Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 26 février 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Aujourd'hui et demain nous allons donc

  6   siéger au titre de l'article 15 bis, le Juge Lattanzi n'étant pas présente.

  7   Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous avons

  9   deux questions préliminaires que je souhaite soulever, la première étant à

 10   huis clos partiel.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Passons à huis clos partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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  5   [Audience publique]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, merci.

  8   Les Juges de la Chambre ont donc été saisis de notre demande concernant la

  9   question des récapitulatifs 65 ter et des déclarations des témoins. Je

 10   souligne la question, enfin la Défense y répondra. Les Juges de la Chambre,

 11   bien sûr, prendront leur décision en temps et heure, mais entre-temps, le

 12   problème continue à surgir. Donc j'aimerais attirer l'attention des Juges

 13   de la Chambre à deux cas ultérieurs où cette question sera soulevée et,

 14   plus particulièrement, deux témoins pour la semaine prochaine, et ce serait

 15   M. Martic et M. Kicanovic.

 16   Dans le cas de M. Kicanovic en premier. Nous venons de recevoir une

 17   déclaration en version anglaise à son effet, et ce, hier soir. Et ceci au

 18   vu d'un résumé complètement inadéquat selon l'article 65 ter. Donc ce dont

 19   ce témoin se propose de déposer se déroule maintenant, puisque maintenant

 20   nous venons de recevoir cette déclaration.

 21   Nous ferons de notre mieux pour poursuivre notre contre-

 22   interrogatoire, si faire se peut, mais cela est loin d'être certain, donc

 23   j'aimerais attirer l'attention des Juges de la Chambre sur ce problème. Je

 24   l'ai soulevé avec Me Robinson. Il comprend tout à fait la nature du

 25   problème et convient absolument que si la nature de cette déclaration est

 26   telle que le Procureur n'est pas en mesure de faire un contre-

 27   interrogatoire, eh bien, il serait approprié et raisonnable d'avoir un

 28   différé pour pouvoir commencer le contre-interrogatoire, et ce, après


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  1   l'interrogatoire principal.

  2   En ce qui concerne M. Martic, qui est à l'évidence un témoin sur

  3   différentes questions importantes, nous n'avons rien d'important et nous ne

  4   prévoyons pas de recevoir quoi que ce soit d'intéressant, en fait, jusqu'au

  5   moment de l'interrogatoire principal, et ce, est un problème, en partie, en

  6   mon sens, qui vient de questions logistiques que la Défense nous a décrites

  7   plus tôt, mais quelle qu'en soit la cause, l'incidence pour le Procureur

  8   est la même.

  9   J'en ai abordé la question avec Me Robinson. Là encore, il convient

 10   intégralement que dans ces circonstances un laps de temps utile entre

 11   l'interrogatoire principal et le début du contre-interrogatoire devrait

 12   être accordé et sera nécessaire pour assurer qu'il y ait suffisamment de

 13   temps pour procéder aux préparatifs du contre-interrogatoire. Il est

 14   difficile de savoir dans ces circonstances, avec précision, quel est ce

 15   laps de temps avant que nous ne soyons saisis des informations sur

 16   lesquelles le témoin déposera, mais l'on peut dire que ce sera sans doute

 17   d'une longueur suffisante et d'une certaine importance pour qu'il y ait un

 18   laps de temps assez important entre l'interrogatoire principal et le

 19   contre-interrogatoire. Donc je voulais présenter la chose aux Juges de la

 20   Chambre, et ce, à l'avance.

 21   Comme mentionné, Me Robinson et moi-même en avons parlé, donc des

 22   réglages devront être apportés au calendrier de la Défense, mais en dehors

 23   de cela, c'est là un problème que nous continuerons d'aborder et d'essayer

 24   de régler jusqu'à ce qu'une résolution plus large soit proposée par la

 25   requête, d'une requête du Procureur.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 27   Monsieur Robinson.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous sommes toujours d'avis que les


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  1   Procureurs devraient avoir autant de temps que faire se peut pour se

  2   préparer, une fois qu'ils reçoivent les documents. Donc ceci reste notre

  3   position concernant ces deux témoins. Donc pour M. Kicanovic, si le

  4   Procureur souhaite davantage de temps, eh bien, nous différerons son

  5   témoignage ou son contre-interrogatoire, et c'est assez simple.

  6   En ce qui concerne M. Martic, là, c'est plus complexe pour la bonne raison

  7   que nous étions censés le voir cet après-midi, moi-même et le Dr Karadzic

  8   dans une réunion d'introduction pour savoir de sa part s'il souhaite avoir

  9   un juriste à ses côtés et s'il peut préparer sa déclaration 92 ter. Le

 10   greffier a refusé cette rencontre pour la bonne raison que le Dr Karadzic

 11   est sous une ordonnance lui interdisant de rencontrer ce témoin. Donc je

 12   vais rencontrer M. Martic moi-même, et je serai en mesure de le rencontrer

 13   jeudi parce que je dois lui envoyer une missive, la traduire en sa langue,

 14   pour lui demander s'il consent à me rencontrer.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien vous arrêter là.

 16   Est-ce que la Chambre a interdit à M. Karadzic de faire le récolement de

 17   son témoin ?

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas une séance de récolement à

 19   leurs yeux. C'est pour cela qu'il devrait rencontrer M. Martic pour la

 20   première fois et savoir comment il souhaite procéder. Donc ce contact a

 21   donc été refusé et qu'une seule session de récolement sera permise, et

 22   ceci, uniquement après que la déclaration 92 ter ait été préparée. C'est

 23   ainsi que je devrais rencontrer M. Martic moi-même et le plan étant de,

 24   pour moi, de me préparer à travailler avec lui et préparer cette

 25   déclaration 92 ter et la communiquer au Procureur.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc c'est la pratique que le récolement

 27   se limite à une seule rencontre.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas du tout la pratique mais


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  1   le greffier a donc ainsi interprété notre rencontre avec M. Martic et que

  2   cela ne fait pas partie d'un récolement.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Un motif a-t-il été présenté ?

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons reçu une missive, et l'on a

  5   simplement déclaré que l'on avait ordonné que le Dr Karadzic ne rencontre

  6   pas M. Martic autre que pour le récolement, et donc cette réunion ne

  7   saurait être permise.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, mais y a-t-il une explication

  9   disant pourquoi cette rencontre n'est pas une rencontre de récolement ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Non. Ce n'est pas essentiel que le Dr

 11   Karadzic prenne part à cette première rencontre mais que c'est tout

 12   simplement un différé. Donc nous ne prévoyons pas que M. Martic dépose

 13   immédiatement, la semaine prochaine, comme nous l'avions prévu. Nous ferons

 14   de notre mieux une fois que nous l'aurons rencontré pour tenter d'accélérer

 15   la chose, et une fois que nous aurons préparé la déclaration 92 ter, nous

 16   la remettrons au Procureur et saurons à ce moment-là quand et le moment, un

 17   point nommé, pour qu'il présente sa déposition.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que je me représente en personne et

 21   qu'en quelque sorte je suis donc mon défenseur en chef, je ne comprends pas

 22   pourquoi je suis soumis à ces restrictions. Je comprends tout à fait après

 23   le début de la déposition. J'essaie de comprendre et je ne vois même pas

 24   mes témoins par la fenêtre, mais pourquoi est-ce que je ne pourrais avoir

 25   qu'une seule rencontre ? Il n'y a absolument pas égalité des moyens, ici.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Me Robinson a dit que ce n'était pas la

 27   pratique et que ce n'est pas essentiel. Restons-en là et les Juges de la

 28   Chambre en décideront quand la question sera posée à nouveau. J'ai déjà


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  1   l'impression que ceci a déjà été réglé d'une certaine façon.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, avant que nous n'entendions la

  4   déposition du témoin suivant, il y a trois questions dont il nous faut

  5   traiter. Tout d'abord, ayant trait aux décisions orales, la Chambre va en

  6   présenter maintenant.

  7   Tout d'abord, la Chambre va maintenant rendre une décision orale ayant

  8   trait au témoignage de Desimir Serenac, prévu à titre de sixième témoin à

  9   déposer en mars 2013. L'accusé souhaite verser 230 pièces connexes par

 10   l'intermédiaire de ce témoin et présume 15 minutes à l'interrogatoire au

 11   principal avec ce témoin.

 12   La déposition de ce témoin était prévue au départ en janvier, mais a été

 13   différée en raison du grand nombre de documents qui n'avaient pas été

 14   traduits. Le 15 février 2013, le Procureur a déclaré que les pièces

 15   connexes proposées étaient en cours d'examen, mais qu'il y aurait de

 16   nombreuses objections quant à leur versement. Le 25 février, la Chambre et

 17   l'accusé ont été informés par courriel que le Procureur présenterait des

 18   objections au versement des 230 pièces connexes proposées.

 19   La Chambre simplement ne peut accepter qu'un grand nombre de documents soit

 20   versé en vertu de l'article 92 ter, puisque ce n'est pas une utilisation

 21   efficace du temps et des ressources des Juges de la Chambre et du

 22   Procureur. A plusieurs reprises pendant la présentation des éléments à

 23   charge, la Chambre a donné ordre proprio motu de faire en sorte que

 24   certains témoins soient informés pour ce qui est des demandes de versement

 25   au dossier de grands volumes de comptes rendus afin que ceux-ci soient

 26   cités à comparaître viva voce. Le même raisonnement doit être mis en oeuvre

 27   pour ce qui est des pièces connexes de la Défense. Dans ce cas concret, la

 28   déclaration du témoin compte 20 pages, mais les pièces connexes sont


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  1   listées par blocs avec de brefs commentaires de ce témoin. Alors, à titre

  2   d'illustration, le paragraphe 30 de la déclaration du témoin fait référence

  3   à 102 documents. Or, c'est inacceptable. Qui plus est, si l'on autorisait

  4   l'accusé à verser au dossier un si grand nombre de pièces connexes, cela

  5   demanderait aux Juges de la Chambre d'approuver ou de consacrer une

  6   quantité énorme de temps pour ce qui est des contre-interrogatoires par

  7   l'Accusation, ce qui serait inapproprié ou inadéquat par rapport au temps

  8   utilisé par l'accusé, ce qui serait tout à fait contraire à la gestion

  9   efficace du procès. Donc, la Chambre convie l'accusé à se concentrer sur la

 10   présentation seule des pièces à conviction qui sont vraiment importantes et

 11   qui ont de l'importance pour ce qui est des chefs d'accusation dressés à

 12   son encontre pour exclure les documents périphériques au travers de ces

 13   déclarations en application du 92 ter.

 14   La Chambre, donc, rend ordonnance à ce que ce Desimir Sarenac soit

 15   interrogé viva voce, et l'Accusation obtiendra le même temps pour son

 16   contre-interrogatoire que le temps utilisé par l'accusé pour son

 17   interrogatoire au principal.

 18   Qui plus est, la Chambre veut également rendre une décision concernant une

 19   requête présentée par l'Accusation pour ce qui est d'exclure partiellement

 20   le témoignage d'Aleksandar Vasiljevic. Cette requête a été présentée le 13

 21   février 2013, et l'Accusation a demandé à ce que soit exclu un certain

 22   nombre de paragraphes de la déclaration de Vasiljevic en application du 92

 23   ter partant du fait que cela n'était pas pertinent pour ce qui est des

 24   chefs d'accusation. L'accusé a présenté sa réponse à la date du 14 février

 25   2013, et, une fois que l'Accusation s'est vue faire droit à ce qu'elle a

 26   demandé, il y a eu droit à réplique le 19 février 2013.

 27   La Chambre a déjà de par le passé estimé que des événements de preuve

 28   détaillés pour ce qui est de la campagne militaire pendant le conflit en


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  1   Croatie et événements qui ont conduit à l'éclatement de conflits en ex-

  2   Yougoslavie à des endroits qui n'ont rien à voir avec l'Accusation du point

  3   de vue géographique se trouvent être exclus de l'acte d'accusation, parce

  4   que ça ne tombe pas sous la coupe de ce qui est couvert par ce procès.

  5   Donc, ces paragraphes se trouvent être dénués de pertinence et seront

  6   expurgés : une partie du paragraphe 11 qui commence par la troisième

  7   phrase; les paragraphes 12 à 18; la première phrase du paragraphe 23; les

  8   paragraphes 29 et 31; les paragraphes 33 à 37, 40 à 46, 50 à 62; le

  9   paragraphe 65; les paragraphes 72 à 83, 97 à 111 et 122 à 123.

 10   La Chambre rappelle une fois de plus à l'accusé qu'il ne sera pas procédé

 11   au versement au dossier d'éléments de preuve détaillés concernant les

 12   crimes commis contre les Serbes de Bosnie, s'ils ne sont pas liés aux

 13   crimes qui sont cités à l'acte d'accusation. Par conséquent, la Chambre

 14   leur rend une ordonnance concernant l'exclusion des paragraphes 137 à 170

 15   de cette déclaration. Le reste de la requête de l'Accusation se voit être

 16   rejeté.

 17   La Chambre donne donc instruction à l'accusé de procéder à ce type

 18   d'expurgation et de télécharger au prétoire électronique la version

 19   expurgée avant que M. Vasiljevic n'entame son témoignage.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je sais que vous venez de rendre

 21   une décision, mais je voudrais dire quelque chose pour le compte rendu

 22   d'audience.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, pas à présent, Monsieur Karadzic.

 24   Je voudrais que la Chambre passe à huis clos partiel brièvement.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 26   Messieurs les Juges.

 27   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que l'Accusation va élever

 11   des objections au sujet des pièces connexes pour ce qui est du témoin

 12   suivant.

 13   Oui, Monsieur Tieger.

 14   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Comme nous

 15   l'avons prévu dans la teneur du message que nous avons envoyé à la partie

 16   adverse et à la Chambre, il y a un grand nombre de pièces à conviction

 17   qu'on demande à verser au dossier en tant que pièces connexes, et la grande

 18   majorité de ces pièces, comme nous l'avons indiqué, se trouve être des

 19   documents au sujet desquels il n'a pas été apporté de commentaires, et dans

 20   le cas où il n'y a pas suffisamment de commentaires, à l'exception d'un

 21   seul document, nous pourrions les faire tomber dans le volet des pièces

 22   connexes qui constituent un tout inséparable et indispensable avec la

 23   déclaration, et c'est ce qui constitue matières à préoccupation, et nous

 24   maintenons cette position.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Le Dr Karadzic va en parler.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, comme cela découle clairement de


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  1   l'acte d'accusation, certains experts et certains témoins de l'Accusation

  2   sont remontés à la bataille de Kosovo, XIVe siècle. Le témoin suivant, lui,

  3   a produit un très grand nombre de documents, et ce que la Défense demande à

  4   verser au dossier, ce sont des documents émanant de ce témoin-là. C'est

  5   ainsi que l'on peut compléter la mosaïque pour avoir une image complète, et

  6   ceci, ce sont des événements qui sont datés d'avant mon arrivée sur la

  7   scène publique et politique. On peut le voir dans les documents en tant que

  8   tels. Ce type de restrictions et ce type de requêtes de la part de

  9   l'Accusation sont injustifiés. Ce ne sont pas des documents qui sont

 10   injustifiés, parce que ce sont des documents produits par le témoin dans le

 11   cadre de ses activités quotidiennes.

 12   Alors, s'il faut expliquer cela de façon particulière, il peut l'expliquer

 13   au contre-interrogatoire si on le lui demande, mais ce sont des documents

 14   qui émanent de ce qu'il a dit dans sa déclaration. Il n'est point

 15   nécessaire de les expliquer. Cela ne fait que corroborer les propos qu'il

 16   tient dans sa propre déclaration.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le point évoqué par

 18   M. Tieger et que la Chambre est en train d'évoquer elle-même, est le

 19   suivant : pour qu'il y ait versement d'un document en tant que pièce

 20   connexe, en accompagnement d'une déclaration qui a été faite en application

 21   du 92 ter, le document doit constituer un document indispensable et

 22   inséparable de ces déclarations. Le problème, c'est que la déclaration peut

 23   être comprise même sans le document en question, et dans certains cas de

 24   figure il est difficile de comprendre dans quel contexte le témoin est en

 25   train de commenter ledit document.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par conséquent, la Chambre donnera

 28   ordonnance pour ce qui est de conduire viva voce votre interrogatoire au


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  1   sujet de ces documents, exception faite du document au sujet duquel

  2   l'Accusation a été d'accord.

  3   Est-ce que vous pouvez nous donner la référence une fois de plus, Monsieur

  4   Tieger, pour ce qui est de la liste 65 ter ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] 11585, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Ce sera versé comme pièce connexe,

  7   mais pour ce qui est des autres documents ou pièces connexes, je voudrais

  8   que vous conduisiez votre interrogatoire viva voce, et cela ne veut pas

  9   nécessairement dire que la Chambre va être d'accord pour ce qui est de leur

 10   pertinence. La pertinence et la recevabilité seront abordées au cas par

 11   cas.

 12   Je demanderais à présent que l'on fasse entrer le témoin dans le prétoire.

 13   Entre-temps, Monsieur Robinson, est-ce que vous avez trouvé une solution

 14   pour ce qui est de la question du document 1D20195, où l'on affirme qu'il

 15   s'agit d'un document blanc ?

 16   M. ROBINSON : [interprétation] C'est ainsi que nous l'avions décrit, mais

 17   c'est un document qui est téléchargé au prétoire électronique. Je ne sais

 18   pas s'il sera l'un des documents qui seront abordés viva voce, mais c'est

 19   un document qui a été téléchargé au prétoire électronique en tant que

 20   document ordinaire.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais demander au témoin de faire

 23   sa déclaration solennelle.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 25   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 26   LE TÉMOIN : VLADISLAV JOVANOVIC [Assermenté]

 27   [Le témoin répond par l'interprète]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Jovanovic. Veuillez vous


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  1   asseoir et vous mettre à l'aise.

  2   Oui, Monsieur Karadzic.

  3   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Excellence.

  5   R.  Bonjour, Monsieur le Président.

  6   Q.  Je vais vous demander de faire des pauses entre vos propos et les

  7   miens. Il faut que les phrases aussi soient prononcées de façon

  8   suffisamment lente pour que tout puisse être consigné. Pour moi, il est

  9   fort important que tout soit bien consigné.

 10   Alors, Excellence, est-ce que vous avez bien fait une déclaration auprès de

 11   mon équipe de la Défense ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je voudrais que l'on nous affiche le 1D7810 sur nos écrans. 1D7810,

 14   s'il vous plaît. Est-ce que vous voyez cette déclaration, Monsieur ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci. Est-ce que cette déclaration, vous l'avez relue et signée ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que c'est bien votre signature que nous voyons ici ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Est-ce que la déclaration en question reflète fidèlement ce que

 21   vous avez dit à l'équipe de la Défense ?

 22   R.  Je pense que oui.

 23   Q.  Merci. Si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions, est-ce que

 24   vos réponses en substance se trouvent être les mêmes, les mêmes que celles

 25   qui figurent dans cette déclaration ?

 26   R.  Je pense que oui.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demande à ce que ce paquet de


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  1   textes, c'est-à-dire la déclaration et une pièce connexe, soit versé au

  2   dossier, et je vais, pour ce qui est des autres pièces, conduire mon

  3   interrogatoire viva voce.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons donner une cote

  5   pour ce qui est de cette déclaration en application du 92 ter ?

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3015, Messieurs les

  7   Juges.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic et Monsieur Robinson,

  9   j'ai oublié de mentionner qu'il y avait plusieurs pièces qui pourraient

 10   être versées au dossier en tant que pièces connexes en application du 92

 11   ter, et je vais les énumérer. Le 1D20199, qui est mentionné au paragraphe

 12   61, ce sera versé au dossier, et je voudrais qu'on lui attribue une cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3016, Messieurs les

 14   Juges.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ensuite, il y a la pièce 1D20225 qui est

 16   mentionné au paragraphe 40.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 3017, Messieurs les

 18   Juges.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis le 1D20238, mentionné au paragraphe

 20   31.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3018, Messieurs les

 22   Juges.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis la pièce 1D20257 -- non. On va la

 24   laisser telle quelle. Maintenant, on va passer au 65 ter référence 11585,

 25   mentionné au paragraphe 72.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D3019, Messieurs

 27   les Juges.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez continuer, Monsieur


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  1   Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je me propose à présent de donner

  3   lecture d'un résumé de la déclaration de M. Jovanovic en langue anglaise.

  4   Son Excellence Vladislav Jovanovic était un diplomate. Au fil de sa

  5   carrière, il a été membre de bon nombre d'organes diplomatiques et

  6   ambassadeur de la RSFY en Turquie. Il a été ensuite ministre des Affaires

  7   étrangères de la Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie à

  8   compter de juillet 1991 jusqu'à septembre 1995. En septembre 1995, il a été

  9   nommé ambassadeur de la République fédérale de Yougoslavie aux Nations

 10   Unies.

 11   Son Excellence Vladislav Jovanovic estime qu'avant qu'il n'y ait eu début

 12   des conflits en Bosnie-Herzégovine, un grand nombre de pays occidentaux

 13   avaient élaboré des options éventuelles pour ce qui est de conduire le

 14   processus à son terme et à transformer la Yougoslavie en toute une série de

 15   petites républiques bananières et à l'occasion de ces réunions avec des

 16   ambassadeurs de l'étranger avant la création de l'indépendance de la

 17   Slovénie et de la Croatie par la violence, c'est ce qu'il a évoqué de façon

 18   ouverte.

 19   Les représentants de la Slovénie, de la Bosnie et de la Macédoine ont

 20   envoyé des représentants diplomatiques aux côtés de l'ambassadeur de la

 21   République socialiste fédérative de Yougoslavie. En décembre 1990, le

 22   peuple serbe qui résidait en Croatie a été dépossédé de son statut de

 23   peuple constitutif et à la place, on leur a attribué un statut de minorité

 24   ethnique. Les autorités croates ont déclaré une guerre politique au peuple

 25   serbe. Les Serbes ont été licenciés des services publics, et c'est ce qui a

 26   distillé la peur parmi eux et les Oustachi ont commencé à rentrer dans les

 27   différentes républiques de la RSFY. En 1991, les formations paramilitaires

 28   du nouveau gouvernement croate ont procédé sans justificatif aucun à des


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  1   attaques contre la JNA en leur coupant l'électricité, l'eau et

  2   l'approvisionnement en vivres dans leurs casernes. La JNA a constamment été

  3   provoquée, agressée et provoquée. Des négociations se sont tenues sans

  4   résultat. Les Serbes en Croatie ont ressenti le besoin de se protéger eux-

  5   mêmes.

  6   Vladislav Jovanovic est d'opinion que la conférence de La Haye sur la

  7   Yougoslavie, qui a commencé le 7 septembre 1991, avait pour objectif

  8   d'achever la Yougoslavie et que le plan Carrington avait pour conséquence

  9   la fin de la Yougoslavie. Vladislav Jovanovic a mis en exergue, à

 10   l'occasion d'une réunion, le fait que la Yougoslavie devait continuer

 11   d'exister et que ceux qui voulaient la quitter pouvaient le faire alors que

 12   ceux qui voulaient rester et vivre ensemble devraient pouvoir rester vivre

 13   ensemble. Mais ceci a été ignoré. De son avis, cette conférence a permis

 14   immédiatement le morcellement de la Yougoslavie en dépit du fait qu'il n'y

 15   ait eu aucun argument valable pour justifier la sécession de la Slovénie,

 16   et la Slovénie et la Croatie l'ont fait de façon inconstitutionnelle. En sa

 17   qualité de ministre dans le gouvernement de la Serbie, il a voyagé dans

 18   toute l'Europe pour expliquer les arguments avancés par la partie serbe

 19   pour ce qui est de la sécession des différentes républiques. Mais il n'a

 20   reçu aucun appui de ce côté-là.

 21   En Bosnie-Herzégovine, il a été procédé à une tentative de renier aux

 22   Serbes leur statut de peuple constitutif en les mettant au vote par

 23   minorité. Cutileiro avait eu des négociations pour essayer d'aboutir à un

 24   accord entre les parties. Son plan avait été accepté par les Serbes, mais

 25   non pas par les Musulmans. D'autres plans ont été élaborés mais ils n'ont

 26   pas été acceptés par les différentes parties.

