Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 1er février 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Bonjour,

  7   Monsieur Ruez.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez continuer,

 10   je vous prie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à tous et à

 12   toutes.

 13   LE TÉMOIN : JEAN-RENE RUEZ [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Ruez. De par votre profession, vous

 17   êtes policier, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Merci. Vous avez eu un emploi permanent au bureau du Procureur de ce

 20   Tribunal-ci à partir de 1995, n'est-ce pas ?

 21   R.  Ce n'était pas permanent dans la façon où c'était renouvelé de façon

 22   annuelle. Ça a été renouvelé jusqu'à 2001, et à cette date-là, j'ai demandé

 23   à ce que ne soit plus renouvelé.

 24   Q.  Merci. Vous avez donc travaillé en cette qualité-là, en qualité

 25   d'enquêteur pour le compte du Tribunal; est-ce que vous avez considéré que

 26   votre rôle était un rôle d'employé au bureau du Procureur qui serait chargé

 27   de collecter des éléments de preuve pour le compte de l'Accusation, ou

 28   avez-vous été une sorte d'enquêteur impartial ?


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  1   R.  J'ai été enquêteur dans une première phase, pendant deux ans. Ensuite

  2   il y a eu création d'une équipe pour se charger de l'enquête dans toute son

  3   envergure, et je suis devenu chef de l'équipe des enquêteurs. Ce qui fait

  4   qu'en fait, j'avais pour mission,entre autres choses,de recueillir des

  5   éléments de preuve, et la façon de le faire est celle à chaque fois de

  6   procéder de façon objective.

  7   Q.  Merci. Qu'avez-vous fait avec les éléments de preuve, documents,

  8   renseignements qui seraient à l'avantage des accusés ou qui ne seraient pas

  9   à l'avantage de l'Accusation et des causes défendues par celle-ci ?

 10   R.  Nous n'avons pas trouvé plus ou moins aucune preuve qui serait en

 11   faveur de ceux qui ont, par la suite, été mis en accusation. Il n'en

 12   demeure pas moins que lorsque, dans la Republika Srpska, sur le terrain --

 13   lorsque quelqu'un était en possession de placer quelque chose en

 14   corrélation pour ce qui est des cas de figure où les enquêtes sont

 15   diligentées s'agissant de Serbes, qui ont été, cette fois-ci, victimes,

 16   ceci était ramené à La Haye ou remis à la personne en question pour que

 17   cette personne le conserve et le remette dès la première opportunité se

 18   présentant au bureau du Procureur.

 19   Q.  Merci. En votre qualité de policier expérimenté, auriez-vous remarqué

 20   des événements qui se trouveraient être utiles pour comprendre les causes

 21   et les conséquences des choses pendant la guerre en question ?

 22   R.  L'objectif de l'enquête dont j'ai été chargé, était celui de déterminer

 23   le sort de quelque 8 000 personnes qui étaient disparues suite à leur

 24   présence ou à la chute de la zone protégée de Srebrenica. Par conséquent,

 25   l'enquête a commencé le 11 juillet à midi, sachant que le cadre général de

 26   la guerre était celui qui l'était, connaissant les causes et tout le reste,

 27   il était véritablement utile de connaître ce qu'on appelle la grande image

 28   des choses. Mais ce n'était pas l'objectif poursuivi par cette enquête dans


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  1   le concret.

  2   Q.  Donc vous avez enquêté au sujet du sort de ces 8 000 personnes; est-ce

  3   que nous pourrons nous appuyer sur vos enquêtes du point de vue de la

  4   détermination des faits, des raisons, des résultats de certaines actions ?

  5   Comme vous le dites, petite exécution, exécution sommaire, est-ce que vous

  6   avez trouvé des choses qui sont susceptibles de nous aider ce qui s'est

  7   passé au juste ?

  8   R.  Pour autant que la reconstruction des vous événements et la

  9   corroboration de ce qui s'est passé par les démarches de l'enquête, on

 10   s'est toujours basé sur l'enquête et les résultats de celle-ci. A plusieurs

 11   reprises, ça a été le cas; pour ce qui est du reste, les observateurs

 12   peuvent se faire une idée à eux de tout ceci. Les historiens vont

 13   certainement y revenir un jour, et au fil des affaires qui ont été

 14   diligentées ici, au sujet de Srebrenica, il y a aussi ce qui doit être

 15   fait.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on se pencher dans les éléments de preuve

 18   de l'Accusation, à savoir le recueil de pièces de M. Ruez ? Je crois que

 19   nous nous étions arrêtés à la photo numéro 188, dans le courant de la

 20   journée d'hier ? Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, hier, vous nous avez confirmé le fait que cette ligne épaisse en

 23   bleu, c'est la ligne de démarcation, la ligne de séparation. Est-ce que

 24   vous pouvez dire aux Juges de la Chambre si, à présent, c'est aussi la

 25   frontière entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska

 26   ?

 27   R.  Cette ligne de confrontation a un nom spécifique, ça s'appelle "Sapna

 28   thumb," du fait de sa forme. Ça a la forme d'un pouce, c'est la ligne de


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  1   confrontation. Je ne qualifierai pas ça de frontière; c'est une séparation,

  2   mais pas une frontière pour autant que je sache, et je ne suis pas dans ce

  3   qui se passe au niveau de la politique depuis que j'ai quitté le Tribunal.

  4   Q.  Merci. Mais ça a été accepté pour vous informer des choses à Dayton,

  5   que c'est une ligne de séparation entre la Fédération et la Republika

  6   Srpska. Saviez-vous que ce petit espace-là était une zone très chaude du

  7   point de vue des événements pendant la guerre ? Les Musulmans voulaient à

  8   tout prix sortir sur la Drina, et la partie serbe voulait couper cours à la

  9   ligne de front. Bien.

 10   R.  Moi, je ne vois pas de question ici.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous saviez que cette petite

 12   partie du territoire était un point très chaud pendant la guerre ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le savais, c'est peut-être pour cela

 14   qu'on peut considérer que les prisonniers ont été pris là-bas pour des

 15   représailles, et je ne sais pas le président Karadzic décrit ceci comme un

 16   point très chaud. Je ne vois pas d'autre explication possible, mais s'il

 17   est en train de le dire, pourquoi pas ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Seriez-vous d'accord pour dire que cette ligne avait bougé fort peu

 21   pendant la guerre, mais elle a bougé, alors en votre qualité de

 22   professionnel, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les deux armées

 23   avaient des positions de réserve, c'est-à-dire des tranchées de réserve

 24   pour le cas où la première ligne de front viendrait à tomber ?

 25   R.  Ça pourrait être le cas. Nous n'avons pas enquêté au niveau des

 26   structures militaires en place sur ces sites. Nous nous sommes centrés sur

 27   des fosses qui n'avaient rien à voir avec des positions de défense.

 28   Q.  Merci. Mais vous êtes tout de même d'accord avec moi pour dire qu'il


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  1   est naturel pour une armée d'avoir au moins deux positions de réserve pour

  2   le cas où la ligne première ou la ligne de front en avant viennent à être

  3   prises ? Vous seriez d'accord pour dire que chaque armée doit avoir des

  4   positions de réserve ?

  5   R.  Les forces militaires ont à décider elle-même de ce qu'il convient de

  6   leur faire. Je ne vois pas en quoi je pourrais faire de commentaire à ce

  7   sujet.

  8   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire que la partie musulmane avait plus

  9   intérêt à sortir sur la Drina et couper la Republika Srpska plutôt que les

 10   Serbes avaient un intérêt quelconque à progresser en direction de Tuzla ?

 11   R.  Certaines personnes ont fait une profession des commentaires à faire au

 12   sujet d'un match de foot une fois que le match de foot est terminé, je ne

 13   veux pas commenter sur ce qui se serait passé avec des si. Nous ne parlons

 14   pas de "si," ici.

 15   Q.  Merci. J'ai dit tout ceci pour vous poser la question suivante :

 16   Serait-il raisonnable de penser au fil de ces combats il y a eu beaucoup de

 17   victimes militaires tant d'un côté que de l'autre ? Là, vous pouvez

 18   répondre par un oui ou pour un non. Ça nous permettrait d'aller plus vite.

 19   R.  La réponse est oui.

 20   Q.  Merci. D'après ce que vous avez pu constater au sujet de cette guerre

 21   qui s'est produite chez nous, est-il juste de dire que chaque partie, pour

 22   ce qui est des victimes de son côté, remettait les victimes aux familles

 23   respectives pour qu'elles soient ensevelies, enterrées par la famille de

 24   façon conforme au rite et à leur us et coutumes, et les victimes de

 25   l'adversaire étaient de part et d'autres enterrées dans des fosses communes

 26   sans cérémonie aucune, à différence de ce que chaque partie faisait des

 27   siens ?

 28   R.  Cela se peut.


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  1   Q.  Merci. Avez-vous obtenu des informations disant que ce printemps-là en

  2   1993, sur ce territoire contrôlé par les Musulmans, à l'époque, on les

  3   appelait les Musulmans, il a été tué plus de 1 200 Serbes, et ces Serbes

  4   ont été enterrés dans une cinquantaine de charniers qui ont été découverts,

  5   le général Morillon a par la suite assisté aux funérailles ?

  6   R.  Moi, je veux bien accepter ces faits comme vous les avancez. Ça n'a pas

  7   fait partie de mon enquête.

  8   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Est-ce que vous avez eu vent de la

  9   chose ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons appris quelque chose au sujet d'une

 11   fosse commune non loin de Nezuk, Nezuk étant l'endroit où une colonne

 12   d'hommes, qui étaient membres pour l'essentiel de la 28e Division, et

 13   avaient opéré une percée au travers des lignes. A cette fosse, nous avons

 14   considéré que c'était des pertes au combat, et nous ne sommes pas allés sur

 15   les lieux pour vérifier étant donné qu'il n'y avait aucun lien avec ce que

 16   j'ai appelé opération d'extermination. Cette fosse commune n'était pas du

 17   tout pertinente pour l'objet de l'enquête puisque c'étaient des victimes de

 18   combat.

 19   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Ça c'est un chiffre qui était en vigueur en mars 1993. Saviez-vous que

 23   jusqu'à la fin de la guerre en 1995, la 28e Division a tué plus de 3 500

 24   Serbes, pour l'essentiel des Serbes, sur ce territoire-là ?

 25   R.  Il y a eu une équipe qui a travaillé de façon concrète au sujet des

 26   crimes commis contre des civils serbes par des membres de la 28e Division,

 27   et ce, sous le commandement de Naser Oric, qui a été mis en accusation et

 28   il a été jugé ici au TPY. Je n'ai pas chevauché -- mes activités n'ont pas


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  1   connu de chevauchement avec cette autre équipe.

  2   Q.  Merci. Ma thèse à moi c'est que ces 1 250 hommes ont été enterrés par

  3   les Musulmans dans des charniers, et les 2 250 restants ont été enterrés

  4   par les Serbes dans des cimetières à titre familial, parce que c'étaient

  5   des Serbes qui étaient tués sur des territoires que nous contrôlions nous-

  6   mêmes. Est-ce que ceci vous semble être plus ou moins raisonnable comme

  7   affirmation ?

  8   R.  Je n'ai pas participé du tout à ces enquêtes. Je veux bien accepter les

  9   données telles que vous les présentez, je n'ai pas été convié à vérifier.

 10   Ça n'a pas été mon travail. Et je n'étais pas -- ça ne tombe pas du tout

 11   dans le cadre de l'enquête que l'on m'a confiée à moi-même.

 12   Q.  Merci. Saviez-vous qu'avant le mois de juillet 1995, la 28e Division

 13   avait perdu plus de 2 000 combattants qui sont restés sur le territoire

 14   serbe lors des attaques lancées contre le territoire serbe ? Donc il y a eu

 15   plus de 2 000 combattants de la 28e Division à être tombés.

 16   R.  Si vous le dites.

 17   Q.  Merci. Sommes-nous d'accord pour dire qu'au mois de juillet 1995, il y

 18   a eu des combats âpres qui se sont produits dans ces territoires lors de la

 19   tentative d'opérer une percée par les soins de la 28e Division afin

 20   d'arriver à Nezuk ?

 21   R.  Pas seulement pendant cette tentative d'opérer une percée vers Nezuk,

 22   mais aussi, il y a eu une tentative d'aller vers le nord pour arriver

 23   jusqu'à Zvornik. Un groupe de la colonne a fait une espèce de diversion, a

 24   opéré une diversion comme s'il y avait lieu d'attaquer Zvornik, et ce pour

 25   faciliter le passage du reste de la colonne vers Nezuk. Oui, en effet, nous

 26   avons appris qu'il y a eu des combats âpres, qui se sont déroulés dans ce

 27   secteur, à l'époque de ce même déplacement des prisonniers qui ont été pris

 28   à Bratunac, et qui ont parcouru le processus que j'ai déjà décrit au cours


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  1   de l'interrogatoire au principal.

  2   Q.  Merci. On y arrivera. Je vous prie de nous aider pour ce qui est

  3   d'établir un calendrier par séquence et les causes et effets des choses. Ma

  4   question cependant est la suivante, la guerre sur ce territoire a duré 44

  5   mois, au moins 44 mois, avec des victimes, pendant toute cette période-là,

  6   des victimes de la 28e Division avant juillet 1995, et des victimes des

  7   conflits en juillet 1995. Est-ce que quiconque vous aurait donné des

  8   informations de contexte pour que vous puissiez faire la distinction entre

  9   ce qui s'est passé avec les corps des combattants musulmans qui ont été

 10   tués au combat pendant ces 44 mois, et ce qui s'est passé avec les corps

 11   des combattants qui ont été tués au mois de juillet même ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, la thèse selon

 14   laquelle les combats ont duré 44 mois dans la région a déjà été soumise à

 15   un certain nombre de témoins, et il me semble qu'en faisant un compte à

 16   rebours de 44 mois, cela nous ramène à 1991, et M. Karadzic pourrait nous

 17   dire si selon lui il y avait en effet des combats dans la région en 1991.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que M. Ruez est a même de

 19   répondre à la question car il connaît le sujet. Pour mémoire, Monsieur

 20   Karadzic, n'oubliez pas ce qu'a indiqué M. Mitchell.

 21   Oui, Monsieur Ruez.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il va de soi que c'est un élément à

 23   prendre en compte pour ne pas confondre les situations, ni les origines des

 24   victimes. Voila pourquoi nous savons, grâce à l'analyse ultérieure des

 25   documents saisis à la Brigade de Zvornik, que nous avions bien l'ensemble

 26   des sites qui avaient été utilisés aux fins d'exterminer les prisonniers,

 27   dans la mesure où nous avons retrouvé tous les journaux s'agissant du

 28   nombre complet de ces journaux tenus à jour par les chauffeurs qui, à la


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  1   date du 13 juillet, ont transporté les agents de sécurité vers ce site pour

  2   évaluer quelles étaient les installations de détention et identifier les

  3   différents sites d'exécution. Nous nous sommes centrés uniquement sur les

  4   fosses communes dont nous avons obtenu -- au sujet desquelles nous avons

  5   obtenu des informations pour ce qui est de ce qui s'était passé durant les

  6   journées du 14, 15 et 16 juillet, où les gens ont été exécutés auxdits

  7   sites. Il y a eu une grande quantité d'éléments de preuve qui seront

  8   communiqués à l'accusé pendant les témoignages tant du Pr Wright que du

  9   Témoin Richard Haglund, qui a déjà témoigné d'après ce que j'ai appris,

 10   pour ce qui est de la teneur ou du contenu de ces fosses communes. Et la

 11   totalité de ces constatations établies par les équipes chargées des

 12   exhumations, les liens qui ont été établis entre -- ou les corrélations qui

 13   étaient établies entre les sites de détention, les fosses communes

 14   primaires et les fosses communes secondaires, tout ceci se trouve être

 15   réuni par un enquêteur de l'équipe de l'investigation répondant au nom de

 16   Dean Manning.

 17   Pour ce qui est des aspects militaires de l'opération, une analyse complète

 18   a été établie par un autre membre de l'équipe répondant au nom de Richard

 19   Butler, qui sera également en mesure de parler des corrélations entre les

 20   événements qui étaient de nature plus générale, pour ce qui est donc de cet

 21   environnement de combat en cours qui se produisait non loin des lieux du

 22   crime.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Merci. Avez-vous pu déterminer où les soldats musulmans morts avaient

 25   été enterrés pendant ces 14 mois, et où ceux qui avaient été tués pendant

 26   les combats de juillet 1995 avaient été enterrés ?

 27   R.  Une fois de plus, l'objectif de l'enquête n'était pas de cartographier

 28   tous les sites de fosses communes de 1992 à 1995. Notre objectif était de


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  1   nous concentrer uniquement sur les lieux de crime liés au sort des 8 000

  2   hommes portés disparus, les 11 et 12 juillet 1995.

  3   Q.  Très bien. Alors comment vous êtes-vous rendu là-bas, et qui vous a

  4   parlé de ce chiffre de 8 000 ?

  5   R.  C'est très simple. C'est un gros ouvrage de la Croix-Rouge qui établit

  6   la liste de toutes les personnes portées disparues pendant les trois années

  7   de guerre, et cet ouvrage, ce livre, on recueille le nom de 24 000

  8   personnes avec le lieu où elles ont été portées disparues. Un tiers d'entre

  9   eux ont également le lieu où on les a vus pour la dernière fois et stipule

 10   en vie à Srebrenica. Un tiers du conflit, c'est-à-dire 8 000 pour

 11   Srebrenica. J'ai appris récemment que parmi, sur les 8 000, déjà 6 000 ont

 12   été trouvés dans les fosses communes primaires et secondaires, et ces

 13   personnes ont déjà été identifiées. Il s'agit de personnes qui ont été

 14   portées disparues à Srebrenica, en 1995, et on a pu les identifier grâce à

 15   des analyses d'ADN.

