Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 17 décembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  7   Est-ce que le témoin peut faire la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : LJUBISA BEARA [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Beara. Veuillez vous

 13   asseoir.

 14   Bonjour, Monsieur Beara.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il me semble qu'il y a des problèmes

 17   techniques concernant mes écouteurs.

 18   Je pense qu'à présent ça fonctionne. Merci.

 19   Monsieur Beara, bien que vous sachiez très bien ce que je vais vous dire,

 20   je dois attirer votre attention sur une règle qui est dans notre Règlement

 21   de procédure et de preuve. C'est la règle qui est contenue dans les

 22   dispositions de l'article 90(E). Vous pouvez ne pas répondre à des

 23   questions posées par M. Karadzic, M. le Procureur ou même les Juges de la

 24   Chambre si vous croyez que votre réponse pourrait vous incriminer. Et

 25   "incriminer" dans ce contexte veut dire que vous pourriez dire quelque

 26   chose qui pourrait représenter des aveux pour une infraction pénale ou dire

 27   quelque chose qui pourrait présenter des éléments de preuve comme quoi vous

 28   auriez commis une infraction pénale. Pourtant, si vous pensez que cette


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  1   réponse pourrait vous incriminer et si, par conséquent, vous refusez de

  2   répondre, je dois vous dire que le Tribunal a le pouvoir de vous obliger

  3   d'y répondre; mais dans ce cas, le Tribunal s'assurera que votre déposition

  4   faite dans de telles circonstances ne serait pas utilisée dans une autre

  5   affaire contre vous pour n'importe quelle infraction pénale, exception

  6   faite d'infraction pénale du faux témoignage.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris cela, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Beara.

  9   Avant de continuer, j'aimerais que le conseil qui aide M. Beara, de se

 10   présenter.

 11   M. OSTOJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 12   Messieurs les Juges. Je m'appelle John Ostojic, et je représente M. Ljubisa

 13   Beara dans cette affaire.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Ostojic.

 15   Maître Robinson, j'ai été informé avant d'entrer dans le prétoire que M.

 16   Beara n'a pas été informé du fait que le contre-interrogatoire serait

 17   reporté à après les vacances judiciaires.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] J'ai compris cela. J'ai informé son conseil

 19   là-dessus, et je ne sais pas s'il l'avait informé là-dessus. Mais Me

 20   Ostojic en a été informé.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, pour que le Procureur

 22   ait suffisamment de temps pour se préparer pour le contre-interrogatoire,

 23   la Chambre est d'accord pour que votre contre-interrogatoire soit reporté

 24   après les vacances judiciaires. Est-ce que vous avez compris cela ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai compris cela. Me Ostojic m'en a

 26   informé ce matin.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   Vous pouvez commencer, Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  2   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Beara.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  J'attends l'interprétation, et je vous prie de ménager une pause entre

  6   mes questions et vos réponses. Merci d'être venu pour témoigner. Pour que

  7   tout soit consigné au compte rendu, je vais vous poser quelques questions

  8   en anglais et cela vous sera interprété.

  9   R.  [aucune interprétation]

 10   Q.  Excusez-moi, je vais vous poser ces questions en anglais, mais ces

 11   questions vous seront interprétées. Pouvez-vous nous dire quelles étaient

 12   vos fonctions que vous avez exercées durant votre carrière militaire ?

 13   R.  Je vais le faire.

 14   Q.  Allez-y.

 15   R.  J'ai fini l'académie militaire et de la marine en 1962, après quoi j'ai

 16   fait un stage à Split, sur une torpille numéro 11. Ensuite, à Ploce, sur

 17   les bateaux pour déminage. J'étais capitaine d'un navire. Après que cette

 18   division ou ce détachement de déminage ait été démantelé, je me trouvais à

 19   Brijuni dans le Détachement de la garde et de la marine, où j'ai été reçu

 20   au service de sécurité de la JNA. Après quoi, j'ai travaillé à Pula,

 21   ensuite à Split, au sein du groupe du contre-espionnage, ensuite à Boka, en

 22   tant que chef du détachement chargé de la sécurité du 9e Secteur de Kumbor.

 23   Ensuite, encore à Split, en tant qu'agent du service chargé de la sécurité.

 24   Ensuite, adjoint du chef du secteur de sécurité de l'état-major, et ensuite

 25   adjoint du chef chargé de la sécurité du district militaire et de la marine

 26   pour les affaires du contre-renseignement. Et finalement, chef du

 27   département chargé de la sécurité du commandement du district militaire et

 28   de la marine.


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  1   Lorsque - pour ainsi dire - la guerre entre les tribus a commencé en

  2   Bosnie-Herzégovine, je me trouvais à Belgrade. J'étais disponible à

  3   Belgrade puisque le district militaire et de la marine n'existait plus, et

  4   c'est à ce moment-là qu'on m'a envoyé à la VRS, à l'armée de la Republika

  5   Srpska, où je suis devenu chef du secteur chargé de la sécurité au

  6   commandement de l'armée de la Republika Srpska, à l'état-major principal de

  7   la VRS. Et à partir de 1995, ou 1994, je ne me souviens plus exactement de

  8   l'année, j'étais chef de l'administration. L'appellation de

  9   l'administration a été -- cette administration a subi des modifications. Et

 10   à la fin de la guerre, j'étais chef de cette administration et je suis

 11   parti à la retraite de cette administration ou de ce département.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, les interprètes n'ont

 13   pas pu vous suivre. Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire à

 14   partir du moment où vous avez dit qu'en 1994, vous étiez chef de

 15   l'administration.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis venu dans la VRS en novembre 1992 ou

 17   1991. Encore une fois, je ne me souviens pas exactement de la date et de

 18   l'année. J'étais chef du département de la sécurité au sein du secteur

 19   chargé de la sécurité et du renseignement de l'état-major principal de la

 20   VRS. Et à partir de l'année 1994 ou 1995, il ne s'agissait plus du

 21   département mais de l'administration chargée de la sécurité. Et j'ai été

 22   chef de cette administration de la sécurité jusqu'à mon départ à la

 23   retraite, à savoir jusqu'au démantèlement de l'état-major principal, parce

 24   qu'à ce moment-là l'état-major général a été formé. A la tête de cet état-

 25   major général se trouvait le général Pero - je ne souviens pas de son nom

 26   de famille - il se trouvait à Bijeljina. Excusez-moi. Et moi, je suis resté

 27   à Crna Rijeka, où nous avons construit des installations. L'idée était d'y

 28   construire une sorte de hôtel pour les femmes et les enfants des


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  1   combattants péris dans la guerre. Et nous avons construit notre bâtiment de

  2   plusieurs étages, une salle à manger, une cuisine et d'autres choses, mais

  3   cela n'a pas été fini. Moi, je suis parti à la retraite et je ne sais pas

  4   si ce projet a abouti.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu,

  6   Monsieur Karadzic. La Chambre doit faire une pause de dix minutes.

  7   Et je prie M. l'Huissier de suivre les Juges.

  8   --- La pause est prise à 9 heures 16.

  9   --- La pause est terminée à 9 heures 26.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez

 11   continuer.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  S'il vous plaît, dites-nous quelle était votre position au sein de la

 15   VRS en juillet 1995 ?

 16   R.  Je pense que je viens de le dire, j'étais chef de l'administration

 17   chargée de la sécurité au sein de l'état-major principal de la VRS.

 18   Q.  Merci. Est-ce que vous m'avez jamais informé oralement ou par écrit que

 19   les prisonniers de Srebrenica seraient exécutés ou qu'ils étaient exécutés

 20   ?

 21   R.  Monsieur le Président, j'ai reçu ces questions auparavant, ainsi que

 22   mon avocat, Me Ostojic. Me Ostojic m'a dit, m'a donné un conseil en me

 23   disant que pour ce qui est de cette question que j'évoque l'article 90(E),

 24   si c'est possible.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Ostojic, est-ce que vous voudriez

 27   dire quelque chose à cet effet ?

 28   M. OSTOJIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, juste pour


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  1   confirmer que nous avons discuté de cela, et M. Beara ainsi que moi-même

  2   nous voudrions invoquer l'article 90(E) pour ce qui est de cette partie de

  3   sa déposition.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Maître Robinson.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous demandons

  7   que la Chambre oblige le colonel Beara à répondre à cette question et de

  8   lui présenter toute la protection garantie par l'article 90(E), de

  9   l'assurer que la déposition faite dans de telles circonstances ne sera pas

 10   utilisée contre lui pour n'importe quelle infraction pénale à l'exception

 11   faite de l'infraction pénale du faux témoignage.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'Accusation veut faire des

 13   remarques par rapport à cela ?

 14   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, juste de noter que la

 15   référence au procès au pénal éventuel semble ne pas prendre en compte ce

 16   qui se passe à présent l'affaire et l'appel. Et je pense que cela doit être

 17   clarifié, puisque ça enduit en erreur.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, pouvez-vous être plus

 19   concret ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Me Robinson a dit, et je lis dans le compte

 21   rendu, "les protections garanties par l'article 90(E), en l'assurant que la

 22   déposition faite de cette façon ne sera pas utilisée dans d'autres affaires

 23   ultérieures" et pour ce qui est "d'autres affaires ultérieures" ou

 24   "d'autres procès au pénal ou poursuites au pénal," ce n'est pas

 25   l'utilisation du mot "ultérieur" ou par la suite dans de telles

 26   circonstances qui veut dire qu'on ne prend pas en considération le fait que

 27   ce qui est le point qui inquiète le témoin et son avocat.

 28   Donc c'est ce qui est écrit dans cet article, mais dans cet article peut-


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  1   être qu'il n'y a pas d'énumération de cette situation, mais cela peut créer

  2   des malentendus et c'est pour cela que j'ai dit cela.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez ajouter quoi que

  4   ce soit ?

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai cité

  6   directement la disposition de l'article, mais puisque la Chambre d'appel a

  7   décidé dans l'affaire Tolimir que les déclarations faites par le témoin ne

  8   seraient pas utilisées dans l'affaire en appel, donc cette règle doit être

  9   appliquée dans cette affaire aussi.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Rien à ajouter ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous n'avons pas

 12   eu l'intention de faire quoi que ce soit d'autre que de citer à la barre ce

 13   témoin et vu nos autres responsabilités, nous n'avons pas fait une enquête

 14   exhaustive concernant des points juridiques qui pourraient s'appliquer à

 15   des questions soulevées, donc à ce moment nous n'avons rien d'autre à

 16   ajouter, mis à part les commentaires que je viens de faire.

 17   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va faire une pause de 15

 20   minutes.

 21   --- La pause est prise à 9 heures 36.

 22   --- La pause est terminée à 10 heures 32.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va rendre sa décision

 24   suite à la requête du témoin concernant l'article 90(E) par lequel il

 25   s'agit de ne pas répondre à la question de M. Karadzic, est-ce que le

 26   témoin a informé l'accusé des exécutions de prisonniers à Srebrenica.

 27   La Chambre s'est penchée sur les arguments des parties en présence et

 28   a décidé de contraindre le témoin à répondre à la question. La Chambre


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  1   rappelle au témoin les mesures de protection qui lui sont garanties par

  2   l'article 90(E), qui se trouvent être confirmées par la Chambre d'appel

  3   dans l'affaire Tolimir à la date du 13 novembre 2013. Ces mesures de

  4   protection signifient que le témoin  peut être contraint à témoigner dans

  5   cette affaire parce que toute question liée à une auto-incrimination dans

  6   cette procédure ne serait être, de façon collective ou dérivative, utilisée

  7   contre lui dans son propre procès. Cela "ne peut être utilisé de façon ni

  8   directe ni dérivative."

  9   Monsieur Beara, la Chambre vous donne instruction, par conséquent, de

 10   répondre à la question de M. Karadzic. La Chambre convie les parties en

 11   présence et le conseil du témoin à présenter leur position au sujet du fait

 12   de savoir s'il convient de continuer en public ou à huis clos partiel.

