Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 30 octobre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  6   Nous devons traiter quelques questions avant de passer aux éléments

  7   de preuve et aux dépositions.

  8   La Chambre va rendre une décision orale s'agissant de l'avis de

  9   l'accusé daté du 15 mai 2012 visant à convoquer le Dr Derek Allsop comme

 10   expert pour la Défense. Allsop est le cinquième témoin pour cette semaine.

 11   Le 17 mai 2012, l'Accusation a déposé une réponse à l'avis de l'accusé où

 12   elle ne conteste pas la pertinence de la question du rapport, mais déclare

 13   qu'elle n'accepte pas ses conclusions, demande la possibilité de contre-

 14   interroger Allsop et d'apporter des arguments quant à l'admissibilité du

 15   rapport et demande à la Chambre de reporter ses conclusions s'agissant de

 16   l'expertise d'Allsop et de l'admissibilité du rapport jusqu'à sa

 17   déposition.

 18   Comme cela était le cas pour la Chambre pendant toute cette affaire, une

 19   décision sur l'admission du rapport remis en question par l'Accusation ne

 20   se fera qu'après la déposition d'Allsop. Cependant, s'agissant de la remise

 21   en question de l'expertise d'Allsop, la Chambre estime qu'il en va de

 22   l'intérêt de la justice de prendre une décision avant sa déposition, vu

 23   qu'il n'y aura pas de raison pour convoquer Allsop si la Chambre considère

 24   qu'il n'était pas qualifié comme témoin expert.

 25   A cet égard, la Chambre note les arguments de l'Accusation dans la réponse

 26   selon laquelle il n'est pas encore clair que le Dr Allsop dispose de

 27   connaissances spéciales, d'expérience spécifique ou de compétences

 28   nécessaires pour aider la Chambre de première instance pour évaluer "s'il


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  1   était possible de calculer la distance parcourue par l'obus de mortier

  2   avant d'exploser au marché de Markale le 5 février 1994, tel que déclaré

  3   par Brko Zecevic."

  4   La Chambre a procédé à sa propre évaluation du CV d'Allsop qui montre qu'il

  5   est ingénieur en mécanique, 24 ans d'expérience, et qu'il a une expérience

  6   aussi dans la recherche par rapport aux tests des armes, de munitions et de

  7   balistique. Même si la Chambre est d'accord avec l'Accusation sur le fait

  8   que le CV d'Allsop manque de certains détails et qu'il ne contient pas de

  9   références quant à son expérience dans le domaine des projectiles de

 10   mortiers de 120 millimètres utilisés en Bosnie-Herzégovine pendant le

 11   conflit, la Chambre, néanmoins, pense que ses qualifications et son

 12   expérience sont telles qu'il dispose d'une expertise suffisante pour

 13   déposer dans ce procès conformément à l'article 94 bis du Règlement

 14   s'agissant de la possibilité de calcul de la distance parcourue par l'obus

 15   de mortier avant son explosion au marché de Markale le 5 février 1994.

 16   En outre, pendant son contre-interrogatoire, l'Accusation aura l'occasion

 17   de poser des questions à Allsop sur son expertise en matière de mortiers de

 18   120 millimètres, ce qui aura une influence sur le poids que la Chambre

 19   attribuera aux conclusions dans son rapport. La Chambre décide par la

 20   présente qu'Allsop déposera en tant qu'expert conformément à l'article 94

 21   bis du Règlement.

 22   Il reste deux points que la Chambre aimerait traiter en huis clos partiel.

 23   [Audience à huis clos partiel]

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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, maintenant en

  3   audience publique. Les Juges ont remarqué que les trois premiers témoins

  4   qui ont été prévus pour cette semaine, Joudry, Russell et Gauthier, qui ont

  5   été inclus dans la liste 92 ter, ont demandé qu'un représentant de leur

  6   gouvernement soit présent pendant leur déposition. Par rapport à ce que je

  7   viens de dire à huis clos partiel et vu que les Juges de la Chambre ne

  8   voient pas de différence entre ce critère, cette condition-là et d'autres

  9   conditions telles qu'invoquées en vertu de l'article 70 au sujet desquelles

 10   il faut s'adresser à la Chambre en bonne et due forme, est-ce que vous

 11   pouvez nous dire quelle est la base juridique pour la requête, à savoir que

 12   le représentant du gouvernement canadien soit présent, et pourriez-vous

 13   nous le dire en attendant que ce représentant entre dans le prétoire ?

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, cette requête vient

 15   du gouvernement du Canada. Ils ont demandé que le représentant soit présent

 16   pour la déposition de ce témoin, mais entre-temps ils ont décidé de ne pas

 17   demander qu'il soit présent, et c'est pour cela que le représentant du

 18   gouvernement canadien n'est pas présent aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant les choses sont bien claires.

 20   Est-ce qu'il y a d'autres questions ? S'il n'y en a pas, nous allons

 21   demander que le témoin entre dans le prétoire.

 22   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

 24   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 26   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 27   LE TÉMOIN : STEVEN JOUDRY [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Vous pouvez vous

  2   asseoir et vous pouvez vous mettre à l'aise.

  3   Oui, Monsieur Karadzic, c'est à vous.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  5   Monsieur les Juges. Bonjour à tout le monde.

  6   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, mon Colonel.

  8   R.  Bonjour.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on présente dans le

 10   système du prétoire électronique la pièce à conviction 1D25487.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Mon Colonel, avez-vous pu examiner cette déclaration qui est la vôtre,

 13   l'exemplaire papier de cette déclaration ?

 14   R.  Oui, Monsieur.

 15   Q.  Et vous l'avez signée ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que cette déclaration reflète exactement ce que vous avez dit ?

 18   R.  Oui, en effet.

 19   Q.  Si aujourd'hui si je vous posais les mêmes questions que les questions

 20   posées lors de cet entretien, est-ce que vous répondriez de la même façon,

 21   de la façon dont vous avez répondu dans la déclaration préalable ?

 22   R.  Oui.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je veux  demander que

 24   cette déclaration soit versée en vertu de l'article 92 ter.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et il n'y a pas d'autre pièce

 26   accompagnant que vous souhaitez verser ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur Tieger ?


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  1   Eh bien, dans ce cas, ceci sera versé en tant que la prochaine pièce de la

  2   Défense.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D2363, Monsieur le

  4   Président.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Maintenant je vais lire le résumé de

  6   cette déclaration, je vais le lire en langue anglaise.

  7   Steven Joudry est un colonel de l'armée canadienne à la retraite. Il a été

  8   un officier d'artillerie formé dans l'Artillerie royale canadienne. Dans le

  9   cadre de sa formation, il s'est occupé des techniques de champ ou bien

 10   d'analyses de cratère. Par la suite, il a enseigné l'analyse des cratères

 11   dans le cadre de la force armée canadienne. Il a mené à bien ou a participé

 12   dans une centaine d'analyses de cratère au cours de sa carrière.

 13   Au mois de mai 1993, le colonel Joudry a été déployé dans l'ex-Yougoslavie

 14   en tant qu'un officier supérieur dans le cadre des opérations et des

 15   planifications de travail au niveau de la Force de protection des Nations

 16   Unies dans le quartier général de Zagreb en Croatie, où il est resté

 17   jusqu'en mars 1994. Alors qu'il était dans le siège de la FORPRONU à

 18   Zagreb, le colonel Joudry a appris l'explosion qui s'est déroulée dans le

 19   marché de Markale à Sarajevo le 5 février 1994. Il ne faisait pas partie de

 20   l'équipe qui a fait une enquête suite à cette explosion; cependant, après

 21   qu'il y ait eu un rapport sur l'analyse de cratère effectuée par l'équipe

 22   d'enquête de l'ONU, on lui a demandé de revoir ce rapport.

 23   Le colonel Joudry avait des réservations sérieuses quant à la procédure

 24   utilisée pour procéder à l'analyse de cratère au niveau de cette explosion

 25   au marché et il n'était pas d'accord avec la façon dont ont été utilisé les

 26   résultats. Pour commencer, l'analyse de cratère faite sur le terrain n'est

 27   pas suffisante pour déterminer la culpabilité, même si les conditions

 28   étaient idéales. Le fait que beaucoup d'informations dans cette affaire ont


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  1   été rassemblées des jours ou des mois après l'explosion, dans une zone

  2   publique et pas d'un site non altéré, ont jeté un doute sur la fiabilité

  3   d'une telle analyse.

  4   Le colonel Joudry a noté que l'angle de descente de ce mortier de 120

  5   millimètres qui a atterri sur le marché de Markale ne pouvait pas être

  6   mesuré de façon fiable car la première équipe de l'ONU a enlevé l'empennage

  7   sans mesurer l'angle de descente de l'obus. A partir du moment où ils ont

  8   fait cela, eh bien, il a été clair que l'amorce avait été altérée et qu'il

  9   n'était plus possible de calculer l'angle de la descente avec une certitude

 10   ou précision certaine. Sans savoir ou connaître cet angle de descente, il

 11   n'a pas été possible de calculer avec précision les charges possibles

 12   utilisées et aussi la portée et les distances du projectile.

 13   D'après son examen de ces documents et en utilisant son expérience et ses

 14   connaissances dans l'artillerie, le colonel Joudry est arrivé aux

 15   conclusions suivantes :

 16   Tout d'abord, il a remarqué dans quelles mesures l'analyse de cratère qui a

 17   été effectuée n'était pas suffisante pour décider de la culpabilité,

 18   surtout dans le théâtre des opérations de l'ex-Yougoslavie, où il est

 19   considéré que tous les côtés au conflit, tous les parties au conflit ont

 20   utilisé différentes formes de désinformation et d'information tactique pour

 21   des fins stratégiques ou politiques.

 22   Cependant, en utilisant les informations qui n'étaient utilisées par

 23   l'équipe d'expert de l'ONU suite à l'explosion, il a procédé à toutes les

 24   étapes d'analyse de cratère. Ceci comprend le fait que l'arme utilisée

 25   était un mortier de 120 millimètres qui a été utilisé. Ensuite, on a

 26   utilisé les charges d'appoint. Et il a conclu que ces informations

 27   n'étaient pas suffisamment précises, et un des projectiles, qu'il a été

 28   tiré d'une zone qui était aux confins de la ligne de confrontation au nord-


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  1   est de Sarajevo, mais 95 % de ce territoire étaient occupés par le

  2   gouvernement bosniaque à l'époque.

  3   Le colonel Joudry aussi a pensé que le but de la partie en question était

  4   de faire en sorte que l'explosion au niveau du marché ressemble à une

  5   explosion provoquée par un tir d'artillerie qui vient d'une grande

  6   distance, alors que la meilleure façon d'obtenir cela était de lancer ce

  7   projectile d'un toit à proximité. Vu que le marché était de petite taille,

  8   il aurait été pratiquement impossible de provoquer cela avec un seul tir,

  9   une telle explosion avec un seul tir d'artillerie.

 10   Je n'ai pas d'autres questions à présent.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, Monsieur Joudry, comme vous

 12   auriez pu le remarquer, nous avons versé au dossier votre déclaration

 13   préalable, donc la déclaration écrite à la place de la déposition orale.

 14   Maintenant, c'est l'équipe du Procureur qui va procéder au contre-

 15   interrogatoire.

 16   C'est vous, Monsieur Tieger ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   Bonjour, Monsieur le Président, bonjour, Madame, Messieurs les Juges, et

 19   bonjour à tout le monde présent dans ce prétoire.

 20   Contre-interrogatoire par M. Tieger :

 21   Q.  [interprétation] Tout d'abord, la première question. En ce qui concerne

 22   l'analyse de cratère à laquelle vous avez participé et dont a parlé M.

 23   Karadzic, est-ce qu'il s'agissait là ici uniquement de l'entraînement ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que ceci comprenait des projectiles ou des obus qui ont été

 26   tirés dans le champ, ou bien est-ce qu'il s'agissait de projectiles tirés

 27   sur des villes ou des rues ?

 28   R.  En général, il s'agissait de projectiles tirés sur les tirs [comme


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  1   interprété]; mais parfois ces projectiles touchaient des routes

  2   goudronnées, par exemple, mais jamais il ne s'agissait de zones habitées.

  3   Q.  Est-il exact que l'impact d'obus ou de mortier ne va pas être le même

  4   selon qu'il atterrisse sur une surface dure ou bien sur une surface qui

  5   ressemble plutôt à de la terre ou des champs ?

  6   R.  Oui, en général, c'est exact.

  7   Q.  Est-il exact que la plupart des analyses auxquelles vous avez participé

  8   concernaient plutôt des obusiers ou bien des projectiles plutôt que des

  9   obus de mortiers ?

 10   R.  Oui, en général, c'était bien le cas.

 11   Q.  Et vous n'avez jamais fait d'analyses de cratère impliquant des

 12   mortiers de 120 millimètres ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Vous avez fait un examen du rapport à partir de Zagreb, vous êtes

 15   arrivé à des conclusions, mais est-il exact que là il ne s'agissait pas

 16   d'une analyse ou enquête officielle de l'ONU ?

 17   R.  Oui, c'est exact. Je pense qu'il est important de noter que ce que j'ai

 18   fait, eh bien, c'était de revoir une analyse qui avait été déjà faite et

 19   que je ne disposais que des informations limitées.

 20   Q.  Et ces informations limitées dont vous disposiez, il s'agissait,

 21   j'imagine, de revoir les documents qui étaient les documents de la FORPRONU

 22   ?

 23   R.  Mais j'avais une autre pièce d'information vu que j'ai pu examiner un

 24   certain nombre de photos du site après l'incident, et puis je me souviens

 25   que j'ai aussi passé en revue les informations qui se trouvaient dans le

 26   registre du siège du centre des opérations pour la période pertinente. Mais

 27   je n'ai pas vraiment utilisé d'autres informations.

 28   Q.  Donc est-ce que je vous ai bien compris, vous n'avez pas vu les photos


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  1   qui ont été fournies par la FORPRONU, mais vous avez vu d'autres photos,

  2   des photos que la FORPRONU n'avait pas, dont elle ne disposait pas à

  3   l'époque ?

  4   R.  Je ne me souviens pas d'où venaient ces photos. Je me souviens qu'elles

  5   étaient parmi les documents que l'on m'a fournis. Et puis je ne me souviens

  6   pas que j'aie vu ces photos dans l'analyse. Et je dois dire que moi-même je

  7   n'ai jamais vraiment vu le cratère.

  8   Q.  Et vous n'avez pas parlé avec les membres de la FORPRONU qui avaient

  9   fait l'enquête initiale ?

 10   R.  Même si je l'aurais voulu, mais non, ce n'était pas le cas.

 11   Q.  Donc vous n'avez pas préparé un rapport écrit qui comprenait votre

 12   évaluation et vos conclusions ?

 13   R.  Vu ma fonction à l'époque, normalement j'aurais dû le faire, mais je ne

 14   me souviens pas clairement de cela. Je me souviens, en revanche, que j'ai

 15   informé oralement un groupe d'officiels des résultats auxquels j'étais

 16   arrivé.

 17   Q.  Et vous ne vous souvenez pas qui étaient ces personnalités officielles

 18   que vous avez informées à l'époque ?

 19   R.  Non. Je crois qu'il s'agissait de réunions opérationnelles dont nous

 20   avions convenu régulièrement, et c'était l'un de ces points à l'ordre du

 21   jour ce jour-là dont il fallait informer le personnel militaire au sujet

 22   donc des résultats de mon examen.

 23   Q.  Pour être tout à fait clair, bien que vous y ayez fait allusion déjà,

 24   vous n'avez jamais vu ni examiné de cratères, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et vous n'avez pas examiné ni ne vous êtes rendu sur le milieu, n'est-

 27   ce pas ?

 28   R.  En effet.


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  1   Q.  Vous n'avez pas examiné ni vu de stabilisateur ou d'empennage ?

  2   R.  Non, je n'ai vu que des photographies.

  3   Q.  Et vous n'avez pas examiné le moindre élément de preuve potentiel ?

  4   R.  Non, en effet, Monsieur le Procureur.

  5   Q.  Comme nous l'avons déjà relevé, vous n'avez pas interrogé le moindre

  6   témoin ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Très bien. Alors, dans le résumé de votre déclaration, il est indiqué

  9   que vous êtes parvenu à certaines conclusions, et parmi elles il y a celle

 10   consistant à dire que vous aviez des doutes sérieux quant aux procédures

 11   utilisées et quant au point de vue qui avait été adopté quant à ce qui

 12   avait été fait ou non. Alors je voudrais revenir sur ces points, Monsieur

 13   Joudry.

 14   Dans votre résumé de déposition, M. Karadzic s'est référé à la

 15   préoccupation qui a été la vôtre concernant le fait que de nombreux, ou

 16   plutôt, la plupart des éléments d'information ont été collectés des heures,

 17   voire des jours après l'explosion plutôt que d'avoir été collectés

 18   directement après l'explosion à partir d'un cratère non altéré, et donc que

 19   ces éléments d'information ont été collectés sur un site public.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 21   Monsieur Joudry, est-ce que vous avez un exemplaire de votre déclaration ?

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cela s'affiche à l'écran.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaiteriez en avoir un

 25   exemplaire imprimé ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, s'il y en a un, je veux bien.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, c'est toujours

  2   utile.

  3   Q.  Monsieur Joudry, je me référais au paragraphe numéro 16 en page numéro

  4   3.

  5   R.  Oui, je l'ai.

  6   Q.  Il semblerait que tout au long de votre déclaration vous ayez maintenu

  7   ce que vous considérez comme étant un motif de préoccupation, à savoir le

  8   délai qui a marqué l'arrivée de la FORPRONU et la collecte des

  9   informations. Donc au paragraphe 26 de votre déclaration, vous vous référez

 10   au délai intervenu avant l'arrivée sur les lieux des équipes des Nations

 11   Unies, vous dites que c'est là l'un des facteurs qui vous ont amené à

 12   conclure que l'explosion avait probablement été causée par un projectile à

 13   lancement manuel, que c'était là quelque chose de possible ou de probable.

 14   Alors, Colonel, selon vous, combien de temps s'est-il écoulé avant que des

 15   représentants officiels de la FORPRONU n'arrivent sur les lieux ?

 16   R.  Eh bien, comme je l'ai dit, j'avais accès à des documents écrits à

 17   l'époque, et j'ai cru comprendre que les toutes premières équipes étaient

 18   peut-être arrivées sur site en dix minutes à peine et que la première

 19   analyse de cratère, pour autant que j'ai pu m'en rendre compte, est

 20   intervenue environ deux heures après l'explosion. Donc je crois que de

 21   nombreuses informations particulièrement importantes auraient pu être

 22   collectées dès les premières minutes en termes d'analyse de cratère. Il n'y

 23   avait rien de tel dans les rapports que j'ai pu consulter.

 24   Q.  Très bien, Colonel, donc dans votre rapport vous mettez l'accent sur le

 25   délai intervenu avant l'arrivée de la FORPRONU, je suppose que vous vous

 26   référez là, ou plutôt que ce que vous avez là à l'esprit, c'est la possible

 27   destruction d'éléments de preuve, l'altération, la contamination de ces

 28   éléments de preuve, et cetera, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui, mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit ici d'analyses de

  2   cratère sur le terrain et, à mon sens, il est inapproprié d'utiliser de

  3   tels éléments dans le contexte d'une analyse de police scientifique, en

  4   tout cas certains éléments seraient inappropriés. Et je crois que plusieurs

  5   des analyses de cratère ont été effectuées plusieurs heures après

  6   l'explosion. Bien qu'utiles, ces informations sont entachées de doute

  7   lorsque l'on essaie d'établir une culpabilité, en tout cas si on essaie de

  8   l'établir hors de tout doute, et c'est là que se situait ma préoccupation.

  9   Parce que les Nations Unies utilisaient l'analyse de cratère de façon

 10   inappropriée compte tenu des circonstances entourant l'événement.

