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1 Le mercredi 17 octobre 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
7 Bonjour, Colonel.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Content de vous revoir.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Monsieur Tieger, veuillez
10 continuer, je vous prie.
11 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Bonjour à
12 tous.
13 LE TÉMOIN : ANDREY DEMURENKO [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Contre-interrogatoire par M. Tieger : [Suite]
16 Q. [interprétation] Bonjour, Colonel.
17 R. Bonjour.
18 Q. Colonel, vers la fin de notre session d'hier, juste avant de nous
19 quitter et de lever l'audience, on avait abordé les différences qu'il
20 pouvait y avoir entre des traces potentiellement laissées par des positions
21 de mortier sur des positions fixes ou provisoires. Alors, ce que je voulais
22 vous demander, c'est si vous aviez eu vent du fait, compte tenu de la
23 situation générale telle qu'elle se présentait, la VRS avait donné des
24 instructions à son artillerie et ses unités de lance-roquettes qu'il
25 fallait tirer à partir de positions provisoires du fait des préoccupations
26 ressenties au sujet de ce que l'OTAN et les Forces de réaction rapide
27 pourraient faire ?
28 R. Bien entendu, je ne pouvais pas savoir quelles avaient été les
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1 instructions internement distribuées au sein de la VRS, mais il est
2 parfaitement évident que dans une opération de combat, toute position fixe
3 de tir peut devenir une cible. Donc, il est inhérent au fonctionnement de
4 l'artillerie de procéder à des modifications régulières de ces positions de
5 combat ou de tir.
6 Q. A ce sujet, je voudrais que vous vous penchiez sur un document concret,
7 il s'agirait de la pièce 1D08009. Colonel, je ne suis pas sûr de votre
8 maîtrise du B/C/S. Peut-être faudrait-il donner lecture des parties en
9 anglais du document afin que vous puissiez comprendre, mais toujours est-il
10 que je vais le faire pour les besoins du compte rendu,, et potentiellement
11 à votre profit aussi. Alors, le document est daté du 23 août 1995, il est
12 intitulé : "Protection des Forces de réaction rapide, ordre," et c'est
13 destiné à toutes les brigades et détachements de la SRK. Alors, entre
14 autres, on dit ce qui suit :
15 "Du fait des potentiels techniques de découverte immédiate des positions
16 exactes des tirs d'artillerie et du matériel de lance-roquettes, il doit
17 être prévu de placer les positions provisoires de tir et de les quitter
18 tout de suite après les tirs."
19 Alors, il y a des instructions qui sont liées à l'ordre en question, et
20 c'est signé par le colonel Cedomir Sladoje.
21 Je suppose que c'est le reflet de ce que vous nous avez déjà mentionné
22 auparavant; c'est l'une des réactions possibles vis-à-vis du péril encouru
23 d'être découvert et l'on abandonne les positions fixes pour passer à des
24 positions provisoires pour ce qui est des pièces d'artillerie et des unités
25 de tir de lance-roquettes, n'est-ce pas ?
26 R. C'est tout à fait exact. C'est un document qui abonde dans le sens de
27 ce que j'ai dit tout à l'heure. Cet ordre dit bien que l'on devrait rester
28 à une position de tir le moins de temps possible. Il n'y aurait donc pas
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1 suffisamment de temps pour ce qui est d'effacer les traces de poudre ou les
2 fragments d'obus ou traces qui resteraient après une pièce d'artillerie
3 lourde, ce qui abonde de façon éloquente en faveur de ce que j'ai dit tout
4 à l'heure.
5 Q. S'agissant de ces mortiers de 120 millimètres, nous n'allons pas parler
6 maintenant des mortiers plus légers, ceci est une chose qui peut être posée
7 et enlevée en l'espace de quelques minutes, n'est-ce pas ?
8 R. D'une façon générale, ces mortiers - mobiles ou fixes - peuvent être
9 placés rapidement et être préparés pour des tirs. Mais il est une chose que
10 de poser une plate-forme de mortier sur le sol. C'est une autre chose que
11 de placer des engins lourds, des pièces d'artillerie, les instruments de
12 ciblage, et préparer la carte de données pour ce qui est de désigner les
13 différentes cibles et préparer sur les cartes pour savoir quelle est la
14 charge d'explosifs à mettre et quelle est la portée à prévoir. Donc, cela
15 dépend du degré d'opérativité et d'aptitude de l'équipage. Mais pour
16 préparer un mortier à tirer, ça prend dix à 20 minutes. Pour camoufler
17 après les tirs, ça demande une demi-heure, voire une heure, et d'habitude,
18 personne ne s'en occupe de cela.
19 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement au dossier
20 de ce document, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande comment se fait-il que ce
22 document porte déjà une référence qui est la pièce P5918.
23 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, c'est une erreur. C'est une erreur
25 faite par le Greffier.
26 Alors, est-ce que vous avez des objections, Monsieur Robinson ?
27 M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera versé au dossier en tant
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1 que pièce P. J'aimerais qu'on lui accorde une cote.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera la
3 pièce P5918.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
5 Vous n'allez pas demander le versement au dossier de ce document d'Angela -
6 -
7 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu le nom.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- qu'on nous a montré hier depuis
9 Wikipédia ?
10 M. TIEGER : [interprétation] C'était juste un aperçu.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas d'objection, Maître Robinson ?
12 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que
13 dans ce contexte de contre-interrogatoire il ne faudrait pas faire en sorte
14 qu'une chose aisée à comprendre joue un rôle particulier dans le contre-
15 interrogatoire. Et ici, je ne pense pas que ce soit tout à fait
16 indispensable.
17 M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, dans le contexte d'un contre-
18 interrogatoire, je voudrais dire que je suis en désaccord avec ce concept,
19 parce que les arguments présentés par M. Robinson ne sont pas directement
20 liés à ce qui a été mentionné au contre-interrogatoire.
21 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce qu'on peut juste prendre
22 bonne note du fait qu'on avait utilisé la pièce 6400 [comme interprété] ?
23 M. TIEGER : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]
25 M. TIEGER : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On voit que les Russes se sont servis du
27 système de 6 000 milliradians. Et si c'est au compte rendu, je ne pense pas
28 que nous ayons à verser ceci au dossier.
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1 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact. Je ne voulais pas donner lieu à
2 des controverses non nécessaires au sujet du document. La solution est
3 bonne.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une observation, Monsieur Robinson ?
5 M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je voulais dire
6 que les documents publiés par Wikipédia, ce n'est pas quelque chose de
7 recevable au dossier en principe.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
9 Veuillez continuer.
10 M. TIEGER : [interprétation] Colonel, je voudrais passer maintenant à
11 une question. Je vais laisser de côté la question de ligne erronée, d'axe
12 erroné et de ciblage, qui ne devait pas concerner ce qui a fait l'objet de
13 votre domaine d'intérêt pour ce qui est donc du domaine restreint à partir
14 duquel on avait considéré que le tir pouvait provenir --
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. Quand j'ai fait ce type de
16 commentaire qui suggère une chose qui n'a pas été dite, je me faisais taper
17 sur les doigts par l'Accusation. Voyez un peu le commentaire qui vient
18 d'être fait.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre objection, Maître
20 Karadzic ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon objection, c'est que M. Tieger est en train
22 de commenter une chose qu'il va abandonner parce que ça s'est passé de
23 telle et telle façon. En fait, il témoigne. Il décrit une chose qui n'a pas
24 été dite et qui n'a pas été déterminée.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois qu'il était en train de faire
26 référence au sujet de son contre-interrogatoire, et non pas nécessairement
27 à la teneur du témoignage.
28 Avançons, Monsieur Tieger.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Colonel, tel que vous l'avez indiqué auparavant, et il est clair
3 partant de la vidéo qui nous a été montrée, vous avez fondé vos calculs sur
4 les sites, la distance, la trajectoire suivie par l'obus de mortier et la
5 corrélation entre l'angle de descente et la quantité des charges
6 potentielles tirées, telles que reflétées pour ce qui est des tables de tir
7 de la pièce 120 millimètres utilisée par la JNA, modèle M52, n'est-ce pas ?
8 Vous avez donc pris ce tableau de tir qui existait pour la pièce M52.
9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à M. Tieger de parler dans le
10 micro parce que le micro est à sa droite, et lui, il s'adresse au témoin
11 qui est à sa gauche.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des éléments utilisés pour ce
13 qui est des tables de tir, c'est effectivement ce tableau pour ce type
14 d'arme et ce type de munition que nous avons utilisé.
15 L'INTERPRÈTE : Une fois de plus, Monsieur Tieger, rapprochez votre micro.
16 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vais essayer. Ce n'est pas très bien
17 placé dans ce prétoire, mais je vais faire de mon mieux.
18 Q. On vous a demandé dans l'affaire Dragomir Milosevic si vous aviez
19 connaissance du fait que la VRS avait utilisé des mortiers M74, et c'est ce
20 qu'on peut retrouver au paragraphe 92 de votre déclaration consolidée de
21 témoin. Alors, vous avez dit à l'époque que ce mortier de 120 millimètres
22 était quelque chose de produit en ex-Union soviétique et que ça faisait
23 partie de l'arsenal de la Yougoslavie toute entière de l'époque, et qu'il
24 s'agit du même système indépendamment du modèle concret. Mais ce n'est pas
25 tout à fait la réponse à ma question. Parce qu'au paragraphe 92 de votre
26 déclaration consolidée de témoin, au 8 844 à 8 845, ça n'a pas été la
27 réponse que vous avez fournie pour ce qui est de nous dire si vous saviez à
28 l'époque que la VRS s'était servie d'autres mortiers, non pas seulement du
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1 M52, et c'est ma question : est-ce que vous saviez à l'époque que d'autres
2 mortiers avaient très bien pu être utilisés sur le terrain ?
3 R. Je vais essayer de vous répondre. Les mortiers de 120 millimètres ne
4 comportent aucune espèce de modification. C'est toujours le même type de
5 mortier quand on parle du 120 millimètres. Quand on parle du 122, ce n'est
6 plus un mortier, c'est un obusier. Donc, ça n'a rien à voir avec les
7 mortiers. Et je crois qu'il y a une confusion totale pour ce qui est de la
8 façon dont il convient de comprendre ce document.
9 Alors, si on se tourne vers le K-54 et le K-52, qu'on peut retrouver
10 dans d'autres documents, ou alors le M74, on peut voir aussi une pièce qui
11 est celle du 62. Alors, les obus varient pour ce qui est des différents
12 systèmes d'armement, et les mortiers utilisaient des obus différents qui
13 n'avaient peut-être pas comporté de grosses différences l'un par rapport à
14 l'autre à moins de prendre en considération les éléments balistiques. Ce
15 serait la réponse que je vous apporterais. Il s'agit, à mon avis, pas d'une
16 bonne façon de comprendre la situation. Il n'y a pas d'autres mortiers de
17 ce type. Le 122 millimètres, c'est déjà un obusier, c'est une autre arme
18 qui est également utilisée au niveau de l'artillerie. Le 120, c'est quelque
19 chose qui avait été produit en Union soviétique et exporté vers d'autres
20 pays, y compris l'ex-Yougoslavie, et les obus aussi avaient été de
21 fabrication russe.
22 Q. Bien. Ça fait toute une série d'informations, mais vous n'avez
23 pas tout à fait répondu à ma question. Je vais vous la poser d'une autre
24 façon. Est-ce que vous saviez que la VRS avait dans ses stocks d'armements
25 non seulement des M52 en tant que mortiers mais qu'il y avait aussi des M74
26 et des M75 ? Est-ce que vous le saviez à l'époque, cela ?
27 R. Je savais que pratiquement la totalité des armes soviétiques avaient
28 été à la disposition de l'armée yougoslave. Oui, je le savais. L'armée
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1 yougoslave n'avait pas eu des armes fabriquées en Yougoslavie; ils
2 disposaient seulement d'armes soviétiques. Je le sais.
3 Q. Avez-vous entendu parler des armes fabriquées par l'industrie
4 yougoslave -- et je suis certain que l'accusé serait tout à fait content de
5 vous en dire long puisqu'il semble être très au courant.
6 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.
8 M. ROBINSON : [hors micro]
9 M. TIEGER : [interprétation] Bon. Je vais laisser tomber de côté cette
10 question. Je crois qu'on en a déjà parlé.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Avant que d'aller de l'avant, Monsieur le
12 Président, ce fut un type de commentaire pour lequel vous avez à chaque
13 fois interrompu le Dr Karadzic, et je crois qu'il ne faudrait pas laisser
14 passer la chose sans qu'elle soit notée. Merci.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, il a déjà dit qu'il allait passer à
16 autre chose. Laissons cela de côté.
17 Continuez, Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation]
19 Q. Colonel, vous n'avez donc jamais entendu parler du fait que l'industrie
20 de l'armement en Yougoslavie avait fabriqué des armes sophistiquées, telles
21 que des avions, des blindés de transport de troupes et autres armements
22 importants ? Vous n'en avez pas entendu parler ?
23 R. Non.
24 Q. Et donc, d'après vous, cette ex-Yougoslavie obtenait tout ce dont elle
25 avait besoin de l'Union soviétique et ne s'appuyait que sur de l'armement
26 soviétique ?
27 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils avaient eu des armes où
28 étaient incluses des armes soviétiques. Il est tout à fait possible qu'ils
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1 aient obtenu des armes en provenance d'autres pays aussi. Je n'ai jamais
2 dit qu'ils n'obtenaient leurs armes que de l'Union soviétique. J'ai dit,
3 toutefois, que ce que je trouvais au sein de la VRS, que c'était un
4 armement typiquement soviétique.
5 Q. Donc, en tout état de cause, partant de vos réponses, il me semble que
6 vous n'avez pas procédé à des vérifications des tables de tir pour mortiers
7 lorsque vous avez procédé à vos calculs, exception faite du tableau de tir
8 M52. Vous n'avez pas vérifié le tableau de tir pour le M74 et pour le M75,
9 ai-je raison ?
10 R. C'est exact. Et c'est tout simplement un principe que j'ai suivi et qui
11 est tout à fait ordinaire. Je jetais la lumière sur les conclusions
12 initialement erronées, de fait. J'ai commencé par le dessin. J'ai dit quel
13 était l'obus, le mortier, et cetera. Ma mission était de démontrer que
14 c'était un mensonge. Je n'ai pas eu d'autres objectifs. Je n'ai pas eu pour
15 objectif de déterminer quelle a été l'arme qui a été utilisée pour tirer
16 cet obus, et cetera. C'était la mission de la police, de l'expert en
17 balistique, et cetera.
18 Q. Colonel, donc vous avez supposé au cours de cet exercice que les
19 calculs que vous avez obtenus partant du tableau de tir de la pièce M52
20 pouvaient être utilisés - comme vous nous l'avez dit dans l'affaire
21 Dragomir Milosevic - pour déterminer les emplacements précis à partir
22 desquels les mortiers avaient été utilisés pour tirer. C'est l'exercice que
23 vous nous avez expliqué hier, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est ce que j'ai fait comme investigation, les sites possibles de
25 tir.
26 Q. Donc votre supposition, qui serait celle de dire que tous les mortiers,
27 c'est la même chose, et qu'on pourrait laisser de côté, ignorer la
28 possibilité qu'il y a eu d'autres mortiers à avoir été utilisés, c'est
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1 enfin pour dire que les résultats pouvaient être des positions de tir
2 autres et ça aurait modifié les sites de tir potentiels à partir desquels
3 on avait exercé ces tirs ?
4 R. Non, ceci n'est pas exact. Je vais vous rappeler qu'il y a quelques
5 minutes de cela, vous avez parlé d'un mortier de 122 millimètres. Il n'y a
6 pas de mortier de ce type au monde.
7 Q. Mais vous avez mentionné le 122 millimètres, Colonel. A moins qu'il n'y
8 ait eu une erreur de traduction et à moins que je n'ai fait un lapsus, mais
9 je suis certain de ne pas avoir dit ou ne pas avoir eu l'intention de
10 parler d'un mortier de 122 millimètres. Je n'ai pas eu du tout l'intention
11 de me servir de ce chiffre. Alors, si vous avez entendu 122, ce n'est pas
12 ce que j'ai dit, ou, du moins, ce n'est pas ce que j'avais l'intention de
13 dire.
14 R. Eh bien, écoutez, on peut certainement vérifier cela, mais allons de
15 l'avant. Le tableau de tir pour ce qui est d'un mortier, et l'obus que nous
16 avons supposé avoir été utilisé, c'était là les facteurs à partir desquels
17 il a été tiré une conclusion disant qu'une certaine arme a été utilisée
18 pour ce tir. Ça été établi par la police bosnienne et par l'expert en
19 balistique français. Ensuite, il y eu des informations dont nous avons eu
20 connaissance disant que les forces serbes autour de Sarajevo avaient
21 disposé d'un certain type d'arme. Il aurait été tout à fait inhabituel
22 d'aller imaginer que tout à coup ils se seraient procurés de nouveaux types
23 d'armes, parce que dans ce cas-là, l'investigation se serait dirigée dans
24 cette direction-là. L'histoire nous a simplement appris que cela était fort
25 peu probable. Alors, quant à explorer maintenant les possibilités qui
26 seraient celles de les voir avoir disposé d'une arme mystérieuse et secrète
27 qu'ils auraient utilisée pour tirer cet obus-là, il n'y aurait pas de
28 fondement quant à faire ce genre d'exercice.
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1 Q. Penchons-nous maintenant sur la pièce 65 ter 23850A. Il s'agit d'une
2 feuille qui est en fait un inventaire et on voit qu'il s'agit des armes qui
3 ont été distribuées aux différentes unités. On voit qu'il s'agit d'une
4 liste ancienne qui avait à l'époque été utilisée par la JNA et
5 ultérieurement par la VRS. On y établit la liste des armes qui sont
6 distribuées et les unités sont censées mentionner les quantités dans la
7 partie à droite. Puis, on indique, entre autres, qu'on peut y trouver les
8 armes suivantes : M -- 120 millimètres, M52, 120 millimètres M75, 120
9 millimètres M74, et cetera. Alors Colonel, vous ne contestez pas -- ou
10 peut-être contestez-vous que ce type d'arme avait été en possession de la
11 VRS ?
12 R. Certainement pas. Je ne conteste pas cela. Il s'agit d'une liste qui
13 est tout à fait claire.
14 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser cela au dossier,
15 Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?
17 M. ROBINSON : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous la date du document ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Non. J'ai vérifié, Monsieur le Président, mais
20 je n'ai pas la date.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est dit ici qu'il s'agit du document
22 provenant du Corps de la Drina ?
23 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 Le document sera versé au dossier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur Tieger, pourriez-vous éteindre
27 votre microphone. Merci.
28 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, je vais le faire lorsque je ne
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1 l'utilise pas.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document obtient la cote P5919,
3 Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis en train
6 de vérifier une autre chose dans le compte rendu.
7 Q. Colonel, il y a quelques instants vous avez dit que vous utilisiez des
8 tables de tir et vous avez mentionné l'obus pour lequel vous avez dit que
9 vous supposiez qu'il avait été utilisé pour calculer ces six sites
10 possibles de lancement de l'obus contenant ces six charges. A l'époque,
11 saviez-vous si ou pas le mortier M52 aurait tiré plus d'un obus ?
12 R. Non, je ne savais pas. Je ne connaissais pas de détails concernant le
13 lancement de cet obus, exception faite de ce que j'ai énuméré hier. Hier,
14 j'ai dit que dans le rapport de situation il y avait six obus qui ont été
15 lancés sur la ville à la date du 28 août. J'ai comparé les résultats de ces
16 explosions avec d'autres incidents. Et pour ce qui est de ce pilonnage,
17 pour ce qui est du mortier qui a été utilisé, quels étaient les obus qui
18 ont été lancés, je n'en savais rien et je n'ai pas mené d'enquête là-
19 dessus.
20 Q. Colonel, si le mortier M52 a tiré plus d'un obus, et si ces obus ont eu
21 des trajectoires différentes et ont atterri sur les sites différents, alors
22 vous n'auriez pas dû se pencher sur six sites possibles d'atterrissage de
23 ces obus, mais plutôt 12 sites différents pour ce qui est de ces six
24 charges de deux obus différents, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, vous avez absolument raison. J'ai dit hier, et je vais répéter
26 aujourd'hui, que j'ai parlé de six possibles sites d'atterrissage pour
27 étayer les résultats du travail de ma commission. Mais sur la carte, nous
28 avons indiqué tout le territoire où ces mortiers auraient pu être placés.
