Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 13 juin 2012

  2   [Audience de Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Nous allons entendre aujourd'hui la réponse de l'Accusation à la demande au

  8   titre de l'article 98 bis de la Défense.

  9   Monsieur Tieger, je vous en prie.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.M. LE JUGE KWON

 11   : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tieger.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 13   Juges, je vais répondre aux arguments présentés sous le régime de l'article

 14   98 bis en suivant cet ordre : dans un premier temps, je vais m'intéresser

 15   aux trois éléments de l'ordre des municipalités, donc Sarajevo, Srebrenica,

 16   et ensuite je répondrais eu égard au chef d'accusation numéro 1 puis au

 17   chef d'accusation numéro 11.

 18   De temps à autre, je ferais référence soit à des éléments de preuve

 19   présentés à huis clos ou alors à des éléments de preuve versés sous pli

 20   scellé. Et plutôt que de passer constamment de l'audience publique à un

 21   huis clos partiel, j'ai l'intention de paraphraser ou de résumer ces

 22   éléments de preuve de telle façon que la confidentialité de ces éléments de

 23   preuve ne sera pas lésée, si, bien entendu, je peux obtenir l'aval de la

 24   Chambre de première instance.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre n'y voit aucun inconvénient.

 26   Vous n'avez pas d'objection, me semble-t-il, Monsieur Robinson.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] C'est tout à fait exact.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, je vous en prie.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  2   Juges, je souhaiterais maintenant revenir sur certaines des affirmations

  3   qui ont été avancées eu égard aux chefs d'accusation 3 à 8, et je vais

  4   m'intéresser essentiellement aux événements qui se sont déroulés dans les

  5   municipalités, notamment les événements qui, à bien des égards, se sont

  6   déroulés à Srebrenica. Mais avant de m'intéresser à certaines des

  7   affirmations qui ont été avancées par la Défense, je souhaiterais indiquer

  8   -- et avant de m'intéresser aux éléments et aux amalgames qui ont été

  9   avancées par la Défense, je souhaiterais indiquer que ce que je vais

 10   présenter est présenté par rapport au contexte des éléments de preuve

 11   avancés, des moyens à charge, et nous estimons que les éléments de l'acte

 12   d'accusation ont été respectés. Et cela inclut notamment ce qui suit.

 13   Premièrement, l'accusé a essayé d'obtenir un Etat aussi pur du point de vue

 14   ethnique que faire se peut. Et je reviendrais sur les éléments de preuve

 15   avancés par M. l'Ambassadeur Okun, qui nous a expliqué que l'un des

 16   objectifs en temps de guerre des Serbes de Bosnie nous avait été exposé,

 17   "énoncé de façon directe", et que le but était d'avoir un Etat aussi serbe

 18   que possible. Les références du compte rendu d'audience sont la page [comme

 19   interprété] 776, 4 157 et 4 158.

 20   Il a également fait remarquer que les Serbes de Bosnie étaient tout à fait

 21   honnêtes et francs à ce sujet. J'en veux pour exemple la référence de la

 22   page 1 475.

 23   Alors, bien entendu, M. l'Ambassadeur Okun indique qu'il n'y avait "aucune

 24   façon que l'on puisse séparer ces populations et qu'il fallait utiliser la

 25   force."

 26   Vous trouverez également des références semblables dans le témoignage de M.

 27   David Harland qui a expliqué que l'accusé avait dit de façon tout à fait

 28   ouverte que le but de la guerre était de redistribuer la population de


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  1   Bosnie-Herzégovine pour que les Serbes puissent avoir le contrôle du

  2   territoire incluant la Serbie, le Monténégro ainsi que de nombreuses zones

  3   qui étaient traditionnellement serbes.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, excusez-moi de vous

  5   interrompre, mais je vois qu'à la ligne 15, par exemple, et à la ligne 31

  6   [comme interprété], vous avez fait référence à "M. l'Ambassadeur Okun",

  7   n'est-ce pas, O-k-u-n ?

  8   M. TIEGER : [interprétation]  Oui, je vous remercie.

  9   Je viens de faire une référence à M. Harland, et cette référence se

 10   trouve au paragraphe 269, pièce P820. Il a également indiqué que des

 11   pressions continues étaient exercées par l'accusé pour essayer d'obtenir

 12   des concessions de la part du gouvernement, et ce, en fait, pour

 13   contraindre de forcer la main en matière de redistribution des populations,

 14   qui est caractérisée et étiquetée de "nettoyage ethnique", le nettoyage

 15   ethnique qui avait été réalisé par les forces des Serbes de Bosnie.

 16   Regardez le paragraphe 270.

 17   Vous trouverez également le témoignage du Témoin KDZ240. L'accusé a

 18   expliqué de façon franche que l'objectif était d'obtenir le contrôle de 70

 19   % du territoire de Bosnie avec une population serbe. Regardez la pièce

 20   P2935, page 6 752.

 21   Alors, il s'agit d'objectifs qui ont été communiqués, qui ont été diffusés

 22   également et distribués aux sympathisants de l'accusé. Alors il y a toute

 23   une pléthore d'éléments de preuve. Un exemple sur lequel j'aimerais attirer

 24   votre attention est, par exemple, la déclaration de l'un des délégués de

 25   l'assemblée à la 34e session de l'assemblée des Serbes de Bosnie, pages 33

 26   à 34, qui répondait à des critiques avancées par certains délégués à propos

 27   du territoire que les Serbes de Bosnie pourraient recevoir. Et il a suggéré

 28   que s'ils comparaient les acquis et les pertes pour les Serbes et pour les


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  1   Croates, il finit par conclure, et je cite :

  2   "Messieurs, il n'y aura aucun Etat serbe sans dépeuplement de la part des

  3   autres appartenances ethniques. Nous devons, en fait, et vous le savez,

  4   nous devons insister sur le fait que nous ne pouvons pas vivre avec eux, et

  5   de ce fait, nous devons nous rendre compte que ces projets de cartes sont

  6   présentés exactement dans cet objectif et qu'il y aura déplacement des

  7   populations."

  8   Alors, j'ai fait allusion au début à cet Etat pur du point de vue ethnique,

  9   avec cette redistribution des populations, qui devaient se dérouler sur une

 10   grande partie du territoire, et peut-être que nous pourrions voir justement

 11   quelques images qui, de façon visuelle, nous permettrons de comprendre

 12   l'étendue du territoire qui était considéré par l'accusé comme appartenant

 13   et revenant aux Serbes de Bosnie.

 14   Nous allons, dans un premier temps, voir un clip vidéo de l'accusé, un

 15   proche collaborateur de M. Krajisnik, et vous avez M. Krajisnik, donc, qui

 16   se trouve devant une carte de la répartition ethnique, carte sur laquelle

 17   nous pouvons comprendre le territoire qui a été investi par les Serbes de

 18   Bosnie à la fin de l'année 1992. Et vous pouvez voir, en fait, vous avez

 19   donc cette image en forme de sabot. Regardez les différentes références, et

 20   j'ai déjà fait référence, par exemple, au Témoin KDZ240, et vous verrez que

 21   c'est le début du conflit, et il s'agit donc du territoire des Serbes de

 22   Bosnie. Et n'oubliez pas cette image, car je vais maintenant vous présenter

 23   un autre cliché, une autre carte - pièce P2561 - il s'agit d'une carte qui

 24   décrit les différents objectifs stratégiques. Vous y voyez l'objectif

 25   numéro 2 qui recouvre en fait la partie septentrionale de la Bosnie-

 26   Herzégovine; vous avez l'objectif 3 qui correspond à la partie orientale;

 27   vous avez également la partie 4 qui correspond donc à la partie

 28   méridionale; et puis vous avez l'ouest, avec l'Una, et, bien entendu, vous


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  1   connaissez l'endroit où se trouve Sarajevo. Si nous prenons la carte

  2   correspondant aux appartenances ethniques, l'une des cartes qui fait

  3   l'objet de la pièce P797, me semble-t-il, il s'agit des cartes de Bosnie-

  4   Herzégovine, là vous y verrez que du côté oriental, du côté de l'est, la

  5   carte nous indique qui réside dans ces zones. Vous avez les parties vertes

  6   qui représentent les zones où les Musulmans sont majoritaires, Bratunac,

  7   Srebrenica, Zvornik, Vlasenica ainsi que d'autres d'ailleurs.

  8   Il est assez intéressant de prendre en considération une déclaration de

  9   l'accusé faite lors de la 53e assemblée des Serbes de Bosnie, pages 68 à 69

 10   - et vous verrez d'ailleurs pour votre gouverne que cette carte correspond

 11   à la pièce P783. Toujours est-il que lors de cette session de l'assemblée,

 12   voilà ce qu'il a prononcé comme déclaration en 1995 à propos de cette zone

 13   :

 14   "Pour vous dire la vérité, il y a des villes que nous avons investies où

 15   nous ne sommes que 30 %. Alors, je peux vous donner le nom de celles que

 16   vous souhaitez, mais ne voyons pas les villes où nous représentons 70 % de

 17   la population car il va falloir être direct. Rappelez-vous combien nous

 18   étions à Bratunac, à Srebrenica, à Visegrad, à Rogatica, à Vlasenica, à

 19   Zvornik, et cetera. Du fait de leur importance stratégique, ces villes sont

 20   devenues nos villes, et il n'y a plus personne dans la pratique qui remet

 21   cela en question."

 22   Donc, très rapidement, il s'agit des zones qui correspondaient aux

 23   objectifs de l'accusé. Et qui était l'accusé, en fait ? Il était le

 24   commandant suprême, il était le dirigeant politique suprême, mais également

 25   le chef militaire suprême de la Republika Srpska; dans un premier temps, il

 26   était le président du Mouvement des Serbes de Bosnie sous sa composante

 27   SDS, puis ensuite dirigeant de ses structures officielles.

 28   Et vous verrez, par exemple, la déposition du général Milovanovic, pages du


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  1   compte rendu d'audience 25 444 à 445, qui indique en fait que :

  2   "Le seul supérieur du général Ratko Mladic, était le Dr Radovan Karadzic.

  3   Le Dr Radovan Karadzic était le commandant suprême des forces armées de la

  4   Republika Srpska."

  5   Et il explique en fait son propos. Il indique que cela signifie qu'il a

  6   commandé l'armée par le truchement du ministère de l'Intérieur, qu'il

  7   commandait tout le monde, y compris la personne responsable de la

  8   protection civile.

  9   Aux pages du compte rendu d'audience 25 523 à 25 524 [comme interprété], le

 10   général --

 11   L'INTERPRETE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

 12   M. TIEGER : [interprétation] -- a dit que l'accusé était le commandant

 13   suprême en temps de paix ainsi qu'en temps de guerre.

 14   Le général Gvero, puisqu'il s'agissait de lui lors de la 19e session

 15   de l'assemblée des Serbes de Bosnie, aux pages 63 à 64, a présenté les

 16   éléments fondamentaux de la chaîne de commandement, et fondamentalement ces

 17   éléments étaient le président de la république. Puisqu'à l'époque, il

 18   s'agissait de la présidence qui était considérée comme commandant suprême.

 19   Et vous aviez tous les éléments de la Défense et de l'armée qui étaient

 20   subordonnés à cette institution.

 21   Lors de la 34e session de l'assemblée des Serbes de Bosnie, à la page

 22   315, le général Mladic fait un discours. A la même séance, le général

 23   Milanovic indique que l'accusé a assumé tous les pouvoirs exécutifs

 24   suprêmes ainsi que tous les autres pouvoirs et se demande s'il s'agit d'une

 25   chose imprégnée de bon sens puisque, par définition, il ne pouvait pas tout

 26   faire. L'accusé lui-même a admis de façon très, très claire à la 39e

 27   session, pages 85 à 86, et je cite :

 28   "En fait, je dirige notamment l'armée. C'est à moi que les


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  1   commandants font leurs rapports, commandants de l'état-major principal et

  2   commandants des corps et des brigades. C'est moi qui signe, c'est moi qui

  3   décide et c'est moi qui suis responsable de chaque décision."

  4   Prenez également le document P3041, où il s'agit d'un document du

  5   général Milovanovic. Dans ce document, le général Milovanovic indique que,

  6   je cite, "Les ordres ne peuvent venir que de l'état-major principal et du

  7   commandant suprême des forces armées de la Republika Srpska, à savoir du Dr

  8   Karadzic, et de personne d'autre."

  9   Et nous savons qui étaient ces forces. Et cela, en fait, n'est

 10   véritablement que le début qui nous permet d'envisager juste le début de la

 11   situation. Parce que j'aimerais attirer votre attention sur les témoignages

 12   de trois personnes. Prenez la page 43 de la pièce P0457, qui fait référence

 13   à "ciscenje" de la zone de Brdo à Prijedor. Il est indiqué que dans cette

 14   zone, des milliers de Musulmans sont encerclés par la VRS et par le MUP.

 15   "Ciscenje", en fait, étant en général traduit soit par nettoyage, soit par

 16   assainissement, et parfois par les deux. Comme le témoin l'explique, ce qui

 17   signifie que la population musulmane devait être expulsée.

 18   Regardez encore la pièce P3634, page 72, où il est question du "nettoyage

 19   de différents villages à Sanski Most" et de "l'expulsion de tous les

 20   Musulmans" par la VRS.

 21   Ou encore la pièce P3227 qui décrit le nettoyage effectué par les forces

 22   conjointes de la VRS et de la police de plusieurs villages dans la zone de

 23   Vlasenica, et cela passe par le rassemblement de tous les Musulmans, le

 24   fait que de façon quasiment routinière des hommes sont tués et les maisons

 25   sont incendiées. Et j'en veux pour preuve la page 12, la page 12 où il est

 26   fait référence à l'explication donnée par un commandant, et je cite --

 27   pourquoi ces incendies :

 28   "Eh bien, vous pouvez constater par vous-mêmes que si on n'incendie


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  1   pas ces maisons, ils reviendront par la suite."

  2   Ce qui se trouve à la page 13.

  3   Maintenant, Madame, Messieurs les Juges, ces références sont des références

  4   aux nettoyages ethniques effectués par les forces de l'accusé à la fin du

  5   mois de mai, au mois de juin ainsi qu'au mois de juillet. Je vais

  6   maintenant m'intéresser à des opérations de nettoyage qui ont été exécutées

  7   plusieurs mois par la suite, et je ferai plus précisément référence à la

  8   participation de l'accusé dans ces événements. D'ailleurs, la suite des

  9   événements, la chronologie, est particulièrement intéressante, et je pense

 10   que la Chambre a déjà eu l'occasion de le constater.

 11   Quand nous voyons, le 8 novembre 1992, l'accusé, M. Krajisnik ainsi que

 12   d'autres personnes qui ont une réunion avec le général Mladic ainsi qu'avec

 13   certains commandants de corps. Et si vous prenez le document P1481, qui

 14   correspond à une page des carnets de M. Mladic – dans le système e-court,

 15   il s'agit de la page 146 à 147 – même M. Krajisnik explique que tous les

 16   objectifs stratégiques n'ont pas été atteints. Mais ils sont parvenus à

 17   leur fin dans le couloir; il s'agit de l'opération dans la partie du nord-

 18   ouest de la Bosnie et dans la partie nord. Et il dit que : Il faut essayer

 19   de régler le problème de la zone de Podrinje et dans la vallée de la

 20   Neretva aussi rapidement que possible. Les Musulmans ne doivent pas rester

 21   avec nous, et vous comprenez qu'il s'agit d'un objectif extrêmement

 22   important. Et c'est une tâche qui a été assignée à Zivanovic, celle de

 23   nettoyer la Drina. La tâche la plus important étant en fait de faire en

 24   sorte que les Musulmans partent.

 25   Nous avons également appris qu'il a été demandé à l'accusé de présenter des

 26   suggestions, qu'il a approuvées, et on lui renvoie le document pour qu'il

 27   le signe. Il s'agit du document D02149. La directive 4, qui a été

 28   promulguée le 19 novembre, et ils en ont parlé donc le 8, par cette


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  1   directive, il est donné l'ordre de mener des opérations pour parvenir à la

  2   rive gauche de la Neretva, page 4, et il est question de "libérer cette

  3   zone" pour ce qui est de la page 5. Et eu égard à M. Krajisnik, ce qui a

  4   été expliqué le 8, il est indiqué que la tâche la plus importante a été

  5   confiée à Zivanovic, et il est indiqué, et je cite :

  6   "Le reste de ses forces dans la région de la Podrinje doivent épuiser

  7   l'ennemi et lui infliger les pertes les plus lourdes possibles." Page 5 du

  8   document P976.

  9   Et le lendemain, M. Mladic indique qu'un colloque portant sur les activités

 10   ou qu'une réunion portant sur les activités et les tâches du Corps de la

 11   Drina devra être organisée, et ce, en réponse à une demande bien précise

 12   présentée par l'accusé, et cela devait être dirigé personnellement par

 13   l'accusé. Et vous trouverez cela dans les documents P3037 et P4921. Ladite

 14   conférence a eu lieu le 23 novembre. Elle fait l'objet de la pièce P4922.

 15   Vous avez donc le programme de la conférence qui indique en fait que

 16   l'accusé a effectivement inauguré la fameuse conférence et les différents

 17   commandants se sont exprimés, notamment Zivanovic qui fait un discours et

 18   qui indique quelles sont les tâches qui seront attribuées au Corps de la

 19   Drina et aux organes de la protection civile. Vous avez la pièce P2428

 20   [comme interprété]. Vous trouverez également dans le propre journal de bord

 21   de l'accusé des notes manuscrites où il est question de tâches à attribuer

 22   justement à Zivanovic. Et il est indiqué : "Colonel Zivanovic : tâches" et

 23   un certain nombre de tâches. Document P2716.

 24   Et le lendemain, le 24 novembre, Zivanovic donne l'ordre suivant, et il dit

 25   :

 26   "Lancer une attaque, utiliser l'essentiel de l'effectif et du matériel pour

 27   infliger à l'ennemi les pertes les plus lourdes possibles, épuiser

 28   l'ennemi, faire en sorte qu'ils ne restent pas groupés, ou forcez-les à se


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  1   rendre, et faire en sorte que la population musulmane abandonne les zones

  2   de Zepa, Srebrenica et Gorazde."

  3   Donc il s'agissait de "nettoyer" toute cette zone de la Drina, exactement

  4   comme l'énonçait l'objectif stratégique numéro 3 et comme cela a été

  5   expliqué et envisagé par M. Krajisnik.

  6   Alors, j'aimerais maintenant vous demander de vous intéresser aux

  7   résultats. Vous avez le document P5261, qui correspond à une conversation

  8   interceptée en date du 8 novembre [comme interprété] 1993 entre Zivanovic

  9   et -- voilà ce que dit Zivanovic : Tenez bien les positions. Est-ce que les

 10   maisons des Turcs sont en train de brûler ? Et l'interlocuteur répond :

 11   Oui, oui, elles brûlent. Elles brûlent. Et Zivanovic dit : Brûlez-en autant

 12   que possible.

 13   Ou vous avez la pièce P3162, il s'agit d'un rapport de combat de la Brigade

 14   d'infanterie légère de Birac signé par Andric, Svetozar, qui par la suite,

 15   d'ailleurs, sera promu par l'accusé en plein milieu du génocide de

 16   Srebrenica. Et voilà ce qui est indiqué : "Nos forces sont en train de se

 17   déplacer dans la zone de Kamenica. Le village de Gobulje [phon] a déjà été

 18   brûlé, et il y en a encore d'autres. Nous avons comme objectif de brûler

 19   les autres."

 20   Puis, vous avez un autre document où il est indiqué :

 21   "Au cours de la journée, les unités spéciales de la 1ère Brigade

 22   légère de Birac ont investi et détruit le village de Gobulje, ce qui fait

 23   que le côté gauche des forces est maintenant libre pour attaquer Cerska. A

 24   l'entrée du village, nos soldats ont trouvé des armes ainsi que du matériel

 25   militaire, tout comme des vivres et du bétail qui avaient été laissés par

 26   l'ennemi lorsqu'il s'est enfui devant l'avancée de nos forces".

 27   Et l'accusé et son collaborateur, M. Krajisnik, ne perdaient pas de

 28   vue l'objectif numéro 3 et voyaient en fait comment ils -- ce qu'ils


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  1   indiquent à propos de l'objectif numéro 3. Voilà ce que dit Krajisnik lors

  2   de la 33e session de l'assemblée des Serbes de 

  3   Bosnie :

  4   "Etant donné que Vojo Kupresanin m'a posé cette question, je pense

  5   que nous devons comprendre quelque chose, ce qui suit. Nous avons des

  6   objectifs stratégiques. Imaginez le courroux de la population d'Herzégovine

  7   si la Neretva n'était pas notre frontière. Imaginez leur courroux au cas où

  8   nous ne nettoyons pas la zone de la Drina, et imaginez le courroux des

  9   autres si nous n'avons pas une partie de Sarajevo."

 10   Et ensuite, voilà ce que l'accusé dit : "La Drina devra être complètement

 11   nettoyée."

 12   Alors, j'aimerais maintenant revenir sur certains des arguments avancés par

 13   l'accusé lundi.

 14   Il faut savoir que lundi, en page du compte rendu d'audience 

 15   28 581, l'accusé a essayé d'une certaine façon de dresser une analogie, ou

 16   plutôt, d'affirmer que les mouvements et les déplacements de population

 17   étaient tout simplement un événement que l'on pouvait comparer à un

 18   ouragan, tel que Katarina, par exemple, ou il dit dans certains pays, par

 19   exemple, il y a des catastrophes naturelles, et lorsqu'il y a eu l'ouragan

 20   Katarina, la côte ouest des Etats-Unis a dû être évacuée. Il a essayé de

 21   suggérer que cela correspondait à la façon dont la population a été

 22   redistribuée sur ces territoires revendiqués par ses forces politiques et

 23   militaires.

 24   Bien sûr, ceci soulève toute une série de questions, à savoir est-ce

 25   qu'il s'agissait de destruction active de pratiquement tous les sites

 26   religieux et de toutes les mosquées sur ces territoires ? Vous avez entendu

 27   la déposition de M. Riedlmayer et la pièce P4070 qui a décrit la

 28   destruction de 281 mosquées sur les 22 municipalités situées sur le


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  1   territoire saisi et détenu par les forces bosno-serbes durant la période de

  2   l'acte d'accusation.

  3   Vous avez également entendu d'autres informations liées à la

  4   destruction de mosquées, telles que, par exemple, la déposition de Milan

  5   Tupajic, P05238, concernant la destruction de mosquées dans la municipalité

  6   de Sokolac par les membres du génie de la 2e Brigade mécanisée de Romanija.

  7   Vous avez des explications à cela également :

  8   "Les Serbes pensent que s'il n'y a plus de mosquées, dans ce cas-là

  9   il n'y aura plus de Musulmans, et en détruisant les mosquées, les Musulmans

 10   vont perdre leur motif de revenir dans leurs villages natals."