 11   Q.  Monsieur Joudry, je sais pertinemment quelle est votre expérience en

 12   tant que militaire, vous avez parlé de votre expérience en artillerie, mais

 13   je ne crois pas, ou en tout cas je n'ai pas connaissance que vous ayez la

 14   moindre expérience en matière judiciaire ou en matière de police

 15   scientifique, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et je relève qu'à plusieurs dans votre déclaration vous essayez

 18   d'évaluer -- ou en tout cas, c'est ce que vous semblez vouloir faire, vous

 19   affirmez vouloir évaluer la teneur ou l'utilité des informations résultant

 20   des observations sur les lieux et de l'analyse de cratère du point de vue

 21   de la détermination de la culpabilité. Donc ce que je vous suggère, c'est

 22   qu'il conviendrait peut-être de laisser cela aux Juges et que, quant à

 23   nous, il serait préférable que pour le moment nous nous concentrions sur ce

 24   qui a été fait et sur les différents éléments qui ont conduit aux

 25   conclusions qui ont été rendues. Est-ce que cela vous convient ?

 26   R.  Absolument.

 27   Q.  Très bien. Alors, tout d'abord, la possibilité que des éléments de

 28   preuve aient été détruits. Est-il exact qu'à deux exceptions près d'une


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  1   durée très brève d'environ cinq minutes et après l'explosion, il y a eu une

  2   présente permanente des Nations Unies sur les lieux jusqu'au moment où

  3   l'équipe des analystes du Bataillon français est arrivée et a enlevé le

  4   stabilisateur qui se trouvait dans le cratère, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne sais pas ceci avec précision. En fait, j'ai simplement examiné

  6   les documents qui m'ont été fournis, et je ne peux ici rien confirmer ni

  7   infirmer quant à la question de savoir qui contrôlait le site, et ce n'est

  8   pas une question que j'ai examiné très en détail du point de vue de

  9   l'examen des éléments de preuve. J'ai examiné des informations qui avaient

 10   trait au site et qui étaient de nature tactique et non pas celles que vous

 11   évoquez, ce n'est pas du domaine de mon expertise.

 12   Q.  Oui, Monsieur Joudry, mais ce que je voudrais dire c'est que vous

 13   devriez avoir une connaissance de cela, parce que c'est contenu dans le

 14   rapport de la FORPRONU.

 15   R.  Non, je ne peux pas, en tout cas, vous confirmer si c'est exact ou non.

 16   Vous disposez de cette information et j'ai la même.

 17   Q.  Oui. Mais il y avait une présence continue des Nations Unies sur les

 18   lieux, et il est exact également, n'est-ce pas, que l'équipe du Bataillon

 19   français chargée d'analyser le cratère est arrivée à confirmer que le

 20   cratère semblait ne pas avoir été altéré et être le résultat d'une

 21   explosion récente. Il ne semblait pas au moment de leur arrivée qu'il y ait

 22   eu des altérations. Ceci figure également dans le rapport de la FORPRONU,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, je me rappelle l'avoir lu.

 25   Q.  Puisque vous-même vous n'êtes jamais allé sur le site, je suppose que

 26   vous ne disposez d'aucun élément vous permettant de remettre en question

 27   les observations de ceux qui se sont rendus directement sur place et qui

 28   l'ont vu et observé de leurs propres yeux ?


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  1   R.  Tout à fait.

  2   Q.  Alors autre élément, des doutes que vous avez formulés, le fait d'ôter

  3   le stabilisateur ou l'empennage, de les retirer de l'emplacement où ils

  4   s'étaient fichés dans le sol à l'intérieur du cratère, c'est bien cela,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et comme nous avons pu le relever à l'occasion de la lecture du résumé,

  8   vous avez relevé au paragraphe numéro 23 de votre déclaration que le canal

  9   du détonateur, c'est-à-dire le canal laissé derrière lui par l'empennage

 10   avait été altéré et que, par conséquent, il n'était plus possible de

 11   calculer l'angle de chute, l'angle de descente. C'est quelque chose qui

 12   vous posait problème et vous en avez fait état dans votre déclaration,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Ce n'est pas le stabilisateur qui creuse ce canal, mais l'amorce, le

 15   détonateur. Et comme il s'agit d'un cratère de mortier, eh bien, le

 16   stabilisateur aurait dû se trouver dans le sillage du projectile.

 17   Q.  Mais savez-vous ce qu'il est advenu de ce détonateur dans ce cas précis

 18   ?

 19   R.  Non, je l'ignore.

 20   Q.  Donc nous ne savons pas si le détonateur s'est retrouvé dans le cratère

 21   ou s'il a été détruit à l'occasion de l'impact ? Vous n'avez pas d'éléments

 22   vous indiquant, qui privilégie l'une ou l'autre des hypothèses, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  En effet.

 25   Q.  Alors ce que nous savons c'est que le stabilisateur s'est fiché dans le

 26   sol, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Très bien. Alors lorsque j'ai parlé de ce canal, plutôt de cavité pour


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  1   être plus clair.

  2   R.  Très bien.

  3   Q.  Donc concernant la cavité ou le canal dans lequel le stabilisateur

  4   était fiché, est-ce que vous en connaissez la taille; est-ce que vous

  5   connaissez la profondeur à laquelle le stabilisateur s'était enfoncé et les

  6   dimensions de cette cavité ou de ce canal ?

  7   R.  Eh bien, dans le souvenir que j'ai de ma lecture des rapports, le canal

  8   laissé derrière lui par l'amorce faisait environ 10 à 15 centimètres et le

  9   stabilisateur y était fiché jusqu'à un certain point.

 10   Q.  Très bien. Le rapport de la FORPRONU est tout à fait clair. Je crois

 11   qu'il est question de 8 à 10 centimètres sous la surface du sol, donc la

 12   profondeur à laquelle il s'était enfoncé, et environ 20 à 30 centimètres de

 13   profondeur en tout, ou plutôt, de hauteur, mais je crois que tout ceci

 14   figure clairement déjà au compte rendu.

 15   Alors, je crois qu'on peut sans risque affirmer que le stabilisateur est

 16   ensuite retiré de la position à laquelle il se trouvait fiché dans le sol.

 17   Et on peut probablement dire qu'il n'y a qu'un nombre réduit de

 18   possibilités. On peut imaginer que le sol s'effrite au moment où l'on

 19   retire le stabilisateur, ce qui recouvre le canal ou la cavité initialement

 20   présents. Une autre possibilité serait que la cavité ou le tunnel soit

 21   élargi du fait des tentatives de retirer le stabilisateur. Et troisième

 22   possibilité, que l'altération résultant du fait que l'on retire le

 23   stabilisateur soit tout à fait minimale, de la taille d'un bouchon de

 24   liège, par exemple. Donc est-ce que vous conviendriez qu'il s'agit là des

 25   trois seules possibilités, ou bien est-ce que vous souhaiteriez en ajouter

 26   une ou peut-être en retirer ?

 27   R.  Non, cela me semble raisonnable.

 28   Q.  Alors, vous n'avez pas examiné ce canal ou ce tunnel, n'est-ce pas ?


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  1   R.  En effet.

  2   Q.  Donc vous n'aviez pas la possibilité de vous rendre compte par vous-

  3   même de l'ampleur des altérations ?

  4   R.  En effet.

  5   Q.  Mais ceux qui se sont trouvés sur place ont pu le faire, n'est-ce pas ?

  6   Donc est-ce que, Monsieur Joudry, vous savez si l'une des personnes qui ont

  7   été présentes sur le site et qui ont pu observer ce tunnel, ce canal, a

  8   déposé devant ce Tribunal ? Est-ce que vous savez que cela ait en fait été

  9   le cas ?

 10   R.  Je ne suis pas surpris de l'apprendre.

 11   Q.  Très bien. Est-ce que vous savez que le tunnel qu'il a observé était

 12   intact ?

 13   R.  Eh bien, c'est l'une des possibilités.

 14   Q.  Non, ce n'est pas une possibilité. C'est cette personne qui a été

 15   présente sur le site même qui l'a affirmé.

 16   R.  Eh bien --

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je comprends.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] M. Tieger ne peut pas déposer comme il est

 21   en train de le faire.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Mais je ne suis pas en train de déposer, c'est

 23   le colonel Hamill qui l'a dit en page 9 729 du compte rendu.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] C'est là la bonne façon de poser la

 25   question. Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Et à cette page du compte rendu, le colonel Hamill indique qu'un relevé


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  1   précis pouvait être fait et qu'il a procédé, en conséquence, parce que le

  2   canal laissé par le détonateur était toujours intact. Il s'agissait là

  3   d'informations auxquelles vous aviez accès, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, mais je n'étais pas au courant de cela.

  5   Q.  Très bien. Alors, c'est exactement ce qu'a dit le colonel Hamill dans

  6   son rapport parce qu'il a pris des relevés, tant de l'angle de chute que

  7   des autres paramètres figurant dans son rapport. Est-ce que c'est quelque

  8   chose que vous avez oublié ?

  9   R.  Non, non, non, je ne me rappelle pas l'individu que vous évoquez, mais

 10   je me rappelle tout à fait certainement que ceci faisait partie des

 11   informations qui étaient à ma disposition. Ceci dit, encore une fois,

 12   puisque je n'ai pas pu voir moi-même le cratère, et j'étais formateur en

 13   matière d'analyse de cratère, mais je n'étais pas l'un des observateurs de

 14   ce cratère précis, et il y a un principe de base en matière d'analyse de

 15   cratère, qui est : Ne pas altérer le cratère. Une fois que vous retirez un

 16   élément comme vous venez de le décrire, ce que vous obtenez c'est tout

 17   simplement un cratère altéré, qu'il s'agisse d'un canal laissé par un

 18   détonateur ou d'autre chose. Ce que vous obtenez c'est un cratère altéré et

 19   toute information obtenue par la suite est sujette à caution. C'était ce

 20   que je mettais en avant auprès de la FORPRONU à l'époque. Et ces

 21   informations étaient collectées d'ailleurs par des personnes qui ont été

 22   les premières à arriver sur site et pour lesquelles je trouve absolument

 23   incroyable qu'elles aient retiré l'empennage avant de procéder à la

 24   collecte du reste des informations, surtout qu'elles étaient formées à

 25   l'analyse de cratère.

 26   Q.  Donc vous avez dit aux représentants de la FORPRONU que c'était une

 27   question de principe, que ce n'était pas une bonne idée de retirer le

 28   stabilisateur avant de prendre les relevés, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Absolument.

  2   Q.  Donc vous étiez préoccupé par la violation de ce principe, et je

  3   voulais simplement que ceci soit consigné comme une source possible de la

  4   préoccupation qui était la vôtre et de vos doutes. Vous indiquez que

  5   c'était le cas bien que vous n'ayez pas pu voir ce qui restait de ce canal

  6   et que vous n'ayez pas su dans quelle mesure il avait pu être altéré,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Alors, outre l'analyse effectuée par le colonel Hamill en se fondant

 10   sur le stabilisateur et le canal qu'il avait laissé derrière lui, est-ce

 11   que vous étiez au courant du fait qu'un autre représentant de la FORPRONU

 12   avait également procédé à une analyse de l'angle de chute en se fondant sur

 13   le canal laissé derrière lui par le détonateur -- ou plutôt, le

 14   stabilisateur ?

 15   R.  Eh bien, d'après ce dont je me souviens, il y avait au moins sept ou

 16   huit analyses différentes effectuées sur le site de ce cratère et, comme je

 17   l'ai dit, elles s'étendaient dans le temps entre quelques heures après

 18   l'explosion jusqu'à quelques jours après. Donc oui, il y a eu un certain

 19   nombre de personnes qui ont pris des relevés à partir de ce cratère. Mais

 20   je voudrais dire qu'indépendamment de la question de l'expertise, disons,

 21   compte tenu du fait que l'événement date déjà d'une vingtaine d'années, à

 22   moins que je ne me trompe, lorsque nous parlons d'un canal laissé par un

 23   détonateur, ce n'est pas quelque chose qui est causé par le stabilisateur

 24   dans le cratère, d'un mortier. C'était là l'une des incohérences que j'ai

 25   trouvées dans les informations. Si vous avez un cratère profond,

 26   apparemment celui-là l'était, eh bien manifestement, le détonateur s'est

 27   fiché dans le sol, il y a eu impact de ce détonateur sur le sol qui a donc

 28   pénétré la surface. Et le détonateur du projectile, la barre pointue qui se


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  1   trouve à l'avant du projectile, est l'élément à l'origine de ce tunnel,

  2   donc il semblerait que dans ces cas-là le stabilisateur ait suivi. C'est la

  3   façon dont ce type de traces apparaît.

  4   Q.  Je ne souhaite pas revenir inutilement sur des éléments que vous avez

  5   déjà décrits, Monsieur le Témoin, et dont nous avons déjà parlé. Vous avez

  6   dit que vous étiez d'accord pour dire qu'une chose que nous ignorions ou,

  7   en tout cas que vous, vous ignoriez, c'était la question de savoir si le

  8   stabilisateur se trouvait fiché dans le sol dans une cavité ou dans un

  9   canal et il a été dit que ceci a été retiré, mais que nous ne savions pas

 10   si cela avait été retiré d'une cavité, d'un trou, d'un tunnel, et si cela

 11   avait été examiné ensuite par la FORPRONU ou d'autres représentants, enfin,

 12   que vous ne le saviez pas, en tout cas ?

 13   R.  Oui, mais je ne suis pas sûr, en tout cas, de la compréhension que les

 14   Juges auront du fait qu'une cavité ne peut pas être créée par un

 15   stabilisateur. C'est le détonateur lui-même, le projectile a un détonateur

 16   qui explose et qui n'est donc plus présent après l'explosion. Peut-être que

 17   cela n'a pas beaucoup d'intérêt, mais je voulais simplement être sûr que ce

 18   soit précis.

 19   Q.  Très bien, alors laissons ceci de côté pour quelques instants. La

 20   FORPRONU a utilisé, n'est-ce pas, les éléments qu'elle a retirés du

 21   cratère, dont le stabilisateur. Alors qu'il s'agisse d'une cavité, d'un

 22   trou ou d'un canal, ces éléments ont été utilisés par la FORPRONU pour

 23   calculer l'angle de chute ?

 24   R.  Oui. Je crois que ce que j'essaie de préciser est la chose suivante :

 25   si le projectile n'avait pas pénétré dans le sol et explosé, il n'y aurait

 26   pas eu de canal laissé par le détonateur, peut-être que l'on aurait

 27   retrouvé le stabilisateur aux alentours du cratère, mais on n'aurait pas pu

 28   le retrouver dans la cavité parce qu'il n'y aurait pas eu de cavité. C'est


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  1   ce que j'essayais de mettre en avant.

  2   Q.  Très bien. Nous y reviendrons dans quelques instants. Mais il existe

  3   une technique particulière connue sous le nom de technique du canal de

  4   détonateur qui permet, entre autres choses, de calculer l'angle de chute du

  5   projectile, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Et ce en quoi cela consiste fondamentalement, c'est d'utiliser l'angle

  8   que l'on peut mesurer au niveau de cette cavité pour déterminer l'angle de

  9   chute du projectile au moment de son impact sur le sol ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors, cette technique du "canal de détonateur" appartient à la

 12   terminologie spécialisée de ce domaine, et elle a été utilisée, n'est-ce

 13   pas, par les représentants de la FORPRONU -- en tout cas, ils ont utilisé

 14   ce terme en décrivant la méthodologie appliquée par eux au moment de

 15   l'examen de cette cavité, celle dont nous sommes en train de discuter ?

 16   R.  En effet.

 17   Q.  Alors, vous vous rappelez, n'est-ce pas, les conclusions auxquelles le

 18   colonel Hamill est parvenu lorsqu'il a calculé l'angle de chute en

 19   s'appuyant sur ce canal ? Est-ce que vous vous rappelez la conclusion à

 20   laquelle est parvenu le colonel Hamill et la conclusion à laquelle sont

 21   parvenus d'autres représentants de la FORPRONU en effectuant la même

 22   analyse ?

 23   R.  Non, pas particulièrement, mais j'ai déjà dit que je me rappelais avoir

 24   lu les analyses effectuées par sept ou huit individus différents. Je ne me

 25   rappelle pas les informations provenant du colonel Hamill en particulier.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre. Il faut ménager un


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  1   peu de temps pour que les interprètes puissent traduire.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, nous sommes ici présents tous les jours et nous

  4   oublions parfois qu'il y a interprétation simultanée de nos propos; par

  5   conséquent, si nos questions et nos réponses s'enchaînent trop rapidement,

  6   il n'y a pas suffisamment de temps pour permettre cette interprétation. Je

  7   souhaite simplement donc vous en avertir.

  8   R.  Je vous remercie.

  9   Q.  Donc, je suppose que vous êtes d'accord pour dire que l'angle de chute

 10   déterminé par le colonel Hamill était entre 950 et 

 11   1 100 milliradians, ce qui veut dire 53,5 à 61,9 degrés, n'est-ce 

 12   pas ?

 13   R.  Ça semble juste, oui.

 14   Q.  Et qu'un autre représentant officiel de la FORPRONU a déterminé un

 15   autre angle de descente en utilisant la cavité ou ce tunnel et l'a

 16   déterminé à environ 1 000 ou 1 100 milliradians, ce qui veut dire 56,2 à

 17   61,9 degrés, n'est-ce pas ?

 18   R.  Si ce sont les informations de l'analyse que j'ai vue, alors je réponds

 19   oui.

 20   Q.  Très bien. Donc, ces deux représentants officiels de la FORPRONU

 21   sur les lieux qui ont regardé le cratère intact, tel que le colonel Hamill

 22   l'a décrit, et qui ont utilisé la technique du canal de détonateur et

 23   d'autres techniques qu'ils ont considérées comme étant appropriées pour

 24   procéder à leur évaluation de l'angle de descente, c'est bien cela qu'ils

 25   ont fait ?

 26   R.  Je n'ai jamais remis en question les informations qui ont été réunies

 27   sur les lieux, les calculs qui ont été effectués. Ce qui m'inquiétait et ce

 28   que j'ai exprimé aux officiels de la FORPRONU, c'était la manière dont ces


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  1   informations avaient été récoltées, la nature et la portée de l'analyse de

  2   cratère, et les conclusions des officiels de la FORPRONU s'agissant de ces

  3   informations.

  4   Q.  J'ai fait allusion tout à l'heure aux différentes possibilités d'impact

  5   dans le puits lorsque l'on a retiré le stabilisateur. Pouvez-vous me dire

  6   s'il existe une bonne méthode pour tester l'impact du retrait du

  7   stabilisateur dans ce puits ? Par exemple, serait-il utile de déterminer

  8   l'effet, s'il en existe un, du retrait du stabilisateur du puits pour

  9   réinsérer le stabilisateur et voir s'il est tombé là parce que le trou

 10   s'est élargi ou s'il n'aurait pas pu créer ce cratère et n'avait pas la

 11   bonne taille, tout comme la pantoufle de verre de Cendrillon essayée par

 12   plusieurs prétendantes ?

 13   R.  Sans avoir vu le cratère et les conditions du sol, je ne peux pas vous

 14   l'affirmer, mais si quelqu'un avait décidé de réinsérer le stabilisateur

 15   dans le puits, je pense que cette évaluation aurait été faite. Et

 16   j'ajouterais à cela qu'il existe une méthode en analyse de cratère, méthode

 17   qui est utilisée lorsque l'on n'a pas de stabilisateur à retirer. En fait,

 18   il y a un puits de détonateur défini, l'une des méthode est en fait de

 19   prendre un morceau de bois ou un bâton et de l'insérer dans le puits créé

 20   et de mesurer cela de cette façon, comme lorsque l'on réinsère le

 21   stabilisateur. Donc, si quelqu'un sur le terrain avait décidé de procéder à

 22   l'analyse de cratère, je pense qu'une estimation aurait été faite. Mais

 23   c'est une estimation. Et je voulais juste m'assurer que les représentants

 24   officiels de la FORPRONU connaissaient le niveau de précision, qui était

 25   plutôt large dans ce cas précis.

 26   Q.  J'accepte votre point de vue. Vous nous dites que vous étiez inquiet du

 27   fait que les représentants officiels de la FORPRONU étaient au courant de

 28   l'impact potentiel du retrait du stabilisateur. Mais, en fait, son impact


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  1   sur le niveau de précision varierait en fonction de la nature du retrait,

  2   de la nature du sol et du test effectué pour voir dans quelle mesure le

  3   stabilisateur s'imbrique bien ou pas dans le puits créé, et ces facteurs

  4   seraient les facteurs déterminants pour voir si la précision est au rendez-

  5   vous ou pas ?