 16   Q.  Merci. Est-il possible de confirmer par analyse d'ADN que ces personnes

 17   ont été tuées en juillet 1995, et est-ce que les analyses D'ADN ont pu

 18   démontrer comment ces personnes ont été tuées, c'est-à-dire pendant des

 19   combats, ou bien lors d'une exécution illicite ?

 20   R.  Dans la mesure où je ne suis pas moi-même scientifique, je ne suis pas

 21   en mesure d'expliquer à cette Chambre quelle est la précision des analyses

 22   d'ADN, mais il est certain que ça n'est pas l'ADN des personnes assassinées

 23   qui va révéler la cause de leur décès.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, j'ai oublié de dire aux

 25   parties qu'aujourd'hui, nous lèverons la séance à 13 heures 45.

 26   Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Les bonnes nouvelles sont toujours les

 28   bienvenues. Il était temps qu'on nous donne une bonne nouvelle.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Alors, Monsieur Ruez, saviez-vous qu'au plus haut de la densité de

  3   population en 1994, Srebrenica comptait 37 000 personnes, 37 000 habitants,

  4   mais avait déclaré avoir une population de 45 000 habitants pour obtenir

  5   plus d'aide et plus de ravitaillement ?

  6   R.  Bien que je n'ai pas eu la possibilité d'enquêter sur ces chiffres, le

  7   chiffre que j'aie toujours lu partout était d'environ, si je me souviens

  8   bien, d'environ 40 000 habitants dans l'enclave, mais, oui, il y avait

  9   toujours la possibilité pour obtenir plus d'aide de gonfler les chiffres.

 10   Les chiffres étaient toujours un peu imprécis et étaient souvent revus à la

 11   hausse. Mais, d'un autre côté, dans la mesure où nous savons qu'il y avait

 12   environ 25 000 personnes à Tuzla et dans ses environs après la finalisation

 13   du processus de déportation de Srebrenica, plus une colonne d'environ 15

 14   000 personnes parmi lesquelles le 5e Corps a déclaré que 6 000 -- donc 6

 15   000 de ces personnes étaient arrivées sur le territoire de Bosnie-

 16   Herzégovine, plus nous avons la Croix-Rouge qui a fait la liste d'environ 8

 17   000 personnes portées disparues. Nous arrivons plus ou moins aux chiffres

 18   que je vous ai donnés, et dans la fourchette, des chiffres que vous avez

 19   indiqués.

 20   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire que Srebrenica était un endroit où

 21   les gens, les civils -- vers un endroit vers lequel les civils -- pardon,

 22   que les civils préféraient s'enfuir de là plutôt que d'aller s'y réfugier ?

 23   Donc, en d'autres termes, en 1994, la population a dû diminuer et non pas

 24   augmenter ?

 25   R.  Du fait des conditions de vie absolument insupportables qui étaient

 26   imposées à ces gens de 1992 à 1995, le fait est que n'importe quelle

 27   personne un peu intelligente ne pouvait avoir qu'une seule intention, à

 28   moins de porter un uniforme de camouflage, donc la plupart des femmes, des


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  1   enfants, et des personnes âgées, la seule idée qu'ils avaient en tête était

  2   de s'enfuir de cet endroit. Mais cela ne change rien aux chiffres dont nous

  3   venons juste de parler. En tout cas, pas de façon significative. Les

  4   chiffres dont je vous ai parlé sont les chiffres de juillet 1995, et tout

  5   ce qui s'est passé avant, même si cela peut être intéressant pour brosser

  6   le tableau, entre guillemets, tout cela ne fait partie de mon enquête.

  7   Q.  Merci. Toutefois, ce que j'essaie d'établir, en fait, c'est mon

  8   argumentation c'est que, pendant l'année 1994, la population a augmenté. Il

  9   y avait beaucoup plus de gens qu'en juillet 1995 où la population s'élevait

 10   à 37 000. Donc saviez-vous que plusieurs milliers avaient pu quitter la

 11   ville, millier de personnes avaient pu quitter la ville, certains avec le

 12   Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, et d'autres avaient

 13   simplement quitté la ville pour Zepa, la Serbie, et la Bosnie ? Le saviez-

 14   vous ?

 15   R.  Oui, je le savais. Je ne connais pas les chiffres. Vous parlez de

 16   plusieurs milliers. Je ne peux ni confirmer ni infirmer ce que vous dites.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, on nous a dit à

 19   plusieurs reprises que plusieurs personnes étaient parties avec le Haut-

 20   commissariat des Nations Unies en 1993, et non pas en 1994.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en effet en 1993.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Ma théorie est que les gens partaient constamment et voulaient partir

 25   constamment pendant toute la période. Je ne sais pas si vous en avez

 26   entendu parler; sinon, je vous montrerais les documents.

 27   Moi, ce que je prétends, c'est que la population ne pouvait pas être

 28   supérieure à celle de juillet 1994; en convenez-vous ?


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  1   R.  Très franchement, cela m'importe peu. La seule chose qui m'importe

  2   c'est ce qui s'est arrivé aux 8 000 personnes portées disparues. Pour le

  3   reste - je le répète, je le répète encore et encore - le reste ne fait

  4   partie de l'enquête.

  5   Q.  Monsieur Ruez, je ne suis pas d'accord avec ce chiffre de 8 000, et

  6   j'essaie de prouver le contraire. Saviez-vous que dans ce prétoire des

  7   commandants d'un Bataillon néerlandais ont confirmé qu'il y avait 20 000

  8   personnes à Potocari, alors que 13 à 15 000 étaient dans les forêts et

  9   s'enfuyaient vers Tuzla ? Vous devez en être conscient.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Pourrais-je avoir une cote concernant cette

 12   déclaration du commandant du Bataillon néerlandais à propos des 20 000

 13   personnes à Potocari ? Est-ce qu'on en a entendu parler ici ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais plus. Qu'a dit M. Franken

 15   concernant le nombre de réfugiés à Potocari, Monsieur Mitchell ?

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Je n'ai pas le chiffre en tête, et c'est

 17   pourquoi je posais la question. J'aimerais avoir la cote concernant cette

 18   citation.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'était dans un document.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Dans ce cas, poursuivez, Monsieur

 22   Ruez. Merci.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le président Karadzic, nous ne sommes

 24   pas en désaccord concernant ces chiffres. Nous ne sommes en désaccord. Le

 25   major Franken a pu évaluer une foule qui était assez difficile, il était

 26   difficile d'évaluer le nombre de personnes puisqu'elles se trouvaient à

 27   l'extérieur dans des bâtiments, et cetera, donc c'est une tâche assez

 28   difficile que d'évaluer un nombre de personnes. Ce qui est certain, c'est


Page 23998

  1   que 25 000 personnes se sont retrouvées dans des camps de réfugiés à Tuzla

  2   et aux alentours. Le chiffre d'environ 15 000 personnes dans les colonnes

  3   correspond également à une évaluation, personne ne les a comptés un par un.

  4   Mais si, dans cette colonne de 15 000 personnes, 6 000 membres de la 28e

  5   Division, qui se trouvaient en tête, et qui a percé la ligne de Konjevici,

  6   avaient réussi à arriver en vie dépit des combats à Tuzla. C'est vous qui

  7   avez le chiffre; moi, je ne suis pas là pour confirmer ce chiffre de 8 000.

  8   Vous devrez vous tourner vers la Croix-Rouge qui a établi cette liste de 8

  9   000 personnes. Le seul élément important pour l'enquête c'est la liste de

 10   noms et le lieu où ces personnes ont disparu, et cette liste s'est avérée

 11   très utile puisqu'elle a permis d'identifier deux personnes, et une fois

 12   que ces personnes ont été identifiées par des analyses d'ADN dans ces

 13   charniers, nous avons pu prélever des échantillons auprès notamment, auprès

 14   des personnes qui ont vu ces victimes pour la dernière fois, c'est-à-dire

 15   dernière personne l'ayant vu en vie. Donc nous avons pu faire des

 16   recoupements avec la liste, par exemple. Si c'était moi, on pouvait dire

 17   j'étais, par exemple, dans une usine à tel endroit avec Ramo, Ramo était

 18   sur le point de monter dans le bus et a été séparé du reste du groupe. Là,

 19   j'invente, c'est un exemple. Mais c'est comme cela que nous avons fait des

 20   recoupements entre les personnes en vie et cette chair qui était en

 21   putréfaction dans le charnier.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que M. Mitchell s'est levé.

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais revenir

 24   sur ce point, car une fois de plus, quelque chose d'incorrect ou d'inexact

 25   a été déclaré devant le témoin.

 26   Ce que M. Franken a dit c'est qu'il y avait plus de 20 000 personnes

 27   dans l'enceinte ou autour de l'enceinte.

 28   Transcription 23162.


Page 23999

  1   Ensuite le colonel Franken a dit :

  2   "Je ne sais pas comment on a atteint ce chiffre de 20 000. Les estimations

  3   sont toujours des estimations, et jamais précises."

  4   Donc pourrait-on être précis lorsqu'on cite les déclarations -- les

  5   dépositions de témoins, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je remercie, Monsieur Mitchell. C'était un

  8   document sur un document contemporain des Nations Unies, créé en juillet

  9   1995. Ce document mentionne un chiffre de plus de 20 000 personnes, et les

 10   estimations de l'époque étaient plus précises qu'aujourd'hui, alors que

 11   beaucoup de temps s'est écoulé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez dit que le

 13   commandant du Bataillon néerlandais avait confirmé qu'il y avait 20 000

 14   personnes. Donc soyez précis. Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il a confirmé que cela

 16   était écrit dans un document. Il a dit -- il a ajouté quelque chose, mais

 17   il -- je lui ai montré le document qui portait ce chiffre de 20 000,

 18   c'était un document de l'époque.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A ce moment-là, parlez du document des

 20   Nations Unies, et non pas du commandant. Veuillez poursuivre, Monsieur

 21   Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que nous voyons le document 65 ter

 23   20596.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Avez-vous été entendu par une commission parlementaire en France, le 22

 26   février 2001 ?

 27   R.  Oui, on m'a demandé de témoigner. C'était une mission courante

 28   d'information de la part du ministère de la Défense et du ministère des


Page 24000

  1   Affaires étrangères du parlement français, l'assemblée générale.

  2   Q.  Pourrait-on visualiser ce document, s'il vous plaît, nous n'avons plus

  3   besoin de la carte.

  4   Nous avons le texte qui dit :

  5   "Nous voulons vous rappeler les faits."

  6   C'est ce que vous dites à la ligne 2, après les événements de juillet 1995.

  7   C'est sur cela que portait cet entretien, n'est-ce pas ?

  8   R.  L'interrogatoire ou l'entretien portait effectivement sur la

  9   reconstitution des faits.

 10   Q.  Pourrait-on visualiser la page 3, s'il vous plaît ? Au paragraphe 2,

 11   vous dites, en ligne 4 :

 12   "En fait, il y avait de petites exécutions ou petits groupes ou exécution

 13   individuelle dans cette zone."

 14   Avez-vous pu déterminer quand cela a commencé, et comment ces exécutions

 15   ont eu lieu ? Etait-ce une conséquence de tuerie mutuelle par rapport à ce

 16   qui s'est passé avant ?

 17   R.  Paragraphe 2, ligne 4, je ne vois pas cette ligne.

 18   Q.  Ligne 5.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous l'avez trouvé ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Oui, absolument, oui, oui. Nous

 21   n'avons pas examiné, c'est entre guillemets, exécution à petite échelle,

 22   puisque cette partie de l'affaire ne faisait pas partie des chefs

 23   d'accusation contre M. Karadzic, qui n'était pas considéré comme

 24   responsabilité pour ces petites exécutions à petite échelle dans cette

 25   région.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Merci. Mais comment avez-vous interprété ces exécutions à petite

 28   échelle ?


Page 24001

  1   R.  Je ne souhaite pas spéculer sur les raisons pour lesquelles des gens

  2   ont été assassinés à cet endroit. Si vous me dites que c'est par vengeance

  3   suite à d'autres tueries, vous avez peut-être raison quant aux motivations

  4   des meurtriers. C'est peut-être effectivement la vengeance qui les a

  5   motivés.

  6   Q.  Merci. Un peu plus loin vous dites que le 14 juillet, au matin, le

  7   premier centre de détention, un hangar -- dans un hangar, une cinquante de

  8   personnes ont été tuées à l'arme blanche, et que l'hangar a été évacué.

  9   Est-ce que vous parlez de Kravica ? Est-ce que vous parlez du hangar de

 10   Kravica --

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   Q.  Le second paragraphe porte sur le 13 juillet.

 13   R.  De quel paragraphe parlez-vous et à quelle ligne ?

 14   Q.  Au deuxième paragraphe, ligne 2.

 15   R.  Oui. Il s'agit, effectivement, du hangar de Kravica.

 16   Q.  Est-ce que c'était exactement comme vous l'avez indiqué ici ?

 17   R.  J'aurais pu être plus précis, mais ça n'était pas l'objectif de cette

 18   présentation. L'exécution au hangar de Kravica n'a pas eu lieu en une seule

 19   fois. C'était beaucoup plus compliqué que cela, si je puis dire. La

 20   première exécution dans la partie occidentale a eu lieu en plusieurs fois.

 21   Vous avez ou vous entendrez les témoignages des survivants. C'est pour cela

 22   qu'il était important de déterminer quand le colonel Borovcanin et le

 23   journaliste, Zoran Petrovic, étaient arrivés sur place car l'exécution

 24   était encore en cours, et a eu lieu en plusieurs fois. Ils ont même appelé

 25   les survivants à l'intérieur, pour leur dire que la Croix-Rouge venait

 26   d'arriver et était présente, et ceux qui étaient encore en vie ont été

 27   invités à sortir, et ils entendaient encore des tirs. Donc ça a été un

 28   processus long, plus long que ce que j'ai décrit ici dans ces deux lignes,


Page 24002

  1   parce que ce n'est qu'après que toutes les personnes exécutées dans la

  2   partie ouest étaient considérées comme mortes que les tireurs ont exécuté

  3   les prisonniers de l'autre côté. Pendant qu'ils tuaient les personnes dans

  4   une partie du hangar, ils disaient aux autres qu'ils étaient attaqués de la

  5   colline de façon à ce qu'ils restent calme, et ce, de façon à les garder

  6   tranquille jusqu'à ce qu'on les assassine à leur tour.

  7   Mais je n'ai pas donné tous ces détails à ce moment-là, mais je peux donner

  8   plus de détails pendant votre contre-interrogatoire, en tout cas plus que

  9   je n'ai donné de détails pendant l'interrogatoire principal.

 10   Q.  Est-ce que vous savez qu'il y avait très peu de gardes, et que

 11   l'atmosphère était plutôt détenue, et que les prisonniers sont allés voir

 12   un garde, par exemple, pour lui allumer sa cigarette et ce faisant il lui a

 13   pris son fusil, il a tué le garde et il a commencé à tirer autour de lui ?

 14   Est-ce que vous connaissance de cela ? Avez-vous entendu parler de cet

 15   événement-là ?

 16   R.  J'ai entendu parler d'un incident, en effet, dans lequel un prisonnier

 17   avait attrapé le fusil d'un garde dont il s'est saisi, et il se peut que

 18   cela soit vrai. Je pense qu'aussi un gardien a eu la main brûlée à cause de

 19   son arme. Mais quoi qu'il en soit, suite à la description que j'ai faite

 20   tout à l'heure de la méthode utilisée dans ce massacre qui a eu lieu dans

 21   cet entrepôt, quand bien même cet incident aurait-il eu lieu et qu'il y a

 22   peut-être eu un épisode de panique qui expliquerait que plusieurs autres

 23   prisonniers auraient été victimes collatérales lors de cet incident au

 24   moment où le prisonnier rebelle se serait emparé de l'arme, en aucun cas

 25   cela pourrait-il expliquer le fait de tuer systématiquement tous les

 26   prisonniers aussi bien du côté est que du côté ouest de cet entrepôt

 27   sachant que la tuerie ne s'est arrêtée que lorsque les perpétrateurs [comme

 28   interprété] se sont assurés que personne n'avait survécu à leur activité.


Page 24003

  1   Q.  Monsieur Ruez, avec tout le respect que je vous dois, je pense qu'il

  2   faut laisser un petit peu de travail à la Chambre de première instance.

  3   C'est aux Juges de se faire une idée. Essayons d'établir les choses telles

  4   qu'elles ont eu lieu. Est-il exact de dire que, dès que l'entrepôt était

  5   plein, les Serbes ont commencé à tirer, ou est-ce que c'est comme je l'ai

  6   décrit, c'est-à-dire l'atmosphère détendue ? Qu'un prisonnier est allé voir

  7   un gardien, qu'il s'est saisi de son fusil et qu'il a commencé à tirer et

  8   que cet incident est la cause de ce qui s'est passé après. J'ai besoin que

  9   vous me disiez pour la Chambre de première instance que c'est bien cela

 10   l'enchaînement des événements que vous avez déterminés ce jour-là.

 11   R.  Ce n'est pas du tout comme cela que les choses se sont enchaînées, ce

 12   n'est pas ce que j'ai entendu. Nous savons qu'il n'y a que deux survivants

 13   de ce massacre qui a eu lieu à l'entrepôt de Kravica. Je ne vais pas parler

 14   en leur nom parce que je suis persuadé qu'ils pourront expliquer leur

 15   situation eux-mêmes au Tribunal, mais je n'ai jamais entendu ces personnes

 16   dire qu'ils avaient eu le sentiment d'avoir été invités pour prendre le thé

 17   à l'entrepôt de Kravica. Donc si vous dites que l'ambiance était détenue.

 18   Je pense que c'est votre avis, et je laisse cela sous votre

 19   responsabilité.