 11   Il y a un autre exemple également, et j'en veux pour preuve la pièce

 12   P3634, qui est sous pli scellé, et qui présente des informations

 13   similaires, à savoir que des informations étaient diffusées laissant penser

 14   que si l'on détruisait des sites religieux musulmans, cela signifie que les

 15   Musulmans ne rentreraient pas dans ces endroits. Ces informations étaient

 16   transmises par les membres des cellules de Crise. Et la destruction de

 17   mosquées avait pour objectif d'intimider les Musulmans qui étaient encore

 18   sur place pour qu'ils quittent les zones. Le nettoyage ethnique était la

 19   raison ou le motif lié à la destruction de ces moquées.

 20   Après des catastrophes naturelles, on ne voit pas habituellement les noms

 21   des villes et des municipalités modifiés pour refléter une domination

 22   bosno-serbe. Par exemple, vous voyez à la pièce P3478 que, après avoir

 23   brûlé Kozarac, une ville qui avait 700 ans, un signe a été affiché à

 24   Radmilova, et ils ont, en fait, baptisé cette ville d'après le nom de

 25   Radmilo Zeljaja qui avait contribué à brûler cette ville.

 26   Et puis, vous avez également la déposition du Témoin KDZ379, page du

 27   compte rendu d'audience 18 851 à 18 852. Il y avait donc des noms qui

 28   avaient été modifiés.


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  1   Et puis, vous avez également la pièce P3476, où vous voyez Miroslav

  2   Stanic de Foca qui décrivait son rôle en tant que membre du conseil

  3   principal du SDS et président du conseil municipal. Donc la ville de Foca

  4   avait été rebaptisée Srbinje. Et on peut entendre également l'opinion de

  5   l'accusé, et j'en veux pour preuve la 37e séance de l'assemblée à la page

  6   110, où il a dit :

  7   "Il y a deux ans, nous étions un groupe qui avait certains droits en

  8   Bosnie-Herzégovine, et maintenant nous sommes un Etat. Et nous avons 100 %

  9   des terres. Regardez Srbinje. L'objectif aurait été d'avoir un centre

 10   islamique. Foca est très important pour eux, mais ça ne sera jamais à

 11   nouveau leur territoire."

 12   A la suite d'une catastrophe naturelle, il est fort peu probable que

 13   l'on voit des efforts consentis par les autorités au pouvoir d'encourager

 14   la répartition de la population et, au contraire, de décourager le retour

 15   des populations qui habitaient sur place auparavant. Il y a de nombreux

 16   exemples à cet effet, notamment un exemple très intéressant que l'on

 17   retrouve dans les discussions de deux séances de l'assemblée. Tout d'abord,

 18   la séance numéro 37 de l'assemblée de janvier 1994, vous avez donc un

 19   échange entre l'accusé et M. Maksimovic, un responsable politique bosno-

 20   serbe qui était le président du Club de députés en 1991 et 1992, et à la

 21   page 126 et 127, Maksimovic a dit qu'il voudrait avoir une attitude ferme

 22   pour s'assurer que les Croates et les Musulmans ne puissent pas revenir. Il

 23   dit :

 24   "Je n'ai que faire de l'endroit où vivront les Musulmans, s'ils ont un pays

 25   ou pas. Ce qui m'intéresse, c'est mon peuple et le territoire sur lequel

 26   vit mon peuple. Et, par conséquent, toute pensée qui permettrait d'avoir

 27   500 Musulmans ou plus dans notre pays est hors de question."

 28   L'accusé a répondu qu'en ce qui concerne le retour des réfugiés, pour


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  1   répondre à la question de Vojo, il a fait remarquer qu'en vertu du droit

  2   international, on ne peut pas interdire le retour des réfugiés et qu'en

  3   principe ils peuvent revenir. Mais il voudrait rajouter une phrase. Mais il

  4   faut également que ce soit un processus à double sens. Et il savait

  5   qu'après on lui avait demandé au niveau international : Pourquoi ne pas

  6   avoir un processus à deux sens ? Il dit : Les Musulmans de Prijedor vont

  7   rentrer également à Prijedor. Et ceci doit être un processus, donc, à

  8   double sens.

  9   Et notamment, également, lors des débats de la 53e séance de l'assemblée,

 10   pièce P988, page 29. Là, il parle des insistances venant de la communauté

 11   internationale concernant le droit de retour des réfugiés. Il a mentionné :

 12   Il faut que ce soit un processus qui rentre dans un cadre plus vaste. Et

 13   les dignitaires internationaux ne savaient pas exactement ce en quoi cela

 14   retournait. Il a dit : Si les Musulmans peuvent rentrer à Kozluk, dans ce

 15   cas-là les Serbes de Kozluk doivent rentrer à Zenica. Mais s'ils ne veulent

 16   pas revenir et s'ils ne peuvent pas revenir, dans ce cas-là nous aurons

 17   besoin d'une nouvelle guerre pour procéder à ces échanges, donc un

 18   processus qui s'inscrit dans un cadre général. On peut agir de manière

 19   serbo-cyrillique et leur dire face à face, mais nous pouvons également être

 20   un peu plus rusés. Nous devons être un peu plus rusés.

 21   Et on peut se demander : Comment les Musulmans de Kozluk sont partis

 22   de leur territoire ? Vous avez ces informations si vous consultez la pièce

 23   P1478 - ce sont les carnets de Mladic. Cela reflète une réunion que Mladic

 24   a eue avec l'accusé et des représentants de Zvornik et d'autres

 25   municipalités le 30 juin 1992. Et vous pouvez consulter ce document parce

 26   que vous avez deux représentants de Zvornik qui parlent de cela, vous avez

 27   un représentant politique, M. Grujic, et un autre qui est le commandant de

 28   la TO, M. Pavlovic. Et Grujic dit : Nous sommes arrivés à mettre en œuvre


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  1   la décision du président afin de repeupler Divic et Kozluk avec nos

  2   enfants. Et Pavlovic -- ça, c'était aux pages 246 et 247. Pavlovic explique

  3   à la page 250 et 251 : Nous avons été le plus actif en faisant fuir les

  4   Musulmans. Nous avons ramené la paix à Sepak. Certains voulaient partir.

  5   Nous avons dû, cependant, expulser certaines personnes au nom de nos héros,

  6   des personnes qui ont quitté Kovacevici. 

  7   Vous avez entendu une déposition d'une victime qui a été forcée de quitter

  8   sa maison afin de s'assurer que les décisions du président étaient mises en

  9   œuvre, et vous pouvez trouver ceci à la pièce P00104, M. Banjanovic. Il

 10   explique le nettoyage de Kozluk et comment les Musulmans ont été forcés de

 11   partir en présence de milliers de soldats qui ont rendu les choses tout à

 12   fait évidentes quant à leur intention, on peut le voir dans la déclaration,

 13   à savoir que les Musulmans ont été forcés de quitter ce territoire.

 14   J'avais mentionné que l'accusé avait expliqué comment il allait s'assurer

 15   que les Musulmans ne puissent pas revenir sur leur terre natale. Et à cette

 16   occasion, comme à plusieurs autres occasions de par le passé, il a expliqué

 17   pourquoi. A la page 33, on peut voir qu'il dit qu'il faut être très clair,

 18   car ils avaient peur que les Musulmans quittent des parties musulmanes et

 19   qu'ils reviennent dans des parties serbes : S'ils peuvent vivre à Doboj,

 20   ils peuvent vivre de partout, et, par conséquent, il faut éviter cela.

 21   L'accusé, lundi, a également dit, ou plutôt, a également avancé lundi que

 22   les actes de guerre et les actes de violence, ce n'est pas des conditions

 23   préalables à la mise en œuvre des objectifs. Au contraire, les objectifs

 24   avaient été reconnus au sein de la communauté internationale et pouvaient

 25   être obtenus sans qu'il y ait une guerre. Il a dit que les Serbes n'étaient

 26   pas préparés à faire la guerre, qu'ils n'avaient donc pas fait de

 27   préparation, et cetera, et cetera. En ce qui concerne les préparatifs à une

 28   guerre potentielle et le fait d'avoir avancé qu'aucune préparation n'avait


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  1   été faite, je vous propose de consulter toute une série de documents qui

  2   font état des efforts de l'accusé visant à s'assurer que les Bosniens

  3   serbes étaient fin prêts pour une guerre potentielle. Et d'ailleurs, lors

  4   de la 11e séance de l'assemblée, il mentionne que toutes les mesures

  5   nécessaires avaient été prises pour s'assurer qu'aucune mesure ne soit

  6   négligée, ce qui contredit ce qu'il a dit dans ce prétoire lundi. Mais lors

  7   de la 50e séance de l'assemblée, on peut voir les commentaires de Jovan

  8   Tintor de Vogosca, c'est à la page 304. Il parle de la période qui précède

  9   la guerre, et il dit :

 10   "On m'a donné l'ordre de constituer des formations militaires. Peut-être,

 11   Général, vous ne savez pas," et il s'adresse à Mladic, "mais je voudrais

 12   que vous le sachiez. Je suis allé d'une municipalité à l'autre pour créer

 13   des formations militaires sur ordre de mon président. Et ceci est vrai.

 14   J'ai des éléments qui permettent de prouver cela. Nous avons nommé des

 15   commandants de brigade jusqu'à des commandants de peloton, de détachement

 16   pour le bien des Bosno-Serbes. Et nous avons fait ceci le mieux que nous

 17   pouvions."

 18   Pour confirmer que M. Tintor ne se vantait pas. Ceci a été confirmé par

 19   l'accusé aux pages 2 323 à 2 324, et l'accusé dit que lorsque tout

 20   commencera, le peuple serbe est fin prêt. Il y a des brigades et des

 21   détachements dans toute municipalité. Il y a un commandement qui est issu

 22   de la JNA, même si ce n'est pas complètement le cas ici.

 23   L'accusé a mentionné ou a laissé suggérer lundi que les objectifs

 24   stratégiques n'avaient rien à voir avec les efforts militaires et ne

 25   faisaient que refléter les positions de négociation adoptées par les Bosno-

 26   Serbes en 1992. Il est impossible de dresser la liste complète de tous les

 27   documents et de toutes les déclarations qui prouvent le contraire, mais je

 28   voudrais en mentionner cependant certains.


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  1   Tout d'abord, vous avez évidemment le fait que l'accusé consultait Mladic

  2   avant d'énoncer ces objectifs stratégiques. Si vous consultez les carnets

  3   de Mladic, vous verrez qu'une réunion s'est tenue le 6 mai; l'accusé, M.

  4   Krajisnik et le général Mladic essayaient donc de mettre en place les

  5   objectifs stratégiques. Et vous trouvez ceci aux pages 256 à 258, pièce

  6   P1477.

  7   Lors de la 16e séance de l'assemblée du 12 mai, Mladic a expliqué qu'il

  8   travaillait sur les objectifs stratégiques.

  9   Et lors de la 34e séance de l'assemblée bosno-serbe de 1993, Mladic

 10   était également très explicite. Il a dit :

 11   "Tout d'abord, les populations et l'armée, avec l'aide de tout le

 12   monde, ont mené à bien toutes les tâches et ont atteint les objectifs

 13   stratégiques qu'on leur avait fixés. Nous avons créé la Republika Srpska."

 14   Et lors de la 50e séance, il confirme exactement la même chose,

 15   notamment à la page 22. Je cite :

 16   "Les objectifs de l'armée émanent des six objectifs stratégiques bien

 17   connus qui ont été adoptés par notre assemblée et qui n'ont pas été

 18   complètement menés à bien étant donné que nous n'avons pas suffisamment de

 19   matériel dans certains domaines et pas non plus suffisamment de soutien."

 20   Et puis, vous avez également M. Milovanovic, un général - c'était en

 21   fait une pièce à décharge - et il explique qu'à un moment l'accusé a, en

 22   fait, décidé de ne plus demander à la VRS d'être responsable de résoudre

 23   les problèmes dans la région de la Neretva - c'était l'objectif stratégique

 24   numéro 4 - et c'est parce qu'en fait la VRS n'avait plus comme rôle de

 25   mettre à bien l'objectif stratégique numéro 6, c'est-à-dire l'accès à la

 26   mer.

 27   Vous pouvez également consulter les propos de l'état de préparation

 28   au combat, avec une partie qui a été rédigée par l'accusé lui-même qui


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  1   stipule -- c'est la pièce D325, page 159. Je cite :

  2   "Les objectifs stratégiques de la guerre avaient été donnés à l'état-

  3   major principal de la VRS. Il ne s'agissait pas de tâches spécifiques ou

  4   d'opérations. Les objectifs constituaient en fait des lignes directrices

  5   pour les opérations. Cependant, le président de la république avait publié

  6   des tâches très précises de manière verbale, si elles étaient d'une

  7   importance vitale."

  8   Et à la page 160, cela continue :

  9   "Durant les 45 derniers jours, les opérations se sont concentrées sur

 10   la libération de Podrinje, et, par conséquent, l'objectif stratégique de

 11   notre guerre sera mené à bien, à savoir établir des contacts avec la Serbie

 12   au niveau de la Drina, et la Drina ne sera donc plus une frontière."

 13   Et ceci montre bien quelles étaient les opérations qui émanaient

 14   directement de la directive numéro 4 que j'ai mentionnée au début de nos

 15   discussions.

 16   Parmi les autres préparatifs à une guerre potentielle qui avaient été

 17   établis par l'accusé, en plus de ceux qui ont été mentionnés par Tintor

 18   lors de la 50e séance, il y avait, bien sûr, la constitution des instances

 19   exécutives ou décisionnaires qui avaient pour objectif de mettre en œuvre

 20   les objectifs stratégiques au sein de chaque municipalité. Le plus gros de

 21   ces objectifs avait été établi par les variantes A et B du document, c'est-

 22   à-dire les instructions pour la constitution d'instances dans des

 23   conditions d'urgence. Donc vous avez la constitution des cellules de Crise

 24   avec leurs instructions, les mesures qu'elles doivent prendre afin d'être

 25   fin prêtes si quoi que ce soit se passait.

 26   L'accusé a essayé, pas uniquement lundi, mais également à d'autres

 27   reprises, qu'il n'était pas prêt. Mais je ne peux pas passer en revue

 28   toutes les informations qui sont liées aux variantes A et B de ce document,


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  1   mais je voudrais simplement souligner que les efforts de l'accusé visant à

  2   minimiser son rôle au sein des documents sont évidents. Vous avez entendu

  3   de la bouche de témoins que c'est l'accusé qui a diffusé ces documents.

  4   J'en veux pour preuve la pièce P2568 ainsi que les pages du compte rendu

  5   d'audience 16 647 jusqu'à 16 650 où Prstojevic a expliqué comment le

  6   document avait été diffusé à l'époque. Vous avez vu également dans d'autres

  7   dépositions comment ces documents avaient été reçus par les municipalités.

  8   P2575, P2595, P5517, P2592, P2590, P2589, et je mentionne les municipalités

  9   de Prijedor, de Kljuc, de Novo Sarajevo, de Bratunac et de Zvornik. Et vous

 10   avez également vu comment l'accusé avait joué un rôle prépondérant pour la

 11   publication de ce document. Par le biais d'interceptions téléphoniques où

 12   l'on entend l'accusé, D1434, le 20. Ensuite, il parle à Krajisnik en disant

 13   qu'il fallait qu'il y ait des circulations des différentes municipalités --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous suggère de

 15   consulter le compte rendu d'audience. Je crois qu'il y a une instruction

 16   qui est à votre attention.

 17   On vous demande d'avoir l'amabilité de ralentir votre débit.

 18   M. TIEGER : [interprétation] J'avais parlé également aux interprètes

 19   auparavant disant que j'essaierais d'éviter de parler trop vite.

 20   Je vais donc mentionner quelques autres points plus lentement. Il y a

 21   donc des interceptions téléphoniques qui reflètent les discussions avec M.

 22   Cizmovic, y compris une référence spécifique au besoin d'aller d'une

 23   municipalité à l'autre afin de s'assurer que les instructions soient

 24   vraiment mises en œuvre.

 25   Et vous pouvez voir pour cela les pièces P2551, P2552, P2553. A la

 26   pièce P2552, Cizmovic essaie de voir à quel état ils sont dans la mise en

 27   œuvre des différentes instructions, ou du moins le premier niveau des

 28   instructions. Lors de la 6e séance de l'assemblée le 26 janvier, ils


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  1   parlent du besoin pour des actions urgentes, et Cizmovic parle devant tout

  2   le monde, y compris l'accusé, en disant qu'il fallait opérationnaliser ces

  3   instructions. Il y a une déclaration d'activités qui est mentionnée, on

  4   parle également de l'instruction du 19 décembre 1991, et l'accusé en a

  5   parlé le 14 février. Il le mentionne à plusieurs reprises, c'est la page 24

  6   de la pièce P0012, il dit :

  7   "C'est la raison pour laquelle nous vous avons rassemblés

  8   aujourd'hui, pour passer au deuxième niveau et pour renforcer le

  9   fonctionnement du gouvernement à tout prix et sur chaque millimètre carré

 10   de notre territoire."

 11   Et ceci est également mentionné à la pièce P2597 ainsi que P5516. Il

 12   s'agit de municipalités qui constituaient un bon exemple de cette

 13   activation du plan par l'accusé.

 14   Et enfin, l'accusé, lors de la 46e et la 50e séances de l'assemblée, a

 15   mentionné précisément l'importance des variantes A et B, la préparation des

 16   Bosno-Serbes à ce qui allait se produire et les mesures qu'ils devaient

 17   prendre en la matière. Pages 347 et 348 de la 46e séance. Vous vous

 18   souvenez des instructions A et B, il leur demande. Nous avions des cellules

 19   de Crise, et il était clair que c'étaient les autorités. Et il ne faut pas

 20   que les gens soient sans autorité, parce qu'il y a donc cette cellule de

 21   Crise qui est présente.

 22   Puis, lors de la 50e séance, à la page 370 [comme interprété] : Vous

 23   vous souviendrez des variantes A et B, c'est-à-dire que dès que la guerre

 24   commencera, les municipalités où nous sommes majoritaires, où nous avons

 25   donc le pouvoir municipal, nous pourrons contrôler tout cela, nous pourrons

 26   vraiment tout gérer. Et dans les municipalités où nous sommes en minorité,

 27   nous aurons la possibilité d'établir un gouvernement secret, avec des

 28   assemblées municipales, des conseils municipaux et des présidents de


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  1   Conseils exécutifs. Et si vous vous souvenez des variantes A et B, la

  2   variante B, c'est-à-dire là où nous sommes une minorité, c'est-à-dire entre

  3   20 ou 15 %, nous avons établi un gouvernement et une brigade, quelle qu'en

  4   soit la taille, mais il y avait un détachement avec un commandant sur

  5   place. Et il continue lors de la même séance en décrivant comment ils ont

  6   pu créer ces institutions et, en même temps, créer l'espace et le libérer

  7   au niveau de ces territoires.

  8   L'accusé a également mentionné que la séparation n'était pas un

  9   objectif déclaré et il mettait l'accent sur la période allant de février à

 10   mars. Il a demandé aux Juges de la Chambre de se concentrer sur des

 11   déclarations isolées qui avaient été faites avant que le conflit n'éclate

 12   où il y avait ce processus à deux voies de négociations afin d'obtenir une

 13   résolution qui pourrait être satisfaisante pour les Bosno-Serbes, et, en

 14   même temps, ils se préparaient à la guerre s'ils n'obtenaient pas ce qu'ils

 15   voulaient. Donc ces préparatifs avaient lieu. Et il essaie de suggérer dans

 16   ces déclarations que ceci va à l'encontre de toutes les preuves contraires

 17   à ce qui était avancé dans ces déclarations.

 18   Je voudrais maintenant parler de quelques documents qui font état de

 19   ce qui se passait. Tout d'abord, lors de la 11e séance de l'assemblée,

 20   l'accusé a été très clair en expliquant pourquoi il fallait avoir un

 21   message au niveau de la communauté internationale et en avoir un autre

 22   qu'on gardait secret. Il a dit :

 23   "On n'a pas à tout dire pour l'instant," c'est à la page 44. "En

 24   fait, tous les regards sont tournés vers la Bosnie-Herzégovine. Mais

 25   l'objectif stratégique ultime doit rester secret."

 26   Mais lorsqu'on lui a posé plus de questions, il a été clair en disant

 27   que la séparation, contrairement à ce qu'il a avancé lundi, était en fait

 28   l'objectif. Et j'en veux pour preuve la pièce P938. C'est au milieu de


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  1   cette période de février/mars, puisqu'il s'agit en fait du 28 février 1992.

  2   Et il dit la chose suivante -- le contexte était le suivant : il insistait

  3   pour qu'une politique unifiée soit adoptée de façon à ce qu'il n'y ait

  4   aucun risque et qu'aucun territoire bosno-serbe ne fasse l'objet d'une

  5   solution temporaire qui signifierait qu'il y aurait trop de Musulmans.

  6   Il a dit :

  7   "Imaginez la stupidité de tout cela. Le conflit en Bosnie-Herzégovine

  8   est en fait un conflit entre différents peuples. Comme cela a été le cas

  9   entre l'Inde et le Pakistan, ce n'est rien de nouveau, et ceci s'est soldé

 10   par une réinstallation dans d'autres territoires de certaines personnes.

 11   Les Musulmans ne voulaient pas vivre avec les Hindous, qui sont aussi

 12   pacifiques que les moutons."

 13   Il dit qu'il ne peut pas y avoir de discussions. Et il continue en

 14   disant qu'il envisageait la possibilité d'une Krajina de Bosnie, en disant

 15   : Dans deux ans, nous aurons à nouveau des problèmes parce qu'il va

 16   falloir, en fait, séparer tous les villages, "parce qu'ils vont devenir

 17   majoritaires en raison de leur taux de natalité et de leurs ruses, et nous

 18   ne pouvons pas permettre ceci de se produire."

 19   Et même après la réalisation quasiment totale du nettoyage ethnique,

 20   lors de le 17e séance de l'assemblée des Bosno-Serbes en juillet 1992,

 21   l'accusé se vante en disant qu'il a conquis environ 

 22   70 % du territoire de Bosnie-Herzégovine, et il reconnaît le fait qu'une

 23   partie de ce territoire pouvait être rendue dans le cadre des négociations,

 24   et vous avez vu la carte Krajisnik qui faisait état des territoires qui

 25   avaient été conquis par les forces bosno-serbes.

 26   Et d'ailleurs, lorsque je parle de "conquête", ce n'est pas un terme qui

 27   est inventé par l'Accusation. Vous retrouverez ce terme dans différents

 28   documents. Comme, par exemple, lors de la 16e séance de l'assemblée, un des


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  1   délégués de Brcko, dans ce cas-là, demande à l'accusé de les aider à

  2   envoyer des renforts à Brcko afin de les aider à la conquête, parce qu'à

  3   Brcko les Serbes étaient minoritaires. Donc, même après tous ces réussites,

  4   il y avait toujours un effort d'homogénéisation nationale.

  5   Si vous consultez la pièce P794, vous verrez une réunion en janvier 1993 au

  6   conseil pour la coordination des positions en matière de politique

  7   gouvernementale. L'accusé était présent. M. Krajisnik et M. Koljevic

  8   étaient présents, ainsi que d'autres hauts dignitaires, y compris M.

  9   Milosevic représentant la Serbie. Et il y a eu donc cet échange de propos

 10   entre l'accusé et le ministre des Affaires étrangères de Serbie, M.