 13   Qui est-ce qui va prendre la parole en premier ? Maître Robinson.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Nous demanderions à ce que l'on poursuive en

 15   audience publique, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 17   M. TIEGER : [interprétation] A la lumière du langage utilisé par les Juges

 18   de la Chambre, et ce, en faisant référence à la décision rendue par la

 19   Chambre d'appel, il me semble clair que l'on doive poursuivre à huis clos

 20   partiel pour maintenir un niveau quelconque de contrôle à l'égard de

 21   l'approche à ces questions et aux fins de maintenir les garanties fournies

 22   au témoin et aux fins de se conformer à la formulation et au langage de

 23   l'article 90(E) de façon explicite tels qu'utilisés dans les procédures

 24   ultérieures. Ce qui signifie non pas seulement dans cette institution mais

 25   aussi dans les autres institutions également. Ce contrôle et ces

 26   précautions devront faire en sorte qu'il ne puisse y avoir transmission de

 27   ce genre d'information vers la communauté internationale. C'est une

 28   question tout à fait autre pour ce qui est de la signification relative de


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  1   l'utilisation dérivative par rapport à une utilisation directe. Il nous

  2   semble donc très clairement qu'il conviendrait de poursuive à huis clos

  3   partiel.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ostojic.

  5   M. OSTOJIC: [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

  6   Messieurs les Juges. Nous n'avons pas d'opinion pour ce qui est du fait de

  7   savoir s'il conviendrait de continuer à huis clos partiel ou en audience

  8   publique. Nous faisons confiance aux Juges de la Chambre pour ce qui est de

  9   la prise d'une décision.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Ostojic.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu des arguments présentés par

 13   les parties en présence, la Chambre estime qu'il conviendrait davantage de

 14   continuer à huis clos partiel. La Chambre va donc passer à huis clos

 15   partiel.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 17   partiel, Madame, Messieurs les Juges. 

 18   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, je suppose que vous avez

 20   suivi les propos tenus dans cette procédure. Est-ce que nous devons

 21   demander à M. Karadzic de répéter sa question ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Point n'est nécessaire de le faire. J'ai

 23   compris la question.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez répondre, je vous prie.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon conseil de la Défense et moi-même avons

 26   demandé ces mesures de protection en application du 90(E) parce que nous

 27   avons estimé que la question était auto-incriminante pour moi. Si je vous

 28   dis que je n'ai pas informé M. Karadzic, ça aurait voulu dire que j'avais


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  1   eu connaissance des choses et que je ne l'ai pas informé. Si je dis que je

  2   ne l'ai pas informé, on en revient au même. Je le savais peut-être, mais je

  3   le dissimulais.

  4   Cependant, à l'occasion du procès diligenté contre notre groupe à

  5   nous, on s'est procurés un document où il est clairement dit que M.

  6   Karadzic devait forcément être informé de ce qui se passait à Srebrenica et

  7   autour de Srebrenica. Si nécessaire, je peux vous dire quel est le document

  8   en question, Madame, Messieurs les Juges.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux poser ma question une fois

 10   de plus ? Parce que je n'ai pas obtenu de réponse, en réalité.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez reposer votre question, je vous

 12   prie.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  La question était celle de savoir si vous m'avez informé à quel que

 15   moment que ce soit, de façon orale ou écrite, du fait que des prisonniers

 16   originaires de Srebrenica seraient exécutés, qu'ils étaient en train d'être

 17   exécutés ou qu'ils avaient déjà été 

 18   exécutés ?

 19   R.  Je peux répondre ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] On en vient à la même chose. Comment puis-je

 22   vous informer ? Parce qu'en application des règles de subordination, ça n'a

 23   pas été possible de quelle que façon que ce soit. Si j'avais su la chose et

 24   si je ne vous avais pas informé, pourquoi ne vous ai-je pas informé ? Et

 25   quand bien même vous aurais-je informé, je ne pouvais pas le faire, parce

 26   que dans la filière de subordination je n'ai aucun lien avec vous quel

 27   qu'il soit. Et ça, vous le saviez. Pourquoi me posez-vous cette question

 28   maintenant ?


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  On y arrivera. Je vous demande de répondre à mes cinq questions et on

  3   poursuivra.

  4   Alors, s'il vous plaît. La question suivante : est-ce que nous nous

  5   sommes entretenus à quel que moment que ce soit pendant la 

  6   guerre ?

  7   R.  Enfin, c'était il y a longtemps. Je sais que je vous ai vu à plusieurs

  8   reprises. Est-ce qu'on s'est entretenus, là encore, la règle de la

  9   subordination est en vigueur. J'étais loin de vous, ou vous, vous étiez

 10   loin de moi. Donc, nous ne nous sommes pas entretenus. Oui, je vous ai vu,

 11   je ne parle pas de la télévision, je vous ai vu en vrai. Je ne sais pas si

 12   vous m'avez remarqué. Ça, je ne le sais pas.

 13   Q.  Merci. Pendant la guerre, avez-vous jamais été l'auteur d'un document

 14   quelconque de la VRS ou auriez-vous lu un document de la VRS au sujet des

 15   prisonniers de Srebrenica --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Excusez-moi de vous

 17   interrompre. Je me demande si nous devons répéter les questions à huis clos

 18   partiel. Parce qu'à chaque fois qu'on évoque le 90(E), nous passons à huis

 19   clos partiel.

 20   Est-ce que je peux entendre les parties ou M. Ostojic ?

 21   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 22   Messieurs les Juges. S'agissant de la question numéro cinq, je pense que

 23   nous allons évoquer l'article 90(E). Pour ce qui est de la question

 24   précédente, nous ne l'avions pas demandé, ce qui fait que je ne me suis pas

 25   levé. Mais lorsque l'on en viendra à la question numéro cinq, qui n'a pas

 26   encore été évoquée, je crois que M. Beara et moi avions convenu d'évoquer

 27   l'article 90(E), mais c'est pour la cinquième question.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.


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  1   Veuillez répéter votre question, Monsieur Karadzic.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je ne sais

  3   pas si ceci répond aux préoccupations des Juges de la Chambre, mais lorsque

  4   la Chambre a évoqué cette question, il s'est agi de façon évidente d'un

  5   point de procédure. On s'attendrait à ce que la question soit posée en

  6   audience publique, et si le témoin évoque l'article en question, il

  7   dépendra des circonstances données le fait de savoir si on va passer à huis

  8   clos partiel.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   M. TIEGER : [interprétation] La Défense a mis l'accent sur la nécessité de

 11   faire les choses en audience publique, et indépendamment de ceci, j'estime

 12   que l'on s'attendrait normalement de voir la procédure se passer en

 13   audience publique. Et la Chambre a justement suggéré de s'en tenir aux

 14   attentes conventionnelles.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Nous allons passer en audience

 16   publique, répéter la question numéro quatre, et on passera à la question

 17   numéro cinq. A moins qu'il n'y ait des objections, nous allons retourner

 18   maintenant en audience publique.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer en audience

 22   publique.

 23   Monsieur Karadzic, posez votre question suivante.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Nous sommes-nous jamais entretenus l'un avec l'autre pendant la guerre

 26   ?

 27   R.  Comme je l'ai déjà dit, on s'est vus -- enfin, plutôt, moi, je vous ai

 28   vu à plusieurs reprises, mais je pense que nous ne nous sommes jamais


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  1   entretenus.

  2   Q.  Merci. Pendant la guerre, auriez-vous été jamais auteur d'un document

  3   quelconque de la VRS ou auriez-vous lu un document de la VRS où il serait

  4   consigné le fait que les prisonniers de Srebrenica seraient exécutés, que

  5   leur exécution serait en cours ou qu'ils se trouvaient être déjà exécutés ?

  6   R.  Ça, c'est une question qui tomberait sous la coupe de l'article 90(E) ?

  7   Et je crois que la même chose s'applique ici tout comme pour ce qui est de

  8   la question précédente ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. La Chambre va alors passer à

 10   huis clos partiel.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 12   partiel, Madame, Messieurs les Juges.

 13   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, la Chambre vous

 15   contraint à répondre à cette question, comme tout à l'heure, avec les

 16   mesures de protection telles que prévues par le Règlement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

 18   Brièvement, je dirais non. Parce que si un document quelconque de ce genre

 19   existait, il aurait fait surface. Je crois que le Procureur s'est procuré

 20   toutes espèces de documents, ordres, plannings, et cetera. Par conséquent,

 21   je réponds que je n'ai pas rédigé d'ordre de ce genre, je n'ai pas vu non

 22   plus un ordre de ce genre sous forme écrite et pas plus que verbale. Je

 23   n'ai jamais entendu dire que quelqu'un aurait verbalement donné un ordre en

 24   ce sens. C'est tout ce que je pourrais vous dire, Madame, Messieurs les

 25   Juges.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   Nous allons retourner maintenant en audience publique.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,


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  1   Madame, Messieurs les Juges.

  2   [Audience publique]

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Merci, Colonel.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions à lui poser,

  6   Excellences.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

  8   voudrais demander à ce que les réponses que l'on a pu entendre à huis clos

  9   partiel soient classifiées comme étant des réponses publiques à la lumière

 10   de la réponse faite par le témoin. Parce qu'à la lumière de ses réponses,

 11   il n'y a rien de nature à l'incriminer ou à l'exposer à quelle que forme

 12   que ce soit de poursuite au pénal. Et, en résultante, j'estime qu'il serait

 13   dans l'intérêt de la justice et de cette procédure de rendre tout ceci

 14   public. Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger ou Madame Pack, est-ce

 16   que vous avez des observations à formuler ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, juste pour faire remarquer que Me

 18   Robinson a présenté la possibilité en tant que telle, je ne pense pas qu'il

 19   soit nécessaire de tirer des conclusions de façon prématurée pour ce qui

 20   est d'une utilisation éventuelle qui pourrait être faite de ses réponses.

 21   Et je pense qu'il n'y a que les Juges de la Chambre à pouvoir trancher avec

 22   une certitude absolue, et je crois qu'il faudrait faire un scrutin très,

 23   très méticuleux de ce qui a été consigné avant et que nous ne sommes pas en

 24   mesure de faire à présent.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais pour aller plus loin que ceci,

 26   Monsieur Tieger, n'est-il pas vrai de dire que cela devrait être réexaminé

 27   à la fin du contre-interrogatoire et compte tenu des réponses qui seront

 28   apportées ?


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  1   M. TIEGER : [interprétation] C'est un très bon point que vous venez de

  2   soulever, Monsieur le Juge.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ostojic.

  4   M. OSTOJIC : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Nous

  5   n'avons rien à ajouter en ce moment.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, on se penchera sur la question

  7   lorsque le contre-interrogatoire aura été effectué.

  8   Est-ce que nous savons quand est-ce qu'il y aura contre-interrogatoire de

  9   ce témoin ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons

 11   convenu de procéder au contre-interrogatoire à la date du 22 janvier si

 12   tant est que cela arrange les Juges de la Chambre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le 22, vous dites. Bon. Nous allons

 14   alors poursuivre avec le contre-interrogatoire de M. Beara à la date du 22

 15   janvier.

 16   Monsieur Beara, au nom des Juges de la Chambre, je tiens à vous remercier

 17   de l'assistance que vous avez fournie.

 18   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va maintenant faire une

 20   pause, disons, 20 minutes -- est-ce que 20 minutes nous suffiraient pour la

 21   pause ?

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

 


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  1  (expurgé)

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va voir comment les choses vont

  3   évoluer. Nous allons maintenant faire une pause.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 51.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   --- L'audience est reprise à 11 heures 16.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Stakic.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 10   Messieurs les Juges. Bonjour au Procureur, à M. Karadzic et son équipe de

 11   la Défense. 

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je note aussi la présence de M. Ostojic

 13   qui est là pour représenter les intérêts de M. Stakic. Même si le témoin

 14   est présent, je voudrais m'occuper de trois choses. Je vous demande un

 15   petit instant, Monsieur Stakic.