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1 Donc, nous avons exploré dix, 20, 30 ou 40 sites possibles où les mortiers
2 auraient pu se trouver, dans les bois, sur cette pente abrupte, et ainsi
3 que sur les rochers. Nous avons vérifié tout cela. Et indépendamment du
4 fait s'il s'agissait d'un obus ou de deux obus, indépendamment du fait s'il
5 y avait un seul mortier ou plusieurs mortiers, nous avons examiné tout dans
6 cette région qui aurait pu avoir l'air d'un endroit accessible pour placer
7 un mortier, mais nous n'avons pas retrouvé de tels sites. C'était
8 l'essentiel de notre enquête. Nous ne nous sommes pas penchés uniquement
9 sur un site, une localité. Cela pourrait être bizarre.
10 Q. Donc, votre position est ce que vous dites aujourd'hui dans le
11 prétoire, mais cela contredit ce que vous avez dit lorsque vous avez
12 témoigné dans l'affaire Drago Milosevic concernant la précision de vos
13 sites, donc c'est différent par rapport à ce que vous avez dit aux médias
14 le 2 septembre. Vous avez dit que vous êtes rendu à six sites différents
15 pour arriver à ces conclusions, et aujourd'hui vous dites que les sites
16 concrets n'étaient pas pertinents puisque vous avez examiné une surface de
17 milliers et de milliers de mètres carrés pour vérifier cela, n'est-ce pas ?
18 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président --
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas vrai. Ces six localités, ces
20 six sites sont très importants. Je n'ai jamais contesté cela. Ce que j'ai
21 dit lors de mon entretien et également lors de mon témoignage il y a cinq
22 ans, j'ai en fait souligné le fait que ces six sites ont été vérifiés -- en
23 fait, il n'y avait pas six mais quatre sites. J'ai mentionné cela à
24 plusieurs reprises lors de l'entretien, et je l'ai mentionné aujourd'hui,
25 et nous ne nous sommes pas penchés en principe sur les sites possibles sur
26 le territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie, puisque notre objectif
27 était de démasquer le mensonge. Donc, tout s'est basé sur les tables de
28 tir. Je réitère encore une fois qu'il s'agissait d'un examen à grande
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1 échelle pour ce qui est de tous les sites possibles de tir. J'espère avoir
2 répondu à votre question.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Ces six sites que vous avez vérifiés, plutôt quatre ont été vérifiés
5 sur la base des tables de tir pour le mortier M52, et vous ne saviez pas
6 que le mortier M52 a tiré au moins deux obus qui avaient la portée
7 différente, n'est-ce pas ? - parce que nous allons vérifier ces tables de
8 tir dans quelques instants.
9 R. Oui, très bien, c'est vrai. Si nous allons vérifier les tables de tir,
10 c'est une excellente idée, puisque vous allez avoir la possibilité de
11 comparer les tables de tir avec des diverses modifications pour le mortier
12 120 millimètres et pour les obus qui ont été utilisés. Vous allez voir que
13 ces différences ne sont pas énormes. Et en principe, cela n'est pas
14 important, en fait, quels obus ont été utilisés. Il n'y a pas de différence
15 importante entre les obus utilisés. Nous avons tout vérifié.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux attirer votre attention sur
18 une éventuelle erreur dans le compte rendu à la page 13, ligne 13. Le
19 témoin a dit qu'en principe ils ne se penchaient pas sur les localités, sur
20 les sites, sur le territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie. Je crois
21 que le témoin a dit le territoire contrôlé par les Musulmans de Bosnie pour
22 ce qui est de ces deux sites qui se trouvaient dans la zone de
23 responsabilité de l'ABiH, et j'aimerais que ce point soit tiré au clair.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. J'allais poser la question au
25 témoin là-dessus.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis prêt à répéter. Vous allez vous
27 souvenir que lors de mon entretien, j'ai indiqué sur le croquis six
28 localités, six charges, six sites. Et vous avez pu voir également sur ce
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1 croquis la ligne de confrontation. J'ai dit qu'il était possible que le tir
2 serait provenu non seulement du territoire contrôlé par les Serbes de
3 Bosnie, mais aussi du territoire contrôlé par l'ABiH. Pourtant, nous ne
4 nous sommes pas rendus là-bas avec cet objectif puisque nous ne cherchions
5 pas des coupables. Il est possible que là-bas aussi il y avait des sites
6 d'où ces obus auraient été tirés, mais cela ne représentait pas notre
7 tâche. Notre tâche était de démasquer ces mensonges. Donc, nous cherchions
8 des sites, des localités qui étaient plus élevées et dans la direction du
9 sud, c'était notre tâche, et je suis tout à fait d'accord pour ce qui est
10 de cette correction ou cette intervention concernant l'erreur qui s'est
11 glissée au compte rendu.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. Merci. Colonel, j'aimerais vous donner une sorte d'instruction. Dans de
14 telles situations, vous ne pouvez que dire que ce qui a été expliqué était
15 clair, mais merci pour cette information.
16 M. TIEGER : [interprétation] Peut-on afficher le document 23864A, s'il vous
17 plaît.
18 Q. Il s'agit d'une table de tir pour le mortier M52 de calibre 120
19 millimètres. Il s'agit de la même table de tir que vous avez montrée dans
20 la vidéo que nous avons vue.
21 Colonel, nous pouvons voir sur cette page qu'il s'agit du mortier de
22 calibre 120 millimètres, et ce mortier peut utiliser plusieurs types
23 d'obus, y compris M49 et M62, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Regardons brièvement la page 3 avant de passer aux calculs basés sur le
26 nombre de charges. Passons à la page 3 en B/C/S et à la page 4 en anglais.
27 Ici, on voit qu'une référence est faite à quelque chose dont on a discuté
28 auparavant. C'est par rapport au temps nécessaire pour modifier la position
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1 de combat -- ou, plutôt, le temps nécessaire pour ne plus être à cette
2 position. Voyez-vous cela, Colonel ?
3 R. Je vois la table de tir.
4 Q. Et en haut de la page, il est question du temps nécessaire pour changer
5 de position pour prendre la position de combat, le temps nécessaire pour
6 charger la pièce d'artillerie à bord du camion, le mortier démonté, et
7 cetera. Et maintenant, regardons les tables de tir pour deux types d'obus,
8 M49 et M62. Est-ce qu'on peut maintenant avancer plus vite, et nous allons
9 essayer également d'être le plus efficace possible pour que tout soit clair
10 pour vous, Colonel.
11 M. TIEGER : [interprétation] Et pour le faire, Monsieur le Président, pour
12 être le plus efficace possible, nous avons besoin d'utiliser le programme
13 Sanction.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
15 M. TIEGER : [interprétation]
16 Q. D'abord, regardons la charge 1, charge pour l'obus M49. Est-ce qu'il
17 est -- c'est quelque chose qu'on peut voir sur ces tables de tir, la portée
18 de 700 mètres - et si vous regardez à droite - pour ce qui est de l'angle
19 de chute, c'est 70 degrés. Ce sont les calculs qui se basent sur les
20 milliradians. La charge 2, la portée est 1 200 mètres, encore une fois,
21 pour ce qui est du chiffre qui est le plus proche du 70 degrés; la charge
22 3, la portée 1 800 mètres; la charge 4, la portée 2 400 mètres; la charge
23 5, la portée 3 000 mètres; et la charge 6, la portée 3 600 mètres.
24 Regardons maintenant si l'obus M62, s'il était tiré, pouvait avoir
25 différentes portées. Pour ce qui est de la charge 1, nous voyons que c'est
26 900 mètres. Et pour ce qui est de la deuxième, c'est déjà 1 600 mètres. La
27 charge 3, 2 004 [comme interprété] mètres, la différence est de 600 mètres.
28 La charge 5, 4 000 mètres. Et nous voyons qu'il s'agit d'une différence de
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1 1 100 mètres pour la charge 6. Mais ici, il semble que cette différence
2 soit importante, c'est ce qu'on peut voir dans ces tables de tir, et je ne
3 sais pas si c'est ce que vous avez entendu en disant qu'il n'y pas de
4 différence.
5 Je vous ai posé la question pour ce qui est de M74 et M75. Est-ce que
6 vous savez que de ces deux mortiers, on peut tirer également les obus 64 et
7 65 [comme interprété] ?
8 R. Il y a eu une erreur dans l'interprétation. Une arme ne peut pas être
9 utilisée dans un obus.
10 Q. Je ne sais pas comment cela a été interprété. Ma question est simple :
11 saviez-vous à l'époque que le mortier M74 pouvait tirer des obus M62 ainsi
12 que des obus M49 ?
13 R. Je ne peux pas vous dire avec exactitude quels étaient les types d'obus
14 qu'on pouvait utiliser. Mais je voudrais répéter qu'il n'est pas nécessaire
15 d'énumérer tous les types d'armes ou tous les types de munitions qui
16 pouvaient être utilisés pour ce qui est de cet incident parce que, par
17 exemple, vous n'avez pas de base pour dire que l'obus M62 a explosé.
18 Montrez-moi ce type d'arme qui a été utilisé. Il ne s'agit que d'une
19 suggestion qui n'a pas de base.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Monsieur Tieger, est-
21 ce que vous avez pensé à M74 ou 52 ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Non. Nous avons vu les tables de tir pour ce
23 qui est de M52, maintenant je passe M74, et j'aimerais demander au colonel
24 s'il savait quels obus ont été tirés - avant de regarder ces tables de tir.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Colonel, vous venez de dire que je n'ai aucune base pour dire que
28 l'obus M62 était explosé, mais -- vous avez l'air très content parce que
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1 vous avez retrouvé cela, Colonel. Mais vous n'avez pas de fondement pour
2 dire que l'obus M52 a été utilisé, et vous ne saviez pas quel type d'obus a
3 été utilisé, n'est-ce pas, au moment où vous êtes arrivé à ces conclusions
4 pour ce qui est des sites d'où cet obus a été tiré ?
5 R. En principe, généralement parlant, oui, puisque ces quelques documents,
6 ces quelques rapports, qui représentaient notre base pour agir -- nous
7 avons donc voulu mener une enquête plus approfondie, c'était notre tâche.
8 Et à l'époque, il aurait été bizarre de prendre en compte tous les
9 différents types d'obus.
10 Q. Nous avons vu ce que vous avez dit à cette conférence de presse et ce
11 que vous avez dit lors de votre témoignage dans Dragomir Milosevic. Nous
12 avons déjà discuté là-dessus longuement. Mais ici aujourd'hui, vous avez
13 également dit qu'il n'y a pas de différence énorme entre ces mortiers et
14 entre les portées de ces obus par rapport aux sites de lancement si
15 différents types d'obus ont été utilisés. Passons maintenant aux tables de
16 tir pour ce qui est du mortier M74.
17 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la pièce 23723A sur la liste 65
18 ter. Et regardons également les tables de tir pour ce qui est du mortier
19 M75. C'est le document 23724A. J'ai voulu que tout soit clair avant de
20 poursuivre.
21 Q. Pour ce qui est de la première charge pour M74, nous voyons que la
22 portée est 900 mètres; la deuxième charge, c'est entre 1 400 et 1 500; la
23 charge numéro 3, 2 100 mètres; la charge 4, 2 800; la charge 5 -- et la
24 charge 6, 4 100 .
25 Passons à M74, le mortier 120 millimètres : La charge numéro 1, 1 000
26 mètres; la charge numéro 2, 1 800 jusqu'à 1 900; la charge 3, 2 700 jusqu'à
27 2 800; la charge 4, 3 600; la charge 5, 4 400; et la charge 6, 5 100.
28 Et pour ce qui est de l'utilisation d'obus M62 : la première charge, 1 000
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1 à 1 100 mètres; la deuxième, 1 900 mètres; la troisième charge, 2 800
2 jusqu'à 2 900; la quatrième charge, 3 700 mètres; et la charge numéro 5, 4
3 000 -- la cinquième charge, 2 500 [comme interprété]; et la charge numéro
4 6, 5 200 mètres.
5 Colonel, contrairement à ce que vous nous avez dit il y a quelques
6 instants, à savoir qu'il n'y a pas de différence importante pour ce qui est
7 de l'utilisation de différents types de mortiers et d'obus pour ce qui est
8 de la portée et pour ce qui est des sites potentiels de lancement, ici nous
9 voyons qu'il y a une différence potentielle entre 3 600 mètres et 5 200
10 mètres, donc c'est une différence de quelque 1 600 mètres. Ces portées ne
11 sont pas du tout les mêmes pour différents types de mortiers ou pour
12 différents types d'obus qui peuvent être utilisés. C'est vrai, Colonel ?
13 R. Oui, c'est tout à fait vrai. Mais si vous avez des éléments de preuve
14 disant que le tir a eu lieu et que ce type d'obus et ce type de mortier ont
15 été utilisés, vous pouvez obtenir différentes distances ou portées. Vous
16 pouvez donc prendre ça en considération, mais vous ne disposez pas de tels
17 faits. Ce n'est qu'une théorie. C'est la première chose. Et la deuxième
18 chose, lorsque j'ai dit qu'il n'y a pas de différence essentielle pour ce
19 qui est de l'utilisation de différents types de mortiers ou d'obus, j'ai
20 voulu dire que cela n'était pas important pour notre groupe qui procédait à
21 l'enquête. De savoir s'il s'agissait de 2 300 mètres, 2 600 ou 3 000
22 mètres, cela n'importe pas lorsque vous examinez tout le terrain, lorsque
23 vous examinez des milliers de mètres carrés du territoire de -- sur cette
24 pente ici. Lors de nos recherches pour savoir où pouvait se trouver ce
25 mortier, il n'importait vraiment pas de savoir quelle aurait été la portée
26 d'un obus concret. Nous avons tout vérifié.
27 Q. Mais le fait est, Colonel, que vous ne saviez pas quelle était la
28 portée de cet obus puisque vous ne saviez pas quel type de mortier aurait
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1 été utilisé. Vous ne saviez pas que M52 a été utilisé, ainsi que différents
2 types d'obus, et vous ne saviez pas quelle était la portée de ces obus.
3 C'était quelque chose que vous avez omis de faire pour ce qui est de votre
4 examen, de votre enquête, et vous avez dit cela clairement lors de cette
5 conférence de presse et pendant votre témoignage dans l'affaire Milosevic.
6 R. Si vous essayez de persuader la Chambre que je ne suis pas le plus
7 grand expert pour ce qui est de l'arsenal d'armes de l'armée yougoslave, je
8 peux le confirmer. Je n'ai pas servi dans les rangs de l'armée yougoslave
9 et je n'avais pas besoin de connaître tous les détails pour ce qui est des
10 tirs des pièces d'artillerie et des mortiers dans l'armée yougoslave. Ma
11 tâche était différente, ma tâche était d'examiner cette pente pour
12 retrouver le site d'où cet obus aurait pu être lancé. Donc, on a examiné
13 tout ce territoire sur cette pente et nous n'avons pas trouvé de traces de
14 mortier, et il n'est pas important de savoir quel modèle a été utilisé
15 parce qu'il n'y avait pas d'autres modèles ou modèles différents. Cela
16 n'importe pas. Vous ne pouvez pas parler de ces obus puisque vous n'avez
17 pas de base pour en parler.
18 Q. Nous pouvons en discuter longuement, mais j'aimerais attirer maintenant
19 votre attention ainsi que l'attention de la Chambre sur le fait, et c'est
20 ce que j'ai fait plusieurs fois jusqu'ici, donc, sur ce que vous avez dit
21 auparavant, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire à présent.
22 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire verser ces documents
23 au dossier, au moins la dernière page, pour que la Chambre puisse plus
24 facilement retrouver cette référence.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous pouvez faire imprimer cette
28 dernière page du logiciel Sanction. Et nous allons donc faire verser cette
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1 page au dossier.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] La dernière page deviendra la pièce
3 P5920.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons également verser au dossier
5 deux autres documents, 27823A ainsi que 23724A.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces deux documents recevront les cotes
7 P5921 et P5922, respectivement.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
9 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier le
10 document 23864A.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Oui, nous allons verser au
12 dossier ce document.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera P5923.
14 M. TIEGER : [interprétation]
15 Q. Colonel, maintenant j'aimerais qu'on parle de ce procédé que vous avez
16 utilisé pour arriver jusqu'au territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie
17 pour examiner ces sites, et vous avez dit que vous les aviez vérifiés. Est-
18 ce que vous avez demandé l'autorisation ou la permission pour franchir la
19 ligne de confrontation et pour passer sur le territoire contrôlé par les
20 Serbes de Bosnie ou par la VRS ?
21 R. Tout d'abord, je n'ai dû demander la permission à personne. En tant que
22 chef de l'état-major pour l'entièreté du secteur, non seulement j'avais la
23 permission, mais j'avais aussi le devoir de me rendre sur les lignes de
24 confrontation quotidiennement, car notre tâche en tant que force de
25 maintien de la paix était d'inspecter les deux côtés. Ça, c'est une
26 première chose.
27 Q. Vous suggérez, Colonel, que la VRS respectait toujours scrupuleusement
28 le mandant de la FORPRONU, quel qu'ait été votre mandat, et qu'il n'y a
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1 jamais eu d'interférence -- ou que le mandat de la FORPRONU n'a jamais fait
2 l'objet d'interférence ? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire
3 ?
4 R. Absolument. Je peux confirmer qu'à plusieurs reprises au cours des
5 centaines ou des milliers de voyages que j'ai faits de points de contrôle à
6 d'autres entre les parties belligérantes -- je veux dire par là que j'ai
7 traversé la ligne de front plusieurs milliers de fois. Et si vous voulez
8 savoir d'un point de vue général si les Serbes de Bosnie avaient violé
9 l'accord de cessez-le-feu, eh bien, la réponse est oui, certainement. Cela
10 se retrouve dans plusieurs rapports, y compris mes rapports. Mais si vous
11 voulez me poser une question sur moi personnellement et mon équipe, je peux
12 vous dire que j'ai traversé la ligne de front autant de fois que
13 nécessaire. Et je n'ai pas rencontré beaucoup de problèmes, à l'exception
14 de quelques manifestations de certains comportements, mais c'est un autre
15 sujet.
16 Q. Laissons de côté pour le moment la question de savoir comment l'on vous
17 a traité personnellement. J'aimerais savoir si vous saviez que la VRS avait
18 restreint les mouvements du personnel de la FORPRONU pendant la période de
19 temps où vous y étiez ?
20 R. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par restreindre les
21 mouvements ? Les mouvements de qui ?
22 Q. Du personnel de la FORPRONU.
23 R. Je voudrais répéter une chose : dans des documents et dans des rapports
24 quotidiens, l'on retrouve des éléments montrant que j'ai traversé la ligne
25 de front à plusieurs reprises. Peut-être que vous avez des documents sur
26 lesquels vous vous fondez pour dire que je n'ai pas eu la permission de la
27 VRS de traverser la ligne de front. Si c'est le cas, montrez-moi ces
28 documents.
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1 Q. Je pense que vous mélangez plusieurs choses. Je vous ai demandé
2 explicitement de ne pas répondre à cette question. Je vous ai posé une
3 question plus générale qui semblait se retrouver dans votre témoignage. Et
4 la question est la suivante : connaissiez-vous, étiez-vous au courant des
5 restrictions de mouvements, de circulation, imposées par la VRS au
6 personnel de la FORPRONU ?
7 R. Je ne comprends pas de quoi vous parlez. Est-ce que vous voulez dire
8 que le personnel de la FORPRONU subissait des limitations dans ses
9 mouvements ou que c'étaient les troupes de la VRS qui ne pouvaient pas
10 circuler librement, ou est-ce que vous parlez des deux ?
11 Q. Je vous parle de ce que la FORPRONU essayait de faire dans le cadre de
12 son mandat et du fait qu'elle était empêchée de la mener à bien car la VRS
13 ne lui donnait pas d'autorisation pour accéder à certains territoires,
14 d'une façon ou d'une autre.
