Page 30237
1 Le mercredi 14 novembre 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 26.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Nous sommes
6 en train de siéger aujourd'hui en application de l'article 15 bis, le Juge
7 Morrison est absent pour des raisons de service.
8 Oui, Monsieur Robinson.
9 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous voudrions
10 présenter une requête pour demander aux Juges de la Chambre de réexaminer
11 une décision rendue au sujet des modalités de témoignage pour ce qui est du
12 témoin suivant, M. Dusan Zurovac. La raison est tout simplement celle-ci,
13 pour des raisons techniques et difficultés techniques que nous avons eues
14 cette semaine, nous avons encore quatre témoins qui sont encore à La Haye
15 et qui sont censés témoigner dans les deux journées qui viennent et nous
16 avons écourté leur témoignage -- enfin ça fait des journées qui sont là et
17 il y aurait des difficultés à les faire revenir. Ce sont des gens qui
18 travaillent, et donc il leur est difficile de rester aussi longtemps sans
19 avoir encore témoigné et leur demander de revenir ultérieurement.
20 Donc nous sommes parfaitement conscients du fait que nous ne pouvons
21 pas faire plus d'une déclaration révisée, chose que nous avons faite pour
22 M. Zurovac, et nous n'allons pas le faire une fois de plus; mais nous
23 comprenons parfaitement bien qu'il y a des documents aux paragraphes 2 à 11
24 qui ne sont pas pertinents pour ce qui est de sa déclaration, qui n'ont pas
25 à être versés au dossier. On a appris ces leçons entre-temps. Donc nous
26 voudrions procéder en application de l'article 92 ter pour minimiser le
27 temps à utiliser et pour entendre les témoignages des autres témoins pour
28 la semaine. Et nous vous serions reconnaissants de procéder ainsi, nous
Page 30238
1 nous excusons également pour ce qui est des erreurs qui ont été commises
2 lors de la présentation de la documentation liée à ces témoins.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, voudriez-vous dire
4 quelque chose en réplique ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, merci. Je suis en
6 train de me déplacer pour être à même de voir la totalité des membres de la
7 Chambre.
8 Alors je voudrais dire, à titre préliminaire, que nous ne sommes pas
9 d'accord pour ce qui est de ces circonstances prétendument exceptionnelles
10 qui justifieraient un réexamen de la décision. Nous sommes tout le temps en
11 train de nous pencher sur des questions d'organisation du calendrier, des
12 fois ça se fait mieux, des fois c'est plus difficile. Mais nous pensons que
13 ceci aurait nécessité à des ajustements relativement courts. Et il s'entend
14 que M. Robinson avait anticipé quelque 30 à 45 minutes pour ce qui est du
15 viva voce, et dans ce cas-là toute cette situation viendrait à modifier les
16 témoignages puisqu'on prendrait les 92 ter et les résumés, ça prendrait dix
17 à 15 minutes, donc l'impact serait négligeable. En tout état de cause, ce
18 type de façon de procéder pour ce qui est des modifications à l'agenda ne
19 sont pas de nature à exiger un réexamen de la part des Juges de la Chambre.
20 Et encore plus importante comme chose, ce serait la proposition
21 d'éliminer les paragraphes 2 à 11, qui ne résoudraient qu'une petite partie
22 du problème, et c'est la moindre des parties du problème. La préoccupation
23 principale des Juges de la Chambre c'est ce qui aurait un impact assez
24 important sur l'Accusation parce que nous aurions de plus en plus
25 d'éléments de preuve qui feraient leur apparition au fil de la semaine. Et
26 je souligne que ceci se présente dans un contexte de centaines et de
27 centaines d'enfreintes au Règlement prévues aux dispositions du 65 ter
28 parce qu'il n'y a eu carence du point de vue de la présentation de résumés
Page 30239
1 factuels au sujet des témoins, au sujet des faits donc, que l'on pense
2 pouvoir entendre être exposés par les témoins lors de leurs témoignages, et
3 c'était quelque chose qui aurait du être fait si on avait souhaité
4 véritablement se préparer en vue du témoignage. Tout ne dépendait donc de
5 ces dépositions ou de ces déclarations préalables. Alors, il aurait pu y
6 avoir un remède juridique qui empêcherait la présentation d'information
7 tardive. Les Juges de la Chambre ont opté pour un compromis, et nous
8 espérons que ceci fera en sorte que la Défense évitera ce type de pratique
9 afin que de les voir ne pas présenter tous les éléments de preuve de la
10 sorte.
11 La solution proposée par M. Robinson est en train d'éliminer ce
12 compromis. Parce que si l'on élimine la documentation qui se trouverait
13 être marginale ou dénuée d'importance, ça permettrait à l'accusé de
14 profiter de cette pratique qui a été si critiquée ici et impose à
15 l'Accusation un fardeau entier pour ce qui est des remèdes à rechercher, et
16 il aurait dû y avoir empêchement de ce type de comportement.
17 Donc de notre avis, il y a deux alternatives possibles de façon
18 légitime. L'un, c'est de maintenir la décision des Juges de la Chambre et
19 présenter la totalité des éléments de preuve viva voce. Et si la Défense
20 n'est pas satisfaite de cette solution, le seul recours juridique, ce
21 serait celui de revenir à la situation qui existait avant la proposition de
22 présenter des informations ou des éléments de preuve à titre tardif, et de
23 présenter des éléments de preuve qui sont contenus dans la première des
24 déclarations en application du 92 ter, à savoir ce qui est contenu dans le
25 1 à 20. Tout autre solution serait dénuée de fondement et inéquitable.
26 Je voudrais également faire savoir que Mme West sera la personne qui
27 contre-interrogera le témoin. Je ne sais pas si elle a quelque chose à
28 ajouter à cette analyse, mais je pense avoir dit ce que j'avais à dire.
Page 30240
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je m'excuse de vous avoir demandé
2 de prendre la parole, Monsieur Tieger.
3 Madame West, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ?
4 Mme WEST : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Bien, je ne vais pas chercher à en rajouter
6 au sujet de ce débat, Monsieur le Président.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ayant pris en considération les
9 arguments présentés par les parties, les Juges de la Chambre vont rendre
10 une décision. Du fait d'avoir rendu une décision orale à la date du 12
11 novembre afin de faire en sorte que Dusan Zurovac soit interrogé viva voce,
12 la Chambre s'est penchée sur toute une série de rajouts substantiels qui
13 ont été faits à la déclaration fournie au préalable et sur le fait qu'une
14 grande partie des éléments présentés par le témoin couvrent des sujets qui
15 ne sont pas pertinents dans cette affaire. La Chambre est d'avis que
16 l'accusé a fourni un fondement pour ce qui est d'un réexamen, qui ne
17 diminue en rien les préoccupations des Juges de la Chambre pour ce qui est
18 du témoignage de ce témoin en application du 92 ter qui ont conduit les
19 Juges de la Chambre à décider à le faire témoigner viva voce.
20 Bien que les Juges de la Chambre prennent bel et bien en
21 considération le fait que ceci serait peut-être peu arrangeant pour ce qui
22 est des témoins parce que ça les ferait revenir une deuxième fois vers le
23 Tribunal, malheureusement, c'est une des réalités des procès en justice et
24 cela ne justifierait pas le fait de ne pas entendre le témoin viva voce
25 puisque les Juges de la Chambre ont décidé de faire ainsi. La Chambre
26 décide donc de ne pas réexaminer sa décision et de faire en sorte que Dusan
27 Zurovac soit interrogé viva voce.
28 Autre question que je voudrais aborder avant que de continuer. Monsieur
Page 30241
1 Karadzic, le 12 novembre 2012, vous avez présenté une requête pour ce qui
2 est de ce Témoin Miladin Trifunovic afin de lui accorder des mesures de
3 déformation des traits du visage. Sa référence est le KV505 [comme
4 interprété]. Au paragraphe 4 de la requête, il est dit par l'accusé que :
5 "Le Dr Karadzic s'excuse de cette notification tardive pour ce qui est des
6 mesures requises, étant donné que M. Trifunovic n'a pas évoqué la question
7 avant que d'être arrivé à La Haye."
8 Cependant, la Chambre a été informée par le Service de la Protection des
9 Témoins et des Victimes qu'à son arrivée à La Haye, ce témoin a été surpris
10 qu'il n'y ait pas eu de demande de mesures de protection à son égard, étant
11 donné qu'il avait explicitement demandé de telles mesures lorsqu'il a
12 rencontré un membre de l'équipe de la Défense en début ou mi-octobre.
13 Alors, Monsieur Robinson, est-ce que vous pouvez nous apporter une
14 explication à ce sujet ?
15 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il est vrai que
16 les enquêteurs s'enquièrent auprès des témoins pour ce qui est
17 d'éventuelles mesures de protection lorsqu'il y a un premier contact. Et
18 d'habitude, ça se fait bien avant qu'ils n'aient à comparaître devant les
19 Juges de la Chambre et avant que les Juges de la Chambre n'aient refusé des
20 mesures de protection pour d'autres témoins qui avaient été dans des
21 circonstances tout à fait similaires. Alors nous avons demandé à notre
22 personne chargée de contacter les témoins d'essayer d'arranger les choses
23 avant qu'ils ne viennent à La Haye, et on leur demande s'ils demandent des
24 mesures de protection ou pas afin que nous puissions présenter une requête
25 appropriée. Or, lorsque notre commis à l'affaire a posé la question à M.
26 Trifunovic pour savoir s'il voulait des mesures de protection, il avait dit
27 que non, et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu de requête à ce
28 sujet. Et lorsqu'il est venu à La Haye, il s'est dit déçu de ne pas avoir
Page 30242
1 bénéficié de mesures de protection. Donc nous avons débattu de la question
2 avec lui, et il a dit que de toute façon il est disposé à témoigner, ne
3 serait-ce qu'avec déformation des traits du visage, puisqu'il se déplace
4 souvent vers des secteurs où il redoute d'avoir des problèmes. Donc, c'est
5 la raison pour laquelle vous n'avez pas obtenu de requête à ce sujet
6 pendant cette semaine-ci.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi a-t-il été déçu, étant
8 donné qu'il avait dit auparavant qu'il ne trouvait pas nécessaires les
9 mesures de protection ?
10 M. ROBINSON : [interprétation] A parler franchement, Monsieur le Président,
11 je ne le sais pas. Il y a peut-être eu un malentendu entre lui et le commis
12 à l'affaire. Parce qu'il avait semblé penser qu'il bénéficierait de mesures
13 de protection, or le commis à l'affaire qui s'est entretenu avec ce témoin
14 et toute une autre série de témoins a précisé qu'il y avait un strict
15 protocole pour ce qui est de l'accomplissement de ce type de fonction. Et
16 il y a eu un malentendu ou une mauvaise communication entre les deux.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
18 En tout état de cause, la Chambre trouve inacceptable de voir présentées de
19 façon inexacte les opinions des témoins au sujet des mesures de protection
20 pour faire figurer les choses au niveau de requêtes présentées à la Chambre
21 avant qu'ils ne comparaissent. Alors, à l'avenir, la Chambre s'attend à ce
22 que l'accusé s'assure d'une communication adéquate avec son équipe, et
23 veillez donc à ce qu'une attention tout à fait appropriée soit accordée aux
24 mesures de protection. Les témoins ne peuvent pas être laissés dans
25 l'obscurité jusqu'à leur arrivée à La Haye, et on ne saurait s'attendre à
26 ce que des mesures de protection leur soient accordées dès que requises.
27 Par conséquent, il appartient à l'équipe de la Défense d'informer de façon
28 adéquate et de conseiller les témoins en temps utile au sujet des requêtes
Page 30243
1 à présenter au sujet des mesures de protection ou pas.
2 Alors, ceci étant dit, la Chambre va rendre une décision écrite au sujet de
3 la requête en question.
4 S'il n'y a pas d'autres sujets à aborder, je voudrais qu'on fasse entrer le
5 témoin.
6 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste dire
7 que ce témoin doit faire l'objet d'une mise en garde en application du
8 90(E).
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous prie de donner lecture de la
14 déclaration solennelle.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN : DUSAN ZUROVAC [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Installez-vous, mettez-vous à
20 l'aise.
21 Monsieur Zurovac, avant que de commencer à témoigner, je voudrais attirer
22 votre attention sur une règle qui est en vigueur au niveau de ce Tribunal.
23 Cette Règle découle de l'article 90(E), et cet article dit que vous pouvez
24 faire objection à des réponses pour ce qui est des questions posées par
25 l'Accusation, l'accusé ou les Juges si vous estimez que la réponse serait
26 susceptible de vous incriminer. Et quand je dis "incriminer", je veux dire
27 que vous pourriez dire quelque chose qui pourrait constituer une
28 reconnaissance de culpabilité pour ce qui est du témoignage fourni ou
Page 30244
1 indiquer ou laisser entendre que vous avez commis un délit quelconque.
2 Alors, quand bien même vous penseriez que votre réponse serait susceptible
3 de vous incriminer et si vous venez à ne pas souhaiter répondre, la Chambre
4 a le droit discrétionnaire de vous contraindre à répondre à cette question.
5 Mais dans ce cas concret, le Tribunal veillera à ce que ce témoignage ainsi
6 obtenu de votre part ne puisse pas être utilisé comme élément de preuve
7 dans une autre affaire, dans un autre procès, et vous ne sauriez être
8 poursuivi pour rien sauf pour le cas d'un faux témoignage.
9 Est-ce que vous avez compris ce que je vous ai dit, Monsieur ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
12 Monsieur Karadzic, à vous.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellence. Bonjour à tous.
14 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zurovac.
16 R. Bonjour.
17 Q. Malheureusement, je vais devoir passer un peu plus de temps à vous
18 interroger parce que c'est un interrogatoire viva voce, mais j'espère que
19 personne ne verra un inconvénient à ce que vous puissiez disposer du texte
20 de votre déclaration sur votre pupitre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas quelle est la procédure à mettre
22 en œuvre à présent.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je crois que vous devriez savoir
24 comment conduire votre interrogatoire principal avec les conseils de M.
25 Robinson ou de vos autres conseillers juridiques.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Mais y a-t-il un problème, Monsieur le
27 Président, pour ce qui est de le faire disposer de sa déclaration ? Parce
28 que le témoin est à même d'avoir sa déclaration préalable pour s'aider
Page 30245
1 avec, indépendamment du fait de savoir si c'est versé en application d'un
2 92 ter ou pas.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections ou
5 observations à formuler, Monsieur Tieger -- ou, Madame West ?
6 Mme WEST : [interprétation] Non. Nous n'avons pas d'objection.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
8 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, moi, j'aurais une
9 observation à faire à ce sujet. Je crois que la pratique devant les autres
10 Chambres de ce Tribunal était celle de faire en sorte que le témoin indique
11 aux parties en présence quand est-ce qu'il fait référence à cette
12 déclaration afin que les choses soient consignées au compte rendu.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais je vais veiller à ce que l'on
14 nous fasse savoir si le témoin est en train de consulter sa déclaration, et
15 nous allons assurer un monitoring à cet effet.
16 Que cela soit fait. Est-ce que vous avez une version en B/C/S
17 d'imprimée ? Si c'est le cas, vous pouvez la fournir au témoin.
18 Entre-temps, veuillez continuer, Monsieur Karadzic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Est-ce que vous voulez bien dire aux Juges de la Chambre comment vous
22 vous appelez.
23 R. Je m'appelle Dusan Zurovac.
24 Q. Moi, j'attends la fin de l'interprétation. Et je vous demande de faire
25 pareil.
26 Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous êtes né et où
27 est-ce que vous êtes né ?
28 R. Je suis né le 19 novembre 1941, à Nevesinje, en Herzégovine.
Page 30246
1 Q. Merci. Quelle est votre profession ?
2 R. Je suis professeur de lettres.
3 Q. Est-ce que c'est ce que vous avez exercé comme métier au fil de votre
4 carrière ?
5 R. Oui.
6 Q. Merci. Où avez-vous résidé ?
7 R. J'ai résidé à Sarajevo et à Mostar.
8 Q. Merci. Mais où au juste dans Sarajevo ?
9 R. A Novo Sarajevo, rue Zagorska, numéro 81.
10 Q. Merci. Est-ce que c'est une maison privée ou est-ce que c'est un
11 immeuble, une habitation collective ?
12 R. C'est une maison privée à moi.
13 Q. Merci. Alors, dites-nous où est-ce que vous vous trouviez lorsque la
14 guerre a commencé ?
15 R. A Mostar.
16 Q. Merci. Quand êtes-vous donc retourné à Sarajevo ?
17 R. J'y suis allé au bout de trois mois, trois mois et demi.
18 Q. Merci. Est-ce qu'à un moment donné vous auriez rejoint les rangs de
19 l'armée de Republika Srpska ?
20 R. Oui.
21 Q. Où vous êtes-vous présenté dans les rangs de l'armée, et pouvez-vous
22 nous exposer aussi vos motifs ?
23 R. Je me suis présenté dans les rangs de l'armée de la Republika Srpska
24 dans ma cité, dans mon agglomération, qui était une cité serbe
25 exclusivement, afin que je n'aie pas à connaître ce que j'ai eu à connaître
26 en début mai à Mostar.
27 Q. Que voulez-vous dire ? Que vous est-il arrivé à Mostar au mois de mai ?
28 R. Le 5 mai 1992, j'ai été incarcéré et j'ai été amené dans une prison
Page 30247
1 centrale à Mostar. Le 18 août, j'ai été échangé à Stolac, à Todorovici
2 [phon], et j'ai eu à subir des choses qu'il est difficile d'imaginer pour
3 ce qui est de ce qu'un homme peut faire à un autre homme.
4 Q. Merci. Dites-nous quelle est l'unité où vous êtes rentré dans les rangs
5 de la VRS ? Où est-ce que ça se trouvait ?
6 R. La 4e Compagnie du 2e Bataillon, et mon déploiement était dans la rue
7 Ozrenska.
8 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la zone de
9 responsabilité de cette 4e Compagnie ?
10 R. La zone de responsabilité allait de la maison de Pandurevica Kuca
11 jusqu'au carrefour de la rue Milinkladska.
12 Q. Merci. Cette rue Ozrenska, à quelle distance se trouvait-elle de la rue
13 Zagorska, là où vous aviez votre maison ?
14 R. Ma maison se trouve au coin de la rue Zagorska et Ozrenska, à gauche.
15 Q. Merci. Est-ce que vous avez eu des fonctions de commandement; et si
16 oui, en fonction de quoi ?
17 R. Au début, je n'ai pas eu de mission de commandement, j'étais simple
18 soldat. Plus tard, lorsque le chef de la 4e Compagnie est mort, je suis
19 devenu chef de cette 4e Compagnie.