 27   Vladislav Jovanovic a considéré que la conférence de Londres a été

 28   organisée contre les Serbes et cette conférence n'était pas intéressée par


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  1   l'apport de solutions aux problèmes. A une phase ultérieure, les hommes

  2   politiques ne savaient pas quelle était la situation en Bosnie-Herzégovine

  3   et bon nombre d'autres n'étaient pas disposés à coopérer. Il y a eu des

  4   négociations et des plans d'avancés mais qui n'ont pas été acceptés par la

  5   direction serbe.

  6   La direction croate et musulmane a appliqué le même modèle que le HDZ en

  7   Croatie et a mis sous blocus les casernes de la JNA. Vladislav Jovanovic

  8   savait également que les Serbes de Bosnie se voyaient reprocher un certain

  9   nombre d'événements qu'ils n'avaient pas causés.

 10   Il s'est entretenu à plusieurs reprises avec le président Karadzic, et lors

 11   de ces conversations, il n'a jamais entendu parler une seule fois de l'idée

 12   même de mettre en place des territoires ethniquement purs qui seraient

 13   purement serbes en Bosnie-Herzégovine. Karadzic soutenait le plan Cutileiro

 14   aux termes duquel les minorités ethniques devaient demeurer dans leurs

 15   cantons et qu'il n'y aurait pas de déplacement. Il a souligné que la

 16   politique menée ne consistait à prendre pour cible et à bombarder la ville.

 17   Le seul plan que Vladislav Jovanovic ait entendu de la bouche de M.

 18   Karadzic était celui visant à assurer la liberté et l'égalité des Serbes en

 19   Bosnie. Le fait d'infliger des traitements inhumains et de tuer

 20   systématiquement les Musulmans et les Croates ne faisait pas partie de la

 21   stratégie de la direction serbe.

 22   Son Excellence Vladislav Jovanovic n'était pas au courant de l'existence de

 23   camps en Republika Srpska. Il savait que la direction de la Republika

 24   Srpska disposait d'informations au sujet d'eux et avait découvert dans un

 25   certain nombre d'occasions le fait que la Croix-Rouge et d'autres

 26   organisations humanitaires avaient été complices dans l'aide apportée à la

 27   partie adverse, notamment sous la forme de contrebande d'armes et de

 28   munitions.


Page 34240

  1   Il connaissait également l'existence d'une zone d'exclusion totale mise en

  2   place autour de Sarajevo. Lorsque les Serbes ont riposté aux violations des

  3   Musulmans, ils ont été bombardés par l'OTAN. Cependant, ceci n'a jamais été

  4   infligé à la partie musulmane. La seule façon dont la VRS pouvait mettre un

  5   terme aux frappes aériennes de l'OTAN était de capturer des membres de la

  6   FORPRONU en qualité de prisonniers de guerre.

  7   Les enclaves locales n'ont pas été démilitarisées, contrairement à ce qui

  8   avait été demandé, et depuis ces enclaves locales, des attaques ont été

  9   lancées visant les militaires et les civils serbes. Vladislav Jovanovic a

 10   pour la première fois appris que des crimes avaient été commis à Srebrenica

 11   lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies lorsque cette

 12   dernière a été convoquée et il a alors ordonné qu'un rapport soit rédigé à

 13   Belgrade.

 14   Alors c'était donc le bref résumé que je voulais lire. Je voudrais

 15   maintenant poser quelques questions au ministre Jovanovic.

 16   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Excellence, vous avez participé à la conférence de La Haye sur la

 19   Yougoslavie à l'automne 1991, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui avait été laissé à la

 22   commission d'arbitrage comme sujet de discussion ? Quelle était la mission

 23   de cette commission d'arbitrage en 1991, le 18 octobre 1991 ?

 24   R.  Eh bien, tout d'abord, je voudrais rappeler à tout un chacun quelle

 25   était l'idée même de cette conférence sur la Yougoslavie. L'idée avait été

 26   proposée par le président Mitterrand au président Milosevic. C'était une

 27   forme de bons offices qui n'avaient absolument aucun caractère contraignant

 28   à l'égard des participants qui allaient venir. L'idée, c'était de trouver


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  1   une solution comme à l'intérieur d'une famille où les frères se seraient

  2   brouillés. Et si rien n'avait été obtenu, il n'était attendu rien d'autre

  3   que le simple fait pour eux de rentrer chez eux. Cependant, cela ne s'est

  4   pas concrétisé.

  5   Il ne s'est pas agi de bons offices, mais d'une tentative d'imposer une

  6   solution qui a effectivement été imposée très rapidement. Donc, dès le 18

  7   octobre, Lord Carrington qui présidait cette conférence a présenté ce qui

  8   est connu sous le nom du traité portant disposition pour une convention sur

  9   la Yougoslavie et, dans ce document, avançait donc des dispositions

 10   concernant un accord portant sur la Yougoslavie. Et en substance, cet

 11   accord mettait un terme à l'existence de la Yougoslavie et appelait chacune

 12   de ses unités fédérées à se prononcer pour sa propre indépendance afin de

 13   pouvoir se présenter ensuite au guichet de la Communauté européenne pour

 14   pouvoir demander la reconnaissance de son indépendance.

 15   Cette décision portant disparition de la Yougoslavie avait été prise avant

 16   même le début de la conférence, et le but de cette dernière était tout

 17   simplement de prendre acte de cela, d'en prendre acte de façon très rapide.

 18   On n'a donné qu'un mois aux différentes républiques pour dire ce qu'elles

 19   pouvaient avoir à dire, après quoi une solution a été imposée dans l'esprit

 20   de c'est à prendre ou à laisser. Dans d'autres situations de crise partout

 21   ailleurs dans le monde au cours des 50 ou 60 dernières années, personne n'a

 22   jamais essayé d'imposer une solution en un mois. En Yougoslavie, ceci a été

 23   fait parce qu'on souhaitait, on estimait nécessaire de créer un précédent

 24   et de mettre en place un modèle qu'on allait pouvoir ensuite imposer à

 25   l'URSS également, dont on attendait qu'elle se désagrège. Donc, on a voulu

 26   imposer ceci en Yougoslavie avant que ne se désagrège l'URSS.

 27   C'est pourquoi nous avons été mis devant le fait accompli et nous avons été

 28   contraint d'accepter ce qui avait déjà été décidé sachant qu'au cas où nous


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  1   n'accepterions pas des sanctions qui nous seraient imposées, notre position

  2   consistait à dire que la Yougoslavie existait en tant qu'Etat, qu'elle

  3   était membre reconnu des Nations Unies, membre fondateur de la ligue, de la

  4   Société des nations et que personne ne pouvait mettre un terme à cela tant

  5   que, au moins, la moitié de ses habitants continuaient à souhaiter à vivre

  6   dans cet Etat.

  7   Cependant, la conférence a donné raison à ceux qui voulaient quitter la

  8   Yougoslavie et a dénié leurs droits à ceux qui voulaient rester dans ce

  9   cadre -- donc a dénié le droit à la Yougoslavie de rester un Etat. Je pense

 10   que c'était là un double acte de violence à l'égard de l'Etat et à

 11   l'encontre de la paix, parce que cela a ouvert la voie à l'éclatement du

 12   conflit, à ce qui a finalement résulté tous ces événements.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, tout d'abord, je voudrais dire que vous

 15   avez dit que la Yougoslavie avait en quelque sorte joué le rôle de cobaye

 16   en perspective de ce que l'on attendait comme développement en URSS. Et je

 17   voulais seulement le dire pour le compte rendu, ligne 16 de la page 20.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Alors, Excellence, est-ce que vous avez présenté votre position

 20   concernant le droit des peuples à l'autodétermination ?

 21   R.  Oui, aussi bien le président Milosevic que moi-même et des membres de

 22   l'équipe d'experts également ont fait état de façon très claire de ce droit

 23   qui était un droit constitutionnel des peuples vivant en Yougoslavie. Ils

 24   avaient la possibilité de faire l'usage de ce droit en accord avec les

 25   autres peuples vivant en Yougoslavie et non pas de façon unilatérale et

 26   violente. La constitution prévoyait des dispositions à cet égard. En fait,

 27   il y avait une procédure qui ne faisait pas, à proprement parler, partie de

 28   la constitution, mais qui prévoyait un accord entre le peuple souhaitant


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  1   éventuellement faire sécession et les autres peuples. Malheureusement, non

  2   seulement on n'a pas apporté suffisamment d'attention à cette solution qui

  3   était tout à fait constitutionnelle, mais, en plus, il a été fait recours à

  4   ces sécessions unilatérales et violentes de l'Etat commun, et ceci a reçu

  5   le soutien d'un certain nombre de facteurs internationaux, comme le

  6   Vatican, l'Allemagne, l'Autriche, mais également d'autres facteurs et

  7   d'autres forces qui n'osaient pas ouvertement affirmer leur position contre

  8   la Yougoslavie. N'oublions pas que la CIA a fait circuler un rapport secret

  9   en novembre 1990 aux termes duquel la Yougoslavie était censée se

 10   désagréger en l'espace de 18 mois, et ce, de façon sanglante.

 11   Malheureusement, ceci s'est produit de façon pratiquement littérale.

 12   Je ne sais pas si quiconque avait l'intention de pousser la Yougoslavie

 13   dans un conflit et dans la violence, ceci reste à déterminer. Mais en tout

 14   cas, il est un fait que dans ces rapports et dans toutes ces

 15   interprétations, on pouvait constater que nombre de personnes considéraient

 16   la Yougoslavie comme un Etat non viable et qui devait donc être rayée de la

 17   carte politique de façon rapide et efficace.

 18   Q.  Merci, Excellence.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Jovanovic, je vais devoir vous

 20   demander de bien vouloir ralentir pour permettre l'interprétation.

 21   Monsieur Karadzic.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, je m'y efforcerai.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] En ligne numéro 1, page 22, le témoin a parlé

 24   de la CIA et ceci n'a pas été consigné au compte rendu.

 25   Alors, je voudrais maintenant demander l'affichage du document 1D20215.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Excellence, concernant l'autodétermination, la constitution fait-elle

 28   une différence entre la population et le peuple au sens ethnique ?


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  1   R.  La constitution reconnaît un droit à l'autodétermination au peuple,

  2   tout comme le fait, d'ailleurs, la Charte des Nations Unies. La Charte des

  3   Nations Unies ne reconnaît pas ce droit aux minorités nationales, mais aux

  4   peuples en tant que tel. Les six peuples yougoslaves qui s'étaient fédérés

  5   à l'intérieur de la Yougoslavie jouissaient de ce droit constitutionnel.

  6   Cependant, il n'était pas possible d'appliquer ce droit de façon

  7   arbitraire, unilatérale et violente. On ne pouvait y recourir que dans le

  8   cadre d'une procédure prévue aux termes de la constitution et en accord

  9   avec les autres peuples qui, eux, souhaitaient continuer à vivre au sein de

 10   la Yougoslavie. On n'a pas respecté cette procédure. Si on l'avait

 11   respectée, tous les événements qui s'en sont ensuivis n'auraient pas eu

 12   lieu. Il n'y aurait pas eu ce conflit, il n'y aurait pas eu de conflit

 13   sanglant et les milieux internationaux qui ne s'intéressaient absolument

 14   pas au maintien de la Yougoslavie n'auraient pas eu la possibilité de

 15   prendre une position aussi arrogante et de procéder à une telle ingérence

 16   en Yougoslavie pour apporter leur soutien à ceux qui voulaient faire

 17   sécession à l'encontre de ceux qui étaient loyaux à la Yougoslavie.

 18   Q.  Alors, je voudrais que vous portiez votre attention sur le document qui

 19   s'affiche à l'écran. Est-ce un document que vous avez envoyé à la

 20   conférence sur la Yougoslavie ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous affichions la page numéro

 24   4 de ce document.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Alors, je vous prie de bien vouloir nous dire ce que l'on entend par ce

 27   qu'on peut lire aux lignes 5 ou 6, "le droit international relatif aux

 28   relations amicales et la coopération entre Etats, et cetera", jusqu'à la


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  1   fin de cette phrase ?

  2   R.  Je n'arrive pas à retrouver cette phrase, excusez-moi.

  3   Q.  C'est la quatrième ligne à partir du haut, en dessous du sous-titre où

  4   il est question de droit à l'autodétermination.

  5   R.  Oui, à partir du haut, oui. Alors, c'est là la première question que

  6   nous, la Serbie, nous avons adressée à la commission d'arbitrage, la

  7   commission Badinter en tant qu'organe adjoint à la conférence sur la

  8   Yougoslavie. Nous avons adressé en tout trois questions, et celle-ci a

  9   trait au droit à l'autodétermination des peuples. Lord Carrington, sur ces

 10   trois questions, en a reformulé deux, la première et la troisième, sans

 11   nous avoir consultés. De cette façon, il nous a en quelque sorte forcé la

 12   main par rapport au texte original que nous avions envoyé. Plus tard, il

 13   nous a donné une justification en invoquant son droit de redéfinir les

 14   propositions qui lui étaient adressées et, bien entendu, il n'était en fait

 15   absolument pas en mesure de justifier le procédé qui avait été le sien.

 16   Cependant, de toute façon, le droit à l'autodétermination était au

 17   cœur de la crise yougoslave. Il était indubitable et non controversé que

 18   certains peuples ne souhaitaient plus vivre dans une communauté étatique

 19   avec d'autres. La constitution prévoyait cela. Le seul problème qui se

 20   posait, c'était comment concrétiser ceci, allait-on suivre les dispositions

 21   prévues par la constitution ou allait-on procéder de façon unilatérale et

 22   violente. La constitution mettait l'accent sur le droit des peuples, et non

 23   pas sur un droit des républiques ou des territoires, parce que les

 24   frontières de ces républiques entre elles étaient tout sauf le résultat

 25   d'un processus politique, et n'avait de sens politique, et ces

 26   délimitations administratives internes ne représentaient pas une base

 27   suffisante sur laquelle des peuples particuliers auraient pu quitter la

 28   Yougoslavie dans ces frontières-là. Ils auraient dû et ils devaient au


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  1   préalable se mettre d'accord avec les peuples qui souhaitaient rester en

  2   Yougoslavie.

  3   Les Serbes en Croatie et les Serbes en Bosnie-Herzégovine étaient un

  4   peuple constitutif, et ceci avait été confirmé à deux reprises, une fois

  5   dans la constitution fédérale et à un deuxième échelon dans les

  6   constitutions des républiques de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. En tant

  7   que tel, ils avaient, ils jouissaient, d'un droit tout à fait égal à celui

  8   des autres peuples, les Musulmans et les Croates. Ils avaient le même droit

  9   à l'autodétermination si jamais cela devait être soulevé, et ceci leur a

 10   été contesté -- cela était contesté au peuple constitutif serbe en Croatie

 11   et en Bosnie-Herzégovine sans qu'aucune justification ne leur soit donnée.

 12   Il a été dit que les Républiques de Croatie et de Bosnie-Herzégovine

 13   pouvaient faire sécession de la Yougoslavie dans leurs frontières

 14   administratives de l'époque. Ou en d'autres termes, sur ce cas qui était

 15   celui de la Yougoslavie, on a pu voir l'application d'un ancien principe

 16   colonial tel qu'il a été appliqué en Afrique, où les anciens colonisateurs

 17   avaient tiré des lignes arbitraires pour fixer les frontières, et après que

 18   les peuples africains ont été libérés de leurs colonisateurs respectifs, eh

 19   bien ces lignes de partage sont restées comme frontières. Dans le cas de la

 20   Yougoslavie, il s'agit de délimitations et de frontières administratives

 21   qui avaient été fixées par les autorités communistes et socialistes, non

 22   pas dans le souhait de voir ces délimitations devenir un jour des

 23   frontières internationales, mais dans le but d'avoir en place ce que le

 24   président Tito qualifiait de "lignes impossibles à percer."

 25   Malheureusement, les dispositions de la constitution fédérale n'ont

 26   pas été respectées, et on a lié ce droit à l'autodétermination au

 27   territoire. Ces délimitations administratives ont été proclamées frontières

 28   internationales, et on a proclamé la disparition de la Yougoslavie telle


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  1   qu'elle avait existée jusque-là. C'était là un acte de violence à

  2   l'encontre du droit international, à l'encontre de la vie pacifique telle

  3   qu'elle avait existé en Yougoslavie, et c'était là le début de toute cette

  4   série d'événements qui se sont déroulés au Yougoslavie au sujet desquels un

  5   certain nombre de personnes avaient lancé des avertissements.

  6   Lord Carrington et Cyrus Vance eux-mêmes avaient adressé des

  7   avertissements très sérieux aux termes desquels il convenait de ne pas

  8   reconnaître les anciennes républiques yougoslaves avant que ne soient

  9   réglées toutes les questions intérieures. Cette position ou cet avis

 10   négatif au sujet d'une reconnaissance prématurée de ces entités ayant fait

 11   sécession sont venus de toute une série d'acteurs, Christopher Kissinger,

 12   et d'autres hommes politiques internationaux, donc Mitterrand y compris.

 13   Tous ont mis l'accent sur les conséquences dommageables auxquelles ceci

 14   pouvait donner lieu, mais on n'a pas tenu compte de ces avertissements

 15   parce qu'on a considéré qu'il était important de mettre un terme dès que

 16   possible à la Yougoslavie, et qu'il était important de reconnaître dès que

 17   possible ces nouveaux Etats.

 18   N'oublions pas que le ministre allemand, Hans-Dietrich Genscher, a

 19   fait preuve d'un activisme peu commun lors des réunions de la Communauté

 20   européenne, et qu'il a exigé la reconnaissance immédiate de ces deux

 21   républiques, remettant même en question l'existence ultérieure de la

 22   Communauté européenne, si l'on ne procédait pas à cette reconnaissance. De

 23   plus, le Vatican a exercé des pressions. Le Cardinal Sodano, qui était

 24   secrétaire d'Etat à l'époque, a déclaré ouvertement que les ambassadeurs de

 25   l'Occident devaient immédiatement reconnaître la Slovénie et la Croatie.

 26   Q.  Merci. Nous n'avons pas besoin de répéter tout ce qui figure dans

 27   la déclaration, mais je voulais simplement vous demander ce que

 28   représentait ce document. Est-ce que ceci a été pris en compte ? Est-ce que


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  1   ceci a produit des résultats, si l'on peut dire ainsi ?

  2   R.  Comme j'ai déjà dit, la commission a pris ceci en compte et il

  3   n'a pas touché le deuxième point, enfin, je parle de Lord Carrington, mais

  4   le premier et le troisième point ont été reformulés par lui et ensuite par

  5   la commission Badinter durant le premier semestre 1992. Il y a dix ou 11

  6   conclusions. Et c'était une sorte de certificat de décès pour la

  7   Yougoslavie, qui a ouvert la voie à ce que toutes les anciennes républiques

  8   soient reconnues au niveau international.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais verser ce document au dossier,

 11   s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

 13   M. LE GREFFIER : [hors micro]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répéter le numéro de la

 15   cote, s'il vous plaît.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D3020.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous avez votre déclaration devant vous ?

 20   R.  Non, pas devant moi. Mais c'est sur l'écran. En fait, non. Ce n'est pas

 21   à l'écran. Je n'ai pas apporté cette déclaration parce que je pensais que

 22   je n'ai pas le droit de disposer de documents.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons imprimer un exemplaire. Une

 24   seconde, s'il vous plaît.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, vous pouvez continuer.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Au paragraphe 41, si vous vous souvenez, et vous verrez votre


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  1   déclaration dans un instant, vous avez dit que les Bosno-Serbes n'avaient

  2   aucune intention de s'engager dans des activités de guerre, donc de

  3   participer à la guerre, et qu'ils voulaient rester au sein de la

  4   Yougoslavie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche sur les écrans le

  6   document 1D20242, s'il vous plaît.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je voudrais que vous nous expliquiez la position que vous aviez avancée

  9   à l'époque.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on agrandir le document.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous vous en souvenez de ce document et de cette position ?

 13   Vous étiez ministre des Affaires étrangères à Belgrade le 30 mai lorsque

 14   vous avez présenté ces positions. Il est mentionné que vous étiez opposé à

 15   toute forme de violence, et puis il y a les deuxième et troisième

 16   paragraphes. Pourriez-vous rappeler les positions que vous avez avancées à

 17   l'époque.

 18   R.  Les Serbes en Bosnie avaient un objectif final, à savoir de rester en

 19   Yougoslavie comme une partie indissociable de celle-ci. En d'autres termes,

 20   ils faisaient part de leur pleine et entière loyauté à un Etat unique.

 21   Cependant, leurs droits étaient directement remis en question par deux

 22   autres des peuples constitutifs, à savoir les Musulmans et les Croates en

 23   Bosnie-Herzégovine qui insistaient pour que la Bosnie quitte la Fédération

 24   de Yougoslavie. Bien sûr, les Serbes étaient opposés sur la base du droit

 25   qu'ils avaient en tant que peuple constitutif, à savoir que sans leur

 26   accord, une importante décision telle que celle-ci ne pouvait pas être

 27   prise. Et par conséquent, en ce qui concerne le souhait de la Bosnie-

 28   Herzégovine qui était le sien, c'est-à-dire de quitter la Fédération, ceci


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  1   devait être abordé dans le cadre d'un débat conforme à la constitution

  2   fédérale.

  3   Et comme nous le savons, ceci n'a pas été pris en compte parce qu'à

  4   la demande la Communauté européenne, le référendum a été mené en Bosnie-

  5   Herzégovine et que ce référendum allait à l'encontre du principe de

  6   consensus, à savoir qu'aucun des trois peuples constitutifs ne pouvait ne

  7   pas être pris en compte. Et donc, le peuple serbe, en tant que peuple

  8   constitutif, jouissait d'un droit à l'autodétermination et qu'ils se

  9   devaient donc de lutter pour leurs droits dans une situation qui avait

 10   changé, qui était différente.

 11   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la manière dont ceci a été

 12   résolu dans les accords de Dayton ?

 13   R.  Eh bien, si vous voulez, l'accord de Dayton a en fait remis au

 14   bout du jours le droit du peuple serbe à l'autodétermination et a renforcé

 15   la qualité constitutionnelle de ce peuple constitutif, et ceci a été opposé

 16   aux droits des deux autres peuples constitutifs de les mettre en minorité.

 17   Et de cette manière, l'accord de Dayton a en fait rectifié une injustice et

 18   un haut tribut a été payé en Bosnie-Herzégovine. Nous avons d'ailleurs tous

 19   payé un lourd tribut à cela en Yougoslavie. Si le plan Cutileiro avait été

 20   adopté par toutes les parties constituantes, rien ne se serait produit.

 21   Toutes ces choses horribles ne se seraient pas produites, ni cette guerre

 22   terrible en Bosnie-Herzégovine. Donc l'accord de Dayton a permis, en fait,

 23   de réinstaurer le principe d'autodétermination et a renforcé le concept de

 24   peuple constitutif.

 25   La Bosnie-Herzégovine était un Etat indépendant qui était composé de

 26   deux entités. En fait, il y avait une troisième entité qui est restée

 27   invisible, à savoir Herceg-Bosna, et c'est la raison pour laquelle cet

 28   accord a été couronné de succès et c'est la raison pour laquelle il a été


Page 34252

  1   signé par tous ceux qui étaient censés le signer.

  2   Mais encore une fois, je dirais que trois ans et demi s'étaient

  3   écoulés de manière inutile. Si le plan Cutileiro avait été mené à bien et

  4   adopté, l'accord de Dayton n'aurait pas été nécessaire et la guerre aurait

  5   été absolument sans objet, ainsi que tout ce qui s'est produit durant cette

  6   guerre.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document au dossier ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3021.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Au paragraphe 47 de votre déclaration, vous mentionnez que vous

 13   disposiez d'informations concernant les Bosno-Serbes, à qui l'on reprochait

 14   un certain nombre d'incidents. Est-ce que vous vous êtes penché sur cette

 15   question plus en détail à l'époque compte tenu du poste que vous occupiez à

 16   l'époque ? Est-ce que vous êtes arrivé à obtenir plus d'éléments à ce sujet

 17   et est-ce que vous savez si ce qui était avancé était exact ?

