Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 23 juillet 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.Bonjour,

  7   Monsieur Harvey.

  8   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je voudrais

  9   présenter M. Joash Fang qui est dans notre équipe depuis deux mois déjà. Il

 10   arrive de l'Université des sciences politiques de Vancouver, et il faut une

 11   maîtrise en sciences politiques au Canada.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   Monsieur Karadzic, veuillez continuer.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour à tout à

 15   chacun.

 16   LE TÉMOIN : DUSAN DUNJIC [Reprise]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Bonjour, Professeur.

 20   R.  Bonjour.

 21   L'INTERPRÈTE : L'accusé hors micro.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Nous avons parlé hier de l'importance des objets trouvés qui pourraient

 24   nous aider si ça n'avait pas été détruit. Est-ce que vous étiez présent

 25   dans le prétoire lorsque M. Christopher Lawrence a témoigné ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si vous vous en souvenez - et je me réfère aux pages [comme interprété]

 28   22 468 j'ai posé des questions au sujet des bandeaux pour les yeux et à


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  1   cette page-là, le Dr Lawrence a répondu que pour dire que bon nombre

  2   d'entre eux se ressemblaient grandement, qu'ils étaient faits d'un tissu

  3   onéreux, de bonne qualité, et qu'il y avait très peu de nœuds, et que le

  4   reste était fait d'une pièce; vous en souvenez-vous ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Qu'est-ce que ceci vous dit ? Est-ce qui utile s'il nous était possible

  7   de voir ces bandeaux ou prétendus bandeaux destinés à attacher les yeux ou

  8   à couvrir les yeux ? Qu'est-ce que cela nous permettrait de voir ?

  9   R.  D'un point de vue médico-légal, ça peut être pris en considération à

 10   double titre. Ces bandeaux pour les yeux, ça peut être des bandeaux

 11   ordinaires qui sont, par exemple, utilisés pour -- en tant que -- enfin,

 12   comme des bandanas qui sont destinés pour mettre par-dessus le front ou

 13   alors pour désigner l'appartenance à une -- un groupe religieux. On peut

 14   porter des bandeaux au niveau d'une unité qui fait partie d'un groupe

 15   militaire particulier. Ça fait qu'en substance, ça -- c'est ce que ça me

 16   fait penser. Mais lier un bandeau autour de la tête, ça ne veut pas

 17   forcément dire que la personne en question avait un bandeau par-dessus les

 18   yeux. On avait, par exemple, pu penser que c'était fait comme bandeau pour

 19   être mis sur les yeux, mais il faudrait que vous puissiez le voir et voir

 20   comment on les a retrouvés in situ et voir un peu comme c'est décrit dans

 21   un rapport d'autopsie pour pouvoir en dire davantage pour ce qui est de la

 22   finalité pour laquelle cela a été utilisé.

 23   Q.  Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges -- Madame,

 26   Messieurs les Juges. Juste un petit éclaircissement. Au compte rendu page

 27   22 468, le Dr Lawrence a dit que tous ces bandeaux étaient semblables les

 28   uns aux autres. Il n'a pas parlé de qualité onéreuse du tissu et de la


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  1   qualité du -- en -- en termes simples. Donc, je voulais le dire pour -- en

  2   termes simples au compte rendu.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. En pages 22 474 à 22 475, et il y a

  5   quelques  pages au-delà où M. Mitchell était déjà dans le prétoire et je

  6   lui rappelle que tout le témoignage a montré, en pages 7 273, par exemple,

  7   22 472, 22 473, ce qui a été dit, mais M. le Pr Dunjic a ses notes et il

  8   sait ce qu'il -- ce que les uns et les autres ont dit dans le prétoire.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, Monsieur Karadzic, vous avez fait

 10   référence à une page concrète. La page 22 468. Continuons, je vous prie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, en page de 22 472, il est question de deux

 12   bandeaux qui avaient des nœuds dessus, alors que les autres bandeaux

 13   n'avaient pas de nœuds. Ensuite, aux 22 474 et 475, on dit que c'était dans

 14   une espèce de tissus brillant qui avait des couleurs et qu'il y avait

 15   quelque chose d'imprimé et ainsi de suite.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Professeur, vous avez laissé entendre qu'on ne pouvait pas tirer une

 18   conclusion pour ce qui est de savoir si quelqu'un était tué au combat et

 19   enterré a posteriori ou antérieurement ou est-ce qu'on a récupéré sa

 20   dépouille en surface. Alors, je me propose de vous citer ce que le témoin

 21   045 a dit. Le Témoin 045 a dit et je vais retrouver la page. Il s'agit du

 22   22 674, et je vais en donner lecture en anglais. On a demandé :

 23   "Comment se fait-il qu'il y ait eu des pertes ?"

 24   Et réponse : "Il y en a eu beaucoup. Je viens de dire que rien que dans la

 25   nuit du 12 au 13, j'ai vu 40 à 50 personnes qui étaient grièvement blessées

 26   et qui ont été apportées jusqu'à ce -- cette colline. Et je ne sais pas ce

 27   qu'il est advenu de ces gens plus tard. Je n'ai entendu personne en parler

 28   et ces personnes n'ont jamais été revues."


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  1   Question : "Est-ce qu'ils n'étaient que blessés ? Personne n'était tué ?"

  2   Réponse : "Il y en a eu tant de tués que personne ne pouvait les sortir de

  3   ce vaisseau. Et personne ne pouvait sauver ces gens. Donc, pour sûr, un

  4   grand nombre d'entre eux ont été tués."

  5   Puis, on a posé la question -- enfin, on a dit :

  6   "Merci. N'est-il pas vrai que vous étiez conscient du fait qu'une

  7   partie de la 281e Brigade comptait quelques 1 000 combattants et 500 civils

  8   ?"

  9   Et il a été répondu :

 10   "Eh bien, non."

 11   Question : "Est-ce que vous avez enterré les personnes qui ont été

 12   tuées au combat dans ces ruisseaux ?"

 13   Réponse : "C'est un peu une question bête, si je puis le dire.

 14   Comment voulez-vous que nous ayons le temps d'enterrer qui que ce soit

 15   alors que vous ne saviez pas ce qui allait advenir de vous-même dans la

 16   minute qui venait ? Donc, nous n'avons eu le temps de voir -- de ne voir --

 17   de ne rien voir du tout."

 18   Question : "Mais qui a enterré ces personnes ?"

 19   Réponse : "Personne. A moins qu'on ne les ait retrouvées plus tard et

 20   à moins que les Serbes ne les aient ramassées et pour les mettre dans des

 21   fosses communes. Tout le reste était probablement resté dans la forêt."

 22   Alors, ce témoignage, comment s'intègre-t-il dans vos constatations

 23   et conclusions partant des documents que vous avez consultés et compte tenu

 24   aussi des descriptions de -- des éléments biologiques décrits ?

 25   R.  Eh bien, comme tout expert, je ne suis pas à même d'évaluer la véracité

 26   des éléments de preuve présentés. Ça, c'est une affaire qui concerne les

 27   Juges de cette Chambre. Mais en ma qualité d'expert médico-légal, ce que je

 28   peux faire, c'est prélever un certain nombre d'éléments pour dire qu'il y a


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  1   eu beaucoup de blessés et beaucoup de personnes tuées qui n'ont pas été

  2   enterrées. Rien que ce renseignement-là, si tant est qu'il est vrai,

  3   s'intègre dans ce que je disais auparavant, à savoir que certains corps

  4   ont, a posteriori, été apportés vers certains sites, le site le plus proche

  5   pour ce qui est d'un enterrement, d'un ensevelissement et que c'était des

  6   cadavres qui étaient déjà en décomposition. Ceci prouve, en termes

  7   pratiques, ce que j'avais souligné dans les éléments de témoignage des --

  8   d'un témoin de l'Accusation, Dusan Janc [comme interprété]. Il a raconté la

  9   même chose. Il a dit qu'a posteriori, on avait apporté des cadavres qui

 10   étaient déjà en phase de décomposition. Et s'agissant de la déclaration de

 11   ce témoin que vous avez citée vous-même, je ne puis, moi, que juger partant

 12   de là. Bien entendu, s'agissant de la partie écrite que je vous ai fait

 13   parvenir, j'ai cité d'autres témoins qui n'étaient pas des témoins

 14   protégés, donc -- où on ne m'a communiqué leur témoignage et j'ai cité ce

 15   qu'ils ont dit dans les segments qui montrent comment certaines personnes

 16   avaient péri ou -- selon les dires de ces témoins et avaient eu recours à

 17   quel type d'armes. Moi, ce qui importait, c'était de voir ce qu'ont pu

 18   consigner les blessures et voir si cela coïncidait, dans une certaine

 19   mesure avec les récits des témoins qui ont survécu à tout cela.

 20   Q.  Merci. Ce même témoin a confirmé qu'à côté de lui, on avait tué au

 21   moins cinq ou six personnes qui figurent sur les listes de l'ICMP comme

 22   étant des personnes fusillées et dont les corps ont été retrouvés dans

 23   différentes fosses communes. Si on doit donner lecture des noms, je vais

 24   demander un huis clos partiel. Mais je ne pense pas que ce soit nécessaire

 25   de donner les noms de ces personnes. Le numéro 1 700, 4 647, 3 489, 11 200

 26   ou 112 199, 3 072, ce sont des gens qui ont été tués à côté de lui dont les

 27   corps ont été retrouvés dans différentes fosses communes. Alors comment

 28   interprétez-vous tout ceci ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas ce que

  3   ces numéros dont M. Karadzic vient de donner lecture signifient, et je vous

  4   demande que l'on nous donne une référence pour ce qui est d'affirmer qu'au

  5   moins cinq ou six personnes avaient été tuées juste à côté de lui, et que

  6   ce sont des personnes qui figurent sur la liste de l'ICMP comme étant des

  7   personnes qui ont été exécutées.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de passer à huis

  9   clos partiel pour cela ?

 10   M. MITCHELL : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que non, mais c'est un élément qui est

 12   postérieur à la toute première des références pour ce qui est du 045 -- du

 13   Témoin 045. Je vais essayer de le retrouver, je ne l'ai pas noté, me

 14   semble-t-il. Donnez-moi un instant. Cela se trouve au 65 ter 3246, ça a été

 15   par la suite probablement verser au dossier en page 3, 3 246, page 3,

 16   disais-je, et dans le témoignage, il y a eu confirmation pour ce qui est

 17   des noms et des prénoms de parents. Leur identité a été confirmée mais je

 18   dois retrouver la page, un instant. Après la pause, je vous donnerais

 19   exactement la page du compte rendu, les noms y sont énumérés, et au compte

 20   rendu, on voit le prénom des pères de ces individus, et nous avons

 21   déterminé que c'étaient bel et bien les mêmes individus.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, c'était une question que vous me

 23   posiez ?

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Non, non, c'était ma réponse à M. Mitchell.

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, les noms se

 27   trouvent aux références 2 267, et à la page suivante, donc nous n'avons pas

 28   besoin de chercher plus loin.


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  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en remercie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons-y.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Professeur, votre rapport est plutôt détaillé clair, je ne vais pas

  6   donc pas tout parcourir chaque détail.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce que je voudrais c'est qu'on nous

  8   affiche le 1D9311 au prétoire électronique, s'il vous plaît.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle est la conclusion que vous tirez du fait

 11   que dans une fosse commune l'on ait trouvé et sorti des corps de personnes

 12   tuées en 1992, 1994 et 1995 ?

 13   R.  Ce que l'on voit à présent s'agissant de ce document, c'est assez

 14   marquant. Et cela importe dans la mesure où d'une certaine façon ça ne fait

 15   que confirmer ce que Dusan Janc a noté dans son correctif pour ce qui est

 16   des corps qui ont été apportés d'ailleurs lors de la confection de fosses

 17   communes secondaires qui à en majeure partie, à mon avis, sont des fosses

 18   primaires et pour certains corps ce sont des fosses secondaires. Et ce

 19   qu'il importe de dire c'est qu'ici il y a des corps qui ont été retrouvés à

 20   certains sites, et vous voyez à droite quels sont les sites en question,

 21   pour ce qui est des fosses communes. Et dans la partie centrale, on voit la

 22   date de naissance, le nom, prénom de l'individu, le prénom du père et la

 23   date du décès d'après Brunborg, et la date de naissance et la date du décès

 24   d'après les listes de l'ABiH. Et à mes yeux, ça a été frappant comme

 25   renseignement que de voir que pour la même personne, une seule et même

 26   personne on dit qu'il est mort le 12 juillet 1995, alors que la même

 27   personne, par exemple, Avdo Ademovic, fils de Taib, a été tué le 1er août

 28   1993.


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  1   En fait, lorsque j'ai travaillé sur ces rapports, pour ce qui est de

  2   plusieurs présentations ou tabellaires de l'ICMP et autres documents, j'ai

  3   pu voir que sur la liste il y avait des gens qui sont décédés en 1993 et en

  4   1994. Et lors du procès de Vujadin, enfin groupe Vujadin Popovic et autres,

  5   on a rendu public cette liste, et il s'agit en fait d'une demande présentée

  6   par le Procureur, Geoffrey Nice, dans le procès contre M. Milosevic où il

  7   avait demandé à ce que les autorités militaires de l'ABiH communiquent les

  8   listes de personnes qui avaient péri avant les événements de Srebrenica en

  9   1995, en juillet 1995. Et c'était une liste énorme de 100 et quelque

 10   personnes. Alors, dans mon rapport, je l'ai inscrit ça; c'est une partie de

 11   la liste ici seulement, il existe donc une partie d'individu, de ces

 12   individus qui dans les documents de l'armée sont consignées comme étant des

 13   personnes tuées avant.

 14   On sait que les conflits autour de Srebrenica, il y en a eu avant juillet

 15   1995 aussi. Et moi, on m'a posé la question de savoir mais où sont ces

 16   cadavres, les cadavres des personnes qui ont péri au combat avant juillet

 17   1995. J'ai dit que je ne savais pas, et on a dit qu'on les avait retrouvés

 18   dans ces fosses communes. Alors j'ai dit, "oui, on en a retrouvé dans les

 19   fosses communes, on les a identifiés, mais ce que je puis confirmer c'est

 20   que dans ces fosses communes il y a des corps qui sont dans des phases

 21   différentes de décomposition précisément pour cette raison-là". Et j'ai à

 22   plusieurs reprises inscrit, couché sur papier et précisé que ce processus

 23   des modifications de dégradation des corps qui ont été exhumés, c'est un

 24   élément très important. Parce que cela confirme indirectement le moment du

 25   décès, enfin de la mort, et le moment de l'ensevelissement. Et quand on a

 26   parlé des fosses primaires et des fosses secondaires, ce n'était pas

 27   seulement des réflexions de nature théorique mais c'est crucial, parce que

 28   certains corps étaient complètement décomposés. Ce qui indique qu'il y


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  1   avait un grand niveau de modification du point de vue de la décomposition

  2   des dépouilles.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que de passer ou d'aller de

  4   l'avant.

  5   Professeur, savez-vous nous dire qui a rédigé ce document, qui en est

  6   l'auteur ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

  8   Moi, on m'a présenté ce document tel quel, c'est ainsi qu'on me l'a

  9   communiqué à nous autres.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il y a une référence ERN, ça vient

 11   de l'EDS.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me permettez, j'ai omis de

 13   souligner un élément. Vous avez la date du décès d'après Brunborg, et la

 14   date du décès d'après la liste de l'ABiH, alors, voici comment il faut

 15   entendre. La date du décès c'est la date où la personne est morte. Bon,

 16   cette date du décès ça peut être déterminé de façon différente. En plus de

 17   la méthode médico-légale, on peut la déterminer partant de témoignages de

 18   témoins, ou autres documents ou dire que l'on peut retrouver. C'est de cela

 19   que j'ai parlé. D'après ce que j'ai fait jusque-là ou jusqu'à présent,

 20   c'est le fait de voir qu'un certain nombre de ces cas d'exhumation dans les

 21   fosses communes m'a fait penser, m'a fait douter de dates différentes de

 22   décès, parce qu'il est impossible de trouver dans une fosse et une seule et

 23   même fosse un corps complètement squelettisé [comme interprété] sans tissu

 24   mou et des corps en phase de saponification. Ça n'a rien à voir donc avec

 25   la situation telle qu'elle se présentait dans la fosse commune comme nous

 26   l'a dit M. Richard Wright.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Merci, Professeur. Est-ce que vous avez pu voir des listes de l'ABiH


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  1   avec leurs renseignements à eux pour ce qui est du moment du décès ?

  2   R.  Oui. Dans le procès contre Vujadin Popovic, je l'ai obtenu de la part

  3   de la Défense c'est tout un dossier, une liste entière de noms ou -- enfin

  4   on a donné des noms très variés et des sites variés où ces gens ont été

  5   tués, dans quelles unités, dans quelles circonstances. Et je crois que ça

  6   avait été communiqué par l'Accusation à l'attention de la Défense.

  7   Q.  Merci. Est-ce que ces noms correspondent avec ce que vous avez pu

  8   retrouver sur les listes de l'ABiH ?

  9   R.  Oui, Oui. Enfin écoutez je l'ai fait moi-même, j'ai essayé au tant que

 10   faire se pouvait d'établir des corrélations.

 11   Q.  Penchez-vous, je vous prie, sur le numéro 128, le dénommé Avdic,

 12   Cancari 11, temps du décès au moment du décès 1992. Dans la fosse commune,

 13   la même, on a trouvé les corps de ceux qui ont été tués plus tard. Donc il

 14   n'y a presque pas une seule fosse commune où l'on a pas retrouvé des corps

 15   datant de bien avant juillet 1995. Quelle est votre conclusion à ce titre ?

 16   R.  La seule conclusion que je pourrais tirer en ma qualité de médecin

 17   légiste c'est que --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Monsieur

 19   Karadzic, si vous êtes en train d'aborder un sujet que vous considérez

 20   important, veuillez ne pas guider le témoin vers ses réponses.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais au professeur de nous dire

 22   quelle est la conclusion qu'il tire partant du fait que dans la totalité ou

 23   presque la quasi-totalité des fosses communes on a des corps datant de

 24   périodes différentes.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que cette liste nous confirme qu'il y a --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais ça c'est une question

 28   directrice.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'était pas délibéré. Croyez-moi je ne

  2   savais juste pas comment le formuler.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Que nous indique cette liste s'agissant des lieux de décès et du moment

  5   de l'inhumation ?

  6   R.  Je comprends votre question. Cette liste reprend les heures de décès,

  7   les temps de décès, les moments de décès et indique que certaines

  8   dépouilles, qui avaient été inhumées dans ces fosses en 1995 ou peu avant

  9   les événements de juillet 1995, auraient dû se retrouver dans un état

 10   avancé de putréfaction, de squelettisation.

 11   Deuxièmement, --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez aider les Juges de la Chambre à

 13   comprendre ce tableau. Vous aviez donné l'exemple de Avdic, nous voyons le

 14   numéro 128 [comme interprété] écrit à la main à droite de ce nom. Est-ce

 15   que vous pourriez nous expliquer ce que veulent dire les différentes

 16   colonnes ? Avdic, ensuite je suppose que Avdic c'est son -- que Hamdija qui

 17   se trouve à côté d'Avdic est son prénom ? Veuillez nous dire ce que cela

 18   veut dire ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois ce numéro-là. Hamdija, c'est le

 20   nom du père Ramiz, numéro 128, né le 16 juillet 1971.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 22   Voilà, veuillez continuer. Si vous touchez l'écran, Monsieur, l'affichage

 23   se modifie, nous aimerions voir les colonnes entières. Voilà.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai. Je l'ai en format papier.

 25   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de vous donner ces

 27   explications en lisant le document papier. Donc nous avons Avdic, prénom

 28   Hamdija, nom du père Ramiz, né le 16 juillet 1971. Date de décès 18 juillet


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  1   1995 --

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  D'après qui ?

  4   R.  D'après Brunborg. Ensuite la liste de l'ABiH, date de naissance 16

  5   juillet 1971, donc c'est la même date, mais la date de décès est différente

  6   celle qui est consignée est le 15 juillet 1992.

  7   Cette dépouille a été récupérée dans la fosse commune Cancari "Road" route

  8   de Cancari numéro 11 et puis le protocole. Ça c'est le protocole

  9   d'identification que l'on voit à côté. La récupération de dépouilles à

 10   différents emplacements, gardant à l'esprit les deux dates de décès, l'une

 11   d'après Brunborg et l'autre d'après la liste de l'ABiH, indique clairement

 12   que les dépouilles qui ont été récupérées ici avaient été tuées à

 13   différents endroits et avaient été inhumées à différents endroits, c'est-à-

 14   dire dans les emplacements où on les a trouvées, et en conséquence cela

 15   confirme la thèse selon laquelle ces personnes ont été tuées --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La date de naissance, à gauche de

 17   Brunborg, la date de décès. Sur quoi se fonde-t-elle ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont là des personnes qui ont été

 21   identifiées sous ces noms-là. Je ne sais pas qui les a identifiés et je ne

 22   sais pas comment. Ces informations étaient fournies à l'ICMP. On a le

 23   prénom, le nom de famille, le nom du père, la date de naissance, et c'est

 24   comme cela que ces personnes ont été recherchées, par la suite, suite à des

 25   tests ADN une identification a été effectuée. C'est la procédure que l'ICMP

 26   suit pour l'identification pour autant que je sache. Autre chose comment

 27   l'ABiH --

 28   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] -- est arrivée à ces informations-là. Ça je

  2   n'en sais rien.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyez plus bref dans les réponses aux

  4   questions, s'il vous plaît. J'aimerais que vous nous donniez lecture de la

  5   première ligne. Nous n'avons pas le document en anglais donc nous avons

  6   besoin de votre aide, Monsieur. Lisez nous la première ligne, s'il vous

  7   plaît.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Première ligne, oui.

  9    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, la première ligne.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. "Exemples de personnes identifiées à

 11   partir de la liste de l'Accusation et de la base de données de l'ABiH (pour

 12   les cas de soldats qui ont été tués ou qui ont été portés disparus avant

 13   juillet 1995 uniquement)."

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, vous nous avez dit que vous

 15   ne saviez pas d'où provenait ce document. Est-ce que vous-même, vous avez

 16   confirmé que les données reprises dans ce document concordent avec les

 17   matières premières ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai essayé de localiser certains de ces cas

 19   dans les comptes rendus d'autopsie et, sur la base de ces comptes rendus,

 20   j'ai voulu déterminer ce que je pouvais faire, c'est-à-dire le degré de

 21   putréfaction, et ensuite analyser dans ce contexte les moments de décès,

 22   puis voir si les informations fournies par Brunborg et par l'ABiH

 23   correspondaient à la réalité. Et j'ai déterminé que la putréfaction était

 24   tellement prononcée, tellement avancée que, en qualité de médecin légiste,

 25   je serais enclin à confirmer la date de décès fournie par la liste de

 26   l'ABiH.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ma question était de savoir, par

 28   exemple, si la date de naissance et la date de décès citées ici


Page 41772

  1   correspondaient aux documents, aux informations fournies par l'ABiH. Est-ce

  2   que vous avez vérifié cela vous-même ? Il me semble que votre réponse est

  3   non ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas vérifié deux fois les dates

  5   de naissance ni les dates de décès. J'ai comparé les deux dates de décès.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme l'a indiqué M. Karadzic, ce

  7   document porte une cote ERN. M. Mitchell, peut-être, peut nous aider quant

  8   à la source de ce document.

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agit d'un rapport

 10   d'expert de la Défense dans l'affaire Popovic de Svetlana Radovanovic, qui

 11   était démographe, qui avait été citée à la barre par l'équipe de la

 12   Défense. Et cela me mène à un autre point, Monsieur le Président. Cette

 13   liste serait mieux expliquée par un expert en démographie, ce qui n'est pas

 14   le cas de notre témoin expert. Je ne sais pas si le Dr Tabeau ou si le Dr

 15   Brunborg ont abordé cette liste déjà dans cette affaire-là. Je vais le

 16   vérifier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons les documents de

 18   l'ABiH ? Est-ce que vous pourriez nous donner lecture des colonnes,

 19   Monsieur Dunjic, pour que nous entendions l'interprétation, la partie qui

 20   dit "spisak armije" ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous lire la liste --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, juste le titre de la colonne,

 23   Monsieur.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. "Liste de l'ABiH."

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Merci. Nous allons nous arrêter

 26   là.

