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1 Le lundi 13 février 2012
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
7 Oui, Monsieur Robinson.
8 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Je voudrais
9 juste vous présenter l'un des stagiaires juridiques qui nous a rejoints ce
10 matin. Il s'agit de Mladen Trbic. Il travaille avec nos conseilleurs
11 juridiques et il est originaire de Republika Srpska. Merci.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 Bonjour, Monsieur Nikolic. Je voudrais vous demander de prêter
14 serment, c'est-à-dire de donner lecture de la déclaration solennelle.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Je déclare
16 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
17 vérité.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
19 LE TÉMOIN : MOMIR NIKOLIC [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que de poursuivre, je voudrais
22 demander aux conseils qui représentent M. Nikolic de se présenter.
23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu les propos de l'avocat.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, votre micro n'a pas été branché.
25 Veuillez répéter.
26 Mme LINDSAY : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Virginia Lindsay et je
27 suis ici pour défendre les intérêts de M. Momir Nikolic.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
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1 Monsieur Nicholls, peut-être devrions-nous prévenir M. Nikolic en
2 application de l'article 90(E).
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, ce serait peut-être judicieux.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Nikolic, vous le savez probablement,
5 mais il y a une règle que nous avons ici, c'est-à-dire le 90(E) en vertu
6 duquel vous pouvez répondre -- vous pouvez refuser de répondre aux
7 questions de l'accusé ou de l'Accusation -- de l'Accusation ou des Juges
8 encore si vous estimez que la réponse que vous fourniriez risquerait de
9 vous incriminer; vous me comprenez-vous ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous comprends.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quand bien même vous penseriez que la
12 réponse risquerait de vous incriminer et que vous refuseriez de répondre,
13 les Juges de la Chambre ont le droit de vous contraindre à répondre à cette
14 question, mais dans ce cas de figure-là, le Tribunal s'assurera de la
15 nécessité de faire en sorte que ce type de témoignage ne -- pour -- puisse
16 être utilisé dans aucune autre affaire pour quelque délit au pénal que ce
17 soit, si ce n'est faux témoignage; m'avez-vous compris ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai compris.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Nikolic.
20 Monsieur Nicholls, à vous.
21 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. Bonjour aux Juges de la Chambre.
22 Interrogatoire principal par M. Nicholls :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Nikolic.
24 R. Bonjour, Monsieur Nicholls.
25 Q. Je voudrais d'abord que nous commencions avec un certain nombre de
26 questions de contexte. Dites-nous, d'abord, où est-ce que vous êtes né.
27 R. Je suis né en Bosnie-Herzégovine dans sa partie est, c'est-à-dire à
28 Bratunac.
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1 Q. Ai-je raison de dire que vous avez grandi à Bratunac et passé une
2 grande partie de votre vie dans cette localité-là ?
3 R. Oui, tout à fait juste.
4 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement -- dire aux Juges de la Chambre quel a
5 été votre cursus éducatif. Dites-nous jusqu'où vous êtes allé au niveau de
6 votre scolarisation.
7 R. J'ai terminé des études universitaires, j'ai fait la faculté de
8 Sciences politiques, j'ai fait des études de défense et de protection, et
9 je suis professeur. Et auparavant, j'ai terminé toutes les écoles
10 précédentes, c'est-à-dire j'ai eu une formation primaire et secondaire.
11 Cela s'entend.
12 Q. Merci. Vous nous avez indiqué que vous avez été enseignant à l'école
13 secondaire. Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez à Bratunac avant que
14 de commencer à enseigner et quelles sont les matières enseignées lorsque
15 vous avez été enseignant ?
16 R. Avant que de terminer mes études de science politique, et avant que de
17 revenir à Bratunac, j'ai fait des écoles -- études secondaires de génie
18 civil, de construction. Mais je n'ai plus -- pas travaillé du tout après
19 cette formation. Je suis allé faire mon service militaire. C'est ainsi que
20 les choses se passaient. Il y avait un service militaire qui était
21 obligatoire. J'ai fait mon service en Slovénie. Au bout de 15 mois de
22 service. Je suis allé à la faculté de science politique et j'ai terminé ces
23 études.
24 Ma première embauche se -- s'est située dans un centre -- centre
25 scolaire qui s'appelait Djuro Pucar Stari, et j'ai enseigné la défense
26 populaire et l'autoprotection.
27 Q. Brièvement, avant que de poursuivre, pendant que vous résidiez à
28 Bratunac avant la guerre, est-ce que vous avez connu un dénommé Miroslav
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1 Deronjic ?
2 R. Oui. Je peux dire que j'ai connu Miroslav Deronjic toute ma vie durant.
3 Nous sommes nés dans la même ville. Nous avons à peu près le même âge; il a
4 peut-être un an ou deux de plus que moi. Je ne sais pas au juste quand est-
5 ce qu'il est né, mais Miroslav Deronjic est quelqu'un que je connais depuis
6 tout le temps.
7 Q. Est-ce que vous avez des liens de parenté avec ?
8 R. Miroslav Deronjic -- et nous -- nous n'avons pas de lien de sang comme
9 on appelle les choses ainsi et comme on appelle les choses chez nous. Mais
10 Miroslav Deronjic a épousé une cousine et comme on qualifie les choses,
11 c'est un gendre.
12 Q. Merci. Je voudrais brièvement que nous nous entretenions de ce service
13 militaire que vous avez fait. Est-ce que j'ai raison de dire qu'en 1986,
14 jusqu'au début de la guerre, vous avez occupé des fonctions au sein de la
15 TO de Bratunac ?
16 R. J'entends service militaire dans mes écouteurs. Moi, je veux être tout
17 à fait clair. Il ne s'agit pas d'un service militaire. Il s'agit du fait
18 qu'en 1986, sorti de ces études secondaires, j'ai travaillé dans la TO de
19 Bratunac. C'était un emploi à temps plein dans le cadre du QG de la Défense
20 territoriale de Bratunac.
21 Q. Merci. C'est ce que j'avais dit : Défense territoriale pour TO. Alors,
22 quel a été le poste que vous aviez occupé ?
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète s'excuse. Est-ce -- la fonction s'appelait
24 commandant adjoint de la TO de Bratunac pour le renseignement.
25 M. NICHOLLS : [interprétation]
26 Q. Avez-vous été mobilisé vers le 18 avril 1992 ?
27 R. Oui. J'ai été mobilisé le 18 avril 1992, comme bon nombre d'autres
28 personnes qui se trouvaient être des conscrits militaires.
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1 Q. Sans pour autant entrer dans les détails, est-il exact de dire qu'à
2 partir du mois de mai 1992 jusqu'au mois de novembre, vous vous trouviez à
3 Belgrade, et ensuite, vous êtes revenu à Bratunac ?
4 R. Oui, c'est exact. Il est juste de dire que pendant cette période, j'ai
5 été absent de Bratunac. Je suis allé à Belgrade, et par la suite, je suis
6 retourné à Bratunac.
7 Q. Lorsque vous êtes rentré en novembre 1992, est-ce que vous avez exercé
8 des fonctions au sein de la Brigade de Bratunac qui avaient été constituée
9 à l'époque ?
10 R. Oui. Au bout d'un certain temps, une fois revenu de Belgrade, suite à
11 proposition du commandant de la Brigade, on m'a nommé aux fonctions de chef
12 de l'instance chargée -- du renseignement et de la sécurité au sein de la
13 1ère Brigade d'Infanterie légère à Bratunac.
14 Q. Avez-vous gardé ces fonctions-là jusqu'à la fin de la guerre ?
15 R. Je suis resté à ce poste jusqu'à la fin de la guerre, jusqu'à la
16 démobilisation.
17 Q. Merci. En ce moment-ci, vous êtes en train de purger une peine de
18 prison de 20 ans ?
19 R. C'est exact.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, avant que d'aller
21 plus en avant, puis-je demander l'année de naissance de ce témoin ?
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, excusez-moi, Monsieur le Président.
23 Q. Veuillez indiquer aux Juges la date de votre naissance.
24 R. Je suis né le 20 février 1955.
25 Q. Est-il exact de dire qu'en 2003, vous avez plaidé coupable devant ce
26 Tribunal pour persécutions et crimes contre l'humanité ?
27 R. C'est exact.
28 Q. Très brièvement, veuillez nous dire, avant que d'avoir fait votre
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1 plaidoyer et accord de plaidoyer avec les représentants du bureau du
2 Procureur; est-ce qu'à un moment donné, vous avez bien dit que vous vous
3 étiez trouvé à Kravica et Sandici, et avez-vous fait des déclarations liées
4 aux crimes commis là-bas, pour lesquels vous avez dit que ce n'était pas la
5 vérité, et vous avez retiré vos propos ? Est-ce que vous pouvez expliquer
6 ce qui s'est passé au juste là-bas ?
7 R. Oui, je vais le faire. La vérité c'est que, lors de mes négociations
8 avec le bureau du Procureur, à un moment donné, lorsque ces négociations
9 avaient déjà avancé grandement, j'ai dit ce que vous venez d'indiquer. La
10 raison pour laquelle j'ai dit cela, je vais vous l'expliquer brièvement.
11 Lors de mes entretiens avec l'Accusation, et on s'est rencontré un nombre
12 infini de fois, et un nombre infini de fois, on est revenu au même sujet y
13 compris le sujet de Kravica et les événements qui se sont produits là-bas.
14 Bien entendu, je comprends les efforts de l'Accusation et je comprends les
15 méthodes, la façon de fonctionner et d'interroger les gens, et l'effort
16 déployé ou investi pour arriver à la vérité au sujet de la participation de
17 tout un chacun, moi, compris, et on m'a posé un nombre infini de questions
18 au sujet de questions [phon] -- et autant de fois, j'ai dit à l'Accusation
19 que je n'avais rien à voir avec Kravica. En termes simples, je n'ai pas
20 participé à ce qui s'est passé à Kravica, et le seul lien avec Kravica,
21 c'est le segment, c'est un ordre reçu du commandement du Corps de la Drina
22 une fois que s'est produit l'incident de Kravica. J'étais chargé d'enquêter
23 pour savoir si, dans ce crime, il y avait participation de quelqu'un de
24 l'armée, et quelle était la structure qui avait commis le crime de Kravica.
25 Un jour, il me semble que c'était au mois d'avril ou à peu près, on s'est
26 ré réuni, l'Accusation m'a encore interrogé à ce sujet, et j'étais révolté,
27 et aussi plus encore parce que je ne savais plus que faire de moi-même et
28 comment me comporter, j'ai dit à un moment donné : "Oui, j'ai ordonné cela,
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1 j'ai fait cela, et tout de suite après l'avoir dit, j'ai compris ce que
2 j'ai fait, j'ai compris que j'avais commis une erreur, et mes avocats et
3 moi avons interrompu les négociations à ce moment-là.
4 Au bout d'une journée, c'était une fête, c'était l'anniversaire de la reine
5 ici, aux Pays-Bas, donc après cette journée-là, j'ai re-rencontré le par
6 conséquent, et avec mon avocat, je leur ai fait savoir, mon avocat et moi-
7 même qu'il y avait une erreur de ma part, et qu'en vérité, je n'avais rien
8 avec, j'acceptais la responsabilité d'avoir déclaré ce que j'avais déclaré
9 la journée d'avant.
10 Le bureau du Procureur voulait que je signe une déclaration, j'ai accepté
11 de le faire. Ça ne me posait pas un problème, je l'ai donc fait. J'ai fait
12 une erreur et j'étais disposé à signer une déclaration acceptant ma
13 responsabilité vis-à-vis de ce que j'avais dit.
14 En sus dans cette déclaration, il y a un élément qui se rapporte à
15 une photographie. Pour ce qui est de cette photographie, je tiens à
16 expliquer aussi qu'on m'avait montré une photo, sans rien savoir du tout à
17 son sujet. Je ne savais pas si c'était moi ou pas, la personne qu'on voyait
18 sur cette photo me ressemble vraiment, je n'étais pas tout à fait honnête
19 pour savoir si c'était moi ou si c'était quelqu'un d'autre. Toujours est-il
20 que je ressemblais à ce soldat sur la photo, et j'étais dans une espèce de
21 dilemme, jusqu'au moment où mon avocat n'enquête à ce sujet et me retrouve
22 l'individu qui se trouve sur cette photo. Sur cette photo on voit un
23 dénommé Savic. Je ne me souviens plus du prénom. Mon avocat a recueilli une
24 déclaration de sa part, il a pris la photo en question, il a pris ce
25 document et la déclaration, et la photo et a tout remis au bureau du
26 Procureur.
27 Voilà, c'est en bref tout ce que je pourrais vous dire au sujet de
28 cette déclaration, et à chaque fois que je suis venu ici, j'ai exprimé mes
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1 regrets pour ce qui s'est passé. Je le regrette à présent encore, dans tous
2 nos contacts ultérieurs, je me suis efforcé d'être tout à fait sincère et
3 de dire ce que je savais au sujet d'événement où j'étais présent, au sujet
4 de ce que j'avais vu, ou au sujet de ce que j'ai eu l'occasion d'enquêter
5 en qualité du chargé de renseignement. C'est tout ce que je pourrais vous
6 dire au sujet de l'événement en question.
7 Q. Merci. Etant donné que vous nous avez parlé de cette déclaration --
8 M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 65 ter,
9 21590, s'il vous plaît.
10 Q. Pouvez-vous voir ce document ce document dans votre langue à vous,
11 Monsieur Nikolic ?
12 R. Oui, c'est le cas.
13 Q. Est-ce que c'est la déclaration que vous avez évoquée tout à l'heure ?
14 R. Oui, c'est l'avenant, c'est l'intercalaire B, qui a des pièces jointes
15 au sujet de documents dans leur ensemble que j'ai signés lors de mes
16 entretiens avec le bureau du Procureur.
17 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de
18 ce document, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P4385, Madame,
21 Messieurs les Juges.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on nous montrer le 65 ter à présent,
23 qui porte la référence 21584. Il s'agit de l'avenant A, c'est-à-dire une
24 requête conjointe pour prendre en considération un plaidoyer de
25 culpabilité.
26 Q. Brièvement, dites-nous : reconnaissez-vous ce document ? Est-ce que,
27 bien, l'accord de plaidoyer que vous avez signé, Monsieur Nikolic ?
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous -- devrions-
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1 nous lui montrer d'abord la dernière page ?
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, nous pouvons le faire, Monsieur le
3 Président.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'en souviens. C'est le texte d'accord
5 par lequel j'ai reconnu le point 5(H) [comme interprété] de l'acte.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. J'aimerais qu'on nous montre la page
7 4 de la version anglaise maintenant il s'agit aussi de la page 4 en version
8 B/C/S. Nous voyons là un paragraphe numéro 9 : "Coopération de Momir
9 Nikolic." Je demande à M. Nikolic, enfin, pour le compte de M. Nikolic, à
10 ce qu'on nous affiche la page 5, la page suivante.
11 Q. Alors, ici, il y a un paragraphe 11, où il est dit ce qui suit,
12 Monsieur Nikolic :
13 "Momir Nikolic et l'Accusation sont tombés d'accord pour ce qui est de la
14 totalité des informations et les propos de M. Nikolic doivent être tout à
15 fait conformes à la vérité. Cela signifie que Momir Nikolic ne doit ni
16 minimiser ses agissements ni présenter de contre-vérité concernant la
17 participation des autres."
18 Vous souvenez-vous de cette partie-là de notre accord, Monsieur Nikolic ?
19 R. Oui, je m'en souviens, Monsieur.
20 Q. Vous comprenez bien quelle est l'obligation qui en découle aujourd'hui
21 s'agissant de cet énoncé au texte de l'accord ?
22 R. Oui, bien sûr que je le comprends.
23 M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce
24 document au dossier.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ce sera versé au des. Ça deviendra
26 la pièce P4386.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
28 Q. Je ne vais pas vous demander de vous pencher sur la totalité du
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1 document, mais puisque vous avez reconnu votre culpabilité, vous avez
2 plaidé coupable et vous avez signé un accord, vous avez témoigné dans bien
3 des affaires de ce Tribunal, comme par exemple, récemment dans Tolimir l'an
4 passé, et vous avez témoigné pour le tribunal d'Etat, la cour d'Etat de
5 Bosnie-Herzégovine; c'est bien exact ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Merci. Ceci met un terme à la partie contextuelle. Je voudrais
8 maintenant que nous parlions des missions qui étaient les vôtres au sein de
9 ces instances chargées de la Sécurité et du Renseignement de la Brigade
10 d'Infanterie légère de Bratunac, juillet 1995.
11 Pouvez-vous brièvement nous dire combien de brigades -- ou plutôt, combien
12 de bataillons il y avait dans les brigades en 1995 ?
13 R. La brigade où j'ai été affecté, la 1ère Brigade d'Infanterie légère de
14 Bratunac, avant en son sein trois Bataillons d'Infanterie. Quand je dis
15 "trois Bataillons d'Infanterie," ce que j'entends c'est les effectifs
16 permanents partant de la structure organisationnelle d'une Brigade
17 d'Infanterie légère. Bien entendu, chaque brigade peut se voir rattacher
18 d'autres unités du même rang ou d'un rang subalterne. Si cela vous
19 intéresse, je peux dire que, pendant la période de crise, en 1995, et même
20 avant les conflits autour de l'enclave, on a rattaché un Bataillon
21 d'Infanterie à cette brigade et ce bataillon venait de la Brigade
22 d'Infanterie de Zvornik. Ce bataillon se trouvait dans le système
23 organisationnel de notre brigade, de ma brigade, du point de vue du
24 commandement et du point de vue de la logistique également.
25 Q. Comme vous l'avez dit, vous étiez chef chargé de la sécurité et du
26 renseignement à la Brigade d'Infanterie légère de Bratunac au cours de la
27 période qui nous intéresse. Pourriez-vous expliquer, aux Juges de la
28 Chambre, dans quelle mesure il est habituel qu'un seul individu exerce ces
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1 deux fonctions, ou est-ce que dans d'autres brigades, telle que cette de
2 Zvornik, il y avait un chargé de la Sécurité, et puis un chargé du
3 Renseignement en terme de commandements est-ce qu'il s'agissait de deux
4 individus différents, par exemple, dans la Brigade de Zvornik ?
5 R. Votre question a peut-être souffert d'un petit problème
6 d'interprétation, mais je pense savoir ce que vous essayez de me dire.
7 Une Brigade d'Infanterie légère est le tout premier niveau, premier échelon
8 au niveau de la brigade, avec une instance chargé de la Sécurité pour la
9 structure organisationnelle. Mais dans les Brigades d'Infanterie légères,
10 il y avait différents chefs d'instance, c'est-à-dire chefs du renseignement
11 et de sécurité lesquels sont chargés des questions tant de sécurité que des
12 questions de renseignement. Ces deux rôles s'inscrivent dans le cadre d'une
13 tâche accomplie par un seul individu.
14 Le premier niveau où se séparent ces deux fonctions c'est le niveau de la
15 Brigade d'Infanterie par opposition de la Brigade d'Infanterie légère où
16 j'exerçais personnellement mes fonctions. J'étais officier au sein de la
17 Brigade d'Infanterie légère. La Brigade d'Infanterie de Bratunac, en
18 revanche, disposait de deux postes différents. Deux individus différents
19 occupaient ce poste. Il y a, en effet, deux chefs différents.