 18   R.  Ce que nous avions appris concernant ces explosions était horrible, et

 19   tout le monde était abasourdi par tout cela et donc il y a eu beaucoup de

 20   pertes civiles suite à des obus qui étaient tombés, qui venaient de quelque

 21   part. Mais pour ce qui est des causes, les opinions étaient divergentes.

 22   Pour ce qui est de l'explosion dans la rue Vase Miskina et pour ce qui est

 23   des incidents Markale I et Markale II, très rapidement, les Bosno-Serbes

 24   ont été considérés comme étant responsables et on a dit que les obus

 25   devaient venir de leur territoire. Par conséquent, les Bosno-Serbes ont été

 26   condamnés même par la Serbie parce que les sanctions avaient également été

 27   imposées par la Serbie en raison de ce qui s'était produit. Et puis, il y

 28   avait également d'autres éléments. Il y a eu une explosion devant une


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  1   boulangerie, et là, je me suis rendu compte qu'un rapport provenant du

  2   secrétariat des Nations Unies stipulait que l'obus provenait de la partie

  3   musulmane et non du territoire serbe.

  4   Pour ce qui est de l'incident Markale I, M. Akashi, qui était le

  5   représentant des Nations Unies en Yougoslavie, a mentionné à un journaliste

  6   qu'il était communément considéré que cet obus venait en fait d'un

  7   territoire musulman. Et ensuite, Boutros Boutros-Ghali, le secrétaire

  8   général des Nations Unies l'a confirmé, a transmis ceci à M. Mitterrand, à

  9   savoir qu'il était convaincu que l'explosion était due à un obus qui

 10   provenait d'un territoire sous contrôle musulman.

 11   Pour ce qui est de l'incident Markale II, contrairement à toutes les

 12   pressions provenant des médias et au fait que ceci relatait que c'était dû

 13   à un obus provenant de positions serbes, un colonel d'artillerie des

 14   Nations Unies, je crois qu'il s'appelait Demurenko, il a, en fait, fait

 15   part d'une position qui était diamétralement opposée. Cependant, son

 16   opinion n'a pas été prise en compte et on en a toujours conclu que c'était

 17   en fait les Serbes qui étaient responsables. Comme nous le savons,

 18   l'incident de Markale II a été un prétexte pour que l'OTAN commence ses

 19   frappes et, également, ceci a imposé des sanctions supplémentaires sur la

 20   Serbie et le Monténégro.

 21   Il s'agit de questions sujettes à controverse. J'ai eu différentes

 22   informations mais des informations de seconde main. C'est des informations

 23   que j'ai obtenues de Bosnie-Herzégovine et je me suis rendu compte qu'il y

 24   avait certains éléments qui laissaient penser qu'il y avait suffisamment de

 25   soupçons importants concernant ces obus, à savoir on ne pouvait pas

 26   déterminer si ces obus provenaient de territoires détenus par les Serbes ou

 27   par les Musulmans.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu la possibilité de vous renseigner auprès


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  1   des dirigeants de la Republika Srpska concernant ces incidents et de savoir

  2   de quelles informations ils disposaient ?

  3   R.  Oui, sporadiquement, j'ai pu le faire lorsque je les ai rencontrés mais

  4   je n'étais pas en contact continu avec eux. Mais dans des situations où il

  5   y a eu des réunions avec le président Milosevic, bien sûr j'ai posé des

  6   questions et on m'a assuré que ce n'était pas les forces serbes qui étaient

  7   à l'origine de cela mais que c'étaient plutôt les Musulmans. Et de cette

  8   manière, ceci voulait attirer l'attention de la communauté internationale

  9   sur les Serbes et voulait en fait que la communauté internationale se monte

 10   contre les Serbes, ce qui à terme a mené aux frappes de l'OTAN. C'était une

 11   position qui avait été présentée en termes très clairs par les dirigeants

 12   de la Republika Srpska à l'époque. J'ai entendu donc ce point de vue mais

 13   j'ai également entendu les opinions provenant des Nations Unies, c'est-à-

 14   dire celle de M. Akashi, qui avait contesté ou réfuté les allégations

 15   laissant penser que ces incidents étaient imputés aux Serbes.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant afficher le document

 18   1D20243, s'il vous plaît.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Voilà donc un entretien que vous avez donné à un journaliste d'une

 21   radio hongroise. Je voulais vous poser une question concernant le quatrième

 22   paragraphe, où l'on peut lire que peu importe ce que vous pensez ou ce que

 23   la Serbie va conclure, ce qui est important c'est qu'ils soient arrivés à

 24   un accord.

 25   Est-ce que la Serbie a présenté un concept qui leur était propre aux Bosno-

 26   Serbes concernant une solution définitive ?

 27   R.  La Serbie, et principalement le président Milosevic, a insisté pour que

 28   tous les peuples constitutifs de Yougoslavie bénéficient de leur propre


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  1   droit à l'autodétermination. Ceci a été mentionné lors de la conférence de

  2   La Haye et ailleurs. Cependant, cette guerre malheureuse a éclaté en

  3   Bosnie-Herzégovine, il a insisté pour que les droits des Serbes soient

  4   promus, c'est-à-dire un droit à la liberté et des droits similaires, étant

  5   donné que le droit à l'autodétermination avait déjà été remis en question

  6   par la guerre et qu'on avait fait fi de ce droit suite au refus de signer

  7   le plan Cutileiro. Donc, du côté des Serbes, on avait conseillé aux

  8   dirigeants bosno-serbes de défendre leurs droits à la liberté et à des

  9   droits équitables et de ne pas insister sur un droit maximum, à savoir le

 10   droit de rester au sein d'une Yougoslavie fédérée si ceci n'était pas

 11   possible. Mais la déclaration même de guerre a montré que ce droit était

 12   difficile à garantir.

 13   La Serbie, par le biais de ces négociations avec les médiateurs

 14   internationaux, c'est-à-dire Vance, Owen, Stoltenberg, et cetera, a insisté

 15   pour qu'une solution soit trouvée au sein de la Bosnie-Herzégovine qui

 16   permettrait de garantir la liberté des trois peuples et qui permettrait

 17   d'empêcher d'autres affrontements et d'éviter que ceci se transforme en

 18   forces antagonistes. Ceci n'était pas facile parce qu'il y avait en fait

 19   des opinions diamétralement opposées, d'un côté comme de l'autre, et la

 20   guerre avait rendu les positions encore plus extrêmes et il était donc

 21   difficile d'arriver à des solutions basées sur des compromis. Cependant, la

 22   Serbie a insisté sur sa conduite qui avait toujours été la sienne, et ceci

 23   s'est traduit par le plan du Groupe de contact et l'accord de Dayton. Il

 24   n'est pas surprenant que le président américain de l'époque, Bill Clinton,

 25   ait reconnu les positions du président Milosevic.

 26   Q.  Dans le troisième paragraphe, vous mentionnez que :

 27   "Il ne faut pas mettre fin à cette conférence," et que les trois parties

 28   doivent arriver à un accord sur la base de ces principes de base qui ont


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  1   déjà été adoptés."

  2   Est-ce que vous avez vu des liens entre ces incidents et les

  3   interruptions qu'on a observées durant la conférence ?

  4   R.  Vous voulez dire les conférences organisées par les médiateurs

  5   internationaux ?

  6   Q.  Oui, oui.

  7   R.  La guerre elle-même était, bien sûr, un obstacle extraordinaire aux

  8   négociations de paix. Ces forces qui ne souhaitaient pas trouver une

  9   solution politique à un moment donné se sont efforcées de les empêcher en

 10   amenant la détérioration de la situation sur le terrain, ce qui fait que

 11   Lord Owen a dû avouer son impuissance plusieurs fois, car très souvent,

 12   lorsque les lacunes entre les différents côtés ou les écarts

 13   s'approfondissaient ou étaient moindres et que l'on pourrait éventuellement

 14   résoudre quelque chose, la situation sur le terrain tout d'un coup se

 15   détériorait et tout s'arrêtait.

 16   Le bord bosno-musulman, qui était plus faible du point de vue

 17   militaire au départ, mais mieux équipé et plus fort au fil du temps,

 18   souhaitait réellement avoir une intervention étrangère militaire et a

 19   adapté le tout à cet objectif, non seulement les activités sur le terrain,

 20   mais également les activités de communication avec les autres Etats. Cela a

 21   constitué un obstacle dans les négociations internationales qui auraient pu

 22   se poursuivre bien plus rapidement si ce n'eut été ces attentes de

 23   l'objectif du côté bosno-musulman dans la guerre civile.

 24   Toutefois, la Serbie souhaitait véritablement une solution politique,

 25   et ce, aussitôt que faire se peut. Et ceci a échoué à Lisbonne où le plan

 26   Cutileiro a été présenté et on l'a souhaité à d'autres occasions. Donc, la

 27   Serbie a avalisé ces quatre et cinq plans et ainsi démontré que peu lui

 28   importait une extension territoriale de la Serbie. Ce qui lui importait,


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  1   c'était de faire cesser la guerre et de trouver une solution qui serait

  2   satisfaisante pour tous les bords en Bosnie-Herzégovine, une solution qui

  3   ne nuirait à personne. Ceci était l'objectif ultime de la Serbie qui

  4   souhaitait contribuer à la cessation du conflit dès que faire se peut et

  5   trouver une solution reposant sur une acception et le respect des droits de

  6   tous les peuples constitutifs, et ce, à l'autodétermination.

  7   Q.  Pourriez-vous nous parler du paragraphe suivant où vous déclarez :

  8   "Nous avons tous condamné cette attaque contre les files d'attente de la

  9   boulangerie," et ensuite, vous parlez des sanctions. Pourriez-vous nous

 10   dire si le Conseil de sécurité a été en mesure de trouver la vérité, la

 11   vraie, et comment s'est-il passé que les sanctions ont été imposées alors

 12   que la vérité était quelque peu différente ?

 13   R.  A l'époque, j'étais dans mon pays, non pas à New York, mais je sais, de

 14   ce que j'ai entendu dire, que le secrétariat des Nations Unies a rapporté

 15   dans un compte rendu que l'obus n'aurait pu arriver du côté serbe, c'est-à-

 16   dire qu'il ne pouvait venir que du côté musulman. Pour autant que je sache,

 17   ce compte rendu n'a pas été débattu lors de cette réunion du Conseil de

 18   sécurité. J'en ignore la raison. Une chose reste que certains membres du

 19   Conseil de sécurité, principalement ceux alignés avec les Etats-Unis,

 20   souhaitaient réellement resserrer les vis contre la Serbie et le Monténégro

 21   et resserrer les sanctions et accroître l'isolement du pays. Tous ceux qui

 22   visaient cet objectif étaient accueillis à bras ouverts, y compris

 23   l'explosion devant la boulangerie. Comme nous le savons, les médias ont

 24   immédiatement accusé les Bosno-Serbes, et c'était irrévocablement l'opinion

 25   et l'on ne saurait en douter. Toutes les conclusions dans le sens contraire

 26   ont été tout simplement méconnues.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cote D3022.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné l'heure, pourrions-nous

  4   faire une pause maintenant, si cela est commode.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Jovanovic, nous allons faire

  7   une pause d'une demi-heure et nous reviendrons à 11 heures.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien continuer, Monsieur

 12   Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur, vous avez indiqué que dans cette tactique musulmane il y a eu

 16   une certaine orientation vers l'OTAN, tout était calculé pour entraîner une

 17   réaction de l'OTAN. Comment est-ce que l'OTAN a réagi ? Dans quelle mesure

 18   l'OTAN a-t-il réagi ?

 19   R.  Lorsque les représentants du bord musulman, principalement le ministre

 20   des Affaires étrangères M. Silajdzic et d'autres ont prôné une intervention

 21   militaire étrangère, clairement ils ont déclaré clairement qu'ils le

 22   souhaitaient aussi rapidement que possible pour raccourcir la guerre, mais

 23   également parce que ce bord souhait atteindre son objectif maximal et

 24   l'union de deux communautés ethniques, et la situation a été réajustée sur

 25   le terrain, lorsque c'était nécessaire, lorsque ces incidents

 26   intervenaient, par exemple, comme la boulangerie Markale I et Markale II,

 27   et ils en ont tiré partie pour exercer des pressions sur la communauté

 28   internationale pour faire en sorte qu'elle s'investisse et qu'elle réalise


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  1   une intervention militaire contre les forces bosno-serbes.

  2   Et ce, assez ouvertement. Ça n'a pas été dissimulé, loin de là, et ceci

  3   tenait très à cœur aux militants musulmans, et c'était sans doute assez

  4   important dans tous leurs contacts avec la communauté internationale.

  5   C'est une autre question de savoir quelle réaction a été présentée, mais

  6   nous savons, l'intervention s'est déroulée à l'été 1995.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment est-ce que l'OTAN a réagi n'est

  8   pas pertinent. Il conviendra de poursuivre alors.

  9   Est-ce que c'était ce que vous vouliez dire, Monsieur Tieger ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Cela était en partie cette question. Et

 11   également, j'aimerais tirer la possibilité. Puisque j'avais méconnu

 12   quelques questions tendancieuses tout à l'heure, mais celle-ci je l'ai

 13   notée -- était une question qui a repris une réponse de tout à l'heure qui

 14   portait sur les informations reçues par le témoin de la direction bosno-

 15   serbe et reprises comme positives comme étant des informations dont le

 16   témoin avait fait allusion en dehors de ce témoignage. Donc c'est pour cela

 17   que je me suis levé, mais pour l'instant l'accent sera mis sur la nécessité

 18   de faire attention à la formulation des questions.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 20   Si vous voulez bien continuer.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pourrais répondre à la chose maintenant ou

 22   plus tard en disant pourquoi c'est pertinent, mais j'y procéderai tout à

 23   l'heure.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Au paragraphe 47 vous parlez de Markale I et de la relation avec les

 26   conférences.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous voir le document 1D20250.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Quand vous parlez de l'incident de la boulangerie, duquel s'agit-il ?

  2   R.  Une boulangerie dans la rue Vaso Miskin. C'était une rue où nombre de

  3   civils ont été blessés. Ça a fait sensation dans les actualités pour tous,

  4   et bien sûr tout le monde a accepté au départ l'interprétation selon

  5   laquelle du bord musulman que c'était donc le fait des Serbes. Par la suite

  6   des déclarations ont été présentées par des protagonistes internationaux

  7   qui venaient contredire cette interprétation. Je l'ai déjà indiqué, le

  8   secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, a exprimé l'impression

  9   que l'obus ne venait pas du côté serbe, et M. Akashi a concouru dans son

 10   entretien accordé à un quotidien allemand.

 11   Comme vous voyez, il y a eu nombre d'interprétations et des déclarations,

 12   mais la position prise par les gouvernements occidentaux en fin de compte

 13   était que ceci était le fait du bord serbe, et à partir de là, les médias

 14   et la propagande politique contre les Serbes ont commencé.

 15   Q.  Le 7 février vous êtes-vous réuni avec le président Milosevic et M.

 16   Akashi à Belgrade ? Pourriez-vous regarder ce document et en particulier le

 17   troisième paragraphe à partir du bas. "Dimanche…"

 18   R.  Oui. Si je dois lire ce paragraphe, c'est fait.

 19   Q.  Non, non. L'intégralité. Si vous voulez bien nous rappeler quel était

 20   le sujet de la chose. C'était le lendemain de Markale I. Quel était le

 21   sujet de vos conversations ?

 22   R.  M. Akashi était très précis et il a tenté l'impartialité pour tous les

 23   bords en tenant compte de tous les faits, il était minutieux et ceci le

 24   distinguait d'autres. Ce qui ne veut pas dire que d'autres n'ont pas tenté

 25   de procéder de la même façon, mais il était exceptionnel. Et il

 26   s'intéressait à tout ce qui se passait en Bosnie, aux incidents et aux

 27   souffrances des habitants, et voulait trouver une façon d'y mettre fin, et

 28   dans ses efforts il a reçu la coopération intégrale du bord serbe,


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  1   principalement du président Milosevic, car lui aussi souhaitait mettre un

  2   terme à cette guerre malheureuse, et ce, pour nos propres motifs serbes, et

  3   ce, dans le pays mais également à des fins humanitaires et autres.

  4   Et il déclare dans ce paragraphe qu'un plan de l'Union européenne qui a été

  5   présenté à Genève antérieurement était analogue à un autre plan, le plan

  6   Owen-Stoltenberg, appuyé par l'Union européenne. Et pour autant que je m'en

  7   souvienne, les représentants musulmans, y compris feu M. Izetbegovic, si je

  8   me souviens bien, était impatient de mettre fin à la chose en vainquant les

  9   Serbes, ce qui était impossible sans une intervention militaire. Alors M.

 10   Yasushi Akashi a été réaliste et sa position ne lui permettait pas d'être

 11   partial en quelle que façon que ce soit, et cet entretien, pour autant que

 12   je m'en souvienne, c'était un entretien entre deux parties qui avaient

 13   voulu souhaiter une sécession de la guerre et un aboutissement à la paix.

 14   C'était ce qu'ils avaient placé au-dessus de toute chose.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puis-je demander le versement au dossier

 16   de cette pièce ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Nous allons la verser au

 18   dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3023, Messieurs les

 20   Juges.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous vous seriez adressé au tribunal, parce qu'au paragraphe

 24   47, ici, il s'agit de la Cour internationale de justice au sujet des

 25   pressions exercées. Je vous renvoie au paragraphe 47, deuxième moitié du

 26   texte. "La partie musulmane en Bosnie…"

 27   R.  Oui.

 28   Q.  "…a continué cette politique."


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  1   R.  Oui, je suis en train de le lire, en effet.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander l'affichage du 1D20203.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous le reconnaissez ? Si oui, dites-nous de quoi il s'agit.

  5   R.  Ici, la partie yougoslave, et je parle de la République fédérale de

  6   Yougoslavie, dans ces échanges avec la communauté internationale, a rédigé

  7   un rapport sur les crimes qui ont été commis sur le territoire de l'ex-

  8   Yougoslavie et ce rapport a été envoyé par le biais du Conseil de sécurité,

  9   mais il n'y a eu aucune réponse de reçue. Il se peut qu'il n'y ait pas de

 10   réponse à laquelle il convient de s'attendre mais on ne fait que recevoir.

 11   Mais toujours est-il que nous n'avons reçu aucune information au sujet du

 12   sort de ce rapport.

 13   Q.  Est-ce qu'on peut nous montrer la page suivante, 24 février 1994. Donc

 14   c'est trois semaines après Markale.

 15   R.  Quel numéro ?

 16   Q.  C'est sur votre écran.

 17   R.  Ah oui, excusez-moi.

 18   Q.  Est-ce que c'est un document émanant de vous par lequel vous vous

 19   adressez à la Cour internationale de Justice au sujet des décisions de

 20   l'OTAN ?

 21   R.  Oui. Ça a été envoyé pour que la Cour internationale de Justice se

 22   penche dessus, car il s'agissait d'une opération qui ne pouvait pas être

 23   conforme à ce que sont les obligations de l'OTAN. L'OTAN était à l'époque

 24   une organisation militaire défensive.

 25   Q.  Est-ce qu'on peut nous montrer la page 4, s'il vous plaît. Ça se

 26   termine par un 015.

 27   Alors, paragraphe 2, Boutros-Ghali, qui dit : "Il est évident qu'une telle

 28   autorisation n'a pas existé…" Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer


Page 34263

  1   de quoi il s'agit ?

  2   R.  Permettez-moi d'abord d'en prendre lecture.

  3   Q.  Le paragraphe 2, au milieu, on parle ici de la contestation qui est

  4   invoquée et j'aimerais que vous nous commentiez ce milieu du paragraphe,

  5   s'il vous plaît.

  6   R.  Moi, ce que je souhaiterais, c'est voir le début de ce texte pour

  7   essayer de le caser dans le temps et dans l'espace.

  8   Q.  Oui, certes. Peut-être pourrait-on montrer au témoin la première page.

  9   R.  Oui, la première page. Ce serait bien.

 10   Q.  A vous de nous demander de tourner la page quand vous aurez fini.

 11   R.  Oui, justement. Est-ce que vous pourrez tourner la page, s'il vous

 12   plaît.

 13   Page suivante s'il vous plaît. Tournez, je vous prie, la page.

 14   Q.  Je crois bien qu'ici, vous énumérez les conclusions de l'OTAN mais en

 15   page 3, c'est -- ou plutôt en page 4, c'est les positions qui sont les

 16   vôtres, que vous exposez.

 17   R.  Oui. Montrez-la-moi, s'il vous plaît. Oui. Alors, si vous me le

 18   permettez, je dirais ici qu'il s'agit d'une décision de l'OTAN, qui est

 19   celle de recourir à la force à Sarajevo et dans ses environs sans qu'il y

 20   ait autorisation préalable de la part du Conseil de sécurité. L'OTAN est

 21   une organisation militaire régionale qui a un statut au sein des Nations

 22   Unies. Mais pour l'utilisation ou le recours à la force contre des pays

 23   tiers, il faut l'accord du Conseil de sécurité. Cet accord n'a pas été

 24   obtenu, et c'est la raison pour laquelle nous avons adressé cette mise en

 25   garde et cette demande pour que ceci ne soit plus réitéré, parce que l'OTAN

 26   n'avait pas autorisation d'intervenir en soi et pour soi lorsqu'il

 27   s'agissait d'un recours à la force dans des pays tiers. Il fallait passer

 28   au préalable par la procédure au niveau du Conseil de sécurité.


Page 34264

  1   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut montrer la page suivante pour voir ce qui a

  2   été requis de la part de la Cour internationale de justice, et ensuite on

  3   verra leur -- dont vous vous souvenez certainement?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Quand vous aurez terminé, j'aimerais demander à ce qu'on nous montre la

  6   page suivante pour voir la réponse apportée par la Cour internationale de

  7   justice.

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, j'aimerais demander à ce que ce document

 10   soit versé au dossier.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] En termes simples, la Cour n'a pas fait droit

 12   à notre demande. Elle a retiré son habilité à se prononcer, et cela a

 13   fourni à l'OTAN la voie, cela a ouvert la voie à l'OTAN pour ce qui était

 14   de continuer.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes. On va le verser au dossier.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3024, Messieurs les Juges.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Au paragraphe 63 de votre déclaration, vous évoquez une conférence qui

 20   s'est tenue à Londres en été 1992, et vous parlez d'une rencontre que vous

 21   avez eue avec le premier ministre Major et le ministre Hogg. La dernière

 22   phrase de ce passage parle de ce que vous avez évoqué tout à l'heure

 23   oralement. Dites-nous si vous en avez informé le public ? Est-ce qu'il a

 24   été donc diffusé vers l'opinion publique pour ce qui est des pressions

 25   exercées contre vous ?

 26   R.  Non, ce n'était pas une conférence internationale. C'était une visite

 27   bilatérale du président de la République fédérale de Yougoslavie, que

 28   j'accompagnais. Il y a eu une entrevue avec M. Major et le ministre Hogg,


Page 34265

  1   et le sujet était la crise en Yougoslavie et tout ce qui s'y passait. Nous

  2   avons présenté nos arguments historiques et juridiques pour ce qui était du

  3   droit de la Yougoslavie à exister, en particulier dans les segments qui

  4   avaient décidé à la faire exister, et on nous a répondu brièvement et

  5   sèchement que nous pouvions avoir quelque argument que ce soit, mais que

  6   cela pour eux n'importait guère. L'essentiel pour eux, c'est-à-dire pour la

  7   Grande-Bretagne et à côté de la Grande-Bretagne, l'Occident, c'était une

  8   position adoptée par l'Occident, et que nous étions forcés de l'accepter.

  9   Nous avons expliqué tout ceci à l'opinion publique et au premier ministre

 10   Panic, qui ne s'attendait pas à cette attitude négative à notre égard, mais

 11   c'est ce qui, dès le début, avait été la vérité lorsque la Communauté

 12   européenne s'est mêlée de l'apport de solutions à la crise en Yougoslavie.

