Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 31 mai 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Monsieur Gaynor, veuillez commencer.

  8   M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   LE TÉMOIN : MILE POPARIC [Reprise]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   Contre-interrogatoire par M. Gaynor : [Suite]

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Poparic, hier nous avons parlé des mesures

 13   d'azimut pour l'incident de Markale II.

 14   M. GAYNOR : [aucune interprétation]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais moi je n'entends pas très

 16   bien. Est-ce qu'on peut monter le volume ?

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Il faudrait que quelqu'un dise quelque chose

 18   pour tester si ça va mieux.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez ? Voyons.

 20   Monsieur Poparic, ça va ?

 21   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon.

 23   M. GAYNOR : [interprétation]

 24   Q.  Bonjour, Monsieur Poparic.

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   Q.  Lorsque nous avons interrompu notre session d'hier, nous avons parlé de

 27   mesures d'azimut pour ce qui est de l'événement de Markale II. Alors,

 28   j'aimerais que nous nous penchions sur la pièce à conviction de la Défense


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  1   qui porte la référence D3644, page 112 en anglais et ça doit être 113 en

  2   B/C/S. J'aimerais que nous nous penchions à présent sur la note en bas de

  3   page numéro 212. Vous nous avez expliqué ce que vous aviez pensé au sujet

  4   des mesures prises par les soldats français de la FORPRONU, et vous avez

  5   dit que vous avez fait une erreur en 211. Et 212, vous dites :

  6   "Il est clair que les sapeurs français n'ont pas mesuré l'azimut de 2 850

  7   millièmes, mais ils ont accepté le résultat du CSB de Sarajevo."

  8   Alors, est-ce que vous acceptez le fait que ces Français ont par eux-mêmes

  9   mesuré les azimuts ?

 10   R.  Je vais vous expliquer. Ils ont mesuré les azimuts - et on l'a vu sur

 11   le film, c'est 2 800 qui a été le résultat des mesures, mais l'azimut 157,5

 12   degrés - et ils ont arrondi cette valeur à 2 850, ce qui fait 160 degrés.

 13   La chose intéressante à faire remarquer, c'est que l'azimut déterminé par

 14   le CSB c'est aussi 2 850, à la différence près que -- la divergence, c'est

 15   au niveau des unités de mesure. Le CSB a utilisé des unités de mesures

 16   autres, où l'on parle de millièmes et on partage le cercle en 6 000

 17   parties, et les Français partagent le cercle à 6 400 parties. Alors, j'ai

 18   voulu indiquer que ces deux éléments-là nous faisaient penser à première

 19   vue que les résultats sont les mêmes. Non, ces résultats sont

 20   substantiellement différents, il y a un écart de 10 ou 11 degrés. Et c'est

 21   ça le point auquel je voulais. Ils ont effectivement mesuré 

 22   2 800 et ils ont arrondi à 2 850, ça coïncide avec l'autre résultat, mais

 23   les unités de mesure sont autres pour les azimuts --

 24   Q.  Penchons-nous donc sur le rapport du CSB de Sarajevo.

 25   M. GAYNOR : [interprétation] Il s'agit de la pièce de l'Accusation P1908.

 26   Il s'agit de la page 3 en B/C/S et page 2 en anglais.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'allons diffuser ceci vers

 28   l'extérieur du prétoire.


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  1   M. GAYNOR : [interprétation] Tout à fait. Cela me va, Monsieur le

  2   Président. Merci.

  3   Q.  Alors, dans ce rapport il apparaît clairement que le CSB de Sarajevo a

  4   consigné des valeurs d'azimut de 170 degrés plus ou moins 5. On peut

  5   retrouver ceci au paragraphe 2. Il n'est pas fait référence dans ce

  6   rapport-là à des mesures par millièmes. Et si on se penche sur la pièce

  7   P1934 - peut-être allez-vous voir cela à l'instant même - il s'agit d'un

  8   rapport rédigé par Emir Turkusic. Et nous avons besoin de la page 5 en

  9   B/C/S et de la page 4 en anglais. Nous pouvons y voir que le dénommé Emir

 10   Turkusic, qui faisait partie du MUP de la République de Bosnie-Herzégovine

 11   mais faisait partie de l'équipe KZD qui a mesuré cet angle de 170 degrés

 12   plus ou moins 5 degrés.

 13   Alors, partant de quoi affirmez-vous que les enquêteurs du CSB de Sarajevo

 14   se sont servis d'un compas avec une subdivision de 1 600 millièmes

 15   lorsqu'ils ont fait ces calculs d'azimut, et quelle en est la pertinence

 16   pour ce qui est de ce que vous venez de dire au sujet des chiffres qui

 17   figurent dans le rapport ?

 18   R.  Les enquêteurs du CSB de Sarajevo ont travaillé de concert avec les

 19   observateurs de l'UNMO. Il y avait un lieutenant-colonel à la tête de cette

 20   équipe --

 21   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et dans le rapport de ces observateurs de

 23   l'UNMO, observateurs militaires des Nations Unies, ils ont parlé d'un

 24   azimut de 180 degrés, c'est-à-dire 2 850 millièmes. Dans certains

 25   documents, et vous avez montré un document où il y a des degrés qui sont

 26   utilisés, mais il y a un autre document où on dit 2 850 millièmes. Je ne

 27   sais plus lequel c'est. Et tous ces axes qu'ils ont tracés, c'est -- et

 28   l'axe, ça correspond à l'axe 180. Alors, c'est une subdivision de 1:6 000 -


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  1   - et, en fait, ça nous donne 2 850 millièmes. Un peu moins que ça quand

  2   même, parce que c'est 180 et quelques.

  3   Alors, ça fait 170 degrés en application du système qui se consiste à

  4   subdiviser le cercle en 6 000 parties. Et pour ce qui est du 2 850, ça fait

  5   160 et quelques degrés. C'est ce que les gens du génie français ont

  6   déterminé.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Poparic, je vous prie de parler

  8   plus lentement, et je vous prie de répéter à partir de la partie où vous

  9   avez parlé du "système de subdivision en 6 000 parties…"

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si les 170 degrés on les exprime en millièmes

 11   d'après le système de 1:6 000, on obtient 2 850 comme valeur -- enfin, 2

 12   850 c'est un peu plus que 170 degrés, mais c'est négligeable. Alors, si on

 13   prendre 2 850 et si l'on resubdivise par 1:6 400 et si l'on transforme cela

 14   en degrés, on obtient 160 degrés. C'est la valeur mesurée par les gens du

 15   génie français. C'est une différence donc de 10 degrés, indépendamment du

 16   fait que cela ne soit pas dit ici. Parce qu'il y a des documents qui

 17   parlent de 1:6 000 et de 2 850 millièmes. Il ne peut y avoir aucune

 18   confusion possible.

 19   M. GAYNOR : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous acceptez le fait que les soldats français de la

 21   FORPRONU ont consigné une valeur de 2 850 millièmes, et le CSB a calculé en

 22   degrés et il a consigné 170 plus ou moins 5 degrés ? Vous l'acceptez, cela

 23   ?

 24   R.  Je l'accepte. J'accepte ce que les Français ont mesuré comme valeur, 2

 25   850. Ils ont inscrit 2 850. Enfin ils ont calculé 

 26   2 800, mais ce n'est pas une grosse erreur. C'est assez correct parce qu'on

 27   arrondit à 2 degrés près. Mais il y a un film de la police où l'on voit

 28   qu'ils utilisent une boussole militaire qui est subdivisée en millièmes. Je


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  1   ne sais pas comment ils ont fait leurs calculs, ça je l'ignore. Je ne sais

  2   pas s'ils ont utilisé des degrés pour transformer cela en millièmes ou est-

  3   ce qu'ils ont des millièmes pour transformer en degrés, mais peu importe.

  4   J'accepte que le résultat avancé par le CSB et l'UNMO est fourni tel quel,

  5   mais que ce résultat corresponde à un angle de 2 850 dans une subdivision

  6   du cercle de 

  7   1:6 000. Dans une subdivision de 1:6 400, ça n'aurait pas été 2 850, mais

  8   ça aurait été 2 900 et quelques ou 2 000. La différence est évidente. Là,

  9   aucune erreur n'est possible.

 10   Q.  Je vais passer à un autre sujet. J'aimerais que l'on nous affiche la

 11   page suivante en version anglaise et B/C/S de votre rapport, il s'agit de

 12   la pièce D3644. La page qui nous intéresse est la page 113 en anglais et

 13   114 en B/C/S. Nous allons nous pencher sur ce que vous affirmez au sujet du

 14   système de mesures par radar.

 15   Dans cette page, vous dites que :

 16   "L'obus a un angle de chute minimum de 67 degrés compte tenu des conditions

 17   dans lesquelles ont été réglés les radars, ce qui a permis de déterminer

 18   aisément la trajectoire inférieure d'arrivée pour chacune des charges de

 19   l'obus…"

 20   Alors, vous allez voir à la page suivante dans les deux langes une

 21   présentation graphique qui comporte bon nombre d'informations relatives à

 22   ce type de radar. Est-ce que c'est qui vous avez établi cette présentation

 23   graphique ?

 24   R.  Oui, Mme Subotic et moi-même l'avons fait. Ces trajectoires ont été

 25   calculées selon un programme d'élaboration de tables de tir. Ça a dû être

 26   fait pour présenter les différents points tels que dessinés ici, et comme

 27   on peut le voir, il me semble que nous avons oublié de souligner pour quel

 28   type d'obus ces trajectoires sont les bonnes. Il s'agit de l'obus M49, ça


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  1   correspond au F-483 de fabrication russe. C'est une donnée importante, et

  2   nous avons délibérément choisi cela. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de

  3   savoir si la VRS avait disposé de ces obus-là, parce que les rapports de la

  4   FORPRONU d'après lesquels l'on affirme que ces obus n'ont pas pu être

  5   captés par les radars, ça a été fait partant des tables de tir pour cet

  6   obus M49 précisément. Ce qui fait que c'est la raison pour laquelle nous

  7   dessiné les différentes trajectoires pour ce type d'obus pour déterminer ce

  8   que la FORPRONU avait fait de son côté. Mais cet obus a une portée plus

  9   courte, et je le dis pour qu'il n'y ait pas de confusion.

 10   M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais que l'on zoome l'un de ces

 11   graphiques. C'est la même chose.

 12   Q.  Alors, vous avez confirmé que ces trajectoires ne sont pas des

 13   trajectoires d'obus de mortier de 122 [comme interprété] millimètres,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Non. On ne s'est pas compris. Ce n'est pas 122, c'est 120. Alors, ce

 16   sont des trajectoires pour l'obus de mortier de 120 millimètres, mais c'est

 17   un type d'obus d'origine ancienne qui est fabriquée sous licence russe, et

 18   on l'appelait l'obus lourd. Si vous voyez maintenant les tables de tir

 19   actuelles, il y a des mines légères, qui sont plus légères et qui ont une

 20   portée plus grande. Alors, j'ai souligné que ces trajectoires, nous les

 21   avons faites pour ce type d'obus précis parce que la FORPRONU avait donné

 22   des limitations en altitude et en portée pour expliquer que ça ne pouvait

 23   pas être capté par les radars. Ils ont parlé précisément de cet obus-là. En

 24   principe, il n'y a rien d'erroné. Dans le rapport relatif au pilonnage, on

 25   a donné les trajectoires pour l'autre type d'obus, et ça confirme ce qui

 26   est dit : on a pour l'un des types d'obus et pour l'autre type d'obus des

 27   indications ou des éléments d'information qui montrent qu'ils n'ont pas pu

 28   être captés par les radars.


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  1   Q.  Mais les trajectoires que nous sommes en train de voir sur notre écran,

  2   ça ne correspond pas aux trajectoires pour le M74, c'est-à-dire l'obus de

  3   mortier de 120 millimètres que l'on considère avoir été utilisé lors de

  4   l'explosion à Markale; est-ce bien exact ?

  5   R.  Je vais vous dire autre chose. D'abord, ce mortier-là, ce n'est pas

  6   l'obus M62, c'est la mine -- c'est l'obus M49 qui a été utilisé. C'est un

  7   autre type d'obus qui est tiré avec le même mortier, parce qu'un mortier ça

  8   peut utiliser plusieurs obus. On a des obus à explosion instantanée, il y

  9   en a qui sont plus lourds, avec une charge plus grosse. Le M62, c'est ce

 10   qui a été utilisé le plus souvent. Il y a des obus traçants et autres. Donc

 11   c'est un obus pour le M120 que l'on affirme avoir été utilisé lors de ce

 12   tir en direction du marché de Markale.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Intervention au compte rendu.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Allez-y.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] En page 6, lignes 5 et 6, où il y a deux

 16   négations qui sont utilisées, ça diffère de ce que l'on a en anglais et en

 17   français. Et le sens est contraire. Le témoin a dit qu'il ne pouvait pas y

 18   avoir de situation où cet obus n'aurait pas pu être remarqué par le radar.

 19   Or, ici c'est le contraire qui est dit.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas avoir bien suivi ce que

 21   vous avez dit.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 6, ligne 5, je vais donner lecture de ce

 23   qui est consigné.

 24   Ce qui montre que cela ne pouvait pas être aperçu au radar. Or, c'est le

 25   contraire qu'il fallait entendre. Il ne pouvait pas se produire que le

 26   radar ne les remarque pas.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voyez-vous ceci, Monsieur Gaynor ? Ligne

 28   1.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 5. Ligne 5.

  2   M. GAYNOR : [interprétation] Eh bien, cette partie vient de disparaître de

  3   mon écran, mais je peux demander au témoin de nous tirer les choses au

  4   clair.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. GAYNOR : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Poparic, vous avez entendu le débat. Est-ce que vous pouvez

  8   tirer au clair ce que vous avez dit, au juste.

  9   R.  J'ai dit que nous avons démontré que cet obus M49 tiré avec un mortier

 10   de 120 millimètres a forcément dû pouvoir être capté par les faisceaux

 11   radar, et nous avons montré un autre rapport avec un diagramme similaire

 12   pour dire que l'obus M62 tiré avec le même mortier devait forcément être

 13   capté par les faisceaux radar. Tous les obus, indépendamment du modèle,

 14   tirés par ce type de mortier étaient forcément captables par les faisceaux

 15   radar.

 16   Q.  Bon. En tout état de cause, votre analyse dépend en grande mesure de

 17   l'emplacement du point central de ce faisceau radar et du rayon de

 18   propagation des faisceaux radar qui ont été utilisés ce jour-là. Alors, je

 19   voudrais que nous explorions un peu plus le sujet avec vous. Et le

 20   troisième point que je voudrais aborder, c'est l'emplacement du point

 21   central du faisceau radar en comparaison avec l'emplacement du marché.

 22   Alors, nous allons commencer par la première des choses. Est-ce que vous

 23   voyez le point central du faisceau radar, et, d'après ce qui me semble, ça

 24   va assez haut dans le ciel au-dessus de la place du marché ? Quelle est la

 25   source d'information pour ce qui est de la localisation de ce point central

 26   du faisceau radar ?

 27   R.  Le point central que vous évoquez, ce n'est pas crucial dans

 28   notre présentation graphique. Ce qui importe, c'est le 548 - le point 548


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  1   ou 550 - cette ligne que vous voyez, 558, parce que c'est là que la source

  2   de la FORPRONU nous dit qu'au-dessus de cette altitude c'était forcément

  3   captable, parce qu'ils ont dit que la trajectoire d'un obus tiré à une

  4   distance de 900 mètres n'aurait pas pu être capté par le faisceau radar.

  5   Mais si on montre maintenant le diagramme qui figure dans l'autre rapport,

  6   il nous serait plus facile de vous expliquer. Cette altitude de 550 mètres,

  7   c'est l'altitude pour laquelle la FORPRONU dit qu'au-dessus on pouvait

  8   capter cela au faisceau radar. C'est une affirmation d'un personnel

  9   technique qui avait utilisé le radar. Alors, de là à savoir si le faisceau

 10   radar était plus grand et si l'on pouvait capter plus large, peu importe.

 11   Nous avons fait un schéma pour vous montrer à peu près quelle était la

 12   dispersion du faisceau radar par rapport à la trajectoire. Etait-ce deux

 13   fois plus grand comme faisceau ou deux fois plus petit, peu importe. Ce

 14   n'est pas cela qui importe, ce point central. Ce qui importe, c'est cette

 15   limite inférieure, parce que le problème est survenu au niveau de cette

 16   limite inférieure et non pas au niveau du point central du faisceau.

 17   Q.  Vous dites qu'il y a deux choses qui sont pertinentes [comme

 18   interprété]. Le point central du faisceau radar et ensuite le radius,

 19   c'est-à-dire le rayon ?

 20   R.  Oui, c'est exact. Parce que c'est pertinent pour celui qui décide de la

 21   façon dont il a placé son radar et de la façon dont il va le tourner.

 22   D'après moi, ils l'ont très bien fait, cela, parce que dans le rapport on

 23   dit que c'était à peu près à 1 050 mètres de la ligne de démarcation. Je

 24   crois qu'ils n'ont pas dit de façon très précise cela, parce que si vous

 25   vous penchez sur la situation sur le terrain, la ligne de démarcation était

 26   à 2 kilomètres. Ils voulaient parler de l'axe qui était celui du faisceau

 27   radar. Pourquoi fallait-il placer un radar à cet endroit-là ? Ils avaient

 28   pour mission de capter la totalité des projectiles qui venaient des


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  1   positions de la VRS et inversement. Alors, si vous vous penchez sur la

  2   façon dont se présente Sarajevo et quelle est la largeur de cette partie de

  3   l'agglomération, on peut voir qu'il s'agit de 4 à 5 kilomètres. Alors, si

  4   on se penche maintenant sur les trajectoires au niveau de la partie

  5   descendante, on peut constater qu'elles se rapprochent l'une de l'autre

  6   indépendamment de la charge utilisée pour l'obus, et ce type de position…

  7   Q.  Monsieur Poparic, je vous prie de répéter la dernière partie de votre

  8   réponse.

  9   R.  J'ai dit que Sarajevo avait 4 à 5 kilomètres de large à cet endroit-là.

 10   Alors, ça dépend de l'endroit à partir duquel on tire, si on tire vers la

 11   position la plus proche ou la position la plus éloignée des positions de la

 12   VRS. Le faisceau doit capter la totalité des positions occupées par la VRS,

 13   et c'est donc là que toutes ces trajectoires, en quelque sorte, se

 14   rapprochent les unes des autres. Et toutes ces trajectoires devraient faire

 15   partie d'un faisceau donné. Et les techniciens qui ont été chargés de faire

 16   ce travail, à mon avis, ont très bien fait leur travail parce que le radar

 17   a été placé de façon excellente.

 18   Q.  Monsieur Poparic, sous cette présentation graphique, en version

 19   anglaise, vous dites :

 20   "Sur cette image on peut voir qu'il n'y a pas eu de courbe qui aurait pu

 21   passer ou qui n'aurait pu être captée par le faisceau…"

 22   Alors, moi, ce que je vous affirme, c'est le fait que cela dépend du point

 23   central du faisceau central et la grandeur du rayon englobé par le radar ce

 24   jour-là ?

 25   R.  Moi je crois qu'on m'a mal traduit les choses, parce qu'ici on n'a pas

 26   pu -- on dit ici que l'obus ne pouvait pas passer en dessous du faisceau du

 27   radar, donc tout a pu être capté. Vous avez raison. Ça dépend du point

 28   central du faisceau et ça dépend aussi de la largeur du faisceau. Mais ce


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  1   renseignement-là, on ne nous l'a pas donné. Ce qu'on nous a donné comme

  2   renseignement, c'est la limite inférieure du faisceau radar, et c'est le

  3   550 et quelques qui figure sur la présentation graphique. Et en ce qui nous

  4   concerne, c'est ce qu'il y a de plus important, parce que tout ce qui

  5   passait au-dessus était forcément captable par le faisceau radar. Et pour

  6   nous, c'est la limite inférieure qui importe, et c'est ce qu'on a obtenu de

  7   la part de la FORPRONU. Ça, c'est une donnée officielle.

  8   Q.  Monsieur Poparic, merci de nous avoir confirmé que vous ne disposiez

  9   pas d'informations relatives au point central du faisceau radar et

 10   relatives à sa largeur. Je vous demanderais également de confirmer que vous

 11   ne disposiez pas d'informations sur l'endroit précis où se trouvait ce

 12   radar par rapport à la cible ou par rapport à la ligne de front ?

 13   R.  Il existe certains renseignements à propos de sa position, mais nous ne

 14   disposons pas de coordonnées précises.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  Mais je répète une fois de plus que nous avons reçu les données

 17   officielles de la FORPRONU qui se trouvaient dans son rapport et il

 18   s'agissait en fait de la hauteur à laquelle le radar ne pouvait pas capter

 19   les trajectoires, et c'est la seule information pertinente. Le reste est

 20   extrêmement technique. Ce sont des détails techniques qui sont importants

 21   pour les personnes qui ont positionné le radar, qui ont manipulé le radar,

 22   qui se sont assurées que le faisceau du radar captait tout. Dans notre

 23   rapport, il est indiqué qu'il y a une hauteur minimum à partir de laquelle

 24   les trajectoires pouvaient être captées. Et nous avons reçu ces

 25   renseignements de la FORPRONU. Et je répéterais une fois de plus que sur la

 26   base de leurs conclusions, donc, la trajectoire, elle est passée en dessous

 27   du faisceau. Nous avons montré ceci à la FORPRONU lorsqu'elle avance, par

 28   exemple, que le faisceau du radar pouvait capter des trajectoires jusqu'à


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  1   550 mètres, il ne pouvait pas capter ces trajectoires. Toutefois, nous

  2   avons démontré de façon très, très claire que les faisceaux radar sont

  3   censés capter toutes les trajectoires. Donc nous devons comparer, mettre en

  4   parallèle ce qui est avancé par la FORPRONU et la véritable situation sur

  5   le terrain.

  6   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Et si je vous montre cette partie du rapport,

  8   je vous dirais que je peux vous donner des détails à propos des erreurs à

  9   propos de l'erreur absolument fondamentale faite par la FORPRONU dans son

 10   analyse, et c'est de là que vient le problème.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page 10, lignes 9 et 10, figure à nouveau

 13   un contresens. Alors, nous avons en anglais :

 14   "… la hauteur à partir de laquelle vous pouviez voir le faisceau,

 15   vous pouviez voir la trajectoire."

 16   Le témoin a dit que tout ce qui dépassait ce chiffre de 548 devait

 17   être enregistré par le radar parce que cela était capté par le faisceau

 18   radar.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. GAYNOR : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Poparic, en fait, fondamentalement, vous demandez à la Chambre

 23   de première instance d'opter pour vos conclusions et votre croquis plutôt

 24   que les conclusions et le croquis de la FORPRONU, qui était l'organisation,

 25   en fait, qui s'occupait du radar le jour de Markale ?