 20   Q.  Monsieur Ruez, est-ce que vous savez que Kravica c'est l'endroit où les

 21   Serbes ont été massacrés le 7 janvier 1993, au moment de Noël orthodoxe, et

 22   que cet événement-là a aussi joué un rôle sur le déroulement général des

 23   choses ? Est-ce que vous avez connaissance de cela ?

 24   R.  Oui, j'ai connaissance de l'attaque qui a eu lieu et qui a parti de

 25   l'intérieur de l'enclave au moment du Noël orthodoxe, attaque sur le

 26   village de Kravica. C'est aussi une raison qui fait que, lorsque nous nous

 27   sommes rendus à l'entrepôt de Kravica, l'une des missions que nous avons

 28   effectuées, nous nous sommes également rendus dans le village de Kravica,


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  1   dans la mesure où il pouvait y avoir des doutes quant à l'utilisation d'un

  2   bâtiment, une sorte de hangar au sein du village de Kravica, et qui aurait

  3   pu servir à des lieux d'exécution. Bien que cette structure, comme

  4   d'ailleurs un grand nombre d'autres maisons à l'intérieur de Kravica avait

  5   subi de nombreux dégâts, de ce fait, nous n'avons pas pu trouver d'éléments

  6   pour prouver que l'entrepôt qui se trouvait au sein du village de Kravica

  7   aurait été utilisé pour exécuter des gens.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ni vous ni moi ne

  9   devrais justifier les choses ou essayer de les établir ? Penchons-nous sur

 10   la chose suivante : Est-ce que vous acceptez le fait que ce qui a causé

 11   cette fusillade c'est l'événement que je décris ?

 12   R.  Non, je n'accepte pas cette argumentation, parce que même si on peut

 13   confirmer véritablement cet événement, si l'on ne change aucunement la

 14   réalité de la situation et de ce qui s'est passé en ce lieu, à savoir

 15   l'exécution systématique de chaque homme qui se trouvait au sein de cet

 16   entrepôt.

 17   Q.  C'est justement cela que nous devons laisser à la Chambre le soin de

 18   trancher.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le témoin vous a

 20   donné son avis puisque vous lui avez demandé quel était son avis.

 21   Avançons, s'il vous plaît.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne lui demande pas son avis sur l'événement

 23   en question. Je lui demande si cela s'est réellement produit, et si c'est

 24   cela, qui a été l'étincelle qui a causé l'événement, à savoir le fait

 25   qu'une arme avait été saisie par un prisonnier.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons entendu parler de cet

 27   événement, que ce soit l'événement déclencheur ou non, vous demandez au

 28   témoin quel est son avis, Monsieur Karadzic.


Page 24005

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Ruez, vous avez déclaré ici que c'est le 13 que la tuerie a eu

  3   lieu à Cerska. Ceci dit, cela ne découle pas de cet entretien. Je pense que

  4   cela a eu lieu plus tard, n'est-ce pas, le 14 ?

  5   R.  Non. Alors l'entretien de témoins qui se trouvaient au-dessus de la

  6   colline, les témoins étaient en haut de la colline lorsqu'il y avait les

  7   trois bus escortés par un APC, devant et à l'arrière du petit convoi.

  8   Ensuite -- ensuite quand il a vu l'excavateur rentré dans la vallée,

  9   c'était le 13, et celui qui a réussi à passer dans la zone, et qui a vu une

 10   marre de sang, là, c'était la nuit entre le 13 et le 14. Donc cette

 11   exécution a eu lieu le 13 juillet.

 12   Q.  Quand sont-ils partis de Bratunac ? Est-ce que vous avez pu déterminer

 13   cela ?

 14   R.  A mon sens, ils ne sont pas du tout partis de Bratunac. Ce sont des

 15   gens qui venaient soit du terrain de football ou du 6e Régiment -- 65e

 16   Régiment de Protection. Donc, sur la photographie, on voit le 65e Régiment

 17   de Protection et on voit qu'il y a trois bus sur la photo. Je ne dis pas

 18   que ce sont là les trois bus dont nous parlons dans la vallée de Cerska,

 19   mais cela nous indique, au moins les bus s'y trouvaient pour emmener peut-

 20   être à Kladanj, les prisonniers qui se trouvaient au sein de la concession

 21   du régiment du 65e Régiment. Alors je ne dis pas qu'ils venaient de

 22   Bratunac, mais les personnes qui se trouvaient à Cerska, mais c'est une

 23   possibilité, je ne sais pas.

 24   Q.  Mais est-ce que nous pourrons déterminer qui était cette personne ? Cet

 25   homme a vu des bus, mais il n'a pas vu d'exécution, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, comme je l'ai expliqué lorsque nous avons passé en cette scène de

 27   crime, le témoin n'a pas pu voir l'exécution. L'exhumation a montré 150

 28   corps, dont les mains étaient attachées dans le dos et parfois même avec


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  1   les pieds attachés. Ce sont des personnes qui n'étaient pas des pertes de

  2   combat, c'est sûr.

  3   Q.  Alors, à la page 4, voyez ce que vous dites un petit peu plus loin.

  4   Donc le même jour, le 14, un bus avec 150 personnes à bord est arrivé, et

  5   puis il y a eu l'excavateur le 14, et l'évacuation s'est poursuivie pendant

  6   la journée du 15 juillet. Si nous faisons référence de Pilica, et cetera.

  7   Au cinquième paragraphe vous dites :

  8   "Néanmoins, les choses n'ont pas commencé avant le 16 juillet, c'est-à-dire

  9   le lendemain."

 10   Est-ce exact --  les exécutions n'ont pas commencé ce jour-là, et on a

 11   commencé que le lendemain; est-ce exact ?

 12   R.  Oui, tout à fait. En fait, il y avait énormément de monde à Bratunac.

 13   Il y avait tant de personnes que cela a pris deux jours pour les évacuer

 14   tous. Le 14 juillet, c'est l'exécution qui a eu lieu à Orahovac et dans la

 15   zone et le barrage à Karakaj. Le 15, c'est l'exécution à Rocevic, sur le

 16   site de Kozluk. Le 16, c'est l'exécution qui a eu lieu à l'école de Kula et

 17   à l'exploitation de Branjevo ainsi que l'exécution à Pilica Dom.

 18   Q.  Vous dites ici qu'environ 1 200 personnes ont été tuées; est-ce exact ?

 19   Il s'agit du paragraphe qui se trouve au milieu de la page, entre 10 h et

 20   15 h, à Branjevo, et ensuite vous parlez de ce Peloton d'exécution, et que

 21   "le nombre de personnes exécutés estimé est donc d'environ 1 200

 22   personnes;" est-ce exact ?

 23   R.  Oui, tout à fait exact. La personne qui nous donne cette évaluation de

 24   1 200 personnes dans la ferme de Branjevo est Drazen Erdemovic.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu plus objectif mais

 26   partial que ça devrait dire Drazen Eredemovic ? Est-ce que vous pouvez

 27   peut-être aborder la chose de manière plus scientifique, si cela vous est

 28   possible ?


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  1   R.  Tout à fait. Sachant que 1 200 personnes environ ont été tuées dans la

  2   ferme de Branjevo, que les chiffres des personnes massacrées à Pilica Dom

  3   étaient évalués par l'officier de sécurité et s'élèvent à quelque 500

  4   personnes, nous arrivons à 1 700 personnes tuées, et la seule raison --

  5   enfin, la seule possibilité d'arriver à une évaluation scientifique de ces

  6   chiffres consiste à faire l'addition du nombre de corps qui sont restés

  7   dans la ferme de Branjevo, et de rajouter ce nombre aux neuf charniers

  8   secondaires de la vallée de Cancari qui sont liés et corrélés par diverses

  9   modalités scientifiques à celui de Branjevo, et de faire l'addition ce qui

 10   vous donne un nombre précis de deux personnes qui ont été exécutées.

 11   Alors je ne sais pas encore si le processus d'exhumation des

 12   charniers secondaires est maintenant terminé, mais si tel est le cas, vous

 13   disposerez d'une évaluation parfaitement scientifique de la chose que nous

 14   appelons tous [inaudible]. Faute de cela, nous aurons une fourchette mais

 15   la chose est encore en cours.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le moment est

 17   venu est de faire la pause, si cela vous convient.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, absolument.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous faisons une pause de 20 minutes et

 20   nous reprendrons à 10 heures 40.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 19.

 22   --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic. Veuillez

 24   continuer, je vous prie.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je vous prie de prêter attention à la suite. Cette interview est datée

 28   du 22 févier 2000; c'est bien cela ?


Page 24008

  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  J'aimerais qu'on nous montre la page 5, s'il vous plaît. Penchez-vous

  3   sur le cinquième paragraphe à compter du haut. On dit :

  4   "Le nombre minimum d'individus exhumés à ce jour ce chiffre à 2 028. C'est

  5   un chiffre réduit de beaucoup, et il s'agit du minimum d'individus qui ont

  6   été définis par les pathologistes pendant les autopsies.Il sera possible de

  7   rendre ce chiffre plus précis lorsque la totalité des exhumations aura été

  8   complétée et le chiffre sera certainement plus grand."

  9   Aujourd'hui, vous nous avez dit que, si ce n'était pas confirmé, et que

 10   c'était ce chiffre-là, alors, en 2001, vous avez exhumé un total de 2 028;

 11   c'est bien cela ?

 12   R.  C'est absolument exact.

 13   Q.  Merci. Donc est-ce que, dans le cadre de ce chiffre ou de ce nombre

 14   d'exhumés, vous avez fait distinguo entre ceux qui ont été tués au combat

 15   au mois de juillet 1995 et les autres ?

 16   R.  Aucune des personnes qui ont été exhumées dans ces fosses en

 17   corrélation avec les sites de détention où on a amené des prisonniers de

 18   Bratunac et qu'on a enterrées là n'a rien à voir avec des combattants.

 19   C'étaient tous des prisonniers. Et nous sommes actuellement en 2012. C'est

 20   la raison pour laquelle le chiffre a été augmenté de façon considérable, et

 21   entre ces dix ou 11 ans qui sont passés, les identifications par l'ADN ont

 22   été effectuées. Malheureusement, à ce jour, je sais que le processus

 23   d'exhumation complet n'a pas été effectué, hélas.

 24   Q.  Toutefois, vous avez confirmé tout à l'heure que le fait que les ADN ne

 25   nous disent ni le moment du décès ni les modalités du décès. Le fait

 26   d'avoir procédé à des analyses ADN ça ne nous dit pas si ce sont des gens

 27   qui ont été tués au combat ou si c'était des gens qui ont été exécutés. Je

 28   ne parle pas des gens qui avaient les mains ligotées. Comment avez-vous


Page 24009

  1   déterminé que tous ces gens n'avaient rien eu à voir avec des combats ?

  2   R.  En effet, les identifications par ADN ne nous fournissent pas

  3   d'information au sujet des causes du décès. Il n'en demeure pas moins, que

  4   cette partie-là de l'enquête a été faite à d'autres points de vue où des

  5   reconstructions des faits ont été effectuées pour ce qui est des lieux de

  6   détention à Bratunac et pour ce qui est des lieux de détention dans le

  7   secteur nord, pour ce qui est de tous ces gens dans les fosses, c'étaient

  8   des personnes qui s'étaient trouvées dans différents sites de détention.

  9   Les analyses au niveau des charniers, qui nous fournissent, seront

 10   détaillées par Dean Manning, et là, vous allez avoir une image très claire

 11   et fort détaillée de ce processus au pas la pas, depuis la surface de la

 12   fosse commune jusqu'à l'intérieur de la fosse et jusqu'aux fosses

 13   secondaires.

 14   Q.  Merci. Où a-t-on enterré donc ceux qui sont tombés au combat pendant le

 15   mois de juillet 1995 ?

 16   R.  Ça je ne le sais pas. Je répète que nous n'avons pas cherché à

 17   retrouver les victimes des combats, nous nous sommes efforcés d'identifier

 18   les sites où les personnes ont été détenues, et les sites d'exécution à

 19   proximité, puis les endroits où tous ces prisonniers ont été enterrés et

 20   réenterrés.

 21   Q.  Mais, d'après vos connaissances, combien y en a-t-il eu à avoir été

 22   tués pendant les combats qui se sont déroulés pendant ces quelques

 23   journées-là du mois de juillet 1995 ?

 24   R.  Pour savoir ceci avec précision, il faudrait que nous procédions à un

 25   nouveau processus d'exhumation pour ce qui est d'établir les sites qui ont

 26   une corrélation quelconque avec l'assassinat des prisonniers et retirer ce

 27   chiffre du total qui a été donné par le CICR comme étant des personnes

 28   disparues. Ça nous donnerait une indication pour ce qui est des personnes


Page 24010

  1   où la cause du décès est inconnue. Cette cause inconnue serait alors prise

  2   en considération, bien que cela ne soit pas nécessairement forcément le

  3   cas, comme étant des personnes ayant perdu la vie au combat.

  4   Q.  Merci. Avez-vous vu cette liste de la Croix-Rouge internationale, à

  5   savoir la liste des personnes qui sont arrivées à Tuzla ?

  6   R.  Non. Je suis en train de parler de la liste du CICR pour ce qui est des

  7   personnes disparues en ex-Yougoslavie.

  8   Q.  Mais vous avez mentionné le fait que le CICR avait déterminé le nombre

  9   des personnes arrivées à Tuzla, il y en est arrivé 25 000 à Tuzla. Ça vous

 10   l'avez dit et redit aujourd'hui même.

 11   R.  Ces 25 000 ce n'est pas nécessairement une évaluation faite par la

 12   Croix-Rouge. C'est une évaluation qui a été faite au sujet de personnes qui

 13   s'étaient trouvées à l'intérieur de camps de réfugiés dans Tuzla et dans

 14   les environs de Tuzla.

 15   Q.  Donc ce n'est pas un renseignement précis et fiable pour ce qui est de

 16   ce qu'a dit la Croix-Rouge, au sujet de ces 25 000 seulement ? C'est une

 17   évaluation qui a été faite pour ce qui est du nombre des personnes ayant

 18   été accueillies dans des camps de réfugiés; c'est bien exact ?

 19   R.  Non. Je ne me souviens pas de façon précise de la source s'agissant des

 20   réfugiés qui se sont trouvés dans et autour de Tuzla. Il se peut que ce

 21   soit aussi la Croix-Rouge. Il se peut aussi que ça ait été les Nations

 22   Unies qui étaient là-bas. Il se peut aussi que cela ait été une évaluation

 23   faite par les autorités bosniennes, il convient aussi d'ajouter le fait,

 24   comme je l'ai dit, qu'il y a eu 6 000 personnes qui est un chiffre avancé

 25   par le 5e Corps de la Bosnie-Herzégovine pour ce qui est du nombre des

 26   effectifs de la 28e Division qui ont réussi à se frayer un passage jusqu'à

 27   Nezuk.

 28   Q.  Mais est-ce que vous pensez ou est-ce que vous avez des renseignements


Page 24011

  1   qui diraient que la totalité des réfugiés était installée dans des camps

  2   autour de Tuzla, n'y en a-t-il pas eu qui d'autres qui se sont vu

  3   accueillis par les membres de leurs familles, des gens qui ont été donc

  4   reçu dans des foyers privés ?

  5   R.  Ça peut fort bien être le cas, mais une fois de plus, je trouve

  6   nécessaire de me centrer sur le fait que le seul chiffre qui était

  7   réellement important pour notre enquête c'est le chiffre qui se trouvait

  8   sur la liste du CICR comme étant la listes des personnes disparues de

  9   Srebrenica en juillet 1995. C'est le chiffre de quelque 8 000 personnes.

 10   Q.  Mais, moi, je le conteste, Monsieur. Il n'y a aucune modalité de le

 11   confirmer cela. Voyons un peu ce que le 2e Corps a communiqué comme

 12   information le 16 juillet. J'ai besoin du D1998.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse auprès de M. Mitchell, je lui avais

 14   annoncé une autre référence. Mais c'est, en réalité, le D1998 que je

 15   voudrais qu'on nous montre au prétoire électronique, et on reviendra tout à

 16   l'heure vers ce document-ci, une fois de plus.

 17   La page suivante, s'il vous plaît. Non, on peut descendre un peu pour

 18   qu'on voie mieux de quoi il s'agit. Il s'agit de l'état-major de l'armée de

 19   Bosnie-Herzégovine, administration de la sûreté militaire, bulletin

 20   officiel daté du 17 juillet.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je pense que nous avons déjà

 22   bénéficié de la traduction, et c'est la raison pour laquelle c'est versé au

 23   dossier. Ce n'est pas versé au dossier avec une cote à des fins

 24   d'identification, et nous avions compris que la traduction anglaise serait

 25   téléchargée par les soins de la Défense, or je ne vois pas de traduction

 26   anglaise qui se trouverait téléchargée dans le dossier.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je pense que c'est le cas. On va vérifier

 28   cela.


Page 24012

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Or, si ce n'est pas le cas, c'est une

  2   erreur de faite par la Défense, la faute à la Défense. Je crois que

  3   l'Accusation avait proposé une version anglaise du document, à l'époque, je

  4   veux dire. Mais, entre-temps, veuillez continuer ou en attendant passez à

  5   autre chose, le temps que le greffe ou le Procureur nous apporte une

  6   assistance pour ce qui est de la traduction anglaise.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, alors revenons au document de tout à

  8   l'heure, 20596, s'il vous plaît.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Voyons ce qui en est du texte en bas de la page, s'il vous plaît. Vous

 11   répondez, n'est-ce pas, que le 11 juillet 1995, j'en donne lecture en

 12   anglais pour que ce soit mieux traduit ?