 13   Elle s'était créée une position par avance et avait décidé qu'il soit mis

 14   un point final à la Yougoslavie. Tout le reste était une question de

 15   technologie. C'était donc une question de technique, et ceci a été une

 16   position finale pour ce qui était de l'attitude négative adoptée par la

 17   Communauté européenne s'agissant de l'existence de la Yougoslavie en tant

 18   qu'Etat.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer, je vous prie,

 21   le 1D20253.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourrez répéter la

 23   référence, Monsieur Karadzic ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D20253.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic et Monsieur Jovanovic,

 26   puis-je vous rappeler une fois de plus que vous devez faire une pause entre

 27   la question et la réponse. Veuillez continuer.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis vous dire,


Page 34266

  1   je ne pense pas que le témoin parle si rapidement, mais c'est qu'il parle

  2   des périodes de temps qui sont très longues, et ils devient difficile pour

  3   les interprètes de le suivre. Donc, juste à titre de rappel à l'attention

  4   du témoin, je ne veux pas lui faire passer le blâme, mais les circonstances

  5   dont il parle rendent les choses difficiles aux interprètes.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Continuons.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais dire que ce qui figure dans la

  8   déclaration n'est pas nécessaire à être répété ici.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors, vous vous souviendrez d'une interview que vous aviez accordée en

 11   1994 au mois de décembre, et l'intitulé était : "Ce que coûtait la Bosnie."

 12   Vous souvenez-vous de ceci ?

 13   R.  Ecoutez, je suis un peu loin de m'en souvenir. J'en ai accordé beaucoup

 14   des interviews, et je ne pourrais pas avoir un faisceau interview à cet

 15   effet, mais si vous pouviez me montrer la page en question.

 16   Q.  C'est la page 4 qu'il convient de nous montrer au sujet de ce

 17   paragraphe-ci. Alors, passage numéro 4, ou paragraphe numéro 4 ou 5, enfin

 18   les alinéas où on parle de l'ex-premier ministre.

 19   Est-ce que c'est ce qui correspond aux souvenirs que vous en avez gardé ?

 20   R.  Oui, c'est bien cela. Au fond de toute chose, la Communauté européenne

 21   voulait éviter que l'on se fasse impression qu'elle apportait son soutien à

 22   la sécession des ex-républiques yougoslaves. Et pour pouvoir faciliter les

 23   choses, il fallait déclarer la Yougoslavie comme étant disparue. Dans ces

 24   circonstances, leur soutien aux ex-républiques n'aurait pas constitué un

 25   soutien à la sécession, mais une assistance à des parties séparées d'un

 26   seul Etat pour que des Etats nouveaux soient créés. Il fallait à cet effet

 27   que l'on mette un terme à toute continuité étatique de la Yougoslavie.

 28   Notre problème, c'était d'obtenir une acceptation pour ce qui était de


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  1   considérer que des peuples voulaient rester en Yougoslavie, et qu'ils

  2   pouvaient non seulement rester en Yougoslavie, et aussi continuer à résider

  3   dans une Yougoslavie en tant qu'Etat. Lord Carrington a contesté ceci de

  4   façon énergique et véhémente. Il a dit : Vous qui souhaitez rester en

  5   Yougoslavie, vous pouvez rester. Vous pouvez l'appeler la Yougoslavie, mais

  6   ça doit être un nouvel Etat. En aucune façon ça ne peut être la

  7   continuation de l'ancien Etat. Et là réside la substantifique moelle du

  8   problème.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander un versement au dossier de

 11   cette pièce ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3025, Messieurs les

 14   Juges.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Excellence, en s'employant en faveur de la paix, et vous avez précisé

 18   que la Serbie avait accepté la totalité des plans formulés, est-ce que

 19   cette Serbie avait exprimé des aspirations territoriales vis-à-vis de la

 20   Bosnie ? Et en quoi a-t-elle apporté un soutien à la partie serbe en Bosnie

 21   ?

 22   R.  A compter du début de la crise, la Serbie a toujours affirmé dès le

 23   départ qu'elle n'avait aucune aspiration territoriale. Ça été constamment

 24   réitéré, et en particulier par le feu président Milosevic. C'était la

 25   vérité. Ce que nous voulions, c'est que l'on ait un traitement égal à

 26   l'égard de la totalité des peuples constitutifs, et comme nous n'avions pas

 27   réussi à assurer cela parce que les Serbes en Croatie et en Bosnie se sont

 28   fait mis en minorité et ils ont été contraints à résister suite à des


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  1   solutions non démocratiques, nous avons dû nous employer en faveur d'un

  2   traitement égal des Serbes dans cette Bosnie-Herzégovine, parce que nous

  3   avions répété que pour la Serbie un accord des trois peuples en présence

  4   dans cette république était acceptable, et nous acceptions par avance les

  5   accords qu'ils obtiendraient. Lorsque nous avons été sollicités par la

  6   communauté internationale s'agissant de déclarations de ce type, nous avons

  7   non seulement fait cela, mais nous avons été plus que constructifs. La

  8   preuve, c'est qu'elle a appuyé, soutenu la totalité des plans de paix. Elle

  9   ne s'est jamais opposée à l'un quelconque d'entre eux. Ça n'a pas été le

 10   cas, par exemple, de d'autres pays, comme l'Amérique, qui n'en a pas

 11   accepté quatre sur un total de cinq.

 12   Q.  Moi, je suis mis en accusation ici, entre autres, parce que j'avais

 13   souhaité un démantèlement de la Bosnie et son annexion à la Serbie et de

 14   faire la même chose pour ce qui est de la Krajina serbe et de la Republika

 15   Srpska. Alors, que savez-vous dire au sujet de mes positions et quelles ont

 16   été les positions formulées par la Serbie sur ce point ? Est-ce que la

 17   Serbie était favorable à une déchirure de la Bosnie ? Est-ce que j'ai

 18   exprimé moi-même l'intention de déchirer la Bosnie pour adjoindre à la

 19   Serbie certaines parties de cette Bosnie ?

 20   R.  La Serbie n'a jamais eu la moindre revendication territoriale à l'égard

 21   de la moindre république de l'ex-Yougoslavie et certainement pas à l'égard

 22   de la Bosnie-Herzégovine. Il revenait à ces peuples de se mettre d'accord

 23   entre eux-mêmes quant à ce qu'ils voulaient faire, allaient-ils continuer à

 24   vivre dans un état commun ou bien allaient-ils chacun suivre leur chemin et

 25   se séparer. C'était là une question qu'ils devaient se poser eux et non pas

 26   une question qui se posait à nous. Dans la mesure où j'ai suivi vos

 27   déclarations, vous avez toujours exprimé votre loyauté à l'égard de l'état

 28   commun et votre souhait de rester dans son cadre en tant que représentant


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  1   suprême du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, c'était votre position;

  2   cependant, à mesure que les conditions changeaient et empiraient, cet

  3   objectif maximum que vous aviez formulé jusque-là, vous l'avez, au fur et à

  4   mesure, remplacé par des objectifs plus pragmatiques, à savoir la poursuite

  5   d'une vie commune au sujet d'un Etat de Bosnie-Herzégovine qui serait un

  6   sujet international, mais dans le cadre duquel, eh bien, chacun des peuples

  7   aurait des droits égaux. Donc, c'était, d'une part, votre position initiale

  8   et, d'autre part, la position que vous avez poursuivie au cours du temps.

  9   Mais vous avez rencontré des difficultés et il y a eu, dans la

 10   rhétorique que vous avez employée, des hauts et des bas, mais vous n'avez

 11   jamais exprimé le désir de voir la Republika Srpska faire sécession de la

 12   Bosnie-Herzégovine et être annexée à la Yougoslavie. Il n'y a pas

 13   d'ailleurs de nécessité de voir quelqu'un être annexé à une identité dont

 14   il faisait déjà partie. Cependant, à mesure que les choses évoluaient, vous

 15   avez adopté votre position et les dernières années, votre position s'est

 16   concentrée sur la nécessité de trouver une solution à l'intérieur du cadre

 17   de la Bosnie en tant qu'état indépendant.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous examinions le

 20   document 1D20195.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répéter le numéro, s'il vous

 22   plaît.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D20195.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  La première partie concerne le président Bulatovic. Je voudrais que

 26   l'on affiche le deuxième paragraphe. Est-ce que vous pourriez nous dire

 27   quelle est la position que vous avez communiquée ici ? Si vous pouvez vous

 28   reporter à ce paragraphe. La date est celle de juin 1993.


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  1   R.  En juin 1993, on a obtenu une avancée importante dans le cadre des

  2   efforts de Lord Owen et Stoltenberg qui s'efforçait de sortir de l'impasse.

  3   Ils ont commencé à exposer à la Serbie, puis ensuite aux autres

  4   protagonistes du conflit, cette idée selon laquelle la Bosnie devait être

  5   une confédération d'états. Ils ont mis sur la table une proposition quant

  6   au pourcentage que les différentes parties de cette future confédération

  7   pourraient conserver chacune pour elles-mêmes. Ce plan a reçu le soutien de

  8   la Serbie, ensuite il a été présenté à Zagreb, à Sarajevo, et cetera.

  9   Et c'était là le début de l'examen de toute une conception qui a pris

 10   sa forme finale avec les accords de Dayton. Parce que c'était la première

 11   fois que l'on prenait en considération le principe ethnique plutôt que le

 12   seul principe territorial et, dans le cadre duquel on permettait un

 13   rapprochement, une coopération ultérieure entre des parties au conflit qui

 14   étaient dans un antagonisme très fort. C'est la position que j'ai

 15   communiquée, là, c'est ce que j'ai essayé d'expliquer.

 16   Q.  Merci. Alors, concernant la Grande-Serbie, le dernier paragraphe. Juste

 17   une confirmation de votre part. Est-ce que chez moi ou chez d'autres

 18   dirigeants des Serbes de Bosnie-Herzégovine vous avez senti qu'il existait

 19   de telles revendications, est-ce que Belgrade était en position d'accepter

 20   de telles pressions de notre part ?

 21   R.  Eh bien, je crois qu'il s'agissait avant tout d'un instrument de

 22   propagande que cette idée de la Grande-Serbie, une propagande imposée aux

 23   Serbes, parce que la Serbie a été contrainte à maintenir une position

 24   défensive. Et la vérité, c'est que la Serbie n'a jamais voulu devenir une

 25   Grande-Serbie. Parce que si elle l'avait souhaité, elle l'aurait fait après

 26   la Première Guerre mondiale à l'occasion de la création du Royaume des

 27   Serbes, Croates et des Slovènes. Si elle l'avait souhaité, elle l'aurait

 28   fait pendant la guerre lorsqu'à la réunion de Jajce cette décision portant


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  1   constitution de la RSFY a été prise. Eh bien non, la Serbie est restée dans

  2   ses propres frontières. Elle n'avait absolument aucune revendication quant

  3   à telle ou telle partie de la Bosnie actuelle ou de quelque autre

  4   territoire que ce soit.

  5   Et, donc, cette partie qui concerne la Grande-Serbie, je pense cela a

  6   occupé beaucoup de temps devant ce tribunal et que, finalement, toute la

  7   manipulation à laquelle on s'est livré avec cette notion, eh bien, est

  8   venue à son terme. Que vous, vous n'étiez tout simplement pas dans une

  9   telle position sur le terrain, vous étiez dans une situation très concrète,

 10   vous deviez vous battre pour votre liberté et l'égalité de traitement, en

 11   même temps que celle à laquelle avait le droit les autres parties, les

 12   autres entités. Et tout désir de rejoindre la Serbie, d'y être annexé,

 13   était tout à fait irréaliste et impossible. Ce n'était pas le vôtre et, au

 14   début, vous avez déclaré d'emblée que les Serbes de Bosnie-Herzégovine ne

 15   considéraient la RSFY comme leur état et exprimaient leur loyauté à son

 16   égard. Cependant, avec la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine en tant

 17   qu'état indépendant, les événements ont évolué et, donc, votre loyauté

 18   envers la RSFY en tant qu'état commun a cessé d'être d'actualité. Vous avez

 19   essayé, pendant toute cette période, de trouver une solution dans le cadre

 20   de la Bosnie-Herzégovine, ce dont quoi la Serbie et Slobodan Milosevic ont

 21   cessé de vous soutenir.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois, Monsieur le Témoin, que vous

 25   continuez à parler un petit peu trop vite.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour corriger ceci.

 27   Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Monsieur Tieger ?


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous versons ce document.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce de la Défense D3026,

  4   Messieurs les Juges.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Excellence, vous venez de parler du soutien de la Serbie. Est-ce qu'à

  7   un moment il y a eu divergence totale entre la direction de la Republika

  8   Srpska et la direction de la Serbie et celle de la RFY ? Et, si oui, à

  9   l'occasion de quel plan ? Si vous vous en souvenez.

 10   R.  C'était à l'occasion du plan avancé par le Groupe de contact. Comme

 11   cela s'est avéré plus tard, il représentait 90 % de ce qui a été ensuite

 12   adopté comme les accords de Dayton. La Serbie considérait que ce plan

 13   répondait de façon satisfaisante à tous les besoins des Serbes en Bosnie-

 14   Herzégovine et que la partie de ces besoins qui n'était pas couverte par le

 15   plan devait être laissée à la suite des négociations en temps de paix, et

 16   non plus en temps de guerre. Nous avions convenu que ce plan n'accordait

 17   pas un traitement égal, d'une part à la Republika Srpska, et, d'autre part

 18   à la Herceg-Bosna, parce qu'il permettait des relations à la Herceg-Bosna

 19   avec la Croatie dans le cadre d'une confédération alors qu'ils déniaient

 20   cette possibilité à la Republika Srpska. Mais notre position consistait à

 21   dire qu'il fallait accepter ceci et laisser les parties non couvertes à des

 22   négociations en temps de paix, tout en sachant que ces négociations

 23   pourraient prendre du temps mais qu'il serait préférable de les mener en

 24   temps de paix.

 25   Les Serbes de Bosnie, quant à eux, avaient peur d'être manipulés et trahis.

 26   Ils n'avaient pas confiance en la capacité de ce plan de garantir

 27   pleinement le traitement égal dont ils voulaient bénéficier. C'est pourquoi

 28   ils opposaient une certaine résistance, et Milosevic, lui, ne souhaitait


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  1   pas que ceci traîne en longueur trop longtemps. Par conséquent, il est

  2   arrivé le moment où il a estimé qu'il fallait réévaluer les rapports avec

  3   la Republika Srpska. Moi, je n'étais pas pour cela, mais j'étais en

  4   minorité. J'estimais, pour ma part, que les échanges, quels qu'ils soient,

  5   étaient toujours préférables à l'absence d'échanges.

  6   Cependant, cette rupture totale des relations avec la Republika Srpska a

  7   donc été, comme je l'ai dit, totale. On a mis en place ce blocus sur la

  8   Drina, bien que sur le plan officiel cela ne se soit pas appelé blocus,

  9   mais s'en était bien un. Et en échange de cela, nous avons obtenu la levée

 10   d'un très petit nombre de sanctions au regard de ces gestes qui étaient

 11   quand même considérables, pendant presque toute une année, à partir de

 12   l'été 1994 jusqu'à la fin de la guerre. Les rapports entre la Serbie et la

 13   Republika Srpska étaient tout simplement inexistants, à l'exception de ce

 14   qui pouvait exister entre Milosevic et les députés du parlement de la

 15   Republika Srpska par l'intermédiaire desquels Milosevic a essayé d'obtenir

 16   des changements dans la direction des Serbes de Bosnie, ce qui n'a pas

 17   marché.

 18   Donc nous sommes entrés dans une période de refroidissement considérable

 19   des relations. Et cette décision en elle-même, en mon sens, était une

 20   mauvaise décision parce qu'un Etat qui est soumis à des sanctions, qui est

 21   isolé et qui condamne tant ces sanctions que cet isolement, n'a pas le

 22   droit de se comporter exactement de la même manière envers quelqu'un

 23   d'autre, parce que cela affaiblit les arguments qui sont précisément les

 24   nôtres contre les sanctions. Cependant, la direction de notre Etat a pris

 25   cette décision, et cette dernière a été appliquée jusqu'à la toute fin de

 26   la guerre, jusqu'à la fin du processus de Dayton.

 27   Q.  Je voudrais que dans la ligne numéro 13 du compte rendu, on

 28   intervienne, parce que le témoin a dit qu'il y avait des "relations qui


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  1   s'étaient considérément refroidies", qui étaient tout simplement

  2   "inexistantes". Il a parlé de "relations inexistantes".

  3   R.  Oui.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Oui, oui. Cela figure en

  5   ligne 9.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais cela a été répété en ligne 13, au

  7   sujet du "refroidissement".

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Indépendamment de la question du respect mutuel et des rapports

 11   cordiaux ou non, est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre

 12   quels pouvaient être les points communs sur le plan politique entre le

 13   président Milosevic et moi-même, ma direction en Bosnie ? Parce qu'on

 14   m'accuse ici d'avoir participé à une entreprise criminelle commune dans le

 15   cadre de laquelle j'aurais décidé quelque chose conjointement avec le

 16   président Milosevic et d'autres.

 17   R.  Eh bien, pour autant que je le sache, les rapports entre le président

 18   Milosevic et vous-même s'apparentaient plutôt à une forme de mariage de

 19   raison, parce que sur le plan politique et idéologique, vous étiez aux

 20   antipodes l'un de l'autre. Il était tout à fait clair que ceci ne pouvait

 21   durer très longtemps. Vous étiez plus libéral que lui. Vous étiez en faveur

 22   de l'introduction d'un régime démocratique sans la moindre restriction.

 23   Milosevic, quant à lui, prenait une position similaire mais avec quelques

 24   réserves.

 25   Par ailleurs, bien qu'il ait été issu du Parti communiste, Milosevic

 26   n'était pas un extrémiste sur le plan idéologique. Au contraire. Il était

 27   très pragmatique. En revanche, son entourage le plus proche était toujours

 28   très marqué par ces considérations purement idéologiques, et il est très


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  1   probable que cela ait restreint ses capacités d'action dans une certaine

  2   mesure. Vous-même, vous étiez donc dans un contexte différent, et,

  3   notamment, dès le début, pour autant que je le sache. Je crois que vous

  4   étiez avec M. Milosevic dans un rapport qui était avant tout motivé par la

  5   nécessité du travail qui était le vôtre, mais ce n'étaient pas des rapports

  6   cordiaux. Et vous n'aviez pas une seule et même position ou conception des

  7   rapports internationaux, par exemple. Cependant, lorsque Milosevic a pris

  8   la décision de mettre en place ce blocus et de rompre les relations avec

  9   vous, je pense que cette décision était la conséquence logique de ce qui,

 10   pendant plusieurs années, était non pas un manque de sympathie ou de

 11   cordialité, mais tout simplement de relations qui n'étaient pas marquées

 12   par une très grande sincérité à l'égard l'un de l'autre ou par une très,

 13   très grande cordialité.

 14   Q.  Merci. Vous avez parlé des contacts de M. Milosevic avec nos députés,

 15   et vous avez parlé de sa tentative d'obtenir un changement de personnes au

 16   sein de la direction de la Republika Srpska. Est-ce que vous vous rappelez

 17   qui, lors des élections et dans le cadre des processus démocratiques, était

 18   soutenu par le président Milosevic, qui des différents partis en Republika

 19   Srpska ? Et notamment, moi et mes proches, ont-ils été soutenus ?

 20   R.  Eh bien, il ne me l'a jamais dit explicitement, mais il soutenait, je

 21   crois, le Parti démocratique serbe parce que c'était le parti le plus

 22   important, qui avait la plus grande part dans la lutte du peuple serbe en

 23   Bosnie pour améliorer la position des Serbes. Alors, il n'était pas

 24   particulièrement enthousiaste à votre égard, et lorsqu'il a essayé de vous

 25   écarter par le truchement de ces parlementaires, je dirais que c'était même

 26   une forme d'obsession pour lui parce qu'il n'arrivait pas à obtenir le

 27   soutien d'une majorité de parlementaires contre vous, alors que c'est avec

 28   la plus grande énergie qu'il défendait cette idée, notamment devant Lord


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  1   Owen et d'autres, et il disait à chaque fois que c'était chose presque

  2   faite ou que cela allait se produire rapidement. Donc il n'avait pas évalué

  3   de façon très réaliste l'équilibre des forces au sein de votre parlement.

  4   Par ailleurs, je crois qu'il pensait à feu M. Koljevic en tant que candidat

  5   à votre succession, dans la mesure où il réussirait à vous mettre à

  6   l'écart, mais cela non plus n'a pas été dit très explicitement de sa part.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous examinions le document

  8   1D2032, qui ne doit pas être diffusé hors du prétoire. 1D20232. 1D20232.

  9   Nous l'avons à l'écran. Je demande qu'il ne soit pas diffusé.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  D'abord, j'attire votre attention sur le paragraphe intitulé Serbie-et-

 12   Monténégro. On y trouve également votre nom, qui est mentionné. Est-ce que

 13   vous pourriez nous dire quel est le lien entre ceci et ce que vous venez de

 14   nous expliquer.

 15   R.  Oui. Ici on voit le vice-président Simic et moi-même. Je crois que le

 16   vice-président Simic a souligné la question du remplacement. J'ai également

 17   expliqué ce à quoi pensait M. Milosevic, et c'était au moment où les deux

 18   parties étaient au niveau le plus bas possible. Il est possible qu'il n'y

 19   ait pas eu de contact du tout. Donc, les propos qui sont exprimés ici sont

 20   en partie une conséquence de cette situation, à savoir qu'il n'y avait plus

 21   de contact entre les deux.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document

 24   sous pli scellé ? Et j'aimerais que l'on affiche le haut de la page de

 25   façon à ce que le témoin puisse voir les institutions dont on parle ici,

 26   parce qu'il présente son évaluation de la situation ici, et je voudrais que

 27   ce ne soit pas diffusé hors du prétoire.

 28   C'est un document qui relève de l'article 70, Monsieur le Président,


Page 34278

  1   Messieurs les Juges. C'est la raison pour laquelle je demande cela.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, d'accord.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc accepter le versement

  4   sous pli scellé.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D3027, sous pli scellé.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je vous prie de m'excuser. Autant que vous le sachiez, et d'après votre

  8   souvenir, cette rupture dans les relations et la pression exercée par le

  9   président Milosevic sur moi, est-ce que cela reflétait la situation en

 10   Republika Srpska, plus particulièrement mes contacts, est-ce que ceci a eu

 11   des conséquences sur la situation en Republika Srpska ? Est-ce que vous

 12   étiez au courant de cela ?

 13   R.  Je n'avais pas de connaissance de la situation interne en Serbie, et

 14   non plus je n'avais pas de relations ou de contacts spéciaux au sujet de la

 15   situation en Bosnie-Herzégovine. Tout ce que je savais, cela m'était relaté

 16   par les médias ou par le biais de contacts ou de réunions de temps en temps

 17   avec des représentants de la Republika Srpska qui se trouvaient dans notre

 18   pays. Bien sûr, j'ai découvert certaines choses quelquefois lorsque je

 19   parlais avec M. Milosevic. Le blocus était total, du moins c'est

 20   l'explication que j'ai reçue, et il n'était pas possible de mettre fin à ce

 21   blocus.

 22   Maintenant, que quelque chose ait été fait sans que je le sache ou pas, je

 23   ne peux pas vous le dire. Je peux dire que toutes les parties du système en

 24   Serbie n'étaient pas pleinement en accord avec cela, et peut-être qu'il y

 25   avait également quelques légères violations du blocus provenant de la

 26   Serbie vis-à-vis de la Republika Srpska. Je ne suis pas au courant de cela.

 27   Je peux simplement partir du principe que cela se produisait.

 28   En ce qui me concerne, lorsque je me trouvais à New York, et lorsque j'ai


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  1   parlé au ministre des Affaires étrangères français, et je crois qu'il

  2   s'agissait de M. Juppe à l'époque, lorsqu'il m'a demandé ce qu'il en était

  3   de la rupture des relations avec la Republika Srpska, il m'a demandé s'il

  4   était approprié que, de leur côté, ils continuent à communiquer avec des

  5   représentants de la Republika Srpska. J'ai expliqué notre situation à son

  6   attention, et en ce qui concerne les contacts et les négociations. J'ai

  7   toujours parlé des négociations plutôt que le fait de couper tous les

  8   contacts. Donc de manière indirecte, je l'ai encouragé à renouveler les

  9   relations avec les représentants de la Republika Srpska, et ça, M.