20 Q. Merci. Est-ce que vous aviez un grade ?
21 R. Oui, j'avais un grade. J'étais sous-lieutenant à l'époque.
22 Q. Merci. Où avez-vous obtenu ce grade ?
23 R. Dans l'armée de la Republika Srpska.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander qu'on nous montre dans le
25 système de prétoire électronique le document 1D6099.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette carte et est-ce que vous y avez
28 apporté des annotations vous-même ?
Page 30248
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on relève un peu la carte.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je reconnais cette carte, et j'ai montré
3 un triangle que l'on peut voir sur cette carte.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut relever la carte un peu.
5 Q. Enfin, est-ce que c'est ce qui est en bleu ?
6 R. Oui. En couleur bleue c'est le petit secteur qui était contrôlé par la
7 4e Compagnie.
8 Q. Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que sont ces différentes
9 choses ?
10 R. La ligne qu'on voit c'est la ligne de démarcation. Là, il y avait des
11 tranchées et des bunkers de part et d'autre. L'ennemi était à dix, 15, 20
12 mètres de là où on se trouvait nous-mêmes.
13 Q. Merci.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, est-ce que vous estimez qu'il est
15 nécessaire qu'il signe cette carte ou est-ce que vous l'acceptez telle
16 quelle ?
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'a rien annoté du tout sur cette
18 carte dans le prétoire, mais moi j'ai besoin d'obtenir quelques
19 éclaircissements.
20 Monsieur Zurovac, est-ce que vous pouvez lire l'anglais ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui a fait ces annotations sur cette
23 carte, Monsieur Karadzic ? Je vois "zone de responsabilité de Zurovac" et
24 je vois d'autres commentaires du style "pas de ligne de vue" et on dit "1
25 250 mètres", qui est-ce qui a fait ces annotations ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la Défense. Le témoin nous a communiqué
27 des informations et nous avons transposé la teneur de ces informations sur
28 la carte, et c'est lui qui a dessiné la ligne. La ligne bleue c'est lui qui
Page 30249
1 l'a dessinée.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais attendez, Monsieur Karadzic.
3 Vous avez posé des questions au sujet de la ligne bleue, le témoin a dit
4 qu'il ne comprenait pas l'anglais et qu'il ne pouvait pas le lire. Et pour
5 ce qui est donc de déterminer les choses, il faudra lui poser des questions
6 à ce sujet afin qu'il commente.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, Monsieur, à quelle distance se trouve
10 votre zone de responsabilité de l'endroit où il y a ce numéro 10 ou ce
11 numéro 18 d'annoté ?
12 R. C'est au moins à un kilomètre et demi pour ce qui est du numéro 10, et
13 pour ce qui est du numéro 4, ça se trouve à peu près à 900 mètres de la
14 ligne de tir, qui est la ligne de déploiement de la 4e Compagnie.
15 Q. Un instant. Est-ce que vous avez été mis au courant d'un incident
16 survenu le 3 septembre 1993 dans la rue d'Ivana Krndelja ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire comment la rue d'Ivana Krndelja se
19 trouve être désignée ici ?
20 R. La rue d'Ivana Krndelja passe par le pont de la Miljacka et ça va vers
21 Hrasno Brdo. Il y a une ligne inclinée ou perpendiculaire en passant par la
22 Miljacka et en se dirigeant vers Hrasno.
23 Q. Merci. Est-ce que vous nous avez dit à quelle distance ça se trouvait
24 vos positions et le carrefour d'Ivana Krndelja et la rue qui fait est/ouest
25 ? Quelle est la distance que cela constitue ?
26 R. Environ 900 mètres.
27 Q. Merci. Est-ce que là il existe une visibilité optique sans obstacle ?
28 R. Non.
Page 30250
1 Q. Entre vos positions et le point annoté par le chiffre 4; c'est cela ?
2 R. Absolument.
3 Q. Merci. Qu'est-ce qui fait obstacle à la visibilité optique ?
4 R. Eh bien, c'est la configuration du terrain. Hrasno Brdo c'est fait de
5 sorte à ce qu'on ne puisse pas voir depuis les lignes de tir de la 4e
6 Compagnie du tout, l'incident qui est survenu au numéro 4. Vous pouvez voir
7 le point appelé "Tranzit", on pouvait voir l'incident si vous vous trouviez
8 sur les collines qui étaient derrière nous. Et dans ce cas concret, la
9 distance se trouverait être de plus d'un kilomètre et demi.
10 Qu'est-ce qui fait obstacle ? Eh bien, c'est les collines qui font
11 obstacle. C'est une région vallonnée. Nous étions au creux d'une vallée. Il
12 y avait trois ou quatre petites collines qui faisaient obstacle et qui
13 empêchaient de voir la rue Ivana Krndelja. Ce qui fait que nous n'étions
14 pas en position de voir. L'ennemi faisait venir ses effectifs, le matériel,
15 et tout le reste. On ne pouvait qu'entendre les bruits, mais on ne pouvait
16 pas voir. Je pense que la thèse avancée ne tient pas debout, parce que cet
17 incident numéro 4 pouvait être vu à 400 mètres depuis Gojino Brdo ou d'une
18 autre colline qui se --
19 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu bien le nom.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Merci. Est-ce que ces collines étaient tenues par des effectifs de
22 l'armée serbe ?
23 R. Oui.
24 Q. Mais quelle aurait été la distance entre les points à partir desquels
25 on pouvait voir et ce numéro 4 ?
26 R. D'après moi, depuis Gojino Brdo, ça aurait fait presque 2 kilomètres et
27 de l'autre colline --
28 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas encore compris le nom.
Page 30251
1 LE TÉMOIN : [interprétation] -- ça ferait environ un kilomètre et demi.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez été mis au courant
4 d'un incident qui est survenu le 22 juillet 1994 dans la rue de Miljenko
5 Cvitkovic ?
6 R. Oui, bien qu'à l'époque je n'ai pas été chef de la compagnie, je suis
7 allé remplir une obligation de travail. Mais il y a des choses illogiques
8 en quantités incroyables. On a dit qu'un garçon était en train de regarder
9 dans une vitrine, et nous ne serions trouvés dans le dos de ce garçon à un
10 kilomètre et demi. Le garçon en question aurait -- enfin a prétendument été
11 touché au ventre. Alors, ce n'est pas logique, sans parler des questions de
12 portée et autres aspects qui montreraient que nous avions ou pas pu le
13 toucher. Mais, bon, ça ce sera à voir plus tard.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je vous demander, et je vais avoir besoin
16 d'une carte.
17 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, concernant cette
18 carte, je voudrais demander son versement au dossier, mais je voudrais
19 aussi demander qu'elle soit ajoutée sur notre liste de documents 65 ter.
20 Elle ne s'y trouve pas puisque à l'époque nous n'avions pas encore présenté
21 cette liste.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.
23 Mme WEST : [interprétation] J'ai entendu des éléments concernant le numéro
24 10 et le numéro 4. On parlait de 1 500 mètres, 1 900 mètres, mais ici nous
25 avons une distance de 1 250 mètres, et puis on voit un point
26 supplémentaire, et j'ai voulu demander au témoin de l'expliquer.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est quoi ce point supplémentaire,
28 Madame West ?
Page 30252
1 Mme WEST : [interprétation] Je ne pense pas qu'il ai dit quoi que ce soit
2 au sujet du 18.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'était sur la carte au
4 départ ?
5 Mme WEST : [interprétation] Peut-être. Mais si c'est quelque chose qui est
6 versé, cela ne va avoir aucun sens, à moins que le témoin ne s'exprime au
7 sujet de cela.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voulez-vous que je vous donne quelques
9 explications, puisque nous avons pas du tout montré de document au témoin
10 au sujet du point 18 ou la localité qui se trouve au point 18. C'est la
11 carte du Procureur. Moi, je ne pense pas que le témoin sache quoi que ce
12 soit à ce sujet.
13 Mme WEST : [interprétation] Je peux accepter cette explication. Mais, là
14 aussi, on parle de 1 250 mètres, et le témoin n'en a pas parlé.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord là-dessus.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire ce que représente ce
18 chiffre de 1 250 mètres que l'on voit sur la carte ?
19 R. C'est la distance, la distance entre notre position de feu et
20 l'incident numéro 10 qui est marqué sur cette carte. Moi, j'ai dit que
21 cette distance se situait autour de 1 500 mètres et qu'il n'était possible
22 d'avoir une visibilité par rapport à l'endroit où s'est produit l'incident
23 10 qu'à partir des collines qui étaient derrière notre dos.
24 Q. C'est encore plus loin que vos lignes, n'est-ce pas ?
25 R. Je dirais que cela se trouve à peu près à 300 mètres de nos lignes.
26 Gojino Brdo est à 350 mètres, et l'autre à 300 mètres.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cette carte peut être versée au
28 dossier ? Et si besoin est, le témoin peut la signer.
Page 30253
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, il n'a pas besoin de la signer.
2 On va la verser. Pourriez-vous nous donner une cote.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le document
4 1D6099 va recevoir la cote D2427.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et je voudrais ajouter que la carte qui
6 sert de carte de base est celle qui figure sous la cote P2191, mais
7 l'équipe de la Défense a changé la couleur du point 18, qui était vert et
8 qui est à présent jaune, et aussi la légende. Je trouve cela bizarre, mais
9 bon.
10 On peut poursuivre.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, sur mon écran, c'est bien vert, aussi
12 bien la couleur de la légende que le numéro 18.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on va dire vert-jaune, ou vert
14 jaunâtre. Mais on va poursuivre.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir à présent la pièce 65
16 ter 24026. Donc, 24026 sur la liste 65 ter.
17 Merci.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Zurovac, reconnaissez-vous cet endroit ?
20 R. Non, je n'ai jamais vu cela. Je n'ai jamais vu ces barrages vu que l'on
21 ne les voit pas à partir de la ligne de feu tenue par ma compagnie. Je les
22 ai vus pour la première fois - je parle de ces obstacles - quand vous
23 m'avez montré cela --
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, pourriez-vous répéter
25 la réponse pour que les interprètes puissent l'interpréter.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais très bien ces quartiers. J'y ai
27 habité à peu près 30 années. Cependant, ces obstacles que l'on voit sur la
28 rue d'Ivana Krndelja, je ne les ai jamais vus auparavant. Pas seulement
Page 30254
1 moi-même, mais aucun de mes soldats. Je mettrais ma main au feu pour
2 témoigner de cela.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Sur la photo, pourriez-vous nous montrer exactement où se trouvaient
5 vos positions. Montrez-les sur la photo.
6 R. Eh bien, nos positions étaient parfaitement en profondeur, à peu près
7 900 mètres plus loin, mais la configuration est telle que c'est une
8 élévation. Donc, c'est une colline. Et c'est pour cela, d'ailleurs, que le
9 quartier s'appelle Hrasno Brdo.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de demander au témoin de nous
11 montrer où se trouve exactement la rue d'Ozrenska.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Est-ce que l'on voit sur cette photo-là vos positions ?
14 R. Non.
15 Q. Pourriez-vous nous montrer à l'aide de flèches qui vont du ciel vers le
16 sol où se trouvait votre position ?
17 R. Eh bien, j'aurais du mal à le faire, parce que si je vois bien, cette
18 photo a été prise à partir de la route principale qui passe tout près de
19 là. Ce n'était pas pris de l'intérieur du terrain, de la profondeur, pour
20 pouvoir voir nos positions. C'est clair comme le jour.
21 Q. Merci. Dans ce cas-là, je ne vais pas vous demander d'annoter cela.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de verser ce document ?
23 M. ROBINSON : [interprétation] Nous voudrions demander que ceci soit ajouté
24 sur la liste 65 ter, vu que nous n'avons pas pensé l'utiliser jusqu'à il y
25 a peu de temps.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Procureur doit savoir d'où vient ce
27 document. Mais à l'avenir, je voudrais que l'accusé nous dise exactement
28 d'où vient ce document, sa provenance. Là, je vois que c'est quelque chose
Page 30255
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30256
1 qui vient du procès Galic.
2 Madame West.
3 Mme WEST : [interprétation] Pas d'objection.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, dans ce cas, nous faisons droit
5 à votre demande, et ceci va devenir la pièce P2428.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Du Procureur, Monsieur le Président ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D, excusez-moi, 2428.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Avant de déplacer la photo, Monsieur Zurovac, encore une question :
10 cette route que l'on voit au premier plan, est-ce que l'ABiH a utilisé
11 cette route ?
12 R. Au début de la déposition, j'ai bien dit que l'ABiH a bel et bien
13 utilisé cette route, de sorte que nous n'étions pas du tout en mesure de
14 contrôler cet axe de communication. Avant, le rail de chemin de fer allait
15 le long de cette route. Nous n'avions absolument aucune visibilité sur cet
16 axe de communication, de sorte qu'ils ont pu l'utiliser librement pour
17 transporter les éléments, les moyens techniques, et cetera. Donc, c'était
18 une route où il y avait beaucoup de circulation.
19 Q. Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je vais demander de montrer le
21 document 65 ter 24024.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, si l'accusé va
23 utiliser beaucoup de documents qui ne se trouvent pas sur la liste 65 ter,
24 pourquoi vous ne posez pas la question de les ajouter pour tous ces
25 documents à la fois ? Nous pouvons le faire à la fin.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement, nous pourrions le faire
27 à la fin, parce qu'à l'avance, je ne sais pas combien il va y en avoir. De
28 toute façon, nous allons essayer de ne pas dépenser trop de temps là-
Page 30257
1 dessus. Et je voudrais faire une demande générale dans ce sens.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le Procureur sait quels sont
3 ces documents ?
4 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, vu que ce sont des documents qui font
5 partie de la liasse de documents en vertu de l'article 92 ter. Donc ils ont
6 été informés de cela, oui.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A l'avenir, il faudrait informer les
8 Juges de la Chambre de l'existence de documents qui tombent dans cette
9 catégorie-là. Parce que nous n'avons rien reçu.
10 M. ROBINSON : [interprétation] Je suis vraiment désolé, Monsieur le
11 Président. Parce que nous avons effectivement, le 9 novembre, soumis les
12 documents qui tombent sous le coup de l'article 92 ter, qui comprenne la
13 liste des documents qui devaient être utilisés avec ce témoin. Et M.
14 Karadzic à présent a l'intention d'en sélectionner quelques-uns dans la
15 mesure où le temps nous le permet et de demander leur versement. Et donc on
16 travaille sur la base des documents présentés sur notre liste 92 ter, le 9
17 novembre, et il y a une colonne qui montre bien que les documents devaient
18 être présentés sur la liste 65 ter, et lesquels, non.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. C'est à cause du nombre
20 d'écritures que l'on reçoit, mais là je viens de le recevoir, de le
21 reconnaître, de le retrouver. Donc on peut poursuivre.
22 Mais, en attendant, Madame West, est-ce que vous avez une objection par
23 rapport à ce document ou vous pouvez peut-être nous dire quel est votre
24 point de vue en général ?
25 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je connais ces
26 documents, enfin je suis au courant de leur existence. Je ne voudrais pas
27 prendre de positions générales. Je ne peux pas dire que le Procureur n'a
28 pas d'objection quant à ce versement en grand nombre de documents qui ne
Page 30258
1 figuraient pas sur la liste 65 ter, mais effectivement, dans ce cas précis,
2 le document dont on parle, eh bien, nous avons été au courant de ce
3 document et nous n'avons pas d'objection.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. On va poursuivre sur ces
5 bases-là.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous cette photo ?
9 R. Bien sûr. Je la reconnais.
10 Q. Qu'est-ce qu'on voit sur cette photo, au premier plan et plus loin ?
11 R. Au premier plan, on voit les trottoirs, la rue Ivana Krndelja, et puis
12 plus loin on voit le sommet de Hrasno Brdo.
13 Q. Et qui contrôlait le sommet de Hrasno Brdo ?
14 R. C'est notre zone de responsabilité. Mais derrière il y avait
15 pratiquement personne, sauf une vieille femme avec un fils. Tout le monde
16 avait fui la zone de sorte que personne n'habitait sur ce sommet. Pourquoi
17 ? Parce que notre ligne se trouve à 250 mètres de là quels que soient les
18 sommets, le premier et le deuxième, le troisième sommet de Hrasno Brdo.
19 Q. Est-ce qu'il y avait une visibilité à partir de l'endroit où se tient
20 cette dame et vos tranchées ?
21 R. Non, pas du tout.
22 Q. Et où se trouve Asimovo Brdo ?
23 R. En regardant cette photo, Asimovo Brdo se trouve sur la gauche, à 900
24 mètres à peu près, à cette différence près qu'Asimovo Brdo est un petit peu
25 plus élevé que Gojino Brdo et l'autre que je viens de mentionner tout à
26 l'heure. Et cette colline se trouve complètement sur la gauche quand on
27 regarde la photo.
28 Q. Et qui avait le contrôle d'Asimovo Brdo ?
Page 30259
1 R. L'ennemi.
2 Q. Et donc là, c'était une élévation qui dominait les collines que vous
3 contrôliez, Gojino Brdo et l'autre ?
4 R. Oui, ces collines-là étaient surélevées d'à peu près 50 mètres par
5 rapport aux deux autres.
6 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
7 Mme WEST : [interprétation] Eh bien, il y a eu plusieurs questions
8 directrices. Je comprends la question de temps, mais je ne voudrais pas que
9 cela devienne une habitude pour M. Karadzic.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, comme c'est souvent le cas, je
11 vous laisse continuer jusqu'à ce que l'on entende la première objection.
12 Maintenant vous l'avez entendue. Vous avez entendu ce qu'a dit Mme West. Et
13 donc essayez d'avoir cela à l'esprit, de ne pas donc guider le témoin.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Avant de déplacer cette pièce à conviction, pourriez-vous nous dire par
16 rapport à la photo où se trouvaient les tranchées de l'ennemi ?
17 R. Eh bien, quand vous regardez la photo les tranchées de l'ennemi étaient
18 au-dessus de nos tranchées, là où se tient cette femme ou cet homme, puis
19 en direction prise par ces autres femmes. Mais en tout cas, ils sont avant
20 nos tranchées. Nos tranchées sont à peu près 15, 20 mètres après les leurs.
21 Q. Et par rapport à l'horizon sur la photo, pourriez-vous nous dire où se
22 trouvent les tranchées serbes, et où se trouvent les tranchées musulmanes ?
23 R. Voulez-vous que je tire un trait ? Regardez, regardez cette maison
24 blanche tout en haut, ensuite il y a une espèce de maison verdâtre sur la
25 droite, eh bien, le sommet de la colline est à peu près tout en haut, là où
26 on voit les maisons. Et nos tranchées sont sous la maison verdâtre qui est
27 sur la droite de la photo. C'est par là que passent nos tranchées.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, cette photo va être versée au
Page 30260
1 dossier en tant que pièce D2429.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir la pièce 65 ter 23968.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Reconnaissez-vous cette prise de vue, est-ce que vous pouvez nous dire
5 de quoi il s'agit ?
