Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 22 mars 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Bonjour, Monsieur le Docteur Parsons.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez continuer

 10   votre contre-interrogatoire.

 11   M. KARADZIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 12   Monsieur les Juges.

 13   LE TÉMOIN : THOMAS PARSONS [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Docteur Parsons.

 17   Hier, nous avons commencé à voir si vous disposiez d'une base de données

 18   unique, ou bien si cette base de données était stratifiée, comme on a dit

 19   hier ?

 20   R.  La réponse que j'ai apportée hier à cette question est que nous n'avons

 21   qu'une seule base de données dans un système de gestion de données médico-

 22   légales, et c'est divisé en sous-projets.

 23   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire quels sont ces sous-projets qui existent

 24   par rapport à la Bosnie-Herzégovine, ou bien est-ce que c'est bien la

 25   Bosnie-Herzégovine qui fait partie de ces sous-projets ?

 26   R.  La Bosnie-Herzégovine constitue un seul sous-projet.

 27   Q.  Merci. Donc, quand vous procéder aux identifications de profils ADN de

 28   tous les foyers de guerre de Bosnie-Herzégovine, vous ne disposez que d'une


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  1   seule base de données et d'un numéro de code général; est-ce exact ?

  2   R.  Effectivement, c'est exact.

  3   Q.  Est-ce que ces numéros qui procèdent les code-barres dans vos rapports

  4   d'identification, un numéro qui commence par un 8, ou par un 9, par

  5   exemple, 810, 910, est-ce que cela signifie quelque chose ? Est-ce que ce

  6   numéro, ce chiffre signifie quelque chose, est-ce que cela a une

  7   signification, donc ?

  8   R.  Oui, effectivement. Le premier numéro qui est le début du code-barres

  9   signifie une sous-division au sein de la base de données. Donc, les numéros

 10   qui commencent par un 9 représentent des restes humains qui proviennent de

 11   la Bosnie.

 12   Q.  Est-ce qu'après un autre numéro détermine davantage ou spécifie

 13   davantage l'emplacement, l'origine de l'échantillon ?

 14   R.  Non. Ensuite, tous les autres numéros sont des numéros aléatoires.

 15   Q.  Est-ce que dans les code-barres on trouve un chiffre qui va, par

 16   exemple, déterminé le type de matériel ?

 17   R.  Non. Dans le code-barres, il n'y a absolument aucune information

 18   concernant l'échantillon qui lui correspond.

 19   Q.  Dans le document 65 ter 4107 --

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais d'ailleurs demander que l'on

 21   présente ce document. Pardon, il s'agit du numéro 5170.

 22   Le numéro ERN, c'est le numéro 246. C'est la cinquième page qui nous

 23   intéresse. La cinquième page du document.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Pouvez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, à quoi correspond ces

 26   numéros qui vont définir les code-barres pour l'échantillon de sang, est-ce

 27   qu'ils sont marqués d'une façon différente de, par exemple, des

 28   échantillons osseux ?


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  1   R.  Je crois que vous faites référence au premier numéro de lignes sur

  2   cette page, où vous avez marqué en anglais "blood", "bone", "mini" donc,

  3   sans os, et il s'agit des premiers chiffres, des numéros qui sont associés

  4   à ces différentes catégories, donc numéros de code-barres, et ceci

  5   correspond à ce que j'ai expliqué il y a quelques instants.

  6   Q.  Alors, par quel chiffre commence les code-barres trouvés dans d'autres

  7   localités, les localités se trouvant à l'extérieur du territoire de l'ex-

  8   Yougoslavie ?

  9   R.  Dans ce cas-là, il y aurait des numéros différents.

 10   Q.  Dans le cas de Bosnie-Herzégovine, est-ce que tous les numéros des

 11   échantillons provenant de Srebrenica commencent par le chiffre 9, ou bien

 12   dites-nous tout simplement comment vous pouvez savoir qu'il s'agit bien des

 13   échantillons de Srebrenica ?

 14   R.  Notre système aveugle, ce qui signifie que nous donnons des code-barres

 15   à ces échantillons, c'est ce que le laboratoire de l'ADN ne sait pas d'où

 16   provient ces échantillons. Donc, en fait, les échantillons qui proviennent

 17   de Srebrenica commencent par un chiffre 9 pour le code-barres, mais

 18   également tous les autres restes humains qui proviennent de Bosnie, donc

 19   pas uniquement de Srebrenica.

 20   Q.  Merci. Et à partir du moment où vous essayez de déterminer une

 21   probabilité préalable, quel est le chiffre que vous allez utiliser comme le

 22   chiffre correspondant au nombre des personnes disparues ? Alors, 1 sur

 23   combien ?

 24   R.  Quand nous arrivons à un stade où nous sommes arrivés à un recoupement

 25   ou une correspondance, le processus de l'identification de l'ADN est

 26   terminé, et là, vous avez la division qui est responsable de la

 27   coordination de l'identification qui établit un rapport de correspondance

 28   d'ADN. Et on a deux possibilités. C'est-à-dire qu'une personne portée


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  1   disparue correspond à l'ADN retrouvé, ou alors vous avez un échantillon qui

  2   provient d'un charnier connu de l'ICMP ou du TPIY, qui est connu comme

  3   étant un des charniers liés à Srebrenica.

  4   Q.  Merci. Donc, là, à nouveau, le rapport va recevoir un nom, un prénom.

  5   Et l'anonymat s'arrête là, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, à ce stade dans le processus d'identification, effectivement.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire qui remet l'échantillon ? Puisque hier vous

  8   avez dit que c'est le médecin légiste qu'il le fait. Mais comment nous

  9   pouvons être sûrs que les échantillons qui arrivaient dans les laboratoires

 10   n'ont pas été prélevés ailleurs sur une autre localité, donc prélevés sur

 11   les corps qui ne font pas partie du groupe d'intérêt, du groupe qui fait

 12   l'objet de vos recherches ?

 13   R.  Tout dépend d'un certain nombre de facteurs.

 14   Dans beaucoup de cas, l'équipe d'archéologues de l'ICMP était présente dès

 15   le départ, c'est-à-dire dès le prélèvement de ces échantillons, et donc ils

 16   retirent avec beaucoup de minutie les restes humains des charniers en

 17   établissant des documents très précis. Et dans de nombreux exemples, ils

 18   ont été transférés au projet d'identification mortuaire de Podrinje, et là

 19   vous avez l'ICMP qui avait détaché des experts à cet endroit-là, donc au

 20   niveau de ce centre médico-légal. Et dans beaucoup de ces exemples, on

 21   considère que les échantillons sont sous la garde, ou du moins sous

 22   l'observation de l'ICMP, donc la filière de conservation n'a pas été

 23   rompue.

 24   Cependant, dans le cas où nous recevons des échantillons d'un certain

 25   nombre de contributeurs, ou d'experts en pathologie, comme je l'ai

 26   mentionné, lorsque nous ne sommes pas directement impliqués dans le

 27   prélèvement, toutes les mesures sont prises, et, par conséquent, la filière

 28   de conservation est respectée lorsque cet échantillon arrive à nous.


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  1   Q.  Merci. Pourriez-vous nous énumérer ces sources alternatives

  2   d'échantillons. Un échantillon pouvait arriver d'où ?

  3   R.  Encore une fois, il y a différents centres médico-légaux dans l'ex-

  4   Yougoslavie, en Bosnie notamment, d'où nous avons reçu des échantillons.

  5   Vous avez, par exemple, le projet d'identification de Podrinje, vous en

  6   avez d'autres qui se trouvaient dans le centre de Tuzla, et puis vous en

  7   aviez un également qui se trouvait à Visoko.

  8   Q.  Ai-je raison de dire que le centre de Podrinje se trouvait à Kalesija ?

  9   Je parle donc du centre médico-légal, la morgue. La salle de la morgue,

 10   est-ce qu'elle se trouvait à Kalesija ?

 11   R.  Je suis désolé, je ne sais pas où se trouve Kalesija. Le centre

 12   d'identification ou le centre du projet d'identification de Podrinje se

 13   trouve à Tuzla, en Bosnie.

 14   Q.  Je vois. Donc, à Tuzla même, nous avons deux sources d'échantillons :

 15   nous avons un centre qui est placé sous votre contrôle; et puis un autre

 16   qui dépend de la morgue de Tuzla, n'est-ce pas ?

 17   R.  Vous parlez de quelle morgue exactement à Tuzla ?

 18   Q.  Eh bien, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait donc des sources

 19   alternatives des échantillons, et que ces échantillons, donc, pouvaient

 20   aussi provenir de la salle d'autopsie de Tuzla, de Visoko, et aussi du

 21   centre de l'identification de Podrinje.

 22   Pourriez-vous à nouveau nous dire d'où receviez-vous ces échantillons ?

 23   R.  Pour apporter certaines précisions, à plusieurs reprises vous avez

 24   mentionné un centre que vous appelez Kalesija. Je ne sais pas à quoi vous

 25   faites référence ici. Il y a un centre médical à Tuzla, qui n'est pas du

 26   tout associé à l'ICMP. Et vous avez également le projet d'identification de

 27   Podrinje, qui se trouve également à Tuzla et qui est très associé à l'ICMP.

 28   Et puis, vous avez toute une série de morgues, vous avez là un nombre


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  1   limité d'échantillons liés à Srebrenica qui sont passés par ce centre, et

  2   notamment vous en avez eu un pendant une brève période qui était basé à

  3   Visoko. Je ne suis pas en mesure de vous donner de mémoire les différents

  4   endroits, mais je vous rappelle encore une fois que cela représente un

  5   nombre limité d'échantillons qui ne sont pas passés par le projet

  6   d'identification de Podrinje.

  7   Q.  Merci. Mais c'est de cela qu'il s'agit. Nous avons donc deux sources

  8   d'échantillons à Tuzla. Nous en avons un qui est placé sous votre contrôle;

  9   et puis l'autre qui se trouve dans le centre médical; et puis il y en a un

 10   troisième à Visoko.

 11   Est-ce que vous voulez dire que vous ne savez pas qu'il y avait bien une

 12   morgue à Kalesija où l'on pouvait procéder à des autopsies, et que lors de

 13   ces autopsies, on isolait des échantillons destinés à être analysés ?

 14   R.  Je pense que pour la troisième fois je vous répète que je ne connais

 15   pas cette localité que vous référez sous le nom de Kalesija.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   R.  L'ICMP disposerait d'information de l'origine. Donc il n'y a au total

 18   15 000 échantillons qui sont passés par ce processus.

 19   Q.  Quinze mille échantillons pour toute la Bosnie-Herzégovine; c'est bien

 20   cela ?

 21   R.  En fait, il y a environ 15 000 rapports d'identification d'ADN ou de

 22   correspondances ADN qui sont liés à des échantillons spécifiques associés à

 23   Srebrenica. Donc, au total, il y a un nombre plus élevé, en fait, de

 24   correspondances ADN, plus élevé que le nombre de correspondances établies.

 25   Q.  Merci. Donc, en ce qui concerne Srebrenica au mois de juillet 1995,

 26   vous avez réussi à apparier 15 000 échantillons; c'est bien cela ? D'un

 27   côté, vous avez la victime dans cette paire; et puis, de l'autre côté, vous

 28   avez le donneur de l'échantillon, un membre de la famille, n'est-ce pas ?


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  1   R.  De manière générale, oui, je répondrais par l'affirmative à ce que vous

  2   venez d'avancer.

  3   Q.  Donc nous avons 15 000 victimes à Srebrenica, n'est-ce 

  4   pas ?

  5   R.  Non. Ceci montre que vous ne comprenez pas la nature de nos rapports de

  6   correspondance ADN ni le contexte de l'identification d'ADN.

  7   J'ai dit qu'il y avait au moins 15 000 rapports de correspondance

  8   ADN. Chaque rapport est lié à un échantillon différent. Le problème que

  9   l'on a rencontré avec ce qui s'est passé à Srebrenica, c'est qu'il y avait

 10   des fosses principales qui ont été identifiées, c'est-à-dire en juillet

 11   1995, et qui ensuite ont été perturbées par des engins de terrassement, et

 12   les restes ont été transférés dans des fosses secondaires dans des zones

 13   rurales plus reculées. Ceci signifie qu'il y a eu fragmentation et une

 14   destruction des restes humains, et ceci signifie qu'il a été nécessaire

 15   d'appliquer des identifications ADN multiples pour des restes humains de

 16   personnes qui, finalement, se sont retrouvées dans plusieurs fosses

 17   secondaires. Et il fallait établir des liens entre les fosses principales,

 18   entre les sites d'exécution et le nombre important de fosses secondaires

 19   qui montraient comment on avait pu établir ces liens entre ces différents

 20   sites.

 21   Donc les 15 000 correspondances représentent les différents

 22   échantillons qui ont été associés à différentes victimes identifiées, comme

 23   je l'ai mentionné hier. J'ai mentionné hier que nous avions des éléments

 24   ADN qui représentaient 6 772 victimes uniques associées aux événements de

 25   Srebrenica. Et sur les 15 000 rapports, vous avez des échantillons

 26   multiples provenant de mêmes personnes qui se retrouvaient dans plusieurs

 27   fosses secondaires.

 28   Q.  Merci. Alors il faudrait supposer qu'à peu près nous avons eu


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  1   deux échantillons admis pour une victime. Quel est le nombre maximal

  2   d'échantillons utilisés pour identifier une victime, ou un corps ? Parce

  3   que si vous arrivez à un chiffre de 6 000 et quelques, et si vous divisez

  4   15 000 par 6 000 et quelques, eh bien, on arrive à 2,5, 2,8, donc c'est une

  5   moyenne. Donc, pour chaque corps, vous avez à peu près 2,8 échantillons.

  6   Mais quel est le nombre maximal d'échantillons analysés et qui finalement

  7   est arrivé à aboutir à identifier une victime ?

  8   Statistiquement parlant, pourriez-vous nous donner ce chiffre ?

  9   R.  Votre dernière question portait sur des statistiques, et de mémoire je

 10   ne peux pas vous donner une répartition statistique. Je ne veux pas non

 11   plus vous dire quel est le chiffre maximum, mais je pense que je peux vous

 12   fournir des informations utiles. Dans certains cas, du moins le cas le plus

 13   important que j'ai à l'esprit, c'est en fait 15 correspondances ADN que

 14   nous avons glanées qui étaient associées à un seul corps. Et il n'est pas

 15   rare d'avoir quatre, cinq, huit correspondances. Mais vous m'avez demandé

 16   le nombre minimal, et là, évidemment, vous auriez une seule correspondance

 17   qui correspondrait à un seul corps, et il y a pas mal d'exemples de ce

 18   type.

 19   Je souhaiterais également mentionner que toutes les personnes qui ont été

 20   associées à des corrélations de l'ADN ont pu être totalement réassociées.

 21   Dans de nombreux cas, nous n'avons pas des corps entiers. Si l'on pouvait

 22   récupérer tous les restes humains, ceci nécessiterait encore plus de

 23   correspondances ADN pour arriver à ces fins.  

 24   Q.  On va revenir à la probabilité préalable.

 25   Est-ce que vous savez quel est le nombre total de personnes portées

 26   disparues qu'il faudrait prendre en compte pour établir ce principe de

 27   probabilité préalable ? Est-il exact que ce chiffre tourne autour de 29 ou

 28   30 000 ?


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  1   R.  Lorsque nous réalisons des calculs concernant des échantillons qui sont

  2   considérés en fonction de leur site et qu'ensuite on arrive à des

  3   correspondances suite à des rapports concernant des personnes qui étaient

  4   portées disparues, nous utilisons, en fait, ce chiffre de 1 pour 7 000.

  5   Mais en fait, les détails associés à ce chiffre ne sont pas vraiment très

  6   importants pour le seuil permettant d'identifier des correspondances ADN.

  7   Donc, en fait, au total, nous avons 7 800 personnes portées disparues suite

  8   aux rapports sur les événements qui se sont passés à Srebrenica, et il y a

  9   environ 8 100 personnes qui sont associées aux événements de Srebrenica. Au

 10   moment où nous avons commencé à réaliser des calculs statistiques,

 11   certaines personnes avaient déjà été identifiées, donc nous avons choisi de

 12   nous concentrer sur le nombre de personnes qui n'avaient pas encore été

 13   identifiées. Donc nous avions 1 sur 7 000, c'est la probabilité de départ

 14   que nous avons utilisée.

 15   Une fois que vous avez identifié quelqu'un, il n'est plus possible qu'un

 16   profil ADN différent provienne de cette personne. Donc, en fait, il aurait

 17   fallu descendre la probabilité de départ aux fins de dire qu'on identifiait

 18   ces personnes.

 19   A l'heure actuelle, nous avons donc identifié 6 772, par conséquent,

 20   la probabilité de départ serait probablement 8 000 moins 6 772, c'est-à-

 21   dire le nombre de victimes non identifiées qu'il reste à identifier.

 22   Mais en fait, étant donné que nous n'avons pas décidé de changer ce calcul

 23   de départ, l'utilisation d'un nombre plus important signifiait que nous

 24   sommes, en fait, plus conservateurs dans nos modalisations statistiques.

 25   Cela signifie que nous fixons en fait la norme beaucoup plus haut pour

 26   l'identification. Et, en fait, le changement de la probabilité de départ

 27   n'a pas de conséquence sur les statistiques qui ont été glanées sur la base

 28   de l'ADN. Donc nous n'avons pas décidé de changer la probabilité de départ


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  1   dans nos modalisations statistiques.

  2   Q.  Merci. Mais est-ce qu'une approche encore plus prudente, encore plus

  3   juste et précise n'aurait pas constitué à utiliser la probabilité 1 sur 29

  4   000, parce que c'est le nombre total de personnes recherchées en Bosnie,

  5   des personnes présumées disparues en Bosnie ? Si vous avez une base de

  6   données unique pour la Bosnie, eh bien, ce chiffre-là serait plus prudent

  7   et logique, non ?

  8   R.  Ce serait là une approche plus conservatrice. Mais en fait, on pourrait

  9   également utiliser le nombre de personnes qui ont jamais vécu sur cette

 10   terre. Mais en même temps, il faut utiliser également un autre concept, le

 11   concept d'exactitude. En fait, si on utilisait la probabilité 1 sur 29 000

 12   -- vous avez la répartition régionale, et, en fait, nous savons que le

 13   nombre le plus exact serait le nombre qui est associé aux événements de

 14   Srebrenica, et non le nombre associé à toute la Bosnie.

 15   Q.  Merci. Est-ce que vous voulez dire que vous avez exclu le fait que la

 16   population a été transférée, a circulé pendant la guerre, et donc que vous

 17   excluez la possibilité que dans la zone de Podrinje, il y a eu des

 18   personnes de tuées alors qu'elles étaient originaires de Tuzla, Doboj ou

 19   autre endroit en Bosnie-Herzégovine ?

 20   R.  Non, nous ne disons pas ce que vous venez d'avancer, et ce n'est pas

 21   une suite logique de ce que j'ai expliqué concernant les probabilités de

 22   départ.

 23   Q.  Mais ceci concerne ce chiffre de 7 000. Pourquoi 7 000 alors qu'on

 24   pouvait trouver parmi les échantillons les restes humains des gens

 25   originaires de toute la Bosnie-Herzégovine. Il y a eu le mouvement de la

 26   population à l'époque. Les unités allaient et venaient. C'est une

 27   possibilité, n'est-ce pas ?

 28   R.  Ce n'est en fait simplement pas le cas. On ne peut pas dire qu'il y a


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  1   une probabilité raisonnable que quelqu'un qui aurait été tué dans

  2   l'opération "Flash" ou "Storm" en Bosnie occidentale se serait retrouvé

  3   dans une fosse à Srebrenica, à proximité de Kamenica.

  4   Q.  Vous savez, l'opération Tempête et Eclair, cela faisait partie de la

  5   Croatie. On ne va pas parler de cela. Mais est-ce que vous savez que les

  6   unités de l'ABiH étaient des unités tout à fait mobiles, et que donc les

  7   éléments de ces unités ou les parties de ces unités ou groupes passaient

  8   d'un foyer des opérations à un autre ? Et c'était la même chose du côté

  9   serbe que du côté musulman.

 10   R.  Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur le mouvement des troupes

 11   de l'armée de Bosnie. Je me borne à vous dire ce que nous savons suite aux

 12   personnes qui ont été déclarées disparues suite à différents événements en

 13   Bosnie, et ceci est totalement différent d'avancer que l'armée bougeait

 14   d'une localité à une autre. Je suis convaincu que c'est également le cas,

 15   mais ce n'est pas mon propos.

 16   Q.  Donc, la probabilité de départ serait-elle différente si vous aviez

 17   tenu compte de ce rapport 1 sur 30 000 ? Est-ce que le résultat 99,999,

 18   est-ce que ce résultat aurait été différent ?

 19   R.  Le changement de la probabilité de départ va modifier les statistiques

 20   d'arrivée. Si vous regardez, par exemple, le seuil minimum d'identification

 21   pour un rapport d'identification ADN, c'était 99,95 %.

 22   Dans nos rapports d'identification ADN, le nombre maximum de 9 que l'on

 23   utilise après la décimale est cinq. C'est parce qu'en fait on ne recense

 24   pas les chiffres après la virgule supplémentaire. Donc, en changeant la

 25   probabilité d'un sur 7 000 à un sur 30 000, ça signifie qu'on enlèverait un

 26   des 9 après la virgule sur les 11 ou 12 9 qui se trouvent après la virgule.

 27   Donc, dans la plupart des cas, les rapports d'identification ADN

 28   dépasseraient d'au moins le seuil minimum qui permet de publier un rapport


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  1   d'identification ADN, que l'on ait 1 sur 7 000, 1 sur 30 000 ou 1 sur 2

  2   500. C'est un processus d'identification qui est à l'épreuve de toute

  3   modification de probabilité de départ, étant donné l'ordre de grandeur qui

  4   est en question ici.

  5   Q.  Merci. Si c'est le cas, pourquoi n'avez-vous pas alors tenu compte de

  6   ce chiffre 30 000, au lieu de tenir compte du chiffre de 7 000, si vous

  7   étiez sûr que les résultats auraient été les mêmes au final ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le témoin a déjà répondu à

  9   cette question.

 10   Pourquoi ne pas passer à autre chose, Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Avez-vous remarqué, après les identifications, qu'il existe un grand

 14   nombre de personnes qui n'étaient pas originaires de Srebrenica ? Personnes

 15   qui étaient nées quelque part d'autre, ou faisaient partie d'une autre

 16   unité. Avez-vous remarqué cela ?

 17   R.  Nous n'avons pas vraiment pris en compte le lieu de naissance des

 18   personnes. Il s'agissait, en fait, d'une zone protégée par les Nations

 19   Unies pour rassembler les réfugiés. Les informations opérationnelles qui

 20   les intéressent sont les lieux où leur on a fait état de la disparition

 21   d'une personne. Et d'ailleurs, pour répondre à la question, nous n'avons

 22   pas remarqué que beaucoup de personnes dans ces charniers étaient

 23   originaires d'un lieu autre que Srebrenica. En fait, il n'y en avait

 24   quasiment aucune.