 27   Monsieur Mitchell, est-ce que vous avez ces documents, liste de l'ABiH, en

 28   l'espèce ?


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  1   M. MITCHELL : [interprétation] Je ne sais pas si ces documents ont été

  2   versés comme éléments de preuve en l'espèce. Je sais que nous disposons de

  3   ces informations. Je sais que les démographes de l'Accusation ont analysé

  4   minutieusement les données pour les comparer à la liste des personnes

  5   disparues. Je vais vérifier et je reviendrai vers vous pour voir si cela a

  6   été versé au dossier.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Monsieur Karadzic, allez-y. Pourquoi est-ce si important de vérifier la

  9   véracité de ces documents au lieu de passer à la conclusion directement ?

 10   Mais continuez.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Page suivante, s'il vous plaît.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Le jour du décès pour la route de Cancari était le 15 juillet 1992, et

 14   je regarde toujours l'exemple d'Avdic.

 15   R.  Oui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Passons à la page suivante à présent.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Regardez l'entrée qui porte sur la route de Cancari 11.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, ça ne se trouve pas sur la page suivante.

 20   Encore une page, s'il vous plaît. Désolé. Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Quelle est la date de décès indiquée d'après Brunborg et quelle est la

 23   date de décès d'après l'ABiH pour cet exemple-là ?

 24   R.  Avdic Hamdija, Ramiz, d'après Brunborg, est décédé le 18 juillet --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 26   De qui parlons-nous à présent, Monsieur Karadzic ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous parlons de deux dépouilles qui ont été

 28   inhumées sur la route de Cancari. D'après Brunborg, une date était le 18


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  1   juillet 1995 pour une dépouille, et pour l'autre, c'était le 13 juillet

  2   1995; et d'après l'ABiH, c'était 1992 et 1994, respectivement.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous sommes en train de regarder la

  4   page 3 à présent, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, et la première dépouille porte sur la

  6   personne dont nous avons lu le nom tout à l'heure.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je vois deux entrées portant sur la

  8   route de Cancari numéro 11. La première est celle de Muminovic et la

  9   deuxième est celle de Ramic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je voulais dire Muminovic, celui qui se

 11   trouve en haut, le cinquième ou le sixième dans la liste.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'était justement ma question. Et le

 13   professeur nous a lu l'entrée portant sur M. Avdic à la page 1.

 14   Veuillez continuer. Quelle est votre question ?

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire -- regardons d'abord la colonne Brunborg.

 17   Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances les dépouilles ont été

 18   retrouvées, pour la personne qui est censée être décédée le 18 et celle qui

 19   est censée être décédée le 13 juillet 1995 au numéro 11 de la route de

 20   Cancari ? Il y a une différence de cinq ou six jours. Est-ce que vous avez

 21   trouvé des données montrant que les inhumations ont duré aussi longtemps ?

 22   R.  Un instant, s'il vous plaît. Je vais regarder la liste. D'abord,

 23   Muminovic, d'après Brunborg, le 13 juillet 1995, 13 juillet 1995, route de

 24   Cancari numéro 11. Et puis, route de Cancari pour Ramic Admir -- oui,

 25   voilà. Avdic, c'est le 11 juillet -- le 18 juillet 1995. Donc, si j'ai bien

 26   compris la question, vous me demandez comment il était possible que ces

 27   deux dépouilles aient été inhumées en cinq jours, parce qu'il y a une

 28   différence de cinq jours.


Page 41775

  1   Q.  Oui, c'est ce que l'on nous dit ici, Professeur. Dans ce prétoire, on a

  2   entendu des éléments de preuve disant qu'il n'y a pas eu d'exécutions avant

  3   le 14. Mais une personne est morte le 13 et a été retrouvée au numéro 11 de

  4   la route de Cancari, ainsi qu'une autre personne qui est censée avoir été

  5   tuée le 18 et qui a été trouvée dans la même fosse commune. Est-ce que vous

  6   avez une explication pour cela ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  8   Monsieur Mitchell ?

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Je pense que cela est une mésinterprétation

 10   des éléments de preuve. Il y a eu énormément d'éléments de preuve montrant

 11   que des exécutions ont eu lieu avant le 14.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, même Janc a dit que ces éléments de

 13   preuve ne tenaient pas la route. Mais regardons autre chose, et puis nous

 14   verrons plus tard ce que l'ABiH nous dit.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Hamdija Avdic, d'après Brunborg, est décédé le 18 juillet --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que vous revenez à la

 18   première page ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je compare la première et la troisième

 20   page. Avdic a été tué le 18 juillet et a été retrouvé dans la fosse de la

 21   route de Cancari, au numéro 11. Le 18 juillet. Et Muminovic, à la page 3,

 22   13 juillet, Muminovic -- Dzemal, 13 juillet. C'est Dzemal, fils de Bajro.

 23   R.  C'est le 13 juillet 1995.

 24   Q.  Est-ce qu'il a été retrouvé dans la même fosse commune ?

 25   R.  Oui. La seule façon dont j'interprète ces informations, si elles sont

 26   exactes, c'est que ces dates correspondent pour, en tout cas, la date de

 27   décès. Je peux dire que ces inhumations ont été menées successivement, ce

 28   qui veut dire qu'au même emplacement, il y a eu des inhumations l'une à la


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  1   suite de l'autre de personnes qui sont décédées.

  2   Q.  [aucune interprétation] 

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis perdu. Est-ce que l'un de vous

  4   peut m'aider à comprendre si la route de Cancari est une fosse d'origine,

  5   une fosse primaire, ou une fosse secondaire ?

  6   M. MITCHELL : [interprétation] C'est une fosse secondaire, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Cependant, ces deux personnes, d'après les informations de l'ABiH, sont

 11   décédées, pour Avdic, en 1992, et Muminovic, en 1994. Ce sont les dates qui

 12   ont été données pour leur décès.

 13   R.  Je ne sais pas --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous n'êtes pas en mesure de

 15   confirmer cela ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas que je ne suis pas en mesure de

 17   confirmer cela. Je n'ai simplement pas d'explication à vous donner quant

 18   aux deux dates et à la raison des deux dates qui ont été données. Mais en

 19   qualité de témoin expert, je peux vous dire qu'il y a énormément d'éléments

 20   de preuve médico-légaux qui montrent que des dépouilles ont été inhumées de

 21   façon ultérieure dans les fosses secondaires et primaires. Ils ont été

 22   amenés de plusieurs régions, de plusieurs endroits, et pour moi, c'est là

 23   que se retrouve le nœud du problème. C'est pour cela que j'ai déclaré ce

 24   que j'ai déclaré hier. En effet, j'ai dit que les personnes qui étaient

 25   liées aux événements de Srebrenica en 1995 n'étaient pas correctement

 26   consignées, qu'il y avait beaucoup de dépouilles reprises sur la liste des

 27   personnes décédées qui étaient en fait des personnes qui étaient décédées

 28   en lien direct avec Srebrenica en 1995. Et là, nous avons un élément de


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  1   preuve supplémentaire montrant qu'il y a eu des inhumations ultérieures

  2   dans les fosses primaires et secondaires, montrant que des corps ont été

  3   amenés à ces fosses et que ces corps avaient été trouvés dans la région

  4   plus large de Srebrenica et qu'ils ne sont pas liés directement à

  5   Srebrenica. Maintenant, à savoir comment les autorités militaires à

  6   l'époque avaient déterminé cela, je crois que c'étaient des officiers qui

  7   avaient reçu certaines missions à effectuer, on leur avait demandé de

  8   dresser des listes quotidiennes pour consigner ceux qui étaient morts au

  9   combat, dans quelles circonstances les décès avaient eu lieu.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Merci, Professeur. J'aimerais terminer ce document. Est-ce que vous

 12   avez vu les listes de l'ABiH et est-ce qu'elles correspondent aux noms qui

 13   se retrouvent dans cette collection ici ?

 14   R.  Oui, j'ai vu les listes, mais sous forme électronique. J'ai également

 15   vu les versions papier. Il y avait des quantités énormes de documents, mais

 16   je n'ai pas eu le temps ni les capacités de comparer chaque entrée et

 17   d'étudier chaque entrée. Donc je ne peux pas vous dire exactement ce qui se

 18   retrouve dans l'intégralité des listes. Je ne suis pas suffisamment expert

 19   pour pouvoir vérifier tout cela.

 20   Q.  Mais est-ce que certains noms apparaissent également sur cette liste

 21   également ?

 22   R.  Oui, certains noms apparaissent sur cette liste. Et s'agissant de ce

 23   que M. Mitchell a dit, je dois commencer par vous dire que nous y étions

 24   ensemble, donc je sais qui a travaillé pour la Défense de Vujadin Popovic.

 25   C'était un démographe qui l'a fait, certes, mais tous les avocats de la

 26   Défense m'ont donné cela, m'ont demandé d'expliquer pourquoi il y avait

 27   deux dates de décès. Je ne suis pas ici en qualité de démographe, mais en

 28   tant que médecin légiste, pour expliquer comment il est possible de


Page 41778

  1   retrouver à un emplacement le corps d'une personne qui est morte trois ans

  2   avant les événements de Srebrenica. Et c'est la base sur laquelle je tiens

  3   mes conclusions disant que les personnes qui avaient été tuées quelque part

  4   au combat, ailleurs que dans la région de cette fosse, ont été retrouvées

  5   par la suite dans cette fosse.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais verser ce document.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Pas d'objection.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je vous propose d'attribuer une

 10   cote provisoire à ce document. Les Juges de la Chambre doivent encore

 11   déterminer le fondement et la véracité de ce document. Mais vous ne

 12   remettez pas en question le contenu du document, n'est-ce pas, Monsieur

 13   Mitchell ?

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, nous remettons en

 15   question la précision des éléments qui sont repris dans le document, mais

 16   nous pouvons aussi le faire par le truchement d'autres documents. Donc je

 17   ne soulève pas d'objection sur ce document particulier, mais il y aura un

 18   contre-interrogatoire à propos de ce document et à propos des données

 19   reprises dans ce document.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 21   Monsieur Robinson.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il semble que ce

 23   document ait été admis dans l'affaire Popovic. Je pense que la fiabilité de

 24   ce document est établie et que nous pouvons lui attribuer une cote pleine

 25   et entière et laisser le poids encore à déterminer.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vu les arguments des parties, la

 27   Chambre va admettre ce document.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D3812, Madame,


Page 41779

  1   Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais à l'avenir, j'aimerais que les

  3   titres soient traduits pour la première colonne. Nous allons donc lui

  4   attribuer une cote provisoire en attendant la traduction de cette partie.

  5   Veuillez continuer.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Regardons le document 1D25488 dans le

  7   prétoire électronique, s'il vous plaît.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Professeur, vous avez répondu à mes questions et vous avez rédigé un

 10   rapport supplémentaire. J'aimerais que nous le passions en revue

 11   brièvement, s'il vous plaît. Il est très clair et je voudrais demander le

 12   versement du rapport précédent, le rapport principal avant de passer à

 13   celui-ci pour éviter que le document à verser ne s'accumule.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est mon rapport du 26 août 2012.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je obtenir une réponse pour la demande de

 18   versement du premier rapport, le document 1D25180 ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pense que le

 20   Dr Karadzic demande le versement du premier rapport avant de passer au

 21   deuxième rapport.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardon, j'ai mal compris.

 23   Monsieur Mitchell.

 24   M. MITCHELL : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, le document est admis.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient le document D3813 [comme

 27   interprété], Madame, Messieurs les Juges.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous présenter ce document ? Je vous ai posé

  3   quelques questions concises, et je vous ai demandé d'y répondre. Et ce

  4   document justement reprend les principales objections de votre part d'un

  5   point de vue médico-légal à propos des conclusions des experts médico-

  6   légaux du bureau du Procureur quant à la cause du décès. On retrouve cela

  7   aux pages 1 et 2. Est-ce que vous pourriez brièvement nous dire sur quoi

  8   porte ce document ?

  9   R.  Eh bien, je vais essayer d'être le plus bref possible quant au contenu

 10   de ce rapport. Ce rapport a été rédigé par rapport à d'autres rapports et

 11   en guise de réponse aux questions que vous avez formulées. En tant

 12   qu'expert, j'ai essayé de faire une analyse globale des choses en tant que

 13   médecin légiste les éléments pour lesquels j'avais des objections. Ce qui

 14   est important c'est qu'il s'agit ici de document très volumineux, des

 15   rapports ont été présentés par le truchement d'experts cités à la barre

 16   pour le bureau du Procureur, j'ai écouté cela. Il y a des rapports communs

 17   qui portent sur des endroits en particulier. Ces rapports ont été rédigés

 18   sur la base de certains rapports individuels préparés par différentes

 19   personnes, différents pathologistes, différents experts légistes.

 20   Ce qui me gênait le plus, non seulement en tant qu'expert légiste -- ce qui

 21   me gênait moi-même je pense que de nombreux experts légistes dans le monde

 22   seraient d'accord avec moi, à savoir que les conclusions ont été rédigées

 23   sur le fondement d'hypothèses présentées pour expliquer les causes du

 24   décès, à savoir maladies ou blessures qui conduit à la cessation du

 25   fonctionnement des organes vitaux d'un organisme. Et s'il y a eu cessation

 26   du fonctionnement des organes, et si cela a été dû à des blessures, dans ce

 27   cas, cela signifie que ces blessures ont été infligées au moment où la

 28   personne était toujours en vie.


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  1   Je vais vous expliquer ceci petit à petit. Ces modifications, qui sont

  2   occasionnées pendant que la personne est toujours en vie, se retrouvent sur

  3   le corps humain autour de la blessure et dans tous les organes du corps qui

  4   répondent ou réagissent d'une certaine façon. Et compte tenu de ces

  5   réactions, que l'on peut observer au niveau des tissus mous ou des tissus

  6   durs et des organes, et surtout au niveau du système respiratoire, du

  7   système digestif, et tous les experts sont d'accord pour dire que toutes

  8   les personnes qui étaient en vie et sur lesquelles -- et ces personnes ont

  9   certainement été en vie avant, ce qui est logique, parce que l'on trouvait

 10   des blessures sur ces personnes qui sont mortes ou décédées suite à des

 11   blessures particulières. Cependant, il s'agit simplement d'une hypothèse et

 12   nous devons fournir des preuves aux Juges de la Chambre que ces blessures

 13   qui sont décrites et présentées précisent justement que ces blessures sont

 14   les raisons du décès.

 15   C'est la raison pour laquelle il est important de préciser cela. Nous

 16   sommes en présence ici de circonstances aggravantes : Il s'agit de

 17   cadavres, en fait, que l'on a fait sortir de la fosse, qui ont été exhumés,

 18   après trois, quatre, ou davantage d'années ces corps, cadavres étaient

 19   complètement squeletonisés [comme interprété] ou décomposés à un tel degré

 20   qu'il était impossible d'établir quelles étaient les réactions au niveau du

 21   tissu lorsque la personne était toujours en vie pour permettre d'établir si

 22   une blessure particulière à la tête ou à la poitrine était la cause du

 23   décès.

 24   Et dans ses rapports, John Clark et Christopher Lawrence, des collègues qui

 25   exercent la même profession que moi et ont le même niveau d'étude que moi,

 26   eh bien, ces deux personnes ont dit cela dans leur introduction. Mais ce

 27   qui est arrivé après c'est que en partant de cette base, de cette

 28   hypothèse, à savoir que ces personnes étaient en vie au moment où elles


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  1   sont subies ces blessures, eh bien, toutes les blessures dues à des armes à

  2   feu ou un autre instrument, eh bien, ces personnes -- ils ont estimé qu'il

  3   s'agissait de blessures ante mortem et ceci a été adopté par la suite

  4   Baraybar et Haglund, les anthropologues, et ceci n'était pas forcément

  5   vrai. Ils peuvent confirmer que quelque chose de la sorte est possible mais

  6   il ne s'agit pas de médecins légistes ni d'experts. Et donc en partant de

  7   l'hypothèse que ceci était ante mortem, ils ont déclaré que toutes les

  8   blessures tombaient dans cette catégorie et il n'y avait que pour un tout

  9   petit nombre de personnes que cette blessure était à caractère post-mortem

 10   et pour un plus petit nombre, encore ils ont déclaré que ces blessures ont

 11   été infligées juste avant la mort. Moi, je ne peux pas accepter une telle

 12   répartition. Je pense qu'il est essentiel que les blessures qui ont été

 13   observées doivent être décrites et que ces conclusions doivent être

 14   conformes à toutes les conclusions.

 15   Lorsque je dis cela, eh bien, j'essaie de présenter les choses de la

 16   manière suivante. Par exemple, une blessure à la tête qui peut être décrite

 17   on peut considérer qu'il s'agissait en fait d'ossements manquants dans un

 18   corps squeletonisé[comme interprété], mais dans un certains cas, on déclare

 19   qu'il s'agit d'une blessure ante mortem et donc ceci a été la cause du

 20   décès. Et si on constate en fait le même défaut au niveau du crâne et du

 21   l'os du crâne, on déclare que c'est une blessure post-mortem et cela est

 22   défini de telle sorte qu'il s'agit d'une blessure qui correction à une

 23   blessure par balle, par exemple. Et c'est exactement, précisément pour

 24   cette raison-là, que dans les cas précédents et dans ce cas-ci, je

 25   souhaitais vous montrer quelque chose. Je souhaite vous montrer que cela

 26   veut dire pour que nous poussions être clairs.

 27   Est-ce que je peux montrer ces photographies, s'il vous plaît ? Puis-

 28   je les montrer sur quelque chose ?


Page 41783

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons placer la photographie

  2   sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ? Je souhaitais simplement vous

  3   montrer cette photo-ci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agit-il -- cette photo fait-elle

  5   partie du rapport de l'expert ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le premier rapport.

  7   FLE TÉMOIN : [interprétation] Le premier rapport, oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, chargez-le dans le prétoire

  9   électronique simplement pour que nous ayons la référence de ce document.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci se trouve à la page --

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Pardonnez-moi. Cela n'est pas en couleur.

 13   R.  Si, c'est en couleur. A la page 5 du rapport supplémentaire.

 14   Est-ce que l'on peut -- est-ce qu'on peut l'afficher, s'il vous plaît

 15   ? On parle maintenant du rapport principal ?

 16   R.  Non, du rapport, suivant.

 17   Q.  Celui que nous avons déjà ?

 18   R.  Voilà, ça y est, c'est celui-ci. Oui.

 19   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Jusqu'à présent, j'ai parlé de la

 21   cohérence des conclusions, ou plutôt du manque de cohérence des différentes

 22   conclusions. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela est incohérent --

 23   incohérent si on déclare que cette blessure correspond à un -- à un défaut

 24   de l'os frontal du crâne et du visage sans description précise. Cependant,

 25   c'est ainsi que tous les pathologistes décrivent -- on décrit les blessures

 26   au niveau de leurs conclusions. Et si vous le définissez ainsi, vous ne

 27   savez pas en tant qu'avocat comment cette blessure a été provoquée. Moi, je

 28   peux vous dire que cette blessure a été provoquée par des armes à feu ou


Page 41784

  1   peut-être que quelqu'un a frappé quelqu'un d'autre avec une batte de

  2   baseball. Et c'est ce qui a provoqué la blessure. Et moi, je sais, parce

  3   que c'est moi qui ais participé à -- aux recherches ici.

  4   Lorsque vous décrivez ceci dans le détail, vous parviendrez à la

  5   conclusion que ce meurtre est dû à un -- à une hache, parce que les bords

  6   sont acérés et c'est là que l'on constate la blessure au niveau des tissus

  7   mous. Et c'est la raison pour laquelle je parle de cohérence. Il faut

  8   décrire la blessure et ensuite, nous parviendrons tous aux mêmes

  9   conclusions.

 10   Les pathologistes qui ont travaillé là-dessus ont décrit les

 11   blessures et ils ont dit que les blessures correspondaient à des blessures

 12   par balles. Moi, je n'ai pas les moyens de vérifier cela. Ça, c'est la

 13   cohérence dont je parle ou le manque de cohérence. Ensuite, ici, nous avons

 14   un crâne "squelettonisé" à l'image pour que cette -- la blessure aurait dû

 15   être infligée au moment où la personne était toujours en vie, pour qu'on

 16   puisse déclarer que -- quelle était la cause du décès. Parce que si cette

 17   personne était morte d'un arrêt cardiaque et que si quelqu'un se saisi

 18   d'une hache et frappe la personne avec la hache, la blessure aurait été la

 19   même, mais cela n'aurait pas été la cause du décès. C'est la raison

 20   pourquoi -- pour laquelle nous, médecins légistes, nous insistons sur les

 21   détails pour établir si la mort est ante mortem, post mortem ou peri mortem

 22   pour établir la cause du décès.

 23   Q.  Dans les documents que vous avez analysés, le Dr Lawrence en a

 24   parlé à la page 2 248 -- 2 248 et 2 249. Si, par exemple, vous êtes en

 25   présence d'un corps "squelettonisé" avec ou sans traces de projectiles ou

 26   d'armes à feu, veuillez nous dire si on peut conclure comment cette

 27   personne est décédée, si la personne est décédée au combat ou si cette

 28   personne a été exécutée.


Page 41785

  1   R.  Alors, toutes les fois que l'on tombe ou qu'on est en présence de

  2   défauts des tissus mous ou des tissus doux -- durs, cela signifie qu'il y a

  3   des modifications "morphomologiques" -- morphologiques. Et un expert

  4   légiste est à même d'analyser toutes les traces sur le corps, autour du

  5   corps ou sur le site où le corps a été retrouvé. Un tel expert peut

  6   reconstituer la trajectoire des projectiles et des blessures et on peut

  7   donc émettre l'hypothèse selon laquelle des blessures ont été infligées au

  8   moment où la personne se trouvait face à son assaillant, à savoir si la

  9   personne avait son dos tourné vers l'assaillant. Et toutes les blessures

 10   qui peuvent être provoquées lors de combats sont les mêmes que ce que le

 11   constate au niveau des exécutions. Tout dépend de la situation.

 12   Quoi qu'il en soit, de nombreuses blessures décrites ici indiquent

 13   que la personne a été tuée pendant le conflit, le combat. De nombreuses

 14   blessures ont été infligées par différents moyens allant d'armes, de

 15   projectiles, d'éclat d'obus, et cetera, ce qui signifie que personne n'est

 16   exécuté par un bombardement. Il s'agit là d'une action de guerre. Des gens

 17   sont exécutés à l'aide de mitraillettes ou de fusils à long canon. Et donc,

 18   en tant qu'expert légiste, ce que je vous dis, c'est que le diagnostic

 19   d'une blessure doit être complémenté par des analyses de trajectoire et

 20   d'analyses de distance à partir de laquelle l'armée a été utilisée pour

 21   pouvoir établir la position où se trouvait l'endroit -- la position où se

 22   trouvait la personne qui a été blessée.

 23   Q.  Ma question que je -- concernant la pages 2 248 et 2 248 a fait l'objet

 24   d'une réponse du Dr Lawrence de la manière suivante : Dans de nombreux cas,

 25   il n'a pas pu établir quelle était la cause du décès.