20 Mais dans une Brigade d'Infanterie légère, le chef n'est pas un officier
21 responsable par opposition au chef du renseignement dans une Brigade
22 d'Infanterie ou du chef de sécurité qui dispose d'un certain nombre de
23 prérogatives spécifiques et d'un numéro d'identification spécifique. En
24 d'autres termes, il a le droit de procéder à des perquisitions, des
25 arrestations, à présenter des rapports au pénal, ainsi que de se charger
26 d'autres questions relatives ou relevant du droit pénal, mais il s'agit de
27 prérogatives dont je ne disposais pas.
28 Au sein de ma brigade, les questions à caractères juridiques ou pénales
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1 étaient réglées de façon différente, et si vous souhaitez savoir comment
2 nous régions cela dans ma brigade, je me ferais un plaisir de vous
3 l'expliquer.
4 Q. J'y viendrai plus tard, Monsieur Nikolic. Dans l'intervalle, je
5 souhaiterais que l'on concentre notre attention sur le volet renseignement,
6 pourriez-vous très brièvement, pour les Juges de la Chambre, nous fournir
7 quelques explications quant à vos fonctions du côté renseignement de vos
8 activités.
9 R. Oui, bien entendu. Dans une brigade, tous les devoirs et toutes les
10 obligations d'une instance chargée du Renseignement sont définis par une
11 règle fondamentale, même s'il y en a plusieurs, mais il y a une règle
12 spécifique que l'on appelle --
13 L'INTERPRÈTE : L'interprète invite le témoin à bien vouloir répéter le
14 terme utilisé.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, les interprètes n'ont
16 pas entendu le terme que vous avez utilisé au moment où vous désignez un
17 individu. Pourriez-vous peut-être re-dire votre réponse, s'il vous plaît.
18 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être, Monsieur le Président, Madame,
19 Messieurs les Juges, je pourrais lui poser une question afin qu'il reprenne
20 sa déclaration.
21 Q. Désolé. Nous sommes un petit peu en retard. Pourriez-vous peut-être
22 nous décrire à nouveau les devoirs et prérogatives de l'officier chargé du
23 renseignement, s'il vous plaît ?
24 R. J'étais en train de vous dire que l'instance chargée de la -- du
25 Renseignement ou le chef de l'instance chargée du Renseignement dispose
26 d'un -- de fonctions prévues par une règle qui s'appelle appui au
27 renseignement. C'est là l'intitulé de la règle. Dans les faits, dans la
28 pratique, dans ma brigade tout comme dans n'importe -- comme pour n'importe
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1 quel officier chargé du renseignement, nous suivions les principes
2 suivants. Un officier chargé de l'information, un organe chargé du
3 Renseignement recueille, traite et analyse les renseignements. Il les
4 transmet également au -- à la hiérarchie, c'est-à-dire que le commandant ou
5 le destinateur du renseignement peut ensuite, au moment venu, prendre la
6 décision la plus idoine dans les plus bref délais. C'est là l'obligation
7 qui est faite à l'instance de sécurité et de renseignement au niveau d'une
8 brigade.
9 Q. Merci. En 1995, au poste que vous occupiez au sein de la Brigade de
10 Bratunac, est-ce que -- parmi les choses que vous deviez connaître afin de
11 pouvoir procéder à une analyse de la situation dans l'enclave et la
12 situation des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine présentes dans
13 l'enclave, est-ce que, donc, parmi les informations dont vous disposiez,
14 vous aviez des informations sur les mouvements de ces forces et aviez-vous
15 connaissance de leurs projets ?
16 R. Oui. C'était effectivement la tâche qui incombait à tout officier
17 chargé du renseignement.
18 Q. Très bien. Je souhaite à présent que nous évoquions le volet sécurité.
19 La question est la même : pourriez-vous nous décrire brièvement quelles
20 étaient les prérogatives de la personne chargée de la sécurité ? Quels
21 étaient vos devoirs et fonctions ? Vous nous avez parlé des rapports au
22 pénal. Pourriez-vous peut-être nous dire quel était le rôle de M. Zlatkan
23 Celanovic au sein de la brigade, du côté sécurité, donc ?
24 R. Je souhaite attirer l'attention des Juges de la Chambre sur le fait
25 suivant qui me semble important de porter à votre connaissance. En 1995,
26 sachez-le, il y a une chose que je sais, qu'on voit apparaître dans les
27 documents ayant trait aux différentes fonctions des organes de sécurité,
28 des organes de renseignement de la Brigade de Bratunac. La date, je ne la
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1 connais pas, mais on peut procéder aux vérifications d'usage.
2 Quoi qu'il en soit, en 1995, c'était sans doute au mois d'avril,
3 peut-être au mois de mai, compte tenu des nouvelles structures
4 organisationnelles de la Brigade d'Infanterie légère, les deux postes ont
5 été séparés, mais j'occupais, moi -- j'étais dans une position
6 particulière, dans la mesure où la personne qui était censée occuper les
7 postes de chargés du renseignement était à Trnovo dans un tout autre
8 théâtre de guerre, aux alentours de Sarajevo.
9 Par la suite, dans la mesure où il n'avait pas été formé aux
10 questions de renseignement, il a dû suivre un cours avant de pouvoir
11 assumer son -- entrer en fonction. En théorie, à l'époque, mon unité
12 connaissait une séparation de ces deux fonctions, mais en fait, dans la
13 pratique, je continuais d'avoir ces deux prérogatives et de porter ces deux
14 casquettes au sein de la Brigade d'Infanterie légère.
15 Comme je vous l'ai dit au début de ma déposition, les chefs des
16 organes de sécurité et de renseignement dans une Brigade d'Infanterie
17 légère n'étaient pas un officier bénéficiant d'un agrément. C'est la raison
18 pour laquelle nous, nos fonctions étaient celles qu'aurait assumé un chef
19 des services de Renseignement et de Sécurité dans cette région. En d'autres
20 termes, il s'agissait simplement des activités liées au personnel à
21 proprement parler.
22 Alors qu'est-ce que cela signifie ? Ça signifie que, dans une Brigade
23 d'Infanterie légère, un organe chargé de la Sécurité a, pour obligation, de
24 protéger les membres de son unité et la hiérarchie de sa propre unité
25 contre tout danger de sabotage, d'acte terroriste ou de tout autre groupe
26 pouvant menacer dans un premier temps la hiérarchie, dans un deuxième
27 temps, l'arsenal, les équipements, les explosifs, et cetera. Puis,
28 troisièmement, l'unité elle-même et les postes qu'ils -- les positions
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1 qu'ils occupent, donc, hiérarchie, effectifs doivent être bénéficiés de la
2 protection du chef de la sécurité en termes de renseignements et de
3 sécurité. Si l'on doit réparer ces postes quant à l'endroit où les -- où
4 exercer ces activités et le charger de la sécurité et du renseignement, je
5 dirais que 75 %, peut-être 80 %, du travail est lié aux questions de
6 renseignement alors que les quelques pourcents qui restent sont liés aux
7 activités de sécurité pour la hiérarchie ainsi que pour les effectifs.
8 La règle première pour l'instance chargée de la Sécurité est que,
9 certes, l'on protège l'unité, mais il faut également mener les activités
10 d'analyse de contre-renseignement sur la base desquels l'on --
11 L'INTERPRÈTE : Le témoin s'interrompt.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais que signifie contre-renseignement ? Cela
13 signifie qu'il faut procéder à une évaluation du degré du niveau de menace
14 pour le commandement ou pour les équipement, et sur base de cela, l'on
15 propose des mesures à prendre au commandant afin de lutter contre les
16 incursions de groupes de sabotage, de terroristes et afin de rejeter toute
17 menace à l'unité, à ses effectifs, à ses équipements ou à son arsenal.
18 Au sein de mon unité, l'organe chargé de la sécurité, outre les
19 activités liées au contre-renseignement, l'organe de sécurité, donc, devait
20 se charger de recueillir des documents relatifs aux crimes commis dans la
21 zone de responsabilité de l'unité et de les fournir à toutes les autres
22 unités au même niveau.
23 En ce qui concerne les délits au pénal, dans la mesure où je n'étais
24 -- bénéficiait pas de l'agrément nécessaire officiel et que je ne pouvais
25 pas signer les rapports officiels. Je me fondais sur les ordres de mon
26 commandement et c'est Zlatan Celanovic qui a été désigné pour s'occuper de
27 ces questions. Il était avocat et il faisait partie de la police militaire
28 au sein de ma brigade à l'époque. Mais c'était lui qui se chargeait de ces
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1 questions et qui était le professionnel chargé de cela. Il devait, en
2 effet, rédiger des rapports sur les crimes, rédiger les rapports au pénal
3 et se chargé de toutes les procédures nécessitant la signature d'un
4 rapport. Ces rapports ne pouvaient être signés que par le commandant de la
5 brigade. Zlatan Celanovic présentait tous les rapports, les présentait au
6 commandant qui devait les signer et qui ensuite les transférait aux
7 procureurs militaires, aux tribunaux militaires. Voilà comment
8 fonctionnaient les choses au sein de la brigade à l'époque.
9 M. NICHOLLS : [aucune interprétation] [hors micro]
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.
11 M. NICHOLLS : [interprétation]
12 Q. Vous nous avez parlé --
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. -- de votre commandant. En 1995, qui était-il, votre supérieur
15 hiérarchique direct ?
16 R. En 1995, mon commandant était le colonel Vidoje Blagojevic.
17 Q. Il vous donnait des ordres ?
18 R. Oui. Le commandant est l'homme chargé de donner des ordres à ses
19 officiers et au commandement de la brigade.
20 Q. Pour rédiger des rapports de renseignement ou autres, destinés au
21 commandant Blagojevic, vous faisiez rapport à ce commandant, Vidoje
22 Blagojevic ?
23 R. Bien entendu, et il m'appartenait tout comme à tout commandant
24 assistant de faire état de la situation, des problèmes que l'on pouvait
25 connaître.
26 Q. Il y a ce que l'on appelle la gestion professionnelle ou la chaîne de
27 savoir-faire, si j'ai bien compris. En d'autres termes, les chaînes de
28 commandement liées à la sécurité et au renseignement, dans le cadre de
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1 cette chaîne hiérarchique-là; est-ce que vous faisiez rapport au commandant
2 du Corps de la Drina, au commandant adjoint, pardon du Corps de la Drina
3 chargé de la sécurité ?
4 R. Oui, absolument, c'est à lui que je faisais rapport. Je comprends votre
5 question, mais elle n'est pas très spécifique. Tout rapport un rapport à
6 caractère professionnel, mais si l'on peut suivre la chaîne hiérarchique,
7 la chaîne de commandement, il y a une façon spécifique de suivre la ligne
8 hiérarchique professionnelle. Si l'on suit la chaîne de commandement, on
9 commence, je ne sais pas moi, au niveau du bataillon, par exemple, où le
10 commandant du bataillon fait rapport au commandant de la brigade, qui lui-
11 même fait rapport au commandant du corps.
12 Pour ce qui est en revanche des rapports à caractère professionnel ou
13 officiel, notamment pour les questions de sécurité ou de renseignement,
14 alors le commandant adjoint au sein du bataillon chargé de la sécurité et
15 du renseignement, me faisait rapport à moi, qui moi-même, faisais rapport
16 au Corps de la Drina, et aux organes chargé de la sécurité et du
17 renseignement, au sein du Corps de la Drina. C'est ainsi que fonctionnait
18 la ligne professionnelle ou officielle.
19 Q. En juillet 1995, qui étaient les commandants adjoints chargés de la
20 sécurité et du renseignement, au sein du Corps de la Drina ?
21 R. Dans le Corps de la Drina, Vujadin Popovic, si je ne m'abuse, était
22 l'homme responsable des questions de sécurité; et le lieutenant-colonel
23 Kosoric était chargé des questions de renseignement.
24 Q. Dans cette chaîne officielle ou professionnelle qui, à qui Popovic
25 faisait-il rapport ?
26 R. Le lieutenant-colonel Popovic suivait la ligne officielle et
27 professionnelle, et faisait rapport à la section chargée de
28 l'administration et du renseignement au sein de l'état-major principal dont
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1 le chef était le colonel Beara.
2 Q. L'on dit, "intelligent" -- "renseignement" pardon, vous voulez dire que
3 Beara était chargé du renseignement et de la sécurité, n'est-ce pas ?
4 R. Le colonel Beara était le chef de l'administration de la sécurité. Le
5 chef de l'administration du renseignement, était le colonel Salapura.
6 Q. Merci. Voilà qui est clair. Permettez-moi à présent d'évoquer d'autres
7 structures de la brigade, et arrêtons-nous quelques instants sur la police
8 militaire, si vous le voulez bien.
9 Qui était le commandant de la police militaire, dans la Brigade de
10 Bratunac, en juillet 1995 ?
11 R. En juillet 1995, le commandant de la police militaire était Mirko
12 Jankovic.
13 Q. J'aurais dû vous poser la question précédemment. Quel était votre grade
14 en 1995, juillet 1995 ?
15 R. Mon grade était capitaine, au mois de juillet.
16 Q. Qui était le supérieur hiérarchique direct de Mirko Jankovic de la
17 police militaire ? Qui lui donnait ses ordres, auprès de qui prenait-il ses
18 ordres ?
19 R. Son supérieur hiérarchique direct était le commandant de la brigade,
20 puisque Jankovic était commandant de la police militaire.
21 Q. Au poste que vous occupiez, étiez-vous chargé d'une manière ou d'une
22 autre de fournir des conseils, des avis professionnels quant à
23 l'utilisation qu'il convenait de faire de la police militaire ?
24 R. Oui. Il y a une règle, la règle intitulée gestion professionnelle de la
25 police militaire par le chef de la sécurité et du renseignement, prévoyait
26 effectivement un certain nombre de tâches qui étaient les miennes, et par
27 conséquent, c'était mon droit et mon devoir de rédiger des propositions
28 quant à la meilleure utilisation à faire de la police militaire.
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1 Q. Merci. Ces propositions à qui les adressiez-vous ?
2 R. Toutes propositions liées à l'utilisation de la police militaire sont
3 présentées au commandant de la brigade, en l'occurrence Vidoje Blagojevic.
4 Q. Donc ensuite le commandant Blagojevic décidait d'accepter ou de ne pas
5 accepter une proposition, ou et ensuite de donner des ordres qui n'avaient
6 strictement rien à voir avec la teneur de votre proposition, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. Le commandant avait tout le loisir de décider, c'était là son
8 pouvoir discrétionnaire, s'il entendait accepter l'ensemble de ma
9 proposition, seulement certains éléments de ma proposition, ou s'il
10 souhaitait la rejeter complètement. C'est à lui qu'il appartenait de
11 décider de faire quelque chose tout à fait différent. Une fois la décision
12 prise par le commandant, c'est lui qui avait le dernier mot. C'était sans
13 appel, il n'y avait plus de discussion possible. L'on mettait en œuvre les
14 tâches ordonnées par le commandant directement.
15 Q. Dernière question à propos de la police militaire. Dans le cadre qui
16 existait à l'époque, compte tenu du contexte de l'époque, aviez-vous des
17 responsabilités et devoirs s'agissant des prisonniers de guerre ?
18 R. Oui. Les ordres devaient toujours définir les devoirs de la police
19 militaire concernant les prisonniers de guerre, à supposer qu'il y ait des
20 prisonniers de guerre, bien entendu.
21 Q. Mais d'une manière générale, la police militaire était chargée de
22 s'occuper des prisonniers capturés ?
23 R. Oui. La police militaire en effet avait entre autres, parmi ses
24 prérogatives, votre question est théorique, mais une de ses prérogatives
25 était de veiller à la sécurité physique de prisonniers de guerre. Il
26 appartenait également à la police de se charger d'autres tâches, à supposer
27 que le commandant de la police militaire les lui ait confiées. Si vous me
28 demandez si la règle pour les prisonniers à partir du moment où il y a des
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1 prisonniers, la règle des règles est de veiller à ce que la police
2 militaire veillait à leur sécurité, je vous dirais que oui.
3 Q. Je propose que nous passions à -- que nous changions des sujets. Il
4 s'agit de vos prérogatives en tant qu'officier de liaison auprès de la
5 FORPRONU et des autres organisations internationales présentes dans les
6 enclaves.
7 Je me réfère à 1995. Quels étaient vos devoirs, par exemple, en ce
8 qui concerne le DutchBat, quel était votre rôle ?
9 R. Pour ce qui est du DutchBat, il m'appartenait dans la zone de
10 responsabilité de ma brigade, et conjointement avec les représentants du
11 DutchBat, il m'appartenait donc de régler toutes questions découlant de la
12 violation de l'accord sur les zones démilitarisées par l'une ou l'une des
13 parties peu importait qui avait violé les termes de l'accord, qu'il
14 s'agisse des Musulmans ou des soldats de ma brigade.
15 Nous réglions toutes ces questions dès lors qu'elles se présentaient
16 qu'elles posaient des problèmes de gestion au quotidien des opérations tant
17 pour les soldats néerlandais pour nous.
18 Q. On a évoqué les questions liées à la violation ou aux violations
19 de l'accord sur les zones démilitarisées par l'une ou l'autre des parties.
20 De quels types de griefs parliez-vous, avec les représentants du
21 DutchBat, donc s'agissant de ces violations du côté de l'armée de la
22 Republika Srpska ?
23 R. Bien, je ne peux vous fournir qu'une réponse à caractère général, parce
24 que l'on a discuté de nombreux incidents, on a essayé de régler de
25 nombreuses questions. En principe, le principal grief, et là, je vous parle
26 de la VRS et de ma brigade spécifiquement de la mienne, donc le plus gros
27 problème était des incursions au sein de l'enclave, c'est-à-dire que nos
28 forces faisaient des incursions au sein des enclaves, et violaient donc les
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1 frontières constituant ces enclaves. Plusieurs incursions dans les enclaves
2 ont été faites par des groupes de sabotage notamment, et ce genre
3 d'incidents étaient quotidiens mais -- ou en tout cas, très fréquent. Puis
4 il y avait le problème des tireurs embusqués et des tirs essuyaient depuis
5 les positions de ma brigade, 1ère ou 3e Bataillon d'Infanterie. Par
6 ailleurs, il y avait également l'entrée et la sortie des convois qui
7 posaient problème et les problèmes d'approvisionnement également du
8 DutchBat au sein de l'enclave, je fais spécifiquement référence à la
9 période allant de mars/avril et jusqu'à la chute de Srebrenica. Les
10 problèmes se sont intensifiés au cours de cette période.
11 Donc voilà les questions principales dont nous avons discuté et pour
12 lesquelles nous avons essayé de trouver des solutions pouvant donner
13 satisfaction aux uns comme aux autres.
14 Q. Je vais vous interrompre ensuite nous parlerons de l'autre partie, vous
15 avez parlé des tireurs embusqués je me place du point de vue serbe
16 maintenant, nous parlerons de la partie musulmane dans quelques instants,
17 mais est-ce que des représentants du DutchBat ou du fait des activités que
18 vous meniez en tant que responsable de la sécurité et du renseignement vous
19 aviez connaissance de tirs essuyés par des populations civiles au sein de
20 l'enclave et provenant de tireurs embusqués de la Brigade de Bratunac ?
