ou que l'on s'attendait à ce que vous combattiez les Serbes ?

  5   R.  On attendait de nous à plusieurs reprises de combattre les Serbes à

  6   partir des deux côtés, et nous avons également souvent reçu des demandes

  7   d'interférer ou de combattre à côté de l'une ou de l'autre des parties.

  8   Notre problème était, bien entendu, que lorsque les Musulmans nous

  9   demandaient d'interférer dans des situations où c'était les Serbes qui

 10   attaquaient, nous n'avions pas de liberté de mouvement. Ils ne nous

 11   donnaient pas de liberté de mouvement et il n'y avait pas de possibilité

 12   d'intervenir. La même chose s'applique du côté de la VRS. Lorsqu'ils

 13   reprochaient à la BiH d'attaquer la VRS dans la partie occidentale, donc

 14   dans la zone de Bandera, nous n'avions pas l'autorisation de nous rendre

 15   là-bas. Nous n'avions pas non plus de liberté de mouvement. Donc nous

 16   recevions des ultimatums de part et d'autre, ainsi que des demandes, mais

 17   nous n'avions pas l'autorisation de faire notre travail, ni même de nous

 18   rapprocher un petit peu dans la direction concernée afin d'agir sur leur

 19   demande. La plupart du temps, il s'agissait de demandes visant à mettre un

 20   terme aux affrontements entre les parties.

 21   Q.  Merci. Est-il exact que les seules demandes de la partie serbe

 22   consistaient à vous demander un désarmement et une démilitarisation de

 23   l'enclave, et que la partie serbe ne vous a jamais demandé de vous battre à

 24   ses côtés ?

 25   R.  Non, mais elle a fréquemment demandé que nous arrêtions les opérations

 26   des Musulmans dirigées contre eux, parce que les Musulmans les attaquaient

 27   depuis l'extérieur de l'enclave. Nous n'avions pas la possibilité de nous

 28   rendre là-bas, ni même de vérifier si c'était vrai et de vérifier s'ils les


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  1   attaquaient même parce qu'ils ne nous permettaient pas de sortir de

  2   l'enclave. Donc ils demandaient aussi souvent de l'aide pour que nous les

  3   aidions à arrêter les attaques des Musulmans.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'en vertu de l'accord

  5   portant sur la zone de protection, les Musulmans n'avaient pas le droit

  6   d'attaquer les zones protégées, que cela n'aurait pas dû se passer, et que

  7   de ce fait certains de nos effectifs qui étaient très importants en nombre

  8   ont été engagés autour de Srebrenica et contraints de rester sur place ?

  9   R.  Bien entendu.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document

 12   P3951 ?

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors quelle était votre estimation de l'importance des effectifs des

 15   forces armées musulmanes sur place ?

 16   R.  Comme je l'ai indiqué précédemment, il n'y avait pas d'armée constituée

 17   comme armée permanente. Il n'y avait pas de soldats musulmans, mais il y

 18   avait un grand nombre d'individus dont l'âge se situait entre 20 et 50 ans

 19   et qui avaient peut-être fait partie de l'armée dans le passé. Donc il n'y

 20   avait pas d'armée à proprement parler, pas d'armée permanente.

 21   Q.  Est-ce que vous conviendrez que même une armée qui n'est pas une armée

 22   permanente ou réelle tire, en revanche, à balles réelles et peut tuer ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Voyez le paragraphe 2.34. Il s'agit ici d'un débriefing adressé,

 25   je crois, au ministère néerlandais compétent. Il s'agit de populations et

 26   de différentes parties. Il est question d'environ 40 000 personnes, 80 % de

 27   réfugiés. En fait, c'est le 2.33, et au 2.34, il est dit qu'il y a 3 000 à

 28   4 000 hommes. Il est également question d'armes.


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  1   Aujourd'hui, en visionnant un enregistrement vidéo, et je crois que, vous

  2   aussi, vous étiez présent à l'hôtel Fontana, nous avons entendu qu'ils

  3   avaient trois ou quatre chars. Et d'ailleurs, nous avons vu précédemment

  4   aussi qu'ils passaient commande de munitions de char. Est-ce que vous

  5   saviez cela ?

  6   Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Si j'ai bien

  7   compris, ces chars font référence au poste de collecte des armes. Il ne

  8   s'agit pas pour eux de posséder trois ou quatre chars. C'est donc une

  9   représentation erronée qu'est en train de faire M. Karadzic.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Tout d'abord, est-ce que vous savez que dans le cadre de ce débriefing,

 12   il a été constaté qu'ils disposaient de 3 à 4 000 combattants, quatre

 13   brigades disposant de 3 à 4 000 hommes ?

 14   R.  Je n'étais pas au courant qu'il y ait eu des brigades réelles, et

 15   certainement pas qu'il y ait eu 3 à 4 000 hommes. Bien entendu, il y a

 16   peut-être eu 3 ou 4 000 hommes dans l'enclave, mais pas sous la forme

 17   organisée de brigades.

 18   Q.  Merci. Savez-vous de combien de chars ils disposaient ? Est-ce que vous

 19   saviez combien de chars ils avaient et de quelle façon ils vous

 20   dissimulaient cela ?

 21   R.  Lorsque nous sommes arrivés dans l'enclave au mois de janvier 1995, il

 22   y avait un Bataillon néerlandais déjà avant nous, et avant cela, il y avait

 23   le 1er Bataillon néerlandais. Lorsqu'ils sont arrivés dans l'enclave, il y

 24   avait déjà une Compagnie canadienne sur place, et je ne sais pas à quel

 25   moment la démilitarisation de l'enclave a commencé. Je sais, en revanche,

 26   avec certitude, que le premier des bataillons au poste de collecte d'armes

 27   avait déjà la garde de deux chars, ainsi que de mortiers, de mitrailleuses

 28   lourdes ainsi que d'un grand nombre d'armes légères. Donc il y avait deux


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  1   cars au poste de collecte d'armes, et lorsque nous sommes arrivés dans

  2   l'enclave en janvier, à la mi-janvier, je crois, la première question que

  3   nous ont posée les Musulmans a été celle de la remise des armes du poste de

  4   collecte d'armes, y compris les chars. Le lieutenant-colonel Karremans ne

  5   leur a pas permis de prendre ces armes du poste de collecte, et je ne sais

  6   pas s'il y a eu ensuite entrée sur le territoire de l'enclave d'obus de

  7   char.

  8   Q.  Mais, hier, nous avons donné lecture de la déclaration de Naser Oric où

  9   il était dit qu'ils avaient cinq chars et qu'ils en ont remis deux sur ces

 10   cinq. Deux étaient endommagés, et puis l'un d'entre eux -- ou plutôt, ils

 11   en ont remis un et ils en ont endommagé volontairement un autre en

 12   l'incendiant. Est-ce que vous saviez qu'ils avaient cinq chars ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez qu'à partir du début du mois de juin, ils

 15   ont refusé les armes de l'entrepôt parce qu'ils disposaient d'armes plus

 16   modernes, et c'est l'un de vos officiers qui l'a déclaré ? Est-ce que vous

 17   savez que c'était la position des Musulmans, qu'ils ont déclaré : "Nous

 18   n'avons pas besoin de ces armes. Nous en avons de meilleures" ?

 19   R.  Non. La seule question à laquelle j'ai eu affaire face plusieurs fois

 20   dans cette période, c'est qu'ils voulaient que nous leur remettions les

 21   armes du poste de collecte d'armes. Donc, à mes yeux, il me semblait plutôt

 22   qu'ils n'avaient pas assez d'armes.

 23   Q.  Merci. Alors, vous savez, n'est-ce pas, que M. Franken a essayé de

 24   pénétrer sur cette partie du territoire et qu'il a été bloqué ? Et vous

 25   savez, n'est-ce pas, qu'après, une décision a été prise au terme de

 26   laquelle il était convenu que votre bataillon n'entrerait pas sur cette

 27   partie du territoire, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


Page 22216

  1   Q.  Merci.

  2   R.  Je crois que je devrais ajouter quelque chose à ceci. Il ne s'agissait

  3   pas spécifiquement de dire que le bataillon ne devait pas se rendre là-bas.

  4   Alors, je n'ai pas mes notes sur moi, mais à mon avis, nous avons fait

  5   plusieurs tentatives de gagner cette partie du territoire, mais elles se

  6   sont soldées par un échec.

  7   Q.  Oui, mais dans l'affaire Tolimir, document 1D04698, en page 6 820, vous

  8   avez dit qu'on avait donné l'ordre que les patrouilles ne se rendent plus

  9   là-bas. Vous avez dit ignorer si cela venait de la FORPRONU ou si c'était

 10   votre commandant qui avait donné cet ordre, n'est-ce pas exact ?

 11   R.  Oui, bien sûr, notre commandant a donné cet ordre à nos soldats, et je

 12   ne sais pas si c'était là sa décision ou si c'était une décision du

 13   commandement de Tuzla ou de Bosnie-Herzégovine.

 14   Q.  Merci. Au mois de février, le général Milovanovic vous a informé qu'il

 15   ne croyait pas à un respect du cessez-le-feu par les Musulmans. Est-ce que

 16   vous vous rappelez qu'à l'époque un cessez-le-feu était en vigueur, cessez-

 17   le-feu négocié juste avant votre arrivée par le président Carter, qui avait

 18   joué le rôle de médiateur entre moi-même et le président Izetbegovic, le 31

 19   décembre, et que ce cessez-le-feu était censé duré quatre mois ?

 20   R.  Non, je ne suis pas au courant de cet accord de cessez-le-feu

 21   particulier, parce que nous avons eu plusieurs accords de cessez-le-feu. Je

 22   ne sais pas à quel niveau et à quel moment ces accords de cessez-le-feu ont

 23   été conclus, et notamment concernant cette information du général

 24   Milovanovic. D'ailleurs, je ne le connais même pas.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on examiner le document numéro 16414 de la

 27   liste 65 ter. Ce n'est pas celui-ci. Ce n'est pas ce numéro. Excusez-moi,

 28   c'est 1D04701 -- un instant. Excusez-moi. Excusez-moi juste un instant.


Page 22217

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Ceci ne vous a apparemment pas été communiqué, mais nous pouvons

  3   examiner ce document. Numéro 16414 de la liste 65 ter. On voit que

  4   Milovanovic, dans ce document, parvient à la conclusion que les Musulmans

  5   n'allaient pas respecter le cessez-le-feu. Alors, est-ce que vous savez si

  6   les Musulmans ont respecté le cessez-le-feu ?