 26   Etes-vous d'accord cela ?

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] [hors micro] Etes-vous d'accord avec


Page 41786

  1   cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous souhaitez que je réponde ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, si je vous ai -- si j'ai bien compris

  5   votre question, vous avez dit que le Pr Lawrence a déclaré que, dedans

  6   nombreux cas, il n'a pas pu établir la cause du décès. Ceci est exact. Dans

  7   des conditions où les corps -- les corps étaient putréfiés, lorsque les

  8   exhumations ont été menées des années après, il est impossible d'établir

  9   les causes du décès. Nous ne pouvons que nous livrer à des hypothèses et

 10   dire devant un tribunal : Messieurs les Juges, il est impossible d'établir

 11   des les causes du décès. Nous ne pouvons pas confirmer avec certitude

 12   qu'une personne qui a été exhumée après tant d'années est décédée pour

 13   telle et telle raison.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Nous comprenons vos objections; cependant, au sein de l'équipe des

 16   pathologistes, médecins légistes et anthropologues, là où il y avait des

 17   désaccords sur la manière dont nos tâches ou notre travail a été fait.

 18   R.  Alors, je ne sais pas quelle était la situation sur le terrain. J'ai eu

 19   l'occasion de rencontrer M. Haglund en 1996 à Ovcara. Est-ce que vous

 20   souhaitez que je m'arrête ? Il y a un problème ?

 21   J'ai eu l'occasion de lire tous leurs rapports. Je les ai écoutés à deux

 22   reprises ici dans ce prétoire. M. Lawrence, à un moment donné, lorsqu'il a

 23   parlé de la route de Cancari, il a dit quelque chose à laquelle je ne

 24   pouvais pas être d'accord en tant qu'expert légiste. Je ne sais pas ce

 25   qu'il a dit, ce qu'il pensait vraiment. Cependant, il a écrit ce qui suit à

 26   propos de la route numéro 3 de Cancari au point 12 : Nous étions en

 27   présence d'importantes blessures à la tête, de fractures des côtes et de

 28   fractures du bassin qui ont été infligées de façon intentionnelle,


Page 41787

  1   blessures post mortem pour pouvoir dissimuler les blessures qui avaient été

  2   infligées sur les mêmes parties de corps péri-mortem. Page 4 du rapport, et

  3   je le cite pour une raison très simple, car je souhaite simplement dire --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

  5   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être qu'il

  6   serait utile de regarder le rapport du Pr Lawrence. Il ne dit rien, en

  7   fait, au sujet du fait que des blessures ont été infligées de façon

  8   intentionnelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît. La route de Cancari numéro 3,

 10   tout ce que j'ai dit dans mon rapport sont des citations qui mènent à des

 11   documents.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Numéro ERN 00920957.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 0597.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] 0597.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Au paragraphe 12, il s'agit d'un document --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci ne nous aide pas vraiment.

 17   Veuillez le charger, s'il vous plaît.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, le rapport du Pr

 19   Lawrence, le document d'origine, est le numéro 65 ter 2472.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce cas, nous allons utiliser le numéro ERN

 21   pour nous aider.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Deuxième page, 12.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quel endroit trouvons-nous le passage

 24   en question ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Au point 12.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez retrouver

 27   l'endroit où il est indiqué que c'est "intentionnel" ?

 28   Monsieur Mitchell.


Page 41788

  1   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit peut-être

  2   d'un problème de traduction. Le Pr Dunjic parle du point 12. Il en parle

  3   dans son rapport également.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez lire le paragraphe 12, s'il

  5   vous plaît.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Au point 12, au niveau de la traduction :

  7   "Il y a eu de nombreuses blessures post mortem altérées au niveau du crâne,

  8   des côtes et du bassin qui ont été infligées de façon intentionnelle de

  9   façon à pouvoir dissimuler des blessures péri-mortem infligées sur les

 10   mêmes parties de corps."

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il semblerait qu'il y ait une question

 12   de traduction.

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Ecoutez, je n'en suis pas tout à fait

 14   certain. Je ne sais pas si le Pr Dunjic a cité de façon précise ce qui est

 15   en B/C/S --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Dunjic, vous êtes à même de

 17   lire l'anglais, n'est-ce pas ?

 18   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous lisez l'anglais ?

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez lire le texte en anglais

 22   dans ce cas, qui est le texte d'origine, qui se trouve à droite et qui

 23   semble être différent --

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je ne sais pas comment traduire avec

 25   précision la phrase suivante : " … le bassin qui aurait tendance à

 26   dissimuler les parties de corps sur cette --"

 27   Je me reposais sur la traduction en B/C/S. Néanmoins, indépendamment de

 28   cela, Monsieur le Juge, indépendamment du fait que quelque chose ait été


Page 41789

  1   fait de façon intentionnelle ou non, d'affirmer que des blessures ont été

  2   infligées par la suite pour quelque raison que ce soit, moi, en tant

  3   qu'expert légiste, je dois disposer d'éléments qui me permettent d'affirmer

  4   ce genre de choses. A quel moment y a-t-il eu des blessures infligées ?

  5   Quelles ont été les premières et quelles ont été les dernières ? Donc, même

  6   si nous ne tenons pas compte du terme "infliger de façon intentionnelle",

  7   si nous nous concentrons sur ce qui s'est passé post mortem et quelle était

  8   l'objection, dans ce cas, serait la suivante : Comment avez-vous pu établir

  9   la séquence des blessures et la séquence des blessures infligées ? Ces

 10   blessures auraient-elles pu être infligées de façon simultanée ? Ont-elles

 11   été infligées par la même personne ou plusieurs personnes ?

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci. Lorsque je vous ai posé une question au sujet du désaccord qui

 14   existait au sein de l'équipe - quelque chose que vous retrouverez à la page

 15   3 - veuillez nous dire quelque chose au sujet du groupe d'experts à San

 16   Antonio et quel était le désaccord là-dessus. Quelles ont été les

 17   objections présentées par les membres de l'équipe ?

 18   R.  Je l'ai dit la dernière fois et c'est quelque chose que j'ai fait

 19   figurer dans mon rapport également. J'ai été très surpris, et il est vrai

 20   que là il s'agit d'une litote, j'ai été très surpris de constater que M.

 21   Haglund, dans son rapport, a inclus différents éléments, le document Cerska

 22   qui est daté du 15 juin. Il s'agit en fait d'un examen post mortem qui a

 23   été effectué le 31 juillet 1996, à la page 3. Ceci a duré jusqu'au 22 août

 24   1996. Les analyses post mortem ont été effectuées dans des morgues de

 25   fortune dans l'usine de textile de Kalesija qui avait été endommagée

 26   pendant la guerre. Les autopsies étaient supervisées par le Dr Robert

 27   Kirschner, qui dirigeait le programme international de médecins légistes de

 28   Médecins sans frontières. Lorsqu'ils ont donné leur conclusion définitive


Page 41790

  1   sur la cause du décès et lorsqu'ils ont expurgé la dernière partie de leurs

  2   rapports post mortem, ils ont été aidés en cela par l'expert juridique du

  3   Tribunal international de l'ex-Yougoslavie, M. Peter McCloskey.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite afficher la page 3 du document,

  5   s'il vous plaît.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] L'expert juridique Peter McCloskey. Alors que

  7   "le résumé de tous les rapports des pathologistes ont été rédigés par le

  8   Dr," dont le nom m'échappe. Il s'agit du rapport de M. Haglund sur Cerska

  9   en 1996, page 3 -- page 11.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, c'est le document 1D25488, s'il vous

 11   plaît.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  En attendant l'affichage du document, veuillez nous dire la chose

 14   suivante. Le fait de réconcilier les différents avis, l'avis proposé par M.

 15   McCloskey, comment cette procédure aurait-elle pu dans son ensemble avoir

 16   un effet sur l'exactitude des conclusions ?

 17   R.  Alors, ça y est, nous avons la bonne page. Veuillez regarder ce que

 18   j'ai cité. C'est le troisième passage à partir du haut, William Haglund.

 19   Je dois vous dire que ceci est tout à fait inadmissible sur un plan

 20   purement professionnel pour des médecins qui font partie d'une équipe

 21   commune, d'avancer leurs opinions sur lesquelles ils sont d'accord entre

 22   eux, mais d'expurger les opinions par la suite. Eh bien, c'est un conseil

 23   juridique qui s'est en chargé dans ce cas, M. Peter McCloskey. La seule

 24   conclusion que je puis déduire, c'est que ceci a été fait délibérément. Il

 25   ne s'agit pas simplement de la conclusion à laquelle je suis arrivé moi-

 26   même - M. Haglund n'appréciait pas cela non plus - mais il y a eu ce

 27   symposium international qui s'est tenu à San Antonio qui a noté cela. Je

 28   crois que nous en avons parlé dans l'affaire Vujadin Popovic. M. Mitchell


Page 41791

  1   est tout à fait au courant. Il y a des voix qui se sont élevées contre

  2   cela.

  3   Et mes collègues ne souhaitaient pas participer à des équipes comme

  4   celle-ci. De nombreux collègues ont refusé de participer aux travaux de

  5   l'équipe en Bosnie, précisément parce qu'ils ne souhaitaient pas que leurs

  6   travaux soient corrigés, expurgés. Chacun doit assumer la responsabilité de

  7   son propre travail. Donc, lorsque j'ai lu ce passage, c'est ce que j'ai

  8   dit. J'ai commenté ceci dans mon rapport. Et cela ne me surprend pas que

  9   les conclusions au sujet des décès soient si uniformes, alors qu'elles sont

 10   contraires aux rapports d'autopsie.

 11   Q.  Merci, Monsieur le Professeur.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, ce document de M. McCloskey

 13   -- est-ce que ce document indique que c'est M. McCloskey qui a édité ce

 14   rapport ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On peut lire ici dans la manière

 16   s'agissant de formuler une conclusion définitive sur la cause et les

 17   circonstances du décès ainsi que pour ce qui est de la publication des

 18   rapports d'autopsie définitifs, ceci a été facilité par le conseiller

 19   juridique Peter McCloskey.

 20    L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine française : Veuillez

 21   remplacer "squelettonnisé" par "squelettisé".

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment est-ce que vous compreniez ce

 23   concept, à savoir le conseil juridique a apporté son aide ou "a facilité" ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire quel est mon point de vue

 25   personnel. Parce que vous avez tous les experts médico-légaux qui ont

 26   participé à cet exercice qui avaient été formés, et moi aussi, j'ai été

 27   formé et je suis passé par là. Lorsque vous avez un corps squelettisé, vous

 28   ne connaissez pas la cause du décès. Auquel cas, vous écrivez dans la


Page 41792

  1   conclusion au numéro 1 précisément ceci, à savoir le corps est dans un tel

  2   état de décomposition que la cause précise du décès ne peut pas être

  3   déterminée, point. Au numéro 2, vous indiquez que l'autopsie a été

  4   effectuée sur un corps putréfié ou squelettisé et qu'il y a telles et

  5   telles blessures qui ont été provoquées par tels et tels mécanismes qui ont

  6   été remarquées. Puis vous avez la catégorie numéro 3, et au numéro 3, et là

  7   cela dépend des écoles médico-légales, vous pouvez écrire, c'est une

  8   possibilité, ce qui d'après vous aurait pu être la cause du décès; ce qui

  9   signifie que si les blessures que nous trouvons au numéro 1 de la

 10   conclusion ont été infligées avant la mort de la personne, ces blessures

 11   airaient pu provoquer la mort de ladite personne. Donc, là, cela est écrit

 12   comme une supposition ou comme une hypothèse de travail. Et la plupart des

 13   experts médico-légaux formulent ainsi cette conclusion. Toutefois, ce qui

 14   est implicite, en fait, c'est qu'il y a une approche différente. Moi je

 15   pense qu'en l'espèce, le conseil juridique a voulu en fait sauter autant

 16   d'étapes que faire se peut et puis parvenir directement à la conclusion --

 17   la conclusion de ce qu'il a pu constater sur le terrain.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Là, je pense que je vais soulever une

 19   objection, parce qu'il s'agit purement et simplement de conjectures. Vous

 20   avez entendu la déposition du Dr Haglund, et vous savez, à la page 23 940,

 21   ce qui s'est véritablement passé. Donc je pense que le Pr Dunjic devrait

 22   s'en tenir à son domaine de compétence pour le reste de la déposition.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir. Je pense que cela a

 25   été indiqué en réponse à une question posée par le Président de la Chambre.

 26   Moi je réponds à l'objection soulevée par M. Mitchell.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque j'ai demandé ce que l'on

 28   entendait par le terme anglais de "facilitation". Bon, la Chambre est


Page 41793

  1   d'avis que nous en avons suffisamment entendu à ce sujet. Est-ce que nous

  2   pourrions poursuivre ?

  3   Ou, au vu de l'heure, peut-être que nous pourrions faire la pause ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais juste poser une toute dernière

  5   question. Une question seulement.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Professeur, un peu plus bas dans le même texte, vous citez la remarque

  8   de Dorothy Gallagher, de David del Pino et d'autres personnes. Alors, en ce

  9   qui concerne l'influence exercée au niveau des conclusions et des

 10   constations, j'aimerais savoir si cela correspond à ce que vous venez de

 11   nous dire ?

 12   R.  Oui, tout à fait. Ils indiquent que la raison de leur mécontentement

 13   est, ce qui est ce que j'ai moi-même dit, qu'il y avait beaucoup trop de

 14   subjectivité et pas suffisamment d'objectivité.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de ce

 17   document au dossier. En fait, j'ai encore deux minutes à ma disposition,

 18   nous pourrions peut-être poser des questions à propos du troisième document

 19   et ensuite nous pourrions faire la pause, parce que j'en aurai terminé avec

 20   mon interrogatoire principal.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'à cela ne tienne. La Chambre n'a

 22   aucun problème.

 23   Avez-vous des objections, Monsieur Mitchell ?

 24   M. MITCHELL : [interprétation] Non, non, pas d'objection. Pas d'objection

 25   pour ce qui est de ces rapports, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Le document 1D25488 sera versé au

 27   dossier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3894, Monsieur le


Page 41794

  1   Président.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, j'aurais besoin de 15 minutes

  3   finalement. Peut-être que nous pourrions faire la pause maintenant.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Nous reprendrons à 11 heures 10.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 14.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic. Je vous en prie,

  9   poursuivez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Document 1D9321, je vous prie.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Professeur Dunjic, vous avez indiqué que le représentant du Procureur,

 14   M. Nice, avait demandé à l'ABiH ou au ministère de lui fournir des

 15   renseignements relatifs aux dates de décès ou aux dates auxquelles les

 16   personnes étaient portées disparues.

 17   R.  Oui. C'est un document en anglais ?

 18   Q.  Oui. Est-ce qu'il s'agit du document en question ?

 19   R.  Oui, oui. D'abord, il s'agit de l'affaire contre M. Milosevic, il

 20   s'agit du Procureur, M. Nice. C'est ainsi que j'ai entendu dire, que j'ai

 21   été informé du fait qu'il y avait des personnes qui avaient été tuées avant

 22   le mois de juillet 1995.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 4, je vous prie. Excusez-moi, page 6.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que le ministre ou la personne qui a signé

 26   au nom du ministre indique comme conclusion ? Commencez par la phrase qui

 27   commence comme suit, "Au vu de…"

 28   R.  Oui, il s'agit de la réponse apportée par le ministre fédéral de


Page 41795

  1   l'ABiH, et il répond à une demande présentée par M. Geoffrey Nice. Et voilà

  2   quelle est la dernière phrase, que je vais citer :

  3   "Etant donné que les personnes en question, dans la majorité des cas, ont

  4   été tuées alors qu'elles essayaient de passer du côté du territoire

  5   contrôlé par l'ABiH après la capture de Srebrenica, il est extrêmement

  6   difficile de trouver des informations pour corroborer, relatives aux

  7   circonstances de leur décès."

  8   Q.  Mais qu'est-ce que cela signifie pour vous, Professeur ?

  9   R.  Eh bien, cela justement a trait à ce dont je parlais et à quelqu'un de

 10   difficile --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si

 13   c'est à dessein que l'on induit en erreur le témoin ou les personnes

 14   présentes.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que nous avons une

 16   traduction anglaise ?

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, ça se trouve à la page suivante. Mais

 18   en fait, il s'agit de la question dont nous avons parlé un peu plus tôt, il

 19   s'agit des 142 membres de l'ABiH dont les noms étaient énumérés et qui

 20   étaient considérés comme portés disparus dans certaines zones. Et là, nous

 21   avons donc 135 certificats de décès et des listes. Donc dans la lettre, il

 22   est indiqué qu'il n'y a que sept cas qui n'ont pas encore été réglés ou

 23   élucidés.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je dois vous dire que là je ne

 25   vous suis pas très bien. Je vous ai demandé si nous avions une traduction

 26   anglaise, vous avez répondu, "oui".

 27   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, je pense que la traduction anglaise se

 28   trouve à la page suivante.


Page 41796

  1   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Il s'agit du même jeu de documents. Là, le

  3   dernier chiffre ERN pour ce document correspond au chiffre, au numéro 79.

  4   Nous avons le numéro ERN 80, les deux derniers chiffres donc qui

  5   correspondent à la version anglaise, mais je peux vous mettre un exemplaire

  6   sur le rétroprojecteur si vous le préférez.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous avez les numéros 65

  8   ter séparés, Monsieur Mitchell ?

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Non, pas du tout, Monsieur le Président,

 10   mais j'ai le document papier donc je pourrais le placer sous le

 11   rétroprojecteur.

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est des trois derniers chiffres du

 14   numéro ERN, il s'agit du numéro 880. Il s'agit de la --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi est-ce que cela ne

 16   fait pas partie des documents de la Défense, Monsieur Karadzic ? Nous avons

 17   un document en B/C/S dont les trois derniers chiffres sont 879, mais

 18   pourquoi est-ce que le document suivant ne figure pas dans votre jeu de

 19   documents ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il se peut qu'il y ait un oubli lorsque

 21   nous avons scanné les documents. Mais le fait est que tous les documents en

 22   serbe sont présentés ensemble, et puis ensuite ils sont suivis par le jeu

 23   de documents en anglais.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors maintenant nous pouvons le

 25   voir sous le rétroprojecteur, ce document. Je ne sais pas si les

 26   interprètes peuvent le voir en anglais mais je suppose qu'ils peuvent

 27   suivre à partir de la copie en B/C/S sur leurs écrans.

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]


Page 41797

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, alors, on vient de me

  2   dire que la traduction anglaise figure à la page 11.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président. Madame,

  4   Messieurs les Juges, regardez le numéro ERN. Il s'agit d'une suite de

  5   documents et les numéros ERN se suivent.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais la traduction anglaise, elle

  7   est insérée après la liste. C'est cela, n'est-ce pas ?

  8   Alors est-ce que nous pourrions avoir dans le système e-court, dans le

  9   prétoire électronique les deux versions, la version B/C/S donc la page 6

 10   pour la version en B/C/S d'un côté, et la page 11 pour la version anglaise

 11   ?

 12   Bien. Pouvons-nous poursuivre, Monsieur Karadzic.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous disposiez de ces documents, Professeur ?

 15   R.  Oui, j'ai eu ces documents. Donc il s'agissait de certificats donnés

 16   par l'ABiH mais cela vise donc les informations relatives aux individus

 17   mentionnés par M. Geoffrey Nice. Il s'agit de certificats de décès. Et ce

 18   sont des certificats de décès qui ont été délivrés en un laps de temps

 19   très, très court. Et ces certificats que demandait M. Geoffrey Nice

 20   indiquaient que ces personnes avaient été tuées le long de la route

 21   Potocari et Srebrenica, et ce, en août 1995. En conséquence, le document

 22   délivré par l'ABiH est un document qui doit être pris en considération

 23   parce qu'il réfute en quelque sorte la liste qu'ils ont dressé eux-mêmes à

 24   propos du lieu et de la date et de l'heure du décès de ces personnes. Mais,

 25   par ailleurs, cela ne ressemble pas ou n'a pas l'apparence d'un certificat

 26   de décès crédible qui est en général délivré en cas de décès d'une

 27   personne. Là, il s'agit tout simplement d'une déclaration certifiant le

 28   décès. Bon, je ne veux surtout pas me hasarder à des conjectures pour


Page 41798

  1   essayer de deviner pourquoi cela a été fait de la sorte.

  2   Mais ce qui me semble très intéressant en tant qu'expert médico-

  3   légal, c'est que ces personnes qui d'après M. Geoffrey Nice et d'après la

  4   liste de l'ABiH ont été tuées en 1992, 1993 et en 1994, les corps de ces

  5   personnes ont été récupérés dans la zone de Srebrenica. Ce qui confirme la

  6   thèse suivant laquelle leurs corps ont été récupérés par la suite et

  7   emmenés dans ces fosses primaires et secondaires. Bien entendu, les

  8   éléments de preuve relatifs à la putréfaction ou au degré de décomposition

  9   correspondent tout à fait aux périodes en question.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 7 du document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Pour que tout soit très clair. M.

 13   Geoffrey Nice n'a jamais indiqué ou affirmé que ces personnes avaient été

 14   tuées en 1992, 1993 et 1994. Cette lettre a été rédigée parce que la

 15   question avait été posée dans la lettre, et à la suite de la question posée

 16   dans la lettre, cette réponse a été obtenue.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous regarder le premier nom qui figure sur cette page, vous

 20   voyez Porobic Ramo Adil, et regardez à la 18e page; là, vous pouvez voir la

 21   date et l'heure du décès tel qu'il a été consigné par l'ABiH à propos de ce

 22   Porobic.

 23   R.  Est-ce qu'il s'agit de Adil Porobic, fils de Ramo ? C'est de cette

 24   personne que vous voulez parler ?

 25   Q.  Oui. Le premier nom qui figure sur la liste.

 26   R.  Adil Porobic, fils de Ramo, et vous voyez que la date du décès est le

 27   12 juillet 1995.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez, je vous prie, regarder la première, ou plutôt


Page 41799

  1   la page 18 en fait et non pas la première page.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] La page 18, parce que c'est sur cette page que

  3   figure le premier certificat qui a été délivré.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois, je le vois sur la gauche de

  5   l'écran. Voilà, le certificat dont je parlais. C'est un certificat qui est

  6   délivré, bon un certificat d'une demi page délivré par les autorités de

  7   l'ABiH. Est-ce que je pourrais, s'il vous plaît, avoir le document sur tout

  8   mon écran ? Merci. Là, il est indiqué la personne nommée ci-après fait

  9   partie de l'ABiH. On ne voit pas très bien ce qui est sous le cachet. Donc

 10   le 12 juillet 1995, cette personne est probablement morte le long de la

 11   route Srebrenica-Tuzla, alors qu'elle était en mission. Et vous voyez

 12   l'ABiH indique "portée disparue" au numéro 2 :

 13   "La personne nommée ci-dessus, membre de l'ABiH, a été portée

 14   disparue le 12 juillet 1995 sur la route reliant Srebrenica-Tuzla alors

 15   qu'elle se trouvait dans le cadre d'une mission," ça signifie qu'il était

 16   soldat. C'est le dénommé Adil Porobic, fils de Ramo.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Regardez la page 7 maintenant.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Nous allons voir le nom suivant, Halilovic. Quand est-ce que l'armée a

 22   indiqué à M. Nice l'heure et la date de son décès, quand est-ce cette

 23   information lui a été donnée ?

 24   R.  Bajro Halilovic, c'est de lui que vous parlez ?

 25   Q.  Non. Non, non. Halil. Regardez.

 26   R.  C'est la deuxième, juste en dessous du nom Porobic. C'est le numéro 2

 27   sur votre écran. Halilovic, route Srebrenica-Tuzla, à nouveau le 12 juillet

 28   1995, et là, il est indiqué "porté disparu".


Page 41800

  1   Q.  Et qu'en est-il de la notification officielle, de la réponse du

  2   ministère, quelle est la date qui est indiquée ?

  3   R.  Le 1er janvier 1994, Ilidza-Sarajevo.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant consulter la

  6   page 19, je vous prie.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Alors, quel est le moment du décès et le lieu du décès ?

  9   R.  C'est la même attestation, où l'on dit qu'il a disparu le 12 juillet,

 10   route Srebrenica-Tuzla, en mission, dit-on. Et c'est consigné dans le

 11   registre de l'unité à côté du 1er janvier 1994 jusqu'au 12 juillet 1995. On

 12   voit cela à la ligne du haut.