 11   Jovanovic. M. Jovanovic parle des objectifs et déclare que les liens

 12   territoriaux - et c'est à la page -- je crois qu'il s'agit de la page 34,

 13   mais je devrai vérifier cela.

 14   M. Jovanovic dit : Les liens territoriaux entre la Serbie et le Monténégro

 15   sont très importants, donc ce n'est pas une solution transitoire, mais :

 16   "Ce qui est encore plus important, c'est de s'assurer de l'homogénéisation

 17   aussi rapidement que possible du territoire. C'est un objectif stratégique

 18   vers lequel nous devrions tendre."

 19   Et il demande instamment aux Bosno-Serbes d'éviter de procéder au nettoyage

 20   ethnique, mais explique comment il y a différentes méthodes qui permettent

 21   de se débarrasser de personnes qui devraient partir des provinces

 22   contrôlées par les Serbes et aller s'installer ailleurs, et le Dr Karadzic

 23   répond en disant de manière très enthousiaste : Je pense que ce que M.

 24   Jovanovic a abordé s'est déjà produit dans une grande partie du territoire.

 25   A Zvornik, on était à 50-50, et maintenant nous avons environ 50 000

 26   habitants et ils sont tous Serbes. Et puis, il y a eu une discussion avec

 27   M. Maksimovic plus tard pour expliquer comment il s'assurerait que les

 28   Musulmans ne pouvaient pas revenir.


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  1   De manière analogue, si on essaie de voir ce qui se passe à différents

  2   moments dans les documents qui sont sortis du contexte pour essayer de

  3   souligner quelque chose que démontre le gros de nos éléments de preuve,

  4   l'accusé dit que le 27 [comme interprété] avril il a émis une plateforme en

  5   demandant que les territoires qui ont été pris par la force ne soient pas

  6   reconnus et que l'on rétablisse la paix aussi rapidement que possible.

  7   L'Accusation, d'après l'accusé, n'a pas démontré qu'il était favorable à

  8   l'élargissement des territoires ou conquêtes territoriales.

  9   Eh bien, je vous ai déjà cité un certain nombre d'éléments de preuve,

 10   mais je voudrais maintenant me polariser sur une période très particulière,

 11   le mois d'avril. Et je vais tout d'abord vous citer la pièce P1477, le

 12   carnet de Mladic en date du 6 mai 1992. Donc c'est une réunion - j'en ai

 13   déjà parlé - et l'accusé parle au général Mladic au sujet de Sarajevo. Il

 14   dit : Nous contrôlons les localités serbes dans la ville et nous

 15   élargissons le territoire. Vous vous rappellerez la 17e session de

 16   l'assemblée, P28, donc c'est une réunion qui se tient en juillet où, parmi

 17   les dirigeants des cellules de Crise serbes, M. Prstojevic explique ce qui

 18   se passe à Sarajevo, et au tout début ils ne savaient pas si M. Karadzic

 19   était en vie :

 20   "Pendant les premiers jours, lorsque nous avons appris qu'il était en

 21   vie et lorsqu'il est venu nous voir à Ilidza, il nous a encouragés, nous

 22   les Serbes de Sarajevo. Nous avons gardé le contrôle sur le territoire et,

 23   même, avons élargi notre territoire dans certaines zones. Nous avons chassé

 24   les Musulmans des territoires où ils avaient été majoritaires."

 25   Donc, contrairement à ce que l'accusé avance, en fait, il avait une

 26   connaissance directe et immédiate de la situation. Il est clair qu'il y a

 27   eu un encouragement à Mladic d'élargir les territoires serbes de Bosnie.

 28   Monsieur le Président, nous avons un volume très important de


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  1   documents supplémentaires. Je vais peut-être abréger et passer au chapitre

  2   consacré à Sarajevo.

  3   Je voulais me pencher, entre autres, sur des commentaires qui ont été

  4   faits lundi par l'accusé, d'une part, lorsqu'il a dit qu'il n'était pas en

  5   contact avec les municipalités ou qu'il n'avait pas la possibilité de

  6   contacter les municipalités sur la base de la déposition de M. Djeric. Et à

  7   ce sujet, tout simplement, je tiens à dire que si on examine la déposition

  8   de M. Djeric, l'on verra bien qu'il dit que le gouvernement était au sommet

  9   du mont Jahorina, et il parle très précisément des efforts qu'il fait

 10   justement pour que les gens puissent être contactés et qu'il recevait des

 11   informations. Et vous avez entendu ce commentaire sur le système de

 12   transmission serbe, y compris les transmissions de la VRS, les

 13   communications au niveau de la république, qui n'ont jamais été

 14   interrompues. Le seul moment où brièvement cela s'est produit c'était en

 15   août 1995, à cause des bombardements de l'OTAN puis le système du MUP.

 16   P2794, à cet effet donc, où l'on voit détaillé comment ont fonctionné

 17   les systèmes de communication et de transmission, et puis un autre sujet

 18   que je vais peut-être pouvoir aborder plus tard, le fait que l'accusé

 19   cherche à prendre toutes ses distances par rapport au fonctionnement des

 20   centres de détention. Il avance qu'il ne pouvait pas savoir ce qui s'y est

 21   passé, qu'il ne recevait pas d'information.

 22   Et là encore, je reprends la déposition de M. Djeric. Vous voyez

 23   qu'il en parle, il dit qu'en mai -- donc, dès le départ, à commencer par la

 24   décision prise par le Conseil de sécurité nationale, et l'accusé présidait

 25   cette instance. Vous voyez qu'un système de détention de civils a été mis

 26   sur pied le 8 mai et que la Commission au niveau de la république chargée

 27   des échanges a été créée. Vous vous rappellerez peut-être la vidéo des

 28   prisonniers de Bratunac que vous avez vue - il s'agit de la pièce P3206 -


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  1   le 14 mai donc. Ils passent par Pale où ils y restent donc quelques jours.

  2   Ils ont été, entre guillemets, "échangés grâce à cette commission", et si

  3   vous voyez les sessions du gouvernement serbe de Bosnie le 10 juin et le 15

  4   juin, vous verrez qu'il se préoccupe du risque qu'il court d'être condamné

  5   sur le plan international à cause de ce qui se passe dans ces centres, ce

  6   qui constitue une menace pour leur Etat si ces centres ne sont pas gérés

  7   correctement. Ils avaient des informations. Vous savez qu'il a écrit une

  8   lettre à James Baker et que tous ces efforts se fondent sur les

  9   informations qu'ils reçoivent et qui portent sur les mauvais traitements

 10   qui sont réservés aux détenus et qui portent également sur les conditions

 11   inhumaines qui prévalent dans les camps. Puis, les conversations

 12   interceptées, les conversations entre M. Krajisnik, M. Mandic et M.

 13   Karadzic, donc, au sujet des prisonniers qui se trouvent dans les camps. Je

 14   vais vous référer à des pièces exactes après la pause. Je pense qu'il

 15   s'agit de la pièce P1102 ainsi que la pièce P1103.

 16   Le 17 juillet, il y a un rapport de M. Stanisic. Il s'adresse

 17   directement à M. Karadzic, il est le chef du MUP, et il dit que l'armée et

 18   les cellules de Crise placent les Musulmans dans des détentions où ils sont

 19   gardés dans des conditions inhumaines. Et Stanisic se préoccupe dans ce

 20   document, non pas du fait qu'il s'agit d'un crime, mais il se préoccupe du

 21   fait que cela a un impact sur ses ressources, les ressources du MUP. Et

 22   vous savez que rien ne s'est produit jusqu'à ce que la communauté

 23   internationale ne réagisse et que les conditions dans les camps sont

 24   restées terrifiantes à Manjaca, Batkovic et dans d'autres camps.

 25   Donc j'espère pouvoir reparler encore de cela lorsque je parlerai des

 26   points 1, 2 et 3[comme interprété]. Mais maintenant, je voudrais me pencher

 27   sur les affirmations de l'accusé portant sur les chefs d'accusation 9 et

 28   10, et je voudrais parler de Sarajevo.


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  1   Là encore, ce sont quelques commentaires très spécifiques que je vais

  2   aborder, mais j'insiste qu'il faut les replacer dans un volume colossal de

  3   pièces à conviction qui nous montrent ce qui s'est passé à Sarajevo et qui

  4   en est responsable. Nous avons vu toute une série de témoins militaires

  5   expérimentés qui ont connu d'autres conflits, qui ont eu la possibilité de

  6   voir les bombardements et les tirs embusqués à Sarajevo pendant des mois et

  7   des mois et qui sont arrivés à la conclusion que c'était une campagne de

  8   terrorisation [phon].

  9   KDZ185 est arrivé à la conclusion que "l'objectif principal" du

 10   bombardement et des tirs isolés était de terroriser la population civile.

 11   Lorsque nous avons demandé qu'on nous explique ce terme, page du compte

 12   rendu d'audience 4 177 et 4 178, on a une description de l'expérience des

 13   civils sans armes, d'une part, et l'expérience de quelqu'un qui, au

 14   contraire, serait capable d'agir d'une certaine manière.

 15   Nous avons un rapport du 8 juillet 1995, un rapport type :

 16   "Les tirs embusqués et les bombardements à un niveau d'intensité

 17   plutôt élevé. Terreur dans la ville. Quasiment pas de civils qui peuvent

 18   circuler le long de l'axe est-ouest. On l'appelle la 'sniper alley'. Mais

 19   les bombardements sporadiques continuent contre la ville."

 20   Et puis, l'auteur du rapport - la pièce est P822, page 2 - est venu

 21   déposer. Il s'agit de M. Harland. Et il a dit qu'il n'essayait pas

 22   d'obtenir un effet d'hostile lorsqu'il a utilisé le terme de terroriser. Il

 23   essayait simplement de décrire la situation, et il a parlé de ces

 24   différents niveaux de pression qui s'est exercée sur la population. Il dit

 25   qu'il n'y avait pas d'aide humanitaire.

 26   La terreur, ce sont effectivement les mots utilisés par les témoins

 27   les uns après les autres, des témoins ayant une expérience militaire. Et je

 28   vous renvoie aux Témoins van Baal, Abdul Razik, van Lynden, Bowen, Tucker,


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  1   Frazer, Brennskag, Banbury. Les paragraphes P -- ou plutôt, pièce P1762,

  2   page 73 pour Fraser; et Brennskag, P1851, paragraphe 60; Banbury, P2451,

  3   paragraphe 199; KDZ304, P2407, page 10; KDZ182, page du compte rendu

  4   d'audience 13 038; et cetera.

  5   Les éléments de preuve nous montrent que l'accusé commandait cette

  6   campagne. Et c'est tout à fait clair, il a intensifié la campagne en

  7   fonction de ses objectifs politiques. Par exemple, Banbury est arrivé à la

  8   conclusion que Mladic et Karadzic pouvaient varier l'intensité de la

  9   terrorisation de Sarajevo, et je le cite :

 10   "Par exemple, ils pouvaient améliorer les conditions en ouvrant

 11   l'aéroport, en permettant que le commerce reprenne, en fournissant le gaz,

 12   en faisant arrêter les tirs embusqués, en arrêtant les bombardements, et

 13   également ils pouvaient faire que la situation empire en imposant des

 14   restrictions à cela."

 15   Et je vous renvoie, là, à la pièce P2451, paragraphe 200.

 16   Le général Rose arrive à une conclusion comparable. Au niveau le plus

 17   élevé militairement de part et d'autre, les parties avaient la possibilité

 18   de contrôler les bombardements et les tirs embusqués, et c'était évident au

 19   niveau des négociations. Et :

 20   "Il était clair que le Dr Karadzic et le général Mladic constituaient

 21   le sommet des forces serbes de Bosnie, qu'ils pouvaient les contrôler."

 22   Il s'agit de la pièce P1638, paragraphes 205 à 207. Ces observations

 23   qui sont faites par des représentants de la communauté internationale

 24   correspondent à ce que l'on voit se passer directement à Sarajevo.

 25   Donc, par exemple, nous avons eu la possibilité de voir les

 26   conversations interceptées du 13 août 1993. L'accusé enjoint le général

 27   Gvero à donner l'ordre à Galic de :

 28   "Faire en sorte qu'il évite tout problème à la partie serbe par


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  1   rapport à la communauté internationale."

  2   Et nous avons aussi :

  3   "Des ordres à la fois donnés verbalement et par écrit, des ordres

  4   donnés à Galic, et le chef va sur place directement, en personne, pour

  5   s'assurer que cela a été exécuté."

  6   Pièce P4783.

  7   Le général Galic a exécuté l'ordre le même jour. Pièce P5042.

  8   La nature même de la campagne dément l'affirmation de l'accusé.

  9   "Vu la durée de la campagne de bombardements et de tirs embusqués, il

 10   n'y a pas d'autre conclusion que l'on pourrait tirer si ce n'est que cette

 11   campagne constituait la politique conçue par la direction serbe de Bosnie.

 12   L'exécution du siège exigeait des ressources très considérables et s'est

 13   produite de manière aussi généralisée qu'elle ne pouvait résulter qu'en des

 14   ordres donnés à des niveaux les plus élevés."

 15   Je vous renvoie à la déposition de Banbury, pièce P2451, paragraphe

 16   205 [comme interprété].

 17   Et la campagne, d'ailleurs, a continué pendant plus de trois ans, ce

 18   qui nous montre que l'accusé avait bien l'intention de semer la terreur

 19   dans la population civile de Sarajevo.

 20   Alors, lundi, l'accusé a affirmé que l'Accusation "n'a pas réussi à

 21   démontrer que la partie serbe a tiré de manière aveugle," que l'Accusation

 22   n'a pas démontré que les Serbes ont mené à bien des actions illégales dans

 23   le secteur de Sarajevo et que nous n'avons pas réussi à démontrer que

 24   Sarajevo était une zone civile, ni que les civils ont constitué la cible

 25   d'actions militaires lancées par la partie serbe.

 26   A l'opposé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, les

 27   éléments de preuve montrent que le bombardement de Sarajevo a été organisé

 28   et orienté contre la population civile plutôt que contre des objectifs


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  1   civils, et cela ressort clairement du gros de nos éléments de preuve.

  2   Le général Fraser a expliqué qu'au cœur de la ville, où il n'y avait

  3   pas de positions de militaires, il y avait des bombardements et qu'ils se

  4   rendaient sur place ou que les observateurs militaires des Nations Unies se

  5   rendaient sur place pour enquêter, et que pour la plupart il s'agissait

  6   simplement de civils, qu'il n'y avait pas de cibles militaires sur place

  7   qu'ils auraient pu identifier.

  8   Pièce P1762, page 51.

  9   Un autre observateur des Nations Unies, Thomas, qui a constaté qu'il y a eu

 10   des bombardements des zones résidentielles, et que :

 11   "Il ne pouvait voir aucune valeur militaire à ces actions au niveau

 12   d'aucune des installations prises pour cible."

 13    Et Thomas ajoute que c'est ce qui a été confirmé par les analyses

 14   des cibles.

 15   Alors, nous avons ensuite la déposition de Konings, pages du compte rendu

 16   d'audience 6 798 à 99 :

 17   "Il constate qu'ils ont simplement tiré dans des zones civiles,

 18   qu'ils leur importaient peu de savoir quel a été le point d'impact final,

 19   que simplement ils cherchaient à terroriser la population."

 20   Pièce P1952, paragraphe 22.

 21   Et puis, lorsqu'on lui a demandé s'il était au courant de pilonnages

 22   des zones purement résidentielles, il a répondu :

 23   "Mais bien sûr, c'est tout à fait clair. C'étaient des zones où il

 24   n'y avait absolument pas de cibles militaires. Les obus tombaient parmi la

 25   population civile."

 26   Pièces P1338 à 39 [comme interprété].

 27   Alors, nous avons toute une série de militaires qui ont déposé, qui ont

 28   cherché à distinguer entre les vrais bombardements militaires et les


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  1   autres, à savoir les bombardements "aléatoires".

  2   Van Lynden, par exemple, accepte que "la caserne maréchal Tito était

  3   une cible militaire," et puis il continue en disant que :

  4   "Il y avait en fait des bombardements complètement aléatoires qui

  5   couvraient toute la zone de la ville. Et à l'époque, il lui semblait que

  6   c'étaient des tirs qui semblaient avoir pour objectif simplement de punir

  7   la population et de leur faire peur."

  8   KDZ185 a vu lui aussi deux types de bombardements. Premièrement, les

  9   tirs d'artillerie traditionnels à l'appui d'actions militaires; et puis, le

 10   deuxième type, pour exercer et pour accroître la pression psychologique sur

 11   la population et sur le gouvernement bosnien.

 12   Et puis, Tucker qui dit :

 13   "Il y avait deux types de tirs entrants : il y avait des tirs

 14   concentrés, à savoir beaucoup d'obus qui tombaient sur des petites zones

 15   d'un secteur donné; et puis, le deuxième type de feu, c'étaient des obus

 16   isolés, aléatoires, n'importe où dans la ville, sans objectif militaire.

 17   Ces obus qui tombaient n'importe où dans Sarajevo tombaient dans des zones

 18   civiles et ils ne constituaient pas un tir d'appui à l'attaque ou d'appui à

 19   la défense. Simplement, ils étaient tirés dans la ville."

 20   Tucker explique que ça se passait "tous les jours". Et je vous

 21   renvoie à la pièce P4203.

 22   Et puis, Richard Mole a également déposé en disant que c'étaient des

 23   obus "aléatoires", arbitraires, qui n'étaient pas tirés dans un objectif

 24   militaire. Il parle de tirs indiscriminés. Et il explique au compte rendu

 25   d'audience 5 818 à 5 019 [comme interprété] que c'étaient des tirs qu'il a

 26   constatés à Sarajevo, qu'il s'agissait simplement de bombardements de la

 27   ville, que c'était très différent des tirs concentrés.

 28   Pièces P1435, P1433, 1434, 1429.


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  1   Et puis, nous avons Brennskag qui explique :

  2   "D'expérience, je dirais que les obus isolés ne constituent pas

  3   partie d'une offensive militaire habituelle. Il me semble que ce type de

  4   tir n'est pas engagé afin de toucher des cibles militaires, mais plutôt

  5   pour terroriser la population civile."

  6   Il ajoute qu'en juin 1995, plusieurs fois par jour, il y avait des

  7   obus isolés, comme cela. Je vous renvoie à la pièce P1851, au paragraphe

  8   31. Et il dit que les conséquences de cela étaient des pertes civiles.

  9   Ensuite, Konings donne une explication semblable, il dit que l'on

 10   avait besoin de beaucoup d'obus afin de détruire des bâtiments qui étaient

 11   faits de pierre, de brique ou de ciment, de béton. Et il dit que :

 12   "Il a vu des tirs aléatoires avec de simples tirs isolés sur des

 13   zones où il n'y avait absolument pas d'objectifs militaires."

 14   Et le général Wilson qui constate de manière analogue que :

 15   "Généralement, ce qui se passait, c'est que les tirs serbes

 16   couvraient une zone de plus d'un kilomètre. Par exemple, qu'il y avait des

 17   tirs entrants, qu'il y avait tout un mélange de calibres. Et cela ne

 18   semblait pas être dirigé sur des cibles spécifiques et il n'y avait pas de

 19   concentration de tirs. C'étaient simplement des zones très générales qui

 20   étaient prises pour cible."

 21   Je vous renvoie, là, à la page 4 131.

 22   Alors, ce que constate le personnel militaire international, c'est

 23   qu'il s'agit de réponses très disproportionnées aux offensives de Bosnie

 24   lancées par l'ABiH. Le général Wilson décrit ces ripostes serbes comme

 25   étant :

 26   "Tout à fait disproportionnées, vu le volume des tirs ainsi que les

 27   zones qui sont couvertes."

 28   Et là, je vous renvoie à la pièce P1029, paragraphe 52.


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  1   Tucker constate lui aussi que les forces gouvernementales essaient de

  2   briser le siège avec des attaques d'infanterie et que l'armée serbe de

  3   Bosnie, au début, répond par des armes lourdes pour stabiliser la

  4   situation, mais qu'ensuite ils lancent des actions qui peuvent être

  5   comprises comme des actions de bombardement qui ont pour but de punir la

  6   ville -- de punir les zones d'où sont parties les attaques d'infanterie

  7   bosniaque.

  8   Donc la FORPRONU constate que c'était un effort de "punir les

  9   citoyens des zones d'où les attaques étaient parties et qu'ils cherchent à

 10   démontrer à quel point cela n'avait pas de sens, qu'ils ne pouvaient pas

 11   opposer une résistance efficace."

 12   Je vous renvoie à la pièce P4203 [comme interprété], paragraphe 19

 13   [comme interprété].

 14   Richard Mole explique que Galic menace de bombarder Sarajevo en

 15   mesure de représailles. Et il décrit ce comportement en disant que cela

 16   fait partie d'une "norme admise". A savoir, si la partie serbe n'arrive pas

 17   à atteindre son objectif, eh bien, "qu'ils vont utiliser l'artillerie pour

 18   se venger sur la ville."

 19   Nous avons Harland qui décrit cette attitude de -- cette tactique de

 20   tac au tac où les Serbes de Bosnie répondent aux forces bosniennes. Nous

 21   avons un rapport du 2 juillet 1995 dont Harland est l'auteur qui est cité

 22   pour illustrer le caractère disproportionné des ripostes, et d'autres

 23   également ont dit que :

 24   "Il s'agissait de bombardements indiscriminés dans la zone habitée au

 25   centre-ville et que des tirs embusqués ont connu une nouvelle intensité."

 26   Le général Wilson -- ou plutôt, ce qui me revient à l'esprit, c'est

 27   un commentaire très précis qui été fait par l'accusé, à savoir que

 28   l'Accusation n'a pas réussi à démontrer que les Serbes tiraient dans un


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  1   premier lieu sans qu'il y ait eu de provocation d'autre part. C'est un

  2   commentaire intéressant parce qu'il reflète en fait l'opinion de l'accusé

  3   que la riposte de la partie serbe était appropriée à partir du moment où

  4   l'autre partie avait agi initialement. Et vous avez, en fait, entendu des

  5   représentants de la communauté internationale, y compris le général Wilson,

  6   que ces ripostes étaient disproportionnées, et ce, de manière caractérisée.

  7   Lui, il a déclaré que la riposte était entièrement disproportionnée. Donc,

  8   typiquement, ce qui se passait, c'était qu'il y avait deux ou trois obus

  9   qui étaient tirés et qu'ensuite on avait une riposte avec 200 obus

 10   distribués sur une zone très large, une zone habitée, résidentielle. Et il

 11   déclare que :

 12   "C'était tout à fait disproportionné." Et il dit que :"Cela pouvait

 13   causer énormément de dégâts et énormément de dégâts collatéraux.

 14   Et le général Rose tient les mêmes propos. Il dit, je cite : "La réaction

 15   habituelle des dirigeants des Serbes de Bosnie face aux protestations en

 16   cas de pilonnage était qu'ils réagissaient après les attaques des

 17   Musulmans." J'en veux pour preuve la page 3 949.

 18   Et 4 131 à 4 133, donc il y est encore une fois question d'attaques

 19   disproportionnées. Il faut également savoir qu'il fait référence à ces

 20   attaques dont l'intention est de punir l'ensemble de la population de

 21   Sarajevo. Donc il s'agit d'une punition collective pour la population de

 22   Sarajevo afin d'exercer une influence sur cette population pour essayer

 23   d'obtenir des concessions ou de gagner, d'obtenir quelque chose.

