Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 24 janvier 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. A moins

  6   qu'il y ait des questions à soulever, nous pouvons commencer. Je souhaite,

  7   pour ma part, rendre une ordonnance à huis clos partiel.

  8   Oui, avant cela, Maître Robinson.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

 10   à toutes et à tous. Monsieur le Président, nous souhaiterions qu'une pause

 11   nous soit accordée après l'interrogatoire principal. C'est très tard hier

 12   que M. Karadzic a reçu des documents et ces documents lui ont été remis

 13   après la fin de la journée d'audience, et nous souhaiterions pouvoir

 14   examiner ces documents avant le début du contre-interrogatoire.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 16   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour. J'ai

 17   pu ce matin avoir un petit échange avec le témoin qui ne se sent pas très

 18   bien. Donc cela l'arrangerait et, également, elle m'a demandé si elle

 19   pouvait avoir une petite pause avant l'interrogatoire -- le contre-

 20   interrogatoire.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors vous pensez à quelle longueur de

 22   pause -- d'interruption, Maître Robinson ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'une pause régulière de 30

 24   minutes serait suffisante.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que cela

 26   conviendrait au témoin ?

 27   Mme WEST : [interprétation] Je suppose que oui, mais peut-être que nous

 28   pourrions avoir cela à la fin de l'interrogatoire principal.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Est-ce que nous pouvons passer à huis clos partiel brièvement, s'il

  3   vous plaît ?

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre se propose de rendre une

 21   ordonnance sur l'admissibilité de la pièce à conviction D203 [comme

 22   interprété] qui n'a reçu qu'une cote à titre d'identification pour

 23   l'instant. Le Juge Baird rendrait l'ordonnance de la Chambre.

 24   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Pendant le contre-interrogatoire du

 25   Témoin Paul Groenewegen, l'Accusation [comme interprété] a demandé de

 26   verser au dossier les pages 1 et 3 d'un article de journaux de Zagreb ainsi

 27   -- et a demandé que deux -- les deux pages soient -- ces deux pages

 28   faisaient partie d'un entretien que le témoin a accordé aux journalistes.


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  1   Mme West s'est opposée au versement de ces deux pages en estimant que le

  2   témoin n'a pas -- ne s'est -- ne s'est pas exprimé de la manière exacte --

  3   n'a pas utilisé ces mêmes propos que les propos qui ont été publiés dans

  4   l'article. Elle a estimé qu'en fait ses propos ont été complètement

  5   déformés. La -- cet article n'était plus fiable à son avis. Elle n'estimait

  6   pas qu'il pouvait être versé pour sa teneur.

  7   Elle a estimé que, même si le témoin avait déposé au -- en affirmant

  8   que cet incident s'était produit, il ne se serait pas produit de la manière

  9   dont cela a été représenté dans l'article. Donc ces documents ne seraient

 10   pas fiables, à moins que le journaliste ne vienne et ne dépose pour

 11   préciser ce que le témoin aurait dit dans sa déposition.

 12   Me Robinson a estimé que le témoin avait eu un entretien avec le

 13   journaliste sur les sujets dont parlait l'article et que ce serait plutôt

 14   une question de poids qui se poserait quant à savoir si le -- la

 15   journaliste avait effectivement repris les propos exacts du témoin ou si

 16   elle les avait déformés.

 17   La Chambre a estimé qu'elle a entendu les deux parties sur la

 18   question.

 19   La Chambre [comme interprété] rappelle les pages 22080 -- 22988 à

 20   22099 [comme interprété] du compte rendu d'audience à -- je cite :

 21   "A partir de nos postes d'observations, nous avons vu avec notre

 22   équipement de vision nocturne que les Musulmans quittaient l'enclave

 23   essentiellement pour se livrer la contrebande, mais également pour

 24   combattre. Le lendemain, ils en ont parlé. Ils ont dit comment ils ont

 25   coupé les gorges des Chetniks. Ces gars étaient sous l'emprise de la

 26   cocaïne. Je l'ai vu -- je l'ai compris vu que je viens de Rotterdam."

 27   L'Accusation [comme interprété] a par la suite demandé au témoin

 28   comment il était en mesure de nous en parler. Il semblait qu'ils avaient


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  1   l'équipement leur permettant de voir les sorties des Musulmans, leur

  2   infiltration sur le territoire serbe de nuit et ils ont entendu se vanter

  3   comment ils ont coupé les gorges des Chetniks.

  4   Le témoin a répondu sur deux -- à deux niveaux. Le témoin était

  5   d'accord avec l'accusé en déclarant : "Vous avez -- vous avez absolument

  6   raison" et ces mots sont soulignés, et effectivement, le -- c'est moi qui

  7   les mets en exergue. Ensuite, il a continué en disant qu'il ne s'était pas

  8   exprimé exactement verbatim de cette manière-là et que ses propos ont été

  9   déformés. Par la suite, on lui a parlé de cet incident comme faisant partie

 10   d'un rapport qui concernerait une exécution alléguée d'un soldat musulman

 11   par un Serbe premier -- en première page et l'accusé lui a demandé s'il

 12   avait effectivement dit à la journaliste ou bien si c'était elle qui

 13   l'avait inventé. Il a répondu, je cite : "Eh bien, bien sûr que cela n'est

 14   pas vrai que -- qu'elle l'a inventé -- elle -- elle inventé." Encore, ces

 15   termes sont soulignés et c'est moi qui souligne. Donc il a fini par dire

 16   qu'il ne pourrait pas confirmer ce récit tel qu'il a été formulé.

 17   Le témoin parfois a dit qu'il ne se souvenait pas du nom de la

 18   journaliste. Il a dit que -- et du fait qu'elle faisait son reportage

 19   depuis Zagreb, mais qu'effectivement, il a -- qu'il -- qu'il était en

 20   mesure de le relire et de vérifier.

 21   Pour -- en répondant aux questions du Président, il a déposé que ce qu'il

 22   avait dit à la journaliste par rapport à l'incident, allégué qui l'aurait

 23   vu depuis son poste d'observation, correspondait à ce qu'il avait déclaré

 24   précédemment. Egalement, l'information au sujet de la contrebande alléguée

 25   et l'attaque depuis l'intérieur de l'enclave vers l'extérieur, c'est

 26   quelque chose qu'ils ont reçu effectivement, mais il n'a jamais, il ne

 27   s'est jamais exprimé comme cela est représenté dans l'article. Donc le

 28   journaliste aurait modifié son nom jusqu'à ce qu'elle ait entendu


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  1   qu'effectivement il aurait vu.

  2   Alors le journaliste a déposé en disant qu'il n'avait pas vu

  3   l'article dans la presse néerlandaise mais que l'article dans la presse

  4   néerlandaise ne faisait pas partie des documents dont on demandait le

  5   versement. Donc on ne s'y penche pas.

  6   La Chambre a examiné les éléments reçus. Elle considère qu'effectivement, à

  7   aucun moment, le témoin ne conteste pas qu'il ait accordé cet entretien à

  8   la journaliste, et qu'il ait parlé de ce sujet avec le journaliste, donc du

  9   sujet dont parlent ces deux pages d'article dans l'entretien. Par ailleurs

 10   à aucun moment, le témoin n'a pas rejeté la substance de cet article, mais

 11   j'insiste qu'il s'agisse bien de la substance. Il me semble, il apparaît à

 12   la Chambre que la difficulté et la préoccupation donc aux yeux du témoin

 13   concerne la formulation qui a été employée, les termes qui ont été employés

 14   par le journaliste -- la journaliste, donc dans les deux articles. Je

 15   souligne qu'à la page 2296, il est question d'un entretien qui aurait été

 16   donné par sergent --

 17   L'INTERPRÈTE : Non inaudible.

 18   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] -- et dans un autre -- à un autre

 19   endroit, dans l'autre publication, il est question de combattant, du

 20   sergent --

 21   L'INTERPRÈTE : Non inaudible.

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] -- qui aurait commenté donc sur ces

 23   combattants musulmans et l'assassinat de Serbes.

 24   L'accusé a demandé : "Est-ce que cela est conforme à ce qu'il avait

 25   dit au journaliste." Il a répondu qu'il y avait des traits communs mais il

 26   a affirmé que c'est quelque chose qu'il a reçu de seconde main, des ouï-

 27   dire.

 28   Compte tenu de témoignage qui figure en page 22988 [comme interprété]


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  1   jusqu'à 2291 [comme interprété] du compte rendu d'audience, la Chambre

  2   n'aurait pas tendance à accepter l'affirmation que ces deux pages ne

  3   pourraient pas être reçue au dossier qu'à partir du moment où la

  4   journaliste qui les a publiées pourrait être cité en tant que témoin.

  5   La Chambre estime que nous avons effectivement reçu un fondement

  6   approprié pour pouvoir verser ces documents au dossier. Par conséquent,

  7   nous ne pensons pas que la journaliste doit être citée à comparaître, et la

  8   Chambre par conséquent, donne droit au versement, donc accorde le versement

  9   de ces deux pages, et cette décision a été prise à la majorité des Juges.

 10   Le Juge Kwon a une opinion dissidente.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

 12   Baird.

 13   Citons le témoin suivant, s'il vous plaît, Madame West.

 14   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons citer Mirsada

 15   Malagic.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'allez pas demander de versement

 17   de pièces associées, au titre de l'article 92 ter.

 18   Mme WEST : [interprétation] Non, il n'y en a pas, Monsieur le Président.

 19   Comme vous le savez, il y a eu un changement de statut de ce témoin qui

 20   était un témoin 92 bis. Donc j'allais lui poser quelques questions au sujet

 21   de sa déposition dans l'affaire Krstic.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous avons admis plusieurs

 23   pièces associées dans la décision concernée.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Madame.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous invite à prononcer la

 28   déclaration solennelle.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  2   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : MIRSADA MALAGIC [Assermentée]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Malagic.

  6   Veuillez vous asseoir.

  7   Merci. Madame West.

  8   Interrogatoire principal par Mme West :

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Comment vous appelez-vous ?

 12   R.  Mirsada Malagic.

 13   Q.  Où vivez-vous maintenant ?

 14   R.  En ce moment, je vis à Vogosca. C'est une municipalité qui fait partie

 15   de Sarajevo.

 16   Q.  Madame, pouvez-vous confirmer que vous avez eu l'occasion de réécouter

 17   votre déposition donnée dans l'affaire Krstic, et que cette déposition, cet

 18   enregistrement reflète de manière exacte ce que vous avez dit à la Chambre

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Si l'on vous posait ces mêmes questions aujourd'hui, dans ce prétoire,

 22   est-ce que vous répondriez de la même façon ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, la déposition dans

 25   l'affaire Krstic, nous l'avons déjà dit, est déjà versée au dossier sous la

 26   cote P00356. Il n'y a pas de pièces associées. Il y avait une pièce

 27   associée qui en fait a entre-temps été versée par le biais d'un autre

 28   témoin.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Mme WEST : [interprétation] Je me propose de donner lecture d'un bref

  3   résumé.

  4   Le témoin est né à Potocari, en 1959. En 1992, elle vivait dans un petit

  5   village sur la rivière Drina, près de Bratunac. Elle y vivait avec son mari

  6   et ses trois fils. Elle a été forcée à quitter son village en mai 1992.

  7   Entre 1992 et 1995, elle a vécu dans plusieurs autres villages y compris à

  8   Srebrenica avec ses proches et avec ses parents moins proches. Pendant

  9   cette période, ils ont connu des pénuries qu'ont connues tous les réfugiés

 10   vivant dans l'enclave, en particulier il n'y avait jamais suffisamment de

 11   nourriture pour pouvoir nourrir cette localité qui a reçu énormément de

 12   réfugiés.

 13   Le témoin est parti pour Potocari, le 11 juillet 1995. Son mari et deux de

 14   ses fils aînés ainsi que son frère ont décidé d'essayer d'atteindre Tuzla,

 15   à pied, passant par les bois. Ils avaient peur de ce qu'il allait leur

 16   arriver entre les mains des Serbes de Bosnie, si jamais ils devaient tomber

 17   entre leurs mains. Avant de partir, le témoin a été blessé par un éclat

 18   d'obus pendant les bombardements serbes de l'enclave. Il a été difficile

 19   pour elle de se rendre à Potocari, pour elle et pour d'autres réfugiés à

 20   cause des bombardements incessants. Le témoin a été également enceinte à

 21   l'époque.

 22   Lorsqu'elle est arrivée à Potocari avec son fils cadet, son beau-père, la

 23   base était déjà remplie de monde. Elle a pu se mettre à l'abri dans une

 24   usine, elle y est restée jusqu'à ce qu'elle quitte Potocari. Pendant la

 25   soirée du 12, elle a vu beaucoup d'hommes qui ont été emmenés. Elle a

 26   entendu des cris provenant des maisons se situant derrière cette usine de

 27   zinc.

 28   Le 13, elle-même, son fils et son beau-père sont approchés des autocars


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  1   pour être évacués. Son beau-père a été séparé par l'armée serbe de Bosnie.

  2   Elle l'a vu emmené dans la cour de la "maison blanche," où il a déposé son

  3   sac par terre avant de s'engager vers la maison. Le témoin et son fils

  4   cadet ont été évacués. Elle n'a plus jamais revu son mari ni ses deux

  5   autres fils.

  6   Q.  Madame, d'après ce que j'ai compris, vous ne vous sentez pas très bien.

  7   Si vous avez besoin d'une pause, n'hésitez pas à nous le dire. Mais

  8   j'aimerais que vous sachiez d'ores et déjà que nous aurons une petite pause

  9   après mes questions.

 10   Madame, où êtes-vous née ?

 11   R.  Je suis née, le 10 janvier 1959, à Potocari, municipalité de

 12   Srebrenica.

 13   Q.  En avril 1992, où viviez-vous ?

 14   R.  En avril 1992, je vivais dans le village de Voljavica, à trois

 15   kilomètres de Bratunac. C'est une localité près de la rivière Drina. C'est

 16   là que nous avions notre maison familiale et une propriété. C'est là que je

 17   vivais avec mon mari et mes trois fils.

 18   Q.  A un moment donné en mai, est-ce que l'on vous a dit de quitter votre

 19   maison ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Qui vous a dit de partir ?

 22   R.  Le 11 mai, des représentants du peuple serbe sont venus. C'est comme ça

 23   qu'ils se sont présentés. Ils sont venus de Pobrdje car la localité devant

 24   la mienne, en direction de Voljevci, c'était Pobrdje. C'était la même

 25   commune locale que Voljevci. Ils se sont adressés aux gens dans Voljavica,

 26   en disant qu'on ne pouvait plus rester là et qu'avant de partir, il fallait

 27   qu'on se rende à la mairie de Pobrdje pour signer que c'était de plein gré

 28   qu'on allait abandonner nos biens, nos maisons et qu'on n'allait plus


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  1   jamais revenir là-bas et qu'ils allaient nous évacuer par autocars pour

  2   Kladanj. Ils nous ont expliqué qu'ils ne pouvaient plus nous protéger face

  3   à leurs paramilitaires, les hommes à Arkan, à Seselj et les autres

  4   paramilitaires qu'ils n'ont pas précisé, et ils ne pouvaient plus nous

  5   garantir la sécurité. C'était ça la raison pour laquelle il fallait qu'on

  6   parte.

  7   Q.  Qu'avez-vous fait suite à cette information ?

  8   R.  Moi-même, mon mari, les enfants, le père et la mère de mon mari,

  9   d'autres parents de même que la plupart des habitants du village avons

 10   décidé de ne pas signer de documents sur ce sujet. Nous avons décidé de ne

 11   pas nous rendre et de ne pas nous rendre dans la rue, comme cela avait été

 12   demandé, pour qu'ils puissent nous transporter. Nous avons décidé

 13   simplement de quitter nos foyers et de nous diriger vers les bois -- ou

 14   plutôt, de nous diriger vers les villages en direction de Srebrenica.

 15   Le 12 mai, en fait -- ou d'ici au 12 mai, nous n'avions pas dormi dans nos

 16   maisons et -- depuis environ une dizaine de jours. Donc je m'étais rendue

 17   dans ma maison au début de soirée pour aller chercher des vêtements et des

 18   couvertures, peut-être, pour pouvoir être en mesure de protéger nos enfants

 19   s'ils avaient froid. Nous n'avions aucune idée de notre destination finale,

 20   comment nous allons nous y rendre, si nous serions ou non en mesure

 21   d'atteindre un village ou non. Personne ne le savait.

 22   Cette nuit-là, nous avons quitté le village aux environs de 8 heures

 23   et nous sommes arrivés après plusieurs heures au premier village. Il

 24   s'appelait Bojici, un petit hameau. Il y avait déjà un groupe important de

 25   personnes qui s'étaient rassemblées dans ce village. Etant donné qu'il

 26   faisait déjà sombre, nous ne savions pas si nous pouvions poursuivre notre

 27   route. Nous ne connaissions pas notre chemin et il y a un habitant local

 28   qui nous a proposé de nous mener en direction -- en direction de Brezovica,


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  1   parce que nous étions entourés de toutes parts de villages serbes. Il y

  2   avait partout des endroits où ils avaient érigé leurs barricades alors que

  3   nous étions encore dans nos maisons. Donc, à 1 heure 30 du matin, nous

  4   avons poursuivi notre route. Toutes les personnes qui sont restées et qui

  5   ont décidé de partir à 3 heures 30, parce que c'était le résultat d'un

  6   accord que nous avions conclu ce soir-là, n'ont pas -- ne sont pas arrivés

  7   à destination, n'ont pas eu le temps. Nous, nous avons réussi à aller à

  8   Brezovica alors que les autres ont été attaqués. Ils ont été cernés par les

  9   soldats serbes. Je ne sais pas si c'était des soldats, des réservistes ou

 10   autres mais, en tout cas, ils ont été habillés. Ensuite, on les a menés à

 11   la route à partir de laquelle ils ont été évacués. Je ne sais pas ce qu'il

 12   est advenu ensuite. Certains d'entre eux ont été tués. Je ne sais pas quel

 13   était le destin des autres, mais j'ai atteint Brezovica. J'y suis restée

 14   avec ma belle-famille, avec mon mari et avec mes fils. Il y avait des

 15   nombreuses personnes venant de mon village là-bas.

 16   Q.  Nous savons que vous y êtes restés pendant environ une quinzaine de

 17   jours, mais est-ce que vous avez fini par atteindre Srebrenica ?

 18   R.  Oui. Nous n'avons pas pu y demeurer, parce qu'il y avait juste à

 19   proximité un village serbe et ils ont expliqué qu'à cause de nous, eux

 20   aussi allaient devoir quitter le village, qu'à cause de nous, ils n'étaient

 21   pas en sécurité. Donc, nous avons décidé de ne pas créer de problèmes pour

 22   eux, donc nous avons décidé de partir et de quitter le village pour

 23   Srebrenica. Nous avons donc marché en direction du village de Skenderovici 

 24   et d'autres villages, Spat et d'autres qui se trouvaient dans les autres

 25   boisés. Il y avait également une route que nous aurions pu emprunter, mais

 26   nous n'avons pas osé le faire, parce que nous avions peur d'être vus. Donc,

 27   nous avons pensé que nous étions plus en sécurité à traverser les bois pour

 28   atteindre Srebrenica.


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  1   Après environ huit heures de marche avec les enfants, nous sommes

  2   arrivés à proximité de Srebrenica, à Kula Grad. Et ensuite, nous sommes

  3   allés dans le centre-ville de Srebrenica.

  4   Q.  Lorsque vous êtes arrivés en centre-ville, qu'avez-vous vu ?

  5   R.  En centre-ville de Srebrenica et alors que nous nous dirigions vers

  6   Srebrenica, c'était un véritable désastre. C'est les seuls -- la seule

  7   description que je puisse en faire de ce j'ai vu à Srebrenica ce jour-là.

  8   Ça sentait très mauvais. Il y avait une odeur de combustion. Toutes les

  9   maisons avaient été brûlées. On rencontrait des chiens errants, quelques

 10   personnes éparses, des gens qui avaient commencé à organiser une sorte de

 11   protection civile. Je ne sais pas comment on peut appeler ça, mais nous

 12   avons vu quelques personnes alors que nous nous dirigions vers le centre-

 13   ville lui-même et nous avons vu des personnes qui essayaient d'organiser

 14   une sorte de bienvenue pour les personnes qui arrivaient de tous les

 15   villages environnement -- environnants.

 16   Pour moi, ça a été une journée plus difficile que la journée où j'ai

 17   quitté ma maison. Vous allez peut-être me demander pourquoi. C'est

 18   difficile à décrire. Je me sentais vraiment très mal, et en fait, c'est

 19   dans cette ville elle-même que j'ai compris le destin qui nous attendait.

 20   C'était ma ville, une ville où j'avais passé toute ma vie professionnelle.

 21   C'est une ville qui était prise, qui était désertée et j'ai compris que

 22   nous nous trouvions maintenant dans un cercle vicieux, et je demandais ce

 23   qui nous attend encore. Il n'y avait nulle part où aller, et des larmes ont

 24   commencé à couler, et je ne pourrai plus endiguer mes larmes. Si vous

 25   m'aviez demandé, les gens ont demandé pourquoi je pleurais, je ne pouvais

 26   pas exprimer pourquoi. C'était terrible, c'était un désastre. Tout était

 27   tellement difficile, il régnait une telle tristesse, une telle misère, et

 28   comme je l'ai dit, il y avait cette odeur persistante de combustion. Toutes


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  1   les maisons avaient été brûlées.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.

  4   Mme WEST : [interprétation]

  5   Q.  J'ai besoin d'un éclaircissement sur l'information que vous avez donnée

  6   précédemment. Vous avez dit que le 12 mai, vous aviez déjà quitté votre

  7   village, le village où se trouvait votre maison. Vous avez également dit

  8   que vous n'aviez de toute façon pas dormi dans votre maison depuis un

  9   certain nombre de jours. C'était combien de jours exactement, c'était dix

 10   jours ou 20 jours ?

 11   R.  Après le 17 ou le 18 avril, je ne me souviens pas de la date, à partir

 12   de cette date, en tout cas, nous n'avons pas vraiment, nous n'avons plus

 13   vraiment dormi dans notre maison. Il y avait beaucoup de choses qui se

 14   passaient à l'époque, je ne peux pas vous préciser les dates exactes. Mais,

 15   à l'époque, un certain nombre de personnes étaient enlevées. Nous étions

 16   dans nos maisons, mais il y avait des barricades à Pobrdje, à Bjelovac, qui

 17   était un petit lieu au-dessus de notre village, il y avait également des

 18   barricades. Le terrain était occupé, si je puis dire. Il y avait des

 19   personnes d'origine serbe qui se trouvaient partout. Nous étions simplement

 20   des prisonniers dans notre propre village. Nous ne pouvons plus aller à

 21   Bratunac, nous n'avions nulle part où aller.

 22   Ils passaient dans leurs voitures, ils recherchaient des personnes alitées.

 23   En général, il s'agissait de personnes éduquées, qui étaient diplômées, et

 24   puis ils les emportaient avec eux. Des meurtres ont été commis. Par

 25   exemple, une nuit, à l'extérieur de ma maison, une voiture s'est arrêtée,

 26   elle venait de Bratunac. Il y a de jeunes hommes, j'imagine qu'ils

 27   essayaient de s'enfuir, qui ont été fusillés, et le lendemain, lorsque nous

 28   sommes revenus, en face de maison, nous avons vu deux corps de jeunes


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  1   hommes, et ce sont nos aînés qui les ont ensuite inhumés. 

  2   Q.  Nous allons maintenant mettre l'accent sur le délai qui commence en

  3   juin 1992, lorsque vous êtes arrivé à Srebrenica. Pour les six ou sept

  4   premiers mois, suite à votre arrivée, est-ce que vous avez vécu avec votre

  5   frère à Potocari, à côté de Srebrenica ?