  6   R.  Les représentants officiels militaires sur le terrain qui ont mené

  7   cette première analyse de cratère et avaient décidé de réinsérer

  8   l'empennage ont fait ce que je viens de vous décrire, c'est-à-dire ont agi

  9   comme s'il s'agissait simplement d'un canal de détonateur et ont réinséré

 10   l'objet pour mesurer un angle, ce qui est une procédure acceptable dans

 11   l'analyse de cratère. Donc, ce que vous essayez de faire, c'est d'avoir une

 12   estimation de l'angle d'impact, et le degré de précision est impossible à

 13   déterminer véritablement.

 14   Q.  Bien, soyons clairs là-dessus. Je n'ai pas dit que les représentants

 15   officiels de la FORPRONU avaient réinséré l'empennage. Je ne sais pas

 16   exactement où vous avez vu cela dans le rapport de la FORPRONU ou pas. Je

 17   parle d'autres représentants officiels.

 18   R.  Eh bien, ceux qui étaient sur le terrain avaient fait une analyse de

 19   cratère, et, d'après ce que j'ai compris, ils ont réinséré cet empennage

 20   dans le puits créé par l'obus pour avoir l'angle d'impact, oui.

 21   Q.  Est-ce que vous savez si des représentants officiels de la police

 22   scientifique bosnienne ont réinséré l'empennage ?

 23   R.  Je n'en ai aucune idée.

 24   Q.  Savez-vous si l'empennage était entre les mains de représentants

 25   officiels du gouvernement bosnien après son retrait par le Bataillon

 26   français IV du cratère jusqu'à son examen ultérieur par les représentants

 27   officiels de la FORPRONU ?

 28   R.  Oui, je l'ai vu dans les rapports, je m'en souviens.


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  1   Q.  La Chambre de première instance a reçu des éléments de preuve, Monsieur

  2   Joudry; par exemple, la pièce P2317, à la page 5, nous parle de l'étude des

  3   circonstances des faits qui ont eu lieu à Markale, étude de la part d'une

  4   commission technique des autorités bosniennes, où elle nous parle de la

  5   réinsertion du stabilisateur, de la reconstruction de la position du

  6   stabilisateur et des mesures prises à partir de cette position. Le saviez-

  7   vous à l'époque ?

  8   R.  Je ne m'en souviens pas précisément, mais je me souviens qu'une partie

  9   des informations dont je disposais disaient que l'analyse de l'angle de

 10   chute avait été faite en réinsérant l'empennage dans le cratère.

 11   Q.  Cette Chambre a également reçu des éléments de preuve provenant du

 12   technicien ou du représentant officiel qui était technicien qui a participé

 13   à cela, et il a expliqué à la Chambre de première instance que le

 14   stabilisateur s'imbriquait bien dans le tunnel et lui avait permis de

 15   conclure raisonnablement que c'était là où il se trouvait avant son retrait

 16   ?

 17   R.  Si ce sont les preuves apportées, très bien.

 18   Q.  Et savez-vous, Monsieur Joudry, que les calculs de l'angle de chute

 19   résultant de cette reconstitution étaient en fait les mêmes que ceux qui

 20   avaient été opérés par le colonel Hamill et par d'autres analystes de la

 21   FORPRONU auxquels j'ai fait référence, à savoir un angle allant de 55 à 65

 22   degrés, grosso modo 60 degrés ?

 23   R.  Oui, ça me semble raisonnable comme mesure.

 24   Q.  Monsieur Joudry, j'aimerais à présent regarder votre évaluation. Vous

 25   dites qu'en utilisant les tables de tir, vous avez pu déterminer une portée

 26   maximale et minimale -- je fais référence, d'ailleurs, au paragraphe 24 de

 27   votre déclaration, 24(B). Et j'aimerais discuter de la partie de votre

 28   déclaration - bon, j'ai parlé d'un "rapport" tout à l'heure, mais, bien


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  1   sûr, je voulais dire déclaration - reprise dans le résumé dont M. Karadzic

  2   nous a donné lecture. On nous y dit que la portée minimale et maximale du

  3   projectile avait probablement été tirée d'une zone qui dépassait légèrement

  4   la ligne de confrontation mais dont 95 % se trouvaient du côté du

  5   gouvernement bosnien sur la ligne de confrontation. Donc, je voudrais vous

  6   parler de cela.

  7   R.  D'accord.

  8   Q.  Pour arriver à cette conclusion ou à cet avis exprimé par vous dans le

  9   paragraphe 24(B), vous y affirmez que le projectile avait probablement été

 10   tiré du territoire contrôlé par les bosniens, vous avez utilisé l'angle de

 11   descente déterminé par la FORPRONU et dont nous avons parlé il y a quelques

 12   instants, n'est-ce pas ?

 13   R.  Alors, d'après ce que je me souviens, j'ai utilisé la portée qui avait

 14   été calculée à partir de ces angles mesurés, oui.

 15   Q.  Et donc, vous les avez appliqués sur les tables de tir pour les armes

 16   en question ?

 17   R.  Oui. C'est ce que j'aurais fait, oui.

 18   Q.  Très bien. Tout d'abord, au paragraphe 24(B), vous nous dites qu'en

 19   utilisant les données obtenues par les équipes militaires des Nations

 20   Unies, vous avez "terminé les différentes étapes d'une analyse de cratère

 21   complète de terrain traditionnelle."

 22   C'est ce que vous avez déclaré dans votre déclaration, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Très bien. Alors, pour que les choses soient claires, ce serait en

 25   l'occurrence une analyse de cratère complète, à l'exception du fait que

 26   vous ne vous êtes pas rendu sur les lieux, vous n'avez pas étudié le

 27   cratère, vous n'avez pas étudié l'empennage, vous n'avez pas étudié les

 28   preuves physiques et vous n'avez pas interrogé des témoins ?


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  1   R.  Oui. Mais une "analyse de cratère complète", pour moi, répond à ce que

  2   j'ai fait. J'ai expliqué cela aux représentants de la FORPRONU, je leur ai

  3   dit que l'analyse qu'ils avaient menée ou que dans leur analyse, en tout

  4   cas, ils avaient sauté une étape. En fait, moi, j'ai terminé la dernière

  5   étape qui aurait été faite dans des circonstances normales.

  6   Q.  Donc, vous pensez que cette étape c'est de déterminer l'angle de chute

  7   et de l'appliquer aux données disponibles dans les tableaux de tir pour un

  8   mortier de 120 millimètres afin de déterminer les différentes distances

  9   entre la position de tir et l'impact du projectile en fonction du nombre de

 10   charges ?

 11   R.  Oui, oui. A l'époque, c'était l'approche contemporaine que l'on

 12   utilisait pour terminer une analyse de cratère, oui.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Juge, je tiens compte du temps, et

 14   je pense que vu que la pause approche, je serai coupé en plein milieu d'une

 15   question.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps avez-vous besoin

 17   encore, Monsieur Tieger ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Environ une heure, Monsieur le Juge.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, nous allons faire une pause

 20   d'une demi-heure.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Tieger.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 25   Q.  Monsieur Joudry, avant de faire une pause vous nous avez indiqué que

 26   vous aviez terminé la dernière étape, ce qui, d'après ce que je comprends,

 27   veut dire que vous avez analysé les tables de tir pour déterminer les

 28   distances parcourues par les différentes charges utilisées ?


Page 29350

  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Mais dans votre déclaration, vous vous concentrez sur deux charges, et

  3   je vais être plus précis. Vous nous dites que vous avez utilisé des données

  4   de tableaux de tir, et d'après cela vous avez estimé qu'il y avait deux

  5   charges probables, le tir de mortier devait avoir été tiré à une charge

  6   optimum pour provoquer des dommages maximaux sur la cible. La rapidité, la

  7   vitesse d'impact était élevée à la surface ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Donc vous nous dites que vous avez conclu que les charges 1 et 2,

 10   comparativement aux charges 3, 4, 5 et 6, étaient celles pour lesquelles

 11   vous vous êtes concentré, et ces deux premières charges se trouvaient dans

 12   la zone que vous avez indiquée au paragraphe 24(B) ?

 13   R.  Peut-être que ce n'est pas clair dans ma déclaration, mais je pense que

 14   cela vaut la peine de rappeler à la Chambre que je n'ai pas gardé de notes

 15   sur ces faits. Je n'ai pas de rapports pour me référer. Donc je ne me fonde

 16   que sur ma mémoire, et je ne me souviens pas de quelles charges j'ai parlé

 17   dans mes conclusions. Je me souviens avoir pris les données, entré dans les

 18   tables de tir l'angle d'impact, comme on l'aurait fait normalement à cette

 19   étape de l'analyse de cratère. Et dans ce cas-là, il faudrait appliquer ses

 20   connaissances en artillerie à la situation, ce que j'ai fait, et c'est pour

 21   cela que j'ai dit qu'il s'agissait d'une étape normale d'une analyse de

 22   cratère de terrain; et les conclusions auxquelles je suis arrivé se fondent

 23   sur les données, j'ai dit que la zone possible sur la carte chevauchait ou

 24   dépassait la ligne de confrontation.

 25   Q.  Supposons pour l'instant que la personne responsable du tir de

 26   projectiles avait fait l'évaluation que vous avez faite, c'est-à-dire,

 27   avait voulu utiliser la charge la plus basse pour arriver à des dégâts

 28   maximums et la rapidité d'impact la plus faible, dans ce cas-là, cela


Page 29351

  1   dépendrait de l'emplacement de l'unité de mortier ou de la batterie. En

  2   d'autres mots, en fonction du lieu d'une batterie de mortier, la charge

  3   utilisée sera déterminée pour atteindre la zone cible en fonction de la

  4   distance de cette zone cible, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, cela fait partie de l'analyse lorsque l'on choisit la charge

  6   optimale.

  7   Q.  Soyons clairs. J'aurais pensé que l'aspect principal et fondamental

  8   dans le choix de la charge optimale c'est de pouvoir atteindre la cible ?

  9   R.  Oui, au minimum.

 10   Q.  Très bien. Et si la batterie se situe à une certaine distance de cette

 11   cible, elle dictera les besoins d'un certain type de charge, vous

 12   n'utiliserez pas la charge 1 ou 2, mais plutôt les charges 3, 4, 5 ou 6,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, oui, absolument.

 15   Q.  Si vous vous trouvez à une distance où la charge utilisée va augmenter

 16   la rapidité d'impact, il y a plusieurs façons d'avoir une incidence sur

 17   l'explosion en déplaçant le mortier plus ou moins à proximité de la cible,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Lorsqu'on l'on calcule la solution d'artillerie au point de tir, il y a

 20   plusieurs facteurs qui devraient être pris en compte.

 21   Q.  Parmi ces facteurs, la disponibilité et l'existence de plusieurs types

 22   d'amorces ou de plusieurs ajustements de ces amorces ?

 23   R.  Oui, absolument.

 24   Q.  Donc, ce serait une amorce à retardement, un impact à retardement, un

 25   impact très rapide qui aurait fait que le projectile explose avant le

 26   contact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Maintenant, s'agissant de la rapidité d'impact, il y a différents


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  1   indices concernant la rapidité de l'impact. Et en réalité, est-ce qu'à

  2   cause de cela que les stabilisateurs auraient pu s'enfoncer aussi

  3   profondément dans le cratère ? L'effet est que l'empennage, le

  4   stabilisateur était si profondément dans le cratère, est-ce que ce n'est

  5   pas un indice qui nous amène dans le sens d'une grande rapidité de l'impact

  6   ?

  7   R.  Oui, ceci est une possibilité.

  8   Q.  Et ceci aussi impliquerait une charge plus élevée, n'est-ce pas, pour

  9   justement obtenir cette grande rapidité ?

 10   R.  Oui, dans la source de la balistique, dans ce cas-là la vélocité aurait

 11   été très grande.

 12   Q.  Eh bien, maintenant je voudrais venir à la conclusion de votre rapport,

 13   là où vous parlez du fait que l'impact est venu d'un toit, du toit d'un

 14   immeuble. Vous avez dit dans le paragraphe 24(C) que si l'objectif était de

 15   faire exploser le mortier sur le marché, la meilleure façon d'obtenir cela

 16   était de le lancer à partir d'un toit d'immeuble assez proche. Tout

 17   d'abord, dans le paragraphe 6 [comme interprété], vous avez dit que parmi

 18   les facteurs que vous avez pris en compte pour arriver à la conclusion que

 19   ce projectile était -- afin, l'endroit d'où il était tiré, quand vous dites

 20   probablement, quel est le degré de certitude ? Donc ce "probablement",

 21   s'agit-il là d'une évaluation, d'une possibilité, est-ce quelque chose qui

 22   est proche de la réalité, est-ce que vous pensez que c'est quelque chose

 23   qui a été lancé à la main d'un bâtiment à proximité ?

 24   R.  Eh bien, c'est quelque chose qui figure dans le paragraphe 24(B). Quand

 25   vous faites une analyse de cratère sur le terrain, eh bien, vous devez

 26   suivre les informations, mais ce n'est pas ce qu'ils ont fait. Moi, j'ai

 27   fait une analyse en me basant sur mes connaissances d'artilleur, mais je le

 28   redis tout de même, que j'ai fait une analyse sans avoir vu le cratère et


Page 29353

  1   que je n'aurais pas fait la même chose si j'avais eu la possibilité de voir

  2   le cratère. Donc, je ne suis pas arrivé à la conclusion que l'alternative

  3   (B) ou (C) était plus probable, il s'agit tout simplement de deux

  4   solutions, de deux alternatives que j'ai inclues dans ma conclusion

  5   concernant l'analyse du cratère.

  6   Q.  On va voir une de ces alternatives, à savoir le lancement à partir d'un

  7   toit d'immeuble. Donc, vous savez que les officiels qui se sont rendus sur

  8   le lieu sont arrivés à une conclusion, et ils ont dit qu'il était clair

  9   qu'il ne s'agissait pas là d'un projectile lancé à la main à partir d'un

 10   bâtiment à proximité.

 11   Et c'est quelque chose qui figure dans la pièce à conviction P1441

 12   qui se trouve à la page 25 du système de prétoire électronique. Vous savez

 13   que tous ceux qui se sont rendus sur le site sont arrivés à la conclusion

 14   que la conclusion que vous faites n'est pas une option, n'est pas

 15   possible ?

 16   R.  Je me souviens avoir lu l'analyse faite par un individu à l'époque. Et

 17   moi, je pense qu'on ne peut pas exclure cette possibilité, c'est mon point

 18   de vue.

 19   Q.  Vous dites qu'un des facteurs qui vous a inclinés vers cette option-là,

 20   cette solution, est le fait qu'il y avait beaucoup de bâtiments assez hauts

 21   à proximité de la zone d'explosion. C'est quelque chose qui figure au

 22   niveau du paragraphe 25. Et je vais demander que l'on présente la pièce

 23   P1709, la page 5 de cette pièce.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Est-il possible d'agrandir cette photo sur

 25   l'écran.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, la flèche que vous voyez ici nous montre le

 27   cratère. Pourriez-vous nous dire si cette photo montre ces bâtiments élevés

 28   dont vous parlez dans votre paragraphe 26 ?


Page 29354

  1   R.  Eh bien, je n'ai pas eu accès à une photo. J'ai vu un schéma et,

  2   effectivement, ce schéma ressemblait à ces photos, à la photo des immeubles

  3   que vous voyez ici.

  4   Q.  Donc, les bâtiments, par exemple, il s'agirait là surtout du bâtiment

  5   qui est sur la droite et qui est juste derrière ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Donc, il s'agit d'un immeuble de cinq étages à peu près ?

  8   R.  Oui, d'après les mesures qui ont été effectuées et les photos, il

  9   s'agit d'un bâtiment de cinq étages à peu près.

 10   Q.  Eh bien, on va revenir là-dessus, mais je voudrais aussi examiner

 11   d'autres facteurs que vous avez pris en compte pour arriver à cette

 12   explication-là.

 13   Tout d'abord, vous avez dit qu'un des facteurs que vous avez pris en

 14   compte était à l'effet qu'il n'y a pas eu de rapports indiquant que cette

 15   zone avait été prise pour cible de feu direct, indirect, pendant les heures

 16   ou même des journées qui ont précédé l'explosion; et donc, il était

 17   pratiquement impossible qu'un obus atterrisse précisément sur la place du

 18   marché. Et c'est quelque chose qui se trouve au niveau du paragraphe 24(C).

 19   R.  Oui. Parce qu'il était pratiquement impossible d'arriver à viser la

 20   place du marché en tirant un seul obus.

 21   Q.  Donc, tout cela en supposant que l'on voulait justement tirer l'obus,

 22   le lancer sur cet endroit-là ?

 23   R.  Oui, c'est donc l'hypothèse qui est à l'appui de cette conclusion.

 24   Q.  Et donc, cette hypothèse ne serait pas valide si on avait voulu lancer

 25   cet obus à proximité du marché ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Ensuite, je pense que vous ne saviez pas qu'avant cela le marché a été

 28   pris pour cible avant cela et qu'il y a eu des obus qui sont tombés à


Page 29355

  1   proximité du marché ?

  2   R.  J'ai pu voir cela en étudiant différents rapports de la FORPRONU, mais

  3   je n'en ai pas vu qui concernait la période qui était tout proche du moment

  4   de l'explosion, à savoir le 5 février.

  5   Q.  Donc, on pourrait dire que l'on a tiré sur le marché ou à proximité à

  6   peu près 12 fois, 10 à 12 fois, au cours des trois derniers mois ?

  7   R.  Oui, je dirais que c'est exact.

  8   Q.  Et vous avez aussi évoqué un autre facteur, à savoir vous avez dit

  9   qu'il y a eu altération de la surface goudronnée à plusieurs endroits.

 10   C'est quelque chose qui figure au paragraphe 26 de votre déclaration.

 11   R.  Exact.

 12   Q.  Je sais que vous n'avez pas fait de notes et que vous n'avez peut-être

 13   pas examiné les documents de la FORPRONU, mais est-ce que vous vous

 14   souvenez qui aurait identifié les altérations de la surface goudronnée dans

 15   différents endroits ?

 16   R.  Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Moi, j'ai considéré qu'il y a eu

 17   toute une série d'incohérences par rapport aux informations que j'ai

 18   examinées quand il s'agit de cette analyse de cratère. Une des photos

 19   montre clairement que la surface goudronnée sur le marché n'était pas

 20   intacte et elle était altérée à cause probablement de l'utilisation au

 21   cours des nombreuses années de cette même surface. Mais il n'y avait pas

 22   d'indication qui pourrait nous dire de quoi avait l'air la zone de l'impact

 23   avant l'explosion. C'est ce que j'ai voulu dire.

 24   Q.  Vous savez que l'évaluation a été faite par les personnes présentes sur

 25   la scène qui ont examiné ce cratère et qui ont pu dire de façon très claire

 26   et nette qu'il s'agissait là d'un impact d'un obus de mortier ?

 27   R.  Je ne me souviens pas avoir vu cela.

 28   Q.  Eh bien, je vais vous citer quelques références qui témoignent de cela.


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  1   Tout d'abord, la pièce P1441, à la page 23 du système de prétoire

  2   électronique, on va voir ce qui est écrit en bas de la page.On parle donc

  3   de la forme du cratère, et on dit :

  4   "A partir de la forme même du cratère, il est clair qu'il s'agit là d'une

  5   explosion provoquée par un obus de mortier."

  6   Ensuite, la page 18 :

  7   "La forme du cratère correspond à un impact habituel provoqué par un

  8   obus de mortier."

  9   Page 24 :

 10   "La forme délimitée du cratère, la dispersion des fragments d'obus,

 11   et l'endroit où les fragments d'obus ont touché le cratère, ainsi que les

 12   morts et les blessés démontrent qu'il s'agit d'une explosion qui était une

 13   explosion au niveau de l'impact avec le sol."

 14   Ensuite, la page suivante :

 15   "Le cratère correspond à un cratère typique pour les cratères

 16   provoqués par les mortiers, la partie frontale était enfoncée, et derrière

 17   vous aviez donc la dispersion des éclats."

 18   A la page 28 :

 19   "La dispersion latérale, qui était claire et nette, était provoquée

 20   par un impact direct au sol…"

 21   Et ensuite :

 22   "Le cratère est net, sa forme est clairement délimitée."

 23   Tout cela témoigne d'un impact provoqué par un obus de mortier sur la

 24   base de l'examen de l'impact et de l'examen de la dispersion des éclats

 25   d'obus.