 24   Monsieur le Président, je remarque l'heure qu'il est. Je souhaiterais

 25   poursuivre avec les chefs 9 et 10 après.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause

 27   d'une demi-heure et nous reprendrons à 11 heures.

 28   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.


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  1   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, poursuivez, je vous

  3   prie.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause, je vous

  5   parlais de ce que l'accusé a affirmé à propos des tirs indiscriminés, des

  6   tirs injustifiés, des actions injustifiées, du fait que Sarajevo était une

  7   zone civile et que les civils étaient pris pour cibles par les actions

  8   militaires des Serbes de Bosnie. Alors, je venais juste de vous parler de

  9   cette punition collective des civils, et je voudrais maintenant en venir et

 10   attirer l'attention de la Chambre sur certains éléments de preuve relatifs

 11   à certains aspects de cette campagne de terreur. Donc il s'agit à la fois

 12   de la terreur infligée à la population civile ainsi qu'aux armes utilisées

 13   et à l'absence totale de justification militaire. En d'autres termes, il

 14   s'agit de l'utilisation des bombes aériennes modifiées. Alors tout

 15   simplement, ces armes ne peuvent pas être utilisées pour cibler une cible

 16   bien précise de façon précise. Il s'agit de bombes de fortune qui sont :

 17   "Extrêmement imprécises et particulièrement destructrices".

 18   J'en veux pour preuve le paragraphe 42 de la pièce P1953.

 19    Konings a expliqué à la Chambre que les bombes aériennes modifiées

 20   pouvaient détruire tout un immeuble de bureaux, par exemple, et avaient un

 21   rayon de destruction compris entre 50 à 60 mètres. Paragraphe 42 de la

 22   pièce P1953.

 23   Les témoins militaires - tels que Overgard, pièce P2058; Fraser, pièce 1752

 24   [comme interprété]; Brennskag, pièce P1851 - ne pouvaient pas envisager une

 25   situation de champ de bataille où ce type de bombe aurait pu être considéré

 26   comme une arme appropriée parce que l'on ne sait jamais où et quand elles

 27   vont exploser. Mais comme l'a expliqué Konings, et je le cite : "Cibler de

 28   façon précise n'était pas ce qui importait à Sarajevo."


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  1   Le fait qu'elles - et elles étant les bombes aériennes modifiées -

  2   touchaient un immeuble de bureaux était :

  3   "… tout à fait fortuit. Ces bombes auraient pu toucher et frapper une

  4   église ou un immeuble résidentiel ou encore d'autres bureaux. Peu importe

  5   où elles frappaient. Parfois elles effrayaient la population, parfois elles

  6   la tuaient. Chaque tir des forces serbes sur la ville effrayait la

  7   population. C'est ce qu'ils voulaient justement, faire peur à la

  8   population."

  9   Paragraphe 43 de la pièce P1953.

 10   Et il faut savoir que les tirs embusqués à Sarajevo se sont également

 11   inscrits dans un effort organisé centralisé pour cibler la population

 12   civile de Sarajevo. Et comme Banbury l'a expliqué, et je cite :

 13   "Les Serbes n'avaient aucune raison d'utiliser des tireurs embusqués à

 14   Sarajevo. Il n'y avait pas de cibles militaires pour les tireurs embusqués.

 15   L'argument suivant lequel les militaires, notamment des soldats en

 16   permission, se mêlaient à la population et que de ce fait les tirs

 17   embusqués étaient justifiés est battu en brèche… par le fait que les

 18   civils, notamment des femmes, des enfants et des personnes âgées, étaient

 19   très régulièrement les victimes de ces tirs embusqués."

 20   Il s'agit du paragraphe 32 de la pièce P2451.

 21   Et il explique, et je cite, que : "La grande majorité des victimes

 22   des tirs embusqués à Sarajevo était des civils. Et le fait d'utiliser un

 23   tireur embusqué, cela ne correspond pas à l'utilisation d'une arme de façon

 24   indiscriminée comme des mortiers, par exemple, qui sont parfois

 25   indiscriminés.

 26   "Dans le cas de tirs embusqués, on cible une personne, et les

 27   victimes des tirs embusqués qui préoccupaient la FORPRONU étaient en règle

 28   générale, à Sarajevo, des civils".


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  1   Page 13 317 à 13 318 du compte rendu d'audience.

  2   Et comme l'a dit Harland, et je cite :

  3   "Lorsqu'un civil était tué par un tireur embusqué, ça ne pouvait pas

  4   être attribué à un dégât collatéral."

  5   Pièce 820, paragraphe 300.

  6   Donc le fait de cibler de façon délibérée des civils qui sont ciblés

  7   par ces tireurs embusqués est encore exacerbé par le fait que les tireurs

  8   embusqués serbes de Bosnie ciblaient des civils qui se livraient à des

  9   activités clairement civiles. Ils étaient à vélo, ils allaient chercher de

 10   l'eau, ils étaient à bord de trams. Voyez, par exemple, la pièce P896. Vous

 11   avez également le Témoin KDZ090, pièce 2923, page 5; puis, vous avez la

 12   pièce P2923; P1762, page 39; P1638, paragraphe 183 de cette pièce.

 13   L'impact psychologique de ces tirs embusqués a été décrit par

 14   l'expert en tirs embusqués, Patrick van der Weijden, et je le cite :

 15   "Une victime tuée par un tireur embusqué" - bon, est touchée, c'est

 16   la victime - "et ceux qui sont également touchés ce sont les personnes qui

 17   se trouvent tout près de la victime, mais la pensée, ce sentiment

 18   d'insécurité du fait de l'ennemi touche tout le monde. Hormis le fait que

 19   des personnes sont ciblées et touchées, vous avez également cette angoisse

 20   qui émane du fait que vous ne savez pas où ou quand le tireur embusqué va

 21   frapper à nouveau."

 22   Page 8 de la pièce P1620.

 23   Vous avez les explications du général Fraser qui explique que les

 24   tramways étaient devenus la "cible préférée" des tireurs embusqués à

 25   l'intérieur de Sarajevo, à cause de l'impact psychologique que ce type de

 26   tir avait sur la population de la ville.

 27   Et j'aimerais également en venir maintenant à la privation des

 28   services publics, parce que vous avez donc ces privations et ces


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  1   restrictions qui non seulement ont véritablement aggravé la souffrance de

  2   la population civile de Sarajevo, mais qui, comme je vous l'ai indiqué il y

  3   a quelques minutes de cela, les rendent encore beaucoup plus vulnérables

  4   aux attaques. Donc les Serbes de Bosnie ont privé la ville des services

  5   publics, du ravitaillement humanitaire. Les civils sont devenus des cibles.

  6   Ils étaient obligés et contraints de sortir pour aller trouver de l'eau et

  7   de la nourriture.

  8   Et comme Harland a expliqué, et je cite :

  9   "Les Serbes bombardaient souvent les endroits où les gens s'étaient

 10   rassemblés pour obtenir de l'eau parce que les gens devaient s'y rendre en

 11   grand nombre. Alors, lorsqu'ils n'étaient pas en train de faire la queue

 12   pour obtenir à manger ou de l'eau, les gens, en règle générale, se

 13   terraient dans leurs appartements ou dans leurs caves et, par conséquent,

 14   étaient beaucoup moins vulnérables aux bombardements et aux tirs

 15   embusqués."

 16   Il s'agit de la pièce P820.

 17   Et comme nous l'avons vu aux pages 1 à 3 de la pièce P829, qui correspond à

 18   un rapport hebdomadaire sur le secteur de Sarajevo en date du 24 juin 1995,

 19   il y est dit, et je cite :

 20   "Des civils ont été tués alors qu'ils faisaient la queue pour chercher de

 21   l'eau alors qu'ils se trouvaient dans le marché. Les négociations pour

 22   faire en sorte que les services publics remarchent sont complètement

 23   entravées par les militaires serbes. Le HCR a fait venir une petite

 24   quantité de vivres cette semaine, mais les convois de la semaine prochaine

 25   ont été annulés par les Serbes à la suite d'un incident au cours duquel les

 26   Bosniaques ont bombardé un convoi."

 27   Et puis, il y a également d'autres détails :

 28   "Les artilleurs serbes ont tué un grand nombre de civils cette


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  1   semaine. Ils ont bombardé les gens qui faisaient la queue et qui se

  2   trouvaient dans des magasins. Sept personnes ont été tuées et 12 blessées

  3   alors qu'ils faisaient la queue pour chercher de l'eau à Dobrinja le

  4   dimanche. Il faut savoir également que le même jour, cinq personnes ont été

  5   tuées lorsqu'un obus est tombé dans un marché en plein air."

  6   Lundi, l'accusé a essayé de présenter une suggestion, à savoir qu'en dépit

  7   de cet ensemble d'éléments de preuve, il n'avait aucun mobile et les forces

  8   -- et cela était valable également, les forces des Serbes de Bosnie qui

  9   n'avaient aucun mobile pour terroriser Sarajevo. Et cela fait l'objet de la

 10   page 28 611. Et la question qui a été posée est : quel était notre mobile ?

 11   Pourquoi est-ce que nous aurions terrorisé Sarajevo ?

 12   Et je vous dirais qu'en l'occurrence, nous trouvons des éléments de

 13   preuve qui ont été donnés par un grand nombre de témoins, à savoir que le

 14   fait de terroriser la ville donnait aux politiciens serbes de Bosnie une

 15   influence supplémentaire qu'ils n'auraient pas eue sinon. Comme l'ont

 16   indiqué un grand nombre d'observateurs internationaux, c'est tout Sarajevo

 17   qui était tenu à la pointe des fusils, qui a été menacé et qui a subi des

 18   sévices pendant 44 mois. Il a été dit par un général que le bombardement,

 19   les tirs embusqués et le blocus de la ville ont été effectués :

 20   "… manifestement pour exercer des pressions sur le gouvernement de

 21   Bosnie afin de faire en sorte que la paix soit signée, mais en respectant

 22   les conditions des Serbes de Bosnie."

 23   Page 7 271 à 7 272 du compte rendu d'audience.

 24   Harland a identifié cela à propos justement du pilonnage. Il a dit que ce

 25   pilonnage :

 26   "… n'avait absolument aucun objectif tactique militaire qui pouvait

 27   être identifié, mais que le but était de faire en sorte que la population

 28   civile de Sarajevo soit vulnérable, vive dans la terreur absolue et soit


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  1   isolée."

  2   Le paragraphe 33 de la pièce 820.

  3   On fait référence à l'intensité des attaques et au fait que cela

  4   correspond tout à fait à la stratégie. Harland a expliqué que l'accusé

  5   pouvait moduler cette terreur, et il indique que :

  6   "La stratégie générale de Karadzic semblait passer par une modulation

  7   du niveau de la souffrance de Sarajevo, alors il augmentait cette

  8   souffrance pour encourager les Bosniaques à accepter les conditions de paix

  9   des Serbes ou il la diminuait lorsqu'il le souhaitait."

 10   Paragraphe 36 de la pièce P820.

 11   Comme a indiqué le Témoin KDZ450, il n'y avait pas de stratégie pour

 12   conquérir la ville, mais la stratégie visait plutôt à exercer des pressions

 13   sur les autorités et la population.

 14   Et Bell a indiqué, et je cite :

 15   "En resserrant l'étau sur la ville du point de vue économique et du point

 16   de vue militaire, les Serbes pensaient qu'ils pouvaient obtenir un accord

 17   de paix qui leur aurait été favorable."

 18   Paragraphe 60 de la pièce P1996.

 19   Et Bell décrit, et je cite, cela "comme une corde passée

 20   littéralement autour du cou de la population," corde qui pouvait être

 21   resserrée ou relâchée.

 22   Compte rendu d'audience page 10 105.

 23   Donc il s'agit en fait d'une forme de punition collective, et soit il

 24   s'agissait de punir collectivement la population ou alors il s'agissait de

 25   faire réfléchir le gouvernement de la Bosnie lorsqu'il envisageait d'autres

 26   offensives. Et Banbury l'a entendu de la bouche de Mladic lui-même, Mladic

 27   qui a admis que la VRS ciblait les civils, et je cite :

 28   "… pour punir le gouvernement de Bosnie pour des actions menées


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  1   ailleurs. Il s'agissait de représailles à la suite de quelque chose qui

  2   s'était passé ailleurs. Ils utilisaient les tirs embusqués comme un

  3   vecteur, comme un instrument, comme une façon d'exercer la pression et une

  4   méthode de punition."

  5   Pages du compte rendu d'audience 13 330 à 13 331.

  6   Donc, à la suite de la perte pour les Serbes de Bosnie et de la caserne du

  7   maréchal Tito, van Lynden indique, qui est témoin oculaire, que :

  8   "Il y a eu des tirs sauvages sur toute la ville."

  9   Et il dit de ces tirs que :

 10   "… ils ne pouvaient être que considérés comme une manifestation de

 11   leur colère ou que leur but était de punir ou d'effrayer la population."

 12   Paragraphe 56 de la pièce P926.

 13   L'accusé a suggéré lundi que de multiples témoins des Nations Unies ont

 14   témoigné que les forces des Serbes pratiquaient une politique de "siège" à

 15   Sarajevo. Et, en fait, il a fait référence de façon imprécise à la fois au

 16   nombre et à la teneur des témoignages auxquels il a fait référence.

 17   L'observateur militaire des Nations Unies Richard Mole est le seul témoin

 18   des Nations Unies qui fait référence à cette stratégie. Il a expliqué très

 19   clairement ce qu'il signifiait. Il explique que cela n'excluait pas la

 20   pression, la coercition et la terreur. Mais voilà ce qu'il explique, et je

 21   cite :

 22   "Les Serbes ont pris beaucoup plus de risques en essayant d'investir de

 23   façon militaire Sarajevo que par rapport aux avantages possibles qu'ils

 24   auraient pu obtenir. En fait, ce qu'ils voulaient, ils voulaient essayer de

 25   le faire pour avoir des objectifs politiques. Ils auraient pu le faire en

 26   exerçant une pression sur la ville pour obtenir ces objectifs ailleurs.

 27   Mais s'ils pouvaient conquérir la citée du point de vue militaire, ils

 28   supprimaient en quelque sorte un point de pression qu'ils pouvaient ensuite


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  1   utiliser à des fins politiques."

  2   Paragraphe 36 de la pièce P1426.

  3   Et cette conclusion, en fait, recoupe les conclusions d'autres observateurs

  4   internationaux. Lorsque l'observateur militaire des Nations Unies, le

  5   commandant Thomas, arrive à Sarajevo en octobre 1993, voilà ce qu'il dit :

  6   "L'objectif principal de l'armée des Serbes de Bosnie est avant tout

  7   politique. Ils veulent exercer des pressions sur la présidence pour qu'une

  8   solution politique soit trouvée pour mettre un terme à la guerre. Le

  9   deuxième objectif consiste à faire en sorte que les forces de Bosnie-

 10   Herzégovine soient obligées de rester à Sarajevo pour qu'elles ne puissent

 11   pas menacer les forces des Serbes de Bosnie ailleurs ou qu'elles ne

 12   puissent pas être utilisées à d'autres fins dans d'autres zones de la

 13   Bosnie-Herzégovine."

 14   Page 5 de la pièce P1558.

 15   Donc, quels que soient les avantages militaires que les dirigeants des

 16   Serbes de Bosnie pouvaient essayer d'obtenir en encerclant la ville, cela

 17   était tout à fait différent de leur campagne généralisée et organisée de

 18   violence contre la population qui était la cible de bombes, de balles et de

 19   privations de toutes sortes.

 20   L'accusé a également dit lundi qu'aucun incident n'avait pu être prouvé, et

 21   il a dit cela en présentant tout un arsenal d'idées, mais fondamentalement,

 22   l'idée générale est qu'on n'a pas pu prouver que ces incidents étaient du

 23   fait des Serbes de Bosnie, qu'il s'agisse de bombardements ou des tirs

 24   embusqués. Donc j'aimerais réagir à cela très rapidement en vous donnant

 25   deux exemples à titre d'illustration.

 26   Premièrement, nous savons que la Chambre de première instance a déjà

 27   dressé un constat judiciaire, et il y a eu les dépositions de nombreux

 28   témoins internationaux qui ont indiqué que très fréquemment les civils à


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  1   Sarajevo étaient la cible des tirs qui émanaient des forces contrôlées par

  2   la SRK dans les zones de Grbavica, Ozren, Sika. Il s'agit des faits admis

  3   suivants : 69, 70, 81, 121, 123 et 124 pour Grbavica. La Chambre a

  4   également accepté le constat judiciaire suivant lequel les civils faisaient

  5   l'objet de cibles lors d'obsèques, alors qu'ils se trouvaient dans des

  6   ambulances, dans des hôpitaux, dans des tramways, lorsqu'ils faisaient la

  7   queue pour aller chercher de l'eau, par exemple.

  8   La Chambre a également accepté le fait que les enfants, également,

  9   étaient ciblés. Faits admis 115, 2910 [comme interprété].

 10   Il y a des zones bien précises dans Sarajevo qui sont devenues des

 11   zones où il était de notoriété publique qu'elles étaient visées. Je pense,

 12   par exemple, au cimetière juif, à l'Eglise orthodoxe, à l'école de

 13   Nedzarici pour les aveugles. Il s'agit du fait numéro 120 [comme

 14   interprété].

 15   Et toujours dans le même contexte, la Chambre a accepté d'autres

 16   faits supplémentaires admis. Et je vais, en fait, m'intéresser, si vous m'y

 17   autorisez, à deux incidents de tirs embusqués, et ensuite je vous

 18   présenterai mes conclusions à propos des bombardements et des tirs

 19   embusqués.

 20   Alors, vous avez deux incidents. Le F15, il s'agit d'un tramway sur

 21   lequel on a tiré le 27 février 1995. Ont été retrouvés sur les parois de ce

 22   tramway 30 impacts de balles. Fait admis 2983.

 23   Et la Chambre se souviendra que parmi les victimes de cette attaque,

 24   nous trouvons plusieurs morts qui font l'objet du fait admis 293 et 297

 25   [comme interprété].

 26   L'origine des tirs semblait être les tours de Gbravica, et les tirs y

 27   étant été effectués par des membres de la SRK. Voir le fait 294 [comme

 28   interprété].


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  1   Donc ces faits démontrent, bien entendu, amplement qu'il y a eu tirs

  2   délibérés et ciblage délibéré des civils par ces forces, et l'Accusation,

  3   en fait, souhaiterait également faire référence à cet incident

  4   particulièrement connu qui fait l'objet de la pièce P492, page 10.

  5   En avril 1996, des enquêteurs locaux sont entrés dans ces

  6   appartements et ont trouvé de nombreux appartements qui avaient été

  7   transformés en nids de tireurs embusqués. Document T7933.

  8   Les photographies montrent en fait qu'il y a au moins huit positions

  9   de tireurs embusqués et que leurs fusils ciblaient des endroits très

 10   précis. Cela fait l'objet de l'incident F15. Pièce 1738. Ou vous avez

 11   l'incident F9. La Chambre a déjà compris qu'au début de la soirée du 26

 12   juin 1994, des adolescents, dont le nom est donné, se dirigeaient vers un

 13   appartement lorsque Muratovic a été touché par un tir de tireur embusqué

 14   qui l'a touché au niveau de son épaule droite. En fait, vous pouvez voir

 15   les faits déjà admis suivants : 222, 228, 224, 226 ainsi que la pièce

 16   P2207. La distance entre l'origine des tirs et l'endroit où se trouvait la

 17   victime est d'environ 200 mètres. Il n'y avait pas de combat à ce moment-

 18   là, j'en veux pour preuve le fait 229. Et Muratovic, une civile, a été

 19   délibérément ciblée à partir du territoire contrôlé par la SRK. Fait 223

 20   [comme interprété]. Donc ces faits déterminent plus qu'amplement qu'il y

 21   avait ciblage délibéré.

 22   Et l'Accusation a présenté des éléments de preuve, notamment le

 23   rapport de situation quotidien des observateurs militaires des Nations

 24   Unies, qui fait l'objet de la pièce P1600, et qui indique que quelques

 25   jours après l'incident F9, le 11 juillet, un jeune garçon de 17 ans a été

 26   blessé par un tir de tireur embusqué près de la résidence pour les

 27   personnes aveugles. Il y est précisé en fait qu'il y a eu trois incidents

 28   de tirs embusqués ciblant des civils au même endroit au cours de ces


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  1   derniers jours, et ils soupçonnent que la SRK est responsable de ces

  2   incidents. Vous avez le document P1601 qui est un rapport de situation

  3   quotidien du commandement des observateurs des Nations Unies qui date du 13

  4   juillet et qui indique que le commandant du 1er Bataillon de la Brigade

  5   d'Ilidza a admis aux observateurs militaires des Nations Unies que la SRK

  6   avait tiré à partir de la résidence des personnes aveugles. Pièce P1601.

  7   J'en viens maintenant aux bombardements, car nous avons entendu des

  8   allégations fort généralisées de la part de l'accusé. Et j'aimerais attirer

  9   l'attention de la Chambre aux faits déjà admis suivants, aux faits relatifs

 10   à l'incident G-10. Le 7 avril 1995, une bombe aérienne modifiée est tombée

 11   et a détruit la maison d'un civil à Hrasnica. Vous avez également le

 12   document 3038 qui indique l'étendue des dégâts dans cette zone, notamment

 13   la destruction de maisons. Le document 3040 indique également à partir de

 14   quelle zone les bombes aériennes ont été lancées, et il s'agit d'une zone

 15   contrôlée par la SRK. Une journée avant cet incident, et nous le voyons

 16   dans la pièce P1201, le commandant de la SRK, Dragomir Milosevic, donne un

 17   ordre, l'ordre de préparer une bombe aérienne modifiée et de la transporter

 18   et de choisir ensuite la cible la plus avantageuse, à savoir la cible qui

 19   fera que le plus grand nombre de dégâts matériel sera infligé. Et le jour

 20   de l'incident, à savoir le 7 avril 1995, vous avez le rapport quotidien de

 21   la SRK destiné à l'état-major de la VRS, rapport établi par Dragomir

 22   Milosevic, qui indique en fait que leurs forces ont riposté aux tirs

 23   ennemis en lançant, entre autres, une bombe aérienne de quelque 250

 24   kilogrammes en plein cœur de Hrasnica.

 25   Et vous avez entendu ce qu'un témoin a décrit lorsqu'il est arrivé

 26   sur le site, et je cite :

 27   "Nous avons trouvé les maisons complètement détruites. Il ne restait plus

 28   rien."