6 R. Oui. C'est la rue d'Ivana Krndelja. Sur la gauche, on voit les gratte-
7 ciel, c'est la rue d'Ivana Krndelja. Tous ces immeubles, cette maison non
8 terminée - je ne sais pas où se trouve cette maison, je ne sais pas à qui
9 appartient la maison sur la droite, celle qui est détruite. Mais, en tout
10 cas, à partir de cet endroit il n'est pas possible de voir l'incident
11 numéro 4. Impossible de voir cet endroit.
12 Q. Bien. Cette photo a-t-elle été prise à partir d'un endroit qui se
13 trouve au nord de la rue Ozrenska ou au sud ?
14 R. La rue d'Ozrenska se trouve derrière cette maison, derrière ces arbres.
15 Cela dépend parce que c'est une rue qui serpente. Parce que ce sont des
16 maisons des familles, et au fur et à mesure que les maisons étaient
17 construites la rue était construite aussi. Donc elle serpente, elle passe
18 entre les maisons. Mais, en tout cas, elle est plus au nord.
19 Q. Et vos positions ?
20 R. Nos positions sont là, en ma direction, à partir de la photo. On ne les
21 voit pas sur la photo.
22 Q. Alors où se tient le photographe par rapport à vos positions; est-il
23 plus près de l'armée musulmane ou bien de vos tranchées ?
24 R. Eh bien, la photo qui m'a été montrée tout à l'heure, moi, j'ai
25 l'impression que c'est une photo qui a été prise à partir de Demino Brdo,
26 qu'on a essayé de chercher une prise idéale, parce que, vraiment, il n'est
27 pas possible de voir la position de l'incident 4 à partir de la position
28 tenue par la 4e Compagnie. Impossible.
Page 30261
1 Q. Très bien.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de verser ce document ?
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.
4 Mme WEST : [interprétation] Pas d'objection.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pièce D2430.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir le document 23967.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Pourriez-vous nous dire si vous reconnaissez ce que l'on voit sur cette
9 photo ? Est-ce que vous pouvez déterminer à partir de quel endroit elle a
10 été photographiée ?
11 R. Ici, on voit la rue Ivana Krndelja. Elle a été prise à partir du côté
12 droit. Et on voit très bien que ces bâtiments obstruent la vue de l'endroit
13 où s'est produit l'incident 4.
14 Q. Quelle est la rue d'Ivana Krndelja, celle qui passe sur la gauche ou
15 sur la droite des immeubles ?
16 R. Sur la gauche, on voit les gratte-ciel et l'immeuble ayant du rouge, et
17 sur la droite, entre les deux, passe la rue Ivana Krndelja.
18 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez reconnaître l'endroit à partir duquel
19 cette photo a été prise ? Est-ce une photo qui a été prise du sol ?
20 R. Je ne sais pas. Mais en tout cas, je suis sûr que ce n'est pas possible
21 que cette photo ait été prise à partir de la position contrôlée par la 4e
22 Compagnie. Je vous ai mentionné tout à l'heure Demino Brdo, et c'est tout à
23 fait possible que la photo ait été prise à partir de là. Tout à l'heure, je
24 vous ai parlé aussi de la ville de Vraca, et cetera. Mais je pense que
25 c'est à partir de Demino Brdo, donc.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de verser ce document ?
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais qui a pris ces photos ?
28 M. ROBINSON : [interprétation] C'est le Procureur qui a pris ces photos, et
Page 30262
1 les numéros 65 ter sont les numéros utilisés par le Procureur.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci.
3 Madame West, est-ce que vous savez si ces photos ont été utilisées dans
4 l'affaire Galic ? Est-ce que vous le savez, Madame West ?
5 Mme WEST : [interprétation] Non, mais je vais poser la question. Je vais
6 vérifier pour pouvoir vous répondre.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Eh bien, ceci va devenir la
8 pièce D2431.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
10 Je vais demander à présent de voir la pièce 1D6099.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Je voudrais vous poser la question suivante : pourriez-vous nous dire
13 si à partir de vos positions, à partir de la rue Ozrenska, s'il était
14 possible de tirer avec l'arme automatique l'incident précis de l'incident
15 10 ?
16 R. C'est parfaitement impossible. Vous savez très bien que devant notre
17 ligne se trouvait la ligne de l'ennemi, et c'était absolument impossible de
18 tirer sur la femme qui est en train de passer avec un enfant, même si vous
19 montiez sur le toit d'un immeuble.
20 Mais je voudrais ajouter autre chose. Si vous examinez la photo
21 précédente et si vous examinez maintenant l'angle de la prise de vue par le
22 Procureur, donc de la photo prise par le Procureur, vous pouvez examiner
23 l'incident 4, et vous allez voir que nous, la 4e Compagnie, nous nous
24 trouvions sur la gauche. Pourquoi il est impossible de tirer sur cet
25 endroit ? Eh bien, ce n'est pas possible parce que la distance est beaucoup
26 trop grande et les armes automatiques n'ont pas la portée nécessaire pour
27 tirer. Bon, peut-être que la portée est suffisante, mais en tout cas on ne
28 peut pas viser ici. Et on ne peut pas utiliser les armes automatiques pour
Page 30263
1 de multiples raisons, et surtout si on tient compte de ce que j'ai dit tout
2 à l'heure : nos positions n'avaient pas de visibilité par rapport à
3 l'incident 4. C'en est d'une. Et ensuite, autre chose - très important -
4 les gens qui passent leur temps dans les tranchées, sous la terre, pourquoi
5 voulez-vous qu'ils sortent de ces tranchées, qu'ils montent sur des toits
6 d'immeubles pour tirer sur des femmes ? C'est complètement fou.
7 Q. Pourquoi dites-vous que ce serait complètement fou ?
8 R. Eh bien, tout homme honnête, surtout quand il s'agit des soldats serbes
9 honorables, ils ont tous des femmes et des enfants, alors comment pouvez-
10 vous imaginer qu'un homme tire sur une femme et sur un enfant ? Et comment
11 voulez-vous qu'il sache à l'avance que c'est une femme musulmane, ou cet
12 enfant, qu'il est Musulman ? Expliquez-moi cela.
13 Q. Mais est-ce que se pose aussi la question de sa propre sécurité, par
14 exemple, s'il montait sur un toit ?
15 R. Evidemment. Parce qu'il serait mort immédiatement.
16 Mme WEST : [interprétation] Je pense qu'à nouveau, on pose des questions
17 directrices.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu cela ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais je n'ai pas
20 beaucoup de temps. J'essaie de gagner du temps.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Encore une question. Nous avons parlé des incidents. Maintenant je
23 voudrais vous poser une autre question : vous aviez combien d'éléments au
24 sein de votre compagnie ?
25 R. Eh bien, cela dépendait. Cela dépendait des conditions, de la situation
26 sur le foyer des opérations, sur le théâtre de guerre. Je dirais qu'on
27 avait au maximum 120 hommes. Mais là-dessus, vous aviez 80 % d'hommes au
28 maximum qui pouvaient couvrir la ligne.
Page 30264
1 Q. D'où étaient originaires ces combattants ?
2 R. C'étaient les gens qui habitaient justement dans des maisons aux
3 environs, des gens qui étaient là pour défendre leurs foyers et leurs
4 familles, des réfugiés. Vous avez l'impression que c'est des histoires
5 qu'on vous raconte, cela, ici. Mais il n'y a que ceux qui vivaient dans le
6 quartier qui savaient comment c'était que de vivre là-bas.
7 Q. Mais pouvez-vous nous dire quel était l'âge moyen de ces hommes, des
8 hommes de votre unité ?
9 R. Eh bien, il n'était pas favorable, et cela montre bien qu'il s'agissait
10 de gens qui étaient là pour défendre leurs foyers et défendre leurs
11 familles. La plupart n'avaient pas le bon âge, et puis aussi, la plupart
12 n'avaient jamais fait de service militaire. Ils se sont trouvés là par
13 hasard. Il s'agissait d'une question de survie. Ils défendaient leurs
14 terres et ne faisaient rien d'autre.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à présent de voir le document
16 1D20359.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Pendant que nous attendons l'affichage de ce document, le long de cette
19 ligne de front, qui vous faisait face ?
20 R. Il y avait également une ligne latérale sur notre flanc. Il y avait la
21 102e Brigade de Montagne, et ils étaient bien supérieurs à nous. On ne peut
22 tout simplement pas comparer. Ils bénéficiaient d'un rapport de force de 10
23 à 20 contre 1.
24 Q. Merci. Est-ce que vous connaissez ce document et est-ce que c'est vous
25 qui l'avez signé ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous envoyiez des rapports à qui que ce soit; et si oui, à
28 qui ?
Page 30265
1 R. Eh bien, principalement au commandant de bataillon. C'étaient des
2 rapports qui étaient rédigés deux fois par jour, le matin vers 10 heures et
3 le soir, en l'absence d'événement exceptionnel qui empêcherait la rédaction
4 de ces rapports.
5 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, à partir de ce
6 document, quelles sont ses caractéristiques principales ? Et quelles sont
7 les remarques que vous avez faites, ou plutôt, la description de la
8 situation des unités ?
9 R. Eh bien, on voit dans ce document que j'ai essayé de rendre compte au
10 commandement supérieur de l'état de l'unité, aussi bien la répartition en
11 termes d'âge que l'état de fatigue des hommes, car il faut garder à
12 l'esprit qu'ils ne bénéficiaient absolument d'aucun recours. Ils ne
13 partaient à aucun moment se reposer parce que la situation était
14 épouvantable. Je parlais également de l'état psychologique et du niveau
15 d'équipement des hommes au sein de l'unité, donc tous les aspects négatifs
16 dont la guerre est porteuse. C'est donc l'année 1993, au mois de décembre.
17 Nous nous attendions à une attaque qui allait finir par se produire deux
18 jours plus tard justement sur Gojino Brdo, et nous avons à cette occasion
19 essuyé d'assez nombreuses pertes.
20 Q. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
23 Peut-on lui attribuer une cote.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D20359 de la liste 65 ter
25 reçoit la cote D2432, Madame, Messieurs les Juges.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 Peut-on maintenant examiner le 23060 -- 1D23060. 1D23060.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ceci figure parmi les
Page 30266
1 pièces associées ? Vérifions. Alors, on me dit que ça n'a pas été chargé
2 dans le système.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Je crois qu'il y a peut-être une erreur de
4 lecture de la référence de la part de M. Karadzic. Il faut comprendre
5 1D20360.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître. Le document est en train
7 de s'afficher.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Pourriez-vous nous dire ce que représente ce document.
10 R. Encore une fois, c'est un rapport, un rapport quotidien. Alors,
11 je vais vous dire que je n'arrive pas à lire ceci parce que c'est en
12 caractères trop petits. Je ne sais pas. Est-ce qu'on peut agrandir un petit
13 peu pour que je puisse voir ?
14 Il s'agit ici de la chose suivante. Souvent nous étions contraints de
15 demander de l'aide. Nous étions -- il y avait des combattants, donc, sur la
16 ligne où l'on tirait et qui attendaient des ordres. Et dans une telle
17 situation, il était peu probable que l'on arrive à survivre, parce que
18 chaque combattant n'avait pas d'autre choix dans ce genre de situation que
19 d'essayer de sauver sa propre vie. Ici, c'est un rapport quotidien adressé
20 au commandement de bataillon, on y voit la situation ce jour-là. Moi, je ne
21 vois pas quelle est la date. Mais il est indubitable que c'est moi qui ai
22 rédigé ce document. Donc c'est le jour du nouvel an.
23 Q. Merci. Est-ce qu'il y ait dit, je cite : "Au jour d'aujourd'hui,
24 personne ne tire, ni nous ni l'ennemi," et vous n'aviez ni eau ni
25 électricité, n'est-ce pas ?
26 R. Non, ni eau ni électricité. Ce sont des conditions qu'on ne peut
27 pas bien faire comprendre. Je pense que les gens qui nous écoutent ne
28 peuvent pas vraiment se représenter ce que c'est, parce que tout ce que ces
Page 30267
1 hommes ont fait pour défendre leur honneur, leur vie, leurs maisons, leurs
2 foyers, c'est impossible de l'imaginer, et pour défendre jusqu'à leurs
3 icônes parfois et leur propre religion.
4 Q. Merci.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le document reçoit la cote D2433.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions,
8 pendant l'interrogatoire principal, demander le versement d'un certain
9 nombre de rapports similaires qui ont été présentés au témoin. Le but est
10 de donner une idée des conditions quotidiennes dans lesquelles il
11 travaillait sur la ligne. Il s'agit de rapports dont il est l'auteur. Et je
12 me demandais si les Juges de la Chambre seraient disposés à permettre à M.
13 Karadzic de simplement demander au témoin s'il a bien eu la possibilité
14 d'examiner les documents en question, qui figurent, ou sont référencés en
15 tout cas, dans sa déclaration, et il s'agit de rapports dont il est
16 l'auteur et qui décrivent la situation dans laquelle il se trouvait pendant
17 la guerre. Si cela était possible, cela nous permettrait d'économiser
18 beaucoup de temps.
19 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
21 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais m'opposer à
22 cette façon de procéder. C'est quelque chose dont nous avons parlé, je
23 crois, même avec un témoin que j'ai interrogé pendant la fin de la
24 présentation des moyens à charge. Nous avions utilisé l'article 92 ter. De
25 nombreuses informations ont été obtenues en utilisant une liste de
26 documents établis par ce témoin. Et c'est à ce moment-là que Me Robinson a
27 opposé une objection, alors je fais la même objection aujourd'hui et
28 maintenant.
Page 30268
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, si je m'en souviens bien, ce
2 n'est pas cohérent de toute façon avec la pratique adoptée par la Chambre.
3 Si ces documents sont pertinents, il convient de les présenter au témoin;
4 mais si ce n'est pas le cas, il n'est pas nécessaire de s'appuyer sur ces
5 documents. Laissez-moi juste consulter mes collègues.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre sont d'avis que
8 si M. Karadzic souhaite demander le versement de ces documents, il peut les
9 présenter au témoin.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que ce document a été versé ?
11 Apparemment, oui.
12 Peut-on afficher le document 1D20361. 1D20361.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Zurovac, pourriez-vous nous dire brièvement si ce document
15 émane bien de vous ? Pourriez-vous nous dire quelle en est la date et ce
16 qu'il représente, très brièvement ?
17 R. Eh bien, je vois que c'est le 7 janvier, donc c'est Noël. On voit très,
18 très mal. Donc, hier, à 12 heures 20 minutes, l'ennemi s'est livré à une
19 offensive puissante d'infanterie visant les positions des 4e et 1ère Sections
20 sur les flancs, à partir de l'axe --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, les interprètes ont du
22 mal à vous suivre à la vitesse à laquelle vous vous exprimez. Donc je vous
23 prie de bien vouloir ralentir, surtout lorsque vous donnez lecture de
24 quelque chose. Veuillez répéter votre réponse.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit donc d'un rapport quotidien adressé
26 au commandement de bataillon, rédigé le 7 janvier 1993, à la date du Noël
27 orthodoxe. On voit dans ce rapport que c'est précisément à la date de cette
28 fête orthodoxe qu'une attaque a été préparée visant nos positions par
Page 30269
1 l'ennemi, et ce, à partir d'Asimovo Brdo, en visant notre flanc, le long de
2 l'axe qui était le plus dangereux et le plus menaçant pour nous. Dans ce
3 rapport, j'ai fait état d'un certain nombre d'insuffisances qui existaient
4 d'ailleurs aussi bien en général dans nos vies quotidiennes que dans la
5 guerre.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire de quel type d'attaque
8 combinée il s'agissait ?
9 R. Eh bien, vous savez de quoi il s'agit. D'abord, il y a des préparatifs
10 qu'on appelle préparatifs d'artillerie, ils essaient de nous faire bouger
11 de nos tranchées, et ensuite l'infanterie intervient, des bombes et autres
12 armes d'infanterie sont utilisées pour que la ligne puisse être déplacée en
13 leur faveur. Ils ont probablement fait le calcul que c'était un bon moment
14 pour attaquer puisque c'était la fête de Noël orthodoxe, ils s'attendaient
15 à ce que nos positions soient plus faibles, que nous soyons moins nombreux,
16 et c'est précisément pour cette raison-là qu'ils nous ont attaqués,
17 j'imagine.
18 Q. Merci. Alors, vous dites ici qu'il y a eu des bombardements
19 indiscriminés. Alors, quels types de projectiles ont été utilisés pour vous
20 bombarder ?
21 R. Eh bien, quand il est question de bombardement, de façon générale, il
22 est intéressant de remarquer que cette compagnie était positionnée comme
23 une sorte de sas, à un endroit où l'on aurait souhaité opérer une percée et
24 déverrouiller Sarajevo. Alors, ce n'est peut-être pas une bonne façon de
25 s'exprimer de ma part parce que Sarajevo était bouclée, mais en tout cas,
26 ceci a été fait pour essayer de nous obliger à nous déplacer encore plus
27 loin dans la profondeur du terrain pour qu'eux ils puissent contrôler la
28 totalité de cette rue, la rue Ozrenska. Ceux qui connaissent le terrain
Page 30270
1 comprendront que pour eux, il était très important d'opérer une percée, ce
2 qui leur aurait permis de nous prendre à revers, et dans ce cas-là,
3 probablement que l'ensemble de la compagnie aurait été faite prisonnière.
4 Q. Merci. Pouvons-nous examiner la dernière phrase pour que vous nous
5 expliquiez à quoi elle se rapporte.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faudrait faire défiler la page vers le bas.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Est-ce que vous pourriez lire à haute voix.
9 R. "Comment organiser le repos des hommes ? Je crains les conséquences de
10 l'épuisement et de la fatigue."
11 Alors, je vais vous expliquer, avec votre permission. Il s'agit
12 d'hommes qui n'avaient eu aucun repos, qui ont été sur le théâtre de guerre
13 du premier jusqu'au dernier jour, qui prenaient un bain ou se lavaient
14 uniquement si on leur en donnait la possibilité, une fois tous les 30 à 60
15 jours. Les conditions de vie, j'en ai déjà parlé, elles étaient telles que
16 c'était tout simplement incompréhensible. C'est quelque chose que des gens
17 ordinaires ne peuvent pas se représenter.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ? Je vois également
20 l'heure qu'il est. Donc, je m'en remets à vous quant à la question de
21 savoir quand il convient de faire une pause.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce document sera versé comme
23 pièce à conviction suivante sous la cote D2434. Et nous allons maintenant
24 donc faire une pause de 25 minutes, et reprendre nos débats à 16 heures et
25 13 minutes.
26 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.