 26   R.  Je ne me souviens pas avoir lu cette information à l'époque, et donc je

 27   ne l'ai pas incluse dans mon rapport. Moi, j'ai pu remarquer à la lecture

 28   du rapport que la plupart des experts qui ont fait l'examen du cratère


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  1   avaient vraiment du mal à évaluer ce cratère. Je me souviens d'un rapport

  2   tout particulièrement où on dit qu'il s'agissait là d'une trajectoire avec

  3   un angle assez large, assez bas, un autre rapport disait qu'il pouvait

  4   s'agir d'une table d'une hauteur d'à peu près d'un mètre du sol. Et en

  5   regardant les photos, moi je n'avais pas l'impression que ce cratère était

  6   aussi bien défini. Moi, j'ai fait un rapport sur la base des informations

  7   que j'avais à l'époque.

  8   Q.  Les facteurs que vous venez de citer nous montrent que vous avez

  9   examiné ces rapports en choisissant les infos. Tout d'abord, en ce qui

 10   concerne cet angle réduit de la trajectoire, on trouve une référence au

 11   rapport du capitaine Verdy, où il parle aussi de cet angle réduit. Vous

 12   saviez que le capitaine Verdy, sur la même page du document, a aussi

 13   mentionné des angles réduits quand il parlait de 78 degrés à peu près ?

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   Q.  Ce n'est pas un angle réduit, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, c'est vrai, mais moi je parlais justement des incohérences, et

 17   cela fait partie de ces incohérences. Parce qu'ici on ne dirait pas du tout

 18   que c'est un angle réduit, au contraire.

 19   Q.  Mais vous n'avez pas lu tout le rapport de la FORPRONU, le capitaine

 20   Verdy a dit lui-même qu'il y a eu des erreurs mathématiques, et là il a

 21   parlé des tables de tir des obusiers, alors qu'on a plutôt utilisé les

 22   tables de tir des lance-roquettes, et c'est cela qui expliquait les

 23   incohérences.

 24   R.  Moi, j'ai lu qu'il avait fait quelques erreurs de mathématiques. Mais

 25   je n'ai pas lu l'explication de ces erreurs. Moi, je ne contestais pas ces

 26   informations, les informations dont il disposait ce jour-là. Tout ce que

 27   j'ai essayé de faire c'est de les mettre en perspective et de faire une

 28   analyse de cratère normale en essayant de ne pas tirer des mauvaises


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  1   conclusions.

  2   Q.  Vous avez aussi dit dans le paragraphe 26 que "les prétendus empennages

  3   avaient changé de main."

  4   Quand vous dites "prétendus", vous vouliez finalement jeter un doute sur la

  5   provenance de l'empennage, parce que vous doutez qu'il appartenait

  6   justement à ce projectile-là ?

  7   R.  Non, je n'ai pas vu ce projectile, mais les parties du projectile. Moi,

  8   j'ai tout simplement lu des rapports, j'ai vu des photos, et je ne pouvais

  9   pas dire qu'un empennage avait été récupéré de façon correcte ou non. Je ne

 10   pouvais pas le dire vu que je n'ai pu me baser que sur les informations que

 11   l'on m'a données.

 12   Q.  Mais l'information que les rapports de la FORPRONU vous ont fournie

 13   montrait clairement que cet empennage avait un numéro de série qui avait

 14   été enregistré et fourni aux autorités bosniennes et que par la suite les

 15   autorités bosniennes et les officiels de la FORPRONU avaient examiné cette

 16   pièce en confirmant tous les deux qu'il s'agissait du même empennage ?

 17   R.  Eh bien, je vais laisser la décision aux Juges. Moi, ce que j'ai dit

 18   c'est que sur la base des informations dont je disposais, j'ai fait mon

 19   rapport. Je ne l'ai pas vu, je ne l'ai pas manipulé, touché. Je voulais

 20   tout simplement être sûr que l'on parlait exactement de la même chose, du

 21   même empennage, c'est tout.

 22   Q.  Maintenant, je vais vous demander de nous concentrer sur cette théorie

 23   alternative que vous proposez. Donc là, vous avez dit qu'il pouvait y avoir

 24   un mortier de lancé d'un des bâtiments élevés qui se trouve à proximité de

 25   la place du marché. Mais comment cela aurait été fait exactement ? Comment

 26   voulez-vous que l'on lance ce projectile à la main ? Comment tire-t-on,

 27   lance-t-on ce projectile, comment atterrit-il ?

 28   L'INTERPRÈTE : [interprétation] Les interprètes prient le témoin de bien


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  1   vouloir se reculer quelque peu du microphone. Merci.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, comme vous vous rendez certainement

  3   compte, je n'ai jamais pratiqué cela. A mon sens, il y avait de nombreuses

  4   incohérences dans les analyses de cratère faites à ce stade. Et l'une des

  5   possibilités qui se présentaient était en forme d'hypothèses, que ce

  6   serait-il passé si le projectile avait été lancé d'un toit. Et j'ai

  7   constaté que dans aucun des rapports il n'y avait la moindre indication que

  8   l'on aurait essayé d'examiner les toits des bâtiments environnants et de

  9   mesurer la température du cratère ou de l'empennage juste après être arrivé

 10   sur place, ce qui exige, évidemment, qu'on soit sur place quelques minutes

 11   après l'explosion, auquel cas la température est toujours très élevée dans

 12   le cratère. Donc, c'est l'une des solutions que j'ai avancées à titre

 13   subsidiaire, que ce projectile aurait pu être lancé d'un toit après qu'on a

 14   attaché un détonateur à un mortier et que l'on ait lancé celui-ci d'un

 15   toit. Donc, un ou plusieurs individus auraient pu s'en charger avec l'aide

 16   d'un mécanisme particulier, et c'est alors que cela aurait pu atterrir là

 17   où cela a atterri.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Très bien. Alors, la question que je posais était la suivante : est-ce

 20   que la personne qui aurait lancé ce projectile aurait également été en

 21   mesure de contrôler sa trajectoire ?

 22   R.  Eh bien, dans la mesure où quelqu'un qui lance quelque chose à la main,

 23   que ce soit une balle de base-ball ou autre chose, est en mesure de

 24   contrôler la trajectoire, oui.

 25   Q.  Qu'en est-il de l'angle de chute dans ce cas-là, l'angle de descente ?

 26   R.  Eh bien, je suppose que si le projectile est lancé à la main de la

 27   sorte, s'il l'avait été, il aurait probablement été jeté vers l'extérieur

 28   et vers le haut, et que le stabilisateur l'aurait stabilisé sur sa


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  1   trajectoire de descente jusqu'au point d'impact.

  2   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Colonel -- excusez-moi

  3   d'interrompre.

  4   Est-ce que vous pourriez nous indiquer le poids approximatif d'un obus de

  5   mortier de 120 millimètres ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je ne m'en souviens pas exactement,

  7   Monsieur le Juge, mais je crois que le poids de charge explosive représente

  8   environ 100 livres.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Donc, il faudrait ajouter le poids

 10   de la charge explosive au poids des autres éléments, n'est-ce pas, qui sont

 11   variables d'un fabriquant à l'autre ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et j'aurais tendance à estimer le poids

 13   total à environ 120 livres, Monsieur le Juge.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci.

 15   M. TIEGER : [interprétation]

 16   Q.  Avez-vous fait une estimation de la distance entre les bâtiments et --

 17   alors, je vais plutôt passer à autre chose, la pièce P1440, pages 5 et 6.

 18   Nous allons revenir à ces pages dans quelques instants, mais pour le

 19   moment, je voudrais afficher rapidement la pièce P5921, page 5, ligne 5.

 20   Alors, il s'agit d'une indication que l'on trouve dans les tables de tir

 21   concernant la masse des obus avec et sans détonateur, qui va de 12 kilos --

 22   ou plutôt, de 10 kilos pour les plus légers sans le détonateur, jusqu'à 15

 23   à 16 kilos. Et pour les Juges de la Chambre, je fais observer également que

 24   la pièce P1973 nous montre une estimation de la masse des obus qui se monte

 25   à 12,6 kilogrammes.

 26   Donc, en gardant à l'esprit l'un ou l'autre de ces chiffres, qu'il s'agit

 27   de 12 kilogrammes et demi ou de 100 livres ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais, Monsieur Joudry, revenir à la


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  1   pièce P1440, encore une fois pages 5 et 6.

  2   Q.  Sur le schéma de droite, au numéro 5, nous voyons ce bâtiment élevé que

  3   vous avez identifié sur la photographie. C'était ce bâtiment élevé de cinq

  4   ou six étages qui jouxtait la zone dans laquelle se trouvait le cratère.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Ceci correspond au numéro 5. Pourrions-nous

  6   maintenant passer à la légende de ce schéma, page numéro 2, nous allons

  7   avoir quelques précisions. C'est le bâtiment dit du 22 décembre dont la

  8   hauteur est de 15 mètres et demi. Ceci figure en page 2, avec les légendes.

  9   Bien. Nous allons avancer.

 10   Q.  Monsieur Joudry, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le

 11   schéma représentant cette zone indique que la distance la plus courte que

 12   l'on puisse mesurer est celle entre ce bâtiment et --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Vous avez

 14   parlé de légende en page 6 -- vous avez parlé de légende dans la version

 15   anglaise, mais est-ce qu'elle ne se trouve pas plutôt en page 6 ?

 16   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et non pas en page 2, n'est-ce pas ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Oui, excusez-moi. Vous avez raison. Donc, je

 19   m'apprêtais à évoquer la distance entre le point d'impact et le bâtiment

 20   dit du 22 décembre, distance qui se monte à 11,1 mètres.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 22   TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  Alors je voudrais vous présenter ceci, Monsieur Joudry, mais est-

 24   ce que vous en conviendrez, en tout cas ?

 25   R.  Eh bien, ça me semble raisonnable. Et je n'ai aucune note qui me permet

 26   de retrouver ce que je savais il y a 18 ans, mais cela me semble juste.

 27   Q.  Très bien. Alors j'ai une question de suivi à la question du Juge

 28   Morrison. Afin de pouvoir la poser, j'ai besoin de présenter quelque chose


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  1   au témoin, Monsieur le Président. Nous avons vu que selon vous le

  2   projectile pesait environ 100 livres. Nous avons vu des documents nous

  3   indiquant qu'il devait peser au moins 12 livres et demie. J'ai ici un objet

  4   que je souhaite vous montrer. C'est un objet pesant 12 kilogrammes, je

  5   souhaite pouvoir m'approcher de vous avec cet objet et vous poser une

  6   question, si vous voulez bien et avec votre permission.

  7   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Eh bien, je meurs d'envie de voir ce

  8   que vous vous apprêtez à demander au témoin à l'aide de cet accessoire,

  9   Monsieur Tieger, mais sauf objection de la Défense, je ne pense pas que

 10   nous y aurons quoi que ce soit à redire.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Tieger.

 12   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Nous supposons donc qu'il n'y a pas

 13   d'objection de la part de la Défense ?

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Nos micros ne semblent pas fonctionner, ne

 15   fonctionnaient pas.

 16   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Mais de toute façon, nous n'avons pas

 18   d'objection.

 19   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. TIEGER : [interprétation]

 21   Q.  Eh bien, Monsieur Joudry, vous pouvez manipuler l'objet comme bon vous

 22   semble. Il est doté d'une poignée pour une manipulation plus aisée, ce qui

 23   le rend en tout cas plus facile à manipuler que la plupart des objets d'un

 24   poids équivalent de 12 kilogrammes, donc c'est le poids minimal du

 25   projectile, 12 kilogrammes. Mais avec cet objet, est-ce que vous pourriez,

 26   avec l'aide de cet objet, dire aux Juges si vous estimez réellement qu'il

 27   est possible de jeter cet objet sur une distance de 11 mètres ?

 28   R.  Oui, bien sûr. N'oubliez pas que pour lancer ce projectile du haut de


Page 29364

  1   ce bâtiment et pour qu'il atteigne son point d'impact, il n'était pas

  2   nécessaire de lui faire parcourir 11 mètres. Pour moi, c'était tout à fait

  3   possible. Alors j'ai dû faire les calculs, je ne peux pas les faire

  4   maintenant de tête, mais ce sont des calculs mathématiques assez simple.

  5   Donc il aurait été tout à fait possible de le faire avec ou sans l'aide

  6   d'une forme ou d'une autre de mécanisme en jetant ce projectile du haut de

  7   ce bâtiment.

  8   Q.  Est-ce que vous savez combien pèse un poids en lancer du poids aux Jeux

  9   Olympiques ?

 10   R.  Non, mais je connais le poids des projectiles de 155 millimètres de

 11   calibre, et j'ai eu moi-même l'occasion d'en soulever de nombreux dans le

 12   passé, et je connais bien le poids des projectiles.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je peux présenter la

 14   chose, je peux vous apporter l'objet à vous également, aux Juges de la

 15   Chambre.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce ne sera pas nécessaire, Monsieur

 17   Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Et après avoir lancé cet objet de plus de 12 kilogrammes sur une

 20   trajectoire de 11 mètres de largeur, est-ce qu'il aurait pu atterrir sous

 21   un angle calculable par la personne qui le lançait, ou bien le résultat

 22   aurait-il été tout à fait aléatoire à votre avis ?

 23   R.  Il aurait été assez aléatoire, compte tenu du fait que le projectile

 24   aurait été lancé du toit d'un bâtiment qui, comme vous l'avez indiqué,

 25   faisait 15 à 16 mètres de hauteur.

 26   Q.  Donc il aurait pu également atterrir sous un angle excluant tout à fait

 27   la possibilité d'un tir d'obus de mortier, par exemple, 90 degrés ou un

 28   autre angle ?


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  1   R.  Eh bien, je ne suis pas sûr pour un angle de 2 ou 3 degrés, mais il

  2   aurait pu atterrir sous un angle assez atypique. Je voudrais juste vous

  3   rappeler que j'ai constaté de nombreuses incohérences en lisant les

  4   rapports, et pour moi il était clair que les représentants de la FORPRONU

  5   avaient au début eu des difficultés à interpréter le profil de dispersion

  6   des éclats, ce qui m'a amené à me poser la question de savoir s'il n'y

  7   avait pas d'autres possibilités. Et c'est pourquoi j'ai commencé à

  8   considérer que c'était là une option possible.

  9   Q.  Alors, vous dites que la personne lançant le projectile aurait dû

 10   insérer le stabilisateur dans le sol après l'explosion, mais cette personne

 11   aurait dû pouvoir se représenter également l'angle de descente de façon à

 12   ce que la position dans laquelle il aurait ensuite placé le stabilisateur

 13   soit cohérente avec le schéma de dispersion des éclats, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, non pas du tout, c'est l'une des choses que je mets en avant au

 15   sujet des incohérences concernant le cratère et son environnement.

 16   Quelqu'un aurait très bien pu insérer l'empennage à cet angle en s'assurant

 17   que cela donnait l'impression d'avoir été tiré depuis un point qui se

 18   situait au-delà du sommet du bâtiment.

 19   Q.  Mais dans ce cas-là, vous sous-entendez qu'il y aurait eu un angle

 20   prédéterminé au sujet duquel on aurait pris une décision au moment

 21   d'insérer cet objet dans le sol ?

 22   R.  Non, il n'y aurait pas eu de détermination préalable. J'imagine que

 23   dans ce cas-là, la ou les personnes responsables de cet acte dans cette

 24   hypothèse auraient eu connaissance de l'endroit approximatif où le

 25   projectile serait tombé à proximité immédiate du bâtiment, et il se serait

 26   dans ce cas-là assuré que l'angle sous lequel l'empennage était placé

 27   donnait l'impression que le projectile ne provenait pas du sommet du

 28   bâtiment.


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  1   Q.  Mais cela présuppose un schéma de dispersion des éclats créé de façon

  2   aléatoire et qui soit cohérent alors que vous avez indiqué que c'était

  3   impossible à prévoir, donc l'ensemble de cette idée ne tient pas la route.

  4   R.  A mon avis - et je n'ai pas vu le cratère, seulement des images ainsi

  5   que les déclarations des représentants de la FORPRONU qui ont été sur place

  6   au début - à mon avis, ils ont eu beaucoup de difficultés à interpréter les

  7   éléments de ce cratère. S'il s'est agi d'analystes entraînés à l'analyse de

  8   cratère et qu'ils ont eu des difficultés dans l'interprétation initiale de

  9   la dispersion des éclats, dans ce cas, à mon avis, nous avions une

 10   incohérence et le projectile aurait très bien pu atterrir, toucher le sol

 11   sous n'importe quel angle.

 12   Q.  Alors, selon cette théorie qui est la vôtre, dans l'intervalle des

 13   quelques minutes qu'il a fallu aux premiers représentants de la FORPRONU

 14   pour arriver sur place - disons cinq minutes comme nous avons pu en voir

 15   l'estimation dans le rapport de la FORPRONU - si d'autres représentants

 16   n'étaient pas arrivés avant eux, eh bien, en fonction de cette théorie que

 17   vous avancez, quelqu'un aurait dû insérer le stabilisateur dans le sol dans

 18   cet intervalle de temps. Alors comment cela se serait-il passé, selon vous

 19   ?

 20   R.  Eh bien, de la même façon que dans la théorie initiale, à savoir que

 21   quelqu'un aurait inséré l'empennage dans le sol de la même façon qu'on peut

 22   le faire lors d'une campagne de mesure où on réinsère l'empennage pour

 23   procéder à une mesure. Donc, il aurait très bien pu être inséré dès le

 24   début.

 25   Q.  Eh bien, la réinsertion aurait pu se faire dans une cavité causée par

 26   un projectile arrivant à vitesse très élevée, mais voyons comment se

 27   présentait le sol et la profondeur à laquelle se trouvait ce

 28   stabilisateur.Peut-être que nous pourrions maintenant examiner la pièce


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  1   P1711. Et nous devons utiliser le système Sanction.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Nous venons de voir une séquence vidéo allant de 8,55 à environ 9,21,

  5   qui nous a montré le retrait du stabilisateur de la part du Bataillon

  6   français IV. Nous voyons là la profondeur du cratère et la mesure dans

  7   laquelle il s'est incrusté dans le sol. Donc, d'après votre théorie,

  8   Monsieur Joudry, quelqu'un s'est enfui après l'explosion en plein milieu

  9   des corps et des victimes qui sont en train de mourir et a enfiché ce

 10   stabilisateur dans le sol sans que personne ne se rende compte de rien

 11   avant l'arrivée de la FORPRONU ou de la police bosnienne, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin,

 14   Monsieur le Juge.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, très brièvement, Messieurs, Madame les

 18   Juges.

 19   Pouvons-nous voir la pièce P01441 que nous avons déjà vue. J'aimerais que

 20   l'on l'affiche à l'écran.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 22   Q.  [interprétation] En attendant que cette pièce soit affichée, Colonel,

 23   M. Tieger vous a rappelé le fait qu'il y avait des obus tout à l'heure,

 24   mais vous avez déclaré qu'il n'y en avait pas eu ce jour-là. Pourquoi est-

 25   ce important qu'il y ait eu des obus ce jour-là ? Quand et dans quelles

 26   conditions les critères de tir sont-ils établis, déterminés ?

 27   R.  Dans ce cas précis, l'une des théories voulait qu'il s'agisse d'un tir

 28   ciblé. D'après cette logique, pour que cela ait eu lieu en utilisant des


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  1   tirs indirects, on aurait dû avoir un encadrement très précis et un ciblage

  2   très précis en gardant à l'esprit que des tirs indirects ne se font pas au

  3   moyen d'armes précises, c'est un type d'arme qui cible une zone. Et pour

  4   qu'un obus ait ciblé - surtout un mortier - ciblé et tiré pour atteindre le

  5   marché ce jour-là, bien, d'après moi, c'est fort improbable. L'une des

  6   choses que j'ai étudiées lorsque j'ai relu les rapports opérationnels de la

  7   FORPRONU pour déterminer s'il y avait eu ce type d'encadrement dans la zone

  8   immédiatement avant l'explosion, je me souviens y être retourné plusieurs

  9   jours et avoir remarqué que pendant qu'il y avait eu ces explosions, ces

 10   explosions n'avaient pas eu lieu dans le marché. Cela m'a mené à la

 11   conclusion que l'encadrement de tirs indirects n'avait pas été enregistré

 12   par l'unité de tir ce jour-là.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir le 715. Nous avons le 705,

 15   mais j'aimerais que l'on affiche le document 715, le 715 dans l'ERN.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  A la page 32, M. Tieger a souligné que deux représentants officiels de

 18   la FORPRONU s'étaient rendus sur les lieux. Et j'aimerais que vous

 19   regardiez le point 17 de ce document. Lisez-le et dites-nous si ces

 20   représentants officiels de la FORPRONU sont arrivés à une conclusion qui

 21   correspond à votre conclusion ? La dernière phrase en particulier, qui nous

 22   dit :

 23   "Il n'y a pas suffisamment de preuve physique pour prouver qu'une partie ou

 24   l'autre ait tiré l'obus de mortier. Le projectile de mortier en question

 25   aurait pu être tiré de n'importe quel côté."