15 R. Je dois vous dire que les deux parties belligérantes, l'armée bosnienne
16 et la VRS, violaient l'accord de libre circulation du personnel de la
17 FORPRONU, les deux parties l'ont violé.
18 Q. Saviez-vous que la FORPRONU allait déposer des demandes d'autorisation
19 de circulation, de mouvement, à des positions particulières à l'avance, et
20 que quelquefois on leur refusait cette autorisation ou la rejetait, tout
21 simplement ?
22 R. Oui, il y a eu des cas semblables, mais en ce qui me concerne, je n'ai
23 jamais eu de restriction dans ma liberté de circulation. Et d'après ce que
24 j'ai compris, le but de cet interrogatoire aujourd'hui est de connaître mon
25 expérience personnelle et pas la situation générale pendant la guerre.
26 Q. Oui, mais je dois vous dire, Colonel, que je m'intéresse aussi à la
27 différence de traitement qu'il y avait entre vous et le reste du personnel
28 de la FORPRONU, et nous devons en discuter également. Donc, nous allons
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1 parler des deux aspects.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, pouvons-nous
3 poursuivre, s'il vous plaît ?
4 M. TIEGER : [interprétation]
5 Q. Colonel, les inquiétudes relatives à la circulation du personnel de la
6 FORPRONU en août 1995 étaient particulièrement importantes, n'est-ce pas ?
7 R. Cela ne me touche pas personnellement. Nous parlons de la liberté de
8 circulation de la FORPRONU, et là, oui, je vous répondrais qu'il y avait,
9 effectivement, des difficultés. Les deux parties belligérantes limitaient
10 la liberté de circulation du personnel de la FORPRONU, c'est vrai.
11 Q. Merci. Savez-vous pourquoi la VRS vous permettait d'entrer dans son
12 territoire pour mener l'exercice dont nous parlons depuis hier ?
13 R. Désolé, je ne comprends pas.
14 Q. Je vous demande si vous savez pourquoi la VRS vous permettait de
15 pénétrer dans son territoire pour rechercher des positions de tir supposées
16 ou potentielles ?
17 R. Je crois que vous avez mal posé la question. Vous avez fait une
18 déclaration et vous n'avez pas posé de question. Et vous êtes en train
19 d'affirmer qu'un officier russe serait autorisé de passer dans ce
20 territoire et que d'autres non, ce n'est pas vrai. Mes droits et mes
21 devoirs étaient identiques à ceux de tout autre officier de la FORPRONU.
22 Nous avons une procédure opérationnelle standard et si nous prévoyons de
23 nous rendre dans un point sensible d'un côté ou de l'autre de la ligne de
24 confrontation - sensible en termes de préparation au combat - ensuite la
25 demande devait être faite. On pouvait même la faire par téléphone, et nous
26 recevions une réponse opérationnelle, oui ou non, et un délai de réponse.
27 Il n'y avait pas de priorité, il n'y avait pas de traitement préférentiel
28 pour le colonel Demurenko, et je ne pense pas que vous disposiez de faits
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1 prouvant le contraire.
2 Q. Regardons le document D2284 et voyons quels étaient les éléments pris
3 en compte par la VRS pour accorder cette demande. Il s'agit d'un document
4 délivré par Marko Lugonija, envoyé depuis le commandement du Corps de
5 Sarajevo-Romanija, du quartier général et du département du renseignement
6 et de la sécurité, et il indique les choses suivantes. Tout d'abord, il y a
7 des inquiétudes sur des bombardements de l'OTAN potentiels. Et d'après les
8 informations dont ils disposaient, vous n'étiez pas d'accord avec
9 l'évaluation de la FORPRONU et vous demandiez la permission à la VRS de
10 vous rendre personnellement sur le site que la FORPRONU avait évalué comme
11 étant le point à partir duquel l'obus avait été tiré. Et le colonel
12 Lugonija propose de vous octroyer la permission de le faire après avoir
13 noté l'endroit que vous alliez visiter, et il indique également que vous
14 aviez demandé de visiter des hôpitaux à Blazuj, où des personnes avaient
15 été blessées dans le bombardement du 28 août, où étaient en cours de
16 convalescence. Et le colonel Lugonija continue, et nous dit :
17 "Je propose de lui octroyer cette permission pour cela, également.
18 Demurenko veut voir de visu que les Serbes n'avaient pas tiré l'obus et
19 qu'ils n'étaient pas les cibles."
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvons-nous voir la page pour la
21 version anglaise, s'il vous plaît.
22 M. TIEGER : [interprétation]
23 Q. Tout d'abord, Colonel, savez-vous quelle source a fourni ces
24 informations qui sont arrivées au colonel Lugonija s'agissant de votre
25 demande de permission ?
26 R. Non, naturellement je ne sais pas qui était la source, mais il y en
27 avait plusieurs. Au QG des PTT à la FORPRONU il y avait plusieurs officiers
28 de liaison, y compris ceux de l'armée des Serbes de Bosnie. Et les rumeurs
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1 se répandaient rapidement dans le QG, par exemple, une rumeur selon
2 laquelle on ne m'avait pas donné la permission de rejoindre une équipe
3 d'enquête conjointe. C'est quelque chose que l'officier de liaison a
4 immédiatement transmis à son commandement. Donc, cela n'a pas d'importance
5 de savoir qui a transmis cette information. Ce n'était pas un secret. Je
6 n'ai jamais essayé de le cacher, de toute façon. Et merci de nous montrer
7 ce document, car cela confirme qu'il y a toujours une demande qui existe.
8 Et vous voyez ici que le colonel Demurenko a formulé une demande pour se
9 rendre dans un territoire particulier, et cela confirme ce que j'ai dit
10 tout à l'heure.
11 Q. Ce document est donc véridique lorsqu'il confirme que vous avez demandé
12 la permission et l'avez reçue pour vous rendre dans des zones particulières
13 ?
14 R. Oui. Oui.
15 Q. Et il indique, et d'ailleurs c'est la raison pour laquelle vous étiez
16 accompagné d'un commandant local lorsque vous vous êtes rendu dans ces
17 sites, un commandant local de la VRS à qui l'on avait demandé de vous
18 accompagner ?
19 R. Pas exactement. On ne peut pas s'engager dans le raisonnement du
20 commandement du 1er Corps de Romanija. Dieu seul sait quels étaient les
21 éléments dont ils tenaient compte. Mais j'aimerais répéter encore une
22 chose, et cela illustre parfaitement ce que j'ai dit tout à l'heure. Une
23 demande a été faite, une réponse a été reçue, on a défini à quel moment il
24 faudrait la mettre en œuvre. Un guide militaire a été mis à disposition, il
25 nous a aidés à nous orienter et à nous rendre sur le site. C'est la
26 procédure standard qui s'applique non seulement aux Russes mais aussi à
27 toute autre personne.
28 M. TIEGER : [interprétation] Le document a déjà été versé comme élément de
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1 preuve, Monsieur le Juge.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je pense que c'est l'une des pièces
3 connexes, et le colonel y fait référence dans sa déclaration au paragraphe
4 135.
5 M. TIEGER : [interprétation]
6 Q. Colonel, vous avez parlé -- en fait, nous avons tous les deux parlé de
7 la façon dont la VRS vous traitait, en particulier. Je voudrais confirmer,
8 tout d'abord, la chose suivante : lorsque vous faites référence à votre
9 équipe, le noyau dur de l'équipe sur lequel vous vous reposiez pendant cet
10 exercice, était composé d'officiers russes, n'est-ce pas ?
11 R. C'étaient des collègues russes, oui. S'agissant de privilèges, je
12 dirais que, non, je n'avais pas de traitement préférentiel. J'étais traité
13 exactement de la même façon que toute autre personne.
14 Q. J'aimerais vous poser quelques questions sur le général, et ensuite des
15 questions plus détaillées sur la relation entre les Russes qui servaient
16 dans la FORPRONU et les Serbes de Bosnie ou les Serbes en général. Tout
17 d'abord, vous vous souvenez que nous avons fait référence tout à l'heure à
18 l'entretien dans le Komsomolskaya Pravda en 1996, et vous avez fait
19 remarqué que les Serbes et les Russes avaient été réunis dans l'histoire et
20 que les Serbes sont un peuple que les Russes considèrent comme étant
21 proches. C'est un sentiment auquel vous souscrivez toujours ?
22 R. Il serait faux de le nier. C'est la réalité.
23 Q. Et est-ce que vous pensez que cela fait partie du fondement de vos
24 allégations concernant les actions de la VRS et des Serbes de Bosnie ou du
25 moins du niveau d'émotion qui était présent lorsque vous avez réagi à ces
26 allégations ?
27 R. Pas du tout. Pas du tout. Comme vous le savez, j'étais un officier haut
28 gradé et je comprenais parfaitement les exigences de la science militaire
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1 et de la théorie des Nations Unies sur l'impartialité. Je n'ai pas le temps
2 aujourd'hui, mais je pourrais donner à cette Chambre des dizaines, si pas
3 des centaines d'exemples illustrant comment j'ai essayé de rétablir la
4 vérité sur la souffrance des Musulmans de Bosnie dans cette ville de
5 Sarajevo sous blocus. Ils ont souffert de plusieurs manières, et je
6 trouvais cela étrange que mes collègues au QG sourient lorsque j'en
7 parlais, ou plutôt, avaient un sourire moqueur. Ils me disaient : "Vous
8 êtes russe. Pourquoi défendez-vous les Musulmans ?" Et je répétais
9 systématiquement : "Je ne suis pas russe, ici. Je suis un soldat de la paix
10 et le sang versé m'importe, quel que soit ce sang." Et dans mes carnets
11 personnels, j'ai des notes sur ces anecdotes et ces cas où j'ai défendu les
12 Musulmans.
13 Maintenant, s'agissant de la proximité entre les Serbes et les Russes, il
14 est impossible de nier qu'elle existe. C'est l'histoire. Et ma
15 participation personnelle dans cet incident n'a rien à voir avec cela. Mon
16 objectif était de prouver que l'on ne se moque pas de nous, que nous
17 n'étions pas des béni-oui-oui. Nous devions faire la lumière sur la vérité,
18 et c'est ce que j'ai essayé de faire.
19 Q. J'aimerais vous poser une question sur un exemple plus concret, et en
20 particulier un cas dont on vous a parlé pendant l'affaire Dragomir
21 Milosevic. Il y avait des questions sur votre nationalité et sur le fait
22 que vous veniez de Russie, et de la proximité entre les Russes et les
23 Serbes, si cela avait une incidence sur ce que vous pensiez ou ce que vous
24 faisiez. Dans ce cadre-là, on vous a demandé s'il était vrai que les Russes
25 bénéficiaient d'un traitement privilégié parce qu'ils n'avaient pas été
26 fait prisonniers en mai, alors que "tous les autres membres de la FORPRONU
27 avaient été fait prisonniers." Nous retrouvons cette phrase au compte rendu
28 de l'affaire Dragomir Milosevic à la page 8 972.
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1 Vous avez répondu que les Russes postés à Gorazde n'étaient pas capturés
2 parce qu'ils étaient sur un territoire contrôlé par la SRK et que cela
3 pouvait provoquer quelques problèmes tactiques et quelques risques de
4 pertes. Et à la même page, nous retrouvons cette phrase-là, la page 8 972.
5 Mis à part la situation du personnel russe à Gorazde, voulez-vous dire par
6 là que le personnel russe n'était pas traité différemment pendant la
7 période où le personnel des Nations Unies avait été capturé alors qu'il se
8 trouvait dans la même situation ?
9 R. Je peux vous répondre à cette question. C'est un sujet extrêmement
10 vaste et important qu'il faudrait davantage creuser, l'influence de
11 facteurs émotionnels du personnel international et leur lien avec la
12 population locale. La population était plus sympathique ou plus neutre vis-
13 à-vis des Russes, c'est vrai, mais ce n'était pas étrange. J'aimerais vous
14 parler justement d'un bataillon de maintien de la paix dans l'une de ces
15 régions. Il n'a jamais été attaqué ni pris par les Musulmans de Bosnie; au
16 contraire - et cela se trouve dans le sitrep, le rapport de situation -
17 tous les soldats avaient été blessés à plusieurs reprises par des obus qui
18 étaient tirés de Grbavica, d'un territoire tenu par les Serbes. Pourquoi ?
19 Eh bien, c'est une autre histoire. Mais ce n'est pas un cas isolé. Tout le
20 monde n'était pas bon, tout le monde n'était pas gentil, au contraire. La
21 guerre, c'est la guerre, et tout le monde est exposé au même danger.
22 Q. Pouvez-vous nous dire alors pourquoi vous n'avez pas dit dans l'affaire
23 Dragomir Milosevic, lorsque l'on vous a posé une question à ce sujet, que
24 oui, en fait, les Russes étaient traités différemment par la VRS pendant la
25 prise de prisonniers -- pendant la capture du personnel de la FORPRONU ?
26 R. Ces deux derniers jours, on me pose encore une fois une question
27 hypothétique, qui se fonde sur une hypothèse. Vous me demandez pourquoi je
28 ne l'ai pas dit. A plusieurs reprises dans ma vie, je n'ai pas répondu, je
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1 n'ai pas dit, je n'ai pas averti certains. Je n'ai pas eu l'occasion et je
2 n'ai pas eu le temps de répondre à tout ceci. Je dois vous répéter que je
3 ne reviens pas sur mes propos, y compris ceux du procès Milosevic. Je
4 confirme ce que j'ai dit.
5 Q. Pour que les choses soient claires, la question n'est pas de savoir
6 pourquoi vous n'avez pas répondu à cela pendant votre témoignage. La
7 question est plutôt la suivante : pourquoi, lorsqu'on vous a demandé en
8 particulier si cela s'était passé, vous avez dit simplement --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense que le témoin
10 a répondu à la question. Nous devons avancer. Je prends note de l'heure, le
11 temps passe. Et pour pouvoir s'organiser, puis-je vous demander de combien
12 de temps vous aurez encore besoin pour terminer votre contre-interrogatoire
13 ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Environ une demi-heure, Monsieur le Juge.
15 J'espère que je m'y tiendrai.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause
17 d'une demi-heure, et nous reprendrons à 11 heures.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
19 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
21 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Avant d'avancer vers un autre sujet, Colonel, je voudrais que nous
23 précisions quelque chose, et cela a trait à certains termes abordés hier et
24 sur lesquels nous sommes revenus aujourd'hui. Est-il exact de dire que vous
25 ne vous considérez pas comme étant un expert de la lutte antiterroriste ?
26 R. En effet.
27 Q. Est-il exact de dire également que vous ne vous considérez pas comme
28 expert dans le domaine des explosions statiques ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Et enfin, est-il vrai également que vous ne vous considérez pas comme
3 un expert en analyse de cratère ?
4 R. En effet, c'est le cas.
5 Q. Je vous remercie. Alors, nous avons déjà parlé de la capture de membres
6 du personnel des Nations Unies, de la FORPRONU plus précisément, en juin
7 1995, et c'est quelque chose que vous abordez dans votre déclaration
8 consolidée dans une certaine mesure aux paragraphes 70, 73 et 76. Vous
9 dites que c'était là une réponse appropriée de la part des Serbes de Bosnie
10 - c'est au paragraphe 70. Vous dites que l'emploi du terme "otage" n'est
11 pas tout à fait juste, n'est pas approprié, mais que ce terme a été utilisé
12 parce que la FORPRONU n'a pas trouvé de terme approprié - cela figure au
13 paragraphe 73; et 76, vous y dites que ces membres de la FORPRONU n'étaient
14 pas de véritables otages.
15 Alors, Colonel, saviez-vous que les membres du personnel des Nations Unies
16 fait prisonniers avaient été menacés de mort par la VRS ou les Serbes de
17 Bosnie dans l'éventualité où les Nations Unies échouaient à faire ce qui
18 leur était demandé ou si les Nations Unies se montraient réticentes à le
19 faire, ou encore si -- est-ce que vous saviez également que les membres du
20 personnel des Nations Unies fait prisonniers avaient été placés sur des
21 sites particuliers pour y être utilisés comme boucliers humains afin
22 d'éviter le bombardement de ces sites considérés comme cibles potentiels ?
23 Est-ce que c'est quelque chose que vous saviez ?
24 R. Oui, je savais cela. Mais c'est quelque chose qui est vrai également de
25 l'autre partie au conflit. J'ai également entendu dire, bien que je ne
26 l'aie pas vu de mes propres yeux, qu'il y a eu des cas impliquant la BiH,
27 que lorsque les Musulmans de Bosnie ont pris un poste des Nations Unies où
28 se trouvait un poste des soldats russes, eh bien, mes soldats m'ont dit
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1 qu'ils ont été menacés de mort pendant qu'ils étaient fait prisonniers.
2 Alors, pour revenir à votre question, il y a eu de tels cas, effectivement,
3 et il sera insensé de le nier.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, vous vous êtes
5 probablement référé à l'ancienne numérotation des paragraphes dans la
6 déclaration. Entre-temps, est-ce que vous pourriez procéder à une
7 vérification.
8 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En fait, il ne
9 s'agit pas des numéros de paragraphes, mais des numéros de page. J'ai fait
10 une erreur. Donc, il faut remplacer "paragraphes" par "pages".
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. Colonel, vous avez parlé d'un événement que vous avez qualifié d'unique
14 incident entre les forces serbes et la FORPRONU après le bombardement de
15 l'OTAN. Vous avez dit qu'il s'agissait des affrontements autour du pont de
16 la fraternité et de l'unité. Ceci figure au paragraphe numéro 38 de votre
17 déclaration consolidée. Est-ce que vous arriveriez à vous souvenir mieux de
18 l'endroit où cet événement s'est produit si je vous disais que le seul
19 incident survenu entre les forces serbes et la FORPRONU après les
20 bombardements de l'OTAN a eu lieu au pont de Vrbanja ? Etait-ce là
21 l'incident dont vous avez voulu parler ?
22 R. Eh bien, sincèrement, je ne me souviens pas si le pont de l'unité et de
23 la fraternité est le même que le pont de Vrbanja ou s'il s'agit de deux
24 ponts distincts. Je ne m'en souviens pas. Ce dont je me souviens, c'est que
25 sur le pont de l'unité et de la fraternité, beaucoup de sang a été versé
26 dans une attaque lancée de part et d'autre. De nombreux soldats français de
27 la FORPRONU y ont été tués, et il y a sûrement eu d'autres situations,
28 d'autres cas. Je me souviens qu'ils se sont produits.
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1 Q. Très bien. Je vais maintenant attirer votre attention sur un document
2 concernant cet événement, mais je voudrais d'abord vous rappeler la façon
3 dont vous avez qualifié ceci dans votre déclaration consolidée. En
4 substance, vous avez dit qu'il y avait deux postes de contrôle, un de
5 chaque côté du pont; que les Serbes et les Musulmans se tiraient dessus;
6 que les Serbes sont passés à l'offensive et ont pris des tranchées
7 musulmanes; ensuite, vous dites que les Musulmans en ont fait part aux
8 Français et que le commandant français a ordonné à ses soldats d'attaquer
9 les unités serbes à leur poste de contrôle. Voilà donc la description que
10 vous avez faite de cet événement. Alors, je suppose que vous avez cité ceci
11 en tant qu'exemple d'affrontements dans le cadre desquels la FORPRONU se
12 rangeait au côté des Musulmans contre les Serbes ?
13 R. Non, vous ne pouvez pas voir ainsi les choses par le petit bout de la
14 lorgnette, en disant que la FORPRONU aurait systématiquement pris fait et
15 cause pour les Musulmans, ou se serait rangé à leur côté. Dans ce cas
16 précis, nous étions en présence d'un comportement assez atypique de la part
17 de la FORPRONU qui a pris part au combat. Parce que dès le tout début dans
18 de nombreux briefings, de nombreux entraînements et dans de nombreux
19 documents, il était dit explicitement aux soldats qu'ils ne devaient pas
20 utiliser leurs armes à l'exception des cas de légitime défense ou dans les
21 situations où il était nécessaire de mettre fin à un bain de sang entre les
22 parties au conflit; c'était cela le sens du maintien de la paix. Et je me
23 rappelle cet événement, en fait, parce qu'il s'agissait d'une exception à
24 cette règle.