27 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
28 Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Juste une question
Page 30271
1 d'intendance. Deux photographies ont été utilisées pendant l'interrogatoire
2 principal et les Juges ont demandé quelle en était l'origine. Les deux ont
3 été utilisées dans l'affaire Galic, D2428 et D2429. La première des deux
4 est la photographie que nous avons vue concernant la fameuse rue et le
5 point d'observation où il y avait toute une série de lignes tracées, et
6 cela a été utilisé dans l'affaire Galic avec la victime de l'incident de
7 tir isolé Nafa Taric, et elle a dessiné, elle a tracé l'emplacement des
8 barrages. Quant à D2429, c'était une photographie, en fait, de Nafa Taric
9 et de l'incident en particulier.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En qu'en est-il de 2430 et 31 ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas qu'elles aient été utilisées
12 dans l'affaire Galic.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce sont des documents de
14 l'Accusation, n'est-ce pas ? Merci.
15 Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
17 Peut-on maintenant afficher le document 20346, s'il vous plaît. 1D20346.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Zurovac, je vais vous prier de nous dire aussi brièvement que
20 possible quelles sont les informations qu'apporte ce document ?
21 R. Je vous demande d'agrandir le texte parce que là, vraiment, je ne vois
22 pas. C'est trop petit. Je n'arrive pas à lire.
23 Alors, je peux répondre à la question. Je sais de quoi il s'agit. Je parle
24 de la situation vraiment très défavorable au sein de l'unité, comme vous
25 pouvez le voir. Outre la répartition des âges au sein de l'unité,
26 l'absentéisme, il y a une situation vraiment très préoccupante au sein de
27 l'unité. Les gens sont absents sans justification, et donc, j'ai rendu
28 compte de la situation au commandant de bataillon en disant que la
Page 30272
1 situation était tout à fait alarmante. C'est au 31 août 1993, et c'est un
2 rapport quotidien.
3 Q. Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher le bas de la page.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Qui est le cosignataire ?
7 R. Un instant que je puisse regarder. C'est Bozic Ljubo, il était le
8 chauffeur du poids lourd de l'unité.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser le document ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D20346 reçoit la cote
13 D2435, Madame et Messieurs les Juges.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
16 Peut-on maintenant afficher le document 1D20351.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur Zurovac, dites-nous, s'il vous plaît, ce que contient ce
19 document du 12 décembre 1993.
20 R. Je vous prie d'agrandir pour que je puisse lire. Alors, c'est la
21 situation telle que je l'ai trouvée à l'époque. Je peux seulement constater
22 que dans tous les cas de cessez-le-feu qui étaient convenus, nous n'étions
23 absolument pas en situation de commettre la moindre violation ou
24 provocation parce que l'ennemi était considérablement supérieur et, en
25 fait, nous étions parfaitement conscients de cette situation qui était très
26 défavorable pour nous. Par conséquent, cela nous convenait particulièrement
27 qu'il y ait un cessez-le-feu et que l'on ne tire pas.
28 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire à quelle fréquence la FORPRONU vous
Page 30273
1 rendait visite, et si la FORPRONU pouvait facilement vous rendre visite ou
2 c'était difficile pour elle ?
3 R. La FORPRONU venait assez souvent en visite sur cette ligne parce que
4 c'était l'une de celles où la situation était la plus difficile sur le
5 théâtre de guerre de Sarajevo. Donc, probablement, ils se sont mis d'accord
6 pour que l'on ne tire pas. Il y avait probablement un accord à cet effet.
7 Je ne sais pas jusqu'à quel point leurs rapports étaient objectifs. Je
8 suppose qu'ils l'étaient. Mais ils venaient et ils pouvaient voir eux-mêmes
9 exactement les mêmes choses que ce que je décrivais dans mes rapports
10 quotidiens.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, vous dites ici que les
14 soldats étaient obligés de riposter. Est-ce que vous pourriez nous
15 expliquer de quelle façon ou pourquoi ces soldats étaient obligés de
16 riposter en réponse à des provocations de la part de la partie musulmane ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, Madame et Messieurs les Juges, c'est
18 tout à fait évident. Parce que s'ils procédaient à des préparatifs
19 d'artillerie et des préparatifs pour une attaque d'infanterie, donc dans ce
20 cas-là, tous ces hommes qu'ils trouvaient dans les tranchées, pour ne pas
21 les capturer vivants, ils devaient dans un premier temps ouvrir le feu pour
22 sauver leu propre vie, parce que l'ennemi était simplement à 15 ou 20
23 mètres, pas plus.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez parlé de tirs ennemis, et vous
25 avez dit que c'étaient des provocations. Mais que ce serait-il passé si
26 vous n'aviez pas riposté ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, Madame et
28 Messieurs les Juges, nous n'aurions pas eu d'autre choix que de nous
Page 30274
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30275
1 retirer ou de périr, d'être tués.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais cela n'aurait pas constitué des
3 provocations dans ce cas-là. Qu'est-ce que vous avez voulu dire exactement
4 par "provocations" ici ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Des provocations, ce sont des rafales brèves
6 visant nos positions tout le long de la ligne de séparation. Et parfois ces
7 provocations en restaient là, il n'avait rien d'autre. Il n'y avait pas
8 d'action plus complexe qui leur faisait suite. Dans ces cas-là, c'étaient
9 des provocations, parce qu'ils essayaient de nous harceler pour que les
10 gens n'aient jamais le moindre moment de tranquillité. Donc ils utilisaient
11 des moyens à leurs dispositions pour mettre l'ennemi dans une position
12 défavorable. Et ça fait partie de la guerre.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
14 Ceci va être versé au dossier sous la cote D2436.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
16 Il faut intervenir pour le compte rendu d'audience. Le témoin a dit
17 que ces tirs pouvaient également constituer des préparatifs d'une attaque,
18 non pas dans l'avenir, mais d'une attaque imminente ou d'une attaque sur le
19 point d'être déclenchée, et que c'était la raison pour laquelle on
20 ripostait pour se défendre, en réalité, contre une attaque "imminente", et
21 non pas contre une attaque "future".
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, est-ce que vous pouvez
23 confirmer que vous avez utilisé la notion d'"imminent", "attaque imminente"
24 ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. Parce que c'était une façon
26 d'annoncer les choses. Parfois ils y renonçaient. C'était une signification
27 possible. Mais cela pouvait également signifier qu'ils s'apprêtaient à nous
28 attaquer, à attaquer notre ligne pour essayer de l'investir.
Page 30276
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on maintenant afficher le document
2 1D20354. Peut-on agrandir ceci pour que le témoin puisse lire.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Témoin, c'est encore une fois un rapport assez similaire.
5 Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit en substance ? Vous
6 dites notamment que le long de la ligne de séparation, il y a eu une
7 recrudescence des provocations pendant la nuit. Si bien qu'en pleine nuit,
8 vous avez dû riposter pour repousser l'ennemi. Est-ce que vous pourriez
9 expliquer cela ?
10 R. Oui, bien sûr. Pour nous, ce qui posait le plus de problèmes, c'était
11 la ligne qui se trouvait sur notre flanc, sur le flanc de notre unité. En
12 fait, nous faisions face à des provocations en face de nous, du côté de la
13 rue Ivana Krndelja, et également à des tirs de mortier sur notre flanc, des
14 tirs de mortier et des tirs à partir de toutes sortes d'armes. J'ai moi-
15 même perdu 54 hommes, sans même compter les pertes parmi tous les hommes
16 qui nous avaient rejoints et les civils. Il s'agissait donc de pertes très
17 importantes. C'était vraiment le théâtre d'un massacre.
18 Et pour s'ajouter à tout cela, il y avait également l'absence
19 d'électricité et d'eau. Parfois pendant 15 jours, personne ne venait nous
20 approvisionner en vivres, parce que c'était trop risqué de venir jusqu'à
21 nous, jusqu'à notre unité. Il arrivait que les chauffeurs qui apportaient
22 des vivres soient tués dans leurs véhicules.
23 Q. Merci. Alors, vous parlez également de transfuges. Est-ce que vous
24 pourriez nous dire à quel groupe ethnique ils appartenaient et à quelle
25 fréquence cela se produisait ?
26 R. Oui, cela arrivait assez souvent. C'étaient principalement des Serbes
27 qui profitaient d'une occasion. Ils payaient probablement quelqu'un. Ils
28 plaçaient un carton autour de leur cou sur lequel ils écrivaient : Ne tirez
Page 30277
1 pas, je suis Serbe. Et puis, ils passaient la ligne. Il y a eu une fois où
2 en une seule journée 24 hommes qui sont passés de mon côté. Ça arrivait
3 notamment lorsque les Croates et les Musulmans ouvraient le feu.
4 Q. Alors, est-ce qu'il s'agissait de Serbes ou principalement de Serbes ?
5 R. Il s'agissait de Serbes. Lorsque je parle de ces 24 hommes, ce jour-là,
6 en fait, c'étaient principalement des Croates qui sont passés de l'autre
7 côté lorsqu'il y a eu dissension entre les Croates et les Musulmans. Mais,
8 par ailleurs, c'étaient principalement des Serbes. Et pour être tout à fait
9 clair, c'étaient des Serbes qui venaient de l'ABiH.
10 Q. Merci. Et ce Corkovic, il s'appelle comment ? Il est Serbe lui ?
11 R. Laissez-moi voir. Excusez-moi, où est-ce que ça se trouve ?
12 Q. Deuxième ligne du deuxième paragraphe.
13 R. Oui, Zoran Corkovic. Il était dans l'armée d'Alija. Il s'est présenté
14 dans cette compagnie, et il a été examiné médicalement. Enfin, les gens
15 perdaient la boussole, vous savez. Ils se perdaient complètement dans le
16 temps et dans l'espace. Très souvent, les hommes étaient perdus. Ils
17 n'avaient pas conscience de l'endroit où ils se trouvaient. Ils n'étaient
18 pas conscients des périls encourus. Alors, je ne sais pas celui-là, de quel
19 groupe ethnique il était. Moi, j'ai noté ici qu'il était prétendument un
20 policier, mais il a été envoyé pour examen psychiatrique à Sokolac pour
21 être soigné.
22 Q. Merci. Et l'autre, Figuric. Figuric, c'est un nom de famille croate,
23 ça, non ?
24 R. C'est possible. Je n'en suis pas sûr. Je n'arrive pas à m'en souvenir.
25 Il s'est passé beaucoup de temps depuis, vous savez, et --
26 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que ceci
27 prête à grosse conséquence, mais je voudrais une fois de plus rappeler à M.
28 Karadzic qu'il doit poser ses questions dans une certaine forme.
Page 30278
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
2 Continuons.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier cette pièce
4 ?
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Veuillez nous donner une cote.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D20354 deviendra la pièce
7 D2437, Madame, Messieurs les Juges.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Le 1D20352 maintenant, s'il vous plaît.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Est-ce que vous pouvez vous pencher, s'il vous plaît, sur ce qui est
11 dit dans la première ligne. Je vais en donner lecture :
12 "Partant de nos observations, l'ennemi concentre ses effectifs dans la rue
13 Zagorska…"
14 C'est votre rue à vous, n'est-ce pas ?
15 R. Oui. Je dois vous expliquer un peu. Quand j'ai parlé de la rue qui nous
16 permettait de contourner, là-bas, ils passaient à côté de certaines maisons
17 pour emmener des camions si, par exemple, ils pouvaient emmener deux
18 batteries que nous ne pouvions pas voir.
19 Q. Vous ne leur avez pas tiré dessus, donc ?
20 R. Non.
21 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je crois -- mais --
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais reformuler.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous avez tiré sur ces gens-là lorsqu'ils ont acheminé des
25 effectifs et du matériel dans cette partie-là ?
26 R. Non, on ne voyait pas. On ne pourrait pas tirer au petit bonheur la
27 chance pour des tas de raisons. Nous ne voyions pas l'ennemi, en termes
28 simples; et ce serait un gaspillage de munitions. Donc c'est complètement
Page 30279
1 dénué de sens.
2 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire : ces attaques et provocations
3 ou ces tirs en direction de votre zone dans la rue Ozrenska, comment les
4 aviez-vous interprétés ? Qu'est-ce que c'était, à votre avis ?
5 R. Eh bien, j'ai dit tout à l'heure de quoi il s'agissait. Il s'agissait
6 de faire en sorte que cette population soit nettoyée de Sarajevo, qu'il n'y
7 ait plus de Serbes là. Il s'agissait de les repousser vers Lukavica, et par
8 la suite les accords de Dayton ont entériné la chose. Ces gens ont été
9 déplacés pour que Sarajevo reste tel que ça se présente maintenant.
10 Q. Merci.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander un versement au
12 dossier ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous n'avons pas déjà versé
14 ceci au dossier ? Ou est-ce une pièce différente ?
15 Si.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 1D20352 deviendra la pièce
17 à conviction D2438, Madame, Messieurs les Juges.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer le
19 1D20356, s'il vous plaît.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Est-ce qu'on peut donner lecture des deux premières phrases.
22 R. Oui. Est-ce qu'on peut zoomer.
23 "Hier, à 15 heures 45, l'ennemi a organisé une attaque contre nos lignes du
24 2e et 3e Pelotons. L'attaque improvisée a duré 20 minutes. Nous étions
25 contraints de riposter. Sans séquelles pour nos combattants. Nous avons
26 inspecté la ligne pour voir dans quelle mesure on exécute les ordres."
27 Alors, ça, c'est des provocations habituelles. Pendant la nuit et pendant
28 le jour, ils provoquent les unités. Et j'ai dit que c'était une guerre
Page 30280
1 spéciale. Il s'agissait d'épuiser nos combattants. Si, par exemple, ils se
2 sont couchés pour se reposer, dormir une heure ou deux ou que sais-je, ils
3 n'ont pas l'occasion de le faire parce que l'ennemi change de relève et
4 tire, et ils sont beaucoup plus reposés que nous-mêmes. Et c'est la raison
5 pour laquelle ils étaient en train de nous provoquer, pour nous rendre
6 inaptes à faire quoi que ce soit, nous l'unité, enfin la mienne, si je puis
7 m'exprimer ainsi.
8 Q. Merci.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de
10 cette pièce ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce 1D20356 recevra la cote
13 D2439, Madame, Messieurs les Juges.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous montre le 1D20362
15 à présent.
16 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le document ne
17 soit affiché, est-ce que je puis voir brièvement la version anglaise. Je
18 suis au courant des documents, mais je voudrais voir ceci juste l'espace
19 d'un instant.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ne vous est-il pas possible de
21 suivre en anglais sur votre ordinateur personnel ?
22 Mme WEST : [interprétation] Moi, je n'étais en train que de voir le B/C/S
23 pour les quelques documents passés --
24 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
25 Mme WEST : [interprétation] -- ah oui, mais je pourrais le faire.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que le témoin a dit qu'il n'était
27 pas en mesure de lire parce que les lettres étaient trop petites.
28 Mme WEST : [interprétation] Je comprends. Je réalise quelle est la raison
Page 30281
1 de procéder ainsi.
2 Alors je vais m'organiser. Merci.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner lecture de la première phrase et
6 nous expliquer ce que ceci est en train de dire ?
7 R. "Depuis quelques jours, vers 14 à 15 heures, l'ennemi pilonne nos
8 positions avec du mortier de 82 et 120 millimètres. Hier, il est tombé une
9 dizaine d'obus de calibre inconnu. Il n'y a pas eu de morts et de blessés.
10 Les dégâts matériels sont immenses…"
11 Alors, je dois dire qu'ici pendant la guerre, il y a eu des obus qui
12 n'étaient pas tout à fait habituels, et les soldats et les officiers de
13 carrière ne savaient pas d'où venaient ces obus et qui est-ce qui les
14 fabriquait. Dans ce type de cas de figure, on préparait le terrain à
15 l'artillerie, puis ensuite il y avait une attaque d'infanterie, et ainsi de
16 suite. Alors, si on se penche sur le document d'hier et la totalité des
17 rapports qu'on a vus, il est possible de voir que c'est sans interruption
18 qu'on œuvre en faveur du déplacement de nos positions pour nous repousser
19 derrière la colline de Mojmilo, en direction de Lukavica, c'est-à-dire de
20 nous chasser de nos maisons, de notre terre et de ce qui avait appartenu à
21 nos parents et arrière-grands-parents.
22 Q. Mais en quoi ces dégâts matériels sont-ils si immenses ?
23 R. Eh bien, il y avait une batterie des leurs qui était placée derrière la
24 gare ferroviaire, et l'artillerie lourde détruisait, par exemple, des
25 maisons complètement. Il ne restait que les fondations. Ce n'était pas par
26 hasard. Il y a une documentation et des photos à ce sujet. On peut le voir,
27 des maisons complètes disparaissant sous les tirs d'artillerie, et il n'y
28 avait pas qu'une maison. Mais s'ils estimaient que nous avions des
Page 30282
1 effectifs dans ces maisons, eh bien, ils couvraient la totalité de ces
2 maisons, et il ne restait que les fondations en béton de ce qui avait été
3 des maisons.
4 Q. Merci.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de
6 cette pièce ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce 1D20362 reçoit la cote
9 maintenant D2440, Madame, Messieurs les Juges.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer le
11 1D20367.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de la première phrase
14 et de la dernière.
15 R. "Dernièrement, il y a les tireurs embusqués qui sont particulièrement
16 actifs. Ils commencent à 7 heures du matin et ils tirent pendant toute la
17 journée."
18 Ça, c'est un fait. Et dernière phrase :
19 "Hier, à Gojino Brdo, on a légèrement blessé Mihajlo Brbonjic, et une fois
20 qu'il a reçu les premiers soins, il est revenu à son poste."
21 Et :
22 "Les déplacements des combattants sont réduits au minimum, et ils
23 passent sous terre et non pas en surface."
24 Alors, il serait peut-être bon de préciser ici que ces tireurs d'élite
25 tiraient depuis les tours que l'on voit sur la place Pero Prstojic [phon]
26 qui se trouvaient à la hauteur de nos lignes. Ce qui fait que notre ligne à
27 nous, ils pouvaient la couvrir complètement. Donc, chaque fois que vous
28 apparaissiez -- ou s'il y avait des soldats qui plaisantaient et qui
Page 30283
1 mettaient, par exemple, un couvre-chef sur un bâton, eh bien, ils tiraient
2 sur le couvre-chef. On savait qu'il y avait cette usine Zrak à Sarajevo, et
3 cette usine fabriquait des instruments optiques. Ils avaient énormément de
4 tireurs d'élite. Et tous ceux qui ont fait du tir avant la guerre avaient
5 été recrutés comme tireurs d'élite. Et dans toutes nos unités, ces tireurs
6 d'élite ont fait beaucoup de dégâts.
7 Q. Je crois qu'à la ligne 10, on n'a pas bien compris ce que le témoin a
8 dit. Le témoin a dit que ceux qui étaient avant la guerre des sportifs en
9 matière de tir au fusil ont été recrutés par l'ennemi. C'est bien ce que
10 vous avez dit, Monsieur le Témoin ?
11 R. Oui.
12 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez indiquer comment ça se passait au niveau
13 des civils, est-ce qu'il y avait des victimes civiles pour ce qui est de
14 ces tireurs d'élite ?