21 R. Oui. Il y avait des soldats irresponsables qui, en dépit de toutes les
22 mesures prises pour empêcher que ce genre de choses ne puissent se produire
23 d'ouvrir le feu, et il y avait donc des civils qui étaient blessés ou tués,
24 et qui n'auraient pas dû être la cible des tireurs embusqués.
25 Q. Bien, lorsque vous avez commencé à répondre aux griefs dont vous nous
26 avez parlé concernant donc les incidents qui se produisaient au sein de
27 l'enclave ? En d'autres termes, les attaques sur les positions serbes en
28 violation de l'accord conclu.
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1 R. Bien, l'autre partie dans l'enclave de Srebrenica, bien, ils n'avaient
2 pas démilitarisé. Beaucoup de Musulmans, beaucoup de soldats, portaient
3 encore des armes, et par rapport à ce qu'on fait les membres de ma brigade,
4 je dirais que les membres de l'armée musulmane ont fait la même chose que
5 les membres de ma brigade. Il y a eu des personnes de tuées sur la ligne de
6 séparation. Il y avait des incursions, des embuscades. Des civils qui ont
7 été tués et qui n'avaient rien à voir avec l'armée. C'étaient des personnes
8 qui n'étaient pas armées et qui avaient néanmoins été la cible de tireurs
9 embusqués. Ils n'auraient pas dû faire l'objet d'embuscades, et il y a
10 également eu des incursions dans des zones sur lesquelles nous n'avions
11 aucun contrôle, et donc on tirait sur des civils qui étaient en train de
12 labourer leur terre et qui étaient sur leur terrer.
13 Il y a donc eu des attaques organisées, et des tentatives pour créer,
14 établir des positions tactiques par rapport à la position des Serbes. Donc
15 c'est le même genre de violation que l'on retrouve des deux côtés.
16 Q. Pour être clair, ces incidents, et ces violations dont nous parlons du
17 côté donc musulman, ou du côté des forces armées de la Bosnie-Herzégovine,
18 ces incidents, ces violations se sont produites au moment où vous occupiez
19 vos fonctions entre 1992 et juillet 1995; est-ce exact ?
20 R. Bien, non. Votre question porte sur une période bien particulière - en
21 tous les cas c'est ainsi que j'ai compris votre question - à partir du
22 moment où Srebrenica a été déclarée une zone démilitarisée. Donc votre
23 question portait sur cette période, et pendant cette période, la force des
24 Nations Unies était présente, et ce n'était pas avant leur entrée avant le
25 18 avril 1993. A l'époque, nous ne pouvons pas parler de ces choses-là
26 parce que je n'avais pas d'interlocuteur, et nous avons commencé à nous
27 intéresser à ces questions lorsque le DutchBat et les forces des Nations
28 Unies sont entrées dans la zone et ont protégé Srebrenica.
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1 Q. Je comprends. Ma question n'était pas très claire et j'en suis désolé.
2 Ce que je voulais dire, c'est que les attaques à partir de l'enclave dont
3 vous avez parlé, se sont produites avant que ne soit déclaré zone
4 sécurisée; est-ce exact ? Egalement, après qu'elle a été déclarée zone
5 démilitarisée, une zone sécurisée contre les positions serbes et la
6 population serbe.
7 R. Oui. J'ai fait référence à cette période au cours de laquelle
8 Srebrenica avait été déclaré zone démilitarisée. J'ai également parlé des
9 problèmes dont nous avons discuté avec les Néerlandais, au cours de cette
10 période.
11 Q. Bien. Pour parler maintenant des organisations internationales dans
12 l'enclave avec lesquelles vous avez des contacts, pourriez-vous nous dire
13 quelles étaient les organisations présentes avec lesquelles vous aviez des
14 contacts ?
15 R. Les ordres émanaient du commandant du corps et je l'avais nommé pour --
16 en tant que responsable aux officiers des divisions pour toutes les
17 organisations internationales, pour les forces de la FORPRONU, qui se
18 trouvaient à Srebrenica. onc, j'avais essentiellement des contacts avec les
19 représentants du Bataillon néerlandais, le DutchBat, et je pense que les
20 Canadiens étaient là avant également et j'avais également des contacts avec
21 les représentants de la FORPRONU et l'UNHCR avait également représenté et
22 il y avait également représentant de la Croix-Rouge internationale et il y
23 avait les représentants de Médecins Sans Frontières et je pense qu'il y
24 avait également des représentants -- il n'y avait pas de représentants
25 permanents d'autres organisations, mais il y a eu d'autres visites dans la
26 Région de Srebrenica et lorsque ces personnes venaient rendre visite à la
27 région de Srebrenica, j'avais également des contacts avec ces personnes.
28 Mais les instances dont je vous ai parlé étaient présentes de façon
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1 permanente dans l'enclave de Srebrenica avec des représentants qui étaient
2 là de façon permanente.
3 Q. Très brièvement, lorsque vous avez rencontré l'UNHCR, la Croix-Rouge
4 internationale et Médecins Sans Frontière, pouvez-nous dire très brièvement
5 quels sont les sujets dont vous avez parlé avec eux ? Vous pourrez peut-
6 être commencer par Médecins Sans Frontière.
7 R. Avec Médecins Sans Frontières, les questions abordées portaient
8 essentiellement sur ce qui les intéressait, comme par exemple, la situation
9 dans le territoire où je me trouvais, où je vivais, la situation de la
10 population, la question de santé, l'absence d'approvisionnement en
11 médicaments. C'est ce genre de questions. Il y avait également toutes les
12 questions concernant l'enclave. Ils s'occupent des informations sur
13 l'enclave, les problèmes rencontrés par le personnel médical dans les
14 cliniques, à Srebrenica, et de façon générale, ils me parlaient de la
15 situation et de -- du statut, de la santé et des mesures limitées -- et des
16 mesures que l'on pouvait prendre pour effectuer les opérations
17 chirurgicales, et cetera, et cetera.
18 J'étais surtout impliqué dans les tentatives ou dans les demandes de
19 -- d'assistance.
20 Nous étions dans la même situation à Bratunac. Nous leur avions
21 demandé de nous donner des pansements, des vaccins, des -- enfin, tout ce
22 qui pouvait constituer des -- les -- les médicaments dont nous avions
23 besoin.
24 Q. Concernant les deux autres organisations dont vous nous avez parlé --
25 R. Pour la Croix-Rouge internationale, vous avez essayé ou -- pas essayé de
26 s'impliquer dans tout ce qui concernait, donc, les prisonniers, les
27 réfugiés, les personnes déplacées d'un point à l'autre et ce dont j'ai plus
28 particulièrement discuté avec eux et ce sur quoi j'ai insisté, ce sont les
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1 Serbes qui sont restés dans l'enclave. Plusieurs familles étaient restées
2 dans l'enclave et nous avons essayé de d'arriver à un accord de façon à ce
3 que ceux qui souhaitaient quitter l'enclave de Srebrenica puissent le
4 faire, et ils se sont mis à notre disposition pour organiser cela.
5 Nous avons même également eu des réunions au Pont Jaune et ils ont
6 même fait venir une femme âgée qui avait sa famille et son fils et qui
7 vivait à Srebrenica, et donc, on a discuté pour savoir si elle souhaitait
8 quitter Srebrenica ou pas.
9 Nous avons également eu d'autres discussions avec la Croix-Rouge
10 internationale qui avait également quelques requêtes concernant
11 l'évacuation de personnes malades ou blessées à Tuzla ou patients dans les
12 hôpitaux, et ils ont agi en tant que médiateurs lorsqu'il y a eu, donc, des
13 requêtes du commandant du Corps de la Drina et de l'état-major principal.
14 Donc ils -- ceci se faisait à travers moi, à travers la Brigade de Bratunac
15 et les requêtes étaient faites pour déplacer ces personnes vers d'autres
16 villes sous le contrôle de l'armée musulmane.
17 Donc il y avait également d'autres questions dont j'ai discuté avec
18 eux et nos discussions portaient essentiellement sur des questions
19 militaires.
20 Les questions délicates dont j'ai pu parler avec le DutchBat étaient à 99
21 %, donc, des questions dont les observateurs militaires et moi-même avions
22 déjà discuté. Ils souhaitaient rester neutres par rapport aux deux parties
23 et nous avons essayé de voir ou ils ont essayé de voir la situation de
24 façon neutre, sans être biaisés et c'est ainsi que nous avons essayé, donc,
25 de nous pencher sur ces questions militaires et de les traiter.
26 Q. Bien. Nous reparlerons de cela un petit peu plus tard, de votre contact
27 que vous avez pu avoir avec le DutchBat et de certains des problèmes.
28 Ce dont je souhaiterais vous parler maintenant, ce sont les objectifs de la
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1 VRS envers la population musulmane à Srebrenica avant juillet 1995. Qui
2 était le commandant de la Brigade de Bratunac avant Vidoje Blagojevic ?
3 R. Le commandant de la Brigade de Bratunac avant Vidoje Blagojevic était
4 le lieutenant-colonel Slavko Bijelic [comme interprété].
5 Q. Nous avions "Bijelic" dans le transcript; est-ce exact ? N'est-ce
6 Ognjenovic ?
7 R. Oui. Slavko Ognjenovic.
8 Q. Merci. Je voudrais donc que l'on puisse voir le document que vous avez
9 déjà vu.
10 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit de la pièce 4075.
11 Q. C'est le premier document de la Brigade de Bratunac -- le document de
12 la 1ère Brigade de Bratunac en date du 4 juillet 1995 - non, 1994 et non
13 1995 - un rapport des membres de la brigade qui ont été envoyés au 3e
14 Bataillon d'Infanterie. Lorsque nous arriverons à la dernière page, nous
15 verrons qu'elle a été signée par le commandant Slavko Ognjenovic.
16 Vous avez déjà vu ce document ?
17 R. Oui, j'ai déjà vu ce document. Je sais de quoi il parle.
18 Q. Bien. Avant la pause, nous avons regardé ce document. Le paragraphe 1
19 fait référence à la visite récente au commandant du corps, le commandant de
20 la VRS GS et du état-major principal de la VRS GS, indiquant qu'il allait
21 bientôt rendre visite aux unités du corps, y compris à la Brigade de
22 Bratunac. Très simplement est-ce qu'il y a la référence faite au général
23 Mladic ?
24 R. Le commandant de l'état-major principal, à cette période, était Ratko
25 Mladic, le colonel général, Ratko Mladic.
26 Q. Le commandant écrit ensuite concernant ce document :
27 "Que cette information lie toutes les unités et les membres de la
28 brigade, pour effectuer donc toutes les opérations concernant les unités,
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1 et les préparer au combat, au niveau de la Brigade de Bratunac, et ce
2 pourquoi la Brigade de Bratunac est renommée."
3 Est-ce que vous pourriez nous expliquer très brièvement ce que cela
4 signifie, d'amener les choses au niveau de la préparation au combat; est-ce
5 que vous pourriez expliquer ce terme ? Faire en sorte que tout soit prêt
6 pour la préparation au combat ?
7 R. Permettez-moi d'abord de m'assurer de quelque chose. Je voudrais
8 vérifier quelque chose.
9 Q. Prenez votre temps.
10 R. Il est évident que c'est là l'intention du commandant de l'état-major
11 principal, à savoir, aller rendre visite à certaines unités, notamment
12 l'unité du Corps de la Drina, et la Brigade de Bratunac, et les Unités de
13 la Brigade de Bratunac. Chaque fois qu'il avait une visite d'un commandant,
14 le commandant au commandement, le commandant du corps ou le commandant de
15 l'état-major principal, cette visite impliquait que le commandant pourrait
16 contrôler un certain nombre de choses, aller voir les unités et se rendre
17 compte de la situation. Il irait rendre visite à certaines positions, voir
18 comment certaines unités avaient été fortifiées, comment est-ce qu'elles
19 s'étaient installées, quelles étaient les situations en terme de tranchée,
20 de place forte pour se défendre des tirs d'artillerie. Donc le niveau de
21 combat des unités et ce qui était conservé.
22 Donc le commandant allait rendre visite à ces unités pour vérifier la
23 situation, et s'assurait que les unités étaient au niveau qui devait être
24 le leur en cas de combat.
25 C'est ce dont on parle lorsque l'on parle de préparation au combat,
26 cela concerne tous les aspects de la préparation au combat et tous les
27 éléments doivent donc être vérifiés. Donc le premier paragraphe, en fait,
28 signifie que la brigade ou les soldats devaient être sur leur position,
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1 devaient être équipés, formés, armés, et ils devraient avoir les munitions
2 suffisantes et les équipements militaires nécessaires pour le combat. C'est
3 ce qu'on appelle la préparation complète au combat, et c'est ce à quoi
4 s'intéressait le commandant lorsqu'il venait rendre visite à ces unités.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Nicholls, si le moment vous
6 paraît opportun, nous pourrions peut-être faire la pause.
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, parfait, Monsieur le Juge.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons donc faire une pause
9 de 20 minutes.
10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
11 --- L'audience est reprise à 10 heures 42.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.
13 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
14 Q. Bien. Nous allons poursuivre avec ce document affiché à l'écran, et
15 nous allons descendre en bas de la page 2 de la version anglaise. Il
16 faudrait que l'on descente un petit peu plus également pour le texte
17 également en version B/C/S, et passez à la page suivante, en fait.
18 Il y a une partie qui concerne la situation politique et commence au
19 paragraphe 2, et je vais vous lire donc cette partie en bas de la page en
20 anglais :
21 "Nous avons gagné la guerre à Podrinje, mais nous n'avons pas battu les
22 Musulmans."
23 Il faudrait que l'on puisse passer à la page suivante maintenant pour
24 la version anglaise :
25 "Complètement c'est ce que nous devrions faire dans les temps qui
26 suivent. Nous devons atteindre notre objectif final, Podrinje entièrement
27 serbe. Les enclaves de Srebrenica, Zepa, et Gorazde doivent être vaincues
28 sur le plan militaire.
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1 "Nous devons continuer à armer, à former, à discipliner et à préparer
2 l'armée de la Republika Srpska pour l'exécution de cette tâche de grande
3 importance - l'expulsion de Musulmans de l'enclave de Srebrenica.
4 "Il n'y aura pas de retraite lorsqu'il s'agit donc de l'enclave de
5 Srebrenica. Nous devons aller de l'avant. La vie de l'ennemi doit être
6 rendu impossible et leur séjour temporaire dans cette enclave doit
7 également devenir impossible de façon à ce qu'ils quittent l'écran en masse
8 dès que possible, en constatant qu'ils ne peuvent survivre là."
9 Bien, étant là-bas en tant que membre de la Brigade de Bratunac au
10 moment où ce document a été publié, et nous verrons par la suite était
11 diffusé dans toutes les unités, quel est le message, quel l'objectif qui en
12 fait est envoyé aux brigades dans ce document, de la part du commandant ?
13 R. Ce que vous venez de me lire, je pourrais dire ce qui suit, il y a une
14 partie ici qui confirme les soldats, l'ennemi, et à mon sens, il n'y a rien
15 que l'on puisse remettre en question concernant cette partie. Elle aurait
16 pu être rédigée de façon différente, mais dans le même objectif. Elle
17 aurait eu toujours le même objectif sur le plan militaire, rendre la vie
18 impossible à l'ennemi, rendre la survie impossible dans l'enclave. C'est
19 l'objectif militaire, et il n'y a rien que l'on puisse remettre en question
20 là. Pas plus non plus concernant les mesures qui auraient dû être prises
21 pour vaincre l'ennemi.
22 Ce que l'on peut néanmoins remettre en question, c'est la partie qui suit,
23 et où il est dit que les conditions de vie doivent être rendues
24 impossibles, de sorte qu'ils quittent l'enclave en masse.
25 Si je ne savais pas ce qui s'était passé, alors ce ne serait qu'une
26 évaluation ou une position politique simplement. Mais dans la mesure où je
27 sais ce qui s'est produit en 1995, ceci doit être replacé dans le contexte
28 de l'année 1995, où en fait la population musulmane dans sa totalité a
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1 quitté l'enclave, et l'enclave a été complètement vidée. Lorsque l'on lit
2 ce document, c'est la première chose qui me vient à l'esprit, et c'est là
3 l'essence même de ce qui est dit dans ces deux paragraphes que je viens de
4 lire.
5 Q. Regardez le dernier paragraphe.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Page suivante de la version anglaise, deux
7 pages plus loin. Il faut aller jusqu'au bout, la dernière page du document.
8 Je souhaiterais que la même chose soit faite pour la version serbe aussi.
9 Q. Il y est dit :
10 "Faire circuler l'information parmi la totalité des membres de la brigade.
11 Le rapport sera examiné par les assistants chargés du moral au niveau du
12 bataillon, et c'est le chargé du moral des affaires religieuses et des
13 affaires juridiques qui est chargé d'interpréter de façon adéquate la
14 teneur de ce document à l'intention des membres de la brigade."
15 Est-ce que c'est bien ce qui s'est passé ? Est-ce que ce document, on l'a
16 fait circuler comme ordonné, à l'intention de tout un chacun ?
17 R. Oui. Ce document ou plutôt non, cette information a été intégralement
18 réalisée. On a réalisé l'ordre du commandant Ognjenovic, tant au niveau de
19 la brigade qu'au niveau des unités subordonnées.
20 Q. Mais quelles ont été les conséquences de cet ordre. Vous avez commencé
21 à en parler à l'occasion de votre témoignage antérieur. Vous avez dit que
22 c'était donner le feu vert. Feu vert pour quoi faire à l'intention des
23 membres de la Brigade de Bratunac ?
24 R. Ce que je sais, c'est au juste ce qui s'est passé, et les modalités
25 suivant lesquelles cette information a été véhiculée vers les soldats qui
26 faisaient partie de ma brigade. Si les Juges sont intéressés par la chose,
27 je peux expliquer ceci dans le détail; cependant, la conséquence de cette
28 information, d'après ce que j'en sais, c'est d'après ma conviction, et pas
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1 seulement ma conviction, mais d'après ce qui s'est passé ensuite, c'est
2 qu'il y a eu légalisation de l'indiscipline au niveau des lignes de
3 démarcation.
4 En termes simples, les soldats par la suite s'agissant de tout ce qu'on
5 avait déterminé les membres du Bataillon néerlandais, moi-même, pour ce qui
6 est des frontières des tireurs embusqués, des tirs en direction
7 d'installations civiles, moi, je parle maintenant des membres de la ma
8 brigade à moi. Prenez bien note de la chose. Alors ce que nous avons essayé
9 d'empêcher ou de réduire au strict minimum, après l'information ici
10 présente, il y a renforcement de ce type d'activité, tireurs embusqués,
11 plusieurs tentatives d'irruption dans l'enclave en profondeur, alors qu'il
12 n'y avait aucune nécessité, absolument aucune nécessité de le faire.
13 L'unité, pour ce qui est des positions tactiques aux prétendues positions
14 obtenues, n'était pas meilleure au fond. En somme, qu'est-ce qui s'est
15 passé, il y a eu intensification des violations de la trêve, du cessez-le-
16 feu, des frontières ou des lignes de délimitation et de tout ce qui a fait
17 l'objet de longs entretiens pour trouver des solutions, les membres du
18 Bataillon néerlandais, les observateurs militaires et moi-même. Je parle de
19 la zone de responsabilité de la zone de Bratunac, je le répète.