 25   Q.  Est-ce que vous vivez à Sarajevo au jour d'aujourd'hui ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Est-ce que vous êtes au courant des nouvelles informations dont

 28   disposent les Bosniens au sujet du nombre de personnes portées disparues,


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  1   les noms des personnes dont le sort a été lié au sort de Srebrenica ?

  2   R.  Pour répondre de manière utile à votre question, je pense qu'il serait

  3   bon de préciser ce que vous entendez par "bosnien".

  4   Q.  Les Musulmans. Vous avez tout à fait raison : nous sommes tous des

  5   Bosniaques, alors que les Musulmans se sont appropriés ce nom pour eux.

  6   R.  Il est difficile pour moi de répondre à cette question, parce que je

  7   pense que telle que posée, elle ne peut pas se prêter à quelque réponse que

  8   ce soit.

  9   Mais je voudrais faire quelques commentaires qui sont liés à certains

 10   éléments qui vous sont venus à l'esprit.

 11   Je connais très bien l'évolution du projet d'identification de l'ICMP

 12   en ce qui concerne Srebrenica, mais également toutes les autres régions où

 13   travaille l'ICMP. Je travaille de manière permanente avec mes collègues à

 14   Sarajevo et à Tuzla, et il y a donc des équipes d'archéologues et

 15   d'anthropologues qui travaillent sur ce projet.

 16   L'ICMP ne fonctionne pas dans un contexte où l'on prend compte le

 17   fait qu'il y a des Musulmans ou d'autres personnes. Nous essayons

 18   d'identifier les personnes qui ont été portées disparues suite au conflit

 19   en ex-Yougoslavie, sans nous attarder sur les questions de religion,

 20   d'appartenance ethnique ou sur d'autres facteurs de ce genre.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que les Serbes sont parfaitement

 22   mécontents et qu'il y a une disproportion en ce qui concerne les

 23   identifications effectuées qui est nuisible de façon catastrophique aux

 24   Serbes ?

 25   R.  Pouvez-vous définir ce que vous entendez par "les Serbes".

 26   Q.  En Bosnie-Herzégovine, on a dû vous le dire, il y a eu un conflit

 27   interethnique. Les Serbes de Bosnie, les Musulmans de Bosnie et les Croates

 28   de Bosnie étaient en conflit. Les Serbes de Bosnie ont essuyé


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  1   proportionnellement les mêmes pertes que les deux autres peuples. Bon, les

  2   Croates ont essuyé un petit peu moins de pertes que les autres, mais les

  3   Serbes ont proportionnellement perdu autant de gens.

  4   Le côté serbe est parfaitement mécontent avec l'identification de leurs

  5   disparus. Le saviez-vous ?

  6   R.  Je ne comprends toujours pas ce qu'on veut dire par "les Serbes". Vous

  7   demandez de faire des commentaires sur l'état d'esprit de certaines

  8   personnes, mais vous ne les avez pas identifiées de manière positive, ni

  9   utile.

 10   Q.  Monsieur, Docteur, il ne s'agit pas de l'état d'esprit. Non, je parle

 11   de l'institution de la Republika Srpska, de l'Association des anciens

 12   combattants qui quittent ces institutions communes, puisque ces

 13   institutions ne procèdent pas aux identifications des victimes serbes.

 14   Est-ce que vous voulez dire que vous n'avez pas appris cela, que vous

 15   n'étiez pas au courant de cela ?

 16   R.  Non, je ne suis pas au courant d'un manque de satisfaction qui aurait

 17   été exprimé par certaines instances associées à la Republika Srpska ou de

 18   certaines organisations familiales. Je peux simplement vous dire que les

 19   travaux de l'ICMP sont totalement impartiaux, et nous faisons toujours un

 20   devoir d'identifier qui que ce soit que nous pouvons identifier sur le

 21   territoire de l'ex-Yougoslavie.

 22   Q.  Et quel est le rapport des dépouilles identifiées ou des personnes

 23   disparues identifiées dont les restes ont été identifiés du côté serbe et

 24   du côté musulman ? Donc, parmi la population serbe et parmi la population

 25   musulmane, pour voir si ce mécontentement a une raison d'être ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette

 27   question concernant ce sentiment de mécontentement. Par conséquent, je ne

 28   suis pas votre question.


Page 26620

  1   Oui, Monsieur Vanderpuye.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Oui, la question n'était pas très claire, et de plus, je ne pense pas que

  4   ce soit lié ni pertinent par rapport aux questions qui ont été abordées par

  5   le témoin. Et, par conséquent, j'ai une objection suite à cela.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je doute de la fiabilité du financement de

  7   cette institution, de son impartialité, de son exactitude. Ce sont les

  8   choses que je remets en question. En ce qui concerne les Serbes en Bosnie-

  9   Herzégovine, eh bien, officiellement, ils ont exprimé leur mécontentement

 10   par rapport au travail de cette institution. Et il ne s'agit pas des

 11   individus, il s'agit des institutions officielles. Et le résultat montre

 12   qu'ils ont bien raison d'être mécontents.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quelle est votre question, Monsieur

 14   Karadzic ?

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Je demande que le rapport entre les chiffres, d'un côté les restes

 17   identifiés du côté serbe, et les restes identifiés du côté musulman pour

 18   voir si ce mécontentement a une raison d'être à l'examen des faits.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous enjoins que de ne poser qu'une

 20   question à la fois, et de ne pas faire des commentaires. Votre dernier

 21   commentaire est une déclaration qui n'a pas lieu d'être. Combien de Serbes

 22   ont été identifiés, combien de Musulmans ont été identifiés comme des

 23   victimes, ça, c'est une question que l'on pourrait demander au témoin.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Et la réponse c'est que l'ICMP ne recense pas

 25   l'appartenance ethnique des dépouilles que l'instance identifie. Et ceci

 26   fait partie de notre charte fondamentale, nous ne demandons pas aux gens

 27   est-ce que la personne portée disparue est Serbe ou Musulmane, et nous ne

 28   recensons pas ces données. Et si on le faisait, on pourrait nous accuser de


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  1   parti pris, et c'est la raison pour laquelle nous ne fonctionnons pas de

  2   cette manière.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Merci. Eh bien, je vais vous dire quelle est la position de la Défense.

  5   Soit vous êtes partial, soit vos hôtes vous ont induit en erreur, ceux qui

  6   vous offrent du travail d'ailleurs. Que me dites-vous en guise de réponse.

  7   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, ce n'est pas une

  8   question. C'est une déclaration, et vous avancez des éléments sans aucune

  9   preuve.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est la thèse, donc vous avez le

 11   droit de faire un commentaire à ce sujet, Monsieur le Témoin, si vous le

 12   souhaitez, bien sûr.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous sommes certainement pas de parti pris. Et

 14   je ne sais pas ce que vous entendez par "nos hôtes".

 15   Nous fournissons une aide pour l'identification par l'ADN au gouvernement

 16   de Bosnie sous les auspices de l'Institut pour les personnes disparues qui

 17   a été constitué comme une instance nationale visant à identifier des

 18   personnes portées disparues, sans s'intéresser à leur appartenance

 19   ethnique. Mais je ne les considérerais pas comme nos hôtes.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous, vous faites partie de cet institut ? Parce que

 22   vous dites que vous travaillez sous les auspices de "cet institut". Est-ce

 23   que vous n'êtes pas le directeur de cet institut ?

 24   R.  Non, je ne suis pas directeur de cet institut.

 25   Q.  Mais quelle est votre fonction alors ? Qu'est-ce que vous faites là-

 26   bas, et c'est surtout le côté organisationnel de l'institution qui

 27   m'intéresse.

 28   R.  Je suis le directeur des aspects médico-légaux de la Commission


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  1   international pour les personnes disparues, qui ne fait pas partie de

  2   l'institut basé en Bosnie pour les personnes disparues.

  3   Q.  Merci. Je ne veux plus parler de cela.

  4   Mais est-ce que vous avez entendu dire que les Musulmans, à plusieurs

  5   reprises, ont dit publiquement qu'il y avait des choses pas très réglo

  6   concernant Srebrenica ? Ils ont dit il y a quelques mois qu'il y avait 500

  7   personnes vivantes, et 70 personnes qui ont été tuées ailleurs.

  8   Est-ce que vous avez, pour commencer, entendu dire cela ?

  9   R.  Je ne comprends pas ce que vous entendez par "les Musulmans".

 10   Et, par conséquent, non, je ne suis pas au courant de ce que vous venez

 11   d'avancer.

 12   Q.  Ce que vous appelez l'institut national, c'est un institut qui existe à

 13   Sarajevo, qui est contrôlé par le côté musulman. Si vous êtes si naïf, si

 14   ignorant de la région dans laquelle vous étiez censé travailler, si vous ne

 15   savez pas qu'il y avait trois groupes ethniques qui étaient engagés dans un

 16   conflit, dans la région, eh bien, je comprends dans ce cas pourquoi vous

 17   n'avez pas de réponse.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, Monsieur Karadzic.

 19   Oui, Monsieur Vanderpuye.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objectif

 21   concernant cette question. Cette question pousse à des débats, et je pense

 22   qu'elle n'est pas du tout liée à la déposition du Dr Parsons dans le cadre

 23   de son interrogatoire principal. S'il a une question directe à poser au Dr

 24   Parsons, je ne vois pas pourquoi il ne peut pas la poser directement. Mais

 25   je pense que l'hyperbole n'est pas nécessaire dans ce contexte.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes d'accord.

 28   Effectivement, Monsieur Karadzic, je vous demande de poser une question


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  1   directe au témoin.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Docteur Parsons, est-ce que vous êtes en train d'esquiver les réponses

  4   en me répétant à plusieurs reprises que vous ne saviez pas ce que c'était

  5   que "ce côté musulman" ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devez définir ce que vous entendez

  7   par le "côté musulman".

  8   C'est suffisant. Simplement définissez ce concept.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Docteur, savez-vous qu'en Bosnie-Herzégovine il y a eu la guerre entre

 11   les trois groupes ethniques et que la Bosnie en est sortie réorganisée

 12   comportant deux entités différentes et trois peuples constitutifs ?

 13   R.  Bien sûr.

 14   Q.  Est-ce que vous savez qu'en Bosnie-Herzégovine les institutions qui se

 15   trouvent à Sarajevo - pas dans Sarajevo orientale mais dans Sarajevo de la

 16   Fédération - sont placées parfaitement sous le contrôle de l'un des trois

 17   groupes ethniques, à savoir les Musulmans ?

 18   R.  Vous avez parlé des "institutions à Sarajevo".

 19   Je n'ai aucune idée des institutions dont vous parlez ici. Si vous me

 20   posez une question précise, je pourrais vous apporter une réponse précise.

 21   Q.  Eh bien, par exemple, cet Institut des personnes portées disparues avec

 22   lequel votre commission coopère. Avez-vous jamais entendu parler d'un Amor

 23   Masovic, Mirsad Tokaca ? Ce sont des représentants très connus des

 24   Musulmans quand il s'agit de la recherche des personnes portées disparues

 25   ou de l'identification de ces personnes ?

 26   R.  Vous avez mentionné trois éléments différents. Vous avez tout d'abord

 27   l'Institut sur les personnes disparues, qui n'est pas contrôlé par les

 28   Musulmans. Il s'agit d'une organisation nationale qui est composée d'une


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  1   direction composée de membres représentant les trois groupes ethniques.

  2   Vous avez un Amor Masovic. Mirsad Tokaca, je ne le connais pas bien, mais

  3   je ne crois pas qu'il soit associé à l'Institut pour les personnes portées

  4   disparues.

  5   Q.  Merci. Savez-vous que ces organisations pour lesquelles vous dites

  6   qu'il s'agit des organisations nationales et pas ethniques, qu'à plusieurs

  7   reprises ces institutions ont dit que la situation autour de Srebrenica,

  8   qui entoure Srebrenica n'était pas très claire. Donc, ils ont d'abord dit

  9   qu'il y avait 500 personnes encore en vie et 70 personnes qui n'ont pas été

 10   tuées au mois de juillet 1995 ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   J'aimerais savoir si le Dr Karadzic a une référence précise liée à ces

 14   déclarations qui ont été soumises au témoin ? Est-ce qu'on pourrait les

 15   afficher sur le système de prétoire électronique.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant de présenter un document,

 17   est-ce qu'il n'est pas habilité à poser une question au témoin, à savoir si

 18   cette institution … ou si le témoin sait.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais mon

 20   objection est due au fait qu'il n'y a aucune preuve que ces instituts ont

 21   avancé cela. Ma question est donc de savoir s'il a une base. J'aimerais

 22   savoir s'il a entendu ces propos de cette teneur, plutôt que de simplement

 23   dire que c'étaient des représentants de l'institut qui ont formulé ces

 24   opinions. Et c'est la raison pour laquelle nous avons une objection. C'est

 25   la raison pour laquelle j'aimerais qu'il y ait des références qui soient

 26   versées au dossier avant que l'on puisse demander au témoin de répondre à

 27   cette question.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.


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  1   Monsieur Karadzic, pouvez-vous être plus précis. Pouvez-vous nous dire ce

  2   que vous entendez par "ils", au pluriel, dans la question que vous avez

  3   posée ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais verser au dossier ces documents

  5   le moment venu. Ce qui m'intéresse c'est le fondement de connaissance du Dr

  6   Parsons. Je considère que Mirsad Tokaca et Amor Masovic ont dit à deux

  7   reprises publiquement - là, je parle de la première annonce qu'ils ont

  8   faite - ils ont dit tout d'abord que 500 personnes étaient encore en vie et

  9   qu'elles se sont retrouvées par erreur sur les listes des victimes. Aussi

 10   ont-ils dit que 70 personnes se sont faites tuées ailleurs dans d'autres

 11   endroits à un autre moment.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que vous saviez cela ?

 14   R.  Je voudrais que les Juges de la Chambre comprennent que je ne suis pas

 15   sans savoir quel est le contexte qui est associé à ces déclarations. Mais

 16   M. Karadzic fait des déclarations qui, pour moi, sont difficiles à prendre

 17   en compte.

 18   Tout d'abord, je ne suis pas ces informations de près. Je me

 19   concentre sur des activités médico-légales de l'ICMP.

 20   Je sais que Mirsad Tokaca, dans ses recherches faites à titre privé,

 21   a mentionné certaines personnes qui, d'une manière ou d'une autre, avaient

 22   été recensées comme étant des victimes des événements de Srebrenica, et

 23   j'ai entendu parler de ce chiffre de 500, et il mentionne que ce ne sont en

 24   fait pas des victimes. Mais je voudrais avancer le postulat ou même

 25   déclarer que cette liste de personnes disparues est une liste très

 26   évolutive que l'on essaie de peaufiner, c'est-à-dire qu'à l'issue d'un

 27   conflit, vous aurez beaucoup de personnes qui sont portées disparues et

 28   différentes instances ont établi ces listes. Vous avez le CICR, vous avez


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  1   les recherches qui ont été menées à titre privé par ce M. Tokaca, qu'ils

  2   ont également établi ces listes.

  3   Je ne sais pas sur la base de quelle liste ces 500 personnes ont

  4   maintenant été annoncées comme étant encore vivantes. Je peux vous dire que

  5   je ne pense pas que c'était sur la base d'une liste qui était utilisée par

  6   l'ICMP par le biais des correspondances ADN. Nous ne pensons pas que c'est

  7   sur la base de cette liste que ces 500 personnes ont été mentionnées. Et si

  8   c'est ce qu'il avançait, je dirais qu'il a tort.

  9   Q.  Merci. Savez-vous que récemment l'on a déclaré quelque chose qui doit

 10   vous concerner, à savoir qu'il y a des personnes qui sont encore en vie

 11   alors que des parties imputées de leur corps se sont retrouvées en tant

 12   qu'échantillons utilisés pour l'identification par ADN.

 13   Comment cela est-il possible ? Comment l'échantillon d'une personne

 14   vivante peut servir d'identification ADN ? Donc vous avez les membres

 15   amputés qui originaient des salles d'opération et qui se retrouvent par la

 16   suite dans des charniers.

 17    R.  Je ne suis pas au courant de ce que vous avancez. Je pense qu'il est

 18   fort peu probable que ce soit exact. Mais étant donné que je n'ai pas

 19   l'information, je ne peux pas vraiment faire de commentaire supplémentaire.

 20   Q.  Mais, Docteur Parsons, là il s'agit d'une reconnaissance. Il ne s'agit

 21   pas des accusations. Les Musulmans ont reconnu qu'il existe un nombre

 22   significatif des personnes en vie dont les membres amputés ont servi

 23   d'échantillons pour établir des correspondances ADN.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le témoin a dit qu'il

 25   n'était pas au courant de ce qui était avancé. Et vous avez dit les

 26   Musulmans ont reconnu ceci ou cela.

 27   Soyez plus précis, ou alors évitez de vous répéter.

 28    L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Moi, je réagis


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  1   parce qu'il a dit qu'il s'agissait des accusations. Il ne s'agissait pas

  2   des accusations. C'est le côté musulman qui a reconnu publiquement que les

  3   membres amputés des différentes personnes vivantes se sont retrouvés dans

  4   les laboratoires d'analyse d'ADN, et c'est quelque chose qui concerne

  5   directement le témoin ici présent.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et alors, Docteur Karadzic.

  7   Le témoin dit qu'il n'est pas au courant. Soumettez-lui des

  8   informations précises qui sont à votre disposition.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais, en fait, faire un commentaire.

 10   Tout d'abord, vous avez raison, Monsieur le Président. Je ne suis pas au

 11   courant de ce qui a été avancé ici. Mais ces personnes qui étaient amputées

 12   n'auraient pas été signalées comme étant portées disparues par les familles

 13   de Srebrenica, et, par conséquent, je considère qu'il est fort peu probable

 14   que ces échantillons de membres amputés figureraient ou pourraient

 15   correspondre à des personnes qui sont sur la liste des personnes portées

 16   disparues suite aux événements de Srebrenica.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci. Je vais passer à un autre sujet, et puis le moment venu je vais

 19   vous montrer ce document.

 20   Voici la question que je souhaite vous poser : quelle était la base des

 21   données des familles et des proches ? A quoi ressemblait-elle ? Quels

 22   étaient ces proches dont vous teniez compte dans votre analyse ?

 23   R.  Nous avons une base de données génétique familiale compilée par le

 24   biais d'échantillons sanguins de personnes issues de familles qui

 25   recherchent des personnes disparues et membres de leurs familles, personnes

 26   qui auraient disparu durant le conflit.

 27   Je n'en sais pas plus. C'est tout ce que je peux vous dire à ce

 28   sujet.


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  1   Pourriez-vous préciser de quelle base de données vous parlez ?

  2   Q.  Quelle est la ligne de parenté dont vous avez tenu compte dans votre

  3   base de données ?

  4   R.  De manière générale, vous avez besoin d'échantillons sanguins des plus

  5   proches parents des personnes en question. Donc par exemple, un donneur

  6   idéal d'une personne portée disparue, ce serait ses parents, c'est-à-dire

  7   des parents au premier degré. Les enfants des personnes portées disparues

  8   sont également des parents au premier degré, et puis vous pouvez également

  9   obtenir des échantillons d'ADN des parents.

 10   Par exemple, des frères et sœurs sont également une bonne

 11   combinaison. Et vous avez pour Srebrenica une mère ainsi qu'une sœur qui

 12   peuvent fournir des échantillons. Pour ce qui est des parents plus

 13   éloignés, des oncles ou des tantes, ils ne sont pas très utiles mais

 14   quelquefois, lorsqu'ils sont associés à d'autres parents, ils peuvent être

 15   utiles. Par conséquent, nous recueillons autant d'échantillons de référence

 16   que possible au départ, parce que nous ne connaissons pas exactement

 17   l'identité des personnes que nous devrons essayer de reconnaître.

 18   Q.  Quel est le nombre moyen de parents que vous avez utilisé pour

 19   identifier une personne disparue ? Et quel est le chiffre maximal de ses

 20   proches ?

 21   R.  Je suis désolé, je ne peux pas vous donner de chiffre maximum. Je ne

 22   sais pas. Mais de manière générale, le taux d'échantillons de référence par

 23   rapport à une personne portée disparue est de trois pour une, trois

 24   personnes donc une référence pour une personne portée disparue.

 25   Q.  Merci. Existe-t-il une base de données de profil ADN qui est distincte

 26   par rapport aux proches des personnes portées disparues à Srebrenica, par

 27   rapport aux parents ou proches des personnes disparues ailleurs, ou même à

 28   l'extérieur de l'ex-Yougoslavie ?


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  1   R.  Ce n'est pas le cas. Tous les échantillons osseux qui proviennent de

  2   n'importe quelle région de Bosnie sont comparés à tous les profils de

  3   référence que nous avons pour la Bosnie.

  4   Q.  Est-ce que vous aviez une base des données des parents distincts qui ne

  5   comptaient que les membres de l'ABiH ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Merci. Aviez-vous une base de données des parents des victimes ou

  8   personnes portées disparues qui n'ont pas disparus dans la deuxième semaine

  9   du mois de juillet 1995 à Srebrenica ?

 10   R.  Je vais vous donner la même réponse que j'ai apportée à votre

 11   précédente question : la réponse est non.

 12   Q.  Est-ce que vous aviez une base de données des parents des personnes

 13   portées disparues d'origine serbe et qui habitaient Srebrenica et les

 14   alentours de Srebrenica ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Merci. Est-ce que les profils ADN provenant des échantillons des os des

 17   charniers que le Procureur met en rapport avec Srebrenica et le mois de

 18   juillet 1995, est-ce qu'ils ont été comparés avec d'autres bases de données

 19   des proches concernant d'autres personnes portées disparues ?

 20   R.  Oui, effectivement. J'y ai répondu il y a quelques instants également.

 21   Q.  Mais de quelle façon l'ICMP obtenait les noms des personnes portées

 22   disparues ?

 23   R.  Par le biais d'un effort de communication massif qui a eu lieu dans

 24   toute l'ex-Yougoslavie, mais également à l'échelle internationale pour

 25   essayer de couvrir également toutes les personnes qui avaient quitté la

 26   région à partir de la guerre. Donc nous avions une campagne d'information

 27   publique avec différents centres en Bosnie, et nous continuons à avoir des

 28   structures permanentes où les membres de la famille peuvent déclarer qu'une


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  1   personne est portée disparue, faire état des circonstances de la

  2   disparition de la personne, et nous pouvons également ainsi nous assurer

  3   qu'une personne portée disparue peut être mise en correspondance avec tout

  4   ce qui provient de nos laboratoires d'ADN.

  5   Q.  Et de quelle façon l'ICMP pouvait vérifier si les personnes pour

  6   lesquelles on disait qu'elles aient disparu au cours de la deuxième semaine

  7   du mois de juillet 1995 -- est-ce qu'ils ont pu vérifier donc qu'elles ont

  8   bel et bien disparu à ce moment-là et à cet endroit-là ?

  9   R.  L'ICMP n'a pas mené d'enquêtes sur des cas individuels de cette

 10   manière. Nous consignons les informations telles qu'elles nous sont

 11   transmises par les membres de la famille.