15 R. Bien sûr que oui. Je pense que dans la rue Ozrenska, il y a dans ma
16 compagnie une centaine d'hommes à avoir été tués. Ceux qui étaient venus
17 m'aider, ceux qui faisaient partie de mon unité. Et sur le territoire que
18 nous contrôlions, il y avait au moins 20 civils de tués. Je crois sept ou
19 huit femmes parmi ces 20 civils. C'est bien triste. Donc ils abattaient
20 tout ce qui bougeait. En direction de Vraca, ils ont même tué une vache.
21 Que voulez-vous que je vous raconte de plus ?
22 Q. Merci.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander un versement au
24 dossier de cette pièce ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 1D20567 [comme interprété]
27 deviendra la pièce D2441, Monsieur le Président.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
Page 30284
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Zurovac, dites-nous quelle était l'unité musulmane qui se
3 trouvait en face de vos positions ?
4 R. J'ai dit tout à l'heure qu'il s'agissait de la 101e Brigade de
5 Montagne, et en contrebas, il y avait la 102e Brigade mixte motorisée et
6 d'infanterie de montagne. Il y avait la 101e et la 102e. L'une était face à
7 nous et l'autre était positionnée sur le flanc.
8 Q. Merci. Vos adversaires, qu'avaient-ils comme armes, d'après ce que vous
9 en savez ? Quels étaient les types de tirs auxquels vous étiez exposés ?
10 R. Au début, avant que je n'arrive, je pense que nous étions quelque peu
11 en position avantagée, mais très vite lorsque je suis arrivé, ils avaient
12 toutes les armes qu'il leur fallait. Je crois que même ils ont fini par
13 avoir plus d'armes que nous. Ils avaient tous types d'armes qui peuvent
14 être utilisées dans une guerre.
15 Q. Merci.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis bénéficier de votre compréhension
17 s'agissant du versement au dossier de ce document. Je voudrais d'abord que
18 le témoin se prononce. Il faudrait nous montrer la pièce 1D02681, 1D02681.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce que les unités se sont relayées dans votre zone ? Est-ce qu'il y
21 a eu des modifications, si ce n'est des modifications d'appellation, ou
22 est-ce qu'elles sont restées là, telles quelles, pendant la guerre ?
23 R. Les nôtres sont restées telles quelles. Au début, ça n'a rien changé.
24 Au final, quand on a changé le nom ou la référence numérique d'une unité,
25 ça ne change rien. Ceux qui étaient là en 1992 sont restés là jusqu'à la
26 fin de la guerre.
27 Q. Merci. Puis-je vous demander de prêter attention à cet ordre de la 101e
28 Brigade et de nous dire quels sont ces types d'armes dont dispose le
Page 30285
1 commandant de la 101e Brigade, et est-ce que ça coïncide avec ce que vous
2 avez pu apprendre à l'époque ?
3 R. Est-ce que vous pouvez zoomer un peu. Moi, je vois mal. Alors, je
4 demande à ce que ce soit zoomé, parce que moi, je n'arrive pas à le lire.
5 On parle de 120 millimètres, de 82 millimètres, de 107 -- enfin, pour
6 l'essentiel, on était au courant, nous autres. Comment avons-nous su ? Eh
7 bien, d'après leurs tirs, on savait de quoi ils disposaient. Je vous l'ai
8 déjà dit. Dans la deuxième moitié de la guerre, c'est-à-dire d'août 1993 à
9 la fin de la guerre, ils avaient une supériorité en matière d'armes, et non
10 pas seulement en matière d'effectifs. On voit ici qu'ils disposent de
11 toutes sortes d'armes. On le sait pour deux sortes de raisons. D'abord, on
12 était mitraillés de tirs, on savait donc avec quoi on nous tirait dessus.
13 Ça, c'est d'un. De deux, il y a eu dans ces unités-là un bon nombre de
14 Serbes qui étaient des transfuges, qui sont passés chez nous et qui nous
15 fournissaient des informations au sujet de l'armement et de leur position
16 sur la ligne.
17 Q. Alors, expliquez-nous ce que c'est que ce "VP". Et est-ce que vous
18 savez quels sont les différents sites qui sont énumérés ici face à la ligne
19 de confrontation ?
20 R. Bien sûr que je connais ces sites. Pour l'essentiel, il faut garder à
21 l'esprit Asimovo Brdo, puis Milana Kosa, puis ça descend vers la rue --
22 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est en surélévation par rapport à nos
24 positions à nous. Il faut le savoir, cela. Autre chose, vous devez
25 certainement savoir vous-même que très souvent ils ont tiré des toits de
26 toutes les maisons. Il y a une documentation à cet effet. Et il y a une
27 lettre du général Morillon qui met en garde Alija Izetbegovic et les siens
28 pour dire de ne pas tirer depuis l'hôpital de Kosevo. Donc ce sont des
Page 30286
1 sites qui sont notoirement connus, et c'est à partir de là qu'ils nous ont
2 tiré dessus. Deuxième chose, il y a bon nombre de ces mortiers qui étaient
3 montés sur des espèces de camions, et c'était donc déplaçable. Ils venaient
4 quelque part, ils tiraient quelques obus et puis ils changeaient de
5 location. Et dans ce cas-là, on ne pouvait rien faire. Nous n'avions pas
6 cette possibilité, nous autres.
7 Je vous l'ai dit tout à l'heure, il y avait cette rue de
8 contournement qui passait sous Hrasno, et aucune unité parmi nos compagnies
9 ne pouvait contrôler cette rue. Et là, on pouvait faire passer tout ce
10 qu'on voulait sans que nous ayons connaissance de ce qui s'y passe. Parce
11 que nous, nous ne pouvons pas suivre parce qu'on ne voit pas.
12 Q. Bien. J'espère que je vais pouvoir vous poser des questions si ce n'est
13 pas jugé comme étant des questions directrices. Alors, ces "Madjani"
14 [phon], ces trois mortiers de 82 millimètres, est-ce que c'est à un site
15 habité ?
16 R. Oui.
17 Q. Et l'autre, la position de tir appelée "Annex" [phon] ?
18 R. Oui. Permettez-moi d'expliquer. D'habitude, les gens se trompent pour
19 ce qui est des postes de tir. Ils ont beaucoup utilisé des crèches
20 d'enfants, des jardins d'enfants, des hôpitaux, pour tirer de là. D'un
21 point de vue militaire, c'est devenu donc des cibles légitimes. Et puis
22 après, on a dit que nous avons bombardé Annex, que nous avons bombardé
23 telle chose. Mais ceux qui sont allés voir ont vu que ce n'était pas vrai
24 parce qu'à peu de choses près, Sarajevo est restée telle quelle, exception
25 faite des lignes de démarcation. Et M. Ghali a d'ailleurs dit publiquement
26 qu'il y avait des endroits beaucoup plus en péril que Sarajevo suite à sa
27 visite à Sarajevo.
28 Q. Merci.
Page 30287
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander le versement au
2 dossier de ce document, en témoignage de souplesse à l'égard de la Défense
3 ?
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 1D02681 deviendra la pièce
6 à conviction D2442, Madame, Messieurs les Juges.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je remercie également M. Zurovac.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Encore une question, Monsieur Zurovac. Vous êtes aussi un écrivain,
10 vous écrivez ?
11 R. Oui.
12 Q. Merci.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je confie le témoin à la partie adverse
14 maintenant.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
16 Madame West, à vous.
17 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux avoir
18 un instant, s'il vous plaît.
19 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux
20 demander l'assistance de l'huissier, s'il vous plaît.
21 Contre-interrogatoire par Mme West :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
23 R. Bonjour.
24 Q. Je voudrais que nous nous penchions sur un document montré par M.
25 Karadzic.
26 Mme WEST : [interprétation] Et à ce titre, j'aimerais qu'on nous montre la
27 pièce D2434, s'il vous plaît.
28 Q. Ceci est l'un de vos documents daté du 7 janvier 1994. Et la question
Page 30288
1 qui vous a été posée en page 33, ligne 21 aujourd'hui, vous avez répondu --
2 il y a eu la question et il y a eu dit-on des bombardements sans
3 discernement.
4 Vous avez dit, oui. Puis, alors dites-nous quelle est la partie du
5 document à laquelle vous vous êtes référé lorsque vous avez confirmé qu'il
6 y a eu "bombardement sans discernement" ?
7 R. Oui, laissez-moi juste retrouver. Est-ce que vous pouvez m'indiquer le
8 paragraphe ?
9 Q. Non. C'était ma question pour vous. Je voudrais que vous m'indiquiez le
10 paragraphe où il est question d'un bombardement sans discernement.
11 R. Je ne vous comprends pas. Vous voulez que je vous réponde où est-ce que
12 les bombardements sans discernement ont eu lieu, ou autres choses ? C'est
13 votre question ?
14 Q. Non, recommençons. Lorsque M. Karadzic vous a montré ce document, il a
15 dit que dans ce document ce qu'on laisse entendre c'est qu'il y a eu des
16 bombardements sans discernement de vos positions à vous en provenance de la
17 ville, donc en direction des positions tenues par les Serbes de Bosnie.
18 Alors, dites-nous dans ce document où est-ce qu'il est question d'un
19 bombardement qui se serait fait sans discernement aucun ?
20 R. Je ne le vois pas.
21 Q. Bien. Allons de l'avant. Vous nous avez, plus tôt dans le courant de la
22 journée d'aujourd'hui, dit --
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je puis attirer l'attention de la
24 totalité des participants vers la ligne 5, il est dit, ça commence par
25 "vers 14 heures", et il est dit "vers 14 heures, l'ennemi a sans
26 discernement dans des intervalles de temps variées pilonner…" et cetera. Je
27 ne sais pas si ça a été traduit. Mais, ah, oui, c'est traduit. On dit
28 "randomly" en anglais.
Page 30289
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. "A 14 heures l'ennemi a
2 bombardé sans discernement nos positions dans des intervalles de temps
3 variées. Et il est question d'obus de 82 millimètres…"
4 Votre question, c'était quoi déjà ?
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il me semble
6 inapproprié de vous voir intervenir pour cette raison. Vous pouvez vous
7 pencher sur cet aspect-là dans vos questions complémentaires.
8 Madame West, pouvez-vous continuer ?
9 Mme WEST : [interprétation] Oui.
10 Q. Alors dans cette phrase, on dit :
11 "L'ennemi a bombardé nos positions sans discernement…"
12 Quand vous dites "vos positions", vous parlez de vos positions
13 militaires, n'est-ce pas ?
14 R. Positions militaires, et on peut aussi bombarder au-delà de nos
15 positions ou devant nos positions. Ces tirs ne sont pas précis. C'est pas
16 des tirs de barrage. Donc c'est sans discernement.
17 Q. Oui, mais quand on dit de "vos positions", ça veut dire positions
18 militaires, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Aujourd'hui, vous avez en page 34 du compte rendu dit que l'ennemi :
21 "…voulait procéder à une percée au travers de nos positions de
22 combat, briser nos lignes, et ouvrir Sarajevo. Alors ce n'est peut-être pas
23 le bon terme, mais savez-vous, c'était fermé de l'intérieur, et c'est la
24 raison pour laquelle je n'ai pas utilisé 'ouvrir Sarajevo'".
25 Est-ce que vous pouvez nous dire un peu ce que vous vouliez dire ?
26 Est-ce que vous estimiez que Sarajevo était encerclée ?
27 R. Ce n'était pas mon opinion. Sarajevo, c'était fermé de l'intérieur. Il
28 y avait à l'intérieur des criminels qui sont devenus des officiers
Page 30290
1 supérieurs dans l'armée ennemie. Ils ont fermé Sarajevo pour piller. Il y a
2 beaucoup de documents et des femmes qui ont demandé au maire à Dobrinja
3 quand est-ce qu'on ouvrira l'accès à Sarajevo, et on a dit que Sarajevo
4 sera ouverte lorsque ces criminels auront pris le dernier mark allemand des
5 poches de ces pauvres gens. Ce sont les propos du maire de Sarajevo.
6 Sarajevo était fermée de l'intérieur. Et si on parle d'un encerclement ou
7 de d'étau, eh bien, il y a trois niveaux d'encerclement ou trois étaux qui
8 étaient placés autour de Sarajevo.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, pour que les Juges et
10 le public comprennent ce que vous dites, eh bien, il faudrait vraiment
11 ralentir.
12 Mme WEST : [interprétation]
13 Q. Eh bien, nous avons entendu parler plusieurs témoins ils nous ont dit
14 qu'il y avait la politique de la SRK, donc le Corps Sarajevo-Romanija, pour
15 donc bloquer Sarajevo. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
16 R. Non.
17 Q. Et c'était bien l'objectif du 2e Bataillon, à savoir de garder la ville
18 sous siège, sous le siège ?
19 R. [aucune interprétation]
20 Q. Les Juges vont entendre d'autres témoins de la Défense et ils vont dire
21 que c'était bien le cas, le 2e Bataillon était là pour garder la ville sous
22 le siège. Vous n'êtes pas d'accord avec cela; est-ce que vous pouvez nous
23 donner une base de cette déclaration ?
24 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Mais
25 quand on fait une telle proposition au témoin, je pense qu'il faudrait
26 entendre quel est ce témoin, et dans ce cas il faudrait éventuellement
27 passer à huis clos partiel.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Madame West, pourriez-vous
Page 30291
1 répondre ?
2 Mme WEST : [interprétation] Eh bien, pour rester prudente, je voudrais que
3 l'on passe à huis clos partiel.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes a huis clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West. Vous pouvez
23 poursuivre.
24 Mme WEST : [interprétation]
25 Q. Monsieur, qui est Milan Hrvacevic ?
26 R. C'était l'adjoint du commandant du bataillon. Et je peux vous expliquer
27 pourquoi il parle comme cela.
28 Q. Non, non, merci, non. C'était lui qui était l'adjoint du commandant du
Page 30292
1 2e Bataillon, donc de votre bataillon, n'est-ce pas ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi je n'avais absolument pas le droit
3 d'interrompre le témoin du Procureur.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le témoin n'a pas répondu à la
5 question posée par Mme West, donc elle lui a posé la question afin
6 d'obtenir une réponse.
7 Nous allons permettre au témoin de répondre à toutes les questions.
8 Nous n'allons pas l'arrêter.
9 Vous pouvez poursuivre.
10 Mme WEST : [interprétation]
11 Q. Monsieur, il était donc l'adjoint du commandant de votre bataillon ?
12 R. Oui.
13 Q. Et vous avez compris qu'il a dit lui-même que le 2e Bataillon était là
14 pour garder la ville sous le siège. Et vu que M. Hrvacevic était plus haut
15 gradé que vous à l'époque, et plus haut placé au niveau de la chaîne de
16 commandement, est-ce que vous ne pensez pas qu'il aurait pu peut-être
17 disposer davantage d'information que vous en 1996 ?
18 R. Il faudrait vérifier dans quelles conditions cette déclaration a été
19 faite. Milan Hrvacevic est allé à la FORPRONU pour interpréter. Il a été
20 capturé; il a été passé à tabac. Il a été jugé, et on a pu voir lors du
21 procès que toutes ces déclarations ne correspondaient pas à la vérité.
22 Q. Vous n'avez pas répondu à la question. Mais je vais reposer la
23 question. Ne pensez-vous pas que de par sa position il était mieux à même
24 d'avoir des informations en 1996 ?
25 M. ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire à qui il a donné
26 cette déclaration, aux autorités bosniaques ou au bureau du Procureur ?
27 Mme WEST : [interprétation] Bien sûr. Au bureau du Procureur, 1996.
28 Q. Monsieur le Témoin ?
Page 30293
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30294
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'interprétation vers l'anglais est
2 terminée. Pourriez-vous répéter la question, Madame West.
3 Mme WEST : [interprétation]
4 Q. Milan Hrvacevic, était-il mieux à même de disposer davantage
5 d'informations que vous lui permettant de mettre la déclaration de 1996 ?
6 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, je pense que l'on demande au témoin
7 de se livrer à des conjectures quand il s'agit de dire pour quelle raison
8 il a fait cette déclaration. Si on veut lui demander quelle a été sa
9 position et quelle a été la position du témoin, ça c'est une chose; mais de
10 se lancer dans des conjectures quant aux raisons de cette déclaration, je
11 ne pense pas que le témoin puisse répondre.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on passer à autre chose, Madame
13 West.
14 Mme WEST : [interprétation] Oui.
15 Q. Monsieur, aujourd'hui vous avez parlé de différents documents et vous
16 avez utilisé le terme "provocation" quand vous avez parlé du feu de l'ABiH
17 venant de la ville. Et le Président de la Chambre vous a demandé ce que
18 vous vouliez dire exactement par là. Et vous avez dit que :
19 "C'était une introduction à l'attaque ou à l'agression contre nos
20 lignes."
21 Monsieur, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce que vous
22 appelez "provocation" est en réalité un effort visant à percer le siège ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Pour que les choses soient claires, quand vous dites qu'ils étaient en
25 train de provoquer le Corps de Sarajevo-Romanija, est-ce que vous pensez
26 qu'ils essayaient de casser ce siège, de le percer ?
27 R. C'est exact, ce n'est pas seulement moi qui le pense. C'est exact.
28 Q. Est-ce que vous pensez que ceci était un effort justifié que d'essayer
Page 30295
1 de lever le siège ?
2 R. C'était sans doute justifié du point de vue de leur intention de
3 prendre le contrôle de tout l'Etat de Bosnie-Herzégovine et de créer cet
4 Etat en fonction de la politique d'Alija Izetbegovic.
5 Q. On va venir à cela aussi dans peu de temps. Mais est-ce que vous pensez
6 qu'une des raisons de vouloir lever le siège de la ville était justement
7 parce que la population manquait de la nourriture, il n'y avait pas assez
8 de nourriture dans la ville ?
9 R. Non, je ne pense pas cela. Vous savez très bien qu'il y avait un tunnel
10 qui passait sous l'aéroport et on passait pas mal de choses à travers ce
11 tunnel : la nourriture, les vêtements, mais aussi des armes.
12 Mme WEST : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce 65 ter 24069A.
13 Q. C'est un rapport du bureau de l'UNHCR, l'envoyé spécial pour l'ex-
14 Yougoslavie. Donc, c'est une série de rapports, mais nous allons en
15 examiner un qui est daté du mois de juin 1993. Et vous étiez donc là-bas
16 pendant cette période-là. Et sur la droite, on voit une colonne, on parle
17 de "toute une année d'approvisionnement par l'air de la ville de Sarajevo".
18 On dit que l'on fête 4 000 vols au-dessus de la ville assiégée en
19 ayant transporté 44 millions de kilos d'aide humanitaire. Les vols
20 humanitaires ont commencé le 3 juillet 1993, 20 nations ont donc participé
21 à ces vols.
22 Et ensuite, plus loin, on dit :
23 "Après une année du siège, la ville de Sarajevo survit grâce à la
24 résistance de la population et à l'aide humanitaire."