 13   Q.  Mais en 1994, il a déjà été tué, d'après le rapport ?

 14   R.  Oui, le rapport de la commission militaire dit que le 1er janvier 1994,

 15   il a péri.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Revenons maintenant, s'il vous plaît, à la page

 18   7.

 19   Q.  [hors micro]

 20   L'INTERPRÈTE : Micro pour l'accusé.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  On dit Buhic, Serif, Dzevad. C'est le quatrième à compter du haut.

 23   R.  Je vois le moment du décès. Ici, on a consigné le moment du décès --

 24   excusez-moi. Le moment du décès, c'est le 4 juin 1992, à Kladanj. Il a

 25   disparu sur la route Gradacac-Tuzla.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 22 maintenant, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un éclaircissement, Monsieur


Page 41801

  1   Mitchell. Nous n'avons pas de traduction pour cette page ?

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons les

  3   traductions de la totalité des certificats de décès.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est le certificat de décès qui a été

  6   communiqué a posteriori le 29 juillet 2004 par les autorités militaires de

  7   la Fédération au nom de Buhic, fils de Serif, Dzevad, attestation disant

  8   qu'il est né le 17 août 1973 au lieu de Zutica, non loin de Srebrenica. Il

  9   est dans les registres à compter du 4 juin 1992 jusqu'au 12 juillet 1995.

 10   L'intéressé, en sa qualité de membre de l'ABiH, a disparu le 12 juillet

 11   1995 sur la route entre Srebrenica et Tuzla, et on dit, En mission. C'est

 12   ce qui est écrit dans cette attestation.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Merci. En fait, il a disparu sur la route de Kladanj le 4 juin 1992,

 15   n'est-ce pas, d'après la réponse officielle ?

 16   R.  D'après la liste en question, oui.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 19   document.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Pas d'objection.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui accorder une cote à des

 23   fins d'identification en attendant l'obtention de la traduction entière de

 24   ce document. Nous avons aussi besoin de la traduction de la légende au

 25   niveau de la liste, par exemple, date de naissance et ce type de choses.

 26   Mais donnons-lui une cote.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction D --

 28   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu.


Page 41802

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Le 1D9320, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut entendre la référence

  3   une fois de plus, je vous prie.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, la cote de la pièce.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce D3815. C'est l'un des documents

  7   qui ont été retirés hier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  J'ai sous les yeux une lettre envoyée par M. Mitchell à l'attention de

 11   toutes les Défenses et il y est question d'un récolement avec vous -- ou

 12   d'un témoignage de votre part. Est-ce que vous êtes au courant de

 13   l'existence de ce document et est-ce qu'en substance, vous pouvez nous dire

 14   de quoi il s'agit ici ?

 15   R.  Ici, dans ce document qui nous informe, il est question d'un individu

 16   de l'affaire Vujadin Popovic et autres. En réalité, c'est une attestation

 17   disant que l'intéressé - je ne vais pas donner son nom - est qualifié par

 18   Srebrenica Potocari 1/1, et on dit que c'est un individu qui s'est suicidé.

 19   Ce n'est pas une victime de Srebrenica.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je puis demander un versement au

 22   dossier ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette personne figure sur la liste des

 24   victimes de Srebrenica, puis il y a une intervention a posteriori, et c'est

 25   raison pour laquelle ce document a été envoyé.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Professeur, vous parlez des victimes de Srebrenica. Est-ce que ça

 28   signifie que vous entendez par là victimes des exécutions ?


Page 41803

  1   R.  Mais écoutez, on le souligne à chaque fois à l'intitulé de toutes les

  2   listes des disparus, on dit que ce sont là des victimes du crime, et

  3   cetera. Or, en ma qualité de médecin légiste, je ne suis pas censé

  4   autoriser ce type d'expression. Je puis apporter des éléments de preuve ou

  5   ne pas en apporter dans une mesure suffisante; mais dire qu'il y a eu

  6   exécution ou pas, je ne peux pas commenter de la sorte. Mais le fait est

  7   que cette personne a été placée sur la liste, entre guillemets, des

  8   victimes liées à Srebrenica pour la période donnée, or c'est un individu

  9   qui s'est suicidé en 1994.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander un versement au dossier de

 11   cette pièce ?

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, cet individu n'a pas

 13   commis un suicide en 1994. Il s'est suicidé le 12 juillet 1995 à Potocari.

 14   Il a été enterré dans une tombe à part, à part par rapport aux neuf corps

 15   qui sont ici mentionnés.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le document parle pour lui-

 17   même.

 18   Ce sera versé au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D3895, Madame,

 20   Messieurs les Juges.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D9315, s'il

 22   vous plaît.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Ça, c'est une lettre de Gordon Bacon, chef du bureau de l'ICMP, à

 25   l'intention de M. Husein Jakupovic, canton d'Una et Sana. J'aimerais que

 26   vous nous parliez -- et j'aimerais qu'à ce titre, on nous affiche le

 27   paragraphe 2.

 28   R.  J'aimerais que les Juges de la Chambre aient connaissance du contexte.


Page 41804

  1   M. Gordon Bacon, c'est quelqu'un que je connais parce que c'est quelqu'un

  2   qui a rendu visite à mon institut. Cette lettre est datée de 2003. Là-bas à

  3   Sarajevo, à l'ICMP, il y a eu un certain nombre d'identifications à être

  4   faites. En sa qualité de chef de l'ICMP à Sarajevo et en Bosnie, pour ce

  5   qui est de ce programme d'identification des personnes disparues, il a fait

  6   l'objet d'observations multiples de la part des membres de la famille, des

  7   parents, qui sont venus voir les personnes travaillant dans ce centre.

  8   Entre autres, il y avait ce M. Odobasic qui a participé aux

  9   identifications. Et il leur répond pour ce qui est des observations

 10   formulées par eux. Et moi, j'essaye de vous donner lecture de ce qui est

 11   dit : 

 12   "Mais on ne peut pas clore un cas partant de l'identification des

 13   structures ADN. Les inspecteurs de police qui ont de l'expérience, les

 14   pathologistes, les anthropologues et autres experts doivent investir des

 15   efforts considérables afin que le processus d'identification soit effectué

 16   conformément aux normes les plus élevées et afin qu'on puisse aider les

 17   membres des familles à prendre connaissance du sort de leurs proches qui

 18   sont disparus…"

 19   Q.  Merci. Vous avez mentionné un dénommé Odobasic qui n'était pas d'accord

 20   avec ce type d'activité. Cet Odobasic, il fait partie de quel cercle

 21   d'intervenants ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez.

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ici, nous nous

 24   éloignons grandement de l'expertise de M. Dunjic en sa qualité de médecin

 25   légiste, parce qu'il est en train de témoigner au sujet de l'ICMP et des

 26   allégations faites à l'encontre de l'ICMP. Ça n'a rien à voir avec son

 27   expertise. Ce sont des questions pour le Dr Parsons, si tant est que les

 28   questions devraient être posées à quelqu'un.


Page 41805

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que nous ne sommes pas en train de

  3   parler des analyses ADN. Nous sommes en train de parler d'une image

  4   générale des contestations des activités qui ont précédé à l'expertise du

  5   Pr Dunjic. Tout ce qui a été fait avant a été sujet à contestation de la

  6   part des instances autres et d'autres intervenants, observations qui sont

  7   similaires à celles qui ont été présentées par le Pr Dunjic et qui sous-

  8   tendent les conclusions présentées par le Pr Dunjic.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sans pour autant connaître la teneur de

 10   ce document, je ne suis pas tout à fait sûr et pas tout à fait convaincu du

 11   fait de savoir pourquoi M. Dunjic était censé en parler. Je vais consulter

 12   mes collègues.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont des doutes

 15   pour ce qui est de considérer que c'est lié à son expertise. Je vous prie

 16   de passer à un autre sujet, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous savez nous dire qui est Eva Klonowski et quel est le

 20   domaine d'intervention de cette personne dans ces processus ?

 21   R.  J'ai entendu parler d'elle. Elle a travaillé comme anthropologiste pour

 22   ce qui est des identifications au tout début des activités en 1996 en

 23   Bosnie-Herzégovine, s'agissant des différents sites en question. Elle se

 24   trouverait être un expert engagé par le Tribunal international, et elle a

 25   aidé lors des identifications dans une période tant qu'il n'y a pas eu des

 26   laboratoires de mis en place pour les identifications par le biais des

 27   analyses ADN.

 28   Q.  Merci. Et Jasmin Odobasic, c'est qui ?


Page 41806

  1   R.  Je ne le connais pas. Mais partant de ce courrier, je crois comprendre

  2   qu'il s'agit d'un individu qui a dirigé les choses ou géré les choses au

  3   niveau d'une instance de la république. C'est un référendaire chargé des

  4   personnes disparues et pour les recherches. En fait, il a formulé toute une

  5   série d'observations au sujet du travail de Mme Eva Klonowski et d'autres

  6   collaborateurs parce qu'il y avait eu beaucoup de plaintes pour ce qui est

  7   des identifications effectuées jusque-là.

  8   Q.  Merci.

  9   R.  Et c'est en raison d'identifications erronées que les familles ne

 10   voulaient pas prendre en charge les corps. Il a fallu faire de nouvelles

 11   autopsies. Donc, ceux qu'on a enterrés sous certains noms, les familles ont

 12   demandé à ce que nouvelles autopsies soient faites et que l'identification

 13   par l'ADN soit faite, et c'est là qu'il y a eu des échanges de courriers

 14   entre eux. C'est cela, la finalité de la lettre de M. Gordon Bacon. Je le

 15   dis pour vous aider, parce qu'il a donné des instructions pour dire qu'ils

 16   ne peuvent pas assumer toute la responsabilité eux-mêmes.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi ne passez-vous pas à un

 18   autre sujet ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais montrer la lettre de M. Odobasic à

 20   l'intention du procureur en chef, si vous m'autorisez à le faire.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exactement le

 22   sujet pour lequel vous avez dit à M. Karadzic de passer outre.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, je vais passer à un autre sujet pour

 24   conclure mes questions.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Professeur, est-ce que les experts du bureau du Procureur ont procédé à

 27   la rédaction de rapports de clôture et de complétion ou de rapports

 28   combinés en la matière ? Et qu'est-ce qu'ils ont fini par conclure ?


Page 41807

  1   R.  Il y a présentés ici des éléments de preuve par les soins des experts

  2   du bureau du Procureur pour ce qui est de nombreux sites et de fosses

  3   communes s'y trouvant. Ces rapports représentent des rapports collectifs

  4   par sites déterminés. Dans ces rapports collectifs, il y a une méthodologie

  5   de fonctionnement qui se trouve être présentée pour tel site, et on a

  6   présenté des conclusions collectives pour tous les rapports d'autopsie qui

  7   se rapportent au site donné. Par conséquent, ces rapports collectifs

  8   fournissent une image de ce qui a été déterminé par ceux qui ont effectué

  9   les autopsies.

 10   Et on en arrive à l'essentiel de ce que j'ai essayé tout le temps de vous

 11   expliquer d'une façon déterminée. Un travail énorme a été fait. Il y a

 12   beaucoup d'efforts d'investis; mais partant de ces rapports collectifs,

 13   pour évaluer la validité de ces rapports collectifs, il m'a fallu dans

 14   certaines situations où j'ai eu des doutes me pencher sur les rapports

 15   individuels, c'est-à-dire les rapports d'autopsie individuels. Et dans

 16   certaines situations, dans un certain nombre de cas de figure, comme je

 17   l'ai indiqué, j'ai pu voir que les rapports individuels ne se trouvaient

 18   pas présentés dans la mesure qui serait celle d'un rapport médico-légal ou

 19   d'un PV d'autopsie. Et dans le rapport collectif, le pathologiste en chef

 20   Clark et M. Lawrence ont d'une certaine façon, si je puis prendre la

 21   liberté de le dire ainsi, ont pris ce type de cas de figure pour les

 22   présenter avec des réserves déterminées mais n'ont pas qu'ils auraient été

 23   utiles de rectifier certains rapports individuels, et ils ont souvent des

 24   libres interprétations de certains rapports individuels, voilà. Et c'est

 25   ainsi qu'enfin c'est de cela que je vais parler un peu plus tard.

 26   Mais ce qui est important, ces M. Haglund et M. Baraybar se sont des

 27   anthropologistes, ils ont fait aussi des rapports collectifs pour certains

 28   sites. Ils ont fait des commentaires. J'en ai parlé, dans mon rapport


Page 41808

  1   lorsque j'ai commenté leur constatation, mais eux aussi se sont aventurés à

  2   faire des interprétations plus ou moins libres des constats qu'ils ont

  3   consultés et qui sortent du domaine de leur profession. Par exemple, M.

  4   Haglund, dans son rapport relatif à Pilica, entre autres, indique ce qui

  5   suit : Les blessures complémentaires par balle ou au niveau des tête sur

  6   plusieurs victimes montrent que des coups de feu ont été tirés de très près

  7   ou à bout portant. Alors ce commentaire, en tant que tel, sort du domaine

  8   de sa profession, parce que, lui, en sa qualité d'anthropologiste, ne peut

  9   pas me répondre en ma qualité de médecin légiste, ni à Clark, ni à

 10   Lawrence. Comment peut-il faire pour savoir sur dix blessures ou 11

 11   blessures qu'il y en a une qui est faite à titre complémentaire ? Parce que

 12   ça a pu se produire 15 heures, trois jours après la dernière des blessures

 13   en date. Donc il n'y a pas de preuve médico-légale qui le montrerait. Il ne

 14   peut que supposer qu'une blessure à la tête est une blessure faite à titre

 15   complémentaire. Moi, je ne peux pas tirer ce type de conclusion, les autres

 16   non plus. C'est une libre interprétation d'un constat qui comporte une

 17   connotation tout à fait définie à l'intention de la Chambre, parce que s'il

 18   y a, à titre complémentaire, une blessure nouvelle, c'est que quelqu'un

 19   avait eu absolument l'intention de soit abattre l'individu en question ou

 20   de lui porter des blessures pour des raisons qui m'échappent. Mais ça n'a

 21   matériellement parlant aucune preuve pour ce qui est de l'allégation faite.

 22   Ces rapports collectifs donc décrivent ce qui a été fait au niveau de

 23   certains sites mais des commentaires des auteurs des rapports collectifs se

 24   trouvent être dans certaines situations assez arbitraires et non fondés sur

 25   les faits objectivement établis.

 26   Q.  Merci. Professeur, le fait d'additionner des rapports non fiables ou

 27   non précis peuvent permettre de pondre un rapport collectif objectif et

 28   précis. Est-ce que ceci améliore ce qui est présenté comme étant un rapport


Page 41809

  1   collectif, un rapport d'ensemble ? En d'autres termes, comment les

  2   omissions faites au titre des rapports individuels se reflètent-elles sur

  3   le rapport collectif ?

  4   R.  J'ai du mal à en parler, il appartient aux Juges d'en juger. Mais ce

  5   que je puis dire c'est que ces erreurs individuelles ou ces commentaires

  6   particuliers, qui sont insérés là, montrent que les observations faites par

  7   d'autres personnes sont vraies. Il y a pas mal de subjectivisme et pas

  8   assez d'objectivisme, parce que, dans les - et ça a été remarqué par des

  9   cercles professionnels internationaux - il y a donc des informations qui

 10   sont venues d'ailleurs. D'ailleurs Lawrence et Clark en ont parlé dans leur

 11   témoignage, et M. Richard Clark [comme interprété] en a parlé aussi en

 12   parlant des événements relatifs à Srebrenica, qui lui ont été fournis par

 13   les médias et les journaux locaux. Et je crois que j'ai l'impression que ça

 14   a beaucoup influé sur la rédaction de ce rapport conjoint, parce que si je

 15   relève que sur 180 ou 280 individus qu'on exhumés, et si l'on dit qu'ils

 16   ont tous été exécutés et qu'ils ont été blessés par arme à feu de leur

 17   vivant encore, et que ce sont là des individus que l'on a délibérément

 18   abattus, et que si je lis dans les rapports d'autopsie que ces individus

 19   qui à 80 % de ce type de conclusions, de ces conclusions qui objectivement

 20   ne tiennent pas debout parce qu'il n'y a aucun élément de preuve disant que

 21   ces blessures datent du moment ou de la période où ils étaient encore

 22   vivants, ça ne tient debout, à moins que l'on adopte une doctrine et l'on

 23   accepte une opinion qui serait celle de dire que quelqu'un a influé sur la

 24   rédaction des conclusions qui ont été adoptées, comme on a pu le voir du

 25   fait de la participation du conseiller juridique du Tribunal pénal

 26   international.

 27   Q.  Et cette harmonisation, est-elle là pour remplacer la doctrine, et est-

 28   ce que ça influe sur l'adoption de conclusions qui sont à fonder ? Est-ce


Page 41810

  1   que les participants ont eu un rôle à jouer pour ce qui est de cette

  2   concertation et harmonisation ?

  3   R.  Ecoutez, moi, je ne peux pas commenter cela; le fait est autre chose.

  4   Ce que j'ai constaté puisque je travaille depuis longtemps, très longtemps

  5   déjà dans ces affaires liées à Srebrenica. Jusqu'à l'an 2000, d'une

  6   certaine façon c'est ce qu'on a consigné sur papier. A partir de l'an 2000,

  7   lorsqu'on a commencé à procéder à des exhumations et autopsies des

  8   dépouilles qu'on a trouvées là-bas, les intervenants dans ces autopsies,

  9   Siklas [phon], Sarajlic et autres, compte tenu des observations qui ont été

 10   formulées ici, pas seulement par moi en ma qualité d'expert mais aussi par

 11   d'autres personnes, ils ont procédé à des rectificatifs pour ce qui est des

 12   conclusions. Lorsqu'un cadavre a été squelettisé [comme interprété], ils

 13   ont dit que c'était squelettisé et qu'on ne pouvait pas à titre fiable

 14   déterminer la cause du décès. Et c'est tout à fait cohérent avec les

 15   constatations de faites à la différence de ce que j'ai déjà dit par

 16   ailleurs. Si vous n'avez pas de preuve pour ce qui est de ce qui s'était

 17   fait du vivant de l'individu et que vous avez une squelettisation, et vous

 18   concluez du fait qu'il s'agit d'une blessure à la tête s'il y a un défaut

 19   au niveau du crâne. Mais comment prouver que le défaut au niveau du crâne

 20   date du vivant de l'individu ou pas. Je ne nie pas cela, mais je ne peux

 21   pas accepter cela comme étant la cause absolue du décès de l'individu en

 22   question.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 25   pièce D2448. M. Mitchell a dit qu'il n'avait pas d'objection pour ce qui

 26   est de ces rapports.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous n'avons déjà pas procédé

 28   au versement de ces deux documents ? Est-ce qu'il y a des documents en


Page 41811

  1   souffrance ?

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Je n'ai pas d'objection pour ce qui est du

  3   rapport, mais j'ai une objection pour ce qui est de la lettre qu'on a vue

  4   sur nos écrans tout à l'heure.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons versé au dossier deux

  6   rapports. Y en a t-il un troisième ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'allais le demander au Professeur.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Professeur, pour ce qui est de ces deux rapports, vous faites référence

 10   assez souvent à votre expertise dans l'affaire Popovic. Mais vous ne la

 11   reprenez pas, mais vous nous dirigez vers cette expertise. Alors est-ce que

 12   ce rapport d'expert dans l'affaire Popovic fait partie intégrante et

 13   organique de ces deux rapports précédents ?

 14   R.  Oui. Je puis affirmer de façon absolue que l'expertise précédemment

 15   rédigée dans l'affaire Vujadin Popovic y compris les rapports individuels

 16   que j'ai fournis dans ces affaires ont été plusieurs. Il y a eu six

 17   Défenses, et pour chacune des Défenses, j'ai rédigé quelque chose, et ce

 18   que j'ai dit devant les Juges de la Chambre peut être incorporé pour faire

 19   corps de ce rapport intégral, parce que ce sont les mêmes documents qui

 20   sont évoqués et ce sont les mêmes événements qui sont évoqués.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande également à ce que soit versé 1D2549

 23   au dossier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D3896, Madame, Messieurs

 28   les Juges.


Page 41812

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 2052, j'ai parlé du fait de savoir

  2   si cela faisait partie intégrante et ça n'a pas été consigné.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Merci, Professeur. J'en ai terminé avec mon interrogatoire principal.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Oui, à vous, Monsieur Mitchell.

  8   Contre-interrogatoire par M. Mitchell :

  9   Q.  [interprétation] Professeur, nous venons de vous entendre dire, page 49

 10   du compte rendu d'aujourd'hui, des critiques à l'égard du Dr Haglund et du

 11   Dr Baraybar pour ce qui est de l'interprétation faite de certaines

 12   constations et d'après vous, cela sort de leur domaine d'expertise. Et je

 13   voudrais vous poser la question suivante : Vous n'êtes pas un expert

 14   militaire, n'est-ce pas ?

 15   R.  Vous parlez d'expert militaire, est-ce que j'ai bien compris ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Non, je ne suis pas un expert militaire. Je suis un expert médico-

 18   légal.

 19   Q.  Donc, vous n'êtes pas un expert pour ce qui est du type de vêtements

 20   portés par l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non, je ne suis pas un expert pour ce qui est des uniformes portés par

 22   les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et je ne vois pas quelle est

 23   la corrélation avec Haglund.

 24   Q.  C'est tout ce que je vous ai demandé. Vous avez dit non, et tout à

 25   l'heure, on en viendra à l'autre volet. Vous n'êtes pas non plus professeur

 26   expert pour ce qui est de ce que portaient sur leurs têtes les membres de

 27   l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 28   R.  Je ne savais même pas ce genre d'experts existait.


Page 41813

  1   Q.  Vous n'êtes pas démographe non plus ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Vous n'êtes pas un expert en identification ADN.

  4   R.  Je ne suis pas un expert en identification ADN; cela étant,

  5   l'identification est une procédure utilisée en médecine légale et donc fait

  6   partie de la médecine légale. Mais les experts légistes effectuent la

  7   plupart du travail et nous parlons d'identification anthropologique et

  8   médico-légale dans le cadre d'identification. Ce sont les méthodes

  9   principales utilisées dans le cadre de ma profession. Je ne suis pas donc

 10   exclusivement expert en ADN. Cela impliquerait autre chose. Je procède à

 11   des identifications dans le cadre de mon travail médico-légal et j'utilise

 12   des rapports ADN également.

 13   Q.  Très bien. Mais vous prenez des échantillons et vous les soumettez pour

 14   analyse ADN. Vous n'êtes en fait pas un expert dans le processus de

 15   correspondance concordance ADN.

 16   R.  Oui, ce sont les biologistes qui font ça. Ils sont formés à cet effet.

 17   Moi, en ma qualité d'expert légiste, je dois connaître la procédure

 18   d'identification ADN et je dois pouvoir vérifier qu'elle a été menée de

 19   façon adéquate. Si cela n'a pas eu lieu, si le protocole n'a pas été

 20   respecté, en ma qualité d'expert légiste, je dois intervenir lorsque je

 21   reçois le profil ADN, comme on l'appelle.

 22   Q.  Vous avez dit que des biologistes s'occupaient de cela et qu'ils ont

 23   été formés. Donc, vous -- vous n'avez pas été formé à la concordance ADN,

 24   oui ou non ?

 25   R.  Non. Non, je n'ai pas été formé.

 26   Q.  Dans vous rapports, nous avons pu lire vos critiques quant aux autres

 27   collègues du bureau du Procureur et vous avez dit que le professeur Maria

 28   Djuric vous a fourni ces informations. C'est la présidente de la société


Page 41814

  1   anthropologique serbe. Et vous avez consulté --

  2   R.  Oui.

  3   Q.  -- parce que vous n'êtes pas un anthropologue professionnel. Nous le

  4   voyons dans votre CV. Vous n'avez pas de qualification en matière

  5   d'anthropologie.