25 Q. Contrairement à votre description des événements, je voudrais porter à
26 votre attention le document P2171. Il s'agit d'un câble concernant cet
27 événement. Si nous faisons défiler la page vers le bas pour afficher le
28 point numéro 4, au sujet des postes d'observation des Nations Unies à
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1 Sarajevo, nous verrons de quoi il s'agit. Il est question de neuf soldats
2 français détenus au poste d'observation, et de dix autres soldats français
3 désarmés et détenus. Il est dit que, je cite : "Vers 4 heures 30 ce matin-
4 là, un groupe de soldats de l'armée des Serbes de Bosnie, vêtus d'uniformes
5 des Nations Unies français et équipés de matériel correspondant, a pris le
6 poste d'observation 4 du Bataillon français au pont de Vrbanja à Sarajevo."
7 Il est dit ensuite, je cite, que : "A 8 heures du matin, le Bataillon
8 français 4 a mis en place une opération qui a été couronnée de succès pour
9 reprendre le contrôle du poste d'observation."
10 Alors, Colonel, en réalité, on ne peut pas du tout dire que les Musulmans
11 sont allés voir la FORPRONU après que leur position a été attaquée, que la
12 FORPRONU, à son tour, a lancé une attaque en leur nom. Ce qui s'est passé
13 c'est que des soldats de l'armée des Serbes de Bosnie portant des uniformes
14 français ont attaqué le poste d'observation français, et qu'ensuite le même
15 Bataillon français a repris cette position, n'est-ce pas ?
16 R. Non, ce n'est pas exact. Vous vous êtes appuyé sur un rapport du
17 commandement supérieur, si j'ai bien compris, un rapport du général Janvier
18 aux Nations Unies. Mais pourquoi ne prenez-vous pas le rapport de
19 situation, le "sitrep", au sujet de ce même incident, le rapport de
20 situation à Sarajevo, c'est-à-dire l'endroit où ceci s'est passé. Pourquoi
21 ne comparez-vous pas les informations figurant dans l'un et l'autre des
22 deux reports. Parce que vous comprendrez bien que sur le terrain les choses
23 sont toujours plus claires qu'en haut de la chaîne, et c'est alors que vous
24 verrez ce qui s'est véritablement passé.
25 Q. Eh bien, faisons cela, Colonel. Passons au document 23897 en
26 application de l'article 65 ter. Nous avons ici un document qui émane de
27 vous. Si nous examinions la première page, nous voyons qu'il y a eu des
28 affrontements entre l'armée des Serbes de Bosnie et la FORPRONU au pont de
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1 Vrbanja. Vous voyez en bas qu'il est indiqué que "tous les membres du
2 personnel sont retenus en otage par l'armée des Serbes de Bosnie." Et si
3 l'on passe à la page 4, on verra, je cite : "Le moment le plus critique a
4 été la reprise par le Bataillon français 4 du pont de Vrbanja, saisi par
5 ruse la veille, la nuit précédente, par l'armée des Serbes de Bosnie,
6 déguisée en personnel de la FORPRONU, ce qui a causé des morts et des
7 blessés, et des prisonniers ont été faits des deux côtés." Si nous passons
8 à la page 7 : "Le Bataillon français 4, à la date du 27 à 4 heures du
9 matin, relève que des soldats de l'armée des Serbes de Bosnie ont investi
10 le pont de Vrbanja, habillés dans des uniformes des Nations Unies avec
11 l'équipement des Nations Unies également. Entre 8 heures et 9 heures, une
12 section du Bataillon français 4 a repris le poste d'observation," à
13 l'exception de la zone située à l'ouest de ce dernier, et il est indiqué
14 que des membres du personnel ont été tués.
15 Si nous passons aux pages 10 et 11, nous voyons des rapports similaires.
16 Vers le bas de la page, il est indiqué que vers 4 heures 30, des soldats de
17 l'armée des Serbes de Bosnie qui portaient des uniformes de soldats
18 français des Nations Unies, casques et vestes comprises, ont enfermé des
19 soldats français dans le poste d'observation. Nous voyons à la page
20 suivante des références qui sont faites à la reprise de ce poste. Ensuite,
21 page 13, il y a une référence à l'armée des Serbes de Bosnie utilisant des
22 soldats des Nations Unies comme boucliers. Donc, non seulement la
23 description que nous avons vue dans le document précédent était exacte,
24 mais Colonel, vous étiez au courant de cela à l'époque, n'est-ce pas ?
25 R. Eh bien, ce serait particulièrement à mon avantage d'utiliser la
26 méthode que vous venez d'utiliser en comparant les chiffres, d'un côté les
27 chiffres que j'ai évoqués et les chiffres dont vous disposez. Si vous
28 regardez dans le premier rapport, il est dit 4 heures 30 du matin, neuf
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1 soldats, puis dix soldats, et ensuite ils parlent des uniformes des forces
2 spéciales de l'armée française, alors que dans ce document-ci que nous
3 avons sous les yeux, il est question d'uniformes des Nations Unies et non
4 pas d'uniformes français. Par conséquent, on trouve de nombreuses
5 contradictions entre ces trois rapports, et je crois qu'il s'agit d'une
6 indication supplémentaire de la manipulation qui a eu lieu. En fonction de
7 la personne qui a signé le rapport, la vérité a été déformée, la réalité a
8 été déformée. Dans chacun des trois documents que vous avez présentés, les
9 heures, les participants, les types d'uniformes sont tous décrits de façon
10 différente. Ceci signifie qu'on peut présenter la version que l'on souhaite
11 pratiquement, en s'appuyant de façon séparée sur l'un ou l'autre des trois
12 rapports.
13 Q. Eh bien, Colonel, je vais demander le versement de ces documents au
14 dossier. Je laisserai les Juges procéder à la comparaison entre ces
15 documents, et je les laisserai évaluer ce que ces documents relèvent, ainsi
16 que ce que vous saviez de tout cela à l'époque par rapport à ce que vous
17 avez dit dans votre déclaration consolidée.
18 M. TIEGER : [interprétation] Je demande donc le versement de ce document,
19 Monsieur le Président.
20 M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection, Monsieur le
21 Président, mais nous apprécierions que l'on s'abstienne de faire des
22 commentaires.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il appartient à la Chambre d'évaluer les
24 éléments de preuve à la fin du procès. Ceci sera donc versé au dossier.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote attribuée est P5924.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Colonel, au paragraphe numéro 9 de votre déclaration consolidée, vous
28 dites n'avoir jamais rencontré Mladic -- excusez-moi.
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1 L'INTERPRÈTE : Hors micro.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre micro.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. -- ou d'autres dirigeants pendant que vous étiez chef d'état-major. Je
5 cite :
6 "Dans le secteur de Sarajevo, je n'avais pratiquement aucun contact avec la
7 direction des parties au conflit."
8 Et vous poursuiviez en disant que cette façon de procéder allait dans le
9 sens de l'impartialité à laquelle il vous appartenait de vous en tenir, et
10 que, par conséquent, vous n'aviez des contacts qu'avec les officiers de
11 liaison. Alors, je ne comprends pas très bien ce que vous avez voulu dire
12 en disant, je cite : "Je n'avais pratiquement aucune interaction avec la
13 direction des parties au conflit." Est-ce que vous voulez dire que vous
14 n'avez rencontré aucun d'entre eux, ou que vous avez eu des contacts
15 extrêmement limités ?
16 R. Eh bien, je crois qu'il s'agit là d'un commentaire utile. Lorsque j'ai
17 voulu dire en affirmant que je ne les avais pratiquement jamais rencontrés,
18 c'était que nous ne nous sommes jamais rencontrés à titre individuel ou
19 pour une raison particulière, mais évidemment il était de mon devoir,
20 compte tenu de mon grade et de la position que j'occupais, de rencontrer
21 les parties au conflit, y compris leurs officiers haut gradés. J'ai
22 rencontré Mladic à plusieurs reprises au sein d'une délégation officielle,
23 tout comme j'ai également rencontré un général dont je ne me souviens plus
24 du nom en ce moment précis, et qui était un général des Musulmans de Bosnie
25 à Sarajevo. Il commandait un corps d'armée là-bas. Donc, ceci faisait
26 partie de mes tâches, de mes obligations, et donc je les ai rencontrés en
27 cette qualité, mais en dehors de cela, je n'ai eu aucune rencontre à titre
28 privé ou dans les coulisses.
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1 Q. Et quels étaient les sujets évoqués, de quoi parlait-on, de quoi
2 débattait-on lors de ces réunions avec Mladic lorsque vous faisiez partie
3 d'une telle délégation officielle ?
4 R. Lorsque nous nous rencontrions, et que je faisais partie d'une
5 délégation officielle, c'est presque invariablement le même sujet qui était
6 soulevé, à savoir comment s'assurer que la partie serbe respecterait ses
7 obligations en application de l'accord de cessez-le-feu, ou de l'accord de
8 désarmement ou de l'accord portant sur le retrait des armes lourdes.
9 C'était là le type de sujets dont nous discutions. Alors peut-être que je
10 m'aventure au-delà de ce qu'il conviendrait, mais j'ai entendu dire que
11 vous disposeriez peut-être d'un document concernant de soi-disant
12 tentatives de ma part visant à rencontrer Mladic.
13 Q. A quelle occasion avez-vous entendu de telles rumeurs ?
14 R. Eh bien, c'est parmi les documents dont je dispose, parmi les documents
15 qui m'ont été présentés par un représentant de l'équipe de la Défense que
16 je suis tombé sur un tel document.
17 Q. Alors pourquoi s'agirait-il d'une rumeur dans ce cas-là si vous avez vu
18 un document précis, et de quel document s'agit-il ?
19 R. Je l'ai vu parmi les documents de la Défense. Il y avait une lettre de
20 l'un des officiers d'état-major disant que j'avais demandé à rencontrer le
21 général Mladic. Je n'ai pas pu voir ce document plus tôt parce qu'il
22 s'agissait d'un document interne de l'armée des Serbes de Bosnie, mais
23 pendant le récolement, lorsque j'ai travaillé aux côtés des représentants
24 de l'équipe de la Défense, on m'a montré cette lettre.
25 Q. Et à quel sujet souhaitiez-vous rencontrer le général Mladic au moment
26 où cette lettre a été envoyée ?
27 R. Je crois que je vais avoir besoin d'un peu plus de temps pour vous
28 expliquer ceci. J'essaie de me rappeler les détails de cette période. Vous
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1 vous rappellerez le changement qui était intervenu dans l'organisation de
2 la mission de maintien de la paix à l'époque. Il y a eu un accord de
3 cessez-le-feu général qui a été signé, l'armée américaine a commencé à être
4 activement présente à partir du mois de septembre, et ensuite en octobre
5 lorsque je suis revenu de Moscou, après une courte permission et après y
6 être allé pour m'occuper de certaines affaires, eh bien je suis revenu sur
7 place, et à l'époque j'étais le seul - et je crois qu'aujourd'hui encore à
8 ce jour, je suis le seul officier russe à avoir été formé aux Etats-Unis.
9 Donc, j'ai eu des entretiens au ministère de la Défense au sujet de la
10 question de savoir comment nous, conjointement avec l'armée des Etats-Unis,
11 nous pourrions mettre en place un nouveau groupe de coopération au sein des
12 Nations Unies, peut-être même au-delà du cadre institutionnel des Nations
13 Unies dans le cadre de l'OTAN. Et vous vous souviendrez que ceci a
14 effectivement été mis en place. Nous avons constitué une brigade russe et
15 non pas américaine, russe donc. Nous avons mis en place un secteur russo-
16 américain. Nous avons retiré notre bataillon de Grbavica. Et dès les
17 premiers jours de ce développement nouveau, j'ai reçu pour instruction
18 d'avoir des entretiens avec les deux parties et de consulter les deux
19 parties, à savoir les Musulmans de Bosnie et les Serbes de Bosnie, et, à
20 vrai dire, également les Croates, si nécessaire, quant à la façon dont il
21 convenait d'organiser ceci, quelles seraient les tâches attribuées et quel
22 serait le plan exécuté. C'était la tâche qui était la mienne dans le cadre
23 de cette réunion.
24 Q. Est-ce que vous vous êtes entretenu avec le général Mladic au sujet de
25 fournitures potentielles d'effectifs russes et d'armes à l'intention de la
26 VRS ou l'état-major ?
27 R. Tout d'abord, je vais commencer par dire qu'à la fin je n'ai pas du
28 tout rencontré le général Mladic. J'ai demandé à avoir cette rencontre,
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1 mais ça ne s'est pas produit par la suite. Donc, tout ceci n'est resté que
2 sur papier, dans une phase de planification, et ça n'a jamais été mis en
3 œuvre.
4 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant au
5 P1489, page 108, s'il vous plaît.
6 Q. En attendant l'affichage de la pièce, Colonel, permettez-moi de vous
7 dire qu'il s'agit d'une copie d'un carnet de notes du général Mladic. Et
8 comme on peut le voir à présent sur cette page, on voit la date du 21
9 octobre 1995, à 17 heures, qu'il y a eu une rencontre en présence du
10 général Mladic, du général Tolimir, le colonel Salapura, le commandant
11 Bukva, et vous, colonel Demurenko, et ensuite on indique quels ont été les
12 sujets abordés. Et si on descend vers le bas de la page 21 -- c'est la page
13 20 -- oui, mais pour le prétoire électronique, ça devrait être le 108 ou le
14 110. Alors, revenons d'une page en arrière, s'il vous plaît. Il est
15 question ici de "la possibilité d'envoi d'effectifs spéciaux de l'armée
16 russe à l'intention de l'état-major. On est disposés à les envoyer tout de
17 suite. On voudrait savoir combien, quand et quels groupes envoyer. Au
18 début, ça pourrait être un groupe symbolique, et ensuite ça pourrait être
19 accru comme effectif."
20 Alors il est question ensuite de fourniture d'armes éventuelle. On dit que
21 :
22 "…l'on pourrait faire véhiculer les armes par le biais de la compagnie…"
23 Veuillez tourner la page.
24 En passant par "…les pays tiers ou le contingent russe."
25 Et on parle de sociétés privées, et non pas en propriété de l'Etat.
26 N'était-ce pas là le reflet d'une réunion que vous nous avez dit n'avoir
27 pas eu lieu, n'est-ce pas, Colonel ?
28 R. Non. Si vous vous en souvenez, j'ai d'abord parlé du fait d'avoir eu
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1 individuellement une rencontre avec le général Mladic, on a parlé du format
2 des opérations de maintien de la paix. Et comme vous pouvez le voir, rien
3 n'est mentionné au sujet de cette opération de maintien de la paix à venir.
4 Ceci concerne deux événements différents, qui n'ont rien à voir l'un avec
5 l'autre. Quand je vous ai parlé du premier sujet, j'ai dit que je n'ai pas
6 eu l'opportunité de rencontrer Mladic. Pour ce qui est de cette réunion-ci,
7 elle a eu lieu. C'était une délégation officielle, où à titre officiel, il
8 a été question des plannings pour ce qui était de la partie russe et de
9 celle de la Republika Srpska. Et à cette réunion, j'ai été présent en ma
10 qualité de membre de la délégation; je n'ai pas été à la tête de ladite
11 délégation. Et nous avons procédé à un simple échange d'information, tel
12 que cela est coutumier pour ce qui est des forces de maintien de la paix,
13 et on a parlé des difficultés que nous rencontrions. Et c'est de cela qu'il
14 a été question, de rien d'autre.
15 Q. Vous avez également évoqué la question de vous entretenir avec le
16 général Mladic, et vous avez parlé de votre opinion au sujet du général
17 Mladic dans cette interview accordée à la Komsomolskaya Pravda, article
18 auquel il a déjà été fait référence.
19 M. TIEGER : [interprétation] Et je voudrais qu'on se penche dessus, s'il
20 vous plaît.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Colonel, je ne voulais pas m'en mêler
22 d'abord, mais je me dois de le faire. Vous nous avez dit que vous n'avez
23 pas été à la tête de la délégation. Mais est-ce qu'on pourrait voir le même
24 document deux pages avant celle-ci, la page 108.
25 Il est clairement dit que Mladic a indiqué qu'il s'agissait d'une réunion
26 avec vous, et personne d'autre. Il y avait Tolimir, Salapura et Bukva de la
27 VRS. Veuillez tirer la chose au clair, je vous prie, Monsieur Demurenko.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous l'expliquer. Je suis mentionné
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1 ici comme étant un représentant militaire, haut gradé. Mais s'agissant de
2 toutes ces personnes qui sont allées à Banja Luka, il y avait du personnel
3 non-militaire qui représentait les intérêts de la Fédération russe. Et ils
4 sont allés là-bas pour avoir des consultations et pour participer aux
5 négociations. C'était leur rôle à eux.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
7 Monsieur Tieger, continuez, je vous prie.
8 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai demandé à
9 ce qu'on nous montre le 65 ter 23846.
10 Q. A l'occasion de cette interview, Colonel, vous avez aussi fait
11 référence au fait que vous avez eu l'opportunité de rencontrer des
12 dirigeants serbes. Et vous avez dit qu'il aurait été difficile de trouver
13 un commandant meilleur - et ça, vous pouvez le trouver à la deuxième
14 colonne si vous redescendez dans le texte.
15 M. TIEGER : [interprétation] Pour ce qui est de la version russe, afin que
16 le colonel puisse suivre, vous allez retrouver cela, je pense, un peu plus
17 bas encore. Voilà.
18 Q. Alors, si vous voyez ce qui se trouve à la droite de la page avec un
19 petit texte en retrait, et maintenant il faut passer tout de suite à gauche
20 de la deuxième colonne, premier paragraphe, j'attire votre attention sur le
21 fait que vous expliquer là que vous avez eu des rencontres avec les
22 dirigeants serbes, et qu'il aurait été difficile de trouver un commandant
23 meilleur que le général Mladic. Vous le décrivez comme étant quelqu'un de
24 très talentueux, un bon commandant, et vous dites que vous avez eu des
25 conversations où il a accusé la Russie de trahison. Est-ce que ces
26 conversations ont eu lieu à l'occasion des rencontres que vous nous avez
27 déjà décrites quelque peu plus tôt ?
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que c'est en page 4 de la
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1 version anglaise.
2 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact. Excusez-moi. J'aurais dû attirer
3 l'attention des Juges de la Chambre sur ce fait.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour dire vrai, je n'ai pas la possibilité de
5 parler de chronologie pour savoir ce qui s'est passé d'abord et se qui
6 s'est passé ensuite. Mais, en tout état de cause, je ne retire pas ce que
7 j'ai dit, et je maintiens ce que j'ai dit. En termes simples, je ne pense
8 pas que les choses doivent être arrachées de leur contexte. Parce que quand
9 vous arrachez les choses de leur contexte, comme vous le savez, on perd la
10 signification première. Si j'ai parlé du général Mladic en disant que
11 c'était un commandant avec beaucoup de talent, j'avais des raisons de le
12 faire. Il a fait des études à trois académies militaires, avec des diplômes
13 cum laude. Il a obtenu une médaille d'or du fait de tous ces diplômes. Il a
14 pris de décisions militaires qui n'ont pas conduit à des effusions de sang
15 massives. Donc, si vous voulez me citer pour indiquer que j'aurais dit
16 qu'ils avaient été trahis par tout le monde, ce n'est pas vrai. Il est
17 possible que j'aie été déçu par la position officielle prise par la
18 Fédération russe qui a pris ses distances vis-à-vis d'une participation à
19 un conflit international et a observé des choses de loin.
20 Donc, je puis vous donner un certain nombre de faits pour étayer cette
21 position de ma part. En termes simples, ils ont oublié que j'existais,
22 qu'un colonel à eux existait là-bas. Ils ne m'ont jamais appelé là-bas en
23 Bosnie, ils ne m'ont jamais écrit. Ils ne m'ont jamais convié à des
24 réunions avec des personnes qui auraient dû être intéressées par ce que je
25 savais. Mais c'est bon, ils m'ont traité de la sorte parce que j'étais un
26 simple militaire. La Russie s'est perdue, s'est égarée, elle a été
27 intimidée, elle ne savait pas quelle position prendre. Et c'est des
28 sentiments à moi qui sont reflétés par cet article, et je continue à croire
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1 à ce que j'ai dit à l'époque.