  7   R.  Non, pas dans ce cas particulier.

  8   Q.  Je vous demande de consulter la version anglaise de ce document. Donc

  9   vous étiez au courant du fait qu'Oric ne respectait pas les accords signés

 10   par Izetbegovic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne sais pas quels accords avaient été signés par Izetbegovic et je

 12   ne sais pas à quels ordres vous vous référez spécifiquement. La seule chose

 13   que nous savions dans l'enclave, c'était que tant la BiH que la VRS

 14   s'affrontaient fréquemment, essuyaient les tirs l'une de l'autre et ne

 15   respectaient ni l'une ni l'autre l'accord de cessez-le-feu. Donc il y avait

 16   peut-être eu un accord de cessez-le-feu, je ne sais pas auquel vous vous

 17   référez, mais en tout cas aucune des deux parties, au moins sur notre

 18   partie de l'enclave, ne les respectait.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'en remets aux Juges de la Chambre quant à

 21   la question de savoir si ce document sera versé ou non. Document qui

 22   corrobore l'expérience du témoin selon laquelle le cessez-le-feu n'était

 23   pas respecté.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Le témoin n'a rien confirmé

 25   concernant ce document. Nous ne le verserons donc pas.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Maintenant, à titre d'exemple, fin mars 1995, le commandant Nikolic


Page 22218

  1   vous informait des problèmes auxquels il était confronté avec les soldats

  2   musulmans, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je ne sais pas de quels problèmes vous parlez maintenant, mais je peux

  4   vous assurer que du début à la fin, le commandant Nikolic de la VRS, et

  5   bien entendu, également les dirigeants militaires et civils de l'enclave,

  6   nous ont fréquemment informés des problèmes qu'il rencontrait les uns avec

  7   les autres. Je veux dire que c'est souvent qu'ils nous demandaient de

  8   mettre un terme à des attaques de l'autre partie. En même temps, l'une

  9   comme l'autre des deux parties nous empêchaient de faire notre travail et

 10   ne nous accordaient pas la liberté de mouvement dont nous avions besoin

 11   pour faire notre travail, ni même dont nous avions besoin pour répondre à

 12   leurs demandes.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant pour quelques instants

 15   examiner le document 1D04701 ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Ici, il s'agit du commandement de ce groupe opérationnel, ou plutôt,

 18   l'état-major général donne pour ordre au 8e Groupe opérationnel de

 19   Srebrenica et à la Brigade de Zepa de se tenir pleinement prêts à combattre

 20   à la date du 17 février, c'est-à-dire pendant la durée d'un cessez-le-feu.

 21   Alors, est-ce que vous voyez, ici, que son comportement était en accord

 22   avec les ordres donnés par sa propre hiérarchie, c'est-à-dire l'état-major

 23   de l'armée musulmane ?

 24   R.  Je ne faisais pas partie de la ligne de communication de l'ABiH. Nous

 25   ne recevions pas d'ordres de cette dernière, et je n'ai jamais vu ce type

 26   d'ordre auparavant.

 27   Q.  Mais vous conviendrez, n'est-ce pas, ici, qu'un ordre est envoyé pour

 28   que des mesures soient prises afin d'augmenter le niveau de préparation au


Page 22219

  1   combat des unités ? Ceci est envoyé au commandement du 8e Groupe

  2   opérationnel, et notamment à la 1ère Brigade de Zepa, et tout ceci est envoyé

  3   par l'état-major. Par ailleurs, est-ce que vous saviez ce qu'était le 8e

  4   Groupe opérationnel de Srebrenica ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est à la page suivante en anglais.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit précédemment, il y

  7   avait des représentants du 8e Groupe opérationnel au sein de l'enclave, au

  8   moins Naser Oric ainsi que d'autres. Pour nous, c'était le 8e Groupe

  9   opérationnel. Alors, bien entendu, je peux le lire ce qui figure dans cet

 10   ordre, mais cela ne m'éclaire en rien.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q. Bon, très bien. Mais si vous aviez pu voir ceci à l'époque et si vous

 13   l'aviez reçu, est-ce que vous auriez considéré que c'était là des ordres

 14   qu'ils adressaient à des civils -- ou plutôt, à des unités militaires ?

 15   Voyez ce qu'il dit : Donnez l'ordre de se tenir pleinement préparé au

 16   combat, et puis des instructions, ensuite, quant à ce que ce groupe

 17   opérationnel était censé faire. On parle ensuite d'hélicoptères,

 18   d'évacuation, de camouflage, et au point numéro 5, il est dit, je cite :

 19   "Si l'on devrait retrouver cet hélicoptère, dans vos contacts avec

 20   les représentants de la FORPRONU, adoptez la position consistant à dire que

 21   le but était de transporter des représentants politiques de Srebrenica et

 22   de Zepa qui devaient participer au travail des organes politiques de l'Etat

 23   …"

 24   Point numéro 6 :

 25   "Le commandement du 2e Corps mènera les activités préparatoires évoquées

 26   dans la directive, en liaison avec l'engagement des forces dans la

 27   direction des zones protégées de Srebrenica et de Zepa."

 28   Donc il s'agit ici d'un ordre de grande ampleur ? Ce n'est pas le genre de


Page 22220

  1   chose que l'on adresse à ces civils, n'est-ce pas ?

  2   Mme WEST : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. La première

  3   question, qui est posée par l'accusé, consistait à demander au témoin : Si

  4   vous aviez reçu ces documents à l'époque, est-ce que vous auriez considéré

  5   qu'il s'agissait de … alors, ce n'est pas une question à laquelle il est

  6   possible de répondre pour le témoin, parce que tout un chacun a la

  7   possibilité de lire ce document pour ensuite deviner qui pouvait être à

  8   l'autre bout de la chaîne d'envoi. Mais le témoin a déjà indiqué ne pas

  9   avoir fait partie de cette chaîne d'envoi d'ordres, et je ne crois pas que

 10   ce soit la bonne personne pour affirmer ce genre de choses au sujet de ce

 11   document.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que la question peut être

 13   maintenue.

 14   Pouvez-vous répondre, Monsieur Rave ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je lis ce document, il est

 16   envoyé, à ce que je vois, à une organisation militaire; c'est clair pour

 17   moi. Comme je l'ai dit, nous n'avions pas affaire uniquement aux civils de

 18   l'enclave mais également à des représentants du 8e Groupe opérationnel, à

 19   savoir Naser Oric, Ramiz et d'autres. Donc il y avait une hiérarchie, il y

 20   avait des représentants au sommet de cette dernière, puis il y avait une

 21   partie d'une organisation militaire, mais pas d'armée permanente, et c'est

 22   la chose que je puisse ajouter. Après voir lu une partie de ce document -

 23   et je crois l'avoir dit également dans mes déclarations - je n'ai pas

 24   d'informations indiquant que des unités militaires devaient se ternir

 25   pleinement prêtes à combattre ou que d'autres unités étaient en train de se

 26   préparer dans l'enclave. Je n'ai aucune information indiquant que des

 27   opérations militaires étaient entreprises ou des manœuvres. Alors, il y

 28   avait des rumeurs, la VRS pouvait nous informer que de telles choses se


Page 22221

  1   produisaient, mais rien de plus.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Merci. Est-ce que, dans les briefings de votre bataillon, il

  4   était question de vols d'hélicoptère, de livraisons d'armes ? Y avait-il ce

  5   genre d'information ?

  6   R.  Nous avions fréquemment des informations concernant des vols

  7   d'hélicoptère aux alentours de l'enclave, mais pas dans l'enclave, au-

  8   dessus de cette dernière. Je n'ai pas, en tout cas, d'informations

  9   concernant un approvisionnement en armes à destination de l'enclave.

 10   Q.  Merci. Est-il exact qu'à un moment donné, en fait, vous dites que

 11   vous vous êtes retrouvés avec seulement 16 % de vos réserves en munitions.

 12   Mais alors, à partir du début de janvier, combien de munitions disposez-

 13   vous ?

 14   R.  Je ne sais pas. Je ne faisais pas partie de cette chaîne de

 15   commandement. Je sais seulement qu'il n'y avait pas assez de munitions, il

 16   n'y en avait pas autant que cela était nécessaire, parce que l'on nous

 17   avait refusé les autorisations nécessaires pour acheminer des réserves de

 18   munitions ou même toute forme de munitions. Je crois que ceci devrait être

 19   plutôt posé au commandant Franken ou au commandant -- à M. Karremans comme

 20   question, parce que, moi, je ne sais vraiment pas.

 21   Q.  Merci. Vous pourriez peut-être quand même dire de quelle façon

 22   vous vous êtes retrouvés avec seulement 16 % des stocks de munitions ? Est-

 23   ce que vous avez mené des opérations de combat ?

 24   R.  Nous ne nous sommes pas retrouvés avec 16 %. Alors, je me livre

 25   peut-être dans une certaine mesure à des spéculations, mais je sais, avec

 26   certitude, que toutes les munitions dont nous avions besoin dans l'enclave

 27   et qui devaient nous être fournies lorsque nous sommes arrivés dans

 28   l'enclave, et qui étaient d'ailleurs nécessaires également au 1er Bataillon


Page 22222

  1   néerlandais dès le début, n'ont pas pu passer parce que la VRS ne nous a

  2   pas permis d'apporter suffisamment de munitions pour faire correctement

  3   notre travail, en tout cas, les munitions nécessaires à ce dernier. Alors

  4   je crois que vous nous suggérez peut-être là que nous avions beaucoup de

  5   munitions et que nous nous sommes retrouvés avec seulement 16 % parce que

  6   nous les aurions peut-être remises aux Musulmans, les munitions manquantes

  7   -- et je soupçonne que ce sera là votre question suivante - et la réponse

  8   dans ce cas-là sera non. 

  9   Q.   Non, non, non. Moi, je vous demande seulement ce que vous

 10   faisiez des munitions et qu'est-ce qui expliquait ces variations de stock,

 11   parce qu'il y a certainement eu à un moment donné 100 % de ce stock de

 12   munitions. Comment est-on descendu à seulement 16 % ? C'est que vous avez,

 13   en fait, dit lors d'un débriefing, 1D04697, débriefing qui remonte à 1995.

 14   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai vu ce débriefing,

 15   mais je crois que c'est celui de M. Franken, et quant à ce qui a été

 16   déclaré par ce témoin-ci, il n'a jamais parlé de 16 % de stock de

 17   munitions.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voyons ce document.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document au

 20   dossier de façon à ce qu'il puisse disparaître de nos écrans ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, document de l'ABiH, un

 22   ordre de Hadzihasanovic.

 23   Mme WEST : [interprétation] Je n'étais pas claire. Au début de cela, il a

 24   dit : Vous avez dit, dans votre déclaration, 16 %. Le témoin a mentionné :

 25   Je n'ai jamais dit cela.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, ça ne porte pas sur les 16 %. C'est

 27   un ordre de l'état-major général de l'ABiH, un ordre à l'attention du 8e

 28   Groupe pour s'assurer que toutes les unités soient dans un état de


Page 22223

  1   préparation au combat complet.

  2   Mme WEST : [interprétation] D'accord. Mais le document 4697 n'est pas la

  3   déclaration précédente.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Il demande de verser le

  5   document 1D4701, et je vous demande si vous êtes d'accord pour que ce

  6   document soit versé ou pas.

  7   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  8   Mme WEST : [interprétation] Je suis désolée, ce n'est pas très clair dans

  9   mon esprit.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'a dit que ce document avait déjà

 11   été versé.

 12   Quel est le numéro de ce document ? D1955.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Effectivement.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Effectivement, j'avais oublié cela. C'est

 16   exact.

 17   Maintenant, j'ai devant moi des informations laissant penser que ceci avait

 18   été mentionné lors de la réunion de débriefing le 2 février 1995, et le

 19   numéro est le 1D04697, et vous avez dit que vous étiez descendus à 16 % de

 20   votre stock en munitions. Je ne vois pas comment ces propos peuvent être

 21   attribués à M. Franken. Ce n'est marqué nulle part. Je regarde la page 4

 22   ici. Essayons de voir où sont mentionnés les 16 %, parce que ça nous aidera

 23   plus que toute autre chose. Premier paragraphe, dernière ligne. Alors,

 24   voyons voir qui a dit cela. Peut-être que c'est à la page précédente. Peut-

 25   être que l'on pourrait voir qui a parlé de cela.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous regardez la première page, on

 27   voit qu'il s'agit d'un débriefing par le témoin.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est la raison pour laquelle je cite


Page 22224

  1   cela.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que cela a été mentionné lors du

  4   débriefing par le Bataillon néerlandais, à savoir que les réserves en

  5   munitions étaient tombées à 16 % ?