 13   "Tous les leaders de la direction militaire et civile de l'enclave se

 14   sont rendus compte que l'enclave allait tomber. La population a pris la

 15   décision de partir en deux directions. Tous les hommes valides - et c'était

 16   la plupart d'entre eux - se sont rassemblés dans un secteur de l'enclave,

 17   et dans la nuit du 11 au 12 juillet, ont commencé à quitter l'enclave, et

 18   ce, dans une colonne en file indienne, ils ont traversé le champ de mine" -

 19   tournez la page, s'il vous plaît - "pour prendre la route de Bratunac,

 20   Konjevic Polje, et puis de remonter vers la vallée de la Cerska et de

 21   prendre la fuite dans cette direction-là."

 22   Donc, d'après vos informations, pratiquement tous les hommes valides,

 23   tous les hommes aptes à combattre sont partis en essayant d'opérer cette

 24   percée; c'est bien cela ?

 25   R.  Oui, c'est ce que j'ai déjà expliqué pendant l'interrogatoire

 26   principal.

 27   Q.  Merci. Cette deuxième direction que vous citez ici, cette deuxième

 28   direction concerne les civils, les femmes, les enfants, les personnes


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  1   âgées, qui, eux, ont décidé de se rendre à Potocari; c'est bien cela ?

  2   R.  Oui, mais on se rend bien compte que lorsqu'on dépose devant

  3   l'assemblée, on n'est pas capable de donner tous les détails comme cela est

  4   le cas dans un prétoire. Il faut savoir qu'il y avait des hommes valides

  5   également à Potocari. On peut même les voir lorsqu'on regarde les vidéos

  6   qui ont été enregistrés, ce jour-là, à Potocari. Les vidéos de Zoran

  7   Petrovic, et aussi l'on voit les hommes que l'on a acheminés vers les

  8   autocars, depuis la "maison blanche." Donc il y avait aussi un certain

  9   nombre d'hommes valides qui ont été emmenés de Potocari à Bratunac, par la

 10   suite, les 12 et 13.

 11   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons reprendre la page 5, maintenant, s'il

 12   vous plaît ? Ici, vous dites, et je cite l'avant-dernier paragraphe,

 13   l'avant-dernière phrase :

 14   "A la fin, il s'agit probablement de plus de 4 000 personnes pour

 15   lesquelles nous serons en mesure de dire qu'on les a exécutées de sang-

 16   froid dans le cadre de cette procédure organisée systématique."

 17   Par conséquent, j'aimerais savoir si ces 2 028, d'après vous, sont des

 18   victimes d'exécution et que c'est un fait établi, et que vous avez estimé

 19   le chiffre comme étant celui-là.

 20   R.  Le chiffre de 2 028, cela correspond à ceux qui ont été exhumés, et

 21   ceux pendant les exhumations qui ont eu lieu avant 2001. Le processus

 22   d'exhumation n'était pas terminé, à ce moment-là, en 2001, on était certain

 23   que ce chiffre allait augmenter de manière considérable. Mais puisque la

 24   presse n'arrêtait pas de parler de 8 000 personnes tuées, même si on ne

 25   savait pas si ce chiffre était réel, réaliste, on ne pouvait pas le savoir

 26   tant que les exhumations n'auraient pas terminé et que le chiffre final

 27   n'aurait pas été déterminé grâce aux exhumations, eh bien, j'ai utilisé ce

 28   chiffre de 4 000 comme considérant qu'au bas mot, c'était le chiffre qui


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  1   serait atteint mais on voit maintenant que c'était vraiment au bas mot

  2   puisque nous avons déjà 6 000 personnes d'identifiées grâce aux

  3   échantillons de l'ADN, et le processus d'exhumation n'est pas encore

  4   terminé, et sur la liste des personnes portées disparues depuis juillet

  5   1995, de Srebrenica, nous avons ces noms-là.

  6   Q.  Vous estimez que ces gens-là sont des victimes d'exécution, ces 6 000

  7   dont l'identification était faite par l'ADN ?

  8   R.  Tous ceux dont les restes proviennent des fosses d'origine et des

  9   fosses secondaires ont été effectivement tués.

 10   Q.  Nous allons vous démontrer qu'il n'en est pas ainsi. Prenons la page 6

 11   maintenant, s'il vous plaît. Vous dites en haut de la page :

 12   "Il y a tous ceux qui sont tombés au combat et tous ceux qui ont commis le

 13   suicide, qu'il faut tenir compte uniquement du chiffre de ceux qui ont été

 14   arrêtés, détenus, transférés, et exécutés, et que ce chiffre atteindra

 15   probablement 4 à 5 000 personnes une fois que toutes les exhumations

 16   auraient été faites."

 17   Dès la page suivante, donc vous augmentez le chiffre, vous parlez de 5 000.

 18   Mais est-ce que vous savez combien parmi ces 6 000 sont décédés avant le

 19   mois de juillet 1995, et ce, à différents endroits ?

 20   R.  Là encore, ceux dont les restes ont été trouvés dans les fosses

 21   d'origine, et les fosses secondaires liées aux fosses d'origine, ils ont

 22   tous été placés en détention à un moment ou un autre à Bratunac, dans le

 23   secteur nord, et tous ces individus-là n'ont pas perdu la vie au combat.

 24   Ils ont fait l'objet du processus d'extermination.

 25   Q.  Nous allons voir ce que les Musulmans eux-mêmes en disent. Nous allons

 26   y venir aujourd'hui. Donc, prenons le troisième paragraphe :

 27   "Un autre point important est que j'ai entendu dire que les paramilitaires

 28   ont pris part à ces événements. En fait, Arkan n'a pas pris part à


Page 24015

  1   l'opération."

  2   Je voulais savoir si vous avez pu déterminer de quel groupe de

  3   paramilitaires il s'agit, qui aurait circulé dans les parages à ce moment-

  4   là.

  5   R.  Oui. Je fais ce commentaire sur Arkan, parce qu'un observateur des

  6   Nations Unies, qui a été en mission, à un moment donné, au champ de

  7   bataille en Croatie, a vu des hommes à Arkan en uniforme noir, et il a

  8   pensé que, lorsqu'il a vu le début de l'attaque, lorsqu'il a vu le 10e

  9   Détachement de Sabotage lancer son attaque, des hommes en noir, il a pensé

 10   que ces hommes en noir étaient des hommes d'Arkan alors que, maintenant,

 11   nous savons que c'était des membres du 10e Détachement de Sabotage, à

 12   savoir d'une unité régulière de l'armée serbe de Bosnie, et non pas de

 13   paramilitaires venus de Serbie.

 14   Un des assassins originaire de Bratunac, qui a pris part aux exécutions à

 15   la ferme de Branjevo, même s'il était natif de Bratunac, faisait partie

 16   d'une unité paramilitaire de Bijeljina, et en fait, s'est trouvé en

 17   permission à Bratunac pendant la chute de l'enclave, et il s'est porté

 18   volontaire pour participer aux exécutions.

 19   Donc il ne s'agissait pas d'une opération menée par des paramilitaires. Ce

 20   sont les unités du Corps de la Drina qui ont pris part au processus

 21   d'exécution.

 22   Q.  Je vous remercie. Je voudrais que l'on examine la page 8 à présent. Une

 23   question vous est posée ici. On vous pose la question sur la différence

 24   entre les civils et les soldats -- ou les militaires, et vous dites que la

 25   propagande serbe s'en est servi, mais vous dites qu'en fait, toute

 26   personne, apte à combattre ou en âge de combattre, peut être considérée

 27   comme étant un combattant dans ce contexte-là. Puis, vous continuez en

 28   disant qu'il y avait 5 000 pièces d'armes légères et que cela signifie


Page 24016

  1   qu'il y avait 5 000 combattants.

  2   Est-ce que vous savez qu'en fait, on se relayait chez nous pour combattre

  3   par trois tournées dans la journée, et en fait, on avait un fusil pour

  4   trois relèves dans la journée ?

  5   R.  Oui, absolument. Si je parle de cela, c'est parce que, comme nous le

  6   savons très bien, il y a eu un ordre de mobilisation qui a été donné juste

  7   avant la chute de l'enclave, et suite à cet ordre de mobilisation, tout

  8   homme apte à combattre pouvait être considéré comme étant un combattant;

  9   cependant, vu la chronologie des événements, puisque tous ces gens, à un

 10   moment donné, se sont trouvés être capturés ou, pour la plupart, se sont

 11   rendus, au moment où ils se rendent, ils sont censés non seulement être

 12   placés sous le contrôle de ceux qui les capture mais aussi sous leur

 13   protection.

 14   A partir de ce moment-là, c'est l'assassinat de sang-froid qui commence de

 15   tous ces hommes. Il ne fait plus aucune différence de savoir s'il s'agit de

 16   civils ou de militaires, cela revient au même.

 17   Q.  Mais ce que nous essayons d'établir, ce sont des faits maintenant, et

 18   non pas de les interpréter. Donc, s'il vous plaît, tenons-nous aux faits.

 19   Donc vous avez dit que ces gens, qui se sont rendus, sortaient des bois, et

 20   avant cela, jetaient -- se débarrassaient de leur arme, parce que comme ça,

 21   ils se sentaient plus en sécurité. C'est la troisième ou quatrième ligne à

 22   partir du bas. Dernier paragraphe, deuxième, troisième lignes :

 23   "C'est la raison pour laquelle la plupart de ces hommes se sont débarrassés

 24   de leurs armes avant de se rendre."

 25   En est-il ainsi ?

 26   R.  Oui. Ce qui est exact de dire, c'est que, lorsque ces gens se sont

 27   retrouvés rassemblée en haut de ces collines le 13 juillet, les forces

 28   serbes déployées le long de la route les invitaient, par voie de porte-


Page 24017

  1   voix, de se rendre, disant qu'ils seraient en sécurité, que la CICR était

  2   sur place, qu'on n'allait pas leur faire de mal, leur disaient : mais venez

  3   ici, personne ne vous fera de mal, et ils pouvaient voir des casques bleus

  4   sur la route. Mais, en fait, nous avons pu conclure qu'il n'y avait pas de

  5   personnel des Nations Unies sur la route. Il n'y a avait pas de CICR. En

  6   fait, on a dupé ces gens-là. Ce sont les soldats serbes de Bosnie qui les

  7   ont dupés et qui, en fait, ont arboré des casques bleus pour se présenter

  8   en tant que soldats des Nations Unies ou personnel des Nations Unies. Donc,

  9   dans ce contexte, le sentiment de sécurité peut être quand même très

 10   relatif.

 11   Q.  Mais Monsieur Ruez, à l'image, lorsque nous voyons cet extrait vidéo,

 12   nous ne voyons qu'un seul jeune homme porter un casque bleu. Comment

 13   pouvez-vous dire qu'à tous ces points, il y a eu des Serbes arborant des

 14   casques bleus ? Est-ce que vous dites que c'est ce seul homme que l'on a

 15   vu, ou est-ce que vous en avez vu d'autres ?

 16   R.  Celui que vous appelez le jeune homme ou le jeune gars, c'est un soldat

 17   serbe de Bosnie en uniforme de camouflage et en tant que couvre-chef, il

 18   porte un casque bleu qu'il a volé. Les témoins ne disent pas que tous les

 19   soldats serbes de Bosnie portaient des casques bleus, et je ne le dis pas

 20   non plus. Seuls quelques-uns l'ont fait, mais ces quelques-uns ont suffi

 21   pour que les autres croient que ces garanties de sécurité étaient

 22   véritables et sincères.

 23   Q.  Mais qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ? Avez-vous lu leurs

 24   pensées ? Comment est-ce que vous avez pu deviner à quoi pensaient -- ce

 25   que pensaient d'autres personnes ?

 26   R.  Parce que, lorsque vous avez des entretiens avec ces gens-là, ils vous

 27   disent ce à quoi ils ont pensé, et donc ils racontent à l'enquêteur ce

 28   qu'ils ont vu et ce qu'ils ont entendu. Puis, vous avez aussi


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  1   l'enregistrement qui a été fait par le journaliste qui accompagnait l'armée

  2   serbe de Bosnie, donc cela vous confirme à l'image qu'ils n'ont pas inventé

  3   ou imaginé ce qu'ils disent mais que cela reflète la vérité, donc vous

  4   finissez par être convaincu que ce qu'ils vous ont dit n'est pas un produit

  5   d'imagination mais que cela correspond à la vérité des faits.

  6   Q.  Je voudrais que l'on examine la page 9, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Là, on me dit que la traduction anglaise

  8   a été fournie au greffe, la traduction du bulletin, grâce à l'assistance du

  9   bureau du Procureur.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est le 12 janvier que la Défense l'a

 11   fournie.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Voyons votre réponse à une question qui vous ait posée vers le bas de

 14   la page, s'il vous plaît. Merci. Donc François Lamy vous pose une question,

 15   il dit :

 16   "Avez-vous des preuves vous démontrant qu'il y a eu un processus de

 17   planification, un plan avant le massacre ?"

 18   Vous répondez, en disant :

 19   "Non, il n'y a pas de preuve qu'il y ait eu des plans établis au préalable.

 20   En fait, la prise de l'enclave n'a pas été planifiée. Le plan de lancer

 21   l'offensive porte la date du 5 juillet. Je pense que la composante aérienne

 22   de l'opération date du 6 ou 7 juillet. Il serait possible d'avoir la date

 23   exacte. La décision de s'emparer de l'enclave n'a été prise qu'à partir du

 24   9 juillet lorsque le général Mladic s'est rendu compte que l'enclave ne

 25   serait pas défendue. L'objectif initial a été de réduire l'enclave pour

 26   qu'il n'en reste que la ville de Srebrenica et de la transformer dans une

 27   espèce de d'immense camp de réfugiés à découvert, à ciel ouvert, pour

 28   forcer les Nations Unies à évacuer la zone."


Page 24019

  1   Monsieur Ruez, est-ce que vous n'exagérez pas légèrement ici ? L'objectif

  2   jusqu'au 9 juillet n'a-t-il pas été de séparer Zepa et Srebrenica et de

  3   rétablir la circulation sur la route -- qui devait nous appartenir la route

  4   entre Srebrenica et Zepa ? Lorsque vous dites que l'objectif a été de

  5   réduire la taille de l'enclave, est-ce que vous savez que la zone de

  6   sécurité avait ces limites établies ?

  7   R.  A l'époque, ce que nous savions cela figure noir sur blanc dans le plan

  8   d'opération Krivaja 95. Le rôle qu'il devait jouer n'était pas de s'emparer

  9   entièrement de l'enclave, mais de réduire sa taille, de telle manière, et

 10   je paraphrase, pour que les conditions de vie deviennent si insupportables

 11   à l'intérieur pour que l'on soit obligé d'évacuer ce secteur. Les détails

 12   du plan, je suppose, seront fournis par des analystes militaires qui ont

 13   travaillé sur l'ensemble de ces documents perquisitionnés, Richard Butler.

 14   Pour ce qui est du processus d'extermination de sa planification, on a

 15   appris plus là-dessus depuis mon départ, je suis parti en 2001. Richard

 16   Butler, lui aussi, pourrait fournir plus d'informations sur la

 17   planification --

 18   Q.  Excusez-moi. Je suis obligé de vous interrompre. Lorsqu'il s'agit de

 19   réduire la taille de l'enclave, est-ce que vous affirmez que le plan serbe

 20   consistait à vouloir réduire l'enclave plus que cela n'a été prévu par les

 21   accords passés, et est-ce que vous savez que les Musulmans ont, en fait,

 22   fait déborder le territoire de l'enclave au-delà des frontières prévues, et

 23   c'est ainsi qu'ils nous ont coupés cette route qui nous permettait de

 24   circuler entre les deux enclaves ? Donc est-ce qu'il s'agissait de réduire

 25   la taille des enclaves jusqu'aux frontières ou limites préalablement

 26   acceptées ou convenues ou au-delà de cela, ou bien est-ce qu'il faudrait en

 27   parler également à Richard Butler ?

 28   R.  Oui, effectivement, ces lignes n'étaient pas fixes ou ces limites.


Page 24020

  1   L'ABiH affirme qu'à chaque fois qu'il y avait une relève entre les

  2   Bataillons des Nations Unies, la taille de l'enclave était réduite par les

  3   Serbes. Ils s'emparaient de cette opportunité pour le faire. Les Serbes,

  4   pour leur part, disent que les Bosniens veulent couper la route de Zeleni

  5   Jadar vers Milici. Mais ce que nous savons pour sûr c'est que dans sa

  6   totalité, la zone de sécurité a été prise par les forces serbes de Bosnie,

  7   ainsi que Zepa, et tout cela a fait partie de ce plan de s'emparer de

  8   l'ensemble de ce territoire. Il ne s'agissait pas dans le cadre de notre

  9   enquête de rentrer dans tous les détails. Je vous fournis le cadre général.

 10   Q.  Merci. Nous n'allons pas diffuser à l'extérieur, s'il vous plaît, un

 11   document que nous allons voir, ou, peut-être on pourrait même le faire,

 12   page du compte rendu d'audience 22 674, s'il vous plaît. Monsieur Ruez, ma

 13   thèse est la suivante : De nombreux charniers de 1995 datent d'avant en

 14   partie, et ce sont des procédures d'assainissement de ces zones pendant les

 15   44 mois qui ont précédé, qui ont en fait donné lieu à des modifications. Il

 16   n'y a pas d'autres charniers.

 17   Voyons ce qu'a dit un survivant musulman.

 18   Il s'agit de la page 22 674 du compte rendu d'audience.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez le numéro 65 ter ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du compte rendu d'audience. En date

 21   du 20 --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous avons beaucoup

 23   de comptes rendus d'audience. Duquel parlez-vous ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais de notre procès.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous la date ?

 26   Monsieur Mitchell.

 27   M. MITCHELL : [interprétation] Il s'agit du 10 janvier dernier, il s'agit

 28   du Témoin KDZ045, 228e journée.