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  1   Pièce 2058, pages 15 à 17, et vous avez vu donc l'envergure des

  2   dégâts dans la pièce P465, et vous avez également le rapport de M. Martin

  3   Bell à ce sujet.

  4   L'accusé a avancé que l'Accusation n'avait pas su prouver que les

  5   Serbes avaient plus tiré que les Musulmans et que l'Accusation n'avait pas

  6   du tout prouvé que les Serbes avaient tiré les premiers. Alors, pour ce qui

  7   est de cette première affirmation, Konings a indiqué que les tirs

  8   d'artillerie d'origine serbe, qu'il y avait un rapport de 100 à 1 par

  9   rapport à eux. Pages 11 à 12 de la pièce P1953.

 10   Pour ce qui est de ce qui a été avancé précédemment, je parlerais

 11   d'un incident précédent et du fait que l'accusé avançait qu'il ne fallait

 12   pas se concentrer sur le fait de savoir si un obus ou un obus de mortier

 13   avait été tiré par telle ou telle force, mais il fallait, en fait, se

 14   concentrer sur la nature des tirs en retour pour savoir s'ils étaient

 15   disproportionnés, punitifs, et cetera.

 16   Mais en fait, tout d'abord, compte tenu de la première allégation, à

 17   savoir qu'il n'y a aucune preuve que ce sont les Serbes qui ont tiré les

 18   premiers.

 19   L'incident G7. C'est un incident, donc, qui s'est produit le 4

 20   février 1994. Trois obus de mortier de 120 millimètres ont frappé des zones

 21   résidentielles de Dobrinja, blessant des civils, y compris deux enfants, au

 22   total 22 personnes. Un obus a touché un mur en béton à l'arrière d'un

 23   appartement, un autre a touché une aire de jeu, un autre a touché

 24   l'embrasure d'une fenêtre dans un appartement du premier étage. Et plus

 25   d'une centaine de civils ont été touchés dans un parking.

 26   Des personnes faisaient la queue pour de l'aide humanitaire. C'est la

 27   pièce P156. Il n'y avait aucune unité militaire ni personnel militaire à

 28   l'endroit où l'aide humanitaire était déchargée. Il s'agit de 318, 319 et


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  1   323. Une enquête a été menée pour savoir quelles avaient été les causes de

  2   ces pertes civiles. Et on peut voir que le régime des tirs était sur le

  3   territoire de la SRK et que le bâtiment à partir duquel ils avaient été

  4   tirés, le bâtiment Energo [comme interprété], était détenu par les forces

  5   de la RSK. Pas uniquement qu'il s'agissait d'activité pacifique, mais comme

  6   on l'a entendu de la bouche du témoin KDZ450, il a dit que c'était un

  7   exemple typique des Bosno-Serbes qui tiraient sans avoir été provoqués Il a

  8   dit :

  9   "Dobrinja n'était pas une cible militaire, et ceci n'a mené qu'à des

 10   pertes civiles, plus particulièrement des enfants."

 11   Donc déposition du Témoin KDZ450, page du compte rendu d'audience 10

 12   618.

 13   Et puis, pour ce qui est de G-26 [comme interprété], en février 1994,

 14   il y a eu donc deux obus de mortier qui ont été tirés dans un quartier avec

 15   six enfants qui ont tués, trois autres enfants qui ont été blessés et un

 16   civil adulte. A l'époque du bombardement, il y avait deux groupes d'enfants

 17   qui jouaient dans la rue, et après les premières frappes, deux autres obus

 18   ont explosé à proximité de l'entrée d'un appartement et beaucoup d'enfants

 19   ont été blessés après s'être précipité dans cette direction pour essayer de

 20   se protéger contre les premiers tirs.

 21   Il s'agit donc des faits admis 292 à 286 [comme interprété]. Cette

 22   attaque a eu lieu durant une journée qui était calme, sans activité de

 23   nature militaire. Il n'y avait pas de soldats qui étaient à proximité. Il

 24   s'agit des faits jugés 298 et 299.

 25   Et d'ailleurs, KDZ477 a déclaré :

 26   "Pendant pas mal de jours, il n'avait pas eu d'obus. Et je crois que

 27   les enfants jouaient dans la neige parce que cela faisait déjà plusieurs

 28   jours qu'il n'y avait pas eu de bombardement. Sinon, ils n'auraient pas été


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  1   dehors."

  2   Page du compte rendu d'audience 10 923.

  3   Les Juges de la Chambre ont également entendu des dépositions et ont

  4   reçu des éléments de preuve, tels que, par exemple, le rapport d'activité

  5   militaire de la FORPRONU où il est mentionné que :

  6   "Un barrage d'artillerie a, en fait, mis fin à une période de calme

  7   relatif dans la ville en tuant six enfants et en blessant grièvement trois

  8   autres alors qu'ils jouaient dans la neige."

  9   P1700. Sur la base d'analyse d'enquêteurs locaux et des Nations Unies

 10   ainsi que d'experts en balistique, et ceci est lié également à ce qui a été

 11   accepté comme fait jugé dans le procès Galic, ces obus étaient elliptiques

 12   et provenaient plus particulièrement de l'ouest, ce qui laissait penser que

 13   ces trois obus avaient été tirés à partir de positions de la SRK. Encore

 14   une fois, il s'agit de deux incidents qui vont à l'encontre d'une

 15   conclusion qui semblait être en fait la cause ou le prétexte pour des tirs

 16   en riposte de la part des forces bosno-serbes.

 17   Lundi, l'accusé a également mentionné que l'Accusation n'avait pas

 18   prouvé qu'il avait une attitude négative vis-à-vis des questions civiles et

 19   vis-à-vis du bien-être des populations civiles, et qu'il n'y avait aucun

 20   exemple d'une ingérence dans les efforts humanitaires, ce qui aurait pu

 21   contribuer à la souffrance des populations civiles.

 22   Ce que l'accusé avance est contredit par le poids des éléments de

 23   preuve, il contredit directement cela. Fraser [comme interprété] mentionne

 24   que :

 25   "Karadzic pouvait faire fermer ou ouvrir l'aéroport quand il le

 26   souhaitait."

 27   Et :

 28   "Ceci fournissait un atout très important pour les dirigeants bosno-


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  1   serbes."

  2   P2451, paragraphes 65 et 211.

  3   Et il a donné un exemple lorsque l'accusé avait fermé l'aéroport et

  4   avait refusé de l'ouvrir et avait menacé d'avoir encore d'autres

  5   restrictions qu'il appliquerait. Il s'agit de la pièce P3459 [comme

  6   interprété], paragraphes 143 à 145.

  7   Un commentaire associé à cela où l'accusé a laissé croire que toute

  8   l'aide reçue par la population de Sarajevo l'avait été grâce à lui, et je

  9   vois qu'il a mentionné que toute goutte d'eau qu'ils pouvaient boire

 10   c'était grâce à lui, et l'Accusation n'avait montré aucune preuve qui

 11   laissait penser qu'il avait essayé de saboter les conditions de vie de la

 12   population civile à Sarajevo. Encore une fois, ceci est contredit par les

 13   observateurs qui étaient présents sur place et qui ont eu directement

 14   affaire à l'accusé ou à ses forces.

 15   Le 20 septembre 1994, par exemple, lors de réunions auxquelles ont

 16   participé le général Rose et David Harland, dans le contexte des attaques

 17   qui avaient eu lieu à Sarajevo deux jours avant, l'accusé a fait part de

 18   ses préoccupations à savoir que les sanctions du Conseil de sécurité

 19   seraient renforcées contre la Republika Srpska. Et l'accusé dit :

 20   "Si la communauté internationale nous traite comme des bêtes, nous nous

 21   comporterons comme des bêtes."

 22   Et il mentionne précisément "l'utilisation des sociétés d'approvisionnement

 23   en eau, en électricité," et cetera.

 24   C'est la pièce P834, pages 1 et 2.

 25   Le général Rose l'explique, les Serbes ont répondu aux attaques de

 26   l'armée bosniaque en coupant l'électricité, le gaz et en mettant fin au

 27   flux d'aide. Il s'agit de la pièce P1638, paragraphe 118.

 28   Monsieur le Président, je vais revenir à certains aspects des chefs 9 et


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  1   10, mais afin de ne pas mélanger les différents arguments, je voudrais

  2   passer aux chefs d'accusation liés à Srebrenica.

  3   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, durant la déclaration

  4   liminaire de l'Accusation, nous avons présenté certains des éléments de

  5   preuve qui seraient mentionnés en ce qui concerne la responsabilité de

  6   l'accusé concernant le chef d'accusation numéro 2 et les autres chefs

  7   d'accusation liés à Srebrenica. Et comme vous l'avez vu et comme les

  8   éléments de preuve le montrent, ce que nous avons avançons est étayé par

  9   les éléments de preuve dans ce procès. Par exemple, nous avons parlé du

 10   fait que l'accusé avait donné l'ordre de lancer l'opération de prise de

 11   Srebrenica, qui était en fait le clou de ses efforts de nettoyage de la

 12   Bosnie orientale. J'en veux pour preuve P02276, il s'agit de l'ordre du 9

 13   juillet de l'état-major principal de la VRS; P01412, page 111; P01415, aux

 14   pages 84 et 86. Les éléments de preuve nous montrent qu'on l'avait tenu

 15   informé de l'avancée de l'opération durant toute l'opération, et ceci, par

 16   diverses filières, y compris par le biais du général Mladic, par le biais

 17   de rapports de la VRS, de rapports du MUP ainsi que de rapports de la

 18   Sûreté de l'Etat. Vous pouvez vous référer à la déposition de Richard

 19   Butler, le 17 avril 2012, pages du compte rendu d'audience 

 20   27 473 et 27 474. M. Butler explique que l'accusé avait reçu des

 21   informations par le biais de trois filières d'information : la VRS, le MUP

 22   ainsi que la Sûreté de l'Etat.

 23   Les éléments de preuve montrent que l'accusé disposait de contacts

 24   directs avec le général Mladic, qu'il avait entretenu des contacts directs

 25   avec des commissaires civils qu'il avait choisis sur le volet. J'en veux

 26   pour preuve les pièces P04911, page 48; P04556, page 35 - il s'agit donc de

 27   Prmovic [phon] et de Ristic; D02055 [comme interprété], la directive

 28   présidentielle du 11 juillet nommant Deronjic comme commissaire civil; la


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  1   pièce P04374, la déclaration consolidée de Katanic, elle fait partie du

  2   paragraphe 70 faisant état du fait que Deronjic avait des contacts

  3   téléphoniques journaliers avec M. Karadzic.

  4   Les éléments de preuve montrent également que l'accusé savait que la

  5   population quittait le territoire concerné au moment où cela se passait -

  6   pièce P04464, rapport de l'état-major principal de la VRS du 13 juillet -

  7   qu'il avait également donné l'ordre de faire partir les hommes d'une zone

  8   où le risque était présent que les représentants internationaux les voient.

  9   P04618, interception téléphonique du 13 juillet avec Deronjic. Et puis, il

 10   y avait également la déposition de M. Butler du 18 avril 2012, pages du

 11   compte rendu d'audience 27 557 à 27 560, déclarant que les convois

 12   internationaux attendaient d'entrer à Bratunac le 13 juillet. Et les

 13   éléments de preuve vont également dans le sens que l'accusé savait que ces

 14   hommes étaient tués. P02242, journal du 14 juillet de Karadzic, page 91,

 15   réunion avec Deronjic; ainsi que page [comme interprété] 4382, vidéo SRT du

 16   14 juillet 1995 concernant la réunion avec Deronjic; P04374, paragraphe 70

 17   où il mentionne les contacts téléphoniques journaliers que Deronjic avait

 18   avec Karadzic; P04374, paragraphe 72 où Katanic déclare qu'il pensait que

 19   Deronjic avait fait rapport des personnes qui avaient été tuées à Karadzic.

 20   Donc je disais qu'à la page 24 466 il est mentionné que Karadzic

 21   était un supérieur de Deronjic.

 22   Voir la déposition également à la page du compte rendu d'audience 24

 23   474, ainsi que les pages du compte rendu d'audience 

 24   24 224 et 24 125 [comme interprété], déclarant que dans la soirée du 13

 25   juillet, Deronjic avait donné l'ordre d'embarquer les corps à Kravica et

 26   qu'un peu plus tard dans la soirée Deronjic avait donner l'ordre de creuser

 27   des fosses communes à Glogova. Page du compte rendu d'audience 24 226.

 28   Les éléments de preuve montrent également que l'accusé a essayé de


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  1   dissimuler les expulsions en masse et les meurtres et continue de le faire

  2   jusqu'à ce jour. P04359, le 13 juillet 1995; déposition d'Erdemovic du 27

  3   février 2012, pages du compte rendu d'audience 25 356 et 357; voir

  4   également la pièce P03163, page 6 du système e-court, un ordre émanant de

  5   Radovan Karadzic du 23 mars 1996, et je cite :

  6   "L'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska et du

  7   ministère de l'Intérieur vont constituer immédiatement une commission

  8   d'experts mixte pour faire une enquête pleine et entière et pour jeter

  9   toute la lumière sur les faits concernant la découverte supposée de deux

 10   corps décomposés à l'endroit où une bataille avait eu lieu avec les

 11   Musulmans dans la zone de Pilica, municipalité de Zvornik." Voir également

 12   la pièce P05235 du 17 juillet 1995.

 13   Les seuls regrets que l'accusé mentionne portent sur la totalité des

 14   opérations, à savoir que certains hommes musulmans s'étaient échappés.

 15   Pièce P01412, 52e séance de l'assemblée le 6 août 1995, pages 23 et 24.

 16   Et c'est sur la toile de fond de différents éléments qui ont été

 17   avancés et de différentes citations erronées qui ont été faites par

 18   l'accusé lundi.

 19   A la page du compte rendu d'audience 28 588, lundi, l'accusé a avancé

 20   qu'on pouvait :

 21   "Au-delà de tout doute raisonnable dire que l'armée serbe n'avait pas

 22   eu de contact avec la population de Srebrenica, n'avait pas de contact avec

 23   la 28e Division, ni avec la population avant que le contact n'ait lieu à

 24   Potocari."

 25   Et ce qui est avancé ici, à l'instar d'autres éléments qui sont

 26   avancés, est faux, tout simplement faux. Nous avons des éléments de preuve

 27   qui ont été consignés au compte rendu d'audience qui mentionnent bien que

 28   la VRS, et plus particulièrement le 10e Détachement de Sabotage qui, comme


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  1   vous le savez, était directement rattaché à l'état-major principal de la

  2   VRS, avait effectivement eu des contacts avec des personnes âgées ainsi

  3   qu'avec des hommes musulmans en âge de porter des armes qui s'étaient

  4   rendus dans le centre de Srebrenica. Et non seulement il est faux qu'ils

  5   n'avaient pas de contact, mais la nature des contacts est également très

  6   importante à caractériser. Et la nature des contacts est mentionnée dans le

  7   document P4205 [comme interprété], page 55 sur e-court. Sur l'ordre express

  8   de leur commandant, le lieutenant Milorad Pelemis, il a tranché la gorge

  9   d'un homme musulman, et l'homme a été immédiatement exécuté de cette

 10   manière. C'était l'ordre qui était donné.

 11   Erdemovic a déposé dans ce sens. On peut trouver ceci à la pièce

 12   P00332, T10946 et 947. Il a dit :

 13   "Il est sorti, il s'est rendu. Il a dit qu'il n'était pas membre de

 14   l'armée, qu'ils n'avaient pas de problème avec les Serbes, qu'ils n'avaient

 15   rien contre les Serbes ou quelque chose dans ce genre, je ne me souviens

 16   pas exactement de ce qu'il a dit."

 17   Erdemovic a confirmé dans sa déposition qu'il n'y avait pas eu de

 18   combat [imperceptible] à l'époque et que les soldats de la VRS avaient

 19   commencé à maltraiter l'homme, et que :

 20   "Peu de temps après cela, le commandant Pelemis avait demandé à un

 21   membre d'un détachement de Vlasenica du 10e Détachement de Sabotage de

 22   trancher la gorge de cet homme musulman et qu'il a été exécuté de cette

 23   manière par la suite, immédiatement après."

 24   Par conséquent, il y a des éléments de preuve qui font état de ce

 25   contact, et en l'espèce, un contact entre une unité d'élite de l'armée

 26   serbe et la population de Srebrenica avant les événements de Potocari.

 27   C'est un exemple parmi d'autres, et ceci va à l'encontre également de ce

 28   qu'a avancé l'accusé, à savoir que des meurtres n'ont pas eu lieu et que


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  1   les militaires ou le MUP n'avaient pas de présence importante sur place.

  2   Les commandants étaient au courant des meurtres - T28594 - et ils n'avaient

  3   pas l'intention soi-disant de faire partir par la force la population de

  4   Srebrenica. T28588 et T28589.

  5   L'accusé a également avancé que :

  6   "Le silence régnait partout en ce qui concerne les exécutions en

  7   masse après la chute de Srebrenica."

  8   Au contraire, l'Accusation a montré que dans son rôle en tant que

  9   président de la Republika Srpska et commandant suprême des forces armées,

 10   l'accusé était constamment au courant de ce qui se passait sur le terrain,

 11   qu'il était au courant des actions et des implications directes de ses

 12   actions et de celles de ses forces au moment des événements. Il a demandé

 13   de manière rhétorique : Comment est-ce que le président aurait pu être au

 14   courant ? Et voilà des éléments de preuve en réponse à cette question

 15   rhétorique.

 16   Tout d'abord, comme le Témoin expert Butler l'a mentionné au sein de

 17   sa déposition, l'opération de meurtre était organisée et mise en œuvre

 18   comme toute autre opération militaire, la même bureaucratie militaire et le

 19   même flux d'information. Je cite :

 20   "Le même processus et les mêmes procédures que celles adoptées par le

 21   Corps de la Drina, la Brigade de Zvornik et la Brigade de Bratunac étaient

 22   utilisés dans le cadre des opérations militaires quotidiennes, ont été

 23   suivis pour leur rôle dans la commission de ces crimes. La chaîne de

 24   commandement militaire, dans cet exemple, a fonctionné comme elle devait

 25   fonctionner."

 26   Les rapports de la VRS et du MUP étaient à l'intention du président

 27   Karadzic. P02276, P03054, P04464, P04457 ainsi que P05137. Ces rapports

 28   montrent clairement qu'il était tenu au courant de l'évolution de la


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  1   situation sur le terrain. L'accusé rencontrait régulièrement des

  2   responsables, des autorités du MUP, militaires et civiles. Par exemple, les

  3   13, 14, 15 et 18 juillet, il a eu une réunion avec le ministre adjoint de

  4   l'Intérieur Kovac qui était informé au quotidien de l'évolution de la

  5   situation sur le terrain. J'en veux pour preuve les pages 91 à 93 de la

  6   pièce P02242.

  7   Deux exemples de la connaissance directe de l'accusé sont les

  8   suivants. Le 14 juillet, il y a un rapport de combat quotidien de l'état-

  9   major de la VRS très urgent à l'attention du président de la RS, P04457, et

 10   qui faisait rapport à Karadzic que les forces de la VRS "ratissaient le

 11   terrain et recevaient un nombre important de fugitifs musulmans qui se

 12   rendaient."

 13   Deuxième exemple, D02002. Le 16 juillet, à 16 heures 15, l'état-major

 14   avait fait rapport à Mladic que l'accusé avait passé un appel parce qu'il

 15   avait été informé que Pandurevic s'était arrangé pour que les Musulmans

 16   puissent aller en toute sécurité en direction de leur territoire. En

 17   d'autres termes, dès que Karadzic avait été informé que Pandurevic avait

 18   ouvert un couloir contrairement aux ordres de détruire la colonne

 19   musulmane, Karadzic avait appelé l'état-major principal pour obtenir plus

 20   de renseignement.

 21   L'accusé a également, dans ses arguments, laissé penser que les

 22   personnes au sein de la chaîne de commandement ne savaient pas ce qui se

 23   passait. Je vais, en fait, attirer votre attention sur une seule déposition

 24   qui contredit ce qu'a avancé l'accusé, mais je dois passer à huis clos

 25   partiel pour ce faire. Il s'agit d'une déposition qui montre clairement que

 26   la chaîne de commandement de la VRS savait pertinemment qu'un ordre

 27   existait pour tuer les prisonniers à Zvornik.

 28   J'aimerais que l'on passe à huis clos partiel parce que je voudrais


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  1   donner lecture de sa déposition.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel, s'il

  3   vous plaît.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 24   Continuez, Monsieur Tieger.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 26   Et enfin, toujours sur le même sujet, je voudrais simplement

 27   mentionner les contacts que l'accusé avait avec Miroslav Deronjic, l'homme

 28   qu'il avait nommé commissaire civil de la municipalité serbe de Srebrenica


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  1   le même jour où les forces serbes ont pris le contrôle dans l'enclave.

  2   Pièce D02055.

  3   Et, en plus, je dirais que d'un point de vue chronologique, ce n'est

  4   pas la première fois que les Juges de la Chambre ont entendu parler du rôle

  5   de Deronjic dans les efforts des forces bosno-serbes et des autorités

  6   bosno-serbes visant à gagner des territoires en Bosnie orientale. Vous vous

  7   souviendrez de son rôle dans le nettoyage de la municipalité de Bratunac en

  8   1992. Et maintenant, nous le voyons nommé personnellement par l'accusé en

  9   tant que commissaire civil de la municipalité serbe de Srebrenica. Mais

 10   dans ce contexte, je voudrais m'intéresser à la période critique des 13 et

 11   14 juillet. Nous savons, comme je l'ai mentionné précédemment, que durant

 12   la soirée du 13, Deronjic était tout à fait au courant que le massacre de

 13   Kravica avait lieu et essayait en fait de le dissimuler. Et d'ailleurs,

 14   durant la soirée du 13, il a donné l'ordre de creuser une fosse commune à

 15   Glogova pour ceux qui avaient été tués à Kravica. Vous trouverez ceci dans

 16   une déposition à huis clos aux pages du compte rendu d'audience T24224 à

 17   T24227 du 7 février.

 18   Le même soir, l'accusé et Deronjic ont abordé la question des

 19   prisonniers au téléphone. C'est une pièce sous pli scellé, P4618. Le

 20   lendemain, c'est-à-dire le 14 juillet, alors que les prisonniers étaient

 21   encore en train d'être transportés dans la zone de Zvornik, l'accusé a

 22   rencontré en personne Deronjic. C'est la pièce P02242, page 91 sur le

 23   système du prétoire électronique, ainsi que P04382. Ces circonstances,

 24   compte tenu de la période, compte tenu du rôle des parties concernées,

 25   compte tenu de leur lien de longue date, sont plus que suffisantes en tant

 26   que telles pour montrer au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé

 27   était bien informé de cette opération de meurtre.

 28   L'accusé a également affirmé que la directive 7.1 ne comporte pas les


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  1   mêmes formulations que l'on trouve dans la directive numéro 7. Et à ce

  2   sujet, il a affirmé que l'aide humanitaire n'a pas cessé d'être fournie et

  3   que les convois ont continué de "circuler sans arrêt", en alléguant que les

  4   enfants de Srebrenica étaient bien nourris et qu'ils étaient en bonne

  5   santé.