  6   R.  Je ne sais pas si c'est mentionné que c'était descendu à 16 %. Je vois

  7   que les réserves de munitions se trouvaient à 16 %. Je suis convaincu que

  8   nous n'avons jamais été à 100 %. Bien sûr, lorsque vous prévoyez une

  9   opération, vous prévoyez d'avoir 100 % de munitions et d'autres stocks,

 10   mais si vous n'avez que 16 %, cela signifie donc que les réserves de

 11   munitions étaient à 16 % -- du moins, c'est ainsi que je comprends ce

 12   document.

 13   Q.  Merci. Alors, pourquoi est-ce que l'armée de la Republika Srpska vous

 14   aurait permis d'acheminer des quantités de munitions sans restrictions pour

 15   les stocker dans une enclave où vous êtes censés assurer la sécurité d'une

 16   zone démilitarisée et où vous n'êtes pas censés utiliser ces munitions ?

 17   R.  Je crois que vous n'êtes pas sans savoir que quand une organisation

 18   militaire reçoit un ordre pour mener à bien une mission,  elle se procure

 19   des armes et des munitions également. Parce que si vous n'avez pas de

 20   munitions, vous n'avez pas besoin de prendre vos armes. Je crois que

 21   c'était le volet politique qui, au départ, avait prévu que l'armée

 22   néerlandaise ne pouvait pas emporter des armes lourdes, pas autant qu'elle

 23   l'aurait souhaité. Donc un accord avait été conclu sur les types d'armes

 24   qui pouvaient être emportées dans l'enclave. Quand ils sont arrivés, ils ne

 25   pouvaient pas emporter toutes les munitions qu'ils souhaitaient, mais il

 26   n'y avait pas uniquement les munitions. Il y avait les restes des stocks

 27   dont on avait besoin; on n'a pas eu le droit de les faire venir à

 28   l'intérieur de l'enclave. C'était les procédures opérationnelles tout à


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  1   fait classiques, à savoir que vous preniez les armes dont vous aviez besoin

  2   et les munitions associées à ces armes.

  3   Q.  Merci. Nous n'avons toujours pas de réponse, Monsieur Rave. Comment

  4   cette fluctuation dans les stocks peut-elle être expliquée ? Qu'est-il

  5   advenu de ces munitions ? Parce que ce qui est mentionné ici, c'est un

  6   incident. Le problème était donc que ces munitions étaient à 16 %, mais ce

  7   niveau de stock n'a pas été toujours le même. Donc qu'est-ce que vous

  8   emportiez à l'intérieur de l'enclave ?

  9   R.  Je ne vois pas où vous voyez que ça n'a pas toujours été à 16 %. Vous

 10   savez, je ne suis pas responsable de la logistique. Je ne sais pas si

 11   c'était un peu plus ou un peu moins. C'est les informations que j'ai

 12   reçues, et je crois que même à l'époque c'est les informations actualisées

 13   que j'avais. Je crois que le débriefing était d'août ou de septembre 1995,

 14   et je ne vois rien dans mes notes qui pourrait expliquer cela. Je n'étais

 15   pas responsable de la logistique et je n'ai aucun document qui pourrait

 16   prouver que le stock en munitions était plus élevé ou, au contraire,

 17   inférieur à ce qui est mentionné ici.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on passer à la page suivante de ce

 19   document, s'il vous plaît ? J'aimerais que l'on se concentre sur le

 20   deuxième paragraphe en partant du haut de la page.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que beaucoup d'argent était passé de

 23   manière illégale dans des boîtes de conserve et qu'on pouvait facilement

 24   abuser de la présence des organisations internationales pour faire entrer

 25   de l'argent dans l'enclave, pour faire sortir l'argent, et déposer cet

 26   argent sur des comptes bancaires allemands ? Je voudrais que vous

 27   consultiez ce paragraphe en partant du début. Vous voyez ce que l'on

 28   demande à Naser. On lui demande de passer en contrebande un million, donc à


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  1   compter de là et jusqu'au paragraphe qui commence par les mots "le major De

  2   Haan."

  3   R.  Quelle est votre question ?

  4   Q.  Est-ce que vous étiez au courant de cela, le fait que de l'argent

  5   passait en contrebande dans l'enclave ? Et puis, ils ont essayé et sont

  6   arrivés à se servir de la présence de représentants étrangers ?

  7   R.  J'étais au courant de cela, ou du moins c'était une rumeur. Par le

  8   biais du 12e Bataillon, Naser Oric contactait des personnes afin

  9   d'acheminer des sommes importantes d'argent. J'ai essayé de voir si on

 10   pouvait aborder cette question parce que, pour l'instant, ce n'était qu'une

 11   rumeur. On ne m'a jamais demandé -- ni les personnes autour de moi, de

 12   faire passer de l'argent en contrebande. Comme vous l'avez vu dans la

 13   première page de ma déclaration, un de mes rôles était d'assurer la

 14   sécurité sur le terrain, et dans ce cadre-là, il fallait s'assurer que tous

 15   les soldats de la FORPRONU restent aussi impartiaux que possible vis-à-vis

 16   de toutes les parties en présence et de ne pas s'impliquer dans ce genre de

 17   trafic.

 18   Donc, lorsque l'on entendait des rumeurs que de l'argent était passé

 19   en contrebande ou que des personnes étaient pressenties pour acheminer de

 20   l'argent, on m'informait dans la plupart des cas et on s'assurait que cela

 21   ne se produise pas. On m'a informé qu'un des soldats néerlandais avait fait

 22   venir des Pays-Bas un paquet avec plusieurs boîtes de conserve qui

 23   contenaient de l'argent. Nous l'avons confisqué, c'est en fait la police

 24   militaire qui l'a saisi. Nous avons dressé un rapport et ceci a été réglé

 25   jusqu'aux Pays-Bas, jusqu'à l'origine de cet envoi. Il s'agissait d'argent

 26   qui provenait de Bosno-musulmans basés dans le reste de l'Europe. Ils

 27   collectaient ces sommes d'argent, les mettaient dans des boîtes de

 28   conserve, incluaient des listes de noms à l'intérieur, et de cette moyenne,


Page 22227

  1   ils essayaient d'acheminer ça aussi en direction de l'enclave.

  2   Q.  Merci, Monsieur Rave. Je vous demande de ne pas vous sentir attaquer

  3   que ce soit vous, que ce soit vos soldats, que ce soit les Nations Unies,

  4   que ce soit les Pays-Bas. Je sais très bien ce que nos gens sont capables

  5   de faire pour couvrir leurs activités et pour passer en contrebande de

  6   l'argent. Je vous demande simplement : L'armée de la Republika Srpska, mis

  7   à part, le fait qu'ils avaient le droit d'inspecter les convois, est-ce

  8   qu'ils n'avaient pas de bonnes raisons de mener ces contrôles ? C'était

  9   l'objectif de ma question. Je ne voulais pas accuser qui que ce soit de

 10   quoi que ce soit.

 11   Est-ce que vous êtes d'accord que toute armée qui est censée donner

 12   un droit de passage a le droit également de savoir si les personnes passent

 13   en contrebande, font entrer ou font sortir des éléments en contrebande des

 14   choses qui pourraient ensuite être utilisées à l'encontre de l'armée qui

 15   octroie ce droit de passage ?

 16   R.  Oui, ils pourraient effectivement avoir ce droit-là.

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait accepter le versement

 19   des deux pages qui ont été présentées au témoin, pages 3 et 4 ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois rajouter quelque chose. Bien sûr

 21   qu'ils avaient le droit de vérifier les convois, mais quand ils procèdent à

 22   vérifier des convois, ils n'ont pas le droit de voler des produits qui

 23   étaient à bord de ces convois et de prendre des décisions en exerçant leur

 24   propre discrétion. Parce qu'il n'y a pas de police des frontières, et s'ils

 25   ne sont pas en mesure de prouver que telle ou telle chose peut être

 26   utilisée contre elles. Je ne vois pas pourquoi ils auraient droit de voler

 27   des vêtements ou des uniformes issus des convois des Nations Unies ou du

 28   HCR des Nations Unies.


Page 22228

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les pages 1, 3, et 4 sont versées au

  2   dossier.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1, 2, et 3, ça devrait approprié.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous aviez dit 3 et 4, donc j'ai

  5   inclus la première page également, qui est la page de couverture.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, afin qu'on puisse identifier le document,

  7   donc 1, 2 et 3.

  8   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quoi qu'il en soit ce sera les deux

 10   pages qui ont été présentées au témoin, plus la page de couverture. Nous

 11   allons donc donner la cote -- ce document deviendra la pièce --

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce D1973, Monsieur le Président,

 13   Madame, Messieurs les Juges.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Rave, je suis tout à fait d'accord avec vous, ceci était

 17   inacceptable mais malheureusement ces choses se sont produites. Mais il

 18   faut mentionner que tout ceci était interdit et cela ne figurait pas dans

 19   les ordres. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela se produisait

 20   en raison d'actes individuels, isolés de personnes qui ne s'étaient pas

 21   soumises à la discipline ?

 22   R.  Je ne crois pas parce qu'ils étaient arrêtés à l'endroit où a atteint

 23   le pont jaune, et notre point de contact à la VRS était également au

 24   courant, et la plupart du temps, il avait plusieurs soldats, la plupart du

 25   temps dirigés par le commandant Momir Nikolic. Donc je ne pense pas qu'il

 26   s'agissait d'incidents isolés ou maintenant d'individus à proprement parler

 27   -- les incidents individuels.

 28   Q.  Ma première question est de savoir si vous saviez qu'il y avait une


Page 22229

  1   permission ou un ordre demandant aux soldats de voler.

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Merci. Est-ce exact que la partie serbe et principalement le commandant

  4   Nikolic a essayé de contacter Naser Oric par votre entremise et que Naser

  5   Oric a refusé de communiquer avec lui ?

  6   R.  Le commandant Nikolic a essayé à plusieurs reprises de contacter Naser

  7   Oric. Cela s'est produit à la mi-mars jusqu'à la fin du mois mars, ensuite

  8   ça s'est produit à plusieurs reprises. Je crois que le commandant Nikolic

  9   était au courant que Naser Oric n'était pas dans l'enclave, à ce moment-là,

 10   même si nous ne le savions pas. Il a peut-être été informé de la rumeur

 11   qu'il n'était pas dans l'enclave et par notre entremise il a essayé

 12   d'obtenir une confirmation que Naser n'était pas dans l'enclave.

 13   Q.  Moi, je ne suis pas officier du renseignement, donc je ne peux pas vous

 14   reprocher de vous livrer à des spéculations, mais vous conviendrez qu'il

 15   s'agit de spéculation. Le fait est que la partie serbe essayait de se

 16   mettre en relation, de prendre contact. Alors, si, moi, je vous dis que la

 17   partie serbe a, en fait, peut-être essayé de prendre contact pour essayer

 18   de réduire les incidents, est-ce que cela vous semble plausible, ou du

 19   moins est-ce que vous admettez que c'est là une possibilité ?

 20   R.  Non, pas du tout. Je pense qu'ils essayaient de se mettre en contact

 21   afin de réduire le nombre des incidents, et je crois que nous, en tant

 22   qu'équipe de liaison, nous étions en position de nous mettre en relation

 23   tant avec les Musulmans que de la VRS. Nous étions tout à fait capable de

 24   transmettre des messages d'une partie comme de l'autre sans qu'ils aient à

 25   se rencontrer parce qu'il y avait tant de haine entre les parties. En fait,

 26   je ne pense pas qu'ils souhaitaient même se rencontrer. Les deux parties

 27   considéraient qu'il était trop risqué de se rencontrer, physiquement, je

 28   veux dire, et de toute façon, aucune des deux parties ne voulait rencontrer


Page 22230

  1   l'autre physiquement.