20 Pour les Juges de la Chambre, je dirais aussi que je n'étais pas
21 responsable de tous les incidents survenus dans l'enclave de Srebrenica. Il
22 y avait d'autres unités qui s'en chargeaient, des unités voisines. Je parle
23 de la zone de responsabilité de la Brigade de Bratunac, et je le souligne
24 pour que les choses soient dites de façon tout à fait claire.
25 Q. Bon. Ils ont parlé de tirs de tireurs embusqués, et vous venez d'en
26 parler vous-même. Cela veut dire que ces activités se sont renforcées, ont
27 augmenté. Alors est-ce que, mis à part les soldats qui ont été ciblés par
28 des tireurs embusqués depuis la Brigade de Bratunac, il y a eu d'autres
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1 circonstances où des civils auraient fait l'objet de tirs, de la part des
2 membres de la Brigade de Bratunac, avec des fusils à lunettes, une fois que
3 l'information a été véhiculée vers la totalité des membres de la brigade ?
4 Veuillez expliquer quel type de situation il y a eu, quelles ont été les
5 circonstances dans lesquelles des civils ont péri ou ont été blessés par
6 les tirs de tireurs embusqués.
7 R. Pour ce qui est des tirs de sniper, depuis les positions tenues par des
8 membres de ma brigade, je me dois de dire ici que ceci en principe se
9 passait depuis les positions de la totalité des bataillons, le Bataillon de
10 Zvornik qui faisait partie de ma brigade, depuis les positions du 1er, 2e
11 et 3e Bataillons d'Infanterie.
12 Les tirs les plus intenses d'après ce que j'ai pu voir, et raison pour
13 laquelle je suis allé intervenir en personne au niveau des positions
14 obtenues par le 2e Bataillon, en particulier parce que ce bataillon se
15 trouvait en contact direct avec le secteur des villages de Likari, de
16 Budak, de Potocari, et des villages qui se trouvent devant la première
17 partie de ces Bataillons d'Infanterie de ma brigade.
18 Alors qui étaient ces gens qui étaient ciblés ? J'ai déjà dit qu'en ma
19 qualité de soldat et d'officier, je considère que c'est une cible légitime
20 quand on voit un soldat armé en train de faire une inspection ou de
21 préparer des actives, des activités d'offensive ou qui se dirige vers vous
22 l'arme à la main pour vous provoquer. Les membres du Bataillon néerlandais
23 et moi-même, nous n'avons jamais organisé de réunions pour protester si
24 c'étaient des soldats qui se blessaient les uns les autres. C'était une
25 chose que je considérais non pas comme étant normal, parce qu'ils étaient
26 censés ne pas y avoir de tir, mais la guerre était là, et nous ne pouvions
27 pas empêcher ce type d'échange de tir.
28 Mais les cibles de ces tireurs embusqués, c'était pour la plupart des cas,
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1 c'étaient des civils qui se trouvaient devant la partie qui faisait face au
2 2e Brigade d'Infanterie au village de Dugo Polje, Likari, et des gens qui
3 travaillent dans les champs, qui étaient en train de creuser, enfin
4 travailler la terre, ou de semer des semences, enfin qui couvraient leurs
5 toits, qui travaillaient dans leurs cours. C'est là donc quand on tirait
6 sur des civils, lorsque cela se passait, les membres du Bataillon
7 néerlandais protestaient, venaient me voir. On fixait des réunions pour
8 essayer de résoudre les choses. C'est en bref ce que je pourrais vous dire.
9 Bien sûr, dans les autres bataillons, aussi, dans le secteur de Buljim, ce
10 que j'obtenais comme information montrait qu'il y avait depuis Buljim très
11 souvent des tirs de tireurs embusqués, et c'était notamment les positions
12 tenues par le Bataillon de Zvornik, et le 1er Bataillon d'Infanterie dans le
13 secteur de Vresinje. C'est là aussi qu'il y a eu pas mal de tirs de tireurs
14 embusqués, et il y a une autre position Zvijezda ou Kokarda [phon], à côté
15 de ces positions que j'ai déjà énumérées. A Zalazje et Pribici [phon], il y
16 a également eu de tirs de tireurs embusqués. Les tirs les plus intensifs se
17 faisaient à partir de la zone de responsabilité de ce bataillon, que j'ai
18 déjà mentionné.
19 Q. Merci.
20 R. Je m'excuse, parce que je tenais la main devant la bouche. Les
21 interprètes ne m'entendaient pas.
22 Q. Fort bien. J'aimerais que nous passions maintenant au 65 ter 03655,
23 s'il vous plaît. Il s'agit d'un document du Corps de la Drina signé par le
24 commandant du corps M. Zivanovic, c'est daté du 24 juillet 1995. Il est
25 question de missions et de briefing et d'intervention aux fins d'accélérer
26 l'exécution.
27 Alors penchons-nous d'abord sur le paragraphe qui se trouve être intitulé
28 par "Ordre." Ça se passe 20 jours après le document qu'on a vu tout à
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1 l'heure, et on voit qu'en application de ce qui est dit ici d'après le
2 briefing du 1er juillet 1994 le commandant de l'état-major de la VRS au
3 sujet du niveau d'aptitude au combat des unités, il est dit aussi qu'il
4 convient d'entreprendre des mesures et actions pour ce qui est des enclaves
5 musulmanes de Srebrenica, Zepa, et Gorazde.
6 Alors vous souvenez-vous d'avoir déjà vu ce document auparavant, Monsieur
7 Nikolic ?
8 R. Oui, j'ai vu ce document, je crois que vous avez donné une date
9 erronée. C'est daté du 24 juillet 1994, or vous avez dit "1995" je crois
10 que le compte rendu reflète cette erreur. Mais, oui, j'ai vu ce document,
11 en effet.
12 Q. Oui, merci. Oui, vous avez raison, il s'agit du 24 juillet 1994, et il
13 est question d'une visite relative à la tenue d'un briefing à la date du
14 1er juillet 1994. Alors je voudrais qu'on se penche sur plusieurs sections.
15 M. NICHOLLS : [interprétation] Paragraphe 3 dans les deux versions.
16 Je crois qu'il faudrait relever la page en serbe, parce que le témoin n'est
17 pas en mesure de voir la page entière. Il faut donc déplacer un peu cette
18 page vers la gauche. Alors j'aimerais qu'on puisse voir aussi les
19 numérotations de paragraphe. Je vais en donner lecture.
20 Q. Paragraphe 3 :
21 "Interdire et empêcher l'introduction dans 'l'enclave,' tout autre moyen
22 exception faite de vivre et de médicaments approuvés par l'état-major de la
23 VRS."
24 Est-ce que vous le voyez dans votre version, Monsieur ?
25 R. Oui.
26 Q. Pourrions-nous maintenant relever le texte pour voir cette version
27 anglaise. Il faut nous montrer la page 2 de la version serbe. Il est dit :
28 "Toute cargaison approuvée et transport (approuvé par l'état-major de la
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1 VRS) doivent être vérifiés de façon très attentive aux postes de contrôle."
2 En dessous, on dit :
3 "Lors du départ de l'enclave de Srebrenica, il y a un pont jaune et en est
4 tenu responsable le commandement de la 1ère Brigade d'Infanterie légère."
5 Puis on pourrait passer vers la page 4 de la version anglaise, paragraphe
6 9, et la version serbe c'est la page 3.
7 On peut voir au paragraphe 9 :
8 "Le commandement de la 1ère Brigade d'Infanterie légère de Bratunac, de la
9 1ère Brigade d'Infanterie légère de Zvornik, le Groupe tactique de
10 Pribicevac, Skelani Bataillon d'Infanterie indépendant, le 1er, 2e et 5e
11 PLBR, qui tiennent des positions autour des 'enclaves,' sont tenus de
12 procéder à des fortifications de troisième degré et d'entraver les passages
13 par des moyens explosifs et des mines. A cet effet, devant il faudrait
14 creuser au niveau de la circulation, et creuser au niveau des rochers pour
15 que ce soit complètement entouré de fortification afin que les Musulmans ne
16 puissent pas quitter l'enclave."
17 Alors, ici, il est question d'interdire tout apport de moyens ou
18 d'équipement dans les enclaves exception faite de vivre et de médicament
19 approuvés par l'état-major, et les cargaisons ainsi que le personnel qui
20 circulent doivent être vérifiés au poste de contrôle, et il est fait
21 référence à l'interdiction à l'intention de quiconque de partir de
22 l'enclave, alors essentiellement les Musulmans.
23 Alors, est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il en retourne
24 s'agissant de cet ordre ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une question linguistique. Il est
28 question de sortir de l'enclave et, maintenant, on dit : "On est en train
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1 de quitter l'enclave". Alors, sortir de l'enclave, cela voulait dire dans
2 l'original -- enfin, il y a un problème linguistique qui se pose. Le terme
3 utilisé veut dire "empêcher les sorties de Musulmans l'arme à la main,"
4 c'est-à-dire des percées opérées par ceux-ci.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'arrive à suivre la version en
6 B/C/S, mais M. Nikolic a entendu votre intervention. Il a lu l'ordre en
7 question en version originale et je crois que nous pouvons continuer.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
9 Q. Merci. Ma question était celle-ci : A quoi se rapporte donc cet ordre ?
10 Que dit cet ordre pour ce qui est de -- des rentrées de matériel et de la
11 sortie de Musulmans depuis l'enclave ?
12 R. Ici, cet ordre concret se rapporte pour l'essentiel à ce que vous avez,
13 mais je connais l'ordre dans son intégralité et je sais que ça se rapporte
14 à un ordre qui avait été donné au sujet du contrôle des cargaisons, des
15 marchandises, des personnes et de tout le reste, tout ce qui rentrait dans
16 l'enclave et de tout ce qui sortait de l'enclave. Ça se trouve être défini
17 par l'un des paragraphes ici -- ici présents.
18 Mais on a aussi défini les axes d'accès à l'enclave et les axes de
19 déplacement des convois sortant de l'enclave. Ce qui est important, ce que
20 j'en sais, c'est cet axe de déplacement des convois vers Srebrenica et à
21 l'extérieur de Srebrenica, par une route le long de la Drina. C'est une
22 route "macadamée," [phon] qui avait été désignée comme était l'itinéraire à
23 emprunter par les convois.
24 Cet ordre défini aussi l'identité de ceux qui doivent procéder au
25 contrôle complet de la totalité des convois sortant de Srebrenica. Au Pont
26 Jaune, on les contrôle de façon détaillée et les convois qui rentrent dans
27 Srebrenica et qui arrivent de Serbie sont contrôlés par la zone de
28 responsabilité de la Brigade de Zvornik, c'est-à-dire le secteur de
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1 Karakaj.
2 Alors, au paragraphe 9, me semble-t-il -- oui, paragraphe 9, on
3 réglemente tout ce qui relate des mesures liées à l'empêchement de toute
4 sortie de l'enclave.
5 Alors, pour les besoins des Juges de la Chambre, je tiens à dire ce
6 qui suit. C'est ce que M. Karadzic a dit dans son intervention. Il y avait
7 eu deux modalités pour sortir : la sortie et les sorties de ceux qui
8 procédaient à des irruptions, à des diversions ou des embuscades, ça, c'est
9 des Musulmans armés qui sortaient de l'enclave pour ce faire. Il y avait un
10 autre type de sortie : c'était la sortie de Musulmans qui passaient par les
11 positions de combat de mon unité et des autres unités en direction de
12 Kladanj et Tuzla, et notamment pour ce qui est de la Brigade de Milici, ils
13 sortaient de façon illégale pour rejoindre Milici -- pour rejoindre Tuzla.
14 C'étaient des groupes qui sortaient -- des civils, je parle de civils
15 ici. C'étaient des civils qui voulaient sortir pour des raisons très
16 variées et qui voulaient s'en aller. Parfois, ils réussissaient à passer
17 par toutes ces lignes et arriver à destination en toute sécurité. Parfois,
18 ils tombaient dans des champs de mine pour y périr.
19 Là, je fais une distinction entre, donc, ceux qui étaient des
20 militaires qui faisaient des sorties ou des percées de -- à l'extérieur de
21 l'enclave et les civils qui, en groupe ou à titre individuel, essayaient de
22 sortir de l'enclave.
23 Bien entendu, dans ce paragraphe 9, on définit la nécessité de procéder au
24 bouclage de l'enclave, mais c'est défini par le texte de l'ordre lui-même.
25 Q. Le document qu'on a vu avant celui-ci était signé par le commandant
26 Ognjenovic et vous avez commenté que vous n'étiez pas d'accord. Vous dites
27 qu'il s'agissait de rendre la vie des gens intenables afin que des gens
28 dans l'enclave comprennent qu'ils ne pourraient pas survivre là-bas. Alors
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1 ce document parle de construction de murs pour empêcher les gens de sortir.
2 Alors, comment avez-vous compris la -- l'objectif poursuivi par la
3 VRS s'agissant de la population musulmane de Srebrenica à l'époque ? Est-ce
4 qu'on voulait qu'ils restent là-bas ou est-ce qu'on voulait qu'ils s'en
5 aillent, qu'ils s'en aillent tous de là-bas ?
6 R. Je ne peux pas maintenant parler au nom des autres, de ce que les
7 autres pensaient. Moi, je peux vous dire quelles étaient mes positions et
8 mes réflexions à ce sujet. Je vais vous le dire. Personnellement, j'ai
9 réfléchit de la façon suivante. Si une famille ou des civils voulaient
10 quitter ou s'ils se sentaient obligés de quitter Srebrenica, la partie de
11 militaires -- enfin, du segment militaire qui restait, d'après moi, cette
12 partie -- ou ce segment militaire n'avait plus aucun motif de s'opposer ou
13 d'organiser une résistance ou de combattre l'arme à la main. Il est
14 certain.
15 Peut-être pourrais-je parler au nom des gens qui vivent là où je suis né.
16 Tous ceux qui sont de là-bas considéraient que ce qui se passaient voulait
17 que la -- l'enclave de Srebrenica soit vidé, soit battu militairement et
18 vidé en tant qu'enclave.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, essayons de tirer ici
20 les choses au clair.
21 Monsieur Nikolic, il y a un instant, vous avez dit que les civils, les
22 civils musulmans quittaient de façon illégale pour aller vers Kladanj et
23 Tuzla et vous avez parlé de deux types de départ de l'enclave. Quand vous
24 avez dit "de façon illégale," est-ce que vous voulez dire que les autorités
25 bosniennes leur interdisaient, interdisaient à leurs propres citoyens le
26 fait de quitter l'enclave Que vouliez-vous dire par le terme, "illégal" ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je pensais, c'est la chose suivante. En
28 sus des sorties qui ont fait l'objet de la question de M. Nicholls, il y a
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1 des sorties tout à fait légales. Il y a eu des convois organisés en 1994,
2 si mes souvenirs sont bons. Il y a eu des convois organisés qui ont permis
3 le départ de 3 500 à 4 000 civils musulmans, d'après mes estimations.
4 C'était tout à fait légal comme sortie de civils musulmans de l'enclave
5 avec une autorisation et suite à une demande de leur part. Puis les
6 autorités de Srebrenica ont interdit la chose. Elles ont interdit les
7 sorties légales, et lorsque ces convois légaux vers Tuzla et les
8 territoires libérés étaient interdits, des familles se débrouillaient pour
9 sortir de façon illégale et aller vers Kladanj, Tuzla et ces territoires
10 libres, et c'est à ce type de sorties illégales que je faisais référence.
11 Les sorties militaires, les incursions militaires, c'était autre
12 chose, c'était une pratique assez régulière : combats, embuscades,
13 attaques, et cetera. Ça, c'est le segment militaire. Ceux qui sortaient de
14 l'enclave ou qui entraient dans l'enclave l'arme à la main devaient assumer
15 les risques qui en découlaient.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Nikolic. C'est M.
17 Nicholls qui va continuer ces questions.
18 Monsieur Nicholls, allez-y.
19 M. NICHOLLS : [interprétation]
20 Q. Passons maintenant au déplacement des convois, à l'entrée, à la sortie
21 de l'enclave de Srebrenica. Je vais me référer aux convois de
22 réapprovisionnement du Bataillon néerlandais, en 1995, et je vais faire
23 référence aux convois d'aide humanitaire, d'accord ?
24 R. Bien sûr. Pouvez-vous nous dire d'abord, de façon brève mais de façon
25 aussi à nous faire comprendre, comment les choses fonctionnaient. Alors
26 comment se passait ce processus de délivrance d'autorisation à l'intention
27 des convois. Quelles étaient les instances chargées de délivres ces
28 autorisations, quelles étaient les marchandises ou le matériel qu'on
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1 pouvait sortir ou rentrer, et ce, partant de votre expérience de chef
2 chargé de la sécurité et du renseignement. D'après ce que j'ai cru
3 comprendre, ces demandes étaient convoyées à votre brigade.
4 Q. Je vais essayer d'expliquer les choses de la façon la plus concise que
5 possible. Quel que ce soit le convoi censé accéder à Srebrenica,
6 indépendamment du fait de savoir si c'était un convoi pour satisfaire les
7 besoins du Bataillon néerlandais ou un convoi de l'UNHCR, enfin quelle
8 qu'entrée de convoi que ce soit dans Srebrenica, ça se passait de la façon
9 suivante.
10 Au niveau de la Republika Srpska, il y avait une instance de coordination
11 qu'on appelait, instance de coordination, organe de coordination, et je
12 peux vous donner sa composition, je connaissais une partie de ceux qui y
13 travaillaient, il y en avait qui était venu des autorités civiles mais il y
14 avait aussi des représentants de l'état-major principal de l'armée de la
15 Republika Srpska.
16 S'agissant de chaque convoi centré entré, il était nécessaire de délivrer
17 une autorisation, et le texte de l'autorisation énumérait de façon exacte
18 et précise le tout. Le nombre de camions, la teneur, le nombre de
19 personnel, c'est-à-dire de soldats avec leur carte d'identité et
20 d'identification, et tout le reste qui permettait de voir qui devait
21 accéder dans un convoi à Srebrenica.
22 Une telle autorisation, dans la plupart des cas, était obtenue par la
23 filière de commandement au niveau de ma brigade. C'était l'état-major
24 principal de la Republika Srpska, le Corps de la Drina, et la Brigade de
25 Bratunac ou alors lorsqu'il s'agissait de quelque chose d'urgent, s'il n'y
26 avait pas de temps, cette autorisation allait directement de l'état-major
27 vers le commandement de la Brigade de Bratunac. Partant de cela, il y avait
28 donc un feu vert de donné pour que le convoi puisse accéder à Srebrenica.
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1 Il y a eu des cas de figure, et je le précise, il y a eu des cas de figure
2 où dans l'énoncé du signataire, il y avait feu, président Koljevic, qui
3 figurait comme étant la personne ayant signé pour l'instance chargée de la
4 coordination. Pour nous, ce type de document ou ce type d'autorisation
5 avait un statut d'ordre quand ça venait de l'état-major, c'était un ordre,
6 mais quand ça venait avec la signature de M. Koljevic, pour nous, c'était
7 égal à un ordre. Nous l'exécutions tel qu'énoncé dans le texte.