  6   R.  Oui. J'ai résidé à Srebrenica quelques jours seulement, parce que mon

  7   fils cadet ou plutôt pas le plus jeune, le fils cadet effectivement avait

  8   de la fièvre, nous ne savions pas que faire. Il n'y avait pas d'hôpital,

  9   pas de soins médicaux disponibles, comme vous le savez. Donc nous sommes

 10   restés dans notre appartement qui n'était pas loin du lieu où j'avais

 11   exercé ma profession. Ensuite nous sommes allés à la maison, tout était en

 12   désordre. Nous avons trouvé des médicaments, un petit peu d'alcool, nous

 13   avons pris tout cela avec nous. Ça a pris à peu près une semaine, et c'est

 14   là que j'ai découvert que mes frères étaient toujours vivants, qu'ils

 15   étaient à Potocari. C'est là que nous sommes allés à Potocari. Nous sommes

 16   arrivés à Potocari au mois de juin. Ils avaient une maison de famille là-

 17   bas, donc nous sommes allés dans cette maison.

 18   Q.  Nous savons que vous y avez résidé pendant environ six à sept mois, et

 19   enfin à l'issue de cette période, vous êtes parti; qu'est-ce qui vous a

 20   fait quitter Potocari ?

 21   R.  Pendant cette période de sept mois que nous avons passé à Potocari,

 22   c'était difficile, ça a été désastreux. On n'était content chaque jour

 23   d'être en vie. Tous les jours, alors qu'on allait chercher de l'eau, on

 24   était bombardé, et c'était tellement près de nous, qu'on pouvait voir à

 25   l'œil nu. Ils étaient très rapprochés, et ils pouvaient voir exactement ce

 26   qui se passait à Potocari. Donc c'était très difficile, rien ne

 27   fonctionnait, plus rien ne fonctionnait.

 28   Q.  Quelque chose s'est survenue à la maison de votre frère qui vous a fait


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  1   quitter Potocari ?

  2   R.  Oui, oui. Beaucoup d'obus sont tombés sur la maison de mon frère, mais

  3   il s'agissait d'obus de petit calibre. Donc nous sommes passés d'une

  4   chambre à -- d'une pièce à l'autre pour finir dans le garage, ou pour être

  5   protégé de ces tirs d'obus, jusqu'à ce qu'un jour, quelqu'un parlait d'un

  6   missile guidé, la maison était touchée. Heureusement, ce jour-là, mon

  7   frère, mon mari et mon fils n'étaient pas dans la maison. Ils étaient à

  8   Zepa, ils étaient allés chercher de la nourriture, et moi-même, j'étais

  9   sortie, je n'étais pas dans la maison elle-même. J'ai entendu une explosion

 10   très importante. J'ai vu que tout tremblait, lorsque la fumée s'est

 11   dissipée, j'ai vu qu'il n'y avait plus de maison, que la maison avait été

 12   rasée complètement, et qu'il était donc impossible de continuer à y vivre.

 13   C'est la raison pour laquelle nous sommes partis.

 14   Q.  Vous avez parlé de la nourriture. Est-ce que vous pouvez nous décrire

 15   la situation alimentaire à Srebrenica et Potocari, pendant l'hiver 1992,

 16   1993 ?

 17   R.  Certaines personnes, qui avaient quitté leur maison au mois de mai, ont

 18   souffert de pénurie alimentaire dès le départ. Il n'y avait simplement rien

 19   à manger. Donc mon mari et mon fils aîné, et d'autres jeunes hommes ont dû

 20   essayer de repartir à notre maison à Voljavica, en passant par la forêt

 21   pour voir si, en risquant leur vie, ils pouvaient trouver quelque chose à

 22   manger. Cette agonie s'est poursuivie à Potocari, il y avait énormément de

 23   personnes qui arrivaient de Bjelavica, et d'autres zones, et qui essayaient

 24   de se saisir des denrées alimentaires qui avaient été laissées dans les

 25   fermes. Il y avait par exemple du maïs, d'autres céréales, que nous avons

 26   récupérées, c'est comme ça que nous avons réussi à nous nourrir.

 27   Cependant, la situation s'est poursuivie ainsi jusqu'à la prochaine chute

 28   de neige. Chutes de neige qui ont commencé en 1992, là, ça s'est devenu


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  1   vraiment critique, il n'y avait vraiment plus rien à manger. Il n'y avait

  2   toutes les fermes et toutes les granges avaient été vidées, à cette époque-

  3   là. A Srebrenica, il y avait beaucoup de personnes qui étaient venues des

  4   municipalités de Zepa et de Han Pijesak, qui étaient donc arrivées sur les

  5   lieux. Ce qui fait qu'il y avait de moins en moins à manger, et s'il avait

  6   quelque chose à échanger, nous le faisions pour pouvoir obtenir des denrées

  7   alimentaires. Mais même les personnes qui venaient de Srebrenica, mais

  8   elles-mêmes, vers la fin du mois de décembre, janvier, n'avaient plus rien

  9   à manger non plus. Donc nos villages de la région de la vallée de la Drina

 10   souffraient désormais de famine. En janvier ou février, il ne restait

 11   pratiquement plus rien. Donc nous allions de maison en maison, et nous

 12   avions commencé à mendier pratiquement. Il fallait nourrir nos enfants. Les

 13   hommes, mon mari, et mon fils aîné, mon frère, s'aventuraient à l'extérieur

 14   et marchaient pendant des dizaines de kilomètres pour essayer de trouver

 15   quelque chose. Mais parfois, ils revenaient bredouille, ils rentrent à la

 16   maison, affamés.

 17   J'ai essayé d'obtenir ce que je pouvais de la part de personne que je

 18   connaissais, de la part d'amis qui nous aidaient et j'utilisais ces

 19   aliments essentiellement pour donner à manger aux enfants, et même ces

 20   denrées alimentaires ne suffisaient pas des nourrir, ils leur permettraient

 21   que de survivre.

 22   Q.  Vous avez donné cette nourriture aux enfants; est-ce qu'il y en avait

 23   beaucoup qui vous restait à vous de ce fait ?

 24   R.  Non. Je n'ai même jamais pensé à moi. Ma première pensée allait

 25   toujours aux enfants. Je donnais toujours la nourriture aux enfants, et

 26   s'il n'y avait plus rien après, il n'y avait plus rien pour moi.

 27   Q.  En janvier 1993, êtes-vous tombée malade ?

 28   R.  Oui.


Page 23485

  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète signifie que la question est inaudible.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   Mme WEST : [interprétation]

  5   Q.  Avez-vous parlé à un médecin ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et que vous a-t-il dit ?

  8   R.  Oui, il y avait un médecin à Srebrenica. C'était un médecin qui était

  9   resté à Srebrenica parce qu'il avait son père et sa mère sur place, et il

 10   ne voulait pas les quitter, mais c'était un médecin qui travaillait au

 11   centre, un centre médical, et mon mari est allé le voir. Moi, je pouvais à

 12   peine marcher. Ils m'y ont conduite. Ils m'ont aidée à m'y rendre, et

 13   lorsqu'il m'a examinée, il m'a demandé :

 14   "Mirsada, que puis-je vous donner ? Vous avez faim. Vous êtes mal

 15   nourrie, vous avez besoin d'aliments, vous n'avez pas besoin de médicament.

 16   La seule chose que je puisse vous donner maintenant c'est de la nourriture,

 17   parce qu'il n'y a aucun médicament que j'aie sous la main qui puisse vous

 18   aider. Si vous pouvez au moins avoir une tasse de café par jour pour

 19   augmenter votre pression artérielle" - qui était faible à l'époque - "à ce

 20   moment-là, vous pourrez survivre."

 21   Donc voilà ce qu'il a proposé. Il a dit :

 22   "Eh bien, il y a -- je vais vous donner une injection de vitamine."

 23   Ils ont dit qu'ils allaient me faire une intraveineuse, de ce

 24   cocktail vitaminé, pour essayer de me ressusciter d'une certaine manière.

 25   Donc tous les jours effectivement, j'ai reçu ces injections. Il avait

 26   beaucoup de mal à trouver une veine qu'il puisse piquer pour m'administrer

 27   le produit, en effet, mes tissus avaient perdu leur vitalité.

 28   Donc, après les cinq premières piqûres - je crois que c'était le 7 ou le 8


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  1   janvier - à 9 heures du matin, j'ai reçu une piqûre et ensuite plus tard au

  2   cours de journée, nous avons été bombardés. C'était un bombardement aérien

  3   donc bombardement du village et ce médecin a été tué, et c'était le seul

  4   médecin qui était encore là.

  5   Q.  Madame, je reviens sur les commentaires que vous avez faits à propos du

  6   café; qu'avez-vous fait ?

  7   R.  J'ai dit aux personnes qui se trouvaient dans la maison, ce qu'il

  8   m'avait dit. Cette maison était désormais pleine de réfugiés. Il y avait

  9   des familles dans chaque pièce, différentes familles, et il y a eu une de

 10   ces personnes dans cette maison qui m'a dit qu'il y avait une femme qui

 11   avait un magasin et qui avait des stocks de nourriture qu'elle avait

 12   enterrés quelque part et que je devrais aller la voir pour lui demander

 13   s'il avait du café. J'y suis allée, et elle m'a demandé de l'or. Je lui ai

 14   donné ce que j'avais, j'avais une poignée de bijoux, et j'ai demandé à cet

 15   homme d'aller voir s'il pouvait obtenir quelque chose auprès de cette

 16   femme.

 17   Cet homme est allé la voir avec mon or, et cette femme m'a fait parvenir du

 18   café, 100 grammes de café et un petit peu de sucre avec ce café. Elle a

 19   également envoyé un litre de jus de fruit, jus de myrtille.

 20   Q.  Qu'avez-vous fait avec le jus de fruit ?

 21   R.  Quand vos enfants ont faim, et si vos enfants n'ont pas bu de jus

 22   depuis des semaines, moi, je n'ai pas pu boire ce jus. Tout simplement,

 23   j'ai fait du café, et pour les enfants, j'ai préparé le jus à leur

 24   intention, et pendant quelques jours, ils ont pu utiliser cette bouteille

 25   de jus de fruit, l'ont mélangé avec de l'eau et l'utiliser pendant deux

 26   jours.

 27   Ensuite, le jour suivant, mon fils cadet est venu me voir, et il m'a

 28   demandé si j'avais mal. J'ai répondu : "Non, mon fils. Pourquoi me


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  1   demandes-tu cela ?" Il a dit --

  2   L'INTERPRÈTE : Il n'y a pas d'interprétation. Problème d'interprétation.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que nous n'avons plus

  4   l'interprétation. Pouvez-vous, je vous prie, répéter votre réponse lorsque

  5   vous avez dit et j'ai répondu à mon fils : "Pourquoi me poses-tu la

  6   question ?" Est-ce que vous pouvez reprendre vos propos, je vous prie ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je lui ai demandé : "Pourquoi me

  8   poses-tu la question, mon fils ?" Il m'a dit : "Eh bien, est-ce que je

  9   devrais de préparer un verre de jus avec de l'eau ?" Alors je lui ai dit

 10   qu'il pouvait le faire mais il savait que je ne le boirais pas, que je ne

 11   pourrais pas le boire, que lui devrait le boire à ma place. Lorsqu'il l'a

 12   préparé pour moi, je lui ai dit de le boire lui-même. Moi, je n'avais pas

 13   le cœur de le faire alors qu'il me regardait boire ce jus. Il avait huit

 14   ans.

 15   C'était difficile. Je n'oublierai jamais ces journées jamais de ma vie. Il

 16   est vrai que des gens sont morts de faim, parce qu'il n'avait plus rien à

 17   trouver sur cette couche de neige, et vous avez déjà de la chance de

 18   pouvoir survivre d'un jour sur l'autre.

 19   Mme WEST : [interprétation]

 20   Q.  J'aimerais maintenant vous parler des convois alimentaires

 21   internationaux pendant ces années-là et des aliments qui ont été apportés

 22   pour leur entremise. Pouvez-vous nous dire si, en 1993, Srebrenica a reçu

 23   des denrées alimentaires de la part de groupes internationaux ?

 24   R.  Pendant les premiers mois de 1993, très tôt une opération a été menée.

 25   Il avait des parachutes. Il avait des convois aériens, et en février, au

 26   mois de février 1993, à Srebrenica, je ne me souviens pas exactement de la

 27   date parce qu'il faut savoir que nous n'avions rien qui fonctionnait. Pas

 28   de calendrier, pas de repère. Rien du tout. Pas de montre. Mais je sais


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  1   quand ont commencé effectivement ces convois aériens, quand ils ont

  2   commencé à envoyer des denrées alimentaires envoyées par avions, je sais

  3   que les gens ont commencé à survivre grâce à ces rations, que la nourriture

  4   était distribuée chaque jour. Les réfugiés de Konjevic Polje ont apporté

  5   leur aide parce qu'ils avaient avec eux des denrées alimentaires.

  6   Moi, je n'avais rien à échanger, alors ils m'ont simplement prêté ces

  7   denrées alimentaires. Ils m'ont donné, par exemple, de la farine et

  8   d'autres denrées, desquelles j'ai pu confectionner du pain ou de la

  9   pâtisserie.

 10   Q.  Passons maintenant à 1994. Est-ce que vous pouvez parler des denrées

 11   alimentaires qui sont arrivées dans Srebrenica pendant cette année-là ?

 12   R.  Lorsque les convois ont commencé à arriver à Srebrenica, très tôt, il y

 13   avait beaucoup de nourriture qui nous parvenait, qui était relativement

 14   suffisante. Vous pouviez obtenir un deux kilos de farine par membres de la

 15   famille. Il y avait également du sucre, ce qui était mesuré en grammes. De

 16   l'huile, de l'huile de cuisson. Donc, très tôt, au tout début, il y avait

 17   suffisamment de nourriture. Nous n'avions pas suffisamment de sels ou de

 18   sucres. Ces rations étaient toujours mesurées en grammes. On obtenait peut-

 19   être l'équivalent d'un couvercle de sucre ou de sel et c'était tout.

 20   Parfois, il y avait du riz, mais nous n'avions pas de sel pour pouvoir

 21   l'utiliser avec le riz, donc voilà comment allaient les choses. Mais nous

 22   avions de la farine, donc les gens, qui avaient tellement souffert, étaient

 23   heureux au moins de pouvoir avoir du pain.

 24   Alors, en 1994, tout avait été remué à Srebrenica. On avait -- tout

 25   avait été labouré à Srebrenica, parce que les gens essayaient de labourer

 26   autant que possible pour pouvoir survivre. Moi aussi, je suis allée à

 27   Potocari. J'ai commencé à potager, parce que nous avions reçu des semences

 28   de la part des organisations d'aide humanitaire. Nous avions reçu certaines


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  1   semences de carotte et autres semences que nous avons mises en terre.

  2   En 1994, pendant la première moitié de 1994 jusqu'à l'automne, la

  3   situation était supportable. Il n'y avait pas de pénurie ou moins de

  4   pénurie sur le plan alimentaire, ce qui fait qu'il était possible de -- il

  5   était possible de travailler la terre, donc il y avait effectivement à

  6   manger.

  7   Q.  Puis, que s'est-il passé l'hiver 1995 et pendant le printemps de la

  8   même année, du point de vue de la situation alimentaire qui prévalait à

  9   l'époque ?

 10   R.  Déjà, pendant l'hiver, on a constaté une diminution des rations

 11   alimentaires dont on pouvait et les convois n'arrivaient plus aussi

 12   fréquemment que par le passé, et lorsqu'ils arrivaient, ils nous

 13   apportaient bien moins de nourriture qu'au début. Par exemple, au début,

 14   13, 14 camions d'aide humanitaire étaient présents, alors que plus tard, le

 15   nombre de camions qui nous parvenaient était réduit de moitié. Il n'y en

 16   avait que cinq ou six.

 17   Lorsque les camions étaient déchargés, lors -- l'ancien entrepôt,

 18   dépôt de nourriture à Srebrenica, moi, j'essayais de voir ce qui se

 19   passait. Un camion arrivait et vous auriez pu penser que ce camion avait à

 20   son bord beaucoup d'aide humanitaire, mais en fait, il déchargeait

 21   simplement quelques sacs de farine et du sel qui était piétinés par les

 22   soldats. Cela voulait dire que quelqu'un, qui voulait se rendre sur place

 23   pour recevoir une ration, ne le pouvait pas, parce que, finalement, les

 24   camions étaient repartis vers Srebrenica à moitié vides. Cela signifie que

 25   l'aide humanitaire était -- y était déchargée autre part d'abord et ce

 26   n'est que pour sauver les apparences qu'on laissait quelque chose à

 27   l'intérieur des camions pour que le -- la communauté internationale puisse

 28   voir que des camions arrivaient bien à Srebrenica.


Page 23490

  1   C'est cet hiver-là que nous avons commencé à nouveau à rechercher de

  2   la nourriture. On s'est rendus principalement à Zepa. Ce sont mes frères et

  3   mon époux qui sont allés à Zepa, parce qu'une de mes sœurs y résidait et

  4   elle et sa famille disposaient de plus de nourriture. Je ne sais pas

  5   comment ni pourquoi, mais elle nous avait fait comprendre que nous pouvions

  6   y aller et qu'elle nous donnerait de la farine.

  7   Mon fils aîné participait également à ces déplacements. Nous avons

  8   essayé de faire durer la nourriture que nous avions aussi longtemps que

  9   possible et nous essayons d'au moins pouvoir compter un repas par jour, ce

 10   qui ne nous -- nous n'y parvenons pas très souvent.

 11   Q.  Bien. Revenons s'il vous plaît au mois de juillet 1995. Mais avant,

 12   j'aimerais que vous nous disiez combien de personnes se trouvaient à

 13   Srebrenica en juin ou juillet 1995.

 14   R.  Au mois de juillet 1995, vers la fin du mois de juin, début du mois de

 15   juillet, je ne sais pas combien de personnes se trouvaient précisément,

 16   mais je sais qu'un très grand nombre de personnes se trouvaient rassemblées

 17   sur une très petite zone, dans un espace très confiné. Je ne sais pas. J'ai

 18   entendu dire que plus ou mois 40 000 personnes se trouvaient sur une

 19   superficie de 50 kilomètres carrés. Dans chaque pièce de chaque appartement

 20   se trouvait une famille et même les garages accueillaient des familles, des

 21   abris, les écoles, les classes abritaient des familles également et des

 22   réfugiés, des personnes qui n'avaient plus nulle part où aller.

 23   Q.  Je vous prie de m'excuser, je vous interromps, mais après les attaques

 24   survenues le 6 juillet, plus de personnes ont-elles afflué vers Srebrenica

 25   ?

 26   R.  Oui. Après, même des réfugiés qui se trouvaient auparavant à Zeleni

 27   Jadar ont commencé à venir à Srebrenica. Il y avait des petits cabanons de

 28   bois qui abritaient un très grand nombre de personnes, jusqu'à 3 000


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  1   personnes lorsque les bombardements ont commencé. Lorsque le premier poste

  2   d'observation de la FORPRONU qu'on appelait, je pense, le poste de

  3   Ljubisevic [phon], près de Zeleni Jadar, était attaqué, ces personnes ont

  4   commencé à battre en retraite vers la ville elle-même, vers Srebrenica. Ils

  5   avaient l'impression qu'ils s'y trouveraient en sécurité, parce que les

  6   forces serbes avançaient et donc beaucoup plus de personnes ont commencé

  7   d'arriver à Srebrenica.

  8   Q.  Lorsque les bombardements ont commencé, réellement, le 6 juillet, où

  9   vous trouviez-vous lorsque vous en avez entendu parler pour la première

 10   fois ?

 11   R.  Ce jour-là, je me rendais de Potocari vers Srebrenica et j'étais à mi-

 12   chemin lorsque j'ai entendu la première explosion, et l'explosion pouvait

 13   être entendue à Srebrenica même. Lorsque j'ai entendu cette explosion, mes

 14   jambes se sont dérobées et je ne sais pas comment je suis parvenue à

 15   Srebrenica. C'était absolument horrible, parce qu'après cette trêve, après,

 16   ce moment de calme relatif.

 17   Ensuite, j'ai revu des images du chaos, des bombardements, des

 18   tueries et je ne sais pas comment mes jambes ont pu me porter jusqu'à

 19   Srebrenica où je suis finalement arrivée et où j'ai vu ce qui se passait,

 20   parce que mon mari et mes enfants essayaient de faire quelque chose et se

 21   trouvaient dans notre jardin.

 22   Q.  Pendant les journées du 6, du 7, et du 8 les bombardements, ont-ils

 23   continué au même rythme ? Ont-ils augmenté en intensité ou non ? Ont-ils

 24   diminué ?

 25   R.  Pendant ces jours-là, les bombardements ont continué. Comme je l'ai

 26   déjà dit tout à l'heure, Srebrenica comptait un très, très grand nombre de

 27   personnes qui étaient confinées. Il y avait tellement de monde, et donc

 28   évidemment il s'agissait de cible évidente. Dès qu'un obus était lancé, il


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  1   trouvait immanquablement une cible. Ça ne pouvait pas être autrement. Il

  2   suffisait que l'on cible Srebrenica et des victimes tombaient. Il y a des

  3   gens qui faisaient la queue pour obtenir de l'eau. Certains travaillaient

  4   dans leurs potagers, et l'hôpital était plein, parce que les personnes ont

  5   été tuées et blessées, et vous ne trouviez plus aucun endroit sûr à

  6   Srebrenica.

  7   Q.  Pendant ces journées-là, avez-vous vu nombreuses personnes blessées ou

  8   tuées dans les rues ?

  9   R.  Oui. Oui. Notamment un médecin, une femme, qui s'appelait Fatima, je ne

 10   connais pas son nom de famille. Elle était blessée et elle a été blessée

 11   alors qu'elle se rendait de l'hôpital vers son appartement vers son

 12   immeuble. Près de notre maison, l'oncle de mon mari a également été très

 13   grièvement blessé lorsqu'un obus est tombé dans son jardin. Puis, il y

 14   avait nombre d'autres personnes qui ont été blessées alors qu'elles

 15   faisaient la queue pour obtenir de l'eau, parce que vous aviez besoin d'eau

 16   pour la toilette, parce qu'il fallait bien sûr que l'on continue à se

 17   laver, à maintenir de bonnes conditions d'hygiène, et nous n'avions pas

 18   d'eau pour les toilettes. Nous devions improviser des latrines à

 19   l'extérieur, et les enfants devaient s'aventurer à l'extérieur, parce

 20   qu'ils devaient trouver du bois étant donné qu'il n'y avait pas

 21   d'électricité depuis longtemps, nous n'avions pas d'électricité, et puis

 22   dans les bois qui entouraient Srebrenica, il n'y avait plus rien à prendre.

 23   Tout le bois avait déjà été utilisé, il fallait aller plus loin de plus en

 24   plus loin pour utiliser du bois.

 25   Jusqu'au 10 juillet, l'hôpital était -- déjà le 10 juillet, l'hôpital était

 26   plein, ce qui en dit long sur le nombre de personnes qui avaient été

 27   blessées et qui se trouvaient en danger.

 28   Q.  Venons-en maintenant à la soirée du 10 juillet. Ce soir-là, avez-vous


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  1   tenu une réunion, une réunion de famille avec tous les membres de votre

  2   famille immédiate et élargie ?