  2   Q.  Merci. Cependant, il est un fait que le colonel Vukovic et le

  3   commandant Nikolic, n'est-ce pas, vous ont informé, notamment à la fin du

  4   mois de mars [phon], concernant les pertes très importantes du côté serbe

  5   ainsi que les incidents relatifs aux sorties de l'armée musulmane de

  6   l'enclave et aux Serbes qui étaient tués; est-ce exact ?

  7   R.  C'est exact, mais il faut alors aussi ajouter qu'au même moment nous

  8   avons demandé au commandant Nikolic, comme nous l'avions fait plusieurs

  9   fois auparavant, nous avons demandé également au colonel Vukovic, de nous

 10   accorder une liberté de circulation, ou bien de permettre aux observateurs

 11   militaires des Nations Unies ou aux soldats de la FORPRONU d'entrer dans

 12   l'enclave, afin de vérifier les déclarations qu'ils faisaient, parce que

 13   nous n'avions que leurs déclarations -- que les éléments d'information qui

 14   nous fournissaient, ils étaient souvent faux parce que les deux parties se

 15   livraient souvent à ce type d'agissement et nous nous retrouvions privés de

 16   toute possibilité de procéder à des vérifications, de sortir et de procéder

 17   à des vérifications.

 18   Q.  Très bien. Mais est-ce que vous les officiers vous ne vous accordez

 19   aucun crédit mutuellement ? Pourquoi n'auriez-vous pas cru le colonel

 20   Vukovic ou le commandant Nikolic lorsqu'ils vous disaient que des Serbes

 21   étaient tués, étaient victimes lors des sorties de l'armée musulmane hors

 22   de l'enclave ?

 23   R.  Il ne s'agit pas uniquement des officiers. Je crois que nous étions

 24   dans une situation de guerre et nous avons reçu à plusieurs reprises des

 25   promesses tant du colonel Vukovic que du commandant Nikolic à propos

 26   d'accords que nous avions passés. A plusieurs reprises, ils n'ont pas tenu

 27   les promesses qu'ils nous avaient faites et ne se sont pas tenus aux

 28   accords que nous avions passés. Donc, dans ce genre de situation,


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  1   évidemment, vous n'avez pas confiance et tout doit être vérifié, et

  2   revérifié.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous examinions brièvement le

  5   document D1961.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que vous saviez que les Serbes exigeaient, de façon déterminée,

  8   que Srebrenica soit démilitarisée, faute de quoi ils allaient lancer eux-

  9   mêmes une attaque ? Alors, je crois qu'il y a une erreur -- une erreur dans

 10   le numéro -- que le numéro est erroné. Cela devrait être 1D1961. Or, on a

 11   affaire ici au 1D1474.

 12   Alors, est-ce que vous avez entendu ma question ? Est-ce que vous

 13   avez entendu dire que -- enfin, est-il exact que les officiers serbes, à

 14   plusieurs occasions, vous ont dit : finissez de démilitariser l'enclave,

 15   faute de quoi nous allons lancer une attaque ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  A présent, je vais vous présenter un certain nombre de documents

 18   musulmans, y compris des rapports de combat au sein desquels il est

 19   question de dizaines de victimes serbes causées par des soldats de la 28e

 20   Division. Voilà, par exemple, l'un de ces documents. Voyez la version

 21   anglaise. On y trouve une description de tout ce que font les soldats de la

 22   28e Division. Ils intensifient leurs activités dans la profondeur de notre

 23   territoire autour de Srebrenica et Zepa. Ils engagent nos forces afin que

 24   nous ne les dépêchions pas à Sarajevo. Ils ont brûlé l'intégralité du

 25   village de Visnjica, ils ont tué 40 hommes. Est-ce que vous étiez au

 26   courant de cela ? Est-ce que vous voyez que vous auriez dû croire les

 27   officiers serbes lorsqu'ils vous disaient que ceci était devenu intolérable

 28   ?


Page 22232

  1   R.  Bien sûr, nous recevions fréquemment ce type d'information de la part

  2   des officiers serbes. Nous nous en rendions compte, et encore une fois, je

  3   ne peux dire que la chose suivante : nous souhaitions, par exemple,

  4   empêcher -- alors, c'était à la même période que celle où nous recevions

  5   fréquemment ces informations de la part des officiers serbes nous indiquant

  6   que des Musulmans se livraient à du trafic d'armes, notamment à partir de

  7   Zepa vers Srebrenica. Ils nous ont demandé s'il serait possible pour nous

  8   de régler cela et de l'empêcher, mais nous n'avions pas suffisamment de

  9   personnel, et à un moment, le personnel ne s'est pas vu autorisé un retour

 10   à l'enclave par la VRS. Nous n'avions pas suffisamment de matériel pour

 11   construire de nouveaux postes d'observation dans la partie sud de

 12   l'enclave. Donc, la seule chose que nous pouvions faire, et ce, au mieux,

 13   c'était de contrôler et d'observer la partie sud et d'empêcher le trafic

 14   d'armes dans la mesure où nous étions en position de l'observer. Nous

 15   informions bien entendu l'ABiH des plaintes de la partie serbe et, bien

 16   entendu, ils niaient que de tels agissements aient pu avoir eu lieu.

 17   Q.  Merci. Combien de soldats vous auraient-ils été nécessaires pour que

 18   vous puissiez contrôler 4 à 6 000 soldats musulmans qui portaient des

 19   habits civils, qui se déguisaient, en fait, en civils et combattaient comme

 20   tels ? De combien de soldats auriez-vous eu besoin pour cela, tout en étant

 21   capable en même temps d'assurer votre propre sécurité pour ne pas tomber

 22   dans des attaques de type guérilla ?

 23   R.  Je crois qu'il s'agit ici d'aspects opérationnels et que ces questions

 24   devraient être posées au commandant ou au commandant en second, et non pas

 25   à moi-même.

 26   Q.  Oui, mais, moi, en qualité de civil, je peux vous présenter ma

 27   position, qui consiste à dire que la seule solution, c'était de procéder à

 28   la démilitarisation, parce que, vous, à moins d'avoir disposé de 10 à 15


Page 22233

  1   000 soldats, vous n'auriez pas pu contrôler 4 à 6 000 partisans -- 4 à 6

  2   000 guérilléros qui étaient en position de vous tuer. Ai-je raison de dire

  3   cela ? Parce qu'en fait, vous n'auriez jamais pu avoir suffisamment

  4   d'effectifs pour cela et que la seule solution aurait été de mener à bien

  5   la démilitarisation.

  6   R.  Oui, bien sûr. Je crois que, pour une démilitarisation complète de part

  7   et d'autre, non pas uniquement de l'armée régulière mais également des

  8   civils, je crois qu'il aurait fallu modifier l'accord de la FORPRONU. Par

  9   exemple, il aurait fallu prévoir également la possibilité de

 10   perquisitionner des maisons.

 11   Q.  Merci. Alors vous avez confirmé, n'est-ce pas, que le 1er juillet -- en

 12   fait, vous avez confirmé avoir rencontré le colonel Vuckovic, le 1er

 13   juillet, et que ce dernier vous a présenté la situation qui prévalait

 14   autour de l'enclave. Vous avez confirmé également que ce dernier a déclaré

 15   que l'armée serbe avait l'obligation de réagir, ce à quoi vous avez

 16   rétorqué que si l'armée serbe réagissait, il y aurait des frappes

 17   aériennes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Je ne sais pas si je l'ai dit de cette façon. Je suis simplement en

 19   train de vérifier mes notes.

 20   Q.  Je crois que ceci se trouve - un instant - dans votre déclaration

 21   écrite 1D04690, page 4, votre déclaration écrite, et dans le prétoire

 22   électronique, c'est enregistré sous la cote 1D04690, donc. Au paragraphe 6

 23   de votre déclaration, vous dites que, selon vous, il vous a dit que c'est

 24   par la force qu'ils allaient prendre le poste d'observation -- que c'était

 25   peut-être même par la force qu'ils allaient prendre le poste d'observation.

 26   C'est comme ça que vous l'avez formulé.

 27   R.  Je ne peux pas le retrouver dans mes notes, mais ceci correspond au

 28   souvenir que j'en ai. Ils nous ont ordonné de quitter le poste


Page 22234

  1   d'observation parce qu'ils souhaitaient utiliser la route sur laquelle se

  2   trouvait ce poste d'observation, et ils disaient qu'ils finiraient par

  3   prendre par la force ce poste d'observation. Nous avons répondu, nous avons

  4   déclaré que nous leur interdirions l'accès à ce poste d'observation et que,

  5   si nécessaire, nous demanderions un soutien aérien rapproché.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que cette route et cette bande de

  7   territoire entre Zepa et Srebrenica, les Serbes -- l'armée de la Republika

  8   Srpska en ont été injustement privés -- on les a injustement privés de

  9   l'accès à cette route ?

 10   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela. Je viens de vous expliquer.

 11   Lorsque nous sommes arrivés à l'enclave, nous nous sommes vus remettre une

 12   carte sur laquelle se trouvait une ligne rouge, et pour nous, c'était la

 13   frontière de l'enclave telle qu'acceptée par les deux parties, ou du moins,

 14   c'est ce que nous pensions, bien entendu. Tant les Musulmans d'une part que

 15   les Serbes d'autre part ne reconnaissaient pas cette ligne rouge. Les uns

 16   comme les autres revendiquaient un peu plus de terre, et nous n'avons

 17   jamais réussi à créer une situation dans laquelle nous aurions pu nous

 18   mettre d'accord sur la ligne précise dont il s'agissait avec chacune des

 19   parties séparément. Donc, de mon point de vue, les postes d'observation

 20   avaient déjà été mis en place au début février 1994. Je ne sais pas s'il y

 21   avait le moindre document mentionnant que la situation telle qu'elle

 22   prévalait ou l'emplacement des postes d'observation n'était pas ce qu'elle

 23   aurait dû être.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je relève l'heure.

 25   Nous allons faire maintenant une pause de 15 minutes. Vous avez déjà

 26   utilisé une heure et 15 minutes. Il vous reste donc environ trois quarts

 27   d'heure, et je crois qu'il serait grand temps pour vous d'aborder des

 28   sujets plus pertinents après la pause.


Page 22235

  1   Nous reprendrons, en tout cas, à 15 heures 15.

  2   --- L'audience est suspendue à 15 heures 02.

  3   --- L'audience est reprise à 15 heures 16.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, continuez.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. 

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Rave, nous allons revenir au mois de juillet aussi rapidement

  8   que possible. Est-ce exact que, dès le début du mois de juin, vous aviez

  9   remarqué que les Musulmans réalisaient des actes de provocation à partir de

 10   la proximité des postes d'observation avec l'intention de vous impliquer

 11   dans la guerre ?

 12   R.  Je ne sais pas exactement où ça a commencé. Je ne peux pas vous dire

 13   exactement quand ceci a commencé, mais après l'attaque du poste

 14   d'observation Echo dans le sud, et ensuite au poste d'opération Foxtrot,

 15   les Musulmans se sont rassemblés autour du poste d'observation et ont

 16   essayé d'avoir des contacts donc feu avec la VRS, ont essayé d'impliquer

 17   les Nations Unies.

 18   Q.  Merci. Je ne sais pas si ceci est traduisible, mais dans notre langue

 19   on dit qu'on essaie de se cacher derrière un grand-père, et ensuite de

 20   tirer sur un ours afin de se garder la vie, sauve soi-même. En d'autres

 21   termes, ils voulaient vous utiliser, vous, pour vous impliquer dans un

 22   conflit avec les Serbes, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, je pense que c'était l'intention que les Serbes ouvriraient le feu

 24   contre les postes opérationnels et ils attendaient, bien sûr, que la

 25   réaction de la FORPRONU soit de riposter en tirant en direction des Serbes.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez avoir entendu qui que ce soi

 27   disant qu'Arkan avait été remarqué dans la zone de Srebrenica, et vous

 28   croyiez que c'était le cas, même si vous n'avez pu le vérifier ?