 26   R.  Dans l'ensemble, ma conclusion était exactement la même. J'ai prévenu

 27   les représentants officiels de la FORPRONU que non seulement il aurait été

 28   impossible de prouver, en fait ils étaient en train d'utiliser une analyse


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  1   de cratère et pas de la bonne façon dans ce cas-là.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir le document 724 qui se

  4   trouve, je pense, environ neuf pages avant ce document-ci dans l'ERN.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Au point 5, "Conclusions", on parle d'une autre équipe de la FORPRONU.

  7   Et j'aimerais que vous vous penchiez sur le point (d). Je vais vous lire ce

  8   point pour que tout le monde puisse l'entendre.

  9   "La portée exacte de l'emplacement du tir vers la cible avec des mortiers,

 10   il est impossible de la déterminer. La portée varie de 300 à 5 551 mètres.

 11   Il s'agit là des données publiées pour le M49P1."

 12   Est-ce que cette équipe est arrivée à une conclusion semblable à la vôtre ?

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Juge, j'aimerais éclaircir une

 14   erreur potentielle. Je ne sais pas ce que veut dire l'accusé lorsqu'il

 15   parle d'une équipe différente, mais il cite le même rapport dans une partie

 16   différente. Donc, s'il essaie de suggérer qu'il s'agit d'un autre rapport,

 17   eh bien, j'aimerais apporter une objection.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous avons vu que

 20   le document avait été signé par une équipe et il y a eu neuf enquêtes

 21   différentes, vous le voyez aussi dans ce document. La première signature

 22   est de Gauthier, Karen [phon] et Jansen [phon], je n'arrive pas à lire, à

 23   déchiffrer les autres signatures, et ensuite une analyse se trouve dans le

 24   même document; mais cette conclusion a été apportée par une équipe

 25   différente. Donc ce document n'a pas été créé par une seule équipe. En

 26   fait, il s'agit d'une compilation des différents éléments récoltés par les

 27   Nations Unies le 15 février, et il s'agit d'une conclusion conjointe.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous nous disiez si cette conclusion

  2   correspond à votre conclusion ?

  3   R.  Pas vraiment, Monsieur. Je me souviens avoir lu ce rapport et, comme je

  4   l'ai souligné dans ma déclaration, les représentants officiels de la

  5   FORPRONU qui avaient procédé à l'analyse de cratère qui ont ensuite compilé

  6   ce rapport n'ont pas procédé à la dernière étape de l'analyse. Donc si vous

  7   avez un angle de chute, comme cela était le cas pour eux, qui a un certain

  8   degré de précision ou un angle d'impact, eh bien, l'étape suivante consiste

  9   à voir dans quelle mesure cet angle d'impact correspond à une charge

 10   possible, et ensuite on détermine une portée et ensuite on applique cela

 11   sur une carte. La question qui se pose par la suite est de se demander s'il

 12   est logique, si ces conclusions, si ces données sont logiques avec les

 13   autres informations dont on dispose. Et cette dernière étape n'a pas été

 14   menée par les représentants officiels de la FORPRONU. Donc pour moi, il y a

 15   eu une erreur, les informations étaient biaisées pour prouver les

 16   conclusions, donc il y a une étape manquante dans l'analyse de cratère. Je

 17   ne me souviens pas exactement de la portée exacte que j'ai déterminée, mais

 18   je me souviens que lorsque j'ai repris les différentes coordonnées sur une

 19   carte, j'ai trouvé une zone qui dépassait la ligne de confrontation et il y

 20   avait une zone possible à 5 % de probabilité qui se trouvait du côté serbe

 21   de Bosnie de la ligne de confrontation. Donc j'ai pris cette portée et je

 22   l'ai circonscrite en utilisant la dernière étape de l'analyse de cratère

 23   pour arriver à l'une des possibilités que j'ai indiquées tout à l'heure.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir maintenant le document

 26   731 dans la même référence.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Je vais vous lire la première phrase.


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  1   "L'estimation de la portée en fonction de l'étude de l'analyse de cratère

  2   d'un obus de mortier ne peut pas en tout état de cause être précise. Les

  3   seules informations que l'on puisse obtenir du cratère sont l'angle de

  4   chute, et cette donnée combinée aux tables de tir du mortier…" ensuite

  5   c'est illisible…

  6   Etes-vous d'accord avec cette partie de la conclusion ?

  7   R.  Absolument, oui, et justement cela fait référence à ma préoccupation,

  8   les limites de l'analyse de cratère et ces objectifs initiaux pour

  9   l'artillerie, à savoir ne pas désigner un coupable mais avoir le plus

 10   précisément possible les lieux, les emplacements des armes ennemies et des

 11   tirs, donc suivre ces positions, déterminer les emplacements par des moyens

 12   beaucoup plus précis. Si vous avez l'angle de chute, vous pouvez l'utiliser

 13   pour la dernière étape. Si vous n'avez pas l'angle de chute, eh bien, vous

 14   ne pouvez pas terminer votre analyse et vous ne pouvez pas déterminer cet

 15   angle de chute. Mais là, ce que l'on vous donne c'est une portée possible

 16   dans une zone où l'arme aurait pu tirer.

 17   Q.  Merci. Maintenant la page 1 du document 727, j'aimerais vous lire

 18   encore une phrase. Au point 4(b) :

 19   "L'analyse de cratère a été menée sept jours après les faits. Ce cratère

 20   formé par la bombe a été altéré par plusieurs membres du personnel."

 21   Cela correspond-il à vos conclusions sur la précision qui peut être remise

 22   en question ?

 23   R.  Oui, c'est l'une des plus grandes préoccupations que j'avais émises aux

 24   représentants officiels de la FORPRONU, l'altération du cratère qui posait

 25   quelques questions quant aux résultats recherchés.

 26   Q.  Merci, Colonel.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 28   Juge.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Joudry, cela conclut

  2   votre déposition. Au nom de la Chambre, j'aimerais vous remercier d'être

  3   venu à La Haye.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez vous retirer. Je vous

  6   souhaite un bon retour chez vous.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite bonne chance à la Chambre dans ses

  8   délibérations.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   [Le témoin se retire]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin suivant est prêt ?

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Faisons-le entrer dans le

 14   prétoire.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prêter serment.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : JOHN RUSSELL [Assermenté]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la

 26   parole.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   J'aimerais que l'on affiche le document 1D04879 dans le prétoire


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  1   électronique, s'il vous plaît.

  2   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Russell. Merci d'être venu pour

  4   votre déposition. Pourriez-vous nous dire si vous avez relu la déclaration

  5   qui se trouve à l'écran ?

  6   R.  Oui, j'ai relu cette déclaration.

  7   Q.  Merci. Avez-vous signé la déclaration également ?

  8   R.  Oui, j'ai signé la déclaration.

  9   Q.  Est-ce que cette déclaration est précise ? Est-ce qu'elle reflète

 10   fidèlement les mots que vous avez utilisés ?

 11   R.  Oui, oui, elle reflète fidèlement les mots que j'ai prononcés.

 12   Q.  Merci. Si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui dans ce

 13   prétoire, vos réponses seraient-elles identiques à celles que vous avez

 14   fournies dans votre déclaration ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, j'aimerais verser la

 18   déclaration au dossier conformément à l'article 92 ter du Règlement ainsi

 19   que trois documents connexes.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,

 21   Madame West ?

 22   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge, Madame, Messieurs

 23   les Juges. Non, je n'ai pas d'objection.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agissant du dernier document, qui est

 25   le document 1D4517, le document avait déjà été versé au dossier, mais la

 26   raison pour laquelle la Défense veut verser ce document à nouveau c'est

 27   qu'il y a des notes manuscrites du témoin. Est-ce que j'ai bien compris,

 28   Maître Robinson ?


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le document va être versé.

  3   Pouvons-nous lui attribuer une cote.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] La déclaration 1D04879 de la liste 65 ter

  5   devient la pièce D2364. Le document 1D4515 de la liste 65 ter devient la

  6   pièce D2365. Le document 1D4516 de la liste 65 ter devient la pièce D2366.

  7   Et le document 1D4517 de la liste 65 ter devient la pièce D2367.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   Continuez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais donner lecture en anglais du résumé de

 11   la déclaration de M. Russell.

 12   M. John Russell est un officier à la retraite des forces armées du Canada.

 13   Au mois de février 1994, il travaillait pour la FORPRONU à Sarajevo en tant

 14   qu'assistant militaire de Sergio de Mello.

 15   Pendant qu'il était à Sarajevo, le commandant Russell a été appelé à faire

 16   une analyse du cratère à plusieurs reprises. Le 5 février 1994, on lui a

 17   demandé de se rendre sur les lieux de l'explosion de Markale. Il est arrivé

 18   sur les lieux entre 16 heures 15 et 16 heures 30. Il a localisé le cratère

 19   et il s'est agenouillé pour mener à bien une rapide analyse du cratère.

 20   Il a remarqué que des personnes mortes et blessées avaient été déplacées du

 21   site, et qu'en ce faisant on avait dérangé pas mal de pièces, comme par

 22   exemple la localisation des fragments d'obus. On avait l'impression que

 23   l'on avait balayé toute la zone.

 24   Le commandant Russell a été en mesure de déterminer la direction

 25   approximative des tirs en examinant le modèle d'éclaboussure et de

 26   dispersion sur le goudron en utilisant un compas. Il est arrivé à la

 27   conclusion que le tir est arrivé de l'est ou nord-est. L'équipe d'enquête

 28   de l'ONU dans son rapport note qu'il est arrivé à mesurer 450 millièmes.


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  1   L'enquête de l'ONU aussi dit qu'il a mesuré un angle de descente de 1 200 à

  2   1 300 millièmes.

  3   Pendant qu'il était agenouillé dans le cratère, le commandant Russell a été

  4   frappé par la raideur de la pente, de l'angle, en se disant que le tir a dû

  5   venir dans cette clairière depuis le grand immeuble qui est tout près du

  6   cratère. C'est sur la base de cette information qu'il est arrivé à la

  7   conclusion que le tir est arrivé d'une localité plus près du cratère que de

  8   loin. Cependant, basé sur le fait que le tir aurait pu être tiré avec zéro

  9   à six charges, il est arrivé à la conclusion qu'il n'était pas en mesure de

 10   déterminer la distance qu'a parcourue le projectile. Vu que les deux

 11   parties se trouvaient aux positions qui se trouvaient dans la direction de

 12   l'arrivée du tir, il ne pouvait pas être sûr quelle était la partie qui

 13   avait tiré.

 14   Le commandant Russell a examiné le trou fait par le projectile, mais il n'a

 15   pas mesuré sa profondeur. Il a remarqué que des débris étaient tombés dans

 16   le trou, mais il ne pensait pas que la profondeur du puits à l'époque de

 17   l'impact pouvait être déterminée de façon précise au moment où il s'est

 18   rendu sur les lieux ou bien que la profondeur du puits aurait pu aider à

 19   déterminer la provenance du tir.

 20   Il ne pense pas que le fait d'avoir réinséré l'empennage aurait pu fournir

 21   des mensurations exactes de l'angle de descente vu que le puits avait été

 22   enterré entre-temps.

 23   Le commandant Russell a aussi dit que le fait que l'empennage est trouvé

 24   par terre ne prouve pas nécessairement que ce tir est arrivé de loin, de

 25   plus loin que si l'empennage avait été trouvé ailleurs. Car il y a beaucoup

 26   trop de variables pour arriver à cette conclusion-là. D'après son

 27   expérience d'analyse des cratères, la vitesse à laquelle le projectile a

 28   touché le sol n'a jamais été disputée. Le commandant Russell se souvient


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  1   d'un rapport sur le CNN le soir du 5 février 1994 en disant que les Serbes

  2   de Bosnie avaient tiré sur le marché. Il pensait que c'était le résultat de

  3   la propagande et qu'on allait croire partout que les Serbes de Bosnie

  4   avaient tiré cet obus, quels que soient les faits.

  5   Le commandant Russell a écrit, le 5 février 1994 :

  6   "A peu près à 12 heures 10, un obus est tombé sur la place du marché de la

  7   vieille ville, et pendant que je l'écris (à minuit 15, le 6 février), on

  8   compte 68 morts et 198 blessés. C'est le plus gros massacre qui s'est

  9   produit au cours des 22 derniers mois. Je me suis rendu sur le site pour

 10   faire une analyse rapide du cratère, et même si je suis d'accord de la

 11   direction de la provenance du tir, je ne suis pas d'accord avec la

 12   distance, en pensant que c'est l'ABiH qui a tiré sur son propre territoire.

 13   De nombreuses personnes ne veulent pas croire à cette possibilité à cause

 14   du nombre de victimes, mais moi je le crois toujours."

 15   Quelques jours après l'explosion, le commandant Russell a accompagné

 16   quelques membres de la FORPRONU jusqu'au sous-sol d'un bâtiment à Sarajevo

 17   où les Bosniens gardaient leurs mortiers. Un des membres de la FORPRONU a

 18   récupéré un empennage de l'explosion de Markale. Quand ils sont arrivés,

 19   ils ont demandé à une personne responsable s'ils avaient des mortiers de

 20   120 millimètres. Il a dit que non. Ensuite, un des membres de l'ONU a

 21   ouvert une boîte et a trouvé des mortiers de 120 millimètres. Ces mortiers

 22   étaient fabriqués à la main. Le commandant Russell a comparé la soudure de

 23   ces mortiers de 120 millimètres à la soudure retrouvée sur l'empennage du

 24   marché et il semblait qu'il s'agissait d'un obus du même calibre, de la

 25   même couleur, qui avait été soudé de la même façon.

 26   Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin, donc Mme West peut commencer

 27   son contre-interrogatoire.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je reviens sur le


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  1   dernier document, à savoir le document 1D4517. Vous avez confirmé de

  2   souhaiter verser ce document à cause de ce qui est écrit à la main par M.

  3   Russell. Mais tout ce qu'il dit dans sa déclaration est qu'il a fait

  4   quelques annotations sans nous dire pour autant de quoi il s'agit. Je ne

  5   suis pas sûr pouvoir lire son commentaire sans qu'il nous aide. Donc, pour

  6   que vous puissiez être en mesure de verser ce document, il faudrait poser

  7   quelques questions au préalable.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-il

  9   possible de montrer cette pièce, 1D4517, et ceci permettra au Dr Karadzic

 10   de poser quelques questions.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on agrandisse la partie

 13   qui est en bas du document, là où on voit quelques éléments écrits à la

 14   main.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce bien quelque chose que vous avez écrit vous-

 17   même à la main ?

 18   R.  Oui, c'est quelque chose que j'ai écrit moi-même à la main.

 19   Q.  Merci. Pourriez-vous nous donner lecture de ce qui est écrit ici.

 20   R.  Ici, on peut lire :

 21   "Ceci ne peut plus être considéré comme étant la réalité," et ceci se

 22   réfère à ce qui est écrit au-dessus, "mais si cela vient de l'inspection de

 23   l'équipe. Si l'empennage était enfoncé dans le sol, il ne pouvait pas y

 24   avoir d'explosion au niveau du sol."

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que maintenant

 26   les choses sont plus claires ?

 27   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 28   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- et puis il y a aussi deux points

  2   d'interrogation en bas de la page. Pourriez-vous poser une question au

  3   sujet de cela ?

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Les deux points d'interrogation, c'est vous-même qui les avez apposés

  6   là ?

  7   R.  Oui, c'est moi qui les ai mis là.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et que cela veut-il dire ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela veut dire, Monsieur le Président, que là,

 10   c'est quelque chose au sujet de quoi je me posais des questions, et cela se

 11   réfère donc à ce qui est écrit au-dessus.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 13   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on voir la page suivante.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Pouvez-vous lire cela à voix haute, s'il vous plaît, encore une fois.

 17   R.  Ici on peut lire :

 18   "Ceci se serait produit de toute façon."

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que maintenant

 21   nous avons rempli les conditions nécessaires pour pouvoir verser au dossier

 22   ce document ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que cela veut-il dire, ceci se serait

 24   passé de toute façon ? A quoi cela sert-il ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ceci se réfère à ce qui

 26   est écrit, à savoir la dispersion, le maximum d'éclats d'obus qui ont causé

 27   un grand nombre de morts et de gros dégâts dans cette zone-là.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.


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  1   Alors, nous prendrons une pause à présent ? Eh bien, nous allons

  2   prendre une pause de 45 minutes, et nous allons reprendre nos travaux à 1

  3   heure 15 minutes.

  4   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 28.

  5   --- L'audience est reprise à 13 heures 18.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, c'est à vous.

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Contre-interrogatoire par Mme West :

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Commandant Russell.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Merci d'avoir bien voulu me rencontrer hier. Et j'espère que ceci va

 12   nous aider aujourd'hui, mais je voudrais dire quelque chose avant de

 13   commencer : vu que nous parlons tous les deux la même langue, il faudra

 14   faire attention et parler lentement. Vous avez un écran sous vos yeux, vous

 15   allez voir le compte rendu qui défile au fur et à mesure que vous parlez,

 16   et il serait bien peut-être de suivre cela pour vous guider quant au rythme

 17   de votre parole.

 18   Monsieur, vous étiez à Sarajevo entre le mois de décembre 1993 et le mois

 19   d'avril 1994; est-ce exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Donc on peut dire que vous y avez passé au total à peu près quatre mois

 22   ?

 23   R.  Oui -- quatre mois, oui.

 24   Q.  Dans le paragraphe 7 de votre déclaration, vous dites que votre

 25   première expérience avec l'analyse d'un cratère était justement dans le

 26   cadre de votre travail à l'ONU. Est-ce que cette première expérience

 27   d'analyse de cratère a eu lieu justement avec l'explosion au marché du 5

 28   février ?


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  1   R.  Non.

  2   Q.  Vous avez aussi parlé d'autres occasions au cours desquelles vous avez

  3   été amené à faire des analyses, c'est quelque chose qui figure au niveau du

  4   paragraphe 9 de votre déclaration. Il apparaîtrait qu'il y a eu neuf

  5   occasions au cours desquelles vous avez été amené à faire des analyses de

  6   cratère. Pouvez-vous nous dire combien d'analyses avez-vous effectuées

  7   avant celle du 5 février ?

  8   R.  D'après mon meilleur souvenir, au moins cinq.

  9   Q.  Donc après cela vous n'en avez fait qu'une seule analyse ?

 10   R.  Après l'analyse faite au marché de Sarajevo, de Markale, oui, je n'en

 11   ai fait qu'une.

 12   Q.  Eh bien, maintenant nous allons parler de ce qui s'est passé le 5

 13   février. Quand vous arrivez sur la place du marché, est-ce que vous savez

 14   qu'il y avait déjà eu d'autres analyses de faites ?

 15   R.  Non, je ne savais pas qu'il y en a eu avant que je ne fasse la mienne.

 16   Q.  Mais maintenant vous savez qu'il y a eu une analyse de faite à 12

 17   heures 30 par les experts du cru. Ensuite il y en a eu une autre à 12

 18   heures 45 par le Bataillon français. Puis le capitaine Verdy lui-même avait

 19   fait aussi une enquête à 3 heures. Puis vous arrivez à 4 heures 30 ?

 20   R.  Je n'étais pas au courant de cette analyse effectuée par les experts du

 21   cru, mais j'étais au courant des deux autres. Et oui, je suis arrivé à 4

 22   heures 30.

 23   Q.  Et vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il n'y avait qu'une seule

 24   explosion au niveau du marché ?