  6   Je souhaite maintenant aborder ces points.

  7   Pour commencer, les éléments de preuve ont démontré très clairement

  8   que la directive 7.1 n'a pas remplacé ou ne s'est pas substituée à la

  9   directive 7. Elle ne l'a d'aucune manière remise en question ni niée. Comme

 10   cela a été expliqué par Richard Butler, expert militaire, je le cite :

 11   "La directive 7.1 constitue une prolongation technique, explication

 12   technique des objectifs de la directive 7, destinée à ceux qui conçoivent

 13   des plans militaires."

 14   Je vous renvoie à la page 27 450 du compte rendu d'audience, lignes

 15   11 à 17.

 16   Alors, les éléments de preuve présentés par l'Accusation démontrent

 17   que c'est de manière sporadique que les convois ont pu passer, et là je

 18   vous renvoie à la pièce P838, à savoir :

 19   "Délivrer les autorisations de manière planifiée et restrictive. Mais

 20   pour que cela ne saute pas aux yeux, que l'on impose des restrictions et

 21   réduire par là, limiter le soutien logistique de la FORPRONU aux enclaves

 22   et la fourniture des ressources matérielles à la population musulmane.

 23   Faire en sorte qu'ils dépendent de notre bon vouloir, tout en évitant de se

 24   faire condamner par la communauté internationale et l'opinion publique

 25   internationale."

 26   Et plus précisément, nous avons la directive 7 qui se réfère très

 27   concrètement au Corps de la Drina, et cette partie-là du texte se lit comme

 28   suit :


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  1   "Mener des opérations de combat bien conçues qui créeront une

  2   situation insupportable d'insécurité totale sans aucun espoir de pouvoir se

  3   maintenir sur place pour les habitants de Srebrenica et de Zepa."

  4   Et le général Milovanovic a déposé en disant que c'est le

  5   commandement Suprême qui a directement ordonné cela au Corps de la Drina.

  6   Je vous renvoie à la page 25 504, lignes 23 à 24 du compte rendu

  7   d'audience.

  8   Et puis, voyons ce qu'il en est de la pièce P4481, le plan Krivaja

  9   95, plan du Corps de la Drina d'attaquer Srebrenica qui se réfère aux

 10   directives 7 et 7.1 et qui montre que la directive 7.1 ne remplace pas la

 11   directive 7. Et aussi, le 14 juillet 1995, l'accusé dit qu'il a regardé la

 12   télévision et s'est vanté au Témoin Djordjevic que l'attaque sur Srebrenica

 13   faisait partie de son ordre numéro 7, je le cite.

 14   Et que l'intention de cet ordre était d'amener "les choses au point

 15   d'ébullition."

 16   Donc c'est la page 25 906 à 908 du compte rendu d'audience, ainsi que

 17   la pièce P4515, page 12 du prétoire électronique.

 18   Les éléments de preuve ont démontré que la situation humanitaire dans

 19   l'enclave de Srebrenica était particulièrement difficile, et ce, dû au fait

 20   que l'aide humanitaire arrivait de manière réduite conformément à la

 21   directive 7.

 22   Il n'y avait pas suffisamment de nourriture pour les civils musulmans

 23   de l'enclave, et les restrictions imposées aux convois peuvent être

 24   théoriquement liées à l'accusé. L'Accusation a démontré que Karadzic était

 25   directement partie prenante à la délivrance des permis de circuler aux

 26   convois. On le voit dans sa décision de créer cette commission d'Etat pour

 27   la coopération avec les Nations Unies et les autres organisations

 28   humanitaires, décision du 14 mars 1995, juste quelques jours après la


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  1   directive 7, qui montre clairement que les autorisations de déplacement des

  2   convois seront délivrées par l'organe de coordination conformément à la

  3   décision du comité d'Etat. Article 6.

  4   Les restrictions ont également réduit de manière très considérable

  5   les fournitures au Bataillon néerlandais. Leurs dernières fournitures de

  6   carburant datent de février 1995. Nikolic a déposé à cet effet et il a dit

  7   que ces problèmes se sont intensifiés pendant la période allant de mars au

  8   mois d'avril et la chute de Srebrenica. Je vous renvoie à la page 24 573 du

  9   compte rendu d'audience. Et en résultat, le Bataillon néerlandais n'était

 10   pas capable de mener à bien sa mission parce qu'il n'avait pas de soutien

 11   logistique, tout comme cela avait été ordonné et prévu par la directive 7.

 12   Maintenant, lundi, l'accusé a également affirmé que la population

 13   musulmane est partie de son propre gré et que les autorités musulmanes ont

 14   choisi cette "évacuation", qu'ils ont "préféré procéder à l'évacuation".

 15   Page 28 588 du compte rendu d'audience. Et cette affirmation s'inscrit en

 16   faux par rapport à une quantité très importante de documents qui ont été

 17   présentés à la Chambre de première instance. Nous avons l'intention très

 18   claire de l'armée des Serbes de Bosnie de chasser la population dès 1994

 19   dans l'ordre de la Brigade de Bratunac émanant du commandant Ognjenovic,

 20   qui déclare que l'objectif était de créer une vallée de la Drina qui serait

 21   "purement serbe", et que :

 22   "Il convient de rendre la vie de l'ennemi sur ce territoire

 23   insupportable et tout séjour temporaire dans l'enclave impossible pour

 24   qu'ils soient obligés de quitter l'enclave en masse et qu'ils se rendent

 25   compte qu'ils ne pourront pas survivre sur place."

 26   Pièce P4075. En date du 4 juillet 1994.

 27   En particulier, il convient de se pencher sur la question des

 28   conditions terrifiantes que l'accusé et la VRS ont imposées sur l'enclave


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  1   afin de rendre la vie de la population insupportable dans les mois qui ont

  2   précédé l'attaque qui n'a plus laissé aucun choix à la population si ce

  3   n'est de partir.

  4   Donc, voyons maintenant ce qui est de fourniture en nourriture et

  5   l'impact que cela a eu sur l'existence ou non du choix pour la population,

  6   donc de rester ou de partir.

  7   Vous avez entendu que la VRS et l'accusé ont privé la population de

  8   la nourriture. Vous avez entendu des dépositions de plusieurs témoins du

  9   Bataillon néerlandais qui ont parlé de la pénurie de nourriture dans

 10   l'enclave. Et vous vous rappellerez le Témoin Rutten qui a dit que la

 11   population s'était rassemblée dans l'espoir de trouver quelque chose à

 12   manger. Il n'y avait pas de nourriture, et cela a été une conséquence

 13   directe des restrictions imposées à la circulation des convois

 14   humanitaires, restrictions ordonnées par l'accusé dans la directive 7.

 15   Nous avons entendu l'accusé affirmer que même les témoins de

 16   l'Accusation ont affirmé que les enfants étaient en bonne santé, qu'ils les

 17   ont vus en bonne santé, et que cela montre qu'ils avaient suffisamment de

 18   nourriture. Mais vous vous rappellerez la déposition de Malagic, une femme

 19   qui a perdu son époux et ses deux fils, et qui a dit à cette Chambre que

 20   les gens mouraient de faim et qu'elle aussi a failli mourir de faim. Elle a

 21   expliqué cela - je vous renvoie à sa déposition, page 23 467 - quand vous

 22   avez faim, eh bien, vous allez donner tout ce que vous avez à vos enfants.

 23   Vous allez vous sacrifier pour eux.

 24   Et donc, la seule nourriture qui était fournie c'était lorsque les

 25   gens suppliaient d'en avoir, et, en fait, ils évitaient de le faire parce

 26   qu'ils avaient honte de le faire. Et cela montre à quel point il y a eu un

 27   impact terrible de ces restrictions sur les fournitures en nourriture et à

 28   quel point cela a forcé la population musulmane à partir. Et puis, il y


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  1   avait un autre élément, c'étaient les bombardements. Vous avez entendu des

  2   dépositions à cet effet. Le colonel Kingori, il a dit :

  3   "De la manière dont on a procédé aux bombardements, eh bien, il était

  4   clair que ces bombardements étaient dirigés contre la population qui

  5   résidait dans la ville."

  6   Nous pouvons voir la pièce 140 [comme interprété], paragraphe 73,

  7   page 17 dans le prétoire électronique.

  8   Et enfin, même s'il y a eu des Musulmans qui sont arrivés à Potocari, eh

  9   bien, l'armée des Serbes de Bosnie a fait en sorte de ne leur laisser aucun

 10   choix si ce n'est de partir. La population décrite est une population

 11   "totalement épuisée, prise par la panique, qui a peur, où la mort se lit

 12   dans leurs yeux."

 13   Et ces gens attendent à Potocari et ils espèrent pouvoir échapper aux

 14   mains de ceux qui les ont affamés et bombardés. Et à ce moment-là, le

 15   général Mladic confirme, lui, qu'en fait ils n'ont aucun choix. Nous avons

 16   la conversation interceptée du 12 où il dit :

 17   "Nous allons tous les évacuer, ceux qui veulent partir et ceux qui ne

 18   le veulent pas."

 19   Je vous renvoie à la pièce P4254.

 20   Et puis, quelques jours plus tard, le 16 juillet 1995, le commandant de la

 21   Brigade de Zvornik, Vinko Pandurevic, souligne que le travail n'est pas

 22   complètement terminé jusqu'à ce que tous les Musulmans aient été expulsés,

 23   et je le cite :

 24   "Je considère que l'opération Krivaja 95 n'est pas terminée tant qu'il

 25   reste ne serait-ce qu'un seul soldat ennemi ou un seul civil derrière la

 26   ligne de front ennemie."

 27   Je vous renvoie à la pièce P180.

 28   Je souhaite maintenant aborder l'affirmation de l'accusé qui se trouve à la


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  1   page 28 591 du compte rendu d'audience, à savoir qu'il n'y avait pas de

  2   meurtres commis à Potocari. Tout simplement, c'est une affirmation qui est

  3   fausse. Tant les incidents que sont les meurtres de Potocari E14.1, que le

  4   meurtre de neuf hommes près de la base des Nations Unies et le E14.2, le

  5   meurtre d'un homme près de la "maison blanche", ont été prouvés. Il suffit

  6   d'examiner les dépositions de Rutten et de Groenewegen. Rutten déclare

  7   comme suit, pièce P3948, paragraphe 70 :

  8   "Nous sommes arrivés dans la prairie et nous avons vu tout de suite qu'il y

  9   a eu des hommes abattus. J'ai vérifié l'état de tous les hommes qui étaient

 10   par terre. Ils étaient tous des civils, ou du moins ils avaient des

 11   vêtements civils. Il y en avait neuf. Ils gisaient par terre, à plat

 12   ventre, avec les têtes tournées vers le cours d'eau. Deux étaient couchés

 13   sur le côté comme s'ils étaient retournés. Les autres avaient donc les

 14   visages tournés vers le cours d'eau. Ils avaient tous été touchés au dos,

 15   au niveau du cœur. C'étaient des armes de petit calibre. Les hommes avaient

 16   de 45 à 55 ans. Et il y avait encore du sang qui coulait. Il n'y avait pas

 17   de mouches sur eux, c'était une journée très chaude, donc on comprenait

 18   facilement qu'ils avaient été abattus il y a très peu de temps. Leurs corps

 19   étaient chauds."

 20   Et puis, Groenewegen -- pièce P4 -- 4167, paragraphe 61 : 

 21   "J'ai vu des soldats placer un homme face au mur à une distance de 3

 22   mètres et ils lui ont tiré dans la tête. Et juste avant cela, mon intention

 23   avait déjà été attirée sur les cris, et c'était la même personne qui était

 24   concernée, et je l'ai reconnue la deuxième fois. Dix à 15 minutes s'étaient

 25   passées entre le moment où je l'ai vue la première fois et l'exécution.

 26   L'homme était en civil, en jean bleu et un pull bleu vert. Et dans la

 27   mesure où j'ai pu le voir, il n'était pas armé."

 28   Je vais maintenant parler, donc, des exécutions de Kravica. C'est une autre


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  1   affirmation erronée que de dire que cela n'a pas eu lieu. D'ailleurs, les

  2   exécutions de l'entrepôt de Kravica n'étaient pas les premières exécutions.

  3   Les exécutions de la rivière Jadar se sont produites le 13 juillet avant-

  4   midi.

  5   Je vous renvoie à la pièce P3335 [comme interprété], il s'agit d'une

  6   version expurgée et publique, et puis au fait jugé 1688. Dans la matinée du

  7   13 juillet, 16 Musulmans qui avaient été capturés dans la colonne ont été

  8   transportés par autocar de l'entrepôt de Konjevic Polje vers la rive de

  9   Jadar. Parmi eux, il y avait un garçon âgé de 15 ans.

 10   S'agissant maintenant de la chronologie des événements, les meurtres

 11   en masse se sont poursuivis pendant et après les meurtres de Kravica avec

 12   les exécutions dans la prairie de Sandici et l'école de Luka, ce qui réfute

 13   l'affirmation de l'accusé comme quoi ces exécutions étaient dues à un état

 14   de chaos qui prévalait.

 15   Vous avez également entendu l'accusé affirmer qu'il n'y a pas eu de

 16   meurtres dans les zones où "l'armée ou la police était davantage présente",

 17   où les autorités d'Etat étaient présentes ou avec l'approbation des

 18   autorités d'Etat ou avec leur connaissance. Cette affirmation est

 19   manifestement fausse, voire absurde. Cela contredit les éléments de preuve

 20   présentés en l'espèce. C'est le contraire qui est exact. Les exécutions en

 21   masse ont été menées d'une manière organisée par la VRS et par le MUP, et

 22   ce, sous les yeux des autorités civiles. Et j'ai déjà parlé de Deronjic et

 23   j'ai parlé de l'enterrement, de l'ensevelissement des corps des personnes

 24   tuées à Kravica à Glogova. Puis, le Témoin KDZ320 a été informé par Beara

 25   pendant que les prisonniers étaient encore en vie à Zvornik qu'on allait

 26   les tuer. Et l'assistance des autorités locales était nécessaire pour

 27   ensevelir les corps. Je vous renvoie à la pièce P4989, version publique,

 28   P4990, pages du compte rendu d'audience 


Page 28700

  1   7 940 à 45.

  2   Les exécutions en masse d'Orahovac ont été menées à bien, au moins en

  3   partie, par le 4e Bataillon de la Brigade de Zvornik, par ses soldats, tels

  4   que Gojko Simic. Pièce P786, pages du compte rendu d'audience 711 à 725,

  5   pour ce qui est de Simic, qui reconnaît son certificat de décès montrant

  6   qu'il était membre du 4e Bataillon.

  7   Nous avons la présence des membres du MUP en uniforme. KDZ496. Pièce P386,

  8   sa version publique, 387, page 32 702 du compte rendu d'audience. Et puis,

  9   voyez cela également en lien avec KDZ105. Le commandant du 2e Bataillon,

 10   P342, Dragan Jovic. KDZ257. Le chauffeur du 2e Bataillon, Sreco Acimovic,

 11   pièce P364. Veljko Ivanovic. KDZ479, chauffeur du 2e Bataillon, pièce P383.

 12   Près de la maison de la Culture de Pilica, au moment des exécutions,

 13   il y avait un poste de contrôle de la police civile de la Republika Srpska.

 14   P332, pages du compte rendu d'audience 10 983 à 984. Puis, les meurtres de

 15   Branjevo ont été exécutés par le 10e Détachement de Sabotage de l'état-

 16   major de la VRS, alors la même unité qui a tué l'homme au centre même de

 17   Srebrenica, comme on l'a vu il y a peu de temps.

 18   Donc vous trouverez les preuves de la nature systématique de

 19   l'opération et de la présence de la VRS et du MUP, des autorités

 20   municipales ou des autorités civiles partout dans les différentes pièces à

 21   conviction que j'ai déjà mentionnées. Mais ce qui montre particulièrement

 22   la connaissance et la participation de l'armée et du MUP, c'est la pièce

 23   que je souhaite aborder à huis clos partiel.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, continuez, Monsieur Tieger.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Et enfin, pour conclure, je souhaite parler du

 12   chef d'accusation 2 et des chefs relatifs à ce qui concerne les événements

 13   de Srebrenica, et je voudrais brièvement répondre à l'argument de l'accusé

 14   disant qu'il n'y avait pas l'intention de détruire les Musulmans de

 15   Srebrenica.

 16   C'est à l'opposé, les éléments de preuve démontrent très clairement

 17   que les crimes de meurtre, d'assassinat, de traitement cruel par la

 18   terrorisation de la population de Potocari et les coups assénés avant

 19   l'exécution montrent que l'intention génocidaire existait.

 20   L'envergure et la nature de l'opération, la manière systématique et

 21   organisée dont cela s'est déroulé, la tentative méthodique d'éliminer tout

 22   homme musulman de Srebrenica mis à part quelques enfants et quelques hommes

 23   âgés et le nombre de victimes. L'Accusation a démontré qu'au moins 6 772

 24   Musulmans ont été tués par les forces serbes de Bosnie placées sous le

 25   commandement de l'accusé dans le cadre de la réalisation de ce plan

 26   génocidaire. Et cela peut s'expliquer par l'existence de l'intention claire

 27   de détruire ce groupe en tant que tel.

 28   En date du 6 août, lorsque les médias internationaux et les organisations


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  1   internationales se rendent compte des exécutions en masse, ou au moins ont

  2   une connaissance suffisante de ce qui s'est passé, et qu'ils se mettent

  3   désespérément à chercher des explications, et lorsque les médias en parlent

  4   et lorsque dans les cercles internationaux, cercles politiques, il en est

  5   question, c'est à ce moment-là que l'accusé parle des événements de

  6   Srebrenica. Il fait part de quelques regrets, mais il ne regrette pas le

  7   crime. Il regrette que quelque 9 000 hommes aient survécu, que le général

  8   Kostic n'ait pas pu tous les exterminer.

  9   Ce ne sont que quelques éléments de preuve -- pièce P1412. Donc,

 10   juste quelques pièces à conviction démontrant qu'un génocide a été commis

 11   par les forces serbes de Bosnie et que l'accusé, le commandant suprême de

 12   ces forces, a joué son rôle dans l'intention requise par le Statut et les

 13   éléments du crime de génocide, à savoir de détruire les Musulmans dans leur

 14   ensemble ou en partie, en tant que tel.

 15   Monsieur le Président, je vais maintenant passer à un autre chapitre de mon

 16   exposé. Vu l'heure, le mieux serait peut-être de suspendre l'audience et de

 17   continuer après la pause déjeuner.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons faire une

 19   pause d'une heure et nous reprendrons à 13 heures 30.

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous

 21   dire combien de temps il vous reste, à peu près ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait certain, mais je

 23   pense qu'il ne me faudra pas tout le volet d'audience à venir, mais une

 24   partie considérable de ce volet d'audience plutôt.

 25   Donc, si vous vouliez éventuellement faire une pause plus courte.

 26   C'est dans ce sens-là que je vous réponds, pour que l'on termine plus tôt

 27   éventuellement.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, juste une question.


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  1   Est-ce que vous avez le numéro de la page pour la pièce P1412 que vous

  2   venez de mentionner ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Je vais vous retrouver cela. Je vais vous le

  4   donner dès que nous serons de retour.

  5   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 28.

  6   --- L'audience est reprise à 13 heures 30.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, poursuivez, je vous en

  8   prie.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Madame, Messieurs les Juges, comme je vous l'ai dit au début, je

 11   souhaiterais maintenant en venir au dernier chef d'accusation de l'acte

 12   d'accusation -- en fait, au premier et au dernier chef, donc le chef numéro

 13   1 et le chef numéro 11.

 14   Et Me Robinson, vous vous en souviendrez, vous a présenté certains

 15   arguments à ce sujet. Il vous a, par exemple, demandé d'accepter la

 16   décision de la Cour internationale de justice suivant laquelle il n'a pas

 17   eu de génocide commis. Il vous a demandé donc de les croire sur parole, et

 18   non pas de le croire sur parole. Je pense que c'est les termes qu'il a

 19   utilisés.

 20   Alors, outre le fait que cela pourrait ne pas sembler être très

 21   sincère, à moins que l'accusé ne souhaiterait que vous preniez au pied de

 22   la lettre et que vous acceptiez ce que la CIJ a décidé, à savoir qu'il y

 23   avait génocide pour Srebrenica, il est quasiment insultant de demander à

 24   cette Chambre de première instance d'abdiquer sa responsabilité en matière

 25   de jugement des faits. Et je vous dirais, par exemple, qu'il a cité

 26   précisément l'argumentation de la CIJ à propos des objectifs stratégiques,

 27   qu'en fait il n'est pas accepté qu'il y avait un motif ou un "mobile"

 28   essentiel pour la majorité de la direction des Serbes de Bosnie de vouloir


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  1   créer un Etat serbe plus important, et ce, par la guerre ou par la

  2   conquête. Mais nous sommes d'accord avec -- en fait, il indique que cela

  3   n'exigeait pas nécessairement la destruction des Musulmans de Bosnie et

  4   d'autres communautés, mais leur expulsion.

  5   Alors, comme vous le savez, bien entendu, nous sommes d'accord avec

  6   la CIJ pour ce qui est du désir de création d'un Etat serbe à partir de

  7   territoires où il y avait mixité ethnique, et cela a été recherché par le

  8   Dr Karadzic, et que cela, en fait, passait par l'expulsion. Mais il faut

  9   savoir si cela est pertinent, il faut savoir si le dolus specialis a

 10   existé, indépendamment du motif ou du mobile sous-jacent requis.

 11   Ensuite, il vous demande de faire un peu des comptes d'apothicaire,

 12   et là la jurisprudence est très claire, et je pense qu'il s'agit de vous

 13   induire en erreur. Mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a une citation

 14   qui a été présentée, ladite citation ne prend absolument pas en

 15   considération la jurisprudence qui indique de façon très, très claire que

 16   la taille de la population qui a été victime ne permet pas de déterminer

 17   s'il y a eu génocide ou non. Il n'y a pas de nombre minimum de victimes,

 18   comme cela a été indiqué dans l'affaire Stakic, au paragraphe 552, et je

 19   cite :

 20   "Il n'est pas nécessaire de déterminer la taille de la communauté

 21   victime. En fait, c'est le dolus specialis qui essentiellement constitue le

 22   crime."

 23   Et vous pouvez également voir la décision de la Chambre de première

 24   instance dans l'affaire Semanza, où il est indiqué :

 25   "Il n'y a pas de seuil minimum pour ce qui est du nombre de victimes

 26   nécessaire pour déterminer qu'il y a eu génocide."

 27   La Défense indique également que le déplacement de la population

 28   n'est pas synonyme de destruction. Mais ce faisant, elle fait fi également


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  1   de la jurisprudence suivant laquelle le déplacement peut contribuer à la

  2   destruction ou à l'intention génocidaire.

  3   Et puis, la Défense a également cité l'affaire Eichmann qui montre,

  4   contrairement à ce qu'a avancé la Défense, que l'existence de l'intention

  5   de déplacer à un moment n'exclut pas l'intention génocidaire

  6   ultérieurement.

  7   La Défense a également insisté sur un certain nombre d'affaires du

  8   début du Tribunal, Stakic, Brdjanin, Krajisnik, Milosevic. Il faut savoir

  9   que dans le cas des affaires Jelesic et Sikirica, il y a une différence par

 10   rapport aux autres affaires, parce qu'il n'y a pas de dirigeants, même des

 11   dirigeants locaux, dans ces affaires.