8 Q. Merci. Je propose que nous examinions dans quelques instants deux
9 autres documents. Mais avant cela, dites-nous quel était le rôle qui était
10 le vôtre au moment où pénétraient dans l'enclave ces convois ?
11 R. Mon rôle était grosso modo le suivant : Au sein de ma brigade, et de ma
12 zone de responsabilité, ou celle de ma brigade, il y avait un endroit
13 spécifique que l'on appelait le Pont Jaune, c'était le dernier poste de
14 contrôle avant l'entrée sur le territoire de l'enclave ou de la zone de
15 Srebrenica. A ce poste de contrôle, donc c'était un poste de contrôle,
16 c'est donc là qu'étaient présents les membres de la police militaire, et
17 puis il y avait également sur place une équipe permanente qui procédait au
18 contrôle à ce poste de contrôle. Quant à mon rôle en situation normale,
19 c'est-à-dire il n'y a pas de restriction d'ordres spéciaux autres que les
20 ordres que nous avions l'habitude de recevoir, donc dans une situation
21 normale, mon rôle, et j'ai du mal à l'expliquer, était plutôt un rôle de
22 supervision. Il s'agissait de veiller à ce que les ordres qui parvenaient
23 de l'état-major principal étaient exécutés pleinement, s'ils devaient poser
24 un problème, alors c'était moi qui étais amené à me rendre sur place pour
25 essayer de résoudre le problème sur le champ, tout dépendait de l'ampleur
26 du problème ou de la procédure qu'il convenait d'appliquer.
27 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on afficher à l'écran la pièce à
28 conviction, P04190, s'il vous plaît.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous demandez le versement au
2 dossier du document précédent relatif au Corps de la Drina ?
3 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, merci.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Versé au dossier.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 4387,
6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
7 M. NICHOLLS : [interprétation]
8 Q. Ce document est intitulé : "Etat-major principal de la l'armée de la
9 Republika Srpska." Il porte la date du 2 avril 1995, et il est adressé au
10 commandement du Corps de la Drina, Sarajevo-Romanija, Corps de Sarajevo-
11 Romanija, Corps de la Bosnie orientale.
12 Reconnaissez-vous, Monsieur Nikolic, l'écriture manuscrite et la signature
13 qui apparaît en haut à droite de ces documents ?
14 R. Oui, effectivement je le reconnais. Ce que l'on voie apparaître en
15 haut, à droite, est un texte que j'ai écrit de ma main et que j'ai moi-même
16 signé.
17 Q. Pouvez-vous en faire lecture, s'il vous plaît, afin d'éviter toute
18 objection, toute question.
19 R. Fort bien.
20 "Aucun convoi ou aucune équipe du comité international de la Croix-Rouge ou
21 MSF" - j'ai fait une erreur ici - "ne pourra pénétrer sur le territoire de
22 Srebrenica sans mon autorisation ou en mon absence." Et puis il y a ma
23 signature.
24 Q. Fort bien. A titre d'exemple, peut-on examiner le paragraphe 3 ? Faites
25 défiler le texte, s'il vous plaît. L'on voit apparaître sur le document des
26 inscriptions au troisième paragraphe, l'on décrit la date du 5 avril 1995,
27 une équipe du CICR se rend sur place, puis il y a 50 crayons, cinq markers,
28 dix boites d'agrafes, cinq rouleaux de scotch entre autres. Pourriez-vous
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1 nous dire quelques mots du caractère extrêmement détaillé de ce document de
2 l'état-major principal ?
3 R. Bien entendu, je peux vous fournir des commentaires. Pour autant que je
4 puisse m'en souvenir, toutes autorisations venaient à tout convoi pour
5 rentrer dans la zone, à vrai dire, dans 99 % des cas, les choses étaient
6 aussi détaillées que cela, et l'on voyait apparaître les quantités exactes,
7 et cela figurait sur le permis lui-même, dans 99 % des cas. Donc cet ordre
8 ne se distingue en rien, à vrai dire c'est un agrément, une autorisation,
9 enfin cette autorisation ne se distingue en rien de ce qui accompagnait les
10 autres convois ou les autres déplacements d'organisation. Donc c'était une
11 sorte d'un projet, si vous voulez, qui informait l'équipe du poste de
12 contrôle de la Brigade de Bratunac au pont jaune, du contenu du convoi qui
13 était censé pénétrer sur leur territoire.
14 Q. Fort bien.
15 M. NICHOLLS : [interprétation] Je propose que l'on fasse défiler le texte
16 un petit peu vers le haut maintenant. Peut-on également faire défiler le
17 texte serbe vers le haut, s'il vous plaît, pour en faire apparaître la
18 partie supérieure. L'on voit ici :
19 "Nous vous informons pour la présente que nous faisons droit à la requête
20 de la RS Republika Srpska et de l'instance de Coordination afin que les
21 services HP d'Urgence," "suivant soit autorisés …"
22 Ensuite, la dernière page, on y verra apparaître une signature. Ce document
23 porte la signature du général Manojlo Milovanovic, chef d'état-major.
24 Q. Etait-il habituel que le général Milovanovic soit amené à signer ce
25 type de documents, pour autant que vous vous en souveniez ? Ces
26 autorisations portaient-elles toujours la signature du général Manojlo
27 Milovanovic ?
28 R. Oui. La plupart des ordres qui étaient envoyés directement à la Brigade
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1 de Bratunac et depuis l'état-major étaient signés de la main du chef de
2 l'état-major ou du général, ou du chef de l'état-major de l'armée de la
3 Republika Srpska, en l'occurrence M. Manojlo Milovanovic.
4 Q. Quant à l'instance de Coordination à laquelle on fait référence à la
5 première page, c'est la même instance de coordination que celle à laquelle
6 vous aviez fait référence, même organe, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. C'est effectivement l'organe ou l'instance à laquelle je faisais
8 référence il y a quelques instants.
9 Q. Merci. Afin d'éviter tout malentendu, je pense avoir compris, mais ces
10 contrôles ils avaient lieu au pont jaune ?
11 R. Si votre question porte sur cette date-là, cette époque-là, cette
12 période-là, alors oui. Tous les contrôles avaient lieu au pont jaune.
13 Q. Au début de la journée, vous aviez fait référence aux convois au cours
14 de la période de mars, avril, mai, juin 1995; vous souvenez-vous que nous
15 en avions dit quelques mots ?
16 R. Oui, je m'en souviens.
17 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si, au cours de cette
18 période ou ce qui se passait au cours de cette période s'agissant des
19 approvisionnements à destination du Bataillon néerlandais, qu'est-ce qui
20 avait été approuvé, quelle était l'ampleur des convois ? Vivre, carburant,
21 et cetera, encore une fois convois destinés au DutchBat, au Bataillon
22 néerlandais ?
23 R. Le processus de réapprovisionnement est un processus extrêmement
24 complexe, mais je vais essayer de l'expliquer de façon très simple. Entre
25 les mois de mars et de juin, la période que j'évoque donc, ou en avril, il
26 faut savoir qu'avril -- qu'en avril, les mesures restreignant la liberté de
27 circulation des convois avaient déjà été mises en place, quantités de
28 carburant ou de lubrifiants destinés au Bataillon néerlandais au sein de
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1 l'enclave.
2 Mon rôle et celui du poste de contrôle au pont jaune s'est vu renforcer,
3 parce que des requêtes avaient été adressées ou des ordres provenant de
4 l'état-major principal et dont l'objectif était de renforcer les mesures de
5 contrôle au pont jaune indépendamment de la question de savoir que si le
6 pont jaune était ou n'était pas le dernier poste de contrôle qui permettait
7 de procéder justement à ces vérifications sur les convois avant qu'ils ne
8 pénètrent sur le territoire de Srebrenica, indépendamment cela donc.
9 Pour autant que je le sache, au cours de cette période les restrictions
10 étaient imposées et avaient trait aux quantités requises par le Bataillon
11 néerlandais, et là je vous parle d'expérience et j'en avais eu l'occasion
12 d'en discuter avec eux personnellement. Ils posaient régulièrement la
13 question, et moi, j'en faisais le relais auprès du commandement de l'état-
14 major principal, des questions relatives aux quantités de carburant dont
15 ils avaient besoin. Quantités qu'ils recevaient leur semblaient
16 insuffisantes et ne suffisaient pas leurs véhicules et leurs APC les
17 équipements qu'ils avaient à leur disposition pour s'acquitter de leurs
18 tâches.
19 Puis il y avait également des problèmes liés à certains vivres, certaines
20 denrées alimentaires, et là, je dois vous dire qu'en ce qui concerne les
21 vivres, ils recevaient également des approvisionnements, enfin, à vrai dire
22 les Serbes recevaient certaines vivres de l'hôtel Fontana, vivres utilisées
23 également par les Néerlandais. Le problème qui se posait était celui de la
24 rotation des soldats et des sections qui étaient censés quitter l'enclave
25 et qui devaient être remplacés par d'autres soldats. Cette question on me
26 l'a posait en permanence et il fallait à moi que je fasse le relais de ces
27 questions auprès de mon supérieur hiérarchique d'une manière à ce que l'on
28 puisse régler ces questions.
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1 Je vais essayer d'être bref. Mais au cours de cette période, avril, mai,
2 juin, et juillet, et jusqu'au début de l'opération, à mon sens, ils
3 recevaient des quantités insuffisantes de carburant, de lubrifiants pour le
4 fonctionnement de leur unité. J'en avais conscience à l'époque, et je
5 savais quelles étaient les quantités exactes, mais entre-temps, dans
6 l'intervalle, j'ai oublié. J'avais accès à tous les documents, donc je
7 savais exactement quel était le nombre de leurs soldats, quelles étaient
8 les quantités de carburant dont ils disposaient de mitrailleuses, de
9 fusils, d'armes lourdes, et cetera. Tout cela faisait partie de mes
10 attributions en tant qu'officier chargé du renseignement. Je savais tout ce
11 qu'ils avaient, ça me permettait de tirer mes propres conclusions
12 s'agissant de leur aptitude au combat au cours de cette période.
13 Q. Fort bien. Vous nous dites dans l'intervalle vous avez oublié. Voyons
14 si je peux peut-être rafraîchir votre mémoire. Dans votre déposition au
15 procès Tolimir page 12 325, vous indiquez :
16 "Selon mes estimations, moins de 10 %, vous parlez du carburant, entré sur
17 le territoire de l'enclave. Je parle de 10 % de quantité, quant profane,
18 j'aurais jugé comme étant une quantité nécessaire."
19 Donc je vous invite à réfléchir un petit peu. Cette pénurie de carburant
20 pour le Bataillon néerlandais à quel point était-elle sérieuse ?
21 R. Bien, là encore, il faut que je sois précis. En tant que chargé de
22 renseignement, je fonde mes évaluations sur les informations et les
23 connaissances dont je disposais. Bien entendu, de telles analyses ne sont
24 pas ou de telles évaluations ne sont pas nécessairement précises, mais quoi
25 qu'il en soit il s'agissait d'approximations dont j'estime qu'elles étaient
26 valables.
27 Les quantités dont j'ai naissance ne leur suffisaient pas pour s'acquitter
28 de leurs tâches. Je savais comment ils travaillaient. Je connaissais leurs
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1 positions au poste de contrôle. Je savais comment ils utilisaient leurs APC
2 au poste de contrôle ainsi que les véhicules dont ils avaient besoin afin
3 de pouvoir procéder au contrôle de la zone protégée de Srebrenica.
4 Je ne pense pas m'être trompé au moment où je disais qu'ils ne recevaient
5 que des quantités minimales. A en juger par nos évaluations, ils
6 disposaient simplement des quantités minimales pour s'acquitter de toutes
7 les tâches qui étaient les leur au cours de cette période, période au cours
8 de laquelle les restrictions ont été imposées. Je crois qu'ils ont reçu des
9 quantités minimum et qui étaient insuffisantes.
10 En tant que soldat, j'affirme que leur aptitude au combat et leur aptitude
11 à s'acquitter de leurs tâches avaient été réduites à un minimum et étaient
12 insuffisantes compte tenu du problème des pénuries de carburant et autres.
13 Je ne pense pas qu'ils étaient à même de s'acquitter de leurs tâches de
14 combat ou autre au sein de l'enclave.
15 Q. Permettez-moi de vous poser la question suivante à présent et je
16 souhaite évoquer les approvisionnements humanitaires au cours de cette même
17 période. Pour autant que vous le sachiez, en vous fondant sur les
18 informations dont vous disposiez en tant que responsable du renseignement,
19 quelles étaient les quantités d'aide humanitaire, denrées alimentaires,
20 vêtements, et cetera, qui pénétraient au cours de cette période sur le
21 territoire de l'enclave ?
22 R. Les biens humanitaires qui étaient censés être transportés par les
23 convois du haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies pénétraient. Il
24 y avait plusieurs types de vivres : sel, huile, farine, sucre, boîtes de
25 conserve. Voilà les articles qui étaient transportés. Je n'ai jamais fait
26 une analyse poussée du caractère suffisant de ces denrées alimentaires
27 compte tenu du nombre de personnes présentes. Simplement, j'ai fait une
28 analyse de la situation qui m'a amené à constater que les convois
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1 pénétraient sur le territoire.
2 Parfois, l'on demandait à ce que l'on diminue de moitié les quantités
3 transportées par ces convois, mais pour ce qui est des quantités
4 spécifiques et de leur caractère suffisant pour la population de l'enclave,
5 je ne peux pas me prononcer. Mais quoi qu'il en soit, les requêtes
6 fréquentes étaient faites afin que les convois organisés par l'UNHCR voient
7 les quantités réduites de moitié ou bien l'on disait de là, pour tel
8 produit, on autorisera telle quantité, tel autre produit, on ne
9 l'autorisera pas et on le laissera aux Serbes. La partie serbe estimait
10 pour sa part qu'ils -- que la partie adverse en recevait trop par rapport
11 aux Serbes. Mais je ne suis plus en mesure de discuter de la question de
12 savoir si c'était suffisant ou pas.
13 Q. Fort bien. Dans votre déposition précédente, en l'affaire Tolimir, nous
14 avons discuté des conditions de vie au sein de l'enclave, pour les gens qui
15 vivaient avant la chute de l'enclave. Vous décrivez dans votre déposition
16 ce que vous pensiez être compte tenu des informations dont vous disposez,
17 les conditions de vie de la population dans l'enclave. Pourriez-vous dire
18 aux Juges de la Chambre comment, pour autant que vous puissiez -- vous le -
19 - saviez à l'époque, comment la population civile de l'enclave de
20 Srebrenica vivait jusqu'à 2080 -- jusqu'à juillet 1995 ?
21 R. Oui. Vous avez raison. J'ai décrit les conditions de vie et je me
22 fondais, bien entendu, sur les informations dont je disposais. Ce que je
23 m'apprête à vous dire à présent se fonde sur des informations,
24 essentiellement, reçues, comme je l'avais dit la fois dernière, de la
25 bouche de personnes qui s'enfuyaient, qui quittaient l'enclave pour se
26 rendre du côté serbe et qui souhaitaient simplement quitter Srebrenica.
27 En -- au cours de discussions que j'ai eues avec eu, mais également
28 du fait d'autres informations dont je disposais, j'estimais que en ce qui
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1 concernait la population civile à Srebrenica, la situation était que --
2 très graves. Des familles entières de civils n'avaient tout simplement
3 littéralement pas de pain à manger ou n'avaient aucune nourriture et ne
4 survivaient qu'en consommant les -- la nourriture qu'ils pouvaient cultiver
5 eux-mêmes et récolter eux-mêmes.
6 La situation sanitaire était mauvaise, également. De nombreux civils
7 étaient malades, civils qui ne pouvaient -- qui ne pouvaient bénéficier
8 d'aide médicale, et cetera.
9 Quand à l'enclave, pour les civils, il faut savoir que la situation
10 était assez désastreuse. Pour certaines familles, elle était désespérée,
11 même, cette situation. La vie au sein de l'enclave était épouvantable.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une intervention à propos des lignes 13 et 14,
13 où l'on dit : "Il semblerait que des familles entière et des soldats se
14 sont rendus vers l'ouest" alors que le témoin a dit la partie serbe. Le
15 compte rendu -- il y a une erreur au compte rendu.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Lorsque vous souhaitez
17 intervenir, je vous invite à bien vouloir la fin de l'interprétation et je
18 vous invite à ne pas chevaucher au moment où vous prenez la parole et à ne
19 pas interrompre le flot de l'interprétation.
20 Poursuivez, Monsieur Nicholls.
21 M. NICHOLLS : [interprétation]
22 Q. Merci, Monsieur Nikolic. Nous allons à présent parler de la chute ou de
23 la libération de Srebrenica --
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Si vous ne souhaitez vous
25 écarter du sujet des convois, permettez-moi d'intervenir.
26 Monsieur Nikolic, vous nous avez parlé de réapprovisionnement de la
27 FORPRONU et des convois humanitaires. A l'écoute de vos propos, j'en déduis
28 qu'il y avait deux types de convois, c'est-à-dire des convois humanitaires
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1 destinés à l'UNHCR, au CICR ou à Médecins Sans Frontières, d'une part, et
2 puis d'autres part, les convois destinés à la FORPRONU. Mon analyse de la
3 situation est-elle exacte ? Vous ai-je bien compris ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Vous avez tout fort bien compris.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des procédures en place pour ces deux
6 types de convois étaient-elles identiques ou n'y avait-il des ensembles de
7 règles différents selon qu'il s'agisse d'un type de convoi ou d'un autre
8 type de convoi ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] A vrai dire, ils étaient -- les règles étaient
10 identiques, techniquement. Donc, il y avait d'abord l'autorisation,
11 première étape, et puis ensuite, le contrôle au poste de contrôle du Plan
12 jaune. Modification et autorisation étaient identiques, quel que soit le
13 convoi qui devait pénétrer sur le territoire de l'enclave.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais les organes traitant ces deux types
15 de convois différents étaient-ils les mêmes ? S'agissait-il des mêmes
16 instances ? Plus précisément, l'instance de coordination dont le président
17 -- le vice-président Koljevic était président se chargeait-elle également
18 des convois militaires à destination de la FORPRONU ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien. Je ne sais pas si
20 l'instance de coordination traitait différemment les deux types de convois.
21 Je ne sais pas si quelqu'un était chargé de s'occuper de tel type ou de tel
22 autre type de convois. En revanche, ce dont je suis certain, c'est que les
23 permis nous étaient envoyés, nous, soldats de l'état-major principal de
24 l'armée de la Republika Srpska. Maintenant, les responsables de la
25 coordination, peut-être de distinction s'agissant des convois destinés aux
26 soldats néerlandais ou destinés aux Commissariats ou aux Réfugiés. M. Kekic
27 notamment était chargé de questions de l'UNHCR. Maintenant pour ce qui est
28 de ce niveau de processus de prise de décision, je ne peux pas, je ne peux
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1 rien vous en dire, et je ne sais pas quelle était la relation qui unissait
2 les uns aux autres. Mais au sein de ma brigade, nous recevions nos ordres
3 en suivant la ligne de commandement militaire, et ça, c'est certainement un
4 fait dont je suis certain.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Nikolic.