Page 22236

  1   R.  Oui - il faudrait que je consulte mes notes - au moins à deux reprises,

  2   nous avons reçu des informations que l'on avait aperçu Arkan dans la

  3   région. A un moment donné, il avait été vu à Bratunac, je crois dans

  4   l'après-midi ou aux environs de midi, et l'information venait du côté

  5   musulman, et la même source qui avait fourni à plusieurs reprises des

  6   informations qui s'étaient avérées exactes. Par exemple, la constitution de

  7   forces dans la partie sud, à des tanks dans la partie sud de l'enclave à

  8   partir de la VRS, et cette source donc nous avait donné ces informations.

  9   Q.  Merci. Dans votre déclaration consolidée, vous avez mentionné qu'il

 10   s'agissait d'Ekrem et d'Avdo Majstorovic, alors que dans une autre

 11   déclaration, vous avez dit qu'il s'agissait, en fait, d'Ekrem et de Ramiz;

 12   est-ce exact ?

 13   R.  Il faudrait que je regarde mes notes. Je n'ai pas la date exacte.

 14   Q.  Quoi qu'il en soit, ce n'est pas très important. On peut passer à autre

 15   chose. Dès le 6 ou le 7 juillet, vous aviez vu que des combats avaient eu

 16   lieu dans le triangle Bandera, et vous parlez de cela dans le paragraphe 7

 17   de votre déclaration consolidée, n'est-ce pas ? Est-ce exact ?

 18   R.  Je ne retrouve pas cela dans la déclaration --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est au paragraphe 7, Monsieur

 20   Karadzic; c'est ça ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, le paragraphe 7 :

 22   "Beaucoup de combats et de tirs dans le triangle de Bandera, à

 23   proximité du poste d'observation Foxtrot --"

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Ah, désolé, c'est peut-être la page 7, plutôt que le paragraphe 7.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, c'est le cas. Il y avait


Page 22237

  1   beaucoup de combats qui avaient lieu. Nous avons obtenu des informations de

  2   nos postes d'observation, et c'était donc dans les confins nord et sud du

  3   triangle de Bandera. Ils nous ont informés qu'il y avait effectivement

  4   énormément de combats qui avaient lieu. Bien sûr, nous avons reçu

  5   l'information de notre poste d'observation Foxtrot.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Merci. Je n'ai pas le temps de vous présenter des documents qui ont

  8   déjà été versés au dossier. Mais j'aimerais savoir : est-ce que vous étiez

  9   informé que durant tout le mois de juin, et plus particulièrement à compter

 10   du 15 juin jusqu'à la fin du mois de juin, une offensive musulmane

 11   importante avait lieu dans la zone de Sarajevo et que les forces musulmanes

 12   à Srebrenica avaient essayé d'accroître leurs activités afin de prêter

 13   soutien aux combats à Sarajevo ? Pouvez-vous nous dire si vous étiez au

 14   courant de cela ou pas ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit du même triangle de

 17   Bandera auquel vous n'aviez pas accès puisque les hommes de Zulfo

 18   Tursunovic vous avaient empêché l'accès, qu'il s'agisse de civils ou de

 19   soldats, mais nous parlons de la même région ?

 20   R.  Je ne sais pas de quelle région vous parlez. Il n'y avait qu'un seul

 21   triangle de Bandera et, effectivement, Tursunovic était le dirigeant de ce

 22   triangle.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on rapidement consulter le document de

 25   la liste 65 ter 15584 ?

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  En tant que soldat, est-ce que vous pourriez nous dire, s'il vous

 28   plaît, si vous tolériez le fait que, dans toute opération offensive en


Page 22238

  1   Bosnie-Herzégovine, la 28e Division s'était impliquée de manière intensive

  2   et s'était engagée de façon à mette en défaite l'armée serbe ? Est-ce que

  3   vous auriez toléré cela ?

  4   R.  Est-ce que vous me demandez personnellement ou en tant que représentant

  5   de la FORPRONU que -- si j'avais été au courant de cela, est-ce que je

  6   l'aurais empêché ? Je pense que c'est ce que nous avons fait, mais je ne

  7   suis pas au courant de ce qui est mentionné dans ce document.

  8   Q.  Merci. Nous voyons ici que le général Zivanovic était encore le

  9   commandant, et il a donné un ordre le 2 juillet, et il mentionne où se

 10   trouvent les différentes brigades musulmanes. Il parle de la 280e qui

 11   bloque l'axe Potocari-Srebrenica; la 281e Brigade qui bloque l'axe Podgaj-

 12   Borovac; que la 282e est à Zeleni Jadar; la 283e se trouve dans un autre

 13   village, et cetera.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante ?

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous voyez que dans le paragraphe suivant, il est mentionné que

 17   l'intention est d'unifier les deux enclaves de façon à pouvoir les relier

 18   d'un point de vue militaire. Et vous voyez où la 284e Brigade se trouve, et

 19   nous voyons quelle est sa décision, je parle de la décision du commandant

 20   du Corps de la Drina. Nous voyons bien quelle est sa décision à ce moment-

 21   là. Au paragraphe 3, il est mentionné : "J'ai décidé," Et vous voyez que

 22   Srebrenica et Zepa étaient censées s'en tenir aux frontières qui avaient

 23   été convenues, que les positions tactiques devraient être améliorées et que

 24   les conditions devraient être créées afin de régler les problèmes dans

 25   l'enclave, parce que l'armée serbe est constamment prise à partie.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

 27   plaît ?

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 22239

  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que, durant votre première réunion, le

  2   général Zivanovic vous a dit : Vous devez vous démilitariser ou alors

  3   j'attaquerai ?

  4   R.  Je ne pense pas que c'était les propos du colonel Vukovic --

  5   Q.  Non, non, je parle du général Zivanovic. C'est lui qui est à l'origine

  6   de cet ordre.

  7   R.  La seule fois que j'ai rencontré le général Zivanovic, je crois que

  8   c'était le 6 ou le 8 janvier 1995, durant la réunion de prise de contrôle à

  9   l'hôtel Fontana. A ce moment-là, le général Zivanovic m'a dit qu'il avait

 10   le droit de se rendre dans l'enclave parce que l'enclave était à lui. Ce

 11   n'était pas celle du général Mladic. Ce n'était pas celle du M. Karadzic.

 12   Du moins pour les confins sud de l'enclave, c'était à lui. C'est la seule

 13   chose que je sais au sujet des ordres ou des idées qui étaient celles du

 14   général Zivanovic concernant l'enclave de Srebrenica.

 15   Q.  Est-ce qu'il ne vous a pas dit durant votre première réunion que vous

 16   devriez procéder à la démilitarisation de 

 17   l'enclave ?

 18   R.  Je ne me souviens pas exactement de ce qui a été mentionné durant cette

 19   réunion qui a duré neuf heures, parce que nous avons abattu pas mal de

 20   terrain durant cette réunion qui était longue. Bien sûr, je pense et je

 21   peux facilement m'imaginer que la question de la démilitarisation a été

 22   mentionnée, mais pas nécessairement que nous devrions uniquement

 23   démilitariser ou que nous devrions uniquement assurer le contrôle de

 24   l'enclave.

 25   Q.  Si je trouve ceci avant la fin du contre-interrogatoire, je vous

 26   montrerai cela. Il est mentionné : Respect du droit international

 27   humanitaire -- je vous demande un instant, s'il vous plaît. Bon, nous

 28   n'avons pas le temps. Je ne peux pas vraiment continuer sur ce sujet. Nous


Page 22240

  1   allons passer directement au mois de juillet.

  2   Vous avez vu et vous avez reçu des informations concernant la région

  3   au sud où les enclaves se touchent, et dans cette région, l'armée serbe

  4   avançait, n'est-ce pas ?

  5   R.  Nous avons reçu des informations qu'il y avait de plus en plus de

  6   troupes de la VRS qui s'agglutinaient dans la partie sud de l'enclave,

  7   effectivement.

  8   Q.  Merci. Ensuite, on a essayé de procéder au retrait de vos soldats du

  9   poste d'observation, et ensuite des Musulmans ont tué un soldat à vous en

 10   utilisant une balle dum-dum, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non, ce n'est pas exact. Lorsque le poste d'observation Foxtrot a été

 12   repris par la VRS, ceux qui dotaient en personnel ce poste d'observation se

 13   sont retirés. Ils sont donc repartis à bord d'un blindé, en empruntant une

 14   route non goudronnée qui passait par Srebrenica. Au bout de la rouge

 15   goudronnée, il y avait des civils musulmans, et c'est là qu'un de nos

 16   soldats a été tué soit par une grenade à main, soit par un tir, je ne suis

 17   pas sûr.

 18   Q.  Merci. Dans l'affaire Tolimir, M. Franken a dit qu'il s'agissait d'une

 19   balle de type dum-dum, mais bon. Quoi qu'il en soit, votre armée, ou

 20   plutôt, vos soldats qui dotaient en personnel le poste d'observation ont

 21   décidé de poursuivre plutôt que de repartir en arrière et de se rendre aux

 22   Serbes plutôt que de retourner en direction de l'enclave. C'est aux

 23   paragraphes 34 et 35. Il est mentionné :

 24   "Les hommes du poste d'observation n.avaient qu'une possibilité,

 25   c'est-à-dire continuer vers l'avant et se rendre à la VRS, parce qu'ils

 26   avaient peur de repartir en arrière, où les Musulmans avaient essayé de les

 27   arrêter. Il avait eu un incident le même jour quelques heures auparavant

 28   lorsqu'un soldat, Raviv van Renssen, avait tué."


Page 22241

  1   R.  Oui. Mais quelle est votre question ? Parce que, maintenant, nous

  2   parlons du poste d'observation Foxtrot, et pas du poste d'observation

  3   Uniform. Les Musulmans nous ont empêchés de faire notre travail à bord du

  4   poste d'observation. Ils n'avaient qu'une idée, c'était que la FORPRONU

  5   continue vers l'avant et attaque la VRS. Donc la seule possibilité c'était

  6   en fait de partir vers l'avant et de nous rendre aux troupes de la VRS

  7   mais, bien sûr, ils savaient que s'ils n'écoutaient pas les semonces de

  8   l'ABiH. Il était possible, comme cela s'est produit pour Raviv van Renssen,

  9   d'être pris à partie et d'être tué.

 10   Q.  Merci. Aujourd'hui, durant l'interrogatoire principal, vous avez

 11   confirmé ce qui avait été avancé par le bureau du Procureur, à savoir que

 12   vos soldats avaient été faits prisonniers par l'armée serbe. Mais, en fait,

 13   c'était leur choix, leur choix d'avancer en direction de l'armée serbe, et

 14   ensuite ils ont été hébergés dans un hôtel à Bratunac; est-ce exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Merci. De plus, durant la nuit du 10 au 11, vous avez confirmé, n'est-

 17   ce pas, que les soldats musulmans ont quitté l'enclave et ont essayé de

 18   faire une percée en direction de Tuzla, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non. Durant la nuit du 10 au 11, nous avons eu une réunion au bâtiment

 20   des PTT à Srebrenica le colonel Karremans, le commandant Boering et moi-

 21   même pour informer la population locale, donc les civils et les militaires,

 22   de ce qui se passait et les ultimatums qui avaient été décrétés. Nous

 23   étions à proximité du bâtiment des PTT, nous avons vu un groupe important

 24   d'hommes qui y étaient rassemblés. Beaucoup portaient des uniformes. La

 25   plupart d'entre eux étaient armés, ils avaient les armes de petit calibre,

 26   des lance-grenades, et cetera, et cetera. Ils partaient en direction du

 27   nord-ouest. Nous ne savions pas ce qui se passait. A ce moment-là, nous ne

 28   savions pas qu'il y avait une colonne qui essayait de réaliser une percée


Page 22242

  1   en direction de Tuzla.