 12   Mais il faut savoir qu'il y a eu toute une discussion à propos de

 13   Sikirica et une tentative qui a été faite pour insister sur un élément, à

 14   savoir pour insister sur le fait qu'il y a un parallèle entre notre affaire

 15   et Sikirica. L'argument étant qu'à Sikirica, les tueries, en fait, avaient

 16   été exécutées en fonction -- les personnes qui avaient été ciblées étaient

 17   des dirigeants. Et vous avez le même exemple qui a été utilisé pour

 18   Koricanske Stijene. Me Robinson a indiqué que deux hommes avaient été

 19   abattus, et ils faisaient partie de la catégorie C. Il faut savoir que ce

 20   n'est pas la bonne façon de présenter ces éléments de preuve. Alors,

 21   certes, les éléments de preuve montrent que ceux qui ont été choisis et qui

 22   ont été exécutés à Koricanske Stijene appartenaient à la catégorie C, mais

 23   nous avons entendu dire également que la catégorie C n'était pas seulement

 24   composée de combattants mais qu'il y avait des personnes qui avaient été

 25   considérées comme des dirigeants, ou alors il y avait des personnes qui

 26   avaient financés leur parti ou qui avaient apporté une contribution, par

 27   opposition à la catégorie B, où vous trouviez les membres qui faisaient

 28   partie d'organisations extrémistes ainsi que des membres du SDA, outre ceux


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  1   qui avaient participé à l'attaque sur Prijedor. Donc vous avez, par

  2   exemple, la pièce P4257, pages du compte rendu d'audience 21 119 et 21 138

  3   et 21 139. Et je reviendrai sur la question des dirigeants un peu plus

  4   tard.

  5   Mais ce qui est essentiel et ce qui est absolument fondamental en

  6   l'occurrence, la Défense, en fait, a bien été contrainte de le reconnaître,

  7   mais elle a essayé justement de court-circuiter cela en faisant référence à

  8   une décision de la CIJ. Elle a fait référence donc aux différentes Chambres

  9   de première instance. Mais il faut savoir que dans l'affaire Brdjanin ou

 10   Krajisnik, toutes les Chambres de première instance ont conclu que, sur la

 11   base des éléments de preuve présentés, une Chambre de première instance

 12   raisonnable pouvait dégager la conclusion de la responsabilité juridique de

 13   l'accusé pour ce qui était du génocide. Me Robinson a cité notamment

 14   l'arrêt dans Stakic où les Juges ont indiqué, je cite, que :

 15   "Il est absolument évident que la Chambre de première instance a dégagé ou

 16   a présenté des constations qui, en principe, pourraient être considérées

 17   comme des éléments de preuve indiquant que l'appelant a essayé de détruire

 18   en partie le groupe des Musulmans de Bosnie."

 19   Et il a été conclu que l'on ne pouvait pas indiquer que la Chambre de

 20   première instance avait été obligée de le faire.

 21   Il faut savoir également que la Chambre de première instance, dans

 22   l'affaire Stakic toujours, a indiqué que :

 23   "Les éléments de preuve présentant une description exhaustive de la

 24   situation composée de tueries et assassinats ciblés, détentions, expulsions

 25   et autres violations des droits fondamentaux des Musulmans de Bosnie et des

 26   Croates à Prijedor, l'intention étant d'en arriver à la destruction de ce

 27   groupe, la Chambre de première instance a conclu à ce stade de la procédure

 28   qu'un juge raisonnable du fait pourrait, sur la base des éléments de preuve


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  1   présentés en l'affaire, déterminer au-delà de tout doute raisonnable qu'un

  2   génocide avait été commis dans la municipalité de Prijedor en 1992."

  3   Paragraphe 35.

  4   Donc nous avons également -– il faut savoir que cela a un impact

  5   particulièrement important sur le dolus specialis de l'accusé, car les

  6   éléments de preuve ont été avancés et ont démontré qu'il a partagé cette

  7   intention de destruction des groupes de Croates de Bosnie et de Musulmans

  8   de Bosnie en partie et que, par conséquent, il peut être considéré coupable

  9   de génocide au titre du chef numéro 1.

 10   Mais j'aimerais, en fait, réitérer certains des éléments de preuve.

 11   Premièrement, l'accusé a insisté pour dire qu'une Bosnie indépendante

 12   serait le résultat du génocide des Serbes de Bosnie par les Musulmans et

 13   les Croates. Alors, face à cette menace existentielle perçue ainsi,

 14   Karadzic a utilisé la force alors qu'il savait, et il l'a répété à

 15   plusieurs reprises, que cela allait détruire physiquement les Musulmans de

 16   Bosnie et les Croates. Pendant les mois qui ont précédé le conflit, il a

 17   menacé en indiquant que l'indépendance de Bosnie engendrerait un conflit au

 18   cours duquel des milliers de Musulmans mourraient et au cours duquel le

 19   peuple musulman disparaîtrait. Alors, il faut savoir que les Musulmans et

 20   les Croates de Bosnie n'ont pas cédé face à cette menace, mais ont continué

 21   à persister dans leur quête de l'indépendance. Les forces et les organes

 22   placés sous le contrôle et l'autorité de Karadzic se sont emparés des

 23   territoires qu'il considérait comme revenant du point de vue historique et

 24   du point de vue d'appartenance ethnique aux Serbes ou des territoires qui

 25   avaient une importance stratégique. Des milliers de Musulmans et de Croates

 26   de Bosnie ont été tués et d'autres actes de génocide ont été commis.

 27   Paragraphe 38 de l'acte d'accusation.

 28   Les déclarations de Karadzic ainsi que ses actes pendant et après la


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  1   commission de ces crimes montrent, prouvent son approbation et le fait

  2   qu'il a encouragé ces crimes qui s'inscrivaient dans ce processus

  3   "d'élimination des Musulmans et des Croates de Bosnie."

  4   J'aimerais indiquer que l'accusé était obsédé par le génocide, et vous vous

  5   souviendrez que l'accusé a souvent soulevé la question du génocide des

  6   Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale à telle enseigne que

  7   l'ambassadeur Okun a noté dans son carnet à une occasion que l'accusé

  8   n'avait pas mentionné cet élément pendant les trois premières minutes d'une

  9   conversation. Page 43 de la pièce P779.

 10   Et nous voyons en fait jusqu'où Karadzic était disposé à aller, ce qu'il

 11   était disposé à faire aux communautés croates et musulmanes, et cela, en

 12   fait, était mesuré à l'aune de la menace existentielle sur laquelle il

 13   insistait et qu'il présentait aux Serbes. Les commentaires de l'ambassadeur

 14   Okun à M. Karadzic ont été :

 15   "Si vous continuez à parler autant du génocide des Serbes, vous allez

 16   commettre un génocide préemptif."

 17   Là, le lien est établi entre l'obsession de l'accusé et le génocide

 18   passé commis contre les Serbes.

 19   Page 4 165 de la pièce P776.

 20   Et il était d'avis qu'il fallait, en fait, commettre ce génocide afin

 21   d'écarter cette menace renouvelée du génocide dont il croyait que les

 22   Serbes allaient faire les frais. Il a, par exemple, dit à l'assemblée lors

 23   de sa séance d'inauguration le 24 octobre 1991 qu'il y avait, et je cite,

 24   "rien de nouveau" pour ce qui était de la Yougoslavie, de son évolution à

 25   l'époque :

 26   "Nous voyons les mêmes uniformes, la même population qui a épousé la

 27   cause de l'Allemagne fasciste à l'époque, que ce sont les mêmes plans, les

 28   mêmes auteurs de crimes et les mêmes victimes."


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  1   Page 25 de la pièce D82.

  2   De même, lors d'une séance cérémoniale de l'assemblée en janvier 1994, il a

  3   déclaré, et je cite :

  4   "Les guerres de 1914, 1941 et 1991 ont été et restent avant tout des

  5   guerres visant l'extermination de la population orthodoxe. Il y avait de

  6   nombreux Musulmans qui n'avaient aucune aspiration nationaliste. Il y avait

  7   même des Musulmans qui, du point de vue de l'appartenance ethnique, se

  8   déclaraient comme étant des Serbes, mais ils ont toutefois participé au

  9   génocide contre les Serbes et ont été motivés exclusivement par des raisons

 10   religieuses."

 11   Il ne s'agit pas en fait de belles idées rhétoriques, abstraites et

 12   philosophiques. Bien au contraire, Karadzic a toujours insisté pour avancer

 13   que les Musulmans et les Croates ne devaient pas vivre avec les Serbes,

 14   qu'il fallait que les Serbes se sentent en sécurité et que ce sentiment de

 15   sécurité était la base même de sa stratégie militaire générale. Lorsqu'il a

 16   annoncé les objectifs stratégiques de l'assemblée, il a indiqué que le

 17   premier objectif, la séparation, était :

 18   "La séparation par rapport à ceux qui sont nos ennemis et qui ont

 19   utilisé toutes les possibilités ou les occasions qui leur ont été données,

 20   notamment et essentiellement pendant ce siècle, pour nous attaquer et qui

 21   continueront ce genre de pratique si nous devons rester ensemble dans le

 22   même Etat."

 23   Et bien avant que le conflit n'éclate, l'accusé a reconnu que la

 24   destruction physique des Musulmans et des Croates serait un moyen lui

 25   permettant de parvenir à ses objectifs. Il a menacé à plusieurs reprises

 26   les groupes de Croates et de Musulmans de Bosnie, il les a menacés

 27   d'extermination si les circonstances, telles qu'il les considérait,

 28   exigeaient l'utilisation de la force par les Serbes de Bosnie. Lors d'une


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  1   conversation qui a eu lieu le 9 septembre 1991, l'accusé a dit à la partie

  2   musulmane, il leur dit où vont conduire leurs actions. Il leur dit : Mais

  3   vous allez disparaître. Vous serez amenés à disparaître. Vous allez être

  4   complètement anéantis.

  5   Le 22 septembre 1991, il parle de ses négociations avec Alija

  6   Izetbegovic, et il proclame, je cite :

  7   "La Bosnie et les Musulmans disparaîtront si la guerre éclate."

  8   Pièce P9575.

  9   Et notamment pendant une très, très, très longue séance conjointe,

 10   une séance particulièrement houleuse, session qui a eu lieu à la mi-octobre

 11   1991, l'accusé a répété à plusieurs reprises que s'ils osaient seulement

 12   faire ce qu'ils voulaient faire, les Musulmans courraient à leur

 13   destruction.

 14   Et le 12 octobre 1991, lors d'une conversation interceptée avec Gojko

 15   Djoko, l'accusé dit : "Le peuple musulman disparaîtra. Ces gens

 16   disparaîtront de la surface de la terre s'ils insistent."

 17   Vous avez la page 3, puis les pages 7 et 8 du document D279, où il

 18   est dit que 300 000 Musulmans vont mourir et ils baigneront dans leur sang.

 19   L'accusé a, en fait, soulevé cette question lors de la déposition du Dr

 20   Donia en indiquant qu'il avait donné aux Musulmans "plusieurs

 21   possibilités".

 22   Pages 3 497 à 3 498. Mais toujours en parlant à Djoko, ce qu'il

 23   indique, c'est si les Musulmans continuent à insister pour avoir leur

 24   indépendance, ils vont disparaître de la surface de la terre. Et comme

 25   Donia l'a indiqué lorsque M. Karadzic a présenté cette possibilité à Donia,

 26   il a dit, et je cite :

 27   "Vous déterminez ce qui sera couronné de succès ou ce qui sera acceptable

 28   parmi les options auxquelles ils peuvent aspirer, et s'ils choisissent


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  1   d'autres possibilités ou s'ils ne respectent pas vos conditions, alors le

  2   conflit engendrera leur disparition."

  3   Il y a deux autres conversations où l'accusé dit -- dans la pièce P5959 :

  4   "Par conséquent, les Musulmans savent ce qu'il en est. Ce sera un

  5   enfer dans lequel 500 à 600 000 d'entre eux vont disparaître. Ils vont

  6   disparaître."

  7   Et puis, quelques jours plus tard, comme la Chambre l'a appris,

  8   l'accusé a pointé un doigt menaçant vers les Musulmans et les Croates lors

  9   de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et leur a dit que l'indépendance de

 10   Bosnie allait, en fait, déboucher :

 11   "Sur un enfer et la souffrance," que la Slovénie et la Croatie

 12   étaient passées par cet enfer et que cela pourrait déboucher sur

 13   "l'extermination possible du peuple musulman, parce que les Musulmans ne

 14   seront pas capables de se défendre si nous en venons à la guerre."

 15   Et puis, les événements continuent à se dérouler sur cette route vers

 16   l'indépendance de la Bosnie, Karadzic continue à insister à propos de leur

 17   destruction physique. Le 31 décembre 1992, une interview est publiée dans

 18   "Oslobodjenje", une interview avec Izetbegovic dans laquelle il revendique

 19   l'établissement d'une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante.

 20   Au lendemain, Karadzic exprime sa réaction auprès de Krajisnik, et il

 21   dit, en parlant d'Izetbegovic, et je cite :

 22   "Alors, maintenant qu'il parle complètement ouvertement d'une Bosnie

 23   souveraine et indépendante, est-ce qu'il veut que quelqu'un détruise

 24   Sarajevo ? Nous allons lâcher nos Tigres et nous les laisserons faire ce

 25   travail."

 26   Page 5 de la page [comme interprété] 5879.

 27   Alors, nous savons que l'accusé était une personnalité importante. Il a

 28   préparé les différents organes pour essayer de parvenir en utilisant la


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  1   force à ses objectifs. L'accusé a lui-même personnellement choisi le

  2   général Mladic pour qu'il dirige la VRS. Il a donné pour tâche à la VRS la

  3   mise en œuvre de cet objectif de séparation physique en utilisant la force

  4   militaire.

  5   Et en choisissant Mladic, l'accusé a choisi un commandant militaire

  6   qui partageait ses opinions que les Serbes étaient confrontés à un

  7   génocide, qu'ils allaient être complètement anéantis par les Musulmans et

  8   les Croates et que la séparation physique contrainte était nécessaire pour

  9   régler cette menace.

 10   Comme l'a indiqué Mladic lors de la 6e [comme interprété] session,

 11   les Serbes ont "créé une armée qui protégera nos enfants des ambitions de

 12   conquérants ou des mercenaires nazis."

 13   Alors, il parle ensuite de la reconfiguration démographique de la Bosnie

 14   avec des populations prises ici et là et de la tendance démographique qui

 15   n'est absolument pas favorable dans certains territoires revendiqués par

 16   les Serbes. Pages 36 et 37 de la pièce P956.

 17   Dans les directives de l'année 1992 qui ont été distribuées aux

 18   forces des Serbes de Bosnie, le général Mladic a diffusé le message suivant

 19   lequel il s'agissait d'une guerre ethnique. J'en veux quelques exemples

 20   pour preuve. Vous avez dans un premier temps la pièce D232, il s'agissait

 21   de lutter pour assurer la survie physique des Serbes sur ce territoire;

 22   puis vous avez la pièce D593 et P956, la quatrième directive qui décrit en

 23   fait ces actions comme une guerre défensive.

 24   Dans la pièce D593, Mladic indique que les Musulmans sont "des

 25   mercenaires ou des fanatiques qui n'auront aucune pitié pour nous et notre

 26   peuple." Et cetera, et cetera.

 27   Et d'ailleurs, même après que Mladic ait dirigé la VRS, ce qui a

 28   permis, en fait, de modifier de façon draconienne la situation


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  1   démographique de Bosnie - et je vous rappelle la carte que je vous avais

  2   montrée ce matin - il met en garde les Serbes et leur dit qu'ils sont

  3   toujours menacés par les Musulmans et par les Croates, et il insiste sur le

  4   fait que leur réaction est expliquée par cette menace d'élimination. En

  5   janvier 1994, Mladic a expliqué à l'assemblée :

  6   "Voici notre chance historique, cette chance historique de créer un

  7   Etat, non pas n'importe lequel type d'Etat, mais un Etat qui sera

  8   entièrement serbe à 100 % avec aussi peu d'ennemis que possibles, parce que

  9   je pense à ceux qui pourraient nos ennemis potentiels et qui reprendront

 10   les armes contre nous dans quelques années."

 11   Et il met en garde en disant : Les Musulmans et les Croates qui "sont

 12   comme ceci représentent un véritable danger," et l'ennemi est, je cite à

 13   nouveau, "déterminé à se battre contre le dernier survivant dans notre

 14   camp."

 15   Pages 47 à 49 de la pièce P1385.

 16   Donc, voici l'homme à qui l'accusé a fait entièrement confiance pour

 17   concrétiser sa façon de voir un Etat serbe homogène du point de vue

 18   ethnique, libre de tout ennemi une fois pour toute.

 19   Et l'accusé a autorisé et a encouragé l'élimination des Musulmans et

 20   des Croates par les organes qui étaient placés, dans un premier temps, sous

 21   son contrôle et son autorité ainsi que l'autorité des membres de

 22   l'entreprise criminelle commune. Je vois, par exemple, ce qui s'est passé

 23   lors de la 17e session de l'assemblée en juillet 1992, époque où la

 24   violence contre les Musulmans et les Croates était particulièrement

 25   intense, où il y avait des milliers de Musulmans qui mouraient ou qui

 26   étaient détenus dans des camps tels qu'Omarska, Keraterm, Sucica, après

 27   avoir été expulsés de leurs foyers. Et l'assemblée [comme interprété] a

 28   déclaré qu'il y avait une certaine "véracité" dans l'une des déclarations


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  1   d'un des députés de l'assemblée qui indiquait que :

  2   "Les Musulmans, en fait, seront les bourreaux des Musulmans."

  3   Et Karadzic a ajouté :

  4   "De toute façon, ce conflit a été suscité, a été créé afin d'éliminer

  5   les Musulmans. Ils pensent qu'ils vont avoir une reconnaissance nationale,

  6   mais en fait, ils sont en train de disparaître."

  7   Donc, nonobstant les souffrances provoquées par la politique génocidaire de

  8   Karadzic, l'accusé continue de poursuivre son objectif. En avril [comme

  9   interprété] 1993, lors d'une interview télévisée, Karadzic a déclaré que :

 10   "Les Musulmans n'auront absolument plus aucune excuse pour poursuivre

 11   cette guerre. Le peuple musulman doit savoir maintenant, d'ores et déjà,

 12   que le moment est propice pour eux s'ils veulent échapper à la disparition.

 13   Il faut qu'ils puissent créer leur propre espace."

 14   Donc, par le biais de ces déclarations -- et nous avons ces

 15   déclarations, en fait, qui sont présentées par de nombreux dirigeants ou

 16   par le dirigeant suprême des Serbes de Bosnie. Je vous ai montré quelques

 17   lignes prononcées par le Dr Karadzic. Il faut savoir que ce qui était promu

 18   coûte que coûte était la destruction physique des Musulmans et des Croates

 19   de Bosnie. Et on peut comprendre, cela est très, très illustratif, si l'on

 20   prend en considération les commentaires de certaines personnes qui se sont

 21   exprimées.

 22   Lors de la 4e session de l'assemblée, vous avez la déclaration de

 23   Vukic à propos de la reconnaissance de l'Union européenne pour ce qui est

 24   d'une Bosnie indépendante qui va créer :

 25   "… une autre révolte, une autre rébellion serbe. Il y aura un bain de

 26   sang à la suite duquel certaines nations seront créées et d'autres

 27   disparaîtront complètement."

 28   Et cette déclaration se solde par un tonnerre d'applaudissements. Il


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  1   s'agit de la page 27, pièce D86.

  2   Lors de la 16e session de l'assemblée, le ministre de la Santé de

  3   Karadzic, Dragan Kalinic, déclare :

  4   "Il faut savoir qui est notre ennemi, il faut connaître leur

  5   perfidie, savoir comment on ne peut pas leur faire confiance jusqu'à ce

  6   qu'ils soient éliminés physiquement, militairement anéantis, ce qui, bien

  7   entendu, suppose l'élimination et la liquidation de leurs dirigeants

  8   principaux."

  9   On peut trouver ceci à la pièce P956, page 17.

 10   Et si vous passez à la page 19 de la même séance, vous verrez le Dr

 11   Kalinic, le même intervenant, qui demandait la destruction de l'hôpital de

 12   Kosevo [comme interprété]. Il s'agissait donc du ministère de la Santé.

 13   Et, en fait, des intellectuels, des enseignants, des hommes

 14   politiques, des anciens officiers de police et d'autres personnes qui

 15   étaient en vue étaient ciblés au sein de la communauté bosno-musulmane et

 16   bosno-croate. Par exemple, à Bratunac, KDZ605, P03205, paragraphes 80 à 82.

 17   A Prijedor, KDZ4257. Sanski Most, KDZ340, P3634, pages 108 à 109.

 18   Vlasenica, KDZ044, pièce P107, page 26. Zvornik, KDZ029, pièce P03195,

 19   paragraphes 22 à 24.

 20   Ici, on peut voir d'autres preuves de ce que j'avais mentionné

 21   précédemment, à savoir les "opérations de nettoyage permanentes", y compris

 22   la destruction d'hommes musulmans rencontrés dans le cadre de ces

 23   opérations de nettoyage.

 24   De la même manière, le 25 juin 1992, des conversations interceptées

 25   qui ont été versées au dossier - à savoir P1515 - on voit un dirigeant

 26   local donnant instruction à un dirigeant militaire appelant d'une autre

 27   municipalité en disant :

 28   "Il faut que vous les tuiez tous là-bas. Tous ces Musulmans doivent


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  1   être tués, comme Alija. Je ne veux pas voir un seul Musulman en âge de

  2   porter des armes vivant là-bas."

  3   Quelques semaines avant cette conversation, la même personne avait dit à un

  4   autre dirigeant militaire :

  5   "J'ai quelques années d'école. Nous allons disparaître. C'est une

  6   lutte pour la survie."

  7   Et il a continué en disant : "Vous savez ce que signifie une lutte

  8   pour la suivie ?"

  9   Et il a répondu : "Exactement."

 10   Ensuite, l'autre interlocuteur a dit : "Donc nous devons faire preuve

 11   de dynamisme dans certains territoires."

 12   Et l'autre interlocuteur a répondu : "C'est tout à fait clair."

 13   D1210. Nous voyons le lien entre la commission et la fixation sur un

 14   objectif. Il s'agissait en fait du fait d'être considéré comme des victimes

 15   de génocide et de répondre œil pour œil.