 26   R.  Je ne demande absolument rien à la Chambre de première instance,

 27   d'ailleurs je n'ai pas le droit de lui demander quoi que ce soit. Ce que je

 28   vous dis, c'est ce qui est un fait, ce qui correspond à la situation. Le


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  1   fait est, toutefois, que la FORPRONU faisait fonctionner le radar, et

  2   d'après la FORPRONU, ce radar fonctionnait 24 heures sur 24. Le radar était

  3   tout à fait opérationnel. Le fait est qu'aucun des techniciens qui

  4   faisaient fonctionner le radar n'a confirmé la conclusion suivant laquelle

  5   le radar ne pouvait détecter aucun des obus. La conclusion, c'est la

  6   conclusion à laquelle a aboutie le lieutenant-colonel Konings avec le

  7   général Smith. Moi je ne sais pas s'il est artilleur ou autre chose,

  8   d'ailleurs. Toutefois, le fait est qu'aucun des techniciens qui

  9   s'occupaient du radar n'a été en mesure de confirmer la conclusion suivant

 10   laquelle le faisceau du radar avait été positionné de telle façon qu'il ne

 11   pouvait pas détecter ces trajectoires. Nous, nous avançons que cela aurait

 12   été impossible si l'on pense à la position du faisceau du radar. Le

 13   problème fondamental ici réside dans la hauteur, la hauteur minimale du

 14   faisceau du radar, qui est de 548 ou 550 mètres si vous arrondissez le

 15   chiffre.

 16   Q.  Nous allons maintenant passer à Markale I, c'est l'événement suivant.

 17   Il figure à la page 116 en version anglaise dans votre rapport. Et là, nous

 18   voyons un croquis qui indique quelles sont les possibilités de toucher la

 19   cible du premier coup. Alors, nous allons nous intéresser à ce croquis.

 20   Dans un premier temps, la dimension de la cible : 25,8 mètres sur 34

 21   mètres. Ça, c'est votre estimation de la dimension du marché de Markale,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, oui, cela correspond à la dimension du marché. Et vous verrez,

 24   cela, vous pourrez le confirmer d'après la carte du cadastre que nous

 25   avions à notre disposition.

 26   Q.  Fort bien. Alors, nous allons prendre la charge 0, 5. Nous voyons que

 27   le Vd est à 29 mètres et le Vp est à 12 mètres. Si nous pouvons traduire

 28   cela en une formule pour non-initiés, nous voyons que cela nous donne --


Page 39074

  1   donc, si vous lancez un projectile de mortier de 120 millimètres à partir

  2   d'une distance de 5 782 mètres du marché, vous avez 50 % de chances de le

  3   voir atterrir à l'intérieur d'un demi-cercle qui fait 58 mètres sur 24

  4   mètres; est-ce bien exact ?

  5   R.  Je pense que vous avez fait une erreur. Lorsque vous utilisez ces

  6   valeurs Vd et Vp, car lorsque nous parlons d'écart probable ou de portée et

  7   de direction, lorsque nous disons que 50 % des frappes atteindront leur

  8   cible, là il s'agit d'un ensemble de projectiles. Donc, si nous en avons

  9   dix, nous nous attendons à ce que cinq touchent la cible. S'il y en a dix

 10   qui sont tirés, il y en a cinq qui vont toucher la cible. Mais là, il

 11   s'agit de quelque chose de différent, car la théorie des tirs étudie cela.

 12   Nous, ce que nous voulons avoir, c'est la probabilité suivant laquelle le

 13   premier obus atteindra sa cible, parce que nous n'avons qu'un obus ici.

 14   Donc, lorsque vous pensez à la théorie des tirs, il existe une solution

 15   pour ce problème. Quelle est la probabilité que le premier obus touche la

 16   cible ? Ce n'est pas la même chose lorsque vous disposez d'un ensemble de

 17   projectiles, parce que les cinq premiers obus peuvent rater la cible, le

 18   cinquième obus pourra peut-être frapper la cible, donc là vous avez votre

 19   pourcentage de 50 %. Mais là, quelle est la probabilité que le premier

 20   projectile touche la cible ? C'est tout à fait différent. Parce que nous

 21   parlons d'une différence qui est absolument essentielle lorsque l'on prend

 22   en considération la probabilité et les mesures statistiques Vd et Vp. Parce

 23   que nous parlons d'un ensemble, d'un groupe de projectiles. Nous ne parlons

 24   pas d'une suite de projectiles qui vont toucher la cible. S'il y en a dix,

 25   50 % toucheront probablement la cible, ce qui signifie que cinq vont la

 26   rater et cinq vont la toucher. D'après la théorie des tirs, il existe une

 27   probabilité que nous devons calculer, et c'est cette probabilité qui est

 28   importante lorsque l'on envisage que le premier projectile touchera la


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  1   cible. Cette probabilité, elle est beaucoup moins importante, et c'est

  2   logique.

  3   Q.  Nous allons passer à la page suivante de votre rapport, où il y a un

  4   croquis que vous avez préparé, d'après ce que je comprends, enfin, soit

  5   vous, soit Mme Subotic, et il s'agit donc des dimensions du marché de

  6   Markale. Alors, est-ce que vous pouvez confirmer, et c'est quelque chose de

  7   différent, mais est-ce que vous pouvez confirmer que le positionnement des

  8   étals sur ce croquis que vous dessinés ne se fonde pas sur les éléments que

  9   l'on peut voir dans la vidéo qui a été prise quelques minutes après

 10   l'événement en 

 11   question ?

 12   R.  Quelques minutes après l'événement, il y a le chaos qui régnait,

 13   donc. Tout était dans tous les sens. Mais il y a une différence au niveau

 14   du passage entre la rue Maréchal Tito et l'autre rue. Le jour de

 15   l'événement dans cette zone, il y avait beaucoup plus d'étals dans ce

 16   passage jusqu'au bâtiment. Il y a deux rangées d'étals, et il y avait un

 17   obstacle dans ce passage qui va de la rue du Maréchal Tito, et il y avait

 18   des étals qui se trouvaient là -- et vous ne pouviez pas emprunter ce

 19   passage. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi.

 20   Plus tard sur l'extrait vidéo, vous pouvez voir qu'ils ont déplacé les

 21   étals et vous pouvez voir les voitures arriver afin de transporter les

 22   morts. Le jour de l'événement, la zone était encombrée d'étals pour une

 23   raison inconnue. Là, il s'agit d'un croquis approximatif. Mais lorsque nous

 24   parlons de la probabilité, la probabilité, elle prend en considération tout

 25   le marché. Donc nous, ce qui nous intéressait, c'était la probabilité qu'un

 26   obus frappe toute cette zone. Et si nous prenons en considération cette

 27   probabilité, le calcul serait tout à fait différent, à savoir la

 28   probabilité qu'un obus frappe l'un ou l'autre de ces étals.


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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu d'audience.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 18 et 19, le témoin a dit ce qui

  5   suit :

  6   "Quelques minutes après l'événement, les étals étaient dispersés."

  7   Le témoin a dit que tout était sens dessus dessous. Il a dit en fait

  8   que les étals avaient été renversés et étaient sens dessus dessous.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous confirmez cela ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux tout à fait confirmer, mais

 11   j'aimerais insister sur la différence fondamentale entre ce croquis et la

 12   situation sur le marché, elle réside dans ce que j'ai dit tout à l'heure. A

 13   savoir, le passage entre la rue Maréchal Tito et la rue Dzenetica Cikma

 14   était encombré d'étals et il y avait tellement d'étals que cela empêchait

 15   le passage pour des raisons qui sont tout à fait inconnues, et les étals

 16   étaient perpendiculaires à cette rangée d'étals que l'on voit, alignés en

 17   longueur.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, finalement, vous êtes d'accord

 19   avec M. Gaynor, puisque l'essentiel de sa question consistait à savoir si

 20   le croquis avait utilisé la réalité au moment de l'événement ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous prenons le nombre d'étals et la façon

 22   dont ils étaient positionnés, M. Gaynor a tout à fait raison. Pour ce qui

 23   est des dimensions du marché, toutefois, c'est exact. Car le croquis a été

 24   fait en reprenant le croquis du cadastre. Donc il est très, très précis et

 25   il correspond à la situation exacte. La dimension du marché est exactement

 26   la dimension du marché le jour de l'événement. Pour ce qui est du

 27   positionnement des étals, il se peut qu'il ait été différent, mais nous

 28   n'avons pas pris cela en considération lorsque nous avons calculé notre


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  1   probabilité. Tout ce que nous avons pris en considération, c'était la

  2   superficie et les dimensions du marché.

  3   M. GAYNOR : [interprétation]

  4   Q.  Fort bien. Monsieur Poparic, aux fins de cet exercice, nous allons

  5   accepter que les dimensions du marché sont exactes, et nous faisons tout à

  6   fait abstraction de toute différence que vous avez indiquée à propos du

  7   lieu du positionnement des étals. Et j'aimerais que M. l'Huissier vous aide

  8   en vous apportant ce stylet. J'aimerais que vous dessiniez une ellipse dans

  9   la direction que vous préférez, une ellipse de 24 mètres su 58 autour de ce

 10   marché.

 11   R.  Je pense qu'il serait exact de commencer à partir du centre du marché.

 12   Parce que si quelqu'un cible le marché, il est tout à fait logique que la

 13   personne vise le centre du marché. Donc, moi je dirais que cela se trouve

 14   ici, 24 --

 15   Q.  Les dimensions du marché sont de 24 sur 58 [comme interprété]. Et je

 16   souhaiterais que vous dessiniez une ellipse de 24 sur 58.

 17   R.  L'axe ou le demi-axe -- je ne vous ai pas très bien compris.

 18   Q.  Je souhaiterais que vous dessiniez autour du marché, donc, une ellipse

 19   de 24 mètres sur 58 mètres.

 20   R.  Donc vous me demandez de dessiner une ellipse qui sera de 24 mètres ?

 21   C'est bien ce que vous me demandez ?

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   R.  Je ne sais pas si nous nous comprenons bien.

 24   Q.  Vous savez ce qu'est une ellipse, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui. Lorsque je dessine une ellipse, en général nous dessinons des

 26   demi-axes. Est-ce que vous faites référence aux dimensions extérieures de

 27   l'ellipse ? Vingt-quatre sur 58 -- soit. Bon, je vais dessiner l'ellipse

 28   d'après ce que j'ai compris. Voilà. Si nous nous comprenons, voilà ce que


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  1   cela nous donne.

  2   Q.  Oui, je pense que nous nous sommes compris. Donc cela nous donne la

  3   zone où 50 % des projectiles tomberaient si vous veniez à tirer un

  4   projectile de mortier d'une distance de 5 782 mètres du marché et le

  5   projectile étant de calibre de 120 millimètres ?

  6   R.  Oui, oui, c'est exact, mais là nous parlons d'un groupe de projectiles,

  7   s'il y a plusieurs projectiles qui sont tirés. C'est logique. Car si nous

  8   avons ce pourcentage de 50 %, s'il y a dix projectiles, il y en a cinq qui

  9   atterriront dans cette zone dessinée.

 10   Q.  Moi, ce que je vous dis, c'est que les servants du mortier qui avaient

 11   tiré ce projectile avaient une très bonne probabilité de toucher le marché

 12   s'ils le souhaitaient, surtout s'ils tiraient avec un mortier qui avait été

 13   positionné depuis plusieurs mois et s'ils avaient accès, qui plus est, à

 14   des données préenregistrées relatives à la cible.

 15   R.  Oui, mais cela ne change absolument rien aux conclusions. Parce que

 16   nous parlons des Vd et des Vp. Ce ne sont pas des caractéristiques du

 17   mortier seulement. Nous parlons également des caractéristiques de l'obus,

 18   tout dépend des servants du mortier. Ils ne peuvent pas exercer une

 19   influence sur les caractéristiques de l'obus. C'est un projectile qui a ses

 20   imperfections, il y a également la dispersion ou la gerbe qu'il faut

 21   prendre en considération. Et ça ne dépend pas des personnes qui s'occupent

 22   de l'obus. Les servants peuvent calculer les différents paramètres, ils

 23   peuvent tout à fait faire très bien leur travail, ils peuvent positionner

 24   le projectile parfaitement pour en améliorer la précision. Mais les

 25   paramètres Vd et Vp dont nous parlons, ce sont les caractéristiques de

 26   l'obus, et là personne ne peut exercer d'influence. Car tout obus aura une

 27   marge de dispersion qui ne peut pas être influencée par les servants. Ils

 28   peuvent, bien entendu, augmenter cette dispersion ou cette gerbe s'ils


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  1   n'ont pas un socle ferme pour leur obus et s'ils ne calculent pas les

  2   différentes caractéristiques en bonne et due forme. Tout obus a des

  3   imperfections que l'on retrouvera au niveau du manque de précision qui

  4   pourrait être plus ou moins important. Et cela, c'est déterminé par les

  5   paramètres Vd et Vp. Ce sont les caractéristiques de la série des

  6   munitions.

  7   Lorsque vous testez des munitions, les critères qui sont utilisés

  8   consistent à savoir si l'objectif correspond au critère de la gerbe

  9   probable. Ce sont les caractéristiques qui sont des caractéristiques d'une

 10   munition, mais là le servant ne peut absolument pas exercer d'influence.

 11   J'avais entendu un membre, une fois, dire -- une personne qui s'occupait

 12   d'un mortier dire : Moi je peux tout à fait toucher une cible et la toucher

 13   une deuxième fois. C'est absolument ridicule, personne ne peut influencer

 14   de cette façon les caractéristiques des munitions. Les paramètres Vd et Vp

 15   sont essentiellement les caractéristiques de l'obus et on ne peut

 16   absolument exercer d'influence là-dessus.

 17   Et vous devez également prendre en considération les conditions

 18   météorologiques, le vent et toute autre chose, et tout cela relève des

 19   catégories générales Vd et Vp.

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

 22   Le témoin est en train de signer le croquis en question.

 23   Monsieur Karadzic.

 24   Une petite seconde, je vous prie. Attention, parce que je ne

 25   souhaiterais pas perdre ce croquis. Je ne souhaiterais pas qu'il

 26   disparaisse, ainsi que les annotations qui ont été faites.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais là je pense que tout a été précisé.

 28   Mais il y a un contre sens à la ligne 4, parce que le témoin a dit que cela


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  1   ne dépendait absolument pas des personnes, des servants.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, bien sûr.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, mais cela ne dépend absolument pas des

  4   servants.

  5   M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

  6   souhaiterais demander le versement au dossier de ce document.

  7   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6349.

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions avoir une

 11   petite pause de cinq minutes pour préparer le prétoire ? Parce que, si j'ai

 12   bien compris, nous allons maintenant avoir M. Kecmanovic, n'est-ce pas ?

 13   Monsieur Poparic, vous avez été informé du changement de programme et du

 14   changement de l'ordre de comparution des témoins. Donc nous allons

 15   maintenant entendre M. Kecmanovic. Et je vous remercie de votre

 16   compréhension, Monsieur Poparic.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Pour que tout soit clair, Monsieur le

 19   Président, M. Poparic doit bien rester dans le bâtiment parce que sa

 20   déposition reprendra à un moment donné de la journée, n'est-ce pas ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 22   Cinq minutes, maintenant, d'interruption.

 23    --- La pause est prise à 9 heures 52.

 24   [Le témoin quitte la barre]

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   --- La pause est terminée à 10 heures 02.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaiterais que le témoin prononce

 28   la déclaration solennelle, s'il vous plaît.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  2   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : NENAD KECMANOVIC [Assermenté]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Kecmanovic.

  6   Installez-vous, s'il vous plaît, et mettez-vous à l'aise.

  7   Oui, Monsieur Karadzic, c'est à vous.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour à toutes

  9   et à tous.

 10   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Kecmanovic. M'avez-vous entendu ?

 12   R.  Oui. Bonjour.

 13   Q.  Avez-vous donné une déclaration à mon équipe de Défense?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Je vous remercie de faire cette pause que vous êtes en train de

 16   faire, et je vous remercie de parler lentement. Cela nous permettra d'avoir

 17   un compte rendu d'audience exact.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D7351, s'il

 19   vous plaît.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce votre déclaration que vous voyez s'afficher à l'écran devant

 22   vous ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Avez-vous lu cette déclaration et l'avez-vous signée?

 25   R.  Oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la dernière page pour

 27   que le Pr Kecmanovic puisse identifier sa signature.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bon, c'est ma signature.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Merci. Est-ce que cette déclaration reflète d'une manière fidèle ce que

  3   vous avez relaté à l'équipe de ma Défense ? Est-ce qu'il y a un problème

  4   d'abréviation ou de raccourci, indépendamment de ce que je viens de dire,

  5   ce qui concerne uniquement la traduction anglaise ? Est-ce que cela reflète

  6   fidèlement vos propos ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si je venais à vous poser les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que,

  9   au fond, vos réponses seraient les mêmes ?

 10   R.  Oui, au fond, mes réponses seraient les mêmes.

 11   Q.  Merci.

 12   Pourriez-vous nous dire quelle serait l'abréviation exacte pour le

 13   parti politique que vous avez dirigé en Bosnie ?

 14   R.  SRS.

 15   Q.  L'appellation entière ?

 16   R.  Ce serait l'Alliance des forces de réforme de Yougoslavie pour la

 17   Bosnie-Herzégovine.

 18   Q.  Et en anglais est-ce que cette abréviation, en fait, évoque un autre

 19   parti ?

 20   R.  Oui. Le Parti radical serbe, c'est la même abréviation. Et vu

 21   l'orientation de mon parti, qui était un parti proyougoslave en Bosnie-

 22   Herzégovine, l'antenne que j'ai dirigée c'était au niveau de la Bosnie-

 23   Herzégovine, et pour toute la Yougoslavie, le chef du parti était Ante

 24   Markovic, qui était le chef de gouvernement yougoslave à l'époque. Donc, vu

 25   notre programme politique, quelques membres d'autres partis politiques

 26   plaisantaient légèrement en disant qu'on était le parti des Serbes de

 27   réserve, parce que c'était aussi une partie de notre programme politique.

 28   On était favorable à ce que la Bosnie-Herzégovine reste au sein de la


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  1   Yougoslavie, et cela faisait également partie du programme politique du

  2   Parti radical serbe.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document au

  5   dossier avec l'observation que nous venons de faire, à savoir que

  6   l'abréviation SRS ne représente pas le Parti radical serbe mais l'Alliance

  7   des Réformistes de Yougoslavie pour la Bosnie-Herzégovine.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Dans la version anglaise, on lit

  9   SRSJ.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En fait, M. Karadzic se réfère au

 11   paragraphe 8, où l'on trouve la précision "Parti radical serbe" après

 12   l'abréviation "SRS", et c'est une erreur.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que c'est le traducteur qui a

 14   traduit le texte qui a ajouté cela. Je remercie Mme Uertz-Retzlaff d'avoir

 15   corrigé cela.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. C'est noté.

 17   D'autres objections, Madame Uertz-Retzlaff ?

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela étant dit, aux yeux des Juges de la

 20   Chambre, les paragraphes 45 et 46 de la déclaration de M. Kecmanovic

 21   contiennent dans le détail des informations relatives au mauvais traitement

 22   infligé aux Serbes de Bosnie, y compris l'existence des centres de

 23   détention. La Chambre de première instance estime que cette présentation

 24   détaillée n'est pas pertinente au vu de ce qui est reproché à l'accusé et,

 25   en conséquence, ordonne que ces paragraphes soient expurgés.

 26   Cette expurgation faite, la Chambre recevra la déclaration de M.

 27   Kecmanovic, qui devient la pièce à conviction de la Défense suivante dans

 28   la série des pièces.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3645.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je donnerai lecture à présent une version

  4   résumée de la déclaration du Pr Kecmanovic, et par la suite je poserai

  5   quelques questions supplémentaires.

  6   Nenad Kecmanovic était président de l'Alliance des Réformistes de

  7   Yougoslavie pour la Bosnie-Herzégovine. Jusqu'en 1989, il a été membre du

  8   Parti communiste. Il a été nommé représentant de la Bosnie-Herzégovine au

  9   sein de la présidence de la RSFY.

 10   Après les élections de 1990, l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a été bien

 11   accueillie par le public. Le 1er juin 1992, Nenad Kecmanovic est devenu

 12   membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Il a proposé que l'on crée

 13   un programme de travail au sein de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

 14   Alija Izetbegovic a été le seul qui a eu quelques réserves face à la plate-

 15   forme basée sur le plan Cutileiro. La communication avec d'autres parties

 16   de la Bosnie-Herzégovine n'était pas possible pour tous les membres de la

 17   présidence, à l'exception d'Alija Izetbegovic.

 18   En avril 1992, Nenad Kecmanovic a participé à une réunion avec Mirko

 19   Pejanovic, Momcilo Krajisnik et Radovan Karadzic à l'hôtel Terme d'Ilidza.

 20   A ce moment-là, des mesures concrètes ont été abordées, des mesures

 21   consistant à voir comment gérer la situation conflictuelle. Une réunion a

 22   été tenue par la suite avec le même ordre du jour en mai 1992 avec Momcilo

 23   Krajisnik et Alija Izetbegovic. Momcilo Krajisnik a proposé un partage

 24   temporaire du territoire sur la base de la répartition territoriale et

 25   ethnique et à la ligne de front. Il y a eu des pressions de la part de la

 26   population serbe parce qu'il y avait des victimes de part et d'autre. Un

 27   exemplaire de ce plan a été envoyé à Pale.

 28   Au printemps 1992, le statut de la JNA en Bosnie-Herzégovine a fait l'objet


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  1   de discussion de la part du président yougoslave Branko Kostic et le

  2   ministre de la Défense, le général Adzic. Un projet d'accord a été accepté

  3   et a reçu le soutien de Slobodan Milosevic; cependant, il a été rejeté par

  4   la présidence de Bosnie-Herzégovine. La JNA était censée rester en Bosnie-

  5   Herzégovine pour garantir la paix et la sécurité et pour empêcher les

  6   conflits interethniques.

  7   Le président Karadzic se préoccupait de la situation à Sarajevo. Un conseil

  8   d'équité national a été mis sur pied avant les élections de 1990, et son

  9   objectif principal était de garantir la protection des intérêts nationaux

 10   vitaux de chacun des trois peuples constitutifs de la république et de

 11   préserver l'égalité des droits de l'ensemble des groupes ethniques. Les

 12   députés serbes ont été mis en minorité à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine,

 13   ce qui a été l'une des principales causes de la guerre. Entre la fin de

 14   l'année 1991 et le mois de mars 1992, la situation dans l'ensemble du pays,

 15   en particulier à Sarajevo, est devenue très tendue et il y a eu de plus en

 16   plus d'actes de violence. Des attaques étaient essentiellement menées

 17   contre des Serbes, en particulier contre les familles d'officiers de la

 18   JNA. La partie serbe a lancé une initiative afin de donner la possibilité

 19   aux citoyens de Sarajevo de quitter la ville s'ils le souhaitaient, et

 20   cette initiative a reçu le soutien du président Karadzic. Indépendamment de

 21   leur appartenance ethnique, du côté serbe il était garanti à tout un chacun

 22   de traverser en sécurité le territoire serbe. Après mai 1992, il est devenu

 23   impossible de quitter Sarajevo. Les médias se sont lancés dans une

 24   propagande de guerre : les victimes musulmanes présentées comme innocentes,

 25   tous les crimes commis étaient présentés comme ayant été commis par

 26   uniquement les membres de l'armée serbe.