  2   Q.  Dans la déclaration de Ramiz Becirovic, il est mentionné qu'à la

  3   demande des Musulmans, le colonel Karremans avait demandé l'usage de

  4   frappes aériennes, même si vous n'aviez pas de contact en face-à-face avec

  5   l'armée serbe; est-ce exact ?

  6   R.  Non. Durant cette réunion, à 11 heures, au bâtiment des PTT, le colonel

  7   Karremans a informé les dirigeants militaires et civils de l'enclave qu'un

  8   ultimatum avait été décrété, et que si les attaques continuaient, il était

  9   possible qu'il y ait une frappe aérienne. Cette partie d'information est

 10   exacte. Donc il les a informés que la possibilité existait d'une frappe

 11   aérienne si les attaques se poursuivaient. Mais je crois que j'ai déjà

 12   mentionné, aujourd'hui, que le lendemain, un de nos blindés a fait une

 13   avancée, a été pris à partie par un char de la VRS, donc ceci nous a

 14   confirmé que nous faisions toujours l'objet d'une attaque, et donc cette

 15   information est remontée le long de la chaîne de commandement pour demander

 16   un appui.

 17   Q.  Merci. Est-ce exact que du côté des Musulmans, c'est-à-dire Ramiz et

 18   les autres, ils vous ont donné les coordonnées des endroits où se

 19   trouvaient les Serbes et vous avez transmis ces informations à l'OTAN dans

 20   l'optique d'une frappe aérienne ?

 21   R.  L'équipe de liaison, je crois, était la seule, mis à part également

 22   dans quelques cas le commandant. Mais l'équipe de liaison traitait avec

 23   Ramiz, et nous n'avons jamais reçu de Ramiz des informations sur les

 24   positions exactes des Serbes, des informations qui auraient pu ensuite être

 25   exploitées pour des frappes aériennes.

 26   Q.  Merci. Nous avons des informations laissant penser que vous avez agi de

 27   concert, c'est-à-dire qu'ils vous ont fourni des coordonnées et que la

 28   première attaque a eu lieu avant que vous ne voyiez des Serbes; cependant,


Page 22243

  1   si vous niez cela, il y en a d'autres qui le confirmeront.

  2   Mais dites-nous : est-ce exact que vous ne saviez pas où ils étaient

  3   allés la soirée du 10 ? Je parle de ce groupe armé de taille importante.

  4   R.  Non.

  5   Q.  Vous nous dites que ce n'est pas exact ou vous nous dites que vous ne

  6   le saviez pas ?

  7   R.  La seule chose que je sais, c'est que ce groupe important a emprunté un

  8   chemin non goudronné à partir de Srebrenica et en direction du nord-ouest.

  9   C'est tout.

 10   Q.  Merci. J'aimerais revenir à cette réunion et à ce film que l'on vous a

 11   montré. Mladic a dit à Karremans : Vous avez demandé qu'une réunion se

 12   tienne, alors, maintenant, parlez. Vous avez dit que vous ne vous attendiez

 13   pas à la présence de Mladic et que Karremans ne s'attendait pas non plus à

 14   sa présence. Est-ce que Karremans a demandé d'être en contact avec l'armée

 15   serbe, en ne s'attendant pas à ce que Mladic soit présent ?

 16   R.  Je crois que la seule personne qui peut répondre à cette question c'est

 17   le colonel Karremans lui-même, si c'est lui qui avait demandé cette

 18   réunion. Selon moi, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées parce

 19   que nous sommes partis de l'enclave, et moi, j'avais un ordre du jour. Donc

 20   je ne pense pas que ce soit Karremans qui ait demandé à ce qu'une réunion

 21   se tienne, mais je crois qu'on lui a ordonné de se rendre là-bas, d'aller

 22   là-bas.

 23   Q.  Mais Karremans n'a pas nié ce que Mladic avait dit puisque Mladic lui

 24   dit : Vous avez demandé une réunion, alors parlez. Il est probable que

 25   Karremans ait demandé d'avoir une réunion, mais pas avec Mladic. En fait,

 26   il a eu Mladic en bonus, si l'on peut dire. Pourquoi est-ce qu'il ne s'est

 27   pas opposé à lui ? Pourquoi est-ce qu'il ne lui a pas dit : Je n'avais pas

 28   demandé de réunion avec vous ?


Page 22244

  1   R.  Je crois que --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin soit la

  3   personne idoine pour répondre cette question.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce cas-là, il ne devrait pas non plus dire

  5   que le colonel Karremans n'avait pas demandé que cette réunion se tienne,

  6   puisque le témoin a dit qu'il n'avait pas demandé que cette réunion se

  7   tienne. Donc, s'il ne sait pas ce qui serait une déclaration affirmative,

  8   il ne doit pas non plus avancer de déclaration négative.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec cela, Monsieur Rave ?

 11   R.  Je crois qu'on essaie maintenant de lire dans l'esprit d'autres

 12   personnes. Lorsque Mladic pose de question à Karremans, en lui demandant

 13   pourquoi il avait organisé cette réunion, je crois que ça aurait peut-être

 14   été intéressant pour un tribunal par la suite, mais au moment en question,

 15   il n'était pas vraiment intéressant de savoir qui était à l'origine de

 16   cette réunion. Parce que la seule chose que l'on voulait faire, c'était en

 17   fait de s'occuper de ces 25 000 réfugiés, c'est ce qui était notre

 18   priorité, et pas de savoir qui avait demandé d'organiser la réunion.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, en réponse à la question posée par

 20   M. Mladic, le colonel Karremans dit qu'il avait reçu une demande du général

 21   Nikolic, des autorités nationales. Comment est-ce que le Bataillon

 22   néerlandais allait mener à bien cette requête sans être en contact avec les

 23   forces serbes ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que, lorsque le commandant sur le

 25   terrain a reçu l'ordre de se rendre à l'hôtel Fontana pour une réunion, il

 26   a informé sa chaîne commandement. Je crois qu'à ce moment-là, vous obtenez

 27   l'information de la part de la FORPRONU et également des autorités

 28   néerlandaises.


Page 22245

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela signifie qu'après avoir

  2   reçu l'ordre par Mladic de se rendre à l'hôtel, il a demandé la permission

  3   à son supérieur ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois -- c'est la procédure à suivre. Mais

  5   je crois que la seule personne qui peut répondre à cette question, c'est M.

  6   Karremans lui-même.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Monsieur Karadzic, vous pouvez continuer.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Rave, vous vous souvenez que, dans cette vidéo, à 44 minutes,

 12   55 secondes, à ce moment-là, Karremans a mentionné que la raison pour cette

 13   réunion était son intention de procéder à l'évacuation des civils de

 14   l'enclave -- ou plutôt, de prêter son aide à l'évacuation; est-ce que vous

 15   vous souvenez de cela ?

 16   R.  Pas en ces termes précis, mais -- je ne me souviens pas exactement non

 17   plus de ce qui figurait sur cette vidéo à la minute que vous venez de

 18   citer. Mais c'était peut-être une question qui lui  avait été posée par la

 19   FORPRONU ou par le gouvernement néerlandais, à savoir comment l'évacuation

 20   allait être organisée. Mais encore une fois, là, je parle sous réserve de

 21   M. Karremans et je ne pense pas que je sois la personne idoine pour

 22   répondre à cette question. 

 23   Q.  Très bien. Mais vous déposez à ce sujet, et même si c'était peut-être

 24   involontaire, il ressort de ce que vous dites qu'il y aurait eu un

 25   transfert forcé des Musulmans de Srebrenica et que cela avait constitué un

 26   objectif des Serbes. Mais, moi, je vous dis qu'à aucun endroit les Serbes

 27   n'évoquent une évacuation. Quant à cette déclaration de Karremans quant à

 28   l'objectif de la réunion, Mladic, lui, il dit : Faites venir les


Page 22246

  1   représentants des civils pour que j'entende ce que eux, ils veulent. Est-ce

  2   que c'est ainsi que les choses se sont passées ?

  3   R.  Oui, bien sûr, mais dans ce type de situation, vous pouvez poser des

  4   questions irréalistes, parce que ceci n'était pas réaliste. L'enclave de

  5   Srebrenica était tombée. La ville de Srebrenica était, je crois, vide,

  6   parce que, à mon avis, la totalité de la population se trouvait à proximité

  7   de l'enceinte à Potocari. Donc il n'y avait qu'une seule possibilité, ou

  8   bien la VRS quittait Srebrenica et disait aux gens de rentrer chez eux, ou

  9   bien elle les évacuait. Dans la vidéo ou dans la déclaration - je ne sais

 10   plus exactement où - j'ai pu lire que Mladic a proposé un choix à la

 11   population locale, en disant : Vous pouvez choisir le nord, le sud, l'est

 12   ou l'ouest, vous pouvez choisir librement où vous voulez aller. Mais il n'y

 13   avait pas de choix, en fait. La seule chose qu'il y avait là-bas c'était

 14   des autobus, des camions et un très grand nombre de personnes effrayées,

 15   terrorisées, et avec un seul objectif : partir de là. Où que vous les

 16   emmeniez, cela aurait convenu pour eux. Ils ne demandaient qu'à être

 17   emmenés loin de ce territoire où ils avaient été maintenus prisonniers, en

 18   quelque sorte, pendant trois ans dans des circonstances qui avaient été

 19   très mauvaises. Ils n'avaient qu'un seul but, c'était de partir. Donc ce

 20   n'est pas une question réaliste que de demander : Faites-nous savoir où

 21   vous voulez partir, de poser cette question donc à 25 000 personnes sans

 22   aucune direction. Le Bataillon néerlandais avait les mains liées -- je ne

 23   crois pas que c'est une question qui peut être ici discutée. C'était tout

 24   simplement irréaliste.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, vous avez le numéro 65 ter

 26   de la transcription de cet enregistrement vidéo ?

 27   Mme WEST : [interprétation] Eh bien, 65 --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant --


Page 22247

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je l'ai imprimé, mais je n'ai pas toutes les

  2   références de cette transcription. L'Accusation doit en disposer.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande simplement une référence.