 12   Q.  Merci. Hier, vous avez dit que vous travailliez sur la base d'une étude

 13   que vous avez faite, l'ICMP. Donc, le postulat de base était qu'il

 14   s'agissait des personnes liées aux événements qui se sont déroulés à

 15   Srebrenica au mois de juillet 1995.

 16   Est-ce que vous dites à présent que ceux que vous avez pu identifier

 17   représentent les victimes des événements qui se sont déroulés au cours de

 18   la deuxième semaine du mois de juillet 1995 ?

 19   R.  Nous parlons de la manière dont certains noms se sont retrouvés sur les

 20   listes.

 21   Tout d'abord, pour que quelqu'un apparaisse sur la liste, un membre

 22   de la famille a fait état de la disparition d'une personne suite à la chute

 23   de Srebrenica en 1995. Le membre de la famille déclare donc que cette

 24   personne avait été signalée comme étant partie par voie de terre pour aller

 25   en direction de Tuzla durant les jours qui ont précédé le 10 ou le 11

 26   juillet, ou qu'il était resté dans la zone que l'on appelait une zone de

 27   sécurité des Nations Unies à Potocari et qui ensuite a disparu suite à la

 28   chute de Srebrenica. C'est ainsi que les listes ont été compilées au


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  1   départ.

  2   Cependant, nous avons procédé à des vérifications croisées de cette

  3   liste, et le deuxième élément qui permet à une personne d'apparaître sur

  4   cette liste dans la plupart des cas, c'est un élément qui est cohérent avec

  5   ce que j'ai mentionné précédemment, c'est-à-dire d'où l'on a récupéré les

  6   échantillons.

  7   Donc, mis à part 177 cas qui sont recensés sur cette liste, vous avez

  8   des sites où l'on a récupéré les échantillons et ces sites sont considérés

  9   par le TPIY comme étant associés à la chute de Srebrenica.

 10   Q.  Merci. Le processus d'exclusion et de réduction est-il terminé ? Est-ce

 11   que l'on peut dire à présent que les noms qu'il vous reste sont des noms

 12   dont vous êtes sûr à 100 % ?

 13   R.  Pour la plus grande partie, je dirais oui.

 14   Si vous vous souvenez, j'ai mentionné 11 noms qui figuraient sur une

 15   liste, et par le biais des vérifications croisées, l'ICMP a retiré ces

 16   personnes de la liste parce que nous pensions qu'elles n'étaient plus

 17   associées ou pas associées aux événements de Srebrenica. Nous avons abordé

 18   les critères qui nous ont permis de déterminer cela. Nous continuons à

 19   faire des identifications et à vérifier ces informations auprès d'autres

 20   sources, et nous n'avons jamais retrouvé de noms répondant à ces critères

 21   qui justifieraient de les retirer de la liste depuis au moins un an. Il est

 22   évident qu'il y aura d'autres identifications, et on ne peut pas dire que

 23   cette liste ne sera jamais modifiée.

 24   Q.  Merci. Maintenant je voudrais vous donner lecture de la réponse que

 25   vous avez fournie et qui se trouve à la page 77 du compte rendu d'audience

 26   d'hier. Je vais le lire en anglais. Et voici ce que vous avez dit :

 27   "Ceci représente la liste des correspondances ADN établies par l'ICMP pour

 28   la période allant de novembre 2001 au mois d'août 2011, qui représente les


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  1   correspondances ADN considérées par l'ICMP comme ayant un rapport avec la

  2   chute de Srebrenica en 1995."

  3   Est-ce que vous avez établi ce rapport, le rapport entre les

  4   correspondances ADN établies et les événements de Srebrenica 1995, ou bien

  5   est-ce que quelqu'un d'autre vous a soufflé ça ?

  6   R.  J'ai utilisé les termes "que l'ICMP considérait comme étant lié à la

  7   chute de Srebrenica," suite à l'explication que je viens de vous donner

  8   pour expliquer les critères qui avaient été utilisés pour inscrire ces

  9   personnes sur la liste. C'est ce que j'entendais par là.

 10   Q.  Merci. Faut-il donc comprendre que vous avez adopté la position que les

 11   profils ADN que vous avez pu trouver et mettre en rapport avec les

 12   événements de Srebrenica en 1995 -- est-ce que vous pouvez nous dire si

 13   vous avez pu déterminer la façon dont ces personnes sont mortes ?

 14   R.  Les causes du décès ont été déterminées dans une large mesure par les

 15   responsables en pathologie en question, mais les causes du décès n'ont joué

 16   aucun rôle dans la conception de cette liste.

 17   Q.  Est-ce que vous savez que l'acte d'accusation en l'espèce concerne des

 18   exécutions ou des meurtres illégaux ?

 19   Est-ce que les gens dont vous avez pu établir les profils ADN, est-ce

 20   qu'ils sont morts suite aux exécutions, ou bien est-ce que vous avez pu

 21   faire la différence entre ceux-là et ceux qui sont morts au cours des

 22   combats ?

 23   R.  L'ICMP ne s'intéresse pas aux aspects juridiques qui ont entouré le

 24   décès de ces personnes, et notamment s'il s'agissait de morts dans des

 25   circonstances légales ou pas. L'ICMP a fait énormément de travaux associés

 26   à l'excavation de ces sites, ceci a été mentionné dans de nombreux procès,

 27   et il y a beaucoup d'éléments qui permettent de déterminer les causes du

 28   décès ou les circonstances de décès. Mais bien sûr, les regroupements ou


Page 26634

  1   correspondances ADN à proprement parler n'indiquent rien sur les

  2   circonstances d'un décès.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de montrer à présent le

  4   document 65 -- ou plutôt, P4642. C'est la dernière liste que nous avons, la

  5   dernière en date, et elle a été versée au dossier hier.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas quelque chose

  7   que nous avons vu par le biais du système Sanction 

  8   hier ?

  9   Oui, Monsieur Vanderpuye.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, ça semble être le

 11   cas. Je voudrais également m'assurer que ce document ne soit pas diffusé au

 12   public.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on puisse retrouver le numéro

 15   9944. Le numéro d'ordre 9944, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudrait probablement préciser de

 17   quelle fiche il s'agit. Il y a plusieurs fiches, comme vous le savez.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça y est, on l'a retrouvé. C'est bien cela.

 19   Bon, là, c'est quelque chose qui est présenté par ordre alphabétique, mais

 20   je pense que c'est bien ça.

 21   Un peu de patience, s'il vous plaît, parce que moi je dispose d'une

 22   autre liste qui date de 2008. Mais je voudrais, pourtant, que l'on puisse

 23   voir --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye ou Monsieur Reid, je

 25   suppose qu'il y a une fonction recherche dans le système Sanction.

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez --

 28   M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]


Page 26635

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, on l'a trouvé. C'est le quatrième en

  2   partant d'en bas.

  3   Je ne vais pas vous donner lecture du nom, le nom qui correspond au numéro

  4   9944. On ne va pas lire le nom. Mais est-il possible de voir les autres

  5   colonnes. Donc, ici, on peut voir Bratunac -- ou, dans cette colonne, on

  6   peut lire Bratunac.

  7   Et puis, plus vers la droite, s'il vous plaît. La Commission de la

  8   Fédération de Bosnie-Herzégovine, c'est la compétence, elle est indiquée

  9   comme cela. Ensuite, un peu plus loin. Le 11 juillet, la forêt,

 10   "réassociation".

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Que pouvez-vous nous dire en toute connaissance de cause au sujet de

 13   cette victime ? S'agit-il d'une victime qui est concernée par cet acte

 14   d'accusation ?

 15   R.  L'ICMP ne s'intéresse pas au fait de savoir si une personne est citée

 16   dans un acte d'accusation ou pas.

 17   Pour ce qui est de cette victime - je veux m'assurer que je regarde

 18   bien la bonne ligne. Est-ce que vous pourriez encore une fois me redonner

 19   la ligne ? Parce que vous avez parlé d'une réassociation, et d'après ce que

 20   je vois, il s'agit d'un cas principal à la ligne 9944, et non une

 21   réassociation, "reassociation" en anglais. Donc c'est la dernière colonne,

 22   le type de demande.

 23   Q.  Tout à fait possible. Je me suis trompé, sans doute. Oui, oui, c'est

 24   l'affaire principale.

 25   Disparu dans la forêt, le 11 juillet 1995. Quelles sont les

 26   conclusions que les Juges peuvent tirer en examinant cette liste ? Ou en

 27   examinant ce nom précis qui figure dans cette liste ?

 28   R.  Que les restes ont été retrouvés dans le site recensé ici, que ceci a


Page 26636

  1   été transmis à l'ICMP pour des tests ADN, et qu'une correspondance a été

  2   établie, et que la famille avait signalé que cette personne mentionnée ici

  3   était portée disparue suite à la chute de Srebrenica en 1995 et qu'elle

  4   faisait partie d'une colonne d'hommes qui étaient partis en traversant la

  5   forêt.

  6   Q.  Ce corps a été trouvé où exactement ?

  7   R.  Vous savez, je ne m'en souviens pas. Je pense qu'il est mentionné

  8   Bratunac, mais je ne peux pas vous fournir d'informations supplémentaires à

  9   ce sujet.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je regarde l'heure. Monsieur le Président,

 11   souhaitez-vous que l'on prenne la pause à présent, ou bien que je continue

 12   à montrer des documents ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Avant de faire la pause ou de changer

 15   d'écran, je voudrais que l'on passe à huis clos partiel et que l'on cite le

 16   nom de la personne de façon à ce qu'il n'y ait pas de confusion. Je sais

 17   que le Dr Karadzic a mentionné le numéro de la ligne, mais quand même…

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Pouvons-nous passer à huis

 19   clos partiel très rapidement.

 20   [Audience à huis clos partiel]

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   [Audience publique]


Page 26637

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Deuxième chose, Monsieur le Président. En

  3   ce qui concerne cette personne et les autres, il y a une colonne dans ce

  4   tableau qui mentionne le code du site, et cela permettrait de déterminer où

  5   on a retrouvé le corps ou les parties du corps. Il y a également les

  6   coordonnées GPS du site. Donc ceci permettra également d'obtenir des

  7   précisions.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye.

  9   Nous allons faire une pause d'une demi-heure, et nous allons reprendre à 11

 10   heures.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, veuillez

 14   poursuivre votre contre-interrogatoire.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Est-ce que l'on pourrait à nouveau consulter le document 9944 pour

 17   bien déterminer dans quelle fosse on a retrouvé ces restes.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Peut-être pouvez-vous nous aider, Docteur Parsons.

 20   Est-ce que vous pourriez voir la colonne qui fait état du site. C'est

 21   peut-être sous la rubrique identification du dossier, "case ID" en anglais.

 22   Pourriez-vous nous dire où l'on peut retrouver le charnier ?

 23   R.  La colonne où il est mentionné "case ID", identification du

 24   dossier, où il est mentionné "BLIP", nous avons des informations. Vous avez

 25   le code du site et vous avez également le nom du site. Il est mentionné

 26   donc Bratunac, là c'est l'information la plus précise que je pourrais vous

 27   fournir. Je ne connais pas le code du site, je ne sais pas d'où il vient.

 28   Cette liste est une liste condensée représentant les informations


Page 26638

  1   générales. Il y a des informations supplémentaires qui font état de

  2   l'endroit d'où proviennent ces restes, mais en regardant ici, je ne

  3   pourrais pas vous le dire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer un

  5   peu plus vers la droite du document. Parce qu'il reste encore une colonne.

  6   Voilà.

  7   Un peu plus sur la droite.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que signifie le terme

 11   "dossier principal", "main case" ?

 12   R.  Eh bien, "dossier principal", c'est le premier cas où nous avons

 13   réalisé une correspondance par rapport à un dossier de réassociation où,

 14   là, une autre partie de corps humain a été retrouvée et a été identifiée

 15   comme faisant partie de la même personne.

 16   Q.  Nous sommes toujours à ligne 9944 --

 17   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, en ce qui concerne

 19   cette ligne, le code du site n'est pas renseigné. Est-ce que vous êtes

 20   d'accord ?

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, effectivement, c'est le cas.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Docteur Parsons, est-ce que les Juges de la Chambre devraient en

 27   déduire que la personne recensée à la ligne 9944 a été tuée en juillet 1995

 28   et a été enterrée -- ou plutôt, son corps a été retrouvé dans un charnier ?


Page 26639

  1   Est-ce exactement le cas ?

  2   R.  Oui. Il a été signalé disparu par sa famille suite à la chute de

  3   Srebrenica en 1995. C'est ce qui est mentionné sur cette ligne, c'est-à-

  4   dire qu'on a retrouvé son corps à cet endroit-là. Mais je peux dire aux

  5   Juges de la Chambre qu'il y a plus d'informations également qui seraient

  6   disponibles concernant ce site. Simplement ce n'est pas recensé sur cette

  7   liste.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant consulter

 10   le document de la liste 65 ter 4418.

 11   Veuillez garder ceci à l'esprit, 9944. Nous y reviendrons un peu plus tard.

 12   Mais pour l'instant, est-ce que l'on peut consulter le document de la liste

 13   65 ter 4418.

 14   Donc, document de la liste 65 ter 4418.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais gardons à l'esprit que nous ne

 16   diffusons pas les rapports de l'ICMP au public par mesure de prudence.

 17   Il nous faut probablement passer maintenant au système de prétoire

 18   électronique et ne plus être sur le système Sanction.

 19   Je pense qu'il s'agit également d'un CD. Tout ce que nous voyons en fait,

 20   c'est une fiche descriptive.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait nous montrer le

 22   document 1308.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que nous sommes d'accord pour convenir qu'il s'agit de la

 25   même personne ?

 26   R.  D'après l'information que je consulte et compte tenu de la date de

 27   naissance correspondante, je ne nie pas qu'il s'agit de la même personne.

 28   Q.  Merci. Est-ce qu'on pourrait voir les autres colonnes --


Page 26640

  1   R.  Je n'ai pas fait de correspondance avec un article de presse. Je

  2   répondais simplement à ce qui semblait être un nouveau fichier Excel qui

  3   semblait correspondre aux informations qui figuraient sur le document

  4   précédent.

  5   Je ne sais pas si la question a été posée par rapport à un article de

  6   presse.

  7   M. LE JUGE BAIRD : [hors micro]

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais besoin d'entendre votre question.

  9   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  La victime qui est associée au numéro 1308, est-ce qu'il s'agit de la

 12   même personne que celle qu'on a vue au niveau de la liste 9944 ?

 13   Vous voyez le nom, la date de naissance, et puis vous voyez "BLIP 1".

 14   Et peut-être que l'on pourrait montrer l'autre colonne parce que cette

 15   liste est plus complète.

 16   Tout d'abord, êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit de la même

 17   personne ?

 18   R.  Oui, il semble que ce soit le cas.

 19   Il semble, en fait, qu'il y ait le même rapport de correspondance.

 20   Mais ceci porte sur la même chose.

 21   Q.  Merci.

 22   Pourrait-on maintenant voir si sur la droite il y avait là des

 23   informations supplémentaires concernant la même personne. Vous voyez la

 24   date à laquelle il a été porté disparu. Cette date correspond. Egalement,

 25   il est mentionné forêt, donc c'est à cet endroit-là qu'il est disparu. Et

 26   puis, vous voyez également "main case", dossier principal.

 27   Donc cette base de données reprend les mêmes informations. Est-ce

 28   qu'il serait nécessaire d'avoir plus d'informations pour que les Juges de


Page 26641

  1   la Chambre permettent de déterminer que ces restes ont été retrouvés dans

  2   un charnier qui est associé aux événements de juillet 1995 ?

  3   R.  Cette liste ne peut pas constituer un élément de preuve suffisant par

  4   rapport à d'autres informations qui seraient connues, à savoir, donc, les

  5   événements associés à la chute de Srebrenica et les meurtres en masse,

  6   ainsi que la constitution de charniers clandestins.

  7   Q.  Donc ceci ne peut pas être utilisé comme élément de preuve, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Non, ça c'est inexact.

 10   Q.  "Cette liste ne constitue pas un élément de preuve qui est clair et

 11   complet concernant les autres informations qui pourraient être connues et

 12   qui pourraient relier ceci à un charnier, et le fait que ce charnier soit

 13   lié aux événements plus généraux de la chute de Srebrenica et aux meurtres

 14   en masse, ainsi qu'à la constitution de charniers clandestins."

 15   Pouvez-vous expliquer comment on peut utiliser cette liste. Que

 16   peuvent conclure les Juges par rapport à cette liste ?

 17   R.  Qu'une personne qui avait été signalée comme ayant disparu suite à la

 18   chute de Srebrenica a été identifiée positivement par l'ADN et que ses

 19   restes ont été retrouvés dans ce charnier précis.

 20   Q.  Merci. Et il s'agit d'une de ces 6 006 personnes que vous avez pu

 21   identifier, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que les Juges de la Chambre ont pu déterminer que cette personne

 24   était la victime d'une exécution ?

 25   R.  Probablement en examinant les éléments liés à ce dossier, et on

 26   pourrait consulter également les rapports d'autopsie et les rapports

 27   d'anthropologie et voir quels étaient également les liens ADN des

 28   différents charniers. Et donc, ces éléments pourraient être utilisés pour


Page 26642

  1   permettre de répondre pleinement et entièrement à la question que vous avez

  2   posée.

  3   Q.  Est-ce qu'il s'agirait d'une conclusion très conservatrice ou plutôt

  4   libérale ? Que pourrait-on déterminer au-delà de tout doute raisonnable ?

  5   Est-ce que l'on pourrait vraiment déterminer au-delà de tout doute

  6   raisonnable que cette personne était la victime d'une exécution ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce n'est pas au

  8   témoin de se prononcer là-dessus.

  9   Oui, Monsieur Vanderpuye.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Je souhaiterais également ajouter que le Dr Karadzic semble partir du

 12   principe que le Dr Parsons avait dit que les restes avaient été retrouvés.

 13   Il semble partir du principe, en fait, que cette personne a été la victime

 14   d'une exécution et que les restes ont été retrouvés dans un charnier, mais

 15   ce n'est pas clair pour l'instant. Donc je ne pense pas que ce soit une

 16   manière appropriée de poser les questions au témoin puisque les

 17   circonstances de la récupération de ces restes humains ne sont pas claires

 18   d'après les documents que nous avons, ou du moins d'après ceux qui nous

 19   sont présentés, que nous avons devant nous.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Quelle est votre question,

 21   Monsieur Karadzic ? Avez-vous entendu l'intervention de M. Vanderpuye ?

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Ma question est la suivante : comment les Juges de la Chambre peuvent-

 24   ils utiliser les résultats de votre rapport ? Que peuvent conclure les

 25   Juges de la Chambre ?

 26   Est-ce qu'ils doivent en conclure que cette personne a été identifiée

 27   comme n'étant plus en vie, mais est-ce qu'ils peuvent en conclure également

 28   que ses restes ont été retrouvés dans un 


Page 26643

  1   charnier ?

  2   R.  J'ai énormément d'hésitation à déterminer ce que les Juges de cette

  3   Chambre peuvent conclure suite à cela. Je ne sais pas quels sont les autres

  4   éléments de preuve qui ont été présentés aux Juges de la Chambre.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

  6   Le Dr Parsons a dit qu'il pouvait conclure les éléments suivants, qui

  7   figurent aux lignes 23 à ligne 25, c'est-à-dire que :

  8   "…il s'agissait d'une personne qui avait été identifiée comme portée

  9   disparue suite à la chute de Srebrenica, a été identifiée positivement par

 10   l'ADN comme ayant des restes qui ont été retrouvés dans ce charnier

 11   particulier."

 12   Veuillez continuer et passer à autre chose, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pourrait-on maintenant afficher sur

 14   cette liste le numéro 1740.

 15   Nous le voyons à deux reprises.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Pourquoi cette répétition ? Pourquoi cette personne apparaît-elle deux

 18   fois ?

 19   R.  Je voudrais que nous bougions le document vers la droite.

 20   Vous voyez, deux parties de corps de la même personne ont été

 21   retrouvées séparément mais ont été identifiées par ADN, parce que ce corps

 22   est associé à la création d'un charnier secondaire clandestin.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'attire votre attention sur la colonne

 24   C, la troisième colonne. Vous avez ce R. Qu'est-ce que cela signifie ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela signifie qu'il s'agit d'un échantillon

 26   différent de la même personne.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela signifie qu'il y en a un qui est le

 28   dossier principal et l'autre qui est un dossier de réassociation.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que l'on pourrait donc garder à l'esprit cette personne. Donc

  4   nous avons deux personnes, 1308 et 1740. Pourrait-on passer maintenant à la

  5   liste 2403.

  6   Monsieur le Témoin, est-ce que vous préférez voir l'autre liste ou

  7   est-ce que celle-ci vous convient ?

  8   R.  Je suis désolé. Je ne vois pas à quoi cela correspond. Est-ce que c'est

  9   celle qui a été reçue il n'y a pas très longtemps durant le cours de cette

 10   semaine ?

 11   Q.  Non. Celle-ci date de 2008, et l'autre a été reçue un peu plus tard.

 12   Je pensais que la précédente présenterait plus d'éléments qui vous

 13   permettraient de mieux identifier où ont été retrouvés les restes.

 14   R.  La liste la plus récente est la liste qui comportera le plus

 15   d'informations, mais les informations qui figurent sur cette liste me

 16   suffisent. Si vous avez des questions précises, nous pouvons également

 17   utiliser cette liste.

 18   Q.  Merci. J'aimerais savoir comment vous interprétez le fait que ces

 19   restes ont été retrouvés dans ce site, 2403 à 2405 ? Où a-t-on retrouvé ces

 20   restes, comment se sont-ils retrouvés à cet endroit-là, et ils sont

 21   associés à quoi ?

 22   R.  Je suis désolé, je n'ai pas de codes de site mémorisés, donc je ne sais

 23   pas exactement d'où ils viennent.

 24   Mais j'ai remarqué que le préfixe dans les numéros d'échantillons,

 25   B.KAM.BR sont les mêmes, donc cela signifie qu'ils viennent du même

 26   charnier et donc ils sont associés à une localité que l'on connaît sous le

 27   nom de Kamenica. Et je sais qu'il s'agit d'un autre nom utilisé pour les

 28   fosses secondaires de Cancari Road, et il y en a plusieurs.


Page 26645

  1   Donc si j'ai raison, et je pense avoir raison, je pense que ces

  2   restes se sont retrouvés là-bas parce qu'ils ont été acheminés là par les

  3   auteurs de ces meurtres. Ces personnes ont été enterrées dans ce site après

  4   avoir tout d'abord été enterrées dans un charnier différent que l'on

  5   considère comme le charnier ou la fosse principale.

  6   Q.  Peut-on également consigner ce numéro ou le garder à l'esprit.

  7   J'aimerais maintenant que l'on passe au numéro 2743 de la même liste.

  8   Que peut-on dire de ce corps ou de ces restes humains, à commencer à

  9   la colonne C, puisqu'on a la date de naissance ?

 10   R.  Il semble que ces restes proviennent de la fosse secondaire de Liplje,

 11   et la date de naissance est celle qui apparaît sur cette liste.