6 Monsieur Nicholls, veuillez poursuivre.
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Je souhaiterais comme je vous le disais, évoquer à présent la période
9 qui commence au début de l'attaque sur Srebrenica, à savoir le 6 juillet,
10 et qui nous amènera jusqu'à la chute ou la libération de l'enclave.
11 Au cours des journées précédant la chute de l'enclave, vous souvenez-vous
12 si les officiers du Corps de la Drina étaient présents à Bratunac au
13 commandement ?
14 R. Vous me posez une question sur la veille de l'attaque, avant le 6
15 juillet, juste avant l'attaque; c'est cela ?
16 Q. Je ne me limite pas à ce point. Je vous invite simplement à me parler
17 r de la période 6, 7, 8; est-ce que vous y avez vu au cours de cette
18 période des officiers du Corps de la Drina, par exemple, les généraux
19 Krstic et Zivanovic, et si oui, quand les avez-vous vus à Bratunac ?
20 R. Au cours de cette période qui précède immédiatement l'attaque, tout
21 comme d'ailleurs la période de l'attaque elle-même, j'ai eu l'occasion de
22 voir un certain nombre d'officiers, notamment le général Krstic, que vous
23 avez mentionné, le général Krstic, le général Zivanovic, lieutenant-colonel
24 Popovic, lieutenant-colonel Kosovic. Donc je parle des généraux du
25 commandement du corps. A l'époque, aux environs du 8, j'ai également vu le
26 général Mladic et le général Jankovic à l'état-major général, et cetera.
27 J'ai vu des commandements des Groupes d'assaut, qui étaient tous des
28 membres des unités du Corps de la Drina. J'ai vu de nombreux officiers au
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1 cours de cette période, au commandement de la Brigade de Bratunac, parce
2 qu'ils sont nombreux à s'y être rendus également.
3 Q. L'on a parlé du colonel Jankovic, de l'état-major principal, pourriez-
4 vous nous dire quel est le prénom du général Jankovic ?
5 R. Radislav, Radislav Jankovic, colonel de l'état-major principal.
6 Q. Quelle était sa fonction au sein de l'état-major principal, pour quelle
7 instance travaillait-il ?
8 R. Le colonel Jankovic travaillait à la section de l'administration, du
9 renseignement de l'état-major principal de l'armée de Republika Srpska, au
10 moment où il est venu me voir.
11 Q. Vous parlez du 8 juillet ou de quelle date parlez-vous ?
12 R. Oui, aux environs de cette date-là, aux environs le 8, Jankovic est
13 arrivé ainsi que le général Mladic. Jankovic en fait accompagnait Mladic.
14 Q. Il fait partie de l'administration de renseignement. Vous dites qu'il
15 vous a rencontré, que vous a-t-il dit et quel est le genre de travail que
16 vous avez effectué avec lui lorsque vous êtes arrivé le 8 ?
17 R. Il est venu dans mon bureau, il m'a dit qu'il était là sur les ordres
18 de l'état-major principal. Il a dit qu'au cours de l'opération, il allait
19 rester avec moi, dans mon bureau, et qu'il allait reprendre tous les
20 contacts avec les organisations internationales à Srebrenica, ainsi que
21 tous les contacts avec le Bataillon néerlandais. En d'autres termes, il a
22 repris tous les devoirs qui m'incombaient dans le cadre des renseignements,
23 et les contacts avec les organisations à Potocari et Srebrenica. Il a
24 également ajouté que dans la période qui allait suivre, il devait prendre
25 contact avec l'ensemble de ces organisations y compris le Bataillon
26 néerlandais. Il m'a dit qu'il était là sur l'ordre de l'état-major
27 principal de la VRS.
28 Q. Lorsqu'il était dans votre bureau et qu'il partageait un bureau avec
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1 vous, est-ce qu'il envoyait des rapports sur la situation à l'état-major
2 principal ? Question complémentaire : est-ce que vous également, envoyez,
3 dans ce même temps, un rapport à votre commandant ?
4 R. Le colonel Jankovic envoyait des rapports, et en général, nous les
5 écrivions ensemble dans mon bureau. Lorsque nous avions des informations ou
6 que nous avions besoin de communiquer avec notre commandement supérieur,
7 lorsqu'il y avait des questions que nous souhaitions poser, alors nous
8 rédigions les rapports ensemble. Je connaissais bien le contenu, et je
9 savais que le colonel Jankovic rédigeait des rapports qu'il envoyait à son
10 commandement supérieur.
11 Je dois également dire à ce stade, que je n'ai jamais rédigé de rapport
12 quotidien premier mon commandement, mais j'ai néanmoins rédigé des rapports
13 quotidiens pour mon commandement supérieur, qui était le département de la
14 sécurité et des renseignements du Corps de la Drina, et j'ai continué à le
15 faire, tout au long de la période où M. Jankovic partageait mon bureau.
16 Q. Merci. Lorsque M. Jankovic est arrivé, est-ce que vous l'avez briefé
17 autant que possible sur la situation des renseignements ?
18 Permettez-moi de reformuler ma question.
19 Le responsable des renseignements de l'état-major principal vient donc dans
20 la brigade; vous êtes, vous, le responsable des renseignements dans la
21 brigade; est-ce que vous lui avez donné des informations, est-ce que vous
22 l'avez briefé sur ce qui se passait dans votre domaine de responsabilité,
23 votre région de responsabilité; c'est-à-dire la Brigade de Bratunac ?
24 R. Je pense que je peux effectivement confirmer cela, mais je pense que le
25 colonel Jankovic venait de l'administration des renseignements, et qu'il
26 avait tout ce que j'avais en main, toutes les informations qui avaient été
27 envoyées au Corps de la Drina. Je suis tout à fait sûr que les mêmes
28 informations ont ensuite été passées à l'état-major. Donc en d'autres
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1 termes, lorsque le colonel Jankovic est arrivé, il avait une idée très
2 claire de ce qui se passait, et savait ce qui se passait. Bien entendu,
3 nous avons parlé de détail, les détails de mes contacts avec le Bataillon
4 néerlandais, mais cela n'est pas allé beaucoup plus loin que cela, et je
5 maintiens que le colonel Jankovic avait toutes les informations que j'avais
6 pu envoyer concernant la situation à Srebrenica.
7 Je dois dire, pour la Chambre, que j'ai créé une évaluation des
8 renseignements que j'ai envoyée au commandement du corps de l'état-major
9 principal, et qui contient tous les détails concernant la situation dans
10 l'enclave, avant l'attaque.
11 Q. Merci.
12 M. NICHOLLS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je ne sais pas
13 plus très bien où on en est au point de vue horaire. Si nous devrions
14 arrêter à midi, ce serait peut-être le moment opportun de le faire, parce
15 que je vais passer à quelque chose de nouveau.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Parfait. Nous allons faire la
17 pause maintenant. Donc nous allons faire une pause d'une demi-heure et nous
18 reprendrons à midi 30.
19 --- L'audience est suspendue à 11 heures 56.
20 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Nicholls.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
23 Q. Monsieur Nikolic, parlant toujours de la période sur l'attaque de
24 l'enclave de Srebrenica, jusqu'au 11 juillet, est-ce qu'en tant que
25 responsable de la sécurité et des renseignements, vous aviez entendu parler
26 de cibles civiles dans l'enclave ou d'objets civils ou de personnes civiles
27 qui avaient servi de cible à la VRS pendant l'attaque ?
28 R. Oui. A cet égard, je vais faire une -- la distinction entre deux
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1 choses. Tout d'abord, nous avions les tirs d'artillerie ou de mortier, des
2 bataillons sur la ville de Srebrenica et j'ai ma propre opinion sur la
3 question que j'ai déjà exprimée et que je souhaiterais réitérer ici.
4 Je ne sais pas comment cette artillerie avait été déployée dans la
5 réalité et je ne peux rien dire de précis concernant les dates auxquelles
6 cette artillerie a été utilisée contre Srebrenica, mais ce que je sais,
7 c'est que au moment de l'opération, l'artillerie de brigade -- de la
8 Brigade de Bratunac a été utilisé, que l'on a ouvert le feu sur le
9 territoire de l'enclave avec des mortiers de 120 millimètres et de 82
10 millimètres.
11 Pour ce qui est de l'artillerie de la brigade, la Brigade de Bratunac
12 avait donc des pièces d'artillerie de 105 millimètres, 122 et 155
13 millimètres et ces pièces d'artillerie ont une portée suffisante pour
14 atteindre Srebrenica. L'objectif dans cette opération, l'artillerie avait
15 ciblé Srebrenica dans cette opération et il y avait donc -- avait été pris
16 comme cible, donc des granges ou des équipements et des armes étaient
17 gardées et cela pouvait constituer, à mon sens, des cibles légitimes. Mais
18 dans la mesure où il y avait beaucoup de personnes vivant autour ou dans la
19 partie principale de la ville et au cœur de la ville, j'ai -- j'avais --
20 j'ai eu des informations au cours desquelles pendant le pilonnage de la
21 ville de Srebrenica, il y a eu un certain nombre de civils qui ont été tués
22 ou sérieusement blessés, et je pense qu'ouvrir le feu de cette façon a
23 entraîné des morts parmi les civils.
24 Aux alentours du 11, lorsqu'il y a eu une colonne de civils qui a
25 quitté Srebrenica en direction de Potocari, je sais en me basant sur les
26 positions de mon 2e Bataillon d'Infanterie que les civils avaient été
27 l'objet d'une cible, des canons B1, et ces canons tiraient directement sur
28 les cibles en face. Lorsque j'ai demandé pourquoi ces civils avaient été
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1 pris comme cible, le 2e Bataillon a répondu en disant qu'ils observaient de
2 leur poste d'observation où se trouvait le B1, et pensaient qu'il y avait
3 beaucoup de troupes musulmanes qui se dirigeaient dans cette direction,
4 c'est la raison pour laquelle ils avaient été pris comme cible.
5 Ce sont là les cas dont j'avais entendu parler, et que je connaissais
6 et je sais que dans ces cas-là il y a eu des civils qui sont été tués, soit
7 blessés.
8 Q. Bien, permettez-moi d'abord de m'assure que j'ai bien compris votre
9 réponse lorsque vous parlez du B1 et des armes du B1. Cela concernait le 2e
10 Bataillon d'Infanterie. Est-ce que le B1 a été utilisé pour viser la
11 colonne qui se dirigeait de Srebrenica vers Potocari ?
12 R. Oui. Dans ce cas en particulier. A cette date-là, le B1 a tiré sur des
13 civils qui allaient vers Srebrenica, et ces pièces d'artillerie ont ouvert
14 le feu sur les civils. A partir de la position, où ils se trouvaient, et il
15 y a là une petite colline que l'on appelle l'étoile rouge et à partir de
16 cette position on peut voir Potocari. C'est un petit peu comme si Potocari
17 se trouvait littéralement dans la paume de votre main, et l'on peut se
18 servir du tir direct et cibler les individus.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je considère, Monsieur Nicholls, que
20 votre question concernait plutôt une colonne qui allait de Srebrenica à
21 Potocari.
22 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Tout à fait,
23 exact. Merci.
24 Q. Bien, je voudrais maintenant vous poser quelques questions sur les
25 réunions à l'hôtel Fontana le 11. Monsieur Nikolic, est-ce que vous allez
26 bien ?
27 R. Oui, oui. Oui, je vais bien.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous avez besoin de quoi que ce soit
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1 et d'une pause, n'hésitez pas à le demander à tout moment.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je vais bien. Je vais bien.
3 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
4 M. NICHOLLS : [interprétation]
5 Q. La Chambre de première instance a entendu un certain nombre d'éléments
6 de preuve concernant les réunions à l'hôtel Fontana le 11 juillet, donc
7 nous n'allons pas entrer dans le détail de tout ce qui concerne ces
8 réunions. Je voulais simplement savoir où vous étiez, ce que vous avez vu,
9 et quel était votre rôle.
10 Avez-vous entendu parler de la première réunion à l'hôtel Fontana le 11
11 avant qu'elle ne se produise, et si vous en aviez entendu parler, comment
12 et par qui ?
13 R. Oui. J'ai entendu parler de cette réunion, la première devait se tenir
14 le 11 au soir, avais-je entendu dire. J'ai entendu parler de cette réunion.
15 C'est le colonel Jankovic qui m'a informé de la tenue de cette réunion.
16 Q. Qu'est-ce que vous avez fait alors ?
17 R. Le colonel Jankovic m'a dit qu'une réunion devait se tenir, que le
18 général Mladic et que les représentants du Bataillon néerlandais seraient
19 présents à cette réunion. Ma tâche, c'est ma fonction habituelle qui
20 concerne donc tout ce qui se rapporte à la sécurité et aux instances de
21 sécurité, dans la mesure où cette réunion devait se tenir à l'hôtel
22 Fontana, il fallait que je m'occupe de la sécurité pour l'hôtel Fontana et
23 que je prépare les lieux où de la réunion devait se tenir, réunion à
24 laquelle assisterait le commandant de l'état-major principal, le général
25 Mladic.
26 Outre cela, il m'a été dit que je devais envoyer la police et également
27 fournir un interprète pour permettre la conversation entre le général
28 Mladic et les représentants du Bataillon néerlandais.
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1 Je suis allé avec le commandant de la police militaire, Mirko Jankovic, à
2 l'hôtel Fontana. Nous avons envoyé un certain nombre de policiers et nous
3 nous sommes chargés de la sécurité physique du bâtiment de l'hôtel Fontana.
4 Nous avons alors vidé complètement le bâtiment et il n'y avait plus aucun
5 soldat ni client dans l'hôtel. Nous avons donc vidé tout l'intérieur de
6 l'hôtel et nous avons sécurisé les lieux où la réunion devait se tenir.
7 Une fois ces préparatifs terminés -- j'essaie de me rappeler. Donc ma tâche
8 était donc d'offrir et d'envoyer avec le commandant de la police militaire
9 d'envoyer les policiers et de m'assurer de la sécurité des installations où
10 la réunion devait se tenir. Lorsque le colonel Jankovic est arrivé, lui,
11 Mirko Jankovic, et l'interprète, et moi-même avons attendu l'arrivée du
12 général Mladic, et également l'arrivée des membres du Bataillon
13 néerlandais.
14 Ils sont arrivés, et pour être bref, la réunion s'est déroulée dans une
15 petite salle de l'hôtel Fontana, et je dois dire à la Chambre que je n'ai
16 pas, personnellement, assisté à cette réunion. J'étais l'officier
17 responsable de la sécurité des lieux où la réunion devait se tenir.
18 J'étais moi-même à l'extérieur de cette petite salle, à 3 ou 4 mètres. J'ai
19 vu les participants à la réunion. J'ai vu ce qu'ils faisaient, comment ils
20 se comportaient. Je pouvais même entendre ce dont ils parlaient parce qu'il
21 s'agissait d'une petite salle avec un mur, c'est un petit peu comme un
22 harmonica que l'on peut ouvrir. Les portes étaient ouvertes, et nous avons
23 préparé la salle et lui avions donné cette configuration avant l'arrivée de
24 Mladic -- du général Mladic et du commandant du Bataillon néerlandais, et
25 c'était donc une porte accordéon qui était restée ouverte.
26 L'INTERPRÈTE : C'était M. Karremans.
27 M. NICHOLLS : [interprétation]
28 Q. Merci. Je comprends que vous n'avez pas vous-même participé à cette
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1 réunion, mais vous avez pu observer ce qui se passait dans la salle à
2 quelques mètres de là ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Qu'avez-vous fait une fois la réunion terminée ? Que s'est-il passé
5 ensuite ?
6 R. Une fois la réunion terminée, le général Mladic a dit qu'il y aurait
7 une autre réunion le même soir à 22 heures ou 22 heures 30, et il a dit
8 qu'il fallait là encore s'assurer de la sécurité des lieux, et que cette
9 deuxième réunion serait une fois de plus organisée dans l'hôtel Fontana.
10 Ensuite, je suis allé au commandement de la Brigade de Bratunac, ce même
11 soir, le soir du 11e, heureusement, et j'ai fait ce que je faisais les
12 autres jours, avant l'opération également. J'ai rédigé un rapport sur la
13 situation et les événements qui s'étaient déroulés ce jour-là, le 11
14 juillet.
15 Q. La deuxième réunion qui s'est tenue aux alentours de 22 heures ou 22
16 heures 30, est-ce que vous êtes également chargé de la sécurité de cette
17 réunion ? Pouvez-vous brièvement nous dire ce qu'il en a été ?
18 R. Tout ce que j'avais fait pour la première réunion concernant
19 l'organisation de cette première réunion et la sécurité, donc, du bâtiment
20 et des personnes qui participaient à cette réunion, j'ai refait exactement
21 les mêmes choses pour la deuxième réunion. Dans le bâtiment de l'hôtel
22 Fontana, avec également l'interprète, la sécurité physique, l'organisation
23 de l'arrivée du général Mladic, des officiers et de l'arrivée du Bataillon
24 néerlandais et des représentants du Bataillon néerlandais, des
25 représentants, donc, du côté musulman. J'ai donc fait tout ce qu'il fallait
26 pour cette réunion qui s'est tenue dans le même bâtiment et sur les mêmes
27 lieux, en m'assurant que les personnes qui participeraient à cette réunion
28 seraient ainsi en sécurité lorsqu'elles seraient présentes dans le bâtiment
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1 où la réunion devait se dérouler.
2 Q. Là encore, est-ce que vous avez observé la réunion de l'extérieur, sans
3 participer à la réunion ?
4 R. Oui. Je peux vous dire qui a participé à la réunion. Je pense que la
5 Chambre le sait déjà, mais si nécessaire, je pourrais vous citer les noms.
6 Je n'étais pas représentant du côté serbe participant aux discussions, donc
7 naturellement, c'était le commandant Ratko Mladic qui a le plus parlé.
8 C'était lui le plus important.
9 Q. Juste avant de continuer et sécuriser les lieux où la réunion devait se
10 tenir avec les membres, donc, de l'état-major principal, est-ce là une
11 tâche habituelle du responsable de l'administration de la sécurité,
12 lorsqu'il y a des officiers qui sont en visite et qui viennent du
13 commandement Suprême ?
14 R. La règle veut que chaque fois qu'il y a une visite du commandement
15 supérieur, de la hiérarchie supérieure, qu'il s'agisse donc du commandant
16 du corps ou de son adjoint, enfin quelqu'un du -- de l'état-major
17 principal, dans ce cas-là, l'instance de sécurité prend toutes les mesures
18 de sécurité nécessaire pour assurer la sécurité des personnes. Les
19 responsables de la sécurité doivent se charger de la sécurité des
20 commandants et des officiers de l'état-major principal - c'est là la règle
21 - se sont des dispositions juridiques qui le stipulent et que l'on doit
22 respecter. En tant que responsable de la sécurité, prendre de telles
23 mesures fait partie des tâches que je -- qui m'incombaient.
24 Q. Vers les moments où ces réunions ont eu lieu, avez-vous été informé
25 d'une grande colonne de gens de l'enclave, c'est-à-dire d'un groupe
26 important de Musulmans se déplaçant en colonne de Srebrenica vers Potocari
27 ?
28 R. Oui. Dès ces moments-là, vers la soirée, j'avais déjà reçu des rapports
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1 pour la plupart des cas en provenance du 2e Bataillon d'Infanterie, de leur
2 commandement et de leur -- depuis leur position, disant qu'il y avait de
3 grands nombres de civils déplacés en direction de la FORPRONU et leur base
4 de Potocari.