  3   R.  Oui. En fait, cet après-midi-là, vers 16 heures ou 17 heures, je n'en

  4   suis plus très sûre, une très longue colonne de personnes s'est mise en

  5   marche vers la base de la FORPRONU, le 10 juillet, et nous avons également

  6   quitté la ville. On nous a dit que nous devions nous rendre à la base de la

  7   FORPRONU qui se trouvait à plusieurs kilomètres de Srebrenica vers

  8   Potocari, et mes enfants et moi-même, nous y sommes rendus pour voir ce que

  9   nous pouvions faire. Mais, lorsque nous sommes arrivés aux barrières, nous

 10   avons vu une énorme foule de personnes, et on nous a dit que nous devions

 11   rebrousser chemin. Des soldats de la FORPRONU nous ont dit qu'ils nous

 12   protégeraient des forces serbes, qu'il ne fallait pas que nous paniquions -

 13   -

 14   Q.  Arrêtons-nous un moment, je vous prie. Lorsque vous nous parlez de la

 15   base de la FORPRONU, parlez-vous de celle qui se trouvait près de

 16   Srebrenica, ou faites-vous référence à celle qui se trouvait plus loin,

 17   c'est-à-dire à Potocari ?

 18   R.  Il s'agit de celle qui se trouvait près de Srebrenica.

 19   Q.  Ce soir-là, de quoi avez-vous parlé lors de cette réunion de famille ?

 20   R.  Nous étions tous revenus dans les appartements où nous logions, mais un

 21   grand nombre de personnes venaient de Zeleni Jadar et d'Ucina Basta, qui se

 22   trouve dans la région de Srebrenica. En fait, tout le monde avait fui et

 23   tentait de se réfugier près de la base de la FORPRONU, et il n'y avait pas

 24   plus un endroit qui n'était considéré comme un lieu où on pouvait se

 25   réfugier, trouver refuge. Une femme avait apporté de la farine pour faire

 26   du pain, au moins pour les enfants.

 27   Cette nuit-là personne n'a dormi. Mon mari, mes frères, mes parents, moi-

 28   même, nous ne savions pas exactement ce qui se passait, mais nous avons


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  1   parlé ensemble et nous avons pris une décision, une décision que d'autres

  2   ont prises peut-être, mais une décision selon laquelle moi-même, ainsi que

  3   mon plus jeune fils et mon beau-père devrions nous rendre vers la base de

  4   la FORPRONU si les soldats serbes occupaient la ville, alors que les autres

  5   hommes de la famille iraient vers Tuzla à travers bois. Ils ne faisaient

  6   pas confiance aux forces serbes ils étaient convaincus qu'ils seraient

  7   maltraités s'ils étaient capturés. Alors qu'ils pensaient que les Serbes ne

  8   feraient aucun mal aux femmes et aux enfants mais ils pensaient qu'ils

  9   devaient essayer de parvenir en zone libre entre guillemets à travers bois,

 10   et c'est comme cela que la soirée et la nuit s'est passée.

 11   Q.  Vouliez-vous quitter Srebrenica ?

 12   R.  Etant donné la situation pendant ces journées-là à l'époque, alors

 13   personne ne voulait quitter Srebrenica mais étant donné qu'ils se sentaient

 14   plus en sécurité étant donné le chaos qui régnait, c'était une solution qui

 15   s'imposait, et le chaos régnait, provoqué par les forces serbes qui

 16   avançaient vers la ville, les forces avaient déjà pris un point de contrôle

 17   qui avait été érigé par la FORPRONU. D'autres postes d'observation des

 18   Nations Unies n'étaient plus sûrs non plus. Donc l'étau se resserrait petit

 19   à petit autour de la ville, et les troupes serbes se rapprochaient de plus

 20   en plus. C'est pourquoi tout le monde avait peur, ne se sentait plus en

 21   sécurité et souhaitait quitter la ville. Ils craignaient pour leur vie.

 22   Q.  Pouvons-nous maintenant --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît. J'aimerais

 24   que l'on remonte à la page précédente du compte rendu d'audience à la ligne

 25   20, je cite :

 26   "On nous a dit de nous rendre vers la base de la FORPRONU qui se trouvait à

 27   plusieurs kilomètres de 'Vienna'" - je lis en anglais - "en direction de

 28   Potocari."


Page 23495

  1   Je pense qu'il ne s'agit pas de "Vienna," mais de Srebrenica; est-ce

  2   exact, Madame ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il s'agit, bien sûr, de Srebrenica.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame. Je vous prie de

  5   poursuivre, Madame West.

  6   Mme WEST : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Venons-en à la journée du 11 juillet, le matin, après que vous et votre

  8   famille avez quitté l'appartement; où êtes-vous allés ?

  9   R.  Ma famille et moi-même, qui résidions dans ces immeubles et dans les

 10   immeubles aux alentours, nous sommes allés avec tout le monde d'ailleurs à

 11   Potocari -- vers Potocari, en tout cas, vers la base de la FORPRONU, et

 12   nous ne savions pas où nous irions après peut-être Potocari, mais, à ce

 13   moment-là, nous souhaitions simplement nous rendre vers la base de la

 14   FORPRONU.

 15   Q.  Avant de partir vers Potocari, aviez-vous été séparée de votre mari, de

 16   vos frères et de vos deux fils aînés ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  En temps de paix --

 19   Q.  Où ?

 20   R.  En temps de paix, c'était une station de service qui se trouvait juste

 21   devant les barrières, l'enceinte de la base de la FORPRONU. Nous sommes

 22   arrivés à cet endroit lorsque nous avons vu un médecin qui descendait la

 23   rue, fendant la foule et qui demandait aux jeunes hommes de retourner vers

 24   l'hôpital pour y déposer les blessés dans les camions, parce que l'hôpital

 25   était plein. Il ne pouvait plus accueillir de blessés. A ce moment-là, des

 26   obus ont commencé à tomber sur la foule, et il y avait énormément de

 27   personnes, énormément d'enfants, les enfants ont commencé à hurler. Le

 28   chaos était indescriptible, et il y avait plus aucun contrôle de qui que ce


Page 23496

  1   soit, et comme je l'ai dit, il y avait été décidé que mon beau-père, le

  2   plus jeune de mes fils et moi-même devions aller vers la base de la base de

  3   la FORPRONU, alors que mes frères, mon mari et mon fils aîné ainsi que le

  4   fils de mes beaux-parents avaient décidé d'aller vers Susnjari et de

  5   quitter cette station de service. Nous n'avons même pas eu le temps de nous

  6   dire au revoir. Nous avons fait ce que nous avions décidé antérieurement,

  7   et nous ne sommes pas dit au revoir.

  8   Lorsque je suis arrivé à plus ou moins 50 mètres de la base de la FORPRONU,

  9   les obus continuaient de pleuvoir, et dans cette situation de chaos,

 10   personne ne savait où étaient les membres de sa famille, des gens tombaient

 11   sous les bombes, les obus, les éclats d'obus, certains tombaient de peur,

 12   la chaleur était insupportable et certaines personnes s'évanouissaient

 13   devant l'enceinte de la base de la FORPRONU.

 14   Q.  Avez-vous vous-même été blessée ?

 15   R.  Un obus est tombé sur l'enceinte même, les grillages qui entouraient la

 16   base, et un obus est tombé juste en face de nous, sur du béton. Nous sommes

 17   tous tombés au sol, nous sommes tombés par terre. Les obus sont tombés

 18   très, très près de nous. Je pensais que mon fils et mon beau-père avaient

 19   été tués, parce que, pendant un très long laps de temps, plus personne ne

 20   s'était relevé. Après un certain temps, ceux, qui n'avaient pas été

 21   blessés, ont commencé à se relever.

 22   Mon fils était si pâle, il était pâle comme un linceul. Il semblait

 23   très, très mal tout comme mon beau-père, mais ils n'étaient pas blessés.

 24   Moi, j'étais blessée, j'ai été blessée à l'épaule droite, et je saignais. A

 25   la vue du sang, mon fils a pris peur, donc j'ai pris un mouchoir, j'ai pris

 26   le foulard que je portais sur la tête, et je l'avais mis sur la tête pour

 27   me protéger du soleil et de chaleur, et c'est peut-être ce foulard qui m'a

 28   sauvé la vie, étant donné que je l'ai pris pour empêcher l'hémorragie. Il y


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  1   avait énormément d'éclats d'obus et j'ai constaté que nombre d'éclats

  2   d'obus ont été pris, en tout cas, je les ai retrouvés dans mon foulard

  3   ainsi que dans le pull que je portais. Heureusement, grâce à ce pull-over

  4   que je portais, et à ce foulard, j'ai pu aguiller le sang qui coulait de ma

  5   blessure.

  6   La balle avait traversé mon épaule, et il n'y avait aucun éclat

  7   d'obus dans la blessure à proprement parler.

  8   Lorsque le bombardement a arrêté, le chaos par contre a continué. Les

  9   gens allaient, y venaient, entraient et sortaient de la base de la

 10   FORPRONU. Ils criaient, ils hurlaient, la panique régnait, c'est absolument

 11   indescriptible.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, pourriez-vous, s'il vous

 13   plaît, préciser de quelle base de la FORPRONU il s'agit ici ?

 14   Mme WEST : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 15   Q.  Lorsque vous parlez de la base de la FORPRONU, s'agit-il de la base qui

 16   se trouve près de Srebrenica ou de celle qui se trouve près de Potocari ?

 17   R.  Non. Il s'agit toujours de celle qui se trouve près de Srebrenica.

 18   Q.  Ensuite, la foule a-t-elle commencé à se diriger vers la base des

 19   Nations Unies, à Potocari ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  La distance qui sépare la base des Nations Unies, la Compagnie Bravo à

 22   Srebrenica, de la base de Potocari, est plus ou moins de quatre kilomètres;

 23   est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Avez-vous suivi la foule qui s'y rendait ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Pourquoi ? Pourquoi vous êtes-vous rendue à Potocari ?

 28   R.  Après être restée pendant plusieurs jours dans cette base de la


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  1   FORPRONU, et dans cette rue, nous avons entendu que des aéronefs

  2   arrivaient, et les soldats de la FORPRONU n'étaient pas même de communiquer

  3   avec nous. Nous ne nous comprenions pas, mais ils nous ont indiqué du doigt

  4   le ciel. Ils nous ont fait comprendre que des avions arrivaient et que ces

  5   avions allaient bombarder les positions serbes qui se trouvaient aux

  6   alentours. Ils nous ont également indiqué que nous devions partir vers

  7   Potocari, tous, nous devions partir. La foule a obéi, certaines personnes

  8   ont commencé de quitter les lieux, et puis d'autres ont suivi. Voilà

  9   comment nous nous sommes tous rendus sur la route à asphaltée qui mène à

 10   Potocari.

 11   Q.  Madame, alors que vous marchiez sur cette route, vous étiez bien avec

 12   votre plus jeune fils et votre beau-père, n'est-ce pas ? Aviez-vous des

 13   bagages, des sacs ?

 14   R.  Non, non, parce que, quand j'étais blessée, je n'avais plus la

 15   sensation de mon bras droit, et donc je ne pouvais plus porter mon sac. De

 16   toute façon, ma priorité c'était mon fils, et je le tenais par la main, la

 17   main gauche, et donc je n'avais cure de mon sac. Je l'ai laissé là où il se

 18   trouvait.

 19   Q.  Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé au cours de ce trajet de

 20   quatre kilomètres vers l'autre base des Nations Unies ?

 21   R.  Oui. Au début de notre voyage, au tout début, alors que nous entendions

 22   toujours le bruit des avions dont j'ai parlé qui se trouvaient près du

 23   stade de football, près de la base, nous entendions toujours ces avions

 24   mais le bruit s'éloignait de plus en plus, alors que nous marchions. Ils

 25   devaient se trouver près de Zalazje, et nous avons entendu un grand nombre

 26   d'explosions et nous avons continué notre chemin.

 27   Au début, tout était désorganisé, mais petit à petit la foule, ce

 28   groupe très désorganisé, s'est organise et puis on s'est transformé en


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  1   colonne, parce que, de toute façon, les gens se déplaçaient à des rythmes

  2   différents. Il y avait des personnes âgées, des enfants qui, de toute

  3   façon, ne pouvaient pas marcher très vite, et de toute façon, les femmes

  4   restaient avec les enfants.

  5   En tout état de cause, une colonne s'est constituée sur cette route

  6   et les obus tombaient tout le temps des deux côtés de la route. Je ne peux

  7   pas dire qu'ils touchaient la route à proprement parler, mais ils tombaient

  8   très, très près de cette route et des deux côtés de la route.

  9   De nombreuses personnes ont été blessées, pas grièvement, et elles

 10   ont pu continuer à marcher. D'autres personnes ont été tuées, mais je

 11   voudrais que vous me croyiez quand je dis que personne ne pouvait porter

 12   quiconque ni porter assistance à quiconque. Vous savez, on n'avait pour

 13   seule préoccupation de rester vivants et personne ne savait s'il ou elle

 14   serait en mesure d'arriver à Potocari vivant.

 15   Une femme a été tuée. On a recouvert son corps d'une couverture et on

 16   l'a laissée au bord de la route. Elle se trouvait tout près de moi et il

 17   n'y avait personne que je connaissais qui se trouvait tout près de moi.

 18   Seuls mon plus jeune fils et mon beau-père étaient à mes côtés, et donc

 19   nous avons continué pendant un kilomètre et demi à l'extérieur de Potocari,

 20   lorsque deux camions de la FORPRONU nous ont pris à leur bord. Les camions

 21   roulaient très lentement et ils voyaient très bien tout ce qui se passait.

 22   Ils ne pouvaient, de toute façon, pas avancer très vite étant donné la

 23   foule qui se trouvait sur les lieux. Mais des personnes se sont frayé un

 24   chemin vers les camions et --

 25   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais les personnes ont laissé passé les

 27   camions et donc les camions ont pu rouler plus vite. Puis on a arraché les

 28   bâches des camions et -- et j'ai vu mon fils aîné et un de ses amis qui se


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  1   trouvaient à bord de ces camions. L'autre garçon en question était le

  2   meilleur ami ou un ami très proche, en tout cas, de mon fils à Srebrenica

  3   et j'étais très surprise de le voir à bord de ce camion, mais quand il m'a

  4   vue également, il a fait un signe de reconnaissance, et ensuite les camions

  5   ont poursuivi leur chemin. Nous étions là assez près de la base de la

  6   FORPRONU de Potocari.

  7   Q.  Voyons ce qui s'est produit lorsque vous êtes arrivée à Potocari, à la

  8   base de Potocari. Alors est-ce que vous avez pu entrer à l'intérieur de la

  9   base des Nations Unies vous-même, de l'autre côté de la clôture ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Alors où est-ce que vous vous êtes dirigée, où est-ce que vous êtes

 12   allée ?

 13   R.  Alors on dirait que c'était une barricade -- en fait, ce n'était pas

 14   vraiment une barricade. C'était plutôt un ruban qui a été installé à

 15   travers la voie, à travers la route par les soldats de la FORPRONU.

 16   Ils -- en passant par l'interprète, ils nous ont fait comprendre que

 17   la base était déjà trop pleine de monde, qu'on -- ils ne pouvaient plus

 18   nous laisser rentrer à l'intérieur, qu'il fallait qu'on reste de l'autre

 19   côté et qu'on essaye de se placer là, sur l'asphalte, autour de ces -- ces

 20   usines. Il y avait l'usine de zinc, il y avait l'usine appelée du 11 mai où

 21   moi-même j'avais travaillé précédemment, une entreprise de transport,

 22   l'usine Faros. Donc il -- il y avait ces esplanades devant les usines.

 23   C'est là qu'on devait se placer et plus personne ne pouvait rentrer à

 24   l'intérieur.

 25   Q.  Est-ce que vous avez pu rentrer à l'intérieur de l'une des usines ?

 26   R.  J'étais avec mon fils et avec mon beau-père donc, et j'ai réussi à

 27   revenir vers l'usine de zinc, et donc, au grand portail d'entrée, j'ai

 28   voulu rentrer à l'intérieur parce que mon fils avait très peur et, moi-


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  1   même, j'étais très faible et je me suis dis que j'allais me sentir plus en

  2   sécurité à l'intérieur, même s'il n'y avait plus de fenêtre ni de porte.

  3   C'étaient des bureaux, en fait, d'anciens bureaux.

  4   Donc, je -- j'ai emmené mon fils dans un de ces bureaux où on a vu

  5   entrer d'autres femmes avec leurs enfants, et puis les personnes âgées, où

  6   ceux qui n'avaient pas d'enfants se tenaient à l'extérieur, autour du

  7   bâtiment de l'usine.

  8   Donc c'était une manière simplement de placer les enfants à

  9   l'intérieur, parce que la nuit, ils allaient venir juste pour les mettre un

 10   peu à l'abri, et c'est là que j'ai passé la nuit, avec mon fils.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois l'heure, Madame West. Il vous

 12   faudrait encore du temps ? Est-ce que l'on pourrait faire une pause

 13   maintenant ?

 14   Mme WEST : [interprétation] Oui, ce serait bien, mais je pense que Mme le

 15   Témoin souhaiterait avoir également une pause également à la fin de

 16   l'interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Faisons une pause maintenant.

 18   Madame, nous ferons 30 minutes de pause et nous reprendrons à 11 heures 05.

 19   Vous pouvez sortir maintenant.

 20   Entre-temps, à une autre question que je souhaite aborder à huis clos

 21   partiel.

 22   Oui, vous pouvez -- vous pouvez quitter le prétoire, Madame.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande que l'on passe brièvement à

 25   huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   La Chambre a estimé que la visite sur les lieux qu'elle a effectuée à


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  1   Sarajevo a été très utile. Par conséquent, la Chambre envisage d'organiser

  2   un déplacement sur les sites autour de Srebrenica. A ce stade et compte

  3   tenu du nombre de municipalités qui font l'objet de l'acte d'accusation et

  4   la nature différente des allégations qui les concerne, la Chambre

  5   n'envisage pas pour le moment de se rendre dans des municipalités, mais

  6   souhaiterait que les parties s'expriment là-dessus.

  7   Comme cela a été le cas précédemment lors du déplacement précédent,

  8   je souhaiterais que les parties s'expriment par voie d'écriture sur des

  9   points comme suit.

 10   Premièrement, est-ce qu'une visite, sur le territoire des

 11   municipalités qui font l'objet de l'acte d'accusation, serait utile à leur

 12   avis ?

 13   Deuxièmement, est-ce que les parties pourraient énumérer les sites

 14   qui devraient faire partie de ce déplacement, ainsi qu'à un itinéraire --

 15   un projet d'itinéraire ?

 16   Troisièmement, de citer les participants qui se déplaceraient.

 17   Et, quatrièmement, toute autre question concernée utile.

 18   La Chambre demande que ces écritures soient déposées à titre

 19   confidentiel au plus tard le mardi 31 janvier 2012.

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 28   [Audience publique]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Après la pause à venir, est-ce

  2   que la Défense pense avoir besoin d'une autre pause pour terminer le

  3   témoignage -- l'interrogatoire au principal ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons faire une pause d'une

  6   demi-heure et nous allons reprendre à 11 heures 10.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 38.

  8   --- L'audience est reprise à 11 heures 11.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West, veuillez continuer.

 10   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Madame, lorsque nous avons été sur le plan de prendre notre pause, on

 12   était en train de discuter du fait que vous étiez entrée avec votre fils

 13   dans l'une de ces usines, le 11. Lorsque vous vous êtes trouvée à

 14   l'intérieur de l'usine, où se trouvait votre beau-père ?

 15   R.  Mon beau-père se trouvait dans l'enceinte de la même usine, à la

 16   différence près qu'il était à l'extérieur, et il y avait une fenêtre qui

 17   nous séparait. Enfin, il n'y avait pas de vitre sur la fenêtre, on pouvait

 18   se voir, on pouvait communiquer, on était au rez-de-chaussée. Nous, on

 19   était à l'intérieur, et lui, il était à l'extérieur, sur le plateau de

 20   l'usine.

 21   Q.  Ça se passait pendant la journée du 11. Est-ce que vous pouvez nous

 22   dire s'il y a eu quoi que ce soit de remarquable à se produire, ce 11

 23   juillet, pendant que vous étiez à l'usine ?

 24   R.  Cette nuit du 11 juillet, pendant que nous étions à l'usine, on peut

 25   dire que c'était plutôt paisible. Il y a eu des rafales ou des coups de feu

 26   qu'on tirait autour, mais ce n'était pas sur les lieux, pas dans

 27   l'enceinte. L'enceinte où je me trouvais du moins.

 28   Vers la soirée, il y a eu des obus à tomber autour, pas à Potocari,


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  1   dans l'enceinte, mais plus haut sous les cimes des forêts, des villages de

  2   Caus, Likari, c'est là qu'il y avait des lignes de démarcation. C'est là

  3   que s'étaient trouvés auparavant les postes de la FORPRONU, et c'est sur

  4   ces lignes qu'on pouvait entendre des détonations, des obus qui tombaient

  5   là-bas, et c'est ce qui a marqué le 11 juillet, la soirée. La nuit a été

  6   calme jusqu'au matin.

  7   Q.  Bon. Passons maintenant à la matinée du lendemain, c'est-à-dire au 12

  8   juillet. Dans la matinée et dans l'après-midi, avez-vous remarqué des

  9   soldats serbes de Bosnie se mêlaient à la foule ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Que faisaient-ils ?

 12   R.  Au tout début matin, je ne vais pas vous dire l'heure, mais c'était 9

 13   h, 10 h du matin, d'après moi. C'est là que, depuis Djogazi et Peciste,

 14   c'est ce que je pouvais voir. J'ai vu ces premiers soldats, parce qu'on a

 15   vu les vieilles maisons en train de brûler, du foin en train de brûler et

 16   de la paille de blé qui était récoltée déjà. C'est ce qu'on pouvait voir en

 17   direction de Potocari. En descendant, ils tiraient en l'air, ils criaient,

 18   ils fêtaient. On savait que c'étaient des soldats serbes, et ils ont

 19   commencé à se mêler à la population qui se trouvait là. Dans l'enceinte où

 20   je me trouvais, ils étaient en train de déambuler, puis ils interrogeaient

 21   les gens. Ils demandaient où était notre armée, où sont nos maris, nos

 22   enfants, enfin nos fils, ce genre de questions. On nous demandait ce qu'on

 23   avait décidé de faire, est-ce qu'on savait ce qu'ils attendaient. Il y

 24   avait un soldat qui nous avait dit, qu'enfin, à moi et à une femme qui se

 25   trouvait à côté de moi, il est entré dans cette pièce, et parce qu'eux, ils

 26   se connaissaient depuis les temps de paix, il nous disait : Allez à Tuzla,

 27   on vous évacuera probablement vers Tuzla, mais soyez certains que ce type

 28   de scénario se produira prochainement là-bas aussi.


Page 23506

  1   Enfin, pour l'essentiel et surtout dans la matinée et vers midi, ils

  2   déambulaient, ils interrogeaient les uns, les autres. Ils n'ont touché à

  3   personne, à ce moment, rien de particulier ne s'est produit jusque dans

  4   l'après-midi. Quand on en est arrivé à l'après-midi, ils ont commencé à

  5   emmener des groupes d'hommes qui ont été interrogés déjà, ils les ont

  6   emmenés vers ces maisons qui se trouvaient derrière l'enceinte de cette

  7   usine de zinc. Il y avait une espèce de lopin qui avait été, on avait semé

  8   du maïs. Le maïs avait déjà poussé, et il y avait une plaque en métal qui

  9   avait été enlevée de la clôture, et 11 juillet, on sortait par là pour

 10   aller vers les maisons qui se trouvaient là-bas, pour apporter de l'eau. Il

 11   y avait des toilettes extérieures, on emmenait les enfants là-bas.

 12   Mais ce jour dans l'après-midi, le 12 juillet, je veux dire, je suis allée,

 13   une fois de plus, emmener mon fils jusqu'au PC. Je ne savais trop ce qui

 14   allait se passer. J'étais inquiète. Je n'ai pas regardé au loin devant moi

 15   et lorsque je suis arrivée à quelques mètres de la clôture, j'ai vu des

 16   soldats qui se tenaient debout sur, enfin, là où on devait passer. Ils ne

 17   m'ont rien dit. Il y en a un qui m'a montré de la main que je devais

 18   rebrousser mon chemin. C'est ce que j'ai fait avec mon fils. Il n'y avait

 19   là que des soldats serbes qui étaient pour l'essentiel en uniforme. Il n'y

 20   avait pas de population à nous autour des maisons et dans les maisons et on

 21   ne nous laissait pas aller là-bas.