 16   Tout d'abord, nous allons aborder la requête où l'accusé a, par mesure de

 17   précaution, fait un avertissement en vertu de l'article 94 bis concernant

 18   Marko Sladojevic. Nous avons entendu des arguments à ce sujet hier. Tous

 19   les Juges de la Chambre considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'attendre

 20   la traduction anglaise de ces documents. Et pour conclure, la Chambre ne

 21   considère pas que l'on peut comparer M. Sladojevic avec les témoins du

 22   Procureur, Jean-René Ruez et Dean Manning qui ont tous les deux participé

 23   aux enquêtes sur le terrain, aux exhumations et qui ont déposé en tant que

 24   témoins de faits par rapport à ce qu'ils ont vu à l'époque. Ils ont parlé

 25   aussi de la façon dont le Procureur a recueilli ses moyens de preuve. Les

 26   Juges se rappellent aussi que Mme Hanson, et ensuite M. Nielsen ont déposé

 27   en tant que témoins experts, et, pour cela, la comparaison avec M.

 28   Sladojevic ne tient pas la route. De plus, la Chambre considère que M.


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  1   Sladojevic dans son rapport a fait une sorte d'analyse qui relève

  2   typiquement des mémoires de fin de procès ou bien des plaidoiries et

  3   réquisitoires. La Chambre considère que cela ne l'aiderait pas que de

  4   recevoir ce type de documents compilés d'un membre d'équipe d'une des

  5   parties et qu'il s'agit de verser ceci au dossier. C'est pour cela que nous

  6   n'allons pas accepter que M. Sladojevic témoigne en tant que témoin et nous

  7   n'allons pas verser son étude, "Ainsi parlait Radovan Karadzic."

  8   Ensuite, la Chambre a reçu une requête demandant la déposition orale durant

  9   l'audience consacrée à la peine. Dans cette demande, l'accusé demande que

 10   la Chambre reçoive une déposition orale pendant l'audience consacrée à la

 11   peine et que ceci devrait être entendu à la fin des audiences. La Chambre

 12   rappelle que pendant la Conférence de mise en état du 3 septembre 2012, la

 13   Chambre a rappelé à la Défense que la Défense doit dans sa liste 65 ter

 14   identifier tous les témoins qu'elle a l'intention de citer, y compris les

 15   témoins portant sur la sentence. Dans sa "Décision concernant le temps

 16   alloué à l'accusé pour la présentation de ses moyens de preuve", qui date

 17   du 19 septembre 2012, la Chambre a clairement indiqué que les 300 heures

 18   initialement accordées à l'accusé seront consacrées à l'interrogatoire

 19   principal et l'interrogatoire supplémentaire de tous ses témoins. Donc,

 20   c'est la position de la Chambre qui reste inchangée, et nous n'allons pas

 21   accorder de temps supplémentaire à l'accusé pour présenter des éléments

 22   oralement par rapport au prononcé de la peine.

 23   L'accusé doit décider comment il va répartir le temps qui lui reste pour

 24   présenter ses témoins, y compris les témoins sur la sentence. La Chambre ne

 25   va pas se mêler à cette décision. Cependant, tout moyen de preuve relatif à

 26   la sentence doit être présenté avant la fin des moyens de preuve de la

 27   Défense et dans le cadre des 325 heures allouées à la Défense.

 28   Troisièmement, la Chambre va donner sa décision orale sur la "Requête de


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  1   Mladic demandant d'avoir accès aux enregistrements du procès Karadzic", qui

  2   a été soumise de façon confidentielle par la Défense, l'équipe de Mladic,

  3   le 16 décembre 2013. Dans cette requête, la Défense Mladic demande l'accès

  4   à tous les enregistrements de procès de l'affaire Karadzic, et en ayant à

  5   l'esprit qu'elle a déjà eu accès aux transcripts des sessions qui se sont

  6   tenues à huis clos ou à huis clos partiel.

  7   La Chambre rappelle que le 16 décembre 2013, le conseil de l'accusé a

  8   informé à la Chambre par courriel qu'il n'allait pas répondre à cette

  9   requête. La Chambre n'a pas entendu le Procureur ou le Greffe, mais elle

 10   peut tout de même donner sa décision oralement, surtout en vue du

 11   paragraphe 6 de la requête dans lequel la Défense Mladic relate la

 12   discussion qu'elle a eue avec le Greffe par rapport à ce sujet.

 13   Comme il a été dit par la Défense de Mladic, la Chambre se rappelle

 14   que le 8 novembre 2012, la Chambre a donné sa décision par laquelle elle

 15   permettait à Mladic - en vertu des articles 54, 70 et 75 - d'avoir accès à

 16   tous les transcripts des sessions tenues à huis clos et huis clos partiel

 17   de cette affaire qui ne tombent pas sous l'article 70 ou des communications

 18   retardées qui ont été produites au cours de la procédure préalable au

 19   procès ou pendant le procès. Vu l'accès que la Défense de Mladic a déjà aux

 20   informations découlant de cette affaire, la Chambre va faire droit à la

 21   demande, et ceci, en vertu des mêmes articles. La Chambre rappelle à la

 22   Défense de Mladic et les parties en l'espèce, ainsi que le Greffe, que ces

 23   parties du paragraphe 20 de la décision concernant l'accès du 8 novembre

 24   2012, qui s'appliquent aux transcripts de la procédure, s'appliquent aussi

 25   mutatis mutandis aux enregistrements audio.

 26   Finalement, la Chambre rappelle que la Défense Mladic a fait cette requête

 27   de façon confidentielle. Elle ne voit pas de raison pour la garder

 28   confidentielle et demande au Greffe de la rendre publique. Nous demandons


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  1   au Greffe de communiquer cette décision à la Défense Mladic.

  2   Après avoir lu ces décisions, je vais demander à M. Karadzic de procéder.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   LE TÉMOIN : MILOMIR STAKIC [Reprise]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Stakic.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Il me reste, Monsieur Stakic, à vous donner lecture du résumé de votre

 10   déclaration en anglais, et ensuite c'est le Procureur qui va vous poser des

 11   questions.

 12   M. Milomir Stakic a figuré sur la liste du SDS dans le cadre des premières

 13   élections multipartites en Bosnie-Herzégovine en tant qu'un candidat

 14   indépendant. Le 18 novembre 1990, il a été élu député dans l'assemblée

 15   municipale de Prijedor, et le 4 janvier 1991, il a été nommé vice-président

 16   de l'assemblée. Il a tenu le poste du président de l'assemblée du peuple

 17   serbe de la municipalité de Prijedor, du président de la municipalité de

 18   Prijedor et du président de la cellule de Crise de la municipalité de

 19   Prijedor.

 20   Après les élections multipartites en Bosnie-Herzégovine en 1990, les

 21   autorités à Prijedor comptaient parmi ses membres les membres du SDA, SDS

 22   et du HDZ, conformément avec un accord convenu au niveau de la république.

 23   Le 4 janvier 1991, la nouvelle assemblée municipale multipartite de

 24   Prijedor a été constituée.

 25   Au mois de septembre 1991, la Défense territoriale et la 5e Brigade de

 26   Kozara ont été mobilisées. Ceci a causé une grande division parmi le

 27   peuple, car les Serbes ont répondu à l'appel à la mobilisation alors que

 28   les Musulmans ont évité en masse de répondre à cette obligation. Quand le


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  1   SDA a commencé à appeler les Musulmans à ne pas se rendre, à ne pas aller à

  2   l'armée, eh bien, cette division est devenue de plus en plus claire.

  3   Il y a eu de plus en plus de réfugiés après le début du conflit en

  4   Croatie. C'étaient les réfugiés serbes. Cet afflux des réfugiés a causé de

  5   graves problèmes économiques, mais aussi des perturbations parmi les

  6   habitants de Prijedor par rapport aux événements et à cause des événements

  7   qui se sont déroulés pendant la Deuxième Guerre mondiale qui ont causé de

  8   grandes souffrances du peuple serbe.

  9   A partir de l'automne 1991, il y a eu de plus en plus des rumeurs

 10   concernant l'armement illégal des Musulmans, alors qu'on avait déjà parlé

 11   de la Ligue patriotique et des Bérets verts. Au cours de l'automne, le SDS

 12   a continué avoir des contacts avec le SDA et le HDZ, et ceci, au niveau des

 13   partis et au niveau des organes dans lesquels ils travaillaient côte à

 14   côte. Cependant, les tensions croissantes ont mené à la création de

 15   l'assemblée municipale serbe de Prijedor et de la cellule de Crise du SDS

 16   de Prijedor, et ceci, le 7 janvier 1992. La mission principale de la

 17   cellule de Crise de Prijedor était de suivre la situation et les événements

 18   à Prijedor et aux alentours de Prijedor, des événements importants pour la

 19   vie des citoyens.

 20   Le 17 janvier 1992, une décision a été prise par laquelle Prijedor

 21   devait rejoindre la Région autonome de la Krajina puisque Banja Luka était

 22   un centre vers lequel Prijedor gravitait économiquement et politiquement.

 23   Les municipalités n'ont jamais pensé que la RAK était un organe que

 24   devaient respecter à la lettre les autorités municipales.

 25   Le 30 avril, M. Stakic a appris de Simo Miskovic qu'Alija

 26   Delimustafic avait donné l'ordre au MUP de commencer les opérations de

 27   combat. Vu les circonstances, il a été décidé qu'il fallait prendre le

 28   contrôle de la ville et que ceci devait être fait rapidement pour éviter


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  1   l'effusion de sang. Tout a été accompli sans qu'une seule balle n'ait été

  2   tirée, et aucun habitant n'a été tué ou blessé.

  3   L'objectif principal des autorités de Prijedor était de maintenir la

  4   paix et d'éviter le conflit armé. Cependant, déjà au début du mois de mai

  5   1992, un policier serbe a été tué. Cependant, les membres de la famille du

  6   policier tué ont décidé de se venger et ils ont tué quatre Musulmans. A

  7   cause de cela, on a introduit le couvre-feu et on a demandé que l'on rende

  8   les armes détenues illégalement. Cet appel concernait aussi le peuple

  9   serbe.

 10   La prochaine attaque a eu lieu à Hambarine le 22 mai 1992. Deux jours

 11   plus tard, le 24 mai 1992, une colonne de l'armée a été attaquée sur la

 12   route Banja Luka-Prijedor, dans la direction de Kozarac. Le 30 mai 1992,

 13   des membres des forces musulmanes ont mené à bien une attaque organisée,

 14   concentrée et simultanée sur Prijedor, qui a été repoussée avec succès.

 15   Pendant le combat à Kozarac, un grand groupe de civils est apparu,

 16   ils marchaient en direction de la ville. L'armée les a laissés passer. A

 17   cause d'un grand nombre de civils dans la ville, il a été décidé qu'il

 18   fallait les envoyer à Trnopolje.

 19   La population a commencé à quitter Prijedor déjà au mois de février

 20   et au mois de mars 1992. Les raisons principales de quitter Prijedor

 21   étaient les accrochages permanents, le manque d'électricité, d'eau, et de

 22   denrées de base. Même après que l'on ait dispersé les forces musulmanes

 23   dans le territoire de Prijedor, il restait des petits groupes et des gros

 24   groupes qui ont continué à entrer dans les accrochages avec les membres de

 25   la VRS, et ceci, de façon permanente, et avec la police. Cependant, les

 26   Musulmans et les Croates ont continué à vivre sur le territoire de Prijedor

 27   pendant toute la guerre. Il n'a jamais été le plan des autorités

 28   municipales de Prijedor de devenir une municipalité contenant un seul


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  1   groupe ethnique.

  2   M. Stakic a rencontré M. Karadzic à plusieurs reprises pendant la

  3   guerre. Il ne l'a jamais entendu prôner la déportation des Musulmans et des

  4   Croates ou la création d'un Etat serbe exclusivement serbe.

  5   C'était le résumé, donc, de la déposition de M. Stakic.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Stakic, comme vous avez pu le

  7   remarquer, votre déposition en l'espèce a été versée au dossier par le

  8   biais de votre déposition écrite. Maintenant, vous allez être contre

  9   interrogé par le bureau du Procureur. J'espère que vous m'avez compris ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous ai compris.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 13   tout le monde.