  4   Madame West.

  5   Mme WEST : [interprétation] Numéro 03099 de la liste 65 ter.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Monsieur Karadzic, à vous.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Nous pouvons laisser tout ceci de côté maintenant. Ce que je vous

 10   demande, c'est ce qui suit : est-il exact de dire que seules la FORPRONU et

 11   la partie musulmane parlent d'une évacuation et demandent des autocars,

 12   alors que la partie serbe, elle, attend d'entendre, de savoir communiquer

 13   ce que souhaitent les civils musulmans, et attend également la venue des

 14   représentants militaires pour convenir de la remise des armes ? Mladic

 15   demande à rencontrer des représentants légaux des civils pour leur demander

 16   ce qu'ils souhaitent. Les Serbes ne parlent d'aucune évacuation. C'est ce

 17   qu'il dit littéralement : Je veux qu'ils viennent pour me dire ce qu'ils

 18   veulent. M. Karremans parle "d'évacuation", "d'autocars," et les Serbes,

 19   eux, n'évoquent à aucun moment cela ? C'est quelque chose que nous pouvons

 20   voir dans la transcription.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, cette question a été

 22   posée et a reçu une réponse.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je n'en suis pas tout à fait sûr,

 24   mais bon.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Veuillez nous dire si, à une minute -- une heure, 28 minutes, 40

 27   secondes, il n'y a pas une erreur de traduction, parce qu'en fait, on a mal

 28   traduit en disant : "Comme Mladic le veut." Alors, en fait, il faudrait


Page 22248

  1   lire : "comme Mandzic" - le représentant des Musulmans - "le veut." Alors,

  2   qu'est-ce que vous avez compris, vous ? Est-ce que vous avez compris comme

  3   Mladic le souhaite ou comme Mandzic le souhaite ?

  4   R.  Je ne vois pas exactement de quoi il s'agit à cet instant-là.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois que ceci est

  6   consigné dans le compte rendu. Je suppose que la page à laquelle se réfère

  7   M. Karadzic est celle dont le numéro se termine par 7856, lorsque que M.

  8   Karremans dit, je cite :

  9   "Je suppose que c'est quelque chose que M. Mladic peut nous dire…"

 10   La transcription indique qu'il montrait du geste M. Mandzic à ce moment-là.

 11   Alors est-ce que c'est ce que vous avez à l'esprit, Monsieur Karadzic ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. En effet.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]  

 14   Q.  Alors, conviendrez-vous qu'aujourd'hui, en ligne 47, vous avez dit que

 15   Mladic avait demandé des autocars ? Cependant, c'est le colonel Karremans

 16   qui parle d'autocars, qui demande de tels autocars.

 17   R.  Encore une fois, je ne vois exactement de quoi il s'agit mais, à mon

 18   avis, qu'ils parlaient d'évacuation, Mladic a demandé au colonel Karremans

 19   s'il était en mesure de fournir des autocars ou si la FORPRONU en était

 20   capable. Mais nous aurions à nous repencher sur ce passage, parce que je ne

 21   sais pas.

 22   Q.  Tout un chacun pourra voir dans la transcription que Mladic, à aucun

 23   moment, ne parle ni d'évacuation ni d'autocars, mais qu'il demande

 24   simplement que les représentants viennent pour exprimer ce qu'ils veulent.

 25   Nous n'avons pas suffisamment de temps pour ceci maintenant. Alors, dites-

 26   moi -- ou plutôt, ce n'est -- c'est quelque chose dont vous n'êtes pas

 27   responsable. Je dois dire aux parties présentes qu'à 1 heure 35 minutes

 28   environ, il est dit que Mladic aurait déclaré la chose suivante : "Comme


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  1   vous voulez." Je cite :

  2   "Vous pouvez survivre" - et puis il se corrige en disant -

  3   "Vous pouvez rester ou vous pouvez disparaître."

  4   Les mots -- il faut traduire les deux mots qu'il a utilisés, donc le

  5   premier, "si vous voulez survivre," et sa correction, "si vous voulez

  6   rester." Dans le premier cas, "obstati," en B/C/S, et dans le deuxième cas,

  7   "ostati."

  8   Alors, Monsieur Rave, autre question : comment faites-vous la

  9   distinction entre les cris d'un cochon au moment où il est capturé et ceux

 10   qu'il pousse au moment où on s'apprête à l'égorger ? Est-ce que vous avez

 11   vu la mise à mort de cet animal ou vous avez simplement entendu ces cris ?

 12   R.  Je n'ai fait qu'entendre les cris, et lorsque vous écoutez

 13   soigneusement la bande son de cet enregistrement vidéo et la façon dont les

 14   cris retentissent et dont on les entend s'atténuer, à deux ou trois

 15   reprises, je dois dire que c'était une impression que j'avais, à savoir que

 16   trois ou quatre minutes avant que le cochon ne soit égorgé, on l'a amené

 17   sur place, et on peut l'entendre deux ou trois fois, et c'est ensuite que

 18   les cris retentissent puis s'atténuent. A mon avis, ces cris ne s'atténuent

 19   pas parce que l'on a emmené le cochon, mais parce qu'il a été égorgé.

 20   Q.  Merci. Mais à qui votre grand-mère faisait-elle peur lorsqu'elle

 21   égorgeait un cochon ? Vous avez dit que c'est quelque chose que vous avez

 22   reconnu parce que votre grand-mère le faisait. Alors, est-ce qu'elle

 23   faisait peur à quelqu'un, dans ces moments-là ?

 24   R.  Premièrement, ma grand-mère n'égorgeait pas de cochons. Mon grand-père

 25   était fermier, avait une ferme, et moi, j'ai eu l'occasion d'entendre les

 26   cris de cochons qu'on égorgeait, et mon grand-père n'égorgeait aucun animal

 27   pour impressionner ou faire peur à qui que ce soit, mais tout simplement

 28   pour avoir de quoi manger pendant l'hiver.


Page 22250

  1   Q.  Merci. J'y ai pensé parce que c'est vous qui l'avez évoqué, mais je ne

  2   m'étendrai pas davantage. Vous devriez peut-être savoir que chez nous

  3   chaque fête, chaque "slava" se termine par la mise à mort d'un agneau ou

  4   d'un cochon. Mais bon. Est-ce que vous avez remarqué que dans sa première

  5   phrase ou sa première réplique, M. Karremans parle comme s'il était en

  6   train d'agir conformément au télégramme d'Akashi daté de ce même jour, mais

  7   un peu plus tôt ce même jour ? Avez-vous compris que sa première

  8   préoccupation était d'évacuer les civils, et est-ce que vous saviez que M.

  9   Akashi, sur une initiative de la partie musulmane, avait recommandé des

 10   pourparlers avec les autorités serbes afin qu'une évacuation sûre soit

 11   possible et que l'on garantisse une telle évacuation ?

 12   R.  Je ne peux pas lire dans l'esprit de M. Akashi, bien entendu, et je ne

 13   suis pas au courant de l'existence d'un télégramme envoyé par M. Akashi à

 14   M. Karremans.

 15   Q.  Mais, Monsieur Rave, ce qui m'inquiète ce ne sont pas les éléments dont

 16   vous avez connaissance, mais vos conclusions. Ce n'est pas quelque chose

 17   que M. Akashi pensait, mais il a écrit et envoyé un télégramme tant à Annan

 18   qu'au secrétaire général le 11 juillet. C'est quelque chose que nous avons

 19   déjà présenté, et je n'ai pas de temps pour cela. Ce qui me préoccupe ce

 20   sont vos conclusions indiquant que tout a été planifié, que des camions

 21   avaient déjà été préparés, et cetera. Or, voyez, ce n'est que le 12 juillet

 22   que la partie serbe dit, je cite :

 23   "Conformément à l'ordre de l'état-major général de mettre à

 24   disposition des autocars." C'est quelque chose que nous avons versé sous la

 25   cote 1D1971. Donc, ce n'est qu'après la rencontre de Mladic avec les

 26   Musulmans --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai été trop vite ?


Page 22251

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Rave, est-ce que vous reconnaissez que j'ai des motifs fondés

  4   à faire preuve d'une certaine réserve à l'égard de toutes vos opinions et

  5   conclusions, et que c'est quelque chose qu'il faut certainement distinguer

  6   des éléments dont vous avez une connaissance certaine ?

  7   R.  Ce que je sais c'est que, le 12 juillet, il y a eu une réunion à 10

  8   heures du matin à l'hôtel Fontana, lors de laquelle des représentants

  9   civils, le général Mladic et M. Karremans étaient présents. Je n'ai pas été

 10   présent à cette réunion. Mais tout ce que je sais, c'est que vers 12

 11   heures, j'ai reçu un ordre du colonel Karremans. Il n'y avait pas de plan

 12   qui avait été fait pour revenir à Bratunac, et il m'a demandé si nous

 13   pourrions prévoir un itinéraire pour les autocars ou quoi que ce soit

 14   d'autre comme moyen de transport parce que, pour eux, ce n'était pas clair.

 15   Donc, lorsque je suis revenu avec M. Boering à l'hôtel Fontana, nous avons

 16   pris contact avec le commandant Nikolic, et il nous a dit de repartir parce

 17   que les autocars étaient déjà là.

 18   A mon avis, je crois que c'est là la seule conclusion que je peux tirer.

 19   Vous n'êtes pas obligé de l'accepter. Mais ma conclusion c'est que lorsqu'à

 20   10 heures du matin on vous dit qu'il n'y a pas d'autocars disponibles, et

 21   qu'ensuite, à 12 heures, vous informez les personnes concernées que des

 22   autocars seront là à 12 heures, je ne sais pas pourquoi ceci s'est passé de

 23   la sorte, mais cela a été préparé parce que des autocars n'apparaissent pas

 24   tout simplement à partir de rien.

 25   Q.  Mais voyez ce que vous avez déclaré, rencontre entre Mandic et des

 26   représentants civils le 11 à 22 heures 30, et lors de cette réunion, Mladic

 27   n'avait rien à proposer ni la moindre proposition à faire. On lui a

 28   simplement demandé de garantir la sécurité d'une évacuation. Les autocars


Page 22252

  1   ne sont arrivés que le 12 à 10 heures. Mais ne croyez-vous pas qu'il aurait

  2   été bon pour vous de savoir que c'était M. Akashi qui avait demandé une

  3   évacuation, et ne croyez-vous pas que M. Karremans, en tant que votre

  4   commandant, aurait dû être au courant de cela. Ne croyez-vous pas qu'il

  5   aurait été bon pour vous de savoir tout cela avant de tirer des conclusions

  6   ?

  7   R.  Bien entendu, il aurait été préférable de tout savoir, mais dans ma

  8   qualité d'officier de liaison, je n'étais pas au courant des contacts entre

  9   M. Karremans et M. Akashi. Je ne savais pas non plus que M. Akashi aurait

 10   demandé une évacuation. Qu'attendez-vous comme réponse de ma part ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez veiller à

 12   l'heure, compte tenu des réponses que vous pouvez attendre du témoin.

 13   Madame West, de combien de temps pensez-vous avoir besoin pour les

 14   questions supplémentaires ?

 15   Mme WEST : [interprétation] Juste quelques minutes.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez terminer à

 17   16 heures 10.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Sauf tout le respect qui vous est dû ainsi qu'aux conseils que je

 21   reçois, je suis vraiment préoccupé par vos déclarations générales et vos

 22   conclusions. Par conséquent, Monsieur Rave, ne serait-il pas préférable que

 23   ces conclusions, ce soit un commandant recevant les télégrammes d'Akashi

 24   qui les tire plutôt que vous-même qui vous trouviez plus bas dans la

 25   hiérarchie ?

 26   R.  Vous m'avez posé des questions et je vous ai répondu. Si vous n'aimez

 27   pas mes déclarations ni mes conclusions, peut-être devriez-vous poser la

 28   question d'une autre façon. Lorsque vous posez une question particulière à


Page 22253

  1   laquelle seul le commandant est en mesure de répondre, je pense que c'est à

  2   M. Karremans que vous devriez la poser, et non pas à moi-même.

  3   Q.  Moi, ce que je vous demande, c'est sur quelle base vous tirez des

  4   conclusions portant sur les intentions des Serbes, portant sur ce cochon,

  5   portant sur le degré de préparation ou d'impréparation, alors même que les

  6   faits disent le contraire, même les faits qui vous étaient accessibles ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le témoin a répondu à

  8   ces questions. A moins que vous n'ayez d'autres questions, je vous invite à

  9   conclure votre contre-interrogatoire.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je vais faire un effort pour

 11   procéder à une sélection des questions qui doivent être posées.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Vous rappelez-vous ces paragraphes 23 et 24 où il est question des

 14   provocations des Musulmans dont vous étiez parfaitement au courant ? Est-ce

 15   que vous vous souvenez de cela ? Vous souvenez-vous que le commandant

 16   Nikolic vous a dit que les Musulmans quittaient l'enclave et qu'en chemin

 17   vers Tuzla ils tuaient et incendiaient des maisons ?