  6   R.  Alors je vais vous répéter ce que j'ai dit. Je n'ai pas eu de formation

  7   en anthropologie comparable à --

  8   Q.  Non, ce que je vous demande --

  9   L'INTERPRÈTE : Le témoin parle en même temps.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Laissez-moi terminer, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais vous dire que, dans le cadre de ma

 13   profession qui est la médecine légale, nous suivons une formation en

 14   identification. Et dans le cadre de cette formation, des examens

 15   anthropologiques sont étudiés. Donc, cela fait partie de ma spécialisation.

 16   Cela dit, il y a des personnes qui sont plus spécialisées que moi. C'est le

 17   cas de M. Djuric et c'est pour cela que je l'ai consulté. Même chose pour

 18   la concordance ADN. J'ai consulté le Pr Oliver Stojkovic, je lui ai demandé

 19   si la concordance ADN avait été bien menée et si un profil ADN

 20   correspondait au profil ADN d'une victime. Il m'a regardé et m'a dit : La

 21   procédure n'a pas été bien menée. Et puis, il a ajouté : Il y a une

 22   certaine correspondance, et en tant que expert légiste, je dois disposer

 23   d'informations sur la procédure d'identification, et nous avons le droit de

 24   consulter des personnes qui en savent plus dans ce domaine-là. Donc, j'ai

 25   consulté Mme Maria Djuric pour la correspondance s'agissant des restes

 26   osseux.

 27   Vous savez, Monsieur Mitchell, la dernière fois que nous avons

 28   discuté, eh bien, je me suis retrouvé dans une situation où je devais soit


Page 41815

  1   accepter un rapport de la façon dont il a été rédigé ou soulever des

  2   objections. Par exemple, dans le rapport, on dit qu'un homme de 75 ans a

  3   été tué et puis, moi, je peux l'accepter, mais j'ai besoin de preuves

  4   démontrant que cet homme avait 75 ans. Et dans le rapport d'autopsie et

  5   dans le rapport anthropologique, il doit y avoir certaines preuves quant à

  6   l'âge de la personne et au genre de la personne. Je ne l'avais pas. Et

  7   donc, j'ai dû m'opposer à cela. Et c'est ce que j'essaye de vous expliquer.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Désolé d'interrompre, mais on n'a pas consigné

  9   au compte rendu la longueur de l'os et il -- il faudrait le faire.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 11   M. MITCHELL : [interprétation]

 12   Q.  Donc votre réponse est la suivante : Vous n'êtes pas formé en tant

 13   qu'anthropologue.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons. Je pense qu'il a répondu à

 15   la question.

 16   M. MITCHELL : [interprétation]

 17   Q.  Et vous n'êtes pas non plus formé en tant qu'archéologue ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Très bien.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

 21   1D25488 dans le par exemple, s'il vous plaît, page 3 de la version anglaise

 22   et page 3 de la version B/C/S également.

 23   Q.  Et dans votre rapport, Professeur, nous voyons que vous répétez

 24   certaines allégations qui avaient été faites dans des déclarations de

 25   témoins du comité de San Antonio.

 26   M. MITCHELL : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P4338

 27   dans le prétoire électronique à présent.

 28   Q.  Vous allez voir dans un instant, Professeur, le rapport final du comité


Page 41816

  1   de San Antonio.

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Page 4, s'il vous plaît, pour les deux

  3   versions, anglaise et B/C/S, et puis, à la page 5.

  4   Q.  On voit là plusieurs déclarations complémentaires qui ont été données

  5   au comité de San Antonio outre celles que vous avez mentionnées dans votre

  6   rapport. Etes-vous d'accord avec cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et vous n'avez sélectionné que les commentaires qui critiquaient le

  9   docteur Haglund, n'est-ce pas ? Vous n'avez référencé que ces commentaires-

 10   là dans votre rapport ?

 11   R.  Non. Non, il n'y a pas que ceux qui critiquaient le Dr Haglund. J'ai

 12   repris les critiques de l'intégralité du travail, de la procédure à partir

 13   du début des exhumations. Tout ceux qui se retrouvent là-dedans ne visent

 14   pas uniquement le Dr Haglund, mais toute la méthodologie d'exhumation et

 15   d'examens post mortem qui ont eu lieu, et je parle de la façon dont tout

 16   cela a influencé les choses.

 17   L'INTERPRÈTE : Les orateurs parlent en même temps. Les interprètes ne

 18   peuvent pas suivre la question de l'Accusation.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Dr Haglund était expert. Je l'ai vu

 20   travailler. Nous avions déjà discuté de cela, Monsieur le Procureur, dans

 21   l'affaire Vujadin Popovic.

 22   M. MITCHELL : [interprétation]

 23   Q.  Ce que je veux dire par là, Professeur, c'est que lorsque vous avez

 24   sélectionné les déclarations qui se retrouvent dans le rapport de San

 25   Antonio, vous n'avez choisi que les commentaires négatifs, les critiques,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Je pense que les critiques exprimées ont permis d'améliorer la qualité

 28   du travail. Je pense que ces critiques étaient objectives et venaient des


Page 41817

  1   personnes qui se trouvaient là-bas. Moi, je ne savais rien lorsque j'ai

  2   reçu le document.

  3   Q.  Passons à la page 7, alors. Et je vais vous donner lecture de la toute

  4   première phrase sous le titre "Findings" en anglais, "conclusions". Donc je

  5   ne parle plus d'allégations dans des déclarations de témoins, mais je vous

  6   parle de conclusions. La toute première phrase nous dit, je cite :

  7   "Les réponses des témoins n'ont pas indiqué d'erreurs de la part du Dr

  8   Haglund ni quoi que ce soit s'agissant des exhumations qui on remis en

  9   cause la validité scientifique."

 10   Cela n'est pas objectif ou impartial, Professeur, de -- que de citer des

 11   allégations à propos du Dr Haglund et de laisser de côté les conclusions du

 12   comité.

 13   R.  Je ne comprends pas votre question. Est-ce que vous voulez que

 14   j'apporte un commentaire ?

 15   Q.  Ce que je suggère, Professeur, c'est que vous avez vraiment trié sur le

 16   volet les critiques qui ont été faites sur le Dr Haglund et que vous avez

 17   délibérément mis de côté les conclusions que je viens de vous lire pour

 18   pouvoir mieux critiquer encore les éléments de preuve apportés par

 19   l'Accusation.

 20   R.  Non. Ce n'était pas mon intention. Mon objectif n'était pas de le faire

 21   et je ne voulais pas me concentrer sur Haglund uniquement. J'ai critiqué

 22   toutes les conclusions que j'ai passées en revue et ces critiques portaient

 23   aussi sur d'autres experts qui ne sont pas mentionnés ici, mais qui ont

 24   travaillé à ce projet plus tard. Je ne voulais pas uniquement trier sur le

 25   volet les aspects négatifs. Ce n'était pas mon approche, non. Et M. Haglund

 26   a déposé et a répondu à des questions sur la façon dont ces conclusions

 27   avaient été rédigées. Il a fait preuve d'étique morale à cet égard. Vous

 28   devez savoir aussi que je suis un petit peu allé au-delà de tout cela. Bien


Page 41818

  1   sûr, j'ai tenu compte de ces écrits, mais j'ai également parlé de ce que

  2   d'autres disaient et de ce qu'ils disaient de négatif.

  3   Si nous ne parlons pas de Christopher Lawrence ici --

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] On ne parle pas de Christopher Lawrence ici,

  6   mais dans son rapport, il dit qu'il y a des lésions de tissus mous qui ont

  7   été détectés, mais il n'y a pas de tissus mous en réalité. Donc, il s'agit

  8   d'une conclusion aléatoire qu'il a tirée et j'en fait note dans mon

  9   rapport. Bien sûr, j'ai dû attirer l'attention des Juges de la Chambre sur

 10   le fait que la procédure n'a pas été complètement respectée. Et j'ai dû

 11   dire qu'une erreur avait été commise lorsqu'un projectile avait été

 12   retrouvé dans le cœur, alors que la mort avait été provoquée par

 13   suffocation.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] 

 15   Q.  Très bien. Revenons au Dr Haglund, s'il vous plaît. Vous dites que vous

 16   avez dû écrire ce que les autres avaient dit sur lui. Vous ne vous êtes pas

 17   dit que nous pouvions retrouver ces conclusions dans le rapport San Antonio

 18   de -- par nous-mêmes ? Vous vous êtes dit qu'il fallait les sélectionner et

 19   les répéter dans votre rapport ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous avez travaillé avec le Dr Haglund à l'exploitation agricole

 22   d'Ovcara en 1996, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  N'est-il pas vrai que vous vous êtes dit que le travail du Dr Haglund

 25   était tellement professionnel que vous avez essayé de répéter ses méthodes

 26   pendant votre propre travail au lac Radonjic au Kosovo ?

 27   R.  C'est exact. Je vous l'ai dit l'autre fois. Cet homme a fait un travail

 28   tellement formidable en 1996, j'y étais, c'était la première fois que je


Page 41819

  1   voyais son travail que je ne voulais pas le cacher. Donc, je ne suis pas en

  2   train de l'attaquer personnellement en disant que ce qu'il a fait n'était

  3   pas bien. Je ne suis pas d'accord avec ce [inaudible] ses conclusions. Il a

  4   parlé de lésions supplémentaires, il a dit en quoi elles consistaient et il

  5   a dit qu'elles étaient essentielles. Et je sais que, d'après sa formation

  6   et d'après la formation -- la profession qu'il exerce, il ne peut pas

  7   affirmer cela en toute certitude. De plus, il n'y a pas d'éléments de

  8   preuve pour étayer ces conclusions et c'est cela que je critique. Je pense

  9   qu'il est un professionnel de haut rang, mais il est allé au-delà des

 10   limites de sa profession lorsqu'il a donné ses commentaires et lorsqu'il a

 11   donné son avis.

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu, s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 60, ligne 2, il manque un élément. Le

 16   professeur a parlé de l'affaire Hodzici.

 17   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine demande au Dr Karadzic de

 18   répéter la référence qu'il a donnée en mentionnant le chiffre 175.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, je vais vous redonner la référence pour

 20   que les choses soient claires. C'est Hodzici 05-175. C'est le cas pour

 21   lequel Lawrence a déclaré qu'il y avait eu une erreur patente. Donc je

 22   critique un aspect particulier du travail. Je ne critique pas la personne.

 23   Quelqu'un d'autre avait procédé à l'autopsie et il a rédigé le rapport

 24   collectif.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 26   M. MITCHELL : [interprétation]

 27   Q.  Professeur, vous voyez là la recommandation numéro 1 du Comité Sans

 28   Antonio à l'écran. On nous dit, je cite :


Page 41820

  1   "Les éléments de preuve démontrant des crimes de guerre sont époustouflants

  2   sur chaque site. Quelques problèmes d'administration ou de temps d'un point

  3   de vue scientifique ne pourraient pas remettre en question la qualité

  4   totale des éléments de preuve ni son interprétation lors de l'autopsie.

  5   Toute poursuite pour crimes de guerre en Yougoslavie sera fondée sur des

  6   éléments scientifiques solides. Il y a littéralement des centaines de

  7   restes prouvant des crimes de guerre qui ont été retirés et interpréter par

  8   des méthodes scientifiques fiables."

  9   Vous venez de nous dire, Professeur, que vos critiques ne portaient pas sur

 10   le Dr Haglund mais sur l'intégralité du processus, et cette recommandation

 11   numéro 1 n'est pas mentionnée dans votre rapport ?

 12   R.  Je n'en parle pas parce que je ne disposais pas de cette

 13   recommandation. Quoi qu'il en soit, d'après ce que j'ai compris c'est une

 14   recommandation. Et par nature, eh bien, c'est quelque chose que l'on

 15   recommande à quelqu'un d'autre, mais au point 1 on dit, je cite de nouveau

 16   :

 17   "Les éléments de preuve de crimes de guerre sont époustouflants sur chaque

 18   site … "

 19   C'est une conclusion; ce n'est pas une recommandation. En d'autres mots,

 20   quelqu'un a tiré une conclusion qu'il s'agissait de crimes de guerre. Et la

 21   question que je poserais à l'auteur de cette recommandation serait la

 22   suivante : Monsieur, lorsque vous dites qu'il y a eu des crimes de guerre,

 23   est-ce que vous avez lu le rapport de Dusan Janc, qui dit que les victimes

 24   qui ont péri avant 1995 ont été emmenées là-bas plus tard ? Et pourriez-

 25   vous nous dire, où se trouvent toutes les victimes de crimes de guerre qui

 26   sont les victimes qui n'ont pas péri suite à la commission d'un crime de

 27   guerre ? Est-ce que quelqu'un est tombé au combat dans un conflit armé ou

 28   autres ?


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  1   L'INTERPRÈTE : Les orateurs se chevauchent de nouveau, les interprètes ne

  2   peuvent pas suivre.

  3   M. MITCHELL : [interprétation]

  4   Q.  Je pense que nous pourrons lire le document si nous le désirons. Mais

  5   j'aimerais revenir un petit peu en arrière. Vous avez dit que vous ne

  6   parlez pas de cela dans vos rapports parce que vous ne disposiez pas de ces

  7   recommandations. Mais votre dernier rapport date d'août 2012, n'est-ce pas

  8   ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous vous souvenez que dans l'affaire Popovic en 2008, je vous avais lu

 11   l'extrait de ce paragraphe du document qui est à l'écran. Donc vous en

 12   étiez au courant lorsque vous avez rédigé votre dernier d'août 2012 ?

 13   R.  Peut-être que vous m'en avez donné lecture, mais je ne m'en souviens

 14   pas et je ne l'ai pas par écrit non plus. Mais je ne conteste pas que vous

 15   me l'ayez lu dans l'affaire Vujadin Popovic et je ne sais plus en quelle

 16   année mais j'étais venu ci, mais je ne m'en souviens pas vraiment. Je vous

 17   dis -- je suis en train de vous expliquer comment cela peut être interprété

 18   d'un point de vue médico-légal.

 19   Q.  Comment avez-vous pu citer plusieurs déclarations directement du

 20   rapport San Antonio, tout en même temps -- tout en nous disant que vous ne

 21   disposiez pas des conclusions qui se retrouvent dans exactement le même

 22   rapport ?

 23   Professeur, vous ne devez pas répondre à cette question. Vous l'avez

 24   délibérément ignorée ?

 25   R.  Non, non absolument pas. Si vous vous en souvenez, dans l'affaire

 26   Vujadin Popovic j'avais repris une liste en sept ou huit points c'étaient

 27   des objections. Et après cela, la Défense de Vujadin Popovic et une autre

 28   équipe de la Défense ont eu accès à ce site et nous l'avons commenté


Page 41822

  1   ensemble. Je n'ai rien à ajouter. Et dans le rapport j'ai repris ce qui me

  2   semblait être évident et pertinent pour les Juges de la Chambre et pour que

  3   les Juges de la Chambre aient une perspective des deux côtés.

  4   Q.  Mais pour que les Juges de la Chambre aient une vue des deux côtés,

  5   vous vous êtes dit que vous n'alliez présenter que le point de vue d'une

  6   seule partie, n'est-ce pas ? C'est ce que vous êtes en train de faire. Vous

  7   défendez M. Karadzic ?

  8   R.  Non. Je vous présente mon point de vue, c'est le point de vue que

  9   j'avais présent également dans l'affaire Popovic, je le fais dans l'affaire

 10   Karadzic, et je l'ai fait dans d'autres cas également. Et puis pour ma

 11   spécialité la médecine légale, je ne vous parle que de faits objectifs qui

 12   ont été démontrés. Je ne peux qu'interpréter et commenter ces faits. Je ne

 13   parle pas de chiffres. Ce que je peux vous dire c'est s'il y a des liens

 14   avec les différents sites, les moments où les inhumations ont eu lieu, et

 15   cetera. Si M. Christopher Lawrence avance que la putréfaction n'ait liée

 16   qu'aux conditions de la fosse et qu'indirectement via M. Karadzic, lorsque

 17   je réponds aux questions qu'on me pose sur la date de la mort et la date

 18   d'inhumation je dis que cela peut avoir un impact sur la putréfaction, mais

 19   lui il donne une réponse catégorique, vous dites que je défends l'accusé

 20   mais je peux vous dire la même chose sur lui. Donc je ne critique pas son

 21   point de vue; je ne parle que de ce qui est pertinent pour les deux

 22   parties. Et je ne me concentre pas sur les aspects négatifs; je parle

 23   également d'aspects positifs.

 24   Je n'ai pas nié l'existence de ligatures ni d'exécutions, j'ai dit que je

 25   n'étais pas d'accord avec le point de vue selon lequel les dépouilles

 26   étaient des dépouilles de victimes d'exécutions. Je ne suis pas d'accord

 27   avec le point de vue de M. Janc lorsqu'il dit que les fosses secondaires

 28   contenaient des dépouilles qui avaient déjà été mises dans des fosses


Page 41823

  1   primaires, c'est avec cela que je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas

  2   d'accord avec son point de vue disant que les exécutions ont eu lieu sur

  3   plusieurs sites. Nous avons des informations montrant que ces personnes ont

  4   été par la suite enterrées et étaient décédées avant juillet 1995. Certains

  5   combattants ont été tués autour de Srebrenica et ces personnes ont été

  6   retrouvées dans ces fosses. Nous avons des dépositions de témoins protégés

  7   à cet égard. Et c'est de cela que je vous parle. Je ne veux pas -- cela ne

  8   m'intéresse pas de savoir si je prends un parti lorsque je m'exprime, je

  9   donne mon avis. Et je voudrais présenter aux Juges de la Chambre les

 10   éléments de preuve qui existent, et ceux qui n'existent pas non plus, s'il

 11   y en a.

 12   Q.  Très bien. Alors pour terminer ce point sur le Dr Haglund, aujourd'hui

 13   vous nous avez dit que M. McCloskey avait aidé à la compilation finale des

 14   rapports. Et vous avez dit que vous pensiez que le conseiller juridique

 15   voulait sauter quelques étapes et arriver à ses conclusions, et boucler ses

 16   conclusions, les conclusions qui correspondaient à ce qu'il avait pu

 17   constater sur le terrain. Alors voici ce que le Dr Haglund avait à dire

 18   dans cette affaire-là - je parle de la page du compte rendu 23 940 - a dit,

 19   je cite :

 20   "J'ai dû l'intégrer parce que je voulais que les gens sachent qu'il n'avait

 21   apporté aucune modification à quoi que ce soit, il a voyagé dans le monde

 22   pour avoir l'avis de certains pathologues [comme interprété], et s'il y

 23   avait des modifications à apporter, les pathologistes l'ont fait et pas M.

 24   McCloskey."

 25   Le Dr Haglund dans cette affaire, Professeur, a déposé, et aujourd'hui, il

 26   dépose en ce moment même dans l'affaire Mladic. Et ce matin, il s'est

 27   encore exprimé sur la question. Il a dit, je cite :

 28   "M. McCloskey a repris tous les écrits montrant ce que les pathologistes


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  1   avaient fait et il a parcouru le monde entier pour voir s'ils avaient

  2   besoin de modifier leurs écrits. Il passait d'un pays à l'autre, et

  3   s'adressait à différentes personnes. Je pense qu'il a consulté une

  4   trentaine de pathologistes en Turquie, en Angleterre, aux Etats-Unis, et M.

  5   McCloskey n'a absolument rien changé, cela ne le regardait pas. Il a juste

  6   transmis les informations aux pathologistes."

  7   Donc, Professeur, il n'y a aucun fondement pour prouver ce que vous êtes en

  8   train de déclarer, à savoir que le conseiller juridique de l'Accusation

  9   voulait sauter des étapes et boucler ses propres conclusions d'après ce

 10   qu'il avait dit sur le terrain ?

 11   R.  Ce n'est pas de cela que l'on parle. Je ne vois pas cela dans les

 12   documents, je ne peux pas tirer cette conclusion de ce document. Ce que

 13   Peter McCloskey a dit et ce que Haglund a déclaré c'est ce que j'ai lu. On

 14   ne peut pas interpréter cela autrement. M. McCloskey a participé à la

 15   compilation des conclusions sur la base des autopsies. Pourquoi l'a-t-il

 16   fait, pourquoi est-il allé à l'étranger, que cherchait-il ? On peut

 17   interpréter les choses de deux façons. Est-ce qu'il cherchait des

 18   pathologistes qui accepteraient ses conclusions. C'est une interprétation

 19   possible également.

 20   L'INTERPRÈTE : Les interprètes parlent en même temps à nouveau.

 21   M. MITCHELL : [interprétation]

 22   Q. --  je pense que vous ne parlez que de conjecture. Je viens de vous dire

 23   ce que le Dr Haglund a dit à ce sujet. Est-ce que vous acceptez que ce que

 24   vous dites sur le conseiller juridique de l'Accusation est inexact, à

 25   savoir qu'il a essayé de boucler ses propres conclusions, et ce, en

 26   fonction de ce qu'il voyait sur le terrain ?

 27   R.  Pouvez-vous me rappeler quand M. Haglund l'a dit, la date ?

 28   Q.  M. Haglund a déposé sous serment devant ce Tribunal, et il a dit la


Page 41825

  1   même chose encore ce matin sous serment devant les Juges de la Chambre au

  2   procès Mladic.

  3   R.  Est-ce qu'il l'a dit dans l'affaire Vujadin Popovic, j'ai dit cela pour

  4   la première fois ? Parce que à l'époque le Procureur, M. McCloskey avait

  5   réagi, il était dans le prétoire du côté de l'Accusation, et il s'est levé,

  6   il a dit que ce n'était pas vrai. En conséquence, ici et dans l'affaire

  7   Mladic, j'ai aussi travaillé à cette affaire-là, Haglund a fait ces

  8   commentaires et je les ai pris pour ce qu'ils étaient. Je ne vais pas

  9   rentrer dans les détails mais il a dit tout cela après la citation de son

 10   rapport. Et dans les citations que j'ai reprises, rien de ce qu'il a dit ne

 11   s'y retrouvait. Ici, par contre, vous avez exactement ce qu'il a dit.

 12   Q.  Je crois que c'est très clair ce que dit le Pr Haglund dans son

 13   rapport. Un dernier point avant la pause. Vous souvenez-vous du fait que

 14   nous avons regardé ce matin partie 12 du rapport du Pr Lawrence sur la

 15   route de Cancari numéro 3. Nous avons parlé du petit --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  -- qui avait tendance à dissimuler les analyses péri mortem. Dans votre

 18   rapport 1D25489 --

 19   R.  Oui.

 20   Q.  -- il s'agit de la page 212 de la version anglaise, vous dites que la

 21   déclaration du Pr Lawrence "est tout à fait arbitraire, voir même

 22   maléfique". Vous dites "maléfique" c'est un terme assez fort. Vous dites en

 23   réalité que le Pr Lawrence est délibérément malhonnête, n'est-ce pas ?

 24   R.  Alors vous voulez parler de quelle opinion, s'il vous plaît?

 25   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Veuillez remplacer maléfique

 26   par mal intentionné.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors vous voulez parler de quel avis ?

 28   Pardonnez-moi.


Page 41826

  1   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher dans le

  2   prétoire électronique le numéro 1D2589 ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la page en

  4   serbe, s'il vous plaît.

  5   M. MITCHELL : [interprétation] Je crois que c'est la page 197.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez parler de la route de Cancari

  7   numéro 3, Monsieur le Procureur ?

  8   M. MITCHELL : [interprétation]

  9   Q.  Oui. Et vous dites que le Pr Lawrence déclare que les blessures post

 10   mortem avaient tendance à obscurcir les analyses péri mortem, "était tout à

 11   fait arbitraire voir même en réalité mal intentionné."