 10   Milosevic ne voyait pas ça de bon œil, mais c'est ce qui s'est passé.

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre ce que vous

 12   saviez concernant ma position vis-à-vis des Musulmans dans leur ensemble -

 13   bien sûr, avec l'exception des intégristes - en ce qui concerne mes

 14   relations et mes tentatives de communiquer avec Zulfikarpasic et avec les

 15   autres, Fikret Abdic, et cetera ?

 16   R.  Dans différents entretiens que vous avez donnés durant la guerre et

 17   après celle-ci, il était évident que vous n'aviez pas d'opinion, je dirais,

 18   arriérée des Croates ou des Musulmans. Lorsque des actes d'intolérance ou

 19   des antagonistes se sont faits jour au parlement, vous avez appelé à la

 20   prudence contre le fait qu'il ne fallait pas dépasser cette ligne rouge, et

 21   que si l'on abandonnait les pourparlers, on allait entrer dans une période

 22   sombre de conflit. Vous avez également utilisé ces métaphores et également

 23   des propos très tranchés afin d'attirer l'attention sur ce grand danger qui

 24   proviendrait de ce type de prise de position. Et d'après les conversations

 25   que j'ai eues avec vous de temps en temps, même s'il ne s'agissait pas de

 26   conversations approfondies, vous n'avez jamais fait montre d'opinions très

 27   conçues négatives vis-à-vis des Musulmans. Vous avez simplement mentionné

 28   qu'en raison de l'expérience difficile que vous aviez eue avec eux de par


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  1   le passé, vous vouliez avoir des relations pleinement claires et négociées

  2   de façon à ce que tout le monde jouisse de droits égaux.

  3   Vous avez indiqué ceci à plusieurs reprises, parce que dans le passé,

  4   à l'époque de l'empire Ottoman, également durant la Deuxième Guerre

  5   mondiale, et même vers la fin du gouvernement socialiste lorsque les

  6   velléités musulmanes se sont faites le plus ressentir en Bosnie-

  7   Herzégovine, vous vouliez vous protéger de façon à ce que personne de

  8   manière isolée puisse exercer un pouvoir tyrannique ou dominer à quelqu'un

  9   d'autre. C'est la position que vous m'avez présentée et probablement que

 10   vous avez présentée à d'autres également, tant au sujet des Musulmans que

 11   des Croates.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. 1D20191. Est-ce que l'on pourrait

 13   consulter ceci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  A la première page, nous voyons votre déclaration -- en fait,

 16   deux de vos déclarations. Il y a également une lettre. Est-ce que vous vous

 17   souvenez de ces déclarations ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, est-ce que l'on pourra agrandir

 19   un peu.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous agrandir la police de ce

 21   document, s'il vous plaît.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Au paragraphe 72, vous parlez des questions humanitaires. Pourriez-vous

 24   nous rappeler quelle était ma position et quelle était celle de la

 25   République fédérative de Yougoslavie en ce qui concerne les convois

 26   humanitaires, ainsi que l'approvisionnement en aide humanitaire pour toutes

 27   les parties en Bosnie-Herzégovine ?

 28   R.  En ce qui concerne la position de la Serbie, et ceci peut être confirmé


Page 34281

  1   par des représentants internationaux tels que M. Akashi et d'autres, de

  2   manière continue nous avons strictement été en faveur d'un mouvement sans

  3   entrave des convois humanitaires de façon à ce qu'ils arrivent à leurs

  4   destinations prévues. Nous avons également mentionné qu'il était possible

  5   que l'on utilise à mauvais escient ces convois humanitaires et que les

  6   armes puissent être transportées en leur sein. Cette position a été

  7   réitérée à de nombreuses parties, et tous les représentants peuvent

  8   confirmer ceci.

  9   Pour ce qui est de vous en Bosnie-Herzégovine, vous avez également fait

 10   part de votre opinion quant à un mouvement sans entrave de l'aide

 11   humanitaire, mais sur le terrain vous avez entendu parler d'autres éléments

 12   et vous avez dû faire face à pas mal de surprises, par exemple, ces convois

 13   étaient utilisés pour transporter des armes. Donc, elles étaient utilisées

 14   à mauvais escient, et vous l'avez mentionné régulièrement à M. Milosevic,

 15   ainsi qu'aux représentants internationaux. Autant que je sache, cette

 16   situation s'est améliorée peu à peu, mais je pense qu'elle n'a jamais été

 17   complètement claire car la partie musulmane était extrêmement tentée

 18   d'utiliser ces filières pour faire passer des armes ainsi que d'autres

 19   types d'aide.

 20   Q.  Merci. Est-ce que l'on pourrait avoir la dernière page, s'il vous

 21   plaît, même si les deux déclarations sont intéressantes, mais on peut donc

 22   les consulter et consulter les deux dernières pages. Est-ce que vous vous

 23   souvenez de cette lettre à Willy Claes ?

 24   R.  Attendez un instant. Je vais la consulter et cela va me revenir.

 25   Q.  Vous donnez quel type d'information à Willy Claes en ce qui concerne

 26   mes activités dans le domaine humanitaire et mes activités avec Abdic ?

 27   R.  Fikret Abdic était en fait le numéro un chez les Musulmans dans la

 28   Krajina de Cazin, et de cette manière, il avait des contacts avec vous et


Page 34282

  1   avec Milosevic. Et vous avez également eu une fois une réunion tripartite à

  2   Belgrade, et vous avez conclu un accord avec lui qui permettait en fait de

  3   trouver rapidement des solutions et qui permettait de mettre un terme à la

  4   guerre. Et contrairement à certaines autres personnalités musulmanes,

  5   c'était un homme qui était très pragmatique et qui ne souffrait pas de

  6   mégalomanie, et c'est ainsi qu'il est entré en contact avec Milosevic, qui

  7   était également très pragmatique et vous avez tous ensemble essayé de vrai

  8   pour vous sortir de ce trou noir infernal qu'est la guerre civile.

  9   Pour ce qui est des convois et de l'aide humanitaire, je vais répéter

 10   ce qui a déjà été dit. Entre autres, lorsque les représentants

 11   internationaux se plaignaient de problèmes qu'ils rencontraient pour

 12   fournir de l'aide humanitaire à Sarajevo en raison des différents dangers

 13   et obstacles qu'ils rencontraient et de l'insécurité dont devaient faire

 14   face les escortes, vous avez proposé une approche différente à partir de

 15   Bar, c'est-à-dire un passage par un territoire de la Republika Srpska qui

 16   permettrait en fait de passer par un territoire où il n'y avait pas de

 17   combats et qui permettrait donc de garantir une meilleure sécurité des

 18   conducteurs et du personnel de ces escortes. C'était une proposition bien

 19   intentionnée mais qui n'a pas été acceptée, et ils ont insisté pour

 20   utiliser l'ancien itinéraire à partir de Split en direction de Sarajevo

 21   malgré toutes les difficultés que celui-ci présentait.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ceci au dossier, s'il vous

 23   plaît.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3028.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Au même paragraphe 72, vous parlez des questions humanitaires et vous

 28   parlez également de l'approvisionnement en gaz. Quel est le rôle qu'a joué


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  1   la Serbie dans l'approvisionnement en gaz dans tout cela ?

  2   R.  Le problème de l'approvisionnement de toutes les parties durant la

  3   guerre civile en Bosnie était à l'ordre du jour au quotidien, car les

  4   civils avaient besoin de gaz, entre autres. Et la Serbie faisait l'objet

  5   d'un embargo. Elle disposait de ses propres ressources gazières et ceci

  6   n'était pas suffisant, et la Serbie a proposé d'être un pays de transit

  7   pour fournir du gaz aux populations civiles en Bosnie-Herzégovine. Je crois

  8   que la proposition n'a pas été acceptée parce que ceci aurait été en

  9   violation avec les sanctions qui avaient été imposées, mais ce que la

 10   Serbie a pu fournir en termes d'aide aux civils, principalement aux Serbes

 11   en Bosnie-Herzégovine parce qu'elle n'avait pas de contact direct avec les

 12   autres groupes ethniques, eh bien, la Serbie l'a fait, mais bien sûr, ceci

 13   a été une charge pour l'économie serbe.

 14   Q.  Qu'est-il advenu du gaz russe en direction de Sarajevo ? D'où venait-il

 15   et par où passait-il, et quel rôle la Serbie a-t-elle joué dans tout cela ?

 16   R.  Je pense que le gaz passait par la Croatie, pas par la Serbie, parce

 17   qu'il n'y avait en fait pas de gazoducs qui permettaient de l'acheminer à

 18   travers la Serbie, mis à part s'il était transporté par des camions-

 19   citernes. Je ne connais pas bien les détails, mais je sais que la Russie a

 20   proposé du gaz, pas uniquement à une seule partie mais à toutes les

 21   parties, et je sais que la Serbie était disposée à prêter son soutien, mais

 22   je ne sais pas comment les choses se sont déroulées.

 23   Q.  Je vais vous rafraîchir la mémoire en vous proposant le document

 24   1D20208. Je vous demande de consulter cette lettre que vous envoyez à Lord

 25   Owen.

 26   R.  Oui. Un instant, s'il vous plaît. Oui, d'accord.

 27   Q.  Est-ce que l'on peut passer à la signature qui est en bas de la page.

 28   R.  Oui. Il s'agit d'une des lettres qui abordent cette question


Page 34284

  1   d'approvisionnement en gaz pour Sarajevo via la Hongrie. La Serbie a, bien

  2   sûr, accepté cela. Je ne sais pas comment les choses se sont déroulées en

  3   pratique. Il est possible que des camions-citernes aient été utilisés. Et

  4   vous avez garanti le passage sans entrave par les forces bosno-serbes de

  5   ces convois en sécurité.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on verser ce document au dossier.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3029.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'acte d'accusation

 11   mentionne une entreprise criminelle commune, y compris les persécutions

 12   contre les Musulmans et les Croates, et dans le cadre de cette entreprise

 13   criminelle commune, tel que ceci est mentionné dans mon acte d'accusation,

 14   le président Milosevic y a participé, entre autres. Pourriez-vous me dire

 15   si vous avez des informations concernant le traitement des réfugiés en

 16   fonction de leur appartenance ethnique ? Est-ce que vous avez reçu des

 17   informations à ce sujet, de combien de réfugiés avions-nous affaire ?

 18   R.  Oui. Nous avions énormément de réfugiés. Autant que je sache, il y

 19   avait environ 50 000 -- 150 000 Bosno-Musulmans et environ 20 000 à 30 000

 20   Croates qui se sont réfugiés suite aux tirs dont ils faisaient l'objet en

 21   Bosnie. Et bien sûr, ils ont été accueillis conformément à nos obligations

 22   en vertu des accords internationaux. La Croix-Rouge internationale est

 23   arrivée immédiatement. Elles ont demandé à ces réfugiés s'ils voulaient

 24   aller ailleurs, où ils voulaient aller. Et bien sûr, nous n'avons créé

 25   aucun problème. Entre-temps, on leur a fourni tous les secours de base.

 26   Mais ce chef d'accusation de participation à une entreprise criminelle

 27   commune est un concept qui est souvent utilisé en prédilection par le

 28   bureau du Procureur et n'est pas utilisé que contre les Serbes mais


Page 34285

  1   également contre d'autres, même si certains ont été ensuite acquittés. Mais

  2   je pense que ce concept devrait commencer par le début de la crise

  3   yougoslave et devrait englober ceux qui sont principalement coupables

  4   d'avoir détruit la RSFY, y compris les intervenants internationaux et ceux

  5   qui, malgré les avertissements très prononcés de Lord Carrington et de

  6   Cyrus Vance concernant une reconnaissance prématurée de la Slovénie et de

  7   la Croatie ensuite de la Bosnie-Herzégovine, ont continué à agir de cette

  8   matière. Et enfin, celle-ci devrait également englober tout ceux qui ont

  9   été responsables de la guerre que l'OTAN a conduit au Kosovo et Metohija,

 10   et les personnes qui sont directement responsables devraient être nommées

 11   parce que cette guerre a été conduite sans le consentement du Conseil de

 12   sécurité des Nations Unies.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 4, je voudrais une correction. Le

 15   témoin a dit 50 000 et non 150 000 Bosno-Musulmans.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

 17   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez de "nous". Qu'entendez-vous

 19   par "nous" ? Vous voulez dire la Serbie ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'ai pas dit "nous", j'ai dit "vous".

 21   J'ai dit combien de réfugiés avez-vous en Serbie ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le compte rendu d'audience

 23   sera corrigé le moment voulu. Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche le document

 25   suivant. Le document 1D20246.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Comment est-ce que vous considérez le fait qu'il y avait de nombreux

 28   réfugiés en Serbie alors que le président Milosevic et moi-même sommes


Page 34286

  1   accusés d'avoir persécuté des Musulmans et des Croates ?

  2   R.  Ce chef d'accusation repose des motifs politiques car rien de la chose

  3   n'a existé en réalité. La Yougoslavie était et restait un pays

  4   pluriethnique. Nous avions nos propres Musulmans d'ailleurs. Jusqu'à il y a

  5   encore quelques années, nous avions également un nombre d'Albanais qui

  6   étaient également des Musulmans. Il n'y a pas de raison de douter ni de

  7   soupçonner la Serbie d'être anticatholique ou antimusulmane de quelle que

  8   façon que ce soit. C'est un fait. Et, pour autant que je sache, vous,

  9   Serbes en Bosnie, vous n'aviez aucun antagonisme ni haine vers les

 10   Musulmans ni les Croates. Vous n'avez que recherché des relations nettes

 11   dans lesquelles tous jouiraient des mêmes droits, de l'égalité, et de la

 12   liberté et vivraient en paix, en coexistence ou tout du moins, coexistence

 13   pacifique, côte à côte. Donc, la notion de l'entreprise criminelle commune,

 14   certes tentante, à titre d'hypothèque, ne repose sur rien en réalité.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos

 16   partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel]

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 34287

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous sommes en audience

  8   publique, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, je n'élève pas d'objection quant à

 10   l'accusé demandant des faits pertinents auprès de ce témoin, mais il

 11   conviendrait de ne pas demander d'opinion juridique sur des questions ne

 12   relevant pas de sa spécialisation quant aux modes de responsabilité et, si

 13   nous nous écarterions de cette règle. Donc, en ce qui concerne ce que

 14   l'accusé considère comme étant factuel, cela relève des connaissances du

 15   témoin, bien sûr, pas d'objection, mais si nous passons à son opinion sur

 16   l'applicabilité des différents modes de responsabilité, cela semble peu

 17   approprié.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 19   M. Karadzic en a pris bonne note. Si vous voulez bien continuer.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Si nous pouvions voir le dernier

 21   paragraphe, en bas de la page.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Et je vous demanderais, Monsieur, de regarder ces chiffres aux lignes 3

 24   et 4, à partir de là, et nous dire de quoi il s'agit. De plus, je n'ai posé

 25   des questions que sur des faits, que si j'étais contre le fait de recevoir

 26   des réfugiés, si je souhaitais que l'on chasse ou que l'on persécute des

 27   Musulmans et des Croates, et le témoin a répondu.

 28   Est-ce que ces chiffres sont exacts ? En 1993, il y avait déjà 50 000


Page 34288

  1   Musulmans et 20 000 Croates.

  2   R.  Oui, ceci est dans le droit-fil de ce que je viens de dire. Ces

  3   chiffres, par la suite, ont augmenté.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que ce document peut être versé ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous le recevrons sous pli scellé

  6   provisoirement, et les parties en décideront par la suite.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3030, sous pli scellé à titre

  8   provisoire, Monsieur le Président.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pour l'heure, je n'ai pas d'autres

 10   questions pour M. le Témoin Jovanovic.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 12   Monsieur Jovanovic, comme vous l'avez relevé, la plus grande partie de

 13   votre déposition lors de l'interrogatoire en chef au principal a été versé

 14   sous forme écrite en lieu et place de votre témoignage oral. Et maintenant,

 15   le contre-interrogatoire va procéder sous la direction de M. Tieger du

 16   bureau du Procureur.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Contre-interrogatoire par M. Tieger :

 19   Q.  [interprétation] Monsieur Jovanovic, nous n'avons qu'un laps de temps

 20   relativement court avant que nous ne suspendions l'audience pour le

 21   déjeuner, mais j'aimerais commencer par noter que nous allons donc changer

 22   de vitesse en quelque sorte pour le contre-interrogatoire. On m'a accordé

 23   un laps de temps spécifique par les Juges de la Chambre pour poser des

 24   questions spécifiques sur les questions qui ont été soulevées dans votre

 25   déclaration ou peut-être d'autres questions. Ainsi, les Juges de la Chambre

 26   escomptent que je m'axe sur des détails précis ainsi qu'à votre égard.

 27   Donc, si je vous pose une question précise, ça n'indique pas que vous

 28   développiez le sujet, mais si vous voulez bien vous en tenir à la question


Page 34289

  1   qui vous aurait été posée.

  2   Je vous le souligne, car j'ai remarqué, par exemple, qu'un moment donné

  3   quand on vous a posé la question sur un sujet bien particulier, vous avez

  4   présenté des informations sur la notoriété de la personne, ce qui

  5   intéressait la personne en question, avec qui il conversait en général, et

  6   cetera. Donc, je vous demanderais de répondre de façon pointue à mes

  7   questions.

  8   Passons au paragraphe 25, tout d'abord, de votre déclaration. Vous y dites

  9   qu'à l'instar de la Republika Srpska, dans ce cas vous parlez de la RSK,

 10   elle n'était pas reconnue par la Serbie mais elle n'était pas non plus

 11   contestée.

 12   Je vous dirais que cette description de la position de la Serbie par

 13   rapport à la Republika Srpska, c'est-à-dire ne pas contester le statut

 14   d'état sans le reconnaître, ne décrit pas intégralement le rapport d'appui

 15   que la Serbie entretenait par rapport à la Republika Srpska. Par exemple,

 16   cela n'indique pas - ni le restant, d'ailleurs, de votre déclaration - ce

 17   dont vous avez témoigné ici en ce qui concerne Slobodan Milosevic. Vous

 18   déclarez au compte rendu, page 36 224, et je cite :

 19   "Il est certain que les trois bords avaient ce qui venait des complices et

 20   ceux qui venaient les aider de l'extérieur, car il n'y a pas de guerre

 21   civile sans ladite aide extérieure."

 22   Pourriez-vous confirmer que c'est votre position dans l'affaire Milosevic ?

 23   R.  Oui. Je répéterai, c'est une guerre civile dans laquelle toutes les

 24   parties possédaient leurs appuis extérieurs.

 25   Q.  On vous a également posé la question -- et quand je parle des comptes

 26   rendus et des pages, je peux bien sûr les afficher pour que vous les

 27   voyiez, mais je le fais principalement aux fins des Juges de la Chambre et

 28   de la Défense pour pouvoir y accéder.


Page 34290

  1   On vous a également posé la question, page 36 420 du compte rendu lors de

  2   votre déposition dans l'affaire Milosevic si, et je cite, "chaque partie

  3   avait ses appuis et vous saviez que vous appuyiez l'une des parties, n'est-

  4   ce pas ?"

  5   Et vous avez répondu, je cite :

  6   "Du point de vue politique, financier et diplomatique, oui. Ils étaient des

  7   nôtres."

  8   Pourriez-vous confirmer que c'était là votre position et que quand vous

  9   avez déclaré "ils étaient des nôtres", vous parliez des Serbes de Bosnie ?

 10   R.  Tout d'abord, en déclarant "qu'ils étaient des nôtres", je voulais dire

 11   que nous sommes un seul et même peuple et que nous vivions en deux Etats

 12   avoisinants et nos sympathies et l'appui à leur égard était naturel, car

 13   une partie du même peuple ne peut ne pas appuyer et avoir des sympathies

 14   pour le segment de ces populations dans un autre pays.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrais-je indiquer la différence en

 16   interprétation où l'on voit "les nôtres", "notre peuple." Il s'agit de

 17   "notre peuple", "des nôtres," comme ceux qui sont en Serbie, mais il y a

 18   également la signification du terme "peuple" dans le sens de nation, donc

 19   peuple, et c'est pourquoi des différences dans l'interprétation

 20   interviennent.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Bien. Cela ne signifie rien ici, mais je suis

 23   conscient du potentiel de ce distinguo et j'essaierai donc de faire la

 24   distinction lorsque je parle de nation ou de peuple constitutif ou de

 25   nation. Encore une fois, j'essaierai de faire aussi clair que faire se

 26   peut.

 27   Q.  Pendant votre déposition dans l'affaire Milosevic, on vous a également

 28   posé la question concernant le degré d'appui militaire fourni par la Serbie


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  1   à la Republika Srpska. Est-il exact que vous avez répondu - ceci se trouve

  2   à la page 36 420 du compte rendu - que c'était un sujet que vous ne pouviez

  3   aborder ? Car vous avez répondu :

  4   "J'ignore cette partie-là, car comme je vous l'ai dit, je ne savais rien

  5   des affaires militaires."

  6   C'est ce que vous avez dit dans votre déposition dans l'affaire Milosevic,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est exact. C'est ce que j'ai déclaré, car les questions

  9   militaires, je les ignorais. Je ne recevais aucune information de quel que

 10   service de renseignement que ce soit sur ces questions, ni non plus ne

 11   recevais-je des informations sur les situations militaires en Bosnie-

 12   Herzégovine. Tout ce que j'apprenais venait de la presse ou de rencontres

 13   au pied levé avec d'aucuns.

 14   Q.  Les Juges de la Chambre ont reçu des éléments de preuve venant de

 15   différentes sources quant à la mesure de l'appui militaire des Serbes pour

 16   la Republika Srpska ou de la République fédérale de Yougoslavie aux Serbes

 17   de Bosnie. Je vous poserais la question suivante : sans être averti des

 18   détails, comme vous nous l'avez dit, et étant dans la position où vous vous

 19   trouviez néanmoins, étiez-vous averti de la mesure de l'appui militaire

 20   fourni par le bord serbe aux Serbes de Bosnie et qu'il était important ?

 21   R.  Je ne saurais le dire. Tout ce que je pourrais dire, ce serait des

 22   conjectures, car je n'ai pas d'informations directes spécifiques en la

 23   matière. Ce que j'ai déclaré ne saurait être circonstancié car cela ne se

 24   fonde pas sur des sources d'origine, ni des connaissances d'origine.

 25   Q.  Aux paragraphes 37 à 42 de votre rapport -- déclaration, devrais-je

 26   dire. Désolé. Je vois le rapport devant moi.

 27   Désolé. Aux paragraphes 37 à 42 de votre déclaration, vous citez le plan

 28   Cutileiro. J'aimerais vous poser des questions sur ces citations. Tout


Page 34292

  1   d'abord, par deux fois, vous renvoyez au fait allégué que le plan était

  2   "accepté" par les Serbes et qu'ils n'auraient jamais - et je récite -

  3   "signé le plan Cutileiro" s'ils avaient des intentions de s'ouvrir une voie

  4   en Bosnie-Herzégovine par la force.

  5   Tout d'abord, Monsieur Jovanovic, êtes-vous averti du fait que l'accord de

  6   principe n'a pas été signé à titre officiel et que de fait, la direction

  7   serbe de Bosnie, y compris le Dr Karadzic, a confirmé à ses partisans que

  8   ça n'avait pas été signé et ne le serait jusqu'à ce que la direction des

  9   Serbes de Bosnie obtienne exactement ce qu'elle souhaitait ? En étiez-vous

 10   conscient ?

 11   R.  J'étais présent lorsque M. le Témoin Cutileiro a présenté son rapport à

 12   la conférence internationale sur la Yougoslavie. Il a demandé deux semaines

 13   pour y donner les dernières touches et parachever son rapport, mais il a

 14   déclaré que les trois bords avaient accordé leur consentement. Tous ceux

 15   qui étaient présents à la conférence où les chefs des républiques de l'ex-

 16   Yougoslavie avaient appuyé la chose, y compris le président Milosevic, qui

 17   avait déclaré que M. Cutileiro devrait recevoir ces deux semaines pour

 18   parachever ces rapports et que la Serbie serait parmi les premiers à

 19   épauler la Bosnie-Herzégovine restructurée de cette façon. Tous ceux qui

 20   voulaient tout simplement mettre à l'épreuve M. Milosevic auraient pu

 21   attendre deux semaines pour voir si effectivement, il le signerait. La

 22   seule exception était le président Izetbegovic, qui a demandé une

 23   reconnaissance immédiate de la Bosnie-Herzégovine. J'aimerais souligner que

 24   le consentement des trois bords avait été accordé à ce texte - non pas la

 25   signature, mais le consentement, qui est très important - et le seul bord

 26   qui a retiré ce consentement sous la pression des Etats-Unis a été le bord

 27   musulman. Cela a sonné la fin de ce processus, ce qui a donné lieu au début

 28   des événements abominables qui sont intervenus pendant la guerre civile en


Page 34293

  1   Bosnie.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une pause, Monsieur Tieger ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 45

  5   minutes, et nous reviendrons à 13 heures 15.