 18   R.  Est-ce que vous parlez maintenant des dates du 12 et du 13, lorsqu'une

 19   colonne importante a pris la direction de Tuzla ?

 20   Q.  Non, plus tôt, le 31 mai. C'est le 31 mai que le commandant Nikolic

 21   vous a dit que les Musulmans sortaient de l'enclave et qu'en chemin ils

 22   tuaient et incendiaient dans les villages serbes qu'ils traversaient.

 23   R.  Je ne peux pas vous dire que c'était là exactement ce qui m'avait été

 24   dit par le commandant Nikolic. Je ne peux que dire la chose suivante : le

 25   commandant Nikolic nous a dit à plusieurs reprises que les Musulmans

 26   quittaient l'enclave, qu'ils passaient par des villages serbes où ils

 27   tuaient des Serbes et incendiaient des maisons. Quant à la possibilité pour

 28   nous d'aller sur place pour vérifier de qu'il en était et d'informer les


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  1   observateurs militaires des Nations Unies d'autres régions, cela ne nous

  2   était pas permis. La seule chose que nous pouvions faire, c'était de nous

  3   rendre auprès des représentants bosniens à l'intérieur de l'enclave, de

  4   leur dire que c'était là les préoccupations du commandant Nikolic et que si

  5   c'était vrai, il fallait que ça s'arrête.

  6   Q.  Merci. Mais avez-vous remarqué que des civils musulmans souhaitaient

  7   monter à bord des convois humanitaires vides -- ou plutôt, à bord des

  8   camions de convois humanitaires laissés vides afin de quitter ainsi ce

  9   territoire ? L'avez-vous remarqué pendant que vous étiez là-bas ?

 10   R.  Je n'ai pas observé cela, moi-même, mais j'ai entendu des rumeurs

 11   indiquant qu'ils avaient essayé de faire cela, et je peux imaginer assez

 12   facilement que, quand vous êtes quasiment en prison pendant trois années et

 13   demie, vous essayez tous les moyens possibles et imaginables, et l'une de

 14   ces possibilités peut bien être un convoi du HCR. Je crois que c'est

 15   également une procédure tout à fait normale et habituelle pour le HCR que

 16   de vérifier les convois avant qu'ils ne quittent l'enclave. Donc je crois

 17   qu'il s'y avait eu des personnes -- enfin, pour voir s'il y avait des

 18   personnes à bord de leurs camions, parce que les camions doivent être vides

 19   avant de pouvoir revenir à l'endroit où ils étaient partis. Je crois que

 20   lorsque la FORPRONU a observé ce type de comportement, ils ont essayé de

 21   l'empêcher parce qu'ils savaient quelles conséquences pouvaient être celles

 22   d'un tel comportement lorsque des personnes étaient retrouvés à bord de

 23   convois du HCR.

 24   Q.  Merci. Savez-vous que, dès 1993, des civils de Srebrenica demandaient,

 25   par l'intermédiaire du général Morillon, à quitter Srebrenica et que les

 26   Serbes, quant à eux, demandaient que l'on relâche les prisonniers serbes de

 27   Tuzla ?

 28   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.


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  1   Q.  Etes-vous d'accord pour dire qu'à l'époque où vous étiez sur place,

  2   personne ne fuyait pour gagner Srebrenica, mais ceux qui partaient, ceux

  3   qui fuyaient, ils souhaitaient quitter Srebrenica ? Personne ne souhaitait

  4   aller à Srebrenica, tous souhaitaient en partir. Donc, est-ce que les

  5   chiffres augmentaient ou diminuaient ?

  6   R.  Je crois que c'était assez stable. La seule diminution, nous

  7   l'observions lorsqu'il y avait des évacuations médicales de civils de temps

  8   à autre, Mais cela concernait un nombre de personnes qui était plutôt de

  9   l'ordre de la dizaine ou de quelques dizaines.

 10   Q.  Ces fuites à travers bois dont Nikolic vous a informé, est-ce que cela

 11   aussi faisait diminuer les chiffres, le nombre de personnes dans l'enclave

 12   ?

 13   R.  Le commandant Nikolic ne nous a pas informés de fuites à partir de

 14   l'enclave et à travers bois. Il nous a simplement informés du départ de

 15   Musulmans de l'enclave, en nous disant que ces Musulmans traversaient des

 16   villages serbes où ils essayaient de tuer des civils serbes et d'incendier

 17   des maisons.

 18   Q.  Dernière question -- en fait, une question principale et deux questions

 19   subsidiaires. A votre avis, combien de personnes se trouvaient-elles, là,

 20   indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait de civils ou de

 21   soldats, dans l'enclave donc ?

 22   R.  Encore une fois, vous me demandez mon opinion. Ma réponse se situe aux

 23   alentours de 40 000, et je crois que ce chiffre a été assez stable.

 24   Q.  Savez-vous qu'en 1993, lorsque leurs effectifs ont été le plus

 25   importants, ils étaient 37 000, alors qu'à vous ils vous ont dit qu'ils

 26   étaient 45 000 dans le but d'obtenir davantage d'aide humanitaire ? Savez-

 27   vous que nous avons des documents à cet effet ? Etes-vous au courant qu'ils

 28   ont systématiquement procédé ainsi, qu'ils ont toujours grossi les chiffres


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  1   de 7 ou 8 000 ?

  2   R.  Je ne suis pas au courant de la communication de ces chiffres

  3   concernant l'enclave à destination du Bataillon néerlandais. Je crois que

  4   c'est au HCR qu'ils fournissaient ces chiffres. C'était une voie de

  5   communication complètement différente, parce que c'était le HCR qui

  6   s'occupait de l'approvisionnement et non pas le Bataillon néerlandais.

  7   Q.  Lorsque vous êtes allé avec ce convoi à Kladanj et lorsque d'autres

  8   convois arrivaient à Kladanj, pourriez-vous me dire, pour ce qui est du

  9   premier et du second jours, combien de personnes sont arrivées à Kladanj à

 10   votre avis ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Savez-vous quelles étaient les quantités de vivres distribués par eux à

 13   leur armée alors qu'il s'agissait de vivres qu'ils avaient reçu par la voie

 14   de l'aide humanitaire ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Merci, Monsieur Rave. Je vous prie de m'excuser, je n'ai pas

 17   l'intention de vous attaquer, ni vous, ni vos collègues. La seule chose que

 18   je recherche c'est la précision, et ce que j'attaque donc c'est

 19   l'imprécision. Je vous remercie.

 20    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.

 21   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 22   Pouvons-nous afficher le document 03099 de la liste 65 ter.

 23   Nouvel interrogatoire par Mme West :

 24   Q.  [interprétation] Il s'agit du livret du procès Srebrenica. Je recherche

 25   la page 7 859 en particulier.

 26   Monsieur Rave, en page 39 du compte rendu d'aujourd'hui, M. Karadzic vous a

 27   interrogé concernant certains des mots utilisés lors de cette réunion.

 28   Alors, il a dit que Mladic aurait tenu les propos suivants : Vous pouvez


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  1   survivre --ou plutôt, vous pouvez rester, en disant que Mladic s'était

  2   corrigé. Alors, je veux attirer votre attention sur cette transcription.

  3   Veuillez regarder le haut de la page. C'est vers la troisième ligne, au

  4   début de ce paragraphe, lorsque Mladic commence à s'exprimer directement,

  5   il dit, je cite :

  6   "Veuillez noter par écrit."

  7   Ensuite, il dit :

  8   "Je dois entendre une position claire de la part des représentants de

  9   votre peuple, à savoir si vous voulez survivre … rester ou disparaître."

 10   Alors, à ce stade, vous étiez présent dans cette réunion pendant au

 11   moins une demi-heure, vous étiez présent et vous aviez pu entendre le ton

 12   de sa voix, vous disposiez du contexte de l'ensemble de la conversation.

 13   Qu'avez-vous compris par ces termes "survivre … rester ou disparaître" ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont des spéculations auxquelles on invite

 15   le témoin à se livrer sur la base de l'intonation de la voix de Mladic.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

 17   Madame West -- non, Monsieur -- Monsieur Rave, veuillez répondre.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] L'impression, qui était la mienne, c'était

 19   qu'il s'agissait d'intimidation pure et simple, à savoir si vous ne

 20   coopérez pas, vous disparaîtrez, purement et simplement.

 21   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 22   Pouvons-nous avoir la page 7 846 du même document ?

 23   Q.  Donc le compte rendu d'audience d'aujourd'hui, c'est à la page 91, M.

 24   Karadzic a dit :

 25   "Ce que je vous demande maintenant, c'est de savoir s'il est exact que

 26   seule la FORPRONU et les Musulmans parlaient de l'évacuation et demandaient

 27   des bus; alors qu'en fait, les Serbes attendaient de savoir quelles étaient

 28   les demandes des civils musulmans."


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  1   Là, il s'agit de la transcription de la réunion, et on voit au milieu

  2   Mladic qui dit :

  3   "Est-ce que vous pourriez demander des bus par le truchement de Nicolai ?"

  4   L'interprète dit :

  5   "Est-ce que vous pouvez commander des bus par le truchement de Nicolai ?"

  6   Karremans dit :

  7   "Des bus ? Si c'est la seule demande, on peut organiser cela."

  8   Monsieur le Témoin, ce qui est dans la transcription, est-ce que cela est

  9   en ligne avec ce dont vous vous souvenez des événements ?

 10   R.  Oui, c'est ce qui a été mentionné durant la réunion, j'avais toujours

 11   l'impression que le général Mladic avait demandé à Karremans s'il était en

 12   mesure de fournir des bus.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, j'ai retrouvé cette page,

 14   mais j'aimerais savoir si les bus ont été abordés avant durant la réunion.

 15   Est-ce que vous pourriez revenir vers cela plus tard ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 17   Lorsque tout a fait l'objet de l'accord.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, pour savoir si les bus avaient été

 19   mentionnés.

 20   Mme WEST : [interprétation] Je peux poser la question.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, mais il faut passer par la

 22   transcription. Nous n'avons pas suffisamment de temps.

 23   Donc, est-ce que vous vous souvenez, Monsieur le Témoin, si les bus ont été

 24   mentionnés auparavant ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas vous le dire de manière

 26   certaine.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, dans ce cas-là, il faudra revenir

 28   sur la transcription.


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  1   Mme WEST : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander aux Juges de la

  4   Chambre de demander aux interprètes d'expliquer aux Juges de la Chambre la

  5   similitude entre les termes "disparaître" et "rester", parce que ces deux

  6   termes sont très proches dans notre langue. Il s'agit de "opstati" avec un

  7   P et "ostati" sans le P.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ça, ce n'est pas à la

  9   Chambre de s'en charger. Vous pouvez traiter de cela, puisque c'est lié à

 10   la traduction.

 11   Et à moins que mes collègues aient des questions à vous poser, ceci

 12   met un terme à votre déposition, Monsieur Rave. Au nom du Tribunal et des

 13   Juges de cette Chambre, nous vous remercions pour être venu au Tribunal.

 14   Nous allons donc tous partir ensemble.

 15   Maître Robinson, est-ce que vous avez quelque chose à mentionner ?

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons demain à 9 heures et

 18   nous entendrons donc un témoin expert.

 19   [Le témoin se retire]

 20   --- L'audience est levée à 16 heures 18 et reprendra le jeudi 1er décembre

 21   2011, à 9 heures 00.

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