 27   Des prisons privées de Sarajevo plaçaient en détention uniquement des

 28   habitants serbes et leur infligeaient des sévices ou de fausses accusations


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  1   comme quoi ils gardaient des armes ou faisaient des signaux lumineux à

  2   l'artillerie serbe. Il y en a eu, par exemple, dans les sous-sols de

  3   l'hôtel Zagreb et l'hôtel Europe. Les organes officiels, organes de police,

  4   y compris le ministre Delimustafic, n'avaient pas d'informations là-dessus

  5   et ne pouvaient pas aider à libérer ces gens.

  6   Pendant des réunions qui se sont tenues avec la direction serbe à l'été

  7   1992, le bombardement de Sarajevo a fait l'objet de discussion à plusieurs

  8   reprises. Le bombardement était arbitraire et non sélectif. L'artillerie

  9   musulmane était placée dans les quartiers les plus densément peuplés de la

 10   ville, et l'artillerie serbe était forcée de répondre à ces tirs en prenant

 11   pour cible les endroits d'où provenaient les tirs.

 12   Alors, il y a eu des informations qui étaient diffusées au niveau des

 13   médias de deux côtés : Radio Sarajevo, placée sous contrôle musulman; et

 14   Radio SRNA, placée sous contrôle serbe. La BBC et d'autres médias

 15   internationaux transmettaient des informations comparables à celles qui

 16   étaient fournies par les médias musulmans. Cela a eu un effet substantiel

 17   sur les Musulmans et les Croates, qui au départ ne voulaient se ranger dans

 18   aucun camp ethnique. Plus tard, ils sont devenus biaisés négativement

 19   contre le SDS, la Republika Srpska et les Serbes. Le président Karadzic a

 20   souligné la nécessité de trouver une solution au conflit de Bosnie-

 21   Herzégovine par le biais de négociations politiques et d'éviter ou

 22   d'arrêter la guerre à tout prix.

 23   C'était le bref résumé de la déclaration de M. Kecmanovic. Et à présent, je

 24   souhaiterais lui poser quelques questions.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Je ne conteste pas la décision de la Chambre sur les paragraphes 45 et

 27   46, et je vous pose la question suivante : lorsque vous avez pris la

 28   décision de quitter Sarajevo, est-ce que votre décision a été en partie


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  1   basée sur les éléments qui sont contenus dans ces paragraphes-là ? C'est-à-

  2   dire, est-ce que cela représente sur ce que vous pouviez ou ne vous pouviez

  3   pas faire au profit des citoyens de Sarajevo d'autres nationalités ? Est-ce

  4   que cela a influencé votre décision ?

  5   R.  Oui. Naturellement, oui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, de toute évidence, il

  7   s'agit d'une question directrice. Je ne souhaite pas m'étendre là-dessus,

  8   mais vous auriez pu poser votre question de la manière suivante : pour

  9   quelle raison êtes-vous parti ?

 10   Oui, Madame Uertz-Retzlaff.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, c'est l'objection que je voulais

 12   soulever. Mais je voudrais aussi constater qu'en principe, M. Karadzic n'a

 13   pas respecté votre décision et a, en fait, relaté ces mêmes éléments que

 14   vous veniez d'exclure.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais cette décision vient d'être prononcée

 17   uniquement à l'instant, et si cela avait été exclu antérieurement, j'en

 18   aurais tenu compte. Mais quoi qu'il en soit, un résumé ne constitue pas une

 19   pièce à conviction, donc il n'y a pas de mal.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Alors, Professeur Kecmanovic, est-ce que vous avez eu l'occasion de

 24   connaître la politique du SDA par rapport au caractère multiethnique de la

 25   Bosnie-Herzégovine et aussi par rapport au fait qu'il prônait un Etat de

 26   citoyens ? Dans le cadre de votre activité politique, est-ce que vous avez

 27   pu vous familiariser avec cela, et pendant que vous étiez membre de la

 28   présidence également ?


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  1   R.  Le SDA de l'époque - le parti bosnien aujourd'hui - connaissait une

  2   contradiction dans son programme, et cette contradiction s'est manifestée à

  3   peu près au moment du tournant, après la rencontre de l'ambassadeur

  4   américain Zimmermann et d'Izetbegovic, c'est-à-dire pendant les

  5   négociations de Lisbonne sous l'égide de Cutileiro. Et jusqu'à ce moment-

  6   là, le SDA s'est essentiellement contenté d'être l'homologue du HDZ et du

  7   SDS. C'était un parti qui avait un programme mononational. Je pense même

  8   qu'il y avait quelques caractéristiques confessionnelles. Cela concerne

  9   avant tout le numéro un du parti, M. Izetbegovic, et la direction au sens

 10   strict du terme. Il s'agit de gens qui avaient été accusés lors de ce qu'on

 11   a appelé le procès de Sarajevo, accusés d'Islamisme.

 12   Et à partir d'un certain moment, et je voudrais souligner cela, le SDA a

 13   été le premier parti sur base ethnique à voir le jour, c'est ensuite le HDZ

 14   qui a été constitué, puis finalement, en dernier lieu, le SDS, et il y a eu

 15   à peu près deux mois entre la création de chacun de ces partis. Donc il y a

 16   eu un tournant à un moment donné au niveau du SDA, et ce parti, qui avant

 17   avait été constitué sur des bases d'appartenance ethnique ou nationales,

 18   est devenu un parti qui prônait un Etat de citoyens. Donc, en fait, il

 19   s'agissait de dissimuler un changement stratégique qui est intervenu en

 20   prônant soi-disant une Bosnie-Herzégovine commune et reposant sur le

 21   consensus entre les trois partis; mais en fait, c'était devenu un programme

 22   unitaire, centralisé, qui prônait la création d'un Etat où le peuple

 23   majoritaire, à savoir les Musulmans, serait celui qui dirigeait l'Etat.

 24   Q.  Je vous remercie.

 25   R.  Et je voudrais ajouter que la population bosnienne souhaitait se

 26   prononcer pour cette option unitaire, sinon cette population-là aurait voté

 27   pour mon parti, le Parti des Réformistes ou le parti du feu Nijaz

 28   Durakovic. Et il y avait plusieurs autres partis qui avaient ce caractère


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  1   multiethnique.

  2   Q.  Est-ce que vous pouvez nous énumérer ces partis-là ?

  3   R.  Il y avait mon parti au niveau de la Bosnie-Herzégovine, on l'a

  4   mentionné déjà plusieurs fois, l'Alliance des Réformistes de Yougoslavie

  5   pour la Bosnie-Herzégovine; il y avait aussi le SDP, c'était en fait le

  6   parti communiste réformé; il y a avait le parti libéral, avec Rasim Kadic à

  7   sa tête; ensuite, un parti qui était d'orientation civique, pourrait-on

  8   dire, mais qui était avant tout un parti de Bosniens, de Musulmans, le

  9   parti d'Adil Zulfikarpasic, le parti qui, à la différence du SDA, était

 10   favorable à un accord avec les Serbes et les Croates et souhaitait que la

 11   Bosnie-Herzégovine reste au sein de la Yougoslavie. Et je dirais qu'il y a

 12   eu un tout petit noyau de Musulmans au sein de ce parti, je dirais, l'élite

 13   bosnienne. M. Zulfikarpasic avait vécu en Europe occidentale, en Suisse,

 14   avant la guerre et il était revenu à Sarajevo juste avant la guerre. Et

 15   j'avais la sensation qu'on était très proche. Mais il faut savoir qu'à un

 16   moment donné, Zulfikarpasic s'est rapproché d'Izetbegovic et qu'ils ont eu

 17   un projet commun juste avant le début de la guerre; et puis, sur certaines

 18   questions, donc les questions que je viens de mentionner, il y a eu un

 19   différend entre eux et une séparation. Zulfikarpasic a trouvé que les

 20   positions du SDA étaient extrémistes, et dans certains livres qu'il a

 21   publiés, il dit même que c'était un parti profasciste ou fasciste. Et là,

 22   donc, un différend l'a opposé à Izetbegovic. Il y a eu une réunion qui a

 23   été tenue à Gasin [phon], une des places fortes du SDA, où il a été

 24   excommunié du parti, et c'est à partir de ce moment-là qu'il a créé son

 25   propre parti, le parti bosnien musulman.

 26   Q.  Et M. Pejanovic, est-ce que lui aussi, il a dirigé un parti à part ?

 27   Vous l'avez mentionné.

 28   R.  Oui. Pejanovic, il était à la tête du parti socialiste. Tout comme le


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  1   SDP représentait l'ex-parti communiste, Pejanovic était à la tête du parti

  2   socialiste qui était de nouveau un parti qui représentait l'ex-alliance

  3   socialiste. Enfin, pour ceux qui connaissent mieux, avant la guerre, du

  4   temps de la Yougoslavie socialiste, c'était l'organisation du front

  5   populaire qui rassemblait les masses populaires, au sens large du terme,

  6   qui n'étaient pas des communistes mais qui étaient favorables au

  7   socialisme.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer aux Juges de la Chambre, s'il vous

  9   plaît - puisque les étrangers ne reconnaissent pas nos noms et nos

 10   appellations - sur ces cinq partis politiques, quel est le nombre de

 11   dirigeants serbes parmi eux et quel est le nombre de Musulmans ?

 12   R.  Eh bien, Pejanovic était Serbe, tout comme moi; Zulfikarpasic, sans

 13   aucun doute Musulman, Bosnien, mais il n'est plus parmi nous; à la tête du

 14   parti libéral, il y avait Rasim Kadic, lui aussi Musulman, Bosnien. Et

 15   c'était ça, en fait, les partis les plus importants. Je n'arrive pas à

 16   retrouver les noms des autres.

 17   Q.  Et Durakovic, le feu Durakovic ?

 18   R.  Oui, à la tête des ex-communistes, à la tête du SDP donc, il y avait le

 19   feu Durakovic, qui lui aussi était Bosnien, Musulman.

 20   Q.  Alors, pour ce qui est de la stratégie militaire de la présidence,

 21   c'est-à-dire de la partie musulmane, vis-à-vis de l'ingérence des forces

 22   étrangères ou des interventions étrangères, est-ce que vous savez quelle

 23   était leur position ?

 24   R.  Ecoutez, d'après ce qu'on a pu voir et d'après ce qu'on a pu entendre

 25   dans la présidence pendant le mois que j'y ai passé, il me semble que la

 26   position de la partie bosnienne de la présidence, y compris de Stjepan

 27   Kljuic, qui représentait le HDZ - mais qui, en réalité, était plus

 28   favorable à une politique probosnienne, et politiquement il n'était pas


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  1   très important, parce qu'à ce moment-là déjà la plus grande partie du HDZ

  2   était en train de se polariser sur la création de l'Herceg-Bosna - donc il

  3   semblait qu'ils s'attendaient à ce qu'une intervention de l'OTAN soit

  4   décisive pour régler la situation en Bosnie. A plusieurs reprises,

  5   Izetbegovic a dit lors des présidences qu'au plus tard au 15 août, l'OTAN

  6   allait intervenir et que cela allait avoir un effet décisif sur l'évolution

  7   de la situation en Bosnie-Herzégovine. Et je pense que c'était ça l'attente

  8   qui a eu un effet plutôt négatif sur Alija Izetbegovic et l'a conduit à ne

  9   pas accepter un arrangement avec les autres partis.

 10   La présidence, voyez-vous, était une espèce de façade face au monde pour ce

 11   qui est de sa composition multiethnique. On peut en dire de même pour ce

 12   qui est du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, parce qu'à l'époque la

 13   politique réelle était conduite par Izetbegovic suivant une ligne parallèle

 14   qui ne passait que par le Parti de l'Action démocratique. Par exemple, à

 15   titre d'illustration donc, le ministre de l'Intérieur était Alija

 16   Delimustafic, mais Izetbegovic ne communiquait que fort peu avec lui. Ces

 17   tâches-là, il les accomplissait en passant par Bakir Alispahic, qui

 18   nominalement était à la tête du service de sécurité de la ville, mais c'est

 19   lui qui faisait partie de cette ligne du parti parce que c'était l'homme du

 20   parti, de la direction la plus restreinte. Et les affaires militaires

 21   passaient par Hasan Cengic, qui à l'époque n'avait aucune fonction

 22   officielle, mais il était, dans le parti, l'homme chargé des affaires

 23   militaires.

 24   En outre, ces apparences pour ce qui est de voir cela  fonctionner de

 25   façon multiethnique et conjointe, c'était créé par les instances communes,

 26   la présidence et autres, mais plus on allait en profondeur, on voyait que

 27   l'autorité complète était entre les mains pour la Bosnie-Herzégovine -- non

 28   pas seulement des cadres bosniens musulmans, mais les gens du Parti de


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  1   l'Action démocratique.

  2   Q.  Merci. Est-ce qu'outre ces observations --

  3   R.  Excusez-moi. Je veux ajouter aussi ceci. On a souvent mentionné Divjak,

  4   qui était Serbe et qui était membre de la direction. C'est vrai, c'était

  5   l'un des trois hommes les plus importants au niveau de l'armée. Mais si

  6   vous allez un peu plus bas, vous ne retrouverez pas un seul colonel ou

  7   lieutenant-colonel qui aurait occupé une fonction importante sans pour

  8   autant avoir été Musulman.

  9   Q.  Merci. Quand vous avez compris quel était le mécanisme de la prise de

 10   décision au niveau du SDA, quand avez-vous compris ce que l'élite

 11   intellectuelle qui a suivi Zulfikarpasic avait formulé ses opinions ?

 12   R.  Je n'ai bien compris ce que vous voulez dire.

 13   Q.  Vous nous avez parlé des modalités de prise de décision au sein du SDA

 14   et des instances de l'Etat. Je vous demande si vous pouvez nous dire

 15   comment le SDA prenait ses décisions et quelle a été la position prise vis-

 16   à-vis de cette façon de procéder pour ce qui est de prendre des décisions

 17   et de respecter la procédure démocratique ? Quelle était la position à cet

 18   égard prise par l'élite qui a suivi Zulfikarpasic ?

 19   R.  Eh bien, ce cercle qui était proche ou qui était intégré dans ce parti

 20   de Zulfikarpasic, c'était un cercle assez restreint. En plus de

 21   Zulfikarpasic, il y avait Muhamed Filipovic, qui était un professeur à

 22   l'université. Pendant cette période, à l'époque où j'étais donc à la

 23   présidence, ils avaient été fort critiques vis-à-vis de la politique

 24   d'Izetbegovic.

 25   J'ai, à plusieurs reprises, eu l'occasion de discuter avec Muhamed

 26   Filipovic sur ce sujet. Et suite à une initiative de sa part -- il y avait

 27   Pejanovic de présent aussi, et c'était même avant que je ne fasse partie de

 28   la présidence, et il a adopté une attitude très critique à l'égard


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  1   d'Izetbegovic. Une fois, même, on est allés s'entretenir avec Izetbegovic,

  2   et Filipovic, au côté de Pejanovic et de moi-même, a présenté des critiques

  3   très sérieuses pour ce qui est de la façon dont fonctionnait l'autorité à

  4   Sarajevo. Mais voyez-vous, les autorités à Sarajevo et en Bosnie-

  5   Herzégovine -- pour ce qui est de nous autres, en ville, c'était la même

  6   chose, parce qu'on n'avait pas la possibilité de communiquer avec ceux qui

  7   se trouvaient à l'extérieur de la ville.

  8   Q.  Merci. Vous avez parlé de Hasan Cengic et d'Alispahic. Est-ce que

  9   vous pouvez --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Pour les besoins du

 11   compte rendu d'audience, est-ce que vous pouvez répéter le nom de ce

 12   professeur de la faculté de philosophie qui a rejoint le parti de

 13   Zulfikarpasic. Les interprètes n'ont pas saisi ce nom.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Son nom c'est Muhamed Filipovic.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire -- parce que vous avez parlé de Hasan Cengic et

 18   d'Alispahic. Est-ce que vous pouvez nous dire quels étaient les facteurs

 19   déterminants du point de vue des cadres qui entouraient Alija Izetbegovic

 20   et quel a été leur historique du point de vue politique, des positions

 21   politiques prises par ces derniers ?

 22   R.  Ecoutez, on appelait ça à l'époque, et au fil des années après la

 23   guerre également, la presse de Sarajevo. La presse bosnienne dit que le

 24   Parti de l'Action démocratique, à compter du début de la guerre et pendant

 25   la guerre, ça a été dirigé par le groupe des forçats, ceux qui avaient fait

 26   de la prison lors de ce procès à Sarajevo pour des raisons de propagation

 27   de panislamisme à l'époque. Alors, Izetbegovic dans son livre, dans sa

 28   déclaration islamiste, c'est ce qu'il a fourni comme programme ou plate-


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  1   forme pour rassembler ces gens autour de lui, et c'est ce qui a constitué

  2   le noyau dur du processus. Il ne s'agissait pas seulement de questions

  3   théologiques, religieuses, mais en grande partie de plate-forme politique

  4   qui se manifestera ultérieurement dans le comportement d'Izetbegovic et

  5   dans la politique dont il a été le protagoniste. Et on voit son fils, Bakir

  6   Izetbegovic, qui se trouve au sommet de la direction de la Bosnie-

  7   Herzégovine, qui est membre de cette présidence tripartite, et dès les

  8   élections et dès qu'il a commencé à faire partie de cette présidence, il

  9   affirme que de nos jours encore il tient sur son bureau la déclaration

 10   islamiste. Et il veut dire par là qu'il ne se retire en rien par rapport

 11   aux positions qui se trouvent énoncées dans cette déclaration islamiste.

 12   Alors, quand vous parlez des gens qui ont fait partie de ce sommet du

 13   parti, en plus de Hasan Cengic, il y avait Omer Behmen, il y avait Edhem

 14   Bicakcic, Husein Zivalj, le Hasan Cengic que j'ai déjà mentionné et

 15   quelques autres noms encore. Je précise encore que ces gens-là ou la

 16   plupart d'entre eux n'ont jamais occupé des fonctions de façon transparente

 17   pour ce qui est des structures de l'Etat dans la partie musulmane bosnienne

 18   de la direction. Ils étaient restés, en quelque sorte, à l'ombre. Il n'y a

 19   que Hasan Cengic qui était chargé des questions militaires, qui n'a jamais

 20   occupé des fonctions d'Etat jusqu'à la fin de la guerre --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je crois que nous en avons

 22   entendu assez long.

 23   Madame Uertz-Retzlaff.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ce qui me préoccupe, c'est que nous

 25   savons que le temps pour ce témoin est limité. On a prévu deux heures de

 26   contre-interrogatoire pour moi, et nous avons entendu bon nombre

 27   d'éléments, y compris les points de vue de Bakir Izetbegovic, chose qui

 28   n'est définitivement pas pertinente pour l'affaire qui nous intéresse.


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  1   Alors, je suis inquiète par l'éventualité de voir du temps perdu et ne pas

  2   avoir suffisamment de temps pour mon contre-interrogatoire. Donc il

  3   faudrait qu'il y ait des limitations de placées.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes.

  5   De combien de temps pensez-vous avoir besoin pour votre

  6   interrogatoire au principal, Monsieur Karadzic ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus qu'une question -- une

  8   question et demie.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Professeur Kecmanovic, est-ce que vous avez tiré des conclusions ou des

 11   impressions ou des informations pour ce qui est de la fiabilité en matière

 12   de négociations concernant la mise en application des choses convenues pour

 13   ce qui est des parties serbe et musulmane ? Et j'aimerais que vous nous

 14   disiez aussi pourquoi vous avez quitté la présidence à Sarajevo.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Les interprètes ne vous ont

 16   pas bien compris. On vous demande de répéter.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je demande à ce que la question soit séparée

 18   de la demi-question. Ça me permettra de répondre plus facilement.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous avez eu des informations et tiré des conclusions pour

 21   ce qui est de la fiabilité des parties en présence s'agissant de la mise en

 22   œuvre, de l'application de ce qui a ou aura été convenu entre les parties

 23   musulmane et serbe ?

 24   R.  Je pense avoir indiqué de façon assez exhaustive ce qui a caractérisé

 25   feu M. Izetbegovic, Alija Izetbegovic, qui était très porté en faveur de

 26   changement de position. Il était très agréable lorsqu'on papotait avec lui,

 27   lorsqu'on discutait à titre officieux, mais lorsqu'on discutait ou

 28   négociait, il changeait souvent ses positions. A un moment donné, il a dit


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  1   lui-même que le matin il avait une opinion et l'après-midi une autre. Cela

  2   a été critiqué par l'opinion publique musulmane parce qu'on avait considéré

  3   que c'était inconséquent et que c'était de l'indécision. Alors, je crois

  4   qu'Izetbegovic avait une nature qui était comme cela. Je ne pense pas qu'il

  5   ait voulu induire dans l'erreur ses interlocuteurs; il n'avait pas des

  6   positions claires et précises.

  7   Il était très porté sur les hésitations. On suppose aussi que cela est dû

  8   chez Izetbegovic au fait qu'il ait été exposé à des pressions des ailes

  9   radicales et de l'aile modérée dans l'"establishment" musulman. Mais en

 10   s'entretenant avec les plus proches, on a pu apprendre que c'était lui qui

 11   prenait tout seul les décisions qui étaient censées être prises.

 12   Q.  Et pour ce qui est de la partie serbe et de sa fiabilité -- enfin, je

 13   ne dirais pas partie serbe, je dirais SDS, parce que vous aussi, vous

 14   faisiez partie de ce côté serbe ?

 15   R.  Le SDS, et notamment vous personnellement, je crois que vous étiez tout

 16   à fait conséquent et direct dans ce que vous disiez. A mon avis, vous

 17   l'étiez peut-être un peu trop.

 18   Q.  Merci. Je crois bien que vous allez avoir l'occasion de nous parler des

 19   raisons pour lesquelles vous avez quitté la présidence.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] En page 33, ligne 18 au compte rendu, on a omis

 21   de parler de "panislamisme" et ensuite "intégrisme islamique". C'est ce que

 22   le témoin a dit et c'est ce qui doit figurer au compte rendu d'audience.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous confirmez ceci, Monsieur

 24   ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le confirme.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 27   Comme vous l'avez remarqué, Monsieur Kecmanovic, votre témoignage au

 28   principal dans cette affaire a été versé au dossier dans sa majeure partie


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  1   sous forme écrite, c'est-à-dire sous forme de déclaration écrite. Vous

  2   allez à présent être contre-interrogé par le représentant du bureau du

  3   Procureur, mais cela sera fait après la pause. Nous allons faire une pause

  4   d'une demi-heure à présent.

  5   Nous allons reprendre à 11 heures et quart.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 17.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff, allez-y.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Contre-interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Kecmanovic.

 12   R.  Bonjour.

 13   Q.  Docteur Kecmanovic, au tout début de ce contre-interrogatoire, je tiens

 14   à vous remercier d'avoir accepté de vous entretenir avec l'Accusation

 15   mercredi passé, et je me propose de revenir vers des choses que vous nous

 16   avez dites pendant cet entretien. Autre chose aussi, comme nous l'avons

 17   déjà dit à l'occasion de ce récolement, nous n'avons que fort peu de temps

 18   pour le contre-interrogatoire, aussi vous demanderais-je aimablement

 19   d'avoir la gentillesse de répondre de façon la plus courte et la plus

 20   concentrée possible.