 12   Q.  Est-ce que l'on peut conclure autre chose ? Est-ce que l'on a retrouvé

 13   ce corps dans une fosse, dans un charnier ? Est-ce que c'est le site, un

 14   charnier ?

 15   R.  Je ne peux pas vous donner des informations précises concernant ces

 16   charniers, mais je dirais que d'après ce code, il semble qu'il s'agit de la

 17   fosse Liplje 04, et si je me souviens bien, il s'agit d'une fosse

 18   principale qui est associée au site d'exécution principale du barrage de

 19   Petkovici, et ceci, par le biais des correspondances ADN et des liens ADN

 20   que nous avons établis.

 21   Q.  Merci. Peut-on également garder à l'esprit cet exemple, et les éléments

 22   associés à cette personne.

 23   J'aimerais maintenant que l'on passe au numéro 8623 sur cette même

 24   liste.

 25   Donc là nous avons 2, 3, 4, 5. Est-ce que vous voyez ces noms, un des

 26   trois noms, et est-ce que vous pouvez nous dire où a été trouvé ce corps ?

 27   Lazete 2B, me semble-t-il ?

 28   R.  A nouveau, je ne voudrais pas être catégorique quant aux codes des


Page 26646

  1   différentes localités, mais d'après ce que je vois, il est tout à fait

  2   probable qu'il s'agit là d'un corps provenant de Lazete.

  3   Q.  Merci. Je veux demander que l'on note aussi ce numéro.

  4   Et maintenant, je vais demander que l'on examine les numéros 3670 jusqu'à

  5   3673 sur cette même liste.

  6   Est-ce que vous pouvez nous dire la même chose, donner les mêmes

  7   éléments concernant ce nom ? Parce que vous êtes tout à fait capable,

  8   n'est-ce pas, de lire les informations données par votre institution. Que

  9   cela veut-il dire ?

 10   R.  Il semblerait que ces restes humains ont été retrouvés à Kravica.

 11   Q.  Merci. Je ne veux pas continuer avec ces exemples au cas par cas.

 12   Pour résumer, est-ce que vous, Docteur, est-ce que vous saviez que

 13   dans les sites et dans la région où l'on a trouvé ces corps, la guerre

 14   avait duré 44 mois, qu'il y avait eu beaucoup de morts qui ont été enterrés

 15   dans des fosses communes avant le mois de juillet 1995. Est-ce que vous

 16   saviez qu'il y avait une catégorie des gens qui sont morts avant le 10

 17   juillet 1995 ?

 18   R.  Bien sûr que je sais qu'il y a eu des gens qui se sont fait tuer

 19   pendant la guerre et je n'aurais pas été surpris d'apprendre que leurs

 20   corps ont été enterrés. Mais il s'agit là d'une constatation extrêmement

 21   généralisée. Vous m'avez demandé de vous faire part de mon commentaire à ce

 22   sujet. Est-ce que vous dites que ces corps ont été donc ramassés pendant 44

 23   mois, et qu'autour de la date du 11 juillet 1995, tous ces corps ont été

 24   mis ensemble et déposés dans un charnier, quelle que soit la raison de

 25   cela, et que par la suite on les a déterrés pour les enterrés ailleurs ?

 26   Q.  Non, non, ce n'est pas ce que je dis. En revanche, je vais vous donner

 27   un autre scénario. Entre le mois d'avril 1992 et le mois d'avril 1993, il y

 28   a eu des combats quotidiens et intenses. En ce qui concerne l'enterrement


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  1   des victimes venant des rangs de l'ennemi, eh bien, on les enterrait sur

  2   place, le plus souvent. Après, on a rajouté à ces fosses les corps

  3   retrouvés lors du ratissage du terrain, suite à d'autres combats. Ensuite,

  4   à partir du mois d'avril 1993 et jusqu'en juillet 1994, il y a eu encore

  5   des combats mais qui se faisaient plus rares. Vous aviez des intrusions de

  6   différents groupes de sabotage qui entraient dans le territoire serbe, et

  7   les victimes de ces combats étaient aussi enterrées dans des fosses

  8   communes plus ou moins grandes.

  9   Est-ce que vous acceptez, pour commencer, ce que je viens de dire ?

 10   R.  De façon générale, et généralement parlant, oui. Mais vu les

 11   exemplaires que vous venez de citer, je ne pense pas que ceci aurait un

 12   rapport avec ces sites.

 13   Q.  Est-ce que vous savez qu'au cours de la deuxième semaine du mois de

 14   juillet 1995, qu'il y a eu des victimes, des personnes mortes au combat ?

 15   Parce qu'il y a eu des combats entre la colonne et l'armée serbe, il y a eu

 16   des combats entre les Musulmans dans les colonnes. Ensuite, il y a eu des

 17   victimes des champs de mine. Vous le savez, tout cela.

 18   Dans votre rapport, est-ce que l'on fait une différence entre ces

 19   victimes-là et des victimes éventuelles des exécutions ?

 20   R.  Eh bien, nous avons examiné différents cas de figure et différents

 21   exemples jusqu'à présent, et vous m'avez posé des questions, et d'après

 22   toutes ces informations, ces cas relèvent des exécutions qui se sont

 23   déroulées et des corps qui ont été retrouvés dans des fosses communes suite

 24   à ces exécutions, des fosses primaires. Bien sûr, certains individus ont

 25   été peut-être tués en route, ou bien ils ont péri dans d'autres

 26   circonstances, dans le cadre de la colonne qui essayait de se frayer un

 27   chemin pour fuir Srebrenica, mais aucun des restes retrouvés en surface ont

 28   été retrouvés dans ce cadre-là.


Page 26648

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je vais vous demander d'examiner la

  2   page du compte rendu 22 677. C'est la déposition du Témoin 045.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Vous allez voir, Docteur, que tous ces gens dont les restes ont été

  5   retrouvés dans différentes fosses communes ont été tués dans un seul

  6   endroit en présence d'un témoin, et ceci au cours de combat.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi devez-vous montrer la

  8   déposition d'un témoin protégé au Dr ? Vous pouvez tout simplement lui

  9   faire part de ce qui a été dit.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on voie une page. On n'a pas

 11   besoin de la montrer au public. Parce que ici on voit bien le nom de ces

 12   victimes identifiées, avec le nom de père, et cetera, et le témoin a dit

 13   lui-même qu'il avait vu de ses propres yeux ces gens se faire tuer dans un

 14   seul endroit, suite à un échange de feu. Il ne s'agissait pas des

 15   exécutions, il ne s'agissait pas de personnes qui ont été enterrées en un

 16   seul endroit. Ce même témoin avait dit à l'époque qu'ils laissaient les

 17   morts en emportant les blessés, et qu'ensuite les Serbes ont été ceux qui

 18   ont enterrés les morts plus tard.

 19   Donc c'est une page qui contient pas mal d'information utile, et je

 20   voudrais demander qu'on la montre sur l'écran.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Je dois consulter avec le

 23   greffier, s'agissait-il d'un témoin qui a été interrogé en audience à huis

 24   clos [comme interprété].

 25     Eh bien, nous allons passer à huis clos partiel, donc.

 26   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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 13  Pages 26649-26651 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   Veuillez télécharger donc le tableau. Il s'agit du document 65 ter

  6   4418.

  7   M. Vanderpuye peut nous aider. Est-ce que vous contestez cela, à

  8   savoir qu'il s'agit du même nom, qu'on voit le même nom ici et dans le

  9   tableau ?

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous ne contestons pas cela.

 11   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, nous pouvons poursuivre, et s'il

 13   s'agit de faire d'autres comparaisons entre ces données, on pourrait le

 14   faire par la suite. Bien sûr, moi je ne sais rien de ce témoin que vous

 15   venez de citer, mais je pense qu'il est important d'avoir à l'esprit par

 16   rapport à cela, d'avoir à l'esprit quelle a été la véritable identité des

 17   gens dont les noms figuraient dans la liste que l'on peut comparer aux

 18   individus qui figurent sur la liste des comparaisons ADN, même s'il s'agit

 19   des mêmes noms.

 20   C'est assez incroyable de constater combien est-il courant de

 21   retrouver les mêmes noms de famille, les mêmes prénoms, et même les mêmes

 22   noms de père alors qu'il s'agit de personnes différentes. C'est souvent le

 23   cas en Bosnie-Herzégovine.

 24   Dans notre base de données des personnes portées disparues, nous

 25   avons 25 000 personnes qui s'y trouvent. Et vous avez 2 000 personnes qui

 26   ont exactement les mêmes nom et prénom. Et dans 83 cas, ils ont non

 27   seulement les mêmes prénom et nom, mais aussi le même prénom de père. Donc,

 28   moi je ne me lancerais pas d'emblée dans des conclusions, car même s'il


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  1   s'agit en apparence des mêmes personnes car elles portent le même nom, ce

  2   ne sont peut-être pas les mêmes personnes.

  3   Et si vous examinez la liste de ces rapports ADN, eh bien, vous allez

  4   voir qu'il existe un grand nombre d'individus dont on considère qu'ils ont

  5   disparu dans le cadre des événements de Srebrenica et qui portent le même

  6   nom de famille, par exemple.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur ces 6 600 personnes identifiées,

  8   vous ne pouvez pas exclure la possibilité qu'on retrouve des personnes

  9   mortes autrement que dans le cadre des exécutions, et quel que soit le

 10   pourcentage de ces personnes.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous,

 12   Monsieur le Président. Mais en même temps, je pense qu'il est fort probable

 13   que parmi ces 6 600 personnes, ou bien par rapport à un grand nombre de

 14   personnes liées aux événements à Srebrenica, qu'il y avait un grand nombre

 15   de personnes qui avaient les mêmes prénom, nom et même prénom du père, et

 16   je ne suis absolument pas sûr que les noms des personnes que l'on vient de

 17   voir ici correspondent forcément aux personnes identifiées dont les noms se

 18   trouvent consignés dans cette feuille Excel que l'on a examinée.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Si deux personnes se sont fait tuer qui portent les mêmes prénom, nom

 22   et prénom du père, est-ce que vous auriez établi deux profils ADN ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Si l'on ne veut pas

 24   mentionner de noms et si l'on ne montre pas dans le public la page du

 25   compte rendu d'audience, eh bien, nous pouvons passer en audience publique.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous sommes en audience publique.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Nous sommes toujours en audience à

 28   huis clos partiel. Et je vais demander que l'on passe en audience publique.


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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà, maintenant nous sommes en

  3   audience publique.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé. Je suis désolé qu'on ait été à

  5   huis clos partiel. Puisque la seule chose qu'il s'agit d'expurger ici,

  6   c'est de ne pas montrer les noms finalement. Rien d'autre.

  7   Q.  Donc, Docteur, voici la question que j'ai à vous poser : vu que vous

  8   avez dit qu'il s'agit peut-être de personnes différentes qui portent les

  9   mêmes prénom, nom et prénom du père, dans ce cas-là n'est-il exact que vous

 10   auriez eu à la fin deux différents profils ADN ?

 11   R.  Oui. Du point de vue génétique, on les aurait identifiés comme étant

 12   des personnes différentes, parce qu'ils auraient eu chacun différents

 13   parents pour les identifier. Souvent, nous avons différents rapports ADN

 14   correspondant aux personnes qui comportent les mêmes nom de famille,

 15   prénom, et cetera; en revanche, le numéro d'identité de l'ICMP va être

 16   différent puisqu'ils ont des profils ADN différents.

 17   Q.  Et si je vous disais que dans votre liste de personnes identifiées

 18   d'après l'établissement des rapports ADN, eh bien, qu'on ne trouve pas des

 19   doublons, si je vous disais cela, est-ce que la crédibilité de la

 20   déposition de ce témoin s'accroît ? Si l'on tient compte de cette

 21   information.

 22   R.  J'ai vraiment du mal à faire des commentaires au sujet de cette

 23   possibilité parce que, tout comme ce témoin, je ne sais pas ce qui s'est

 24   passé avec les restes de ces individus dont il parlait. Donc je ne peux pas

 25   me lancer dans des probabilités pour établir si les restes de ces personnes

 26   se sont retrouvés finalement dans des fosses communes ou non. Cette

 27   possibilité existe, effectivement.

 28   Et puis, si vous me dites que dans la liste il n'y a pas de doublons


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  1   par rapport à ce nom-là, eh bien, ça reste une possibilité, parce que moi

  2   je ne l'ai pas établi pour sûr. Peut-être qu'il y en a.

  3   Q.  Mais la question que je vais vous poser est comme suit : vu que dans la

  4   liste nous n'avons pas retrouvé d'autres personnes portant les mêmes

  5   prénom, nom et prénom du père, et qu'en même temps, dans la déposition, on

  6   parle de personnes ayant les mêmes prénom et nom, est-ce qu'en tenant de

  7   compte de cela, on peut établir que la probabilité qu'il s'agisse de la

  8   même personne est quand même assez grande, puisqu'il n'y a pas de doublons

  9   dans votre liste ?

 10   R.  Ecoutez, je ne sais pas comment vous avez procédé à vos recherches. Je

 11   ne vois pas pourquoi je vous ferais confiance. C'est peut-être vrai, mais

 12   je n'en sais rien.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, Monsieur Vanderpuye,

 14   pourriez-vous revenir sur le compte rendu d'audience. La page 47

 15   d'aujourd'hui, ligne 3, je pense qu'il faudrait expurger le nom des

 16   personnes qui figurent dans le compte rendu d'audience. A partir de cet

 17   endroit-là et par la suite.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. On va le faire comme cela.

 20   Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Docteur, nous pouvons le faire tous très rapidement; il suffit

 23   d'appuyer sur le bouton "search", recherche. Dans votre liste, la liste de

 24   l'ICMP, il n'y a pas d'autres personnes portant le même prénom et le même

 25   nom et le même prénom du père dans votre liste des rapports ADN, et nous

 26   retrouvons exactement les mêmes prénom et nom dans la déposition. Comment

 27   voulez-vous douter de cela alors que l'on ne trouve aucune autre personne

 28   dans votre liste ayant les mêmes prénom, nom et prénom du père ?


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  1   R.  Est-ce que vous avez fait une recherche selon le numéro ID de l'ICMP --

  2   mais bon.

  3   Pour commencer, dans la liste que nous avons vue, nous avons pu voir

  4   qu'il y avait pas mal de gens qui avaient les mêmes prénom, nom et prénom

  5   du père. Ensuite, la question qui se pose, c'est de savoir si ces personnes

  6   avaient le même numéro ID de la liste de l'ICMP ou non. Moi je n'essaie pas

  7   de dire que ce que vous dites n'est pas forcément vrai. Mais j'ai des

  8   doutes parce que ça n'a pas été vérifié, tout simplement.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je pense que vous pouvez

 10   continuer et passer à un autre sujet, Monsieur Karadzic. Parce que, vous

 11   savez, votre temps est limité. Et, tout à l'heure, j'aurais dû parler de la

 12   possibilité "d'enlever le sceau de confidentialité" au lieu "d'expurger la

 13   confidentialité".

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que signifient les marqueurs STR, quel est

 16   le rôle de ces marqueurs dans votre travail ?

 17   R.  Les marqueurs STR, eh bien, c'est un nom générique pour établir les

 18   marqueurs génétiques que l'on utilise pour établir nos identifications. Il

 19   s'agit des éléments de l'ADN qui font partie d'un génome. Un génome qui a

 20   la totalité des ADN que vous retrouvez. Et donc, le petit tandem que l'on

 21   trouve à répétition fait référence aux petites portions de l'ADN, des

 22   lettres A, G, C et T que l'on retrouve par quatre et qui correspondent aux

 23   STR. Donc STR, c'est un locus qui se trouve dans un endroit de l'ADN, et il

 24   varie énormément entre différents individus que l'on trouve dans une

 25   population donnée. Et cela dépend donc de ces petites unités que l'on

 26   retrouve à répétition.

 27   Et puis, ce que je dois ajouter aussi, c'est que chaque individu

 28   possède deux paires d'ADN. Donc nous avons des chromosomes qui vont en


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  1   paire et qui forment votre ADN, le chromosome qui vient de la mère et

  2   l'autre qui vient du père. Donc, pour chacun de ces locus - bon, c'est le

  3   mot que nous utilisons pour parler de ces marqueurs STR - chacun a deux

  4   copies différentes, mais chacune de ces copies possède un nombre différent

  5   de ces petits tandems qui se répètent. Ce que cela veut dire, c'est qu'à

  6   partir du moment où vous vérifiez l'ADN, eh bien, il s'agit aussi de

  7   vérifier combien de répétitions chez chaque individu vous trouvez de chacun

  8   de ces couples, la partie qui vient de la mère et du père. Et sur la base

  9   de cette information, vous pouvez très rapidement faire la différence entre

 10   différents individus.

 11   Donc chacun de ces marqueurs STR se trouve dans différentes localités

 12   du chromosome, et chacun de ces marqueurs est indépendant par rapport aux

 13   autres. Donc nous utilisons un test de façon standardisée, pour ainsi dire,

 14   et nous enquêtons sur 15 différents STR indépendants se trouvant dans une

 15   localité différente, et là nous avons une variable très élevée. Et en

 16   comparant ces couples, eh bien, dans ces 15 localités différentes, nous

 17   arrivons à établir un profil ADN que vous pouvez considérer comme étant

 18   unique pour un individu.

 19   Q.  Ai-je raison de dire que partant des STR, on ne peut tirer des

 20   conclusions au sujet d'une personne si ce n'est le fait de dire que c'est

 21   bien cette personne ? On ne peut pas parler de maladie, on ne peut pas

 22   parler d'état de santé, de caractère privé, d'appartenance ethnique.

 23   Ai-je raison de dire cela ?

 24   R.  De façon générale, oui. A des fins de fonctionnement pratique dans ce

 25   prétoire, je dirais que c'est exact. Je peux ajouter seulement qu'on peut

 26   parler de lien de parenté de cette personne et d'une autre personne. Donc

 27   on ne peut pas parler que de lui, mais on peut aussi établir un lien de

 28   parenté avec d'autres membres de sa famille.


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  1   Q.  Alors, est-il nécessaire de coder les constatations qui sont exprimées

  2   au niveau de ces STR, et si oui, pour quelle raison ?

  3   R.  Alors ces marquages STR, c'est les mêmes que ceux qu'on utilise dans

  4   grand nombre de bases de données dans le monde. Et, par exemple, il y a une

  5   base de données pour ce qui est des délinquants au pénal qui sont tenus à

  6   jour dans bon nombre de pays. Par conséquent, à la Cour européenne des

  7   droits de l'homme et ailleurs, on a accepté le fait de dire que ce type

  8   d'information devait être considéré comme confidentiel et sensible. Il

  9   s'agit d'un identificateur unique. Si vous avez un profil ADN pour

 10   quelqu'un, vous pouvez créer votre propre base de données et vous en servir

 11   à toutes sortes de fins, quelles qu'elles soient.

 12   Et si on met ce fait-là de côté, ce qui préoccupe la société de nos

 13   jours au sujet de la protection des informations génétiques, pour ce qui

 14   est de ceux qui ont un accès à ces informations, c'est la façon dont cela

 15   peut être identifié.

 16   Dans le contexte de l'entreprise liée à ces personnes disparues

 17   pendant le conflit en ex-Yougoslavie, nous avons des membres de la famille

 18   qui sont très traumatisés par le fait d'avoir perdu des personnes qui leur

 19   sont chères, et, par ailleurs, de façon générale. Et psychologiquement, ce

 20   sont des gens qui sont affectés, ils souhaiteraient que les personnes qui

 21   leur sont chères leur soient restituées. C'est important. Et donc, pour le

 22   faire, il faut que nous recevions des échantillons génétiques. Mais nous ne

 23   voulons pas leur dire que non seulement ils doivent nous donner des

 24   échantillons d'ADN pour récupérer les leurs, mais il faut aussi que nous

 25   donnions ces échantillons à ceux que nous suspectons d'avoir causé la mort

 26   de leurs êtres chers.

 27   Et c'est l'une des raisons premières pour lesquelles nous estimons que

 28   c'est confidentiel.


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  1   Q.  Mais est-ce que c'est confidentiel pour le pathologiste qui a fourni

  2   l'échantillon ? Pourquoi lui envoie-t-on une information codée à lui aussi

  3   ?

  4   R.  Je pense que dans ce prétoire il a été utilisé un terme de "prise de

  5   précaution", parce qu'on a estimé qu'il fallait que quelqu'un connaisse les

  6   raisons pour lesquelles on cherche à savoir. Parce que le pathologiste, il

  7   n'a pas besoin de connaître toutes les données génétiques, mais pour

  8   empêcher que le rapport pour ce qui est des comparaisons d'ADN ne soit

  9   rendu public, et afin que personne n'en ait possession alors qu'il n'est

 10   pas censé en avoir possession, eh bien, nous avons décidé de coder pour ne

 11   pas compromettre le processus. Bon nombre de laboratoires qui font des

 12   tests ADN, dans leurs constatations officielles, ne mentionnent pas du tout

 13   les formules ADN, pas plus que dans leurs rapports pour ce qui est des

 14   comparaisons d'ADN.

 15   Q.  Merci. Mais si la famille voulait comparer ces renseignements-là,

 16   quelle serait la procédure à suivre ? Serait-ce possible, serait-il

 17   possible de le faire ?

 18   R.  Nous n'avons pas rencontré souvent ce type de situation. Nous estimons

 19   qu'un profil ADN et un échantillon biologique donné par la famille à la

 20   commission, c'est leur propriété à eux, à la famille. Et comme je l'ai dit,

 21   nous n'avons pas rencontré ce type de chose, mais si un membre de la

 22   famille le demandait de notre part, on pourrait, on devrait le lui fournir

 23   ce profil ADN.

 24   Mais nous ne devrions pas lui donner le profil ADN d'autres membres de la

 25   famille, comme je l'ai déjà dit auparavant dans ce même prétoire, ces

 26   renseignements ADN peuvent fournir des informations concernant les

 27   relations existant au niveau d'une famille qui peuvent différer de la

 28   conception que s'en font certains membres de la famille. Par exemple, ces


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  1   marquages nucléaires STR peuvent permettre de déterminer la paternité par

  2   ADN, et si un individu venait à nous pour nous poser des questions au sujet

  3   de la paternité de quelqu'un, pour ce qui est de l'échantillon ADN, nous ne

  4   communiquerons pas ce type d'information. Nous donnerions l'information à

  5   quelqu'un d'autre, mais pas à cette personne. Si la famille entière venait

  6   nous voir pour demander ce type de profil, on leur donnerait

  7   individuellement à eux, et à eux de comparer s'ils veulent.

  8   Mais nous n'avons pas rencontré ce type de situation, comme je vous l'ai

  9   déjà dit. Et bien que nous ayons eu une ou deux questions de ce type pour

 10   ce qui est de la paternité de quelqu'un, nous avons refusé de fournir ce

 11   genre d'information.

 12   Q.  La famille n'était pas censée tirer des conclusions partant de ces

 13   codages pour ce qui est des liens de parenté.