  6   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 29.

  7   --- L'audience est reprise à 13 heures 17.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur Jovanovic, nous étions en train de parler de certaines parties

 11   de votre déclaration qui abordent le plan de M. Cutileiro. Au paragraphe 39

 12   de votre déclaration, il semble que vous ayez insisté sur le fait de dire

 13   que la position prise au sujet de l'accord de principe daté du 18 mars se

 14   trouvait être en quelque sorte incompatible avec les positions qui étaient

 15   celles de la direction des Serbes de Bosnie pour ce qui concerne

 16   l'aboutissement à leurs objectifs par des moyens militaires. Parce que vous

 17   avez dit :

 18   "S'ils avaient eu de telles intentions, ils n'auraient pas signé l'accord

 19   de Cutileiro."

 20   Et c'est ce qui est dit au paragraphe 39 avec une disposition

 21   similaire au paragraphe 49.

 22   Alors, Monsieur Jovanovic, est-ce que vous acceptez ou niez le fait,

 23   ou dites-vous que vous ne le saviez pas que des positions avaient été

 24   prises par la direction des Serbes de Bosnie du point de vue de faire en

 25   sorte, au cas où les négociations échoueraient, d'aboutir à ce que l'on

 26   souhaitait, faire ce qui était nécessaire pour protéger leurs intérêts, y

 27   compris le recours à la force pour s'emparer de territoires ?

 28   R.  Du fait d'avoir accepté le plan de Cutileiro en Bosnie-Herzégovine, les


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  1   Serbes ont montré de façon plus que claire qu'ils ne voulaient pas la

  2   guerre mais qu'il --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Jovanovic, je crains fort que

  4   nous n'obtenions pas d'interprétation. Ayez l'amabilité de reprendre votre

  5   réponse à partir du début.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Par leur acceptation du plan Cutileiro --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais une fois de plus, nous n'obtenons

  8   pas d'interprétation.

  9   Monsieur Karadzic, est-ce que vous m'entendez ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence. J'entends le serbe.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez dire quelque chose en B/C/S.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous, nous obtenons l'interprétation en serbe.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne recevons pas d'interprétation

 14   encore.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il se peut que quelqu'un ait changé de canal.

 16   Moi, je suis sur le canal numéro 6 et j'entends le serbe.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Ah, ça y est. Maintenant la chose

 18   semble être résolue.

 19   Veuillez continuer, Monsieur Tieger, ou est-ce que -- peut-être pourriez-

 20   vous répéter votre réponse, Monsieur Jovanovic.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci. De par leur acceptation du plan

 22   Cutileiro, les Serbes de la Bosnie-Herzégovine avaient dit de façon plus

 23   que claire qu'ils tenaient plus à la paix qu'à la guerre. Ils avaient

 24   redouté la guerre comme tout un chacun et ils ont souffert de grosses

 25   pertes parce qu'ils ont renoncé à leur objectif suprême, c'est-à-dire à

 26   rester en Yougoslavie pour vivre dans un pays indépendant, parce que ce

 27   plan leur assurait l'égalité en droit et la liberté en leur qualité de

 28   peuple constitutif. Ce qui fait que l'alternative à la paix, ce n'était pas


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  1   une option de guerre aux yeux des Serbes de Bosnie, ils ont été contraints

  2   à cela. N'oublions pas qui est-ce qui a commencé à tirer là-bas. D'abord,

  3   c'est le HDZ des forces de Croatie qui sont entrées dans Bosanski Brod et

  4   ont incendié un village serbe. Puis il y a eu ce mariage à Sarajevo où l'on

  5   a tué --

  6   M. TIEGER : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Jovanovic, excusez-moi de vous interrompre. J'essaie de me

  8   conformer aux lignes directrices que j'ai énoncées pour ce qui est d'en

  9   rester aux questions qui sont posées. Alors, la question était celle de

 10   savoir si vous étiez conscient des positions des Serbes de Bosnie, et non

 11   pas de l'interprétation du plan ou des événements qui ont suivi. Alors, ai-

 12   je bien compris ce que vous avez dit, à savoir que votre avis est celui

 13   d'affirmer que les Serbes de Bosnie, comme vous le dites, ont été

 14   littéralement forcés à prendre cette option, c'est-à-dire l'option

 15   militaire, option de guerre, et comme vous l'avez dit plus tôt en page 29,

 16   ils ont été contraints de se battre. C'est bien ce que vous dites ?

 17   R.  Oui. Et dans ma déclaration, ne l'oubliez pas, j'ai dit que j'ai été

 18   présent à une seule entrevue entre le président Milosevic et le président

 19   Karadzic pour ce qui est d'une guerre possible en Bosnie-Herzégovine, et le

 20   Dr Karadzic était sérieusement inquiété suite à l'échec du plan Cutileiro

 21   en se disait qu'il pouvait y avoir une guerre là-bas. Et Milosevic lui a

 22   dit : "Mais retirez-vous vers vos territoires, là où vous êtes

 23   majoritaires, et ne faites rien."

 24   Q.  Excusez-moi, Monsieur. Je m'excuse, mais il n'est pas nécessaire de

 25   reprendre le texte de vos déclarations. Ce n'est pas tout à fait efficace.

 26   R.  Fort bien.

 27   Q.  Alors, vous ai-je bien compris, avez-vous dit que vous n'étiez pas au

 28   courant du fait que la direction des Serbes de Bosnie, d'une façon


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  1   quelconque, avant et pendant les négociations au sujet du plan de

  2   Cutileiro, aurait exprimé quoi que ce soit qui dirait qu'au cas où ils ne

  3   pourraient pas réaliser ce qu'ils voulaient réaliser par le biais de

  4   négociations, ils feraient ce qui est nécessaire, y compris la prise de

  5   territoires par la force ?

  6   R.  Non, je n'ai jamais entendu ce type de déclaration de la bouche de

  7   personne, ni de Milosevic. On n'a pas envisagé cette possibilité parce

  8   qu'on était profondément convaincu du fait que ce processus de paix allait

  9   aboutir à une solution. Je ne sais pas si quelqu'un avait une chose

 10   pareille en tête, mais pour ce qui est des entretiens qui se sont tenus,

 11   jamais rien de ce genre n'a été mentionné.

 12   Q.  Parlons à présent d'une chose à laquelle vous avez fait allusion un peu

 13   plus tôt. En pages 46 et 49 de votre témoignage d'aujourd'hui, c'est la

 14   question de la totalité des Serbes dans un seul et même Etat, et c'est lié

 15   au démantèlement de la Bosnie.

 16   Alors, cet accord de principe formulé par Cutileiro avait été

 17   conditionné - vous serez d'accord avec moi pour le dire - par la nécessité

 18   de maintenir la Bosnie-Herzégovine dans ses frontières existantes ?

 19   Répondez par un oui ou par un non.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et la réalité était celle de voir la direction des Serbes de Bosnie

 22   jamais tomber d'accord avec ceci parce qu'en partie, leur objectif, leur

 23   rêve avait été la réunification de la totalité des Serbes dans un seul et

 24   même Etat, que ce soit un seul Etat ou une fédération d'Etats; est-ce bien

 25   exact ?

 26   R.  Moi je sais quel était l'objectif de la Serbie. L'objectif de la Serbie

 27   n'était pas du tout celui de faire ou d'exprimer des aspirations

 28   territoriales vis-à-vis de qui que ce soit, ni de la Bosnie-Herzégovine. Au


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  1   contraire, l'objectif limité était celui de protéger les Serbes en Bosnie-

  2   Herzégovine contre les périls possibles encourus pour ce qui est d'une

  3   domination ou d'un unitarisme. Il fallait donc respecter leur égalité en

  4   droit. Alors, ce que les Serbes en Bosnie ont rêvé et imaginé comme

  5   développement potentiel, c'est une chose qui sort du cadre de la réalité

  6   rationnelle. Tout un chacun peut avoir des rêves, mais ça n'a pas été la

  7   politique officielle de la Serbie, et pas plus que d'ailleurs une telle

  8   politique n'a été promulguée auprès des Serbes de Bosnie par la Serbie. Les

  9   Serbes ont exprimé des appréhensions énormes pour ce qui est de savoir ce

 10   qui pourrait se produire si jamais il ne pouvait pas y avoir d'accord au

 11   sujet d'une Bosnie-Herzégovine indépendante de façon pacifique, et c'est à

 12   cet effet que M. Milosevic avait eu des entretiens en ce sens, comme

 13   j'avais commencé à vous l'expliquer tout à l'heure.

 14   Q.  Penchons-nous alors sur ce qu'ils ont exprimé à l'égard de leurs

 15   suiveurs et à l'égard de vous-même. Permettez-moi de dissocier ceci pour

 16   présenter deux facettes. D'abord, il s'agissait de savoir si la Bosnie

 17   allait rester ou pas un seul et même Etat, et ensuite on va passer à la

 18   question de la totalité des Serbes dans un seul et même Etat.

 19   Tout d'abord, cette Chambre de première instance a pu entendre des

 20   éléments de témoignage allant dans le sens suivant, et c'est à ce sujet-là

 21   que je voudrais vous demander si vous affirmez que vous aviez eu vent de la

 22   chose à l'époque, c'est-à-dire s'agissant de la tenue de la 42e Session de

 23   l'assemblée en 1994, M. Karadzic a dit - et je précise qu'il s'agit de la

 24   pièce P1394, pages 81-82 du prétoire électronique - ce qui suit :

 25   "Nous avons remporté la bataille pour notre république le 18 mars. C'est la

 26   première fois qu'Alija a dit pour ou en faveur de trois Bosnie sur des

 27   bases ethniques, et ça a été fatal pour lui. C'était le moment où la Bosnie

 28   s'est effondrée."


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  1   Et ensuite, il a dit :

  2   "S'ils nous avaient ignorés, s'ils étaient restés muets, et s'ils avaient

  3   reconnu la Bosnie, par la suite on aurait pu dire que des rebelles sont

  4   allés faire péricliter leur propre Etat et on aurait eu des problèmes

  5   graves."

  6   Alors, à la 37e Session de l'assemblée, il a été expliqué - et je pense que

  7   c'était en 1994 - que pour la première fois de l'histoire un Etat était en

  8   train de se décomposer après sa reconnaissance et que la communauté

  9   internationale était en train de l'accepter.

 10   Alors, est-ce que vous aviez su que le Dr Karadzic et d'autres membres de

 11   la direction des Serbes de Bosnie avaient pris des positions en ce sens

 12   pour dire que la Bosnie-Herzégovine avait substantiellement pris fin en

 13   tant qu'Etat du fait de cet accord de principe ?

 14   R.  Pour autant que je puisse le voir, cette déclaration du Dr Karadzic est

 15   datée de 1994, comme vous venez de le dire, et non pas tout de suite après

 16   la formulation du plan de Cutileiro. Ça exprime une situation qui, à ce

 17   moment-là, était celle qui se présentait, c'est-à-dire que l'Etat commun de

 18   Bosnie-Herzégovine ne fonctionnait pas en tant que tel. La situation

 19   factuelle en Bosnie-Herzégovine allait à l'encontre de ce qu'un Etat

 20   devrait avoir pour être reconnu et respecté en tant qu'Etat indépendant. Et

 21   dans cette déclaration, je ne vois rien de particulier, si ce n'est un peu

 22   d'euphorie. Parce que toutes les autres déclarations du Dr Karadzic au

 23   niveau de l'assemblée de la Republika Srpska et ailleurs dans des

 24   interviews allaient dans le sens opposé, à savoir que le minimum qu'ils

 25   demandaient en Bosnie-Herzégovine, c'était la protection de leurs droits

 26   fondamentaux en leur qualité de peuple constitutif, et pour avoir une vue

 27   d'ensemble, il faudrait se pencher sur la totalité de ces interviews et

 28   déclarations pour se faire une image plus complète que celle que vous êtes


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  1   en train d'extraire.

  2   Q.  Monsieur Jovanovic, vous étiez présent, n'est-ce pas, à la date du 21

  3   janvier 1993 lors de la tenue de ce conseil de coordination, où M. Cosic a

  4   parlé de la reconnaissance par les soins de Lord Owen pour ce qui est de

  5   leur intention de créer un Etat dans un Etat et du fait que les débats

  6   relatifs à la circonspection d'un territoire serbe des Serbes de Bosnie

  7   avait justement traduit les objectifs politiques formulés par Lord Owen.

  8   Est-ce que vous vous en souvenez ou vous voulez que je vous le montre sur

  9   l'écran ?

 10   R.  Je ne pense pas m'en souvenir exactement mais Lord Owen avait été le

 11   premier à formuler une idée d'organisation de la Bosnie-Herzégovine à

 12   l'avenir sur des bases confédérales, et il est parti d'un principe

 13   ethnique. Le fait de parler, de prêter ces propos au président Cosic, ça

 14   n'avait rien de nouveau. Parce qu'au final, la Bosnie-Herzégovine actuelle,

 15   celle de Dayton, est constituée de deux entités. Ce ne sont pas des Etats

 16   indépendants, mais ce sont des entités étatiques qui sont reconnues par le

 17   contrat de la création ou l'accord de création de cet Etat. Lord Owen était

 18   en quelque sorte le père de l'idée en milieu de l'année, enfin en mi-1994

 19   et c'était une idée qui était reprise par les accords. Donc cette idée qui

 20   est attribuée au président Cosic, moi je n'y vois rien de particulièrement

 21   nouveau.

 22   Q.  M. Cosic a dit à la date du 21 janvier 1993, qu'un Etat, un Etat des

 23   Serbes de Bosnie, était "notre objectif et volonté politique principale",

 24   et deux semaines plus tôt seulement, à l'occasion d'un conseil précédemment

 25   tenu pour l'harmonisation des points de vue ou conseils de coordination, le

 26   Dr Karadzic avait dit quelque chose de ce genre aussi : "Nous ne

 27   reconnaissons pas la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant et

 28   souverain. A la place, nous avons créé notre propre Etat sur la base du


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  1   droit à l'autodétermination et à l'autogestion." C'était la position des

  2   Serbes de Bosnie, création d'un Etat propre et non pas la reconnaissance de

  3   la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

  4   R.  La Bosnie-Herzégovine avait été reconnue en avril 1992 sur le plan

  5   international. Donc, il n'était point nécessaire de reposer la question a

  6   posteriori. Mais pour ce qui est d'un Etat des Serbes de Bosnie en Bosnie-

  7   Herzégovine, c'avait été leur objectif, à compter de la mi-1993 et au-delà,

  8   et ça s'est réalisé par les accords de Dayton. Ils ont leur Etat, c'est-à-

  9   dire leur entité, qui est respecté et c'est l'un des piliers de cette

 10   Bosnie-Herzégovine indépendante de nos jours. Ce que M. Cosic a dit, il

 11   s'est peut-être exprimé à tort et à travers. Mais cet Etat serbe que nous

 12   avions n'était pas contraire au fait de la Bosnie-Herzégovine

 13   internationalement reconnue puisque celle-ci était reconnue depuis avril

 14   1992 déjà.

 15   Q.  Je veux parler de certains aspects de cet Etat et également de la

 16   question de tous les Serbes au sein du même Etat. Je vous l'ai déjà

 17   annoncé, et je voudrais attirer votre attention sur certaines des

 18   déclarations qui ont été faites, qui sont donc allées au-delà des simples

 19   desideratas ou de ce dont on a pu rêver. Le 25 février 1992, lors de la 8e

 20   Session du parlement des Serbes de Bosnie, M. Krajisnik a dit :

 21   "Nous avons l'opportunité de maintenir les Serbes au sein d'un seul et

 22   unique Etat en Bosnie-Herzégovine, qui pourra devenir une partie de

 23   l'empire serbe."

 24   Le 9 janvier 1994, lors de la session solennelle du parlement des Serbes de

 25   Bosnie, le Dr Karadzic a déclaré : 

 26   "Notre but est de nous réunir avec la Serbie. Nous ne nous cachons pas de

 27   cela."

 28   P5525 est le numéro de cote concerné, page 12.


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  1   Un peu plus tard en janvier 1994, lors de la 38ème Session, pièce P1387 :

  2   "Notre objectif de réunification avec la Krajina et la Serbie est toujours

  3   valable."

  4   Le 21 août 1994, M. Krajisnik déclare :

  5   "Notre objectif est que tout ce pourquoi nous nous battons aujourd'hui

  6   devienne un Etat unifié. Que Dieu le permette. Tout le territoire

  7   actuellement appelé Republika Srpska ou Krajina serbe sera la Serbie."

  8   Monsieur Jovanovic, est-ce que vous nous dites que vous étiez au courant ou

  9   que vous n'étiez pas du tout au courant de telles prises de position de la

 10   part de M. Karadzic et d'autres personnalités de la direction bosno-serbe,

 11   à savoir que l'objectif de long terme était la réunification des Serbes de

 12   Bosnie avec la Serbie ?

 13   R.  Je vous remercie. Tout d'abord, je voudrais vous rappeler que tous les

 14   Serbes étaient réunis au sein de la République fédérale de Yougoslavie. Ils

 15   ont cessé de l'être à partir du moment où cet Etat a été brisé par d'autres

 16   puissances. Le plan de Cutileiro, les Serbes de Bosnie y ont donné leur

 17   accord en Bosnie-Herzégovine, à condition qu'il y ait trois cantons. Et

 18   malgré l'acceptation des Serbes, et c'est une situation qui est advenue

 19   dans le cas --

 20   Q.  Excusez-moi, je n'ai aucun plaisir particulier à vous interrompre,

 21   Monsieur Jovanovic, mais comme vous pourrez le voir à l'écran, je vous

 22   demandais simplement si vous étiez ou non au courant de telles prises de

 23   position.

 24   R.  Oui, oui, oui. Et c'est précisément ce que je souhaite vous expliquer.

 25   Après cela, après le début de la guerre, cette option d'une Bosnie-

 26   Herzégovine indépendante n'était plus d'actualité, d'autres options ont vu

 27   le jour et chacun avait la sienne. Chacun voyait les choses de façon

 28   différente.


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  1   Moi, je n'ai pas nécessairement remarqué tout cela au moment où

  2   j'étais en poste parce que tous ces événements et les informations

  3   correspondantes ne nous parvenaient pas nécessairement à temps, et ne

  4   parvenaient pas certainement pas à moi. Il y a eu, je crois, des

  5   dispositions d'esprit qui étaient plus marquées par la rêverie que par le

  6   sens des réalités ou le pragmatisme. Leur objectif peut s'être exprimé de

  7   différentes façons mais en substance, ce qui compte, c'est que cela leur

  8   était suggéré par la Serbie, et l'essentiel, c'était qu'ils devaient se

  9   mettre d'accord avec les deux autres parties pour obtenir la liberté et

 10   l'égalité de traitement, et c'était là l'objet même de leurs efforts. Quant

 11   à des déclarations euphoriques qui ont pu être faites par untel ou untel à

 12   certains moments, eh bien, c'est quelque chose qui peut toujours se

 13   produire dans le feu de l'action mais cela n'a absolument aucun poids

 14   lorsque l'on s'intéresse à une évaluation juste de la situation telle

 15   qu'elle a pu se présenter.

 16   Q.  Eh bien, j'y reviendrai, mais ce n'est pas la première fois dans vos

 17   réponses que vous faites une distinction entre les positions prises par les

 18   Serbes de Bosnie à l'époque des négociations sous l'égide de Cutileiro

 19   d'une part, et les positions qu'ils ont prises après, d'autre part. Donc,

 20   concernant ce que je vous ai déjà demandé un peu plus tôt, à savoir la

 21   question de savoir si la Bosnie était un Etat, en réalité, Monsieur le

 22   Témoin, la première des propositions du plan Cutileiro, des principes

 23   avancés, était que la Bosnie était un Etat et il a toujours été affirmé

 24   qu'elle était un Etat, mais la direction bosno-serbe, cela, ne l'a jamais

 25   accepté. C'est la réalité, n'est-ce pas, qu'on l'envisage plus tard dans le

 26   temps ou à l'époque des négociations ?

 27   R.  Non, je ne saurais pas d'accord avec vous parce que par l'accord qu'ils

 28   ont donné au plan Cutileiro, ils ont donné leur accord également à l'idée


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  1   d'avoir la Bosnie comme Etat, c'était inséparable l'un de l'autre.

  2   Deuxièmement, ils ont accepté les accords de Dayton. Et ils continuent

  3   aujourd'hui encore à respecter l'engagement pris, tant que leurs droits

  4   sont respectés au sein de cette Bosnie. Par l'éclatement de la guerre en

  5   Bosnie-Herzégovine, on est en fait entré dans une situation nouvelle, tout

  6   à fait irrégulière et extrêmement dangereuse, situation dans laquelle moi

  7   je comprends qu'il ait pu y avoir un certain nombre de prises de positions

  8   ou de déclarations complètement illusoires, irréalistes, extravagantes

  9   même, de la part des uns comme des autres, y compris de la part des Bosno-

 10   Serbes. Je ne vais pas vous décrire -- je n'accorderais pas beaucoup de

 11   poids à de telles déclarations et je paierais davantage d'attention, en

 12   revanche, au processus de paix de 1992 à 1995 dans lequel les Serbes ont

 13   joué un rôle éminent.

 14   Q.  Vous n'êtes pas d'accord avec ce que M. Karadzic et d'autres ont dit

 15   lors de la 49e Session de l'assemblée --

 16   M. TIEGER : [interprétation] Pièce P1407, pages 116 à 117.

 17   Q.  "La première proposition des principes avancés par Cutileiro, si vous

 18   vous en souvenez, était que la Bosnie était un Etat constitué de ceci, et

 19   cetera, mais il a toujours été dit que la Bosnie était un Etat et nous

 20   n'avons jamais accepté cela."

 21   Alors, nous parlons du Dr Karadzic et de ce qui a été dit au sujet de tous

 22   les Serbes dans le même Etat. Vous avez dit que vous n'étiez pas au courant

 23   de cela, et c'est la position que vous avez prise lors de votre déposition

 24   dans l'affaire Milosevic, à plusieurs reprises vous avez nié que l'idée de

 25   réunir tous les Serbes au sein du même Etat ait pu se trouver à la base

 26   même des objectifs poursuivis par tout un chacun, de part et d'autre de la

 27   Drina. Je me réfère ici à la page 36 367 de votre déposition dans l'affaire

 28   Milosevic. C'était bien votre position à l'époque, n'est-ce pas, et vous la


Page 34305

  1   maintenez lors de la présente déposition ?

  2   R.  Oui, mais n'oublions pas qu'il n'y a aucun peuple qui ait été partagé

  3   et qui n'aspire pas à une réunification. C'est un phénomène universel et

  4   fondamental qu'on observe dans tous les peuples qui ont été séparés. Et

  5   cette division des Serbes était toute récente, elle est intervenue juste

  6   après le démantèlement de l'Etat commun. Donc il n'est absolument pas

  7   étonnant d'avoir pu observer une forme de bouillonnement de ces désirs

  8   d'unification au sein d'un Etat commun. Ceci dit, cela ne reflète pas la

  9   réalité politique et encore moins les objectifs serbes. L'idée d'une

 10   Grande-Serbie réunissant tous les Serbes était quelque chose de tout à fait

 11   irréaliste qui n'a absolument pas été poursuivi par les dirigeants serbes

 12   officiels. Donc, de telles déclarations faites par des individus du côté

 13   des Serbes de Bosnie, je les considère davantage comme l'expression d'une

 14   certaine forme de désespoir et une façon qu'ils avaient de se consoler par

 15   leur propre grandiloquence, en quelque sorte.