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Donc tous les fragments éventuellement retrouvés ce jour-là devaient

 27   venir d'un seul tir, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, je pense que c'est exact.


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  1   Q.  Hier quand on a parlé, vous m'avez dit que ces éclats d'obus pouvaient

  2   être utilisés pour déterminer le calibre de l'obus; est-ce exact ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  Eh bien, dans les paragraphes 15 et 17 de votre déclaration, je vais

  5   vous demander d'examiner cela.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander au greffier de donner

  7   au témoin un exemplaire papier de sa déclaration.

  8   Mme WEST : [interprétation] Oui, merci.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Mme WEST : [interprétation]

 11   Q.  Donc là vous voyez votre rapport, il s'agit de la pièce D2364, vous

 12   l'avez sous vos yeux, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Puis maintenant, je vais vous demander de vous référer au paragraphe

 15   15, et dans ce paragraphe vous citez un rapport que vous avez écrit à

 16   l'époque, et dans ce rapport vous dites :

 17   "Il est extrêmement important que le site ne soit pas altéré."

 18   Et ensuite vous parlez des choses que l'on trouve sur le site. Et vous

 19   dites :

 20   "Ici, effectivement, de toute évidence il y a eu beaucoup d'altérations,

 21   d'interventions au niveau de l'endroit où se trouvaient les éclats d'obus."

 22   Donc lorsque vous êtes arrivé, vous n'avez pas vraiment trouvé d'éclats

 23   d'obus ?

 24   R.  J'ai essayé de trouver des gros éclats et, évidemment, je n'ai pas pu

 25   en trouver, pas du tout, et ensuite je suis descendu dans le cratère et

 26   j'ai fait l'analyse.

 27   Q.  Et si on regarde le paragraphe 17, vous continuez à parler et vous

 28   dites qu'au moment où vous avez été interrogé par l'équipe de l'ONU, vous


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  1   dites que vous êtes arrivé à la conclusion que toutes la zone avait été

  2   soigneusement balayée, et vous avez cherché donc des éclats d'obus, vous

  3   n'en avez pas trouvé.

  4   Mais, commandant Russell, pourriez-vous nous dire quelle était l'importance

  5   de l'examen d'éclats sur le site même alors que vous saviez qu'il n'y avait

  6   qu'un seul obus de tombé, de tiré ?

  7   R.  Eh bien, c'était important pour savoir quel était vraiment le calibre

  8   de cet obus.

  9   Q.  Bien. Mais mis à part cela, est-ce que ceci aurait pu être utile pour

 10   une autre raison quelle qu'elle soit ?

 11   R.  Je ne comprends pas la question.

 12   Q.  Eh bien, vous dites que c'est important pour pouvoir déterminer le

 13   calibre de l'obus tiré. Est-ce qu'il y a une autre raison pour laquelle on

 14   aurait pu avoir besoin de voir ces éclats, ces fragments ?

 15   R.  Eh bien, c'est quelque chose qui aurait pu vous aider pour établir la

 16   portée, la distance de la portée.

 17   Q.  Eh bien, vous saviez que le projectile se trouvait dans un trou, dans

 18   un puits ?

 19   R.  Je le sais maintenant mais je ne le savais pas à l'époque.

 20   Q.  Et le fait qu'il n'y ait pas eu d'éclats, de fragments que vous auriez

 21   pu analyser à cette occasion-là n'a aucune influence sur le résultat de

 22   votre analyse vu qu'aujourd'hui on sait pertinemment quel avait été le

 23   calibre de ce projectile. Ai-je raison de dire cela ?

 24   R.  Pourriez-vous me poser la question à nouveau.

 25   Q.  Je vais la poser autrement. Je vais vous la poser autrement.

 26   Ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi dans votre rapport récent,

 27   maintenant que vous savez tout ce qui s'est passé à l'époque, dans le

 28   paragraphe 17, pourquoi vous vous concentrez sur le fait qu'il n'y avait


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  1   pas d'éclats, que vous n'avez pas trouvé d'éclats d'obus, parce que vous

  2   dites que c'est important de pouvoir les examiner pour établir le calibre

  3   de l'obus. Mais vu qu'aujourd'hui on connaît ce calibre, est-ce que vous

  4   êtes d'accord avec moi pour dire que finalement il n'était pas vraiment

  5   nécessaire de voir ces fragments parce que votre conclusion n'aurait pas

  6   été différente, le fait que tout cela ait été balayé ne change rien ?

  7   R.  Je ne suis pas d'accord parce que l'impact sur le sol peut aussi

  8   indiquer la taille de l'arme.

  9   Q.  D'accord. Mais donc, ce n'est pas l'éclat d'obus qui est vraiment

 10   important, c'est surtout l'impact que l'éclat a fait sur le sol, au sol qui

 11   est important, qui est important pour l'analyse ?

 12   R.  Je suis d'accord avec vous.

 13   Q.  Et quand vous êtes arrivé sur le lieu, vous avez pu examiner les

 14   impacts au sol ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Et dans le paragraphe 18, vous avez dit :

 17   "Après avoir examiné le cratère, j'ai pu remarquer que les impacts

 18   laissés par l'obus étaient plus petits que ce que j'aurais pu espérer, et

 19   c'est sur la base de cette information que je suis arrivé à la conclusion

 20   que les tirs auraient dû frapper un objet comme une table, par exemple, ou

 21   étal avant de toucher le sol."

 22   Et hier, nous avons parlé de cela, et les Juges savent, puisqu'ils ont

 23   examiné votre rapport, que vous avez appris par la suite que l'empennage

 24   était vraiment enfoncé dans le sol.

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Et puisque vous avez appris cela, vous avez changé votre point de vue ?

 27   R.  J'ai changé mes conclusions quant à l'endroit à partir duquel il y a eu

 28   l'explosion, parce que je ne pense pas que l'obus a été amorcé avant de


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  1   toucher le sol par un objet qui était au-dessus du sol. J'ai changé cela,

  2   et maintenant je suis sûr que c'est au moment où l'obus a touché le sol

  3   qu'il y a eu l'explosion.

  4   Mme WEST : [interprétation] Maintenant je vais demander à voir la pièce

  5   D2367.

  6   Q.  Et ce que vous allez voir dans un instant, eh bien, c'est un rapport,

  7   le rapport dont vous avez parlé tout à l'heure, vous en avez parlé avec

  8   l'accusé. Est-ce que vous le voyez s'afficher à l'écran ?

  9   R.  Je crois qu'il faudrait afficher également les commentaires. On ne les

 10   voit pas. Je vois le document, en revanche, oui.

 11   Q.  Oui. Est-ce que vous le reconnaissez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  C'est un rapport que vous avez rédigé plus tard, n'est-ce pas ?

 14   R.  J'ai rédigé ce rapport le jour suivant, le lendemain. Pour autant que

 15   je m'en souvienne, c'était le lendemain.

 16   Q.  Et c'était donc le 6 février ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Alors, dans les notes manuscrites que nous avons vues plus tôt dans la

 19   journée d'aujourd'hui, en fait, il s'agissait donc de notes manuscrites,

 20   mais j'aimerais savoir quand vous les avez rédigées ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on faire défiler vers le bas ?

 22   Mme WEST : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, au mieux que je m'en souvienne, je

 24   dois dire que malheureusement, je ne sais pas. Je les ai bien rédigées,

 25   mais je ne sais pas quand exactement.

 26   Mme WEST : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous conviendriez avec moi que vous avez dû les rédiger

 28   après avoir lu le rapport rédigé par les experts des Nations Unies, qui est


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  1   lui-même arrivé plusieurs jours plus tard ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Alors, pouvons-nous nous concentrer sur le premier paragraphe. Nous

  4   pouvons voir vers le milieu, je cite :

  5   "Normalement, une bonne analyse de cratère peut être pratiquée en raison du

  6   fait que lorsqu'un obus de mortier frappe le sol, il laisse une signature

  7   spécifique qui aide les enquêteurs à déterminer la direction approximative

  8   depuis laquelle il a été tiré, ainsi que l'angle de chute."

  9   Alors, il s'avère que vous dites ici que l'analyse de cratère ou le cratère

 10   lui-même peut être utile pour déterminer l'azimut, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Mais il apparaît également que dans ce que vous dites ici, l'analyse de

 13   cratère est intéressante pour déterminer l'angle de chute, et voici ma

 14   question : est-ce que vous entendez par là que le profil de dispersion est

 15   utile pour déterminer l'angle de chute, ou est-ce que vous entendez par là

 16   que n'importe quelle cavité résultant de l'impact est utile ?

 17   R.  Eh bien, les deux sont utiles. Le profil de dispersion donne la

 18   direction et l'intérieur du cratère permet d'utiliser un instrument de

 19   mesure que l'on ajuste et de prendre des mesures qui permettent de

 20   déterminer l'angle de chute.

 21   Q.  Très bien. Alors, je voudrais maintenant que nous parlions de cet

 22   azimut. Il n'est pas question particulièrement de méthodologie dans le seul

 23   rapport que nous ayons de vous, alors est-ce que vous pourriez dire aux

 24   Juges de la Chambre comment vous avez déterminé cet angle ?

 25   R.  Eh bien, vous placez un certain nombre de poteaux aux deux extrémités

 26   de la zone de dispersion, à gauche et à droite, et ensuite également deux

 27   poteaux au milieu de l'empreinte. Ensuite, vous pratiquez la mesure au

 28   milieu -- en fait, cela fait un angle droit dans le profil de dispersion


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  1   concerné ici, et cela permet de mesurer cet angle.

  2   Q.  Donc, vous n'avez plus les mesures réelles pratiquées ?

  3   R.  Non, je n'ai plus de document qui présenterait les calculs que j'ai

  4   faits.

  5   Q.  Très bien. Nous allons passer à un autre document qui l'enregistre.

  6   Est-ce que vous avez utilisé un compas à l'époque ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avez-vous utilisé le nord magnétique dans vos mesures ?

  9   R.  Non, il y avait déjà une correction magnétique dans mon compas pour

 10   cette partie du continent.

 11   Q.  Très bien.

 12   Mme WEST : [interprétation] Nous allons passer à la deuxième page de ce

 13   document.

 14   Q.  Et sur la deuxième page, le dernier paragraphe dit, je cite :

 15   "Sur la base des éléments de preuve disponibles sur le site, la portée

 16   minimale et maximale avec laquelle on aurait pu procéder à un tir avec le

 17   système d'arme chevauche la ligne de confrontation. Il est, par conséquent,

 18   impossible de déterminer avec certitude à partir de quel côté de la ligne

 19   de confrontation l'obus a été tiré."

 20   Alors, commandant Russel, encore une fois, nous n'avons aucune indication

 21   contre la méthodologie employée. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de

 22   la Chambre comment vous avez déterminé l'angle de chute ?

 23   R.  Eh bien, lorsque vous mesurez l'angle de chute, vous consultez des

 24   tables de portée, et ce, pour le calibre particulier qui va vous donner une

 25   portée minimale et maximale en fonction également de la charge utilisée

 26   pour le tir.

 27   Q.  Très bien. Alors, revenons un petit peu en arrière. Ma question est la

 28   suivante : à cette occasion précise, est-ce que vous pourriez nous dire


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  1   quelles sont les étapes que vous avez suivies pour la mesure de l'angle de

  2   chute ?

  3   R.  Eh bien, conformément à ce que nous avons déjà dit aujourd'hui, je vous

  4   répète que je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas l'avoir fait. Je

  5   ne me souviens pas avoir mesuré l'angle de chute, mais c'est quelque chose

  6   que j'ai déjà fait dans le passé. Et en me fondant sur les calculs qui ont

  7   été fournis au sein de la structure chargée de l'enquête, c'était la

  8   première occasion à laquelle j'ai dit : Oh, regardez, j'ai déterminé un

  9   angle de chute, mais en fait je n'ai pas de souvenir précis.

 10   Q.  Vous avez dit que vous l'aviez fait auparavant. Donc, qu'est-ce que

 11   vous faisiez habituellement en termes de calcul d'angle de chute ?

 12   R.  Eh bien, normalement, vous descendez jusqu'à la partie la plus profonde

 13   du cratère, là où se retrouve la tête du projectile, en principe vous y

 14   disposez une pige. Et ensuite, vous tenez compte de l'angle que vous avez

 15   préalablement déterminé, l'azimut. Vous plantez une pige à cet autre

 16   endroit et vous utilisez un autre appareil qui vous permet de mesurer

 17   l'angle.

 18   Q.  Hier, lorsque nous en avons parlé, vous avez dit que normalement vous

 19   utilisez un piquet métallique de 12 pouces en guise de pige; est-ce exact ?

 20   R.  Oui. J'en avais toujours avec moi ainsi qu'une ficelle, et j'avais de

 21   quoi également les enfoncer dans le sol.

 22   Q.  Serait-il juste de dire qu'à cette occasion, pour déterminer l'angle de

 23   chute, il est extrêmement probable que vous ayez pris ce piquet, vous

 24   l'ayez inséré dans la surface de la cavité, du trou, et qu'ensuite vous

 25   ayez utilisé le rapporteur que vous évoquiez à l'instant pour déterminer

 26   l'angle de chute ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Alors je voudrais que nous revenions à votre rapport D2364, vous l'avez


Page 29390

  1   devant vous, passons à la page 4. Alors, en haut de cette page, il est

  2   question de la profondeur de la cavité. Au paragraphe 24, vous dites, je

  3   cite :

  4   "J'ai examiné la cavité, mais pas la profondeur de cette dernière."

  5   Vous avez relevé que des débris étaient tombés dans la cavité et vous ne

  6   considériez pas qu'au moment où vous êtes arrivé, la profondeur de la

  7   cavité telle qu'elle était à l'impact pouvait être déterminée avec

  8   exactitude ou que la profondeur de cette cavité pouvait aider à déterminer

  9   l'origine du tir.

 10   Ensuite, au paragraphe 25, vous dites, je cite :

 11   "Je ne crois pas que la réinsertion de l'empennage dans la cavité pourrait

 12   fournir une mesure exacte de l'angle de chute, puisque ce cratère a été

 13   altéré entre-temps."

 14   Alors, commandant Russel, est-ce que vous pourriez nous dire encore une

 15   fois comment vous déterminiez l'angle de chute, que feriez-vous avec ce

 16   piquet métallique ?

 17   R.  Eh bien, oui, eh bien, je le plaçais dans le fond de la cavité, à

 18   l'emplacement où la tête du projectile avait touché le sol, et ensuite

 19   j'essayais de déterminer la partie la plus profonde pour lui placer un

 20   autre piquet.

 21   Q.  Très bien. Alors, vous preniez ensuite le piquet et vous le placiez

 22   dans la cavité, dans le cratère pour mesurer l'angle ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Au paragraphe 25, n'est-ce pas exactement ce dont il est question, la

 25   réinsertion d'un empennage dans la cavité afin de calculer l'angle de

 26   chute; n'est-ce pas exactement ce que vous aviez fait ?

 27   R.  Non, la raison d'être de ce commentaire au paragraphe 25 est que la

 28   position de l'empennage fiché dans le sol donnait une mesure exacte, mais


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  1   il n'était plus là, cet empennage. Et dans certains cas, lorsque vous

  2   faites une analyse de cratère, vous trouvez des empreintes sans empennage.

  3   C'est là la meilleure procédure, sans disposer de cet empennage pour mesure

  4   l'angle de chute.

  5   Q.  Alors, je parle généralement de la procédure employée, le fait

  6   d'insérer un élément dans le cratère et de mesurer l'angle. Est-ce que vous

  7   pourriez me dire quelle différence il y a entre ce que vous, vous avez fait

  8   et ce que eux ont fait plus tard avec l'empennage ?

  9   R.  Eh bien, je crois qu'un piquet de 12 pouces est plus mince, a un

 10   diamètre inférieur à l'épaisseur de l'empennage, ce qui permet d'avoir de

 11   meilleures chances de trouver la partie la plus profonde du cratère. Ce que

 12   j'ai fait, au mieux que je le pouvais, avant de ficher le piquet dans le

 13   sol à cet endroit.

 14   Q.  Très bien. Mais tout ce que vous avez dit n'a rien à voir avec le fait

 15   de suggérer que cette procédure est inexacte.

 16   R.  Eh bien, le fait d'insérer l'empennage, comme vous l'avez indiqué,

 17   reviendrait à peu près à la même chose.

 18   Q.  Très bien.

 19   R.  A la même chose qu'insérer, qu'enficher le piquet.

 20   Q.  Alors, passons au paragraphe 25. Est-ce que vous pouvez dire dans ce

 21   cas-là que ce que vous y dites n'est pas tout à fait exact ? Parce que ce

 22   que vous y dites, je cite :

 23   "Je ne crois pas que la réinsertion de l'empennage dans le cratère

 24   fournirait une mesure exacte de l'angle de chute."

 25   Vous nous avez dit à l'instant que vous aviez réinséré un piquet et calculé

 26   ainsi l'angle de chute. Conviendriez-vous avec moi qu'on ne comprends plus

 27   très bien comment ce raisonnement fonctionne dans le paragraphe 25 ?

 28   R.  Eh bien, je suis d'accord pour dire que ce n'est pas tout à fait clair.


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  1   Q.  Très bien. Alors, au paragraphe 26, vous dites, je cite :

  2   "Le fait qu'un empennage soit retrouvé dans le sol ne permet pas

  3   nécessairement d'établir que l'obus a voyagé sur une trajectoire plus

  4   longue que si l'empennage avait été retrouvé ailleurs dans le secteur. Il y

  5   a trop de variables en présence pour pouvoir tirer cette conclusion."

  6   Au paragraphe 27, ensuite, vous dites, je cite :

  7   "En me fondant sur toute mon expérience en matière d'analyse de cratère, je

  8   dois dire que la vitesse de chute de l'obus au moment de l'impact n'a

  9   jamais représenté un problème."

 10   Je voudrais maintenant revenir un peu sur la question de la vitesse, mais

 11   avant cela, passons quelques minutes à revenir sur les sept analyses de

 12   cratère que vous avez faites à Sarajevo. Et ensuite, d'ailleurs dans votre

 13   déclaration, vous mentionnez également un certain nombre d'analyses

 14   effectuées au Liban sud en 2000 et 2001; est-ce exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Alors, tout cela fait neuf analyses de cratère, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Peut-être une dizaine, si l'on inclut celle au cours de laquelle

 18   j'ai été formé.

 19   Q.  Donc, cette journée et demie d'entraînement, vous l'avez suivie en

 20   octobre 1993, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Au total, cela donne donc neuf. Dites-nous, lorsque vous étiez au

 23   Liban, la surface que vous avez eue à examiner, était-elle une surface dure

 24   ou une surface de moindre résistance ?

 25   R.  Il y avait des deux.

 26   Q.  Une de chaque ?

 27   R.  Non. Il y a eu à peu près sept obus lors de l'incident en question.

 28   Certains étaient en terrain malléable et d'autres avaient touché la route.


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  1   Q.  Très bien. Alors, lors de ces dix occasions dont nous sommes en train

  2   de parler qui font partie de votre expérience, dix occasions, il y a eu dix

  3   analyse différentes, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q. 

  6   Mme WEST : [interprétation] Alors, je voudrais demander l'affichage du

  7   document 1D5015, s'il vous plaît.

  8   Q.  Et revenir sur la question de la vitesse. Notamment, vous dites que

  9   dans toute l'expérience que vous avez, la question de la vitesse d'un obus

 10   au moment où il touche le sol n'a jamais posé le moindre problème. Alors,

 11   peut-on afficher la page 3, s'il vous plaît.

 12   Vous n'avez pas eu l'occasion de voir ce document au préalable, je vais

 13   donc vous en donner lecture. Il s'agit d'un rapport de la Défense, Monsieur

 14   le Témoin, et ceci concerne l'aspect particulier que nous envisageons

 15   maintenant. Paragraphe 5.3. Il est question de la vitesse. Je cite :

 16   "Dans le cas précis, le stabilisateur a continué sa trajectoire parce que

 17   la composante de sa vitesse causée par l'explosion vers l'arrière était

 18   moindre que la composante de sa vitesse vers l'avant le long de la

 19   trajectoire du mortier. Par conséquent, la vitesse à laquelle l'aileron de

 20   stabilisation a pénétré le sol était égale à la vitesse d'impact du mortier

 21   moins la vitesse à laquelle cet aileron de stabilisation a été éjecté de la

 22   partie arrière du mortier du fait de l'explosion de ce dernier."