 21   Ce matin, vous avez dit, Docteur Kecmanovic, pourquoi votre parti,

 22   l'Alliance réformiste des forces de Yougoslavie pour la Bosnie-Herzégovine,

 23   avait lutté. Alors, ceci vous a placé en opposition vis-à-vis des partis

 24   nationalistes que vous avez qualifiés de partis monoethniques ce matin, et

 25   cela se rapporterait aussi au SDS, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Ce matin, vous nous avez également dit qu'au fond, ce parti du SDA,

 28   c'était le centre de l'autorité, plus que les organes officiels en place,


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  1   et vous avez dit qu'Izetbegovic était placé au centre du pouvoir en

  2   s'entourant d'autres personnes -- des siens. Alors, je crois qu'on pourrait

  3   dire la même chose du SDS, n'est-ce pas ? Le SDS était un centre du pouvoir

  4   pour ce qui était des Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?

  5   R.  De quelle période êtes-vous en train de parler ici ?

  6   Q.  Je fais référence à la période qui a précédé de près le début de la

  7   guerre et avant, donc, qu'il n'y ait établissement d'instances officielles

  8   de la Republika Srpska. Avant la guerre et jusqu'au début de la guerre, en

  9   somme.

 10   R.  Je pourrais dire que cela n'était pas tout à fait la même chose. Dans

 11   ce Parti démocratique serbe, il y avait, dirais-je, une espèce de

 12   distribution du pouvoir au sommet du parti qui était plus répartie, plus

 13   partagée. Il y avait Karadzic, il y avait d'autres personnes, parce qu'il y

 14   avait des gens qui étaient sur pied d'égalité. Karadzic, au début, ça n'a

 15   pas été l'homme le plus influent. Il y avait une espèce de direction

 16   collégiale de mise en place, et j'étais même censé combler un poste vacant.

 17   Alors, je crois que nous ne nous sommes pas bien compris --

 18   Q.  Je vais vous interrompre, si vous le permettez. Je suis en train de

 19   parler de la situation qui a précédé le début de la guerre -- qui a précédé

 20   de très près le début de la guerre. Et lorsque vous vous êtes entretenu

 21   avec Krajisnik et Karadzic, M. Karadzic était définitivement le pôle du

 22   pouvoir au sein du SDS, et le SDS était en fait le parti sur lequel il

 23   fallait compter à ce moment ?

 24   R.  Est-ce que vous parlez ici du moment qui précède le moment où la

 25   direction du SDS a quitté la ville pour aller à Pale ou est-ce que vous

 26   parlez de la période pendant que la direction se trouvait encore en ville ?

 27   Parce qu'il faut que nous nous comprenions mieux. Il y a une période où il

 28   y a eu coopération des trois partis au sein de la Bosnie-Herzégovine et une


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  1   période où le Parti démocratique serbe et ses représentants à la

  2   présidence, au gouvernement et autres instances se sont retirés des organes

  3   collégiaux. Alors, de quelle période parlez-vous au juste ?

  4   Q.  Eh bien, je croyais avoir été tout à fait précise dans mon propos. J'ai

  5   parlé du moment où vous et M. Pejanovic vous étiez entretenus avec M.

  6   Krajisnik et M. Karadzic. C'est la période dont je parle et c'est cette

  7   période-là qui m'intéresse.

  8   Q.  Bon. Alors, c'est la période où ils ont quitté les organes collégiaux

  9   de la Bosnie-Herzégovine, ces représentants serbes. Parce qu'il y a eu

 10   plusieurs personnes qui avaient occupé un statut sur pied d'égalité,

 11   Karadzic était le premier inter pares. Mais on a pu voir dans mon rapport

 12   que je me suis entretenu une fois avec Karadzic, puis Koljevic, puis

 13   Krajisnik. Il y avait une espèce de direction collégiale plus présente que

 14   du côté musulman. Bien sûr, Karadzic était nominalement l'homme numéro un.

 15   La hiérarchie était plus de nature à permettre de parler d'une direction

 16   collégiale de plusieurs personnes plutôt que d'une seule personne.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 18   Madame Uertz-Retzlaff, je suppose que vous êtes à même de faire revenir le

 19   compte rendu ?

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 37, ligne 14, est-ce que votre

 22   question se rapportait au SDA ou au SDS ?

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] 37 --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ligne 14.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, en fait, je parlais du parti du

 26   SDS, parce que j'ai dit que le SDA avait été un pôle du pouvoir. Puis, j'ai

 27   dit qu'il avait été fait référence au SDS par analogie au SDA, de la même

 28   façon --


Page 39100

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'ai omis de le voir. Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais intervenir pour le compte rendu,

  3   justement.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 38, ligne 1, le Dr Kecmanovic a dit qu'en

  6   sus de ce qu'il avait précisé, il y avait plusieurs personnes sur pied

  7   d'égalité avec Karadzic qui avaient déposé leur candidature, alors que

  8   Karadzic n'a pas déposé sa candidature, et ça n'a pas été consigné au

  9   compte rendu d'audience.

 10   L'INTERPRÈTE : La cabine française n'a pas entendu cette partie.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être -- pouvez-vous nous confirmer

 12   ceci, Monsieur Kecmanovic ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   Veuillez continuer, Madame Uertz-Retzlaff.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 17   Q.  Docteur Kecmanovic, au paragraphe 5 de votre déclaration, vous parlez

 18   des critiques que l'on a prononcées à votre égard une fois que vous avez

 19   rejoint les rangs de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Vous êtes au

 20   courant du terme "les Serbes privés d'Alija Izetbegovic." C'était quelque

 21   chose que M. Karadzic avait dit à votre sujet en parlant de votre

 22   participation aux activités des institutions de Bosnie-Herzégovine ?

 23   R.  Je sais que cela a été dit -- en fait, je ne sais pas que ce soit

 24   Karadzic qui l'ait dit, mais je sais que des gens de la direction du Parti

 25   démocratique serbe le disaient. Mais il y avait, à l'opposé aussi, du côté

 26   musulman, les propos qui disaient les Serbes à Karadzic --

 27   Q.  Monsieur, je ne vous pose pas de questions au sujet de la partie

 28   adverse. Je vous ai demandé d'être concis et de ne répondre qu'aux


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  1   questions que je vous pose, sans pour autant nous parler de ce qui se

  2   passait de l'autre côté aussi.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, j'aimerais qu'on nous montre -

  4   -

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Croyez-moi bien

  6   que je veux que nous accomplissions de façon efficace ce contre-

  7   interrogatoire, mais parfois, vous savez, ces petites digressions servent à

  8   expliquer ce que telle notion veut dire. C'était habituel des trois côtés,

  9   quand quelqu'un n'était pas d'un côté, on considérait que les autres

 10   étaient des traîtres. C'étaient les hommes à Alija, les hommes à Radovan.

 11   Enfin, c'était tout à fait habituel et ce n'était pas perçu à tel point

 12   comme une offense.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche la

 14   pièce 15896 sur nos écrans, il s'agit d'une pièce de la liste 65 ter.

 15   Q.  Et en attendant son affichage, je vous dirais qu'il s'agit d'un

 16   communiqué de M. Karadzic daté du 2 juin 1992 où, à votre sujet et au sujet

 17   de M. Pejanovic, au sujet notamment du fait de faire partie de la

 18   présidence, il dit que vous avez rejoint les rangs de la présidence de

 19   façon illégale. Et vous allez voir cela dans l'encadré. Et à votre sujet,

 20   aussi, il dit que vous êtes des Serbes privés à Alija Izetbegovic. En fait,

 21   il vous compare aux Serbes privés qui s'étaient mis au service d'Ante

 22   Pavelic. Alors, Docteur Kecmanovic, il vous compare ici avec ceux des

 23   Serbes qui avaient coopéré avec le leader croate Ante Pavelic, qui s'était

 24   fait allié de l'armée nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  S'agissant de ce que vous venez de me montrer, je n'en étais pas au

 27   courant, et c'est vraiment une offense grave. C'est la première fois que je

 28   vois cela, pour ma part.


Page 39102

  1   Q.  Cette publication est intitulée "Nas Glas". Est-ce que c'est un

  2   quotidien ou quoi ?

  3   R.  Je ne sais pas. Pour moi, c'est tout à fait nouveau. Je n'ai jamais vu

  4   ceci de ma vie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Intervention au compte rendu, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] En page, 40, on n'a pas consigné ce que le Dr

  8   Kecmanovic a dit, à savoir que la partie musulmane avait qualifié certains

  9   Serbes des Serbes à Karadzic et les Serbes qualifiaient d'autres Serbes

 10   comme étant les Serbes à Alija. Et j'aimerais qu'on lise la totalité de ce

 11   qui est encadré pour voir si véritablement on l'a comparé avec Ante

 12   Pavelic, comme on a si bien voulu le laisser entendre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela est nécessaire, vous pourrez

 14   revenir là-dessus plus tard. Mais je pense que le témoin a eu la

 15   possibilité de lire cette déclaration, et la question a été posée sans

 16   problème.

 17   Pouvons-nous poursuivre, Madame Uertz-Retzlaff ?

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, bien sûr.

 19   Est-ce que ce document pourrait être versé au dossier.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Objection. Le témoin a dit :

 21   "Ecoutez, je n'en sais rien. C'est tout à fait nouveau pour moi. Je n'avais

 22   jamais vu cela."

 23   Donc, sur quelle base est-ce que nous allons verser au dossier ce document

 24   ?

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que cela n'a pas trait à sa

 27   déclaration ?

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, je pense que cela a plutôt trait à


Page 39103

  1   sa crédibilité, donc c'est plutôt une question de base, de fondement,

  2   plutôt que de pertinence.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, le témoin a été traité de

  4   Serbe d'Alija, ce qu'il a confirmé. Et, certes, il a dit qu'il ne savait

  5   pas que M. Karadzic avait tenu ces propos. Mais le fait qu'il n'a jamais vu

  6   ce document ne signifie pas pour autant que cette référence n'existe pas.

  7   Donc je pense que nous pouvons, sur cette base, verser ce document au

  8   dossier.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est ce que nous ferons.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6350.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Kecmanovic, au paragraphe 5 de votre déclaration, vous dites

 14   également que ce genre de choses étaient dites publiquement à des fins de

 15   propagande et que, bon, ce n'était pas véritablement ce qui était entendu.

 16   Est-ce que vous nous indiquez que M. Karadzic, lorsqu'il s'exprimait ainsi,

 17   induisait le public en erreur ? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train

 18   de nous dire ?

 19   R.  Je pense que cela relevait de la propagande. Je ne peux pas croire

 20   qu'il ait tenu ces propos sincèrement. Et même s'il voulait véritablement

 21   dire ceci, il n'aurait pas préconisé que je dirige le SDS. Or, c'est ce

 22   qu'il a véritablement prôné. Par conséquent, il ne pouvait pas sincèrement

 23   penser ce qu'il a dit et ce qu'il a écrit. Sinon, il ne m'aurait pas

 24   adressé la parole plus tard ou à plusieurs occasions. Et puis, n'oublions

 25   pas qu'il m'a quand même invité ici comme témoin à décharge; sinon, peut-

 26   être que l'Accusation m'aurait demandé de comparaître comme témoin à

 27   charge.

 28   Q.  Professeur Kecmanovic, le but de ce que vous appelez de la propagande


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  1   était de faire en sorte que les gens, en fait, ne s'écartent pas de ce que

  2   prônait le SDS et de sa politique nationaliste, n'est-ce pas ?

  3   R.  Vous voyez, les trois partis nationalistes, y compris le SDS

  4   d'ailleurs, avaient participé aux élections, et, en fait, les majorités

  5   étaient si convaincantes au cours de ces élections qu'ils ne pensaient pas

  6   qu'il était besoin de rassembler autour d'eux un nombre peu important de

  7   personnes qui avaient voté pour d'autres partis, notamment mon parti.

  8   Q.  Et l'objectif de ce type de propagande, puisqu'il s'agissait quand même

  9   de vous traiter des Serbes d'Alija, de vous mettre sur un pied d'égalité

 10   avec les Serbes d'Ante Pavelic, le but aurait été d'exercer des pressions

 11   sur vous et sur d'autres pour que vous n'exprimiez pas de points de vue qui

 12   s'écarteraient de cette politique ethnocentriste des dirigeants des Serbes

 13   de Bosnie et que pour vous ne travailliez pas pour une institution

 14   bosnienne ?

 15   R.  Voyez-vous, lorsqu'il s'agit des personnes qui auraient pu œuvrer au

 16   sein d'institutions qui se trouvaient dans l'autre camp, nous ne parlons

 17   pas du grand public, de n'importe qui. Nous parlons de personnes qui n'ont

 18   pas obtempéré, qui n'ont pas cédé face aux pressions, qui ont continué à

 19   avoir un comportement autonome. Moi je me serais rallié au SDS à n'importe

 20   quel moment. Et je l'aurais admis avant les élections et après les

 21   élections, d'ailleurs, même s'ils n'ont pas réussi à me faire changer

 22   d'avis pour faire en sorte que je devienne un membre du SDS. Je pense que

 23   cela était valable de façon générale pour toutes les personnes qui comme

 24   moi ont fait l'objet de pressions et de propagande.

 25   Q.  Monsieur Kecmanovic, vous avez démissionné de la présidence de la

 26   Bosnie-Herzégovine en juillet 1992, mais avant que vous ne le fassiez les

 27   dirigeants des Serbes de Bosnie ont exercé sur vous des pressions assez

 28   considérables, n'est-ce pas ?


Page 39105

  1   R.  Des pressions pour que je ne devienne pas membre de la présidence ?

  2   C'est bien votre question ?

  3   Q.  Je faisais référence au fait qu'en juillet 1992, vous avez démissionné.

  4   Et je vous ai posé une question, je vous ai demandé s'il était exact

  5   qu'avant votre démission, les dirigeants serbes de Bosnie ont exercé des

  6   pressions sur vous pour que vous agissiez de la 

  7   sorte ?

  8   R.  Il n'y a pas de pression qui a été exercée sur moi. Personne n'a exercé

  9   de pression sur moi. Cela fut le fruit, le résultat de ma décision, d'une

 10   décision que j'ai prise de façon autonome. Si j'avais cédé face à ces

 11   pressions, j'aurais probablement été le dirigeant du SDS ou je m'y serais

 12   rallié plus tard. Aucune pression n'a été exercée sur moi.

 13   Q.  Monsieur Kecmanovic, il y a des éléments de preuve qui ont été

 14   présentés à la Chambre de première instance --

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et je fais référence à la 14e session

 16   de la présidence de la Republika Srpska qui porte la date du 3 juillet

 17   1992, et il s'agit de la pièce D438, paragraphe 4 [comme interprété] et

 18   paragraphe 12.

 19   Q.  Et voilà ce qui est écrit ici, Monsieur. Il est écrit que vous-même, M.

 20   Pejanovic, M. Nikolic, M. Simovic et d'autres Serbes seront invités

 21   publiquement à démissionner de leurs fonctions au sein des organes

 22   officiels en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous étiez informé de ce type

 23   de communications publiques ?

 24   R.  Ecoutez, moi je ne suis quasiment pas informé de ce type de

 25   déclarations ou d'invitations. Vous savez, à Sarajevo, la situation était

 26   telle que je n'ai pas véritablement eu le temps de suivre la situation,

 27   surtout lorsque j'ai commencé à travailler au sein de la présidence. Oui,

 28   j'avais été informé. Quelqu'un, peut-être Simovic, m'avait relayé cela.


Page 39106

  1   Mais je n'y ai pas accordé beaucoup d'attention, car je pensais qu'il

  2   s'agissait d'une réaction à laquelle je pouvais m'attendre.

  3   Q.  Et la Chambre de première instance a également été saisie d'autres

  4   éléments de preuve --

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et je fais maintenant référence à la

  6   pièce D440, il s'agit de la session du 6 juillet, session de la présidence

  7   de la Republika Srpska, de la 15e session, pour être précise.

  8   Q.  -- et là, il y a un point de vue qui est adopté. Il est indiqué que des

  9   pourparlers -- donc M. Koljevic et Krajisnik étaient censés parler avec

 10   vous et M. Pejanovic. Cela est indiqué au paragraphe 3 du compte rendu du

 11   procès-verbal de cette session. Ils ont été nommés pour effectuer ces

 12   pourparlers ou ces entretiens, et le but étant de déterminer les conditions

 13   de votre démission. Ils ont même formulé des demandes que vous étiez censés

 14   présenter à M. Izetbegovic. Alors, est-ce que cela a bel et bien eu lieu,

 15   Monsieur Kecmanovic ?

 16   R.  Oui, l'équipe de la Défense m'a montré ce document, par conséquent, je

 17   le connais. Je ne l'avais pas vu auparavant. Je peux répondre de façon très

 18   précise à cette question. Peut-être que l'accusé M. Karadzic peut m'aider à

 19   ce sujet. Je ne doute fort qu'une telle décision ait été adoptée. Parce

 20   que, après tout, il s'agit d'un document officiel. Toutefois, lorsque je me

 21   suis trouvé à Pale avant de me rendre à Belgrade, cette question n'a jamais

 22   été abordée. Ce genre de pourparlers ou d'entretiens n'a pas eu lieu. Moi

 23   je n'ai pas eu avec MM. Krajisnik et Koljevic de discussion officielle, ils

 24   ne m'ont absolument rien dit de la sorte. Feu le Pr Koljevic m'attendait à

 25   Lukavica. Nous sommes allés ensemble à Pale, et là nous avons rencontré MM.

 26   Karadzic et Krajisnik et Mme Plavsic. Dans un premier temps, nous avons

 27   dîné, puis ensuite nous avons parlé pendant le dîner. Puis nous avons eu

 28   des contacts, nous nous sommes parlé également, il s'agissait en fait de


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  1   discussions bilatérales, le lendemain et le surlendemain. Personne ne m'a

  2   présenté de conditions qu'il fallait respecter. En fait, la conversation

  3   n'a jamais pris cette tournure.

  4   Q.  Bien. Nous allons passer à autre chose. Dans votre déclaration, à

  5   plusieurs reprises vous faites référence au fait que les politiques du SDS

  6   et de votre parti étaient similaires, semblables. Alors, cela fait

  7   référence essentiellement au fait qu'à un moment donné, les deux partis

  8   souhaitaient que la Bosnie-Herzégovine reste au sein de la Yougoslavie ?

  9   C'est à ce sujet que vous étiez fondamentalement d'accord, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Et lorsque l'ex-Yougoslavie ne correspondait plus véritablement à une

 12   option en avril 1992, lorsque cela ne correspondait plus à aucune

 13   possibilité, les dirigeants serbes de Bosnie ont voulu un Etat, leur Etat,

 14   et ce, sur certains territoires de Bosnie-Herzégovine; est-ce bien exact ?

 15   R.  Ecoutez, ce n'est pas ainsi que je formulerais la chose. Je pense qu'il

 16   s'agissait plutôt de la création d'une union fédérale ou confédérale, d'une

 17   structure fédérale qui se fonderait à partir des concentrations

 18   territoriales et ethniques de la population. En ce qui concerne mon parti,

 19   après les modifications que vous avez mentionnées, il y a eu des

 20   changements de positions. Parce qu'au sein de mon parti, nous nous

 21   ralliions à cette idée qui avait été préconisée par la commission de M.

 22   Cutileiro de l'Union européenne. Alors, il y avait une nouvelle situation,

 23   en fait, et donc il avait été décidé qu'il y aurait des cantons. On ne

 24   parlait pas d'entités, mais on parlait de cantons ou de semi-cantons. Et le

 25   modèle helvète a été présenté, le modèle belge également. Donc, là, il

 26   s'agissait d'être à la recherche de solutions pragmatiques. Et je dirais

 27   que tout le monde a plus ou moins participé. Moi je pense que le SDP a été

 28   le seul parti qui a continué et persisté à insister pour conserver une


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  1   structure unitaire et centralisée pour la Bosnie-Herzégovine. Dans le

  2   manifeste de mon parti, la question territoriale et ethnique n'était

  3   absolument pas une priorité. Nous parlions de divisions qui se fonderaient

  4   sur des conditions démographiques, géographiques, et puis il a été question

  5   du principe territorial et ethnique en dernier lieu, et d'ailleurs cela

  6   s'est concrétisé dans le programme de la présidence --

  7   Q.  Je vais vous interrompre parce que je ne voulais pas avoir autant de

  8   détails relatifs à la période où le plan Cutileiro était encore

  9   d'actualité. Je faisais référence à ce qui s'est passé après le mois

 10   d'avril 1992, lorsque la Yougoslavie n'existait plus. Voilà, c'est la

 11   période, en fait, qui m'intéressait. Et vous n'avez pas, d'ailleurs,

 12   répondu à la question.

 13   Donc, au paragraphe 54 --

 14   R.  Ecoutez, de grâce, laissez-moi préciser certaines choses. Je voudrais

 15   répondre à vos questions plutôt que de ne pas y répondre.

 16   Q.  Mais je vous avais posé une question très concrète. Je vous ai posé une

 17   question à propos de la période qui a suivi le mois d'avril 1992, et je

 18   vous avais dit que les dirigeants serbes de Bosnie souhaitaient avoir leur

 19   propre Etat. Et vous avez parlé de quelque chose de tout à fait différent.

 20   R.  Fort bien. Alors, pour répondre à votre question de façon concise, je

 21   vous dirais que d'après ce que je sais, ils ne souhaitaient pas avoir leur

 22   propre Etat. Ils voulaient que la Bosnie-Herzégovine soit transformée en

 23   une union, une fédération ou une confédération d'unités territoriales et

 24   ethniques pour les trois peuples. Est-ce que -- voilà, je pense avoir

 25   répondu à votre question.

 26   Q.  Professeur Kecmanovic, au paragraphe 54 de votre rapport, vous faites

 27   référence à votre rapport d'expert que vous aviez préparé pour Prijedor. Et

 28   mercredi, lorsque nous nous sommes vus, vous avez également parlé de ce


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  1   rapport d'expert. Vous avez dit que vous l'aviez préparé pour l'affaire

  2   Kvocka --

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Affaire IT-88-30/1 [comme

  4   interprété].

  5   Q.  Et je souhaitais juste faire référence à un passage, et vous vous

  6   souviendrez de votre rapport -- vous vous en êtes souvenu très bien lors de

  7   notre entretien, donc je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'afficher

  8   dans le prétoire électronique. Mais voilà. Donc il s'agit de votre rapport

  9   pour l'affaire Kvocka --

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Document 25087 de la liste 65 ter. Je

 11   l'indique à l'intention de la Défense.

 12   Q.  Là, il y a une portion qui est intitulée : La guerre croato-musulmane.

 13   Vous vous souviendrez certainement de ce passage, ou est-ce que vous

 14   souhaitez que nous l'affichions ?

 15   R.  C'était un rapport. Ce n'était pas une déposition, n'est-ce pas ?

 16   Q.  C'est exact. C'est un rapport que vous avez préparé pour l'affaire

 17   Kvocka, et dans ce rapport il y a un chapitre où vous décrivez la guerre

 18   croato-musulmane.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et je dis à l'intention de la Défense

 20   qu'il s'agit de la page 34 pour le prétoire électronique.

 21   Q.  Et vous dites -- ou plutôt, vous avez écrit --

 22   R.  Mais écoutez, j'aimerais pouvoir avoir ce document sur mon écran.

 23   Q.  Fort bien.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce que nous pourrions donc avoir

 25   le document de la liste 65 ter 25087, et c'est la page 34 du prétoire

 26   électronique qui m'intéresse.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et qu'en est-il de la version B/C/S ?