25 Et ensuite, dans le paragraphe suivant, un commentaire du représentant, on
26 dit :
27 "'On condamne les activités de ceux qui bloquent la livraison de la
28 nourriture, des médicaments, du carburant, de l'eau, de l'énergie, du gaz,
Page 30296
1 et d'autres denrées d'aide humanitaire dans cette tentative, une tentative
2 lâche d'affamer la population et tuer la population civile innocente.'"
3 Monsieur, n'êtes-vous pas d'accord avec moi qu'une des raisons pour
4 lesquelles l'ABiH voulait lever le siège est justement parce qu'ils
5 manquaient de toutes ces denrées que l'on vient de voir, la nourriture, les
6 médicaments, le carburant ?
7 R. Je ne suis pas d'accord avec vous. Tout le monde avait faim à Sarajevo,
8 les Serbes, les Musulmans et les Croates. C'était une situation de guerre.
9 Et vous ne pouvez pas voir les choses juste d'un seul côté. D'après vous,
10 Sarajevo c'était un camp de concentration le plus gros en Europe, eh bien,
11 dans ce cas-là, les Serbes y étaient aussi. Je ne suis absolument pas
12 d'accord avec vous, parce que nous n'avons jamais essayé d'empêcher
13 l'approvisionnement ou bien l'aide humanitaire, les convois, et cetera.
14 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais demander que ce document soit versé
15 au dossier.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Vu que le
17 témoin n'a confirmé rien qui figure dans le document, et ce n'est pas non
18 plus un document qui contredit directement la déposition de ce témoin, et
19 il n'y a aucune raison qu'il soit au courant de ce qui y figure.
20 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, c'est quelque chose qui
21 s'est produit au mois de juin 1993. Cet homme a déjà passé une année dans
22 cette ville assiégée, aux confins de la ville. Il dit que les autres
23 personnes ont aussi souffert, c'est vrai, mais les autres éléments dans cet
24 article sont de nature à récuser le témoin directement.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges sont tout à fait d'accord pour
27 dire que ce document concerne et a un rapport avec la crédibilité du
28 témoin, et pour cette raison, et uniquement cette raison-là, nous allons le
Page 30297
1 verser au dossier. Dans la mesure où ce document concerne la récusation de
2 la déposition de ce témoin.
3 Monsieur Robinson.
4 M. ROBINSON : [interprétation] Donc nous n'allons verser que ce paragraphe
5 ?
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24069A va recevoir la cote
8 P5988.
9 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
10 Mme WEST : [interprétation]
11 Q. Monsieur, je vais vous présenter quelque chose et je vais vous demander
12 ce que vous en pensez. Vous avez dit, et c'est quelque chose qui figure
13 parmi les arguments avancés par la Défense, que les attaques ou les
14 provocations, comme vous dites, de l'ABiH étaient de nature offensive et
15 que le Corps de Sarajevo-Romanija n'a fait rien d'autre que de riposter.
16 Mais à cause de l'existence même du siège, tout cet événement avait une
17 nature offensive mais du côté du Corps de Sarajevo-Romanija, vu que ce sont
18 eux qui ont placé la ville sous le siège. Donc, garder toute une ville sous
19 siège et peut-être même de partager la ville a exigée des mesures
20 offensives pour le faire du côté du Corps de Sarajevo-Romanija. Et quand je
21 dis "offensive", je parle de l'agression, alors que vous, vous parlez de
22 "provocation". Puisque l'ABiH, tout ce qu'elle a essayé de faire, c'est de
23 lever le siège de la ville et d'ouvrir la ville. Est-ce que vous êtes
24 d'accord avec moi ?
25 R. Je ne suis pas d'accord avec vous. Je ne vois pas comment vous pouvez
26 être taxé d'agresseur alors qu'il s'agit de votre propre pays, de votre
27 propre maison. Comment vous pouvez agresser votre propre pays et votre
28 propre maison ? C'est cela qui me pose problème. Comment c'est possible ?
Page 30298
1 Est-ce que 15 000 personnes peuvent tenir un siège autour des 60 000
2 personnes qui se trouvaient dans le 1er Corps de Sarajevo. C'est les
3 questions que je vous pose en guise de réponse aux questions posées.
4 Q. Je vois bien quelle est votre position --
5 Mme WEST : [interprétation] Je vais demander à présent de voir la pièce --
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, nous devons prendre une
7 pause à présent. Nous allons prendre une pause de 25 minutes. Et quand il
8 s'agit des termes que vous utilisez, s'il s'agit d'une attaque qui est de
9 nature offensive ou défensive, eh bien, je me demande si cela est bien
10 utile d'utiliser ces termes-là. Et je vais vous demander d'avoir cela à
11 l'esprit.
12 Nous allons prendre la pause, et reprendre à 17 heures 45.
13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.
14 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, vous pouvez poursuivre.
16 Mme WEST : [interprétation] Je vais demander à voir le document 65 ter 2478
17 [comme interprété].
18 Q. C'est un document daté du 16 décembre 1993. Voyez-vous le premier
19 paragraphe de ce document ?
20 R. C'est parfaitement illisible.
21 Q. Oui, je suis d'accord, cela n'est pas facile de lire, mais je vais le
22 lire lentement avec vous. Au premier paragraphe, on peut lire :
23 "L'ennemi n'a pas abandonné ses intentions offensives de lever le blocus de
24 Sarajevo et faire jonction avec les 1er et 2e et 3e Corps de la prétendue
25 ABiH…," et ensuite on donne un certain nombre noms de lieux, "ayant pour
26 objectif de casser nos troupes et les mettre dans une position défavorable
27 du point de vue opérationnel."
28 Mme WEST : [interprétation] Je vais vous demander d'examiner la quatrième
Page 30299
1 page en anglais et troisième en B/C/S.
2 Q. Sous "la décision du commandant", on peut lire :
3 "J'ai décidé de mettre en œuvre une défense active impliquant les forces
4 principales du corps d'armée…"
5 On va faire une pause à présent. Et je vais vous demander que veut dire ce
6 terme de défense active ?
7 R. Cela veut dire que les unités sont en état d'aptitude au combat.
8 Q. On n'a pas un autre terme pour cela ? Quand on parle de défense active,
9 cela ne veut pas dire offensive ?
10 R. Non. Si c'est une activité de défense, vous ne pouvez pas avoir
11 d'attaque. Ces deux termes s'excluent mutuellement.
12 Q. [aucune interprétation]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin vient de dire que les deux termes
14 s'excluent mutuellement. C'est ce qu'il vient de dire, le témoin. Alors
15 qu'on voit le contraire dans le compte rendu d'audience.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas de différence et les
17 interprètes disent la même chose.
18 Mme WEST : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 Mme WEST : [interprétation]
21 Q. On va continuer la lecture. On parle des objectifs, et :
22 "…l'objectif principal est comme suit :
23 "Empêcher les forces musulmanes à lever le blocus de leur partie de la
24 ville et l'occupation des installations militaires…"
25 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que ce les Musulmans
26 essaient de faire, ou plutôt, les forces de l'ABiH, c'est tout simplement
27 de lever le siège ?
28 R. Oui.
Page 30300
1 Mme WEST : [interprétation] On va voir la page 5 en anglais et page 3 en
2 B/C/S. On y est en B/C/S.
3 Q. Et donc, sous petit (b), on parle encore des objectifs, et on peut lire
4 :
5 "Dans la zone de Sarajevo, prendre le contrôle…," et ensuite on a toute une
6 liste de lieux, "et plus tard, quand arrivent les forces fraîches, prendre
7 le contrôle de Mojmilo en menant à bien les activités opérationnelles de
8 Hrasnica; couper les communications en direction d'Igman et la Bosnie
9 centrale depuis Sarajevo; faire la jonction des formations opérationnelles
10 du corps sur l'axe Lukavica-Ilidza; et créer les conditions nécessaires
11 pour couper la ville de Sarajevo en deux parties."
12 Monsieur, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que le fait de couper
13 Sarajevo en deux parties constitue un acte offensif du côté du Corps
14 Sarajevo-Romanija ?
15 R. Dans une certaine mesure, oui. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est la
16 date de cet ordre.
17 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander le
18 versement de ce document qui est daté du 16 décembre 1993.
19 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons verser ce document.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24078 va recevoir la cote
22 P5989.
23 Mme WEST : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce à conviction
24 P05980. Vous l'avez vue il y a pas longtemps, Monsieur le Président,
25 Madame, Messieurs les Juges.
26 Q. Il s'agit d'un document qui date du mois d'avril 1994. Et quand on lit
27 "missions" au deuxième paragraphe, on peut lire :
28 "Les forces musulmanes ont réuni les conditions pour procéder au déblocage
Page 30301
1 de la ville de Sarajevo et pour mener à bien une attaque sur d'autres axes
2 et lignes au contact avec nos forces."
3 Et ensuite, on peut lire sous le numéro 8 :
4 "Fortifier les positions autour de Sarajevo en érigeant des barrières
5 en béton et en fil de fer, ce qui va renforcer le sentiment qu'ils sont
6 vraiment enfermés ('dans un camp')."
7 Monsieur, vous avez été là au mois d'avril 1994 et vous y étiez au moins
8 depuis le mois de novembre 1992. Est-ce que vous avez jamais vu des
9 barrières en béton ou bien en barbelé autour de la ville telles que
10 décrites dans ce document ?
11 R. Non, jamais.
12 Q. Et aujourd'hui, à la page 47, vous avez parlé des armes et vous avez
13 fait une comparaison entre les armes dont vous disposiez et les armes
14 qu'avait l'ABiH. Vous avez dit qu'au début vous aviez les meilleures armes,
15 mais très vite ils ont pu acquérir toutes sortes d'armes. Et ensuite, on a
16 examiné le document du 13 juin 1995, c'est un document de l'ABiH, et vous
17 avez fait des commentaires au sujet de ce document. Et je voudrais parler
18 de cette comparaison en ce qui concerne les armes qu'avaient les uns et les
19 autres.
20 Mme WEST : [interprétation] Tout d'abord, je vais vous demander d'examiner
21 le document 65 ter 07737. C'est une carte, Monsieur le Président. Je sais
22 que le témoin a du mal à voir cela, et peut-être qu'il serait vraiment
23 mieux de lui donner l'exemplaire papier de la carte.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Très bien.
25 Mme WEST : [interprétation] C'est la carte numéro 30 qui se trouve dans le
26 dossier Sarajevo.
27 Q. Voici donc la carte que vous avez en même temps sur l'écran. Donc, là,
28 vous l'avez en papier. Pouvez-vous nous dire quel est le titre de cette
Page 30302
1 carte ? Qu'est-ce qui est écrit en haut au milieu.
2 R. La décision du commandant pour mener à bien l'attaque Lukavac 95. Mais
3 je ne suis absolument pas au courant de cela. Je n'ai rien à dire à ce
4 sujet. A l'époque, je tombais sous le coup de l'obligation de travail.
5 Q. Très bien. Mais je voudrais quand même parler de la situation telle
6 qu'elle prévalait en ce qui concerne les armes en 1995, vu que vous avez
7 déjà parlé du mois de juin 1995 justement au sujet de la situation telle
8 qu'elle prévalait quand il s'agit des armes. Et je vais vous demander
9 d'examiner le petit carré blanc qu'on voit tout en bas de la carte. Si vous
10 regardez la carte que vous avez, c'est plus grand que sur l'écran.
11 R. Malheureusement, je n'arrive à lire rien de ce qui est écrit là.
12 Q. Tournez la page, et là vous allez voir vraiment ce tableau-là agrandi.
13 Voilà. Donc, là, nous avons la comparaison des forces dont dispose le SRK
14 en 1995. Donc, du côté gauche, vous avez les forces et l'équipement du
15 Corps de Sarajevo-Romanija, et sur la droite, la même chose pour l'ABiH. Et
16 si vous examinez cela, vous pouvez voir que le SRK avait quatre chars,
17 l'ABiH deux; le SRK avait quatre obusiers de 155 millimètres, l'ABiH n'en
18 avait qu'un; le SRK avait huit obusiers de 122 millimètres, ABiH cinq; et
19 cetera, et cetera. Vous allez voir que pour les obusiers 105, le SRK en
20 avait 14, l'ABiH deux. En ce qui concerne les mortiers, ils en avaient une
21 centaine. En ce qui concerne les mortiers de 82 millimètres, l'ABiH en
22 avait 16 alors que le Corps de Sarajevo-Romanija en avait 40.
23 Donc, contrairement à ce que vous avez dit, il est bien clair que le
24 Corps de Sarajevo-Romanija disposait de bien plus d'armes que l'ABiH en
25 1995 ?
26 R. Non, moi, je parlais des armes d'infanterie.
27 Q. Donc vous restreignez votre déposition antérieure aux armes
28 d'infanterie, en laissant de côté les types d'armes que nous venons
Page 30303
1 d'énumérer ?
2 R. Non.
3 Q. Alors je vais vous poser la question suivante : concernant les mortiers
4 de 120 millimètres, est-ce que votre bataillon en disposait pendant que
5 vous étiez sur place ?
6 R. Je ne sais pas si c'était le cas du bataillon, mais je sais que ma
7 compagnie, elle, n'en avait pas.
8 Q. Qu'en est-il des mortiers de 82 millimètres, est-ce qu'à l'époque vous
9 disposiez de tels mortiers ?
10 R. Probablement.
11 Q. Et qu'en est-il des lance-roquettes multiples, est-ce que le bataillon
12 disposait de tels lance-roquettes ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce
15 document, Madame et Messieurs les Juges.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Mais le témoin n'a rien confirmé de ce qui
17 figure dans ce document, Monsieur le Président.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci est lié à la déposition du témoin
20 pendant l'interrogatoire principal et concerne également sa crédibilité,
21 par conséquent, nous le versons.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 07737 reçoit la cote
23 P5990.
24 Mme WEST : [interprétation] Peut-on maintenant afficher le document P5984.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le document portant le numéro
26 7737 dans la liste 65 ter comprend également la légende telle qu'elle a été
27 agrandie ? Si ce n'est pas le cas, je souhaiterais que l'on inclue ceci
28 également.
Page 30304
1 Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie.
2 Q. Maintenant, nous allons examiner un document qui date de juin 1993. Il
3 s'agit de votre 2e Bataillon et de votre compagnie à une époque où vous
4 étiez présent dans ses rangs, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Avons-nous ici une description exacte de l'état du stock de munitions
7 au sein de votre compagnie à l'époque ?
8 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir. Il serait assez étonnant que j'arrive
9 à m'en souvenir aujourd'hui, donc je ne peux pas vous dire si c'est
10 exactement cela ou pas, mais je suppose que c'était le cas, bien que ceci
11 ait été signé par mon prédécesseur, quelqu'un qui était commandant avant
12 moi. Et qui est décédé depuis. Bon, j'imagine que c'était bien la situation
13 telle qu'elle se présentait. J'étais présent à l'époque mais en tant que
14 simple soldat.
15 Q. Alors, pour ce qui est des mortiers de 60 et de 80 [comme interprété]
16 millimètres et des projectiles correspondants, les obus, le terme de
17 "grenade" en anglais se réfère bien aux obus, n'est-ce pas, points numéros
18 7 et 8 ?
19 R. Oui.
20 Mme WEST : [interprétation] Alors je voudrais maintenant qu'on passe au
21 document P5983.
22 Q. Nous avançons là jusqu'au mois d'octobre de cette même année, un peu
23 plus tard. Il est intitulé : Liste d'armes présentes dans la compagnie.
24 C'est adressé par le commandant précédent à vous-même. Est-ce que vous avez
25 la moindre raison de croire ce que ceci n'est pas exact ?
26 R. Non, ce n'est pas exact parce que ça a été signé par un chauffeur. Il
27 est indiqué au nom du commandant Loncaric Ljubo Bozic [phon], qui était
28 chauffeur de camion. Je dois apporter des précisions ici, puisque la
Page 30305
1 section de mortier, qui avait été formée précédemment qui se trouvait dans
2 nos arrières, lorsque nous estimions qu'une attaque pouvait se produire,
3 nous en informerions le commandant de bataillon qui, ensuite, nous envoyait
4 deux au mieux trois mortiers, parce que quiconque sait ce qu'est qu'un
5 mortier et ce que c'est qu'un tir de mortier, comprend parfaitement que
6 lorsqu'il y a une distance de 50 mètres entre les lignes, vous ne pouvez
7 pas utiliser ce type d'arme, parce que le projectile menace la sécurité de
8 celui qui l'a tiré.
9 Q. C'est exact. Et la Chambre de première instance a déjà été saisie
10 d'élément de preuve en ce sens.
11 Mme WEST : [interprétation] Passons maintenant à P5985, s'il vous plaît.
12 Q. C'est un document signé par vous en décembre 1993.
13 R. Oui.
14 Q. Concernant ces munitions, vous avez écrit, je cite :
15 "Nous n'avons aucune des munitions énumérées ci-dessus. Je demande que vous
16 me livriez ces munitions."
17 Et parmi ces munitions demandées, il y a des obus de mortier de 60
18 millimètres et de 82 millimètres. Donc vous conviendrez qu'en décembre
19 1993, vous aviez déjà utilisé ce type d'obus de mortier, n'est-ce pas ?
20 R. Excusez-moi, mais est-ce que c'est 1993 ou 1995. On ne voit pas très
21 bien. Si c'est 1993, j'en reviens à ce que j'ai déjà dit. S'il s'agit bien
22 de l'année 1993, mois de décembre, nous nous attendions à essuyer une
23 attaque qui s'est bien produite en décembre. Donc nous avons demandé, nous
24 demandions même au commandement de bataillon un appui avec des mortiers,
25 donc avec deux mortiers, et des munitions dont nous ne disposions pas dans
26 nos stocks.
27 Q. Très bien. Mais deux mois plus tôt, il y a une liste d'armes pour la
28 compagnie dans laquelle on trouve des mortiers de 60 et 82 millimètres, ce
Page 30306
1 qui suggère que vous disposiez bien de ce type de mortiers deux mois plus
2 tôt; et puis six mois plus tôt, même indication. Alors est-ce que vous nous
3 suggérez qu'avant le mois de décembre 1993, vous n'aviez pas de mortiers ?
4 R. Non, ce n'est pas ce que je souhaite dire, parce que je ne sais pas ce
5 qui était présent jusqu'au moment où je suis arrivé au sein de l'unité et
6 avant de devenir commandant de la compagnie. Mais une section de mortiers
7 avait été constituée loin en profondeur, un peu en hauteur, parce que
8 c'était le même type d'armes qu'on ne disposait pas sur la ligne, c'aurait
9 été trop près de l'ennemi. Donc lorsque cette section de mortiers a été
10 constituée et placée en hauteur à l'arrière, eh bien, lorsque nous, nous
11 estimions que nous étions menacés par une attaque, nous en informions le
12 commandant de bataillon, qui ensuite décidait d'affecter deux ou trois
13 mortiers pour nous fournir de l'aide. Donc au mois de décembre, quelques
14 jours plus tard, nous avons connu un affrontement très intense, une attaque
15 intense sur Gojino Brdo, et nous avons essuyé de lourdes pertes. Nous avons
16 réussi à maintenir certaines de nos positions, mais nous en avons également
17 perdu, à Gojino Brdo.