Page 24021

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je vous invite à examiner cette question, donc ligne 6 --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais être certain que nous

  4   n'avons pas besoin de passer à huis clos partiel.

  5   Oui, Monsieur Mitchell.

  6   M. MITCHELL : [interprétation] Cette partie du témoignage s'est déroulée en

  7   audience publique --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   M. MITCHELL : [interprétation] -- si mes souvenirs sont bons.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Le greffier confirme.

 11   Monsieur Karadzic, veuillez continuer.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Faites-moi confiance, Monsieur Ruez, le Témoin KDZ045 est un survivant

 14   musulman qui a survécu lors de cette percée dont nous parlons. Donc, ligne

 15   3 :

 16   "Ils étaient sérieux pendant toute cette période" -- ou plutôt, ces

 17   attaques étaient sérieuses -- "et il y avait des bombardements" --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, un instant.

 19   Monsieur Mitchell.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] Je pense que l'on ne représente pas, de

 21   manière correcte, la déposition de ce témoin, loin de là. En fait, ce

 22   témoin a survécu à une exécution au barrage, et non pas à cette percée.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous

 24   plaît.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 24022

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Voilà, j'attire votre attention sur la première ligne de la page 22

  8   674, où je demande : "Si ces attaques étaient sérieuses…"

  9   Il dit que, oui, pendant toute cette période," pendant toute la période où

 10   a eu lieu la percée.

 11   Donc cela se passe avant qu'il ne soit capturé. Il parle de nombreuses

 12   victimes, de 40 à 50 personnes qui ont été blessées, et il dit également

 13   qu'il y a eu des morts. Il dit qu'il y a eu tant de tués que personne ne

 14   pouvait plus transporter leurs dépouilles, donc qu'ils n'ont emmené que les

 15   blessés, qu'il y a eu un très grand nombre de personnes qui ont été tuées,

 16   que cela en fait aucun doute. Donc il ne parle que de la 281e Brigade, et

 17   je lui demande, ligne 22 :

 18   "Avez-vous enterré ceux qui ont été tués au combat dans ce secteur ?"

 19   Il répond :

 20   "Mais ce n'est pas une question sérieuse, si je puis. Comment est-ce qu'on

 21   aurait pu trouver le temps d'enterrer qui que ce soit alors qu'on ne savait

 22   même pas ce qui allait advenir de nous la minute qui suit ? Nous n'avions

 23   absolument pas le temps de regarder ce qui advenait des uns et des autres."

 24   Page suivante, s'il vous plaît.

 25   "Qui a enterré ces personnes ?"

 26   "Personne ne les a jamais enterrées, à moins qu'on ne les ait trouvées plus

 27   tard et que les Serbes les aient trouvés et les aient rassemblés dans des

 28   fosses communes. Les autres sont certainement encore là-bas dans ces bois."


Page 24023

  1   Donc vous dites que toutes les personnes qui se trouvaient dans les fosses

  2   communes étaient des victimes d'exécution alors que cet homme qui était sur

  3   place a vu ses amis tomber à côté de lui, il a nommé un certain nombre de

  4   combattants qui ont été tués près de lui, et il a dit qu'en général,

  5   personne ne les enterrait et que c'était après le combat que les Serbes les

  6   rassemblaient et les mettaient dans des fosses communes. Etes-vous d'accord

  7   avec ce récit ?

  8   R.  Oui, absolument.

  9   Q.  Merci.

 10   R.  Je suis sur votre question dans la transcription. Est-ce qu'on pourrait

 11   avoir "oui, absolument" en tant que ma réponse ? La raison pour laquelle je

 12   vous dis 2oui, absolument," c'est que nous savons que, dans les archives de

 13   l'armée serbe de Bosnie, dans les archives de l'ingénieur de la 1ère

 14   Brigade de Zvornik, il est dit que matériel lourd pour enterrer les corps

 15   était déjà sur place à Orahovac lorsque les exécutions ont eu lieu, et que

 16   l'enterrement des victimes de ces exécutions a eu lieu le 15 juillet, et

 17   qu'ensuite ils ont été déplacés au barrage de Karakaj où ils ont enterré

 18   les corps des personnes qui ont été tuées là.

 19   Q.  Monsieur Ruez --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'interrompez pas.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite, l'enterrement des corps à Kozluk le

 22   15, et l'exécution qui a eu lieu sur la ferme de Branjevo et au barrage de

 23   Pilica le 15, l'exhumation a eu lieu le 16 par la Brigade de Zvornik et son

 24   unité technique, et toutes ces exhumations ont été finalisées le 17, et

 25   c'est à ce moment-là que l'officier de sécurité du Corps de la Drina, M.

 26   Vujadin Popovic -- le colonel Vujadin Popovic a pu établir son rapport au

 27   colonel Beara déclarant que l'intégralité de l'opération méritait une note

 28   A.


Page 24024

  1   Donc, voilà, cela laisse peu de marge de manœuvre -- cela ne laisse pas à

  2   penser que les corps des personnes tombées dans les zones de combat ont pu

  3   être déplacés vers ces sites d'exécution et mélangés à ceux qui ne sont pas

  4   tombés au combat.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous parlez d'exhumation à la

  6   ligne 14, vous parlez en fait d'enterrement ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Inhumation, pas exhumation.

  8   Inhumation.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, ce que vous dites, c'est que les

 10   victimes dans les colonnes n'ont pas été inhumées ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart des victimes ont certainement été

 12   laissées sur place au site de Orahovac. Lorsqu'on allait vers le site, il y

 13   avait un squelette en tenue civile qui était le long de la route, et un

 14   paysan -- un fermier passait par là le soir et le matin. Personne n'a

 15   ramassé sa dépouille. Il n'était certainement pas une victime serbe.

 16   Donc il y avait des corps qui étaient laissés sur place et les

 17   personnes tombées au combat près du front étaient en effet inhumées dans

 18   des fosses communes avec les soldats tombés au combat, mais près de

 19   l'endroit où ils avaient été trouvés.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Monsieur Karadzic.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Vous avez ces fosses séparées où les combattants ont été enterrés sur

 24   vidéo ?

 25   R.  Je ne connais pas les fosses dans lesquelles on a enterré les

 26   combattants dans l'opération d'assainissement, et je n'ai pas vu non plus,

 27   lorsque vous avez commencé cette partie de votre interrogatoire. Vous avez

 28   répété oralement quelque chose que j'aurais dit, je ne sais pas dans quelle


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  1   circonstance, mais que je ne reconnais pas, en tout cas, pas sur la

  2   transcription, pas sur le compte rendu d'audience. Ça ne correspond pas à

  3   quelque chose que j'ai jamais dit, donc j'aimerais que nous revenions sur

  4   ce petit paragraphe qui n'a aucun sens à mes yeux.

  5   Q.  Regardez cette page 49, ligne 8, vous suggérez, vous dites que tous les

  6   combattants qui avaient été tués, étaient tués pendant la percée de la 28e

  7   Division et qu'ils ont tous été inhumés là où ils étaient morts. Les

  8   photographies aériennes montrent que s'ils avaient été inhumés, on aurait

  9   vu cela, sur les photos.

 10   R.  Je ne parle pas de cette partie-là, je parle de la première partie de

 11   votre évaluation, lorsque vous dites des fosses excavées en 1995 étaient

 12   pré existantes. Moi, je ne me souviens pas avoir jamais dit cela. Donc

 13   j'aimerais que nous revenions sur cette partie.

 14   Q.  Alors, tant que la page 40 est encore à l'écran, est-ce que vous

 15   confirmez ce que vous avez dit en ligne 8, à savoir que vous pensez que

 16   ceux qui ont été tués pendant la percée n'ont pas été enterrés avec les

 17   victimes d'exécution mais au lieu -- ou plutôt, étaient enterrés comme vous

 18   le dites en lignes 8, 9 et 10 près de l'endroit où ils sont tombés dans des

 19   fosses séparées ?

 20   R.  Je suis tout à fait d'accord avec cela, oui. Les fosses que nous avons

 21   exhumées n'avaient rien à voir avec les hommes tombés au combat. Moi, je

 22   vous parlais d'un autre paragraphe qu'on ne voit plus, à l'écran, le

 23   document, au moins pour l'instant, où j'aurais dit que les fosses que nous

 24   avons ouvertes étaient des fosses préexistantes. Ça, c'est quelque chose

 25   que vous avez dit dans la partie liminaire de cette phase de votre

 26   interrogatoire.

 27   Q.  Je n'ai pas décrit cela. Je vous demande maintenant où se trouve ces

 28   fosses que vous mentionnez, où les combattants ont tombé pendant la percée


Page 24026

  1   auraient été enterrés ? Pourquoi est-ce que les photos aériennes ne les

  2   identifient pas alors qu'on identifie tout autre changement de terrain ?

  3   R.  Je dois vous expliquer comment utiliser les techniques d'imagerie

  4   aérienne. Chaque image représente une grande case, un carré, alors sans

  5   parler du type de plateforme aérien qui nous permet de prendre les photos

  6   que nous avons montrées. On peut voir, sur une documentation source

  7   ouverte, source publique qui s'appelle : "Discovery Channel," intitulé :

  8   "Spies From Above," "Espions vus du dessus," l'utilisation d'un avion qui a

  9   60 ans qui s'appelle U2, et qui a photographié les missiles cubains. C'est

 10   une photographie carrée de 30 kilomètres de long, du nord au sud, sur

 11   laquelle on peut zoomer sur un point pour voir de plus près cet endroit.

 12   Donc, sur ce terrain très large, vous avez effectivement beaucoup

 13   d'information mais pour vraiment approfondir sur un endroit, vous devez

 14   mettre le doigt sur les informations et donner les indications nécessaires

 15   pour zoomer.

 16   Donc ce type d'imagerie aérienne porte toujours sur des régions

 17   spécifiques, et c'est comme cela que nous avons obtenu ces images.

 18   La raison pour laquelle nous n'avons pas d'image de zones suspectes

 19   qui pourraient être liées à l'inhumation d'hommes tombés au combat, comme

 20   je l'ai dit, il y a une raison à cela. Pendant notre enquête, nous n'avions

 21   aucune raison de nous occuper de fosses qui étaient des fosses communes qui

 22   correspondaient à ce que l'on appelle entre guillemets, l'assainissement

 23   après les combats. Nous nous sommes concentrés uniquement sur les zones

 24   dans lesquelles nous savions que des prisonniers avaient été exécutés et

 25   inhumés.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ruez, vous souhaitiez

 27   demander ou faire un commentaire sur le commentaire ou la question de M.

 28   Karadzic, qui se trouve au compte rendu d'audience à la fin des pages 35 et


Page 24027

  1   36. Je vais le relire, si vous le souhaitez. Voilà ce qu'a dit M. Karadzic

  2   :

  3   "Ma théorie, Monsieur Ruez, est la suivante : La plupart des fosses

  4   qui ont été exhumées en 1995, étaient des fosses préexistantes, et qu'il

  5   s'agissait d'un processus d'assainissement, et il n'y avait pas d'autres

  6   fosses, c'est toujours la même fosse." 

  7   Est-ce que vous voulez faire un commentaire à ce sujet ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord, je comprends maintenant. Je pensais

  9   que M. Karadzic se référait à quelque chose que, moi, j'aurais dit. Je

 10   comprends maintenant que c'est en fait sa thèse. Je pensais qu'il mettait

 11   ces mots dans ma bouche, qui me faisait dire ce que je n'avais pas dit.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 13   Monsieur Karadzic.

 14   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Ai-je raison de dire, outre, à part les entretiens avec les survivants,

 17   vous vous êtes orienté uniquement avec les images aériennes de l'endroit

 18   qui vous montraient des changements dans la topographie; est-ce correct ?

 19   R.  Oui, et non. C'est correct dans un certain sens. La chronologie est

 20   simple. Pour toutes les fosses d'origine, nous n'étions pas orientés par

 21   les images aériennes.

 22   Q.  S'il vous plaît, je vous demande : Comment vous avez utilisé les images

 23   ? Comment avez-vous décidé d'exclure tous les changements de topographie

 24   résultant des combats ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez sa réponse, et ensuite posez des

 26   questions supplémentaires. Il est en train de répondre à votre question.

 27   Veuillez poursuivre, Monsieur Ruez. 

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il répond à une autre question.


Page 24028

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je ne pense pas.

  2   Veuillez répondre, Monsieur Ruez.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre à la question de M. Karadzic, je

  4   voudrais expliquer deux choses. Première phase, les fosses d'origine. Nous,

  5   nous ne nous servions pas de l'imagerie aérienne, nous avons demandé, sur

  6   la base des informations dont nous disposions à avoir accès à des images

  7   d'endroits très spécifiques, sur la base de ces images, nous avons pu

  8   trouver très précisément les endroits que nous voulions identifier.

  9   Pendant la deuxième phase, pour les fosses secondaires, à part la fosse de

 10   Zeleni Jadar, qui était basée sur une requête du bureau du Procureur du

 11   TPIY pour l'accès à l'imagerie; pour le reste des sites, Cancari, Liplje,

 12   et cetera, on nous a orientés vers ces sites par des efforts faits par

 13   d'autres, et que nous nous sommes rendus sur ce site pour exhumer les

 14   corps. Donc deux phases : Premièrement, nous nous sommes orientés sur des

 15   images très spécifiques, et deuxième phase, d'autres nous ont orientés vers

 16   des sites spécifiques.

 17   Maintenant, pour répondre à l'autre partie de la question, nous

 18   n'avons pas identifié le site des fosses des hommes tombés au combat parce

 19   que cette partie -- ces fosses tombaient en dehors de notre enquête,

 20   n'étaient pas dans le cadre de notre enquête.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation] Pourrait-on revoir à la page 1, du document

 23   20596. 20596. Alors, regardez, ici, on vous demande où les premières photos

 24   ont été prises et comment vous les avez utilisées, et vous dites :

 25   "Nous n'avons pas pris de photographie, là, où les exécutions ont eu lieu

 26   nous avions si c'est ce que vous voulez savoir. Nous avions toujours des

 27   photos montrant avant et après."

 28   Donc vous vous êtes orienté ou vous vous êtes basé sur des changements de


Page 24029

  1   la topographie que vous distinguiez sur les photos aériennes; est-ce exact

  2   ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  Merci. Sur ces photos, combien de points ou de sites de terre meuble

  5   ont-elles identifiés, et vous avez décidé de ne pas enquêter sur ces

  6   endroits parce que c'était certainement des fosses contenant des

  7   combattants ?

  8   R.  Aucune de ces points, parce que les points, pour lesquels nous avons

  9   demandé des comparaisons avant et après, étaient des points qu'on nous a

 10   indiqués lors de la reconstitution des événements, et ce, sur la base de

 11   témoignages. Donc aucun des points pour lesquels nous demandions des photos

 12   n'avaient de lien avec les hommes tombés au combat puisque les personnes

 13   qui avaient été emmenées vers ces points, vers ces sites, étaient des

 14   prisonniers, et non pas des combattants.

 15   Q.  Vous avez dit il y a un instant qu'un Musulman qui avait participé tant

 16   à la percée qu'à l'exécution avait dit qu'ils avaient laissé derrière eux

 17   un grand nombre de leurs morts pour qu'ils soient enterrés par les Serbes ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous vous contentez de répéter votre

 19   question.

 20   Oui, Monsieur Mitchell.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] S'il cite, nous devrons revenir sur le

 22   compte rendu d'audience puisque ce n'est pas ce qu'a dit le témoin. Il n'a

 23   pas dit que les morts étaient ensuite enterrés. Il a dit qu'ils l'avaient

 24   peut-être été.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Poursuivons.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  "A moins que," a-t-il dit, ce qui signifie si eux ne les ont pas

 28   enterrés, nous l'avons pas fait non plus.


Page 24030

  1   Monsieur Ruez, combien de personne, à votre connaissance, ont été enterrées

  2   pendant la percée ?

  3   R.  Je n'en ai aucune idée. Ces personnes ne tombent pas sous le coup de

  4   mon enquête.

  5   Q.  Très bien. Mais vous savez que certains sont tombés sur le terrain de

  6   mines, n'est-ce pas ?

  7   R.  Certains ont été tués lors d'activités liées au combat. Mais mon

  8   enquête ne portait pas sur la guerre, mais sur une opération d'assassinat -

  9   - d'assassinat collectif, qui n'a rien à voir avec les combats.

 10   Q.  Avez-vous, personnellement, trouvé des preuves démontrant que dans un

 11   lieu donné plus de 600 personnes avaient été tuées pendant les combats et

 12   cet endroit s'appelle Bare ? Avez-vous connaissance de cela ?

 13   R.  La fosse commune près de Bare est celle dont je parlais lorsque je

 14   disais qu'on nous avait dit qu'il y avait une fosse commune près de Bare,

 15   et dans la mesure où cette fosse contenait des corps de combattants, nous

 16   ne nous sommes même pas rendus sur ce lieu, puisque les hommes tombaient au

 17   combat ne tombaient pas sous le coup de notre enquête pénale.

 18   Q.  Savez-vous que Mme Elizabeth Rehn s'est rendue elle-même dans cette

 19   région et a vu des centaines de corps d'hommes tombés au combat ? Avez-vous

 20   eu connaissance d'un documentaire tourné à ce sujet ?

 21   R.  Ça serait intéressant de savoir à quelle date Mme Rehn a vu ces

 22   cadavres sur le terrain ou ces corps sur le terrain. J'ai le sentiment que

 23   cela n'a rien à voir avec l'enquête dont j'avais la responsabilité.

 24   Q.  Est-ce que ça a quelque chose à avoir avec l'endroit ? Est-ce que vous

 25   saviez qu'à Bare, il y avait eu 600 hommes tués au combat ? Avez-vous vu

 26   des images de cela ?