 22   Donc, je suis retournée de là -- enfin, vers le point de départ.

 23   Dans la soirée, ils ont emmené un groupe -- pas un groupe d'hommes. J'ai vu

 24   qu'ils les interrogeaient, parce que je pouvais voir dans l'enceinte de

 25   cette usine de zinc qu'il y avait Efendic, Hamed. Il a été interrogé, puis

 26   emmené. Puis, ils sont interrogé Salihovic Ahmo. Puis, il y a eu le fils

 27   d'une collègue à moi qui a été emmenée. Elle était venue avec lui à

 28   Potocari. Deux fois, ils l'ont interrogée. Ils l'ont emmenée à la troisième


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  1   fois, ils ne l'ont plus jamais ramenée. Enfin, les gens qui ont été emmenés

  2   ne revenaient plus, ceux qui étaient sélectionnés dans la foule. Ils -- On

  3   les emmenait vers ces maisons et ces gens ne sont jamais revenus. C'est

  4   ainsi qu'est venue la nuit.

  5   Q.  Merci. Madame, est-ce que vous avez dormi ce soir-là ?

  6   R.  Non. Il n'y avait aucune chance de dormir cette nuit et cette nuit, je

  7   n'ai pas dormi. La nuit précédente non plus.

  8   Q.  A la date du 13, au matin, le lendemain, donc, quel était votre état

  9   d'esprit ? Que vouliez-vous faire, rester ou partir ?

 10   R.  Après cette nuit ainsi passé à Potocari, je pense que les autres

 11   personnes voulaient au plus tôt en arriver jusqu'à ce barrage de la

 12   FORPRONU pour entrer dans l'enceinte même, afin d'être évacué comme on nous

 13   l'avait promis auparavant.

 14   On nous avait dit que tout le monde allait être évacués, parce que le

 15   12 déjà, en début de soirée, d'après ce qu'on nous a dit, il y a déjà eu

 16   des autocars ou des camions, que sais-je, qui avaient transporté les femmes

 17   avec les bébés, parce que c'est elles qui avaient la priorité, comme on

 18   nous l'a expliqué. Nous, on voulait tous partir et arriver au plus vite

 19   jusqu'à ces autocars et ces camions pour quitter l'enceinte, pour quitter

 20   cet état de situation chaotique. Il y avait des températures très élevées,

 21   il n'y avait pas de vivres. Les enfants étaient dans un état lamentable. On

 22   n'avait rien à leur donner. Même le lait ne pouvait pas durer longtemps.

 23   C'est ça se périmait.

 24   Tout ce monde voulait s'en aller au plus vite. Ils voulaient tous

 25   partir en même temps.

 26   Q.  Parlons maintenant de la façon dont vous avez quitté Potocari à la date

 27   du 13. A un moment donné, avez-vous pris votre jeune fils et avec votre

 28   beau-père, êtes-vous allés vers ces autocars ?


Page 23508

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Une fois que vous avez passé l'endroit où il y avait ce barrage

  3   routier, comme vous l'avez qualifié avec ces rubans rouges, avez-vous vu au

  4   final ces autocars ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dans quelle direction étaient-ils tournés ?

  7   R.  Tous les autocars et les camions étaient tournés vers la direction de

  8   Bratunac. Ils étaient garés et tournés vers Bratunac.

  9   Q.  Lorsque vous vous êtes approchés des autocars, est-ce que votre beau-

 10   père était en train de marcher à côté de vous ?

 11   R.  Oui. Mais avant les autocars, lorsqu'on se dirigeait vers ces autocars,

 12   depuis Bratunac, il est arrivé un véhicule. Je vais peut-être mal le

 13   décrire. Ça ressemblait à une espèce de Jeep. C'était sans toit, un

 14   véhicule sans toit. A bord, il y avait des soldats serbes, des soldats

 15   serbes armés. Entre eux, dans le véhicule, il y avait un vieil homme. Ce

 16   vieil homme, je le connaissais. Enfin, tous les gens du cru qui étaient

 17   avec nous le connaissaient. Mon beau-père le connaissait. Il travaillait à

 18   la mine de zinc à Srebrenica. C'est -- il s'agissait d'Ilija Petrovic.

 19   Il insultait, injuriait, ils nous insultaient notre mère de Balija, il nous

 20   disait : "Allez donc chez Alija, ça ira mieux. Si vous aviez prêté une

 21   oreille attentive à ce que disait Babo, vous n'auriez pas connu ce sort."

 22   Il nous donnait -- enfin, il nous disait bien des choses injurieuses, et il

 23   nous disait que ça en était fini de nous et que probablement on ne se

 24   reverrait plus.

 25   Q.  Qu'est-il arrivé à votre beau-père ?

 26   R.  Quand on est passé à côté de ce soldat, il y avait debout des soldats

 27   serbes, et une fois de plus, il y a eu séparation des hommes et des femmes.

 28   Les femmes avec les enfants allaient vers la droite, vers les autocars,


Page 23509

  1   vers la droite des autocars, et vers la gauche, on mettait de côté tous les

  2   hommes. C'est là qu'ils ont mis de côté mon beau-père, puis mon beau-frère,

  3   c'est-à-dire le mari de ma sœur. Puis, il y avait d'autres personnes qui

  4   étaient passées à côté de ce barrage routier. C'étaient des gens que je

  5   connaissais, et pour l'essentiel, ils ont tous été emmenés vers la "maison

  6   blanche." C'est ainsi qu'on l'appelait. Pendant qu'on marchait vers les

  7   autocars, dès qu'on avait passé cette espèce de canal ou de petit pont qui

  8   séparait l'asphalte et la maison, il fallait jeter les sacs dans la cour.

  9   J'ai vu mon beau-père jeter son sac quand on le lui a dit et sans rien, ils

 10   se sont dirigés vers cette maison.

 11   Nous, on s'est dirigés vers les autocars et puis, on n'a plus pu voir. De

 12   là, à savoir s'ils sont allés dans la maison ou derrière la maison, je n'ai

 13   plus pu le voir. Nous, on ne pouvait plus le voir.

 14   Q.  Est-ce que vous avez jamais revu votre beau-père plus tard ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu monter à bord d'un autocar avec votre fils ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Votre sœur, était-elle à bord du même autocar ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Madame Malagic, quand avez-vous pour la dernière fois vu votre époux,

 21   Salko ?

 22   R.  Mon mari, tout comme les enfants, je les ai vus la dernière fois --

 23   pour la dernière fois quand on s'est quittés à Srebrenica, devant

 24   l'enceinte de la FORPRONU. On est partis chacun de notre côté et je ne l'ai

 25   plus jamais revu.

 26   Q.  Quel âge avait votre mari, à l'époque ?

 27   R.  44 ans. Je pense qu'il avait 44 ans. 44 sur -- 45 --

 28   Q.  Merci. Est-ce qu'à un moment donné, pendant les années écoulées, on


Page 23510

  1   vous aurait informée de la découverte de sa dépouille ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quand avez-vous été informée de la chose ?

  4    R.  Vers le début du mois de juin de l'an 2009, j'ai été informée d'abord

  5   de mon mari. C'était avant l'enterrement, je ne suis allée que pour

  6   identifier ce qui pouvait être identifié, et signer des papiers.

  7   Quatre mois plus tard, j'ai reçu une convocation en provenance de Tuzla,

  8   pour aller identifier mon fils cadet. Je l'ai fait, et avant cet avant-

  9   dernier enterrement, mon mari et mon fils ont été enterrés au centre

 10   commémoratif de Potocari. Le beau-père a été enterré quelques années avant

 11   cela, je ne sais trop vous dire quand. Une semaine avant que d'être

 12   informée de la nécessité de venir ici à La Haye, j'ai été convoquée par

 13   Tuzla, j'ai été donc sollicitée pour aller à une autre identification, donc

 14   j'ai retrouvé mon fils aîné. Je ne suis pas encore allée là-bas, j'ai

 15   d'abord décidé de terminer ce que j'avais à faire ici à La Haye, parce que

 16   je ne savais pas comment je me sentirais après tout ce mal ou toute cette

 17   souffrance que j'aurais à subir à Tuzla. Je pense qu'une chose aurait été -

 18   - je considérais que les choses se passeraient plus aisément pour moi de la

 19   sorte.

 20   Q.  Madame, lorsqu'il s'agit de votre fils, Admir, qui se trouve entre les

 21   deux, celui que vous avez pour la dernière fois vu à Srebrenica, quel âge

 22   avait-il, à l'époque ?

 23   R.  Lors de la chute de Srebrenica, il avait 15 ans et cinq mois.

 24   Q.  Votre fils aîné, que vous venez de mentionner tout à l'heure, vous

 25   venez d'avoir une notification pour ce qui est de la découverte de sa

 26   dépouille, quel âge avait-il quand vous l'avez vu pour la dernière fois ?

 27   R.  Il avait à peine six de plus que l'autre fils, donc il devait avoir

 28   quelque 20 ans. Il avait cinq ans de plus qu'Admir.


Page 23511

  1   Q.  Votre fils cadet, celui qui a survécu et qui était avec vous à

  2   Potocari, quel avait avait-il à l'époque, lorsqu'il s'est trouvé dans

  3   l'enceinte de Potocari ?

  4   R.  Il avait dix ans à l'époque. Il était sur le point d'avoir 11 ans.

  5   Q.  Où réside-t-il actuellement ?

  6   R.  Mon fils réside actuellement à Vogosca, tout comme moi. Il est sous

  7   locataire lui aussi, il attend que l'on lui trouve un appartement. Enfin,

  8   il a acheté quelque chose, mais c'est en construction. Il vit là-bas avec

  9   sa famille. Il a un fils, lui aussi, il réside à Vogosca.

 10   Q.  Lors du pilonnage de Srebrenica, en juillet 1995, lorsque vous vous

 11   dirigiez vers Potocari, vous étiez enceinte à l'époque, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Quand avez-vous donné naissance à cet enfant ?

 14   R.  Ma fille est née le 21 janvier 1996. L'autre jour, samedi passé,

 15   c'était son anniversaire. Elle vient d'avoir 16 ans. Elle a eu 16 ans

 16   pendant que je me suis trouvée ici.

 17   Q.  Quel était son état de santé lorsqu'elle est née ?

 18   R.  Il est probable que toutes ces difficultés et souffrances, que j'ai

 19   connues au fil de ma grossesse chute de Srebrenica et le reste, ont dû

 20   laisser des traces au niveau de l'enfant. Après sa naissance, je dirais

 21   d'abord que ce n'était pas un bébé en bonne santé. On a tout de suite été

 22   voir des hôpitaux à Tuzla, elle a eu des problèmes avec ses hanches, et

 23   pendant qu'on soignait une hanche, l'autre se compliquait, ce qui fait

 24   quand elle a eu deux ans, je l'ai prise à Sarajevo pour voir beaucoup de

 25   médecins. On n'a rien pu faire sans opération, et elle a eu trois

 26   opérations à la hanche droite.

 27   On restait pendant deux mois et demi d'affilée à l'hôpital, et puis

 28   pendant six mois, il y avait des thérapeutiques, des traitements de


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  1   physiothérapeute, alors on lui mettait des attaches, il y avait eu des

  2   questions à se poser au niveau de sa survie, mais moyennant nombre

  3   d'efforts des médecins, de la part des médecins et de ma part à moi, j'ai

  4   réussi à la remettre sur pied. Elle n'est pas restée invalide. Elle est

  5   toujours sous contrôle médical, et pendant les vacances d'hiver, elle fait

  6   trois semaines, elle a fait trois semaines de physiothérapie, et puis

  7   l'été, elle fait deux semaines d'eau thermale. Elle est toujours sous

  8   contrôle des médecins qui l'ont opérée.

  9   En tout et pour tout, ça va assez bien. C'est satisfaisant à présent.

 10   Elle est à l'école. Mais je tiens à dire qu'elle est toujours dispensée

 11   d'éducation physique, c'est donc un enfant qui est en quelque sorte un

 12   invalide, et passe des examens dans ces matières-là mais rien que sur le

 13   plan théorique, afin d'avoir une note quand même.

 14   Q.  Madame, est-ce que vous avez toujours, en votre possession, la maison

 15   qui était la vôtre, sur la rivière Drina, à Bratunac ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  A quelle fréquence vous rendez-vous là-bas ?

 18   R.  Croyez-moi que, pendant l'été, j'y vais souvent. L'an passé, je suis

 19   allée souvent. Je n'ai pas de date pour y aller. Quand j'ai envie d'y

 20   aller, j'y vais. Mais plus que pour aller voir la maison, je vais au centre

 21   commémoratif, et chemin faisant je vais voir la maison. L'une des raisons

 22   pour lesquelles je me déplace moins souvent que je voudrais, c'est le fait

 23   qu'il y a des souvenirs douloureux.

 24   J'ai fait quelque chose au niveau de la maison pour la réparer,

 25   moyennant donation, moyennant des deniers à moi, pour pouvoir y passer la

 26   nuit, passer deux ou trois, cinq jours, autant que faire se peut. Mais,

 27   physiquement parlant, je ne peux pas rester longtemps, parce que toute ma

 28   vie durant, je revois ça comme un film, vous savez, vous rentrez là-bas,


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  1   vous êtes seule, vous ne pouvez pas rester indifférente. Alors je vais à la

  2   maison, je vais voir, inspecter la maison, j'ouvre, j'aère, je referme.

  3   C'est difficile, psychiquement parlant, je ne peux pas supporter de rester

  4   seule là-bas. Cette solitude me tue. Les souvenirs que j'aie de mes

  5   enfants, de mon mari, de la vie que j'ai eue avant 1992, tout ça c'est très

  6   pénible.

  7   Q.   Merci, Madame Malagic. Je n'ai plus de questions à vous poser.

  8   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais savoir si on

  9   peut demander au témoin si elle se sent capable de continuer.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais le faire.

 11   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Malagic, s'agissant de votre

 13   témoignage dans une affaire antérieure, où vous êtes venue témoigner il y a

 14   12 ans, il y a eu un versement au dossier -- sa teneur dans cette affaire-

 15   ci, et ce, en complément des questions posées par Mme West. Alors, vous

 16   allez maintenant être contre-interrogé par M. Karadzic; est-ce que vous

 17   souhaitez faire une pause avant ou est-ce que vous préférez que la

 18   prochaine pause se fasse à midi 30 ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] On peut attendre la pause ordinaire.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Oui, Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Bonjour, Excellence. Bonjour

 23   à toutes et à tous.

 24   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 26   R.  Bonjour.

 27   Q.  Avant tout, je tiens à vous dire combien je compatis avec vous pour

 28   toutes les souffrances que vous avez connues, et je vous remercie également


Page 23514

  1   d'avoir reçu mes jeunes collaborateurs qui ont pu donc s'entretenir avec

  2   vous. Compte tenu de ce que vous avez traversé, je préférerais ne pas vous

  3   poser de questions. Toutefois, comme vous dites beaucoup de choses dans

  4   votre déposition, il y a des points sur lesquels j'aurais besoin de votre

  5   aide pour préciser des choses. Donc je suis néanmoins obligé de vous

  6   interroger.

  7   Pour commencer, est-il exact de dire que, dans votre village, dans

  8   Voljavica, la crise s'est déclarée après le 12 mai ?

  9   R.  Dans mon village, la crise s'est déclenchée avant le 12 mai. Le 12 mai,

 10   j'étais déjà partie de mon village. Après cette date-là, je ne sais plus

 11   comment la situation a continué à Voljavica parce qu'on était déjà partis.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, de quelle année

 14   s'agit-il ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] De l'année 1992. Mme West a commencé par cela.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Le 8 mai, est-il exact de dire que les Bérets verts et la Ligue

 19   patriotique, c'est-à-dire les combattants musulmans ont tué le Juge Zekic

 20   près de Potocari ?

 21   R.  Je ne peux pas vous répondre à cette question, il faut savoir qu'à ce

 22   moment-là, j'étais à Voljavica, et ce qui s'est passé, d'après ce qu'on a

 23   dit, cela ce serait passé entre Srebrenica et Potocari, et à l'époque, je

 24   ne connaissais pas les événements là-bas.

 25   Q.  Merci. Justement vous n'êtes pas tenue de connaître ces choses-là, mais

 26   je voudrais simplement qu'on voit si vous avez ces informations, est-ce que

 27   vous avez appris que ce juge a été tué à ce moment-là ?

 28   R.  Je vous ai expliqué que nous ne passions pas la nuit chez nous à la


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  1   maison. Pendant qu'on était au village, à 500 mètres peut-être de chez moi

  2   en traversant un champ, on a vu une colonne qui est passée de Bratunac, une

  3   colonne de véhicules. Ça n'a pas pris longtemps. Elle est revenue vers

  4   Bratunac. Nous ne savions pas de quoi il s'agissait, mais nous avons

  5   entendu dire par un homme qui lui vivait à Pobrdje qui avait sa maison près

  6   des voisins serbes, parce que, là-bas, ils étaient mixtes, il y avait à la

  7   fois des Serbes et des Musulmans. Nous avons entendu dire qu'il aurait

  8   appris que Zekic aurait perdu la vie, et que c'était, en fait, son corps

  9   qui a été transporté par cette colonne-là vers Ljubovja [phon] pour

 10   enterrer là-bas, mais je ne sais pas si c'est exact, c'est ce que j'ai

 11   entendu dire.

 12   Q.  Merci. Donc c'était en fait un cortège funèbre, mais est-ce que vous

 13   saviez qu'il était lui dans sa voiture qu'il n'y avait pas de colonne qu'il

 14   était à titre privé lorsqu'on l'a tué ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous avez mentionné Hranca, cela se situe à l'entrée même de Bratunac ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Savez-vous que le Corps d'armée de Novi Sad dont vous parlez dans

 19   plusieurs de vos déclarations est-ce que vous savez qu'il a été stationné

 20   dans le cadre de la JNA, forces armées régulières de l'époque, et qu'il

 21   avait commencé à se replier vers la Yougoslavie ?

 22   R.  Non. Je vais essayer de vous expliquer ça si je peux, je sais où ça se

 23   trouve Hranca, mais ce que je sais aussi c'est que ce Corps d'armée de Novi

 24   Sad était à Bratunac pendant cette période-là, et Monsieur Karadzic, c'est

 25   à ce moment-là qu'on a proclamé une obligation de travail à Bratunac. C'est

 26   à la scierie qu'a travaillé une de mes proches, pendant sept jours elle y a

 27   travaillé. Nous avons appris donc que c'était le Corps d'armée de Novi Sad,

 28   je vais vous donner mon opinion maintenant, jamais, jamais à Bratunac, à


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  1   Srebrenica, il n'y a eu d'armée régulière jusqu'à ce moment-là, donc, dans

  2   ces localités. Mes frères, mon époux, mes parents, ils sont tous allés

  3   faire leur service militaire en Serbie, à Valjevo [phon], à Batanica

  4   [phon], donc il n'y avait pas d'armée régulière stationnée sur place.

  5   Alors pourquoi sont-ils venus à ce moment-là, ça je ne sais pas. Mais je

  6   pense qu'ils ne sont pas venus nous défendre nous, parce que s'ils nous

  7   avaient défendus, ils ne se seraient pas passé ce qui s'est passé avec

  8   nous.

  9   Q.  Merci. Mais dans le cadre de votre déposition et dans votre déclaration

 10   écrite vous avez confirmé, n'est-ce pas, que la JNA a été déployée en

 11   Bosnie pour s'interposer entre les Serbes et les Musulmans qui se faisaient

 12   la guerre ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Alors est-il exact de dire que ces unités faisant partie du

 15   Corps d'armée de Novi Sad étaient arrivées de Bosnie centrale et qu'elles

 16   étaient en route vers la Yougoslavie ?

 17   R.  Je ne suis pas certaine de leur itinéraire. Je ne sais pas comment

 18   m'expliquer le fait que ce Corps d'armée de Novi Sad arrive de Bosnie

 19   centrale pour se retirer vers la Yougoslavie, ainsi Novi Sad et en

 20   Yougoslavie. Donc je ne sais pas d'où ils sont venus à Bratunac, ni

 21   comment, je ne le sais pas, j'étais à Voljavica, j'étais bloquée dans mon

 22   village. Mais ce qu'on nous a dit pour nous expliquer leur présence,

 23   c'était parmi vos voisins serbes, il y avait des gens qui disaient que ce

 24   corps d'armée, paraît-il, allait préserver la paix à Bratunac. Mais de

 25   quelle paix s'agit-il, écoutez, je ne saurais pas vous dire qui, qui était-

 26   il censé protéger à Bratunac, quelle est cette paix dont on parle.

 27   Q.  Bon, d'accord. Mais est-ce que vous confirmez que si ce corps d'armée

 28   était basé à Novi Sad, est-ce que la zone de responsabilité de la JNA


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  1   n'était pas toute la Yougoslavie ? Donc c'était logique que Corps de Novi

  2   Sad ne reste pas cantonné en Yougoslavie. Mais il se déplace, qu'il se

  3   déploie et redéploie.

  4   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   Mme WEST : [interprétation] Ce ne sont pas des questions appropriées pour

  7   ce témoin.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Posez une

  9   autre question, Monsieur Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je retire cette question.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous savez qu'à Hranca ce convoi qui était parti pour la

 13   Yougoslavie, eh bien, qu'il a été attaqué à Hranca et qu'il y a eu des

 14   soldats qui ont été tués faisant partie de ce convoi ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Le 4 mai, le 3 ou le 4, vous n'avez pas entendu parler d'une attaque,

 17   une attaque contre ce convoi qui se déplaçait en se repliant, se retirant

 18   en paix pas en position de combat ?

 19   R.  Non, je n'en ai pas entendu parler.

 20   Q.  Alors Voljavica est-ce qu'elle avait ses propres unités ou bien est-ce

 21   que cette localité a été démilitarisée ?

 22   R.  Voljavica n'avait pas ses unités. Ça, j'en suis certaine. Je ne sais

 23   pas vous donner la date exacte, mais vos représentants de Bratunac sont

 24   venus nous voir un jour et ils ont posé un ultimatum. Ils ont dit que

 25   toutes les armes que possédaient les habitants de Voljavica devaient être

 26   rendue. A ce moment-là, c'était un policier à la retraite qui faisait

 27   partie de la police des routes, Miladin, qui était à la tête de cette

 28   délégation. Je le connaissais. Je me suis un peu étonnée de le voir là,


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  1   mais il était là, avec plusieurs soldats et ils sont allés vers l'école et

  2   c'est là qu'ils ont expliqué qu'il fallait expliquer à tout le monde de

  3   rendre leurs armes. Ce jour-là, si on avait un fusil de chasse, ou si on

  4   avait un permis de port d'armes pour n'importe quelle autre arme, on y est

  5   allés pour la remettre. Donc il n'y avait pas d'unités armées à Voljavica

  6   et, tout simplement, on n'aurait pas pu se défendre de toutes les manières.

  7   Q.  Merci. Ekrem Malagic, est-ce que quelqu'un que vous connaissiez ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Savez-vous qu'à titre posthume, il s'est vu décoré du lys d'or ?

 10   R.  Non, je ne suis pas au courant de ça.

 11   Q.  Connaissiez-vous Osman --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant. Monsieur Karadzic,

 13   ménagez une pause entre les questions et les réponses.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. C'est ma faute.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Je pense que le témoin a

 16   répondu en disant non. Oui, continuez, s'il vous plaît.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Donc, vous ne saviez pas qu'à titre posthume, il a reçu la médaille la

 19   plus importante qui soit -- décoration -- la plus importante qui soit parmi

 20   les décorations de guerre ?