 14   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :

 15   Q.  [interprétation] Et bonjour, Monsieur Stakic.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Docteur Stakic, dans votre déclaration, vous reconnaissez qu'à l'époque

 18   vous étiez au courant de deux crimes les plus graves commis par la police

 19   des Serbes de Bosnie et par les forces de l'armée des Serbes de Bosnie

 20   contre la population non-serbe à Prijedor. Le premier, c'était le massacre

 21   d'une douzaine de détenus  de Keraterm. Ce massacre a été l'œuvre de

 22   l'armée. Et c'est quelque chose qui figure au paragraphe 24 de votre

 23   déclaration. Ensuite, nous avons le massacre des Musulmans, et cette fois-

 24   ci c'est l'œuvre des policiers. Il s'agit de Musulmans qui étaient en train

 25   de quitter Prijedor dans un convoi, et ce massacre a eu lieu à Koricanske

 26   Stijene. Ceci figure au paragraphe 30.

 27   Il y avait des choses que vous saviez à l'époque, maintenant vous

 28   avez appris d'autres informations, n'est-ce pas, et aujourd'hui on sait,


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  1   n'est-ce pas, que la police et l'armée ont commis bien plus de crimes

  2   contre les Musulmans et les Croates à Prijedor en 1992. Ils ont placé en

  3   détention des milliers de personnes dans des conditions absolument

  4   déplorables, où ils étaient soumis à la torture, au mauvais traitement, et

  5   ils ont tué des centaines et centaines de personnes, ils ont détruit leurs

  6   biens. Et vous le savez, n'est-ce pas ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] On a parlé "des centaines et des centaines",

  8   alors qu'on a traduit cela par "milliers et milliers".

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, si cela change quoi que ce

 10   soit, je veux bien qu'on le corrige. On peut poursuivre.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 13   Q.  Oui, bien sûr.

 14   R.  Quand j'ai fait ma déclaration à l'équipe de la Défense de M. Karadzic,

 15   ce que j'ai dit, je l'ai dit sur la base des informations que j'avais à

 16   l'époque, car à l'époque il s'agissait de deux événements terribles. Ils ne

 17   sont pas moins terribles que les autres, mais ils étaient terribles parce

 18   que tout le monde était au courant, tous les citoyens de Prijedor. Ils ont

 19   tous entendu parler de cela. Pas seulement moi en tant que président de

 20   l'assemblée municipale. Vous savez que j'ai été jugé au cours de mon

 21   procès, et puis, d'ailleurs, depuis - même si je suis en prison et si je

 22   n'ai pas vraiment beaucoup d'information venue du terrain - mais au cours

 23   de mon procès, j'ai appris de nombreux autres crimes qui ont été commis,

 24   malheureusement, sur le territoire de la municipalité de Prijedor. Et je

 25   suis d'accord avec ce qui est écrit dans les parties du jugement et de

 26   l'arrêt concernant ces crimes.

 27   Et je dois dire tout de suite que moi-même et ma Défense, d'ailleurs, au

 28   cours du procès - donc, dans le procès me concernant - à aucun moment nous


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  1   n'avons tenté de nier ou de donner une moindre importance à ces crimes.

  2   Nous avons tout simplement essayé de démontrer que ce n'était pas moi qui

  3   prenais toutes les décisions, qui décidais de tout. Je suis d'accord avec

  4   le constat de la Chambre de première instance dans le paragraphe 616, le

  5   premier tome. Mais je ne suis pas d'accord avec les parties où on dit que

  6   moi, j'étais celui qui était le principal responsable de ces crimes.

  7   Et puis, je profiterais de l'occasion que vous me donnez pour vous dire que

  8   je suis profondément désolé, je l'ai déjà dit pendant mon procès, je le

  9   répète, donc, des regrets profonds pour tout le mal qui a été fait à mes

 10   concitoyens à l'époque.

 11   Q.  Merci, Docteur Stakic. Je vous remercie de votre réponse, mais elle n'a

 12   pas été très directe. Donc, vous êtes d'accord avec ce que je venais de

 13   dire, avec le résumé des événements à Prijedor en 1992, la police et

 14   l'armée ont commis des crimes de masse contre les Musulmans et les Croates

 15   de Prijedor, il y a eu des mises en détention, la torture, du mauvais

 16   traitement et des meurtres; est-ce exact ?

 17   R.  Eh bien, je pense que j'ai répondu à votre question, -- c'est un peu

 18   plus -- vous y allez un peu plus dans le détail, mais oui, évidemment. Les

 19   deux crimes que j'ai mentionnés, ce sont les deux crimes les plus

 20   frappants, mais tous les autres sont tout aussi terrifiants, tout aussi

 21   terribles, cruels et je ne peux que réitérer mes regrets pour ce qui s'est

 22   passé. Mais à l'époque, je n'étais vraiment pas au courant de tout cela. Je

 23   n'étais pas au courant de tous ces crimes qui étaient en train de se

 24   produire.

 25   Q.  Merci. Dans le paragraphe 16 de votre déclaration, vous, vous avez

 26   décrit la date du 30 avril 1992. Vous avez dit que c'était le jour où le

 27   SDS a pris le contrôle de Prijedor et que c'était une réaction à la

 28   télécopie envoyée par Delimustafic datée du 29 avril 1992. Et dans le


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  1   paragraphe 33, vous niez tout cela, que cette prise de contrôle avait été

  2   préparée à l'avance déjà le 1er mai 1992. Le fait est, Docteur Stakic, que

  3   le SDS avait planifié la prise de contrôle de Prijedor bien avant le 29

  4   avril et ce qui s'est passé le 29 avril n'était qu'un accélérateur, quelque

  5   chose qui a précipité la prise de contrôle, rien d'autre ?

  6   R.  Ecoutez, à l'époque, je ne disposais pas de telles informations, donc

  7   je ne savais pas que le SDS planifiait de prendre le pouvoir.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir le document D1830.

  9   Q.  Et vous pouvez bien le voir, Monsieur Stakic, là, il s'agit donc du

 10   procès-verbal du conseil municipal de Prijedor en date du 23 avril 1992, et

 11   tout à fait en bas de la page, vous pouvez lire "on a décidé de commencer à

 12   travailler immédiatement sur la prise de contrôle en coordination avec la

 13   JNA, tout de même."

 14   Donc, ici, on voit bien que le SDS était en train de planifier ou

 15   avait planifié la prise de contrôle de la municipalité bien avant la

 16   télécopie du 29 avril ?

 17   R.  Oui, je le vois. Mais regardez le document tout entier, s'il vous

 18   plaît. Parce qu'au départ, on parle des personnes qui ont pris part à la

 19   discussion et mon nom n'y figure pas. Je ne peux pas vraiment affirmer ma

 20   présence, parce que je n'ai pas toujours assisté à toutes les sessions.

 21   Mais ici, on ne voit pas mon nom, donc on ne voit pas que j'ai assisté. Et

 22   vous savez, les gens proposaient vraiment tous genres de solutions, parce

 23   que j'ai trouvé un autre document et un autre procès-verbal de la même

 24   session. Donc, c'est un document un peu plus détaillé. C'est le document

 25   P0041716 et 0041719. M. Simo Drljaca déclare :

 26   "Aujourd'hui, on a dit dans la caserne à moi-même et à Simo Miskovic

 27   que nous allons être arrêtés."

 28   Alors, si on me menace, je ne vois pas comment ils peuvent coopérer,


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  1   alors.

  2   Dans ce cas, eh bien, je vous dis quelle est ma position. Moi, je

  3   n'étais pas au courant de cela. Je n'ai pas eu l'impression qu'on allait

  4   prendre le pouvoir à Prijedor. Et dans le paragraphe 16, j'ai  dit

  5   clairement que le 29 avril, j'ai été à mon travail régulier, j'ai été vice-

  6   président de l'assemblée municipale. J'y ai travaillé jusqu'à 15 heures

  7   [comme interprété], et ensuite je suis rentré chez moi.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir le document 65 ter

  9   05787, s'il vous plaît.

 10   Q.  Et en attendant cela, Docteur Stakic, je vois que vous avez votre

 11   déclaration et puis d'autres documents. Donc, vous pouvez, bien sûr, faire

 12   référence à votre déclaration préalable, mais si vous voulez aussi vous

 13   référer à d'autres documents, eh bien, il faut nous le dire auparavant.

 14   R.  Très bien, merci.

 15   Q.  Il s'agit du 28 avril 1994, c'est un article de "Kozarski Vjesnik" qui

 16   inclut un entretien avec vous. Nous voyons votre photo sur cet article.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Regardez le bas de la page, le dernier paragraphe en bas à gauche, dans

 19   votre version. Agrandissons-le, s'il vous plaît. Donc, c'est le paragraphe

 20   qui se trouve en bas à gauche et ce paragraphe commence par vous disant :

 21   "Ce qu'il est arrivé le 30 avril 1992 n'était que la dernière action d'un

 22   plan de longue date, mais périlleux pour les Serbes."

 23   C'est ce que vous avez dit, donc, au journal "Kozarski Vjesnik" sur le plan

 24   de prise du 30 avril. Est-ce que vous pouvez le confirmer ?

 25   R.  Alors, attendez, je dois lire d'abord l'article. On nous dit :

 26   "Ce qu'il est arrivé le 30 avril n'était que le point d'orgue d'un

 27   plan qui a duré longtemps et qui a été fatal aux Serbes."

 28   On dit que cela a été "fatal aux Serbes". Je ne sais pas comment cela


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  1   a été traduit en anglais. En fait, cela est lié au fax que l'on avait reçu

  2   où ils avaient proclamé le début d'actions de combat contre les forces

  3   serbes.

  4   Q.  Et cette déclaration que vous avez faite reflète non seulement la

  5   prévision d'une prise, mais que vous saviez également qu'on avait prévu de

  6   prendre cet endroit-là, n'est-ce pas ?

  7   R.  Désolé, mais je ne sais pas comment cet entretien que j'ai donné a été

  8   traduit en anglais, et j'aimerais demander aux interprètes de m'interpréter

  9   ce qui est dit en anglais. Moi, ce que j'ai dit, c'est que :

 10   "Ce qu'il s'est passé le 30 avril n'était que le point d'orgue d'un

 11   plan qui a duré longtemps et qui a été fatal aux Serbes."

 12   "Un plan", cela voulait dire que c'était le HDZ et le SDA qui avaient

 13   préparé ce plan et que c'est ces derniers qui avaient résilié cela dans le

 14   fax qui avait été envoyé par le ministère de l'Intérieur. Je ne dis pas ici

 15   que c'étaient les Serbes qui préparaient cela depuis longtemps. J'ajoute

 16   d'ailleurs qu'ils s'étaient armés en secret, qu'ils avaient cousu leurs

 17   uniformes, et cetera. Et plus tard, j'ai reçu des informations qui avaient

 18   été saisies par l'armée et par la police, des documents où nous avons vu

 19   qu'effectivement tous ces préparatifs avaient eu lieu bien longtemps avant

 20   cela, et plus tard dans les journaux, ils ont essayé de nier ce fax.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Passons à la page suivante en B/C/S, même

 22   page en anglais.

 23   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le coin supérieur gauche de la

 24   version en B/C/S. A cet endroit-là, vous faites référence aux Musulmans qui

 25   se sont armés en secret, qu'ils fabriquaient des uniformes en mettant le

 26   symbole du lys, qu'ils construisaient des fortifications à Kozara. Et puis

 27   vous ajoutez :

 28   "Mais nous n'étions pas là les bras croisés. Lorsque nous avons vu ce


Page 45226

  1   qu'ils faisaient, nous avons commencé à nous armer et à dire aux membres du

  2   parti ce qu'ils étaient en train de prévoir et ce qu'il fallait faire pour

  3   empêcher que ne se reproduisent les événements de 1941."