 16   Les propos ont été soldés par des actions similaires de la part de

 17   l'accusé. Comme je l'ai dit, il a sélectionné Mladic, qui partageait ses

 18   opinions, et il lui a donné la charge de diriger ses efforts. Et il a

 19   également eu comme bras droit des personnes qui étaient notoirement

 20   violentes, comme Arkan, et l'ambassadeur Okun l'a décrit comme un dirigeant

 21   qui était à la tête d'un groupe paramilitaire particulièrement violent,

 22   vous en avez entendu parler durant ce procès, Madame, Messieurs les Juges,

 23   y compris l'accord pour une invitation à son attention de faire partie des

 24   dirigeants bosno-serbes, y compris donc de la part du Dr Karadzic, pièce

 25   P02848, pages 24 à 25.

 26   Ces personnes telles qu'Arkan ainsi que d'autres dirigeants

 27   paramilitaires étaient soutenus et étaient incorporés au sein des forces

 28   bosno-serbes, tout du moins jusqu'à ce que leur rôle dans les objectifs de


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  1   nettoyage ethnique des Musulmans ait été rempli. Mais leur reconnaissance

  2   génocidaire était très explicite dans le rapport du 28 juillet 1992 par le

  3   colonel Tolimir, qui disait :

  4   "De nombreuses formations de ce type faisaient état d'une haine à

  5   l'attention des peuples non serbes, et on peut en conclure sans réserve

  6   qu'il y avait des éléments génocidaires au sein du peuple serbe."

  7   C'est la pièce P2855. Et on a une réflexion également de l'intention

  8   de l'accusé par le biais de cette déclaration.

  9   Et au fur et à mesure que cette campagne s'est déroulée, l'accusé

 10   s'est assuré que les mécanismes de l'Etat de la Republika Srpska, qui

 11   avaient pour objectif de respecter l'ordre public, n'étaient pas déployés

 12   pour aller à l'encontre de ces efforts. Et suite à ces crimes violents en

 13   masse commis contre les non-Serbes, l'accusé n'a pas uniquement décidé de

 14   retarder quelque punition que ce soit à l'encontre des auteurs de ces

 15   crimes, mais en fait d'aller à l'encontre de tous les efforts qui iraient

 16   dans le sens contraire. Et j'en veux pour preuve la pièce P3773, et on voit

 17   dans cet élément de preuve qu'il y avait une ingérence dans ces structures

 18   qui, sans cela, auraient pu saisir ces problèmes à bras-le-corps. Et ceci

 19   montre bien que cette politique était menée à bien pour avoir un Etat

 20   nettoyé d'un point de vue ethnique. Et l'accusé a encouragé et a félicité

 21   ceux qui étaient les auteurs de ces crimes.

 22   Vous verrez dans un document qui porte la cote P2525 [comme

 23   interprété], après avoir réitéré ces menaces génocidaires supposées

 24   provenant de, je cite, "cette pieuvre destructrice de l'Islam", puisque

 25   c'est ainsi que ceci avait été décrit par le SDS, le MUP bosno-serbe, une

 26   partie de la JNA, la TO et la VRS étaient donc "tous unis contre des

 27   ennemis unis" avec pour objectif de surveiller et de veiller à la

 28   disposition physique des Musulmans et des Croates dans les zones détenues


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  1   par les Serbes.

  2   La Défense a fait état que dans le meilleur des cas, les éléments de

  3   preuve montrent une intention de déplacement plutôt que de destruction. Et

  4   peut-être que dans notre cas, ce serait possible, mais dans le cas en

  5   l'espèce, nous avons énormément de preuves qui montrent que des non-Serbes

  6   étaient pris à partie et que l'objectif était de les défaire physiquement,

  7   et non de les expulser. Une décision délibérée était prise pour détruire

  8   physiquement des Bosno-Croates et des Bosno-Musulmans, plutôt que de les

  9   faire partir d'un territoire détenu par les Serbes. Nous avons vu ceci dans

 10   plusieurs municipalités, mais je voudrais me concentrer sur deux d'entre

 11   elles.

 12   Tout d'abord, à Zvornik. Et ce faisant, je ne vais pas mentionner

 13   plusieurs massacres de centaines de personnes, pas de manière collective,

 14   mais suite à des incidents individuels. Mais je voudrais, cependant, me

 15   concentrer sur deux municipalités parce que je crois qu'elles constituent

 16   d'excellents exemples.

 17   Donc, pour ce qui est de Zvornik, entre autres, voyons ce que nous

 18   avons observé. Le 9 avril 1992, lors de la prise de contrôle de la ville de

 19   Zvornik, 30 Musulmans s'étaient réfugiés dans un sous-sol. Les hommes ont

 20   été exécutés, et les femmes et les enfants ont été chargés à bord de bus et

 21   expulsés de Serbie. Il s'agit de la déposition du Témoin KDZ023, P65, P89,

 22   P92.

 23   Le 1er juin 1992, plusieurs milliers de Musulmans ont été rassemblés

 24   dans la zone de Bijeli Potok. Les hommes ont été détenus à l'école

 25   technique de Karakaj. Environ 160 hommes ont été tués. Environ 190 ont été

 26   acheminés aux abattoirs de Gero et ont été exécutés là-bas. Et les hommes

 27   et les femmes ont été placés à bord de bus et ont été expulsés des

 28   territoires détenus par les Bosno-Musulmans. C'est le Témoin KDZ029, ainsi


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  1   que la déposition de Petko Panic. De manière plus générale, suite à la

  2   déposition de KDZ610, P04837, paragraphes 34 à 41, et 44, ainsi que P388

  3   [comme interprété], page 2 902, ainsi que page du compte rendu d'audience

  4    19 142, et ainsi que P3192. On peut voir, donc, de manière générale que

  5   l'abattoir de Gero fonctionnait comme un site d'exécution de façon tout à

  6   fait ouvert, ainsi qu'un point de rassemblement pour les centaines de corps

  7   tués de Musulmans.

  8   Le 30 mai 1992, des soldats ont rassemblé environ 150 Musulmans de la

  9   zone de Kostijerevo [phon], et ils les ont détenus à la maison de la

 10   Culture de Drnjaca. Les femmes et les enfants ont été emportés à bord de

 11   bus et ont été expulsés de territoires détenus par les Bosno-Musulmans. Les

 12   paramilitaires ont emmenés les hommes à l'extérieur du bâtiment et les ont

 13   exécutés.

 14   On peut voir également que plus de 2 000 Bosno-Musulmans civils ont

 15   été tués à Zvornik conformément à un système organisé qui ne passait pas

 16   uniquement par des exécutions en masse, mais également par un transport

 17   systématique, une collecte, un enterrement des corps ainsi que le nettoyage

 18   des lieux des crimes supervisés par les autorités municipales de Zvornik.

 19   KDZ610.

 20   Voilà donc, c'est pour une partie du territoire, c'est-à-dire la

 21   partie orientale.

 22   Passons maintenant à la partie nord-ouest de la Bosnie et du

 23   territoire de Republika Srpska, à savoir Prijedor, et voyons ce qui s'est

 24   produit là-bas.

 25   Le 23 juillet, 16 civils ont été tués au moins durant une attaque.

 26   Faits jugés 1067, 1071, KDZ092, P702 à 703, KDZ014, et cetera. En juillet

 27   1992, les forces de police bosno-serbes, polices et militaires, ont mené

 28   une attaque contre la zone de Brdo, ce qui inclut les villages de Biscani


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  1   ainsi que les localités de Hegici, Markale, et cetera. Les forces bosno-

  2   serbes avaient ordonné à la population bosno-musulmane de se retrouver dans

  3   des points de rassemblement. Entre 30 et 40 résidents bosno-musulmans de

  4   Markale ont été exécutés le même jour. Douze personnes ont été exécutées

  5   dans un champ à Hegici par des forces bosno-serbes. Vingt ont été exécutées

  6   à un arrêt de bus entre Alagici et Srmernica. Suite à cet assaut sur la

  7   zone de Brdo, les hommes bosno-musulmans ont dû rassembler les corps sans

  8   vie sous la supervision des militaires bosno-serbes, et entre 300 et 350

  9   corps ont été chargés à bord de camions. La plupart d'entre eux étaient des

 10   Bosno-Musulmans et certains étaient des Bosno-Croates. Il s'agit des faits

 11   jugés 1071 et 1077. KDZ094, P706, KDZ523, P4257, KDZ094.

 12   Suite à l'attaque contre la zone de Brdo, environ 200 résidents ont

 13   été acheminés en direction du camp de Keraterm et détenus dans la pièce

 14   numéro 3. Et quelques jours plus tard, des militaires bosno-serbes ont

 15   massacré au moins 150 de ces détenus à l'aide d'armes lourdes et d'armes

 16   légères. Un camion de pompiers a été affrété pour nettoyer la pièce numéro

 17   3. KDZ367 et KDZ092, et faits jugés 1215 et 1919 [comme interprété].

 18   Durant la même période, un nombre important de personnes ont été

 19   envoyées à Omarska. Environ 150 personnes ont été tuées peu de temps après

 20   leur arrivée. Faits jugés 1185 et 1191, KDZ048, pages 677 à 678, KDZ093.

 21   Vers le 25 juillet 1992, sur un nombre important de civils bosno-

 22   musulmans qui étaient détenus dans le stade de foot de Ljubija, environ 15

 23   détenus ont été exécutés. Cinquante sont montés à bord de bus, ont été

 24   acheminés vers une mine avoisinante et ont été exécutés par des soldats

 25   bosno-serbes. Deux sont arrivés à s'échapper. Faits jugés 1186 à 1188,

 26   KDZ080, P3691, KDZ026 et 392, P2089, P707.

 27   A Omarska, les meurtres étaient habituels. Le Témoin KDZ080 a décrit

 28   devoir faire le comptage des corps sans vie à proximité de la "maison


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  1   blanche" tous les matins. De nombreux détenus ont été exécutés. Aux

  2   environs à la fin du mois de juillet 1992, 44 détenus ont été embarqués à

  3   bord de bus et ont été tués. Faits jugés 1186, 1188, KDZ080, P3691, KDZ026,

  4   P2089, KDZ392 et P707.

  5   Un incident que Me Robinson a abordé lundi : vers le 21 août 1992,

  6   environ 200 hommes sont partis de Trnopolje à bord de bus dans un convoi

  7   assez important, et à Koricanske Stijene, les hommes ont été poussés au

  8   bord d'une falaise et ont été exécutés en groupes et ont été poussés dans

  9   le ravin. Ensuite, on a essayé de retirer les corps afin de dissimuler ces

 10   crimes. Il s'agit des faits jugés 1242 [comme interprété] à 1256; KDZ054,

 11   P684; KDZ092, P702 et 703; et déposition de Marjanic [phon], P3880 à 3882.

 12   Et si l'on passe à la pièce P1483, une réunion du 27 mai 1993

 13   mentionnée dans les carnets de Mladic, elle montre une discussion entre un

 14   des participants à cette réunion et l'ancien chef de la police de Prijedor.

 15   Il faisait part de ses préoccupations car il ne savait que faire des corps

 16   des Musulmans qui avaient été enterrés dans la mine de Tomasica. Au total,

 17   il y avait 5 000 corps de Musulmans. En fait, il voulait se débarrasser de

 18   ces corps en les brûlant ou d'une autre manière, et le général Subotic

 19   était impliqué dans cette discussion et voulait savoir quelle serait la

 20   meilleure méthode à utiliser selon Mladic.

 21   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est le dolus

 22   specialis accompagné d'actus reus que nous avons recensé, et c'est cette

 23   convergence qui montre bien qu'il y a énormément d'éléments de preuve qui

 24   permettront à une Chambre de première instance de conclure que le dolus

 25   specialis pour la destruction des Bosno-Musulmans et des Bosno-Croates

 26   faisait pleinement partie de la situation.

 27   Enfin, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais

 28   passer au chef d'accusation numéro 11.


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  1   Durant ses arguments, la Défense s'est concentrée sur le fait de savoir si

  2   le personnel des Nations Unies qui avait été pris en otage pouvait être

  3   considéré comme des forces combattantes ou pas. D'un point de vue

  4   juridique, ceci n'a aucune pertinence. La Chambre d'appel stipule que ces

  5   personnes qui seraient membres de forces armées, mais qui ont abandonné

  6   leurs armes, donc sont considérées hors de combat en français dans le

  7   texte. Décision de la Chambre d'appel, paragraphes 22, 26 et 27.

  8   Et même si l'on pouvait considérer que les membres des Nations Unies

  9   détenus avaient un statut de combattant, ceci pourrait, en fait, justifier

 10   uniquement la détention en tant que prisonniers de guerre avec toutes les

 11   protections qui y sont associées. Ca ne justifierait pas le traitement des

 12   otages, ce qui comprenait, par exemple, la détention dans des sites

 13   stratégiques afin de rendre ces sites complètement protégés de frappes

 14   aériennes en menaçant les commandants des Nations Unies et de l'OTAN que si

 15   des frappes armées supplémentaires étaient effectuées, ces personnes

 16   pourraient être blessées ou tuées.

 17   La Défense semble mentionner qu'on ne peut être considéré comme combattant

 18   que si l'intention était précédente. Donc ils avancent que le personnel des

 19   Nations Unies avait un statut de combattant parce que la détention était

 20   directement liée à la menace vis-à-vis de leur vie. Et ceci, en d'autres

 21   termes, signifie que la Défense pense qu'étant donné que le personnel a été

 22   détenu à des fins d'être conservé comme otages, ils ne pouvaient pas être

 23   considérés comme étant victimes d'une prise d'otages.

 24   Cette interprétation n'est pas uniquement absurde, mais ne figure

 25   nulle part dans les dispositions en matière de droit humanitaire

 26   international. C'est les dispositions en matière du concept de hors de

 27   combat et le fait de savoir si la personne est tombée dans le camp ennemi

 28   et n'est plus en mesure de se défendre.


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  1   Donc, par exemple, vous avez la Réglementation de 1907 de La Haye et vous

  2   avez également les commentaires du CICR concernant le protocole 1, article

  3   41. Ces dispositions recensent clairement une personne étant hors de combat

  4   s'il s'agit d'un combattant qui a été pris en otage par l'ennemi. La

  5   Défense, d'ailleurs, reconnaît ceci implicitement parce qu'en fait son

  6   argument est basé sur les éléments constitutifs du crime de prise d'otages

  7   de la CPI. Pages du compte rendu d'audience 28 619 à 28 620 et 28 624. Et

  8   l'accusé avance qu'une détention préalable doit être un élément

  9   constitutif, sinon le quatrième et cinquième éléments constitutifs de la

 10   CPI, c'est-à-dire que la personne est une personne protégée en vertu des

 11   conventions de Genève et que l'auteur est conscient des circonstances

 12   factuelles qui ont permis de déterminer ce statut, n'auraient pas lieu

 13   d'être. Mais ceci, en fait, nous fourvoie. Parce que même l'on part du

 14   principe que les éléments de la CPI sont en partie pertinents ici, les

 15   éléments de prise d'otages en vertu du statut de la CPI que Me Robinson a

 16   utilisés sont les éléments qui sont régis également par l'article

 17   8(2)(a)(viii). Cet article déclare que la prise d'otages est un acte

 18   criminel qui est une violation majeure des conventions de Genève de 1949.

 19   Cependant, un accusé dans ce cas n'est pas considéré comme une prise

 20   d'otages, mais en fait, il est accusé de crime de guerre en vertu de

 21   l'article 3 du Statut.

 22   Par conséquent, si les éléments de la CPI sont considérés comme étant

 23   pertinents, en fait, les éléments de l'article 8(2)(c)(iii) devraient être

 24   les articles que l'on devrait utiliser pour la comparaison. Et les critères

 25   pour ce statut en vertu de l'article c'est qu'une personne ou des personnes

 26   saisies, détenues ou faisant l'objet d'une prise d'otages :

 27   "… étaient soit hors de combat, soit des civils, soit du personnel

 28   médical ou du personnel religieux qui ne participaient pas activement aux


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  1   hostilités."

  2   Ce critère, Monsieur le Président, Mesdames les Juges [comme interprété],

  3   est similaire au critère qui est présenté par la Chambre d'affaire [comme

  4   interprété] dans le cas d'espèce. L'article commun au numéro 3 a été

  5   utilisé par la Chambre d'appel qui interdit toute prise d'otages de toute

  6   personne qui ne prendra pas part activement aux hostilités, y compris les

  7   membres des forces armées qui ont baissé les armes ou ceux qui sont placés

  8   hors de combat. Et on peut trouver ceci dans la décision préjudicielle du

  9   28 avril 2009, paragraphe 65.

 10   Donc le fait que la jurisprudence de la CPI inclut également les personnes

 11   placées hors de combat comme des victimes potentielles de prise d'otages

 12   confirme simplement la position de la Chambre d'appel, à savoir que le

 13   statut des membres des Nations Unies détenus n'a aucune raison d'être ici.

 14   Me Robinson avance que la jurisprudence du TPIY va dans le sens de

 15   l'interprétation du crime de prise d'otages, mais cependant que cette

 16   personne va être considérée comme étant hors de combat avant l'intention de

 17   l'utiliser en tant qu'otage. Il est vrai que dans les affaires Blaskic et

 18   Kordic on a parlé de personnes qui étaient déjà détenues pendant un certain

 19   temps, mais rien dans la décision de la Chambre laisse penser qu'une

 20   détention préalable était un élément nécessaire pour caractériser le crime.

 21   Et la décision préjudicielle dans cette affaire et la déclaration de la

 22   Chambre d'appel, dans ce cas, est en fait allée dans le sens tout à fait

 23   opposé.

 24   Enfin, Me Robinson mentionne des déclarations qui ont été versées au compte

 25   rendu d'audience, déclarations de l'accusé qui parlaient du personnel des

 26   Nations Unies détenu comme des prisonniers de guerre afin de prouver que

 27   les éléments du crime n'avaient pas été remplis. Page du compte rendu

 28   d'audience T28625. Mais il est difficile d'une part d'utiliser la référence


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  1   de l'accusé concernant le personnel des Nations Unies détenu comme étant

  2   des prisonniers de guerre - c'est-à-dire des combattants de combat - avec

  3   un autre argument, c'est-à-dire que ces détenus n'étaient pas des

  4   combattants hors de combat. Quoi qu'il en soit, et quel que ce soit ce que

  5   pensait M. Karadzic à l'époque concernant le statut des membres des Nations

  6   Unies détenus - encore une fois, je rappelle que ceci n'a aucune pertinence

  7   juridique ici - il est évident d'après les preuves que nous avons vues que

  8   l'accusé, M. Mladic et ainsi que d'autres hauts dirigeants militaires et

  9   politiques bosno-serbes n'avaient pas l'intention uniquement de détenir ces

 10   personnes en tant que prisonniers de guerre, mais avaient comme intention

 11   de les utiliser et d'utiliser leur détention pour, en fait, je cite,

 12   "obtenir un avantage et obtenir des concessions."

 13   Et là encore, l'on revient aux éléments constitutifs du crime, et je

 14   rappelle les différentes décisions qui ont déjà été prises devant cette

 15   instance, y compris la décision du 28 avril 2009.

 16   Donc l'intention d'utiliser leur détention afin d'obtenir un

 17   avantage, juste quelques exemples. Le 21 juin 1992, un entretien qui a été

 18   enregistré par une caméra vidéo par la BBC - il s'agit de la pièce P5026 -

 19   lorsqu'on lui demande si c'était :

 20   "… une terrible erreur d'avoir autorisé ces hommes à capturer les

 21   soldats des Nations Unies ?"

 22   Eh bien, que répond l'accusé ? Il répond :

 23   "Oui. Une erreur en entraîne une autre. Une mesure drastique en

 24   entraîne une réaction drastique. Il vous faut savoir que c'était une

 25   réaction, ce n'était pas une action. Nous nous sentions complètement

 26   désarmés et impuissants, et il nous fallait faire quelque chose de

 27   drastique afin d'empêcher de nouvelles attaques et afin de montrer à la

 28   communauté internationale que nous étions acculés au mur et que nous étions


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  1   prêts à nous défendre par tous les moyens, placés dans une impasse."

  2   Et il est difficile d'imaginer une démonstration plus claire.

  3   Un autre exemple : à la 51e session de l'assemblée du 15 au 16 juin 1995,

  4   Karadzic se réfère aux otages. Il déclare qu'il y en a 15 qui sont détenus

  5   jusqu'à la fin de la semaine afin d'obtenir un avantage leur permettant de

  6   garder les armes à Sarajevo. Et il dit :

  7   "On ne pouvait pas tous les laisser partir. Mais on n'en a gardé 15

  8   jusqu'à la fin de la semaine pour pouvoir garder les armes qu'on a à

  9   Sarajevo, en connaissant l'offensive et les plans de faire quelque chose à

 10   Sarajevo. Maintenant, si l'on retournait nos armes ? Non, non, c'est hors

 11   de question de retourner nos armes à cause de cette offensive. Donc, d'une

 12   certaine manière, nous avons tiré un avantage de cette crise."

 13   Et il s'agit de la pièce P1410, page 332.

 14   Alors, juste avant cette session de l'assemblée, c'est exactement ce que

 15   l'accusé a ordonné. Dans l'ordre du 13 juin 1995, l'ordre à l'état-major

 16   principal, le commandant de l'état-major et l'adjoint du commandant chargé

 17   du renseignement et de la sécurité, l'accusé ordonne que l'on relâche

 18   l'ensemble des soldats des Nations Unies à 11 heures, et donc il s'agit du

 19   13 juin 1995, mis à part :

 20   "… les 15 observateurs militaires qui seront gardés en détention et,

 21   donc, de préparer leur libération prévue pour le 18 juin 1995 de la même

 22   manière que précédemment."

 23   Je vous réfère à la pièce P2156.

 24   Et puis, une explication en termes plus simples de l'objectif qui dirige

 25   cette détention du personnel des Nations Unies. Vous pouvez donc vous

 26   référer à la pièce P2271, c'est une conversation entre Momcilo Krajisnik et

 27   Vinkovic le 3 juin 1995. Alors, on voit d'abord que Vinkovic dit à

 28   Krajisnik :


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  1   "Il faut garder les otages. C'est une opportunité excellente."

  2   Et puis, que répond Krajisnik ? Il dit : "Oui, oui, tout à fait,

  3   c'est ce que nous sommes en train de faire. Nous avons une manière

  4   excellente. Nous gardons toujours un atout en réserve."

  5   Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ces preuves ainsi que

  6   d'autres -- le nombre de personnes qui ont été prises en otage, nous

  7   montrent de manière tout à fait claire la nature de leur mise en détention

  8   et nous montrent clairement que l'accusé doit être considéré comme

  9   responsable pour cette prise d'otages parce que c'est effectivement

 10   l'intention qui était la sienne.

 11   Monsieur le Président, je vous remercie du temps qui nous a été alloué pour

 12   répondre aux arguments de la Défense.

 13   Et il me faut encore juste apporter une précision par rapport à la

 14   pièce P1412, à savoir la 52e session de l'assemblée à laquelle je me suis

 15   référé. En fait, la référence se situe aux pages 23 et 24. Je vous devais

 16   cette précision.

 17   Ainsi se termine la présentation des arguments de l'Accusation.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre a entendu les parties

 21   s'exprimer au titre de l'article 98 bis, les arguments de la Défense ainsi

 22   que la réponse de l'Accusation.

 23   La Chambre rendra sa décision jeudi, le 28 juin, à 11 heures. Le

 24   prononcé se déroulera dans ce même prétoire.

 25   Et avant de lever l'audience, je souhaite que l'on passe brièvement à huis

 26   clos partiel, s'il vous plaît.

 27   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience est levée.

 15   --- L'audience est levée à 14 heures 38 et reprendra le jeudi 28 juin 2012,

 16   à 11 heures 00.

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