 14   R.  Oui. Théoriquement, cela se peut.

 15   Q.  Merci. Alors, ce qui m'intéresse, et j'ai posé la question pour cette

 16   raison, ce qui m'intéresse c'est comment est-ce que moi je peux être

 17   certain que vous avez bel et bien 6 600 profils uniques dans votre base de

 18   données ? Est-ce que je dois vous croire sur parole, ou est-ce que j'ai une

 19   façon, est-ce qu'il y a des modalités pour moi de procéder à des

 20   vérifications ?

 21   R.  Le mécanisme de vérification qui a été proposé par notre commission en

 22   2009 déjà était celui de vous fournir des échantillons au hasard, pris dans

 23   les dossiers de la Commission internationale et donc des échantillons que

 24   vous prendriez au hasard pour vérifier l'exactitude et l'authenticité.

 25   Q.  Mais vous savez sans doute que nous avons demandé à en choisir cinq et

 26   295 par échantillonnage fortuit. Et on en a obtenu que quatre. Le cinquième

 27   échantillon, nous ne l'avons toujours pas reçu.

 28   Saviez-vous cela ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci. Je vais vous demander autre chose. Nous sommes tombés d'accord

  3   sur le fait que la probabilité se trouverait être quelque peu inférieure si

  4   vous aviez pris un chiffre de 29 000, plutôt que de prendre un chiffre de 7

  5   000, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre ce que c'est que ce

  8   CLR ? Soyez bref, je vous prie.

  9   R.  Il se peut qu'il y ait eu un problème de communication ici. Je ne sais

 10   pas ce que c'est que ce CLR. Vous êtes en train peut-être de parler du DLR

 11   [comme interprété]. Parce que le LR, c'est le ratio de probabilité. C'est

 12   ce qui figure dans nos conclusions en matière de statistiques.

 13   Q.  Bon, c'était dans mes plans que c'est appelé ainsi. Ça devrait être

 14   "combined likelihood issue," donc "ratio de probabilité combinée."

 15   R.  Oui. La commission internationale ne l'appelle pas CLR. Nous appelons

 16   cela ratio de probabilité. Mais je pense que nous parlons de la même chose

 17   ici.

 18   L'évaluation de la probabilité première n'affecte pas le ratio de

 19   probabilité. C'est indépendant des circonstances et ces fonctions de chaque

 20   cas particulier. Ceci va dépendre de la probabilité établie précédemment.

 21   Q.  Merci. Mais si vous aviez pris une base de 29 000 ou 30 000 personnes

 22   disparues, et non pas 7 000, vous dites que la probabilité serait diminuée

 23   dans une certaine mesure.

 24   Serait-il exact de dire que vous vous êtes servi d'une base de données au

 25   niveau de la population prélevée au niveau de la Yougoslavie entière, de

 26   l'ex-Yougoslavie entière, pour procéder à vos propres recherches ?

 27   R.  Oui. Pour procéder aux calculs statistiques que nous avons utilisés,

 28   vous devez savoir quelle est la fréquence des profils STR dans la


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  1   population générale. Et il est coutumier de s'en servir pour dire que c'est

  2   une référence au niveau de la base de données relative à la population.

  3   Nous, on a pris des représentants de la population bosniaque entière avec

  4   tous les groupes ethniques de représentés.

  5   Q.  Mais dans le calcul de probabilité, est-ce que vous n'avez pas pris non

  6   pas les 29 000, mais la base de données de l'ex-Yougoslavie ? Est-ce que le

  7   coefficient de probabilité s'en trouverait plus réduit encore ? Donc, est-

  8   ce que l'approche ne serait pas susceptible d'être plus restrictive encore

  9   ?

 10   R.  Excusez-moi, je vais vous demander de répéter la question. Je n'ai pas

 11   très bien compris la partie où vous avez dit "if", c'est-à-dire "si". A

 12   quoi cela se rapportait-il ?

 13   Q.  Ecoutez, vous avez pris dans vos calculs de probabilité à Srebrenica le

 14   chiffre de 1 pour 7 000. On est tombés d'accord pour dire que si vous aviez

 15   pris 29 000 ou 30 000 plutôt que 7 000, le coefficient de probabilité se

 16   trouverait être plus petit. Alors, est-ce qu'il serait plus petit encore si

 17   vous aviez pris une base de la population des Musulmans, 2 900 000

 18   Musulmans, ou pour base de données la Yougoslavie, l'ex-Yougoslavie

 19   entière, à laquelle vous faites d'ailleurs référence ?

 20   R.  Je doute que cela aurait apporté des changements importants.

 21   Q.  Mais il y aurait quand même eu un changement, non ?

 22   R.  Oui. Potentiellement une modification assez petite. Je dirais que ça ne

 23   signifie pas que la modification irait dans le sens d'une diminution de ce

 24   pourcentage, mais ça l'augmenterait dans nos calculs statistiques.

 25   Q.  Mais quoi qu'il en soit, pourquoi n'avez-vous pas pris la base de la

 26   population des Musulmans, 2 900 000 Musulmans ?

 27   R.  Je crois que c'est plutôt cher que de procéder à des vérifications au

 28   niveau de 2 000 000 personnes, alors que la base de données, que de façon


Page 26664

  1   adéquate et précise être établie avec un échantillonnage plus petit.

  2   Q.  Merci. Alors si on vous avait dit que certaines de ces victimes

  3   n'étaient pas une victime datant de juillet 1995 et Srebrenica, est-ce que

  4   vos données statistiques auraient une apparence différente ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous, nous n'avons pas reçu

  6   d'interprétation. C'est mes écouteurs qui étaient en panne.

  7   Veuillez continuer.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie de comprendre le sens de la question.

  9   Peut-être devrions-nous demander à ce qu'elle soit répétée pour mieux

 10   comprendre.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que la probabilité précédente serait différente si on vous avait

 13   dit qu'il y avait des victimes qui ne venaient pas ou ne provenaient pas de

 14   cette deuxième semaine du mois de juillet 1995 ?

 15   R.  Ce qui modifierait la probabilité antérieurement formulée, c'est le

 16   nombre de personnes disparues dans la région, liées à un événement ou à des

 17   événements concrets, pour ce qui est des attentes qui seraient la nôtre de

 18   pouvoir retrouver les personnes disparues dans la totalité des victimes.

 19   Alors théoriquement pour répondre à votre question, je dirais oui, mais je

 20   ne peux pas répondre de la sorte de façon systématique. Parce que si nous

 21   considérons qu'un certain nombre de victimes attribuées à une région

 22   déterminée ou si nous prélevons ce qui reste dans la région au niveau donc

 23   du nombre total des personnes auxquelles se rapportent les dépouilles

 24   humaines, on prend ce qui est connu dans la région pour ce qui est des

 25   événements qui se sont produits. Donc si nous avons une autre façon de

 26   comprendre les choses, nous nous servons de chiffres différents.

 27   Q.  Donc il y a une présomption qui a été déterminante, vous êtes parti

 28   d'une hypothèse qui était celle de dire que c'étaient des victimes datant


Page 26665

  1   de la deuxième semaine du mois de juillet 1995, et que c'est des victimes

  2   des exécutions. C'est ce qui a influé sur votre façon de raisonner de façon

  3   considérable, n'est-ce pas ?

  4   R.  Pour ce qui est de la question de savoir s'ils ont été exécutés ou

  5   s'ils ont été tués au combat, ça, n'influerait pas sur le degré de

  6   probabilité antérieurement énoncé. Parce que la cause et les modalités de

  7   la mort n'ont rien à voir avec le processus d'identification. Mais si nous

  8   avions considéré qu'il s'agissait d'un nombre substantiellement différent,

  9   nous nous serions servis d'autres chiffres.

 10   Je tiens à préciser que jusqu'à présent, nous avons identifié pratiquement

 11   7 000 individus dans cette région. Nous l'avons fait ce travail, les

 12   dépouilles ont été exhumées dans cette région, et nous sommes arrivés à un

 13   chiffre qui dit 6 772. Et c'est un chiffre qui se rapproche

 14   considérablement de la probabilité antérieurement énoncée, à savoir de 1

 15   pour 7 000.

 16   Q.  Est-ce que vous maintenez l'affirmation au terme de laquelle ces 6 000

 17   et quelques victimes au total datent toutes de juillet 1995 ?

 18   R.  Non, ce n'est pas ma position, pas tous. Je dirais que mon opinion est

 19   celle de dire que la plupart, oui; 5 354 d'entre eux peuvent être liés ou

 20   placés en corrélation avec l'une des grandes fosses communes primaires ou

 21   avec tout un ensemble de fosses secondaires où l'on a trouvé un grand

 22   nombre d'éléments de preuve pour ce qui est de la formation de ces fosses

 23   communes.

 24   Q.  Merci. Mais est-ce qu'on aurait dit ce qui s'est passé avec les gens

 25   qui ont été tués, qui sont morts avant juillet, avant la deuxième semaine

 26   du mois de juillet 1995 ? Où ces gens-là ont-ils été enterrés ?

 27   R.  Je n'ai pas d'information à ce sujet.

 28   Q.  Merci. Nous ne pouvons pas non plus établir une distinction entre


Page 26666

  1   exécution et victimes au combat, si on en reste à la deuxième semaine du

  2   mois de juillet 1995; est-ce bien cela ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de répéter

  4   la même question ? Il serait peut-être temps d'en terminer avec votre

  5   contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, donnez-moi encore quelques minutes

  7   jusqu'à la pause, et je me propose de terminer.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic, vous avez

 11   dépassé depuis longtemps le temps qui vous a été imparti.

 12   Combien de temps vous faut-il pour votre contre-interrogatoire ou vos

 13   questions complémentaires, Monsieur Vanderpuye ?

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas prévu

 15   de questions complémentaires pour ce témoin.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, c'est bon, vous pouvez continuer

 17   alors, Monsieur Karadzic.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous savez nous dire combien à Srebrenica il y a eu

 20   d'habitants avant la guerre ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce n'est pas une question qu'il est

 22   approprié de poser à ce témoin.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Hier, en page 79, vous nous avez dit "hommes et garçons". Alors

 26   qu'entendez-vous par "garçons" ? Comment définissez-vous la chose, est-ce

 27   que c'est vous qui avez établi la définition ou est-ce que vous avez repris

 28   la définition utilisée à l'acte d'accusation ou quelque part ailleurs ?


Page 26667

  1   R.  Oui, je vais reconnaître que c'est des formulations qui sont entrées en

  2   utilisation de façon généralisée. Je n'avais rien de concret à l'esprit,

  3   j'ai vu au niveau du projet de l'identification à Podrinje quelle a été la

  4   répartition par âge des victimes identifiées. Et à l'intérieur de ces

  5   victimes, on a retrouvé des personnes qu'on pouvait considérer comme étant

  6   des mineurs. Or, si vous insistez, je dirais des personnes de moins de 18

  7   ans. Et c'est  à peu près dans cet éventail-là que l'on pourrait caser les

  8   gens qui pourraient être qualifiés comme étant des victimes garçons et des

  9   victimes hommes.

 10   Q.  Mais d'après la façon dont vous entendez les choses, pouvez-vous nous

 11   dire ce que vous entendez par la notion de "garçon" ?

 12   R.  Je pourrais dire 18 ans et moins de 18 ans.

 13   Q.  Mais saviez-vous que la partie musulmane avait mobilisé entre 16 et 60

 14   ans, ou 16 et 55, 60 ans ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ça aussi ce n'est pas une question

 16   qu'il convient de poser à ce témoin-ci. Il ne peut pas témoigner de la

 17   chose.

 18   Alors il vaut mieux peut-être en terminer.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors dans quelle mesure avez-vous coopéré avec le bureau du Procureur

 22   de ce Tribunal ?

 23   R.  On nous a demandé de faire des résumés de nos constatations comme ce

 24   qui a été versé au dossier ici. C'était l'interaction entre nous. Nous

 25   avons passé pas mal de temps au fil de toutes ces années à avoir des

 26   contacts avec le bureau du Procureur et on a essayé de nous entretenir avec

 27   votre équipe à vous pour proposer des échantillons prélevés au hasard pour

 28   que votre Défense puisse s'en servir. Il y a eu pas mal de contacts à ce


Page 26668

  1   niveau-là.

  2   Mais pendant toutes les activités où nous sommes intervenus avec le

  3   Tribunal en question, je crois que nous avons eu une très bonne coopération

  4   avec le Tribunal.

  5   Q.  Mais puis-je vous demander pourquoi vous avez refusé de rencontrer les

  6   représentants de la Défense ?

  7   R.  J'ai estimé que les nombreux contacts que nous avons eus avec le bureau

  8   du Procureur étaient plus que suffisants pour ce qui nous intéressait.

  9   Q.  Alors, vous aviez des éléments qui vous intéressaient, vous aviez un

 10   intérêt concret ? Quel type d'intérêts ?

 11   R.  Eh bien, fournir à ce Tribunal-ci des éléments de preuve pour ce qui

 12   est de ce que cette commission internationale a constaté et qu'elle juge

 13   pertinent pour le procès.

 14   Q.  Mais si vous estimez que quelque chose est pertinent pour la Défense,

 15   pourquoi n'avez-vous pas rencontré la Défense ? Ou alors, les choses

 16   pertinentes ne sont-elles pertinentes que pour le bureau du Procureur ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Tout d'abord, je crois que le Dr Parsons a déjà répondu à la question de

 20   façon implicite et indirecte.

 21   Je crois qu'il y a une erreur de compte rendu pour ce qui est de

 22   l'une de ses réponses. Page 59, lignes 19 et 20. Et là, le Dr Parsons a dit

 23   qu'il a eu fort peu de préoccupation pour ce qui est des problèmes

 24   escomptés, et il avait parlé des calculs de probabilité. C'est ce que le

 25   compte rendu nous dit. Alors, peut-être pourrait-il répéter sa réponse. Je

 26   voulais juste attirer l'attention des Juges de la Chambre sur cet élément-

 27   là, en sus de l'objection que j'ai formulée.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai remarqué que le témoin n'avait pas


Page 26669

  1   le "LiveNote" sur l'un des moniteurs, et c'est peut-être pour lui plus

  2   difficile de suivre ce qui lui est demandé.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   Docteur, est-ce que vous confirmez ce que M. Vanderpuye vient de nous dire

  5   ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je regrette, si on fait référence à ma

  7   déclaration précédente, pour ce qui est de la transcription incorrecte, ça,

  8   je ne suis pas au courant. Il faudrait que je puisse me pencher dessus.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, pouvez-vous faire

 10   confirmer au témoin ce que vous venez de nous dire à ce sujet. Page 59,

 11   lignes 19 et 20.

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Oui, effectivement. Dans la réponse à la question qui vous a été

 14   posée par le Dr Karadzic, et c'était :

 15   "Le fait de supposer qu'il s'agissait là de victimes datant de la

 16   deuxième semaine de juillet 1995, et que c'étaient des victimes des

 17   exécutions, ça a été un facteur déterminant pour vous, n'est-ce pas ?"

 18   Et vous avez répondu que :

 19   "Lorsqu'il s'agissait de savoir s'ils avaient été exécutés ou tués au

 20   combat ou quoi que ce soit d'autre," vous avez dit, "non". Alors, ici il y

 21   a "went", or, en anglais ça devrait être "wouldn't", ça ne devrait pas être

 22   le cas. Donc, les modalités du décès n'avaient rien à voir avec

 23   l'identification de l'individu. Et s'il y avait plusieurs personnes

 24   d'impliquées, on aurait utilisé des chiffres différents.

 25   Vous avez dit que vous avez identifié presque 7 000 personnes originaires

 26   de la région, ce qui fait que les tests ont été faits, les exhumations ont

 27   eu lieu, et le chiffre de 6 772 se trouve être assez proche du chiffre de 7

 28   000 qu'on avait évoqué au départ.


Page 26670

  1   Puis il a été dit :

  2   "Ce qui me préoccupe c'est que nous n'ayons pas de problème à constater

  3   ici," et ça c'est une partie de la réponse qui n'a pas été consignée.

  4   Moi, la question que j'ai posée, ça trait au dernier fragment de votre

  5   phrase pour que les choses soient consignées de façon claire.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci pour cet éclaircissement.

  7   Ce que je voulais dire c'est partant de la similitude entre 6 772 et

  8   7 000 personnes, ce qui me préoccupe ce n'est pas le fait d'avoir utilisé

  9   le ratio de 1 pour 7 000 comme étant une probabilité antérieurement

 10   énoncée.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye. Je me

 12   souviens que le témoin avait dit que cela ne le préoccupait pas.

 13   Monsieur Karadzic, où en sommes-nous ? Il serait temps d'en terminer. Vous

 14   avez posé une question répétitive, mais je vais vous laisser terminer votre

 15   contre-interrogatoire.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Parsons, vous n'avez pas été un témoin expert devant d'autres

 19   tribunaux. Sommes-nous d'accord donc pour dire que vous êtes un participant

 20   à ce procès, une partie prenante à ce procès, et votre attitude vis-à-vis

 21   de certains doutes possibles pour ce qui est des constatations énoncées, ça

 22   devrait être beaucoup plus attentif et beaucoup plus équilibré ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Encore une fois, ce n'est pas au témoin

 24   de témoigner là-dessus.

 25   Monsieur Vanderpuye.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, j'étais sur le

 27   point de déposer une objection, mais je souhaitais également demander à ce

 28   qu'à pouvoir poser une question au témoin. Je crois M. Karadzic est sur le


Page 26671

  1   point de conclure, et c'est une question que je vous soumets, à vous,

  2   Madame, Messieurs les Juges de la Chambre.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Je souhaitais simplement vous demander cette question-ci, Monsieur

  6   Parsons, si vous comprenez l'importance que peut revêtir des incertitudes

  7   au niveau des conclusions. Savez-vous que les conséquences de ces derniers

  8   sont très importantes sur ce procès et que ces discordances peuvent être

  9   très importantes pour la Défense ?

 10   R.  Ecoutez, je ne sais pas ce que vous voulez dire, en fait. Vous parlez

 11   d'une série de déclarations. Je ne peux pas vraiment vous fournir des

 12   réponses utiles. Ce que je ressens profondément c'est que ces éléments de

 13   preuve médico-légaux concordent tout à fait et permettent de fournir une

 14   image d'ensemble. Et j'ai tout à fait confiance en les Juges de la Chambre.

 15   Je pense qu'ils seront en mesure d'évaluer l'importance de ceci, et la

 16   présentation objective des conclusions de l'ICMP permettra aux Juges de la

 17   Chambre de parvenir à leurs conclusions.

 18   Q.  Merci, Monsieur Parsons.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Je n'ai pas

 20   d'autres questions à poser.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 23   Nouvel interrogatoire par M. Vanderpuye :

 24   Q.  [interprétation] J'ai une seule question à vous poser, Docteur Parsons.

 25   A la page 56, lignes 4 à 7, le Dr Karadzic a mentionné le fait que la

 26   Défense avait demandé cinq dossiers, outre 295 cas triés de façon

 27   aléatoire, et vous avait demandé si la Défense n'avait reçu que quatre des

 28   cinq dossiers qui avaient été choisis plus particulièrement. Pourriez-vous


Page 26672

  1   nous dire pourquoi -- vous avez indiqué que vous étiez au courant.

  2   Pourriez-vous nous dire pourquoi la Défense n'a pas reçu ces cinq dossiers

  3   ?

  4   R.  En réalité, le processus est assez compliqué lorsqu'il s'agit de

  5   contacter les membres de la famille et de leur demander de donner leur

  6   accord, ce qui n'est pas toujours chose aisée. Dans ce cas, la cinquième

  7   sur toutes ces familles n'a pas pu remplir le formulaire de consentement.

  8   Les différents membres de cette famille habitent dans différents pays

  9   d'Europe. Il s'agit simplement d'un problème de communication. D'après ce

 10   que j'ai compris, ces personnes vont consentir à remplir ces formulaires,

 11   mais pour l'instant, donc, je ne peux pas présupposer de leurs intentions,

 12   mais je crois que c'est le cas.

 13   Q.  Merci.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

 15   d'autres questions à poser.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 17   A moins que mes collègues n'aient une question à vous poser, Monsieur

 18   le Professeur, ceci met un terme à votre déposition. Au nom des Juges de

 19   cette Chambre, ainsi qu'au nom du Tribunal dans son ensemble, je souhaite

 20   vous remercier d'être venu témoigner à La Haye encore une fois, et vous

 21   êtes libre de repartir maintenant.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que nous ne levions l'audience,

 24   pardonnez-moi, les Juges de la Chambre font droit à la requête de

 25   l'Accusation afin de modifier la liste de ce témoin 65 ter, déposée le 20

 26   mars 2012, à laquelle ne s'est pas opposée la Défense, et ordonne que

 27   l'Accusation dépose une liste de témoins revue et corrigée qui soit le

 28   reflet de ces modifications au plus tard lundi 26 mars 2012.


Page 26673

  1   Nous allons faire une pause d'une heure, et reprendre à 13 heures 35.

  2   Je vous souhaite un bon voyage de retour.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  4   [Le témoin se retire]

  5   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 35.

  6   --- L'audience est reprise à 13 heures 37.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Robinson.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je souhaite en

  9   fait que quelque chose soit consigné au compte rendu d'audience par rapport

 10   à un témoin qui a témoigné à huis clos.

 11   Pourrions-nous passer à huis clos partiel pour cela pendant quelques

 12   instants, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Est-ce que la Chambre de

 14   première instance peut passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 15   [Audience à huis clos partiel]

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 26674

  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire entrer le

  3   témoin ?

  4   M. TIEGER : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Juste une

  5   question d'intendance que je souhaite aborder en attendant.

  6   Hier, à la page du compte rendu d'audience 2 482 [comme interprété] à 2 484

  7   [comme interprété], les Juges de la Chambre ont posé une question à propos

  8   d'un document 65 ter 21043, qui est actuellement marqué aux fins

  9   d'identification P4645. Je souhaite simplement informer les Juges de la

 10   Chambre que la traduction de cette pièce est prête et à votre disposition,

 11   et si le greffier veut bien vous la remettre, nous allons la télécharger et

 12   en demander le versement dans son intégralité.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier du

 15   document que nous avons reçu du témoin au sujet des pays qui soutiennent

 16   l'ICMP ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il une objection de votre part ?

 18   Monsieur Tieger, avez-vous suivi ?

 19   M. TIEGER : [interprétation] Dans une grande mesure, oui, mais je

 20   pense que c'est parce qu'il y a eu un échange entre Me Robinson et M.

 21   Vanderpuye. Je crois qu'il faut que je me renseigne sur la question avant

 22   de donner mon accord.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi. Personnellement,

 24   d'après ce que j'ai compris, ce sont les informations qui figurent sur le

 25   site Web de cette organisation. Nous allons donc verser au dossier ce

 26   document et lui attribuer une cote. Mais pourquoi ne pas regarder ce

 27   document en premier lieu ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas de raison de croire que cela


Page 26675

  1   posera un quelconque problème pour l'heure, mais il semblerait que ce soit

  2   la bonne marche à suivre.

  3   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Madame. Je vous demande de bien

  6   vouloir prononcer la déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous.