  4   Dans votre déclaration, d'autre part, vous mettez l'accent sur l'armement

  5   et l'organisation des activités du camp musulman, mais vous ne dites rien

  6   sur ces activités du côté serbe. Dans cet article, en revanche, vous

  7   reconnaissez que les Serbes étaient en train de s'armer et que vous le

  8   saviez et que vous les souteniez ?

  9   R.  Un instant, quelle est la date de cette déclaration que j'ai faite à la

 10   presse ?

 11   Q.  C'est le 28 avril 1994.

 12   R.  Il y a quelques instants, je vous ai aussi dit que lorsque j'ai donné

 13   cet entretien, j'essayais de décrire les informations que j'avais à

 14   disposition à l'époque pendant cette période-là, de janvier à octobre 1992.

 15   Et cet article date de 1994. Pendant la guerre, nos officiers s'exprimaient

 16   à la radio, à la télévision, les agents de police également de notre camp.

 17   Et d'après ces déclarations-là, j'ai appris qu'ils avaient également œuvré

 18   à l'armement du peuple serbe. Mais c'est quelque chose que j'ai appris par

 19   la suite.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que vous êtes

 21   d'accord pour dire que la traduction anglaise dont nous disposons n'est pas

 22   exacte ? A la première page.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'ai compris qu'elle était légèrement

 24   différente.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Ce ne sont pas "un plan périlleux

 26   pour les Serbes" --

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, c'était "pour les Serbes."

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.


Page 45227

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Nous allons demander une révision de cette

  2   traduction.

  3   Passons à présent à la page 2 au bas de la page, au deux tiers de la page

  4   environ, colonne de gauche pour la version en B/C/S. Au tiers de la page en

  5   anglais.

  6   Q.  Vous dites là :

  7   "Nous savions qu'ils étaient armés principalement de Zolja, d'armes

  8   d'infanterie, et wasps, mais notre potentiel militaire était meilleur et

  9   nos hommes étaient braves et courageux."

 10   Donc, là, vous reconnaissez que le camp serbe était mieux armé que le camp

 11   musulman. Et c'est effectivement le cas ?

 12   R.  Je vous le répète, c'est-ce quelque chose que j'ai appris par la suite.

 13   Le commandant de cette brigade qui a participé au combat a donné un

 14   entretien et a décrit quelles étaient les unités qui avaient participé,

 15   quelles armes elles avaient, quel équipement elles avaient. Donc en 1994,

 16   je le savais. Mais en mars, avril, et mai 1992, je n'avais pas ces

 17   informations parce que personne ne s'était dit qu'il fallait m'en informer,

 18   et je n'étais pas dans la hiérarchie au-dessus de l'armée ou de la police

 19   pour que ces dernières fassent rapport sur l'équipement et les avoirs à

 20   disposition.

 21   Q.  Très bien.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Revenons à la page 1 de la version

 23   anglaise et en haut de la page pour la version B/C/S, s'il vous plaît.

 24   Q.  Environ à la sixième ligne pour la version en B/C/S, et au deux tiers

 25   au bas de la page en anglais. Vous dites :

 26   "Sur le chemin du bureau central du SDS, nous avons formé l'assemblée serbe

 27   de Prijedor le 7 janvier 1992, dont je suis devenu le président."

 28   Donc, il s'agit là d'une attestation que vous aviez créé l'assemblée serbe


Page 45228

  1   à Prijedor conformément aux instructions républicaines du SDS; plus

  2   particulièrement, la variante A et B à ces instructions-là, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je l'ai dit dans ma déclaration. Le président du SDS a convoqué la

  4   séance. Je pense que cela a eu lieu avant le 7 janvier. Je crois que

  5   c'était au mois de décembre. Et lors de cette séance, il nous a montré ce

  6   document. Le document n'a pas été copié ni distribué à quiconque. Il n'a

  7   fait que nous le montrer, il nous en a donné lecture. Il nous a dit qu'il y

  8   avait ces variantes A et B, que l'une d'entre elles ne s'appliquait pas

  9   pour nous parce que nous n'avions pas la majorité à l'assemblée, et que

 10   l'autre s'appliquait et que nous devions suivre cette autre variante et

 11   organiser l'assemblée serbe dans cette municipalité.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais demander le versement de cet

 14   article.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

 17   d'objection sur les deux premières pages, mais le reste de l'article ou un

 18   autre article repris sur ces pages-là ne devrait pas être admis.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Effectivement.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre cette partie de

 21   l'article.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6581, Madame,

 23   Messieurs les Juges.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que les parties ont été

 25   informées de l'horaire prolongé d'aujourd'hui. Ah, on me dit qu'on vient de

 26   l'envoyer. Mais allez-vous vous en tenir aux trois heures qui vous ont été

 27   allouées, Madame Gustafson ?

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'en ai l'intention, oui. Mais il est


Page 45229

  1   toujours difficile de prévoir ce genre de chose. Mais j'aimerais faire

  2   remarquer que même dans les trois heures il serait difficile de terminer

  3   aujourd'hui.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faites de votre mieux pour terminer

  5   votre contre-interrogatoire en trois heures, s'il vous plaît. Et pour la

  6   Défense, moins 40 à 50 heures [comme interprété] pour les questions

  7   supplémentaires, si nous devons conclure la déposition de M. Stakic

  8   aujourd'hui.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, entre 40 et 50 minutes.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, donc mes calculs disaient cela.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, ça devrait aller.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous allons être en audience

 13   jusqu'à 16 heures aujourd'hui. Merci.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Stakic, au paragraphe 18, vous décrivez une attaque sur un

 16   véhicule militaire qui comptait à son bord cinq membres de la VRS à

 17   Hambarine le 22 mai 1992. Et vous décrivez également une même attaque à

 18   Kozarac le 24 mai. Et vous dites que : "Nous avons répondu ou répliqué à

 19   ces attaques."

 20   S'agissant des événements à Hambarine, la cellule de Crise a délivré

 21   un ultimatum aux auteurs allégués de ces actes, précisant que si

 22   l'ultimatum n'était pas respecté, la cellule de Crise ne pouvait plus

 23   assurer la sécurité de la population civile de cette région-là."

 24   Est-ce bien exact ?

 25   R.  Oui, je suis d'accord avec vous, et je confirme ce qui est repris au

 26   paragraphe 18. Maintenant, pour l'autre partie, je ne sais pas. A ma

 27   connaissance, la cellule de Crise s'était rencontrée pour la première fois

 28   le 29 mai. Donc, elle n'a pas pu délivrer cela et ce n'était pas non plus


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  1   dans les compétences de la cellule de Crise. Mais peut-être que vous avez

  2   d'autres documents qui disent le contraire. Mais, en fait, la cellule de

  3   Crise a été créée le 29 mai lors d'une séance régulière de l'assemblée, et

  4   je ne me souviens pas qu'il y ait eu de convocation extraordinaire à cause

  5   de ces événements.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Passons alors à la pièce P3485, s'il vous

  7   plaît.

  8   Q.  Et j'aimerais attirer votre attention sur le coin supérieur droit de la

  9   page en B/C/S. Il s'agit d'un document daté du 29 mai 1992, un article de

 10   "Kozarski Vjesnik" qui reprend des déclarations publiques de la cellule de

 11   Crise. Et, en haut à droite, on voit que la déclaration est datée du 23 mai

 12   1992. La colonne à l'extrême droite dans la version en B/C/S - dans la

 13   version anglaise, ce sont les deux derniers paragraphes de la page 1 - nous

 14   dit :

 15   "La cellule de Crise ordonne par la présente à la population de la commune

 16   locale de Hambarine et à d'autres communes locales de la région … de

 17   remettre les auteurs de ce crime … d'ici à samedi, le 23 mai."

 18   Et le dernier paragraphe nous dit :

 19   "Ce crime a épuisé toutes les dates butoir et a mis fin à toutes les

 20   promesses, et la cellule de Crise ne peut plus et n'a plus la volonté de

 21   garantir la sécurité de la population des villages susmentionnés dans la

 22   région."

 23   R.  Oui, je vois. Je vois cet article qui est signé de la "cellule de

 24   Crise". Mais, vous savez, au sein de la cellule de Crise, nous avions aussi

 25   un chargé de presse ou l'équivalent d'un chargé de presse qui avait le

 26   droit -- qui avait non seulement le droit, mais c'était son travail, de

 27   rencontrer les médias et de faire des communiqués de presse. Parfois il

 28   signait de son nom, parfois il signait au nom de la cellule de Crise. Mais


Page 45231

  1   si vous avez une déclaration de la cellule de Crise à disposition, en

  2   général, vous constaterez que ces documents sont signés "président de la

  3   cellule de Crise" et mon nom se trouve en dessous de ce titre. Donc, ce

  4   communiqué de presse a été rédigé par le chargé de presse, effectivement.

  5   L'armée s'était également exprimée à la radio le même jour, et il a fait

  6   une déclaration au nom de la cellule de Crise.

  7   De plus, il y a quelques instants, on a parlé de mobilisation. Les

  8   appels à la mobilisation sont signés par le ministre de la Défense, et nous

  9   au niveau municipal, nous n'avions pas les pouvoirs pour annuler ces appels

 10   ni pour les interdire. Par contre, ce que l'on pouvait faire, c'était de

 11   nous adresser à la presse, de nous exprimer à la radio et de lancer un

 12   appel à tous les hommes en âge de porter les armes de plus de 18 ans,

 13   lancer un appel pour qu'ils répondent à cela. Donc, il ne s'agit pas d'une

 14   décision, mais de l'avis de la cellule de Crise. Et c'est l'avis du chargé

 15   de presse, plus particulièrement.

 16   Q.  Monsieur Stakic, lorsque les auteurs n'ont pas été remis par la

 17   population de Hambarine, l'armée a attaqué le village, a bombardé le

 18   village, a attaqué la population dans son ensemble et a détruit les maisons

 19   des Musulmans qui y vivaient ?

 20   R.  J'ai appris et j'ai entendu dire que cela a eu lieu à cette période-là,

 21   mais je ne peux rien vous dire de plus sur la portée ni sur les détails de

 22   l'opération parce qu'il n'y avait pas d'obligation de me tenir au courant

 23   de ce qu'il se passait sur le terrain.

 24   Q.  Au paragraphe 19 de votre déclaration, vous parlez de l'attaque du 30

 25   mai contre la ville de Prijedor par des forces musulmanes, une attaque qui

 26   a été repoussée en quelques heures, d'après vous. Ce que vous ne dites pas,

 27   et cela ne se retrouve nulle part dans votre déclaration, c'est qu'après

 28   avoir repoussé cette attaque, l'armée a littéralement détruit le quartier à


Page 45232

  1   prédominance musulmane de Stari Grad à Prijedor ?

  2   R.  Vous savez, la description des événements de cette nuit se retrouve là,

  3   j'étais présent dans le bâtiment de l'assemblée municipale lorsque

  4   l'attaque a été lancée. J'ai entendu les tirs. Et au début, j'ai pensé que

  5   c'étaient des soldats qui tiraient en l'air, comme ils avaient l'habitude

  6   de le faire lorsqu'ils se rendaient ou qu'ils revenaient de la ligne de

  7   front. Mais ensuite, j'ai entendu des explosions plus fortes, des grenades

  8   et des déflagrations même plus fortes que celles de grenades, autour du

  9   bâtiment de l'assemblée. C'est alors que je me suis rendu dans le couloir,

 10   et les tirs provenaient du parc, qui se trouvait à quelque 150 mètres du

 11   bâtiment. Les quelques civils qui se trouvaient dans le bâtiment, et j'en

 12   faisais partie, n'étaient pas armés; et, malheureusement, en dehors du

 13   bâtiment de la municipalité, il y avait un poste de contrôle où se

 14   trouvaient deux ou trois soldats ou policiers, je ne suis plus sûr, mais

 15   eux étaient armés.