 21   R.  Je n'étais pas au courant.

 22   Q.  Puisque nous n'avons pas la même façon de nier que -- que cela est

 23   habituel en langue anglaise, vous vouliez, en fait, dire, que vous n'étiez

 24   pas au courant de cela; c'est bien ça ?

 25   R.  Oui, vous avez raison.

 26   Q.  Merci. Osman Malagic, est-ce que quelqu'un que vous connaissiez ?

 27   R.  Oui. C'était mon gendre.

 28   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : C'était mon beau-frère.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Saviez-vous que c'était un des commandants les plus en vue de l'une des

  3   unités de la 28e Division ?

  4   R.  La seule chose que je puisse vous dire, c'est que ce beau-frère, il est

  5   tombé au tout début. Je ne sais pas comment il aurait pu devenir un

  6   commandant aussi important. Je pense qu'il n'y a pas eu suffisamment de

  7   temps pour qu'il le devienne. Juste, c'est qu'il avait un très grand désir,

  8   un souhait à -- avec un groupe de jeunes hommes et il voulait aller jusqu'à

  9   sa maison, sa maison sur la rivière Drina. Il n'était pas armé.

 10   Je ne sais pas s'ils avaient des -- d'autres instruments de guerre

 11   pour faire la guerre, mais, vous savez, il a perdu sa vie au tout début,

 12   devant sa maison, enfin, en allant chez lui.

 13   Q.  Mais c'est le 12 juillet [phon] 1992 qu'il a été tué, n'est-ce pas ? Il

 14   a été décoré à titre posthume le 24 mai 1994; le saviez-vous ?

 15   R.  Non, non. Je n'étais pas au courant de cela. Je n'ai pas appris qu'il

 16   aurait été décoré d'un lys d'or. Sa mère se trouve --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Sa femme se trouve aux Pays-Bas. Elle m'en

 19   aurait parlé.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Le 12 juillet, j'ai dit. Le mois n'a pas été correctement consigné.

 22   Est-ce que vous connaissiez Hazim Jananovic [phon] ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Donc, vous ne savez pas qu'il a été commandant du Bataillon indépendant

 25   de Voljavica à partir du 11 décembre 1992 jusqu'au 14 janvier 1993 ?

 26   R.  Monsieur Karadzic, mais je l'ai déjà dit. Je vous ai dit ce que j'ai

 27   traversé pendant cette période-là, en 1992-1993, tout ce que j'ai -- j'ai

 28   dû vivre pendant cette période-là avec mes enfants, avec ma famille. Mes


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  1   enfants n'étaient pas des soldats à ce moment-là. Je ne peux pas vous

  2   répondre à cette question-là. Si des gens ont été commandants à ce moment-

  3   là, ce n'était pas quelque chose qu'on me disait, dont on m'informait. Je

  4   ne sais pas ces choses-là. Je n'en suis pas certaine.

  5   Q.  Je vous remercie. Je comprends parfaitement ce que vous dites, mais il

  6   est important pour la Défense de comprendre sur la base de quelles

  7   informations vous pouvez parler des choses de nature militaire qui

  8   dépassent le cadre de votre famille. Donc, je voudrais simplement savoir

  9   exactement ce que vous saviez et ce que vous ne saviez.

 10   Donc, je me propose de donner lecture des noms des commandants de ce

 11   Bataillon indépendant. Je ne donnerai pas les dates où ils ont été

 12   commandants. Mais dites-moi si vous les connaissez.

 13   Mithat Salihovic, pour commencer, le connaissiez-vous ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Safet Omerovic ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Zajko Alic ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Muharem Husic ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Fikret Cvrk ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Omerovic Mirzet ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Ce sont des noms de commandants et pour certains, ils ont été

 26   assistants chargés du moral du Bataillon indépendant de Voljavica. Est-ce

 27   que vous saviez que le Bataillon indépendant de Voljavica existait bel et

 28   bien et qu'il a pris part à toutes les actions armées ?


Page 23521

  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci. Hajrudin Malagic, le connaissiez-vous ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Saviez-vous que c'était aussi un combattant ?

  5   R.  Mais comment pourrais-je expliquer bien cette situation ? A -- pas

  6   seulement Hajrudin Malagic, c'est un parent de mon époux. Donc, tous ces

  7   gars, tous ces hommes qui se sentaient valides, en fin de compte, il

  8   fallait bien qu'ils protègent leurs familles quand elles étaient attaquées,

  9   parce qu'à un moment donné, on s'est retrouvés à Srebrenica et puis, il a

 10   fallu qu'ils aillent chercher la nourriture, ne serait-ce que pour apporter

 11   un blé de maïs. Ils sortaient de Voljavica et je ne sais pas comment --

 12   comment vous parlez de cela. Ils étaient chargés de monter la garde. Peut-

 13   être que je me trompe en disant ça, mais pour protéger votre frère, votre

 14   sœur, vos -- vos parents, vous le feriez. C'est ce qu'ils faisaient, et

 15   quant à dire que c'étaient des combattants, une unité armée, non, ça, je ne

 16   le crois pas, mais je pense qu'ils n'étaient pas -- du moins pas pendant

 17   cette période-là, donc, pendant -- au début de la guerre.

 18   Q.  Merci. Et Enes, le frère de votre père -- père, Hajrudin, est-ce qu'il

 19   est votre oncle ?

 20   R.  Non. Le cousin, cousin de mon beau-père.

 21   Q.  Et Mejrudin [phon] Malagic, le connaissiez-vous ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Le fils d'Orhan ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'ai du mal à

 25   comprendre quelle est la pertinence de ces questions. Est-ce que vous

 26   pouvez, s'il vous plaît, passer à autre chose ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, mais cette famille a joué un rôle

 28   très important sur le plan militaire. Elle a contribué, de manière très


Page 23522

  1   considérable, au combat et je m'appuie sur des documents musulmans, la --

  2   les documents du 2e Corps d'armée. Je comprends que le témoin ne connaisse

  3   pas certaines choses, mais ça aussi est important à mes yeux pour que je

  4   sache faire la part des choses. Donc tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle ne

  5   sait pas, non seulement pour savoir ce qu'a traversé sa famille, pour voir

  6   ce qu'il y en est des questions générales auxquelles elle a répondu, comme

  7   si elle était au courant de ces choses-là.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez présenter votre thèse au

  9   témoin si vous le souhaitez et ensuite, vous passez à autre chose.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence, mais cela handicape la

 11   Défense, parce que si le témoin ne -- n'est pas prêt à répondre

 12   véritablement à toutes les questions de la Défense, on aura pas à une image

 13   exacte.

 14   Mais, enfin, passons à autre chose.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Madame Malagic, est-il exact de dire que la guerre a commencé en

 17   Bosnie-Herzégovine le 6 avril, et cinq semaines après cette date-là, vous

 18   avez quitté votre village vous-même ?

 19   R.  Monsieur Karadzic, la guerre a commencé sans aucun doute bien avant que

 20   je ne quitte mon village. Moi-même, mes proches ainsi que tous les autres,

 21   on était déjà prisonniers à Voljavica à ce moment-là, avant le 6 avril,

 22   comme vous le dites. On travaillait encore à l'entreprise, mais à partir de

 23   ce moment-là, on avait dressé les premiers barrages ou les barricades à

 24   Pobrdje. Donc, on ne pouvait pas circuler, et puis il y a eu des barricades

 25   par le SUP de Bratunac qui ne nous laissait pas d'aller -- laissait pas

 26   avancer plus loin que Pobrdje. Puis j'ai aussi entendu dire qu'il y a eu

 27   d'autres endroits à Bjelovac qu'on a posé des barricades. Moi, je n'y suis

 28   pas allé. Puis, plus tard, je ne sais pas exactement à quelle date, mais on


Page 23523

  1   a déclaré cette obligation de travailler, mais pas pour tout le monde,

  2   uniquement pour un certain nombre de personnes dont les noms figuraient sur

  3   la liste. Pourquoi les a-t-on sélectionnés, je ne le sais pas, mais il y a

  4   eu des gens qui se sont rendus, donc, au travail, dans le cadre de cette

  5   obligation de travailler.

  6   Puis je vous ai dit qu'on ne passait pas la nuit chez nous. On se

  7   déplaçait, on allait ailleurs dans le village, même si ce n'était pas très

  8   loin. Mais on a vu de nos propres yeux, je dois dire, et ça, c'est quelque

  9   chose que j'ai appris après et j'ai confirmé dans mes déclarations que j'ai

 10   appris de la part d'autres personnes, parce que j'avais plusieurs membres

 11   de ma famille ou de la famille de mon mari qui ont traversé le martyr avant

 12   nous à Voljavica, à Hranca. Donc vous dites que les soldats du Corps de

 13   Novi Sad ont été attaqués. Ça, je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est

 14   que toutes les maisons de Hranca ont été incendiées, que Glogova a été

 15   complètement incendiée, celle qui se situe avant Hranca. On a incendié les

 16   granges avec le bétail dedans et ma belle sœur, qui était en train de

 17   labourer le champ, pendant qu'elle était devant chez elle, elle a vu un

 18   obus tomber dans sa maison par une fenêtre. Elle a réussi uniquement de

 19   sauver son enfant, sortir l'enfant de la maison et se cacher dans le cour

 20   d'un ruisseau pour ne pas se faire tuer, puisque tous ceux qui ont été

 21   trouvés sur place à Hranca, ce jour-là, ont été tués, et ça, c'est vrai,

 22   c'est la vérité. Enfin, on voyait l'éclat des flammes dans le ciel, on le

 23   voyait depuis notre village, derrière la colline.

 24   Donc, à l'époque où il y avait encore des téléphones qui

 25   fonctionnaient, ma belle-sœur m'a téléphoné de Hranca pour me dire qu'on

 26   avait incendié sa maison. Elle est sortie. Elle, elle a réussi à se tirer

 27   de là, et puis, en fait, elle a eu de la chance de se trouver à l'extérieur

 28   au moment où sa maison a été incendiée.


Page 23524

  1   Donc, vous, c'est-à-dire vos soldats ont incendié Hranca et Glogova

  2   et c'est comme ça qu'ils sont arrivés à Bratunac.

  3   Puis le 10 mai, c'est le village de Mihajlevici qui a été incendié.

  4   Nous le voyons depuis chez nous.

  5   Q.  Oui, on va y venir. Mais confirmez s'il vous plaît, ligne 16, vous

  6   dites que c'est le MUP qui a été désarmé. Mais, ça, on ne le trouve pas

  7   dans le compte rendu d'audience. Page 55, c'est ce que vous avez dit ?

  8   R.  J'ai appris cela de nos policiers. Je vous ai dit que je ne savais pas

  9   de quelle date il s'agissait. C'était Muja Husic, un policier régulier de

 10   Bratunac. Il y avait Mirsad aussi…

 11   Q.  Merci, je vous remercie. Alors, dites-nous s'il est exact que l'on vous

 12   a dit qu'il y avait des paramilitaires à Bratunac qui devaient être chassés

 13   de là et que en attendant, il fallait que tous les civils se rendent au

 14   stade.

 15   R.  Il n'y avait -- qu'il y avait des paramilitaires, ça, on nous a dit,

 16   mais tous les civils de ce village et j'avais commencé à vous en parlé,

 17   donc village incendié, Mihajlevici, Redzici, et d'autres, tous ces gens-là

 18   ont été emmenés au stade de foot de Bratunac.

 19   Mes belles-sœurs également, parce qu'il y en a une qui est passée par les

 20   bois pour s'y rendre à Bratunac et puis, ils ont tous été rassemblés et

 21   placés là. Puis, les hommes ont été séparés, emmenés à l'école de Karadzic

 22   et puis les femmes ont été évacuées vers Kladanj ou Tuzla, je ne sais pas

 23   exactement. Puis nous, nous étions tous, à ce moment-là, encore chez nous,

 24   à Voljavica, au village.

 25   Q.  Merci. Saviez-vous qu'à Bratunac, il y avait des membres de la Ligue

 26   patriotique ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Je ne vous reproche pas de ne pas savoir ce qui s'est passé à Bratunac.


Page 23525

  1   R.  Oui, je ne suis pas au courant de la Ligue patriotique.

  2   Q.  Est-ce que vous savez qu'il y ait des gens qui se sont rendus

  3   illégalement en Croatie pour se faire encadrer par le MUP de Croatie et que

  4   votre chef n'était pas d'accord parce que cela faisait peur aux Serbes ?

  5   R.  Ça, je ne suis pas au courant de cela.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire qui a perdu la vie à Hranca, à

  7   ce moment-là, et de combien de personnes il s'agit ?

  8   R.  Les noms de ces gens-là, je ne les connais pas bien, mais pour ce qui

  9   est du nombre de personnes qui ont été tuées, je pense que vous pouvez

 10   vérifier ça facilement. Je sais qu'il y a eu des gens qui ont perdu la vie,

 11   mais je ne pourrais pas vous donner le nombre. Donc, ceux qui s'étaient

 12   trouvés sur place et qui n'ont pas réussi à prendre la fuite, dans leurs

 13   maisons, je ne connais pas ces gens bien. Parfois, j'étais invitée ici ou

 14   là, mais je ne les connaissais pas bien.

 15   Q.  Vous ne connaissez ni leurs noms ni le chiffre ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Merci. Dites-nous : de quelle date il s'agit ? C'était les 3 ou 4 mai,

 18   quand on a attaqué la colonne ?

 19   R.  Je ne le sais pas. Je ne sais pas la date exacte quand Hranca a été

 20   incendiée. Je ne suis pas certaine de la date.

 21   Q.  Merci. Après cela, vous êtes donc partie pour Srebrenica et vous dites

 22   que Srebrenica était déserte, si ce n'est pour des chiens errants et qu'il

 23   y avait une odeur de -- du -- de combustion. Qui a incendié Srebrenica ?

 24   R.  Srebrenica a été incendiée par des Serbes, des soldats, des habitants

 25   de Srebrenica, je ne sais pas, mais toujours est-il que c'étaient des

 26   Serbes. Ce sont eux qui l'ont incendiée parce qu'ils étaient les seuls à

 27   Srebrenica, à ce moment-là.

 28   Q.  Mais quelle est l'armée que vous avez trouvée sur place à Srebrenica


Page 23526

  1   quand vous y êtes arrivée ?

  2   R.  Aucune.

  3   Q.  Les soldats serbes, ils étaient --

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Les habitants serbes, ils étaient où ?

  7   R.  A côté de ma maison, et je pense que vous, vous le savez parfaitement,

  8   que vous êtes au courant parfaitement. Il y avait un chemin qui menait en

  9   passant par Zalazje vers Bratunac et Ljubovija [phon] si on partait de

 10   Srebrenica. Il y avait plein de camions, de voitures. Depuis Bratunac, j'ai

 11   vu passer devant ma maison des camionnettes remplies de soldats armés,

 12   généralement pointés vers nous, et parfois, ils étaient assis sur des

 13   capots.

 14   Q.  Madame, avec tous les respects que je vous dois, on y viendra, on y

 15   viendra. Maintenant, nous parlons de Srebrenica. Vous entrez dans

 16   Srebrenica, d'accord.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc la ville est déserte, il y a que des chiens errants, et ça sent le

 19   brûlé. Alors quelle est l'armée que vous avez trouvée sur place, Srebrenica

 20   est entre les mains de qui ? Qui la contrôle ?

 21   R.  Mais ces premiers qui sont arrivés dans Srebrenica, ils ont trouvé une

 22   ville qui n'était contrôlée par personne, vous comprenez. Il n'y avait

 23   personne dans Srebrenica. La ville est déserte, et ce n'est que là que

 24   commencent à arriver des gens, je pense qui s'étaient en fait cachés dans

 25   les bois, avant, après avoir pris la fuite. Mais les habitants, les vrais

 26   habitants de Srebrenica, ils étaient déjà partis. Donc tous ceux qui sont

 27   restés, il faut savoir quel sort leur a été réservé, donc tous ceux qui

 28   n'étaient pas serbes.


Page 23527

  1   Q.  Vous parlez du mois de juin 1992, Madame ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Mais vos voisins, les Serbes, 30 % à peu près de la population de

  4   Srebrenica était serbe, ils se sont trouvés où au moment où vous êtes

  5   arrivés ?

  6   R.  Mais ils ont quitté Srebrenica de leur propre chef, justement j'allais

  7   vous l'expliquer à l'instant. On les a vus piller Srebrenica, donc tous ces

  8   camions qui sont arrivés, on prenait tout ce qu'on trouvait dans une

  9   maison, et vous voyez tout ça sur un camion. Le chauffeur du camion, ça

 10   peut être quelqu'un que vous connaissez donc après, ils repartaient vers

 11   Bratunac, ou en Serbie, je ne sais pas où, plus loin que Bratunac.

 12   Mais vous ne m'avez pas laissé expliquer ce que j'allais vous dire. On

 13   voyait donc des camionnettes pleines de soldats partir, et puis ils

 14   revenaient tous avec des voitures, et puis on voyait des images

 15   terrifiantes, des têtes de mort, mouvement Chetnik, et cetera, des

 16   inscriptions. Tous ces gens-là, donc ils allaient à Srebrenica, et puis

 17   quelques heures plus tard y revenaient. Chacun avait une voiture pour lui,

 18   pour certains, ils avaient des camions, et puis ils prenaient tout ce

 19   qu'ils trouvaient dans les maisons. Tous les objets, tout.

 20   Donc je suppose, je suppose après la mort de Vekic, tous vos habitants ont

 21   quitté Srebrenica, il n'y avait plus personne à Srebrenica.

 22   Q.  Donc vous dites qu'ils prenaient la fuite. Mais je vois dans votre

 23   première déclaration de 1995, que vous avez dit que les Serbes ont commencé

 24   à partir. Ils vidaient même leur tombe et emportaient les restes pour les

 25   enterrer de l'autre côté de la Drina.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  D'après, ils agissaient par peur ?

 28   R.  Je ne peux vous dire exactement pourquoi ces choses se sont produites


Page 23528

  1   ainsi. Seuls eux pourraient vous dire ce qu'ils ont fait à l'époque.

  2   Q.  Si je vous dis que Naser Oric - et nous avons justement un extrait de

  3   sa conversation avec Mahmut Cehajic - si je vous dis qu'il a affirmé qu'au

  4   début du mois de juin 1992, il avait nettoyé quelques villages serbes avec

  5   son armée, qu'il est entré à Srebrenica, et qu'il a nettoyé, est-ce que

  6   vous accepteriez de dire qu'à partir de cette époque jusqu'à juillet 1995,

  7   Srebrenica était sous son contrôle ?

  8   Mme WEST : [interprétation] Objection.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, et pour quel motif ?

 10   Mme WEST : [interprétation] Je crois qu'il est très difficile pour ce

 11   témoin, sur la base de son expérience, de faire un commentaire sur cet

 12   extrait de la conversation avec Naser Oric.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je pensais qu'il était en train de

 14   présenter son argumentation. Si le témoin est en mesure de répondre à cette

 15   question, la Chambre peut s'en satisfaire.

 16   Alors, Madame Malagic, pouvez-vous répondre à cette question ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Alors laissons de côté cette conversation, ces écoutes. Est-il exact

 20   qu'à partir du début du mois de juin 1995, 1992 -- pardon, juin 1992

 21   jusqu'à juillet 1995, Srebrenica était contrôlé par l'armée musulmane ?

 22   R.  Je ne sais vraiment pas répondre à cette question. Lorsque vous dites

 23   "l'armée musulmane," nous ne définissons sans doute pas "l'armée" de la

 24   même façon. Donc je ne serai pas en mesure de répondre à une question de ce

 25   type. Pour moi, une armée est constituée de personnes qui sont armées, qui

 26   bénéficient d'une logistique, d'un soutien, qui sont équipées de tout.

 27   Quelques armes, quelques armes réalisées à la va-vite, des gens qui n'ont

 28   rien entre les mains, je ne peux pas considérer qu'il s'agisse là d'une


Page 23529

  1   armée. Il est absurde d'affirmer que l'armée musulmane a attaqué

  2   Srebrenica, d'après moi. Comment peut-on considérer qu'ils aient été des

  3   soldats s'ils n'étaient pas armés ? Ces gens dont nous parlons actuellement

  4   étaient certes des personnes valides, mais sans plus. Il s'agissait

  5   d'individus non armés.

  6   Q.  Mais les soldats serbes ou les autorités serbes ne contrôlaient pas

  7   Srebrenica, entre le début du mois de juin et même le mois de mai 1992

  8   jusqu'à la mi-juillet 1995; est-ce bien exact ?

  9   R.  Je ne sais que vous répondre. Peut-être ne contrôlaient-ils pas au plan

 10   -- ils ne contrôlaient pas la région peut-être en tant que tel, mais parce

 11   qu'ils n'attaquaient pas, parce qu'ils contrôlaient nos vies, nous n'étions

 12   pas en mesure d'aller chercher des denrées alimentaires. Nous n'avions pas

 13   d'électricité, nous n'avions rien à manger. Ils contrôlaient tout cela.

 14   Alors comment dire qu'ils ne contrôlaient pas Srebrenica ? Nous ne pouvions

 15   rien faire en dehors de cette ville. Nous étions comme enfermés l'intérieur

 16   d'un camp.

 17   De quel genre de question s'agit-il là ? Il n'y a absolument pas de

 18   comparaison entre les deux parties. Nous avions d'un côté une armée, de

 19   l'autre, pas.

 20   Q.  Vous avez dit que ces problèmes s'étaient produits les 5 ou 6 mais,

 21   mais jusque-là, vous aviez été laissé tranquille, et vous avez même dit que

 22   ce responsable Branko vous avait dit que vous étiez libre de travailler sur

 23   vos terres, à Voljavica. Il vous a même mis à disposition du diesel.

 24   R.  Il l'a fait avec un voisin qui travaillait dans la coopérative, et

 25   étant donné que cet homme, Branko, était le responsable de cette

 26   coopérative agricole, il avait lui-même beaucoup de terre cultivée de

 27   plants de tabac. On lui a donné ce dont il avait besoin pour planter son

 28   tabac.


Page 23530

  1   Q.  Cet homme, Branko, c'était un Serbe qui vivait à Voljavica?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Dans votre déclaration écrite de 1995, vous affirmez que votre

  4   résidence a appréhendé un individu du nom de Dragan, pour le remettre à

  5   quelqu'un, entre les mains de quelqu'un. En fait, c'était le frère de ce

  6   policier, Dragan de Pobrdje.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc il devait bien être armé ?

  9   R.  Vous voyez tous nos jeunes hommes, tous, des gens montaient la garde,

 10   ça n'était une véritable armée. Ils montaient simplement la garde

 11   protégeant leurs familles et leurs enfants. Cette nuit-là, sur la rivière

 12   Drina, ils ont vu des bateaux transportaient quelque chose. Ils les ont

 13   attendus sur la rive de la rivière Drina, et à bord d'un de ces bateaux, il

 14   y avait ce policier que vous avez mentionné, ils n'avaient besoin de rien

 15   pour pouvoir l'arrêter. Ils portaient à bord de ce bateau toute une

 16   cargaison d'armes. Ils ont simplement emmené cet homme, la brigade à

 17   Pobrdje, et l'un de ces hommes sur la barricade c'était précisément Dragan.

 18   Ils montaient ces genres de barricades contre les autorités.

 19   Q.  Alors, sur la base du compte rendu d'audience, à la page 13 tard [phon]

 20   -- et plutôt, également, au cours de votre déclaration, vous avez dit que

 21   vous étiez arrivée à Srebrenica qui était en flammes. Vous avez dit que

 22   vous étiez arrivée et que les Chetniks avaient attaqué Potocari le 8 -- le

 23   8 juin, que les personnes qui étaient avec vous n'avaient que très peu

 24   d'armes qu'il s'agissait de fusils et d'armes à la va-vite mais ils ont

 25   continué, malgré tout, à attaquer les soldats grâce à ces armes de fortune,

 26   des armes improvisées.