2 M. TIEGER : [interprétation]
3 Q. Le dernier des sujets que je voudrais aborder, Colonel, est lié à des
4 commentaires que vous avez faits dans votre déclaration consolidée de
5 témoin, vers la page 70.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous demander un versement au
7 dossier de l'interview, de l'article ?
8 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P5929 [comme
11 interprété], Monsieur et Madame le Juge.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. A cette page 70, vous faites référence à un rapport de situation qui
14 porte à l'origine la référence 1D28149, je ne sais pas quelle est la pièce
15 à conviction, à présent, de cette pièce. Mais vous y indiquez que le
16 rapport de situation fait état de tirs de mortier et d'artillerie, y
17 compris l'utilisation de bombes approvisées, qui allaient se poursuivre
18 dans les secteurs "chauds" et que vous faites un commentaire pour dire que
19 les deux parties se servent de ce type de bombes improvisées.
20 Alors, j'attire votre attention, Colonel, sur la pièce 1D28167. Et je
21 suis certain du fait que ce document est également versé au dossier. Mais
22 je n'ai pas à présent la référence de pièce à conviction.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D2318,
24 Monsieur Tieger.
25 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Alors,
26 j'aimerais qu'on descende un petit peu pour que la partie basse de la page
27 nous soit montrée. Merci.
28 Q. Colonel, il est fait référence ici - et je précise qu'il s'agit une
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1 fois de plus d'un document signé par vous et qui fait partie de votre
2 déclaration de témoin consolidée - il est fait référence à une grande
3 explosion qui s'est produite le mois passé à proximité du bâtiment de la
4 télévision, un civil bosnien a été tué et il y en a eu quatre de blessés.
5 Partant de l'investigation, on a supposé qu'il s'agissait d'une bombe
6 improvisée, qui n'est pas de fabrication industrielle mais manuelle, et
7 qu'il y avait une petite dose d'explosifs mais avec quatre fusées de
8 propulsion. On ne sait pas d'où cela était venu. Alors, une fois de plus,
9 est-il fait référence à ces bombes faites à la main auxquelles vous avez
10 fait référence au document qu'on a vu tout à l'heure lorsqu'on a parlé de
11 la page 70 ?
12 R. Mais quelle est votre question ?
13 Q. Est-ce qu'ici, une fois de plus, on fait référence à ces bombes de
14 fortune auxquelles vous avez fait référence à cette page 70 de votre
15 déclaration consolidée ?
16 R. Mais oui. Il n'y a rien de contradictoire. Il s'agit d'une répétition
17 de ce qui a déjà été dit au sujet des mêmes faits ou de faits similaires.
18 Si vous voulez que je vous en dise plus au sujet de ces bombes improvisées,
19 je peux le faire.
20 Q. Fort bien. Mais je pense que j'ai déjà exploité le temps qui m'a été
21 alloué par les Juges de la Chambre. Et je tiens à vous remercier de votre
22 temps, Colonel.
23 M. TIEGER : [interprétation] Merci. Ceci met un terme à mes questions,
24 Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
26 Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellences. J'ai quelques questions à
28 poser, en effet.
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1 Bonjour, Excellences. Bonjour à tous et à toutes.
2 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
3 Q. [interprétation] Bonjour, Colonel. Hier, M. Tieger, en page 6 970 du
4 compte rendu, a laissé entendre que l'axe que vous avez inspecté -- non je
5 voulais dire pages 69 et 70, excusez-moi. Alors, j'ai dit que l'axe que
6 vous avez inspecté dans le secteur 170 degrés plus et moins, vous avez
7 déterminé qu'il y avait erreur parce que vous vous êtes servi de paramètres
8 russes et non pas de paramètres français. Vous en souvenez-vous de cela ?
9 R. Je me souviens de ce que j'ai dit. Je me souviens de toute chose dite
10 par moi. Et je ne puis que confirmer.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Penchons-nous sur la pièce P150 ou le 65 ter
13 10415 au prétoire électronique, s'il vous plaît. Peut-on nous monter la
14 page 3 de ce document à présent, s'il vous plaît. Vous pouvez écarter la
15 variante en B/C/S de l'écran.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Savez-vous nous dire si c'est vous qui avez pondu ce rapport ou si
18 c'est quelqu'un d'autre ?
19 R. Je ne sais pas. Je suppose que c'était quelqu'un du commandement, du QG
20 de la FORPRONU à Sarajevo.
21 Q. Merci. En d'autres termes, si je puis attirer votre attention sur la
22 ligne 1 où il est fait état des éléments tels que l'heure, la position, 150
23 plus ou moins 5 degrés, ce n'est pas vous qui avez fait cela. Vous avez
24 obtenu cela de la part des Nations Unies, n'est-ce pas ?
25 R. C'est exact, oui.
26 Q. Merci.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre à présent la page
28 1 pour vérifier de qui émane ce rapport.
Page 28988
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Pouvez-vous nous dire de qui vient ce rapport ?
3 R. D'après la signature, il s'agit du colonel Konings et d'un capitaine
4 qui s'appelle Carbonna.
5 Q. Merci. Alors, est-ce que c'est vous qui avez déterminé l'axe ou est-ce
6 que vous avez repris l'axe partant de ce rapport ?
7 R. Comme je l'ai déjà dit, les premiers documents qui indiquent la
8 direction et l'angle de descente, ou l'angle de chute, on les a obtenus de
9 la part de ceux qui ont fait les premières démarches en matière
10 d'investigation. Et on les a reprises, ces informations, de leur part.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre le 65
13 ter 9912 au prétoire électronique.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Colonel, je vous prie de nous dire -- d'abord, penchez-vous sur le
16 document pour nous dire de qui il émane et à quoi il se rapporte.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense bien qu'on peut écarter la version
18 serbe de l'écran.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Alors, de qui vient ce document ? Qui en est l'auteur ?
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais qu'on descende un peu la
22 page.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on peut le voir, c'est le général
24 Janvier.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Merci.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on à présent nous montrer la page 3 de ce
28 document, s'il vous plaît.
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. La partie qui se rapporte au secteur Sarajevo, veuillez vous pencher
3 dessus, s'il vous plaît. Je me propose de donner lecture de ce qui se
4 trouve en ligne 5 :
5 "Cet obus de mortier, d'après les estimations, aurait été tiré à
6 partir d'un point à 100 degrés par détermination magnétique, et
7 l'investigation doit déterminer la distance du point de tir."
8 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, mais je crois qu'il y a une
9 mauvaise interprétation. Au lieu de 100 degrés, on aurait dû dire 170.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Est-ce que les Nations Unies ont pris position pour dire qu'il s'agit
13 de 170 degrés ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Objection, objection.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est à 170 degrés.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre, mais j'ai pensé que
17 j'aurais dû le faire déjà. Dans les questions supplémentaires, l'accusé
18 devrait se retenir du fait de poser des questions directrices, et je crois
19 que nous sommes en train d'en faire une habitude.
20 [Le conseil de la Défense se concerte]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez compris l'objet de
22 l'objection, Monsieur Karadzic ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse, pendant deux ans j'ai eu le droit
24 de poser des questions directrices. Il faut maintenant que je m'habitue à
25 la nécessité de ne pas en poser.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Colonel, étant donné les phrases dont j'ai donné lecture, est-ce que
28 vous pouvez nous dire quelle était la position officielle des Nations Unies
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1 pour ce qui est de la direction à partir de laquelle cet obus est arrivé ?
2 R. De façon évidente, ce n'est pas différent de ce à quoi je suis arrivé
3 par mon investigation, 170 degrés. Il n'y a aucune modification là.
4 Q. Merci.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant nous montrer la pièce P1446,
6 s'il vous plaît.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Nous avons ici un rapport de situation de l'UNMO.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que maintenant ce soit la page 21
10 que l'on nous affiche sur l'écran.
11 Merci.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Je vous renvoie vers le deuxième paragraphe. Quelle est -- non,
14 troisième paragraphe. Quelle est la position formulée par les observateurs
15 militaires des Nations Unies pour ce qui est de la direction ou de l'axe
16 d'arrivée de cet obus ?
17 R. C'est évident. Aussi, une fois de plus, on dit 170 degrés.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander à ce qu'on nous montre le
20 P1444 maintenant.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Pour faire court et non pas pour faire des suggestions, je donne
23 lecture du rapport de situation de l'UNMO daté du 30 août 1995.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais que maintenant on nous montre la
25 page 20.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Penchez-vous sur la première ligne du dernier paragraphe, s'il vous
28 plaît. On dit qu'il y a eu "investigation de la part du PTL". Est-ce que
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1 vous pouvez nous dire quelle a été la position formulée par les
2 observateurs militaires des Nations Unies à la date du 30 août du point de
3 vue de l'axe d'arrivée de cet obus ?
4 R. Oui. Si l'on parcourt ces points un par un, après les mots "le côté de
5 la Fédération", on peut voir les petits points qui indiquent différents
6 éléments, et on voit qu'il y a --
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 170.
8 L'INTERPRÈTE : 170 degrés, l'interprète se corrige, parce qu'il avait dit
9 100 au départ.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Merci. Colonel, est-ce que vous vous êtes servi d'une carte lorsque
12 vous êtes allé sur le terrain pour inspecter les différentes positions
13 envisageables ?
14 R. Oui, bien sûr. Les militaires ne se déplacent pas sans disposer d'une
15 carte. Une carte, pour nous, représente un moyen de base pour nous situer
16 sur le terrain.
17 Q. Bien. Sur cette carte, y avait-il indiqué l'axe d'arrivée possible de
18 l'obus, avec également une marge d'erreur par rapport à la portée du
19 projectile ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
21 M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, M. Karadzic, apparemment, a besoin
22 d'avoir des instructions pour ce qui est de formuler ses questions, parce
23 qu'il a d'abord posé la question pour savoir ce qui se trouvait sur la
24 carte et non pas demandé s'il voulait voir la carte.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Cela sonne comme étant une
26 formation pour le conseil.
27 Pouvez-vous reformuler votre question, Monsieur Karadzic.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
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1 remercier M. Tieger également.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Colonel, qu'est-ce qu'il y avait sur cette carte ?
4 R. Cette carte est le document principal pour un militaire. On peut
5 trouver tout sur une carte. Dans ce cas précis, nous avons eu une carte
6 vierge et nous apposions sur cette carte vierge d'abord l'axe d'arrivée,
7 l'axe probable partant du cratère jusqu'à la position de tir. Ensuite, sur
8 cet axe, nous avons indiqué des positions de tir possibles en se basant sur
9 six ou quatre charges possibles. Ensuite, sur la carte, on a indiqué la
10 tâche de mon équipe qui devait procéder à l'inspection de cette région
11 toute entière.
12 Dans la vidéo, vous avez pu voir que la majorité de la surface dans cette
13 région est couverte de bois. Seulement 30 % du territoire représentent une
14 clairière. Et comme vous savez, les mortiers ne peuvent pas tirer des bois.
15 Comme je l'ai déjà dit, j'ai instruit mon équipe d'examiner tout ce
16 territoire qu'on peut voir sur la carte à l'exception des bois, et c'est ce
17 que l'équipe a fait.
18 Q. Au paragraphe 123 de votre déclaration, à la page 56, vous avez dit que
19 tous les axes qui étaient moins de 160 degrés, plus ou moins, n'étaient pas
20 favorables au tir de mortier puisqu'il s'agissait des terrains abrupts et
21 couverts de bois. Est-ce que vous maintenez toujours ce que vous avez dit
22 par rapport à cela ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Est-ce que cela concernerait l'axe de 160 degrés, aussi ?
25 R. Oui. Oui, cela s'appliquerait également à l'autre axe que j'ai montré
26 dans la vidéo. Nous n'avons pas seulement exploré l'angle de 170 degrés
27 plus ou moins 5 degrés, mais plutôt en partant de 160 degrés et plus l'axe
28 qui comprenait les angles plus grands. Il n'était pas difficile de faire
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1 cela, d'examiner tous ces axes possibles puisqu'il s'agissait des prés
2 plats, et on a pu faire cela.
3 Q. Merci. Au paragraphe 51 de votre déclaration, à la page 20, vous avez
4 dit que votre enquête a duré trois jours. Pouvez-vous nous dire combien de
5 temps vous avez passé sur le terrain par rapport au temps total de trois
6 jours que vous avez consacré à l'enquête, et pouvez-vous nous dire de
7 combien de temps vous avez eu besoin pour arriver à vos conclusions ?
8 R. Nous avons passé au moins une journée et demie en marchant dans cette
9 région, et ensuite on a eu besoin de quelques heures pour rédiger nos
10 conclusions.
11 Q. Dans le compte rendu de votre témoignage aujourd'hui, à la page 1 du
12 compte rendu, M. Tieger vous a dit que les unités du Corps de Sarajevo-
13 Romanija ont déplacé les pièces d'artillerie puisqu'ils craignaient les
14 bombardements de l'OTAN, et le document P5018 vous a été montré, signé par
15 colonel Sladoje. C'était 198.
16 Maintenant, j'aimerais vous montrer deux documents, c'est le document
17 P5918. La lettre P et le chiffre 5 en langue serbe, ça se ressemble.
18 Maintenant, j'aimerais vous montrer D1013. Il faut afficher la pièce D1013.
19 Ce document est court et j'espère pouvoir en finir avec ce document
20 rapidement. Il s'agit également d'un document signé par M. Sladoje, adressé
21 à toutes les brigades. Je vais le lire.
22 "Encore une fois, j'avertis les commandants des unités pour ce qui est de
23 mon ordre concernant l'interdiction d'ouvrir le feu sur la ville de
24 Sarajevo sans avoir d'autorisation du poste de commandement du corps."
25 Au point 2, il est dit :
26 "Jusqu'à 14 heures, il faut envoyer un rapport écrit au commandement du
27 corps pour dire si entre 10 heures et 12 heures, vous auriez tiré sur la
28 ville de Sarajevo. Si c'était le cas, il faut que vous indiquiez l'heure de
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1 tir, la cible, calibre et type d'armes qui a opéré, et avec quelles
2 raisons. Le rapport doit être envoyé pour ce qui est des tirs des pièces
3 d'artillerie de calibre 80 millimètres et plus élevé."
4 Avant de vous poser la question suivante, j'aimerais qu'on affiche un autre
5 document, 65 ter 16583. Il s'agit également d'un document du commandement
6 de l'armée de la Republika Srpska, adressé au président de la Republika
7 Srpska et aux commandements des corps. Est-ce qu'on peut maintenant passer
8 à la page 3, en anglais la page 4 ainsi que la page 5. Cette partie du
9 rapport de combat régulier concerne le Corps de Sarajevo-Romanija. A la
10 page 3 en langue serbe, maintenant je vais lire cette partie, et cela
11 correspond à la page 5 en anglais. Je vais lire cette partie en haut de la
12 page dans la version en serbe.
13 "Les commandants de la 1ère, de la 2e et de la 4e Brigade d'infanterie de
14 Sarajevo, d'Igman et d'Ilidza, ainsi que les commandants du régiment
15 d'artillerie mixte, ont confirmé par écrit au commandement du corps
16 qu'entre 10 heures et 12 heures, à la date du 28 août, ils n'ont pas ouvert
17 le feu sur la ville de Sarajevo en utilisant des pièces d'artillerie."
18 Lors de votre enquête sur le territoire serbe, est-ce que quelqu'un du
19 Corps de Sarajevo-Romanija vous a informé du fait que l'armée de la
20 Republika Srpska avait procédé à cette enquête interne pour savoir s'il y
21 avait eu des tirs provenant du Corps de Sarajevo-Romanija ?
22 R. Non, je n'en savais rien. De plus, ce que j'ai montré, ce que j'ai fait
23 démontre mon attitude de principe, à savoir j'ai fait quelque chose
24 indépendamment de parties pour mener une enquête impartiale et pour montrer
25 la vérité. Je n'ai pas demandé à une partie ou à l'autre partie exprès. Je
26 n'ai pas demandé s'ils ont ouvert le feu, puisque la tâche des forces du
27 maintien de la paix est de procéder de façon neutre, de mener des enquêtes
28 neutres et d'arriver à des conclusions. Les conclusions qu'étaient les
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1 miennes étaient les conclusions qui étaient différentes, et je n'étais pas
2 au courant de ce document ou d'autres documents similaires. Je le vois pour
3 la première fois.
4 Q. Merci. Pour ce qui est des résultats de votre requête interne, est-ce
5 que ces résultats correspondent à des résultats de l'enquête qui ont été
6 obtenus sur le terrain ?
7 R. Oui. Oui, bien sûr que oui.
8 Q. Merci.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que ce document, le dernier
10 document, soit versé au dossier.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je suis sûr qu'il y aura d'autres occasions
12 pour verser au dossier ce document, mais cela ne provient pas du contre-
13 interrogatoire. Je vois que les Juges de la Chambre sont d'accords. Je ne
14 vais plus davantage expliquer cela. Je pense que pour ce qui est de ce
15 commentaire concernant le document ne pourrait être suffisant pour ce qui
16 est de ce moment pour le verser au dossier, et je suppose que la Chambre va
17 également dire qu'il y aura d'autres occasions pour le faire verser au
18 dossier.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demandais comment ce document peut
20 être un lien avec le document que nous avons vu lors du contre-
21 interrogatoire et qui concernait la protection des Forces de réaction --
22 d'intervention rapide. Je vais consulter mes collègues.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre sont d'accords
25 avec M. Tieger. Vous avez la possibilité à l'avenir pour demander le
26 versement de ce document.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
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1 Q. A la page 29 du compte rendu d'aujourd'hui, on vous a dit que les
2 membres russes de la FORPRONU n'étaient pas capturés par les membres de
3 l'armée de la Republika Srpska en mai et en juin 1995. J'aimerais vous
4 poser la question suivante : est-ce que la Russie a participé au
5 bombardement de la Republika Srpska en 1995 ?
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu la
7 question, Colonel ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai entendue. Excusez-moi, mais
9 pouvez-vous me dire ce que vous avez entendu par "participé" ?
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Pour ce qui est de ces bombardements, les forces de différentes nations
12 faisant partie de l'OTAN ont participé à ces bombardements. Est-ce que les
13 avions russes ont participé au bombardement de la Republika Srpska ?
14 R. Bien que nous ayons été déjà membres du partenariat pour la paix de
15 l'OTAN, nous n'étions pas membres à titre entier de l'OTAN, et il n'était
16 pas probable d'en devenir. Donc, nous n'avons absolument pas participé à
17 ces bombardements.
18 Q. Merci, Colonel. Merci d'être venu pour témoigner.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour vous.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
21 Colonel, cela nous mène à la fin de votre témoignage. Au nom de la Chambre
22 et du Tribunal, j'aimerais vous remercier d'être venu à La Haye pour
23 témoigner. Maintenant vous pouvez quitter le prétoire.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de dire quelque chose. Je suis
25 très reconnaissant au Tribunal, à tout le monde, y compris le bureau du
26 Procureur, pour leur analyse impartiale et des efforts qu'ils ont déployés
27 pour résoudre de difficiles questions. Merci pour votre patience et pour
28 m'avoir écouté. Merci.
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1 [Le témoin se retire]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vu l'heure, il vaut mieux qu'on prenne
3 la pause maintenant.
4 Oui, Maître Robinson.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Nous sommes d'accord pour le faire, mais il
6 ne faut pas que ce temps soit déduit de notre temps.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire la pause, et nous
8 reprenons nos débats à 13 heures 10.
9 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 20.
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 --- L'audience est reprise à 13 heures 13.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais
14 aborder une question d'intendance. Pour ce qui est du document 65 ter dans
15 le prétoire électronique, la dernière diapo de la présentation a été versée
16 en tant que P5920, mais le numéro 65 ter devrait être 23922, pour le
17 Greffe. Merci.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
19 Est-ce que le témoin peut prononcer la déclaration solennelle, s'il vous
20 plaît.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN : PAUL CONWAY [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Vous pouvez
26 vous asseoir.
27 Monsieur Karadzic, vous avez la parole.
28 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Général.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher dans le prétoire électronique
3 1D4831 pour que le témoin puisse voir le document.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Général, est-ce qu'il s'agit de votre déclaration, et avez-vous eu
6 l'occasion de parcourir votre déclaration en copie papier ?