  8   Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

  9   rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : TEUFIKA IBRAHIMEFENDIC [Assermentée]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 13   asseoir.

 14   Oui, Monsieur Tieger.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Et bonjour à vous, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juges.

 17   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 18   Q.  [interprétation] Et bonjour à vous, Madame le Témoin.

 19   Est-ce que nous pouvons commencer par vous demander de nous donner

 20   vos noms et prénoms, s'il vous plaît.

 21   R.  Je m'appelle Teufika Ibrahimefendic.

 22   Q.  Et Madame Ibrahimefendic, est-il exact de dire que vous avez déjà

 23   déposé devant ce Tribunal à trois occasions déjà par le passé dans

 24   l'affaire Tolimir au mois de février de l'année 2011; dans l'affaire

 25   Plavsic en décembre 2002; et particulièrement dans l'affaire le Procureur

 26   contre Krstic le 17 [comme interprété] juillet de l'an 2000 ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  D'après ce que j'ai compris, vous avez eu l'occasion de revoir votre


Page 26676

  1   déposition dans l'affaire Krstic. Et compte tenu du fait que ceci

  2   concernait ce qui a été porté à la connaissance de tout un chacun en l'an

  3   2000, pouvez-vous confirmer que votre déposition est le reflet exact et

  4   véridique, votre déposition devant la Chambre, et que concernant les mêmes

  5   questions, si elles vous étaient posées aujourd'hui, vous fourniriez les

  6   mêmes informations aux Juges de la Chambre de première instance. Autrement

  7   dit, est-ce que vous maintenez votre déposition dans l'affaire Krstic ?

  8   R.  Oui, tout à fait. Je maintiens cette déposition.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 10   au dossier du numéro 03261 65 ter, la déposition dans l'affaire Krstic.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera versé au dossier comme

 12   étant la pièce à conviction suivante de l'Accusation.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P4646.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   M. TIEGER : [interprétation]

 16   Q.  Madame Ibrahimefendic, je veux maintenant vous lire un très court

 17   résumé de votre déposition dans l'affaire Krstic, de façon à ce qu'on sache

 18   de quoi il s'agit.

 19   Le témoin est une psychothérapeute qui travaille avec les enfants et les

 20   personnes qui ont été traumatisés par la guerre. Depuis 1980 [comme

 21   interprété], cette personne travaille pour une organisation

 22   pluridisciplinaire spécialisée dans le traitement des victimes de guerre, y

 23   compris des centaines de femmes et d'enfants traumatisés à Srebrenica. Le

 24   témoin a parlé des effets de ce traumatisme sur les victimes de Srebrenica,

 25   y compris les différentes formes d'effets affectifs et comportementaux.

 26   Madame le Témoin, j'en ai terminé avec le résumé de votre déposition, j'ai

 27   quelques questions à vous poser qui seront brèves.

 28   En premier lieu, je souhaite rapidement voir avec vous certains éléments


Page 26677

  1   vous concernant. Vous avez déposé dans l'affaire Krstic.

  2   Est-il exact que vous avez continué à travailler comme psychothérapeute à

  3   Zuvenje [phon], et que vous êtes actuellement coordonnatrice du programme

  4   de formation et d'éducation ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Est-il également exact de dire que depuis l'an 2000, vous avez continué

  7   à travailler dans le domaine du traitement de traumatisme, vous êtes

  8   devenue spécialiste en la matière, et vous avez organisé des formations

  9   pour d'autres personnes dans d'autres métiers, comme des chercheurs, des

 10   enquêteurs, et des personnes chargées de faire respecter la loi, et cetera,

 11   d'autres catégories professionnelles ?

 12   R.  Oui, c'est exact. Je suis la coordonnatrice de l'équipe chargée

 13   d'éducation.

 14   Q.  Et au-delà de vos responsabilités en tant que gestionnaire et

 15   responsable des programmes de formation, avez-vous eu à gérer un certain

 16   nombre de dossiers qui représentent l'essentiel de votre métier ?

 17   R.  Le plus clair de mon temps, à savoir 60 %, est dédié au travail que je

 18   consacre aux personnes qui ont été victimes de traumatisme.

 19   Q.  Est-il exact que vous êtes membre de l'Association européenne de

 20   psychothérapeutes de Gestalt de psychothérapeutes ?

 21   R.  Oui, c'est exact. Depuis 2004, je suis membre de l'Association

 22   européenne de Gestalt -- de psychothérapie Gestalt.

 23   Q.  Est-il exact de dire que vous avez travaillé avec des victimes serbes

 24   de guerre, ainsi que des victimes bosniennes ?

 25   R.  Oui, oui. J'ai travaillé avec des victimes serbes, et des personnes qui

 26   ont subi des pertes.

 27   Q.  Alors, je vais vous poser quelques questions en rapport avec votre

 28   déposition dans l'affaire Krstic.


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  1   A la page 5 841 [comme interprété] de votre déposition dans l'affaire

  2   Krstic, vous avez parlé du degré de traumatisme extrêmement élevé qui était

  3   celui des survivants de Srebrenica et des effets divers et variés et

  4   traumatisants sur leur vie. A la page 35 824 [comme interprété], vous avez

  5   dit qu'il ne s'agissait pas d'une catastrophe naturelle, ce qui rendait

  6   ceci d'autant plus traumatisant.

  7   Je souhaite, par conséquent, vous poser cette question-ci, pour ce qui est

  8   des effets induits par la perte de membres de la famille, y a-t-il une

  9   différence entre ce qu'on appelle une perte soi-disant normale ou classique

 10   et une perte suite à un traumatisme ?

 11   R.  Chaque être humain passe par différents stades d'évolution au moment de

 12   sa vie; il y a une période de maturation, et ensuite de vieillissement, et

 13   un individu souffre de la perte d'autres êtres humains, c'est qui est

 14   considéré comme normal. Par exemple, si un adulte âgé de 60 ans perd un

 15   parent, on estime dans ce cas qu'il s'agit d'une perte normale, et de

 16   telles pertes peuvent engendrer des changements provisoires, ou plutôt

 17   exiger une plus grande adaptabilité ou un ajustement aux conditions de vie.

 18   Néanmoins, cette personne ainsi que les autres membres de la famille

 19   continuent à vivre normalement.

 20   Donc il y a une différence importante entre les pertes qui font partie de

 21   la vie et les pertes qui sont dues à un traumatisme. Les pertes dues à un

 22   traumatisme, je peux vous donner un exemple, la perte d'un enfant, pas en

 23   temps de guerre, parce qu'il n'est pas normal qu'un enfant meure avant un

 24   de ses parents.

 25   Les pertes dues à un traumatisme qui sont subies pendant une guerre sont

 26   particulièrement un facteur de stress, parce que ces pertes sortent de

 27   nulle part, elles sont imprévisibles, car dans de nombreux cas, les parents

 28   perdent leurs enfants. Les enfants ont été emmenés ou ils sont portés


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  1   disparus. Et dans le cas d'hommes de la famille, ceci a une très grande

  2   incidence sur les membres de la famille ainsi que de la structure

  3   familiale, et de la relation entre les différents membres de la famille, et

  4   les différents rôles joués par chacun. Et d'un autre côté, ceci a une

  5   incidence très forte sur le développement des enfants.

  6   Donc ces pertes dues à un traumatisme sont des pertes qui sont toujours

  7   suivies par des effets post-traumatiques que les survivants doivent subir

  8   pour le restant de leur vie.

  9   Q.  Merci. Devant la Chambre de première instance chargée de l'affaire

 10   Krstic, cinq ans après les événements de juillet 1995, vous avez parlé de

 11   certains effets subis par les victimes dans le cadre de ces traumatismes, y

 12   compris la dépression, l'apathie, le cauchemar, ainsi que différents

 13   retards psychologiques qui ont été qualifiés d'"extrêmement graves". Il y a

 14   des enfants qui ont souffert, cela dépendait de l'âge de l'enfant, de

 15   différents effets variant ou allant de cauchemars à difficultés

 16   d'apprentissage et craintes de différentes natures, et sentiment de

 17   retrait.

 18   Et compte tenu du fait que vous continuez à travailler avec les victimes,

 19   je me demande si vous pourriez nous parler ou nous dire quels sont les

 20   effets induits par tout ceci par les victimes suite aux traumatismes qu'ils

 21   ont vécus, et si c'est utile, est-ce que vous pouvez nous donner une

 22   classification à différentes catégories et nous citer des exemples pour

 23   chaque catégorie ?

 24   R.  Ce qui résulte d'un traumatisme initial ou plutôt d'un traumatisme qui

 25   commence au début d'une guerre, ou qui a eu lieu au début d'une guerre,

 26   peut être réparti en différentes conséquences, conséquences qui ont un

 27   effet sur l'élément affectif de la personne, sur l'aspect cognitif d'un

 28   individu. Il y a des conséquences qui ont un effet physique, ou ceci


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  1   pourrait avoir une incidence sur les échanges et relations avec les autres

  2   personnes.

  3   Pour ce qui est de l'élément affectif, le sentiment qui ressort toujours

  4   est celui de la crainte, c'est la crainte qui domine. La peur pour soi-

  5   même, la peur pour les membres de sa propre famille, et l'inquiétude,

  6   l'angoisse par rapport à sa propre vie et la vie d'autres membres de la

  7   famille, l'angoisse liée aux dangers physiques et à la menace physique. Il

  8   y a également d'autres émotions qui ont été citées, comme le manque de

  9   contrôle de sa propre vie et un sentiment de désarroi, et la colère, le

 10   chagrin.

 11   Les gens étaient en colère. Pourquoi tout ceci se passait-il ? Pourquoi

 12   cela arrivait-il à eux en particulier ? Et encore aujourd'hui, il y a des

 13   personnes qui me posent cette question : Pourquoi ceci m'est-il arrivé ?

 14   Pourquoi étais-je là à ce moment-là ? Et ensuite la question suivante :

 15   Aurais-je pu agir différemment ? Aurais-je pu prendre des mesures qui

 16   auraient permis de sauver leurs êtres chers.

 17   Donc, toute une palette d'émotions qui entrent en jeu ici. Il y a des

 18   changements, des changements d'humeur, et cela va jusqu'au sentiment de la

 19   trahison, du sentiment d'avoir été trompé, et on ne peut plus faire

 20   confiance à quelque situation que ce soit.

 21   Alors, pour ce qui est des conséquences physiques, celles-ci sont liées au

 22   stress de la personne en question. Les personnes se sentent en état de

 23   stress permanent. Ce sont des personnes qui souffrent d'insomnie, de

 24   nutrition ou qui ont du mal à s'alimenter, et qui ont des problèmes de

 25   transpiration, et ces personnes se tournent, dans la plupart du cas, vers

 26   un médecin.

 27   Les problèmes comportementaux se manifestent de la façon suivante :

 28   ces personnes sont soit seules, soit elles établissent un lien avec


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  1   quelqu'un d'autre et deviennent indépendantes de cette autre personne. Mais

  2   il y a aussi des incidences qui ont été perçues au sein d'une même famille,

  3   lorsque certains membres de la famille ont été traumatisés ou certains

  4   membres qui ont été davantage traumatisés que d'autres, dans ce cas, ces

  5   personnes-là ne partagent pas leur traumatisme avec les autres membres de

  6   la famille et se dissocient ou se prennent leurs distances par rapport aux

  7   autres membres de leur famille, ce qui conduit à des pertes de mémoire, des

  8   difficultés à prendre les décisions et il devient très difficile de prendre

  9   une décision pour ces personnes. Ces personnes se figent, deviennent

 10   rigides et sont incapables de faire les choses qu'elles avaient autrefois

 11   l'habitude de faire. Très souvent, ces personnes peuvent revenir en arrière

 12   et avoir des souvenirs d'un temps antérieur. Mais ces retours en arrière

 13   sont involontaires. Ce sont les souvenirs des pertes qu'ils ont subies, et

 14   ceci les empêche de fonctionner normalement au quotidien.

 15   Mais le fait le plus important, ou la conséquence la plus importante

 16   concerne leurs relations et échanges avec les autres personnes. Les gens ne

 17   se font plus confiance et le fil est rompu. Ils n'ont plus la capacité de

 18   se mettre à la place des autres et de les comprendre. Donc, ils évitent de

 19   parler aux autres. Ils ne parlent plus d'eux-mêmes aux autres, en

 20   particulier lorsque ces membres de la famille sont des amis. Ils n'en

 21   parlent pas à leurs enfants parce qu'ils veulent épargner à leurs enfants

 22   ce traumatisme. Mais ceci conduit à une perte de contacts, et tout ceci

 23   reste caché.

 24   Donc, ceci a un effet très important sur leur vie au plan affectif,

 25   cognitif, au plan du comportement et au niveau physique également, ce qui

 26   constitue le fondement de ce type de traumatisme. Et ceci est lié au

 27   traumatisme qu'ils ont vécu depuis le début et jusqu'au jour dont nous

 28   parlons.


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  1   Q.  Merci, Madame le Témoin. Et pour finir, je souhaitais vous poser une

  2   question au sujet d'une question annexe. Vous venez de parler des effets

  3   qui se font encore sentir aujourd'hui, effets des traumatismes en question,

  4   et je souhaitais vous demander si vous avez pu remarquer si oui ou non

  5   quels effets ont été induits suite aux événements de juillet 1995 et ces

  6   personnes vers lesquelles elles sont tournées, qui les ont aidées à ce

  7   moment-là, après la perte subie et le traumatisme ?

  8   R.  Lorsqu'un événement très traumatisant se produit, si un individu est

  9   blessé, et que cet individu fait partie d'un groupe familial, ceci touche

 10   l'ensemble de la famille. Si plusieurs membres de la famille sont touchés,

 11   la destruction de la famille tout entière devient encore plus importante.

 12   Il s'agit d'un réseau. Si un membre de la famille est touché, dans ce

 13   cas le réseau entier des familles est touché. Si le réseau entier est

 14   touché, toute la communauté est touchée. Et si on réfléchit un petit peu à

 15   ces événements extrêmement traumatisants, eh bien, on peut comprendre que

 16   des communautés tout entières sont touchées par cette tristesse, cette

 17   souffrance, ce désarroi. Et dans de telles circonstances, les victimes

 18   doivent trouver les ressources en elles-mêmes pour affronter la situation.

 19   L'être humain, dans ce cas, appuie sur le bouton qui est celui de la

 20   survie, soit en s'enfuyant, soit en se battant. Dans ce cas précis, ils ne

 21   pouvaient pas aller nulle part, les personnes ne pouvaient pas s'enfuir. Et

 22   donc, elles se tournent vers elles-mêmes et trouvent les ressources en

 23   elles-mêmes pour survivre et s'occuper des êtres chers dont elles se

 24   sentent responsables.

 25   Q.  Merci, Témoin.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.


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  1   Madame Ibrahimefendic, votre interrogatoire au principal vient de prendre

  2   fin. Votre témoignage antérieurement fait sous forme écrite a été versé au

  3   dossier. Alors, vous allez maintenant être contre-interrogée par M.

  4   Karadzic.

  5   A vous, Monsieur Karadzic.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Ibrahimefendic.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Je voudrais commencer par ce qui s'est dit aujourd'hui. Je suis quelque

 11   peu dans la confusion pour ce qui est de la façon dont l'interprète a

 12   interprété les propos de M. Tieger et par ce que vous avez dit.

 13   Vous avez précisé que vous avez procédé à l'éducation des personnes

 14   traumatisées, or on a traduit "par soins dispensés à l'attention des

 15   traumatisés." Qu'est-ce qui est exact ?

 16   R.  J'ai dispensé des soins et j'ai éduqué des professionnels, c'est-à-dire

 17   des gens qui interviennent avec des personnes traumatisées. Je leur ai

 18   transmis des connaissances au niveau des traumatismes, parce que

 19   l'organisation où je travaille dispose ou organise des stages de formation

 20   complémentaires, et ceci, au niveau européen. Plusieurs centres chargés de

 21   remédier au traumatisme interviennent. Donc, nous travaillons avec des

 22   personnes qui sont traumatisées, qui sont des victimes de torture. Nous

 23   partageons nos connaissances et nos acquis, et ce, notamment pour aider les

 24   professionnels afin qu'ils aient plus de facilité à faire face aux

 25   problèmes auxquels sont confrontées les personnes qui demandent de l'aide.

 26   Des fois ils ne savent pas reconnaître le fait que les problèmes sont

 27   générés par des traumatismes et par des pertes. On a tendance à considérer

 28   que c'est d'autres types de problèmes que ces personnes rencontrent.


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  1   Q.  Merci. En page 72, vous avez dit aujourd'hui qu'il y avait des pertes

  2   normales. Alors, j'aimerais qu'on détermine ce que sont les autres pertes.

  3   Elles sont anormales ou elles sont imprévisibles, sont-elles inattendues

  4   peut-être ? Quelles sont ces alternatives qui se trouveraient être à

  5   l'opposé de ce que vous avez qualifié de pertes normales ?

  6   R.  Pour ce qui est des pertes qui sont traumatisantes, je dirais tout ce

  7   que j'ai déjà prononcé, à savoir que c'était non prévisible. Ce n'est pas

  8   normal non plus. Parce que quand quelqu'un est malade, on peut, d'une

  9   certaine façon, au niveau de la famille et des proches, se préparer au fait

 10   qu'un membre de la famille va mourir bientôt.

 11   Mais là, on parle de choses qui étaient imprévisibles et qui

 12   n'étaient pas normales, parce qu'il n'est pas normal de voir quelqu'un

 13   perdre 20 membres de sa famille.

 14   Q.  Merci. Lorsque vous avez, en page 73, continué par dire qu'il y a eu

 15   une phénoménologie symptomatique, vous avez indiqué quelles étaient les

 16   conséquences sur le plan émotionnel, cognitif, au niveau physique et au

 17   niveau des relations interpersonnelles.

 18   R.  Oui, en effet.

 19   Q.  Comment ces phénomènes, ces fonctions-là, se manifestent-ils au niveau

 20   de la population, celle qui n'a pas connu de traumatisme ?

 21   R.  On pouvait dire que le nombre de ceux qui n'ont pas été affectés par

 22   des traumatismes se trouve être fort petit. Même moi, je travaille avec des

 23   personnes traumatisées. Ce nombre, donc, est très, très petit. Mais il y a

 24   des différences. Les gens qui ont souffert, qui ont eu une grande tristesse

 25   du fait de la guerre, cette tristesse, ils ne la partagent pas. Ils se

 26   renferment sur eux, et ces personnes ont le sentiment très souvent que

 27   personne ne pourrait leur venir en aide. Bien que, de plus en plus de

 28   personnes viennent demander de l'aide parce qu'elles finissent par


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  1   comprendre qu'elles ne peuvent pas résoudre le problème tout seul, qu'il

  2   fallait le partager avec autrui. Il faut donc faire face au problème. Il

  3   faut aussi avoir conscience du fait que les années passent, mais on

  4   n'arrive pas à oublier.

  5   Et cette population qui est, disons, normale partage cela plus avec

  6   les autres. Il n'y a pas de sentiment de culpabilité ou de sentiment de

  7   honte. Il y a peut-être aussi un sentiment de colère qui intervient, mais

  8   ces gens-là sont plus disposés à partager avec autrui et à demander de

  9   l'aide. Je crois que c'est à ce niveau-là que se situe la différence.

 10   Q.  Merci. Ai-je raison de dire, si je formule l'opinion qui serait celle

 11   de l'affirmer, que vous avez procédé à des recherches qui, par rapport au

 12   groupe qui sert de référence et de contrôle par rapport à la population

 13   générale, vous avez montré la differentia specifica, c'est-à-dire la

 14   différence spécifique qui consiste à indiquer ceux qui ont vécu un

 15   traumatisme et l'absence de ce type de comportement au niveau de ceux qui

 16   n'avaient pas connu de traumatisme ?

 17   R.  Oui, nous avons procédé à des recherches quantitatives, mais la plupart

 18   des recherches étaient quand même des recherches qualitatives. Nous sommes

 19   intervenus bras dessus bras dessous avec d'autres organisations, avec des

 20   facultés, par exemple, l'Université de Tuzla et l'Université de Baal

 21   [phon]. Nous avons procédé à des recherches interdisciplinaires, dirais-je,

 22   et il y avait un secteur non gouvernemental d'un côté, et l'université de

 23   l'autre, l'Université de Baal, concrètement parlant, et nous avons procédé

 24   à des recherches. Ce qui nous permettrait de dire qu'il y a des

 25   différences, c'est le fait que les personnes traumatisées se trouvaient

 26   être plus sensibilisées, elles sont plus dépressives aussi, elles sont plus

 27   anxieuses. Il y a bien plus de symptômes de perturbation post-traumatique

 28   et de stress. Il y a des symptômes compulsifs et obsessifs par rapport au


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  1   groupe qui nous a servi de paramètres de contrôle. Ce qui l'emporte c'est

  2   cette corrélation entre les relations qui existent au niveau des relations

  3   humaines, cette sensibilisation à toute chose au niveau des contacts

  4   humains. Il y a un appauvrissement de la qualité de la vie des personnes

  5   qui ont subi des traumatismes.

  6   Q.  Merci. Qui avait été à la tête de ce projet de recherche ?

  7   R.  Les chefs des projets en matière de recherche, c'étaient des

  8   professeurs, des doyens de la faculté de médecine, de la faculté de

  9   réhabilitation, il y avait aussi la faculté de Baal qui s'occupe

 10   d'activités sociales, et il y avait aussi la faculté des activités sociales

 11   à Tuzla.

 12   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut voir les résultats des recherches effectuées ?

 13   R.  Pour le moment, non, parce que c'est une recherche qualitative et c'est

 14   encore en cours d'élaboration.

 15   Ces résultats pour ce qui est de la recherche que j'ai déjà

 16   mentionnée, c'est plus en corrélation avec la délinquance des mineurs, et

 17   il y a plusieurs segments à approfondir, donc les recherches ne sont pas

 18   encore terminées. Mais nous avons, nonobstant ce fait, bon nombre de cas de

 19   figure individuels que nous avons traités et analysés, et cetera.

 20   Q.  Alors, est-ce que je dois tirer une conclusion qui serait celle de dire

 21   que ce que vous avez avancé ou affirmé dans l'affaire Krstic, et ce que

 22   vous affirmez aujourd'hui, ce n'est pas des témoignages partant des

 23   résultats des recherches mais partant de vos impressions ?

 24   R.  Non. Nous sommes régulièrement participants à la totalité des

 25   conférences qui se tiennent ou qui se déroulent en Bosnie-Herzégovine et

 26   au-delà, et nous mettons à profit les recherches de tous nos collègues, par

 27   exemple, les collègues psychiatres de Tuzla. Nous nous servons des

 28   résultats de leurs recherches. Ce n'est pas forcément des recherches à


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  1   nous. Nous utilisons les recherches effectuées par quelqu'un d'autre, et

  2   nous vérifions, par exemple, cela dans la pratique des dissertations

  3   doctorats pour ce qui est du traumatisme, des perturbations de stresse

  4   post-traumatique, les dissertations en matière de doctorats s'agissant des

  5   recherches à effectuer pour ce qui concerne les personnes ayant dans leurs

  6   familles des personnes malheureuses ou des individus affectés par des

  7   événements. Donc, on compare avec d'autres groupes où il n'y a pas ce type

  8   de problème.