 16   Q.  Alors, peut-être que cela ne correspondait pas à la politique

 17   officielle, la politique serbe officielle, mais je voudrais attirer votre

 18   attention sur un certain nombre de choses qui ont été déclarées malgré tout

 19   et consignées lors de la séance de janvier 1993 du conseil visant

 20   l'harmonisation des positions. M. Cosic :

 21   "A mon sens, nous devons nous réconcilier et enfin nous mettre d'accord sur

 22   le fait que notre objectif politique principal est celui de vivre dans un

 23   seul Etat ou dans une fédération d'Etats et que ceci est l'objectif à long

 24   terme que nous devons nous efforcer d'atteindre étape par étape".

 25   Ensuite, M. Karadzic, lors de la séance du 9 janvier 1993 du conseil de

 26   coordination, pièce numéro 0645 sur la liste 65 ter, page 68 en anglais et

 27   page 67 en B/C/S, je cite, la teneur est la même :

 28   "C'est l'objectif à long terme qui ne peut être atteint qu'étape par étape


Page 34306

  1   et progressivement".

  2   Et ensuite, vos propres propos lors de la séance toujours du 9 janvier 1993

  3   de ce conseil chargé d'harmoniser les positions :

  4   "Nous devons tirer de cela la conclusion suivante : les conditions de la

  5   communauté internationale ne permettent pas la réalisation du rêve de

  6   réunir tous les Serbes au sein d'un même Etat".

  7   Page 25 en anglais et en B/C/S.

  8   Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous vous rappelez cette déclaration

  9   qui est la vôtre, et reflète-t-elle fidèlement ce qu'était votre propre

 10   position au mois de janvier 1993 ?

 11   R.  Je ne vois là rien de contesté dans cette partie de ma déclaration que

 12   vous avez citée. Parce que le peuple serbe était divisé sous différentes

 13   puissances et empires, et c'était un rêve multiséculaire des Serbes que

 14   celui de vivre au sein d'un seul et même Etat. Quant au fait que la

 15   communauté internationale n'ait pas souhaité que cela puisse advenir,

 16   c'était un constat d'où il fallait partir. Et ce n'était certainement pas

 17   un objectif politique qu'on pouvait poursuivre. C'était tout à fait

 18   dépassé, donc en janvier 1993, c'était la nouvelle étape du processus de

 19   paix qui était en préparation, l'étape la plus prometteuse. Et lors de

 20   cette réunion, nous avons constaté que chacun avait son propre point de

 21   vue. Le président Cosic était un homme de lettres qui avait une

 22   interprétation un peu plus libre de tout cela et qui était moins centré sur

 23   la réalité. Et moi, ce que j'ai dit à cette occasion était tout à fait à sa

 24   place et je n'aurais absolument rien à y ajouter.

 25   Q.  Vous avez souligné à plusieurs reprises qu'il ne s'agissait pas d'un

 26   objectif politique pratique à l'époque, mais en réalité, vous-même, le Dr

 27   Karadzic, M. Cosic et d'autres membres de la direction serbe et bosno-serbe

 28   ont insisté pour dire que cet objectif était bien réel et qu'il devait être


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  1   mis en œuvre progressivement, étape par étape, n'est-ce pas ?

  2   R.  Eh bien, l'Etat commun dans lequel tous les Serbes et les autres

  3   vivaient ensemble avait été détruit. Mais cela ne signifiait pas que le

  4   rêve de voir de nouveau advenir la même configuration avait, lui aussi,

  5   disparu, cela n'aurait été possible qu'à travers un processus plus large,

  6   de plus grande ampleur. Pour nous, il s'agissait de l'intégration

  7   européenne, processus en vertu duquel tous auraient de nouveau vécu dans le

  8   même cadre. Il restait à voir dans lequel exactement.

  9   Donc, cela ne peut être retenu contre ceux qui étaient responsables

 10   des différents fragments du peuple serbe à l'époque, et qui avaient en tête

 11   la nécessité de créer de nouveau à l'avenir un Etat commun. Parce que tous

 12   les Etats ont cet objectif. Les Albanais aujourd'hui rêvent d'un Etat

 13   commun. Les habitants de Chypre, les Grecs, les Roumains également, donc

 14   c'est quelque chose de tout à fait ordinaire, mais dans le cas qui nous

 15   intéresse, ceci a été rejeté en tant qu'objectif irréaliste.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une correction. Lignes 16, 17 du compte

 17   rendu d'audience, le témoin a dit que dans l'ancien Etat commun, tous les

 18   Serbes vivaient ensemble et également tous les autres. Il a dit tous les

 19   Serbes et les autres.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Et j'ajouterais qu'au sein de cet Etat fédéral

 21   conjoint, nous étions tous grands, et que par sa disparition, nous sommes

 22   tous devenus petits, et que c'était là l'objectif poursuivi par quelqu'un

 23   d'autre.

 24   M. TIEGER : [interprétation]

 25   Q.  Vous dites, Monsieur Jovanovic, que vous avez rejeté ce rêve à cause de

 26   l'impossibilité de le réaliser, mais en janvier 1993 vous reconnaissiez

 27   tout simplement qu'à ce moment-là ce rêve ne peut être réalisé. C'est en

 28   page 25 du compte rendu de cette séance du conseil chargé d'harmonisation


Page 34308

  1   des positions, et en page suivante, 26 en anglais, mais toujours 25 en

  2   B/C/S, vous dites, vous décrivez "la première phase de notre combat pour

  3   nos objectifs nationaux".

  4   Donc, la réalité est que ceci est bien resté votre objectif devant être mis

  5   en œuvre étape par étape dans la mesure où la réalité le permettait à un

  6   moment particulier.

  7   R.  Je ne vois rien qui ne soit pas naturel là-dedans. Tout peuple qui est

  8   dispersé entre différents Etats a pour objectif naturel de se réunir à

  9   l'avenir d'une façon ou d'une autre, mais cela ne signifie pas qu'on entend

 10   réaliser cela du jour au lendemain. Cela peut prendre une centaine d'années

 11   ou peut-être un millier d'années. Donc, il ne faut pas faire tout un

 12   fromage de ceci. Nous voyons qu'il y a une forme d'idéalisme dans ce genre

 13   de prise de position, mais que ceci est tout à fait inacceptable du point

 14   de vue de la Serbie. Nous n'avons fait aucune concession en la matière.

 15   Nous avons systématiquement affirmé notre objectif selon lequel la

 16   République de Bosnie-Herzégovine devait être organisée de façon à permettre

 17   l'acceptation de cette dernière par chacun des trois peuples. Cela, nous

 18   l'avons accepté. Il n'y avait pas de possibilité pour la Serbie de

 19   s'étendre au-delà de la Drina sur le plan territorial.

 20   Q.  Passons à la question du territoire. Vous étiez au courant, n'est-ce

 21   pas, qu'il y avait une carte adjointe à l'accord de principe dans le cadre

 22   du plan Cutileiro ?

 23   R.  Oui, j'étais au courant de l'existence d'une carte et je ne m'en

 24   souviens pas à cet instant précis, mais j'étais au courant.

 25   Q.  Est-ce que vous savez également que cette carte donnait les majorités

 26   absolues et relatives dans toutes les municipalités de Bosnie et présentait

 27   ces rapports de force démographiques en tant que point de départ pour les

 28   discussions quant à ce que le territoire de chacune des trois entités


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  1   devait être ?

  2   R.  Excusez-moi. Comment dire ? Je n'ai pas participé à ces pourparlers.

  3   Donc, je n'entrais pas dans les détails de la question de savoir qui était

  4   majoritaire dans telle ou telle municipalité. Je me suis davantage attaché

  5   à la délimitation des cantons dans la version finale du plan, leur

  6   délimitation et leur taille.

  7   Q.  Je vais vous présenter rapidement cette carte. Document D486.

  8   Les cantons rouges représentent des cantons à majorité serbe ou à

  9   majorité relative serbe. En vert, c'est la même chose pour les Musulmans,

 10   notamment donc pour les zones du centre, de l'est et de l'extrême ouest de

 11   la Bosnie.

 12   Est-ce que vous saviez, Monsieur Jovanovic, que les dirigeants bosno-

 13   serbes et le Dr Karadzic en particulier n'aimaient pas cette carte et

 14   qu'ils ont été ravis lorsque ceci n'a pas été accepté ?

 15   R.  Je ne suis pas sûr que les deux autres parties aux négociations

 16   aient apprécié cette carte. Chacun avait ses propres préférences. Mais le

 17   fait est, cependant, qu'ils avaient accepté cette carte, et ce n'est pas la

 18   peine de revenir sur le fait de savoir pourquoi ce n'est pas devenu une

 19   réalité en Bosnie. Ici, on peut voir les différentes régions où l'une ou

 20   l'autre des parties est en majorité. C'est une carte bien connue.

 21   Q.  Tout d'abord, ce n'était pas vraiment une carte qui nécessitait

 22   d'accepter quoi que ce soit puisqu'il s'agissait du reflet de la

 23   répartition démographique à un moment donné suite à un recensement, n'est-

 24   ce pas, et je parle de la période de l'éclatement de la Bosnie-Herzégovine,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Vous parlez de la carte du plan Cutileiro ? Il est possible que

 27   Cutileiro ait commencé par se pencher sur la situation telle qu'elle

 28   existait à l'époque, et les trois parties ont accepté cette carte.


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  1   Q.  Mais comme je vous l'ai dit -- enfin, vous ne saviez pas donc que le Dr

  2   Karadzic n'appréciait pas cette carte, et plus particulièrement ce qu'il

  3   n'appréciait tout particulièrement pas, c'était la représentation de la

  4   partie extrême est de la Bosnie, ainsi que Sarajevo et la vallée de la

  5   Neretva. Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

  6   R.  Je n'avais que très peu d'information, et ce peu d'information, je l'ai

  7   oubliée, parce qu'une fois que le plan n'a pas été accepté, les pires

  8   choses ont commencé à se produire en Bosnie. Il est certain que le Dr

  9   Karadzic n'aimait pas certaines parties de la solution, parce que certains

 10   des cantons étaient séparés les uns des autres et, par exemple, vous aviez

 11   d'autres cantons tels que, par exemple, le canton de la Posavina qui était

 12   séparé d'autres, mais cela faisait partie, en fait, des négociations et du

 13   compromis. Ils devaient accepter cela. Les couleurs figurant sur cette

 14   carte représentent les groupes ethniques majoritaires dans telle ou telle

 15   région. Le plan commençait par le principe de co-existence entre les

 16   populations majoritaires et les populations minoritaires, et à partir de

 17   cela, il semblait que ce soit une bonne solution pour la Bosnie dans son

 18   ensemble. Malheureusement, ce plan n'a pas vu le jour, et comme nous le

 19   savons, les choses ont évolué différemment, et ceci a modifié du tout au

 20   tout l'avenir de la Bosnie-Herzégovine.

 21   Q.  Mais vous saviez que les dirigeants bosno-serbes avançaient qu'une

 22   grande partie du pourcentage de Bosnie-Herzégovine devait leur revenir, et

 23   vous saviez qu'ils essayaient de le justifier en partie en mentionnant des

 24   registres du cadastre et des cartes de celui-ci. C'est au paragraphe 45 de

 25   votre déclaration, n'est-ce pas ? Ainsi qu'au paragraphe 51.

 26   R.  Oui. Les dirigeants serbes de Bosnie rappelaient très souvent qu'ils

 27   pensaient avoir droit à 64 % du territoire sur la base du cadastre. Ceci

 28   était en fait un héritage historique, parce que les Bosno-Musulmans et les


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  1   Bosno-Catholiques étaient principalement dans les villes, alors que l'autre

  2   groupe majoritaire vivait principalement à la campagne, d'où ce que l'on

  3   trouvait dans le cadastre, et c'est l'histoire qui a voulu cela.

  4   Q.  Vous avez mentionné à plusieurs reprises M. Milosevic durant votre

  5   déposition d'aujourd'hui et durant votre participation à ce procès de

  6   manière générale. Est-ce que vous saviez que M. Milosevic lui-même a en

  7   fait tourné en ridicule et a critiqué cette position comme étant évidemment

  8   absurde ?

  9   R.  Désolé. Voulez-vous parler du pourcentage, du 64 %, à la question --

 10   Q.  Non, que les Bosno-Serbes avaient droit à un pourcentage tellement

 11   élevé du territoire de Bosnie en raison des inscriptions cadastrales et du

 12   fait qu'ils détenaient ce pourcentage de la Bosnie en termes de terre.

 13   R.  Pour autant que je sache, M. Milosevic ne comprenait pas vraiment la

 14   raison d'être de cet argument. En fait, c'était un homme de ville, et après

 15   il s'est rendu compte que cet argument avait un certain poids. Ce n'était

 16   pas, en fait, une propriété de l'Etat, mais une propriété terrienne, de

 17   personnes ressortissant ou appartenant au groupe ethnique serbe, et que,

 18   donc, cet argument avait un poids dans les discussions. Ça ne peut pas être

 19   le seul argument à être adopté de manière absolue, mais ceci pouvait être

 20   pris en compte et pouvait entrer en considération en ligne de compte dans

 21   les négociations.

 22   Q.  Vous mentionnez ensuite qu'en novembre 1995 il a dit, et vous parlez

 23   donc de ce qu'avançaient les Bosno-Serbes, à savoir que l'offre du Groupe

 24   de contact consistant à proposer 50 % du territoire était injuste. Et il

 25   dit : 

 26   "C'est injuste pour le peuple serbe, même s'il y a 31 % de Serbes en

 27   Bosnie, 31 % obtient la moitié du territoire, alors que 70 % obtient

 28   l'autre moitié. Il y en a qui ont, cependant, répondu à l'appel du pied,


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  1   parce que les Serbes détiennent 62 % du territoire. Mais il est clair que

  2   ce concept de propriété n'est pas une propriété commune du point de vue

  3   social, mais il s'agit en fait de propriétaires terriens, puisque les

  4   champs, les montagnes, les prés ne sont pas la propriété de qui que ce

  5   soit. Quels sont les propriétaires, vraiment, de ce genre de terre ou de

  6   parcelle ?"

  7   C'est ce que l'on peut trouver à la page 6 en version anglaise et en

  8   version B/C/S de la pièce P2604. C'est ce que M. Milosevic a annoncé au

  9   Conseil suprême de la Défense lors de sa réunion de novembre 1995.

 10   R.  A l'époque, je n'étais pas à Belgrade et je n'étais pas au courant de

 11   cela. Cependant, je me dois de rajouter quelque chose. La propriété

 12   terrienne privée a été en fait transposée en propriété sociale commune,

 13   mais les propriétaires terriens, notamment pour les petites parcelles de

 14   terre, ces propriétaires sont restés propriétaires de leurs terres. Le

 15   titre de propriété n'a pas été converti. Et d'ailleurs, dans une période de

 16   transition, les terres ont dû être rétrocédées à leurs propriétaires de

 17   départ. Milosevic n'entretenait pas de bonnes relations avec les dirigeants

 18   de la Republika Srpska, parce que ceci s'est passé à l'époque de Dayton et

 19   il eut le dernier mot, parce que c'est ce qu'il a fait. Et sa déclaration,

 20   selon moi, rentre dans le cadre de sa mauvaise opinion des dirigeants de

 21   Republika Srpska en tant que négociateurs, parce qu'il pensait qu'il était

 22   meilleur dans la négociation qu'eux et il pensait qu'il pourrait atteindre

 23   de biens meilleurs objectifs par rapport à des gens qui jouaient le rôle

 24   plutôt de défendeurs qu'autre chose.

 25   Q.  En ce qui concerne les revendications territoriales bosno-serbes au

 26   sein de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous saviez ou pas que les Bosno-

 27   Serbes, et plus particulièrement le Dr Karadzic, revendiquaient des

 28   territoires en Bosnie-Herzégovine dans des régions où ils représentaient


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  1   une minorité en raison des événements de la Deuxième Guerre mondiale ? Est-

  2   ce que vous le saviez ou pas ?

  3   R.  Ce n'est pas ainsi que je comprenais les choses, mais je le savais, je

  4   le sais toujours, un certain nombre de Serbes de Bosnie-Herzégovine ont

  5   disparu durant la Deuxième Guerre mondiale. Ils ont été tués de manière

  6   bestiale ou ils ont été expulsés. Cela signifie qu'il y a eu moins de

  7   Serbes vivants en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit d'un crime de génocide et

  8   on ne peut pas considérer que ceci ne s'est jamais produit. Et c'était le

  9   point de vue que je comprenais dans l'argument du Dr Karadzic.

 10   Q.  En fait, il l'a dit en votre présence le 9 janvier 1993 durant les

 11   discussions du conseil pour l'harmonisation.

 12   R.  C'est possible.

 13   Q.  Lorsqu'il parlait des territoires qu'il considérait comme étant de

 14   droit des territoires bosno-serbes, il mentionnait quelque chose d'assez

 15   similaire à ce que vous venez de dire, c'est-à-dire qu'il montrerait le

 16   recensement de 1931, et qu'il s'agissait ici de l'histoire qui était en

 17   question. Mais quand on lui a dit : "Ceci relève de l'histoire et pas de

 18   quelque chose de contemporain", il a dit : "Mais ceci est en fait la

 19   continuité de la Deuxième Guerre mondiale".

 20   R.  Je pense que ce qu'il a dit est assez exact, parce qu'en fait il y a eu

 21   un réel génocide qui a été commis contre les Serbes. Ceci n'a pas été

 22   inventé. Ceci s'est produit dans l'Etat indépendant de Croatie. Personne ne

 23   peut nier cela, puisque les Allemands présentaient des chiffres. Entre 300,

 24   400, voire 600 000 personnes ont disparu, ont été tuées de manière sauvage.

 25   Q.  Je comprends qu'il s'agit d'une question sensible et j'hésite à vous

 26   interrompre ici, mais je voudrais me concentrer sur le concept plutôt que

 27   sur la toile de fond.

 28   Est-ce que vous saviez, qu'entre autres, certaines raisons associées à ces


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  1   revendications de territoire en Bosnie-Herzégovine étaient de l'ordre

  2   stratégique, parce que les Bosno-Serbes voulaient se concentrer sur des

  3   territoires spécifiques au sein de la Bosnie-Herzégovine qu'ils

  4   considéraient comme devant appartenir aux Bosno-Serbes et qui, par

  5   conséquent, devraient être détenus par les Bosno-Serbes ?

  6   R.  Je ne sais pas ce que l'on entend précisément par là, mais

  7   effectivement il y avait une stratégie de la part des trois parties

  8   belligérantes visant à conceptualiser leurs lignes géographiques pour

  9   correspondre à leurs intérêts stratégiques. Dans ses propositions, Lord

 10   Owen a gardé ceci à l'esprit lorsqu'il a intentionnellement interrompu les

 11   lignes de démarcation entre les cantons serbes et les autres. Ceci relève

 12   de la politique. Tout le monde essaie d'atteindre ses propres objectifs et,

 13   bien sûr, si cela s'avère impossible, il faut abandonner certains

 14   objectifs. Les Musulmans ont énormément insisté pour avoir un lien avec la

 15   région de Sandzak et la Serbie, et ils avaient probablement également

 16   certaines aspirations qui étaient les leurs. Et c'est la raison pour

 17   laquelle ils voulaient que cette transversale, que l'on appelait la

 18   transversale verte, soit ininterrompue jusqu'à Sarajevo. Maintenant, dans

 19   quelle mesure est-ce un rêve --

 20   Q.  Un rêve ? Eh bien, voyons ce que le Dr Karadzic vous a dit à vous et à

 21   d'autres personnes présentes durant les réunions du conseil d'harmonisation

 22   en janvier 1993. Page 96 en anglais, et 95 à 96 en B/C/S/, où il est

 23   mentionné que : 

 24   "La Neretva ne peut pas faire l'objet de disputes mais on peut vivre

 25   sans Neretva; cependant, on ne peut pas vivre sans Podrinje et sans la

 26   Posavina".

 27   Cela signifie que : 

 28   "Il est impossible de constituer un Etat sans les intégrer à


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  1   l'avenir".

  2   Il s'agit donc d'une réflexion sur les objectifs stratégiques que

  3   vous avez mentionnés dans votre réponse il y a quelques instants, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Il est évident que les personnes qui sont loin, en fait, du centre de

  6   gravité souhaitent s'en rapprocher et, dans la mesure du possible, d'avoir

  7   en fait des bandes de terre qui les ramènent à ce centre de gravité. Et les

  8   hommes politiques musulmans essayaient de pratiquer exactement la politique

  9   inverse pour rendre cette réunion impossible. Mais tout ceci relève des

 10   aspirations de chacun. Et dans les négociations, il faut essayer de

 11   répondre aux aspirations du plus grand nombre. La politique, elle est

 12   toujours composée d'objectifs minimums et d'objectifs maximums.

 13   Q.  Alors, Monsieur Jovanovic, parlons de ces objectifs qui ont été

 14   atteints, parce que vous saviez, n'est-ce pas, que les dirigeants bosno-

 15   serbes et le Dr Karadzic voulaient absolument que ce que l'on peut appeler

 16   la situation de facto soit mise en œuvre, n'est-ce pas ?

 17   R.  Cette situation de facto, comme vous l'appelez, elle ne découlait pas

 18   uniquement des Serbes, mais également d'autres personnes, Lord Owen a

 19   également regardé la situation sur le terrain, la situation de facto, pour

 20   voir comment aller de l'avant. Une guerre civile, avec certains aspects

 21   d'une guerre de religions, faisait rage depuis trois ans et demie avec

 22   toutes ses dimensions terribles et ceci a également amené à des mouvements

 23   de populations suite aux activités de guerre.

 24   Ceci ne pouvait pas être ignoré dans les négociations et les

 25   pourparlers pour la paix. Cependant, ceci est inévitable dans une situation

 26   de guerre. Ceci amène toujours à des changements de délimitations de

 27   territoires et également tout ceci doit être pris en compte dans le

 28   processus de paix.


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  1   Q.  Donc, nous voyons la répartition démographique de Bosnie-Herzégovine

  2   avant le conflit. C'est aux pages 63, ou plutôt 61 à 62 en B/C/S, et 63 en

  3   anglais. Le Dr Karadzic attire l'attention sur des exemples sur la Drina,

  4   tels que Bratunac et Visegrad. Et en faisant référence à la situation

  5   factuelle, on peut voir qu'il s'agissait des zones majoritairement

  6   musulmanes. Est-ce que vous saviez qu'avant le conflit Bratunac était

  7   composée d'environ 11 400 Serbes et de beaucoup plus de Musulmans, et

  8   Visegrad de 13 300 Musulmans et de 7 000 Serbes. Ce sont les évolutions que

  9   mentionne le Dr Karadzic, évolutions des derniers mois qui s'étaient

 10   écoulés avant cette prise de parole ?

 11   R.  Je dois dire que j'étais bien loin d'être au courant de ce qui se

 12   passait dans les zones urbaines et des répartitions démographiques parce

 13   que la Bosnie était une terre inconnue, de ce point de vue-là pour moi.

 14   J'en ai ensuite appris beaucoup plus en ce qui concerne la proposition des

 15   populations dans différentes zones par le biais des médias, et quelques

 16   fois par le biais des représentants de la Republika Srpska lorsque ceux-ci

 17   faisaient des commentaires à cet effet. Et donc, je ne peux pas me

 18   considérer comme étant un expert en la matière dans le domaine

 19   démographique.

 20   Q.  Mais vous étiez informé du fait que la communauté internationale, en

 21   1992 pendant l'année et par la suite également, condamnait l'épuration

 22   ethnique des Musulmans et des Croates des zones majoritaires musulmanes et

 23   ailleurs par les forces des Serbes de Bosnie, qui entraînaient ou qui

 24   aboutissaient à une mouvance de la situation factuelle comme nous venons de

 25   le dire. Vous en étiez averti, n'est-ce pas ?

 26   R.  Bien sûr, j'en ai entendu parler de sources, tant intérieures

 27   qu'extérieures, et j'ai posé la question à la direction de la Republika

 28   Srpska en demandant de quoi s'agit-il. Et on m'a répondu que c'était une


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  1   crainte naturelle des populations qui est encerclée par l'autre bord. On

  2   veut éviter d'être avec eux, et se joindre aux territoires majoritaires de

  3   leur propre bord, et cette réimplantation s'est faite dans toutes les

  4   directions, y compris des Serbes venant de régions qui étaient contrôlées

  5   par les Musulmans et les Croates. Voici l'explication que j'ai reçue.