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Malheureusement, il n'y a pas de


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  1   version B/C/S --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous n'avons que six pages.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous devriez avoir l'intégralité du

  4   rapport. Nous avons pour la version B/C/S six pages seulement, et c'est ce

  5   qui fait référence à Prijedor. Or, je vais parler de la partie principale

  6   du rapport, et il s'agit de la page 34 pour la version anglaise.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, est-ce que nous pourrions voir à

  8   partir de la page 31, où nous avons le titre : La guerre croato-musulmane.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous me donner une traduction ? Bien,

 11   alors, s'il n'y a pas de traduction dans le système du prétoire

 12   électronique, peut-être que vous pourriez me donner un document papier ?

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais nous n'avons pas de document

 14   papier --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons imprimer les pages 31 à 34

 16   et nous vous les fournirons, ces pages, dans un petit moment.

 17   Je vous en prie, entre-temps, poursuivez.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, je vais m'intéresser à la page

 19   34 de ce document. En fait, c'est ce qui se trouve tout en haut du

 20   document.

 21   Q.  Voilà ce qui est dit tout en haut :

 22   "Fondamentalement, c'était une guerre inévitable, une guerre qui a émané de

 23   la logique, à proprement parler, des mouvements musulmans et croates qui,

 24   tout comme les Serbes, aspiraient à créer leur propre espace ethnique et à

 25   établir leur propre Etat nation."

 26   Professeur Kecmanovic, vous nous dites ici que les Musulmans et les Croates

 27   et les Serbes aspiraient à créer leur propre espace ethnique et à

 28   constituer leur propre Etat nation. C'est ce que vous avez écrit dans votre


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  1   rapport. Cela a été versé au dossier dans une affaire entendue par ce

  2   Tribunal. Est-ce que vous êtes en train de nous dire maintenant que c'est

  3   une erreur ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions attendre

  5   que le témoin reçoive le document papier.

  6    LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas encore la traduction que j'ai

  7   demandée.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela figure en haut de la page 32. Non,

  9   nous ne l'avons pas dans votre langue, malheureusement. Mais regardez la

 10   page 32 du document papier, qui correspond à la page 34 dans le prétoire

 11   électronique. Mais je pense que vous avez entendu la traduction de cette

 12   phrase. Pouvez-vous donc répondre à la question ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je souhaiterais pouvoir disposer du

 14   texte, ce qui me faciliterait la tâche. Mais est-ce que vous pourriez

 15   répéter votre question, je vous prie.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 17   Q.  Je vous avais demandé si le SDS ou la population serbe de Bosnie

 18   souhaitait créer son propre Etat. Vous avez répondu par la négative. Puis

 19   ensuite, j'ai cité cette citation, et ensuite je vous ai posé une question

 20   à ce sujet.

 21   R.  Voyez-vous, je ne parle pas seulement des Serbes, mais je parle des

 22   Musulmans et des Croates. Et cette déclaration semble être contradictoire

 23   par rapport à ce que j'ai dit dans le rapport a priori. Mais le fait est

 24   qu'il s'agit d'envisager de façon beaucoup plus générale le problème. Il y

 25   a quelques minutes, j'ai fait référence à des termes, "confédération

 26   d'unions". Quoi qu'il en soit, il s'agissait d'envisager des zones. Il y

 27   avait donc l'option confédérale, et cela aurait donné une garantie à ces

 28   trois peuples qui avaient eu des expériences historiques négatives. Il ne


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  1   faut pas oublier qu'il y a cumul d'expériences négatives d'une génération à

  2   une autre. Nous avons eu 1941, 1918, et puis il y a eu d'autres événements

  3   historiques qui avaient quand même provoqué des incertitudes et des

  4   inquiétudes qui s'étaient accumulées au fil des générations. Il y avait

  5   certaines hostilités, un besoin de revanche, ce genre de choses. Alors, il

  6   se peut que cela ait été supprimé grâce à la bonne volonté des peuples ou

  7   du fait de l'oppression du régime communiste. Mais le fait est qu'en

  8   profondeur, ce ressentiment existait, et ce genre de sentiment refait

  9   surface en temps de crise. Et il semblait que les trois peuples

 10   souhaitaient ce genre de chose.

 11   Q.  Professeur Kecmanovic, dans cette phrase vous parlez d'une guerre qui

 12   est inévitable, et j'aimerais à ce sujet que nous nous intéressions au

 13   paragraphe 56 de votre déclaration, car dans ce paragraphe vous indiquez

 14   que vous pensez qu'il était possible de transformer du point de vue

 15   territorial et ethnique la Bosnie-Herzégovine, sans pour autant procéder à

 16   des mutations radicales ou contraintes ou forcées par rapport à la

 17   structure ethnique. Et dans ce paragraphe vous utilisez une métaphore, la

 18   métaphore du léopard avec ses taches, qui apparemment correspond fidèlement

 19   à la composition ethnique extrêmement mixte de la Bosnie. Donc, Professeur

 20   Kecmanovic, vous avez vous-même utilisé cette métaphore dans votre rapport

 21   d'expert que nous avons sur nos écrans pour le moment.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et je souhaiterais que la page 21

 23   soit affichée. Page 21 ? Page 21, je vous prie. Donc, page 21 du rapport

 24   que nous venons juste d'examiner.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quelle est la page dans le prétoire

 26   électronique ?

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit du document de la liste 65

 28   ter 25087, page 21.


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  1   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, nous n'avons pas de

  4   traduction, donc vous donner la version anglaise en document papier ne me

  5   semble pas être particulièrement utile. Donc, regardez peut-être l'écran,

  6   et de toute façon vous allez entendre l'interprétation.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  8   Q.  Alors, il s'agit de 3 : "Visions nationales de la désintégration de

  9   Bosnie-Herzégovine." Et si vous prenez le deuxième paragraphe, voilà ce qui

 10   est écrit :

 11   "Une position de repli pour les trois peuples était comme 

 12   suit : si aucun de ces peuples ne pouvait faire en sorte que toute la

 13   république suive la direction qu'ils souhaitaient lui donner, ils pouvaient

 14   la diviser compte tenu de leur droit à l'autodétermination nationale, et

 15   cela inclut la sécession. Le problème, toutefois, vient du fait que la

 16   structure territoriale et ethnique de la Bosnie-Herzégovine ressemble à une

 17   peau de léopard. Vous avez de grandes concentrations d'un groupe donné à

 18   l'extérieur de villes plus importantes multiethniques et il n'y avait aucun

 19   lien mutuel. Les QG de parti des trois camps étaient fébrilement préoccupés

 20   par les cartes ethniques."

 21   Et puis, au paragraphe suivant, voilà ce qui est dit :

 22   "Mais étant donné qu'aucun d'entre eux ne pouvait combiner des enclaves

 23   homogènes du point de vue ethnique et non reliées en des cantons à

 24   homogénéité nationale, et, par ailleurs, pour éviter des déplacements

 25   importants de populations, leur population et la population des deux autres

 26   groupes ethniques. Ni les Musulmans, ni les Serbes, ni les Croates étaient

 27   disposés à quitter leurs foyers et/ou à y rester en tant que minorité

 28   nationale. Comme dans une tragédie antique, chaque partie continuait à


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  1   suivre ses intérêts nationaux, ce qui aurait pu être même considéré comme

  2   acceptable lorsque cela a été considéré de façon séparée, mais qui devait

  3   aboutir de façon inévitable à un résultat catastrophique qu'est la guerre

  4   civile." 

  5   Alors, Professeur Kecmanovic, c'est ce que vous avez rédigé dans le rapport

  6   pour l'affaire Kvocka. En fait, c'est ce qui s'est exactement passé après

  7   le début du conflit, il y a eu, n'est-ce pas, nettoyage ethnique massif ?

  8   R.  Qu'est-ce qui était massif, le nettoyage ethnique ?

  9   Q.  Ce qui se déroulait en Bosnie-Herzégovine; par exemple, à Banja Luka;

 10   par exemple, à Foca; par exemple, en Bosnie orientale; et autour de

 11   Sarajevo, n'est-ce pas ?

 12   R.  Pas autour, mais à Sarajevo. Vous êtes d'accord, non ? Sarajevo est

 13   l'exemple le plus dramatique car la majorité de la population de Sarajevo a

 14   quitté la ville. Si l'on compare cela au nombre d'habitants qui ont quitté

 15   leurs villes natales, Sarajevo a connu le plus grand nombre de départ. Est-

 16   ce que vous en êtes consciente, Madame ?

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Monsieur Kecmanovic, est-ce

 19   que vous êtes d'accord pour dire qu'à Banja Luka, à Foca et en Bosnie

 20   orientale, le nettoyage ethnique a eu lieu ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parlerais pas de nettoyage ethnique car

 22   ça a une connotation différente, du moins dans le cas de la Bosnie-

 23   Herzégovine. On a fait référence au nettoyage ethnique pour un camp, alors

 24   que c'est dans les trois camps que le nettoyage ethnique a eu lieu.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous considérez que ce

 26   qui s'est passé à l'intérieur de la ville de Sarajevo était un nettoyage

 27   ethnique ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlerais simplement de tous ces événements


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  1   en un seul terme plutôt que de faire référence à des événements dans une

  2   région du pays comme étant un nettoyage ethnique et d'autres dans d'autres

  3   régions comme une relocalisation de la population.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais soulever une objection. Les propos

  5   de M. Kecmanovic ont mal été repris dans son rapport. Il a parlé de

  6   mouvements massifs plutôt que de nettoyage ethnique. Mme Uertz-Retzlaff a

  7   traduit les "mouvements massifs" comme étant du "nettoyage ethnique".

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit d'une intervention,

  9   Monsieur le Juge --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, qui n'est pas appropriée.

 11   Continuez.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges,

 13   j'aimerais que l'on admette les deux pages, c'est-à-dire pages 21 et 34

 14   dans le prétoire électronique.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela étant, j'aimerais vous demander de bien

 16   vouloir me fournir cette partie du rapport en version B/C/S pendant ma

 17   déposition.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Malheureusement, nous ne l'avons pas

 19   pour l'instant, Monsieur. Il existe quelque part au Tribunal.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, en fait,

 21   j'en ai également discuté. Et je vous ai demandé, Monsieur Kecmanovic, si

 22   vous disposiez d'une version en B/C/S, et j'avais compris qu'il existait

 23   une version en B/C/S de ce rapport. En fait, nous avons cherché partout. Et

 24   nous n'avions qu'une traduction des six pages relatives à Prijedor et M.

 25   Iain n'a pu trouver aucune version B/C/S.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà où nous en sommes, Monsieur

 27   Kecmanovic.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je pense que nous nous retrouvons


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  1   dans une situation où nous ne pouvons pas discuter de la question sans les

  2   documents y afférant.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez une objection,

  4   Maître Robinson ?

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre ces deux pages

  7   ainsi que la première page du document, la page de couverture.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6351, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci.

 11   Q.  J'aimerais à présent passer à la plate-forme au sein de laquelle vous

 12   avez travaillé à la présidence de Bosnie-Herzégovine, et vous avez parlé

 13   cette plate-forme dans le paragraphe 11 de votre déclaration. Je pense que

 14   vous y avez fait référence également aujourd'hui.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le

 16   document 25060 de la liste 65 ter dans le prétoire électronique, s'il vous

 17   plaît. Nous avons là les deux langues, Monsieur.

 18   Q.  Et à la deuxième page - peut-être que nous ne devons pas la regarder

 19   maintenant - mais à la deuxième page, nous voyons que le document a été

 20   adopté le 26 juin 1992. Pourrions-nous afficher le point 4, s'il vous

 21   plaît. Page 2 dans les deux langues. Dans ce point 4, nous y voyons les

 22   conditions nécessaires aux pourparlers de paix qui sont énumérées, et,

 23   entre autres, nous avons : (a), la sécession des hostilités; (b),

 24   l'établissement de la situation politique avant l'agression; (c) -- non, je

 25   vais lire le (d), dédommagement pour dommages de guerre et punition des

 26   auteurs de crimes de guerre conformément au droit international. A la fin

 27   du paragraphe, on dit :

 28   "La Bosnie-Herzégovine n'acceptera pas des pourparlers se fondant sur la


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  1   création de territoires purs d'un point de vue ethnique ou d'une division

  2   régionale de la Bosnie-Herzégovine en se fondant sur une répartition

  3   ethnique uniquement. La Bosnie-Herzégovine n'acceptera jamais non plus tout

  4   type de modification territoriale ou démographique, ni d'avantages qui

  5   découleraient de la guerre et de la violence."

  6   Monsieur Kecmanovic, c'est ce que vous et vos collègues à la présidence

  7   aviez fixé comme objectifs, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. J'aimerais ajouter que certains amendements ont été apportés, et

  9   les conclusions découlaient non seulement du groupe de travail mais de la

 10   présidence également. Par exemple, dans le préambule de ce document, on

 11   parle de l'agression de la part de la Yougoslavie ou de la JNA, l'agression

 12   contre la Bosnie-Herzégovine. Cela ne se retrouvait pas dans notre version

 13   et cela a été ajouté plus tard par --

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le nom de la personne.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- à la présidence. Mais revenons à ce qui

 16   vous intéressait.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 18   Q.  Oui, effectivement. Je vous ai demandé si c'est ce que vous et vos

 19   collègues aviez rédigé.

 20   R.  Oui, oui. Il y a quelques instants, je vous ai dit que la plate-forme

 21   s'était fondée sur un document que mon parti avait adopté, en fait. Je

 22   m'étais assuré qu'il était utilisé, et je vous ai dit qu'auparavant, après

 23   avoir insisté sur le fait que la Bosnie-Herzégovine devait rester au sein

 24   de la Yougoslavie, nous avions accepté la proposition de Cutileiro et la

 25   Conférence sur la Bosnie-Herzégovine comme étant le fondement et --

 26   j'aimerais terminer.

 27   Q.  Non, attendez. Nous avons très peu de temps, Monsieur --

 28   R.  Très bien.


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  1   Q.  -- je comprends que vous désiriez raconter toute l'histoire, mais nous

  2   n'avons pas le temps de l'entendre, donc nous devons nous limiter.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, j'aimerais verser ce document.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Objection.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, j'aimerais répondre

  6   directement à votre question. Dans le document on nous dit "not on a solely

  7   ethnic basis," donc pas seulement sur des critères purement ethniques. Donc

  8   l'appartenance ethnique n'était pas le seul critère mais l'un des critères.

  9   Est-ce que vous le voyez ?

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 11   Q.  Oui.

 12   R.  Et on relativise également cette question-là dans un autre passage que

 13   vous avez cité. Je pense que vous seriez d'accord.

 14   Q.  Oui, c'est ce que j'avais compris. C'est comme cela que j'avais

 15   interprété le document. En anglais c'est la même chose.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, nous allons l'admettre.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P6352.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 23, page 56, un nom n'a pas été

 21   repris au compte rendu, c'était Ganic. Ganic qu'il fallait entendre.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 24   Q.  Lorsque vous avez rencontré les dirigeants des Serbes de Bosnie à Pale,

 25   est-ce que vous avez relayé les objectifs de la plate-forme ?

 26   R.  Non. Ce document est un document public, et je pense qu'ils étaient au

 27   courant de l'existence de ce document sans que je n'intervienne.

 28   Q.  Et donc, lorsque les pourparlers ont eu lieu à Pale, les dirigeants des


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  1   Serbes de Bosnie n'étaient pas d'accord sur ces objectifs et conditions

  2   pour les pourparlers, n'est-ce pas ?

  3   R.  Nous n'en avons tout simplement pas discuté.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le

  5   document 25069A de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  6   Q.  En attendant qu'il s'affiche, il s'agit d'un extrait de la 128e séance

  7   de la présidence de Bosnie-Herzégovine en date du 24 juin, et vous avez

  8   effectivement discuté de la plate-forme à cette occasion-là, Monsieur. Il

  9   ne s'agit que d'un extrait car le procès-verbal est relativement long, mais

 10   comme vous l'avez dit lors de l'entretien que nous avons eu, vous saviez

 11   que des séances de la présidence avaient lieu et vous les aviez passées en

 12   revue au préalable avant votre déposition. J'aimerais que l'on affiche la

 13   page 3 dans la version anglaise et la page 4 dans la version B/C/S, s'il

 14   vous plaît. Nous avons en présence M. Akmadzic. Dans le bas du document, il

 15   nous dit :

 16   "Ces conditions préalables sont : 'Une cessation des opérations de guerre,

 17   une reconnaissance du système unique de gouvernement et des négociations

 18   qui se fondent sur la création de territoires ethniquement purs et qui ne

 19   peuvent pas être acceptés.'"

 20   C'est ce que nous avons vu en essence dans le document. Et vous étiez tous

 21   d'accord au sein de la présidence sur ces points-là, n'est-ce pas ?

 22   R.  Est-ce que je pourrais avoir l'intégralité du document, s'il vous plaît

 23   ?

 24   Q.  Nous n'allons pas entrer dans les détails de tout le document,

 25   Monsieur. Nous ne parlons que de cette page-ci. Je viens de vous dire ce

 26   que M. Akmadzic a déclaré, et tout en bas de la page, il nous dit la chose

 27   suivante. Il se réfère aux factions militantes extrêmes au sein du SDS et

 28   au fait que la présidence avait choisi de ne pas discuter avec ces


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  1   dernières. A qui fait référence M. Akmadzic lorsqu'il parle de cette

  2   faction militante extrême au sein du SDS, est-ce que vous le savez ?

  3   R.  Je ne le sais pas.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante

  5   dans les deux versions, s'il vous plaît. Concentrons-nous sur le bas de la

  6   page.

  7   Q.  Et c'est vous qui vous exprimez là, Monsieur. Vous dites clairement que

  8   le point de départ est la situation d'avant la guerre et que tous types de

  9   changements au sein de la structure nationale des populations qui ont été

 10   créés de par la guerre, les déplacements, et cetera, seront inacceptables.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Passons à la page 6 dans les deux

 12   versions, s'il vous plaît. Dernière phrase dans la version B/C/S et partie

 13   supérieure de la page pour la version anglaise.

 14   Q.  Et vous nous dites là, Docteur Kecmanovic, je cite, "Il s'agit là de

 15   changements territoriaux et ethniques provoqués par la violence, la guerre,

 16   le génocide, les déplacements, et cetera."

 17   Et cela revient à ce que nous avons abordé il y a quelques instants, à

 18   savoir l'expulsion de la population, les crimes, et vous avez même parlé de

 19   génocide. Ces activités ont eu lieu, et vous vouliez revenir là-dessus,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  Bien sûr, cela reflète fidèlement ce qui a été dit. Certes, je n'étais

 22   pas favorable à la reconnaissance de quoi que ce soit qui eût été lié aux

 23   violences, au génocide ou à des migrations. Mais quoi qu'il en soit, cela a

 24   eu lieu. Et il est très difficile de pouvoir déterminer les résultats

 25   d'actes de violence et les motifs des différents départs. Je peux vous

 26   donner des exemples de personnes qui n'ont pas été soumises à des violences

 27   du tout et qui, tout de même, sont parties dans d'autres régions où des

 28   membres de leur propre groupe ethnique étaient présents parce qu'elles se


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  1   sentaient plus sûres là-bas.

  2   Q.  Mais pendant les séances de la présidence, vous avez reçu des

  3   informations sur ces actes de violence, n'est-ce pas ? M. Halilovic en a

  4   parlé, et vous avez entendu d'autres personnes en parler, n'est-ce pas ?

  5   R.  Voyez-vous, oui, j'ai entendu Halilovic en parler, et je n'avais pas

  6   beaucoup confiance en son rapport. Je préférais croire en ce que je voyais,

  7   en ce que j'avais vu à Sarajevo, et aux actes de violence qui avaient été

  8   commis par le peuple serbe.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais verser ce document.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander une chose.  Est-ce que la

 12   version serbe est identique à la version anglaise ? Ce qui m'intéresse,

 13   c'est la première ligne du document où Kecmanovic dit qu'il ne faut pas

 14   citer les gens de leur prénom et de leur nom de famille, les personnes à

 15   qui vous ne voulez pas parler. Et je ne vois pas cela dans la version

 16   anglaise.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est une page différente.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'admettre.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais verser cette page également.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vu qu'il ne s'agit que d'un document de

 21   sept pages, nous allons l'admettre dans son intégralité.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Là, j'ai sélectionné des parties

 23   où l'on parle d'un sujet bien précis. Je n'avais pas qu'une seule page.

 24   C'était une partie bien particulière.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela devient la pièce P6353.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Kecmanovic, dans votre déclaration, au paragraphe 35, vous

 28   parlez de l'impression que vous aviez, à savoir que les dirigeants à Pale


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  1   s'inquiétaient fortement de ce qui se passait à Sarajevo et que ce qui se

  2   passait dans d'autres régions de Bosnie-Herzégovine était secondaire.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Affichons le document 25085 de la

  4   liste 65 ter, s'il vous plaît.

  5   Q.  Monsieur Kecmanovic, en attendant qu'il s'affiche -- je crois qu'il

  6   existe dans les deux langues. Il devrait s'afficher dans les deux langues,

  7   en tout cas. Non, ce n'est pas le document. En tout cas, il ne ressemble

  8   pas à ce que j'ai.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vérifiez la cote 65 ter.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, la cote est correcte, mais en

 11   fait, nous avons un autre format. Nous avions deux pages sur une même page.

 12   Voilà. Mais c'est peut-être un peu trop petit.

 13   Q.  Nous avons à l'écran un extrait du livre de M. Ed Vulliamy intitulé

 14   "Seasons in Hell", "Des saisons en enfer". Vous connaissez M. Vulliamy,

 15   Monsieur Kecmanovic ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Regardons la page 1, le dernier paragraphe. Peut-on afficher l'autre

 18   page, s'il vous plaît. Voilà, ce côté-là. Non, ça doit être la page

 19   précédente. Au dernier paragraphe -- voilà. Au dernier paragraphe, M.

 20   Vulliamy nous relate une conversation qu'il a eue avec Nikola Koljevic à

 21   Belgrade et pendant laquelle Koljevic avait admis au journaliste que

 22   Sarajevo avait été appelée un théâtre de violence qui attirerait

 23   l'attention du monde et l'écarterait des intentions principales. Passons à

 24   la page suivante. Il continue en nous disant :

 25   "Je suis très surpris que cela vous ait pris autant de temps de vous en

 26   rendre compte. Pauvre Sarajevo ! Vous ne pensiez qu'à elle. La croisée des

 27   chemins de l'Europe ! Personne n'est jamais allé en vacances à Trnopolje…"

 28   Est-ce que vous avez entendu parler de cette réunion à l'été 1992 entre


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  1   Koljevic et Vulliamy ? Et est-ce que vous étiez là, peut-être ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Très bien.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Continuons.