 16   Je ne sais pas si vous pouvez vous faire une idée de la configuration, mais

 17   à côté du bâtiment municipal se trouvait le commissariat. Des policiers

 18   réservistes étaient également là-bas et ils étaient armés. On entendait les

 19   tirs de là-bas aussi. Cela a continué jusqu'à environ 21 heures. A ce

 20   moment-là, j'ai vu un char serbe entre le bâtiment du SUP et notre

 21   bâtiment, et j'ai vu des troupes entrer, ensuite elles se sont déplacées

 22   vers le parc, vers les nouveaux bâtiments et le nouvel hôtel d'où

 23   provenaient les explosions. Et ils ont commencé à se déplacer vers Stari

 24   Grad, la vieille ville. Je n'étais pas là-bas, je n'étais pas dans la

 25   vieille ville, mais j'ai entendu dire que les dommages ont été

 26   considérables. Je ne sais pas si l'armée devait vraiment répliquer de la

 27   sorte et utiliser une telle force. Ce n'est pas à moi d'en juger. Je ne

 28   suis pas soldat. Je ne suis pas compétent pour cela. Mais quoi qu'il en


Page 45233

  1   soit, je n'avais pas l'objectif de détruire et de dévaster la ville. Il y

  2   avait des bâtiments publics là-bas, des bâtiments à but social là-bas, des

  3   entreprises serbes et des bâtiments serbes qui ont également été détruits

  4   et endommagés.

  5   Q.  Vous avez dit que vous ne saviez pas si l'armée devait répondre de la

  6   sorte et utiliser une telle force, que ce n'était pas à vous d'en juger,

  7   que vous n'étiez pas soldat. Mais, en fait, dans votre affaire, lors de

  8   votre procès, vous avez cité à la barre un expert militaire, un général

  9   américain, le général Wilmot, et j'aimerais vous rappeler ses propos en

 10   réponse aux questions de votre avocat dans votre procès.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit du document 24618 de la liste 65

 12   ter.

 13   Q.  On lui a posé la question suivante :

 14   "Aidez-moi à comprendre : est-ce que l'armée, à ce moment-là, a continué à

 15   poursuivre ou pourchassait-elle 'l'ennemi' suite à l'attaque du 30 mai 1990

 16   sur la ville de Prijedor ?"

 17   Et il a répondu :

 18   "Oui, elle a continué à poursuivre les forces attaquantes, mais elle s'est

 19   également arrêtée dans ce que j'appellerais un quartier de banlieue. Je ne

 20   me suis jamais rendu là-bas, donc je ne sais pas comment le décrire. Il

 21   s'appelait Stari Grad. Et elles se sont livrées à des atrocités et à des

 22   exactions pour lesquelles elles auraient dû rendre des comptes."

 23   C'est votre expert militaire à décharge qui s'exprime là. Il a parlé de ce

 24   que l'armée a fait à Stari Grad après que l'attaque ait été repoussée.

 25   Pouvez-vous le confirmer ?

 26   R.  Je ne me souviens pas de ses propos exactement, avec tout le respect

 27   que je vous dois. Je vous fais confiance, je vous crois, vous en avez donné

 28   lecture. Donc, comme vous l'avez dit, c'est un expert militaire. Il est en


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  1   droit de le dire. Mais quoi qu'il en soit, je ne me trouvais pas dans la

  2   vieille ville. J'ai entendu dire qu'elle avait été détruite lors de cette

  3   opération. Il y a quelques instants, je vous ai dit que je ne savais pas si

  4   cette utilisation excessive de la force, comme l'a dit l'expert, était

  5   proportionnée ou pas. Et je ne veux pas entrer dans ce genre de détail.

  6   Alors, j'ai 50 ans aujourd'hui. A l'époque, je n'avais que 29 ans.

  7   J'étais un jeune médecin inexpérimenté, je n'avais aucune compétence

  8   politique, j'étais naïf, sans parler de mes connaissances sur l'armée et la

  9   police. Et ce n'étaient pas des départements qui entraient dans le cadre de

 10   mon travail. Je n'étais pas chargé de m'occuper de ces départements, aucun

 11   document ne le disait. Et vu mon jeune âge et mon manque d'expérience, je

 12   n'aurais pas pu superviser l'armée, ni exercer quelle que pression que ce

 13   soit sur l'armée.

 14   Dans ce paragraphe, je dis juste que je m'y trouvais, j'étais donc un

 15   témoin, et j'ai vu ce qui se passait autour de moi. Mais plus tard, j'ai

 16   connu tous les détails. Mais je ne veux pas entrer dans les détails, je

 17   vous le répète. D'autre part, nous avions des blessés, et le commandant de

 18   l'armée a été tué près de Koza [phon]. Plusieurs policiers ont également

 19   été tués sur le pont. Nous avons appris plus tard que l'autre camp était

 20   passé par la Sana, le pont était gardé par l'armée et la police, et qu'ils

 21   étaient venus de la direction de la vieille ville. Et apparemment, ils se

 22   retiraient à cet endroit-là. Mais je vous parle en qualité de citoyen qui

 23   en a entendu parler par la suite.

 24   Je ne veux pas minimiser ce que dit le rapport de cet expert. Il

 25   s'est passé ce qu'il s'est passé. Je n'essaie pas de minimiser les choses.

 26   Et je n'essaie pas de nier les choses non plus.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   Madame Gustafson, est-ce que vous pourriez remonter de quelques lignes sur


Page 45235

  1   cette page, la page 36. C'est un passage de la lecture que vous nous avez

  2   donnée de la déposition du témoin. Vous avez dit : "Il s'appelle Stari

  3   Grad," et ensuite, je pense que vous lisiez trop rapidement, il y manque

  4   quelque chose. C'est juste avant la référence à des poursuites. Je pense

  5   que vous avez dit quelque chose qui était de la veine suivante, contraire à

  6   la guerre, ou quelque chose comme cela.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, je vais relire.

  8   "Ils ont décimé ce quartier, ce qui est contraire aux règles de la guerre,

  9   et ont commis des crimes…"

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Monsieur Stakic, au paragraphe 51 de votre déclaration, vous commentez

 13   le fait jugé 1 267, portant sur la destruction de localités non-serbes, et

 14   vous nous dites que d'après ce que vous saviez, les foyers musulmans

 15   étaient détruits, mais pas seulement eux. Et vous avez donné l'exemple de

 16   M. Srdjo Srdic, en expliquant que sa maison qui se trouvait dans les

 17   environs du bâtiment de la municipalité a été endommagée pendant les

 18   activités de combat.

 19   M. Srdic a fourni des éléments de preuve sur les dommages qui ont été

 20   provoqués sur sa maison, et c'est la Défense qui a présenté cela. Voilà ce

 21   qu'il nous a dit :

 22   "Ma maison était la seule maison serbe à Prijedor qui ait été

 23   incendiée. Ils voulaient me tuer. Ils voulaient me liquider. Et, pour

 24   preuve, ils ont placé un explosif sur mon balcon, et avant cela le 'SDA'

 25   s'en était occupé. Mais ce n'est pas les Musulmans qui l'ont fait."

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D2265, page

 27   24.

 28   Q.  Alors, d'après ce que nous dit M. Srdic, il est clair que cette


Page 45236

  1   maison n'a pas été endommagée pendant le combat. Il a été isolé parmi les

  2   Serbes de Prijedor et sa maison a été ciblée particulièrement pour des

  3   raisons personnelles, n'est-ce pas ?

  4   R.  Je ne sais pas ce qu'a dit M. Srdic dans sa déclaration. Je me

  5   souviens qu'il venait souvent à l'assemblée municipale. Vous savez, au sein

  6   du Conseil exécutif, nous avons un département chargé des biens. D'abord,

  7   il voulait prouver qu'il s'agissait bien de sa maison -- en fait, il vivait

  8   dans une autre maison. Et ça, c'est un magasin, qui se trouve juste en face

  9   du bâtiment de l'assemblée municipale, à moins de 50 mètres. Je ne

 10   regardais pas cela tout le temps. Je ne regardais pas par la fenêtre dans

 11   sa direction pour ne pas être touché. Je ne sais pas si un projectile d'un

 12   char serbe a touché ce local ou un Zolja musulman. Je ne le sais pas. Mais

 13   pendant ces combats, ce local a été endommagé, parce qu'il s'agit des

 14   maisons qui partagent les mêmes murs. Il ne s'agit pas de maisons isolées.

 15   On peut voir cela sur le terrain. Cette maison se trouve à 50 mètres de

 16   l'entrée dans le bâtiment municipal.

 17   Et ma réponse : je ne nie pas que le quartier de Stari Grad ait été

 18   habité majoritairement par les Musulmans et je ne nie pas que les maisons

 19   dans le quartier de Stari Grad aient été détruites. En tant qu'homme,

 20   aujourd'hui je peux exprimer mes regrets parce ce quartier a été détruit.

 21   Et M. Srdic est venu nous voir dans notre département pour nous dire qu'il

 22   demanderait des dédommagements, ainsi qu'une délégation des gens de

 23   Kozarac. Cette délégation est venue me voir également pour demander des

 24   dédommagements pour la destruction de leurs maisons. Mais je ne sais pas ce

 25   que lui, il a pensé personnellement de cela.

 26   Q.  Bien. Maintenant j'aimerais vous poser des questions eu égard à

 27   Trnopolje. Vous parlez de cela dans votre déclaration. Si j'ai bien

 28   compris, vous avez dit que pendant et après l'attaque sur Kozarac, les


Page 45237

  1   civils ont fui cette zone, l'armée leur a permis de passer par cette zone.

  2   Ces civils sont arrivés à Prijedor, après quoi quelqu'un les a dirigés vers

  3   Trnopolje, que vous avez appelé centre d'accueil. Aux paragraphes 18 et 22

  4   de votre déclaration.

  5   Si j'ai bien compris, selon vous, ce mouvement des civils de Kozarac

  6   à Trnopolje était le mouvement qui a eu lieu de leur propre gré, ils se

  7   sont rendus de leur propre gré à Trnopolje; c'est vrai ?

  8   R.  Est-ce que je peux relire encore une fois ce qui figure ici ?

  9   Avec tout le respect que je vous dois, je ne vois nulle part ici que ces

 10   gens se soient rendus là-bas de leur propre gré, Madame le Procureur. Je

 11   dis qu'il s'agit des informations que j'ai reçues. Ce jour-là, dans la

 12   matinée, je suis parti de chez mes parents qui vivent au village de Mariska

 13   pour évacuer mon épouse et mon enfant mineur, puisqu'il n'avait pas

 14   d'électricité chez moi et c'est chez mes parents que je voulais les amener,

 15   puisque chez mes parents, il n'y avait pas d'électricité, mais il y avait

 16   un puits, il y avait du bois, et cetera. Je suis passé, donc, par Kozarac

 17   et la police m'a arrêté au point de contrôle pour me dire que la route

 18   était bloquée et que les combats faisaient rage. Et c'est pour ce la que

 19   j'ai emprunté une autre route via Rakelici et Cele pour arriver à Prijedor.

 20   Et lorsque je suis arrivé au travail, il était déjà midi.

 21   Q.  Excusez-moi de vous avoir interrompu, mais je n'ai pas beaucoup de

 22   temps, je pense que vous en avez parlé dans votre déclaration. Permettez-

 23   moi de vous poser la question de façon plus claire. Selon vous, les

 24   Musulmans de Kozarac se sont rendus à Trnopolje ou ont fini par arriver à

 25   Trnopolje. Et personne ne les a détenus là-bas, ils ont fait cela de leur

 26   propre gré, n'est-ce pas ?

 27   R.  Non, Madame le Procureur, je m'excuse. Cela n'est pas écrit dans ma

 28   déclaration. J'essaie de vous expliquer comment cela est arrivé dans une


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  1   déclaration ou dans un rapport qui est apparu plus tard, un rapport du MUP.