 27   R.  Ils ont utilisé ce qu'ils avaient, ils ont réussi à faire ce qu'ils

 28   voulaient, mais il y a des gens qui ont été soit tués, soit très grièvement


Page 23531

  1   blessés, ce jour-là.

  2   Q.  Qui a compté les 2 800 obus qui sont tombés sur Potocari, et sur

  3   Peciste et les villages avoisinants ?

  4   R.  On pouvait les entendre. Je ne sais pas. Je sais que les bombardements

  5   ne se sont pas interrompus un seul instant, j'y étais. On ne pouvait pas

  6   sortir. Il fallait se protéger. Il fallait mettre une serviette sur sa

  7   bouche. Un nombre important de personnes ont été tuées, il y en a eu

  8   beaucoup qui ont été blessés également, les personnes transportaient les

  9   blessés, parce que les obus continuaient à tomber, et on a également pu

 10   entendre les communications à la radio, et d'après nos propres

 11   informations, nous savons que, ce jour-là, ce sont environ 2 800 à 3 000

 12   obus qui sont tombés sur la ville de Srebrenica, et le pilonnage ne s'est

 13   jamais interrompu, il s'est poursuivi des deux côtés.

 14   Q.  Savez-vous combien coûte un obus ? Le salaire mensuel de cinq soldats ?

 15   Est-ce que vous pensez vraiment que les autorités aient été aussi

 16   généreuses de leurs obus ?

 17   R.  J'ai passé cinq, moi, à Srebrenica et c'était horrible, tous ces obus

 18   qui tombaient sur la fabrique, sur l'usine, sur les maisons. Il y avait une

 19   maison juste de l'autre côté de la rivière.

 20   A partir du camp d'entraînement où se trouvaient les exercices

 21   d'entraînement avant la guerre jusqu'à Potocari, jusqu'à Djogazi, partout

 22   il y avait des obus qui tombaient sur la route, dans chaque maison, à

 23   Petrovac aussi, où ma famille avait sa propre maison, des obus tombaient,

 24   et nous n'avons pas été en mesure de voir tout cela. Un obus est tombé sur

 25   une maison ensuite une minute plus tard un obus tombait sur une autre. On

 26   pouvait voir tout cela. On ne pouvait pas remettre tout cela en cause parce

 27   que des milliers de témoins pourront vous le dire. Il y a des milliers

 28   d'obus qui sont tombés à ce moment-là lorsque j'y étais.


Page 23532

  1   Q.  Nous viendrons sur le lieu où sont tombés ces obus et qui a été tué,

  2   mais vous avez dit que ce mois de juin, Hajrudin Osmanovic a été tué.

  3   Comment connaissiez-vous les personnes qui ont été tuées ?

  4   R.  Je connaissais cet homme Hajrudin, parce que son frère est allé à

  5   l'école avec moi. Nous étions de la même année. Voilà pourquoi je le

  6   connaissais.

  7   Q.  Il est le fils de qui ?

  8   R.  Le fils de Mustafa Osmanovic. Je crois que le nom de son père était

  9   Mustafa.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous connaissiez également le nom de Mehmedovic ?

 11   R.  Oui, je le reconnais c'est quelqu'un qui travaillait à la mine.

 12   Q.  Donc il s'agissait bien de son père ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ce Resko Husic, est-ce que c'est le fils de Rasid ?

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas répondre à cette question.

 16   Q.  Husan Mehmedovic, est-ce que vous le connaissiez ?

 17   R.  Oui. C'est un homme âgé.

 18   Q.  C'était le fils de qui ?

 19   R.  Je crois que Smajo était le nom de son père. Cet homme a été tu é, en

 20   fait il a ensuite été porté disparu alors qu'il se rendait pour aller

 21   chercher de la nourriture à Voljavica, et il a été porté disparu depuis

 22   lors.

 23   Q.  Sead Masic, est-ce qu'il a été aussi tué ? Il était le fils de qui ?

 24   R.  De Dzemal Masic, il était porté disparu depuis lors.

 25   Q.  Il s'agit bien du fils de Dzemal, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que Nedzad a également perdu la vie à cette occasion ?

 28   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas. Mais, en tout cas, tous ces gens-là ont


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  1   été tués. Et leur père est également décédé.

  2   Q.  Dites-moi : ce Saban Omerovic, est-ce que vous le connaissiez ?

  3   R.  Je connaissais un homme, un homme âgé qui portait ce nom, si nous

  4   parlons de la même personne.

  5   Q.  Vous avez dit qu'il avait été tué à ce moment-là.

  6   R.  Oui, oui, effectivement.

  7   Q.  Est-ce que vous savez de qui il était le fils ?

  8   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas. C'était un homme âgé. Je ne sais pas

  9   qui était son père.

 10   Q.  Huso Mehmedovic est-ce que c'est le fils de Husein ?

 11   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas de qui vous parlez.

 12   Q.  Merci. Alors je regarde votre déclaration écrite pour savoir qui a

 13   perdu la vie.

 14   Alors, dans votre déclaration écrite, vous affirmez que vous aviez les

 15   jambes tremblantes lorsque le pilonnage a recommencé, parce qu'avant cela,

 16   il y avait une période où aucun obus n'était tombé; est-ce bien exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci. Vous avez également affirmé que lorsque la trêve avait été

 19   déclarée, lorsque les Nations Unies sont arrivées, il y a eu plus de calme,

 20   le plus de paix; est-ce bien exact ?

 21   R.  Oui, c'est exact.

 22   Q.  Savez-vous combien de soldats Oric a perdu pendant cette période ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Saviez-vous que les hommes d'Oric, qui sont allés dans les villages

 25   serbes, toutes les nuits, ont tué des Serbes et également subi des pertes ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Merci. Je regarde ma montre. J'aimerais maintenant passer à juillet

 28   1995. Mais peut-être pouvons-nous reporter ces questions après la pause ?


Page 23534

  1   Dites-moi, je vous prie : savez-vous où les Serbes des villages avoisinants

  2   se trouvaient, ces villages autour de Srebrenica ? Est-ce qu'ils sont

  3   restés dans ces villages pendant la guerre ?

  4   R.  Non. J'ai entendu dire par d'autres personnes que pour ceux qui se

  5   trouvaient à Potocari, c'est là que se trouvaient mes frères, les voisins

  6   les ont envoyés ou emmenés à Bratunac, au pont jaune, tous ceux qui

  7   venaient de Studenac et de Cumovici. Je ne sais pas. Je ne sais pas où ils

  8   se trouvaient. C'était le village qui se trouvait le plus proche de nous.

  9   Il n'y avait pas d'autres villages serbes autour de Potocari, à côté de

 10   Potocari.

 11   Q.  Est-ce que Studenac est un village serbe proche de chez vous ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  N'est-il pas exact qu'au mois de juillet à Potocari, vous avez entendu

 14   des soldats qui parlaient, et l'un a dit : "Frère," le mot frère, ou des

 15   mots dans ce goût-là : "ça  a été facile de libérer mon village," a-t-il

 16   dit. Il était de Studenac, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc il n'était pas dans ce village entre juin 1992 et juillet 1995,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Effectivement, les circonstances semblent bien

 22   indiquer pour faire la pause.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant faire

 24   la pause pendant une heure, et ensuite nous reviendrons aux événements

 25   survenus après juillet 1995.

 26   Nous reprendrons l'audience à une heure 30, mais avant cela, j'ai une

 27   question. Il serait bon peut-être que vous présentiez votre demande en

 28   audience publique.


Page 23535

  1   Mme WEST : [interprétation] Oui, oui.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faites donc.

  3   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez posé la

  4   question à propos de Tomasz Blaszczyk, l'enquêteur. Nous aurons trois

  5   témoins. Il y aura M. Tomasz Blaszczyk, le premier, qui peut -- fera sa

  6   déposition aujourd'hui et qui concernera une présentation rapide de la voie

  7   entre Bratunac et Konjevic Polje. Je noterais qu'avant qu'il n'apporte sa

  8   déclaration, les techniciens auront besoin de vingt minutes pour

  9   télécharger tout ce dont on a besoin pour sa présentation. Il sera suivi

 10   par l'enquêteur Ruez qui parlera, lui, des différents lieux du crime,

 11   ensuite, deux enquêteurs sur cette affaire qui apporteront leur témoignage.

 12   Nous aurons Dusan Janc et Dean Manning qui parleront plus spécifiquement

 13   des aspects médico-légaux et Janc qui parlera plus précisément de l'ADN.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ma question était plus spécifiquement --

 15   Mme WEST : [interprétation] Posez votre question.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- la teneur de -- des preuves apportées

 17   par M. Blaszczyk en ce qui concerne la mise à jour et les discussions du

 18   rapport de M. Dean Manning.

 19   Mme WEST : [interprétation] Il semble que ce soit incorrect. A ce stade, il

 20   parlera de la route entre Konjevic Polje et Bratunac et il parlera à propos

 21   du corps d'armée de la Drina.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que la Chambre ne m'accordera pas

 26   moins de temps que pour l'interrogatoire principal. Donc, j'espère

 27   bénéficier de toute la journée et de la journée de demain également, et ça,

 28   c'est d'après le 92 ter. L'Accusation a passé plus de deux heures en


Page 23536

  1   interrogatoire.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous parlez de votre contre-

  3   interrogatoire de Mme Malagic -- Malagic ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, parce qu'on a annoncé Blaszczyk pour

  5   aujourd'hui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez déjà passé une heure sur les

  7   questions et nous doutons de la pertinence de ces questions. Vous avez un

  8   peu plus d'une demi-heure. Je crois qu'on peut vous accorder encore 35

  9   minutes après la reprise d'audience, après la pause.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir --

 11   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez 40 minutes.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelques mots ? Si ça n'est pas

 14   important, pourquoi est-ce que l'Accusation demande des informations qui

 15   datent de 1992 par l'intermédiaire de ce témoin. Est-ce que c'est important

 16   pour l'Accusation ? Ce qui est important pour l'Accusation est important

 17   pour la Défense aussi, et l'Accusation a passé plus de deux heures sur son

 18   interrogatoire. Je suis supposé passer une heure et demie alors que le 92

 19   ter s'applique également à moi pour l'ensemble du compte rendu Krstic. Est-

 20   ce que je peux au moins me voir accorder l'ensemble de la prochaine

 21   audience ?

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprenons à 1 heure 30.

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 25   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, on me fait savoir que

 27   l'Accusation a pris une heure 35 minutes, donc il vous reste encore 45

 28   minutes exactement pour cette audience.


Page 23537

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, d'habitude, en application du 92

  2   ter, l'accusé devrait avoir plus de temps que l'Accusation, parce que j'ai

  3   toute l'affaire Krstic à aborder, et ce, à l'occasion de l'interrogatoire

  4   principal.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'opinion -- est d'avis

  6   qu'une heure et demie, c'est plus que suffisant pour votre contre-

  7   interrogatoire.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] J'ai déjà fait cette observation

  9   avant, Docteur Karadzic, et c'est tout aussi vrai maintenant, parce que

 10   c'est toujours valide. Vous devriez vous concentrer sur les questions qui

 11   sont à l'acte d'accusation. Ce n'est pas un exercice en matière de

 12   réévaluation de l'histoire ou de tentative de se pencher sur chaque fait

 13   concret. Bien sûr, les faits sont énoncés à l'acte d'accusation, et ceci ne

 14   vous amène à des éléments de droit qui doivent être mis en œuvre. Mais si

 15   on se penche attentivement sur l'acte d'accusation et si on se conforme au

 16   conseil qui a déjà été énoncé par M. Robinson, il est de mon avis et je

 17   crois avoir déjà fait part de mon point de vue pour ce qui est de dire que

 18   je me -- j'ai des doutes pour ce qui est de vous voir vous concentrer sur

 19   des faits d'importance. Vous évoquez des questions qui sont plus de nature

 20   à relever du tu quoque que d'aider qui que ce soit pour ce qui est de

 21   déterminer les éléments figurant à l'acte d'accusation.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Mais, moi, j'ai le sentiment

 23   qui est le suivant : ce que l'accusation énonce a des finalités et un

 24   objectif et je me dois de répondre à ce qui est dit, mais je m'efforcerai

 25   de me conformer à ce que vous avez dit.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Madame --

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur, je ne vous donne pas des


Page 23538

  1   instructions. Je vous donne un conseil. Je vous dispense un conseil.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, un conseil. Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Madame, au compte rendu d'audience, dans votre témoignage dans

  5   l'affaire Krstic, page 1942, vous indiquez que des hommes à vous, à

  6   l'occasion des tous premiers pilonnages, voulaient quitter Srebrenica parce

  7   qu'ils avaient redouté des représailles de la part des Serbes; c'est bien

  8   cela ?

  9   R.  Je n'ai pas bien compris votre question.

 10   Q.  Voilà. Alors, à cette page 1942, vous avez dit -- je vais donner

 11   lecture de ce passage en anglais pour que ce soit mieux traduit par moi :

 12   "Eh bien, nous étions tous ensemble sur le chemin de Potocari, et sur la

 13   route, il y avait beaucoup de gens. Et les Serbes ont donné l'ordre de

 14   pilonner la ville et ils ont simplement souhaité se venger. Les gens ne

 15   savaient donc pas où se tourner et où aller."

 16   Est-ce que c'était cela l'évaluation que vous aviez faite, à savoir que les

 17   Serbes allaient se venger ?

 18   R.  Nous savions que rien de bon ne devait être attendu de nous, parce que

 19   quand il y a eu des obus qui ont commencé à tomber et on a eu à souffrir la

 20   chose au début de la guerre, et on a vu qu'ils ont commencé à pilonner la

 21   ville, tout un chacun a pensé qu'il fallait -- qu'il valait mieux s'en

 22   aller tout de suite, parce que si on leur tombait entre les mains, on

 23   savait comment les autres avaient -- quel avait -- quel est le sort connu

 24   des autres et on ne pouvait pas s'attendre à mieux.

 25   Q.  Merci. Est-ce que vous savez nous dire pourquoi les Serbes voulaient se

 26   venger, à peu près ?

 27   R.  Non. Nous n'avons pas pensé qu'ils avaient beaucoup de raisons de le

 28   faire. De mon avis personnel, si quelqu'un avait des raisons de se venger,


Page 23539

  1   c'était nous. Nous avions beaucoup souffert. Peut-être avions-nous plus de

  2   raisons si tant est qu'il y ait lieu de se venger à l'égard de qui que ce

  3   soit ? Ce peuple a tellement souffert, a tellement pâti pendant ces trois

  4   ans qu'il n'y avait aucune raison de le faire.

  5   Mais la situation était telle et je ne sais trop quels étaient les

  6   objectifs, mais je sais qu'il fallait s'attendre à rien de bien.

  7   Q.  Merci. Vous avez dit que votre beau-père avait dit : "Maintenant, nous

  8   sommes cuits," lorsqu'il a vu quelqu'un qu'il connaissait et avec qui il

  9   n'était pas en bons termes; c'est bien exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que vous voulez dire par là qu'il était possible pour ces

 12   individus qu'ils pouvaient venir régler leurs comptes et se venger de

 13   choses passées ?

 14   R.  Connaissant la personne dont j'ai parlé - parce que c'est quelqu'un que

 15   je connaissais aussi - c'était quelqu'un, dirais-je -- comment dire ? Il

 16   avait l'air de tout le temps blaguer, mais il y avait des sous-entendus

 17   nationalistes, il y avait des injures, des insultes, des offenses au

 18   travail, il ne s'entendait pas avec mon beau-père et d'autres personnes qui

 19   étaient des ressortissants du groupe ethnique musulman.

 20   Q.  Etait-il le seul à être comme ça ou y avait-il d'autres personnes qui

 21   avaient profité de la situation pour régler à titre privé leurs comptes

 22   avec quelqu'un ?

 23   R.  Je ne sais pas vous dire. Pour Potocari, je n'ai vu davantage de

 24   connaissances. J'ai vu des soldats serbes. J'ai vu des gens du groupe

 25   ethnique serbe, mais je n'ai pas vu des gens que je connaissais quand nous

 26   avons franchi le barrage de la FORPRONU, avant cela il y avait des gens qui

 27   ne faisaient qu'observer. Et comme je l'ai déjà dit, ils n'ont rien fait

 28   d'anormal ou de mal. Maintenant, de là à savoir ce qui s'est passé avec les


Page 23540

  1   gens qui ont été amenés par la suite, ça je l'ignore.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Y a-t-il un micro qui est trop ouvert ou qui

  4   est branché alors qu'il ne devrait pas l'être. J'entends une traduction en

  5   sus.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un haut parleur qui doit être branché

  8   quelque part.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Vous nous avez dit aujourd'hui à l'occasion de l'interrogatoire

 11   principal et dans vos déclarations de même que la population s'était

 12   dirigée vers les Nations Unies à la date du 10 juillet, et vous vous êtes

 13   approchés de la première des bases des Nations Unies, celle qui était la

 14   plus proche, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Mais Srebrenica n'était pas encore tombée, n'est-ce pas ?

 17   R.  Pas encore, mais le poste de la FORPRONU qui se trouvait sur les

 18   hauteurs à Ljubistivica [phon], c'est là que se trouvaient les soldats de

 19   la FORPRONU. Ce poste avait déjà été déplacé de là où il se trouvait à la

 20   date indiquée.

 21   Q.  Merci. Est-ce que c'est vous qui avez décidé de la chose ou quelqu'un

 22   dans les autorités vous aurait-il soufflé la chose pour dire qu'il serait

 23   bon de le faire ?

 24   R.  Vous vouliez dire quoi, quitter Srebrenica ? Il valait mieux faire quoi

 25   ? Je n'ai pas compris.

 26   Q.  Se déplacer vers le poste des Nations Unies à la date du 10.

 27   R.  Nous nous trouvions non loin de l'école primaire là où j'habitais, on a

 28   vu une grande masse des gens qui avaient commencé à bouger de Srebrenica,


Page 23541

  1   c'est là que les premiers soldats serbes sont entrés, à Ucina Basta, à

  2   Pekara [phon], à Jadar. Tous ces gens de ces localités se dirigeaient vers

  3   Srebrenica et ils se dirigeaient vers la base de la FORPRONU. C'était un

  4   mouvement de la population. De mon avis, personne n'a donné d'ordre,

  5   personne n'avait organisé quoi que ce soit.

  6   Q.  Merci. Alors ça s'est répété le 11 à 11 heures avant, une fois de plus,

  7   que les Serbes n'entrent dans Srebrenica, n'est-ce pas ?

  8   R.  Le 11 au matin à un moment donné, je ne sais pas vous dire l'heure, on

  9   était encore dans le bâtiment, et mon frère avait vu des colonnes de gens

 10   se déplacer, puis il est revenu à nous plus vite qu'on ne le pensait et il

 11   a dit qu'ils étaient arrivés à l'ex-ministère de l'Intérieur à Srebrenica.

 12   Les Serbes étaient donc arrivés jusque-là lorsque je suis sorti de

 13   l'immeuble et lorsque je me suis dirigé vers l'enceinte de la FORPRONU.

 14   Q.  Merci. Vous nous dites là que des camions ont fait leur apparition.

 15   Vous le dites en page 1 944. Camions de la FORPRONU. Bondés de gens, et

 16   c'est ce moyen de transport que la population utilisait pour aller vers

 17   Potocari, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non. Je ne sais pas vous dire si la population utilisait ce type de

 19   transport. Ils n'ont emmené personne. Tout le monde était censé descendre.

 20   Je ne sais pas si cette information est exacte, parce que j'ai vu mon fils

 21   sur les lieux. J'imagine qu'on l'a renvoyé, on lui a demandé de laisser les

 22   gens de l'hôpital. Et ce sont les gens de l'hôpital qui étaient sur le

 23   camion, il y avait la bâche qui était déchirée d'un côté, et je l'ai vu et

 24   j'ai vu un copain à lui qui était à bord du camion. Je ne sais plus si

 25   c'étaient des gens qui avaient tout simplement monté ou y avait-il des

 26   blessés. Il n'y a que ces deux camions qui sont passés. Le reste de la

 27   population allait à pied.

 28   Q.  Merci. A compter de la ligne 10, page 1 944, vous dites :


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  1   "Pas loin de Potocari, à un peu près 1 kilomètre --"

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que vous pouvez

  3   recommencer avec la question que vous avez posée.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Voilà ce que vous dites en page 1 944 :

  6   "Pas loin de Potocari, à un peu près 1 kilomètre, et je n'en suis pas trop

  7   sûr, il y avait beaucoup de gens qui nous avaient rattrapés, il y avait

  8   deux camions de la FORPRONU qui sont arrivés, et ils ont été bondés de

  9   gens."

 10   Puis en page 1 946, vous indiquez en ligne 9 que les gens montaient à

 11   bord des camions de la FORPRONU, et c'est ainsi qu'un certain nombre de

 12   personnes s'en est allé de là à pied, et d'autres sont partis à bord des

 13   camions de la FORPRONU jusqu'à la base de Potocari; est-ce exact ?

 14   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit, peut-être ne nous sommes-nous  pas

 15   bien compris. Lorsque les gens étaient dans la base de la FORPRONU à

 16   Srebrenica ils montaient à bord des camions en pensant je ne sais quoi.

 17   Mais lorsqu'on a commencé à y aller à pied, lorsque les soldats nous ont

 18   dit qu'il fallait aller vers Potocari, tous les gens devaient descendre des

 19   camions. Les camions n'ont pas pris de personnes depuis cet endroit-là. La

 20   colonne est allée à pied jusqu'à Potocari. Alors à 1 kilomètre ou 1

 21   kilomètre et demi de là, il y a deux camions de la FORPRONU qui nous ont

 22   rattrapés, où allaient ces camions, je ne le sais. Mais j'ai vu à bord d'un

 23   camion qu'il y avait une bâche de déchirée et de relevée, j'ai vu mon fils

 24   et un gars qui était un copain à lui, ils se fréquentaient à Srebrenica

 25   tous les deux. Et j'imagine que quand on s'était quitté, ils avaient une

 26   demande de formulée pour ce qui était de faire monter les blessés. Ils ont

 27   ramassé des gars aptes. Et comme il était plus âgé que les autres, ils

 28   l'ont peut-être pris avec, mais je ne puis que le supposer. Et c'est ainsi


Page 23543

  1   qu'il est arrivé à l'enceinte des Nations Unies à Potocari, et depuis lors

  2   je ne l'ai plus jamais revu.

  3   Q.  Merci. Vous avez mentionné le fait qu'il y avait eu des tirs, des obus.

  4   Vous avez dit qu'on avait tiré en direction des personnes qui faisaient la

  5   queue pour prendre de l'eau. Alors dites-nous qui a été tué dans la queue

  6   qui s'était créée pour prendre de l'eau ?

  7   R.  Ecoutez, Monsieur Karadzic, il y avait tant de gens qui faisaient la

  8   queue. Comment voulez-vous que je sache combien ont été tués ? Les prés ont

  9   été transformés en cimetières. Il y avait des gens venus de cinq ou six

 10   municipalités, je ne sais pas qui étaient ces gens. Je ne peux pas vous

 11   dire celui-ci a été tué ici, l'autre a été tué là-bas. Il y avait des gens

 12   qui mourraient sur les terrains de jeu, il y avait des gens qui étaient

 13   tués dans la rue. Les gens tombaient partout. Il n'y avait pas que les

 14   queues pour aller prendre de l'eau. Il fallait faire longtemps la queue

 15   pour aller prendre de l'eau, on pouvait périr à n'importe quel endroit.