 27   R.  Non. Alors quel est le lien avec ces 600 combattants tombés, quel est

 28   le lien avec mon enquête sur Srebrenica, je ne vois pas le lien.


Page 24031

  1   Q.  Monsieur Ruez, avec tout le respect que je vous dois, nous ne sommes

  2   pas ici pour établir l'importance de tel ou tel élément. Nous sommes ici

  3   pour établir des faits. Saviez-vous et avez-vous vu -- ou saviez-vous que,

  4   dans cette région, il y avait eu 600 hommes tombés au combat ? Je ne vous

  5   demande rien d'autre. Oui ou non ? Vous êtes ici en train de vous battre ou

  6   de porter la thèse de l'Accusation, et je ne vous demande pas cela, ce

  7   n'est pas ce que je vous demande.

  8   R.  Je ne me bats pour rien. Je suis là pour établir et pour aider à la

  9   manifestation de la vérité. Ce processus, en ce qui me concerne, est lié à

 10   l'enquête que moi-même et d'autres avons conduit pendant six ans, et

 11   d'autres ont poursuivi cette enquête, et tout ce que je puis vous dire très

 12   clairement c'est que ces 600 combattants n'ont aucun lien avec notre

 13   enquête. C'est pourquoi nous n'avons pas identifié la fosse dans laquelle

 14   ils étaient enterrés, nous n'avons pas procédé à leur exhumation.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ruez, permettez-moi de formuler

 16   la question de la façon suivante : A un moment dans la journée, vous avez

 17   dit que l'un des objectifs de votre enquête était de découvrir ce qui était

 18   arrivé à ces 8 000 personnes et ont porté disparues après la chute de

 19   l'enclave de Srebrenica.

 20   Parmi ces 8 000 personnes, est-ce que vous excluez ces 600, ou quel que

 21   soit leur nombre, est-ce que les hommes tombés à Bare, auraient pu être

 22   inclus ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors pour être plus précis concernant notre

 24   objectif, l'objectif n'était pas -- enfin, l'objectif initial était de

 25   vérifier les rumeurs concernant la disparition. Le but de l'enquête était

 26   de déterminer ce qui était arrivé à ceux qui étaient entrés dans cette

 27   phase criminelle de la guerre, et ce nombre ne sera connu que, lorsque le

 28   processus aura terminé, l'objectif n'était pas de déterminer le sort de ces


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  1   personnes qui avaient traversé les champs de mine ou qui avaient été tuées

  2   au combat, et cetera. L'objectif était de nous concentrer uniquement sur

  3   l'aspect purement criminel de cet épisode de la guerre.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Cependant, Monsieur Ruez, il n'y a pas de fosses liées à ces 600 hommes

  7   à Bare, il n'y a pas d'autres charniers. Ils sont tous enterrés dans cette

  8   fosse que vous avez investiguée. Qu'en dites-vous ?

  9   R.  Je dirais que, si vous vérifiez les dates, vous constaterez que ce que

 10   vous dites n'est pas exact.

 11   Q.  Merci. Dites-nous, s'il vous plaît : à votre avis, combien de

 12   combattants comptait la 28e Division, pas combien d'armes, mais combien de

 13   combattants ?

 14   R.  Je n'en ai aucune idée. Mais pour être sûr que cela ne pose pas de

 15   problème ultérieurement, tout ce que je peux vous dire, c'est que tous les

 16   hommes étaient des combattants, en tout cas, des combattants potentiels,

 17   par là.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Merci. Nous allons maintenant

 19   faire une pause d'une demi-heure.

 20   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 33.

 22    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez

 23   poursuivre.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Ruez, voilà où nous en étions. Vous avez déclaré qu'au vu de

 27   la situation, tout homme valide était considéré comme un combattant

 28   potentiel. Est-ce que vous savez combien il y avait d'hommes enregistrés


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  1   dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, en dehors de ceux qui avaient réussi à

  2   sortir, c'est-à-dire les hommes en âge de faire -- de travailler comme

  3   militaire ?

  4   R.  Non, je ne le sais pas.

  5   Q.  Merci. D01998, est-ce que l'on peut prendre connaissance de ce

  6   document, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on peut voir la version

  8   anglaise sur le rétroprojecteur, ou est-ce qu'elle a déjà été téléchargée ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien sûr.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord ? Alors voyons d'abord l'original et

 12   ensuite reprenons la page en anglais. Il s'agit là d'un bulletin des

 13   services de Reconnaissance de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui date du 17

 14   juillet 1995. Alors je voudrais, maintenant, que nous nous penchions sur la

 15   version anglaise; est-ce que l'on peut ôter la version en serbe et est-ce

 16   que l'on peut agrandir, s'il vous plaît, la version en anglais.

 17   Est-ce que vous êtes d'accord qu'il nous est dit ici qu'au début de la

 18   soirée du 16 juillet 1995, quelque 10 000 membres de la 28e Division sont

 19   arrivés en territoire libre, "et que ces forces étaient en train de

 20   réaliser une percée."

 21   Ensuite il est dit que cette percée avait été aidée par les Unités de la

 22   24e Division, qui avaient lancé une contre-attaque très acharnée contre les

 23   lignes Chetnik du secteur de Baljkovica, et cetera. Est-ce que quelqu'un

 24   vous a informé de tout cela ?

 25   R.  Oui, mais les chiffres, que l'on m'a donnés à l'époque, s'élevaient à 6

 26   000 personnes.

 27   Q.  Je vous remercie. Alors est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il

 28   n'y avait pas plus de 6 000 fusils mais que, pour ce qui concerne le nombre


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  1   de combattants, ce nombre était beaucoup plus élevé. Je veux dire qu'à tout

  2   moment il se pouvait qu'il en ait eu 6 000 qui soient armés, c'est bien

  3   cela ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Je vous remercie. Est-ce que l'on peut voir, dans la liste 65 ter, le

  6   document 23546 ?

  7   R.  C'est exact.

  8    Q.  Est-il exact de dire que l'enquête avait déjà commencé le 11 juillet

  9   1995 ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Par conséquent, même avant la chute de Srebrenica, cette enquête avait

 12   déjà commencé, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, ce que je peux dire c'est que l'enquête avait mis l'accent sur les

 14   événements qui ont commencé au moment de la chute de Srebrenica, c'est-à-

 15   dire le 11 juillet aux environs de 12 h, ce n'est pas dès le 11 juillet que

 16   l'enquête a été entamée ou qu'elle a été lancée. La date est le point de

 17   départ des événements qui se sont déroulés, et qui sont devenus le cœur de

 18   l'enquête.

 19   Q.  Je vous remercie. Maintenant, c'est clair. Alors quand est-ce que vous

 20   avez commencé l'enquête, quand est-ce que l'on vous a confié cette mission

 21   ?

 22   R.  Je ne me souviens pas exactement de la date précise. Je pense que ça a

 23   dû être autour du 15, si je ne m'abuse, et l'arrivée sur zone, c'est-à-dire

 24   à Tuzla, c'est la date du 20 juillet, je crois.

 25   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous savez que son excellence, M. Akashi

 26   avait recommandé d'être prudent concernant le nombre de personnes portées

 27   disparues ?

 28   R.  Je n'ai pas eu connaissance de cette précaution qui était donnée, mais


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  1   il est évident qu'il faut toujours être très attentif et faire très

  2   attention lorsque l'on est face à ces genres de situation.

  3   Q.  Je pense que l'on peut maintenant enlever la version serbe, de manière

  4   à mieux voir celle qui est en anglais. Alors est-ce que vous êtes d'accord

  5   pour dire que c'est un télégramme de M. Akashi, qui était envoyé à M.

  6   Annan, le 19 juillet, M. Annan étant sous-secrétaire chargé des opérations,

  7   à l'époque, aux Nations Unies, et qui a trait à la chose suivante :

  8   Concernant les personnes portées disparues, à Srebrenica, ou les personnes

  9   déplacées à Srebrenica, déplacer dans la zone vers Tuzla, à Tuzla

 10   proprement parler.

 11   R.  Oui, tout à fait.

 12   Q.  Est-ce que vous voulez bien porter votre attention au paragraphe 2,

 13   concernant la prise en charge de ces personnes et qui a été chargé de tout

 14   cela ? Alors il est question d'une "action team," donc une équipe conjointe

 15   d'action de crise qui précise, 6 600 déplacés sont logés dans la base

 16   aérienne de Tuzla de la FORPRONU, les autorités locales de l'ABiH disent

 17   que 18 333 déplacés sont logés dans les centres collectifs. Leur

 18   répartition est la suivante : environ de Tuzla, n'est-ce pas, c'est-à-dire

 19   25 000 en tout, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ensuite, au paragraphe 3, il est dit que ce calcul repose sur une

 22   estimation qu'à Srebrenica, la population s'élevait à quelque 42 000

 23   personnes, donc il semblerait au vu de cela que 17 000 personnes aient été

 24   portées disparus. Est-ce que vous êtes d'accord de dire que 13 à 14 000 ou

 25   15 000 personnes ont participé à cette percée en passant dans les bois ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Alors vous ne serez peut-être pas d'accord si je vous disais qu'il y

 28   avait 37 000 personnes en 1994, et que c'est là le chiffre le plus élevé de


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  1   la population, et après cela, en juillet 1995, il y avait beaucoup moins.

  2   Est-ce que vous savez qu'Oric a perdu quelque 2 000 combattants avant le

  3   mois de juillet, c'est-à-dire que, sur ce chiffre estimé de 37 000

  4   personnes, depuis le début 1994 jusqu'en 1995, il avait perdu environ 1 000

  5   combattants, c'est-à-dire que l'on arrive là à un total de 36 000

  6   personnes; c'est bien cela ?

  7   R.  C'est bien cela.

  8   Q.  Je vous remercie. Alors, maintenant, veuillez, s'il vous plaît, voir ce

  9   que dit son excellence, M. Akashi, concernant ce nombre. Est-ce que l'on

 10   peut passer, maintenant, à la page d'après, s'il vous plaît ?

 11   Alors, tout en haut, il déclare que les personnes portées disparues

 12   s'élèvent de 4 à 8 000 :

 13   "Mais du fait de la nature imprécise de ces chiffres, il recommandait que

 14   toute déclaration publique se limite à une référence de grandeur de quelque

 15   milliers ou plusieurs milliers de personnes portées disparues."

 16   Le 19 juillet, M. Akashi recommande donc la prudence, la prudence est de

 17   mise, parce que les chiffres qui peuvent être donnés risquent de se

 18   retourner contre leur auteur ou avoir des conséquences malencontreuses.

 19   R.  C'est exact, et voilà pourquoi une liste de personnes disparues de

 20   Srebrenica compilée par le CICR n'a pu être validée qu'une fois après

 21   l'échange de prisonniers une fois que tout cela a été finalisé, en mars

 22   1996.

 23   Q.  Merci. Alors est-ce que vous savez qu'environ 1 000 habitants, la

 24   plupart d'entre eux des combattants de la 28e Division, des habitants de

 25   Srebrenica, ont fui vers la Serbie en passant par Zepa. Ils ont été

 26   accueillis dans des centres de réception.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que vous pouvez donner une base, une


Page 24037

  1   logique à cette question, qui n'est pas étayée par les chiffres selon

  2   lesquels 1 000 personnes sont allées à Zepa et ensuite en Serbie ? Dites-

  3   nous : sur quelle logique repose cette question ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour l'instant, je ne verse pas cela au

  5   dossier. Je demande au témoin s'il estime que tout ce qu'il dit repose

  6   entre autres sur ces éléments. Je pense que tout cela peut être prouvé, et

  7   je le prouverai. Mais laissez-le répondre à la question.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez nous accorder quelques

  9   instants, s'il vous plaît.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, alors peut-être que je peux essayer de

 13   préciser mon objection. Nous ne contestons pas le fait qu'environ 1 000

 14   personnes, un petit peu plus de Zepa, ont traversé la rivière pour aller en

 15   Serbie, à la fin du mois de juillet. Là où je porte une objection, c'est

 16   que ces hommes venaient forcément de Srebrenica. En tout cas, j'aimerais

 17   avoir des éléments pour étayer tout cela.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, que j'ai entendu l'objection

 19   de M. Mitchell, je vous demande de bien vouloir reformuler votre question,

 20   Monsieur Karadzic, ou est-ce que vous estimez que ces 1 000 personnes

 21   venaient forcément de Srebrenica ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, moi, je prétends de Srebrenica, ils sont

 23   allés à Zepa, de Zepa en Serbie. Dans le cas du président Milosevic, des

 24   preuves ont été données, et moi, je vais aussi vous présenter ces éléments.

 25   Pour l'instant, ce qui m'intéresse c'est de demander au témoin, M. Ruez,

 26   s'il disposait de cette information et si cela l'ai aidé à ce faire une

 27   idée et pour savoir si cela a contribué ou non aux conclusions qu'il est

 28   arrivé.


Page 24038

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  2   Maintenant, Monsieur Ruez, est-ce que vous voulez bien répondre à la

  3   question ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Alors, à un moment donné - et je crois

  5   que c'était en 1996 - nous avons eu vent d'une information selon laquelle

  6   un groupe - avec un nombre non donné - de personnes de Srebrenica avait

  7   réussi à arriver sur une rive de la Drina, était arrivé en Serbie en

  8   passant de l'autre côté de la rive. Nous avons aussi connaissance du

  9   rapport qui venait, je crois, de la Croix-Rouge, selon lequel ces personnes

 10   avaient été renvoyées en Bosnie, donc ces personnes, quoi qu'il en soit,

 11   n'ont pas été renvoyées en Republika Srpska, pas ces personnes-là, donc

 12   elles ont sorti du champ de l'enquête criminelle, et nous ne sommes pas

 13   allés plus loin les concernant, en tout cas pour ce qui est de leur

 14   participation potentielle à ces événements. Quoi qu'il en soit, je ne suis

 15   pas sûr que nous parlions là des mêmes personnes. Nous savons, par exemple,

 16   qu'un des survivants de l'entrepôt de Kravica avait réussi à s'enfuir pour

 17   atteindre Zepa où là il a été capturé à nouveau, mais il n'a pas été

 18   identifié comme étant une personne venant de Srebrenica et qui faisait

 19   partie du dernier groupe de prisonniers qui a fait l'objet d'un échange, en

 20   mars 1996, je crois.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, finalement, les témoins

 24   des factions en présence, les témoins qui, quelque part, sont des parties

 25   lésées, que ces parties se devaient de faire preuve de raison concernant

 26   les chiffres qu'ils estimaient ? Est-ce qu'on peut prendre ce qu'ils disent

 27   pour argent comptant, ou est-ce qu'il ne faut pas plutôt prendre ce qu'ils

 28   avaient à dire avec quelque pincette ?


Page 24039

  1   R.  Alors, pour ce qui est d'avoir des réserves au sujet des chiffres

  2   donnés, bien sûr, qu'il faut toujours être prudent, et d'ailleurs quelle

  3   que soit la provenance de ces estimations. Voilà pourquoi je persisterais

  4   toujours à dire que le chiffre réel, de ceux qui ont été assassinés lors de

  5   l'opération de Srebrenica, ne sera connu qu'une fois que l'on aura procédé

  6   à l'exhumation de toutes les fosses -- textes, qui, par ailleurs, sont

  7   morts ou disparus ne font pas partie du champ de l'investigation.

  8   Q.  Je vous remercie. Alors, est-ce que vous voulez bien nous dire, tout

  9   d'abord, quand a eu lieu la tuerie sur la prairie de Sandici ? Vous nous

 10   avez confirmé qu'une partie du transport n'avait pas pu avoir lieu. A

 11   quelle heure est-ce que cela a eu lieu ?

 12   R.  Personne n'a été tué sur la prairie de Sandici. Il s'agissait d'un lieu

 13   de rassemblement pour les prisonniers. Ceux qui ont été tués venant de la

 14   prairie de Sandici ont été tués en fait à l'entrepôt de Kravica. Mais nous

 15   savons également grâce à des dépositions des témoins que ceux qui à la fin

 16   du 13 n'avaient pas eu de transport pour aller à Bratunac avaient été tués

 17   sur place là où ils se trouvaient.

 18   Tout cela ne fait pas l'objet de la présentation directe parce que je

 19   dirais que tout cela fait partie des choses plus anecdotiques, si je puis

 20   dire, par rapport au chemin le plus important par rapport au processus

 21   d'extermination plus vaste, extermination organisée plus vaste.

 22   Q.  Bien, je vous remercie. Alors est-ce que vous excluez la possibilité

 23   qu'il y ait eu une embuscade de cette colonne de Musulmans à Sandici et que

 24   certaines des personnes aient été tuées pendant les combats qui s'y sont

 25   déroulés ?

 26   R.  L'embuscade à laquelle vous faites référence n'a pas eu lieu à Sandici,

 27   mais elle eu lieu derrière la colline au niveau de Kravica, dans la forêt.

 28   Les corps des personnes, qui ont été tuées lors de cette opération


Page 24040

  1   militaire légitime, ont été laissées sur place, et en 1996, Mme Elizabeth

  2   Rehn à laquelle vous avez fait référence un petit plus tôt était chargée

  3   d'une enquête pour retrouver les restes qui se trouvaient encore sur le sol

  4   et qui n'avaient jamais été enlevés.

  5   Q.  Mais ceux qui se sont rendus à Sandici ne se sont pas rendus de leur

  6   propre gré. Cette reddition a eu lieu parce qu'on se battait contre eux ?

  7   Vous voyez d'ailleurs, dans la vidéo, que nous avons transmise et qu'il y a

  8   des échanges de coups de feu, que les Musulmans tirent avec des fusils et

  9   que les Serbes tirent avec leur APC.