 12   R.  Alors je maintiens ce que j'ai dit. Si vous ne disposez d'aucune preuve

 13   vous permettant de comprendre la séquence dans laquelle les blessures ont

 14   été infligées, si vous ne disposez d'aucune preuve indiquant qu'une

 15   blessure a été infligée à une date ultérieure, si vous ne disposez d'aucune

 16   preuve indiquant que quelque chose a été fait délibérément, et si malgré

 17   tout cela vous écrivez cela, je ne peux que dire que ceci a été fait avec

 18   une mauvaise intention. Je ne peux pas l'interpréter différemment. Pourquoi

 19   quelqu'un dirait-il que cela a été fait intentionnellement l'ensemble de

 20   vos juridiques. Je ne souhaite pas apporter de commentaire.

 21   Q.  Alors s'il s'agit d'une question de traduction, cela n'a pas été dit de

 22   cette façon que cela a été fait de façon intentionnelle. Vous souvenez-

 23   vous, on en a parlé ce matin ? L'original, l'anglais ne dit pas cela,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Ecoutez-moi attentivement. Si nous omettons le terme

 26   "intentionnellement" et si on dit que les blessures ont été infligées post-

 27   mortem de façon à dissimuler les blessures infligées ante mortem, cela n'a

 28   aucun sens. Car il n'y a aucune preuve pour étayer cela, sans parler


Page 41827

  1   d'intention.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  Sur un plan purement professionnel, c'est inacceptable. Du point de vue

  4   de la profession, c'est inacceptable. J'avais une traduction à ma

  5   disposition qui se lisait comme suit, "infliger intentionnellement". Ce que

  6   je dis aujourd'hui c'est que même si on met de côté le problème de la

  7   traduction, la deuxième partie de la phrase est tout à fait inacceptable au

  8   niveau de notre profession.

  9   Q.  Alors vous dites néanmoins que le Pr Lawrence commente en disant que

 10   les blessures post-mortem avaient tendance à dissimuler les blessures péri

 11   mortem, à savoir si ceci était intentionnel ou pas, vous dites que le Pr

 12   Lawrence était arbitraire dans son point de vue voir même peut-être mal

 13   intentionné.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] La question a été posée, le témoin a répondu à

 15   la question.

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection qu'il

 17   convient dans le cadre d'un contre-interrogatoire.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répondre à la question, s'il

 19   vous plaît.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi ?

 21   M. MITCHELL : [interprétation]

 22   Q.  Si vous, Professeur --

 23    R.  Comment ?

 24   Q.  Je vous ai pose la question suivante : est-ce que c'est toujours votre

 25   position que de dire que le commentaire du Pr Lawrence sur le fait que les

 26   blessures post mortem avaient tendance à dissimuler les blessures péri-

 27   mortem, qu'elles aient été intentionnelles ou pas, qu'il s'agissait d'une

 28   position arbitraire, voire même peut-être mal intentionnée ? Vous maintenez


Page 41828

  1   ce commentaire ?

  2   R.  Oui.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où trouvez-vous ce passage ?

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Page 212 de l'anglais, Monsieur le

  5   Président. Cela se trouve dans le deuxième paragraphe vers le bas, la

  6   dernière phrase.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Faisons une pause.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, il y a deux questions que je

 10   souhaite aborder avant que nous n'ayons notre pause déjeuner. Dans

 11   l'intervalle, Monsieur le Professeur Dunjic, vous pouvez disposer. Nous

 12   reprendrons à 13 heures 30.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En premier lieu, la Chambre de première

 15   instance va rendre une décision orale sur la requête de l'Accusation aux

 16   fins d'ajouter quelques éléments à la pièce P01620 et P01621 déposées hier,

 17   le 22 juillet 2013. Dans sa requête, l'Accusation demande à pouvoir

 18   apporter des ajouts au rapport d'expert de Patrick Van der Weijden, témoin,

 19   versé sous pli scellé sous la cote P1620 et dans sa version publique sous

 20   la cote P1621, de quatre photographies qui "sont d'une qualité bien

 21   meilleure" que ce qui figure actuellement dans le rapport.

 22   Egalement à la date du 22 juillet 2013, l'accusé a informé l'Accusation et

 23   les Juges de la Chambre par courrier électronique qu'il ne s'oppose pas à

 24   la requête.

 25   La Chambre de première instance a examiné les nouvelles photographies ainsi

 26   que le rapport d'expert et est convaincue que les quatre photographies

 27   versées dans la requête sont ajoutées au P1620 et P1621 et remplacent les

 28   anciennes photographies.


Page 41829

  1   Deuxièmement, la Chambre de première instance a noté que le dernier

  2   calendrier en date de la Défense, que M. Robinson a eu l'obligeance de

  3   diffuser à l'Accusation et aux Juristes de la Chambre de première instance

  4   hier, avec le caveat que ce calendrier portait sur "un procès sur les chefs

  5   2 à 11".

  6   La Chambre de première instance rappelle que le 11 juillet 2013, la Chambre

  7   d'appel a rendu son jugement sur la requête de l'Accusation contre la

  8   décision orale de la Chambre de première instance dans le cadre de

  9   l'article 98 bis -- j'aurais dû parler de l'appel de l'Accusation sur le

 10   chef 1. Le 16 juillet, l'accusé a déposé devant cette Chambre une requête

 11   aux fins de disjoindre le chef 1, et le 22 juillet, il a déposé une requête

 12   pour clarification du jugement devant la Chambre d'appel.

 13   La Chambre de première instance est préoccupée par le commentaire de Me

 14   Robinson, à savoir le calendrier de travail de la Défense, qui couvre un

 15   certain nombre de mois et qui nous amène à la fin de la présentation des

 16   moyens à décharge, porte uniquement sur les chefs 2 à 11. A ce stade, tout

 17   en n'apportant aucun commentaire sur le bien-fondé des requêtes de

 18   l'Accusation qui sont toujours en instance devant la Chambre d'appel ainsi

 19   que devant la présente Chambre, il faut tenir compte du fait que tous les

 20   efforts nécessaires doivent être réalisés pour que soit respecté le

 21   caractère accéléré de ce procès. La Chambre de première instance estime

 22   également que la Défense doit être prête pour l'éventualité suivante, à

 23   savoir qu'en rendant sa décision sur la requête aux fins de clarification,

 24   la Chambre d'appel dans son jugement décrètera que le chef 1 doit être

 25   rétabli et devra se préparer pour l'éventualité que cette Chambre peut

 26   également rejeter sa requête de disjonction par la suite.

 27   Ce qui signifie que pour ce qui est des témoins qui sont prévus pour

 28   être cités à la barre et qui peuvent être pertinents à l'égard du chef 1,


Page 41830

  1   la Chambre de première instance a noté que pour ce qui est du calendrier de

  2   travail fourni, la Chambre de première instance pense que la Défense devra

  3   également interroger les témoins sur le chef 1, le cas échéant, même si à

  4   cette date-là la Chambre d'appel n'a pas rendu sa décision sur la requête

  5   aux fins de clarification. 

  6   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 44.

  7   --- L'audience est reprise à 13 heures 33.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell, veuillez

 10   poursuivre.

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur le Professeur, nous pouvons nous mettre d'accord pour nous

 13   dire qu'un témoin expert crédible doit être objectif, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Impartial ?

 16   R.  Impartial, oui.

 17   Q.  Et que l'expert doit être, en tout cas, indépendant et avoir un

 18   jugement professionnel pour ce qui est des sujets abordés dans son rapport

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et donner des références précises de tous les faits sur lesquels se

 22   fondent l'opinion qui est donnée ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Monsieur le Professeur, je souhaite vous poser une question à propos de

 25   l'objectivité et de l'impartialité de trois exemples de conclusions dans

 26   votre rapport. Le premier exemple, je souhaite que nous passions à la date

 27   du 12 août 2012, c'est votre rapport.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] C'est le 1D25488. Page 19 de l'anglais et


Page 41831

  1   page 17 de la version en B/C/S.

  2   Q.  Au numéro 6, les "bandages" et les effets personnels qui ont été

  3   retrouvés. Et vous dites :

  4   "La présente de ces 'bandages'" --

  5   R.  Encore un instant. Permettez-moi de retrouver l'endroit en question,

  6   s'il vous plaît.

  7   Pardonnez-moi. Poursuivez.

  8   Q.  Nous constatons ici que;

  9   "La présence de ces 'bandages pour les yeux' peut être interprétée de

 10   différentes façons…"

 11   Et ensuite, vous énumérez trois points. Et je souhaite vous poser une

 12   question au sujet de ces trois points. Tout d'abord, vous dites que :

 13   "De nombreux soldats de l'armée de la BiH (notamment les

 14   'Moudjahidines') portaient des bandeaux pour se distinguer des autres

 15   soldats et pour indiquer qu'ils appartenaient à une unité particulière."

 16   Nous venons de nous mettre d'accord il y a moins de cinq minutes que

 17   des références précises doivent être données pour indiquer ce sur quoi sont

 18   fondés ces faits. Ici, aucune référence n'est donnée pour ce fait, n'est-ce

 19   pas ?

 20   R.  Il s'agit d'une déclaration factuelle, et je crois que vous connaissez

 21   cela puisque M. Karadzic a présenté cela. Au moment où vos experts étaient

 22   cités à la barre, à la dernière occasion j'ai été présent et je l'ai vu. Il

 23   s'agit d'un document que nous connaissons tous deux, donc je pense tout

 24   simplement que je n'avais pas besoin dans un rapport complémentaire de

 25   donner un numéro de référence particulier. C'est quelque chose que je sais.

 26   Je n'ai même pas besoin d'utiliser un terme différent, à savoir qu'en

 27   présence d'étrangers -- eh bien, c'est quelque chose que je sais d'après

 28   les journaux, la présence d'étrangers dans l'armée de la BiH, à partir du


Page 41832

  1   moment où je vivais dans la région, à savoir l'ex-Yougoslavie.

  2   Q.  Très bien. Mais ces déclarations factuelles que vous aviez, et je

  3   souhaite être tout à fait clair, ceux-ci vous ont été donnés par le Dr

  4   Karadzic pendant la déposition d'un des témoins experts de l'Accusation;

  5   c'est ce que vous dites ?

  6   R.  Non, seulement il l'a dit, mais il a montré une séquence vidéo où nous

  7   avons vu cela. Je ne me souviens pas avec exactitude à quel moment c'était

  8   --

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  -- un instant, s'il vous plaît.

 11   Q.  -- cette vidéo que vous a montrée le Dr Karadzic n'a pas été versée au

 12   dossier car il ne pouvait pas donner l'origine de la vidéo, n'est-ce pas ?

 13   Vous vous en souvenez ?

 14   R.  Croyez-moi lorsque je dis que je ne sais pas. Si c'est le cas, eh bien,

 15   c'est ce que cela veut dire. Nous avons parlé le 8 décembre 2011, lors de

 16   la déposition de M. Lawrence --

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   R.  -- des bandeaux sur les yeux --

 19   Q.  Au deuxième alinéa -- donc vous avez fourni votre déclaration

 20   factuelle. Au deuxième alinéa, vous donnez votre avis :

 21   "… après la putréfaction des tissus mous, les bandeaux seraient 'tombés'

 22   des yeux et du visage…"

 23   Et donc, cet avis ou opinion ne figure dans aucun des rapports que vous

 24   avez présentés dans l'affaire Popovic en 2008 et 2009, n'est-ce pas ?

 25   R.  Non -- eh bien, en réalité, vous avez raison. Je n'ai pas dit que dans

 26   ce rapport que j'ai complété, cela était indiqué.

 27   Q.  Et lorsque vous avez déposé dans l'affaire Popovic à deux reprises,

 28   vous n'avez pas soumis cette théorie en vertu de laquelle ces bandeaux ou


Page 41833

  1   bandages sur les yeux auraient tombé des yeux et du visage. Vous n'avez pas

  2   suggéré cette idée-là dans l'affaire Popovic, n'est-ce pas ?

  3   R.  A vrai dire, je ne m'en souviens pas. Si je ne l'ai pas dit, cela ne

  4   signifie pour autant que je ne l'ai pas pensé, le fait que je ne le

  5   mentionne pas et que je ne le consigne pas par écrit. Simplement, personne

  6   n'a prêté attention à cela, à la manière dont on n'a pas prêté attention

  7   aux ligatures, si ces ligatures étaient fixées solidement sur le bras ou si

  8   les bras étaient liés à l'avant du corps ou à l'arrière. Comprenez-moi ?

  9   Vous acceptez cela. Mais lorsque j'analyse tout cela, une question précise

 10   m'a été posée par le Dr Karadzic sur ces bandages sur les yeux, comment ils

 11   peuvent être conservés, et à ce moment-là, j'ai trouvé un document sur

 12   Lazete 1 et j'ai pu constater à quoi ressemblaient ces bandes, de quoi

 13   elles étaient composées. Et en réfléchissant, j'ai été confronté à ces

 14   éléments qui m'ont été soumis mais qui n'ont pas été versés au dossier en

 15   l'espèce, et je suis parvenu à cette conclusion-là. C'est la raison pour

 16   laquelle je n'ai pas fait mention de cela ni inclus cela dans l'affaire

 17   Vujadin Popovic.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Pouvons-nous regarder maintenant le 1D25180.

 19   Q.  Monsieur le Professeur, il s'agit de votre rapport daté du mois d'août

 20   2009 que vous avez préparé pour cette affaire.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 57

 22   de l'anglais et du B/C/S.

 23   Q.  Monsieur le Professeur, vous conviendrez avec moi pour dire que cette

 24   théorie des bandeaux sur les yeux qui sont en réalité des bandeaux sur la

 25   tête ne sont évoqués nulle part dans ce rapport non plus ?

 26   Nous parviendrons à la liste des questions dans quelques instants. De façon

 27   générale, cette théorie indiquant que les bandeaux sur les yeux étaient en

 28   réalité des bandeaux sur la tête --


Page 41834

  1   R.  Très bien.

  2   Q.  Alors, ici, à la page 57, il y a une série de questions que vous avez

  3   énumérées pour que le Dr Karadzic pose ces questions-là. Et rien n'indique

  4   ici que ces bandeaux sur les yeux étaient en réalité des bandeaux sur la

  5   tête. Donc, au mois d'août 2009, cette idée n'a pas traversée votre esprit,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Autrement dit, cette idée ne vous avait pas traversé l'esprit ? C'est

  9   ça que vous voulez dire ?

 10   R.  Non, ce n'est pas que l'idée ne m'a pas traversé l'esprit, mais je n'ai

 11   pas développé ce fait-là qui était répété à l'envi. Mais après la

 12   déposition du témoin à charge, de vos témoins expert, et après que le Dr

 13   Karadzic ait montré la séquence vidéo et après que je m'intéresse à la

 14   question de savoir qui portait quel type de bandeaux et cetera, c'est à ce

 15   moment-là que j'ai consigné quelque chose par écrit parce qu'il s'agissait

 16   de questions supplémentaires qui m'avaient été posées par le Dr Karadzic et

 17   j'y ai répondu, d'où le titre de ce document.

 18   Q.  Alors, soyons tout à fait clairs. Vous avez rédigé trois rapports dans

 19   le cadre de l'affaire Popovic. Vous avez témoigné à deux reprises dans

 20   l'affaire Popovic. Et ensuite, vous avez rédigé un quatrième rapport en

 21   août 2009. Et dans chacun de ces rapports, particulièrement vous avez

 22   évoqué la question des bandeaux sur les yeux, et cette théorie n'est

 23   apparue dans aucun de ces rapports, n'est-ce pas ?

 24   R.  J'ai constaté et consigné les faits qui m'avaient été présentés. En

 25   fait, c'est l'enquêteur, M. Manning, qui avait fait référence à ces

 26   bandeaux. Donc j'avais noté et consigné ce fait sans pour autant trouver

 27   une explication à propos de ces bandeaux, tout comme je n'ai pas

 28   véritablement cherché d'explication à propos des ligatures qui se


Page 41835

  1   trouvaient au niveau des bras et des jambes. Et si je m'étais demandé si

  2   une analyse précise et spéciale était nécessaire, alors j'aurais fait le

  3   travail et j'aurais regardé les annexes B et C afin de prendre connaissance

  4   de tous ces documents. Je ne l'ai pas fait jusqu'au moment où j'ai rédigé

  5   ce rapport l'année dernière, parce que c'est à ce moment-là qu'une question

  6   bien précise m'a été posée à propos de ces bandeaux. Et c'est à ce moment-

  7   là que j'ai commencé à réfléchir à la situation et à comprendre

  8   l'importance de tout cela. Quelqu'un qui disposait de beaucoup plus

  9   d'informations que moi, comme M. Karadzic, par exemple -- c'était son cas,

 10   il avait plus de connaissances. Moi, je suis un civil, je n'ai pas

 11   participé à la guerre, je n'ai participé à aucune guerre d'ailleurs, donc

 12   je ne sais absolument pas quelle sorte de tenue est portée pendant la

 13   guerre. Donc il est logique que j'avais à réfléchir à cela et qu'il a fallu

 14   que j'étudie la question de façon plus détaillée pour dégager des

 15   conclusions.

 16   Q.  Le 8 décembre 2011, vous étiez dans le prétoire lorsque le Dr Lawrence

 17   a déposé ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  Et vous avez vu la vidéo que M. Karadzic a montrée à ce moment-là ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et M. Karadzic a fourni des explications aux Juges de la Chambre à

 22   propos de cette vidéo, vous l'avez entendu, et il a dit :

 23   "Le Dr Lawrence a confirmé à notre intention qu'il n'était pas au courant

 24   de nos coutumes de guerre ou de la coutume, plutôt, des combattants

 25   islamiques qui portent des bandanas. Ça, c'est une première chose. Et puis,

 26   deuxièmement, il y a une coïncidence avec ce qui a été trouvé dans les

 27   charniers ou les fosses communes."

 28   Donc, au jour de la déposition du Dr Lawrence, le 8 décembre 2011 pour être


Page 41836

  1   précis, là vous avez été informé de la théorie de M. Karadzic à propos de

  2   ces bandeaux, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et pour la première fois, neuf mois plus tard, vous incluez cette

  5   théorie dans votre rapport, au mois d'août 2012; c'est bien cela, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Monsieur le Professeur, est-ce qu'on vous a demandé précisément

  9   d'inclure cette théorie dans votre rapport du mois d'août 2012 pour lui

 10   attribuer une certaine crédibilité, ou est-ce que vous avez de votre propre

 11   initiative, tout seul, décidé d'aider M. Karadzic en insérant cela après

 12   que vous ayez entendu ce qu'il avait suggéré au Dr Lawrence le 8 décembre

 13   2011 ?

 14   R.  Tout ce que j'ai écrit dans mon deuxième rapport du 26 août 2012 est

 15   accompagné des raisons qui motivent ce que j'ai écrit. Alors, le deuxième

 16   rapport a été écrit à la demande de M. Karadzic, qui m'a posé des questions

 17   bien précises, et ces questions sont énumérées. Et l'une des questions, qui

 18   est la question numéro 6, que je vais maintenant vous citer, est comme suit

 19   : bandeaux et effets personnels trouvés. Et puis, il y a certaines choses

 20   auxquelles il est fait référence. Moi, en fait, j'ai repris ce qu'avait dit

 21   le Dr Lawrence Hamilton lorsqu'il était venu témoigner le 8 et j'ai établi

 22   le lien avec ce rapport auquel vous avez fait référence. Pour moi, alors,

 23   la connotation est devenue tout à fait différente, parce qu'avant je

 24   n'avais pas prêté attention à ces bandeaux. Les bandeaux, je les avais

 25   acceptés comme un fait, à savoir il y avait présence de bandeaux. Mais

 26   lorsque j'ai commencé à analyser la question, lorsque j'ai analysé les

 27   propos du Dr Karadzic et lorsque j'ai analysé ce qui avait été écrit dans

 28   les rapports, je me suis dit que du point de vue objectif, il était


Page 41837

  1   possible, et c'est objectif, il était possible que les bandeaux aient un

  2   sens différent, car nous avions entendu qu'ils pouvaient avoir une

  3   signification différente. Donc j'ai dû réfléchir à cette probabilité. J'ai

  4   tenu compte de cette possibilité. C'est pourquoi j'ai écrit cela. Je ne

  5   cache absolument rien. Je n'y avais pas pensé auparavant, c'est tout. Si

  6   j'y avais pensé auparavant, bien sûr que j'aurais développé cette idée dans

  7   l'affaire Vujadin Popovic.

  8   Dans le document, par exemple, qui porte sur Lazete 1 -- bon, là, par

  9   exemple, il a été constaté qu'un bout de tissu avait été trouvé dans la

 10   poche d'un vêtement. Donc cela s'est retrouvé dans d'autres cas et je me

 11   suis demandé : comment est-ce qu'on pouvait interpréter cela --

 12   Q.  Peut-être que je vais être un peu plus clair à votre intention,

 13   Professeur. Voilà ce que je suggère. C'est que ce chapitre de votre

 14   rapport, ce n'est absolument pas une analyse d'expert. C'est vous, en fait,

 15   qui êtes en train de réitérer la théorie de la Défense, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne suis absolument pas d'accord avec vous. Moi, je pense qu'il

 17   s'agit d'un rapport d'expert, d'une analyse d'expert. Moi, en tant

 18   qu'expert médico-légal, j'ai répondu aux questions qui m'avaient été

 19   posées. Pour ce qui est de savoir de quelle théorie, est-ce qu'il s'agit de

 20   quelque chose à charge ou à décharge, ce n'est pas quelque chose qui

 21   m'intéresse ou qui me préoccupe.

 22   Q.  Alors, nous allons parler de la personne à laquelle vous faites

 23   référence au troisième alinéa. Là, vous dites que :

 24   "Il y a un morceau de tissu qui a été trouvé à l'intérieur de la

 25   poche d'une personne, LZ-01659-2. Il s'agit d'un morceau de tissu rose vif

 26   qui est semblable aux autres bandeaux, et la conclusion qui s'impose est

 27   que cette personne, d'une certaine façon, souhaitait dissimuler leur

 28   identité ou le fait qu'ils appartenaient à une unité."


Page 41838

  1   Donc la conclusion suivant laquelle quelqu'un souhaitait dissimuler leur

  2   identité ou dissimuler le fait qu'ils appartenaient à une unité, ça n'a

  3   absolument rien à voir avec votre domaine de compétences en tant que

  4   pathologiste, n'est-ce pas ?

  5   R.  Vous avez raison dans une certaine mesure, car je citais le document

  6   qui est la source d'information, le document source, où il est question

  7   donc des bandeaux pour lesquels nous trouvons la référence à l'annexe D.

  8   Là, il y a eu analyse des bandeaux qui ont été trouvés. Donc, là, il est

  9   question de bandeaux trouvés sur des têtes. Là, il est question de bandeaux

 10   trouvés dans la fosse; et là, il est question de la poche. Je me demandais,

 11   en tant qu'expert médico-légal, pourquoi quelqu'un souhaiterais garder le

 12   même morceau de tissu qui avait été trouvé sur un corps autour d'une tête

 13   dans leur poche ? Alors, je suis d'accord avec vous. J'ai un tant soit peu

 14   dépasser le domaine de compétence de ma profession et j'ai fourni une

 15   explication ou présenté une supposition pour expliquer ce qui avait pu se

 16   passer. Cela, je vous l'accorde. Tout comme, en un certain sens, M.

 17   Christopher Lawrence Hamilton, votre expert dans certaines affaires,

 18   interprète de façon tout à fait libre l'origine de certaines blessures pour

 19   lesquelles il n'a aucune preuve objective. Or, moi j'ai une preuve

 20   objective, puisque cela a été trouvé dans la poche en question. Lorsque je

 21   pense à la référence à Hodzic, il dit en fait qu'il y a des perforations au

 22   niveau des tissus mous et que cela pourrait être la cause du décès --

 23   Q.  Bien. Alors, vous avez présenté cette théorie à propos des bandeaux

 24   après avoir entendu le Dr Karadzic dire ce qu'il a dit dans le prétoire un

 25   jour. Mais ce que je voudrais savoir, c'est si vous avez pris en

 26   considération des déclarations de témoins qui parlaient du fait que les

 27   prisonniers qui se trouvaient dans l'école d'Orahovac avaient eu les yeux

 28   bandés ? Et puis, en plus, il y a un lien qui a été établi avec la fosse de


Page 41839

  1   Lazete numéro 1. Est-ce que vous avez consulté ces déclarations de témoins

  2   ?