18 Q. Alors quel type de cibles visiez-vous avec des mortiers de 60 et 82
19 millimètres ?
20 R. Cela ne pouvait être utilisé que sur le flanc. Nous ne pouvions pas
21 tirer sur la ligne avant, mais sur le flanc uniquement qui était tenu par
22 l'ennemi, donc derrière Asimovo Brdo. Il y avait là avant une prison, et
23 leurs unités y étaient stationnées, ces unités qui nous menaçaient sur
24 notre flanc. Donc il n'y a que sur notre flanc que nous pouvions tirer des
25 obus, alors que devant nous, sur la ligne nous faisant face, cela aurait pu
26 présenter un intérêt si --
27 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le sens de la fin de la réponse
28 du témoin.
Page 30307
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, pourriez-vous répéter
2 votre réponse.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, pour autant que je sache, personne n'a
4 péri sur cette ligne avant, personne n'a péri du fait d'obus de mortier. Et
5 il serait intéressant de déterminer quelle a été la situation sur la ligne
6 de front. Parce que moi, pour autant que je sache, personne n'a été tué par
7 des obus de mortier sur cette ligne.
8 Mme WEST : [interprétation]
9 Q. Monsieur, si j'ai bien compris votre déposition, vous n'avez utilisé
10 des mortiers que pour tirer vers l'arrière et non pas vers l'avant ?
11 R. Comment ça, vers l'arrière ? Je parle des flancs, je ne sais pas
12 comment ça s'est traduit, mais je parle de notre flanc. La compagnie, en
13 fait, est déployée selon un schéma à angle droit. Donc nous avons un flanc,
14 j'en ai parlé, et nous avons de l'autre côté, donc en face du côté ennemi,
15 la 1ère Brigade de Montagne, et nous avons une ligne avant.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais intervenir pour le compte
17 rendu. Premièrement, page 69, ligne 4, le témoin a dit : On ne dispose pas
18 de telles armes sur la première ligne de front. Et ça n'a pas été consigné.
19 Et deuxièmement, on a traduit la ligne sur le flanc comme ligne "arrière"
20 avec le mot anglais "behind", alors que ce n'est pas ce que le témoin a
21 dit. Il s'agissait du flanc.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En dehors de cette question et de la
23 notion de flanc, est-ce que vous pourriez répéter votre intervention
24 concernant la page 69.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà ce que j'ai dit, le témoin a indiqué en
26 répondant que lorsqu'on a constitué cette batterie ou ce groupe de mortier,
27 eh bien, ces hommes ont été déplacés, on les a disposés à l'arrière des
28 lignes parce que ce type d'armes, on ne les dispose pas sur la première
Page 30308
1 ligne de séparation. C'est ce qui a été dit.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, le compte rendu attribue au
3 témoin les propos suivants, je cite :
4 "Lorsque la section de mortier a été établie à l'arrière sur une
5 colline, eh bien, ce n'était pas la ligne de front pour de bonnes raisons,
6 parce que cela aurait été au voisinage immédiat de l'ennemi."
7 Et je crois que ceci correspond à ce que vous disiez, Monsieur Karadzic.
8 Est-ce que nous pouvons poursuivre ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, très bien, mais il serait bon qu'on
10 traduise exactement.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois qu'à cette vitesse, les
12 interprètes ont véritablement beaucoup de mal à suivre.
13 Mais poursuivez, Madame West.
14 Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Q. Alors si j'ai bien compris votre déposition, vous n'avez jamais utilisé
16 de mortiers pour tirer en visant la profondeur dans la ville de Sarajevo,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Vous avez raison.
19 Q. Très bien. Alors aujourd'hui, au début de votre déposition, vous avez
20 parlé d'un certain nombre -- ou, au fait, au moins de deux incidents de
21 tirs isolés figurant dans l'acte d'accusation. Vous avez parlé de portée.
22 Alors pour être tout à fait clair, votre compagnie couvrait bien certaines
23 portions de la rue Ozrenska, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. N'est-il pas exact de dire qu'il y avait au moins 12 tireurs d'élite
26 dans le 2e Bataillon ?
27 R. Cela, je ne le sais pas. Je ne sais vraiment pas.
28 Q. Est-ce qu'il y en avait dans votre compagnie ?
Page 30309
1 R. Non.
2 Mme WEST : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le document
3 24077 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
4 Q. Une partie de ce document est manuscrite, c'est daté de janvier 1994,
5 et signé par vous. La partie que nous avons à l'écran est manuscrite. Est-
6 ce que vous reconnaissez cette écriture ?
7 R. Oui, je la reconnais.
8 Q. A qui appartient-elle ?
9 R. C'est l'écriture de l'un de mes soldats. Je reconnais l'écriture.
10 Posez-moi des questions si vous voulez.
11 Q. Très bien. Alors il paraît que cette liste a été élaborée par -- en
12 fait, c'est une liste de soldats déserteurs qui ont fui. Je voudrais que
13 nous passions au numéro 25 dans la liste. Nous pouvons y lire Rajko Ciro -
14 excusez ma prononciation - et il est dit ici "AP", puis ensuite un numéro
15 d'enregistrement, et "tireur d'élite". Et nous avons ensuite fusil à
16 lunette, "tandzara" dans votre langue, et fusil automatique M56. Alors
17 qu'est-ce que ceci signifie pour vous ?
18 R. Cette liste a été dressée, on recherchait les personnes qui avaient
19 quitté l'unité en précisant quelles étaient leurs armes. Alors il s'agit
20 ici de Rajko Ciro qui, malheureusement, est décédé. Pendant un temps il a
21 été un adjoint du commandant de la compagnie, puis il est parti en emmenant
22 les armes qui sont ici listées. Je ne sais pas comment il a fait pour se
23 procurer ce fusils à lunette, et je ne sais pas du tout. C'est sûrement une
24 arme qu'on s'est procuré plus tôt, parce que moi je sais avec certitude que
25 pendant que j'étais sur place il n'y avait aucun tireur d'élite dans
26 l'unité.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois intervenir pour le compte rendu. On a
28 une erreur. Le témoin a dit : C'est une liste de personnes qu'on
Page 30310
1 recherchait parce qu'ils sont partis. Donc ceci est manquant. Ceci est
2 manquant et manque le fait qu'on les recherchait à cause des armes qu'ils
3 avaient emportées.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, est-ce que vous
5 confirmez ceci ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En fait, c'est une liste correspondant à
7 la recherche des armes qui ont été enregistrées par ces hommes en 1992.
8 Alors celui-ci est parti à Nevesinje, tel autre est parti à Visegrad. Je ne
9 sais pas pour quelle raison. Mais en tout cas, il s'agit d'une liste de
10 personnes et d'une liste des armes que ces personnes ont emportées avec
11 elles en partant, et nous recherchions ces armes.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 Le Juge Lattanzi confirme que cela a également été traduit ainsi en
14 français. Poursuivez.
15 Mme WEST : [interprétation]
16 Q. Ce document est daté de décembre 1994. Par conséquent, à ce moment-là
17 vous aviez déjà passé une année, une bonne année au sein de cette
18 compagnie, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous dites que cet individu particulier a quitté l'unité en emportant
21 un fusil à lunette, et vous dites ignorer comment -- vous dites en fait je
22 ne sais pas comment il se l'est procuré, n'est-ce pas. C'est ce que vous
23 nous dites, et ceci en dépit du fait que vous étiez présent au sein de
24 l'unité depuis déjà plus d'un an ?
25 R. Oui. Mais gardez à l'esprit que je ne suis pas arrivé au moment où les
26 armes ont été enregistrées aux noms de ces hommes. Donc ici nous avons à 90
27 % des hommes qui n'étaient plus au sein de l'unité, et donc il était
28 nécessaire du point de vue du commandant de dresser la liste des armes qui
Page 30311
1 n'étaient plus à notre disposition, qui avaient disparues, qui avaient été
2 volées, et cetera. Donc parfois on connaissait le nombre des armes en
3 question. Parfois on ne le savait pas. Parfois on savait où se trouvait
4 l'homme en question. D'autre fois ce n'était pas le cas. On le voit très
5 bien à partir de cette liste.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, encore une fois, nous
7 vous prions de bien vouloir vous exprimer plus lentement. Merci.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer.
9 Mme WEST : [interprétation]
10 Q. Monsieur le Témoin, vous parlez dans l'abstrait de cette personne. Mais
11 cet individu particulier, vous le connaissiez, n'est-ce pas ? Vous avez dit
12 qu'il était parti et puis qu'il avait été adjoint du commandant pendant un
13 temps et qu'il a été tué, enfin qu'il est décédé. Mais est-ce que vous nous
14 dites c'est qu'il n'était pas tireur d'élite au sein de votre compagnie,
15 est-ce que vous remettez cela en question ?
16 R. Il n'était certainement pas tireur d'élite. Et je crois que ce Rajko
17 Ciro n'avait même pas fait son service militaire, donc il ne pouvait pas
18 être tireur d'élite. Et puis il est parti, il est allé à Pale.
19 Q. Voyez ce qui figure au numéro 39. Est-ce que vous reconnaissez la
20 personne dont le nom figure au 39 ? Est-ce que vous le connaissiez ?
21 R. Lorsque je suis arrivé dans l'unité, je n'ai absolument pas rencontré
22 cet homme. Il était parti à Bijeljina. Ce qui signifie qu'il a emporté
23 l'arme qui avait été enregistrée à son nom au début de la guerre.
24 Q. Mais pour lui aussi il est indiqué qu'il a emporté avec lui un fusil à
25 lunette, n'est-ce pas ?
26 R. Mais, je vous en prie, j'ai déjà dit cela au début. Je ne sais pas
27 quelle arme a été attribuée à qui au début de la guerre. Lorsque le
28 commandant Loncarevic était là et lorsque moi j'étais là, je peux vous dire
Page 30312
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 30313
1 qu'au sein de notre unité nous n'avions pas un seul tireur d'élite. Je vous
2 le dis très clairement.
3 Mme WEST : [interprétation] Passons alors au numéro 83.
4 Q. Est-ce que vous connaissez la personne dont le nom apparaît là ?
5 R. Je ne vois pas cette ligne à l'écran.
6 Mme WEST : [interprétation] C'est la dernière page dans la version en
7 B/C/S.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
9 Mme WEST : [interprétation] Peut-être pourrais-je remettre au témoin un
10 exemplaire imprimé de cette liste. Je crois que nous l'avons à l'écran
11 maintenant.
12 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce nom qui apparaît au numéro 83 ?
13 R. Oui.
14 Q. Lui aussi, n'est-ce pas, disposait d'un fusil à lunette ?
15 R. Je ne sais pas parce que lui aussi il est parti. Il a déménagé et je ne
16 sais pas exactement où. Je crois qu'il est parti à l'étranger. Il a quitté
17 la Bosnie. Au début de la guerre il était commandant de compagnie.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, je crois qu'il y a deux
19 jeux de document au sein de cette référence. Est-ce que vous pourriez peut-
20 être présenter la page 4 ou, en tout cas, vérifier si c'est bien le même
21 document ou s'il s'agit d'un autre.
22 Entre-temps, Monsieur Zurovac, vous pouvez nous confirmer peut-être
23 s'il s'agit de votre signature ou non ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, page 4 en B/C/S. Et en anglais,
26 c'est la 5 ou la 6.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est bien ça.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela devrait être la page suivante. En
Page 30314
1 anglais, il est indiqué "Armes recherchées". Alors, est-ce que vous
2 pourriez reprendre ceci, Madame West.
3 Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que nous pouvons
4 passer à la page numéro 8 de l'anglais, et nous pourrons nous assurer de ce
5 qu'il en est plus tard s'il y a bien correspondance.
6 Q. Alors, page 8 de l'anglais, au numéro 83, nous avons Blagoje Savic en
7 B/C/S :
8 "Lui aussi disposait d'un fusil à lunette ?"
9 Et vous avez répondu à mes questions en disant que vous ne saviez pas
10 parce que cette personne était partie, avait quitté la Bosnie pour une
11 destination inconnue de vous et qu'il était commandant de compagnie au
12 début de la guerre.
13 Mais voici ma question, Monsieur le Témoin : lorsqu'il est parti, il
14 est parti avec un fusil à lunette, n'est-ce pas ? C'est ce que nous dit
15 cette liste ?
16 R. Eh bien, oui, je le sais.
17 Q. Mais est-ce que vous savez personnellement qu'il est parti avec un
18 fusil à lunette ?
19 R. Oui, oui. Parce que n'oubliez pas qu'il arrivait fréquemment que les
20 hommes emmènent des armes, qu'ils vendent des armes, ou lorsqu'ils allaient
21 dans des unités, ils allaient dans des unités moins dangereuses, qui
22 étaient moins menacées ou qui essuyaient moins de pertes. Lorsqu'ils
23 désertaient, pour dire les choses comme elles sont.
24 Mme WEST : [interprétation] Passons au numéro 89 en B/C/S.
25 Q. Est-ce que vous voyez Gusic, Jerko ? Lui aussi avait un fusil à
26 lunette. Est-ce que vous connaissez ce nom ?
27 R. Oui, oui. Oui, bien sûr. Mais Gusic, dès le début de la guerre, a été
28 grièvement blessé, et je crois qu'il est parti et qu'il n'est plus jamais
Page 30315
1 revenu. Et ici, pour être tout à fait clair, il s'agit d'une liste des
2 armes recherchées. Mais de quoi l'unité a-t-elle disposé au début, avant le
3 début de la guerre et avant que l'on ait constitué une section de tireurs
4 d'élite, je l'ignore. Je ne sais même pas, d'ailleurs, si une section de
5 tireurs d'élite a bien été constituée à un moment ou à un autre ou si elle
6 n'a jamais été constituée. Donc je ne sais même pas si on peut parler d'une
7 section de tireurs d'élite.
8 Q. Mais, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi
9 ces hommes auraient quitté votre compagnie en emportant des fusils à
10 lunette s'ils n'étaient pas eux-mêmes tireurs d'élite ?
11 R. Mais je vous ai déjà dit tout à l'heure que les hommes fuyaient.
12 Probablement qu'au début de la guerre on leur a attribué ces armes, et il
13 était très courant qu'il y ait du trafic d'armes. Il y avait du trafic dans
14 tous les domaines, et il y avait également du trafic d'armes. Et
15 probablement que ce Gusic, Jerko a reçu cette arme au début de la guerre,
16 mais il a été très rapidement blessé, et puis je crois qu'il est parti --
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la deuxième mention par le
18 témoin de la destination vers laquelle l'homme en question est parti.
19 Mme WEST : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où il est parti ?
21 R. Je crois qu'il est parti en Vojvodine. Parce que moi, je ne l'ai pas
22 trouvé au sein de l'unité au moment de mon arrivée.
23 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais demander
24 le versement de ce document.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser ce
27 document.
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24077 de la liste 65 ter
Page 30316
1 reçoit la cote P5991, Madame et Messieurs les Juges.
2 Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document
3 24076 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
4 Q. Il s'agit d'un document assez long. En fait, c'est le registre de la 4e
5 Compagnie dont il s'agit.
6 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je remettre un
7 exemplaire imprimé tant au témoin qu'à l'équipe de la Défense, faute de
8 quoi nous risquons d'avoir du mal à nous y retrouver ?
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections ?
10 M. ROBINSON : [interprétation] Non, au contraire.
11 Mme WEST : [interprétation] Et pour le compte rendu, je souhaite indiquer
12 que j'ai annoté à l'intention du témoin certaines pages que j'ai
13 l'intention de lui présenter dans la copie qui est prévue pour lui.
14 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais que vous preniez un peu de temps pour
15 parcourir les pages de ce document et que vous nous disiez si vous le
16 reconnaissez. Monsieur, reconnaissez-vous ce carnet ou ce type de registre
17 ?
18 R. Non. D'après ce que j'ai pu feuilleter, non, je ne reconnais pas. Parce
19 que de facto, moi, je ne suis pas arrivé à l'époque à la compagnie. J'étais
20 encore dans la prison à Mostar.
21 Q. Bon. Je vois que vous êtes en train de vous pencher sur le tout début
22 du registre, mais une fois que vous aurez parcouru les pages, vous verrez
23 qu'on avance jusqu'à l'année 1994, et c'est une période de temps où vous
24 étiez bel et bien au sein de la compagnie, n'est-ce pas ?
25 R. Je ne suis pas arrivé à ce point-là. Moi, je suis arrivé au 2 juillet
26 1992. Vous avez dit que vous avez numéroté les pages, mais moi, je ne vois
27 pas de numérotation.
28 Q. Permettez-moi de vous poser une question de nature générale. Etait-il
Page 30317
1 habituel pour des compagnies de tenir à jour un registre ?
2 R. Non.
3 Q. Est-ce que votre compagnie avait tenu à jour un journal ?
4 R. Non. Pourquoi voulez-vous qu'elle tienne à jour un journal alors qu'il
5 y a des rapports journaliers ? Il y a deux rapports journaliers tous les
6 jours. Pourquoi voulez-vous qu'on ait un registre ? Moi, ce document, je le
7 trouve très, très louche.
8 Q. Bon. On se penchera sur certaines des pages à titre concret.
9 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre la page 19 en
10 version anglaise et la page 19 en version B/C/S.
11 Q. Pour vous, Monsieur, j'indique qu'il y a un Post-it en vert à la page
12 19, comme ça vous avez la possibilité de vous y référer tout de suite. On
13 en est au mois de juillet 1992.
14 Et en haut à droite, il est dit "4e Peloton" et on dit "août 1992".
15 Et à droite, on voit qu'il est dit Karlo Bauer a reçu un fusil à lunette.
16 Reconnaissez-vous ce nom-là ?
17 R. Non.
18 Q. [aucune interprétation]
19 R. Non, non. Ici, c'est un Croate, d'après le nom et le prénom.
20 Mme WEST : [interprétation] Page 34, s'il vous plaît, pour le B/C/S et pour
21 l'anglais.
22 Q. Alors, à gauche, vous allez voir "4e Peloton", 400 pièces de 5,62
23 [comme interprété]; 225, 7,9 millimètres; et 30 pièces de fusils à lunette.
24 Alors, il semblerait qu'il s'agit de novembre 1992, période à laquelle vous
25 étiez déjà dans les rangs de la compagnie. Est-ce qu'à ce moment-là il y
26 avait eu des fusils à lunette dans la compagnie ?