 10   R.  Il y a deux éléments différents. Cette reddition a eu lieu le lendemain

 11   suivant l'embuscade. L'embuscade a eu lieu en pleine nuit, mais la colonne

 12   aussi était visée par des obus, et pour ce qui est la reddition du 13 cela

 13   a été dû au fait que les personnes étaient épuisées, ceux qui étaient

 14   encerclées, et aussi parce qu'ils n'avaient pas de porte de sortie, aucun

 15   moyen, aucun échappatoire, et voilà -- et aussi du fait qu'ils avaient

 16   bénéficié d'une sorte d'exercice en fausse persuasion de personnels, de

 17   faux personnels des Nations Unies qui se trouvaient sur la route. Donc la

 18   vidéo auquel vous faites référence avec des APC qui tirent des munitions

 19   antiaérienne de 30 millimètres, ce sont des tirs sur les hommes en fuite,

 20   et ça c'est ailleurs, mais cela participe aussi à toutes les raisons qui

 21   ont amené les fuyards à décider de se rendre finalement.

 22   Q.  Mais ceci c'est aussi produit sur la route qui va de Kravica à Konjevic

 23   Polje et qui passe par Sandici, n'est-ce pas ?

 24   R.  Les redditions ont eu lieu tout le long de ce trajet. Le seul endroit

 25   véritable sur lequel je m'attarde ce sont les points essentiels de

 26   reddition, mais, en fait, ils avaient des hommes qui sortaient des bois sur

 27   tout ce trajet allant de, disons, Kravica, jusqu'à la zone de Sandici, et

 28   jusqu'à Nova Kasaba.


Page 24041

  1   Q.  Bien. Je vous remercie. Non, je n'étais pas si précis pour ma part. Les

  2   tirs auxquels vous faites référence ont eu lieu partout ailleurs, mais est-

  3   ce que c'est sur la même route un peu plus loin de Sandici vers Konjevic

  4   Polje mais, en tout cas, c'est dans la même direction. C'est ce que l'on

  5   voit, en tout cas, sur la vidéo.

  6   R.  Oui, absolument. Sur tout ce tronçon qui va de Bratunac à Nova Kasaba,

  7   sur ce tronçon le tronçon était entièrement bloqué le 13 au matin par

  8   l'armée des Serbes de Bosnie.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D5025. Est-ce que l'on peut prendre

 11   connaissance de ce document ? Pardon, d'ailleurs. Est-ce que le câble de M.

 12   Akashi peut être versé au dossier ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cette pièce sera versée au dossier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D2046, Monsieur le

 15   Président.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc nous voulons maintenant le 1D2505. Voilà

 17   le document que j'aimerais visionner pour l'instant maintenant.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Il s'agit d'un extrait de la transcription de l'affaire Krstic au cours

 20   de laquelle vous avez témoigné.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D5025. Page 594 du compte rendu d'audience

 22   dans l'affaire Krstic. Oui, c'est la bonne page.

 23   Page 594, donc il faut avancer, s'il vous plaît. 594 en haut. Voilà.

 24   C'est bien. Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  A partir de la ligne 16, s'il vous plaît. Donc c'est une question qui

 27   commence, et puis à partir de la ligne 18, nous avons votre réponse et il

 28   s'agit du même événement. Donc vous dites :


Page 24042

  1   "Premièrement, nous allons voir la vidéo. La vidéo que nous avons montée

  2   commence, en fait, à partir de l'embuscade, c'est-à-dire les endroits où

  3   l'embuscade a été tenue. En fait, cela commence par un enregistrement qui a

  4   été fait depuis un hélicoptère, cela commence à proximité du secteur du

  5   village Bare, entouré d'un cercle sur la carte, sur la photocopie de la

  6   carte, c'est là qu'il y a eu des bombardements. On a tendu une embuscade à

  7   la colonne dans cette zone, et là on voit encore des objets vestimentaires

  8   à l'image, donc aux images qui ont été enregistrées depuis l'hélicoptère,"

  9   et cetera.

 10   Ligne 8 :

 11   "Ce secteur a fait l'objet d'examen en 1996 par une équipe d'experts de

 12   Finlande qui ont travaillé sur le terrain en 1996, cela n'a rien à voir

 13   avec nos activités à nous, ils ont ramassé des objets en surface. Mais il

 14   est important de savoir que 600 corps ont été trouvés dans ce secteur. Ces

 15   corps sont des corps de victimes qui ont été tuées au combat, dans des

 16   embuscades, victimes de bombardements et peut-être aussi victimes dans

 17   d'autres circonstances qu'il n'est pas possible de déterminer, je veux

 18   dire, il ne nous est pas possible de distinguer entre les situations de

 19   combat et d'autres."

 20   Je voudrais savoir si vous maintenez cette réponse aujourd'hui ?

 21   R.  Tout à fait.

 22   Q.  Merci. Lorsque je me penche sur la question du chiffre total

 23   d'habitants de Srebrenica et sur le chiffre total de personnes portées

 24   disparues, est-ce que vous pouvez être d'accord avec moi pour confirmer que

 25   ces 600 n'ont pas la signification à mes yeux qu'à vos yeux même si cela

 26   n'a pas fait l'objet de votre étude plus particulièrement ?

 27   R.  Comme vous venez de le dire, je ne peux pas deviner ce que pensent les

 28   autres. Donc je ne peux pas vous répondre.


Page 24043

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que pendant très

  2   longtemps jusqu'en 1996, il y a eu des corps éparpillés dans les bois, et

  3   ici, il y a eu même une très grande concentration de corps qui n'ont pas

  4   encore été ensevelis ?

  5   R.  Oui, je suis d'accord avec cela. Voire même, je pense, mais cela ne

  6   m'engage que moi, que l'armée serbe de Bosnie ne s'est pas vraiment

  7   préoccupée de ramasser les corps de ceux qui ont été tués dans les parages.

  8   Ceux qui ont été ensevelis, ont été ensevelis parce qu'ils se sont trouvés

  9   massivement dans des zones de combat, mais surtout ceux qui ont été exhumés

 10   à des endroits que nous avons pu nettement rattacher aux sites d'exécution.

 11   Tout le reste, probablement, est éparpillé dans les bois et dans les

 12   collines partout, mais nous ne connaîtrons jamais leur nombre. C'est la

 13   raison pour laquelle je me concentre toujours de nouveau sur ceux qui se

 14   sont trouvés sur les sites d'exécution et dans les fosses secondaires.

 15   Malheureusement, le chiffre ne sera connu, qu'une fois tout le processus

 16   d'exhumation aura été terminé.

 17   Q.  Savez-vous qu'on est lié par la loi qu'après chaque combat on est tenu

 18   d'enlever les restes humains et les restes des animaux et que des unités

 19   spéciales de protection civile étaient chargées de s'en occuper de manière

 20   régulière, là où ils savaient qu'il y avait des corps, par exemple, des

 21   cadavres, et ce qui a été fait tous les ans.

 22   R.  Oui, je sais qu'il y a toute une série d'obligations légales qui sont

 23   contraignantes en temps de guerre, mais j'ai aussi la sensation qu'on a un

 24   petit peu fait abstraction de ces obligations légales pendant la guerre.

 25   Q.  Fort bien. Nous aurons ici un témoin qui pourra nous parler qui a été

 26   chargé de faire cela.

 27   Alors je voudrais maintenant voir la page suivante. A partir de la ligne

 28   15, nous y avons votre réponse. Donc vous avez pu identifié Bare à la


Page 24044

  1   vidéo, et puis à partir de la ligne 20 vous dites :

  2   "En fait, la principale concentration d'objets et de corps se situent dans

  3   les arbres  - ou plutôt, l'alignement, la rangée d'arbres. Le nombre de

  4   corps qui ont été ramassés ici en 1996, comme je l'ai dit, se situe autour

  5   de 600, et c'est une information importante qui nous permet de vérifier--

  6   ou plutôt, qui nous permet d'interroger des témoins pour vérifier leur

  7   évaluation de nombres.

  8   "A cet endroit, les témoins qui ont évalué le nombre de victimes ont cité

  9   des chiffres bien plus importants que ce qui a n'a été ramassé.

 10   Généralement on a parlé pour ces zonez de 1 500 jusqu'à 2 000 victimes,

 11   mais en fait il semble qu'il y est une augmentation dans les évaluations de

 12   nombres qui se produit généralement et naturellement dans ces

 13   circonstances."

 14   C'est ce que vous venez de confirmer à l'instant, à savoir, les

 15   témoins parfois amplifient les nombres, agrandissent.

 16   R.  Cela est tout à fait vrai.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser au dossier ces

 18   pages, pages 594 et 597 ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous en avons besoin, puisque

 20   le passage entier a été lu et le témoin a confirmé.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai donné lecture pour qu'on l'entende,

 22   mais aussi parce que je me suis dit que ce serait utile si on ne le versait

 23   pas au dossier, pour qu'on en ait trace dans le compte rendu d'audience. Je

 24   ne vois pas de mal si on verse ces quatre pages.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il nous en faut le moins

 26   possible. Ce serait le mieux, continuons. Illustration 192, s'il vous

 27   plaît, du recueil de M. Ruez.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 24045

  1   Q.  Acceptez-vous, Monsieur Ruez que l'ensemble des ensevelissements de

  2   victimes de juillet 1995, aurait pu et aurait dû se passer en juillet donc

  3   pas avant le 5 juillet 1995.

  4   R.  Oui, c'est clair. Nous avons examiné les dates exactes.

  5   Q.  Merci. Donc, entre le 5 et le 17 juillet, vous avez reçu une image, une

  6   photographie que nous avons là à l'écran; est-ce que cette photographie a

  7   été prise sous le même angle ? Est-ce que la lumière est la même,

  8   l'éclairage ?

  9   R.  Ce n'est pas entre le 5 et le 17 que nous avons reçu la photographie,

 10   c'est bien plus tard. Mais la première a été prise le 5, et la deuxième le

 11   17. Comme vous voyez la prise de vue n'est pas exactement la même, l'angle

 12   n'est le même. Mais le 5, nous voyons la situation avant la date qui nous

 13   intéresse, à savoir le 15, et le 17, nous savons que l'ensevelissement a eu

 14   lieu le 15. Le 17, nous voyons qu'il y a une modification très nette sur

 15   place, dans le secteur de Kozluk.

 16   Q.  Mais, Monsieur Ruez, je suppose que nous ne présentons pas la même vue,

 17   en face et de profil, ni vous, ni moi. Nous avons une vue de profil, du 17,

 18   et celle d'en face du 5, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non, non, non, non la direction est nord-sud pour les deux, sauf que

 20   l'angle est légèrement différent. Nous avons la ligne droite du chemin de

 21   terre, qui est orienté vers le sud. En bas de l'image, nous avons aussi la

 22   route qui est contenue. Donc il suffit de tourner légèrement la

 23   photographie pour voir que c'est un angle qui est légèrement différent mais

 24   c'est la même prise de vue.

 25   Q.  Merci. Mais, sur surface blanche, là où l'on voit l'image de profil, on

 26   a comme un chemin qui jette, qui projette une ombre qui prend la forme d'un

 27   nez. Le 5 juillet, comment est-ce que vous pourriez exclure qu'il y ait eu

 28   des ensevelissements antérieurs ?


Page 24046

  1   R.  Nous savons que cette zone a été dérangée avant, il y a du gravier. Je

  2   m'en remets aux archéologues et au Pr Richard Wright, pour expliquer ce qui

  3   en est de la taille des charniers et la méthode d'excavation. Je m'en

  4   remets à lui pour expliquer la situation sur le terrain.

  5   Q.  D'après vous, les exécutions et les ensevelissements se sont terminés

  6   avant le 17 juillet ?

  7   R.  Oui, c'est exact.

  8   Q.  Merci. Donc s'il s'agissait de fosses d'assainissement, elles auraient

  9   été creusées après le 27 juillet, s'il y en avait, elles n'avaient pu être

 10   creusées qu'après le 17 juillet, n'est-ce pas?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  Avez-vous remarqué que le plus grand nombre de photos aériennes avaient

 13   été prises entre le 5 ou le 7 juillet, et le 27 juillet.

 14   R.  Celle qu'on nous a fournie avait été prise pendant cette période.

 15   Q.  Donc nous ne savons pas lequel de ces changements a eu lieu le 11, le

 16   19, le 20, le 21 et jusqu'au 26 juillet, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Merci. Cette photo toutefois a été prise pendant -- ces deux photos ont

 19   été prises sur la période la plus étendues, du 5 au 17, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par la période la plus

 21   étendue.

 22   Q.  Pardon. Je voulais dire l'intervalle le plus court, c'est-à-dire du 5

 23   au 17, dans les autres cas de figure, l'intervalle est plus long, du 5 au

 24   27, alors que, là, c'est dix jours de moins.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci. Saviez-vous et avez-vous pu confirmer que les premiers combats,

 27   à Srebrenica et autour de Srebrenica, c'est-à-dire ce qu'on appelé la tâche

 28   initiale avait démarré par des combats dans le sud de l'enclave, où le


Page 24047

  1   poste d'observation Echo était situé ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Les combats ont duré du 5 ou 6 juillet, et ce, jusqu'au 11 juillet,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Quelqu'un a-t-il été tué pendant ces combats ?

  7   R.  Généralement, lorsqu'il y a des combats, il y a également des morts. Je

  8   ne sais pas ce qu'il en est dans ce cas de figure, et je n'ai pas de

  9   chiffres.

 10   Q.  Merci. J'aimerais maintenant que nous trouvions la carte avec les sites

 11   des fosses à Zeleni Jadar. Je l'ai perdue, donc, si vous voulez bien

 12   m'accorder un instant pour que je la retrouve.

 13   Vous les avez indiquées comme étant des fosses secondaires, à Jadar, 249.

 14   Il s'agit de la carte 249.

 15   Que faisaient les Serbes avec la dépouille des Musulmans morts qui restait

 16   sur leur territoire à Zeleni Jadar ? Est-ce qu'on pourrait naturellement

 17   imaginer qu'ils les ensevelissaient s'il n'y avait pas d'échange de

 18   dépouilles ?

 19   R.  Je ne suis pas sûr de savoir, parce que les 600 corps sur les collines

 20   au-dessus de Kravica, qui ont été retrouvés par l'équipe d'Elizabeth Rehn,

 21   ont dû être justement collectés et recueillis par l'équipe d'Elizabeth

 22   Rehn. Sinon, il ne faut pas oublier que tous les ans, des groupes de

 23   personnes, le 11 juillet, se déplacent sur le chemin de Susnjari à Nezuk,

 24   et ces corps ont été donc déplacés par la commission des personnes

 25   disparues, mais dans les années qui ont suivi 1995, ces dépouilles sont

 26   certainement restées sur place.

 27   Q.  Merci. Est-ce dans cette région que les combats ont commencé, la zone

 28   principale d'avancée des troupes serbes ?


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  1   R.  C'est la zone dans laquelle les troupes serbes se sont dirigées pour

  2   entrer dans la ville de Srebrenica. Mais ce n'était pas un lieu de combat,

  3   ou ce n'était pas un lieu de combat principal.

  4   Q.  Mais où ont-ils rencontré le plus de résistance et où la percée a-t-

  5   elle pris le plus longtemps -- le plus de temps, pardon ? Lorsqu'ils sont

  6   passés par Zeleni Jadar, la défense musulmane était dispersée, et en pensée

  7   déjà, ils pensaient à s'enfuir.

  8   R.  Nous n'avons pas examiné dans le détail l'épisode militaire de prise de

  9   pouvoir, mais je comprends ce que vous êtes en train de dire implicitement,

 10   et nous pouvons considérer que cette zone est en effet une zone de combat.

 11   Q.  Merci. Alors, Monsieur Ruez, je ne crois pas -- en fait, je sais que

 12   les Serbes ne sont pas appliqués au point d'exhumer des dépouilles et de

 13   les ensevelir de nouveau à partir de leurs fosses d'origine. Il s'agit de

 14   fosses creusées au moment où les combattants musulmans ont été tués --

 15   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais éclaircir

 17   ce point. Est-ce que M. Karadzic est en train de nous dire que les six

 18   fosses de Zeleni Jadar que nous voyons ici contiennent les corps de

 19   combattants qui sont tombés au combat pendant la lutte pour la prise de

 20   Srebrenica ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma théorie est que les Serbes ont enterré ces

 22   gens quelque part, et que la disposition de ces fosses nous montre

 23   précisément qu'ils ont été ensevelis là où ils sont morts, là où ils ont

 24   été tués.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Je vous demande si vous avez trouvé d'autres fosses où des gens qui

 27   sont tombés au combat pendant la prise de l'enclave ont été ensevelis.

 28   R.  Ce que nous savons pour sûr, et le Pr Wright, qui a procédé à


Page 24049

  1   l'exhumation sur certains de ces sites, puisque tous n'ont pas été encore

  2   ouvertes, toutes les fosses n'ont pas encore été ouvertes, mais pour les

  3   fosses qui ont été ouvertes, il sera en mesure, avec Dean Manning, et avec

  4   les connections scientifiques qu'ils ont sur le site de Glogova, le site de

  5   Glogova ayant contenu des dépouilles de personnes tuées dans le hangar de

  6   Kravica, et les personnes tuées pendant leur détention à Bratunac, dans la

  7   ville de Bratunac, et les personnes tuées le long de la route de Bratunac à

  8   Kravica.

  9   Q.  Et qu'en est-il des personnes qui ont été tuées alors qu'elles

 10   défendaient la partie sud de l'enclave ? Avez-vous des dates pour ces

 11   photographies, pour la photo 249 ?

 12   R.  Alors, si ensevelissement il y a eu sur certains de ces sites, nous

 13   devrons attendre l'exhumation complète de ces sites pour pouvoir les relier

 14   à Glogova. A ce stade, nous n'avons aucune information concernant le

 15   processus d'ensevelissement dont vous nous parlez, mais si tel est le cas,

 16   je pense que ceux qui ont procédé à cet ensevelissement ont dû gardé trace

 17   de ce qu'ils ont fait, ne serait-ce que pour montrer que le carburant

 18   utilisé dans ce processus n'a pas été simplement revendu au marché noir.