  2   Dans ce rapport, ils disent que la cellule de Crise avait créé Trnopolje,

  3   Omarska et Keraterm. Mais ils n'ont nulle part cité le numéro de la

  4   décision ni la date de la décision. Je vous explique comment j'ai appris

  5   cela. Je ne dis pas qu'ils se sont rendus là-bas de leur propre gré.

  6   Il y avait des activités de combat là-bas. L'armée, sur la ligne de

  7   confrontation, a fait une brèche, pour ainsi dire, pour que ces gens

  8   puissent partir dans la direction de la ville, parce que ces gens sont

  9   partis de Kozarac dans la direction de la ville. Et mes collaborateurs à

 10   l'assemblée municipale m'ont dit que pendant la nuit, ils étaient arrivés

 11   dans la ville et ils ont été accueillis dans deux installations. Parce que

 12   la plupart d'entre eux ont été logés chez leurs cousins. Il y avait des

 13   personnes de mariages mixtes, et cetera. A un moment donné, lorsque la

 14   police a vu que ces installations, ces bâtiments étaient pleins de gens, la

 15   police a récupéré des autocars et a invité ces gens à aller se rendre dans

 16   des maisons ou des appartements privés, et le reste a été emmené à

 17   Trnopolje. Et les autres qui étaient de Kozarac étaient acheminés vers

 18   Trnopolje.

 19   Et nulle part, je n'ai dit - et je ne veux pas que aujourd'hui non

 20   plus on m'impute ces propos - à savoir qu'ils se sont rendus là-bas de leur

 21   propre gré. J'essaie d'expliquer et j'exprime mes regrets qu'aucune

 22   décision n'a été prise pour planifier la création de Trnopolje. Au moins,

 23   je n'ai pas participé en personne à cela, et je n'ai dit à l'époque ni je

 24   ne dis aujourd'hui qu'ils se sont rendus à ce centre d'accueil pour le

 25   planifier de leur propre gré et pour quitter leurs maisons.

 26   Q.  Votre position est maintenant claire par rapport à cela. Merci. Vous

 27   avez dit que vous n'avez jamais dit qu'ils sont partis de leur propre gré

 28   et que vous exprimez vos regrets par rapport à ce qui c'était passé et vous


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  1   avez dit que vous n'avez pas planifié cela.

  2   Ce que la cellule de Crise a fait, Docteur Stakic, était de contrôler

  3   la façon à laquelle les gens pouvaient être relâchés ou libérés de

  4   Trnopolje, n'est-ce pas ?

  5   R.  Que la cellule de Crise voulait contrôler cela ? Trnopolje ne relevait

  6   pas de la compétence de la cellule de Crise. Et pour autant que je sache,

  7   là-bas, l'armée a nommé Kuruzovic Slobodan pour qu'il y soit, et il devait

  8   lui faire rapport à cet organe qu'il a nommé comme étant en charge de ce

  9   centre, et non pas à moi et non plus à la cellule de Crise. Le fait est que

 10   la plupart des gens de la Croix-Rouge s'adressaient à la cellule de Crise

 11   pour que la cellule de Crise les aide à obtenir des vivres, des

 12   médicaments, et plus tard du carburant puisqu'ils ont organisé le transport

 13   de ces malheureuses personnes.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce

 15   P2915, s'il vous plaît.

 16   Q.  Docteur Stakic, vous pouvez voir que les deux tiers du texte sur cette

 17   page est consacré au résumé des conclusions et des ordres et des décisions

 18   adoptées par la cellule de Crise le 29 mai et pour ce qui est du 24

 19   juillet.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la page 3 dans

 21   les deux versions.

 22   Q.  Et en haut de la page en B/C/S et en bas de la page en anglais, on peut

 23   voir l'une des conclusions où il est dit et c'est la conclusion numéro 01-

 24   10-023-45/92 du 2 juillet 1992, donc où il est dit qu'il est interdit que

 25   des personnes soient relâchées de Trnopolje, d'Omarska et de Keraterm.

 26   Et il y a quelques instants, vous avez fait mention de l'arrivée de

 27   la Croix-Rouge dans la cellule de Crise, et vous avez dit qu'ils ont

 28   demandé de l'aide pour ce qui est des vivres, des médicaments et du


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  1   carburant. Cette décision résume comment la cellule de Crise a contrôlé les

  2   libérations de ce centre, et vous reconnaissez que les gens étaient détenus

  3   là-bas dans des conditions très difficiles, n'est-ce pas ?

  4   R.  Pour ce qui est de votre question, je peux dire que vous avez prononcé

  5   plusieurs assertions, mais je vais essayer d'y répondre de la façon la plus

  6   claire possible. D'abord, d'après ce que j'ai appris à l'époque et

  7   aujourd'hui concernant Omarska et Keraterm, c'était la police qui était en

  8   charge. Pour ce qui est de Trnopolje, c'était l'armée. Je ne sais pas

  9   pourquoi c'était ainsi. Je ne saurais vous expliquer cela.

 10   Deuxièmement, la cellule de Crise était un organe collectif composé

 11   de 11 membres. Et tout à l'heure, je vous ai expliqué, lorsque j'ai dit que

 12   je n'étais pas présent à chaque fois au travail de la cellule de Crise,

 13   puisque je travaillais un jour sur deux, et vous pouvez voir que seulement

 14   sur 30 % des décisions il y a ma signature, puisque la cellule de Crise

 15   pouvait se réunir avec seulement six de ses membres pour adopter les

 16   décisions. Donc, ce mot "conclusion" veut dire qu'il ne s'agissait pas d'un

 17   ordre, parce que nous ne pouvions pas donner des ordres, ni à l'armée ni à

 18   la police.

 19   Mais selon mon avis, les gens étaient relâchés sur l'intervention -

 20   et là, je me souviens d'un cas, c'est le cas du Dr Beglerbegovic, je ne

 21   savais même pas qu'il avait été arrêté. Il a été dit qu'il a été libéré

 22   d'Omarska parce que les gens d'Omarska ont signé une pétition pour qu'il

 23   soit libéré. Ensuite, je sais qu'un ancien footballeur du club de football

 24   Partisan, ils ont appelé le chef du MUP pour qu'il soit relâché. Et cetera.

 25   Et pour autant que je sache, c'était la Croix-Rouge locale qui était

 26   intervenue là-bas et également la Croix-Rouge internationale. Plus tard,

 27   ils se sont adressés à nous pour obtenir de l'aide logistique, que j'ai

 28   mentionnée tout à l'heure. Je ne saurais vous dire davantage là-dessus.


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  1   Q.  Docteur Stakic, vous insistez là-dessus, et ce, à plusieurs reprises,

  2   sur le fait que la cellule de Crise ne dirigeait pas ces installations à

  3   Trnopolje mais plutôt l'armée, que vous ne pouviez pas donner d'ordre à

  4   l'armée. Et dans cette conclusion, on voit qu'à l'époque, les membres de la

  5   cellule de Crise avaient le pouvoir d'interdire les libérations des

  6   personnes de Trnopolje, d'Omarska, et de Keraterm, n'est-ce pas ?

  7   R.  Pendant tout ce temps-là, je vous ai déjà dit que je ne pouvais pas

  8   donner d'ordres à M. Drljaca pour qu'il libère qui que ce soit ou pas.

  9   Donc, j'assume la responsabilité de ce que je viens de dire. J'aurais pu

 10   signer un ordre tous les jours, mais ces ordres n'étaient pas obligatoires

 11   pour eux.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, voulez-vous qu'on

 13   fasse la pause maintenant ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Et vu les circonstances, la Chambre

 15   va réduire la pause déjeuner à 40 minutes. Nous reprenons à 13 heures 10.

 16   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

 17   --- L'audience est reprise à 13 heures 12.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Madame Gustafson.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Peut-on afficher la pièce P2741, s'il vous plaît.

 21   Q.  Docteur Stakic, c'est le 2 juin 1992. C'est la décision de la cellule

 22   de Crise de Prijedor du 2 juin 1992 portant sur la libération des personnes

 23   emprisonnées. Il est ordonné que différentes catégories de personnes soient

 24   relâchées, telles que les Serbes qui avaient été emprisonnés par erreur,

 25   c'est sous l'article 1; sous l'article 4, toutes les personnes qui ont plus

 26   de 60 ans sont libérées de la détention après la procédure durant laquelle

 27   il a été confirmé qu'elles n'ont pas commis d'infraction pénale, ainsi que

 28   quelques autres catégories. Sur la page suivante en anglais, il est dit que


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  1   le poste de sécurité publique se charge de la mise en œuvre de cette

  2   décision, à savoir le chef du poste de sécurité publique en personne, qui

  3   est responsable de la mise en œuvre de cette décision. Si on regarde le bas

  4   de la page en B/C/S, on voit que ce document est signé par vous, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  Oui, c'est ma signature.

  7   Q.  Avant la pause, vous avez dit :

  8   "Je vous dis que je ne pouvais donner d'ordres à Drljaca pour qu'il libère

  9   quelqu'un ou pour qu'il le garde là-bas."

 10   A la page 44. Mais ce document montre que vous avez fait exactement cela,

 11   vous donnez l'ordre à Drljaca pour qu'il libère certaines catégories de

 12   prisonniers, n'est-ce pas ?

 13   R.  Si vous me permettez, j'ai voulu dire cela en répondant à votre

 14   question précédente. Malheureusement, ce n'est pas moi qui ai formé cette

 15   cellule de Crise. Mais d'après moi, à l'époque j'ai compris, et surtout

 16   lors de mon procès en 2002, que dans la composition de cette cellule de

 17   Crise il n'y avait pas de secrétaire de l'assemblée municipale qui, de par

 18   sa fonction, devait être membre de la cellule de Crise en tant que juriste.

 19   Donc, au sein de la cellule de Crise, pour ainsi dire, lorsque je me suis

 20   rendu compte de cela dix ans après les faits durant mon procès, et

 21   aujourd'hui, 20 ans après les faits, je vois que certaines choses et

 22   certaines décisions ont été adoptées et rédigées et qui n'avaient aucun

 23   appui dans la législation qui était en vigueur à l'époque. Alors que M.

 24   Drljaca, par exemple, était juriste, et lui, il travaillait à la police. Et

 25   cette décision, je ne savais même pas qu'il y avait des Serbes capturés là-

 26   bas jusqu'à ce que nous n'aient fourni cette information les membres de

 27   l'armée. Et, comme c'est écrit ici, les membres de la police qui n'ont pas

 28   répondu à l'appel à la mobilisation étaient également parmi les personnes


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  1   détenues.

  2   Vu tout cela, notre opinion était qu'ils ne devraient pas se trouver

  3   là-bas pour qu'il n'y ait pas de règlement de comptes dans ce centre. C'est

  4   un fait. Mais là, on voit une décision, ce n'est pas un ordre. Lui, il

  5   pouvait l'exécuter et il pouvait également ne pas l'exécuter. Comme je l'ai

  6   déjà dit, nous avions d'autres cas où les gens partaient ou étaient

  7   expulsés d'un appartement dont ils n'étaient pas propriétaires, et dans ces

  8   cas-là nous demandions l'intervention de la police. Non pas en donnant un

  9   ordre, mais en envoyant une demande pour que la police participe à cette

 10   expulsion de l'appartement. Et lorsque vous m'avez posé la question tout à

 11   l'heure concernant des cas individuels, il arrivait, vous savez, il

 12   arrivait qu'on recevait les informations selon lesquelles les individus se

 13   rendaient dans ces centres pour faire sortir les gens de ces centres pour

 14   leur voler de l'argent. Et ce qui est le plus tragique dans tout cela --

 15   Q.  Docteur Stakic, excusez-moi de vous avoir interrompu. Je ne vous posais

 16   pas la question pour savoir la raison pour laquelle vous avez rendu cette

 17   décision. Ma question portait sur le fait que vous l'avez rendue, et

 18   concentrez-vous sur mes questions puisque je n'ai pas beaucoup de temps.