  3   R.  Non, non. Excusez-moi, mais hormis les déclarations auxquelles j'ai

  4   fait référence, je n'ai pas lu d'autres déclarations. Il y a ce qui est

  5   cité dans mon rapport, mais hormis cela, je n'ai pas eu la possibilité d'en

  6   lire d'autres.

  7   Q.  Alors, je vais vous donner lecture de deux extraits très succincts. Il

  8   s'agit de deux survivants de l'exécution d'Orahovac. Il s'agit dans un

  9   premier temps du Témoin KDZ64, dont la déposition fait l'objet de la pièce

 10   P769 en l'espèce. Et voilà ce qu'il dit, et il parle de l'école d'Orahovac.

 11   Il dit :

 12   "Lorsque l'ordre est arrivé, ils ont amené un sac où se trouvaient des

 13   morceaux de tissu qui avaient peut-être 50 centimètres de largeur -- 5

 14   centimètres, ou plutôt, 15 centimètres de largeur, et ils ont demandé aux

 15   prisonniers de se bander les yeux les uns aux autres."

 16   Donc vous n'avez pas du tout entendu cette déclaration auparavant à propos

 17   des soldats serbes de Bosnie qui avaient amené --

 18   R.  Non.

 19   Q.  Il y a un autre survivant de l'exécution d'Orahovac, le Témoin KDZ39.

 20   Et lors de sa déposition, qui fait l'objet de la pièce P3940, voilà ce

 21   qu'il dit :

 22   "Lors nous étions censés sortir, il y a des soldats qui ont amené ce sac où

 23   se trouvaient des morceaux de tissu qui avaient été découpés en morceaux.

 24   Ils ont mis cela près de la porte d'entrée et ils ont dit à ces deux

 25   hommes, 'Ceux qui banderont les yeux des autres pourront avoir à boire,' et

 26   alors deux personnes se sont portées volontaires." Et puis ensuite, il

 27   poursuit : "-- on leur bandait les yeux, on leur donnait de l'eau et

 28   ensuite ils quittaient la salle en question."


Page 41840

  1   Donc vous n'avez, vous, quant à vous, consultez aucun témoignage, aucune

  2   déposition lorsque vous avez inclus cette théorie dans votre rapport de

  3   2012 pour la première fois ?

  4   R.  Non.

  5   M. MITCHELL : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage du

  6   document 25433.

  7   Q.  Et en attendant que ce document ne s'affiche, Monsieur le Professeur,

  8   avant que vous ne tirez la conclusion que cette personne qui avait ce

  9   morceau de tissu dans sa poche essayait de cacher ou de dissimuler le fait

 10   qu'il appartenait à une unité, est-ce que vous avez consulté son rapport

 11   d'autopsie ou plutôt le rapport d'autopsie du correspondant ?

 12   Malheureusement, je ne pense pas qu'il y ait de traduction. Donc je vais

 13   vous donner lecture des passages pertinents, Monsieur le Professeur.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Donc page 26, s'il vous plaît.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

 16   M. MITCHELL : [interprétation]

 17   Q.  Vous voyez qu'il s'agit de rapport d'autopsie. Est-ce que vous pourriez

 18   nous expliquer rapidement, Monsieur le Professeur, ce qu'est une

 19   fluoroscopie ? C'est un genre de radiographie, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui. Oui, oui, c'est une sorte de radiographie qui est effectuée sur

 21   certaines parties du corps, et là, nous avons un exemple de fluoroscopie.

 22   Je ne sais pas d'ailleurs ce que cette image représente. Je pense que c'est

 23   peut-être la poitrine, peut-être, les poumons. Alors ce qui est en plus

 24   foncé avec des bords assez tranchants, cela peut correspondre à une trace

 25   de projectile ou plutôt à une partie d'un projectile qui s'est fiché dans

 26   la poitrine de la personne.

 27   M. MITCHELL : [interprétation] Page suivante, je vous prie.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Voici le projectile en question.


Page 41841

  1   M. MITCHELL : [interprétation]

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  Il s'agit d'une balle de fusil.

  4   Q.  Bien. Est-ce que nous pouvons revenir à la première page, et vous

  5   verrez, Monsieur le Professeur, que la cause du décès de cette personne est

  6   comme suit : blessure provoquée par des tirs, par des balles au niveau du

  7   tronc et de la tête. Vous acceptez cette conclusion, Monsieur le Professeur

  8   ?

  9   R.  Oui, cela peut correspondre. Oui, la cause du décès peut effectivement

 10   être une blessure par balle, alors une blessure au niveau de la tête et du

 11   tronc, mais à une condition, à la condition que la blessure a été infligée

 12   avant la mort. Or, il n'y aucune preuve de cela dans le rapport d'autopsie.

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   R.  Un petit moment, un petit moment. Donnez-moi une petite minute.

 15   Q.  Alors vous voyez qu'il est indiqué :

 16   "Un corps complet et intact bien préservé avec la peau et les tissus mous

 17   qui ont survécu dans la plupart des endroits tout comme les organes

 18   internes."

 19   Donc lorsque vous avez un corps dans cet état de conservation, vous pouvez

 20   je suis sûr déterminer la cause du décès, n'est-ce pas ?

 21   R.  Excusez-moi. Quand est-ce que l'autopsie a été effectuée, est-ce que

 22   vous pourriez me dire ? Est-ce qu'elle a été effectuée le 30 août 2000, ou

 23   plutôt le 22 août 2000 ? Alors, écoutez, je souhaiterais maintenant, je

 24   souhaiterais maintenant, disais-je que vous me montriez où se trouve la

 25   description de la putréfaction des mutations provoquées par la

 26   décomposition pour voir si nous pouvons accepter cela au pied de la lettre

 27   comme cela est indiqué dans le texte. Moi, j'aimerais avoir la preuve. Il

 28   est dit que cette personne était âgée entre 30 et 70 ans. J'aimerais avoir


Page 41842

  1   la preuve. Bon, il est dit que cette personne avait entre 1 mètre 74 et 1

  2   mètre 79, mais il faut qu'il y ait une preuve dans le rapport d'autopsie.

  3   Ensuite je serais en mesure de vous dire si tout cela est exact. Parce que

  4   si quelqu'un est décédé en 1995, à la suite d'une blessure provoquée par

  5   une balle au niveau de la tête et au niveau du tronc ou des poumons ou de

  6   la poitrine, je me demande comment il est possible que cinq années plus

  7   tard, les tissus mous de la personne soient préservés sans qu'il n'y ait de

  8   putréfaction ou de décomposition. Moi, expert, je suis expert en médico-

  9   légal, je n'ai jamais vu ce genre de chose. Il se peut que le corps soit

 10   préservé, qu'il y ait une certaine décomposition. Il se peut aussi que le

 11   corps ait été saponifié ou modifié de façon différente. Vous voyez ce que

 12   je suis en train de vous dire là, vous me suivez.

 13   Q.  Nous allons passer à autre chose. Alors il y a une description qui est

 14   indiquée. Il est indiqué que cet homme avait à l'arrière de la poitrine

 15   donc dans le dos, trois orifices provoqués par des balles. Il y a deux

 16   orifices de sortie devant. Donc il a été -- on lui a tiré dessus dans le

 17   dos, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je pense que nous avons des photos

 20   de ce corps ?

 21   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, j'étais justement sur le point, bon

 22   bref.

 23   Q.  Nous pouvons, Monsieur le Professeur, voir la page 23, et dans le

 24   résumé, il est indiqué :

 25   "Cet homme avait autour de la tête un bandeau qui avait été, qui était un

 26   bandeau fait à partir d'un tissu rose, qui avait été noué derrière la

 27   tête."

 28   Donc vous acceptez que cette personne ait été exécutée parce qu'elle


Page 41843

  1   portait un bandeau, cette personne, cet homme portait un bandeau, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Ecoutez, je ne suis pas véritablement en mesure de marquer mon accord,

  4   parce qu'il faudrait que je voie tous les autres paramètres, s'il s'agit

  5   bien dans un premier temps du même corps pour commencer. Alors

  6   premièrement, il y a quand même une certaine putréfaction qui est visible

  7   là. Deuxièmement, ce bandeau qu'il a au niveau du front pourrait

  8   correspondre à un bandeau qui aurait été placé tout autour de la tête. Et

  9   puis il y a les blessures qui ont été identifiées au niveau de la poitrine

 10   et au niveau de la tête. Ces blessures, elles auraient pu être infligées à

 11   n'importe quel moment. On ne peut pas exclure qu'elles étaient infligées si

 12   la personne a été exécutée au moment de l'exécution. Et le bandeau-là, il

 13   ne couvre que la partie frontale de toute façon.

 14   Q.  Mais je fais appel à votre opinion d'expert, Monsieur le  Professeur,

 15   cette personne, bon, on lui a tiré dans le dos. Il avait un bandeau. Nous

 16   avons vu les balles au niveau du bassin et de la poitrine. Et vous, en tant

 17   qu'expert, vous êtes en train de nous dire que vous n'êtes pas en mesure de

 18   déterminer la cause du décès de cette personne ? Dans un petit moment nous

 19   aborderons la question des morceaux de tissu dans la poche. Mais le fait

 20   est que vous n'êtes pas en mesure de nous indiquer quelle fut la cause du

 21   décès. Vous ne pouvez pas le déterminer cela.

 22   R.  Je ne peux que supposer ce qui a été la cause précise d décès. Alors

 23   d'aucuns pourraient supposer que cela pourrait avoir un lien avec les

 24   blessures au niveau de la poitrine, et au niveau de la tête.

 25   Q.  Fort bien. Je vous ai lu deux extraits de déposition, il s'agit, il

 26   avait été dit donc que les soldats serbes de Bosnie avaient amené un sac où

 27   se trouvaient des morceaux de tissu. Ils avaient amené ce sac à l'école de

 28   Orahovac, et les prisonniers musulmans ont utilisé ces morceaux de tissu


Page 41844

  1   pour se bander les yeux les uns des autres avant d'être exécutés. Donc est-

  2   ce que vous pensez, Monsieur le Professeur, qu'il est plausible que cette

  3   personne qui avait un bandeau qui venait du sac où se trouvaient les

  4   morceaux de tissus amenés par les soldats serbes de Bosnie à l'école

  5   d'Orahovac, fait du même tissu que le bandana islamique qui se trouvait

  6   dans sa poche au moment où on lui a tiré dessus ? Est-ce que vous pensez

  7   que cela est une explication plausible ? Bon, il y avait ce sac où se

  8   trouvaient des morceaux de tissu utilisés pour les bandeaux, et dans sa

  9   poche il se trouve qu'il a un bandana islamique qui est fait exactement du

 10   même tissu ?

 11   R.  Ecoutez, moi je n'en sais rien. Vous savez, il ne m'appartient pas de

 12   le décider, cela. Est-ce qu'il s'agit d'une coïncidence ou non, je n'en

 13   sais rien. Tout simplement, en fait, je ne peux pas vous faire

 14   d'observations à ce sujet. Il se peut que cela soit le cas, certes, mais il

 15   se peut aussi que cela ne soit pas le cas. Vous savez, il y a une

 16   description détaillée des couleurs de ces bandeaux --

 17   Q.  Regardez la page numéro 1 où il est indiqué qu'ils sont identiques, les

 18   morceaux de tissu. Voilà ce que j'aimerais indiquer, Monsieur le

 19   Professeur, c'est une suggestion que je vous présente : il y a une

 20   explication qui est la plus plausible des explications qui permettent de

 21   comprendre ce qui s'est passé. Ce prisonnier a été l'un de ces prisonniers

 22   que j'ai mentionnés un peu plus tôt, c'est lui qui a mis les bandeaux sur

 23   les yeux des autres prisonniers; c'est lui qui a pris dans le sac de tissu

 24   les tissus, il les a pris et en a mis dans sa poche, et puis, au fur et à

 25   mesure, il les mettait sur les yeux des autres prisonniers; et puis,

 26   lorsque son tour est venu, il avait un morceau de tissu dans sa poche. Est-

 27   ce que vous ne pensez pas que ce soit une explication un peu plus évidente

 28   que celle du bandeau islamique, Monsieur le Professeur ?


Page 41845

  1   R.  Ecoutez, c'est très possible. C'est possible. C'est une théorie qui est

  2   effectivement plausible. Je ne peux effectivement pas la réfuter.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Document 1D25488 de la liste 65 ter.

  4   Q.  Il s'agit de votre rapport du mois d'août 2012, Monsieur le Professeur.

  5   M. MITCHELL : [interprétation] Page 26 pour la version anglaise et 22 pour

  6   la version B/C/S.

  7   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur votre déclaration, à savoir que

  8   si des corps sont trouvés revêtus d'habits civils, cela ne signifiait pas

  9   pour autant qu'il s'agissait de civils.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  De nombreux civils au cours de cette période étaient armés et actifs au

 12   sein de la Défense territoriale conformément à la doctrine de l'ex-RSFY,

 13   n'est-ce pas ? Vous voyez cela, ce paragraphe?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Alors, là, il s'agit à nouveau d'une déclaration factuelle, et vous ne

 16   donnez aucune citation de référence, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, il s'agit d'une déclaration factuelle. Vous savez, moi je vivais

 18   là-bas. J'ai fait partie de la protection civile moi-même, j'étais civil.

 19   Et pour ce qui est de la doctrine militaire de la RSFY - d'ailleurs, je

 20   vous dirais que j'avais quand même fait mon service militaire - la doctrine

 21   militaire consistait à indiquer que les civils devaient être prêts en cas

 22   de guerre. Et peut-être que des uniformes ne leur étaient pas données, mais

 23   des armes en tout cas. Je le sais, cela. Je le sais parce que j'ai vécu

 24   cette période-là. Et toute personne qui résidait dans l'une ou l'autre des

 25   anciennes républiques de la Yougoslavie vous le confirmera. Il fallait être

 26   membre de la Défense territoriale, il fallait faire certaines choses, il

 27   fallait savoir certaines choses en tant que membre de la Défense

 28   territoriale, il fallait apprendre certaines choses.


Page 41846

  1   Q.  Monsieur le Professeur, vous avez effectué des autopsies au Kosovo en

  2   1998, et il s'agissait d'autopsies de personnes qui avaient été tuées par

  3   l'Armée de libération du Kosovo à Racak; est-ce bien exact ?

  4   R.  Je pense que vous ne vous êtes peut-être pas tout à fait bien exprimé.

  5   Est-ce que vous pourriez être plus précis ? Oui, j'ai effectué des

  6   autopsies au Kosovo. Des autopsies de personnes qui avaient été tuées par

  7   l'Armée de libération du Kosovo, non, absolument pas. Moi j'ai fait des

  8   autopsies de personnes qui étaient membres justement de l'Armée de

  9   libération du Kosovo et qui s'étaient rebellées contre les forces de police

 10   et les forces militaires légitimes de ce qui était à l'époque la République

 11   de Serbie, ou plutôt, la RFY. J'ai fait ces autopsies, et là vous avez fait

 12   référence à Racak d'ailleurs. Il y avait en tout 40 corps, et je suis

 13   d'ailleurs venu témoigner devant ce Tribunal. Je faisais partie de l'équipe

 14   avec Helena Ranta et avec deux experts médico-légaux de Biélorussie.

 15   Q.  Excusez-moi, Monsieur le Professeur, je faisais référence aux 39

 16   personnes qui avaient été tuées près du lac Radonjic en 1998.

 17   R.  Ah, oui. Ça, c'est quelque chose de tout à fait différent. C'est

 18   l'affaire Haradinaj. Oui, je suis intervenu là-bas. J'ai accompli ces

 19   autopsies.

 20   Q.  Les victimes, dans ce cas-là, portaient des vêtements civils, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Oui.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quand ça vous arrangera, j'aimerais intervenir

 24   au niveau du compte rendu.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous le faire

 26   maintenant.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] En page 86, ligne 3, il semblerait que le

 28   professeur aurait dit que cette théorie était tout à fait plausible. Or, il


Page 41847

  1   a dit fort possible ou probable.

  2   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est tout ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Il a dit possible et non pas plausible.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que cela fasse

  6   beaucoup de différence. Merci, en tout état de cause.

  7   Continuons, je vous prie, Monsieur Mitchell.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que vous ne versez

 10   pas au dossier ce rapport d'autopsie qu'on a vu tout à l'heure ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, j'aimerais le faire. J'ai omis de le

 12   faire, excusez-moi.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le 25433.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] C'est cela. Merci, Monsieur le Président.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas

 16   d'objection pour ce qui est des pages qui ont été utilisées.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera donc versé au dossier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6461.

 19   M. MITCHELL : [interprétation]

 20   Q.  Professeur, ces 39 personnes qui ont été tuées au lac Radonjic,

 21   c'étaient des ressortissants du groupe ethnique serbe et albanais qu'on

 22   avait considérés avoir été abattus par l'UCK; c'est bien cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Voilà ce que vous avez dit au sujet de la signification de ces

 25   vêtements civils dans ce cas de figure. C'est la déclaration que vous avez

 26   faite en juin -- non, en novembre 2001 --

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que c'est au prétoire

 28   électronique, afin que l'on puisse suivre nous aussi ?


Page 41848

  1   M. MITCHELL : [interprétation] Oui. Il s'agit de la pièce 25380 de la liste

  2   65 ter, page 57.

  3   Q.  Juste une petite citation, Professeur. Vous faites part des 39 corps et

  4   vous dites que :

  5   "Tous étaient vêtus de vêtements civils, ce qui pourrait signifier qu'ils

  6   ont été pris chez eux ou aux postes de travail."

  7   Dans cette affaire-là, où les auteurs étaient des membres de l'UCK et

  8   les victimes étaient des civils serbes, c'était une possibilité que d'avoir

  9   vu ces gens être emmenés de chez eux, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. Mais je voudrais entendre votre question pour vous apporter une

 11   réponse plus ample une fois que je saurai à quoi vous faites référence.

 12   Q.  Eh bien, ma question suivante est celle-ci. Vous vous êtes efforcé dans

 13   ce rapport de présenter des allégations disant que les victimes en

 14   vêtements civils pouvaient toujours être des soldats. Donc cette

 15   signification que les vêtements civils pouvaient avoir à vos yeux,

 16   Professeur, ça semble dépendre de l'identité de l'auteur ou de la victime,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Non. Non, car pour ce qui est du cas de figure qui a été évoqué par M.

 19   Karadzic, j'ai dit -- compte tenu de certaines affirmations disant que les

 20   gens étaient vêtus de vêtements civils, j'ai précisé que les vêtements

 21   civils ne signifiaient pas forcément qu'il ne s'agissait pas de soldats.

 22   Parce que selon la doctrine qui était en vigueur à l'époque et d'après les

 23   connaissances qui étaient les miennes en 1991, 1992, lorsque la guerre a

 24   commencé sur le territoire de mon pays, ce sont des choses que je sais.

 25   Ceci, ce qui s'est passé au Kosovo, n'a rien à voir par rapport à ce

 26   que j'ai dit qu'il devait forcément s'agir de civils. Pour ce qui est des

 27   autopsies que j'ai effectuées avec mon équipe, j'ai procédé à des

 28   recherches. Il y a eu une partie investigative [phon] que vous effectuez


Page 41849

  1   sur le site même, autour du site, en compagnie du juge d'instruction. C'est

  2   ainsi que les choses se passaient chez nous, dans mon pays. Et, au final,

  3   on procédait à l'identification. Et je ne parle pas d'exhumation,

  4   d'autopsie et d'identification. Alors, pour ce qui est de ces 39 victimes,

  5   nous savions qui c'était, d'où ces gens avaient été pris, de chez eux, de

  6   leurs maisons ou appartements. Il y avait deux sœurs dont l'une avait 70

  7   ans et l'autre avait 75 ans, enfin, quelque chose de ce genre. C'était des

  8   gens en civil. Ce n'étaient pas des soldats. Tout comme le facteur qui a

  9   été abattu, et lui c'était un facteur en uniforme. Alors, il n'y avait pas

 10   là-bas de formations armées serbes au Kosovo. D'autre part, les formations

 11   armées albanaises, l'UCK, la plupart d'entre eux n'avaient pas eu

 12   d'uniformes du tout. Ce n'est qu'après qu'ils ont commencé à porter des

 13   uniformes. Je vous apporte cette explication pour vous. Je ne fais aucune

 14   distinction en fonction de la structure ethnique. J'ai tiré mes conclusions

 15   partant de ce que j'ai eu l'occasion de voir, d'investiguer et de conclure.

 16   Alors, si vous me dites qu'une femme de 70 ans, il se peut qu'elle

 17   soit un soldat, je dirais que non, ce n'est pas possible. Mais si un homme

 18   de 35 ans en civil -- à côté de Kravica, est-ce qu'il se pouvait qu'il ait

 19   été un soldat, je dirais oui, parce que je savais ce qui se passait en

 20   Bosnie.

 21   Ce sont les informations que vous, vos experts et vos enquêteurs,

 22   avez pu puiser dans les médias, dans les journaux. Je vivais à Belgrade, et

 23   ça, ça se passait à 200 ou 300 kilomètres de Belgrade. Par conséquent,

 24   voilà ce qui arrive…

 25   Q.  Oui, mais vous avez estimé important de veiller à ce que les Juges de

 26   la Chambre dans cette affaire-ci sachent que lorsqu'il y avait des

 27   vêtements civils, ce n'était pas nécessairement vraiment des civils. Et

 28   vous considériez important de le faire savoir.


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  1   R.  C'est ce que je pense, parce que j'ai beaucoup de considération pour ce

  2   Tribunal et ce bureau du Procureur. Il faut que tout un chacun dispose de

  3   la totalité des informations pour pouvoir juger des choses.

  4   Et je sais qu'il y avait une femme qui avait témoigné qu'il avait

  5   péri suite à une grenade, et c'est quelqu'un qui est tombé par explosion

  6   d'une grenade. Or, on considère que c'est une victime des exécutions de

  7   Srebrenica. Je ne conteste pas qu'il y ait eu parmi les victimes des

  8   civils. Je ne le nie pas, mais je dis que pour ce qui est de certains

  9   "civils", il y avait beaucoup de gens qui étaient des militaires.

 10   Bon nombre de vos témoins protégés étaient des civils, mais ils ont

 11   dû rejoindre les rangs de la 203e, 231e ou 281e Brigades qui ont été créées

 12   à Srebrenica. Si maintenant, moi, en ma qualité de civils, on me fait

 13   intégrer les rangs d'une brigade, je ne suis plus un civil, je suis un

 14   soldat. Mais j'ai considéré que par respect pour tout un chacun, je me

 15   devais de préciser cela. Il n'y a pas que des civils qui ont péri en tant

 16   que civils et il n'y a pas que des soldats qui ont péri en tant que

 17   soldats. Et c'est la seule raison pour laquelle je l'ai précisé.

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-être pourrions-nous revenir vers la

 19   pièce 65 ter 1D25488, page 18 en version anglaise et page 16 en B/C/S.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, avant que de le

 21   faire, je demanderais à ce que ce document auquel on vient de faire

 22   référence, c'est-à-dire le rapport relatif au Kosovo, soit versé au dossier

 23   parce qu'on y montre le sexe des victimes qui ont été examinées par le Dr

 24   Dunjic, et ceci corrobore sa réponse. Donc, étant donné qu'il a été fait

 25   référence à ceci, je crois qu'il faudrait quand même que ce soit versé au

 26   dossier.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois aucun problème avec cela,

 28   Monsieur Mitchell. Page 57, avez-vous dit ?


Page 41851

  1   M. MITCHELL : [interprétation] Pas d'objection.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être faudrait-il verser au dossier la

  3   totalité du rapport, parce qu'il s'agit de différents individus, pour qu'on

  4   puisse constater que, parmi eux, il y avait des femmes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais laisser le soin à M. Karadzic de

  6   le faire, si ça l'intéresse, lorsqu'il présentera ses éléments de preuve.