7 R. Cela semble être la déclaration que j'ai écrite et que j'ai signée.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas montrer au témoin la
9 déclaration entière, page par page. Est-ce qu'on peut passer à la page
10 suivante.
11 Oui, vous pouvez continuer, Monsieur le Témoin.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de ma déclaration et de ma
13 signature. Et il y a eu une correction apportée dans la déclaration, j'en
14 ai informé les parties. Dans l'un des paragraphes, il y a eu une correction
15 apportée pour ce qui est d'une localité.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Monsieur Karadzic.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Mis à part cette correction, est-ce que tout ce qui figure dans votre
19 déclaration reflète avec exactitude tout ce que vous avez dit ?
20 R. Oui.
21 Q. Et si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions, est-ce que vos
22 réponses seraient les mêmes ?
23 R. Oui, avec l'exception de la correction qui a été apportée, me semble-t-
24 il au paragraphe 18.
25 Q. Nous allons y arriver.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que cette
27 déclaration peut être versée au dossier.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
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1 Est-ce qu'il y a des objections, Madame West ?
2 Mme WEST : [interprétation] Non.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera D2329.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant je vais lire le résumé de cette
5 déclaration. Et je vais lire la version en anglais pour gagner du temps.
6 Paul Conway était officier de l'armée irlandaise qui a servi en tant
7 qu'observateur militaire des Nations Unies en ancienne Yougoslavie du mois
8 de juillet 1995 jusqu'au mois de juillet 1996. Il est arrivé à Sarajevo au
9 début du mois d'août 1995. Il est parti à la retraite de l'armée, et depuis
10 2001 il occupe un poste civil en tant qu'intendant chef au parlement
11 irlandais à Dublin. Le 28 août 1995, à peu près à 9 heures du matin, le
12 commandant Conway est arrivé au poste d'observation des Nations Unies connu
13 sous le nom de OP 1 avec Thomas Knustad et un interprète. Vers 11 heures du
14 matin, il a entendu le bruit de plusieurs explosions. Ce bruit était
15 assourdi. Et quelques minutes plus tard, il a été contacté par le QG des
16 observateurs militaires des Nations Unies pour lui demander s'il avait vu
17 quelque chose. Il s'est rendu immédiatement au poste d'observation où il a
18 vu des panaches de fumée provenant du quartier où se trouvait le marché de
19 la ville. Il n'était pas en mesure de dire si les explosions qu'il avait
20 entendues étaient provoquées par des tirs sortants ou entrants.
21 En décembre 1995, il a rencontré une position de mortier de l'armée de
22 Bosnie au sud de Sarajevo. Il y avait au moins quatre mortiers qui se
23 trouvaient à cet endroit qui étaient dirigés vers le nord vers la ville de
24 Sarajevo. Cette position de mortier se serait trouvée depuis longtemps à
25 cet endroit. Thomas Knustad, témoin de l'Accusation, a indiqué
26 l'emplacement de l'OP 1 sur la carte, où se trouvait la ligne de
27 confrontation, ainsi que l'axe de tir pour la trajectoire du projectile qui
28 a atterri sur le marché Markale le 28 août 1995. Cette carte a été versée
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1 au dossier en tant que pièce à conviction de l'Accusation P151.
2 Le commandant Conway a indiqué sur cette carte le site approximatif où il a
3 trouvé la position de mortier de l'armée de Bosnie. Cette position se
4 trouvait dans la direction d'où l'obus aurait été tiré et aurait atterri
5 sur le marché Markale. Cette carte a été annotée par le commandant Conway,
6 et c'est 1D4832 dans le prétoire électronique. J'aimerais qu'on affiche à
7 présent cette carte dans le prétoire électronique.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Général, pour ce qui est de cette carte que le bureau du Procureur a
10 obtenue de Thomas Knustad, est-ce que vous avez ajouté quoi que ce soit; et
11 si c'est le cas, qu'est-ce que vous avez ajouté, qu'est-ce que vous avez
12 annoté sur cette carte ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir un peu la carte.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Est-ce que vous avez entendu ma question ?
16 R. Oui. Excusez-moi, je n'étais pas certain de ce qu'on attendait de moi.
17 Il s'agit de la position des mortiers indiquée sur cette carte, et c'est le
18 long de la route qui suivait la rivière. C'est mon annotation.
19 Q. Pour ce qui est d'OP 1 qui est indiqué sur la carte, est-ce que cela
20 est marqué sur la carte dans la zone qui se trouvait dans la zone contrôlée
21 par l'ABiH ?
22 R. L'OP 1, ou poste d'observation numéro 1, se trouvait dans la zone de
23 l'armée de Bosnie.
24 Q. Merci. Dans votre déclaration, vous avez mentionné que cela pouvait se
25 trouver à 3 ou 4 kilomètres de distance par rapport au marché Markale; est-
26 ce vrai ?
27 R. C'est ce que j'ai dit, et depuis j'ai pu mesurer cela sur une carte
28 plus précise, et je pense que 4 kilomètres est probablement la distance qui
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1 va plus loin que ce que j'ai imaginé au début. Je pense que 3 kilomètres
2 est probablement plus exacts, plus précis.
3 Q. Pour ce qui est de votre poste d'observation, le OP 1, à quelle
4 distance se trouvait la ligne musulmane dans la direction du sud ?
5 R. A 200 à 300 mètres, à peu près. Le poste d'observation numéro 1 se
6 trouvait sur une pente escarpée, et la ligne de confrontation se trouvait
7 derrière le poste d'observation, à peu près à 300 mètres de distance. Je ne
8 suis jamais allé jusqu'à la ligne de confrontation. Je le savais parce que
9 cela était indiqué sur la carte.
10 Q. Et pour ce qui est des tranchées serbes, pouvez-vous nous dire où elles
11 se trouvaient par rapport aux tranchées musulmanes ? Encore plus loin par
12 rapport au poste d'observation ? Et si c'était le cas, pouvez-vous nous
13 dire à quelle distance se trouvaient les tranchées serbes par rapport à
14 votre poste d'observation OP 1 ?
15 R. Je n'ai jamais visité les positions serbes qui se trouvaient au sud du
16 poste d'observation 1. Je les ai vues plus près de la rivière de la zone du
17 Bataillon français, où les lignes de confrontation étaient près les unes
18 des autres. Mais dans la zone où se trouvait le poste d'observation numéro
19 1, je n'ai jamais pu observer la ligne de confrontation.
20 Q. La position que vous avez indiquée comme la position où se trouvait au
21 moins quatre mortiers de l'ABiH, cette position, est-ce que cette position
22 était sujette aux restrictions pour ce qui est des visites de la FORPRONU ?
23 Est-ce que cette position et ces quatre mortiers auraient pu être vus
24 auparavant ? Est-ce qu'il était possible de constater leur existence
25 auparavant ?
26 R. Non, il n'était pas possible de se rendre directement dans cette zone.
27 Il y avait une route qui s'étendait parallèlement à la rivière, au sud de
28 la rivière, et des deux côtés se trouvaient les points de contrôle. Nous
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1 n'avons jamais eu l'autorisation pour nous rendre dans cette zone librement
2 en utilisant cette route.
3 Q. Pendant que vous étiez au poste d'observation 1, avez-vous jamais
4 enregistré le survol des obus de mortier du sud vers la ville, non
5 seulement à la date du 28 mais à n'importe quel autre moment pendant que
6 vous étiez à ce poste d'observation ?
7 R. Pendant que je me trouvais au poste d'observation 1, je n'ai jamais vu
8 de tirs de mortier.
9 Q. Est-ce que l'un de vos collègues, de vos prédécesseurs, vous ont
10 informé qu'il y avait des survols d'obus au-dessus du poste d'observation 1
11 du sud vers la ville en suivant l'axe qui est indiqué sur la carte ?
12 Mme WEST : [interprétation] Je soulève une objection concernant la forme de
13 la question qui a été posée.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous n'avez pas vu cela. Est-ce que quelqu'un
15 d'autre vous a informé qu'il y avait des tirs suivant cet axe ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, non. Il y
17 avait des cas où il y avait des tirs de mortier à l'est du marché dans la
18 zone du Bataillon égyptien, mais je n'ai pas mené d'enquête pour ce qui est
19 de ces cas.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Au paragraphe 18, vous avez apporté une correction. Vous avez mis à la
22 place du mot "northern", en anglais, septentrional, vous avez mis le mot
23 "southern," méridional, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est vrai.
25 Q. Merci, Mon Général.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais passer à présent la parole à
27 l'Accusation.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La carte annotée par le témoin sera
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1 versée comme pièce à conviction.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte reçoit la cote D --
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, vous avez la parole.
4 Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Bonjour à tous et à
5 toutes.
6 Contre-interrogatoire par Mme West :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Conway.
8 R. Bonjour.
9 Q. Vous étiez observateur militaire, et dans le cadre de vos fonctions,
10 vous deviez être impartial, n'est-ce pas ?
11 R. Absolument.
12 Q. Pourquoi est-ce qu'il était tellement important que vous soyez
13 impartial ?
14 R. Il était essentiel que toute information qui m'était donnée était
15 précise et impartiale, vu que ces informations étaient relayées au QG des
16 Nations Unies à Zagreb, et enfin au siège des Nations Unies à New York, où
17 les décideurs politiques prenaient des décisions importantes. Donc, tout
18 devait être vérifié et devait être précis.
19 Q. Lorsque vous dites que cela devait être vérifié, pouvez-vous nous dire
20 quelle procédure vous suiviez pour le faire ?
21 R. En général, les incidents faisaient l'objet d'une enquête par les
22 observateurs militaires des Nations Unies de différentes nationalités.
23 Chaque équipe se composait de plusieurs nationalités pour qu'il n'y ait pas
24 d'impartialité dans les nationalités, et les incidents étaient toujours
25 vérifiés sur le terrain. Par exemple, s'il y avait une personne qui était
26 blessée, ou que l'on prétendait qu'une personne était blessée, nous allions
27 examiner la blessure et nous assurions que le rapport reprenait les
28 informations correctes.
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1 Q. Et quelle était votre relation avec les deux parties, est-ce que ces
2 relations étaient biaisées ?
3 R. Absolument pas.
4 Q. Par rapport à votre système de rapport, est-ce que vous aviez accès à
5 d'autres rapports d'observateurs militaires ?
6 R. Lorsque je travaillais au QG des Nations Unies au QG des observateurs
7 militaires des Nations Unies au bâtiment des PTT, oui, je recevais des
8 rapports de toutes les équipes. C'était plus tard, lors de mes fonctions à
9 Sarajevo.
10 Q. Concentrons-nous sur ce moment-là, la période où vous étiez un
11 observateur militaire qui se déplaçait.
12 R. Oui. Dans l'équipe Zulu ?
13 Q. Est-ce que vous aviez accès ?
14 R. [aucune interprétation]
15 Mme WEST : [aucune interprétation]
16 Q. M. Karadzic vous a fait voir une carte. C'était une carte de la zone
17 sud de Sarajevo. Il s'agissait de la pièce 1D43082 [comme interprété], qui
18 a une cote à présent. D'après ce que j'ai compris, cette carte était un
19 petit peu floue et un petit peu difficile à comprendre. Et je voudrais vous
20 remercier de m'avoir rencontré hier pour revenir sur certains points sur
21 une autre carte que je vous ai montrée pour lever l'ambiguïté sur
22 l'ancienne carte. Est-ce que vous reconnaissez cette carte ?
23 R. L'échelle est petite, mais c'est une carte générale de Sarajevo.
24 Q. Est-ce que c'est la carte que je vous ai montrée hier ?
25 R. Oui, cela semble être le cas.
26 Q. Et lorsque vous l'avez vue hier, est-ce que c'est une représentation
27 précise de ce dont vous vous souveniez de la ville de Sarajevo ?
28 R. Oui, la caractéristique principale étant le fleuve qui passe par la
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1 route et qui est parallèle à la colline où le poste d'observation numéro 1
2 se trouvait.
3 Q. D'accord.
4 Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous montrer le document 23917 de la
5 liste 65 ter, s'il vous plaît.
6 Q. Lorsque je vous ai parlé hier, nous avons pris cette carte, qui était
7 une plus grande version. Je vous ai fait apporter quelques annotations pour
8 que les choses soient plus claires, par exemple, le lieu de votre poste de
9 commandement. Nous avons cette carte sous les yeux à présent. Est-ce que
10 vous reconnaissez cette carte à l'écran ?
11 R. Oui.
12 Q. Donc, nous voyons un triangle dans la moitié inférieure de la carte.
13 Que représente-t-il ?
14 R. C'est la localisation du poste d'observation numéro 1. Il se trouvait
15 sur la colline principale qui surplombait la ville et sur une ligne de
16 transit vers une brasserie vers Sedrenik.
17 Q. Dans votre déclaration au paragraphe 11, vous avez dit qu'il y avait un
18 abri près de ce poste. Pourquoi utilisait-on cet abri ?
19 R. Je pense que c'était un abri utilisé par un berger. Nous l'utilisions
20 pour y stocker du sable lorsque nous travaillions au poste d'observation.
21 Il avait commencé à tomber en morceaux et on le réparait.
22 Q. A quelle distance se trouvait l'abri du poste d'observation ?
23 R. Très, très près; 2, 3 mètres.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvons-nous zoomer sur l'image, s'il
25 vous plaît.
26 Mme WEST : [interprétation] Oui. Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Madame West.
28 Mme WEST : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge.
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1 Q. Donc, vous avez dit dans votre déclaration qu'il y avait une position
2 bosnienne de mortier que vous avez vue en décembre 1995. Vous en avez parlé
3 hier lors de notre entretien. Est-ce que c'est le cercle rouge ovale que
4 nous voyons sur la carte ?
5 R. Oui, c'est la meilleure estimation que j'ai pu donner. Il se trouvait
6 sur la route qui était parallèle au fleuve. C'est sa caractéristique
7 principale. Maintenant je le reconnais.
8 Q. D'accord. Et le petit cercle en rouge au nord de cet ovale, il
9 représente le marché de Markale et le lieu du bombardement le 28, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Vous l'avez annoté vous-même ?
12 Q. Oui.
13 R. [aucune interprétation]
14 Q. Et est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela représente
15 approximativement là où le marché se trouvait ?
16 R. Le marché ?
17 Q. Le petit cercle rouge.
18 R. Vous l'avez annoté hier ?
19 Q. Oui.
20 R. [aucune interprétation]
21 Q. Mais ma question est : est-ce que vous êtes d'accord pour dire que
22 c'est là où le marché se trouvait ?
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. C'était dans la zone générale. Il y avait une zone, et je me souviens
26 que c'était une zone ouverte et que c'était la zone générique où j'avais vu
27 les impacts, mais c'est comme cela que je comprenais la topographie de la
28 ville à ce moment-là.
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1 Q. Donc, vous avez dit -- vous avez procédé à une mesure à partir de ce
2 petit cercle vers l'ovale, et vous avez procédé à une prise de coordonnées
3 d'environ 70 [comme interprété] degrés. Est-ce que vous vous souvenez
4 d'avoir fait cela ?
5 R. Du marché vers les positions de mortier, nous avons fait un angle de
6 170 degrés, c'est vrai.
7 Q. Et la distance était d'environ 500 mètres, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Il y a quelques instants, lorsque M. Karadzic vous a parlé, il a donné
10 un résumé de votre déclaration. Il s'agit là du compte rendu à la page 58
11 d'aujourd'hui.
12 "Ce lieu," c'est-à-dire votre cercle, votre ovale, "se trouve dans la
13 direction où l'on suppose que l'obus avait atterri au marché de Markale."
14 Est-ce que vous avez déclaré cela ?
15 R. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît ?
16 Q. Oui. Nous allons revenir exactement à la page 58 d'aujourd'hui.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous me citer exactement, car je ne
18 pense pas avoir prononcé ces mots.
19 Mme WEST : [interprétation] Oui, je vais relire le compte rendu.
20 "Ce lieu, c'est la direction dans laquelle l'on suppose que l'obus a
21 atterri au marché de Markale."
22 Q. Cette phrase que je viens de vous lire ne se retrouve nulle part dans
23 votre déclaration, n'est-ce pas ?
24 R. Je ne pense pas. Je ne pense pas avoir fait de telles allégations.
25 Q. Merci.
26 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Juge, j'aimerais que les deux
27 cartes soient versées au dossier, la carte originale et cette nouvelle
28 carte. Et la raison pour laquelle je demande que la carte originale soit
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1 versée au dossier, c'est que je vais la réutiliser pour l'interrogatoire
2 d'un autre témoin.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Elle n'a pas encore été versée ?
4 Mme WEST : [interprétation] Non. Non, la carte originale, non, je ne pense
5 pas.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'objection, mais il manque quelque
8 chose ici. Nous n'avons pas l'angle d'approche de l'obus. La coordonnée de
9 70 degrés n'a pas été annotée.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, et vous pourrez poser la question
11 lors de vos questions supplémentaires.
12 Donc, nous versons au dossier les deux versions des cartes.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 03390 [sic] de la liste 65
14 ter devient la pièce P5926, et le document 23917 de la liste 65 ter devient
15 la pièce P5927.
16 Mme WEST : [interprétation] Et j'aimerais que l'on consigne au dossier qu'à
17 la ligne 7, la cote originale du document est le 09390 de la liste 65 ter.
18 Pouvons-nous afficher à présent la pièce P01957, s'il vous plaît.
19 Q. Monsieur Conway, nous allons à présent voir une photo, et je vais vous
20 demander si vous reconnaissez cette photo. Que voyez-vous à l'écran ?
21 R. C'est une photo que vous m'avez montrée hier. Elle était plus claire
22 sous forme papier qu'à l'écran, donc ma mémoire est plus claire. Mais je me
23 souviens qu'il y avait notre chef d'équipe, M. Konings, à gauche. On voit
24 la vue ouest à partir du poste d'observation sur cette photo aussi. On voit
25 très bien le nord et l'est, mais donc, on avait une vue de la ville vers
26 l'est.
27 Q. Et donc, du poste d'observation, vous voyiez l'ouest, le nord et l'est,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. L'est, le nord et l'ouest, oui.
2 Q. Est-ce que c'est une bonne vue de toute la ville ?
3 R. C'était une excellente vue de la ville. Voilà pourquoi le poste
4 d'observation s'y trouvait.
5 Q. Bien. Au paragraphe 12 de votre rapport, vous avez déclaré qu'aux
6 environs de 11 heures du matin, vous avez entendu plusieurs explosions qui
7 étaient sourdes. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire par
8 "sourdes".
9 R. L'impact d'une explosion à cette distance aurait dû être plus fort --
10 en tout cas, la vibration de l'impact. A l'époque, je n'avais pas
11 l'impression que l'explosion avait eu lieu si près du poste d'observation.
12 C'est ce qui m'a surpris.
13 Q. Et lorsque nous en avons discuté hier, vous avez déclaré que les bruits
14 étaient sourds et que, pour vous, ces tirs ne provenaient pas de la zone de
15 votre équipe; est-ce correct ?
16 R. Oui.
17 Q. Comme vous l'avez aussi mentionné dans le paragraphe 12, vous avez dit
18 que vous avez entendu plusieurs explosions ?
19 R. [aucune interprétation]
20 Q. Après cet événement, vous avez compris qu'il y avait eu plus d'une
21 explosion dans le centre-ville ce jour-là, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. En fait, il y a eu au total cinq explosions au moment où vous avez
24 parlé et la Chambre a entendu --
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette question est directrice.
26 Mme WEST : [interprétation] Merci.
27 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
28 Mme WEST : [interprétation]
Page 29011
1 Q. La Chambre de première instance a entendu des éléments de preuve sur le
2 moment exact où vous parlez. Elle a entendu des éléments de preuve disant
3 que les obus avaient été tirés à certaines heures, l'une d'entre elles à 10
4 heures 50 du matin, un autre à 10 heures 50 du matin, un autre à 11 heures
5 et un autre à 11 heures, et ensuite un autre vers 11 heures 14. Donc, ma
6 question est la suivante : est-ce que cet horaire est cohérent avec les
7 explosions sourdes que vous avez entendues à environ 11 heures ce jour-là ?