  9   Ce qui fait que les résultats, on les connaît. Je ne vois pas de

 10   raison de le dire, parce que nous procédons surtout à des soins, parce que

 11   toutes ces études, ce sont des matières à diagnostique. Ce que nous voulons

 12   par là c'est procéder ou dispenser des soins à l'attention de ces gens.

 13   C'est notre objectif principal. Parce qu'en Bosnie, pas plus qu'en

 14   Republika Srpska, je le sais également, il y a un centre pour la santé

 15   mentale des gens, où l'on est en train de créer des préalables pour

 16   fonctionner avec des personnes qui ont survécu à la guerre. Mais il en va

 17   de même pour ce qui est de la Fédération. Ces centres chargés des personnes

 18   avec des problèmes mentaux, on les forme afin qu'ils puissent recevoir ou

 19   accueillir les gens qui ont des problèmes mentaux.

 20   Parce que ces gens, quand ils vont voir un dispensaire, un hôpital

 21   qui est chargé de dispenser des soins élémentaires, il faut demander des

 22   carnets d'assurer -- il faut passer par tout un cheminement où c'est

 23   pénible pour eux. Ils doivent parler de leurs pertes. Il faut qu'on prête

 24   attention à leur propos, qu'on reconnaisse le fait qu'ils ont subi des

 25   traumatismes, pour qu'on leur permette de regagner ou de récupérer leur

 26   confiance à l'égard des autres personnes.

 27   Q.  Merci. Mais moi je voudrais que nous déterminions ensemble le fait

 28   suivant : est-ce que vous êtes en train de témoigner partant de


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  1   dissertations de doctorats rédigés par autrui, ou est-ce que vous êtes en

  2   train de témoigner partant de votre travail professionnel ?

  3   R.  Non, je peux témoigner partant de mon expérience. C'est là que je me

  4   sens comme un poisson dans l'eau. Je parle donc de ces travaux avec les

  5   personnes traumatisées. Je parle des connaissances théoriques que j'ai

  6   acquises au fil des 20 dernières années, puisque auparavant on n'en avait

  7   pas eues.

  8   Je peux témoigner aussi sur la base de ce que j'ai effectué comme activités

  9   en compagnie d'experts mondiaux en matière de traumatisme. Il y a des

 10   milliers d'heures de supervision de passées avec eux. Il y en a plus de 2

 11   000. Lorsque je suis devenue membre de l'association internationale, j'ai

 12   dû joindre toutes ces études ou toutes ces attestations à l'appui, et nous

 13   avons donc des institutions chargées de la supervision et nous vaquons à

 14   des analyses de la situation du processus post-traumatique. Nous ne prenons

 15   pas en considération le traumatisme comme étant une maladie. Ce n'est pas

 16   donc un diagnostic individuel que nous sommes en train de parler. Nous

 17   parlons ou nous prenons en considération un traumatisme comme étant un

 18   processus qui se déroule depuis le début de la guerre jusqu'à nos jours. Et

 19   ces personnes traumatisées de nos jours et les réactions à ces

 20   traumatismes, ça fait partie d'un processus. Parce que les symptômes ne

 21   sont pas les mêmes.

 22   Peut-être pourrais-je dire les choses autrement. Selon les experts, par

 23   exemple si on prend le modèle de Keilson par rapport à la traumatologie

 24   séquentielle, et cet homme est un expert en matière de traumatisme, si l'on

 25   se réfère donc à ce concept-là, le traumatisme est considéré comme étant un

 26   processus, et il subdivise ces traumatismes de réfugiés en sept séquences.

 27   La première des séquences se rapporte à ce qui s'est passé avant la guerre,

 28   donc la situation pré-traumatique, lorsqu'on a vécu de façon normale, ou la


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  1   personne en question a vécu d'une façon normale. Puis il y a une situation

  2   de persécution, une situation où la personne doit quitter sa maison, soit

  3   de son plein gré, soit du fait de pression, et cet individu décide de s'en

  4   aller seul, ou alors décide de s'en aller avec sa famille entière. Il y a

  5   donc cette période de fuite.

  6   Q.  Merci. Mais je dois vérifier, je dois vérifier qu'on ne me donnera pas

  7   plus d'une heure.

  8   Tout ceci est bien beau et votre travail est utile, mais s'agissant des

  9   besoins et des nécessités de ce procès, moi, je voudrais que nous

 10   déterminions ce qu'il y a d'objectif et ce qui est devenu objectivilisé

 11   [phon] et qu'est-ce qui est subjectif. Alors, qu'est-ce que vous avez

 12   déterminé de façon objective ? Vous parlez d'un modèle, où le groupe en

 13   tant que tel est un groupe de contrôle. Avant les événements, ces mêmes

 14   gens avaient été utilisés comme groupe de contrôle. Est-ce que vous avez

 15   procédé à des recherches au niveau de la population de Srebrenica, avant

 16   l'événement, les événements cruciaux pour pouvoir comparer ?

 17   R.  Non, ce n'est pas le cas.

 18   Q.  Bon. Est-ce que vous avez eu des recherches d'effectuées au niveau du

 19   groupe de contrôle pour déterminer quels sont les troubles cognitifs,

 20   émotionnels, physiques et interpersonnels pour ce qui est des personnes

 21   traumatisées, et pour ce qui est des personnes non traumatisées ?

 22   R.  Notre organisation, oui. Moi, personnellement, je n'ai pas participé à

 23   ce type de recherche, mais je sais ou j'ai été participante à l'occasion de

 24   la présentation des résultats de ces recherches. Et je vais dire que toute

 25   recherche nécessite de l'argent. Et nous avons estimé que si quelqu'un a

 26   procédé à des recherches, nous n'avions pas à répéter ou réitérer ce type

 27   de recherche, et c'est avec pleine confiance que nous étions habilités à

 28   utiliser ce type de résultat de recherche pour nos activités, mais on ne


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  1   l'a pas fait.

  2   Q.  Oui. Pour vos activités, vous pouvez vous servir de leurs recherches.

  3   Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que l'on ne vous pouvez pas vous

  4   servir de leur recherche pour ce qui est de ce témoignage-ci, ici ?

  5   R.  Je ne pense pas me servir de leurs recherches. Je me sers de mon

  6   expérience, des approches interdisciplinaires à ces problèmes. Je me suis

  7   servi aussi des tests que nous avons effectués. Par exemple, nous avons

  8   testé des milliers de gens pour ce qui est du traumatisme subi. Ces tests

  9   sont reconnus en tant que tels. Et si en vertu de ces tests, il est

 10   déterminé que les gens en question avaient, manifestaient ce type de

 11   symptômes, et si partant de ce type de tests, nous avons la possibilité de

 12   dire, de savoir dans quelle direction il faut aller avec ces gens. S'ils

 13   ont, par exemple, des symptômes de revécu de certains événements, ou des

 14   symptômes de sensibilisation ou de fuite, d'évasion, pour ce qui est de

 15   reparler des traumatismes, ça nous indique de quelle façon il faut s'y

 16   prendre avec ces gens, et ça nous a suffi pour organiser nos activités.

 17   Q.  Moi, je veux bien croire que cela a suffi pour travailler dans cette

 18   organisation et pour travailler avec vos clients. Je sais que vous avez

 19   cette aptitude à l'empathie. Mais est-ce que vous estimeriez que vous êtes

 20   une personne sympathisante et sensibilisée?

 21   R.  Oui. Parce que les personnes qui ne peuvent pas vivre une situation,

 22   qui a été le vécu d'une autre personne, qui n'arrive pas à comprendre ce

 23   que l'autre personne a vécu, peut considérer qu'elle n'est pas à même de

 24   l'aider. Il faut créer un lien de thérapeute à personne soignée. Et partant

 25   de cette position-là, on est censés pouvoir venir en aide à une personne

 26   qui a besoin d'aide.

 27   Q.  Merci. Si l'on dissocie votre travail avec vos patients ou vos clients,

 28   de ce témoignage, moi, je dois vous dire franchement ce à quoi je tiens à


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  1   aboutir, ce que je voudrais obtenir.

  2   Dans votre témoignage antérieur dans l'affaire Krstic, il y a eu beaucoup

  3   de présentation d'éléments théoriques, et tout ceci est correct. Mais il y

  4   a eu aussi des éléments émotionnels où l'on voit que vous sympathisez avec

  5   ces personnes, que vous êtes à même de comprendre les souffrances d'autrui.

  6   Mais pour les besoins de ce procès, ici, je voudrais que nous dissocions

  7   vos connaissances théoriques et votre vécu émotionnel de ce qui a été

  8   déterminé de façon objective.

  9   C'est la raison pour laquelle je vous demande si vous êtes à même de nous

 10   dire ce que vous avez déterminé, et ce, de façon scientifique, avec recours

 11   à des groupes de contrôle ? Comment avez-vous déterminé ce qu'il est

 12   convenu d'appeler differentia specifica ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, avant que vous ne répondiez,

 14   Madame. Monsieur Tieger.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Peut-être ne suis-je pas à même de suivre au

 16   mieux le débat, mais il me semble que ça fait trois fois que la même

 17   question a été posée au témoin, et le témoin a indiqué clairement quelles

 18   sont les positions de départ à partir desquelles elle a formulé ses

 19   positions. Donc je fais objection.

 20   Autre chose encore, tout d'abord, on a demandé au témoin de procéder à la

 21   reconstruction de son premier témoignage dans l'affaire Krstic; chose qui

 22   est impossible. Parce que l'accusé a formulé l'avis au terme duquel son

 23   témoignage se serait fondé sur des prémices théoriques. Or, le témoin a dit

 24   au moins deux fois que ça s'est basé sur son expérience, et ce, notamment

 25   au niveau du groupe Vive Zene.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on a pris connaissance de la chose,

 27   on a pris bonne note de la chose. Le témoin a commencé à répondre à la

 28   question, et M. Karadzic a présenté la cause qu'il défend pour ce qui est


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  1   de la nature au sujet de son témoignage. Je crois qu'il faut autoriser le

  2   témoin à continuer à répondre.

  3   Alors Madame, est-ce que vous êtes à même de répondre si tant est que

  4   vous vous souvenez encore de la question ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois reconnaître que je ne me

  6   souviens pas du tout, parce qu'il y a eu plusieurs sujets d'abordés de mon

  7   avis. Il y avait l'empathie, d'une part, il y avait la présentation

  8   théorique ou des éléments théoriques de mon témoignage, et le troisième

  9   élément, cela a été les éléments émotionnels qui étaient impliqués.

 10   Alors c'est ainsi que j'ai compris les choses, alors j'aimerais vous

 11   répétiez si possible.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Bon. Est-ce que vous diriez de vous que vous êtes une personne

 14   sensible ou sensitive ?

 15   R.  Sensible ou sensitive ?

 16   Q.  Que je dirais-je à mon propre sujet; est-ce que vous diriez l'un,

 17   l'autre ou les deux ?

 18   R.  Une personne sensitive.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez indiquer aux Juges de la Chambre quelle

 20   est la différence entre l'empathie et l'identification par laquelle on se

 21   projette soi-même dans le cas de figure d'autrui ?

 22   R.  L'empathie c'est une propriété, une qualité importante. C'est une

 23   qualité du thérapeute, parce que au cours de ce processus thérapeutique,

 24   cette personne est censée comprendre ce qui se passe avec son patient ou

 25   son client. En d'autres termes, il ne faut pas condamner le patient, il ne

 26   faut pas le jauger, il faut essayer de vivre sa propre situation pour

 27   comprendre ce qui se passe avec cette personne ou, plutôt, comprendre ce

 28   qui s'est passé avec cette personne qui est en train de vous parler de ses


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  1   souffrances.

  2   Et pour être plus clair encore, je dirais, par exemple, que si

  3   quelqu'un fait deux mètres de haut - ce n'est peut-être pas un exemple

  4   approprié mais je ressens le besoin de l'expliquer de la sorte. Alors,

  5   comment se sent cette personne qui fait deux mètres de haut, moi, il

  6   faudrait qu'apathiquement je vive sa situation parce que lui voit les

  7   choses avec une perspective tout à fait différente. Ce n'est pas le bon

  8   exemple, mais je crois que ça permet d'expliquer un peu l'empathie.

  9   Q.  Et cette identification par laquelle on se projette dans le cas de

 10   figure d'autrui, comment expliquez-vous cela ?

 11   R.  Je dois reconnaître qu'il faut se préserver de cette projection, et

 12   c'est une grande lutte par tout thérapeute. Parce que si on veut être un

 13   professionnel et si on dit que j'ai été aidé grandement par la supervision

 14   de ce qui se passe à mon niveau, qu'est-ce que je ressens pendant que

 15   j'écoute le récit de la personne qui est en face de moi. Est-ce que je peux

 16   comprendre ce qui est en train de se passer ou est-ce que je ressens les

 17   choses comme si c'était moi qui avais vécu cela ? C'est un grand combat, et

 18   l'aptitude à réaliser ce combat, ça s'édifie pendant des années. Je crois

 19   qu'il est très important pour les thérapeutes qu'ils se fassent conscients

 20   de la nécessité d'éviter ce type de position pour rester objectif. De tout

 21   mon cœur, mais non pas de tout mon cœur, mais de tout mon sens des

 22   responsabilités, je m'efforce d'édifier des mécanismes pour maintenir ou

 23   perpétuer une attitude neutre, et si jamais cette attitude se perd, il faut

 24   que je sois consciente de ce qui se passe à mon niveau.

 25   Q.  Merci. Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que cette

 26   identification par la projection c'est un processus subconscient ? Comment

 27   allez-vous devenir consciente de ce processus subconscient ?

 28   R.  Si mon intervention au niveau de la thérapie se trouve être


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  1   l'expression d'un transfert ou contre-transfert de ma part au niveau de la

  2   personnalité, alors je pourrais -- enfin je devrais non pas rester seule

  3   mais avoir quelqu'un pour devenir consciente de ceci. Il faudrait que je

  4   comprenne si c'est mon expérience personnelle ou si c'est le transfert de

  5   personnalité qui parle, et la supervision permet de le faire, parce que

  6   sans supervision, travailler avec des personnes traumatisées c'est quelque

  7   chose de très, très difficile. Ça peut vous amener à devenir victime vous

  8   aussi, même si vous êtes un thérapeute.

  9   Q.  Bon. On va laisser ce sujet de côté.

 10   Comme vous le savez, on ne peut pas le faire tout seul. Est-ce que vous

 11   avez fait l'objet d'une thérapeutique et d'un traitement vous-même ?

 12   R.  Oui. A l'occasion de cette formation en terme de psychothérapie, j'ai

 13   été soumise moi-même à des examens de psychothérapeute. Et il y a eu

 14   d'autres occasions où j'ai procédé à des thérapeutiques individuelles. Je

 15   ne vais pas les citer toutes. Mais cette phase-là, ça été lié à l'obtention

 16   d'un diplôme. J'ai eu aussi affaire à des psychothérapeutes, des

 17   psychodramaturges, des thérapeutes de toute nature pour parler de la

 18   situation dans laquelle se trouvaient mes clients, et pour parler aussi de

 19   la façon dont ces personnes ont présenté les souffrances qui étaient les

 20   leurs.

 21   Q.  Merci. Je vais revenir à en une phrase vers ce que vous avez dit à

 22   l'occasion de l'interrogatoire principal. Est-ce que vous diriez qu'en

 23   temps de guerre, les pertes c'est quelque chose d'imprévisible, et ça ne

 24   peut pas être autre chose qu'inattendue ? Est-ce que c'est plus inattendu

 25   qu'une perte que vous pourriez, par exemple, subir du fait d'un accident de

 26   la circulation routière ?

 27   R.  Eh bien, lorsqu'une guerre éclate, il règne ce sentiment de l'inconnu.

 28   On sait quand a commencé, mais on ne sait pas comment quand cela va se


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  1   terminer, ce qui augmente d'autant le sentiment de stress, et les gens

  2   acceptent le risque.

  3   En d'autres termes, les gens font un choix conscient. Mais en temps de

  4   guerre, les gens n'ont pas de choix. Par exemple, je suis venue à La Haye

  5   en avion, et je puis dire personnellement que je n'ai jamais envisagé la

  6   possibilité d'un accident, je n'y ai même jamais pensé. Cela ne m'a jamais

  7   traversé l'esprit. Mais cela a été mon choix, j'ai choisi de voyager ainsi.

  8   Mais en temps de guerre, les gens n'ont pas de choix, et les gens ne

  9   peuvent pas prendre de décision par eux-mêmes. Ce ne sont pas leurs propres

 10   décisions, ou plutôt, des gens peuvent prendre des décisions qui

 11   s'avèreront être des décisions fort néfastes pour eux à l'avenir.

 12   Q.  Je vais essayer de poser des questions courtes, et je vous demande de

 13   brièvement répondre brièvement également.

 14   R.  Oui, je le ferai.

 15   Q.  Savez-vous que la 28e Division, à elle seule, avant le mois de juillet

 16   1995 avait subi 2 000 pertes en hommes environ ?

 17   R.  Non, je ne le savais pas. Parce que ce type d'information ne parvenait

 18   pas à Tuzla, et nous n'avons pas reçu ce type d'information. Je ne savais

 19   rien à ce sujet.

 20   Q.  Merci. Avez-vous travaillé avec des personnes qui avaient perdu un des

 21   leurs avant le mois de juillet 1995 ?

 22   R.  Oui, tout à fait. J'ai eu l'occasion de travailler avec des gens qui

 23   avaient perdu un des leurs avant juillet 1995. Et si ces personnes -- à

 24   savoir si ces personnes -- alors dans le cas où ces personnes avaient été

 25   tuées, et si ces personnes avaient le temps d'en faire leur deuil, les

 26   conséquences ressenties seraient ressenties beaucoup plus tard.

 27   Q.  Mais est-ce que vous avez constaté que ces pertes ont été subies en

 28   Serbie et qu'il n'y a pas eu d'enterrements à Srebrenica, ces personnes ont


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  1   été tuées au moment où elles ont tenté de s'échapper en direction du

  2   territoire de serbe ?

  3   R.  Je ne peux pas véritablement répondre à cette question-là. Je ne sais

  4   rien à ce sujet. Les récits dont j'ai entendu parler sont des récits qui

  5   m'ont été relatés par mes patients, essentiellement des femmes et des

  6   enfants.

  7   Q.  A la page 5 814, vous avez dit que le degré du traumatisme, le niveau

  8   du traumatisme était extrêmement élevé. Et élevé par rapport à quoi ? Quel

  9   était votre point de référence ?

 10   R.  Eh bien, nous avons comparé cela, et comme point de référence, nous

 11   avions des individus qui étaient réfugiés en 1992. J'ai commencé à

 12   travailler en 1994 moi-même. Et en 1994, nous avions un groupe de femmes

 13   qui étaient des patients dans notre centre dont le mari était à Srebrenica,

 14   ils ne l'étaient pas tous, il est vrai, ou nous avions des cas où

 15   l'ensemble de la famille était des réfugiés, et ces personnes étaient à

 16   Tuzla. Et ces personnes-là nous servaient de référence lorsqu'on comparait

 17   leur situation à celle des réfugiés qui sont arrivés en 1995 et qui étaient

 18   pris de panique et complètement perdus, et nous avons constaté que ces

 19   personnes-là avaient complètement perdu leurs repères. Ils ne savaient

 20   absolument pas ce qui leur arrivait.

 21   Q.  Merci. Et ceci s'est-il fondé sur votre propre vécu ou disposons-nous

 22   de critères ou d'éléments objectifs ?

 23   R.  Oui, nous disposons de critères objectifs également. Et ces critères

 24   ont été élaborés par d'autres organisations avec lesquelles nous

 25   travaillions, et j'ai participé moi-même à ces travaux de recherche. J'ai

 26   rempli les questionnaires qui ont été utilisés dans le cadre de ces

 27   recherches, mais j'ai pu également remarquer quel était leur comportement,

 28   parce que ceux-ci, il était très facile de les observer. Il était facile de


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  1   remarquer quel était le comportement des réfugiés qui venaient d'arriver

  2   par rapport à ceux qui étaient arrivés en 1994 et avant.

  3   Q.  Merci. Avez-vous pu établir comment ces personnes avaient pu être

  4   séparées avant juillet 1995 ? Autrement dit il y a des hommes qui sont

  5   restés à Srebrenica, alors que les membres de leurs familles étaient à

  6   Tuzla.

  7   R.  Je n'ai pas compris ce que vous entendez par le terme de "séparées."

  8   Qu'avons-nous établi ?

  9   Q.  Vous venez de dire qu'en 1994 et avant juillet 1995, vous avez été

 10   confrontée à des cas où des membres de la famille avaient été séparés; les

 11   femmes et les enfants étaient à Tuzla et les hommes étaient restés à

 12   Srebrenica.

 13   R.  Eh bien, oui. La plupart des réfugiés venaient de Zvornik et de

 14   Vlasenica, tandis qu'un certain nombre d'hommes s'était rendu à Srebrenica.

 15   Et en me fondant sur les récits relatés par ces femmes, il semblait que ces

 16   personnes avaient quitté leurs villages assez rapidement, et ensuite ils

 17   ont été séparés. Les femmes, pour la plupart, étaient à la maison, et on

 18   les a forcé à se rendre à Tuzla, alors que les hommes sont restés à

 19   Srebrenica, et c'est ainsi qu'on les a contraint à être séparés.

 20   Q.  Fort bien. Alors, qui les a séparé ?

 21   R.  Qui ? 

 22   Q.  Eh bien, qui a pris cette décision pour le compte de ces hommes, à

 23   savoir que ces hommes devaient rester à Srebrenica plutôt que d'aller avec

 24   leurs familles à Tuzla ?

 25   R.  Ce que je viens de dire concerne les années 1992 et 1993, le début de

 26   la guerre. Et d'après les récits relatés par les hommes qui ont survécu,

 27   ainsi que par les femmes, on pourrait en déduire qu'ils pensaient que

 28   Srebrenica était une zone sûre jusqu'au moment où cette ville ne devienne


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  1   une zone protégée qui ne concernait que le pourtour de la ville, et c'était

  2   assez petit, étroit. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils se sont rendu compte

  3   qu'ils avaient fait le mauvais choix parce qu'ils avaient eu un sentiment

  4   de culpabilité : Alors, pourquoi ne pouvons-nous pas partir avec nos

  5   familles ? Pourquoi avons-nous laissé ces personnes nous séparer, et cetera

  6   ?

  7   Q.  Donc, ces hommes en réalité ont pris la mauvaise décision lorsqu'ils

  8   ont décidé de rester plutôt que de partir avec leurs familles à Tuzla ?

  9   R.  Ecoutez, je ne sais rien à ce sujet. Et je ne sais pas quelle personne

 10   a décidé quoi, et si ces personnes ont pensé peut-être qu'il pesait une

 11   menace sur elles.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter votre question, je vous

 13   prie.