5 Q. Est-ce que vous auriez reçu des informations portant sur la composition
6 de cette colonne, donc de civils ? Enfin, ce que je -- ce que je voudrais
7 savoir, ici, c'est s'il y a eu des gens -- des hommes en âge de combattre
8 parmi les civils du groupe.
9 R. D'après mes estimations et d'après celles des subordonnés à titre
10 professionnel du 2e Bataillon et sur -- seulement les informations qui sont
11 allées suivant la ligne de combat -- commandement vers moi disaient que,
12 parmi cette -- ce grand chiffre important de la colonne, il y avait aussi,
13 d'après nos estimations -- je parle de nos estimations qui disent qu'il y a
14 dans cette colonne entre 1 500 et 2 000 hommes aptes à combattre.
15 Pour les Juges de la Chambre, je dois indiquer une chose et je pense que
16 c'est important. Nous avons estimé que -- et je précise que je fais la
17 différence entre hommes en âge de combattre et hommes qui font partie des
18 effectifs des unités militaires de la 28e Division. Donc vous pouvez être
19 apte à combattre, c'est-à-dire être assujetti à une obligation de
20 mobilisation dans les rangs d'une unité, mais cela ne veut pas dire que
21 vous êtes automatiquement mobilisé.
22 Nous avons donc considéré que parmi ces gens-là, étant donné que je
23 connaissais à peu près le nombre de personnes qu'il y avait dans l'enclave
24 et je connaissais la structure de la population enfants-femmes-hommes. Nos
25 estimations, donc, partant de ce que nous avions évalué auparavant et
26 d'après les estimations les plus récentes, on a jugé que dans cette colonne
27 de civils, il y avait entre 1 500 et 2 000 hommes aptes au combat.
28 Q. Merci. Si j'ai bien compris votre réponse qu'il y avait entre 1 500 et
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1 2 000 qui étaient en âge de faire leur service militaire, mais ils
2 n'étaient pas tous nécessairement soldats de l'ABiH, vous ai-je bien
3 compris ?
4 R. Tout à fait. C'est exactement ce que je voulais dire.
5 Q. Merci. Pour ce qui est maintenant de cette deuxième réunion à l'hôtel
6 Fontana, quand elle a pris fin, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé
7 après ? Maintenant, nous sommes en train de parcourir chronologiquement les
8 événements tels que vécus par vous au fil des journées qui ont suivi.
9 R. Après cette deuxième réunion, j'ai reçu l'ordre de la part de mon
10 commandant et le général Mladic pour ce qui est des Hollandais et des
11 représentants de la partie musulmane : il fallait que je les escorte
12 jusqu'à Potocari. Bien entendu, j'ai exécuté cet ordre, je les ai
13 raccompagnées jusqu'au Pont Jaune et le Pont Jaune, c'est en limite de
14 l'enclave, et depuis ce Pont Jaune, ils ont continué vers Potocari. Moi, je
15 ne suis pas allé jusqu'à Potocari ce soir-là.
16 Q. Merci. Une autre question de suivi. Vous nous avez dit que vous
17 connaissiez les gens de la réunion. Vous avez aussi fait référence aux
18 représentants musulmans. Si vous vous en souvenez, pouvez-vous nous dire
19 qui a été le représentant musulman qui avait pris par à cette deuxième
20 réunion de l'hôtel Fontana, c'est-à-dire celle qu'il y a eu dans le courant
21 de la nuit du 11 juillet ?
22 R. Oui, je m'en souviens. A cette deuxième réunion, il y a eu un
23 représentant musulman à cette réunion-là. La première il n'y en a pas eu.
24 Il s'appelle Mandic Nesib, cet homme.
25 Q. Fort bien. Une fois que vous êtes retourné sur vos pas, depuis ce Pont
26 Jaune, qu'avez-vous fait ?
27 R. Une fois revenu du pont jaune, je crois que je suis allé au
28 commandement. Je pense avoir rédigé des rapports. J'ai eu quelques contacts
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1 avec des membres de ma brigade. Je les ai informés à peu près de la
2 situation telle qu'elle se présentait, et j'ai informé ceux qui faisaient
3 l'objet des informations pour ce qui est de la chute de l'enclave et pour
4 ce qui est de la réunion générale.
5 Alors je pense avoir déjà dit, qu'il y a eu des informations
6 oralement données. Je n'ai pas envoyé à mon commandement des rapports et
7 par écrit, mais une information par écrit au sujet des événements et de
8 tout ce qui englobait les informations liées au déplacement des civils
9 musulmans, nos évaluations, estimations pour ce qui est de la composition,
10 la présence d'hommes aptes au combat. J'ai fait un rapport par écrit pour
11 le commandement du Corps de la Drina, département chargé de la Sécurité et
12 du Renseignement.
13 Q. Merci. Est-ce que cette nuit-là vous avez eu une mission concrète ? Ou
14 avez-vous fait quelque chose après ? Je parle de ce que vous auriez eu
15 affaire pour ce qui est de la journée du 11, c'était, j'imagine la fin de
16 vos missions pour cette journée une fois que vous avez rédigé ces rapports.
17 R. Je ne me souviens pas de la totalité des détails, voyez-vous. Pour
18 l'essentiel, c'était là des activités qui étaient étroitement liées à ce
19 que j'ai fait. Il y a peut-être eu autre chose mais pour l'essentiel c'est
20 ce qui se rapportait à mon département, la police militaire, et je pense
21 que nous avons fait les choses de façon correcte. Nous n'avons pas eu de
22 problème.
23 Q. [aucune interprétation]
24 R. Je me trouvais dans le commandement de la Brigade de Bratunac pendant
25 toute la période de temps en question, mais je ne me souviens pas de la
26 totalité des détails.
27 Q. C'est bon. Merci. Passons maintenant à la matinée du 12 juillet. Tout
28 d'abord, tôt le matin, vers 8 heures, y a-t-il eu une réunion au
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1 commandement de la Brigade de Bratunac, si tant est que vous vous en
2 souvenez ?
3 R. Le 12, il y a eu plusieurs réunions. J'ai dit que j'avais -- qu'il y
4 avait un dilemme pour ce qui est d'une réunion. Mais il me semble que c'est
5 une réunion du 13, au matin, vers 8 heures, 8 heures et demie du matin.
6 Pour ce qui est du 12, j'étais officier de permanence, à compter de 7
7 heures du matin j'étais dans la salle du suivi opérationnel. Je ne me
8 souviens pas qu'il y ait eu une réunion au matin du 12. Le 13, oui. Mais
9 pour ce qui est du 12, je ne m'en souviens pas.
10 M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais que l'on nous affiche la pièce
11 P4373, s'il vous plaît. Je ne sais pas si on peut faire tourner la page et
12 si on peut agrandir la version en serbe.
13 Q. Bon. Alors prenez le soin de vous pencher sur ce document.
14 M. NICHOLLS : [interprétation] Comme on a vu, il y a eu des difficultés au
15 niveau de la traduction ou version anglaise. Je ne sais pas si on a reçu
16 une nouvelle traduction, Madame, Messieurs les Juges.
17 Q. Mais je vais demander à, M. Nikolic, de lire le document.
18 Il s'agit d'une dépêche émanant du centre de Sécurité public de
19 Zvornik, un rapport de juillet 1995, en provenance de ce chef de la CJB,
20 Dragomir Vasic, et on dit, au paragraphe, qu'il s'agit d'une question qui
21 s'est tenue vers 8 heures. Est-ce que vous pouvez en prendre lecture ? Ou
22 est-ce illisible ?
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ça a l'air de l'être.
24 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. 8 heures, commandement de la Brigade de
26 Bratunac, généraux Mladic et Krstic, réunion avec la totalité des
27 participants. Oui, je le vois maintenant.
28 Je me souviens de ceci. J'ai beaucoup de mal à examiner de façon
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1 chronologique la totalité des réunions au commandement de ma brigade, parce
2 qu'il y en a eu tellement à titre officiel et autres, et il m'est difficile
3 de me souvenir de la totalité de ces réunions. Mais cette réunion-ci, je
4 pense m'en souvenir. Ça s'est tenu dans le bureau de mon commandant, au-
5 dessus de la salle du suivi opérationnel où je me trouvais. Mais je ne sais
6 pas vous dire autre chose. Le document m'a rafraîchi la mémoire, oui.
7 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.
8 Q. Alors, dans ce document, paragraphe 5, il est fait état aussi d'une
9 réunion qui s'est tenue à 10 heures du matin. C'est une troisième réunion
10 qui s'est tenue à l'hôtel Fontana. Une fois que vous l'aurez lu j'en aurai
11 terminé avec ce document, et je me proposerais de vous poser des questions
12 au sujet de ce qui s'est passé dans la suite de la matinée du 12.
13 R. Je viens de terminer ma lecture.
14 Q. Merci. Avez-vous entendu parler de cette réunion du 12 juillet au matin
15 à l'hôtel Fontana et est-ce qu'on vous a confié la mission d'assurer la
16 sécurité de l'hôtel, de le sécuriser ?
17 R. Pour ce qui est de cette deuxième -- ou plutôt, troisième réunion qui
18 était censée de tenir le 12 juillet à 10 heures du matin à l'hôtel Fontana,
19 j'en ai été informé au soir du 11. Après la tenue de cette deuxième
20 réunion. C'est là que le général Mladic a dit, enfin, ils ont convenu
21 ensemble M. Karremans et le général Mladic, que le jour d'après, il y ait
22 une autre réunion à 10 heures du matin à l'hôtel Fontana, à l'occasion de
23 laquelle il devait y avoir le général Mladic avec son équipe : M. Karremans
24 avec ses officiers ainsi que des représentants de Musulmans. Parmi lesquels
25 on devait aussi voir des représentants de l'armée musulmane de Srebrenica,
26 le général Mladic avait insisté sur la chose, et je savais que la réunion
27 était censée se tenir à 10 heures à l'hôtel Fontana à 10 heures.
28 Or les mêmes missions pour ce qui est des préparatifs, et l'organisation,
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1 et pour ce qui est de la sécurisation des individus et des installations,
2 j'ai -- ont été des missions qui étaient les miennes pour cette troisième
3 réunion également.
4 Q. À l'occasion de cette troisième réunion, qui s'est tenue le 12 juillet,
5 où vous trouviez-vous physiquement parlant ? Est-ce que vous êtes entré
6 pour suivre les propos à la réunion ou est-ce que vous étiez dehors ? Que
7 faisiez-vous pendant la réunion ?
8 R. Pendant la tenue de cette troisième réunion, je n'étais pas dans les
9 installations, c'est-à-dire dans le bâtiment de Fontana, dans le bâtiment
10 où se tenait la réunion. J'étais dans un certain temps, une fois que j'ai
11 mis en place la sécurisation et tout ce qui avait, tout ce qui était
12 nécessaire pour la réunion, j'étais pendant un certain temps assis à la
13 réception, c'est-à-dire le vestibule de l'hôtel, une fois que vous entrez,
14 vous arrivez à la réception. A un moment donné, je n'étais même pas à la
15 réception, j'étais dehors devant l'hôtel, sur le petit plateau, parce qu'il
16 y avait des policiers qui étaient déployés, et je m'efforçais de veiller à
17 ce que tout se passe bien. Il y avait beaucoup d'intérêt pour la réunion,
18 il y avait beaucoup de soldats autour de l'hôtel Fontana. Mais je n'étais
19 pas présent à cette réunion, je n'y ai pas pris part, et je n'ai pas non
20 plus entendu ce qui s'est dit à cette réunion.
21 Q. Vous avez mentionné des membres de l'armée musulmane de Srebrenica, et
22 leur présence. Alors je voudrais vous demander s'il y a eu des
23 représentants de l'armée musulmane, de l'ABiH, à avoir pris part à cette
24 réunion ? Du moins c'est ce qui est écrit au compte rendu, on parle "de
25 représentants de l'armée musulmane de Srebrenica, qui étaient censés
26 participer à la réunion."
27 R. J'ai dit que le général Mladic avait insisté pour qu'à cette -- pour
28 que à l'occasion de cette troisième réunion, il y ait non seulement les
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1 représentants de cette population de réfugiés mais aussi des représentants
2 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire la 28e Division, mais
3 exception faite de Nesib Mandzic, et je ne sais pas si à l'époque il était
4 militaire, mais je sais qu'il faisait partie des rangs de la 28e Division.
5 Nuhanovic lui, j'étais certain que ce n'était pas un soldat, et il y avait
6 une femme de présente qui n'était pas non plus un militaire. Alors si
7 Nuhanovic était à l'époque soldat, il était représentant de l'armée, si ce
8 n'est pas le cas, il était représentant des autorités ou de la population
9 civile. Il s'est présenté comme étant représentant de cette population de
10 réfugiés, et il a dit explicitement qu'il ne pouvait pas représenter
11 l'armée, qu'il n'était pas habilité à représenter qui que ce soit au niveau
12 des structures militaires. C'est ce que j'ai entendu dire le dénommé
13 Nuhanovic.
14 Q. Merci.
15 R. Non, non, pas Nuhanovic, excusez-moi, j'ai dit Nuhanovic, non, c'est
16 Mandzic, je me suis trompé.
17 Q. Nesib Mandzic.
18 R. Oui, c'est cela, Nesib.
19 Q. Je vais vous poser des questions au sujet d'autre chose. Vous en avez
20 d'ailleurs déjà parlé pour ce qui est de ce qui a précédé le 12 juillet
21 1995. Ce 12 juillet au matin, avez-vous vu -- rencontré un lieutenant-
22 colonel ou des lieutenants-colonels de ce Corps de la Drina ? Avez-vous eu
23 des entretiens avec des officiers du Corps de la Drina pendant cette
24 matinée-là ?
25 R. Avant que ne commence la réunion, elle était censée commencer à 10 h,
26 J'ai vu deux lieutenants-colonels, je me suis entretenu avec eux, le
27 lieutenant-colonel Popovic, et le lieutenant-colonel Kosovic, que je sois
28 clair, d'emblée, ce n'est pas d'une réunion. Il s'agissait simplement de
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1 conversations, des conversations qui ont eu lieu avant qu'ils ne se rendent
2 en réunion. Donc j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le colonel
3 Popovic, et j'ai demandé au lieutenant-colonel Popovic ce qui était prévu
4 pour la suite des événements. Il m'a répondu qu'une opération de transfert
5 d'hommes musulmans, à vrai dire, de femmes et d'enfants musulmans, serait
6 amenée à quitter le territoire, et qu'on séparait les hommes et les femmes
7 d'âge de porter les armes. Puis ensuite j'ai demandé ce qui allait se
8 passer, ce qu'on allait faire des hommes séparés des femmes et des enfants,
9 il m'a dit, texto, à sa façon à lui, "qu'il fallait qu'ils soient tous
10 tués." Moi, je n'ai pas fait de commentaire suite à ces propos, suite à ce
11 qu'il a dit, et la première idée, qui m'est venue à l'esprit, a été qu'à
12 Potocari, on séparait les hommes en âge de porter les armes, qu'on
13 procéderait à cette forme de triage militaire, et que l'on s'acquitterait
14 d'une tâche militaire. On se contenterait de procédure militaire, on
15 identifierait les individus dont on était certain sur base d'élément de
16 preuve ou de déclarations de témoins, qu'ils s'étaient rendus coupables de
17 crimes.
18 Donc on les isolerait et on les poursuivrait en justice, c'est à cela
19 que j'ai pensé au moment où il m'a parlé de cette séparation. Suite à quoi
20 bien entendu vous savez ce qui s'est passé.
21 Lorsque je suis arrivé à Potocari, lorsque l'évacuation a commencé,
22 pour moi, il ne faisait -- il n'y avait plus aucun doute quant à l'objet de
23 l'activité. J'ai déposé sur cet élément, mais c'est la première fois que
24 j'ai eu des doutes, mais je crois que c'était la première fois aussi qu'il
25 m'est apparu clairement qu'il allait se passer quelque chose de terrible
26 pour ceux qui avaient été isolés.
27 Je proposais ou plutôt j'ai fait la suggestion en disant si on sépare
28 certains individus, si on procède à ce tri, alors il faut que l'on trouve
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1 un endroit où on va pouvoir les détenir, les personnes, les gardes en
2 détention, ces personnes. Donc je pensais que si on devait isoler certains
3 hommes, il fallait que l'on trouve un local dans lequel on allait pouvoir
4 les garder en détention. Je pensais que l'école élémentaire Vuk Karadzic,
5 par exemple, serait un bâtiment idoine puisque l'on était justement dans ce
6 rayon d'une centaine de mètres.
7 Après cela, en présence de M. Kosoric, au moment où il a dit qu'il
8 fallait tuer tous les Musulmans, nous avons discuté de deux emplacements
9 éventuels, Ciglana et la mine de Sase, qui étaient les endroits où on
10 devait procéder, on devait tuer ces individus.
11 Pour ce qui est de la mine et de la briqueterie, c'étaient deux sites
12 d'exécution, en fait. J'en ai déjà parlé, j'ai dit ce qui s'est passé juste
13 avant que l'on sépare les hommes, les femmes et les enfants. Un certain
14 nombre d'officiers se sont rendus à la briqueterie, ils ont contacté le
15 directeur de l'usine, et ils ont demandé si cela pouvait être
16 éventuellement un site d'exécution. Je ne sais pas qui étaient ces
17 officiers, je ne dispose d'aucun nom, et je ne sais pas qui ils étaient.
18 Ceci étant dit, ces endroits ont été mentionnés comme site d'exécution
19 potentiel.
20 En ce qui concerne l'exécution elle-même, dans ces deux endroits,
21 permettez-moi de vous dire ceci, ici même : ni à la briqueterie, ni à la
22 mine de Sase, il y a eu un seul homme de tué parmi ces hommes séparés. Donc
23 il n'y a pas eu de tuerie, à aucun de ces endroits il n'y a pas eu
24 d'exécution, que ce soit à Sase ou à la briqueterie.
25 Après cela, donc devant ce plateau, je voudrais vous dire, il y a eu
26 une autre conversation. Kosoric, Petar Uscumlic et moi, moi-même, avons
27 parlé de tout cela : l'évacuation, l'arrivée des bus, et cetera, et grosso
28 modo, la position nous partagions, la position était la même. Tout ce qui
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1 avait été dit Popovic a été répété de la même façon par Kosoric.
2 Mais nous parlions également -- les Musulmans également à des
3 officiers néerlandais. Je ne sais plus. Je crois qu'il y avait Rave et un
4 officier associé qui m'a dit : "Monsieur Nikolic, quand les bus vont-ils
5 arriver ? Quand tout cela va commencer ?" Je leur ai répondu -- enfin, je
6 l'ai dit à Acamovic, qui était juste à côté, devant l'hôtel Fontana, il y
7 avait le colonel Acamovic aussi, et j'ai dit que c'était pas la peine qu'il
8 soit là, qu'il pouvait rentrer à Potocari, que tout avait déjà fait l'objet
9 d'accords, tout était déjà réglé, et que l'évacuation allait commencer.