 19   Donc, il doit y avoir des traces.

 20   Q.  Mais pour l'instant, on ne peut pas aboutir à cette conclusion, n'est-

 21   ce pas, tant que le processus ne sera pas finalisé, le processus

 22   d'exhumation et d'analyse, n'est-ce pas ?

 23   R.  C'est ce que j'ai toujours dit. Nous avons besoin de chiffres, et pour

 24   cela, nous avons besoin d'exhumations, et ces exhumations, à ce jour en

 25   2012, ne sont pas encore terminées.

 26   Q.  Merci. Avec la permission de la Cour, j'aimerais essayer de trouver la

 27   carte de l'enclave --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas certain que le système


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  1   "Livenote" fonctionne pour l'instant.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons la page 23 pour l'instant.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà ça y est, la transcription

  4   reprend.

  5   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que l'on pourrait faire apparaître cette page 23. Je vous

  8   demande, Monsieur Ruez, de prendre un crayon pour indiquer la zone de

  9   Zeleni Jadar où les combats ont démarré, aux postes d'observation E, F et

 10   S.

 11   L'huissier pourrait-il activer le crayon électronique ?

 12   Ah, vous l'avez fait vous-même.

 13   Pourriez-vous simplement indiquer ZJ pour Zeleni Jadar ?

 14   R.  Voici le poste d'observation F, et dans cette zone, ici, vous avez

 15   Zeleni Jadar.

 16   Q.  Merci. Pourriez-vous indiquer la date et parapher.

 17   R.  [Le témoin s'exécute]

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser ce document au

 19   dossier.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il portera la cote D2047, Mesdames et

 22   Messieurs les Juges.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que nous pouvons maintenant voir la photo 266, s'il vous plaît.

 25   M. Pirocanac, et vous-même d'ailleurs, lorsque vous avez pris les photos,

 26   avez porté énormément d'attention à la mosquée à  Srebrenica, n'est-ce pas

 27   ?

 28   R.  Pas tant que cela, vous savez, parce que comme je le disais il y a


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  1   trois mosquées à Srebrenica. Il se trouve que j'ai pris des photos

  2   essentiellement de deux de ces mosquées, une fois lorsque je passais devant

  3   l'une d'elles, et l'autre fois qui peut peut-être montrer le processus de

  4   destruction lent qu'elle a subi, et pour la troisième, nous n'avons même

  5   pas essayé de savoir où elle se trouvait ni de savoir ce qu'il en était

  6   advenu.

  7   Q.  Est-ce que vous voyez l'église sur cette photo ?

  8   R.  Oui, bien sûr. Comme je le disais, il y avait deux lieux de culte, au

  9   centre de la ville, la mosquée et l'église.

 10   Q.  Savez-vous à quoi ressemblait l'église jusqu'à juillet 1995 ? Peut-être

 11   avez-vous vu une partie de cette église dans la vidéo pour voir qu'il n'y

 12   avait pas de clocher, pas de toit. Est-ce que vous savez en quoi elle a été

 13   convertie -- elle a été convertie avant juillet 1995 ?

 14   R.  Je ne sais pas. Tout ce je sais, c'est que maintenant, la mosquée est

 15   un amas de ruines et que l'église est encore debout.

 16   Q.  Quand cette photo a-t-elle été prise ?

 17   R.  Je pense que celle-ci a été prise en 1997.

 18   Q.  Si je vous dis que le 4 août 1995, j'ai vu cette église, et qu'il n'y

 19   avait plus de toit, et une grande partie du clocher manquait, elle avait

 20   été transformée en étable et en toilettes publiques, si je vous disais

 21   cela, est-ce que vous me croiriez ?

 22   R.  Si vous le dites, je n'ai aucune raison de ne pas vous croire.

 23   Q.  Merci. J'espère que vous comprenez bien que je n'essaie pas de

 24   justifier quoi que ce soit. J'essaie tout simplement d'obtenir des

 25   informations pour comprendre les raisons, les causes et les conséquences,

 26   ce qui n'enlève rien évidemment à l'horreur des faits. Vous êtes d'accord

 27   avec moi ?

 28   R.  Je ne saurai être plus d'accord.


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  1   Q.  Est-ce que l'on peut revoir le compte rendu d'audience qui porte la

  2   cote 1D5025, s'il vous plaît. Donc vous saviez, n'est-ce pas, que des

  3   civils pouvaient, et que certains ont même osé y rester pour voir les

  4   Serbes, alors que d'autres avaient très peur de la vengeance des Serbes,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Tout à fait.

  7   Q.  Je vous remercie. Est-ce qu'on peut se rapporter à la page 492, s'il

  8   vous plaît. Alors, à partir de la ligne 4, vous dites que certains

  9   pensaient qu'ils n'avaient rien à cacher, ce qui semble indiquer que ceux

 10   qui sont partis n'avaient pas le même sentiment et qu'ils sont partis dans

 11   la montagne vers Udrc, comme cela figure à la page 17 et 18.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut descendre le document,

 13   s'il vous plaît, merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous connaissez ces montagnes, est-ce que vous connaissez la

 16   rigueur de la topographie des lieux ?

 17   R.  Vous voulez dire le paysage ?

 18   Q.  Oui, c'est cela. Ce tronçon qui va de Srebrenica vers Tuzla en

 19   particulier, c'est-à-dire le massif Udrc. Est-ce que vous êtes d'accord

 20   avec moi pour dire que c'est une zone difficile à franchir, et extrêmement

 21   difficile ?

 22   R.  Oui, tout à fait. Voilà pourquoi justement cette zone a été choisie,

 23   c'est sans doute qu'elle était difficile à franchir, à traverser, mais

 24   aussi parce qu'il était difficile d'y poursuivre qui que ce soit.

 25   Q.  Je vous remercie. Est-ce que l'on peut passer à la page suivante, s'il

 26   vous plaît ? Vous n'êtes pas sans savoir qu'et bien, cette colonne

 27   existait, qu'elle a pu faire une percée, que cela a pris les Serbes par

 28   surprise et qu'ils ont bien dû s'inquiéter de ce que pourrait faire une


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  1   telle colonne de 15 000 hommes, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, tout à fait.

  3   Q.  Est-ce que vous aviez l'information que, moi, à la requête des

  4   autorités civiles locales, à l'issue de la soi-disant victoire de

  5   Srebrenica, le 11 juillet, que j'aie eu à proclamer l'état de guerre, le 14

  6   juillet, dans plusieurs municipalités de manière à faire en sorte que l'on

  7   réagisse de manière à ce que la défense s'organise. Est-ce que vous savez

  8   que j'ai déclaré l'état de guerre le 14 juillet, à l'issue de la chute de

  9   Srebrenica ?

 10   R.  Je ne le savais pas. Tout ce que je peux dire c'est que cela a été une

 11   sage décision, dans le mesure où le général Mladic avait pris la décision

 12   opposée, c'est-à-dire celle de déplacer ses forces vers Zepa, sans prendre

 13   en compte la menace militaire que constituait cette colonne essentiellement

 14   de soldats à sa tête et qui pouvait agir lors de cette percée vers le

 15   territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 16   Q.  Je vous remercie. A partir de la ligne 10, par exemple, à la ligne 16,

 17   il est dit :

 18   "Le 12 juillet, après que l'armée serbe de Bosnie a réalisé et compris ce

 19   qui se passait, à savoir qu'une énorme colonne d'hommes essayait de fuir la

 20   zone et qu'elle s'est dirigée dans cette direction. Au départ, il y a eu un

 21   élément de surprise, et donc on envisageait aucune possibilité d'arrêter

 22   cette colonne. Une partie de cette colonne était armée. Le premier groupe

 23   était organisé en brigades. Les forces à l'intérieur de Srebrenica étaient

 24   bien structurées, et elles ont recréé des brigades au moment où elles se

 25   rassemblaient. Ceux qui avaient des armes marchaient essentiellement

 26   devant."

 27   Donc vous savez que la 28e Division était répartie en plusieurs brigades et

 28   qu'elle a procédé à une restructuration et qu'elle a recréé ces brigades au


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  1   moment où la colonne commençait son avancée, sa percée.

  2   R.  Oui, bien sûr. Voilà d'ailleurs pourquoi toutes les actions entreprises

  3   sur la ligne de fuite de cette unité doivent être perçues comme une

  4   opération de combat légitime, et que cela ne fait pas l'objet d'une enquête

  5   dans le cadre d'une enquête pénale ou criminelle.

  6   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

  7   maintenant, vous tourner vers la page suivante ?

  8   "Alors on parle de batailles qui ont eu lieu là. Je ne parlera pas de cela,

  9   mais aux alentours du 13 et 14 juillet --"

 10   Ça concerne les combats qui sont décrits à partir de la ligne 21, c'est-à-

 11   dire :

 12   "Au sud-ouest de Zvornik, des embuscades étaient tendues aux fins de

 13   bloquer l'avancée de la colonne, mais cela n'a pas fonctionné. En fait,

 14   cette colonne a porté des coups et a réussi à percer des positions serbes,

 15   a réussi aussi à se saisir de matériel, le matériel antiaérien en

 16   particulier" - on passe maintenant à la page suivante - "et des pièces de

 17   mortier, et même a réussi à capturer des prisonniers serbes."

 18   Est-ce que vous êtes d'accord, Monsieur Ruez, avec ce qui est dit là, à

 19   savoir que la partie serbe était en embuscades, et cetera, et qu'elle s'est

 20   retranchée, et que la partie qui n'était pas victime d'embuscades a subi

 21   encore plus de pertes, alors que ceux qui étaient dans les tranchées

 22   avaient aussi essayaient des pertes absolument phénoménales ?

 23   R.  Oui, je suis d'accord. Nous avons appris plus tard que la Brigade de

 24   Zvornik -- alors, je ne sais pas combien de personnes ont été perdu en

 25   l'espace de ces quelques jours, mais j'ai entendu dire qu'on en a perdu

 26   plus à ce moment-là que dans toute la durée de la guerre. Mais bon, bien

 27   sûr, il incombe aux experts militaires de nous éclairer pour nous dire

 28   pourquoi tous ces soldats serbes ont péri, alors que par ailleurs


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  1   l'opération militaire qui se déroulait devait être une victoire facile et à

  2   100 %. Mais comme j'ai dit, Mladic a pris la décision d'avancer vers Zepa …

  3   Q.  Je vous remercie.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Monsieur le Président, est-ce que le

  5   moment est venu de lever l'audience ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'a dit que, si l'on voulait, nous

  7   pouvions poursuivre un petit peu, si cela vous arrange.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Parfait.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si les parties, évidemment, son

 10   d'accord, est-ce que l'on peut poursuivre jusqu'à 14 heures ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, aucun problème.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Greffe, est-ce que cela vous convient

 13   ? Très bien, nous pouvons poursuivre. Dans ce cas, nous lèverons l'audience

 14   à 14 heures.

 15   Monsieur Karadzic, poursuivez.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, il s'agit des pages 142 à 445. Est-ce

 17   que l'on peut peut-être les verser au dossier ? Je n'ai pas eu le temps de

 18   toutes les lire.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si tel est votre requête, il n'y a pas

 20   de raison de s'y opposer. Donc ces pages seront versées au dossier comme

 21   pièce de la Défense.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 2048.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Jetons un coup d'œil maintenant rapidement -- pardon. Page 36, vous

 25   parliez de la ferme de Branjevo, de l'enterrement qui a eu lieu, mais je

 26   dois retrouver la page, ou la référence pour l'illustration. Il s'agit

 27   d'une photographie qui s'intitule : "L'enterrement de Branjevo." Alors

 28   qu'entendiez-vous par là ? Pourquoi l'avez-vous appelée ainsi ?


Page 24056

  1   R.  J'espère qu'il s'agit d'interprétation et non pas de traduction, parce

  2   que je vois mal comment j'aurais pu employer ce terme-là "l'enterrement"

  3   pour l'ensevelissement en masse de gens exécutés.

  4   Q.  Commençons à 209, s'il vous plaît, puis nous verrons la suite. Page 36.

  5   C'est le 30 janvier, hier, vous avez déclaré qu'il s'agit de l'enterrement

  6   qui s'est déroulé à la ferme de Branjevo; c'est bien cela ?

  7   R.  Oui. C'est un processus qui est en train de se terminer. Il reste

  8   encore des corps à la surface. Le charnier n'est pas encore refermé, mais

  9   c'est une inhumation qui s'est passée, à en juger d'après le registre de

 10   l'unité de génie. Effectivement, donc, l'inhumation s'est terminée ce jour-

 11   là.

 12   Q.  Il me reste un peu de temps. Je vais vous poser donc une question qui

 13   peut prendre ce temps-là, et puis nous verrons pour le reste demain. Avez-

 14   vous agi de manière entièrement professionnelle dans le cadre de votre

 15   mission ? Est-ce que vous n'avez pas été entaché d'un parti pris politique

 16   ou affectif ?

 17   R.  Comment ai-je agi, c'est moi-même, effectivement, qui peux en parler,

 18   mais ce n'est pas à moi que revient l'évaluation. Ce sont toutes les

 19   sources publiques -- ou plutôt, tout ce que j'ai à dire a été dit

 20   publiquement. Donc je m'en remets aux autres pour me noter.

 21   Q.  Merci. Mais la Défense est un petit peu inquiète, on se préoccupe un

 22   petit peu de voir quelqu'un aussi fervent lorsqu'il agit dans le cadre de

 23   ses tâches professionnelles, alors qu'il s'agirait plutôt de quelque chose

 24   qu'il faudrait faire posément, calmement.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais quel est l'accord que vous

 26   demandez au témoin, que la Défense se préoccupe ou qu'on devrait rester

 27   calme ? C'est une question piège.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ne vous inquiétez pas. Je ne me sens pas


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  1   piégé.

  2   Lorsque quelqu'un est fervent, enthousiaste, oui, je dois dire que lorsque

  3   vous enquêtez dans une situation qui finalement prend l'allure non

  4   seulement d'une extermination mais d'un génocide, eh bien, le moins que

  5   l'on puisse faire c'est d'être entièrement engagé pour finaliser ce

  6   travail, pour fournir tous les éléments qui vont rendre ce cas d'étude

  7   solide, suffisamment solide lorsque l'histoire jugera.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Merci. 1D5022, s'il vous plaît. Vous avez donné un entretien en 2001.

 10   C'est l'hebdomadaire monténégrin, "Monitor," qui a recueilli vos propos;

 11   c'est bien cela ?

 12   R.  Oui, je l'ai fait.

 13   Q.  Merci. Alors, dès la première question ici, l'on vous demande si vous

 14   aviez la sensation d'être fanatique quand il s'agit de votre travail.

 15   Vous souvenez-vous de cet entretien ?

 16   R.  Oui, oui, très bien.

 17   Q.  Etes-vous d'accord pour confirmer que c'est l'impression du journaliste

 18   qui se situe au début de cet entretien, le journaliste a l'impression que

 19   c'est de manière fanatique que vous avez conçu ce travail ?

 20   R.  Oui, c'est vrai, au sujet de ce travail. Oui, au sujet de mon travail

 21   et du fait qu'il fallait terminer ce travail.

 22   Q.  En bas de la page, il est dit :

 23   "A un moment donné, cela vous permet de connaître de manière très proche

 24   les sentiments des gens qui ont traversé tout cela. On finit par connaître

 25   les lieux, chaque buisson, et parfois, on a la sensation que l'on connaît

 26   même des choses que l'on ne connaît pas."

 27   R.  Oui. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas se laisser guider par

 28   ses impressions, par ses sentiments et par ses instincts. C'est la raison


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  1   pour laquelle il faut s'en tenir à ce que les gens disent, et ce que

  2   j'appelle les murs de cette enquête, à savoir il s'agit de corroborer ou de

  3   rejeter les déclarations de ces victimes, et il faut le faire à tête

  4   reposée, très calmement. C'est à cela que vous faisiez référence

  5   précédemment.

  6   Q.  Page suivante, s'il vous plaît.

  7   Est-ce que vous voyez la dernière réponse à la fin ? Vous dites :

  8   "Je ne peux dire rien de plus, mais jusqu'à présent, nous n'avons pas

  9   déterminé qu'il y ait eu participation de Belgrade à Srebrenica. Cela ne

 10   signifie pas que Belgrade n'y a joué aucun rôle …  ou qu'il n'en ait pas eu

 11   connaissance."

 12   R.  Il faudrait prendre aussi tout le reste, pas uniquement cette phrase-

 13   là.

 14   Q.  Mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir : indépendamment de ces

 15   conjectures sur les liens et les contacts de Mladic, est-ce qu'il est vrai

 16   que vous ne pouviez pas avoir de preuve sur implication officielle de

 17   Belgrade aux événements de Srebrenica ? Vous n'aviez pas de preuve de cela,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Au moment où cet entretien a eu lieu, nous n'avions pas encore eu accès

 20   à la vidéo où l'on voit l'unité militaire serbe appelée des Skorpions qui

 21   se trouvait à Rogatica et qui a reçu six jeunes hommes de Srebrenica. Nous

 22   avions uniquement les trois secondes d'enregistrement à Kravica, où l'on

 23   voit le martyr de ces jeunes hommes qui, en fait, ont été assassinés --

 24   enfin, dont on voit l'assassinat dans cette vidéo.

 25   Q.  Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons lever l'audience pour

 27   aujourd'hui, si cela vous convient, Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence. Merci.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous continuerons demain matin à 9

  2   heures. L'audience est levée.

  3   --- L'audience est levée à 13 heures 58 et reprendra le jeudi 2 février

  4   2012, à 9 heures 00.

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