  5   Q.  Monsieur Kecmanovic, pendant l'entretien que nous avons eu, vous aviez

  6   déclaré que vous ne connaissiez pas les six objectifs stratégiques des

  7   Serbes de Bosnie, et des éléments de preuve ont été apportés devant cette

  8   Chambre montrant que le premier objectif stratégique des dirigeants serbes

  9   de Bosnie consistait à séparer la population serbe des deux autres

 10   communautés nationales. Et ensuite, Monsieur Kecmanovic, nous avons

 11   également d'autres éléments de preuve qui ont été apportés devant cette

 12   Chambre de première instance montrant que cet objectif stratégique, comme

 13   le Dr Karadzic l'explique lors de la 16e séance de l'assemblée du peuple

 14   serbe de Bosnie-Herzégovine le 12 mai 1992 --

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit de la pièce P956, page 9 du

 16   prétoire électronique.

 17   Q.  -- et il nous dit :

 18   "Cela veut dire séparer ceux qui sont nos ennemis et qui ont utilisé toute

 19   occasion, en particulier au cours de ce siècle, pour nous attaquer et qui

 20   continueraient de telles pratiques si nous continuions à rester ensemble au

 21   sein du même Etat."

 22   Monsieur Kecmanovic, vous avez dit que vous n'étiez pas au courant de cette

 23   séance ni de ce que Karadzic avait déclaré à ce moment-là, mais vu

 24   l'intérêt que vous aviez à participer à la politique à ce moment-là, je

 25   suppose que vous étiez au courant du fait que le Dr Karadzic et les

 26   dirigeants des Serbes de Bosnie considéraient que les Croates et les

 27   Musulmans étaient les ennemis des Serbes. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

 28   R.  Pas des ennemis a priori. Cela aurait été inconcevable de considérer


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  1   une population entière comme étant hostile. Je n'ai jamais entendu Karadzic

  2   dire cela et je n'ai jamais entendu dire personne qu'il l'avait déclaré.

  3   Les dirigeants politiques et les dirigeants de partis ayant une certaine

  4   appartenance ethnique discutaient de ces questions et il y avait des

  5   confrontations mais uniquement dans ce sens-là.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, nous allons nous

  7   arrêter à ce stade-ci et nous allons faire une pause, si cela vous

  8   convient.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 45

 11   minutes et nous reprendrons à 13 heures 15.

 12   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 29.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 16.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de reprendre, Madame Uertz-

 15   Retzlaff.

 16   Maître Robinson, la Chambre fera droit à votre requête afin de pouvoir

 17   répliquer à la réponse de l'Accusation s'agissant de la déposition par

 18   vidéoconférence de Nikola Poplasen.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons

 20   pouvoir répondre aujourd'hui.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Madame Uertz-Retzlaff.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Monsieur Kecmanovic, vous étiez au courant du fait que la direction des

 24   Serbes de Bosnie ne souhaitait pas une vie commune avec les Musulmans, du

 25   moins ils ne voulaient pas continuer de vivre avec eux ?

 26   R.  Il faut replacer tout cela dans le contexte d'un fait, à savoir les

 27   Musulmans, de concert avec les Croates, ont rendu la vie commune

 28   impossible. Ils ont imposé des relations qui n'étaient plus sur un pied


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  1   d'égalité aux différents peuples de Bosnie-Herzégovine. En particulier, ils

  2   ont mis en minorité les représentants serbes à l'assemblée de Bosnie-

  3   Herzégovine.

  4   Q.  Donc vous me répondez par un oui ?

  5   R.  Je pense qu'il ne s'agissait pas uniquement de l'attitude de la

  6   direction serbe de Bosnie. Je pense qu'il s'agissait aussi du peuple serbe

  7   en tant que tel, puisqu'il a été placé dans une position où il était dominé

  8   par les deux autres peuples. Il s'est vu imposer un statut.

  9   Q.  A cet égard, je voudrais vous renvoyer à des propos de la 17e séance de

 10   l'assemblée de la Republika Srpska en date du 24 et du 26 juillet 1992. Il

 11   s'agit de la pièce D92, page 86. C'est M. Karadzic qui s'exprime, et il

 12   parle de l'impossibilité de vivre avec les Musulmans au sein d'un Etat

 13   unitaire. Et je le cite :

 14   "Nous savons très bien ce que c'est que le fondamentalisme et nous ne

 15   pouvons pas vivre ensemble. Il n'y a pas de tolérance. Ils ont un taux de

 16   natalité quatre fois plus important que les Serbes. Non seulement les

 17   Serbes ne peuvent pas leur emboîter le pas, mais les Chrétiens au Liban

 18   n'arrivent pas à faire face à la mentalité orientale qui découle de

 19   l'Islam."

 20   Vous êtes au courant de ce type de commentaires sur le taux de natalité;

 21   exact ?

 22   R.  Enfin, cette citation en particulier que vous venez de donner de

 23   Karadzic, non, je ne suis pas au courant de cela, mais typiquement,

 24   effectivement, on évoquerait le cas du Liban. Parce que là, il y a eu

 25   décomposition d'un modèle réussi de cohabitation, où un pays prospère

 26   s'était composé, on l'avait appelé précédemment la Suisse du monde arabe,

 27   où il y a eu une construction très stable en équilibre, mais l'évolution

 28   démographique favorisait les Musulmans, et si le système s'est effondré,


Page 39127

  1   c'est parce que la population musulmane a demandé plus de pouvoir compte

  2   tenu de leur proportion qui augmentait dans la population.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande l'affichage du document

  4   25024 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  5   Q.  En attendant, il s'agit d'un article que vous avez rédigé, Professeur

  6   Kecmanovic, dans le quotidien de Belgrade "Nin". L'article porte la date du

  7   20 janvier 1995 et son titre est : "La lave s'épanche."

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, page 2, s'il vous plaît, en

  9   anglais, le dernier paragraphe, puis nous allons passer à la page suivante

 10   pendant la lecture. Et en B/C/S, ce sera en page 1, également il s'agira du

 11   dernier paragraphe, et puis il faudra passer en page 2.

 12   Q.  Alors, je vais vous citer. Vous parlez d'abord d'Izetbegovic, et puis

 13   vous dites :

 14   "En même temps, de l'autre côté, en plus d'une séparation territoriale et

 15   ethnique des Musulmans… Pale demande sous forme d'ultimatum d'être

 16   connectée à la Serbie, qui constitue sa patrie mère d'un point de vue

 17   d'appartenance ethnique. Toutefois, de ce côté-ci de la rivière Drina,

 18   après la décomposition de la RSFY, il reste des dizaines de milliers de

 19   Musulmans du Sandzak qui y vivent sans aucune démarcation. Et qui plus est,

 20   après avoir fui de l'autre côté de la rivière, de nombreux Musulmans de

 21   Bosnie-Herzégovine les ont rejoints, ils y sont en tant que réfugiés.

 22   "Et lorsqu'ils croisent leurs compatriotes Serbes de Bosnie à Belgrade, ils

 23   se demandent pourquoi ils n'étaient pas en mesure de vivre ensemble sur un

 24   pied d'égalité, puisqu'ils le font… ici en tant que réfugiés."

 25   Professeur Kecmanovic, il est dit ici que "Pale exige" quelque chose.

 26   Lorsqu'on parle de Pale, on pense à M. Karadzic et à la direction des

 27   Serbes de Bosnie; exact ?

 28   R.  Ecoutez, vous -- bien sûr, vous vous appuyez uniquement sur un extrait.


Page 39128

  1   Il faudrait plutôt voir la totalité de ce texte. C'est un texte qui est un

  2   peu ironisant, un peu sur un ton de plaisanterie, même si le sujet est

  3   grave. Là, je dis que les Serbes estiment que les Bosniens sont en fait des

  4   Chrétiens qui ont été convertis à l'Islam et que, face à eux, les Musulmans

  5   affirment que les Serbes, en fait, initialement étaient des Musulmans qui

  6   ont été convertis à la religion orthodoxe. Donc ils se renvoient le même

  7   argument. Puis je dis aussi à un moment dans cet article que les gens de

  8   confessions différentes doivent pouvoir vivre ensemble, tout comme

  9   l'inverse est vrai. Aujourd'hui, en Bosnie-Herzégovine, nous avons des

 10   membres des trois peuples. A Banja Luka, nous avons des Musulmans et des

 11   Croates en nombres importants, et je les vois, je les croise, tout comme il

 12   y a également pas mal de Serbes qui sont restés à Sarajevo.

 13   Q.  Mais en fait, c'est ce paragraphe en particulier qui m'intéressait.

 14   Vous qualifiez cela de paradoxe bosnien et vous dites qu'il résulte d'une

 15   politique ethnocentrique qui a été mise en place par la direction de Bosnie

 16   et est dû également à leur affirmation qu'ils ne pouvaient plus vivre en

 17   commun avec les Musulmans, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, non, non. Dans la totalité de cet article, je pose la question qui

 19   est de savoir si une vie commune est possible ou s'il faut vivre séparément

 20   et je réponds en disant que les deux sont vrais et possibles. Et je dis que

 21   des entités territoriales ethniques sont revendiquées des trois côtés et

 22   que -- également, je dis que lorsque ces individus se trouvent à

 23   l'extérieur de ces territoires, eh bien, ils sont tout à fait capables de

 24   vivre en commun et qu'il y a des jeunes qui communiquent et qui

 25   maintiennent cette vie commune et que cela est tout à fait possible. Moi-

 26   même, j'ai des amis parmi les Croates et les Musulmans. Je pense que pour

 27   le Dr Karadzic, cela est vrai également, je pense qu'il a des amis

 28   personnels qui viennent d'un autre groupe ethnique.


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  1   Mais vous avez insisté sur la question de Pale ici. Pale, dans ce texte,

  2   n'est qu'une métaphore, une métaphore pour parler du centre de la nation

  3   serbe, tout comme Sarajevo personnifie les Musulmans, et Grude, par

  4   exemple, ou Mostar ouest, les Croates. Ça ne veut pas dire que concrètement

  5   quelqu'un basé à Pale défend cette option-là. C'était aussi quelque chose

  6   qui était choisi par le peuple, pas seulement par sa direction --

  7   L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent. Les voix continuent de se

  8   chevaucher.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  -- je voudrais vous interrompre --

 12   Q.  Non, non --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il me semble que vous avez répondu,

 14   Monsieur Kecmanovic.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, un instant, s'il vous plaît  --

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 17   Q.  Non, non --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela s'avère nécessaire, Monsieur

 19   Kecmanovic, M. Karadzic pourra revenir sur ces questions-là pendant des

 20   questions supplémentaires. Vous allez avoir la possibilité de vous exprimer

 21   autant que vous le souhaiterez.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux réagir au compte rendu

 23   d'audience ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 20, M. Kecmanovic a dit qu'il connaissait

 26   personnellement des amis musulmans qui étaient des amis proches de M.

 27   Karadzic. Cela n'a pas été consigné au compte rendu d'audience.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.


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  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  2   Q.  Le paragraphe suivant de cet article se lit comme suit :

  3   "'Pour nous autres Serbes, il n'y a pas de vie commune avec les Musulmans

  4   !' C'est un des slogans les plus fréquemment utilisés par le mouvement

  5   national serbe de Bosnie…"

  6   Professeur Kecmanovic, c'est la direction serbe de Bosnie qui était à la

  7   tête de ce mouvement, n'est-ce pas ?

  8   R.  J'avais attendu d'avoir la parole. Je m'adresse maintenant au

  9   Président. Je voudrais qu'il empêche le Procureur de m'interrompre sans

 10   cesse et de me rappeler le temps qui s'écoule. Ecoutez, c'est votre

 11   problème. Ce n'est pas mon problème. Moi j'ai tout le temps qu'il faut. Je

 12   peux rester des heures s'il le faut à déposer. Et s'il y a des problèmes au

 13   niveau de l'organisation de ces débats, cela ne relève véritablement pas de

 14   moi. Et est-ce que maintenant je peux parler --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, nous ferons en

 16   sorte que vous ayez la possibilité de répondre aux questions dans la mesure

 17   où cela est nécessaire et pertinent. La Chambre vous garantit de pouvoir

 18   vous exprimer lorsque cela est pertinent et nécessaire.

 19   Précédemment j'ai estimé que vous aviez déjà suffisamment répondu, et nous

 20   avons été d'accord avec Mme Uertz-Retzlaff. On continue ?

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce que je peux faire une

 22   remarque, Monsieur le Président ?

 23   Q.  Nous parcourons très rapidement les sujets que nous souhaitions aborder

 24   au fond parce que vous aviez laissé entendre en passant par la Section

 25   chargée des Victimes et des Témoins que vous ne pouviez pas prolonger votre

 26   séjour ici. Et si la situation a changé, cela nous donnerait plus de temps.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je confirme.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je suis ici depuis dimanche, je suis


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  1   ici depuis cinq jour, je me suis mis à la disposition de cette équipe et du

  2   Tribunal et je suis tout à fait prêt à revenir à La Haye. Mais de manière

  3   continue, je ne peux pas rester plus longtemps que les cinq jours que j'ai

  4   déjà passés ici vu mes obligations à Banja Luka et à Belgrade.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] on continue ?

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   Est-ce qu'on peut --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons entendu

  9   une réponse à votre dernière question.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, je vois.

 11   Q.  Donc je vous ai demandé si M. Karadzic était bien à la tête du

 12   Mouvement national serbe -- n'était-il pas à la tête de ce mouvement ?

 13   C'était ça ma question.

 14   R.  Il était à la tête du mouvement national parce que c'est le peuple

 15   serbe qui l'avait élu à ce poste. Par conséquent, il relayait les positions

 16   et les sentiments de sa base électorale.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je souhaite demander le versement de

 18   ce document.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P6354.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 22   Q.  Mercredi, lorsque nous nous sommes rencontrés, vous avez évoqué à

 23   moment donné le fait que compte tenu de votre parcours professionnel, vous

 24   étiez au courant de l'impact de la propagande sur les différents publics ?

 25   R.  Oui, nous en avons parlé, et vous avez estimé que la propagande avait

 26   un effet décisif et je vous ai dit que ce n'était pas le cas. Elle a eu un

 27   effet, mais si son impact avait été décisif, on aurait pu tout résoudre par

 28   voie de propagande. La propagande constitue une attaque, une entrave aux


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  1   principes démocratiques, où l'on estime au point de départ que le public

  2   est formé et mûr, capable de réfléchir de manière autonome.

  3   Q.  Aux paragraphes 43 et 49 de votre déclaration, vous parlez d'une

  4   couverture partiale par les médias de la propagande dans les médias

  5   bosniens de Bosnie-Herzégovine où les Musulmans étaient présentés comme des

  6   victimes et les soldats serbes en tant que seuls auteurs des crimes, et ce

  7   qui était présenté de la manière exactement opposée par la propagande serbe

  8   ?

  9   R.  Oui, et la propagande croate également. Lorsqu'une guerre civile est

 10   lancée, alors naturellement les médias sont, dans une large mesure,

 11   transformés en instrument de propagande. Et c'est le cas qui s'est toujours

 12   produit partout. Mais ici, le problème - et j'en parle quelque part - est

 13   que cette propagande, pour ainsi dire, internationale a quasiment

 14   complètement rejoint en tous points la propagande musulmans et que les gens

 15   finissaient par ne pas comprendre de quoi on parlait. Je sais que parmi mes

 16   amis bosniens, il y en a qui au départ gardaient leurs réserves par rapport

 17   à leur groupe ethnique et aux autres, mais qui au fur et à mesure ont fini

 18   par développer une hostilité vis-à-vis des Serbes. Et lorsque je leur

 19   demandais "Mais pourquoi est-ce que vous avez changé d'avis," on me disait

 20   "mais ne vois-tu pas que le monde entier apporte son soutien à la partie

 21   musulmane." Et à l'époque, ils disaient même que Yeltsin et d'autres hommes

 22   politiques russes --

 23   Q.  Je vais vous interrompre. Vous évoquez trop de points de détail. Vous

 24   confirmez que nous avons évoqué la peur qui peut être causée par la

 25   propagande ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et qu'elle peut aussi générer la haine ?

 28   R.  Ecoutez, c'est véritablement des nuances, et puisque nous sommes un


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  1   petit peu à court de temps, je ne pense pas que l'on puisse véritablement

  2   aborder ce sujet de manière approfondie. Mais effectivement, l'impact est

  3   considérable.

  4   Q.  Docteur, Professeur Kecmanovic, il y a eu des rassemblements qui se

  5   sont produits en 1990, en 1991, et il y a eu des débats devant les

  6   parlements, est-ce que vous vous en souvenez ? Dans le cadre de ces

  7   discours, on s'est référé aux souffrances des Serbes pendant la Seconde

  8   Guerre mondiale ?

  9   R.  Non, je ne m'en souviens pas, mais je sais que de manière générale, que

 10   ce soit au sein des institutions et/ou hors des institutions, compte tenu

 11   de ces tensions ethniques parmi les Serbes, les amis dans le peuple, de

 12   manière générale, on a commencé beaucoup à évoquer les souvenirs de la

 13   Seconde Guerre mondiale. Par analogie, on se rappelait l'Etat

 14   [imperceptible] de Pavelic, la Croatie indépendante, vous savez que là-bas

 15   il y a eu cette attitude anti-Serbe. Et les Musulmans et les Croates se

 16   sont unifiés à un moment donné pour s'opposer aux Serbes en 1991. Donc ce

 17   n'était pas inattendu comme référence.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : Pendant la Seconde Guerre, les

 19   Croates et les Musulmans se sont opposés de la même manière aux Musulmans

 20   [sic].

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 22   Q.  Professeur Kecmanovic, ces références ont constitué un instrument de

 23   propagande de taille, n'est-ce pas, puisque l'objectif de cela était de

 24   rappeler aux Serbes les souffrances du peuple ainsi que la cause de ces

 25   souffrances, et en particulier les Croates et les Musulmans en tant que

 26   tels ?

 27   R.  Ecoutez, on n'avait pas besoin de propagande pour ça. Puisque je vivais

 28   à Sarajevo, en Bosnie, où je suis né. Parmi mes amis, mes voisins, mes


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  1   collègues, parmi tous ceux que je fréquentais, personne n'a eu ce type

  2   d'expérience dans la génération précédente. Donc je dois rappeler peut-être

  3   la devise de Pavelic, c'est-à-dire de Budak, qu'un tiers des Serbes doivent

  4   être rebaptisés, un tiers doivent être chassés de Bosnie-Herzégovine et un

  5   tiers doivent être éliminés. Cela a fait partie de l'idéologie de Pavelic.

  6   Et d'ailleurs, c'est quelque chose que les enfants apprenaient à l'école

  7   élémentaire. Cela n'a pas été rayé des manuels. Donc, même si n'avons pas

  8   connu la Seconde Guerre mondiale, nous le connaissions. Et puis, tout un

  9   chacun avait parmi ses proches quelqu'un qui a été victime pendant la

 10   Seconde Guerre mondiale. On n'avait pas besoin que le SDS ou qui que ce

 11   soit d'autre, Karadzic ou un tiers, nous rappelle cela.

 12   Q.  Au paragraphe 13 de votre déclaration, vous dites que la présidence de

 13   Bosnie siégeait en permanence, et au paragraphe 28, vous évoquez les

 14   procès-verbaux de la présidence. Lorsque vous n'étiez pas présent, vous

 15   receviez les procès-verbaux, la transcription des propos ?

 16   R.  Non. Ecoutez, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'attirer

 17   votre attention sur une question relative à l'authenticité de ces procès-

 18   verbaux. En fait, ce que j'ai pu constater, c'est que je suis noté comme

 19   présent ou absent de ces réunions de la présidence même en octobre, alors

 20   qu'à la mi-août j'avais formellement présenté ma démission, envoyée par

 21   télécopie à la présidence - fait publié par l'agence de presse "Tanjug" -

 22   et l'ensemble des agences de la région avait publié cette information-là.

 23   Mais vous verrez qu'en septembre, octobre, on finit par dire que j'étais

 24   absent des réunions comme si j'avais toujours été membre de la présidence

 25   et que j'ai eu un empêchement de me rendre à la réunion, et cela met en

 26   doute l'ensemble de ces procès-verbaux --

 27   Q.  Je vais vous interrompre. Vous avez répondu à ma question. Il n'y avait

 28   pas lieu de vous engager dans cette digression.


Page 39135

  1   Alors, pendant que vous étiez présent aux réunions de la présidence,

  2   vous avez parlé de l'expulsion des Musulmans, n'est-ce pas ?

  3   R.  Si.

  4   Q.  Alors, prenons le document 25083 de la liste 65 ter, il s'agit de la

  5   124e séance de la présidence, ou plutôt, la réunion de la présidence du 20

  6   juin 1992. Page 2 en anglais ainsi qu'en B/C/S.

  7   Monsieur Kecmanovic, je vois que vous n'étiez pas présent pendant cette

  8   réunion en particulier, c'est celle où l'on a adopté la déclaration de la

  9   guerre. Mais je voudrais, néanmoins, que l'on parle d'un point. Page 3 en

 10   anglais et page 4 en B/C/S, je parle du dernier paragraphe. Page 3 en

 11   anglais et 4 en B/C/S. Non, ce n'est pas ce qu'il nous faut. Page 3 en

 12   anglais -- merci, excusez-moi. Le dernier paragraphe évoque :

 13   "Le problème de réinstallation des Musulmans de Banja Luka, en soulignant

 14   qu'ils ont reçu des menaces comme quoi ils seraient massacrés s'ils ne

 15   quittaient pas Banja Luka…"

 16   Et il est dit que si cela était accepté, des régions ethniquement pures

 17   viendraient à être créées, que notre pays ne doit pas accepter ces

 18   pressions aux fins de création des régions ethniquement pures.

 19   Professeur Kecmanovic, vous n'étiez pas présent à cette réunion. Cependant,

 20   le problème de Banja Luka et d'expulsion de Musulmans de cette ville est un

 21   sujet qui vous était familier, et vous étiez informé de cela ?

 22   R.  Concrètement, de ce qui fait l'objet des propos d'Izetbegovic, non, je

 23   n'avais pas été informé là-dessus. Et je n'étais pas, comme vous venez de

 24   le dire, présent à la réunion. Mais il est vrai qu'Izetbegovic

 25   s'intéressait beaucoup à la situation à Banja Luka, mais il semblait qu'il

 26   y avait des gens qui s'enfuyaient de Sarajevo et qui étaient empêchés de

 27   quitter la ville. Alors que jamais on en a parlé lors de nos réunions de la

 28   présidence, même si Pejanovic et moi-même avions souhaité cela. Il y avait


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  1   une espèce d'anneau intérieur qui empêchait les habitants de Sarajevo de

  2   partir. Et pour autant que je le sache, à Banja Luka - je ne peux pas être

  3   à 100 % sûr - les gens n'avaient aucun problème à partir. Mais je ne peux

  4   pas en parler véritablement puisque je ne l'ai pas vu de mes propres yeux.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser au

  6   dossier ce document, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette page-ci ?

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] L'intégralité de la séance de la

  9   présidence.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Il n'y a que trois pages.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, il n'y a que trois pages.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le document est admis.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6355.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le

 17   document 25071A de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 18   Q.  Il s'agit d'un extrait de la séance de la présidence du 30 juin 1992,

 19   et vous avez assisté à cette séance, Monsieur. Pendant que le document

 20   s'affiche, j'aimerais vous demander si vous avez reçu des informations

 21   pendant les séances de la présidence sur la détention de civils non serbes

 22   ?

 23   R.  La détention de qui ?

 24   Q.  La détention de civils non serbes dans des bâtiments autour de là où se

 25   trouvaient les forces serbes de Bosnie. Est-ce que vous avez eu ces

 26   informations ?