27 R. Combien de fusils avez-vous dit pour les fusils à lunette?
28 Q. Moi, je lis ce qui est dit en anglais. Vous, vous pouvez lire le B/C/S.
Page 30318
1 Il est dit "34 [comme interprété] fusils à lunette." Je n'affirme pas qu'il
2 y en ait eu autant. Et ma question était celle-ci : est-ce qu'il y a eu des
3 fusils à lunette dans votre compagnie en novembre 1992 ?
4 R. Au début de la guerre. Mais 34, est-ce que vous imaginez ce que ça veut
5 dire 34 fusils à lunette ? Mais il est probable qu'un bataillon n'ait pas
6 cela quand il est bien équipé, celui-là, et encore moins une compagnie
7 d'une centaine d'hommes.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander à ce que nous
9 puissions voir de quelle unité il s'agit. Moi, je ne vois nulle part "34".
10 Quelle est l'origine de ce document ? On ne nous montre pas la référence
11 ERN. Sur la version papier, il y a une référence ERN, mais sur l'écran,
12 non.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je m'attends à ce que nous
14 l'apprenions suite aux questions que vous allez poser. Continuons.
15 Mme WEST : [interprétation] Merci.
16 Passons à la page 45 des deux versions, B/C/S et anglais.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais tant qu'on est encore à cette page
18 en B/C/S, peut-on demander au témoin de donner lecture de la quatrième
19 ligne.
20 Mme WEST : [interprétation] Merci. Revenons alors à la page 34.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, on est déjà à la page concernée en
22 B/C/S.
23 Mme WEST : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous avez entendu la question du Juge Kwon, Monsieur le
25 Témoin ?
26 R. Alors, le 1er Peloton -- c'est la page de gauche ou la page de droite ?
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, la page de gauche. Ça commence par
28 "sare"…
Page 30319
1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pas ça, moi. Ou alors c'est pas bien
2 écrit.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voyez l'écran devant
4 vous ? Penchez-vous sur la ligne 4 qui commence par "sare".
5 Est-ce que vous pouvez donner lecture à haute voix.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] "Sare SOK sniper," non, c'est difficile à
7 lire. Qu'est-ce que ça veut dire, ce SOK ? Il est difficile de lire
8 l'écriture.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez lire la première
10 ligne ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] "1er Peloton - 640 KM, 7,62" --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, la quatrième ligne, il
13 faudrait lire : "Sare - 30 KM."
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, "KM" probablement, je suppose. Enfin, le
15 M, c'est vraiment pas évident.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon.
17 Je vous laisse continuer l'interrogatoire.
18 Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 D'après nos informations, c'est un document émanant de la 4e Compagnie du 2e
20 Bataillon de cette brigade; cependant, en ce moment-ci, je ne vais pas
21 demander le versement de ce document au dossier étant donné que le témoin
22 lui-même n'a pas précisé que c'était chose habituelle dans son bataillon
23 que de tenir à jour un journal. Alors je voudrais que nous passions au 65
24 ter 12226 à présent, s'il vous plaît.
25 Q. Monsieur, vous avez rejoint les rangs de la 4e Compagnie en novembre
26 1992, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Et vous êtes parti de là en 1994, n'est-ce pas ?
Page 30320
1 R. Oui.
2 Q. Quand au juste, quel mois ?
3 R. Je suis parti le 10 avril ou le 10 mars 1994. Je ne m'en souviens plus
4 très bien. Et je suis parti parce qu'on m'avait donné une obligation de
5 travail.
6 Q. L'on est en train de se pencher sur une liste relative à votre
7 compagnie datée de septembre 1993. Il s'agit d'une liste des soldats
8 blessés.
9 Mme WEST : [interprétation] Et si on se réfère aux deux versions, anglaise
10 et B/C/S, on voit ici en fait -- oui, la page 5, s'il vous plaît, pour ce
11 qui est de la version anglaise. En B/C/S, on voit exactement les mêmes
12 noms.
13 Q. On voit votre nom ici. Etiez-vous blessé au mois de septembre 1993 ?
14 R. Oui. Oui, j'ai été blessé.
15 Q. Et tout en haut, numéro 3, un certain Karlo Bauer qui lui aussi a été
16 blessé. C'est le même nom que celui qu'on a vu dans le registre tout à
17 l'heure à la page 19 --
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. Donc c'est le même nom que le nom de la personne qu'on a vu sur la page
20 19 du registre, et on lui a donné, donc, un fusil à lunette. Vous souvenez-
21 vous de lui ?
22 R. Non. Ce nom ne me dit rien du tout.
23 Mme WEST : [interprétation] Je voudrais verser ce document.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 12226 devient la pièce
26 P5992.
27 Mme WEST : [interprétation]
28 Q. Plus tôt aujourd'hui, sur la page 57 du compte rendu d'audience, quand
Page 30321
1 on a parlé du siège et quand je vous ai demandé si l'ABiH ne voulait pas
2 tout simplement lever le siège, vous avez dit :
3 "Je suppose que c'était justifié du point de vue de l'intention de
4 prendre le contrôle de tout l'Etat de Bosnie-Herzégovine, à savoir de le
5 placer sous le contrôle de l'armée et de créer un Etat qui conviendrait à
6 la politique menée par Alija Izetbegovic."
7 Vous souvenez-vous avoir dit cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Pouvez-vous nous dire en quoi consistait sa politique ?
10 R. Islamisation de Bosnie-Herzégovine.
11 Q. Mis à part cela, croyez-vous que les groupes ethniques ne devraient pas
12 vivre ensemble dans un même Etat ?
13 M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, ceci ne
14 sort des examens posés au cours de l'interrogatoire principal.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous répondre ou bien passer à
16 un autre sujet ?
17 Mme WEST : [interprétation] J'essayais justement de tirer au clair quelque
18 chose dont on a débattu au moment du contre-interrogatoire.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quoi parlez-vous exactement ?
20 Mme WEST : [interprétation] De la politique d'Alija Izetbegovic. Mais si
21 vous le préférez, on peut passer à autre chose.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Madame West.
24 Mme WEST : [interprétation]
25 Q. Monsieur, nous étions en train de parler de cette politique et vous
26 avez dit qu'il s'agissait de créer un Etat islamiste de Bosnie-Herzégovine,
27 entièrement islamiste. Vous en parlez aussi dans votre déclaration
28 préalable. Monsieur, voici la question que j'ai à vous poser : pendant
Page 30322
1 l'interrogatoire principal, M. Karadzic vous a posé des questions au sujet
2 de la période avant 1992, et il vous a demandé ce que vous faisiez, et vous
3 avez dit que vous avez été dans un camp.
4 R. Oui.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelle est cette déclaration préalable dont
6 parle le Procureur ? Est-il possible de la communiquer à la Défense ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit d'une réponse, une réponse que
8 le témoin vous a donnée.
9 Madame West, pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit.
10 Mme WEST : [interprétation] Eh bien, c'est la dernière des quatre
11 déclarations de ce témoin. Je ne sais pas quelle est son idée mais de toute
12 façon, je parle de la question posée par M. Karadzic. Il lui a demandé s'il
13 avait passé un certain temps dans un camp, et il a répondu que oui.
14 Ensuite, il lui a demandé si c'était --
15 Q. Et je vous pose la question : était-ce le camp de Ljubuski ?
16 R. Non. C'était la prison à Mostar, c'est ce que j'ai dit.
17 Q. Bien. Je vous présente mes excuses. Est-ce que cette prison se trouvait
18 à Ljubuski ?
19 R. Moi, je suis passé par Ljubuski quand on nous a amenés à Stolac, pour
20 participer à un échange. J'y suis passé tout comme tous les autres
21 prisonniers.
22 Q. Donc, vous dites que vous n'avez fait que passer par Ljubuski ?
23 R. Oui. Je me souviens d'un stade où on nous a passés à tabac, ensuite on
24 nous a fait monter dans des autocars, les mêmes autocars dans lesquels on
25 nous a amenés, et ensuite on nous amenés à Todorovic, à côté de Stolac.
26 Q. Dans votre déclaration - et cela se trouve dans toutes les déclarations
27 que vous avez données - ici notamment dans le paragraphe 9 :
28 "J'ai été transféré de Mostar à Ljubuski, et là, on m'a passé à tabac d'une
Page 30323
1 façon encore plus sérieuse. Ils m'ont arrêté. Ils m'ont pesé et je pesais
2 39 kilos [comme interprété]" --
3 M. ROBINSON : [interprétation] Ceci ne découle pas du tout des questions
4 posées au moment de l'interrogatoire principal, et ces questions n'ont pas
5 été posées vu que les Juges pensaient que ceci n'était pas pertinent, et
6 donc, nous n'avons pas posé ces questions.
7 Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux vous
8 répondre ?
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
10 Mme WEST : [interprétation] Au moment de l'interrogatoire principal, il a
11 parlé de son temps passé dans le camp, et c'est vrai que vous avez
12 considéré que le paragraphe 11 n'était pas pertinent, il a donné les
13 raisons pour avoir rejoint la RSK, et c'est lié à ce camp.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit "camp" ?
15 Mme WEST : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps
17 encore ?
18 Mme WEST : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'avez-vous dit ?
20 Mme WEST : [interprétation] J'ai besoin d'encore quelques instants, pas
21 plus.
22 Q. Monsieur, on ne va pas discuter de Ljubuski, on ne va pas essayer de
23 voir ce que c'était, mais suite à votre séjour là-bas vous avez dit que
24 vous avez repris vos esprits, vous êtes venu à comprendre. Vous avez dit
25 que :
26 "…cette haine croissante des Musulmans et Croates contre les Serbes nous a
27 fait revenir à la raison et comprendre à quel point cette histoire de
28 fraternité et d'unité était une histoire fausse, et j'ai pensé à toutes les
Page 30324
1 souffrances des Serbes au cours de la Première et la Deuxième Guerres
2 mondiales, quand nous avons été exterminés en masse."
3 Pourriez-vous nous dire de quoi vous parlez là ?
4 R. Bien sûr. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, j'ai perdu mes deux
5 parents. Les Serbes ont gardé la mémoire de ces événements pour empêcher
6 que l'histoire ne se répète. Les Serbes en Herzégovine ont été tués en
7 masse quand les puits d'Herzégovine ont été remplis des corps des Serbes,
8 et c'est pour cela qu'on a désoûlé, tout simplement, dans le sens où on est
9 revenu à la raison, on a compris ce qui se passe. On ne voulait pas qu'on
10 soit à nouveau jetés dans des puits, les mêmes puits dans lesquels mon père
11 avait été jeté. Pour empêcher que des choses semblables se reproduisent, eh
12 bien, j'ai agi comme j'ai agi.
13 Mme WEST : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
15 Monsieur Karadzic, vous avez des questions ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelques questions très brèves.
17 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
18 Q. [interprétation] Monsieur Zurovac, lorsqu'il a été question de
19 bombardement sans discrimination de certaines positions, qu'est-ce qui a
20 été touché par ces bombardements ?
21 R. Eh bien, nous savions tous, en fait, où étaient leurs positions, où
22 étaient les nôtres, et tout était connu. Et dans les bombardements sans
23 discrimination, ce sont nos maisons qui ont été visées pour les détruire
24 afin que nous n'ayons plus où nous mettre à l'abri, où dormir. Donc, les
25 maisons étaient détruites, tout ce qui pouvait nous être d'une certaine
26 utilité était tout simplement détruit.
27 Q. Merci. Combien de maisons individuelles ont-elles été ainsi détruites
28 par des bombardements sans discrimination ?
Page 30325
1 R. Le long de notre ligne tout a été détruit à 100 %. Il y a des
2 enregistrements vidéo, il y a des documents qui documentent cela et qui
3 montrent que toutes ces maisons ont été détruites, et malheureusement,
4 c'est quelque chose qui continue à se prévoir.
5 Q. Merci.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on fournisse une nouvelle
7 traduction dans laquelle ne figurera pas le mot anglais "randomly" mais la
8 notion de "sans discrimination", de bombardements non sélectifs.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Alors, est-ce qu'il s'agissait de tirs qui visaient la profondeur du
11 territoire ?
12 R. Oui.
13 Q. Merci. Est-ce qu'il y a eu des victimes civiles, et ces victimes
14 civiles sont tombées sous quel type de tirs ? Des tirs de tireurs isolés ?
15 R. Oui, certaines ont été tuées par des tireurs d'élite, d'autres dans une
16 certaine mesure par des tirs d'artillerie, mais les pertes les plus
17 importantes étaient dues à des tireurs d'élite.
18 Q. Merci. Lorsqu'on vous a demandé ce qu'il en était de ces fusils
19 d'élite, on vous a posé la question mais vous n'avez pas eu le temps de
20 répondre. Que signifie le mot "tandzara" ?
21 R. C'est un vieux fusil yougoslave.
22 Q. Merci. Alors, indépendamment de la question de savoir s'il y avait ou
23 non une visibilité, est-ce que vous aviez des tireurs d'élite qui vous
24 rendaient compte à vous en tant que commandant et auxquels vous assigniez
25 des missions ?
26 R. Non.
27 Q. Merci. Je ne vais pas vous poser de questions concernant les
28 conséquences théoriques d'un siège, d'un encerclement. Mais quelle était la
Page 30326
1 mission militaire de votre compagnie ?
2 R. Il s'agissait exclusivement de défense.
3 Q. Défense de quoi ?
4 R. La défense des maisons, de la terre, de notre patrie, là où nous sommes
5 nés, là où nous vivions. C'était un quartier ouvrier, principalement avec
6 90 % de population serbe, donc il s'agissait de défendre nos vies, ni plus
7 ni moins.
8 Q. Merci, Monsieur Zurovac.
9 R. Je vous en prie.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Concernant votre demande d'une nouvelle
11 traduction, les Juges de la Chambre en resteront là. Si vous souhaitez que
12 cette partie soit traduite à nouveau, je vous demanderais d'en formuler la
13 demande par écrit.
14 L'INTERPRÈTE : Correction de la cabine française : Dans la question de M.
15 Karadzic une page plus haut, remplacez "ces tirs visaient-ils la profondeur
16 du territoire" par "y avait-il des tirs visant la profondeur du territoire
17 ?"
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zurovac, ceci met fin à votre
20 déposition. Au nom des Juges de la Chambre, je souhaite vous remercier
21 d'être venu déposer à La Haye. Vous êtes maintenant libre de repartir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
23 [Le témoin se retire]
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
25 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne sais pas
26 si les Juges de la Chambre s'apprêtent ou non à lever l'audience, mais j'ai
27 un point bref à soulever. Donc je souhaiterais simplement que vous
28 m'informiez quand je peux l'aborder.
Page 30327
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.
2 M. TIEGER : [interprétation] Je souhaiterais simplement répondre à un e-
3 mail envoyé par Me Robinson faisant part de son opposition à une
4 modification de l'ordre de comparution des témoins. Je crains que nous
5 devions protester suite à cela, parce que les Juges de la Chambre aussi
6 bien que la Défense sont parfaitement au courant de la nécessité qu'il y a
7 à établir un ordre de priorité dans les traductions attendues en fonction
8 de la nature de ceux qui sont susceptibles d'être utilisés au contre-
9 interrogatoire. Et compte tenu des modifications multiples dans l'ordre de
10 comparution des témoins qui sont déjà intervenues au cours des semaines
11 précédentes, cela a mis à rude épreuve nos ressources et, par conséquent,
12 notre capacité et la capacité potentiellement du conseil chargé de mener le
13 contre-interrogatoire à aborder les questions au sujet desquelles il
14 souhaite obtenir des précisions et également concernant la crédibilité du
15 témoin concerné. Donc, au vu des changements qui sont déjà intervenus dans
16 le passé, je crois que ceci serait injuste à notre égard.
17 Et je souhaite être tout à fait clair, je ne suis pas en train de
18 dire que ceci est impossible, parce que, comme toujours, nous sommes
19 disposés à faire un effort si la Chambre nous le demande. Mais compte tenu
20 du fait qu'il s'agit apparemment d'une préoccupation avant tout d'ordre
21 théorique à propos de la capacité du témoin à revenir, eh bien, nous
22 estimons qu'il serait possible de régler ceci tout simplement en commençant
23 l'interrogatoire principal du témoin et ensuite en lui demandant de
24 revenir, tout en préservant l'ordre actuellement prévu. Nous estimons que
25 dans ces conditions les conséquences pour l'Accusation seraient minimes,
26 mais que dans le cas contraire elles seraient injustement préjudiciables.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais être tout à fait
28 clair, il s'agit du Témoin Malinovic ?
Page 30328
1 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En tout cas, le témoin en question est
3 l'un de ceux qui étaient censés terminer sa déposition avant la fin de la
4 semaine en cours, n'est-ce pas ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Pas initialement, mais tel que les choses ont
6 fini par apparaître, oui. Comme je l'ai dit, et pour autant que je m'en
7 souvienne, il a eu de multiples changements qui ont fini par avancer la
8 comparution de ce témoin.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je note que vous avez également indiqué
10 que vous seriez en mesure de vous en sortir malgré tout. Mais je
11 souhaiterais qu'après la fin de l'audience d'aujourd'hui vous essayiez de
12 vous en entretenir avec l'équipe de la Défense afin d'essayer de coopérer
13 davantage. Une fois que vous l'aurez fait, veuillez nous tenir informer.
14 M. TIEGER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et avant que nous ne levions l'audience,
16 Monsieur Tieger, je souhaite vous signaler que les Juges de la Chambre,
17 demain matin, souhaiteraient également entendre votre position au sujet de
18 ce qui suit. Ainsi que les Juges de la Chambre l'ont signalé à de multiples
19 occasions, ils n'imposeront pas de limitations de durée au contre-
20 interrogatoire de l'Accusation; cependant, les Juges de la Chambre ont
21 également indiqué qu'ils continueraient à suivre de près le déroulement du
22 procès. Nous avons entendu la déposition de 21 témoins en ne comptant pas
23 le tout dernier témoin, Dusan Zurovac. La Chambre relève que l'Accusation a
24 utilisé bien plus de temps au titre du contre-interrogatoire que ne l'a
25 fait l'accusé au titre de l'interrogatoire principal et des questions
26 supplémentaires. La Chambre relève également que la très grande majorité de
27 ces témoins a donné lieu à la présentation d'élément de preuve au titre de
28 l'article 92 ter de façon extrêmement limitée avec des déclarations courtes
Page 30329
1 et très peu de pièces associées. Souvent, les éléments de preuve en
2 application de l'article 92 ter se sont concentrés sur un nombre très
3 limité de sujets. Par conséquent, les Juges de la Chambre souhaiteraient
4 entendre votre position demain matin avant tout autre sujet abordé, votre
5 position, donc, quant à la durée des contre-interrogatoires de
6 l'Accusation.
7 L'audience est maintenant levée. Nous reprendrons nos débats demain en
8 salle d'audience numéro III à 9 heures du matin.
9 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le jeudi, 15 novembre
10 2012, à 9 heures 00.
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28