8 R. De mémoire, si vous ne m'aviez pas donné ces heures, j'aurais dit que
9 ça avait été plus rapproché --
10 Q. D'accord.
11 R. -- plus rapproché que ces heures-là.
12 Q. Le premier des quatre obus qui a atterri ce jour-là a atterri à une
13 distance séparée, un petit peu plus loin, que le cinquième obus, qui a
14 atterri devant le marché de Markale et qui a fait plusieurs victimes. Est-
15 ce que vous vous en rendez compte maintenant ou juste après que cela ait eu
16 lieu ?
17 R. Non, c'est parce que vous êtes en train de me le dire. Au moment où
18 j'ai observé les choses, j'ai vu plusieurs volutes de fumée, toutes égales
19 en taille et en forme, et il y avait aussi un peu d'écart de temps entre
20 les obus. Donc, je suis un petit peu surpris par les horaires que vous
21 m'avez donnés.
22 Q. D'accord. Quelques minutes plus tard que vous ayez entendu ces
23 explosions, vous avez été contacté par le QG des observateurs militaires
24 des Nations Unies, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, et je dirais dans les dix minutes, ou même cinq minutes.
26 Q. Comment vous a-t-on contacté ?
27 R. Par radio VHF.
28 Q. Est-ce que vous portiez cette radio ? Est-ce qu'elle se trouvait au
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1 poste ? Est-ce que vous l'entendiez facilement ?
2 R. Je ne me souviens pas exactement où je me trouvais, mais j'avais
3 toujours une radio à portée d'oreille. C'était notre outil le plus
4 important sur le poste d'observation. Même si je travaillais à caler des
5 sacs de sable, j'observais toujours la radio.
6 Q. Et par la radio, vous leur avez dit que vous aviez vu des volutes de
7 fumée qui venaient de la zone du marché ?
8 R. Oui.
9 Q. Donc, Monsieur Conway, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire
10 que le son du mortier de 120 millimètres qui a explosé n'est pas - pour
11 utiliser votre mot - sourd s'il avait été tiré d'une distance
12 raisonnablement proche de l'auditeur ?
13 R. Je m'attends à ce qu'il y aurait eu un son très distinctif et qu'une
14 grosse explosion aurait eu lieu.
15 Q. Et ce n'est pas le son que vous avez entendu ce jour-là ?
16 R. Non, pas de mortiers qui atterrissent si près.
17 Q. Au moment où cela est arrivé, vous avez dit que vous n'avez pas entendu
18 de bruit depuis votre zone. Est-ce que cela reste valable aujourd'hui ?
19 R. Est-ce que vous pouvez répéter cela ?
20 Q. Oui. Au moment où vous avez fait votre rapport, vous n'avez pas entendu
21 de bruit ou de tir de votre zone; est-ce que cela reste vrai aujourd'hui ?
22 R. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.
23 Q. Je veux dire, la zone autour du poste d'observation, devant le poste
24 d'observation, au moment, vous n'avez dit à personne : Oh, j'ai entendu un
25 bruit venant de cette zone, n'est-ce pas ?
26 R. Je vais vous dire ce que j'ai vu. Je travaillais. J'ai entendu du
27 bruit. Je ne pensais pas qu'ils étaient si proches ou dans la zone de notre
28 équipe. J'ai reçu un message radio me demandant de confirmer que des
Page 29013
1 explosions avaient eu lieu. J'ai observé la zone de mon équipe. J'ai vu les
2 volutes de fumée. Et j'ai confirmé que les impacts avaient eu lieu.
3 Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document P01960, s'il
4 vous plaît.
5 Q. Il s'agit d'un rapport de patrouille des observateurs militaires des
6 Nations Unies. Il est daté du lendemain et il a été rédigé par le
7 lieutenant-colonel Konings. Vous savez qui il est ?
8 R. Oui, c'était le chef d'équipe.
9 Q. Pouvons-nous passer à la page 2 de cette pièce, s'il vous plaît. La
10 page 2 de la pièce. Merci. Pouvons-nous passer à un agrandissement du
11 milieu de la page, s'il vous plaît. Il y a un point 2, c'est là que je
12 voudrais que l'on zoome. C'est le rapport qu'il a écrit et je voudrais en
13 donner lecture.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous pouvons nous passer de
15 la version B/C/S pour l'instant.
16 Mme WEST : [interprétation] Merci. Pouvons-nous zoomer davantage.
17 Q. Au point 2 [comme interprété], on nous dit :
18 "Au moment des cinq impacts, les observateurs militaires des Nations
19 Unies," et on dirait qu'ensuite on parle de "l'ICZ". Qu'est-ce que c'est ?
20 R. Je pense que le Z veut dire Zulu, pour mon équipe.
21 Q. C'est votre équipe ?
22 R. Oui.
23 Q. "…qui travaillaient au poste d'observation numéro 1," ensuite il y a un
24 mot que je n'arrive pas à lire. Ensuite, on dit :
25 "…entendu aucun tir de mortier, ni du territoire de l'armée bosnienne (la
26 zone générale de Bistrik et Colina Kepa), ni du territoire de l'armée serbe
27 de Bosnie."
28 Est-ce que c'est vrai, Monsieur Conway ?
Page 29014
1 R. Je ne peux que vous dire que j'ai entendu des sons qui avaient l'air
2 d'être des impacts. Je ne savais pas s'il s'agissait de tirs sortants ou
3 entrants. Honnêtement, je ne sais pas d'où provenaient les explosions que
4 j'ai entendues.
5 Q. Mais vous venez de dire que vous avez entendu des sons qui
6 ressemblaient à des impacts --
7 R. J'utilise le mot parce que je sais qu'il y avait des impacts.
8 Si quelqu'un avait dit que c'étaient des bruits -- que c'était une
9 discussion, je n'aurais pas été capable de dire ce que j'avais entendu. On
10 y a toujours fait référence de façon générique comme étant des impacts.
11 Q. Mais vous avez clairement décrit les sons que vous avez entendus comme
12 étant des sons sourds ?
13 R. Oui.
14 Q. Et si vous aviez entendu quelque chose de plus proche de votre poste
15 d'observation, devant votre poste d'observation, vous ne vous attendiez pas
16 à ce qu'un mortier -- un obus de mortier de 120 millimètres ait fait un
17 bruit sourd, n'est-ce pas ?
18 R. Je dois vous demander de répéter la question, s'il vous plaît.
19 Q. Hier, lorsque nous avons discuté, vous m'avez dit : "Je pensais que des
20 tirs sortants feraient plus de bruit, vu qu'un point de lancement ne serait
21 qu'à 2 ou 3 kilomètres plus bas dans la colline." Est-ce que vous vous
22 souvenez avoir dit cela ?
23 R. Je pense que vous avez mal compris. Je pensais que les impacts auraient
24 été plus forts parce qu'il y avait une distance depuis le poste
25 d'observation.
26 Q. Au paragraphe 15 de votre déclaration, vous avez dit :
27 "Je ne suis pas d'accord avec la proposition selon laquelle si
28 quelqu'un au poste d'observation numéro 1 n'avait pas entendu le son d'un
Page 29015
1 tir de mortier sortant, que le tir aurait dû venir du côté serbe de Bosnie
2 de la ligne de confrontation."
3 Je voudrais que les choses soient claires. Vous n'êtes pas d'accord avec
4 cette hypothèse ou cette conclusion, n'est-ce pas ?
5 R. Je pense que pour arriver à une analyse finale de ce type de situation,
6 il y a besoin de beaucoup d'informations de plusieurs zones, et que ce
7 n'est pas une bonne analyse de la situation.
8 Q. Mais c'est une information ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous êtes conscient qu'il y avait beaucoup d'autres informations ?
11 R. Oui.
12 Q. Et des informations que vous ne connaissiez pas nécessairement ?
13 R. Absolument.
14 Q. Bien. Vous avez décrit au paragraphe 17 de votre déclaration qu'il y
15 avait une position de mortier de l'armée bosnienne au bas d'une cuvette sur
16 les collines sud de Sarajevo ?
17 R. Oui.
18 Q. Et nous avons parlé de cela plus tôt parce que vous avez porté une
19 annotation pour moi sur un tableau. Vous avez ensuite apporté une
20 correction et vous avez dit qu'il ne s'agissait pas de la zone nord de la
21 route, mais plutôt de la zone sud de la route. Vous avez également dit au
22 paragraphe 22 que la position de mortier était bien arrimée par des sacs de
23 sable. Est-ce que les sacs de sable étaient quelque chose que l'on
24 utilisait à l'époque pour renforcer les positions de mortier permanentes et
25 temporaires ?
26 R. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Mais le renforcement
27 par sacs de sable était traditionnellement pour les militaires une façon de
28 renforcer une défense autour d'une installation militaire de tout type
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1 contre des tirs entrants ou des éclats. Cela prend du temps. On peut le
2 faire très rapidement si on est bien organisé. Mais est-ce que cela répond
3 à votre question ?
4 Q. Oui, merci. Au paragraphe 21, vous avez dit que les quatre mortiers que
5 vous avez vus pointaient vers le nord vers Sarajevo. Et hier, vous avez
6 décrit les choses un petit peu mieux pour moi. Est-ce que vous pouvez nous
7 dire exactement vers quoi pointaient ces mortiers lorsque vous dites vers
8 le nord vers Sarajevo ?
9 R. Vers une zone qui, par exemple, pouvait être Sedrenik et qui se
10 trouvait de l'autre côté de la ligne de confrontation. Nous appelons cela
11 la position de pente renversée militaire, c'est là où le sol à l'arrière
12 montait de façon très forte et ensuite était suivi d'une cuvette, qui
13 n'était pas une cuvette qui avait été creusée par des hommes mais une
14 caractéristique du paysage. Donc, c'était une bonne position, d'un point de
15 vue militaire.
16 Q. Vous venez de parler de Sedrenik, mais le nord ?
17 R. Le nord de la ville se trouvait dans la zone de portée d'un mortier tel
18 que celui-là. Ce n'était pas surprenant.
19 Q. D'accord. Maintenant, dans votre conversation avec M. Karadzic lundi,
20 vous avez remarqué que pendant votre présence au poste d'observation numéro
21 1 en 1995, vous n'avez pas observé que les mortiers étaient nécessaires
22 pour la ville des positions serbes au sud de Sarajevo ?
23 R. Oui, mais peut-être que j'ai besoin d'éclaircir cela.
24 Q. Oui.
25 R. Parce qu'il y avait eu des tirs sur la zone du Bataillon égyptien qui
26 se trouvait au nord de la zone du fleuve, de la bibliothèque, et ensuite à
27 l'est, et il y avait eu des tirs de mortier à un certain moment pendant que
28 j'y étais. Je ne me souviens pas exactement des dates.
Page 29017
1 Q. Parlons des dates. Lorsque vous êtes arrivé à Sarajevo, c'était
2 environ une semaine avant d'être affecté --
3 R. Oui, une semaine. Je suis arrivé le jour où il y a eu un incident au
4 mont Igman, où il y a eu une équipe de négociation américaine qui a quitté
5 la ville. Il y avait eu un renversement d'un véhicule blindé de transport
6 de troupes, c'était un véhicule blindé français, et les occupants ont
7 malheureusement été tués. Et cela a marqué la date de mon arrivée.
8 Q. Et si je vous dis que la date était le 19 août, est-ce que cela vous
9 semble juste ?
10 R. Si c'est la date, alors c'est la date où je suis arrivé en ville.
11 Q. Ensuite, à la fin septembre, vous avez changé de poste -- je ne devrais
12 pas utiliser le mot "poste". Vous avez changé de rôle, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'était vers la fin septembre/début octobre. Je pense que j'ai
14 commencé des fonctions d'officier au QG des observateurs militaires au
15 bâtiment des PTT, c'est le bâtiment du QG.
16 Q. Et plus tard en septembre jusqu'en décembre, est-ce que vous êtes resté
17 au bâtiment des PTT ?
18 R. Oui. J'étais officier d'information adjoint, et l'officier
19 d'information connaissait les deux équipes et les autres équipes de Mission
20 des observateurs militaires des Nations Unies qui se trouvaient aussi dans
21 d'autres lieux en Bosnie.
22 Q. Du 19 août à la fin de septembre, pendant cinq ou six semaines donc,
23 vous faisiez des patrouilles dans la ville, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, quotidiennement. Mais aussi, j'assumais le poste d'officier
25 d'information. Je devais rendre visite à des équipes de temps en temps et
26 me familiariser avec le terrain.
27 Q. Concentrons-nous sur cette période de temps. Pendant ces six semaines,
28 combien de fois avez-vous été affecté au poste d'observation numéro 1 ?
Page 29018
1 R. Je pense qu'il y avait huit observateurs militaires dans l'équipe et
2 nous avions des postes de 48 heures au poste d'observation. Donc, deux
3 jours tous les quatre jours. Je dirais environ huit jours.
4 Q. Vous vous êtes donc rendu au poste d'observation cinq ou six fois
5 pendant cette période ?
6 R. Mathématiquement, je dirais que cela correspond.
7 Q. Pour répondre à la question de M. Karadzic qu'il n'y avait pas de
8 mortier tiré depuis la ville -- tiré dans la ville du sud lorsque vous
9 étiez au poste d'observation numéro 1, est-ce que cela s'est limité à ces
10 cinq ou six fois ?
11 R. Oui, mais j'avais des connaissances -- j'étais dans la zone immédiate
12 de notre équipe, et donc si quelque chose se passait dans la zone de
13 l'équipe, la plupart du temps je savais ce qui se passait.
14 Q. Mettons de côté les mortiers pour l'instant. Est-ce qu'il y avait
15 d'autres types de projectiles qui étaient tirés sur la ville de Sarajevo
16 d'août à décembre 1995 ?
17 R. Il y avait des tirs de roquette et des tirs de fusil.
18 Q. Est-ce que vous avez constaté des tirs de tireurs isolés ?
19 R. Une fois -- ou deux, peut-être. Une fois, lorsque je me suis rendu au
20 PTT, des tirs ont été tirés autour des véhicules dans la ville; et ensuite,
21 dans notre équipe basée à Sedrenik, j'étais de temps en temps témoin de
22 salves tirées sur le mur de la maison.
23 Q. Et ça, c'est la période d'août à décembre 1995 ?
24 R. Août à fin septembre ou début octobre 1995.
25 Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 23904 de la
26 liste 65 ter, s'il vous plaît.
27 Q. Alors, c'est le document qui est daté 1er septembre. Est-ce qu'il s'agit
28 d'une période de temps où vous n'aviez pas encore changé votre position ?
Page 29019
1 Alors, il s'agit d'un rapport de situation quotidien. Vous connaissez ce
2 genre de document, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page 17, s'il vous
5 plaît.
6 L'INTERPRÈTE : Merci au Procureur et au témoin de ralentir pour permettre
7 l'interprétation.
8 Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi.
9 Q. Alors, nous voyons une page seulement, mais il s'agit ici d'un rapport
10 de situation, et vous en connaissez le format, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, je le connais. Rien n'attire particulièrement mon attention.
12 C'était soumis quotidiennement à Zagreb.
13 Q. Très bien. Alors, au point numéro 2, nous avons :
14 "Un obus de mortier a touché la caserne maréchal Tito le 30 août dans la
15 zone du complexe du Bataillon ukrainien et trois obus d'artillerie ont
16 touché la zone extérieure à la caserne du maréchal Tito."
17 Est-ce que vous connaissiez l'emplacement de cette caserne ?
18 R. Je ne me rappelle pas le nom de toutes les casernes à Sarajevo. Mais il
19 y avait la caserne égyptienne dans notre propre zone, et je me rappelle
20 m'être rendu en visite dans des casernes de taille plus grande où se
21 trouvaient cantonnés, je crois, les Bataillons ukrainiens et pakistanais.
22 Q. Très bien.
23 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais avoir le document numéro 23917 de
24 la liste 65 ter à l'écran, s'il vous plaît. Je sais qu'une cote lui a déjà
25 été attribuée, mais sur la liste 65 ter c'est 23917.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, juste une observation.
27 Est-ce que c'est la date du 29 août ?
28 Mme WEST : [interprétation]
Page 29020
1 Q. Il est indiqué le 30 août.
2 R. Le 30. Très bien. Parce qu'à ce moment-là, j'étais peut-être toujours
3 au poste d'observation.
4 Q. Très bien. Et il est dit qu'il s'agissait d'un obus de mortier de 120
5 millimètres à un azimut de 160 degrés. Alors, est-ce que vous pourriez
6 examiner de nouveau cette carte. Pourrait-on agrandir.
7 Alors, vous voyez qu'au nord-ouest, approximativement, il y a un complexe
8 de taille importante. Est-ce que vous reconnaissez cela comme étant la
9 caserne du maréchal Tito ?
10 R. Oui -- enfin, je vois l'ensemble. Je reconnais qu'il y avait des
11 casernes dans cette zone. Mais peut-être que vous pourriez me donner une
12 carte plus simple sur laquelle je serais en mesure de vous donner les
13 emplacements correspondant ou les préciser un peu mieux.
14 Q. Pour le moment, cela suffit. Je voudrais que vous me disiez si le
15 document que nous venons juste d'examiner où il est indiqué qu'un obus de
16 mortier venait d'un azimut de 160 degrés, eh bien, par rapport à ce
17 document, pourriez-vous me dire d'où cela serait venu ?
18 R. Eh bien, 160 degrés, cela serait venu du sud-est, à peu près de cette
19 position, probablement au sud de la zone du marché, un peu plus au sud.
20 Q. Alors, est-ce que vous pourriez annoter le document à l'écran. Je vais
21 demander l'assistance de l'huissière.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que le niveau
23 d'agrandissement vous convient ?
24 R. Non, cela me suffit. Je vois suffisamment bien.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors ici, nous avons 90, ici 180 degrés.
27 Donc, 30 degrés, c'est la ligne que je trace maintenant, à peu près, ou
28 plutôt 45 -- donc c'est un peu plus au sud.
Page 29021
1 Mme WEST : [interprétation]
2 Q. Nous avons dit 160.
3 R. Eh bien, 160, ce serait la deuxième ligne.
4 Q. Et si l'on prolonge cette ligne, si vous la prolongez, la ligne que
5 vous venez de tracer, cela atteint le territoire du RSK, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Alors, vous avez coché un emplacement à côté d'une de ces lignes. C'est
8 la ligne qui marque la bonne direction, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que pour être un peu plus clair,
11 le témoin pourrait inscrire l'angle 160 degrés à côté de la ligne
12 correspondante.
13 Mme WEST : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
14 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
15 Mme WEST : [interprétation]
16 Q. Et pourriez-vous signer en indiquant la date. Merci.
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
19 Mme WEST : [interprétation] Merci.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document va être sauvegardé et versé
21 au dossier en tant que pièce de l'Accusation.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P5928.
23 Mme WEST : [interprétation]
24 Q. Pouvons-nous maintenant revenir au document numéro 23904 de la liste 65
25 ter, s'il vous plaît. Je voudrais que nous en affichions la page numéro 15.
26 Monsieur Conway, vous avez déjà mentionné l'impartialité des observateurs
27 militaires des Nations Unies. Je voudrais que nous revenions un peu plus en
28 détail sur ce sujet. Je vois donc ce rapport de situation en page 15 -
Page 29022
1 alors, la référence était 23904, c'est bien la bonne référence - page
2 numéro 15, au point G, il est indiqué, "Activité militaire". Vous le voyez
3 ?
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite, nous avons un certain nombre de colonnes, observé à partir de,
6 type de tir, origine du tir, et cetera. Alors, ce type d'information
7 organisée en colonnes, est-ce que c'est une disposition qui était typique
8 des rapports des observateurs militaires des Nations Unies ?
9 R. Oui. Je suis en train -- je l'ai examiné pendant que vous parliez.
10 Donc, la date, l'heure, observé à partir de, type de tir, origine, zone
11 d'impact, remarques, et cetera, oui, c'est bien tout à fait typique.