  6   Q.  Et quand vous êtes venu ici pour votre déposition dans l'affaire de M.

  7   Milosevic, vous avez été appelé par ses soins pour venir déposer, vous avez

  8   eu des difficultés à indiquer que M. Milosevic et vous-même aviez condamné

  9   l'épuration ethnique qui s'était tenue dans ces municipalités.

 10   R.  C'est exact. Toutes les rumeurs que nous avons entendues, nous avons

 11   exprimé une condamnation, tant en public qu'en privé. J'ai également

 12   proposé à Milosevic que ces combattants du dimanche, qui venaient de la

 13   Serbie à l'autre bord, qui tenaient des combats et qui revenaient lundi

 14   chargés de biens volés, que ces personnes soient déférées devant la justice

 15   et pas en cour martiale. Des personnes telles qu'Arkan et d'autres

 16   devraient être détenues en Serbie orientale ou quelque part, jusqu'à la fin

 17   de la guerre, car ils se conduisaient des armées privées. Ce qui n'était

 18   pas acceptable, pour autant que je l'ai vu, après quoi les combattants du

 19   dimanche ne traversaient plus le fleuve et ne procédaient plus à des

 20   pillages. C'étaient donc les combattants qui venaient de Serbie et qui se

 21   rendaient en Bosnie.

 22   Q.  Je voulais simplement que vous confirmiez ce que vous avez dit dans

 23   l'affaire Milosevic. Tout d'abord, les Serbes de Bosnie "ont été condamnés

 24   de toutes parts, et souvent à juste titre". Ça, c'est T3659.

 25   Vous avez dit également :

 26   "Nous avons condamné l'épuration ethnique en permanence par le

 27   bombardement de civils". Et ça, c'est à la page 36 421.

 28   Et vous avez condamné, dites-vous, tous les crimes par la reprise en main


Page 34318

  1   par la force, et des territoires de tous les côtés. Nous appuyons de façon

  2   financière, nos peuples, mais --". Ceci se trouve à la page --

  3   L'INTERPRÈTE : Une page que l'interprète n'avait pas saisie.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  5   M. TIEGER : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais passer aux paragraphes 53 et 64 de votre déclaration où vous

  7   parlez de la rencontre du 21 janvier 1993, donc réunion du conseil pour

  8   l'harmonisation des points de vue.

  9   Au paragraphe 64, vous déclarez, et je cite :

 10   "Ma position était que c'était moins dans l'intérêt stratégique des Serbes

 11   que les territoires nationaux soient homogénéisés et davantage qu'ils

 12   soient économiquement viables et que cette homogénéisation ne soit réalisée

 13   par des moyens violents, mais plutôt par des échanges pacifiques de

 14   population si les deux parties en convenaient".

 15   Eh bien, ce n'est pas exactement ce dont je me souviens de la façon dont je

 16   me souviendrais de vos propos. Si je me souviens bien, vous avez expliqué

 17   que l'homogénéisation nationale était un objectif stratégique, un but, et

 18   ce, sans aucune référence aux parties qui en auraient convenu. Donc si vous

 19   voulez bien consulter ce document, cela se trouve, la partie pertinente, en

 20   P00794. Page 2 en anglais et 3 en B/C/S. Je crois que nous pouvons nous

 21   appesantir pendant quelques instants.

 22   Vous y déclarez, je cite :

 23   "Le territoire qui est obtenu doit être homogénéisé du point de vue

 24   ethnique dès que faire se peut". Et vous expliquez que c'est parce que "…un

 25   but stratégique qui doit être recherché et qui doit être réalisé," et ce,

 26   par opposition, dites-vous : "En revanche, si la liberté de déplacement

 27   amène la liberté d'implantation et un mélange de population à notre

 28   détriment, ce qui aurait été obtenu connaîtra une érosion progressive, et


Page 34319

  1   d'ailleurs, par la suite, nous le perdrons."

  2   Donc, vous y soulignez le but stratégique de l'homogénéisation

  3   nationale et ethnique, n'est-ce pas ?

  4   R.  Dans cette déclaration j'ai souligné l'homogénéisation nationale, mais

  5   pas l'homogénéisation à tout prix viable. Du point de vue économique, ces

  6   territoires doivent exister même aux dépens de l'homogénéisation nationale

  7   et, bien sûr, les deux objectifs doivent être réalisés par des moyens

  8   pacifiques, et certainement pas par des moyens violents et certainement pas

  9   par la criminalité. Cette pratique des échanges de population ou le

 10   déplacement de population a été acceptée au niveau international il n'y a

 11   que quelques décennies. Prenons la dernière, l'Italie, la Yougoslavie. Ils

 12   avaient un accord sur les personnes qui avaient choisi, et les Italiens

 13   pouvaient quitter la Yougoslavie et recevoir des dédommagements. Et les

 14   Turcs, en 1993 -- qui avaient un accord avec les Turcs qui quittaient la

 15   Yougoslavie, la Macédoine et le Kosovo, c'est-à-dire --

 16   Q.  Monsieur Jovanovic, je ne vous demande pas de nous présenter d'autres

 17   exemples d'homogénéisation nationale ou ce que vous considériez comme étant

 18   une justification pour soulever la question du but stratégique que vous

 19   considérez qui doit être recherché. Je veux simplement que vous confirmiez

 20   la réalité de cette déclaration par opposition aux paragraphes 53 et 64.

 21   Alors, il n'en reste pas moins que ce n'est pas la première fois que vous

 22   aviez soulevé des préoccupations sur la structure démographique de l'Etat

 23   bosno-serbe. Deux semaines plus tôt, le 9 janvier 1993, lors du conseil

 24   précédent d'harmonisation, vous avez souligné une disposition dans le plan

 25   Vance-Owen concernant la liberté de déplacement et exprimé l'inquiétude que

 26   ceci pourrait, en fait, aller à l'encontre de la structure démographique

 27   qui avait été créée depuis le début du conflit; exact ?

 28   R.  Je ne me souviens pas du menu détail, car c'était il y a 20 ans, mais


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  1   c'est ce que j'ai dit dans le contexte de la préparation du renouvellement

  2   du processus de paix qui avait commencé en janvier 2003.

  3   Puisque la situation était déclarée telle que sur le terrain, je

  4   voulais souligner que tous les moyens violents devaient être évités et que

  5   cette homogénéisation, cet échange de population, devrait être réalisée, et

  6   ce, seulement de façon volontaire, accompagnée de dédommagement. Et je

  7   crois que le texte indique également mon opposition à l'épuration ethnique

  8   sous cette forme et à toute forme de violence.

  9   Eh bien, voyez-vous, c'était là des préparatifs du renouvellement du

 10   processus de paix où différentes idées étaient présentées et où des

 11   différents moyens étaient recherchés pour savoir comment procéder à

 12   d'autres tractations dans le droit-fil de ce que Lord Owen avait à

 13   l'esprit. Il n'a pas prononcé ces propos jusqu'à l'été de cette année,

 14   c'est-à-dire que la Bosnie, son avenir, devrait reposer sur des principes

 15   ethniques et que ce qui devrait être reconnu c'est qu'il y ait un échange -

 16   - non, plutôt, pas un échange, mais des mouvements de population et de

 17   différentes directions, ce qui ne pourrait être refusé. D'aucuns par la

 18   force, d'autres volontaires. Bref, ce qui était exécuté.

 19   Q.  Je vais vous montrer la chose, si vous le souhaitez, mais je vais vous

 20   la citer, ce n'était pas la reconnaissance ni la constatation de mouvements

 21   de population de différentes directions, mais une expression d'une

 22   préoccupation que les dispositions du plan Vance-Owen parlant de la liberté

 23   de mouvement pourrait perturber la structure démographique en quelque

 24   sorte, pourrait la réduire à néant, que l'épuration qui s'était produite il

 25   y a quelques mois auparavant. Et vous déclarez à la page 29 en l'anglais,

 26   page 25 en B/C/S, 06145, et je cite :

 27   "Ensuite, il y a quelque chose que quelqu'un devrait nous expliquer. Est-ce

 28   que la crainte justifiée de cette structure démographie ratatinée en Bosnie


Page 34321

  1   pourrait être réalisée en raison de ce texte ? Est-ce que les provinces

  2   pourraient être empêchées ou pourrait-il être difficile aux Musulmans, par

  3   exemple, de s'implanter librement dans les contrés serbes".

  4   Et je me souviens que M. Milosevic a souligné à l'époque, M.

  5   Milosevic est intervenu en indiquant de ne pas se préoccuper, que personne

  6   ne se précipiterait, mais vous avez persisté et souligné, et je cite :

  7   "La liberté de mouvement pourrait inclure le droit d'implantation. Ou,

  8   disons-le différemment, l'on aurait à l'esprit donc pour éviter tout

  9   malentendu".

 10   Une autre expression concernant la préoccupation de tout changement

 11   quant au nombre de Musulmans qui se trouvaient sur les territoires serbes,

 12   et ce, au désavantage des Serbes; exact ?

 13   R.  Tout d'abord, le plan Owen-Stoltenberg a été accepté par la Serbie sans

 14   aucun changement. C'est l'autre bord qui ne l'a pas accepté. Ce qui indique

 15   bien qu'en dépit de tous ces pays où il y aurait déversement des

 16   populations, et cetera, la Serbie l'avait accepté, et, bien sûr, cette

 17   modification démographique en résultat de différentes migrations

 18   économiques, de famille et autres, qui existait dans les Etats qui se

 19   trouvaient dans cette situation. En Bosnie-Herzégovine, la situation était

 20   particulièrement délicate dans le cas de ceux qui avaient traversé

 21   l'horreur de la guerre, et il y a toujours eu un degré plus important de

 22   préoccupation que ceux qui étaient venus d'autres communautés ethniques

 23   pourraient les menacer à l'avenir. C'est naturel. Mais n'oublions pas que

 24   cette rencontre s'est tenue avant le processus de paix régulier. Après

 25   cela, la Serbie a appuyé le plan en l'état avec les explications que vous

 26   venez de citer.

 27   Q.  A la page 53 de votre déclaration, vous expliquez votre compréhension

 28   présumée des observations du Dr Karadzic lors de la rencontre du 21 janvier


Page 34322

  1   1993, c'est-à-dire le conseil pour l'harmonisation, en indiquant qu'il

  2   relevait "les effets indésirables et inévitables de toute guerre civile,"

  3   et ce qui ne vous a pas mené, donc, à estimer qu'il y avait de plan de

  4   réimplantation par la force.

  5   Alors, tout d'abord, Monsieur Jovanovic, soyons clairs en l'état.

  6   Vous ne considérez certainement pas que le départ en masse des minorités ou

  7   même des peuples majoritaires de régions particulières serait, en tous cas,

  8   un effet inévitable de la guerre civile car, ainsi que vous l'avez déclaré

  9   dans l'affaire Milosevic, vous avez persisté que l'élimination des Serbes

 10   de la Krajina croate résultant de l'opération Tempête était à dessein un

 11   acte des forces du président Tudjman, forces croates également. Un acte,

 12   comme vous l'avez dit à la page 36 095 et 096, la plus grande épuration

 13   ethnique et une expulsion en masse.

 14   R.  Je le lis, mais avant moi, c'est le président Tudjman qui l'a déclaré.

 15   Il a dit que l'objectif de l'opération Tempête c'est qu'il n'y ait plus de

 16   3 à 4 % de Serbes en Croatie, et c'est une chose qui s'est trouvée

 17   réalisée. Donc, je n'ai rien dit de nouveau. Cela a été la plus grande des

 18   épurations ethniques en Europe après la Deuxième Guerre mondiale, parce

 19   qu'au total on a eu quelque 400 000 Serbes de Croatie d'expulsés. Toujours

 20   est-il que je n'ai rien dit de nouveau. Je n'ai fait que répéter ce que

 21   Tudjman avait dit lui-même en tant qu'hypothèse principale avant le début

 22   même de l'opération Tempête.

 23   Q.  Et vous n'avez aucune information concrète au sujet du fait de savoir

 24   ce que les gens de Zvornik, c'est-à-dire les Serbes de Bosnie ou les

 25   autorités des Serbes de Bosnie de Zvornik, avaient dit au Dr Karadzic une

 26   fois que les Musulmans ont quitté Zvornik pour ce qui est de savoir

 27   pourquoi et comment ils étaient partis, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne sais pas. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il y avait de


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  1   vilaines choses de faites là-bas, et c'est la raison pour laquelle j'ai

  2   demandé au président Milosevic de faire en sorte qu'Arkan et sa compagnie

  3   se retirent et soient internés quelque part jusqu'à la fin de la guerre.

  4   Parce qu'on disait -- il y avait des rumeurs qui couraient pour indiquer

  5   que ce groupe d'hommes était à l'abandon et qu'ils étaient prêts à toutes

  6   sortes de choses. Cela m'a suffit, quant à moi, pour attirer l'attention de

  7   Milosevic pour ce qui est de tout ce qu'il y avait d'indésirable à cela.

  8   Mais pour ce qui se passait à Zvornik et dans cette région de la Drina, je

  9   n'ai aucune information, si ce n'est ce que j'ai entendu dire ou ce que

 10   j'ai pu lire.

 11   Q.  Le fait est que vous avez à l'occasion de votre témoignage dans

 12   l'affaire Milosevic entendu une question à votre encontre pour ce qui est

 13   de cette citation, une citation du Dr Karadzic à laquelle vous faites

 14   référence dans vos déclarations. Une fois qu'il y a eu citation de faite,

 15   le Procureur a dit :

 16   "Eh bien, il est en train de décrire des déplacements en masse du point de

 17   vue ethnique pour parachever les territoires à domination serbe, n'est-ce

 18   pas ? Oui ou non ?"

 19   Et à l'époque, vous avez dit, je cite :

 20   "C'est la position qui a été présentée par le Dr Karadzic, et je n'ai rien

 21   à voir avec." Ça se trouve en page T 36 316.

 22   R.  Moi, je n'ai pas fait ce type de déclaration. Je ne suis pas non plus

 23   habilité à la commenter. Ce n'est pas moi qui ai fait cette déclaration. Je

 24   n'ai pas -- et c'est la raison pour laquelle j'ai dit ce que j'ai dit.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez bientôt terminé,

 26   Monsieur Tieger ?

 27   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai à peu près, je

 28   pense, trois secteurs relativement courts à aborder et j'essaie de terminer


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  1   le plus vite possible afin de terminer avant 2 heures 45. Je ne sais pas si

  2   c'est possible. Je ne sais pas ce que les Juges de la Chambre ont à

  3   l'esprit lorsqu'ils ont posé la question. J'ai presque terminé. Mais si

  4   vous me demandez si je pourrais terminer avant 2 heures 45, là je n'en suis

  5   pas tout à fait certain, mais je suis près de la fin.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, continuez, je vous prie. Mais, s'il

  7   vous plaît, terminez à 3 heures moins le quart.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, Monsieur le

  9   Président.

 10   Q.  Alors, vous avez dit au paragraphe numéro 52, s'agissant des incidents

 11   à Sarajevo, que Karadzic vous a dit que sa politique n'était pas celle du

 12   pilonnage, et cetera, et mis à part les références faites précédemment à

 13   quelques incidents concrets, c'est tout ce que votre déclaration dit pour

 14   l'essentiel au sujet de Sarajevo. Ce qu'elle ne dit pas, et vous avez

 15   témoigné et expliqué les choses ailleurs, c'est que vous étiez au courant

 16   et que vous avez condamné les pilonnages illégaux de Sarajevo par les

 17   autorités de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 18   R.  Nous avons condamné tout pilonnage de Sarajevo, indépendamment de leurs

 19   auteurs, et sur plusieurs axes. Milosevic et moi l'avons fait à plusieurs

 20   reprises. Nous voulions que tous ces conflits prennent fin au plus vite

 21   afin que l'on n'aggrave pas la situation plus en avant où la Serbie était

 22   l'une des victimes. Ce qui fait que la question de Sarajevo, à mes yeux, a

 23   toujours été incontestable. Nous l'avons condamné. Le fait est que le Dr

 24   Karadzic a dit --

 25   Q.  Monsieur Jovanovic, dans l'intérêt du temps qui m'est imparti, je vous

 26   prierais de confirmer les éléments de déclaration qui ont été les vôtres

 27   dans l'affaire Milosevic. Et je fais référence au compte rendu, page 36

 28   169. M. Milosevic vous a demandé si vous vous souveniez de la position qui


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  1   était la vôtre au sujet du pilonnage de Sarajevo.

  2   Et vous avez dit que vous vous en souveniez, que :

  3   "A compter du début, à tous les niveaux, à la présidence de la RSFY

  4   et le gouvernement de la république, vous personnellement et moi-même, dans

  5   bon nombre de déclarations, avons condamné les pilonnages et demandé aux

  6   autorités de la Republika Srpska de faire cesser ce type d'activité."

  7   Plus loin, en ligne 3 619, vous dites que : "Milosevic avait condamné

  8   ce type de comportement," c'est une citation aussi, à une rencontre avec

  9   Douglas Hurd à peu près le 18 juillet 1992. Page du compte rendu 36 331,

 10   vous dites, je cite :

 11   "Le pilonnage de Sarajevo était quelque chose que nous avons constamment

 12   condamné au niveau de notre gouvernement."

 13   Vous avez dit au compte rendu 36 322 que vous avez constamment été opposé

 14   au pilonnage.

 15   Vous avez également affirmé que :

 16   "Milosevic l'avait pratiquement mis en œuvre à Dayton, en disant que

 17   toute la ville de Sarajevo devrait revenir aux Bosniens, c'est-à-dire à la

 18   partie bosnienne de la Bosnie-Herzégovine." Fin de citation. Ça se trouve

 19   en 36 332.

 20   Et en 36 342, vous dites :

 21   "Laissez-moi une fois de plus souligner que nous avons toujours condamné le

 22   siège de Sarajevo."

 23   Tout ceci est exact, n'est-ce pas, Monsieur ?

 24   R.  Je maintiens ce que j'ai dit à l'occasion du procès du président

 25   Milosevic. Je maintiens aussi ce que le Dr Karadzic m'a dit. Il m'a dit que

 26   ce n'étaient pas eux qui tiraient dessus. Ce n'était pas leur objectif

 27   militaire. C'était l'œuvre de groupes et d'individus qui avaient perdu

 28   leurs familles dans des confrontements [phon] avec les Musulmans et que


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  1   c'est par indiscipline qu'ils le faisaient. C'est l'explication qui m'a été

  2   avancée.

  3   Q.  Passons maintenant aux paragraphes 69 à 71 de votre rapport où vous

  4   faites référence à Srebrenica et ce que vous décrivez comme étant un

  5   rapport envoyé à tort. Il s'agit d'un rapport, comme vous l'avez expliqué

  6   dans l'affaire Milosevic, page 36 364 du procès, où il est indiqué que la

  7   direction de la Republika Srpska l'a envoyé. Je cite :

  8   "J'ai reçu des informations disant que la direction de la Republika Srpska

  9   avait envoyé un texte assez long", où il est fait référence au même

 10   rapport.

 11   Est-ce que vous êtes à même de confirmer ?

 12   R.  Je crois que c'est une erreur d'expression. Ce n'est pas la direction,

 13   c'est le président de l'assemblée municipale de Srebrenica qui avait rédigé

 14   cela. Et nous avions obtenu cela par le biais du ministère de l'Intérieur

 15   sans commentaire, et comme on était un vendredi, j'ai demandé à mon

 16   suppléant -- enfin, j'avais pris lecture du texte, il ne m'avait pas eu

 17   l'air convaincant, et je lui ai demandé de sortir de là quelque chose

 18   d'utilisable pour --

 19   Q.  Non, Monsieur Jovanovic. Je n'ai pas le temps pour ce qui est

 20   d'explications aussi complètes.

 21   R.  Fort bien.

 22   Q.  Alors, vous allez peut-être dire que "la direction" est un mauvais

 23   terme utilisé, mais est-ce que vous confirmez ce que vous avez vu et dit à

 24   l'époque, à savoir que dans le procès Milosevic, vous aviez obtenu des

 25   informations disant que c'était la direction de la Republika Srpska qui

 26   l'avait envoyé ?

 27   R.  Je m'en souviens bien. C'était envoyé à nous par le président de

 28   l'assemblée municipale. Peut-être par le biais de la direction, mais c'est


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  1   au ministère que nous avons reçu ce document, par fax ou autrement, je ne

  2   sais. Il y avait huit à dix pages de document, et ça ne m'a pas semblé

  3   convaincant. J'ai donné instruction - pour ne pas me répéter - pour envoyer

  4   ceci à Lavrov mais non pas au président du Conseil de sécurité. C'est par

  5   erreur allé au président du Conseil de sécurité. C'est ma faute à moi parce

  6   que j'ai vite signé sans avoir vu l'intitulé.

  7   Q.  Quand vous dites que ça ne vous avait pas paru convaincant, c'était

  8   parce que vous saviez, comme vous l'avez indiqué à plusieurs reprises

  9   depuis, que Srebrenica a constitué un terrible massacre, et cetera. Alors,

 10   je vous demande de confirmer certaines de ces citations. Vous avez dit, je

 11   cite, ici vous êtes en train de parler de Srebrenica en 1995 :

 12   "Ça a été un massacre atroce."

 13   Vous l'avez dit dans l'affaire Milosevic, compte rendu d'audience 36 333 à

 14   34.

 15   Lorsqu'on vous a demandé qui en avait assumé la responsabilité, vous

 16   avez dit qu'il y avait eu une interview avec les représentants du bureau du

 17   Procureur, et si besoin est je vais vous le montrer, vous l'avez dit en

 18   2009, que ça avait été en massacre en masse et que s'agissant des

 19   responsabilités, vous avez dit que :

 20   "Ceux qui avaient commis ce type de crime, je ne savais pas s'ils le

 21   faisaient avec le savoir de leurs supérieurs ou pas."

 22   Mais s'agissant de savoir qui étaient leurs supérieurs hiérarchiques,

 23   vous aviez mentionné Mladic et Karadzic. Vous l'avez indiqué en page 27 de

 24   cette interview. Vous avez dit dans la même interview que :

 25   "C'était une très triste chose que de voir des Serbes impliqués dans

 26   ce type de crime. C'est terrible. Lorsque quelqu'un est un prisonnier,

 27   quand c'est un ennemi, il faut le respecter, et ça a toujours été dans les

 28   us et coutumes des forces armées serbes au fil de l'histoire. Donc, c'est


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  1   une chose tout à fait vilaine. Je ne pense pas que ce soit un génocide,

  2   mais c'est un massacre en masse, ce qui est tout à fait inacceptable comme

  3   événement."

  4   Et vous avez accordé cette interview à "Slobodna Bosna", pièce 65 ter

  5   26449. J'aimerais qu'on nous l'affiche. C'est une transcription d'une

  6   interview enregistrée. Vous avez dit --

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais moi ça me paraît être un témoignage ici.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, ce n'est pas un témoignage, mais

  9   c'est assez long, en effet.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je crois que vous comprenez les circonstances,

 11   Monsieur le Président. C'est la toute dernière des questions que j'aurai à

 12   poser à présent. Mais ce que j'essaie, c'est de déterminer si le témoin va

 13   nous confirmer ce qu'il a déjà dit.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais posez-lui donc la question

 15   maintenant.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, justement, je voudrais que l'on nous

 17   affiche la pièce 65 ter 24619A.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin devra

 19   revenir demain pour les questions supplémentaires, donc peut-être

 20   pourrions-nous lever l'audience maintenant plutôt que de poser au témoin

 21   des questions complexes qu'on ne saurait gérer à présent.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre a besoin de lever l'audience

 23   maintenant. Si vous n'avez rien contre, nous pouvons continuer demain.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. C'est bon

 25   pour moi.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Jovanovic, nous allons

 27   reprendre demain matin à 9 heures. Il ne vous faut vous entretenir avec

 28   personne au sujet de votre témoignage. Merci.


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  1   L'audience est levée.

  2   --- L'audience est levée à 14 heures 46 et reprendra le mercredi, 27

  3   février 2013, à 9 heures 00.

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