 27   R.  Pas dans le détail. Vous parlez du territoire qui était en dehors de

 28   Sarajevo ?


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  1   Q.  Oui.

  2   R.  Je n'ai pas reçu d'informations particulières. De mémoire, nous n'avons

  3   pas reçu ces informations. Si nous recevions des informations, ces

  4   informations étaient générales. Elles n'étaient pas écrites. Sefer

  5   Halilovic, en sa qualité de chef de l'état-major général de l'armée

  6   bosnienne, que l'on connaissait sous le nom de l'ABiH, pendant la séance ou

  7   au début de chaque séance, nous donnait un rapport général sur la situation

  8   sur le terrain. La plupart du temps, il faisait référence aux victoires du

  9   côté musulman, c'est-à-dire dans l'ABiH. Le ton était très optimiste

 10   lorsqu'il s'exprimait. Je pense que dans mon rapport j'ai dit qu'à une

 11   reprise, Izetbegovic avait perdu son calme et qu'il avait dit que --

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  -- l'armée bosnienne, si on lui avait fait confiance, aurait déjà

 14   gagné.

 15   Q.  Vous avez encore opéré une digression, Monsieur, et ce que vous venez

 16   de nous dire se trouve déjà dans votre déclaration. Donc ne perdons pas de

 17   temps, s'il vous plaît, et passons à la page 7 de la version anglaise et à

 18   la page 15 de la version B/C/S. C'est la partie supérieure de la fin que

 19   j'aimerais que l'on affiche pour la version anglaise, et c'est vous qui

 20   vous exprimez dans le cadre de l'arrestation de l'universitaire Leovac.

 21   Vous avez dit la chose suivante :

 22   "Franchement, plus nous avons de cas de ce genre" --

 23   R.  Est-ce qu'on peut l'afficher, s'il vous plaît.

 24   Q.  Ça devrait se trouver à la page 15 de la version en B/C/S. C'est vous

 25   qui vous exprimez, donc. C'est la page précédente en B/C/S. 3121 [comme

 26   interprété] pour la fin de la cote. Voilà. C'est là que vous prenez la

 27   parole dans le cadre de l'arrestation de M. Leovac. Et vous dites :

 28   "Franchement, plus nous avons de cas de ce genre, plus nous tolérerions


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  1   cela indirectement et en dérivant à l'anarchie qui a lieu dans l'autre camp

  2   où les crimes sont, bien sûr, de façon incomparable pires, génocide, et

  3   cetera. Et cela étant, cela ne nous excuse pas pour la création de l'état

  4   de droit dans les secteurs que nous contrôlons."

  5   Lorsque vous dites "l'autre camp", vous parlez des forces des Serbes de

  6   Bosnie, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est exact. Mais lorsque je le dis, je cite ce qu'Izetbegovic et

  8   d'autres membres de la présidence appartenant au côté musulman et au côté

  9   serbe avaient déclaré à propos du côté serbe lors des séances de la

 10   présidence. Je les ai avertis lorsque j'ai entendu dire que cela se passait

 11   aussi dans mon camp sous mes yeux.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Passons à la page 10, à la partie

 13   supérieure de la page de la version anglaise, et cela devrait être la page

 14   17 de la version en B/C/S.

 15   Q.  C'est M. Pejanovic qui s'exprime, et il dit : 

 16   "Je pense que nous ne réagissons pas de façon adéquate à cette augmentation

 17   du nombre de camps de Musulmans dans la république. Nous ne faisons pas

 18   suffisamment pour faire bouger le public en Bosnie-Herzégovine ou au niveau

 19   international…"

 20   Monsieur Kecmanovic, vous avez reçu des informations à la présidence

 21   relatives aux nombreux camps de Musulmans gérés par les forces serbes,

 22   comme M. Pejanovic nous le dit ici, et il parle de civils, n'est-ce pas ?

 23   R.  Il faudrait le demander à Pejanovic. D'après ce que je vois, je n'ai

 24   rien dit sur des camps pour Musulmans. C'est lui que vous citez. Nous en

 25   avons entendu parler. On en a parlé constamment, mais c'était de la

 26   propagande, et personne n'était sûr des informations qui émanaient de

 27   l'autre camp, notamment cette information.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais verser cela au dossier,


Page 39139

  1   Madame, Messieurs les Juges, l'intégralité du procès-verbal de la séance.

  2   Ce morceau-là.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6356, Madame,

  5   Messieurs les Juges.

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le

  7   document 25020 de la liste 65 ter à l'écran, s'il vous plaît.

  8   Q.  En attendant qu'il s'affiche, Monsieur, je tiens à vous informer qu'il

  9   s'agit de la 117e séance de la présidence datée du 12 juin 1992. Et

 10   j'aimerais que l'on affiche la page 3 dans les deux versions, s'il vous

 11   plaît. Au titre "item 1 and 2", points 1 et 2, c'est le ministre adjoint de

 12   la Défense nationale, M. Brkic, qui s'exprime, et il parle du problème

 13   considérable relatif aux civils arrêtés qui sont envoyés à Pale et à

 14   d'autres camps. Donc c'est M. Brkic qui fait référence aux civils qu'ils

 15   avaient arrêtés et emmenés à Pale et dans d'autres camps. Monsieur

 16   Kecmanovic, à quoi fait-il référence en particulier ? Quels civils ont été

 17   emmenés à Pale, est-ce que vous le savez ?

 18   R.  Non, je ne le sais pas. Non, non. Je ne le sais pas.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais verser cela au dossier,

 20   Madame, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'admettre.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6357.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le

 26   document 25056A de la liste 65 ter, s'il vous plaît, une autre séance de la

 27   présidence, 114e séance du 9 juin 1992. Page 1 dans les deux versions.

 28   Q.  C'est le commandant Halilovic qui s'exprime au début du document. Il


Page 39140

  1   parle de la situation militaire et des tirs d'artillerie qui ont été lancés

  2   sur la ville ces dernières 70 heures et il fournit des détails. Vu que vous

  3   viviez dans la ville, est-ce que vous avez été victime de ces tirs

  4   d'artillerie ? Est-ce que vous l'avez vécu ?

  5   R.  Je n'ai pas été victime. J'ai juste été témoin de ces tirs.

  6   Q.  Et les citoyens de Sarajevo étaient terrifiés lorsque cela a eu lieu,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, moi y compris.

  9   Q.  Et vous et vos concitoyens, vous aviez peur, vous craigniez pour votre

 10   vie, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. J'aimerais quand même apporter un bémol à cela. Après peu de

 12   temps, nous avons cherché un abri, et si nous le faisions à temps, si nous

 13   trouvions, par exemple, un abri dans une cave, le danger était moindre et

 14   était même réduit au minimum, parce que ces obus n'avaient pas un grand

 15   pouvoir de destruction. Ils ne pouvaient pas percer les murs du bâtiment.

 16   Vous étiez en danger si vous restiez dans la rue.

 17   Q.  Un petit peu plus loin dans le procès-verbal de cette séance, Halilovic

 18   parle de la pénurie d'artillerie de l'autre côté des forces

 19   gouvernementales, et il parle d'armes dans une proportion de dix pour 150

 20   de l'autre côté. Cette pénurie d'armes du côté de l'armée bosniaque était

 21   sujette à préoccupation et à discussion lors de plusieurs séances de la

 22   présidence ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais faire admettre ce

 25   document.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Désolé, mais j'aimerais dire également que les

 28   ambitions de l'ABiH n'étaient pas de défendre les territoires qui étaient


Page 39141

  1   tenus, mais plutôt de libérer chaque centimètre du sol de Bosnie-

  2   Herzégovine d'après Halilovic. Voilà pourquoi ils avaient besoin de

  3   tellement d'armes, parce qu'ils avaient la VRS d'un côté et les troupes

  4   croates de l'autre, au HVO et HV.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pouvons-nous afficher à nouveau le

  6   document 25087 de la liste 65 ter.

  7   Q.  C'est le rapport de Kvocka dont nous avons parlé auparavant. Et

  8   j'aimerais que l'on affiche la page du prétoire électronique numéro 31,

  9   s'il vous plaît. Désolée, nous n'avons pas la version en B/C/S. Je vais

 10   vous en donner lecture lentement pour que vous puissiez suivre. S'agit-il

 11   de la même page -- oui. Vous faites référence ici aux citoyens de Sarajevo

 12   qui "sont devenus les victimes tragiques de deux extrêmes nationalistes…,"

 13   et vous faites référence à une haine génocidaire et chauviniste. Et

 14   ensuite, vous dites :

 15   "L'artillerie serbe qui avait le dessus a anéanti le centre-ville et la

 16   vieille ville, alors que les Musulmans, qui se renforçaient avec le temps,

 17   répliquaient en ciblant les zones résidentielles qui venaient d'être

 18   construites aux abords de la ville, telles que Grbavica, Vogosca et

 19   Ilidza."

 20   A la fin du paragraphe, vous faites référence au fait que "les quantités

 21   d'armes qui ont commencé à arriver ne suffisaient pas pour que l'armée

 22   musulmane menace l'artillerie serbe et ses emplacements qui étaient

 23   positionnés sur les collines autour des abords de la ville."

 24   C'est comme cela que vous avez vécu cette situation, Monsieur ?

 25   R.  Oui. J'ai eu l'impression qu'il y avait un déséquilibre entre les deux

 26   capacités militaires à ce moment-là. Je l'ai vécu. Et je parle de la

 27   période de temps pendant laquelle je me trouvais à Sarajevo, donc jusqu'au

 28   5 juillet. Le 5 juillet, je suis parti de Sarajevo.


Page 39142

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges,

  2   j'aimerais verser également cette page.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons ajouter cette page à la

  4   pièce 6351.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci.

  6   Q.  J'aimerais vous présenter un dernier document, Monsieur. Il s'agit du

  7   document 25077 de la liste 65 ter, Monsieur. En attendant qu'il s'affiche,

  8   je tiens à vous dire qu'il s'agit d'un entretien que vous avez donné à

  9   "Borba", un journal belgradois; confirmé ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  L'entretien date des 29 et 30 août 1992. Il va falloir passer d'une

 12   colonne à l'autre de l'article. Mais dans la version anglaise, à la page 1,

 13   colonne de droite, au milieu, et pour la version B/C/S, première page,

 14   colonne de gauche à la fin du document, vous dites la chose suivante

 15   s'agissant des Serbes de Sarajevo :

 16   "Les Serbes se trouvaient dans une… situation difficile. D'une part, ils

 17   partageaient le même sort en temps de guerre que les Musulmans et les

 18   Croates à Sarajevo, et ils étaient tout autant victimes des heurts de

 19   l'infanterie et des tirs d'artillerie constants. D'autre part, la situation

 20   était devenue plus compliquée pour les Serbes car la propagande de guerre

 21   imposait un sentiment indirectement de culpabilité sur ces derniers,

 22   culpabilité collective."

 23   Quelques lignes plus loin, vous faites également référence au fait que les

 24   membres des deux autres peuples ont commencé, petit à petit, à considérer

 25   tous les Serbes comme des bouchers. Est-ce que ce que vous dites là est une

 26   évaluation juste de la situation à ce moment-là ?

 27   R.  Quelle est votre question ? Il y a quelques instants, j'ai essayé de

 28   répondre et je vous ai dit que je faisais partie de ceux qui craignaient


Page 39143

  1   les tirs d'obus provenant du côté serbe. Personne ne ciblait des Musulmans

  2   ou des Croates. Les Serbes étaient tout autant menacés que ces deux autres

  3   populations. Et ensuite, on dit que les Serbes avaient souffert des

  4   autorités musulmanes prédominantes et des civils musulmans parce qu'ils les

  5   traitaient comme des collaborateurs, et ceux qui étaient restés -- et ils

  6   les traitaient comme des gens qui étaient restés pour aider le camp serbe.

  7   Q.  Nous avons bien compris. Merci.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Passons à la page 4 de la version

  9   anglaise, colonne de gauche, dernier paragraphe, au titre "Everyone to his

 10   own Crowd," "Chacun pour son propre côté."

 11   L'INTERPRÈTE : "Dans sa propre foule" littéralement.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et c'est la page 2 de la version

 13   B/C/S, à gauche.

 14   Q.  Monsieur Kecmanovic, vous faites référence dans ce paragraphe à la

 15   destruction et à l'expulsion, et à la fin vous parlez du problème pratique

 16   consistant à la chose suivante : plusieurs maisons ont été abandonnées et

 17   incendiées et des biens ont été volés et détruits. En conséquence, même si

 18   ceux qui étaient partis avaient voulu revenir, il n'y aurait rien eu qui

 19   les aurait attendu à ce moment-là.

 20   Monsieur Kecmanovic, ce que vous décrivez ici, c'est le résultat de cette

 21   politique que l'on appelle souvent le nettoyage ethnique, n'est-ce pas ?

 22   R.  Eh bien, nous revenons à cette ambiguïté du terme nettoyage ethnique,

 23   et grâce à l'aide du Président de la Chambre de première instance, nous

 24   avons réussi à établir que le phénomène qui pourrait être appelé autrement,

 25   le terme le plus approprié serait moins stigmatisé. C'est quelque chose

 26   qu'ont vécu les trois camps. Lorsque vous me citez, lorsque j'ai parlé du

 27   pillage des maisons et des autres bâtiments, c'est quelque chose que

 28   quelqu'un qui appartenait à un autre camp de la ligne de front n'aurait pas


Page 39144

  1   pu faire. Seuls les habitants de la ville auraient pu le faire. Les

  2   pillages ont eu lieu de la main des Bérets verts, de la Ligue patriotique

  3   et d'autres paramilitaires musulmans, et des structures différentes au sein

  4   des forces armées --

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  -- laissez-moi terminer --

  7   Q.  [aucune interprétation] 

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, laissez-le terminer.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui ont mené ces actions. Dans mon rapport

 10   je n'ai pas parlé du fait que toute la ville, tous ces magasins avaient été

 11   pillés. Les devantures de magasins avaient été brisées, et tout cela était

 12   fait par les habitants, par les forces qui vivaient à l'intérieur de la

 13   ville. Elles ont commencé sous la forme de la Ligue patriotique, et ensuite

 14   elles ont été incorporées dans les forces régulières de la Bosnie-

 15   Herzégovine. Cela a été fait par les Serbes, j'en suis sûr.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Passons à la page suivante en

 17   anglais, colonne de droite, premier paragraphe. Et pour la version B/C/S,

 18   c'est la même page, mais vous devez regarder la deuxième colonne de gauche,

 19   un petit peu en dessous du titre "Quartermaster Support", "Appui de

 20   l'intendance".

 21   Q.  Vous dites la chose suivante :

 22   "Les Musulmans sont de loin ceux qui sont le moins armés, et le plus

 23   tragique dans cette situation, c'est qu'ils ont le plus soufferts pendant

 24   la guerre jusqu'à présent…"

 25   Monsieur Kecmanovic, vous vous exprimez au mois d'avril -- non, pardon, au

 26   mois d'août 1992 ? Vous avez écrit cela à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 27   R.  J'ai été victime de la propagande dans ce cas-ci. Nous avons reçu des

 28   informations selon lesquelles pendant plusieurs premiers mois de la guerre,


Page 39145

  1   300 000 personnes avaient été tuées dans la guerre civile en Bosnie, et

  2   c'était tous des civils. Ce n'est que quelques années plus tard que nous

  3   avons appris de la part d'une commission internationale indépendante qu'il

  4   n'y avait que des centaines de victimes. Lorsque je dis "que", ça peut

  5   sembler cynique, mais ce n'est pas l'intention que je voulais lui donner.

  6   Mais pour calculer les victimes, on a utilisé des critères rationnels, et

  7   en termes relatifs de population, je dirais que le nombre de victimes dans

  8   les trois camps était dans les mêmes proportions.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas ce passage. Où se trouve-

 10   t-il ?

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Sous le titre "Quartermaster

 12   Support", "Appui de l'intendance" -

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Regardez l'écran, parce qu'il n'y a pas

 14   ce titre-là.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cela devrait se trouver à la page 4 -

 16   - à la page 5 en anglais, colonne de droite. Page 5 -- ah, non, page 3.

 17   Page 3 en anglais. On vient de me dire que c'est à la page 3 de la version

 18   anglaise. Voilà, il devrait y avoir un titre "Quartermaster Support",

 19   "Appui de l'intendance". Et, en fait, le texte déborde sur la page

 20   suivante. C'est la page suivante -- non. Page 3, colonne de droite, premier

 21   paragraphe -- non, non, ce n'est pas possible. Comme c'est sous le titre

 22   "Quartermaster Support", il faudrait voir la page suivante --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois un passage disant :

 24   "Les Musulmans sont les moins armés et ceux qui ont le plus souffert

 25   pendant la guerre jusqu'à présent…"

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, pour le prétoire électronique,

 28   c'est en haut de la colonne de droite de cette page-ci, page 4.


Page 39146

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je suis désolée.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que le témoin a lu la partie

  3   pertinente.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  5   Q.  Encore une chose -- il faudrait descendre légèrement dans la partie

  6   anglaise. Voilà.

  7   Et pour le B/C/S, Monsieur Kecmanovic, il faut revenir à la première

  8   page et regarder l'encadré en bas intitulé "Aggressors and 'aggressors'",

  9   "Agresseurs et 'agresseurs'". Le journaliste vous pose la question

 10   suivante, il voudrait savoir si le fait que les Serbes aient utilisé des

 11   armes pour conquérir plus de deux tiers du territoire malgré qu'ils

 12   n'avaient qu'un tiers de la population en Bosnie-Herzégovine -- et vous

 13   avez répondu à cela :

 14   "Tout comme dans une course au siège parlementaire, c'est-à-dire dans

 15   une phase politique, les Musulmans et les Croates ne se sont pas gênés pour

 16   abuser de leur supériorité numérique pour écarter le côté serbe, le côté

 17   serbe ne s'est pas non plus gêné pour utiliser des armes lourdes en temps

 18   de guerre."

 19   Et ensuite, vous nous dites :

 20   "Après les élections en Bosnie-Herzégovine, en temps de paix et en

 21   temps de guerre, tout le monde avait exploité sans vergogne les avantages à

 22   sa déposition sans s'inquiéter du côté le plus faible…"

 23   C'est ce que vous avez répondu à l'époque, Monsieur Kecmanovic. Est-

 24   ce que vous nous dites alors qu'écarter une minorité dans un parlement peut

 25   se comparer à une utilisation sans vergogne d'armes lourdes et de sa

 26   supériorité militaire pour arriver à ses objectifs ? Est-ce que vous

 27   comparez cela ?

 28   R.  Non, on ne peut pas comparer les deux, parce que le premier cas


Page 39147

  1   c'est la cause et le deuxième cas c'est la conséquence. Le côté musulman,

  2   avec l'aide de la Croatie, a provoqué la guerre en Bosnie-Herzégovine en

  3   dominant les organes communs et en trompant la majorité, c'est ce qui a

  4   donné lieu à la guerre en Bosnie-Herzégovine et à tout le reste. Bien sûr,

  5   dans ce contexte la réponse serait celle que vous aimeriez entendre; cela

  6   étant, je pense que la première possibilité est pire à cause de la

  7   chronologie des événements et à cause du lien de cause à effet. Bien sûr,

  8   dans une autre situation les choses seraient différentes.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais verser cette pièce,

 10   Madame, Messieurs les Juges. Je vois que le temps qui m'a été imparti est

 11   terminé. C'était ma dernière question.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre ce document.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P6359.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez

 15   des questions supplémentaires ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je vais faire de mon

 17   mieux pour être le plus rapide, mais je pense que nous ferions mieux de

 18   libérer l'autre témoin car il ne nous reste qu'une demi-heure.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 22   Q.  [interprétation] Monsieur Kecmanovic -- enfin, je préférerais

 23   m'adresser à vous en utilisant le titre de "professeur" d'ailleurs. Mais

 24   justement, à propos du dernier document que nous venons d'examiner, est-ce

 25   que la dernière page de ce document pourrait être affichée. Quelles sont

 26   les raisons qui expliquent que vous ayez intégré la présidence au moment où

 27   Biljana et Nikola se sont retirés?

 28   R.  Personnellement, je pensais que le départ de Biljana Plavsic et de feu


Page 39148

  1   Nikola Koljevic fût une grande erreur. Et, en fait, j'en ai parlé à Momcilo

  2   Krajisnik à Lukavica lorsque j'avais demandé une réunion avec Pejanovic à

  3   propos de la composition de la présidence. Personnellement, je pensais

  4   qu'il aurait été beaucoup plus judicieux qu'ils restent au sein de la

  5   présidence. Je leur ai dit qu'ils devaient retourner à la présidence, que

  6   cela était possible, mais que s'ils ne le faisaient pas, Pejanovic et moi-

  7   même le ferions parce qu'ainsi nous y représenterions les Serbes qui se

  8   trouvaient à l'extérieur de la frontière de la Republika Srpska, qui d'une

  9   certaine façon n'étaient pas protégés, et les Serbes à Sarajevo qui

 10   demandaient directement cela parce qu'ils n'avaient pas de députés, ils

 11   n'avaient pas des membres du gouvernement ou des membres de la présidence

 12   qui représenteraient le peuple serbe. Voilà, c'était mon point de vue.

 13   C'était -- moi j'avais, en fait, indiqué que toutes les décisions devraient

 14   être prises par consensus, c'était ma condition, et que cela devrait

 15   permettre de contrecarrer l'évolution de la situation à Sarajevo. Bon, je

 16   pensais qu'on allait accepter nos demandes; mais toutefois, comme je l'ai

 17   écrit dans mon rapport, rien de tout cela ne s'est passé.

 18   Q.  Merci. Avez-vous pu faire en sorte que les Serbes de Sarajevo soient

 19   protégés et avez-vous pu exercer une influence sur la façon dont les

 20   décisions étaient prises au sein de la présidence ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Première page, je vous prie. Paragraphe numéro

 22   6, qui commence par "Ce qui était polémique." Alors, est-ce que la colonne

 23   de gauche pourrait être élargie, je vous prie. Dans la version serbe,

 24   j'entends. Est-ce que vous pouvez montrer le bas. Voilà.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais comment est-ce que cela commence ?

 26   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Cela commence par "Ce qui était polémique."


Page 39149

  1   R.  Ah oui, maintenant je le vois.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le sens de ce paragraphe

  3   qui commence en anglais par les termes suivants : "Ce qui était polémique -

  4   je ne sais pas d'ailleurs dans quelle mesure…," et cetera, et cetera ?

  5   C'est l'avant-dernier paragraphe pour la version anglaise.

  6   En d'autres termes, est-ce que vous avez accepté qu'Alija Izetbegovic vous

  7   donne cette promotion, en quelque sorte, vous élève au rang de rapport de

  8   tous les Serbes et non pas juste les Serbes à Sarajevo ?