 23   Alors, je suis sûre que vous n'êtes pas surpris d'apprendre que ce

 24   paragraphe a été écrit à l'occasion de cet incident en particulier. Est-ce

 25   que vous conviendriez avec moi que le rédacteur de ce paragraphe est

 26   apparemment convaincu que la vitesse à laquelle le projectile touche le sol

 27   est manifestement un paramètre pertinent et important à déterminer ?

 28   R.  Eh bien, lors de notre formation, ceci n'a jamais été envisagé. Nous


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  1   avons toujours travaillé sur la direction et l'angle de chute.

  2   Q.  Très bien. Donc lors de votre formation en 1993 et lors des dix

  3   analyses de cratère que vous avez eu l'occasion de pratiquer, la vitesse

  4   n'a jamais été un paramètre que vous avez considéré comme pertinent ?

  5   R.  Il n'a jamais été considéré comme pertinent.

  6   Q.  Mais conviendriez-vous que la vitesse peut s'avérer pertinente dans une

  7   analyse, et qu'il est possible que vous n'ayez jamais eu à l'envisager ?

  8   R.  Eh bien, je n'ai jamais pratiqué d'analyser de cratère où l'on aurait

  9   envisagé la vitesse.

 10   Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais que nous revenions un

 11   peu en arrière, que nous revenions au rapport D2364, page 3, s'il vous

 12   plaît.

 13   Q.  Je voudrais reparler maintenant d'angle de chute, comme vous le faites

 14   en page 3, paragraphe numéro 21. C'est au paragraphe 21, en fait, que vous

 15   commencez cette discussion à la page précédente. Et c'est précisément au

 16   paragraphe numéro 22 que vous parlez de l'angle extrême en faible avec la

 17   verticale. Vous dites, je cite :

 18   "Lorsque j'étais agenouillé dans le cratère, j'ai été frappé par

 19   l'angle avec la verticale, qui devait avoir été extrêmement faible, angle

 20   selon lequel le projectile est arrivé. Cet angle devait être

 21   particulièrement faible pour que le projectile puisse passer au-dessus du

 22   bâtiment situé juste à côté du cratère. Ceci m'a conduit à considérer que

 23   le projectile venait d'un emplacement plus proche du cratère que cela

 24   n'aurait été le cas s'il avait été tiré plus loin."

 25   Alors, nous avons parlé de ceci déjà aujourd'hui dans une certaine

 26   mesure, vous avez utilisé l'exemple d'une lance à eau pour illustrer votre

 27   conclusion, plus l'angle est faible, plus le point de tir est proche. Est-

 28   ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre ce que vous avez voulu


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  1   dire par là. En reprenant l'exemple de la lance à eau.

  2   R.  Eh bien, dans la discussion, j'ai utilisé l'exemple de la lance à eau

  3   en disant que si l'on place une lance à eau à 45 degrés avec un débit

  4   maximum, vous allez voir l'eau jaillir, et la gravité, bien sûr, fera

  5   redescendre le jet d'eau jusqu'à un certain point. Ensuite si vous faites

  6   descendre, si vous inclinez vers le bas l'extrémité de la lance à eau, le

  7   placement où l'eau va atterrir sera plus proche. Si vous relevez le bout de

  8   la lance à eau, l'eau recommencera à tomber plus près. Et si ensuite vous

  9   examinez l'angle de chute, eh bien, c'est exactement ce que j'ai examiné

 10   dans le cratère.

 11   Mme WEST : [interprétation] Peut-on afficher D2366.

 12   Q.  Les Juges de la Chambre ont déjà eu l'occasion d'examiner des éléments

 13   de preuve -- ou plutôt entendu un résumé de ceci au moment de l'incident.

 14   C'est un extrait de votre journal, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Alors donc à la soirée du 5 février, je crois que c'est aux premières

 17   heures du matin du 6 février, nous voyons le moment où vous avez écrit

 18   ceci, et ce que vous avez écrit. Et ensuite à la partie gauche de cette

 19   page, c'est un petit peu difficile à voir, mais je vais vous le lire, et

 20   vous me direz si j'en ai bien fait lecture. Je cite :

 21   "Vers 12 heures 10" donc c'est le 5, "un obus a frappé la place du marché

 22   dans la vieille ville, et au moment où j'écris," donc c'est à 12 heures 15,

 23   au matin du 6, "au moment où j'écris, on compte 68 morts, 198 blessés.

 24   C'est le plus grand massacre intervenu en 22 mois." Et ensuite je ne suis

 25   pas tout à fait sûre de pouvoir déchiffrer ce qui est écrit, je cite :

 26   "J'ai été sur le site pour pratiquer une rapide analyse de cratère, bien

 27   que nous soyons tombés d'accord quant à la direction d'origine de l'obus,

 28   je ne suis pas d'accord quant à la distance, et je considère que c'est


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  1   l'ABiH qui a tiré sur son propre territoire."

  2   Alors, est-ce que c'est ce que vous avez écrit cette nuit-là ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Lorsque nous avons discuté de ceci hier, vous avez dit que vous aviez

  5   consigné ceci dans votre journal parce que vous considériez que l'angle

  6   plus aigu signifiait que l'on avait tiré de plus près ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Très bien.

  9   Mme WEST : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, je vais demander

 10   que l'on utilise le système Sanction, nous allons examiner un document qui

 11   a déjà été versé sous la cote P05921, page numéro 16. C'est une table de

 12   tir. Cela a été présenté au cours du contre-interrogatoire d'un témoin

 13   précédent.

 14   Q.  Alors, vous allez voir s'afficher ce document, Monsieur le Témoin,

 15   c'est une table de tir. Je suppose que c'est un type de document que vous

 16   connaissez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Alors c'est une table de tir pour le projectile, le type de projectile

 19   qui a été tiré sur la place du marché. Nous savons que c'était un obus de

 20   type M62P3, alors nous pourrions peut-être essayer de surligner ceci pour

 21   que vous le voyiez au sommet de la page.

 22   [Le conseil de l'Accusation se concerte]  

 23   Mme WEST : [interprétation]

 24   Q.  Alors, la première chose que je souhaiterais vous présenter, à mesure

 25   que nous nous déplacions de la gauche vers la droite du tableau, nous

 26   voyons qu'il y a six charges possibles. Est-ce que vous connaissez ce type

 27   de table ?

 28   R.  Oui, je sais que c'est là la table que j'ai utilisée pour l'enquête,


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  1   mais j'ai utilisé une table de portée différente.

  2   Q.  Très bien. Mais nous allons simplement utiliser cette table-ci à titre

  3   d'exemple. Donc les carrés verts qui sont apparus à l'écran représentent

  4   les différentes charges, 1, 2 jusqu'à 6. Et en haut, vous voyez les types

  5   d'obus auxquels ceci est applicable, entre autres, M62P3, entouré en

  6   violet. Alors, les Juges de la Chambre n'ont pas pu voir cet angle de chute

  7   sur le rapport que vous avez rédigé, mais je crois que nous avons pu voir

  8   de quoi il s'agissait en procédant à votre audition, hier. Je crois que

  9   l'angle de chute auquel vous avez conclu était de 1 200 millièmes à 1 300

 10   millièmes, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Donc à titre d'exemple, je ne suis pas en train de suggérer que c'est

 13   l'angle précis de chute dans cet incident en particulier, mais juste à

 14   titre d'exemple, prenons par exemple la première colonne qui correspond à

 15   la charge numéro 1, nous avons 1 218 qui nous donne -- 1 218 est le chiffre

 16   de la table qui est le plus proche de 1 200, qui nous donne dans la colonne

 17   tout à fait à gauche une distance de 900 mètres. Ensuite, dans la colonne

 18   correspondant à la deuxième charge possible, nous avons 1 198, qui est le

 19   plus proche de 1 200, qui nous donne une distance de 1 700. Pour la

 20   troisième charge possible, nous avons 1 203, qui est le plus proche de 1

 21   200 millièmes, qui donne 2 500 mètres de distance. Pour la charge numéro 4,

 22   nous avons 1 202 qui apparaît comme étant l'angle le plus proche de 1 200

 23   millièmes, qui donne une distance de 3 300 mètres. Pour la cinquième charge

 24   possible, 1 198 est le plus proche de 1 200 millièmes, qui donne une

 25   distance de 4 100 mètres. Et pour la sixième charge possible, nous avons 1

 26   192 millièmes qui se rapproche de plus de 1 200, et qui donne une distance

 27   de 4 800 mètres.

 28   Alors Commandant, après avoir examiné cette table de tir, où à chaque fois


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  1   l'angle de chute que nous retenons est le même pour chaque charge possible,

  2   alors même que les charges augmentent à mesure que l'on va vers la droite

  3   du tableau et que les distances, elles aussi, augmentent, conviendriez-vous

  4   pour dire que le principe sous-jacent à ce que nous voyons dans cette table

  5   n'est pas le principe que vous avez appliqué en écrivant ceci dans votre

  6   journal ?

  7   R.  Non. Reposez-moi la question, s'il vous plaît.

  8   Q.  Bien. Après avoir vu cela, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que

  9   dans chaque cas que je viens de vous montrer, l'angle de chute ou la

 10   déclivité était la même. Pour chaque charge, elle était d'environ 1 200

 11   millièmes, mais la distance de tir a augmenté au fur et à mesure que les

 12   charges augmentaient. Vous êtes d'accord avec moi ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Mais ce n'est pas le principe que vous avez utilisé lorsque vous avez

 15   relu les notes de votre journal dans votre rapport. Vous avez conclu que

 16   parce que la déclivité était tellement importante, vous pensiez que cela

 17   venait d'une distance proche, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'était mon sentiment lorsque j'ai écrit dans mon journal  --

 19   Q.  Très bien.

 20   R.  -- que j'ai écrit.

 21   Q.  Et est-ce parce qu'il y avait cette déclivité, en fonction de ce

 22   principe, que vous avez rédigé cela dans votre journal ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que vous avez appliqué un

 25   principe erroné et que vous êtes arrivé à une conclusion erronée ?

 26   R.  Pour le cas du journal, oui. Pour les tables de tir, vous voyez la

 27   portée minimum et maximale, et donc, ces portées minimales et maximales

 28   dépassent ou traversent la ligne de confrontation, et c'est le rapport


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  1   officiel que j'ai mis dans l'analyse de cratère.

  2   Q.  Oui, mais ce n'est pas tellement ma question. Si vous aviez compris que

  3   ce principe était lié aux tables de tir, est-ce que vous seriez arrivé à

  4   une conclusion différente de celle de votre journal ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dans votre déclaration, vous avez aussi parlé des médias. Je parle de

  7   la pièce D2364, page 5, paragraphe 32. Vous nous dites :

  8   "Ce soir-là --"

  9   Donc, au paragraphe 32, vous nous dites :

 10   "Je me souviens l'avoir entendu sur CNN le soir du 5 février 1994, et j'ai

 11   entendu que les Serbes de Bosnie avaient bombardé le marché. Je pense que

 12   c'est le résultat d'une propagande. Et à partir de ce moment-là, l'on

 13   penserait, tout le monde penserait que les Serbes de Bosnie avaient tiré

 14   les obus, quelle que soit la vérité."

 15   Lorsque vous avez entendu ce reportage, c'était avant de l'avoir écrit dans

 16   votre journal, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Plus tard, dans la déclaration, vers la fin, au paragraphe 36, vous

 19   parlez du fait que quelques jours plus tard, vous avez accompagné du

 20   personnel des Nations Unies dans la cave d'un bâtiment. Vous dites

 21   "quelques jours plus tard", est-ce que cela a eu lieu le 12 février ?

 22   R.  Non, c'était un peu avant.

 23   Q.  C'était avant ?

 24   R.  Je dirais cinq jours après.

 25   Q.  Très bien. La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est

 26   que dans un rapport en particulier, une note de bas de page fait référence

 27   à votre visite, et cette visite est datée du 9 février, et ça, c'est quatre

 28   jours plus tard.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-il possible que --

  3   R.  C'est correct.

  4   Q.  Donc, lorsque vous êtes rendu là-bas --

  5   Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante, la page

  6   37.

  7   Q.  Vous avez déclaré :

  8   "Lorsque nous sommes arrivés là-bas, nous avons demandé à la personne

  9   responsable s'il y avait des mortiers de 120 millimètres. Il a répondu que

 10   non. Quelqu'un de notre groupe a ouvert une boîte et nous avons trouvé des

 11   mortiers de 120 millimètres, et les mortiers dans la boîte étaient

 12   fabriqués à la main. J'ai comparé le type de la technique de soudure des

 13   mortiers de 120 millimètres à la technique de soudure de l'empennage du

 14   marché, et c'était le même calibre, la même couleur, et ils avaient été

 15   soudés de la même façon."

 16   Commandant Russell, pendant combien de temps avez-vous examiné ces boîtes

 17   ou ces cases ?

 18   R.  Pendant cinq à dix minutes, peut-être.

 19   Q.  Est-ce que vous avez pu les prendre en main ?

 20   R.  Oui, j'en ai tenu une en main, un mortier complet.

 21   Q.  Est-ce que vous suggérez que ces obus de mortier que vous avez trouvés

 22   dans cette case venaient du même lot que les obus de mortier utilisés le 5

 23   février au marché ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Est-ce votre suggestion ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Et pourquoi pensiez-vous qu'ils avaient été fabriqués à la main ?

 28   R.  Celui que j'ai tenu en main n'avait pas de marques d'identification. Il


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  1   était grossier et la gâchette était lâche.

  2   Q.  Pourquoi dites-vous qu'il était grossier ?

  3   R.  En fait, quand on le prenait en main, on sentait vraiment toutes les

  4   aspérités, contrairement à des obus fabriqués en usine.

  5   Q.  Mais vous venez de nous dire qu'il n'y avait pas de marques

  6   d'identification, donc vous ne pouviez rien voir d'écrit dessus ?

  7   R.  Pour autant que je me souvienne, non, je n'ai rien vu d'écrit sur

  8   l'obus que j'ai tenu en main.

  9   Q.  Savez-vous que le stabilisateur trouvé au marché avait des inscriptions

 10   ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Savez-vous aussi que l'ex-Yougoslavie avait une longue tradition de

 13   production d'armes ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez fait cette comparaison. Est-ce que quelqu'un d'autre dans la

 16   délégation a fait la même comparaison ?

 17   R.  Que je sache, non.

 18   Q.  Personne ?

 19   R.  Nous les avons juste regardés. Ils semblaient les mêmes, et nous nous

 20   sommes arrêtés là.

 21   Q.  Donc, vous nous dites que quelqu'un d'autre que vous trouvait qu'ils

 22   étaient les mêmes ?

 23   R.  Oui, les parties soudées.

 24   Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous voir la pièce P1441, page 49 dans

 25   le prétoire électronique.

 26   Q.  Dans votre déclaration, vous parlez de cette visite et vous faites

 27   référence à la page que nous allons voir, donc la page 49 du prétoire

 28   électronique.


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  1   Mme WEST : [interprétation] Merci.

  2   Q.  C'est le rapport qui a suivi votre visite lorsque vous étiez accompagné

  3   d'autres personnes. Et au point "évaluation", à la fin, on nous dit :

  4   "L'empennage trouvé sur le marché et que l'on nous a montré ensuite," et là

  5   on fait référence à ces deux visites, "était différent de l'autre que nous

  6   avons vu aujourd'hui."

  7   Commandant Russell, la personne qui a procédé à cette évaluation n'arrive

  8   pas à la même conclusion que vous, à savoir que les mortiers que vous avez

  9   tous vus ce jour étaient différents de ceux qui avaient été trouvés sur le

 10   marché. Est-ce que vous pouvez commenter cela ?

 11   R.  Oui. Lorsque j'ai vu l'empennage pour la première fois, je me suis dit

 12   qu'il était semblable à l'autre. Mais je n'ai aucun problème à accepter le

 13   commentaire de ce rapport qui identifie le numéro du lot et d'autres

 14   éléments sur l'amorce. Je ne l'avais pas regardé.

 15   Q.  Très bien.

 16   Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Madame,

 17   Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez

 19   des questions supplémentaires ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelques-unes, Monsieur le Juge.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 22   Q.  [interprétation] Commandant, sommes-nous d'accord pour dire que les

 23   amorces ne sont pas fabriquées à la main ? Pouvez-vous nous dire ce qui

 24   peut être fabriqué à la main et ce qui peut être fabriqué en usine et

 25   approvisionné aux utilisateurs, aux clients finaux ?

 26   R.  Pas vraiment. Tout ce que je peux vous dire, c'est que si vous avez un

 27   obus original, vous pouvez le copier dans une usine qui a les machines qui

 28   permettent de le produire.


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  1   Q.  Merci. Sur le corps des obus que vous avez vus dans la cave, est-ce que

  2   ces obus avaient été fondus ou forgés ?

  3   R.  Ils semblaient avoir été forgés.

  4   Q.  Merci. Commandant, l'Accusation nous a dit quelque chose aujourd'hui.

  5   Est-ce que les propos de l'Accusation modifient votre conclusion selon

  6   laquelle l'on ne peut pas déterminer laquelle des deux parties

  7   belligérantes avait tiré cet obus ?

  8   R.  Pour moi, et je vous le dis avec toute certitude, j'ai été incapable de

  9   déterminer la portée exacte et la distance à partir de laquelle cet obus

 10   avait été tiré parce que la portée minimale et maximale chevauchait la

 11   ligne de confrontation.

 12   Q.  Merci. Savez-vous que dans ce même document, plusieurs conclusions sont

 13   tirées par les Nations Unies, conclusions qui estiment que l'on ne peut pas

 14   déterminer laquelle des parties a tiré l'obus ? Cela se trouve, par

 15   exemple, à la page 25 de ce document.

 16   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas si cette

 17   question est pertinente et je ne sais pas à quoi elle fait référence.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Enlevons le document et reformulez votre

 19   question, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce document a déjà

 21   été montré au témoin. Je voulais juste revenir sur les pages que nous

 22   avions montrées au témoin précédent, les pages qui reprennent les

 23   conclusions des Nations Unies. Pouvons-nous afficher la page 25. Il faut

 24   descendre dans la page.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Le point 7 nous dit :

 27   "Il est impossible de donner la provenance du tir…"

 28   Est-ce que cela correspond à vos conclusions ?


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  1   R.  Ah, vous me posiez la question ? Pouvez-vous la répéter, s'il vous

  2   plaît.

  3   Q.  Dans ce document, nous retrouvons plusieurs conclusions. Par exemple,

  4   au point 7, on nous dit :

  5   "Il est impossible de dire d'où provenait le tir car il aurait pu provenir

  6   d'emplacements de tir comprenant plusieurs charges différentes, donnant une

  7   portée différente. Il est certain qu'il n'a pas été lancé manuellement d'un

  8   bâtiment adjacent…" et cetera, et cetera.

  9   Donc, s'agissant de la ligne de séparation et votre conclusion disant qu'il

 10   était impossible de déterminer l'origine de l'obus, est-ce que vous pouvez

 11   nous dire si le point 7 et la conclusion qu'il contient correspond à votre

 12   propre conclusion ?

 13   R.  Non. Je regarde ce commentaire, et mon commentaire personnel serait

 14   plus en phase avec la conclusion de l'organe d'enquête, qui est arrivé à la

 15   même conclusion que moi, c'est-à-dire que la portée minimale et maximale

 16   chevauchait la ligne de confrontation.

 17   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à noter dans votre

 18   journal que peut-être il était possible que l'une des parties avait

 19   bombardé son propre camp ? Est-ce que l'on en avait parlé avant ? Est-ce

 20   que ce phénomène était une réalité dans cette zone ?

 21   R.  Non, c'était mon sentiment personnel, tout simplement. C'est ce que je

 22   pensais. Je pensais que cela était arrivé, au plus profond de moi, mais

 23   dans le rapport, les faits n'ont pas confirmé qu'un côté des parties

 24   belligérantes avait tiré. Pour moi, il y avait une portée minimale/maximale

 25   qui traversait cette ligne de confrontation. Donc, on ne pouvait pas donner

 26   comme lieu d'origine du tir l'une ou l'autre partie de la ligne de

 27   confrontation.