 16   Alors de là à vous dire qui sont ces gens-là ? Je ne peux pas vous le dire

 17   ni combien il y a eu de morts. Vous savez, les morts à Srebrenica, plus

 18   personne ne les comptaient --

 19   Q.  Mais mis à part l'obus qui avait touché le stade pendant un match de

 20   foot, chose que nous allons essayer de prouver autrement, vous souvenez-

 21   vous d'un autre incident où il y a eu des morts en masse à Srebrenica entre

 22   la proclamation de Srebrenica comme étant une zone protégée et le mois de

 23   juillet 1995 ?

 24   R.  Monsieur, à côté de ma maison, non loin de la Maison de la culture où

 25   je me trouvais ces jours-là, il est tombé un obus. Il s'agit de je ne sais

 26   trop quelle date, il y avait des gens qui étaient venus de Konjevic Polje

 27   et de Cerska, ils venaient s'enregistrer et il est tombé un obus, une femme

 28   a perdu deux enfants. Une autre femme a perdu un enfant. Il y avait des


Page 23544

  1   gens qui faisaient la queue pour s'enregistrer, je ne sais pas qui étaient

  2   ces gens et je ne sais pas combien il y en a eu de tués. Mais là il y a une

  3   femme qui a perdu deux enfants et mon fils était non loin de là.

  4   Heureusement, dans la maison où on habitait, les fenêtres ont volé en

  5   éclats. Mais il n'y avait pas qu'à Srebrenica qu'on tuait des gens. Il y

  6   avait des morts partout, je vous l'ai déjà dit.

  7   Q.  Ecoutez, Madame, presque 1 000 jours se sont passés entre la

  8   proclamation -- non, il s'est passé 700 à 800 jours entre la proclamation

  9   de cette zone comme étant une zone protégée et juillet 1995.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Quand ces obus sont-ils tombés, puisque vous nous avez dit que vous

 12   aviez perdu l'habitude des obus et que tout à coup il y a eu des obus à

 13   nouveau au mois de juillet ?

 14   R.  Ecoutez, Monsieur, la première année il y a eu beaucoup d'obus avant

 15   que les Nations Unies n'arrivent, avant que le Bataillon canadien ne

 16   vienne.

 17   Q.  Merci. Mais vous saviez qu'en juillet 1995 -- je m'excuse. Je m'excuse

 18   d'aller si vite. Je suis pressé par le temps. C'est la raison pour laquelle

 19   je vais aussi rapidement.

 20   Vous aviez conscience du fait que les Serbes tiraient non pas pour cibler

 21   qui que ce soit, ils tiraient des deux côtés de la route et ces obus

 22   avaient une intention autre et non pas celle de tuer ?

 23   R.  D'après moi, plus on s'approchait de Potocari, plus il y avait une

 24   volonté de faire peur aux gens, il pouvait y avoir des éclats d'obus de

 25   perdus, il pouvait y avoir aussi des personnes blessées par éclat d'obus,

 26   mais était-ce une volonté de faire peur ? Parce que comment voulez-vous

 27   expliquer aux enfants que les obus ne tombaient là que pour faire peur ?

 28   Ils ne le savaient pas. Tous étaient pressés pour arriver à Potocari au


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  1   plus vite. Et les personnes âgées, les malades, les femmes avec leurs

  2   enfants allaient plus lentement que les autres, et la colonne s'est étirée

  3   en longueur, la colonne était très longue.

  4   Q.  Merci. En page 1 946, vous dites que la FORPRONU avait proposé que vous

  5   alliez vers Potocari et qu'entre-temps vous avez entendu des avions tourner

  6   au-dessus. Et en bas de page vous dites que des obus tombaient d'un côté et

  7   de l'autre de la route. Et au début de la page d'après, 1 947, vous dites

  8   ce que vous avez dit à l'instant, à savoir que ces obus visaient notamment

  9   à nous faire peur.

 10   Alors êtes-vous d'accord avec les opinions formulées par les autres témoins

 11   ici qui ont dit que c'était destiné à empêcher les gens d'aller ailleurs,

 12   si ce n'est d'emprunter cette route-là justement ?

 13   R.  C'était la route menant vers Potocari, de part et d'autre il y avait

 14   des champs et des maisons, comment voulez-vous traverser les cours d'autrui

 15   ? Puis les gens s'étaient cachés aussi. Vous n'aviez pas donc où aller. La

 16   population n'avait nul besoin de prendre un chemin autre que celui qu'elle

 17   avait pris.

 18   Q.  Merci. Il me semble que vous avez mentionné aujourd'hui, et je précise

 19   que c'est en page 1 949, qu'il y a eu beaucoup d'obus à tomber sur la ligue

 20   de séparation, la ligne de démarcation entre les armées serbes et

 21   musulmanes; c'est bien cela ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. Dans la nuit du 11 au 12, vous avez décrit cette nuit comme

 24   étant relativement calme, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et à la date du 12 juillet, pour la première fois vous avez vu des

 27   soldats serbes. C'est la première fois qu'ils sont entrés en contact avec

 28   vous, n'est-ce pas ?


Page 23546

  1   R.  Oui.

  2   Q.  En page 1 950, vous décrivez le fait que personne ne savait où aller.

  3   Tout le monde se posait la question de savoir où aller. Avant cela, en

  4   votre qualité de famille, vous aviez décidé de faire en sorte que les

  5   civils, vous, votre beau-père et votre jeune enfant, vous suiviez le

  6   mouvement des civils pour aller à Potocari; c'est bien cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que quelqu'un vous l'a suggéré cela ou était-ce une décision que

  9   vous avez prise vous-même ?

 10   R.  C'est une décision que j'ai prise moi-même, que nous avons prise nous-

 11   même.

 12   Q.  Est-ce que cela coïncidait avec la décision prise par la majorité de la

 13   population autre, mais les autres gens ont-ils décidé de façon similaire ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Qui a décidé de faire en sorte que les hommes aptes au combat se

 16   dirigent vers Susnjari ?

 17   R.  Je ne sais pas s'il y a eu une décision d'officielle. Je sais que mes

 18   hommes à moi, et je parle pour eux et je parle pour moi aussi, je sais

 19   qu'ils ont décidé d'y aller. Parce qu'en termes simples, en 1992, on ne

 20   faisait pas confiance aux Serbes de Bosnie pour ce qui était d'une

 21   reddition et il en allait de même en 1995. Ils ont donc décidé d'emprunter

 22   les forêts pour essayer de se frayer un passage jusqu'à des territoires que

 23   l'on pourrait peut-être qualifier de libérés.

 24   Q.  Merci. Mais moi ce qui m'intéresse c'est de savoir s'ils pouvaient

 25   aller dans quatre directions, au nord, nord-ouest aussi. Comment se fait-il

 26   que 13 à 15 000 hommes en âge de combattre se dirigent tous vers Susnjari ?

 27   Est-ce que quelqu'un a décidé de la chose ? Est-ce que quelqu'un a décidé

 28   d'un point de rencontre à Susnjari ?


Page 23547

  1   R.  Je ne sais pas qui a pris cette décision. Ce que je sais c'est que la

  2   plupart des gens c'étaient des gens originaires de Cerska, de Konjevic

  3   Polje, il y avait des gens venus même de Zvornik, ils connaissaient cette

  4   partie de la route. Certains avaient même décidé de retourner vers Zepa, il

  5   y en a eu des comme ça aussi. Alors de là à savoir qui est-ce qui a pris

  6   une telle décision, je ne le sais pas.

  7   Q.  Merci. Avez-vous eu ouï-dire que quelque 1 000 combattants à Oric

  8   étaient passés via la Drina et Zepa pour entrer en Serbie ?

  9   R.  J'ai entendu dire que certains hommes étaient passés par la Serbie, je

 10   ne sais pas qui étaient ces hommes. Etaient-ce des civils, étaient-ce des

 11   soldats, je n'en sais rien.

 12   Q.  Vous avez dit que certaines maisons qui n'étaient pas habitables et

 13   d'autres bâtiments annexes et des meules de foin, au fur et à mesure de la

 14   descente de l'armée serbe des collines, ces maisons et ces meules étaient

 15   brûlées.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Mais d'où viennent ces meules ? Est-ce que quelqu'un avait coupé les

 18   foins ?

 19   R.  Mais on vivait, il y avait les habitants des villages environnants,

 20   c'étaient des gens qui habitaient là et ils ont travaillé leurs terres, ils

 21   ont coupé les foins, ils ont moissonné le blé. C'était le mois de juillet.

 22   Q.  Mais le foin c'était pour le bétail, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Alors maintenant, ces maisons, est-ce que quelqu'un vous a

 25   expliqué que lorsqu'une armée passe, elle ne peut laisser derrière elle des

 26   soldats dissimulés de l'ennemi qui risqueraient de leur tirer dans le dos,

 27   est-ce qu'on vous a expliqué que c'était pour ça ?

 28   R.  Mais qui pouvait nous expliquer, Monsieur Karadzic, à cette époque, ce


Page 23548

  1   que l'armée pouvait ou ne pouvait pas faire ? On a vu des maisons qui

  2   brûlaient lorsque les soldats approchaient. C'est ce que nous, gens

  3   ordinaires, avons vu. Et quand ils se sont approchés, on a su qui ils

  4   étaient. Puis il y avait des gens à nous qui se trouvaient dans la base de

  5   la FORPRONU et autour, dans les usines, autour, sur le plateau, les prés,

  6   et cetera.

  7   Q.  Merci. En page 1 951, vous avez dit et vous avez dit aujourd'hui aussi

  8   que des gens avaient tiré en l'air pour fêter quelque chose; c'est bien ce

  9   que vous nous avez dit ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Bon, sur la ligne 13, en page 1 951, c'est évoqué aussi. Puis, vous

 12   dites que les soldats serbes se sont mêlés à vous, à la population, n'est-

 13   ce pas ?

 14   R.  Oui. Ils sont entrés dans la population, ils allaient d'un groupe à

 15   l'autre et ils posaient des questions.

 16   Q.  Alors, ils posaient des questions au sujet de personnes concrètes, non

 17   ?

 18   R.  Moi, on ne m'a rien demandé à moi-même. Là où je me trouvais, il est

 19   venu des gens. Ils nous ont demandé où étaient nos fils, nos enfants, nos

 20   maris. C'étaient les questions habituelles. En ce qui me concerne, personne

 21   ne m'a rien demandé à moi. On ne m'a posé, à titre officiel, aucune

 22   question au sujet des miens.

 23   Q.  Alors vous nous avez dit qu'on demandait où étaient les enfants,

 24   d'autres donnaient des chocolats et des "chewing-gum" aux enfants, et les

 25   enfants acceptaient volontiers parce qu'il y avait longtemps qu'ils n'en

 26   avaient pas eu; c'est bien cela ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Merci. En page 1 953, la page d'après, vous nous l'avez dit déjà


Page 23549

  1   aujourd'hui en pages 38, 39, à savoir qu'à plusieurs reprises on convoquait

  2   les gens pour les interroger. On interpellait une fois, deux fois, trois

  3   fois, puis on emmenait certaines personnes. C'est bien ce que vous avez dit

  4   ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Mais qu'avaient-ils pu apprendre entre-temps ? Pourquoi ne les avaient-

  7   ils pas emmenés la première fois ? En avez-vous une information à ce sujet

  8   ?

  9   R.  Certaines personnes ne sont pas revenues après la première fois qu'on

 10   les eut emmenées, et puis deux ou trois autres personnes ont été

 11   interrogées à deux ou trois reprises et ne sont pas revenues après le

 12   troisième interrogatoire. Je ne sais pas pourquoi.

 13   Q.  A la page 1 953, vous dites avoir vu un soldat de la FORPRONU attaché à

 14   un véhicule.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce là le fruit de votre imagination ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Je pense, et c'est la raison d'ailleurs pour laquelle je vous pose

 19   cette question, que personne n'a jamais fait état d'un soldat de la

 20   FORPRONU attaché à un véhicule.

 21   R.  Lorsque nous sommes sortis pour chercher de l'eau se trouvait un

 22   véhicule de la FORPRONU dans la rue, et un soldat se trouvait sur le sol,

 23   sur le dos, et ses bras étaient attachés, il avait les bras attachés

 24   derrière le dos.

 25   Q.  Dans certaines de vos déclarations écrites, vous avez dit, mais je

 26   pense qu'il s'agissait là d'un lapsus, que les Serbes avaient emmené

 27   plusieurs centaines de jeunes femmes et qu'ils les avaient séparées des

 28   autres. Personne ne nous a jamais rendu compte de cela, que qui que ce soit


Page 23550

  1   avait tenté de séparer ces jeunes femmes des autres membres du groupe ?

  2   R.  J'ai vu ces jeunes femmes qui étaient séparées des autres et emmenées

  3   vers des maisons qui se trouvaient à la droite de Srebrenica, par exemple,

  4   dans la maison de Hasan Malic ainsi que ses voisins, il s'agissait de

  5   maisons qui se trouvaient juste en dessous de la maison de mon frère, qui

  6   avait été détruite à l'époque. Ils les ont emmenés vers ces maisons.

  7   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'objection

  8   à cette question, mais M. Karadzic fait mention de déclarations. Or, je

  9   crois savoir qu'il n'y a qu'une seule déclaration écrite. Donc, s'il

 10   mentionne plusieurs déclarations, j'aimerais qu'il soit plus précis dans la

 11   citation de ces déclarations.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a deux transcriptions de la déposition du

 13   témoin dans les affaires Tolimir et Krstic, ainsi qu'une déclaration écrite

 14   qui date de 1995. Je vous trouverai la référence ultérieurement. Je pense

 15   que ce passage, plus particulièrement, est tiré de la déclaration qui date

 16   de 1995.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Vous nous dites que certaines personnes, et vous mentionnez Alija, vous

 19   ont demandé pourquoi vous n'aviez pas écouté Babo, votre papa.

 20   R.  C'est l'homme qui avait maudit notre mère et nous avait dit que si nous

 21   écoutions Babo, c'est-à-dire Alija, ce qui nous avait été prédit

 22   n'arriverait pas.

 23   Q.  Je dis cela parce que les membres de la Chambre ne savent pas qui est

 24   Babo. Savez-vous que Babo était un chef musulman qui avait remporté une

 25   élection écrasante lors des élections de 1992, mais qui n'appartient pas au

 26   même groupe politique qu'Izetbegovic ?

 27   R.  Je ne peux pas répondre à ce type de question, Monsieur Karadzic. Je ne

 28   sais pas quel homme politique appartenait à quel parti, ni quels étaient


Page 23551

  1   les résultats au cours d'élections. Je n'étais pas au fait de la vie

  2   politique. Je ne savais pas ce qui serait arrivé si j'avais écouté ceci ou

  3   cela, ou celui-ci ou celui-là. Je ne suis qu'une simple femme qui n'a fait

  4   que survivre à ces événements.

  5   Q.  Oui, mais vous savez qu'il s'agissait d'un chef musulman que les Serbes

  6   préféraient à Alija et que les Serbes vous disaient que si vous aviez

  7   écouté Babo, rien ne se serait produit. Vous savez qu'il était un chef,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Aux pages 1 959 et 1 958, vous dites qu'on pouvait entendre des

 11   gémissements venant de personnes qui étaient torturées dans la maison

 12   blanche ou qui émanaient du lieu où ils étaient interrogés. Comment cela

 13   était-il possible ? Comment était-il possible que personne de la FORPRONU

 14   n'ait fait état de cela alors qu'ils étaient 150 sur le terrain ?

 15   R.  C'est n'importe quoi, Monsieur Karadzic.

 16   Mme WEST : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a répondu à la question.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il s'agit d'un exemple classique de

 19   question portant sur ce qu'aurait pensé une tierce personne, et si

 20   l'Accusation avait fait cela, vous auriez été le premier à objecter,

 21   Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne fais ici référence qu'à ce qu'a dit la

 23   FORPRONU à la page 1 959 -- à la page 58, ligne 23, je cite :

 24   "Des familles criaient mais ils répondaient simplement qu'un membre de leur

 25   famille avait dû devenir fou, et ils nous ont dit de ne pas avoir peur, que

 26   cela n'était rien."

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Donc, il semble que la FORPRONU n'ait pas remarqué que quelqu'un était


Page 23552

  1   torturé, ils pensaient simplement que certaines familles devenaient folles

  2   et exagéraient peut-être.

  3   R.  Vous connaissez mieux la réponse à cette question que moi.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons poursuivre, parce que

  5   le témoin a déjà commencé sa réponse.

  6   Oui, Madame West.

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je fais objection

  8   sur les mêmes raisons que tout à l'heure. Deuxièmement, M. Karadzic n'a pas

  9   lu la totalité du passage parce qu'il s'agit de soldats qui sont en fait

 10   des soldats serbes et qui portaient des uniformes de la FORPRONU. Il ne

 11   s'agit pas de soldats néerlandais.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous, s'il

 13   vous plaît -- voulez-vous entendre le témoin vous répondre une fois de plus

 14   : c'est n'importe quoi, Monsieur Karadzic ? Je vous prie de poursuivre.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous dites qu'il s'agissait seulement d'une hypothèse. Vous supposiez

 17   que quelqu'un s'était suicidé. Combien de personnes s'étaient suicidées ?

 18   R.  Certaines personnes se sont suicidées. J'ai vu un homme, de mes propres

 19   yeux, cette nuit-là, se pendre, quand il a vu ce qui se passait. Puis,

 20   après minuit, plus personne ne dormait. Il s'est pendu dans l'usine de

 21   zinc. Je connais cet homme. Il faisait partie de ma famille, Hamdije

 22   Smajlovic, et d'après les dires de sa famille, son épouse, qui revenait

 23   avec nous, leur maison se trouvait à proximité de la mienne, je sais que

 24   son mari s'était également pendu et que d'autres personnes également, qui

 25   ne savaient pas quoi faire ni où aller avait également décidé d'en finir

 26   avec la vie.

 27   Toutes les personnes qui ont été emmenées par les soldats serbes, le

 28   soir du 12, n'ont pu entendre un seul coup de feu tiré. Seuls des


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  1   hurlements, des gémissements pouvaient être entendus, et il ne s'agissait

  2   pas de la "maison blanche." Il y avait, en fait, deux maisons qui se

  3   trouvaient à proximité de l'usine de zinc, et certaines personnes y ont été

  4   emmenées ce soir-là. Il y avait des cris, des cris, des hurlements

  5   absolument atroces, et vous ne pouviez pas vraiment savoir d'où venaient

  6   ces cris et ces hurlements. Mais ils venaient également d'une société de

  7   transport.

  8   Tous ces cris venaient de partout et c'était comme si vous étiez

  9   trouvé dans un film d'horreur. La nuit était remplie de ces cris et de ces

 10   hurlements, et personne ne comprenait ce qui se passait. Mais des familles

 11   qui se trouvaient autour de nous avaient toutes perdu certains de leurs

 12   membres. Des hommes avaient été emmenés cette nuit-là et ne sont jamais

 13   revenus.

 14   Q.  Nous reviendrons sur ce point après, si vous me le permettez. A la page

 15   1 958 et 1 959, le témoin a supposé qu'il s'agissait de soldats serbes

 16   parce qu'il connaissait la langue serbe mais il n'y a absolument aucune

 17   preuve qui atteste le fait qu'il s'agissait de soldats serbes. Je vous dis,

 18   Madame, qu'il est impossible que des soldats serbes aient pu porter

 19   l'uniforme de la FORPRONU, et ce, devant les troupes de la FORPRONU.

 20   Donc vous avez décidé qu'il s'agissait là de soldats serbes parce

 21   qu'ils parlaient le serbe ?

 22   R.  Non, j'ai vu un soldat. J'ai vu un soldat qui avait retiré son tee-

 23   shirt et l'avait donné à un autre soldat, et nous avions passé un très long

 24   moment avec les soldats néerlandais à Srebrenica auparavant et aucun

 25   d'entre eux ne connaissait la langue serbe.

 26   Le 13, le matin du 13, lorsque nous leur avons demandé où nous

 27   devions nous rendre et ce que nous devions faire, ils souriaient, et vous

 28   savez, ce sourire qui voulait dire qu'ils avaient atteint leur objectif.


Page 23554

  1   Ils parlaient serbe si parfaitement qu'ils ne pouvaient absolument pas être

  2   néerlandais. Aucun soldat néerlandais ne maîtrisait aussi bien le serbe.

  3   Q.  Vous n'avez jamais dit qu'un soldat avait retiré son tee-shirt

  4   auparavant.

  5   R.  Je pourrais écrire un roman vous savez, si je devais mentionner le

  6   moindre détail qu'il m'a été donné de voir pendant toutes ces années, ces

  7   jours passés à Potocari. Mais ces choses-là se produisaient absolument

  8   chaque jour. Les gens, des adultes qui avaient côtoyé ces soldats pendant

  9   toutes ces années savaient parfaitement qu'aucun soldat néerlandais ne

 10   pouvait si bien parler le serbe.

 11   Q.  Vous mentionnez également pour la première fois dans votre déposition,

 12   à la page 1 969, que des jeunes femmes étaient séparées des autres, elles

 13   étaient emmenées, je cite :

 14   "Ils ont emmené des filles et des jeunes femmes."

 15   Je cite ici votre déposition pour que tout le monde ici présent

 16   puisse suivre.

 17   Vous nous dites maintenant que certaines personnes se sont pendues.

 18   Vous connaissiez une de ces personnes, il s'agissait de Hamdije Smajlovic;

 19   comment le connaissiez-vous ?

 20   R.  C'était un cousin, et avant la guerre, il travaillait pour la société

 21   ou l'usine de zinc dans l'atelier de maintenance.

 22   Q.  Quel est le nom de son père ?

 23   R.  Demir Smajlovic.

 24   Q.  Connaissez-vous Kiram Smajlovic? S'est-il également pendu ?

 25   R.  Je connaissais cet homme, mais je ne l'ai pas vu se pendre.

 26   Q.  Ensuite -- et je vais ici référence à la page 1 960, je cite :

 27   "Mon voisin direct --" je cite directement à partir de la version en

 28   anglais.


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  1   "Une voisine avait une maison à proximité de l'usine. Puis, elle-même et

  2   les membres de sa famille se rendaient à l'extérieur pour trouver de la

  3   nourriture et elle m'a dit qu'elle avait vu deux autres personnes, deux de

  4   nos voisins qui s'étaient pendus; Kiram Smajic et Fahim Hasanovic."

  5   Est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Connaissez-vous cet homme Kiram ? Connaissez-vous le nom de son père ?

  8   R.  Nazif.

  9   Q.  Nazif ou Kemal ?

 10   R.  Nazif.

 11   Q.  Merci. Nous reviendrons sur ces personnes dont vous avez appris

 12   ultérieurement qu'ils étaient décédés ou qu'ils s'étaient suicidés.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il vous reste cinq

 14   minutes.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que le

 16   prochain témoin puisse commencer il faut 20 minutes pour installer le

 17   prétoire. Donc je pense qu'étant donné les circonstances vous pourriez

 18   m'accorder quelques minutes supplémentaires.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il vous reste cinq minutes pour clore

 20   votre contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  A la page 1 983, vous avez déclaré à la ligne 16, je cite :

 23   "Corroboré par les exemples qui m'étaient donnés par ma famille, mon beau-

 24   père Omer Malagic, né en 1926, ses trois fils, l'un d'entre eux étant mon

 25   époux, Salko Malagic, né en 1948, ses deux frères Osman Malagic et Dzafer

 26   Malagic, trois fils, c'est-à-dire mes deux fils, Elvir Malagic, né en 1973,

 27   Admir Malagic, né en 1979, et mon beau-frère, Samir Malagic."

 28   Ils sont tous décédés, n'est-ce pas ?


Page 23556

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Quand furent-il tués respectivement ?