  9   R.  Oui, oui. Je n'ai pas accepté de représenter tous les Serbes en Bosnie-

 10   Herzégovine, mais plutôt ceux qui se trouvaient dans cette autre zone qui

 11   était sous le contrôle de présidence de Sarajevo. Même dans mes contacts

 12   avec les dignitaires officiels, je pense, par exemple, à la visite à

 13   Sarajevo de Lord Carrington ou de M. Cutileiro lorsque la présidence avait

 14   préparé cette réunion à l'avance pour que soient représentés les trois

 15   groupes ethniques, en fait, il s'agissait d'exclure des négociations les

 16   dirigeants de la Republika Srpska et peut-être même les dirigeants croates,

 17   qui étaient représentés à Sarajevo par Stjepan Kljuic. Ma réponse a été que

 18   cela n'allait pas donner les résultats escomptés. J'ai dit que je ne

 19   pouvais pas représenter tout simplement tous les Serbes mais seulement les

 20   Serbes dans cette zone.

 21   Et s'ils voulaient communiquer avec la personne qui à la vue des élections

 22   représentait la majorité des Serbes, je leur ai dit qu'il fallait qu'ils se

 23   rendent à Pale et qu'ils s'entretiennent avec vous, Monsieur Karadzic, car

 24   vous étiez le président de la Republika Srpska ainsi que le président du

 25   Parti démocratique serbe. Et parla suite, à la conférence de presse, Lord

 26   Carrington a en fait indiqué quel était mon point de vue, et je suppose que

 27   vous en avez entendu parler à Pale.

 28   Q.  Merci. D'où ma question suivante : est-ce que vous avez été en mesure


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  1   d'aider les Serbes à Sarajevo dans la mesure où vous avez estimé que cela

  2   était suffisant, et est-ce que vous avez été en mesure d'exercer votre

  3   influence sur la présidence ?

  4   R.  Si j'avais été en mesure de le faire, je serais probablement resté à

  5   Sarajevo. Malheureusement, assez vite, il est devenu manifeste que cela

  6   n'allait pas donner de résultat. Alija Izetbegovic et la majorité bosnienne

  7   au sein du parlement avaient tout simplement le vote majoritaire et ils

  8   fonctionnaient de telle façon à contourner la présidence. Et lorsque

  9   j'exprimais mon désaccord à propos de certaines questions auprès de la

 10   présidence, alors ils enlevaient ce thème de l'ordre du jour ou ils ne s'en

 11   occupaient plus, et ils s'en occupaient lors de réunions de la présidence

 12   où je n'étais pas présent. Pour vous dire les choses beaucoup plus

 13   simplement, je n'exerçais aucune sorte d'influence.

 14   Et pour ce qui est de l'aide précise apportée aux Serbes, dans un

 15   certain nombre de cas, je pense que j'ai été en mesure de fournir une aide

 16   en m'assurant, par exemple, que certaines personnes soient libérées de

 17   prisons, telles que M. Trifko Guzina [phon] et un autre professeur, le Pr

 18   Lipovac, qui était professeur à la faculté de philosophie. Ils faisaient

 19   partie du conseil politique du SDS mais n'étaient pas membres du SDS. Il

 20   s'agissait d'intellectuels éminents. Ils avaient été détenus, leurs

 21   familles avaient pris contact avec moi. J'ai, à ce moment-là, pris contact

 22   moi-même avec le ministère de l'Intérieur  --

 23   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi le nom.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui m'a dit en fait qu'il n'était

 25   absolument pas informé de tout ce système de prisons privées et de groupes

 26   paramilitaires. Pour vous dire la vérité, il a fait référence à l'un de ces

 27   commandements paramilitaires, une de ces personnes, enfin, c'était un

 28   criminel avant la guerre, et cela, je le savais. Et c'est par son entremise


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  1   que j'étais en mesure d'obtenir des renseignements importants qui non

  2   seulement portaient sur ces deux personnes dont j'ai donné les noms, mais

  3   également portaient sur l'épouse du Pr Leovac, qui était professeur à

  4   l'université technologique. Ce n'étaient pas les seuls cas, mais là il

  5   s'agissait de personnes connues. Donc ce n'est pas quelque chose que j'ai

  6   fait en tant que membre de la présidence ou parce que j'avais une certaine

  7   position et que je connaissais des personnes au sein du ministère de

  8   l'Intérieur; plutôt, j'ai fait appel à mes connaissances personnelles et à

  9   des personnes avec qui j'étais encore en contact, parce que j'étais resté

 10   en contact avec eux, et ce sont des personnes que j'avais connues au début

 11   de ma carrière.

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'accusé de répéter la référence

 13   et sa question.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter votre

 15   question.

 16   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Nous avons pu donc voir dans cette pièce P6355, qui correspond à un

 19   procès-verbal d'une réunion d'une séance de la présidence qui a eu lieu le

 20   6 juin 1992, que lorsque la guerre fut déclarée au Monténégro et en Serbie,

 21   ni vous ni M. Pejanovic n'était présent. Donc, quel était votre point de

 22   vue et le point de vue de M. Pejanovic à propos de cette déclaration de

 23   guerre ?

 24   R.  Bien, écoutez, c'est un sujet qui a été abordé lors d'une séance

 25   précédente, ou c'était peut-être le même jour d'ailleurs que la décision a

 26   été prise, mais lorsque nous avons entendu que cette décision était

 27   annoncée, nous avons exprimé nos réserves et avons indiqué que nous

 28   opposerions un veto face à cette décision. Toutefois, c'est justement de ce


Page 39152

  1   fait -- bon, normalement nous travaillions jusqu'à 18 heures ou 19 heures,

  2   mais plus tard cette soirée-là, vers minuit, une séance extraordinaire ou

  3   une séance d'urgence a été convoquée, et ni M. Pejanovic ni moi-même

  4   n'avions été invités, et c'est là que cette décision a été prise. Et le

  5   lendemain matin, Fikret Abdic a annoncé à une conférence de presse que la

  6   décision avait été prise, et certains des journalistes qui étaient présents

  7   savaient que nous n'allions pas nous rallier à cette décision. Ils ont

  8   demandé à Fikret Abdic si la décision avait été prise à l'unanimité. Il a

  9   dit que toutes les personnes présentes avaient voté et que les

 10   représentants serbes n'étaient absolument pas là, en fait.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 19832 de la liste 65 ter. Il n'y a pas

 12   de version serbe, mais je crois qu'elle existe dans le prétoire

 13   électronique.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Quoi qu'il en soit, je vais vous en donner lecture et vous entendrez

 16   l'interprétation -- ah, la voilà. La voilà. Regardez le début du document :

 17   "Les dernières conclusions de la FORPRONU à propos des raisons du crime

 18   atroce qui a eu lieu dans la queue qui était faite pour acheter du pain à

 19   Sarajevo ainsi que les auteurs suffisent pour justifier que je ne reste

 20   plus à la présidence de Bosnie-Herzégovine, a déclaré Nenad Kecmanovic à

 21   Tanauk [phon]…"

 22   Et le sixième paragraphe dont vous parliez nous dit :

 23   "Ces changements ont mis de côté les conditions minimales qui étaient en

 24   place lorsque j'ai rejoint la présidence et font qu'à présent mon

 25   engagement justifie l'option civique simulée derrière laquelle Alija

 26   Izetbegovic, en qualité de l'un des dirigeants nationaux, essaie d'imposer

 27   comme solution unitaire sur les nations moins nombreuses, a déclaré

 28   Kecmanovic."


Page 39153

  1   Est-ce que vous avez toujours cet avis-là aujourd'hui ?

  2   R.  Eh bien, encore plus aujourd'hui qu'à l'époque. Le cours des événements

  3   en Bosnie-Herzégovine jusqu'aujourd'hui a montré que les choses restent en

  4   l'état. Tout ce qui a eu lieu par la suite a prouvé que j'avais raison

  5   plutôt que l'autre camp. Les dirigeants bosniens, malgré le fait qu'ils

  6   avaient embrassé une option civique, et même s'ils pouvaient à peine cacher

  7   leurs prétentions unitaristes, c'est quelque chose qui s'est révélé dans

  8   les événements ultérieurs. Lorsque les Bosniens étaient en majorité et

  9   lorsqu'ils ont eu l'occasion de mettre en œuvre les principes de la

 10   démocratie citoyenne sans tenir compte des Serbes ou des Croates, ils ne

 11   l'ont pas fait, pas même dans la capitale. Ils avaient eu l'occasion de la

 12   déclarer comme étant une région fondée sur la proposition de la communauté

 13   internationale, mais ils ont refusé de le faire, et cela a donné lieu à une

 14   situation où les Serbes n'étaient rien à Sarajevo. Certaines personnes

 15   disent qu'il y a plus de Chinois que de Serbes à Sarajevo. Sur la question

 16   des cantons, ils n'ont rien obtenu non plus. Dans toute la fédération, le

 17   même problème se répétait avec les Croates. Les relations entre les Serbes

 18   et les Musulmans sont tout aussi troubles que celles qui existaient entre

 19   eux et les Serbes parce que les Croates avaient l'impression d'être

 20   dominés, et la communauté internationale a établi que cette domination

 21   avait été appliquée et qu'il fallait faire quelque chose, apporter les

 22   amendements constitutionnels, une révision de l'accord de Dayton, et

 23   cetera. Donc mes convictions d'aujourd'hui sont encore plus fermes que

 24   celles de 1992.

 25   Q.  Je vais essayer de vous poser des questions qui vous permettront de

 26   répondre par oui ou par non. Vous avez parlé des événements dans la rue

 27   Vase Miskina et vous en avez dit que c'était un crime monstrueux. Est-ce

 28   que vous confirmez cela aujourd'hui, et est-ce que vous confirmez que cela


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  1   a eu un impact sur vous ?

  2   R.  Absolument. Au jour d'aujourd'hui, il est encore plus clair que cela ne

  3   l'a été, encore plus clair qu'à l'époque. J'ai suivi la déposition de la

  4   dame qui est une experte en explosifs et qui est venue déposer devant le

  5   Tribunal et son expertise a été très révélatrice. Ce qui m'a rendu

  6   suspicieux à l'époque, c'est qu'il y a eu dans l'événement une maison avait

  7   été touchée, qui se trouvait à une centaine de mètres de la mienne, et

  8   l'équipe de télévision de Sarajevo est apparue sur les lieux très, très

  9   rapidement. Et même à l'époque, des suspicions avaient existé, on s'est dit

 10   que tout cela avait été monté de toutes pièces, mais des nouveaux éléments

 11   de preuve sont ressortis --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous allez beaucoup trop vite. Est-ce

 13   que nous pouvons nous arrêter un instant.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que l'on peut verser ce document

 15   au dossier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D3646.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  A la page 76 -- et je vais essayer de vous poser des questions pour que

 21   vous y répondiez par oui ou par non. A la page 76, s'agissant de la pièce

 22   P6356, une pièce à conviction de l'Accusation, vous déclarez que le général

 23   Halilovic ne pouvait pas être quelqu'un de confiance, en tout cas pour la

 24   description de la situation militaire. Est-ce que le général Halilovic,

 25   est-ce que l'on pouvait lui faire confiance lorsqu'il parlait des

 26   souffrances des Musulmans et des événements en Bosnie ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 28   Madame Uertz-Retzlaff.


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  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est une question directrice,

  2   Madame, Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Uertz-Retzlaff a suggéré que M. Kecmanovic

  5   avait été informé par Halilovic des souffrances des Musulmans, et M.

  6   Kecmanovic a dit que Halilovic était quelqu'un en qui on ne pouvait pas

  7   avoir confiance parce qu'il avait énormément menti sur la situation

  8   militaire. Donc je lui ai posé une question pour savoir si c'était

  9   quelqu'un à qui on pouvait avoir confiance ou pas. Ce n'est pas une

 10   question directrice. Nous reprenons une question qui a été soulevée pendant

 11   le contre-interrogatoire. Est-ce que vous pouvez répondre, Monsieur le

 12   Témoin ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Il aurait été mieux si la deuxième partie de

 17   la question avait été posée sans se référer à la première partie, mais ce

 18   n'est pas véritablement une question directrice si elle se limite à cela.

 19   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] J'aurais tendance à être d'accord,

 20   Maître Robinson.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on attend la réponse ou on continue ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?

 23   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Reformulez votre question, s'il vous

 25   plaît.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Lors des réunions de la présidence, pouvait-on prêter foi sans réserve


Page 39156

  1   lorsque le général Halilovic présentait la situation en Bosnie-Herzégovine

  2   et les souffrances de la population, et cetera ?

  3   R.  Comme je l'ai déjà dit, quasiment tous les jours il s'exprimait lors

  4   des réunions de la présidence et ses prises de parole étaient extrêmement

  5   partiales. Lorsqu'il parlait des victimes du côté musulman -- des civils

  6   musulmans, c'était toujours amplifié. Et donc, ça, c'est un point. Et puis,

  7   d'autre part, il faisait part de faits absolument incroyables lorsqu'il

  8   parlait des succès de l'ABiH. Donc il y avait beaucoup d'amplification,

  9   donc personne ne le prenait très au sérieux. Même lors des réunions de

 10   présidence où les Croates et les Musulmans étaient [imperceptible], et même

 11   Izetbegovic a attiré son attention à un moment donné sur le fait qu'il ne

 12   fallait pas qu'il l'exagère et il lui a dit : "Si tes succès militaires

 13   étaient aussi importants, aujourd'hui on aurait la totalité du territoire

 14   de Bosnie-Herzégovine sous notre contrôle."

 15   Q.  Merci. Page 66, on vous a demandé ce qui avait été demandé par Pale.

 16   Les accords de Dayton reconnaissent-ils à la population serbe de Bosnie des

 17   liens spécifiques avec la Serbie ?

 18   R.  Inutile de réagir à cela. Oui, c'est reconnu par les accords de Dayton.

 19   Q.  Je vous remercie. Il a été avancé que la partie serbe - ou en

 20   particulier moi-même - insistait sur le fait que nous ne pouvions pas co-

 21   habiter avec les Musulmans au sein d'un Etat commun. Est-ce que cela

 22   s'appliquait également à la RSFY et à une Bosnie-Herzégovine indépendante ?

 23   R.  La première option pour les Serbes - et lorsque je dis "Serbes", je ne

 24   pense pas uniquement au SDS, je pense aussi à mon parti politique, et je

 25   pense que c'était le point de vue du reste des Serbes qui n'étaient pas

 26   membres de partis politiques du tout - donc la première option, la

 27   priorité, c'était de continuer d'exister au sein de la Yougoslavie. Tout le

 28   reste était imposé. Simplement, les Serbes ont fait un choix légitime et


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  1   légal, mais ce choix, on n'en a pas tenu compte. Et tout ce qui s'est passé

  2   par la suite représente quasiment une conséquence de cela. D'abord, il y a

  3   eu des différends politiques et un conflit qui a dégénéré pour devenir un

  4   conflit armé.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, la Chambre de

  6   première instance souhaite lever l'audience aujourd'hui à 14 heures 45

  7   précises.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais essayer d'abréger.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Professeur Kecmanovic, si vous pouvez, répondez toujours par un oui ou

 11   un non dès que cela est possible. Mais je n'ai pas le droit de poser des

 12   questions directrices, moi, à la différence du Procureur.

 13   Du côté du SDS et du côté de la direction du mouvement serbe de

 14   Bosnie, même si vous vous faisiez partie d'un mouvement politique

 15   pluripartite --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Pouvez-vous

 17   répéter.

 18   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise demandent qu'on

 19   répète.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous avez pu constater, de mon côté ou du côté du reste de

 22   la direction serbe, des dirigeants du mouvement serbe, est-ce qu'il y avait

 23   une différence d'attitude vis-à-vis des Musulmans qui à nos yeux étaient

 24   des extrémistes et des autres qui ne l'étaient pas à nos yeux ?

 25   R.  Absolument, il y avait cette différence.

 26   Q.  Merci. En page 60, vous avez parlé contre le génocide et vous avez dit

 27   que cela ne concernait pas une partie en particulier. Je fais référence à

 28   la pièce 6353. Est-ce qu'à ce moment-là vous parliez de manière générale ou


Page 39158

  1   vous aviez à l'esprit un auteur spécifique ou une partie particulièrement

  2   responsable d'avoir commis un génocide ?

  3   R.  Non, pas de manière spécifique.

  4   Q.  Lorsque vous avez parlé des"mouvements de population", et le Procureur

  5   a fait un lien entre les déplacements, les mouvements de population et le

  6   nettoyage ethnique, mais est-ce que vous, vous aviez à l'esprit le

  7   déplacement forcé de la population -- transfert forcé dans le cadre du

  8   nettoyage ethnique ou autre chose ?

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est directeur.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'entendez-vous par là ? Vous devriez

 11   plutôt lui demander ce qu'il avait à l'esprit lorsqu'il a parlé de

 12   "déplacement de population".

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Page 53, qu'entendiez-vous lorsque vous avez parlé de "déplacement en

 15   masse de la population" ?

 16   R.  C'est un concept très large. Et c'est quelque chose qui se poursuit non

 17   seulement en Bosnie-Herzégovine mais sur le territoire de toute l'ex-

 18   Yougoslavie même après la guerre. Nous avons eu des déplacements de

 19   population très importants après la Seconde Guerre mondiale. Un nombre

 20   important de Serbes et de Croates ont quitté la Bosnie-Herzégovine après la

 21   Seconde Guerre mondiale, en 1945. Depuis 1995, ce processus se poursuit. Et

 22   je n'ai jamais employé ce syntagme tout simplement sous forme de -- je

 23   voulais simplement parler qu'il s'agissait d'un processus. Je n'allais pas

 24   parler de cela dans le contexte d'une contrainte.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on nous affiche la pièce

 26   P6352, et sur l'autre partie de l'écran, la pièce D220.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous avez remarqué au niveau de la direction serbe qu'il y a


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  1   eu des intentions de transférer la population ?

  2   R.  Plavsic, Krajisnik, feu Koljevic, c'étaient ceux avec qui j'étais en

  3   contact, et, non, je n'ai jamais remarqué cela. Et en particulier, il me

  4   semble que c'était vous qui à un moment donné lorsqu'il a été question du

  5   partage du territoire, et les trois parties y prenaient part, à partir du

  6   plan Cutileiro jusqu'au plan de Dayton à la fin de la guerre, et je ne vois

  7   pas pourquoi est-ce qu'on a tendance à stigmatiser cela. Puisque les trois

  8   parties sous l'égide de facteurs internationaux ont abordé cela sous cet

  9   angle-là du partage. Je ne vois pas pourquoi on le voit maintenant d'un si

 10   mauvais œil. Et justement, donc, vous avez proposé vous-même que dans les

 11   localités où une partie importante du territoire connaissait la majorité

 12   musulmane ou croate, avec quelques micros [phon] en zone serbe, ils ne

 13   soient pas l'objet de transfert de population mais qu'on accorde une

 14   microautonomie à ce niveau-là. Il me semble que c'était dans le contexte de

 15   la Bosnie orientale. Donc, de ne pas procéder à des modifications, mais

 16   simplement de garantir une autonomie à un niveau local pour garantir les

 17   droits.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 2, s'il vous plaît, pour la partie droite.

 19   Et puis, pour la partie gauche de l'écran, on voit une plate-forme qui date

 20   du 22 avril 1992, qui vient de moi.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Et je voudrais que l'on s'intéresse au paragraphe 5. Alors, dites-nous,

 23   s'il vous plaît, comment est-ce que cela correspond à votre interprétation

 24   ou vision de notre position vis-à-vis d'un recours éventuel à la force ?

 25   R.  Il me semble que le point 5 est quasiment identique avec celui qui a

 26   été mentionné par Mme le Procureur au sujet de ce que j'ai dit lors d'une

 27   réunion de la présidence à Sarajevo. Donc, que l'on ne favorise pas un

 28   recours à la force du tout.


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  1   Q.  A droite, page 2, s'il vous plaît. Point 4, (c), et cela suffira. Vous

  2   pouvez enlever le document qui figure à gauche. Page suivante, s'il vous

  3   plaît, point 4, (c) :

  4   "Il s'agit de reconnaître les autorités légales de l'Etat de Bosnie-

  5   Herzégovine et de ses institutions sur l'ensemble de son territoire."

  6   Alors, pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, comment vous avez compris

  7   cela et dans quelles conditions ces autorités pouvaient-elles être légales

  8   si des représentants du peuple serbe n'en font pas partie ?

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est directeur.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est hors de question.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Au (c) --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La dernière partie de votre question

 14   était directrice. Est-ce que vous pouvez reformuler, Monsieur Karadzic.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Professeur Kecmanovic, dites-nous, s'il vous plaît, comment vous avez

 17   compris cela ? Que recherche la partie musulmane ? De quelles autorités

 18   légitimes il s'agirait sur la totalité du territoire de Bosnie-Herzégovine

 19   ?

 20   R.  De la manière dont je l'ai compris, ce pouvoir-là serait conforme à ce

 21   que nous avons dit au début, à savoir que les trois parties devraient

 22   trouver un consensus, comme cela a été fait à Dayton. C'est le seul moyen

 23   de garantir que la Bosnie-Herzégovine se maintienne. Et si un tel accord

 24   n'est pas possible, eh bien, une séparation serait la seule solution.

 25   Alors, quant à savoir qui y aurait pris part, est-ce que moi aussi en tant

 26   que membre de la présidence si j'étais resté ou vous seulement, c'est-à-

 27   dire la direction de Pale ? Ça, ce ne sont que des hypothèses maintenant.

 28   Mais il est clair que le peuple serbe aurait dû avoir son mot à dire. Et si


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  1   cela avait été le cas, je suis certain qu'il n'y aurait pas eu de guerre

  2   civile.

  3   Q.  Et enfin, la coalition croato-musulmane, est-ce qu'elle partageait

  4   votre point de vue au (c), pour ce qui est de la question de la légalité à

  5   ce moment-là ?

  6   R.  J'ai bien peur que les Bosniens ne partageaient pas mon point de vue;

  7   et pour ce qui est des Croates, je n'en suis pas certain. Je pense qu'ils

  8   étaient plutôt favorables à cela, à la différence des Bosniens.

  9   Q.  Professeur Kecmanovic, je vous remercie. Si j'avais un peu plus de

 10   temps, j'aurais encore des questions pour vous, mais j'en ai terminé.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Monsieur Kecmanovic, votre déposition est terminée. Au nom des Juges de la

 13   Chambre de première instance, je vous remercie d'être venu à La Haye.

 14   Rentrez bien chez vous. Nous allons lever l'audience, mais il nous reste un

 15   point.

 16   La Chambre est encore en train d'examiner la requête déposée par M.

 17   Tolimir demandant une suspension de l'injonction à comparaître et

 18   l'autorisation d'interjeter appel. Compte tenu des circonstances, il nous

 19   semblerait faire preuve de prudence en reprogrammant sa déposition, prévue

 20   initialement pour la semaine prochaine, donc en la décalant à une date

 21   ultérieure en fonction de la décision qui sera prise.

 22   L'audience est levée.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Kecmanovic. 

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à vous remercier de m'avoir souhaité

 26   un bon retour à Belgrade. J'aurais une demande à formuler. Est-ce que je

 27   peux dire bonjour et au revoir à l'accusé ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que M. Karadzic vous a


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  1   entendu. Cela ne correspond pas à notre pratique habituelle.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais dans l'affaire Krajisnik, cela a été

  3   approuvé.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas cette fois-ci. Merci.L'audience est

  5   levée.

  6   [Le témoin se retire]

  7   --- L'audience est levée à 14 heures 51 et reprendra le mardi, 4 juin

  8   2013, à 9 heures 00.

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