 28   Q.  Merci, Commandant. Merci d'être venu à La Haye pour déposer.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Russell. Avec ceci se

  2   termine votre déposition. Au nom des Juges de la Chambre, je voudrais vous

  3   remercier d'être venu à La Haye pour déposer.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, le témoin suivant

  7   est-il disponible ?

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est le général

  9   Gauthier, et il est disponible.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

 13   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : MICHEL GAUTHIER [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, mon Général. Vous pouvez vous

 19   mettre à l'aise.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, mon Général.

 25   R.  Bonjour.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que la pièce 1D05522 soit

 27   affichée dans le système de prétoire électronique.

 28   Q.  Mon Général, avez-vous examiné l'exemplaire papier de cette déclaration


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  1   préalable ?

  2   R.  Oui, en effet.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous l'avez signée ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que cela est exact ? Est-ce que cela correspond à ce que vous

  6   avez dit ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si aujourd'hui, si je vous posais les mêmes questions, que les

  9   questions qui vous ont été posées à l'époque, est-ce que vous répondriez de

 10   la même façon ?

 11   R.  Oui, je pense.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit versée au

 13   dossier en tant qu'une pièce versée en vertu de l'article 92 ter.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D2368.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous lire le résumé de la déclaration

 17   du général Gauthier en anglais.

 18   Général Michel Gauthier a rejoint les forces armées canadiennes en 1973. Il

 19   est diplômé du "Royal Military College" à Kingston, Ontario, où il a obtenu

 20   une licence en génie civil. Entre le mois de septembre 1993 et le mois

 21   d'août 1994, il était ingénieur dans la force de la FORPRONU stationnée

 22   dans les QG de la FORPRONU à Zagreb.

 23   Après avoir servi en Bosnie, il a monté en grade au niveau des forces

 24   armées canadiennes. Au moment de son départ à la retraite en 2009 [comme

 25   interprété] il a été recruté avec le grade de lieutenant-général, il a été

 26   commandant des forces canadiennes stationnées à l'étranger. Après

 27   l'explosion qui a tué de nombreuses personnes et blessé un grand nombre de

 28   personnes à Markale le 5 février 1994, le général Gauthier a été nommé en


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  1   tant que chef d'enquête chargée de faire une enquête sur l'événement. Cette

  2   enquête a commencé son travail le 11 février 1994.

  3   L'équipe a appris qu'une première analyse du cratère avait été effectuée

  4   par une équipe du Bataillon français IV à peu près à 14 heures le jour même

  5   de l'explosion. Le Bataillon français numéro IV, cette équipe a retrouvé un

  6   empennage d'un mortier de 120 millimètres dans le cratère quand ils sont

  7   arrivés sur le site. Un des membres de l'équipe du Bataillon IV français,

  8   le capitaine Segade, lui a dit qu'en enlevant l'empennage les analyses ont

  9   dû effriter la bûche goudronnée autour du cratère pour élargir le puits

 10   formé par la pénétration de l'empennage.

 11   Et en essayant d'enlever donc l'empennage du cratère, l'équipe du Bataillon

 12   français a donc altéré le cratère pour pouvoir faire une analyse par la

 13   suite dudit cratère. L'équipe française n'a pas mesuré la profondeur ou

 14   l'angle de la pénétration de l'empennage et n'a pas calculé l'angle de

 15   descente. L'équipe d'enquête a appris que le commandant canadien John

 16   Russell, l'assistant militaire du représentant spécial du secrétaire

 17   général, avait mené à bien une analyse de cratère à peu près à 16 heures 30

 18   le jour même de l'explosion. Il a été rapporté qu'il avait calculé l'impact

 19   de 450 millièmes avec un angle de descente se situant entre 1 200 et 1 300

 20   millièmes. Ils ont fait un entretien avec le commandant Russell au cours de

 21   leur enquête et ils ont obtenu aussi un exemplaire de son rapport.

 22   Quand ils sont arrivés sur le site de l'explosion le 11 février 1994, à

 23   savoir six jours après l'explosion, les membres de l'équipe d'enquête ont

 24   examiné le cratère. Ils ont trouvé qu'il était encore possible de prendre

 25   la mesure exacte de la direction du tir car les impacts sur le goudron

 26   n'ont pas été altérés et la localité du détonateur n'a pas été changée.

 27   Les trois membres de l'équipe de l'ONU ont calculé de façon

 28   indépendante la direction du tir le 11 février 1994. Et sur la base des


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  1   conditions constatées du cratère, l'équipe d'enquête était en mesure

  2   d'arriver à la conclusion que la direction du tir était entre 330 et 420

  3   millièmes à partir du point de détonation.

  4   Sur la base de l'analyse de la condition du cratère au moment de

  5   l'analyse faite par l'équipe, ils sont arrivés à la conclusion qu'il

  6   n'était pas possible d'évaluer l'angle de descente avec un degré de

  7   précision acceptable. Ils sont arrivés à la conclusion que pour arriver à

  8   une précision nécessaire, que l'angle devait être mesuré à partir du moment

  9   ou au moment où aussi bien le détonateur que l'empennage était encore dans

 10   le sol. Ça n'a pas été fait le 5 février quand l'équipe du Bataillon

 11   français avait donc enlevé l'empennage du sol.

 12   Quelques membres de l'équipe ont fait des évaluations de l'angle de

 13   descente sur la base du cratère à l'époque de notre enquête le 11 février

 14   1994. Au moment où l'équipe a fait l'analyse du cratère, six jours

 15   s'étaient déroulés depuis l'explosion. D'après l'équipe, il était

 16   raisonnable de penser que le cratère avait été complètement exhumé par les

 17   autorités locales pendant cette période, et que les angles mesurés le 11

 18   février 1994 n'étaient pas au-delà de tout soupçon. Les analystes de

 19   l'équipe pensaient que pour arriver à une certaine précision, l'angle

 20   devait être mesuré à l'époque où l'empennage était encore enfoncé dans le

 21   sol, ce qui n'a pas été fait le 5 février 1994. Donc les résultats mesurés

 22   le 11 février 1994, d'après leur évaluation, n'étaient pas suffisamment

 23   précis pour être utilisés pour mener à bien une analyse de cratère digne de

 24   ce nom.

 25   L'équipe d'enquête en est arrivée à la conclusion que l'explosion du

 26   5 février 1994, au niveau du marché de Markale de Sarajevo avait été causé

 27   par un mortier d'un calibre de 120 millimètres qui avait été tiré d'une

 28   direction de 330 à 420 millièmes, d'une distance se situant entre 300 et 5


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  1   551 mètres. Vu que la distance de l'origine du tir chevauchait les deux

  2   côtés de la ligne de la confrontation, ils en sont arrivés à la conclusion

  3   qu'il n'y avait pas suffisamment de preuve physique pour prouver qu'une

  4   partie belligérante ou une autre avait tiré cet obus, puisque l'obus aurait

  5   pu être tiré de deux côtés ou par les deux côtés.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Mon Général, je voudrais vous poser encore deux petites questions. Est-

  8   ce que votre équipe avait rejeté les calculs effectués par le commandant

  9   Russell, à savoir les calculs qui concernaient l'angle de descente ?

 10   R.  Je ne me souviens pas de cela.

 11   Q.  Merci. Est-ce que je vous ai bien compris, vous ne vous souvenez pas si

 12   l'on avait rejeté ou non ce calcul ?

 13   R.  Je ne me souviens pas à présent que nous avons rejeté ces calculs de

 14   façon explicite. Je ne m'en souviens pas.

 15   Q.  Merci.

 16   Je vais poser la question en anglais. Saviez-vous s'il y a eu des méthodes

 17   d'analyse de cratère en cours qui permettaient de calculer la distance du

 18   tir de l'obus en se fondant sur la profondeur de l'enfoncement de

 19   l'empennage ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à présent.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   Comme vous avez pu le remarquer, mon Général, votre déposition a été versée

 25   au dossier en tant qu'une déposition écrite. Et donc, à présent, vous allez

 26   être examiné par le Procureur.

 27   Madame Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour.


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  1   Contre-interrogatoire par Mme Edgerton :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, mon Général.

  3   R.  Bonjour.

  4   Q.  Et merci de m'avoir rencontrée aujourd'hui [comme interprété].

  5   R.  Je vous en prie.

  6   Q.  Eh bien, un tout petit point de précision. Avez-vous pris votre

  7   retraite des forces armées canadiennes en 2008 ? Parce qu'il me semble que

  8   le Dr Karadzic avait évoqué 2009.

  9   R.  C'était en 2009, oui.

 10   Q.  Merci. Eh bien, hier, vous m'avez dit que vous êtes allé pour la

 11   première fois à Sarajevo au mois de mars 1992 ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et vous avez été là en tant qu'ingénieur de la FORPRONU ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et dans cette qualité, vous êtes revenu de nombreuses fois à Sarajevo

 16   après cela ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et puis, on va parler de vos responsabilités dans le cadre de cette

 19   fonction. Si je vous ai bien compris, il s'agissait donc de planifier,

 20   d'héberger les soldats de l'ONU et les officiers ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et qu'en est-il de la liberté de la circulation dans la zone concernée,

 23   est-ce que vous étiez responsable de cela aussi ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et vous deviez aussi vous occuper des questions de sécurité quand il

 26   s'agit des mines ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et puis, est-ce que vous aviez de l'expérience dans l'analyse de


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  1   cratère ? Parce que si je vous ai bien compris, avant le mois de février

  2   1994, vous n'en aviez pratiquement pas ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  Et vous n'aviez vraiment pas beaucoup d'expérience non plus dans les

  5   questions de la balistique ou bien de calcul des explosifs,  des suites des

  6   explosifs ?

  7   R.  Oui, c'est exact, surtout quand on parle de la balistique. En ce qui

  8   concerne les effets d'explosions, eh bien, vu que je suis un ingénieur de

  9   formation, ingénieur de combat, de plus, eh bien, j'ai été formé à

 10   l'utilisation des explosifs et au calcul quant à l'utilisation des

 11   explosifs, c'est-à-dire aux effets des explosions, surtout quand il s'agit

 12   donc de détruire une route ou un pont par le biais d'une explosion. Donc,

 13   on ne peut pas dire que je n'ai aucune expérience là-dedans, mais j'ai

 14   utilisé cela à des fins très particulières, c'est-à-dire quand il

 15   s'agissait de calculer l'exacte quantité d'explosifs à utiliser pour

 16   aboutir à une certaine fin.

 17   Q.  Eh bien, merci de cette explication. Et puis, pourriez-vous nous dire

 18   ce que vous saviez au sujet des mortiers ?

 19   R.  Eh bien, j'ai été formé aussi bien dans l'emploi des mortiers dans le

 20   cadre de ma formation dans les opérations militaires.

 21   Q.  Et en tant que commandant, est-ce que vous les avez utilisés, est-ce

 22   que vous avez une grande expérience de leur utilisation ?

 23   R.  Dans une certaine mesure, oui.

 24   Q.  Est-ce que cette expérience vous permet de confirmer que les mortiers

 25   sont utilisés comme des armes antipersonnel ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Et est-ce que ce sont aussi, d'après vous, des armes mobiles que l'on

 28   peut déplacer assez facilement ?


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  1   R.  Oui, c'est l'avantage du mortier, le système de mortier, comparé avec

  2   l'artillerie, ils sont beaucoup plus souples, on peut les remonter et les

  3   redéployer très rapidement pour tirer de nouveau.

  4   Q.  Les mortiers sont également faciles à camoufler, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et ai-je raison de dire qu'autour de notre entretien hier, vous avez

  7   dit qu'en fonction du terrain les mortiers que l'on utilise pour tirer à

  8   partir de positions temporaires laissent très peu de traces de leur

  9   utilisation derrière eux, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors, nous avons entendu dire que votre équipe avait préparé un

 12   rapport relatif à l'enquête portant sur le bombardement du 5 février 1994

 13   dans lequel étaient mises en avant vos conclusions; et ceci a été achevé

 14   vers le 15 du même mois, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous de nouveau afficher le

 17   document P1441 et passer à la page numéro 9 de ce document.

 18   Q.  Général - nous pouvons alors faire défiler lentement cette page avant

 19   de passer à la page numéro 10, puis à la numéro 11 - mais Général, je vais

 20   peut-être vous poser directement la question : est-ce qu'il s'agit bien là

 21   d'une copie du rapport final rédigé par votre équipe à l'époque ?

 22   R.  Il semble que ce soit bien le cas.

 23   Q.  Pouvons-nous passer à la page suivante, numéro 10.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] S'il y a un problème technique, je peux en

 25   tout état de cause fournir au général un exemplaire imprimé du document

 26   P1441.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, si vous en avez un. Mais on

 28   m'informe en effet que des difficultés affectent en ce moment le système du


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  1   prétoire électronique.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'on peut m'aider peut-être à

  3   obtenir un exemplaire imprimé de la pièce P1441 ?

  4   Q.  Malheureusement, les pages ne sont pas numérotées, Général, mais peut-

  5   être que vous pourrez les tourner manuellement jusqu'aux pages 9, 10, 11,

  6   juste pour nous confirmer que vous reconnaissez bien ceci comme étant le

  7   rapport en question.

  8   R.  Oui, je le reconnais.

  9   Q.  Merci. Alors, ce rapport était assorti de plusieurs annexes, les

 10   annexes A à G, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pourriez-vous continuer de tourner les pages jusqu'à la page numéro 12

 13   afin de me dire si vous y voyez les annexes qui s'y trouvent énumérées ?

 14   R.  Oui, en effet.

 15   Q.  Que contiennent ces différentes annexes ? Est-ce que c'est quelque

 16   chose que vous pourriez nous expliquer, s'il vous plaît.

 17   R.  Est-ce que vous voulez que je lise ou que j'explique ?

 18   Q.  Est-ce que ces annexes contenaient l'ensemble de votre enquête et de

 19   ses résultats ? Est-ce qu'elles les couvraient ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et le rapport final que vous venez de voir a été rédigé en se fondant

 22   sur l'enquête dans son ensemble ainsi que sur une analyse des éléments

 23   contenus dans les différentes annexes, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors, je voudrais avancer à votre endroit un certain nombre

 26   d'affirmations découlant de votre rapport. Est-ce que vous pourriez nous

 27   confirmer en vous fondant sur l'enquête à laquelle avait procédé votre

 28   équipe que l'obus de mortier avait été tiré de façon conventionnelle en


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  1   utilisant un tube de mortier de 120 millimètres de diamètre ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Pourriez-vous nous confirmer également que l'obus a explosé au niveau

  4   du sol et n'a pas touché les étals ni les tables du marché ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Et que votre équipe a conclu que la forme du cratère était cohérente

  7   avec ce que pouvait être l'impact normal d'un obus de mortier sur une

  8   surface asphaltée ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et que votre équipe a estimé la direction du tir dans une fourchette

 11   située entre 330 et 420 millièmes ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Alors, juste une ou deux choses supplémentaires que je souhaiterais

 14   vous demander de confirmer et qui se trouvent dans votre rapport. Est-ce

 15   que vous conviendrez qu'il y avait des observateurs militaires des Nations

 16   Unies du côté bosnien, donc au nord-est de la zone d'impact, et qu'ils

 17   avaient toute liberté de mouvement ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pouvez-vous également confirmer que du côté bosnien il n'y a pas eu de

 20   positions de mortier fixes connues qui se soient trouvées le long de la

 21   direction de tir tel qu'estimée par votre équipe ?

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  Et votre équipe a appris en revanche que sur le territoire contrôlé par

 24   les Serbes de Bosnie et le long de la ligne de tir estimée, ou en tout cas

 25   dans la fourchette des directions de tir possibles, il y avait donc une

 26   partie de ce territoire qui faisait partie de la zone de responsabilité de

 27   la Brigade de Kosevo au sein du RSK ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Et votre équipe a également reçu des informations selon lesquelles des

  2   positions de mortier de la VRS se trouvaient le long de la direction ou de

  3   l'axe de tir ?

  4   R.  Je ne me rappelle pas les positions, mais pour cela, il faudrait que je

  5   revienne en arrière et que j'examine les annexes.

  6   Je me rappelle qu'il y avait une position à l'intérieur de cette fourchette

  7   des angles de tir possibles et que nous l'avons identifiée.

  8   Q.  Merci. J'ai dû mal m'exprimer. C'était "une position" et non pas "des

  9   positions". Alors, est-ce que vous pourriez également nous confirmer que

 10   depuis octobre 1993 les observateurs militaires des Nations Unies s'étaient

 11   vu refuser de circuler librement pour se rendre à des positions de la VRS

 12   se trouvant le long de la ligne de tir estimée ?

 13   R.  Je crois que c'est exact.

 14   Q.  Hier, lors de notre entretien, vous m'avez indiqué, je crois, que ni

 15   vous-même, ni votre équipe, ne vous êtes vu donner l'accès au territoire

 16   contrôlé par la VRS le long de cette ligne de tir estimée ?

 17   R.  Je ne me rappelle pas avoir dit cela.

 18   Q.  Est-ce que vous vous rappelez avoir dit -- ou plutôt, est-ce que vous

 19   pourriez nous confirmer que votre équipe n'avait pas accès au territoire

 20   contrôlé par les Serbes de Bosnie dans la direction d'où l'on estimait que

 21   le tir venait ?

 22   R.  Je ne me rappelle pas que nous n'ayons pas eu accès. Ce dont je me

 23   souviens - et c'est la pensée qui est la mienne maintenant que je vous

 24   livre par rapport à ces événements - à savoir que nous n'avons pas estimé

 25   nécessaire à l'époque de nous rendre sur le territoire contrôlé par les

 26   Serbes de Bosnie afin d'essayer d'y retrouver à partir de quel mortier cet

 27   obus aurait pu être tiré.

 28   Q.  Et pourquoi n'avez-vous pas trouvé que c'était nécessaire, Général ?


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  1   R.  Eh bien, parce que nous avions identifié un secteur assez vaste comme

  2   étant celui où se trouvait la position d'origine possible du tir, et nous

  3   avons donc estimé que cela prendrait énormément de temps d'essayer d'y

  4   retrouver quelque chose dans ce secteur, que cela reviendrait à chercher

  5   une aiguille dans une meule de foin, et ceci notamment en raison du fait

  6   que la neige venait de tomber et que, comme je l'ai dit précédemment, les

  7   mortiers ne laissent pas nécessairement derrière eux des traces

  8   particulièrement visibles de leur emploi. Donc, à moins qu'il ne se soit

  9   agi d'une position de mortier fixe, il aurait été extrêmement difficile de

 10   retrouver des traces de tir de mortier. Par conséquent, de notre point de

 11   vue, procéder à une sortie pour essayer de retrouver des traces ou des

 12   éléments de preuve sur un secteur aussi vaste aurait été assez peu avisé et

 13   nous avons décidé de ne pas le faire.

 14   Q.  Merci.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 17   Avez-vous des questions supplémentaires, Monsieur Karadzic ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande quelques instants.

 19   [Le conseil de la Défense se concerte]

 20   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 21   Q.  [interprétation] Général, j'ai juste une question. Compte tenu de ce

 22   que nous venons d'entendre de la bouche du Procureur, y a-t-il le moindre

 23   élément qui vienne modifier en substance vos conclusions, notamment du

 24   point de vue de la détermination du point d'origine de ce tir d'obus de

 25   mortier et de l'identité de ceux qui l'ont tiré ?

 26   R.  Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Est-ce que vous

 27   me demandez si quoi que ce soit est apparu ou est intervenu depuis

 28   l'enquête ou pendant l'enquête ? Si vous me demandez si je me souviens ou


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  1   non de quoi que ce soit qui remonterait à l'époque de l'enquête et qui me

  2   conduirait aujourd'hui à adopter une conclusion différente, ma réponse,

  3   dans ce cas, est non.

  4   Q.  Merci. Merci beaucoup. Et merci d'être venu déposer.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Général Gauthier, ceci met un

  6   terme à votre déposition. Au nom de la Chambre de première instance, je

  7   souhaite vous remercier d'avoir bien voulu venir à La Haye pour déposer.

  8   Vous êtes maintenant libre de repartir.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   [Le témoin se retire]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais maintenant demander que nous

 12   passions brièvement à huis clos partiel.

 13   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 29420 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. L'audience est levée. Nous

  4   reprenons demain à 9 heures.

  5   --- L'audience est levée à 14 heures 44 et reprendra le mercredi 31 octobre

  6   2012, à 9 heures 00.

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