  3   R.  Mon beau-père, comme je l'ai déjà dit, Omer Malagic, mon mari, Salko

  4   Malagic, et Samir Malagic et les autres ont été tous tués au moment de la

  5   chute de Srebrenica. Mon beau-frère, Osman Malagic, a été tué un peu plus

  6   tard au mois de juin, alors que Dzafer Malagic a été tué en 1992. Il

  7   cherchait de la nourriture et il a été tué lors d'un bombardement aérien.

  8   Q.  Les autres qui ont été tués, où furent-ils tués ? Comment sont-ils

  9   morts ? Ils cherchaient tous à partir à l'exception de votre père, n'est-ce

 10   pas ?

 11   R.  Comme je l'ai déjà dit, quand je suis allée identifier les corps à

 12   Tuzla, nous avions reçu des documents et je les ai présentés au bureau du

 13   Procureur, il se trouvait des protocoles qui indiquaient les lieux où ils

 14   avaient été tués, et les tombes ou les fosses où je pouvais -- où ils

 15   avaient été trouvés, il s'agissait de Zvornicka, Kamenica, où les

 16   exécutions avaient eu lieu.

 17   S'agissant de mon fils, la cause de son décès était indiquée comme

 18   étant possiblement une blessure par balle à la poitrine. S'agissant de mon

 19   mari, la cause de la mort n'avait pas pu être déterminée étant donné que

 20   des os avaient été rassemblées à partir de plusieurs sites et son squelette

 21   n'était pas complet. Le médecin ne pouvait donc déterminer la cause de son

 22   décès, donc je ne peux pas vous répondre.

 23   Q.  Quel type de certificat avez-vous obtenu s'agissant de ces victimes ?

 24   Comment qualifiées ces victimes, dans ces certificats ?

 25   R.  Qu'entendez-vous par là ?

 26   Q.  Avez-vous reçu des certificats qui faisaient état de victimes, de

 27   victimes civils ou de combattants ou de blessés ? Qu'était-il indiqué sur

 28   ces certificats ?


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  1   R.  Mon mari apparaissait dans la liste en tant que combattant, et mes

  2   enfants, victimes de guerre.

  3   Q.  A la page 1 991, vous avez répété que 1 000 femmes n'étaient pas

  4   revenues de Potocari, et que 650 enfants n'étaient pas revenus. Continuez-

  5   vous à dire cela, à savoir que les Serbes ont gardé 1 000 femmes et 650

  6   enfants ?

  7   R.  Ça ne veut pas dire que les Serbes les ont gardés. J'ai entendu

  8   plusieurs histoires, un homme m'a dit que toute sa famille était montée à

  9   bord d'un camion à Potocari qui n'était pas arrivé à Tuzla. Alors je ne

 10   sais pas où finalement sont arrivées ces personnes. Certaines femmes ont

 11   également été tuées. Où furent-elles tuées, comment furent-elles tuées, je

 12   n'en sais rien ?

 13   Q.  Qu'est-il écrit dans cette notification 92 ter selon laquelle certains

 14   hommes avaient été séparés par un des soldats serbes, ce n'est pas vrai.

 15   R.  Je ne comprends pas.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demanderais d'attendre un peu

 17   avant de commencer à répondre à la question, Madame Malagic.

 18   Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question, Monsieur Karadzic,

 19   qui, selon moi, devrait être la dernière question ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrais-je poser une toute dernière question ?

 21   Donc il s'agit là de l'avant-dernière question que je pose.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Alors, ici, dans cette notification 92 ter, le bureau du Procureur

 24   affirme que vous avez été séparée de vos fils et de votre mari par les

 25   soldats serbes. Ce n'est pas tout à fait exact, n'est-ce pas ?

 26   R.  Littéralement, peut-être pourriez-vous dire qu'effectivement ce n'est

 27   pas correct ? Mais en fait c'était tout à fait exact dans la mesure où nous

 28   avons été séparés par des soldats serbes. En fait, ils ne nous séparaient


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  1   pas sur place, mais nous avons été contraints de nous séparer étant donné

  2   la présence des soldats serbes et étant donné également les bombardements,

  3   et parce que nous essayions de leur échapper. Donc nous avons été séparés

  4   dans les faits, et ce, à proximité de Srebrenica.

  5   Q.  Merci. Voici ma dernière question : Vous avez mentionné aujourd'hui

  6   qu'un grand nombre de personnes avaient été tuées en 1992 et également que

  7   certaines personnes s'étaient suicidées et que d'autres également avaient

  8   été portées disparues alors qu'elles tentaient de s'enfuir vers Tuzla. Tous

  9   ces noms sont-ils gravés sur le monument mort à Srebrenica ?

 10   R.  Tous ces noms, le nom de toutes ces personnes qui ont été tuées à

 11   Srebrenica lors de la chute de Srebrenica ou qui ont été tuées alors que

 12   ces personnes essayaient de fuir et qui ont été tuées avant, n'ont pas

 13   leurs noms sur le monument mort. Ces personnes ont été enterrées dans

 14   d'autres lieux, dans d'autres régions. Donc seules les personnes qui ont

 15   été tuées à Potocari ou à Srebrenica ont leurs noms sur le monument mort.

 16   Q.  Mais je vous dis que leurs noms se trouvent sur les listes, les listes

 17   d'identification d'ADN, et on reprend la liste également des personnes qui

 18   se sont suicidées, et si je vous dis que leurs noms se trouvaient sur la

 19   liste de 1992 et que donc ce que vous dites n'est pas juste, qu'avez-vous à

 20   répondre ? Ces personnes, où ont-elles été enterrées ?

 21   R.  Au cimetière de Potocari, puis dans des fosses communes également,

 22   surtout pendant les périodes de pilonnage intense. En d'autres termes, dans

 23   toutes les zones qui se trouvaient aux alentours de Srebrenica où se

 24   trouvait un cimetière, où se trouvait de l'espace où on pouvait enterrer

 25   ces personnes.

 26   Q.  Où se trouve ce cimetière maintenant ?

 27   R.  Il se trouve toujours à Srebrenica, dans la ville.

 28   Q.  Voici ma dernière question : L'Accusation a essayé d'établir un lien


Page 23559

  1   avec quelque chose que vous auriez vu à Sandici. Quand cela s'est-il

  2   produit ? A quelle date, à quel moment ?

  3   R.  C'était le 13 juillet. J'étais dans l'autocar à ce moment-là. C'était,

  4   je pense, vers le début de l'après-midi, vers 13 ou 14 heures. Je n'avais

  5   pas de montre, donc je ne peux pas être sûre à 100 % de l'heure, mais le

  6   soleil était très haut dans le ciel.

  7   Q.  Mais savez-vous que dans la nuit du 12 au 13 il n'y avait pas de

  8   soldats serbes à Potocari, et vous avez dit que cette nuit avait été

  9   absolument horrible.

 10   R.  Le 12, le 13 juillet ? Non, ce n'est pas exact.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas eu

 13   suffisamment de temps pour terminer mon contre-interrogatoire. Et la

 14   Défense devrait se voir attribuer le même laps de temps que l'Accusation,

 15   et ce, conformément au 92 ter, il s'agit ici donc d'un précédent.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je voudrais vous

 17   redonner lecture du compte rendu d'aujourd'hui et attirer votre attention

 18   sur le type de questions que vous avez posé au témoin pendant la première

 19   heure de votre contre-interrogatoire.

 20   Madame West, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

 21   Mme WEST : [interprétation] Non merci, Monsieur le Président.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je, s'il vous

 23   plaît, dire un tout dernier mot. Ceci est lié aux questions que j'ai posées

 24   au tout début de mon contre-interrogatoire.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic.

 26   Madame Malagic, ceci clôt votre déposition dans cette affaire. Au nom de

 27   mes collègues et du Tribunal, je voudrais vous remercier de vous être

 28   déplacée jusqu'à La Haye pour déposer. Vous êtes libre maintenant, vous


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  1   pouvez disposer, Madame.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous souhaite donc un bon retour chez

  4   vous.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Madame Malagic, au nom de la Défense, et

  7   j'espère que vous ne nous en voulez pas.

  8   [Le témoin se retire]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui va assurer l'interrogatoire du

 10   prochain témoin ?

 11   Mme WEST : [interprétation] M. Nicholls.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'a dit que 15 minutes étaient

 13   nécessaires pour préparer le Tribunal pour le prochain témoin, donc je

 14   pense que nous allons prendre une pause de 20 minutes.

 15   Mme WEST : [interprétation] Oui, très bien, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons plutôt faire une pause

 17   de 15 minutes maintenant et reprendre à 14 heures 45.

 18   --- La pause est prise à 14 heures 28.

 19   --- La pause est terminée à 14 heures 45.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur Blaszczyk.

 22   Toutes mes excuses pour la mauvaise prononciation de votre nom.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous comparaissez aujourd'hui pour la

 25   deuxième fois, mais je préférerais à des fins de clarté que vous prononciez

 26   de nouveau la déclaration solennelle.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Je déclare solennellement de dire la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.


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  1   LE TÉMOIN : TOMASZ BLASZCZYK [Rappelé]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

  4   Oui, Monsieur Nicholls.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, et bon après-midi, Monsieur le Juge,

  6   Madame, Messieurs les Juges. Juste une chose, très brièvement, j'ai discuté

  7   avec mon ami M. Robinson, j'aimerais bien que le bureau du Procureur puisse

  8   entrer en contact et parler avec M. Blaszczyk alors qu'il dépose seulement

  9   sur les questions qui concernent les témoins parce que parfois il nous

 10   aide, les personnes qui font le calendrier avec les numéros de téléphone et

 11   les adresses des témoins, des choses de ce genre.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Votre demande est accordée.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Nouvel Interrogatoire par M. Nicholls :

 15   Q.  [interprétation] Bon après-midi, Monsieur Blaszczyk.

 16   R.  Bon après-midi.

 17   Q.  Comme vous le savez, aujourd'hui très brièvement et demain par la suite

 18   nous allons parler d'une pièce à conviction que vous avez créée, il s'agit

 19   de la pièce 65 ter qui porte la cote 03931, et nous allons maintenant la

 20   projeter au prétoire électronique, c'est ce que nous appelons en fait la

 21   vidéo de Petrovic.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 23   Juges, je pense qu'on devrait vous remettre une copie en dur, je l'ai

 24   remise à M. Karadzic.

 25   Q.  Je ne vais pas du tout vous parler bien entendu de la toile de fond,

 26   Monsieur Blaszczyk, parce que vous en avez parlé lorsque vous avez témoigné

 27   le 20 août 2010, lorsque vous avez comparu auparavant.

 28   Alors parlons maintenant de ce registre, est-ce que vous pouvez nous


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  1   dire, et vous en avez un exemplaire sous les yeux, de quoi il s'agit et

  2   qu'est-ce que cela nous montre ?

  3   R.  Ce livre de vidéos de Petrovic a été réalisé sur la base d'un matériel

  4   qui a été diffusé par la télévision serbe et qui est apparu au studio B de

  5   la télévision, c'était en juillet 1995. C'est un document qui comporte une

  6   carte d'une zone particulière de Bratunac, en fait il s'agit d'une carte de

  7   Potocari, de Sandici, de Kravica. Il y figure un certain nombre de clichés

  8   ou d'instantanés qui ont été diffusés par la télévision serbe en juillet

  9   1995. Il faut savoir que tout cela a été enregistré par le journaliste

 10   serbe, Zoran Petrisic [phon], et vous verrez dans ce guide routier

 11   également des instantanés de certaines zones, certains sites que j'ai

 12   mentionnés précédemment. Ce sont des photographies aériennes qui ont été

 13   prises.

 14   Q.  Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Et vous avez dit, Monsieur Blaszczyk, que M. Petrovic Pirocanac

 18   considérait qu'il s'agissait là d'une séquence vidéo non éditée. C'est le

 19   sujet, justement, de ce guide routier, qui a été donc créé par le

 20   documentaire du Studio B. Pouvez-vous nous dire à quelle date M. Petrovic

 21   Pirocanac a réalisé cette séquence vidéo dans les zones que vous avez

 22   décrites ?

 23   R.  La vidéo a été enregistrée les 13 et 14 juillet 1995, dans les zones

 24   que j'ai décrites, c'est-à-dire avec les différentes villes de Potocari,

 25   les villes de Sandici, Kravica et Pervana.

 26   Q.  Pour être tout à fait au clair, le nom de cet homme, c'est Zoran

 27   Petrovic, et il y a également un surnom qui lui est parfois donné et

 28   attribué, et c'est bien Pirocanac, un nom qui est rattaché à son nom -- son


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  1   patronyme entier ?

  2   R.  C'est exact. Son vrai nom, c'est effectivement Zoran Petrovic, mais il

  3   utilise le surnom de Pirocanac.

  4   Q.  Nous allons bientôt voir la vidéo, mais pouvez-vous nous dire juste une

  5   chose. C'est justement de l'autre côté de la pièce qui porte la cote de la

  6   liste 65 ter numéro 03931, donc de ce guide routier Petrovic, et il y a un

  7   CD ou un DVD. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se trouve derrière

  8   cette pièce à conviction ?

  9   R.  Pour chaque guide routier, nous avons annexé une présentation numérique

 10   de la même zone. En fait, la présentation numérique qui ne contient que des

 11   informations à propos de Potocari, et Sandici et de Kravica, de ces zones-

 12   là. C'est plus ou moins la même présentation que celle qui se retrouve dans

 13   la vidéo, mais c'est décrit de façon plus large et c'est plus accessible.

 14   Si nous voyons la présentation, je vous expliquerai tout et je vous

 15   expliquerai de quoi il retourne.

 16   Q.  Merci. Et juste avant que nous ne revenions à ce guide routier, nous

 17   allons voir une vidéo qui a été réalisée par M. Petrovic Pirocanac, qui se

 18   déplaçait en voiture dans la zone en question. Il a filmé certaines

 19   séquences vidéo les 13 et 14 juillet. Qui se trouvait avec lui alors qu'il

 20   résidait et qu'il se déplaçait dans ce secteur ? Qui était présent avec lui

 21   dans le véhicule ?

 22   R.  M. Zoran Petrovic-Pirocanac voyageait avec M. Ljubisa Borovcanin et

 23   avec son chauffeur, c'est-à-dire Ljubomir Borovcanin. Je crois que c'était

 24   son nom.

 25   Q.  Simplement, aux fins du compte rendu d'audience, qui est M. Borovcanin

 26   ?

 27   R.  A l'époque, il était le commandant de la Brigade spéciale de police de

 28   la Republika Srpska.


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  1   Q.  Merci. La séquence vidéo qui a été utilisée et qui se trouvait dans ce

  2   guide routier, quelle est son origine et comment l'avez-vous eue entre les

  3   mains ? Je parle ici de la vidéo qui se trouve ici et qui porte la cote

  4   V000-6747, c'est-à-dire que c'est la pièce qui porte la cote P00667, qui

  5   avait précédemment été versée au dossier.

  6   R.  En ce qui concerne cette vidéo en particulier, c'est une copie de la

  7   séquence vidéo qui a été initialement tournée par M. Pirocanac ou Petrovic

  8   en juillet 1995 dans la zone de Srebrenica. M. Petrovic nous a donné accès

  9   à cette séquence d'origine en 2006 - je crois que c'était en février de

 10   2006 - pendant l'entretien que nous avons réalisé avec lui dans nos bureaux

 11   de Belgrade. Nous avons fait la meilleure copie, de qualité, que nous avons

 12   pu réaliser de cette séquence vidéo. Sur la copie, il a pu confirmer que ce

 13   qui avait été enregistré contenait exactement les mêmes éléments que ce

 14   qu'il y avait dans la vidéo d'origine.

 15   Q.  Merci. Pour que les choses soient claires, est-il exact de dire que M.

 16   Petrovic-Pirocanac vous a personnellement remis cette séquence filmée

 17   d'origine, et que vous étiez présent lorsque le représentant du bureau du

 18   Procureur en a fait une copie de cette séquence d'origine, et est-il vrai

 19   que vous étiez là quand M. Pirocanac a certifié que la copie était une

 20   copie authentique et exacte ?

 21   R.  Oui, c'est exact. Lorsque nous avons rencontré M. Pirocanac en février

 22   2006, nous lui avons demandé de fournir la séquence d'origine et il a été

 23   d'accord. Je me souviens qu'à l'époque il n'avait pas le matériel avec lui

 24   et j'ai dû aller avec lui dans son logement à Belgrade pour que nous

 25   puissions aller chercher cette séquence d'origine, que nous l'avons ramenée

 26   dans notre bureau, et notre assistant vidéo, qui nous a également aidés à

 27   l'occasion de cette mission, a réalisé à ce moment-là une copie de cette

 28   séquence vidéo d'origine en notre présence, donc en ma présence tout


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  1   d'abord, M. Nicholls était également présent à l'époque, ainsi que M.

  2   Petrovic.

  3   Q.  Merci. Très brièvement, le bureau du Procureur a-t-il obtenu d'autres

  4   versions ou d'autres enregistrements de cette séquence vidéo d'origine

  5   d'autres sources ?

  6   R.  Oui. Le bureau du Procureur est également en possession d'autres

  7   copies, mais du même matériau mais provenant d'autres sources. C'est en

  8   fait un matériel que nous avons reçu de la part de la BBC. C'était en 2002.

  9   Ensuite, nous avons également reçu une copie de ces séquences d'origine

 10   reçues -- filmées par M. Pirocanac. C'est un matériel que nous avons reçu

 11   du ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine, et je crois que c'était

 12   en 2007. Nous avons également ajouté des matériels qui avaient été diffusés

 13   par le Studio B en juillet 1995, et qui contenaient des séquences vidéo du

 14   matériel d'origine filmé par M. Petrovic. C'était une version éditée, un

 15   montage, et nous l'avons reçu de M. Ljubomir Borovcanin à l'occasion d'un

 16   entretien que nous avons eu avec lui. D'après ce que je me souviens,

 17   c'était en mars 2002.

 18   Q.  Merci.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir, s'il vous

 20   plaît, la pièce qui porte la cote de la liste 65 ter 03933 ? Simplement

 21   pour que nous gagnions un peu de temps, je dirai que c'est un document qui

 22   vient du Centre responsable des informations et des activités de propagande

 23   de la VRS, qui date du 22 juin 1996, et qui a été signé par le colonel

 24   Milovan Milutinovic, et qui porte le titre de : "Rapport sur la séquence

 25   télévisuelle de Srebrenica, principal organe de sécurité de l'état-major

 26   principal de la VRS". Il serait bon que nous regardions jusqu'en bas de ce

 27   document pour voir la signature.

 28   Q.  Alors, Monsieur Blaszczyk, en juillet 1995, quelle était la position du


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  1   colonel Milutinovic dans la VRS ?

  2   R.  En juillet 1995, le colonel Milan Milutinovic était responsable du

  3   centre de presse de la VRS.

  4   Q.  Très rapidement, vous avez déjà vu ce document, n'est-ce pas, au

  5   préalable ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Simplement pour faire court, cela fait référence à la séquence filmée

  8   par M. Petrovic Pirocanac qui se trouvait à Belgrade et qui aurait dû être

  9   obtenue par la VRS.

 10   R.  Oui. C'est exact. Effectivement.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je demander le versement de ce document

 12   au dossier, Monsieur le Président ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction qui

 15   porte la cote P4266, Monsieur le Juge, Monsieur, Madame les Juges.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous avons encore un petit peu de temps.

 17   Est-ce que je peux demander à ce que l'on voie la pièce de la liste 65 ter

 18   qui porte la cote 03934 sur le prétoire électronique. C'est un document qui

 19   est en date du 24 juin 1996, et nous voyons donc ce document qui avait été

 20   saisi à titre provisoire et signé par le capitaine de la navale, M. Ljubisa

 21   Beara.

 22   Q.  Nous venons de voir le document du colonel. Il a dit qu'un reçu était

 23   nécessaire. Tout d'abord, quelle était la position de M. Ljubisa Beara, en

 24   1995, dans la VRS ?

 25   R.  Ljubisa Beara, en juillet 1995 et pendant toute la période de la guerre

 26   en Bosnie-Herzégovine, était responsable de l'administration de la sécurité

 27   dans l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire si ces documents ont joué un rôle pour que le


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  1   bureau du Procureur puisse obtenir une version de la séquence vidéo

  2   d'origine filmée par M. Petrovic Pirocanac à laquelle vous avez fait

  3   allusion et qui aurait été reçue par le ministère de la Défense sur le côté

  4   droit de l'écran ?

  5   R.  Oui. Tout d'abord, je vais vous donner des explications sur la façon

  6   dont nous avons reçu ce document. Tout d'abord, notre équipe -- notre

  7   équipe de La Haye est allée à la caserne de Banja Luka. Je crois que

  8   c'était en 2006, je crois que c'était en 1996, en novembre ou octobre, en

  9   2006. Nous avons eu accès aux archives de l'état-major principal de

 10   l'armée, les archives de l'armée de la Republika Srpska à Banja Luka, et

 11   ils ont procédé à une reproduction -- ils ont scanné des documents. Il y

 12   avait beaucoup de matériel qui venait des archives. Puis, plus tard,

 13   lorsque l'équipe est revenue à La Haye, nous avions donc toutes les

 14   versions scannées de ces documents, et nous avons saisi dans notre système,

 15   ils sont devenus accessibles pour tous les enquêteurs, et c'est là que nous

 16   avons commencé à examiner tous ces documents. Et pendant cette phase

 17   d'examen de tous ces documents qui, à l'époque, comme je l'ai dit, avaient

 18   été scannés dans les casernes de l'armée de la Republika Srpska, nous avons

 19   découvert ces deux documents précis. C'est l'information qui vient du

 20   colonel Milutinovic, et nous avons également reçu des objets saisis à titre

 21   temporaire, et en particulier la vidéo qui avait été signée par le colonel

 22   Ljubisa Beara, et bien, nous avons reçu une copie de ces documents -- je

 23   veux dire la version scannée de ces documents. Immédiatement après, nous

 24   avons découvert les reçus que nous avions demandés auprès du ministère de

 25   la Défense de la Bosnie-Herzégovine pour les originaux de ces documents, et

 26   nous avons également demandé, pour l'enregistrement qui est mentionné dans

 27   ce document, soit reçu.

 28   Q.  Bien. Rapidement, vous avez dit que -- vous parliez des archives, au


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  1   début, vous aviez eu accès à ces archives de l'état-major principal de

  2   l'armée, et vous avez dit qu'il s'agissait de l'armée de la Republika

  3   Srpska à Banja Luka. De quelle archive s'agissait-il à Banja Luka ?

  4   R.  C'était l'archive de l'armée de la Republika Srpska. Je dis cela parce

  5   que personnellement, je peux dire que c'était des documents qui venaient

  6   des archives de la Republika Srpska.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, je regarde simplement

  8   ma montre.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Est-ce que je peux demander le

 10   versement de ce document au dossier, Monsieur le Président ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois que nous pouvons maintenant faire

 13   une pause.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P4267.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- et voilà pourquoi nous avons dû faire

 16   une pause avant la préparation, nous manquons un peu de temps.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous avions la vidéo précédente que nous

 18   avons versée au dossier comme la vidéo Petrovic.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le numéro

 21   de pièce à conviction de la déclaration de M. Petrovic ?

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Il va falloir que je vérifie, Monsieur le

 23   Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis désolé, je ne l'ai pas sous la main.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons lever l'audience

 27   aujourd'hui et nous reprendrons demain à 9 heures.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux éclairer un point ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Petrovic n'a pas fait sa déposition ici.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons mis au dossier cette pièce à

  4   conviction en application de la règle 92 bis. C'était le sens de ma

  5   question.

  6   On nous a dit que c'était maintenant la pièce à conviction P375, déposée

  7   sous pli scellé.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exact. Merci beaucoup.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous nous retrouverons demain à 9 heures

 10   pour reprendre l'audience.

 11   --- L'audience est levée à 15 heures 04 et reprendra le mercredi 25 janvier

 12   2012, à 9 heures 00.

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