10 Voilà ce qui s'est passé devant l'hôtel Fontana.
11 La conversation que j'ai eue avec Popovic a duré cinq, six, peut-être
12 sept ou maximum dix minutes. Ensuite, il est allé à sa réunion, Kosoric
13 aussi, et moi, je suis resté devant l'hôtel et j'ai pris les mesures de
14 sécurité qu'il fallait prendre, ce qui était ma responsabilité, et grosso
15 modo, il ne s'est pas passé grand-chose d'autre au cours de cette matinée.
16 Voilà l'issue de la conversation que j'ai eue avec Kosoric, Popovic et M.
17 Rave et Uscumolic.
18 Q. Merci. Lorsque vous nous dites que Popovic et Kosoric sont allés à leur
19 réunion après, vous voulez dire c'est cette fameuse réunion de l'hôtel
20 Fontana ?
21 R. Oui. C'est cette réunion-là, effectivement, la réunion de l'hôtel
22 Fontana qui devait commencer à 10 heures.
23 Q. Est-ce que c'est à ce moment-là que vous avez parlé au colonel Jankovic
24 ? Est-ce qu'il vous a donné des instructions quant à ce que vous alliez
25 être amené à faire et quant à la nécessité pour vous de vous rendre à
26 Potocari ?
27 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, je me suis entretenu avec le
28 colonel Jankovic après la réunion, le colonel Jankovic a sorti de l'hôtel
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1 Fontana. Moi, j'étais un petit peu à l'entrée de l'hôtel. J'attendais que
2 la réunion se termine avec la police et tous ceux qui étaient chargés de la
3 sécurité à l'hôtel Fontana. Puis, le colonel Jankovic est sorti de l'hôtel
4 Fontana disant que tout avait été réglé pour le transfert des Musulmans
5 vers Kladanj, que des bus, des camions, tout cela avaient fait l'objet
6 d'accords. Le carburant, c'était réglé aussi, et le colonel Jankovic m'a
7 dit qu'il fallait que j'apporte mon concours à cette évacuation, ou en tout
8 cas, qu'au cours de ce transfert de population à Potocari, j'apporte mon
9 assistance, c'est-à-dire qu'on les transférait vers le territoire libre
10 sous contrôle musulman. En l'occurrence, il s'agit de la zone de Kladanj.
11 Q. Est-ce que vous avez posé des questions au colonel Jankovic quant aux
12 unités qui allaient participer à cette opération à Potocari ?
13 R. Oui, effectivement. J'ai demandé au colonel : "Colonel, vous connaissez
14 la situation à Potocari, vous savez combien ils sont là-bas, vous savez
15 combien de choses il va falloir faire." J'ai demandé : "Mais comment on va
16 faire ?" Il m'a répondu que tout avait été réglé, que les commandants des
17 unités chargées de cette opération avait déjà reçu leurs consignes et qu'on
18 leur avait confié des tâches spécifiques qu'ils devaient exécuter, et
19 qu'ils étaient déjà à Potocari, l'endroit d'où devait partir l'évacuation.
20 Q. Le colonel Jankovic vous a-t-il donné des instructions pour que vous
21 preniez contact avec des individus spécifiques à Potocari ? Est-ce qu'il
22 vous a dit : Contactez telle personne ?
23 R. Oui. Il m'a dit qu'à Potocari, il fallait que je contacte l'armée et la
24 police, mais aussi Dusko Jevic, qui était présent sur place et qui était en
25 charge d'une partie de l'opération. Il m'a dit de parler à Dusko Jevic et
26 m'a dit de l'aider, de le rencontrer à Potocari, et c'est ce que j'ai fait,
27 bien entendu, et après notre réunion et tout ça, j'ai pris place à bord de
28 ma voiture et je me suis rendu à Potocari, parce que le seul officier que
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1 j'avais contacté ce jour-là, le 12, c'était Dusko Jevic, surnom Staline.
2 Q. Dusko Jevic était un officier de quelle unité ?
3 R. Dusko Jevic était officier dans la Brigade spéciale du MUP, dont le
4 commandant était le général Saric et le commandant adjoint Ljubisa
5 Borovcanin, et il était présent sur place.
6 Q. Qui était présent, Saric ou Borovcanin; vous avez dit était présent sur
7 place, à Potocari ?
8 R. Borovcanin était présent, et il commandait les forces qui étaient la
9 police spéciale.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nikolic, nous vous invitons à
11 bien vouloir parler dans le microphone de manière à ce que les interprètes
12 puissent vous entendre.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses.
14 M. NICHOLLS : [interprétation]
15 Q. Outre la police spéciale, vous venez de nous dire qu'ils étaient
16 présents, vous nous avez dit que M. Dusko Jevic, M. Borovcanin étaient
17 présents. Quelles sont les autres unités qui étaient présentes, pour autant
18 que vous puissiez vous en souvenir, à Potocari le 12 juillet ? Quelles
19 unités vous souvenez-vous d'avoir vues ? Donc pas simplement la police
20 spéciale, quelles sont les autres forces, forces armées de la Republika
21 Srpska, MUP ou VRS étaient présentes ?
22 R. Je vais essayer de vous parler de tout ce dont je me souviens à
23 Potocari, de tous ceux qui étaient présents. Outre les Unités de la Brigade
24 spéciale du MUP, outre les forces de police, il y avait également une unité
25 qui avait des chiens, c'étaient des chiens allemands, puis il y avait des
26 policiers du poste de sécurité publique de Bratunac. Par ailleurs, il y
27 avait également des membres d'une compagnie. Il s'agissait, en fait, de
28 police spécialisée dont certains membres étaient à Potocari.
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1 Maintenant, pour ce qui est de l'armée, il y avait une partie de la
2 police militaire de la Brigade de Bratunac, c'est-à-dire mon unité, puis il
3 y avait également des membres du 2e Bataillon d'Infanterie de la Brigade de
4 Bratunac; et puis, le même jour, un peu plus tard, des membres du 3e
5 Bataillon d'Infanterie de la Brigade de Bratunac sont arrivés sur place.
6 Puis, il y avait des membres du Détachement les Loups de la Drina, dont le
7 commandant était le capitaine ou le commandant Jolovic, Legenda. C'est
8 ainsi qu'on l'appelait, ou quelque chose du genre, et puis, il y avait les
9 éléments du 65e Régiment de Protection. C'était une unité de l'état-major
10 principal et certains éléments de cette unité étaient stationnés à Nova
11 Kasaba. Puis il y avait des éléments du 10e Détachement de Sabotage de
12 l'état-major principal, une unité de l'état-major principal l'armée de
13 Republika Srpska, de la VRS. Puis il y avait des éléments du Bataillon de
14 la Police militaire du Corps de la Drina, donc ils faisaient partie, en
15 fait, du Corps de la Drina.
16 Et voilà. Je pense que je n'ai omis personne. Il s'agissait d'unités qui
17 étaient présentes sur place. Voilà. Toutes les unités que j'ai mentionnées,
18 donc le 10e Détachement de Sabotage, vous savez, je les connaissais
19 personnellement. Puis, les Unités de la Police militaire du corps menaient
20 des activités dans ma zone de responsabilité également, donc je les
21 connaissais. Je connaissais tous les hommes de cette Unité de Police, et
22 puis, les éléments de ma brigade -- les hommes de ma brigade, je les
23 connaissais aussi. Je connaissais tout le monde.
24 Donc, voilà les unités qui étaient souvent amenées à participer à des
25 activités dans leurs domaines de responsabilité respectifs. Ces unités ont
26 été associées aux opérations de Srebrenica, et suite à la chute de
27 Srebrenica, elles se sont rendues à Potocari, et à Potocari, outre toutes
28 les forces que je viens de mentionner, il y avait aussi des membres du
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1 Bataillon néerlandais à l'endroit où a eu lieu l'évacuation de la
2 population civile après la troisième réunion le 12 juillet 1995.
3 Q. Merci. Si j'ai bien compris votre réponse précédente, le colonel
4 Jankovic vous a dit avant votre arrivée à Potocari que les unités, que vous
5 y avez vues, s'étaient déjà vues signifier leur ordre ?
6 R. Oui, vous m'avez bien compris. C'est exactement cela.
7 Q. Je propose qu'on revienne un tout petit peu en arrière, juste avant les
8 11 et 12 juillet. Avez-vous vu des membres de la sécurité d'Etat de la
9 Republika Srpska qui travaillaient à Bratunac, donc des agents des RDB ?
10 Est-ce que vous avez vu également des membres des RDB à Potocari, donc des
11 membres de la sécurité d'Etat ? Est-ce que vous pourriez décrire leur
12 présence au cours de cette période ?
13 R. Oui. Mais pour les Juges de la Chambre, permettez-moi de vous dire que
14 le centre de la Sécurité d'Etat était à Zvornik, et certains de leurs
15 agents étaient chargés du territoire de la municipalité de Bratunac
16 également. Donc l'agent qui travaillait en permanence sur le territoire de
17 la municipalité de Bratunac était Sinisa Glogovac, si je ne m'abuse, et il
18 était pratiquement en permanence à Bratunac. A vrai dire, avant l'opération
19 et pendant l'opération, il était là, présent sur place.
20 Puis, pendant l'opération, donc après la chute de Srebrenica, pour
21 être précis -- maintenant, je ne sais pas si je vais arriver à me souvenir
22 des noms, mais il me semble qu'à Bratunac -- non, ce n'est pas que je
23 pense, je l'ai vu -- non, non, je l'y ai vu, il y avait le chef du centre,
24 Mile, il s'appelle, Mile Renovica, et puis Sinisa Glogovac, et il me semble
25 qu'il y avait également un agent de Zvornik, Vito [phon] Je crois qu'il
26 s'appelait Tomic, et voilà l'équipe, plus ou moins, qui était responsable
27 des activités sur place. Vito Glogovac, Sinisa étaient des agents, et Milan
28 Korenovica était le chef de ce centre. Maintenant, ne me demandez pas si ça
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1 s'appelait un centre ou autre chose, mais quoi qu'il en soit, il était le
2 chef sur place. Ils étaient présents avant la chute de Srebrenica et ils
3 étaient également présents -- en fait, au moment où Srebrenica est tombée
4 et étaient présents à Potocari. Et avec les instances ou l'instance qui
5 était responsable de la séparation des hommes du reste, pour autant que je
6 le sache, ils ont travaillé pour identifier les hommes en âge d'être
7 militaires ou ceux pour lesquels ils avaient des informations et savaient
8 qu'ils avaient commis des crimes lors d'opérations préalables.
9 Donc c'était, grosso modo, cela en ce qui les concerne.
10 Je suis également au courant de deux cas où l'on a identifié un membre du
11 parlement, Ibran Mustafic. Zlatan Celanovic les a aidés à cet égard. Il
12 connaissait Mustafic, et je suis également au courant d'un autre cas à
13 propos duquel j'ai écrit un rapport au commandant du Corps de la Drina. Un
14 homme blessé, qui était au centre de Santé et en avait été sorti, suspecté
15 d'avoir commis un crime, et ce Musulman a été traduit en justice et
16 poursuivi en justice, et après les entretiens, je pense qu'Ibran Mustafic a
17 été transféré à Batkovici. Tous deux sont en vie à ce jour.
18 Q. Nous parlerons de cela plus tard. Dans le transcript, je pense que vous
19 avez parlé de Mile, qui était le chef de Zvornik pour la sécurité de
20 l'Etat. Je pense que vous avez dit qu'il s'appelait Mile Renovica de son
21 nom complet, est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est exact. Mile Renovica.
23 Q. Le 12 juillet, outre Dusko Jevic et Borovcanin, avez-vous vu d'autres
24 personnes et pouvez-vous nous dire quels sont les officiers que vous avez
25 vus, qui étaient présents, soit de l'état-major principal, soit du Corps de
26 la Drina ?
27 R. Je peux vous dire qui sont ceux que j'ai vus à Potocari, mais je ne
28 pense pas que ce soit nécessaire. Je peux vous dire, en termes généraux,
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1 que tous les officiers de l'état-major principal qui se trouvaient à
2 Bratunac sont venus à Potocari ce jour-là, ils étaient tous là le 12, ainsi
3 que tous les officiers du commandement du Corps de la Drina qui étaient à
4 Bratunac ce jour-là, le 12, sont tous venus à Potocari pour voir ce qui se
5 passait. Je pense qu'il n'y avait pas un seul officier -- enfin, je ne veux
6 pas en dire plus, mais je ne pense pas qu'il y ait eu un seul officier du
7 commandement qui était présent à Bratunac ce jour-là et qui ne se soit pas
8 rendu à Potocari pour voir ce qui se passait. Maintenant, si les noms vous
9 intéressent, je pourrais vous donner le nom de tous les commandants du
10 Corps de la Drina, de la police, de ma brigade, et cetera. Je peux vous
11 donner tous les noms.
12 Q. Pour le procès-verbal d'audience, je voudrais que ce soit très clair,
13 donnez-moi le nom des officiers de l'état-major principal que vous avez vus
14 ce jour-là à Potocari le 12 mai [comme interprété] 1995.
15 R. Pour l'état-major principal, je le sais puisque je l'ai vu, le général
16 Mladic et le colonel Jankovic.
17 Du commandement du Corps de la Drina, le général Krstic était à Potocari,
18 ainsi que le général Zivanovic, le lieutenant-colonel Popovic, le
19 lieutenant-colonel Kosoric, le colonel Acamovic, le lieutenant-colonel
20 Krsmanovic, et ce sont là les personnes que j'ai vues. Il se peut que j'aie
21 oublié quelqu'un.
22 De la brigade spéciale du MUP, il y avait Ljubisa Borovcanin, Dusko Jevic,
23 je pense -- en fait, non, je ne pense pas, je suis sûr. Mendeljev était là.
24 Je le connais personnellement. Il était le commandant d'une compagnie. De
25 la RDB, de la sécurité de l'Etat, il y avait les trois dont j'ai parlé,
26 Tomic, Sinisa Glogovac et Mile -- je cherche son nom de famille. Renovic.
27 Voilà, c'était là, dans l'ensemble, les officiers qui étaient présents.
28 Et je m'excuse, effectivement du MUP de Bratunac il y avait une personne
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1 qui était souvent présente également, Miodrag Josipovic, qui était le chef
2 du MUP. Il y avait également un autre officier. Je ne me souviens pas de
3 son nom. Il travaillait pour la sécurité publique. Enfin, ce sont là, en
4 tous les cas, les officiers dont je me souviens pour ces différentes
5 structures de l'armée, donc la police régulière, et la police spéciale, et
6 la sécurité de l'Etat.
7 Q. Bien. Vous nous avez dit qu'avant d'aller à Potocari, un peu plus tôt
8 dans la journée, vous aviez une idée de ce qui allait se passer avec les
9 hommes là-bas et comment ils seraient traités. Dites-nous ce que vous avez
10 vu, en utilisant vos propres termes. Dites-nous ce que vous avez vu à
11 Potocari et ce qui s'y est passé au niveau de la population. Que s'est-il
12 passé pour les femmes et les enfants, et pour les hommes ?
13 R. Lorsque les bus et les camions sont arrivés, alors les gens ont
14 commencé à monter dans les bus et les camions, dans tous les cas, le
15 premier convoi, et pour autant que j'aie pu voir, outre les femmes et les
16 enfants, il y avait un certain nombre d'hommes qui ont été libérés
17 également. Il y avait quelques problèmes au niveau du mouvement du convoi
18 et des bus, et cetera, et comme j'étais local, j'ai dit à Dusko Jevic de
19 remonter à 300 mètres plus loin sur la route où il y avait un parking, et
20 c'est là où l'évacuation a commencé.
21 Comme je l'ai déjà dit, dans le premier convoi, il y avait quelques
22 hommes plus les femmes et les enfants. Le premier convoi a été escorté par
23 des membres du Bataillon néerlandais dans leurs véhicules. J'ai entendu de
24 la part du colonel Jankovic que les dispositions étaient telles que les
25 convois devaient être escortés par les soldats du Bataillon néerlandais. Et
26 c'est ensuite qu'a commencé la séparation des hommes. Tous les hommes qui
27 se trouvaient à Potocari et qui allaient vers les autocars ont été désignés
28 à un moment donné pour être séparés des femmes et des enfants.
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1 Lorsque j'étais là-bas, tout au long de mon séjour sur place, voilà ce qui
2 s'est passé : les hommes ont été séparés, et lors de la séparation, ils ont
3 été maltraités. Tout d'abord, on leur a pris tous leurs biens et toutes
4 leurs possessions, comme leurs sacs, qui se sont retrouvés mis en pile.
5 Puis ensuite on leur a pris leurs alliances, leurs bracelets, leurs
6 colliers, les chaînes, enfin, tout ce que les gens pouvaient porter sur
7 eux. Tous ces biens ont été pris par les soldats chargés de séparer les
8 hommes. Ils ont ensuite été mis dans un certain nombre de maisons aux
9 alentours utilisées comme centres de détention temporaires. Ils ont été
10 battus, on les a frappés. On les a frappés avec les crosses des armes et
11 des fusils et enfin, tout ce genre de choses absolument incroyables. Tout
12 cela, ce sont toutes des choses que j'ai pu observer. C'était très
13 difficile. C'était une situation épouvantable.
14 Q. Comment avez-vous réagi personnellement ? Avez-vous essayé d'arrêter
15 ces mauvais traitements, ces coups et ces vols de biens ?
16 R. Oui. J'ai pu voir tout ce qui se passait. En tant qu'être humain,
17 j'aurais pu m'opposer à ce qui se passait. En tant que soldat, officier,
18 membre de la Brigade de Bratunac, je savais qu'ils avaient le pouvoir et je
19 n'avais pas l'autorité ni une unité à porté de la main qui pourrait les
20 empêcher de se comporter ainsi. En termes simples, je n'ai pas essayé, je
21 n'ai pas osé, ni aider les soldats, ni les arrêter.
22 Si quelque chose de pareil devait se produire à nouveau, je vous assurer
23 qu'en dépit de tout, j'essaierais d'aider ces personnes. Je ne l'ai pas
24 fait à ce moment-là, comme j'en ai d'ailleurs témoigné, parce qu'en 1992,
25 j'avais eu de mauvaises expériences lorsque je m'étais élevé contre les
26 autorités de l'époque, suite à quoi j'avais été maltraité physiquement puis
27 hospitalisé après avoir été attaqué. En raison de cette attaque, je suis
28 resté absent quatre à cinq mois, et il y avait eu des personnes qui ont
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1 saboté les détachements, et ce sont des personnes sur lesquelles il était
2 difficile d'avoir le moindre pouvoir et de les discipliner. C'est la raison
3 pour laquelle je n'ai simplement pas osé organiser une aide pour ces
4 personnes détenues.
5 J'ai aidé certaines personnes qui sont encore en vie. Ils ont même pris
6 contact avec moi lorsque je me suis retrouvé à La Haye. Et j'ai sauvé des
7 familles complètes, et je les ai fait monter dans des autocars, mais il
8 s'agissait là de cas individuels. Mais, de façon générale, je n'ai pas pu
9 faire quoi que ce soit pour aider les gens. J'ai aidé ceux que je
10 connaissais, qui sont encore en vie et qui sont toujours en contact avec
11 moi. Je ne pense pas que cela ait été suffisant pour aider.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Nicholls, nous devons ajourner
13 l'audience.
14 Nous reprendrons demain matin à 9 heures.
15 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mardi 14 février
16 2012, à 9 heures 00.
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