12 Q. Et dans la colonne origine du tir, nous avons cimetière juif, par
13 exemple, à la première ligne, et puis ensuite plusieurs mentions, inconnu,
14 inconnu, et puis Debelo Brdo, excusez-moi pour la prononciation. Donc, il
15 s'agissait là de deux positions connues comme étant contrôlées par les
16 Serbes de Bosnie ou les Musulmans de Bosnie ?
17 R. Je n'arrive pas à me souvenir concernant ces emplacements.
18 Q. Très bien. Passons à la page suivante, numéro 16. Alors maintenant,
19 dans la même colonne, vous voyez "sharpstone" ?
20 R. En haut de la page.
21 Q. Oui. Etait-ce une position des Serbes de Bosnie ?
22 R. Oui.
23 Q. Passons maintenant à la page suivante, numéro 17, en haut de la page,
24 nous voyons Rajlovac, puis ensuite, juste en dessous BSA, armée des Serbes
25 de Bosnie, puis BiH. Est-ce que vous avez le moindre élément quant à la
26 nature de cette position ? Etait-ce une position des Serbes de Bosnie, des
27 Musulmans de Bosnie, ou bien y avait-il des deux ?
28 R. Je ne m'en souviens pas. Le nom ne me dit rien.
Page 29023
1 Q. Très bien. Est-il exact de dire que les observateurs militaires des
2 Nations Unies informaient leurs supérieurs des tirs provenant tant du côté
3 serbe que du côté musulman ?
4 R. Oui, oui, tout à fait.
5 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce
6 rapport, Madame et Messieurs les Juges.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P5929.
9 Mme WEST : [interprétation]
10 Q. Monsieur Conway, hier, une affirmation a été faite dans ce même
11 prétoire. Je vais en donner lecture et je vais vous poser une question. Je
12 cite :
13 "De nombreux observateurs militaires des Nations Unies faisaient preuve de
14 parti pris en faveur des Musulmans de Bosnie et n'informaient que des tirs
15 entrants mais pas des tirs sortants, qui étaient le fait des Musulmans de
16 Bosnie. Ils contribuaient de la sorte à dresser de Sarajevo le portrait
17 d'une zone étant la cible de l'agression et du bombardement par les
18 Serbes."
19 La question que j'ai pour vous est la suivante : était-ce la pratique qui
20 était la vôtre lorsque vous étiez à Sarajevo ?
21 R. Absolument pas. Je suis très fier de l'impartialité des observateurs
22 militaires des Nations Unies et de leur précision, de leur exactitude.
23 C'est la façon dont nous travaillions à Sarajevo et dans d'autres parties
24 de l'ex-Yougoslavie.
25 Q. Est-ce que vous considérez que la déclaration dont je viens de donner
26 lecture est exacte ?
27 R. Non, pas du tout. Elle affirme que les observateurs militaires des
28 Nations Unies faisaient preuve de partialité. Ce n'était absolument pas le
Page 29024
1 cas.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
3 Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
5 Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires ?L'ACCUSÉ :
6 [interprétation] Je vous demande simplement quelques instants pour
7 consulter mes collaborateurs.
8 [Le conseil de la Défense se concerte]
9 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
10 Q. [interprétation] Avant de faire afficher deux documents particuliers,
11 Général, je voudrais vous demander si vous avez eu l'occasion de voir un
12 rapport correspondant à une autre période que celle à laquelle vous étiez
13 présent à l'OP 1. Avez-vous donc vu le moindre rapport dans lequel il
14 aurait été indiqué que des tirs seraient parvenus de cette direction et
15 avec des projectiles qui auraient survolé le poste d'observation numéro 1 ?
16 Donc, je ne parle pas ici que de Sedrenik.
17 R. Eh bien, lorsque j'étais membre de l'équipe Zulu, je ne me rappelle pas
18 avoir entendu aucun autre observateur militaire des Nations Unies faire
19 mention de projectiles qui auraient survolé le poste d'observation numéro
20 1.
21 Q. Merci.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant demander l'affichage au
23 prétoire électronique du document 1D20274.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Il s'agit, n'est-ce pas, d'un rapport de situation du mois de juin
26 1995.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de la version en serbe.
28 Je voudrais que l'on affiche maintenant la page numéro 16 de ce rapport de
Page 29025
1 situation. Page 16, s'il vous plaît.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le document
3 comporte un aussi grand nombre de pages.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être me suis-je trompé dans le nombre de
5 pages. Je voudrais que l'on affiche le document 1D28180. C'est la bonne
6 référence, en réalité.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Il s'agit également d'un rapport de situation daté du 19 juin 1995.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je voudrais que l'on en affiche la page
10 numéro 7.
11 Je voudrais maintenant donner lecture, je cite :
12 "A 18 2300B 1X, un véhicule blindé de transport de troupes a tiré lorsqu'il
13 revenait du mont Igman à 19 heures 16 minutes 15B, de nombreux obus
14 provenant du centre-ville (caserne du maréchal Tito vers Poline). A 19
15 [comme interprété] heures 16 minutes 15B, après des tirs bosniens dont
16 l'origine était la caserne du maréchal Tito et qui visait le côté contrôlé
17 par l'armée des Serbes de Bosnie, les Serbes ont tiré depuis Poline vers
18 Rotonj [comme interprété] au moyen de chars, M18 et de mortiers."
19 Général, est-ce que vous saviez que -- alors, la caserne du maréchal Tito
20 en fait aujourd'hui a été mentionné. Est-ce que vous saviez que cette
21 caserne était utilisée par l'ABiH, et qu'il y avait des tirs à partir de
22 cette caserne qui visaient le côté serbe ?
23 R. C'est incident concerne le mois de juin 1995. Je n'étais pas à Sarajevo
24 à ce moment-là. Donc, je ne peux faire aucun commentaire à ce sujet.
25 Q. Merci. Je ne vous demande pas de commentaire au sujet de cet événement
26 lui-même, mais concernant la nature de cet endroit, la caserne du maréchal
27 Tito, est-ce que vous aviez des informations vous indiquant qu'elle était
28 utilisée par l'ABiH, et qu'à partir de cette caserne cette dernière tirait
Page 29026
1 ?
2 R. Je ne suis pas au courant de ce que vous êtes en train de dire. Tout ce
3 que je sais concernant les casernes, en tout cas les casernes que j'ai pu
4 visiter, est qu'il s'agissait de casernes des Nations Unies. Il y a eu
5 quelques occasions où nous avons rendu visite à des officiers de liaison de
6 l'armée de Bosnie. Si je comprends bien ce que vous dites, je n'ai pas
7 connaissance qu'il se soit agi de ce type de situation, ou qu'ils se soient
8 trouvés juste à côté des lieux où étaient cantonnés les forces des Nations
9 Unies. Je ne sais rien à ce sujet.
10 Q. Très bien. Merci, Général. Merci d'être venu déposer aujourd'hui.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que mes collègues n'aient de
12 questions à vous poser, ceci met un terme à votre déposition. Et au nom de
13 la présente Chambre de première instance, Général, je souhaite vous
14 remercier d'être venu déposer. Vous êtes donc libre de repartir.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous souhaite bon retour chez vous.
17 [Le témoin se retire]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin suivant est-il prêt ? Très
19 bien. Qu'on le fasse venir.
20 Madame Edgerton, est-ce que vous auriez besoin d'une brève pause ? Très
21 bien.
22 Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cinq minutes dans ce cas-là.
24 --- La pause est prise à 14 heures 18.
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
26 --- La pause est terminée à 14 heures 28.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je prie le témoin de prononcer la
28 déclaration solennelle.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
2 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.
3 LE TÉMOIN : BLAGOJE KOVACEVIC [Assermenté]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Général. Veuillez vous asseoir.
6 Monsieur Karadzic.
7 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Général.
9 R. Bonjour.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher dans le prétoire électronique
11 le document -- alors un instant, s'il vous plaît.
12 [Le conseil de la Défense se concerte]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D6032, s'il vous plaît.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Général, est-ce que vous avez eu l'occasion de relire la déclaration
16 que vous avez faite à l'équipe de la Défense ?
17 R. Oui.
18 Q. S'agit-il là de cette déclaration que nous avons sous les yeux à
19 l'écran, et nous vérifierons que c'est bien votre signature à la dernière
20 page ?
21 R. Je vois la première page, et c'est bien de cela qu'il s'agit.
22 Q. Est-ce qu'il vous a été donné lecture de cette déclaration, et est-ce
23 que cette déclaration reflète fidèlement et exactement ce que vous avez dit
24 ?
25 R. Oui.
26 Q. Et si aujourd'hui en lieu et place de cette déclaration je vous posais
27 exactement les mêmes questions, vos réponses à mes questions seraient-elles
28 les mêmes que celles que vous avez données dans le cadre de cette
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1 déclaration ?
2 R. Eh bien, je ne sais pas si les mots seraient exactement les mêmes, mais
3 en substance mes réponses seraient les mêmes, oui.
4 Q. Merci. Alors je dois vous prier de prendre garde à la rapidité de nos
5 échanges. C'est quelque chose dont je dois m'efforcer de me souvenir moi-
6 même. Puisque nous parlons dans la même langue, il faut faire des pauses
7 entre les questions et les réponses. Mais de toute façon, je n'aurai pas
8 beaucoup de questions à vous poser.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors Excellences, peut-on verser cette
10 déclaration au dossier.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le
13 document 1D6032 de la liste 65 ter reçoit la cote D2331.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande également le versement des pièces
15 associées en tant qu'élément de la liasse en application de l'article 92
16 ter, mais nous pourrions également le faire à la fin de l'interrogatoire
17 principal.
18 Alors, je voudrais maintenant donner lecture, également en anglais pour
19 gagner du temps, d'un résumé de la déclaration du général de brigade,
20 Blagoje Kovacevic.
21 Blagoje Kovacevic avait le grade de colonel de la VRS et est actuellement
22 un officier d'actif au sein des forces armées de la Bosnie-Herzégovine avec
23 le grade de général de brigade. De mai 1992 à octobre 1992, il était le
24 commandant de la Brigade de Blazuj au sein du RSK. Au cours des deux mois
25 suivants, il a occupé le poste de chef d'état-major de la Brigade de
26 Rajlovac, d'où il a été transféré le 9 décembre 1992 à la 1ere Brigade
27 motorisée de Sarajevo en qualité de chef des opérations et de
28 l'entraînement. De juin 1993 à 1996, il a commandé le 3e Bataillon
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1 d'infanterie de la 1ère Brigade motorisée de Sarajevo. Quatre-vingt dix neuf
2 pourcents des membres de son unité n'étaient pas des militaires de
3 carrière, et il a rencontré des difficultés en essayant d'établir un
4 contrôle effectif. Il n'y avait pas de tireurs d'élite professionnels au
5 sein de son unité.
6 Blagoje Kovacevic avait directement connaissance de la nature et de la
7 quantité des armes présentes à la caserne du maréchal Tito, puisqu'il
8 travaillait en tant que commandant de section et instructeur et était
9 chargé des entraînements au maniement de certains des types d'armes qui se
10 trouvaient présents sur place. Les ordres du commandement supérieur
11 indiquaient qu'il convenait d'économiser autant que possible les munitions
12 à tous les niveaux. Toutes les unités musulmanes à Sarajevo disposaient du
13 même type d'armement que les unités de la VRS, puisqu'il s'agissait des
14 armes tant de la JNA que de la Défense territoriale de la Bosnie-
15 Herzégovine. Cependant, les forces musulmanes avaient également reçu
16 d'autres types d'armes par différentes voies illicites, illégales. Les
17 Musulmans s'étaient organisés militairement et armés avant l'éclatement du
18 conflit en BiH et à Sarajevo. La Ligue patriotique dans la municipalité de
19 Novi Grad à Sarajevo était déjà en place dès l'automne 1991.
20 L'ordre du commandement Suprême était qu'une défense d'importance critique
21 soit assurée le long des lignes existantes, puisqu'il n'était pas considéré
22 comme pertinent ni nécessaire de prendre le contrôle de zones qui n'étaient
23 pas définies comme étant ethniquement serbes. Les objectifs de la SRK
24 étaient, un, d'empêcher les forces musulmanes de percer hors de Sarajevo et
25 d'utiliser ses effectifs sur d'autres champs de bataille; deux, de protéger
26 la population serbe dans la zone de la ville de Sarajevo et de ses
27 environs; et troisièmement, de sauver autant de personnes que possible
28 parmi celles qui étaient restées à l'intérieur de cette ville sous contrôle
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1 musulman.
2 Dans toutes les positions où Blagoje Kovacevic s'est trouvé, pas la moindre
3 action offensive n'a été lancée et il s'est agi d'opérations exclusivement
4 défensives. Ces positions ont été mises en place au début de la guerre et
5 sont restées inchangées jusqu'à la fin de la guerre. Les lignes de
6 désengagement s'étaient rapprochées les unes des autres parce que les
7 Musulmans et leur armée avançaient en direction des lignes serbes en
8 creusant des tranchées de communication en direction des positions serbes
9 et en se rapprochant des lignes avec l'assistance de la FORPRONU.
10 Différentes installations militaires de la JNA à Sarajevo sont restées sous
11 le contrôle des forces musulmanes, entre autres, les casernes de la JNA de
12 Bistrik et l'hôpital militaire, ainsi que le centre d'entraînement maréchal
13 Tito.
14 Pendant la guerre, les Musulmans n'ont jamais fait secret de leur intention
15 de provoquer des incidents, qui constituerait une raison suffisante pour
16 que la FORPRONU ou l'OTAN se rangent à leur côté. Ils ont délibérément
17 ouvert le feu lors des périodes de cessez-le-feu pour provoquer une
18 réaction de la part des forces serbes afin que ces dernières puissent être
19 blâmées d'avoir causé l'incident. La 110e Brigade du 1er Corps de l'ABiH,
20 qui n'était pas une unité régulière et comptait des éléments criminels en
21 son sein, était connue pour avoir fait la promesse de prendre Trebevic et
22 Grbavica et de nettoyer la ville des infidèles. Au site d'exécution de
23 Kazani, situé dans la zone de responsabilité de cette brigade, de grands
24 nombres de Serbes de la ville ont été exécutés. Les Serbes aux alentours de
25 Sarajevo étaient arrêtés et on exigeait une rançon pour les libérer.
26 Ce scénario à base de victimes en nombre massif a été souvent employé et
27 appliqué puisque cela causait l'indignation générale parmi le public; par
28 exemple, cela a été le cas lors de l'incident de Markale. Le témoin n'a pas
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1 d'information quant à l'identité de ceux qui ont été à l'origine de ces
2 incidents, mais il est impossible d'exclure le sabotage. Blagoje Kovacevic
3 considère que les incidents de Markale sont dus à des explosifs et non pas
4 à des obus.
5 L'état-major et les autorités civiles en appelaient à une démilitarisation
6 complète de la ville et au retrait de toutes les armes lourdes de part et
7 d'autre afin que ces dernières soient placées sous le contrôle des Nations
8 Unies. La partie serbe a appliqué cela de façon unilatérale. En 1992,
9 toutes les armes antiaériennes ont été retirées du voisinage de l'aéroport
10 de Sarajevo et, à une phase ultérieure, toutes les armes de calibre
11 supérieur ou égal à 80 millimètres ont été retirées à 20 kilomètres ou plus
12 de Sarajevo et placées sous le contrôle de la FORPRONU.
13 Tous les soldats de l'unité ont été entraînés et formés aux principes du
14 droit international de la guerre et du droit humanitaire. Son unité n'a pas
15 ouvert le feu sur des civils et a pris des mesures visant à réduire le
16 nombre des victimes collatérales civiles. Les ordres ont été transmis vers
17 le bas de la chaîne de commandement afin qu'en cas de tirs visant des
18 civils, des enquêtes soient menées et que les mesures prescrites par la loi
19 soient prises à l'encontre des auteurs. Des ordres ont été donnés à
20 plusieurs reprises par le commandement du SRK indiquant qu'il ne convenait
21 d'ouvrir le feu que si des vies étaient directement mises en danger et
22 uniquement en visant des cibles qui représentaient une menace à la sécurité
23 de l'unité. Le témoin explique que ni lui, ni aucun autre membre de son
24 unité, ni aucun subordonné ou commandement supérieur, n'a jamais eu
25 l'intention de causer des victimes civiles, de terroriser des civils sur le
26 territoire contrôlé par les Musulmans ou de leur porter atteinte sur le
27 plan psychologique, ni d'attaquer les moyens de transport publics. Ils
28 n'ont jamais reçu d'ordre, ni écrit ni oral, à cet effet. Les rails du
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1 tramway à Sarajevo se trouvaient à environ 200 mètres derrière les forces
2 musulmanes. Les balles perdues pouvaient être très facilement présentées
3 comme des actes délibérés au cours desquels on avait pris pour cible les
4 moyens de transport publics, et cela pouvait très facilement être mis sur
5 le compte des forces serbes.
6 Les unités spéciales musulmanes ont essayé de couper la route
7 Lukavica-Pale, après quoi les actes de terrorisation [phon] de la
8 population serbe restée à Sarajevo ont augmenté de façon considérable. Le 6
9 juin 1994, les forces musulmanes ont lancé une attaque sur le cimetière
10 juif et le pont de Vrbanja, et un nombre disproportionné de victimes
11 civiles s'en est ensuivi. De nombreuses positions d'unités ennemies
12 contrôlaient Grbavica, à partir d'où ils exerçaient un contrôle complet des
13 zones où se trouvaient les unités ennemies. Il avait également des
14 informations selon lesquelles les forces musulmanes avaient des positions
15 dans les secteurs civils. L'ensemble de la ligne de désengagement se
16 trouvait dans des zones habitées.
17 Le passage des convois humanitaires était complètement libre du point
18 de vue des forces serbes, qui ne l'entravaient en rien, alors que des abus
19 ont été commis par le 1er Corps de l'ABiH à des fins militaires, de même
20 qu'il existait un marché noir fournissant la ville sous contrôle musulman.
21 L'approvisionnement en eau, en électricité et en gaz n'a jamais été
22 interrompu par les forces serbes, mais les forces musulmanes n'hésitaient
23 pas à couper leur propre approvisionnement pour ensuite l'attribuer à des
24 actes de terreur de la part des Serbes.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, M. Karadzic n'a pas
26 de questions pour ce témoin, donc peut-être pourrions-nous nous pencher sur
27 la question des pièces associées et de leur versement.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections, Madame
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1 Edgerton ?
2 Mme EDGERTON : [interprétation] Non.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une question. Peut-on charger le
4 document D08439, qui semble être une carte. Je crois que nous aurions
5 besoin de la traduction anglaise du texte qui figure dans l'encadré.
6 Est-ce que vous êtes d'accord, Madame Edgerton ?
7 Mme EDGERTON : [interprétation] En fait, j'ai reçu cela de la part de la
8 Défense il y a quelques temps déjà. Cela, à mon sens, aurait dû être chargé
9 dans le système.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, nous
11 procéderons au versement dans l'ensemble des pièces associées, mais est-ce
12 que vous pourriez nous le confirmer dès que possible, ou plutôt dès que
13 cela aura été chargé dans le système, Maître ?
14 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous
15 remercie.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous demandez le versement de neuf
17 pièces, n'est-ce pas ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que c'est bien le cas.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'ensemble de ces pièces sera versé
20 et se verra attribuer des cotes en temps utile.
21 Madame Edgerton, votre contre-interrogatoire pourra donc débuter demain,
22 mais pensez-vous qu'il convient d'expliquer au témoin les obligations qui
23 sont les siennes en application de l'article 90(E) ?
24 Mme EDGERTON : [interprétation] Je crois que c'est le cas.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, Maître.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois qu'à
27 l'avenir il serait préférable de fournir ce type d'avertissement au début
28 de la déposition du témoin et non au début du contre-interrogatoire.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, c'est d'habitude la partie qui
2 attire l'attention sur cette question qui s'en charge, mais je viens
3 simplement de m'en souvenir maintenant.
4 M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc compte tenu du temps,
6 nous le ferons demain.
7 Mais nous allons lever la séance pour aujourd'hui, nous devons lever
8 l'audience. Général, nous reprendrons demain à 9 heures. Entre-temps, je
9 vous rappelle que vous n'avez le droit de discuter de votre déposition avec
10 personne. Comprenez-vous cela, Général ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 L'audience est levée.
14 --- L'audience est levée à 14 heures 46 et reprendra le jeudi, 18 octobre
15 2012, à 9 heures 00.
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