  7   Vous pouvez continuer, Monsieur.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Donc je disais, 1D25488. Page 18 en anglais et page 16 en B/C/S.

 10   Q.  Professeur, à cette page-ci, vous affirmez qu'il y a deux explications

 11   pour ce qui est de savoir pourquoi certains des individus dans les fosses

 12   liées à Srebrenica avaient porté des vêtements divers. La première

 13   hypothèse, c'est qu'ils aient été probablement tués en hiver, avant ou bien

 14   après la chute de Srebrenica en juillet 1995; et l'autre explication, c'est

 15   que le moment du décès à un endroit diffère puisqu'il y a eu des

 16   ensevelissements qui se sont faits à plusieurs reprises. Alors, tout ceci

 17   figure dans vos conclusions, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est exact. Et j'ai vu aussi votre avenant lorsque vous avez entendu

 19   un témoin et lorsque vous avez montré des photos avec des vêtements d'hiver

 20   dessus. C'est M. Lawrence qui avait témoigné à ce moment-là, si je ne

 21   m'abuse. Je ne sais pas vous donner le numéro de l'affaire, la référence du

 22   procès. Mais ce que j'ai rédigé ici, je le maintiens et je l'affirme même

 23   maintenant. Les vêtements d'hiver en période d'été, ça peut être interprété

 24   d'une façon déterminée. Compte tenu des éléments présentés jusqu'à présent,

 25   et je signale aussi que ce sont des faits de Dusan Janc qui nous parlent

 26   des ensevelissements successifs et des moments de décès variés, on a

 27   retrouvé à différents sites des personnes qui ont péri en 1993 ou en 1994,

 28   donc il est logique de penser que quelqu'un qui porte des vêtements d'hiver


Page 41852

  1   -- d'imaginer qu'on était en hiver lorsqu'il a été tué ou lorsqu'il est

  2   mort, et pas en été 1995. C'est une conclusion logique. Ça n'a rien de

  3   tendancieux. Ce n'est qu'étayé par les moments variés de décès et les

  4   changements de moments et de lieux d'ensevelissement. C'est tout ce que je

  5   voulais dire.

  6   Q.  Alors, vous nous avez fourni deux explications. La troisième

  7   explication serait celle de dire que ces gens-là portaient des vêtements

  8   d'hiver en juillet 1995, quand ils ont quitté Srebrenica ? Ce serait une

  9   troisième explication ? Peut-être pourrais-je vous aider en vous rappelant

 10   votre témoignage dans l'affaire Popovic, page du compte rendu 27 876, où

 11   vous avez dit, je cite :

 12   "Je suis conscient du fait que c'étaient des gens qui étaient dehors, qu'il

 13   y avait une guerre qui faisait rage, et il était possible que des gens

 14   aient porté des vêtements d'hiver même l'été."

 15   Alors, vous avez eu connaissance de cette troisième explication, mais vous

 16   ne n'avez pas incluse dans votre rapport, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est ce que j'ai dit; je l'ai dite, la troisième des possibilité. Par

 18   conséquent, en sus de celle-là, il y a les deux autres que je viens de vous

 19   donner.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] Nous avons la pièce 4909, page 10 -- ou

 21   plutôt, page 2, excusez-moi. Est-ce que cette page pourrait être affichée,

 22   je vous prie.

 23   Q.  Monsieur le Professeur, vous allez voir un arrêt sur image d'un film

 24   pris à Potocari le 13 juillet 1995. Vous pouvez voir, n'est-ce pas, qu'il y

 25   a quand même un certain nombre d'hommes qui portent des pulls, des vestes,

 26   et qu'ils ont des chapeaux -- des couvre-chefs sur la tête, n'est-ce pas ?

 27   R.  Voilà. Si vous pouviez -- voilà, c'est ce que je voulais, un

 28   agrandissement. Bon, là, il ne s'agit pas es vêtements d'hiver.


Page 41853

  1   Q.  Ah, il ne s'agit pas de vêtements d'hiver ? Moi, je vois un pull-over

  2   en laine, une veste --

  3   R.  Oui, mais c'est une veste fine. C'est un pull-over très fin. Il s'agit

  4   d'une veste en cuir, d'ailleurs. Bon, et puis l'autre personne porte un

  5   veston -- un costume. Ce ne sont pas des vêtements d'hiver. Moi, je ne sais

  6   pas s'il y a des gens qui portent ce genre de vêtements en plein hiver mais

  7   là, il ne s'agit pas -- enfin, moi, ce que je -- quand je pense vêtements

  8   d'hiver, je pense à des chaussettes en laine, des vestes en laine, des

  9   caleçons. Ça, c'est typique de ce que les gens portent, des chaussettes

 10   tricotées, des chaussettes en laine tricotées, et puis des sous-vêtements,

 11   deux ou trois couches de sous-vêtements sous les vêtements, puis bien

 12   entendu, après, vous avez quand même une veste plutôt épaisse, et puis

 13   [inaudible] manteaux aussi. Voilà ce que vous portez en hiver.

 14   Q.  Mais lorsque vous avez plusieurs couches de vêtements, pour vous, c'est

 15   le signe qu'il fait froid, n'est-ce pas ? C'est ce que vous êtes en train

 16   de nous dire ?

 17   R.  Oui, oui. C'est la coutume en hiver, enfin, il y a quand même des

 18   périodes très froides à la fin de l'automne, pendant l'hiver, au début du

 19   printemps, alors que les gens, quand même, passent pas mal de temps à

 20   l'extérieur.

 21    Q.  Alors, j'ai fait un peu plus tôt référence aux rapports d'autopsie des

 22   40 Albanais du Kosovo qui avaient été tués à Racak, et en l'espèce, les

 23   auteurs présumés sont des membres de la police serbe, n'est-ce pas, enfin,

 24   plus précisément des membres du MUP serbe ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et lorsque vous vous êtes rendu sur les lieux pour effectuer ces 40

 27   autopsies, il vous avait été dit que les victimes pourraient être des

 28   terroristes de l'ALK ou de l'UCK, n'est-ce pas ?


Page 41854

  1   R.  Non, non, ils ne nous ont pas dit ça. Ils nous ont tout simplement dit

  2   que les gens qui avaient été tués étaient des Albanais qui avaient eux-

  3   mêmes précédemment tué deux policiers et qu'ils étaient sur le point

  4   d'arrêter ces personnes qui portaient des vêtements civils. Alors, si vous

  5   me posez des questions à propos des vêtements civils, je peux vous dire

  6   qu'ils avaient tous des vêtements civils. Ceci étant dit, pour ceux qui

  7   vivaient à l'extérieur, en dessous de leurs vêtements civils, ils avaient

  8   des caleçons longs, des bottes, et ils avaient tous des caleçons qui

  9   étaient absolument identiques. Il s'agissait du type de caleçon porté par

 10   les militaires --

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que le document -- le document 25381

 12   de la liste 65 ter pourrait être affiché dans le prétoire électronique,

 13   page 4, plus précisément.

 14   Q.  Monsieur le Professeur, il s'agit de l'une de vos déclarations. C'est

 15   une déclaration que vous avez faite les 29 et 30 novembre 2001. Est-ce que

 16   vous reconnaissez votre signature au bas de la page ?

 17   R.  Oui, oui, tout à fait.

 18   Q.  Voilà ce que vous dites :

 19   "L'après-midi du 19 janvier 1999, j'ai commencé à effectuer les autopsies

 20   après que le juge d'instruction, Danica Marinkovic, me donne ces

 21   informations. Elle nous a dit que nous allions effectuer des autopsies sur

 22   des terroristes de l'ALK qui avaient tué des policiers …"

 23   Donc, vous aviez été informé du fait que ces personnes sur lesquelles vous

 24   alliez effectuer les autopsies, ces personnes que vous alliez autopsier,

 25   étaient des terroristes de l'ALK, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et dans la même déclaration, vous indiquez votre point de vue à propos

 28   des terroristes de l'ALK, vous dites que le fait qu'ils avaient plusieurs


Page 41855

  1   couches de vêtements sur eux, vous dites que cela n'avait rien à voir avec

  2   le froid alors qu'à l'époque, il faisait froid. Et vous avez même ajouté,

  3   je cite :

  4   "Ces caleçons longs et ces pantalons, cela m'a semblé étrange et ça n'avait

  5   rien à voir avec le froid parce que si vous enlevez une couche de

  6   vêtements, alors vous pensez voir une personne différente. Même s'il

  7   faisait froid à l'époque, je me suis dit que ces différentes couches de

  8   pantalons étaient assez étranges et à mon opinion, cela n'avait rien à voir

  9   avec le temps qu'il faisait."

 10   Donc, dans l'affaire Racak, il faisait froid, et là, vous nous dites que

 11   les vêtements d'hiver n'avaient absolument rien à voir avec le froid qui

 12   prévalait; mais à Srebrenica, vous nous dites que, si les gens portent des

 13   vêtements d'hiver, cela ne peut signifier qu'une chose, à savoir qu'il

 14   faisait froid ? Vous avez complètement changé de point de vue en fonction

 15   des affaires, et ce, pour étayer le point de vue qui est le plus favorable

 16   aux auteurs des crimes en question, n'est-ce pas ?

 17   R.  Ça ce n'est pas vrai. Est-ce que vous pourriez trouver la référence où

 18   j'indique que cela n'a rien à voir avec le froid ? A propos de Racak, il y

 19   a quelque chose qui est important. Les civils avaient des caleçons

 20   militaires. Ils portaient des caleçons militaires qui avaient tous été

 21   achetés au même fournisseur, tout comme les bottes d'ailleurs. Et on

 22   pouvait dire qu'ils avaient passé beaucoup de temps à l'extérieur. Ils

 23   avaient tous des vêtements civils alors qu'en fait, c'étaient des membres

 24   de l'ALK. Voilà ce que je dis.

 25   Ne me faites pas dire des choses qui ne sont pas vraies. Et d'ailleurs,

 26   cela, je l'ai dit de façon très, très précise dans ma déclaration pour

 27   cette affaire également. Il y a des personnes qui avaient trois couches de

 28   caleçons et de pantalons, et cela, pour pouvoir supporter le froid.


Page 41856

  1   Toutefois, il y a quand même quelque chose qui est important, ils voulaient

  2   se faire passer pour des civils et c'est depuis l'étranger que l'on leur

  3   envoyait -- ou depuis l'étranger ou ailleurs, d'ailleurs, qu'on leur

  4   envoyait des caleçons, des bottes rembourrées, et cetera, et cetera. Là,

  5   c'est tout à fait différent du cas des gens de Srebrenica qui étaient

  6   recouverts d'autant de couches de vêtements que possible.

  7   La conclusion que j'en ai dégagée de ce fait est qu'il ne s'agissait pas

  8   seulement de civils parce que le port de l'uniforme n'est pas la seule

  9   marque qui permet d'indiquer qu'une personne fait partie de l'armée. En

 10   Bosnie les gens étaient obligés de rallier certaines unités militaires.

 11   Moi, je me suis contenté de faire une remarque à propos du point de vue

 12   exprimé par M. John Clark, à savoir qu'il s'agissait -- il avait dit qu'il

 13   s'agissait tous de civils, et qu'on ne pouvait pas toujours établir le lien

 14   entre les personnes et les conflits et la guerre. Mais il ne s'agissait pas

 15   tous de civils parce que Helena Ranta, avec qui j'ai travaillé dans

 16   l'affaire Racak, m'a dit, "Ce sont tous des civils." Là, je lui ai dit,

 17   "Peut-être que, pour vous, il s'agit tous de civils, mais d'après ce qu'ils

 18   faisaient, ce n'était pas le cas. Alors essayons de déterminer ce qu'il en

 19   est et notre conclusion elle sera en quelque sorte jugée pour ce qui est de

 20   crédibilité par les Juges d'une Chambre."

 21   Si des résidus de poudre de fusil sont retrouvés sur les mains d'une

 22   victime, ce qui fût le cas à Racak, qu'est-ce que cela signifie ? Que la

 23   personne est une victime ou c'est une victime qui a quand même ouvert le

 24   feu précédemment alors qu'elle portait des vêtements civils cette personne.

 25   Donc c'est tout à fait différent comme situation, alors de grâce ne faite

 26   pas d'observation à propos de mon rapport d'expert comme vous le faites.

 27   Moi, j'ai été un expert dans cette affaire, je suis un expert dans cette

 28   affaire, et je sais absolument et parfaitement et pertinemment ce que j'ai


Page 41857

  1   dit à l'époque et ce que je dis maintenant et ce que j'ai écrit maintenant

  2   et à l'époque.

  3   Q.  Alors avant de mettre un terme à l'audience d'aujourd'hui. Nous allons

  4   aborder une autre question car hier vous avez dit que vous n'aviez pas été

  5   en mesure d'examiner certains des objets retrouvés dans les fosses communes

  6   parce qu'ils avaient en quelque sorte disparus. Alors vous avez appris pour

  7   la première fois le 3 juin 2009, que ces objets ne se trouvaient plus là ?

  8   Et cela se trouve à la page du compte rendu d'audience 41 736 de votre

  9   déposition d'hier ?

 10   R.  Ecoutez, si je ne m'abuse, Monsieur Mitchell, je pense que j'ai écrit à

 11   ce sujet justement.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  -- dans l'affaire Vujadin Popovic. A ce moment-là, j'avais reçu le

 14   rapport de M. Zoran Zivanovic.

 15   Q.  Oui, mais hier vous avez dit, à la page 41 736 du compte rendu,

 16   d'audience que vous aviez appris cela le 3 juin 2009 ?

 17   R.  Le 3 juillet 2009, le dites-vous, eh bien, le 3 juillet 2009, le

 18   conseil dans l'affaire Vujadin Popovic. Oui, certes, c'est moi, je l'ai

 19   dit. Effectivement, oui, tout à fait.

 20   Q.  Donc les trois rapports que vous avez rédigés pour l'affaire ou dans

 21   l'affaire Popovic, en avril 2008, sept 2008, et avril 2009, ont tous été

 22   terminés avant que vous n'appreniez que certains de ces objets avaient été

 23   détruits, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Donc si vous avez appris que la première fois que ces objets avaient

 26   été détruits après que vous avez terminé votre rapport, vous n'aviez pas

 27   demandé à inspecter ces objets lorsque vous avez rédigé le rapport, n'est-

 28   ce pas ?


Page 41858

  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Donc nous pouvons convenir vous et moi que vous n'aviez pas étudié ces

  3   objets mais cela n'a pas véritablement été un obstacle ou n'a pas entravé

  4   votre préparation pour ces trois rapports, n'est-ce pas ?

  5   R.  D'une certaine façon, si. Ecoutez, je n'ai même pas -- je ne savais

  6   même pas que certains de ces objets existaient. Ce n'est que lorsque j'ai

  7   appris qu'ils étaient détruits que je me suis rendu compte qu'il y avait

  8   des objets qui s'étaient trouvés là mais ça je ne le savais pas, puis en

  9   plus ils étaient détruits lorsque je l'ai appris. Comme vous pouvez le

 10   constater, nous parlons du 3 juillet 2009, donc c'est la fin quasiment du

 11   procès contre Vujadin Popovic, alors comment j'ai terminé mon rapport ou

 12   mon travail, en tout cas, à la fin du mois d'août 2009, il s'agissait donc

 13   de cet énorme rapport compilé pour M. Karadzic. Donc je me suis dit que

 14   cela devait également être inclus dans ce rapport parce qu'il s'agissait

 15   quasiment du dernier document communiqué par l'Accusation dans l'affaire

 16   Popovic. Bon, tout cela a été présenté de façon consécutive. Bon, moi, j'ai

 17   dû fournir des commentaires un peu au pied levé au fur et à mesure de

 18   l'arrivée des informations. Nous n'avons même pas parlé de l'ADN, des

 19   échantillons d'ADN reçus, des données d'ADN reçues de la part de M. Parsons

 20   pour vérifier les identifications.

 21   Q.  En février 2010 nous avons communiqué une liste de ces objets à M.

 22   Karadzic, et dans la lettre d'accompagnement nous lui indiquons que ces

 23   objets ont été détruits parce que la majorité de ces objets représentaient

 24   un danger potentiel pour la santé parce qu'ils étaient dans un état de

 25   décomposition assez avancée. Bon, vous savez, vous êtes conscient des

 26   difficultés de la conservation des matières biologiques qui sont extraites

 27   d'une fosse, n'est-ce pas, Monsieur le Professeur ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Parce que lorsque vous avez effectué les autopsies sur ces 39 corps du

  2   lac Radonjic, vous avez procédé à des prélèvements d'échantillon de ces

  3   corps, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et vous les avez ramenés lesdits échantillons à Belgrade et vous les

  6   avez placés dans un réfrigérateur à l'Institut médico-légal, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui. Dans mon institut, après avoir reçu l'approbation du juge

  8   d'instruction, Mme Danica Marinkovic, nous avons eu l'autorisation de

  9   prendre ces objets de les emmener dans notre institut et de les conserver

 10   parce que nous ne savions pas ce qui allait se passer entre-temps.

 11   C'étaient des échantillons qu'il fallait que nous conservions pour notre

 12   analyse ADN qui a été effectuée en Espagne et financée d'ailleurs par ce

 13   Tribunal.

 14   Q.  Fort bien, donc le TPY vous a demandé en 2001 d'envoyer les

 15   échantillons à Madrid pour qu'ils y soient examinés. Et lorsque vous avez

 16   ouvert la porte du réfrigérateur, vous avez découvert que les étiquettes

 17   sur huit de ces 39 échantillons avaient disparues et là vous ne saviez pas

 18   en fait -- enfin ce dont il s'agissait, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, ce fût un grand choc.

 20   Q.  Alors ces huit échantillons vous les avez mis à la poubelle ?

 21   R.  Non, nous ne les avons pas mis à la poubelle. Bon, pour certains on

 22   avait pu préserver, conserver leurs numéros puis les autres ont dû être

 23   détruits. Parce que nous n'avons pas pu les utiliser pour notre analyse

 24   parce qu'il y avait vraiment eu -- enfin la décomposition était vraiment

 25   très, très, très avancée. Bon, c'est une erreur que nous avons commis à

 26   l'époque, je l'avoue. Nous les avions mis dans le réfrigérateur, il y a eu

 27   des coupures de courant, donc, entre les coupures de courant, l'humidité

 28   qui s'est vraiment installée, développée dans les sacs, les numéros qui


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  1   avaient été oblitérés, du point de vue professionnel ce fut une erreur que

  2   nous avons faite, parce que nous n'avions pas étiqueté les échantillons de

  3   sang et de tissu. Pour ce qui est des échantillons que nous avons emmenés

  4   en Espagne, c'est moi-même avec un enquêteur du TPIY qui les ai emmenés en

  5   Espagne, et puis là, bon, après un rapport a été fait. C'est vrai, c'est

  6   vrai qu'une erreur a été commise sous ma houlette,  et nous avons fait une

  7   erreur.

  8   Q.  Mais il y a quand même certaines choses qui ont été omises maintenant

  9   dans ce que vous venez de raconter. Les échantillons que vous avez emmenés

 10   en Espagne, ce qui restait des échantillons, ils étaient complètement

 11   contaminés, ils n'ont pas pu être utilisés aux fins d'analyse, ce qui fait

 12   que les corps ont dû être réexhumés, et que de nouveaux échantillons ont

 13   été prélevés, n'est-ce pas ?

 14   R.  Mais quand vous dites comme ça, c'est ce qui semble être le cas, mais

 15   il faudrait que moi j'informe la Chambre. A l'époque, en 2001, lorsque ces

 16   échantillons ont été analysés, il n'a pas pu être possible de procéder à

 17   des analyses ADN sur la putréfaction au niveau des ossements. En fait, les

 18   résultats ont été très mauvais et peu précis. Il n'y avait pas de

 19   méthodologie perfectionnée. Par la suite, ça s'est perfectionné, et même au

 20   laboratoire de l'ICMP à Sarajevo, sans parler de l'Espagne. On n'avait pas

 21   eu d'expérience avec des ossements à ce niveau-là de putréfaction, on parle

 22   de 1998/1999.

 23   Les ossements ont été gardés dans des réfrigérateurs, où il y a eu souvent

 24   des coupures de courant compte tenu de la situation dans laquelle on se

 25   trouvait, et il y a eu des putréfactions, de la pourriture qui s'est faite,

 26   et ça a affecté la qualité des restes, ce qui fait que les méthodes

 27   routinières des analyses d'ADN ne pouvaient pas donner des résultats

 28   fiables. C'est la raison pour laquelle on y a procédé a posteriori, parce


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  1   que les méthodologies se sont améliorées depuis, et vous allez poser la

  2   question à M. Parsons, il vous le dira. Alors, ils ont procédé à des

  3   réexhumations, ils ont pris des échantillonnages pour confirmer certaines

  4   identifications que nous avions effectuées, nous, par des moyens classiques

  5   sans ADN. C'est la raison pour laquelle ça a été fait.

  6   Q.  Oui. Pour finir une dernière question pour aujourd'hui, Professeur.

  7   Hier, en page du compte rendu 21 736, vous avez dit que certains objets ont

  8   été détruits, voire perdus ou mal décrits, et qu'en votre qualité de

  9   professionnel vous considériez que cela était un manque de respect vis-à-

 10   vis de la profession ainsi qu'une attitude négligente à l'égard du Tribunal

 11   et de la Chambre.

 12   Alors Professeur, ne serez-vous pas d'accord avec moi pour dire que partant

 13   de votre expérience personnelle pour ce qui est des difficultés en matière

 14   de stockage de matériel biologique, plutôt que de dire que c'était du

 15   manque de respect ou de la négligence, en fait, il s'agissait de quelque

 16   chose d'approprié que de détruire des objets qui pouvaient porter atteinte

 17   à la santé d'autrui s'il y a une documentation photographique qui se trouve

 18   être appropriée à conserver. Est-ce que vous êtes d'accord ?

 19   R.  Je vais vous répondre tout de suite. Je suis d'accord pour dire qu'il y

 20   a un danger d'infection qu'il convient d'entraver. Mais cela me contraint à

 21   vous informer, en votre qualité de Juge, et vous dire pour telle raison

 22   nous allons détruire un certain nombre de d'objets, mais cela n'influera

 23   pas sur ce que nous avons fait jusqu'à présent et publié jusqu'à présent.

 24   Mais comme ça a été fait, il y a un tiers qui a été détruit et un tiers qui

 25   a été déplacé, et personne n'en savait rien. Alors, quelqu'un vient dire

 26   qu'il a analysé, que peu importait, qu'il y avait un danger pour la santé

 27   publique. Je suis d'accord parce que ceux qui sont intervenus en la matière

 28   savent de quoi il s'agit, mais il faut qu'il y ait un document écrit


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  1   relatif à une décision d'un Procureur ou d'un Juge, je ne sais pas qui est

  2   habilité à prendre la décision, qui dirait : Nous sommes d'accord avec

  3   l'opinion de M. Dunjic, il faut tout détruire. Voilà, c'est tout ce que je

  4   voulais vous dire.

  5   Q.  Bien. Donc nous pouvons être d'accord pour dire que lorsqu'il y a un

  6   péril en matière de santé, il est tout à fait acceptable de détruire un

  7   objet s'il y a des dossiers de documentaires et photographiques de

  8   disponibles, n'est-ce pas ?

  9   R.  En principe, oui.

 10   M. MITCHELL : [interprétation] Nous pouvons nous arrêter là, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   Nous allons reprendre demain matin à 9 heures.

 14   L'audience est levée. La journée a été longue.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   --- L'audience est levée à 14 heures 54 et reprendra le mercredi, 24

 17   juillet 2013, à 9 heures 00.

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