 14   Q.  A la page 5 815, le témoin a dit "des hommes et des garçons."

 15   Alors, comment avez-vous fait mention des garçons ? Avez-vous pu établir

 16   qu'il y avait des garçons à cet endroit-là ou est-ce simplement quelque

 17   chose que vous avez retransmis ?

 18   R.  Ce n'est pas quelque chose que j'ai retransmis d'un quelconque document

 19   officiel. Ce sont des choses que m'ont racontées mes clientes, ces femmes,

 20   et c'est des choses que ces femmes avaient l'habitude de me dire : Mon mari

 21   est parti, et ensuite -- c'est un garçon, et il est parti. Ce n'était qu'un

 22   garçon. Et quelquefois, nous demandions quel âge ils avaient. Quelquefois

 23   ces garçons avaient 8 ans. Et très souvent ces femmes parlaient de leurs

 24   propres enfants et disaient : Ce n'était qu'un garçon. Et donc, ce ne sont

 25   pas les propos que j'ai trouvés dans des documents officiels ou que j'ai

 26   entendu à la télévision.

 27   Q.  Donc, vous n'étiez pas à Srebrenica vous-même pour constater ceci par

 28   vous-même, à savoir si une femme vous disait : Eh bien, mon fils n'était


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  1   qu'un garçon, vous acceptiez cela comme tel ?

  2   R.  Eh bien, un des principes que j'ai appliqués était le suivant. Si mon

  3   patient me disait quelque chose, je lui faisais confiance, et si cette

  4   personne me disait que son enfant était un garçon, eh bien, je croyais que

  5   ce garçon avait 14 ans ou 11 ans. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi je

  6   ne la croirais pas, cette personne. Car ce garçon n'était plus à ses côtés.

  7   Nous avons été confrontés à d'autres cas, des cas où des enfants ont

  8   souffert et dont le comportement était inapproprié. Par exemple, il y a eu

  9   des cas où une femme fêtait l'anniversaire d'un fils qui n'était pas là.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'interprète a du mal à vous suivre

 11   compte tenu de votre débit. Veuillez marquer une pause entre les questions

 12   et les réponses.

 13   Monsieur Karadzic, veuillez répéter votre question, s'il vous plaît.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  J'ai demandé au témoin, parce que j'ai vu que dans sa déposition

 16   antérieure elle a plutôt réussi, que cette méthode a plutôt été couronnée

 17   de succès, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Donc, ce sont des choses qui sont curables ?

 20   R.  Non. Je ne peux pas dire qu'on peut y remédier. Mais les gens peuvent

 21   s'habituer à vivre avec ces pertes. Des gens peuvent accepter leur passé.

 22   Et dans le présent, on trouve la force nécessaire pour continuer à vivre à

 23   l'avenir.

 24   Q.  Merci. Lorsque vous parlez en fait de cas d'études, par exemple, il ne

 25   s'agit pas d'un article scientifique qui implique d'autres choses. Vous

 26   relatez simplement des cas. Connaissiez-vous cette personne avant qu'elle

 27   ait subi son traumatisme ?

 28   R.  Non. Mais lorsque je travaille avec une femme ou avec une personne ou


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  1   avec une patiente, il est possible de voir comment cette personne

  2   fonctionnait avant que l'événement ne se produise. C'est quelque chose que

  3   vous pouvez constater au moment de l'entretien, quelles ont été ses études,

  4   comment elle a grandi, qu'elles étaient ses relations familiales, et

  5   cetera. Et c'est en se fondant là-dessus, que l'on peut prévoir ou

  6   envisager quel type de personne il s'agissait avant que cet événement ne se

  7   produise.

  8   Q.  A la page 27 et 28, vous n'avez pas entièrement répondu à la question

  9   du Juge Riad, et veuillez me répondre, s'il vous plaît. Est-ce que vous

 10   avez prêté la même attention aux femmes serbes et aux femmes croates ?

 11   R.  Tout à fait. Je leur ai porté la même attention et mes attentions

 12   étaient les mêmes. Quelqu'un qui ressent de la douleur est quelqu'un qui

 13   souffre. Et toute personne qui perd un membre de sa famille est quelqu'un

 14   qui souffre énormément. Je comprends cette souffrance et cette douleur, et

 15   je pense que je ne peux que leur offrir ce que j'ai de mieux à leur offrir,

 16   c'est-à-dire le meilleur traitement possible.

 17   Q.  Merci. Donc, vos constations professionnelles, plutôt vos impressions

 18   parce que nous n'avons pas de résultats objectifs qui seraient la résultat

 19   de vos recherches, alors tout ce que vous avez dit, est-ce que cela porte à

 20   la fois sur les Serbes, les Musulmans, les femmes serbes, musulmanes et

 21   croates ?

 22   R.  Oui, tout à fait. Car toute personne qui a connu des actes de violence,

 23   un traumatisme, et une dépression, indépendamment de son origine

 24   religieuse, ethnique ou géographique, cette personne souffre.

 25   Q.  Ecoutez, vous semez la confusion dans mon esprit. Est-ce que vous êtes

 26   suffisamment précise lorsque vous dites que chaque famille recherche 20

 27   hommes de leurs familles ? S'agit-il d'une exagération ?

 28   R.  Je n'ai pas dit que chaque famille recherchait 20 membres de leurs


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  1   familles, et ce, des hommes. Je disais que ce n'était simplement pas normal

  2   pour une personne de perdre 20 membres de sa famille, à savoir des hommes.

  3   Je n'ai pas dit que c'était le cas de toutes les familles. Cela se fondait

  4   sur les informations que l'on m'a communiquées. Je dis que certains membres

  5   m'ont dit qu'aucun membre de leur famille ne manquait; j'ai eu de la chance

  6   et d'autres non. Et c'est le genre de chose qui s'est produit.

  7   Q.  Je souhaite maintenant que vous regardiez la page 5 830, lignes 7 et 8.

  8   Je vais lire en anglais parce que vous n'avez sans doute pas le compte

  9   rendu d'audience sous les yeux.

 10   Il s'agit de votre réponse :

 11   "Pas une seule famille à Zvornik, par exemple, qui n'a pas 20 membres de sa

 12   famille des hommes qui ont disparu…"

 13   Et j'ai fait un peu de calcul. La population de Zvornik correspondait à 81

 14   111, à savoir 24 000 familles, si en moyenne il y a cinq membres par

 15   famille.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas si le compte

 17   rendu a été traduit correctement parce que vos voix se sont chevauchées.

 18   Avez-vous entendu de que vous avez dit dans l'affaire Krstic ? Je vais vous

 19   le lire à voix haute, Madame Ibrahimefendic.

 20   Voici ce que vous avez dit :

 21   "Mais il n'y a pas une seule famille de Zvornik, par exemple, qui n'a pas

 22   perdu 20 membres de sa famille, des hommes… "

 23   C'est le passage que vous cite actuellement M. Karadzic.

 24   Quelle est votre question, Monsieur Karadzic ?

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  S'agit-il là d'une exagération, Madame Ibrahimefendic ?

 27   R.  Je crois  -- eh bien, je crois qu'il manque quelque chose à cet

 28   endroit. S'agit-il d'une personne, de 20 personnes ? Je ne peux pas


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  1   accepter cela. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment précise, comme vous

  2   l'avez dit. Ceci ne correspond pas à la réalité, car 1 700 personnes de

  3   Zvornik étaient portées disparues. C'est le nombre total des personnes

  4   portées disparues à Zvornik.

  5   Q.  Merci. Sur 24 000 familles, 1 700 personnes sont portées disparues;

  6   c'est exact ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que vous englobez les Serbes dans ce chiffre ?

  9   R.  L'association serbe est distincte, donc je ne dispose pas

 10   d'information. J'ai entendu le chiffre lors d'une conférence, mais je ne

 11   peux pas vous donner les chiffres exacts au jour d'aujourd'hui. Car il y

 12   avait des associations qui s'occupaient des personnes portées disparues,

 13   certaines étaient musulmanes, croates ou serbes, et je ne me souviens pas

 14   des chiffres exacts aujourd'hui.

 15   Q.  Page 5 834, M. le Juge Riad a poursuivi et vous a posé cette question à

 16   propos de la différence :

 17   "Des femmes qui devaient enterrer leurs morts, donc elles avaient ce

 18   problème-là, elles avaient le problème du lieu où enterrer les membres de

 19   leurs familles…"

 20   Ceci est-il inexact également ? Est-il exact que les victimes de

 21   Srebrenica ont été enterrées à Potocari ?

 22   R.  Oui. Mais en l'an 2000, lorsque j'ai dit cela, Potocari n'était pas là.

 23   Potocari n'avait pas été établi, crée en tant que tel. Je crois que c'était

 24   en 2003. C'est à ce moment-là qu'ont commencé les ensevelissements à

 25   Potocari.

 26   Q.  Et ensuite, à la page suivante, 5 835, vous avez dit que pendant les

 27   premiers jours -- ou, plutôt, le premier jour de l'évacuation, des garçons

 28   âgés de 10 à 12 ans sont montés à bord d'autocars. Et ensuite, le


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  1   lendemain, des enfants âgés de 12 et des enfants plus âgés n'étaient plus

  2   autorisés à monter à bord des autocars.

  3   Quel sort a été réservé à ces enfants qui avaient 12 ans ou qui

  4   étaient plus jeunes ? Combien y en avait-il, et qu'est-ce qu'il leur est

  5   arrivé ?

  6   R.  D'après les informations dont je dispose, ces enfants se trouvent dans

  7   des fosses communes. Certains enfants ont été identifiés. Quelques femmes

  8   qui étaient très traumatisées se trouvaient dans notre centre à l'époque.

  9   Ces femmes avaient perdu des enfants qui étaient encore plus jeunes que

 10   cela. Et sur la base de leurs déclarations, ainsi que sur la base d'autres

 11   déclarations, le premier et le deuxième jour il était plus facile de

 12   quitter Potocari que le troisième jour, par exemple.

 13   Q.  Merci. Avez-vous découvert à ce moment-là combien de restes humains ont

 14   été trouvés d'enfants âgés de 10 à 12 ans ?

 15   R.  Nous sommes un centre thérapeutique et de rééducation. Nos travaux de

 16   recherches ne portent pas sur ces questions-là. Nous assistons à des

 17   conférences et nous recueillons des informations, mais nous n'estimons pas

 18   que ces informations-là fassent partie de notre travail et ne rentrent pas

 19   dans le cadre de nos travaux. Il ne s'agit pas d'éléments que nous avons

 20   l'obligation de transmettre à l'extérieur. Mon équipe ne traite pas de ce

 21   genre de chose. Le nombre de personnes exhumées, non. Nous traitons, nous

 22   prodiguons des soins aux gens.

 23   Q.  Tout à fait d'accord. Donc, il s'agit d'informations ou de données qui

 24   ont été fournies par d'autres; c'est exact.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci. A la page 5 844, vous avez dit que 75 personnes avaient été

 27   tuées à Srebrenica, au stade, lorsqu'un obus est tombé. Savez-vous qui

 28   avait tiré cet obus ? Est-ce que quelqu'un vous a parlé de cela ?


Page 26705

  1   R.  Non. Je ne le sais pas. Je n'ai pas posé de questions. Je n'ai pas

  2   demandé qui avait tiré cet obus. Ou plutôt, il y avait quelques personnes

  3   qui s'étaient trouvées au stade en 1993, qui ont évoqué le fait que

  4   plusieurs personnes avaient été tuées au stade, et ces personnes étaient

  5   très en colère parce que ces victimes n'ont pas été mentionnées au moment

  6   où on parlait des victimes de 1995. C'est la seule chose que je sais.

  7   Q.  Merci.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez répéter

  9   votre question, s'il vous plaît.

 10   M. KARADZIC : [interprétation] Pardonnez-moi.

 11   Q.  A la page 5 846, à partir de la ligne 5 à 6, vous avez dit que ces

 12   traitements ont été couronnés de succès. Lorsqu'une femme arrive à parler

 13   de toutes ses émotions, à exprimer toutes ses émotions, la fois suivante

 14   c'est moins douloureux; c'est exact ?

 15   R.  C'est exact. A un moment donné, la thérapie marche. Mais si on envisage

 16   le traumatisme sous l'angle d'un processus, et si on étudie les problèmes

 17   auxquels nous sommes confrontés dans ce cadre-là, eh bien, la patiente

 18   revit une nouvelle fois tout ce qu'elle a vécu auparavant. Evidemment, elle

 19   n'est pas dans le même état où elle se trouvait à l'origine, néanmoins il y

 20   a un certain nombre de problèmes qui surgissent. Si, par exemple, à la date

 21   du 11 juillet il y aura un enterrement à Potocari, c'est à ce moment-là que

 22   les symptômes refont surface, comme lors des anniversaires, et dans ce cas

 23   il s'agit de régression. Evidemment ces personnes ne repartent pas

 24   complètement en arrière au stade initial où elles se trouvaient, mais des

 25   problèmes surgissent. Et quelquefois ces femmes ne sont pas en mesure de

 26   gérer ce genre de problème. C'est la raison pour laquelle elles ont besoin

 27   d'être aidées pendant longtemps.

 28   Q.  Merci. A la page 5 851, vous avez dit que les gens qui reçoivent un


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  1   soutien thérapeutique sont satisfaits, mais c'est difficile parce que vous

  2   ne pouvez pas traiter tout le monde ?

  3   R.  Oui, c'est exact. Il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'aide, il y a

  4   de nombreux groupes qui ont besoin d'aide.

  5   Les gens ne reconnaissent pas les réactions qui sont les leurs. Ils

  6   pensent que s'ils ne partagent pas leur douleur et qu'ils gardent le

  7   silence - et ceci s'applique à tous les groupes ethniques - que quelque

  8   chose arrivera d'une manière ou d'une autre. Et ensuite, ces personnes se

  9   rendent compte du fait que rien ne se produira, qu'il faut aller chercher

 10   de l'aide, il faut partager la douleur, il faut constater que l'on n'est

 11   pas seul avec cette douleur. Ces personnes doivent pouvoir gérer tout cela.

 12   Q.   Merci. A la page suivante, 5 852, vous dites que vous avez obtenu de

 13   très bons résultats avec des enfants qui ont été traités dans votre centre,

 14   que vous avez pu constater un réel progrès au niveau de leur comportement.

 15   R.  C'est exact. Parce que nous avons travaillé en même temps avec les

 16   mères à ce moment-là.

 17   Et si nous travaillons avec les enfants de façon séparée, les

 18   résultats ne sont pas les mêmes et ne sont pas aussi bons que lorsque nous

 19   travaillons en collaboration avec les mères. Les mères sont soucieuses et

 20   ont des problèmes existentiels. Elles sont présentes physiquement mais

 21   affectivement, elles ne le sont pas. Elles sont absentes. Donc lorsqu'on

 22   travaille ensemble, les résultats sont meilleurs pour les enfants.

 23   Q.  Merci. Est-ce que nous sommes d'accord, Madame Ibrahimefendic, pour

 24   dire que toutes les techniques que nous connaissons à commencer par la

 25   psychanalyse de Freud jusqu'au Gestalt, jusqu'à l'étude du comportement, de

 26   la thérapie liée au comportement, que tout ceci sont des techniques qui

 27   sont nées en temps de paix, que ces populations n'avaient pas connu la

 28   guerre ? Et donc, ces thérapies ont été appliquées à la population au sens


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  1   large du terme.

  2   R.  Je suis d'accord avec vous. Mais au fil des dix dernières années, nous

  3   avons pu voir que d'importants travaux de recherche ont été effectués dans

  4   le domaine du traumatisme. Des méthodes et des techniques particulières ont

  5   été élaborées à cet effet, à savoir lorsqu'il s'agit de travailler avec des

  6   personnes qui ont été traumatisées.

  7   Il est vrai que lorsque la guerre a éclaté, nous ne savions pas comment

  8   travailler avec des victimes traumatisées. Nous pouvions intervenir

  9   seulement en temps de crise, et ensuite on ne savait pas quoi faire. Et

 10   donc pendant la guerre, des experts sont arrivés de différentes régions du

 11   monde, de centres spécialisés dans le domaine du traumatisme, des experts

 12   sont venus de Copenhague, et cetera, et ils nous ont formés. Et nous avons

 13   appris comment gérer et traiter les personnes traumatisées, comment établir

 14   une relation adéquate avec ces personnes, comment gagner leur confiance, et

 15   comment aider ces personnes traumatisées de façon générale.

 16   Lorsqu'on travaille dans le domaine du traumatisme, c'est un travail

 17   bien particulier, et ce travail ne commence pas et ne se termine pas dans

 18   la pièce où la thérapie a lieu. Parce que tout ce qui se passe pour ces

 19   personnes dans leur vie les touche beaucoup.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous d'autres questions à

 21   poser à ce témoin ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Trois ou quatre, Excellence. Brèves questions.

 23   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation][La Chambre de première instance

 24   et le Greffier se concertent]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande aux parties de bien vouloir

 26   faire preuve d'indulgence, et nous allons continuer pendant cinq minutes

 27   encore.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Je vais donc vous poser une question et la formuler de telle façon à ce

  2   que vous puissiez répondre par oui ou par non. Est-il exact que vous êtes

  3   allée à l'école, à la faculté de médecine intermédiaire, et combien de

  4   temps ?

  5   R.  J'ai travaillé en tant qu'infirmière.

  6   Q.  Et ce, pendant combien de temps ?

  7   R.  J'ai travaillé en tant qu'infirmière pendant quatre ans, et ensuite

  8   j'ai travaillé avec des enfants parce que j'ai suivi des études

  9   pédagogiques et j'ai travaillé avec des enfants qui avaient été

 10   hospitalisés pendant longtemps, des personnes qui étaient, des enfants qui

 11   étaient traités parce qu'ils avaient le diabète, de l'asthme ou la

 12   tuberculose, et leur ai fourni un soutien psychologique, parce que ces

 13   enfants n'ont pas pu aller à l'école.

 14   Q.  Donc cette école que vous avez faite, c'est une école supérieure, après

 15   le diplôme de baccalauréat au lycée ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et ensuite vous avez été diplômé à la psychologie et pédagogie de la

 18   faculté de Sarajevo. Est-ce que vous avez fait vos études à titre régulier

 19   ou à titre d'étudiante à temps partiel ?

 20   R.  Oui, j'ai été à temps partiel parce que je me trouvais à Tuzla. Et il y

 21   avait un département à Tuzla à l'époque.

 22   Q.  Merci. Est-ce que vous n'avez pas suivi un stage de formation clinique

 23   ?

 24   R.  Non. J'ai dû suivre un entraînement additionnel.

 25   Q.  Fort bien. Est-ce qu'on vous a reconnu le fait d'avoir participé à la

 26   guerre, et si oui, quand ?

 27   R.  Participation à la guerre. Avant la guerre, j'ai travaillé au centre de

 28   soins cliniques, et pendant la guerre, j'ai travaillé au même endroit. En


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  1   1994, j'ai travaillé dans les après-midi pendant quatre heures à Vive Zene,

  2   cette organisation, et à la date du 1er mars 1996, j'ai quitté le centre de

  3   soins cliniques et j'ai commencé à travailler pour le compte de ce centre

  4   de traitement Vive Zene.  J'avais des obligations ordinaires pendant la

  5   guerre, je n'ai pas d'années de compter à titre particulier pour temps de

  6   guerre. J'ai fait mon travail normal pendant la guerre dans un hôpital.

  7   Q.  Mais est-ce qu'on vous a donné ce certificat reconnaissant ce que vous

  8   avez fait pendant la période de guerre ?

  9   R.  Ça, on l'a reçu tous et toutes. Nous n'avons pas reçu de salaire

 10   puisqu'on avait travaillé sans être payé à l'époque, ce qui fait que nous

 11   avons tous reçu ce document, à compter de la femme de ménage et du portier,

 12   tous les autres, tous avaient reçu ce type de certificat parce que nous

 13   n'avions pas reçu de paie.

 14   Q.  Est-ce que votre certificat dit ou porte -- est-ce que vous connaissez

 15   le numéro d'ordre de votre certificat ?

 16   R.  Vous parlez d'argent ?

 17   Q.  Oui, un certificat permettant d'acheter un appartement.

 18   R.  Non, non, je n'ai pas eu l'idée de retenir ce numéro. J'ai déjà oublié

 19   comment ça s'appelait ça. Partant de cela, oui, ça a été considéré comme

 20   une partie des fonds, et mon mari et moi avons apporté le supplément de

 21   fonds pour acheter un appartement.

 22   Q.  Donc est-ce que vous et votre mari vous avez reçu donc des certificats

 23   permettant d'acquérir quelque chose du fait d'avoir participé aux efforts

 24   de guerre ?

 25   R.  Je ne peux pas le dire parce que feu mon père était un retraité, et il

 26   a reçu lui aussi un certificat. Je ne vois pas du tout ce que cela peut

 27   signifier. Ma mère n'a pas pu en obtenir parce qu'elle n'avait jamais

 28   travaillé de sa vie, mais mon père était retraité, il a reçu ce type de


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  1   certificat, bien qu'il n'ait pas participé à la guerre. Il était là, moi

  2   j'étais à Tuzla, je n'ai pas quitté Tuzla du tout.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences, merci de votre patience.

  4   Merci, Madame Ibrahimefendic de vos réponses.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, vous avez des

  7   questions complémentaires.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  9   Mais j'ai une question que -- enfin j'avais une question que je voulais

 10   poser, mais ça n'a rien à voir avec la déposition de ce témoin. Il

 11   s'agissait d'un éclaircissement pour ce qui est de l'ordonnance qui a été

 12   faite ou rendue par les Juges de la Chambre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, merci.

 14   Madame Ibrahimefendic, ceci met un terme à votre témoignage. En mon

 15   nom et au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier d'être venue à La

 16   Haye pour fournir ce témoignage.

 17   Oui, Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, je crois

 19   qu'il apparaît clairement de l'ordonnance rendue par la Chambre, mais je

 20   voudrais qu'il nous soit tout simplement confirmé le fait que j'ai bien

 21   compris. Si j'ai bien compris, il s'agit d'une liste révisée des témoins en

 22   application de la liste 65 ter, et si j'ai bien compris il s'agit de la

 23   liste des témoins, et non pas des résumés et quoi que ce soit d'autre.

 24   Donc, il s'agit rien que de la liste des noms qui convient de modifier.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la pratique habituelle, ne nous

 26   dit-elle pas qu'une révision 65 ter de la liste des témoins doit se faire

 27   de la sorte ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] Moi, j'essaie d'éviter des activités


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  1   superflues parce qu'il y a aussi des addendum en application du 65 ter.

  2   Donc, suffit-il de remettre aux Juges rien que ce qui s'est modifié au

  3   sujet des témoins eux-mêmes, et que ce qui serait éventuellement utile pour

  4   les Juges de la Chambre ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, j'aimerais revenir sur la

  6   question demain matin. Pour le moment, c'est terminé.

  7   Nous levons l'audience, et nous reprendrons demain matin à 9 heures.

  8   [Le témoin se retire]

  9   --- L'audience est levée à 15 heures 06 et reprendra le vendredi 23 mars

 10   2012, à 9 heures 00.

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