 19   Vous avez dit dans votre réponse :

 20   "C'était juste une demande de notre part pour demander l'aide la

 21   police."

 22   Et dans cette décision, l'article 6, il est dit que le chef du poste

 23   de sécurité publique "doit être en charge de la mise en œuvre de cette

 24   décision et le chef du poste de sécurité publique doit personnellement être

 25   responsable pour ce qui est de l'exécution de cette décision…"

 26   Ce n'est pas formulé en tant qu'une demande ? Cela est formulé de

 27   façon à ce que cela soit obligatoire ?

 28   R.  Je ne suis pas juriste, comme vous le savez, Madame le Procureur. Mais


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  1   en haut, je vois le mot "décision", et non pas le mot "ordre". Et pour

  2   autant que je sache, Simo Drljaca, à l'époque, était responsable de ce

  3   travail et il s'est conduit comme il s'est conduit. Il faisait rapport à

  4   ses supérieurs de ce qu'il faisait là-bas. Et ce n'était pas son obligation

  5   de nous faire rapport à nous. Il y a d'autres décisions et il y a d'autres

  6   demandes que nous avons formulées à son intention, et lui, il répondait à

  7   nos demandes, en disant : Il ne faut pas que vous vous mêliez à mon

  8   travail. Vous devez vous concentrer sur votre travail.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce

 10   P2637, s'il vous plaît.

 11   Q.  Comme vous pouvez le voir, c'est le document du 1er juillet 1992 émanant

 12   du poste de sécurité publique. Ce document a été envoyé à la cellule de

 13   Crise. Et dans ce document, il est fait référence à deux documents, il est

 14   dit ici "vos documents", et je suppose qu'il s'agit des documents de la

 15   cellule de Crise. Et il est dit :

 16   "En référence à vos documents", ensuite on voit les numéros et les

 17   dates en haut, "nous vous informons de ce qui suit…"

 18   La première entrée :

 19   "Conclusion numéro 02-111-108/92, concernant la libération des

 20   prisonniers, il est interdit, et cette obligation est observée

 21   complètement."

 22   Cela veut dire que, n'est-ce pas, M. Drljaca exécute la décision de

 23   la cellule de Crise qui interdit la libération des prisonniers, et il fait

 24   rapport là-dessus à la cellule de Crise, n'est-ce pas ?

 25   R.  Encore une fois, j'aimerais répéter -- ou ce que je n'ai pas pu dire

 26   tout à l'heure. Lorsqu'il s'agit de ces individus, nous pensions que des

 27   Serbes, pour les appeler ainsi, des criminels, se rendaient dans ces

 28   centres d'accueil pour faire sortir de ces centres d'accueil certaines


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  1   personnes pour leur voler de l'argent ou des voitures. Et, malheureusement,

  2   ils ne leur permettaient plus d'entrer dans ces centres d'accueil. Ils les

  3   tuaient. Et nous, nous ne pouvions pas nous mêler de leur travail pour

  4   demander que des personnes soient relâchées.

  5   Pour ce qui est de l'ordre concernant les formations du fameux

  6   détachement d'intervention qui, ensemble avec les membres de la police

  7   militaire, travaillait activement pour supprimer les crimes, les pillages

  8   et d'autres infractions pénales. Il faut que je vous dise tout de suite que

  9   --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît, ce

 11   que vous venez de dire.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] La page suivante en anglais.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, est-ce qu'on peut passer à la page

 14   suivante en anglais. Je pense que la partie qui nous intéresse se trouve en

 15   haut de la page. Et je pense que le Dr Stakic a fait référence à cette

 16   partie.

 17   Q.  Docteur Stakic, pouvez-vous --

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Q.  Excusez-moi de vous avoir interrompu. Je ne suis pas certaine

 20   concernant le document que vous avez devant vous, mais je vous prie de vous

 21   concentrer sur le document affiché à l'écran et je vous prie de répondre à

 22   la question concernant ce document.

 23   R.  Madame le Procureur, c'est le même document. Il s'agit de la version en

 24   serbe. Et cette partie se trouve en haut de la page dans la version serbe,

 25   concernant l'ordre du 17 juin, le numéro tel, où M. Drljaca a répondu que

 26   le peloton d'intervention a été formé. Je vous dis que je n'ai jamais

 27   appris que ce peloton d'intervention ait été formé. Et j'en assume toute la

 28   responsabilité pour ce qui est de ce que je viens de dire.


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  1   Q.  Docteur Stakic, ce document est envoyé à la cellule de Crise, et dans

  2   ce document il est dit clairement que le peloton d'intervention avait été

  3   formé, et on voit y figurer les informations concernant les activités de ce

  4   peloton. Vous dites que vous n'avez jamais reçu ce document, le document

  5   qui a été adressé à la cellule de Crise ?

  6   R.  Non, je n'ai pas dit ne pas avoir reçu ce document. Je vous ai dit --

  7   et je pense que vous devez forcément disposer de cet ordre de la cellule de

  8   Crise portant sur la création de ce peloton d'intervention. Il y a une

  9   référence D2039. Et une autre, P0048598. Il s'agit d'une décision originale

 10   émanant de la cellule de Crise. Je ne sais pas si vous avez la possibilité

 11   de l'afficher, ce document, ici.

 12   Q.  Docteur Stakic, ce document ne m'intéresse pas présentement. Je vous

 13   renvoie vers votre paragraphe 22 de la déclaration, où vous avez dit que la

 14   cellule de Crise ne pouvait donner d'ordres ni à l'armée ni à la police. Et

 15   au paragraphe 24, vous dites que la réponse la plus fréquente de Drljaca à

 16   vous et aux autres de la cellule de Crise, c'était de le laisser

 17   tranquille, qu'il ferait son travail et qu'il vous appartenait de faire le

 18   vôtre. Et vous avez réitéré ce fait-là aujourd'hui.

 19   Alors, le document, lui, nous parle d'une image tout à fait

 20   différente. Il dit que le SJB informait directement la cellule de Crise de

 21   la mise en œuvre d'un certain nombre de décisions de la cellule de Crise,

 22   comme libération de prisonniers, création de pelotons d'intervention,

 23   fermeture d'établissements hôteliers, exercices de tir, et cetera. Ce

 24   document contredit ce que vous affirmez au sujet des compétences de la

 25   cellule de Crise à l'égard de la police, n'est-ce pas ?

 26   R.  Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec ce

 27   que vous constatez et j'essaie précisément -- référence faite à ce

 28   document, si vous lisez attentivement ce qui est demandé à M. Drljaca et si


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  1   on lit sa réponse, on peut voir qu'il répond à côté. Il répond autre chose.

  2   Il ne répond pas de façon véridique. C'est cela que je voulais vous

  3   indiquer.

  4   En notre qualité de députés, nous avions droit -- et à l'assemblée,

  5   c'était le cas avant. La cellule de Crise, c'est une continuation de

  6   l'assemblée en plus petit, si je puis le qualifier ainsi. Et ce chef du

  7   poste de sécurité publique présentait une fois l'an un rapport au sujet de

  8   la situation sécuritaire sur le territoire de la municipalité. Comme les

  9   députés m'avaient demandé à ce que Simo présente un rapport, lui, il a

 10   rédigé cela. Mais je vous dis aussi que ce n'est pas conforme à son

 11   comportement. C'est la raison pour laquelle on avait demandé qu'il crée un

 12   peloton de 20 hommes, policiers ou militaires. Et il a dit qu'il y a un

 13   peloton d'intervention conjoint qui a été créé qui, aux côtés des membres

 14   de la police, s'en occupait. Il n'a pas créé un peloton mixte. Or, il a

 15   affirmé intervenir aux côtés de l'armée. C'est ce que je voulais vous dire.

 16   Une fois de plus, je dirais que, tant que je le savais, à Bosanska

 17   Krupa et Samac, l'armée et la police avaient arrêté le président de

 18   l'assemblée municipale ou du Conseil exécutif, et je n'ai pas d'information

 19   disant le contraire, à savoir que le président de la municipalité aurait

 20   fait mettre aux arrêts le commandant d'une unité. Ce n'était pas du tout

 21   possible dans nos circonstances à nous.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, ce rapport émanant de

 23   Drljaca au sujet de l'interdiction de la libération des prisonniers. Ça se

 24   rapporte à la conclusion que nous avons vue un peu plus tôt aujourd'hui ?

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je crois qu'il s'agit d'une conclusion

 26   différente.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est le même sujet.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le numéro est différent et la date

  2   est différente.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'étais en train de me pencher sur les

  4   affirmations faites par le témoin au sujet des ordres de Drljaca pour ce

  5   qui est du relâchement ou du transfert de certains prisonniers, mais les

  6   deux documents contredisent ces affirmations. Mais ça ne se rapporte pas à

  7   la même décision.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Stakic, je vais maintenant revenir à la cellule de Crise qui a

 11   adopté des conclusions interdisant la libération de prisonniers telle que

 12   relaté par ce document de la police, et, vous dites :

 13   "Lorsque ces individus qui étaient des Serbes, mais si je puis les

 14   qualifier de criminels aussi, partaient vers les centres pour prendre des

 15   individus là-bas en raison de gain individuel. Ils leur stockaient de

 16   l'argent, des voitures, et la chose la plus triste, c'est qu'ils ne les

 17   ramenaient pas au centre, ils les abattaient. C'était cela notre objection.

 18   Nous ne nous interposions pas dans leur travail, mais nous ne voulions pas

 19   qu'ils soient autorisés à sortir des prisonniers."

 20   Alors ça, c'est page 48.

 21   J'imagine que vous, dans la cellule de Crise, vous saviez que des individus

 22   allaient dans les centres tels que Omarska, prenez là-bas des prisonniers,

 23   et les abattaient, n'est-ce pas ?

 24   R.  Mais justement, c'est ce qu'on avait appris, et c'était une espèce

 25   d'appel ou de tentative de notre part pour faire en sorte que les gens là-

 26   bas fassent leur travail. Et, si tant est que ces gens, ces malheureux sont

 27   prisonniers et s'ils sont interrogés comme on nous a dit qu'ils les

 28   interrogeaient, nous demandions à ce que ce type de choses ne se produise


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  1   pas. Vous avez un document qui a été présenté à l'occasion de ce procès, et

  2   j'ai reçu un rapport de la part de Simo Drljaca - pas moi, mais l'assemblée

  3   - et dans ce rapport, il est dit qu'il n'y avait que deux personnes à

  4   Omarska qui ont été tuées, qui n'ont pas en fait été tuées, mais qui sont

  5   mortes de mort naturelle. Il a signé, c'est un rapport officiel qu'il a

  6   présenté.

  7   Moi, je n'étais pas là-bas, je n'avais pas la possibilité d'être là-

  8   bas ou d'aller là-bas pour des investigations. Ce que je voulais dire,

  9   c'est qu'en ce moment-ci, tout ce que je peux dire c'est mes regrets de ne

 10   pas avoir démissionné de mes fonctions, et au final j'ai démissionné. Ça a

 11   été adopté en janvier 1993, ma démission. C'était une façon d'exprimer mon

 12   désaccord. J'aurais peut-être dû démissionner avant cela quand j'ai

 13   constaté ou vu que je ne pouvais rien faire pour empêcher ce type de

 14   choses.

 15   Q.  Donc au paragraphe 24 de votre déclaration de témoin, lorsque vous

 16   dites "qu'à l'époque j'étais au courant de deux cas de décès par mort

 17   naturelle qui se sont produits au centre d'Omarska, et que c'était la seule

 18   chose que je savais au sujet d'Omarska", ce n'est pas vrai en réalité,

 19   parce que vous nous dites que vous saviez que des Serbes prenaient des

 20   prisonniers pour les sortir là-bas et les abattre; c'est bien cela ?

 21   R.  Je peux répéter une fois de plus littéralement ce que je vous ai dit

 22   tout à l'heure. J'ai fait ma déclaration, je veux dire, c'est partant de ce

 23   que j'ai officiellement obtenu de la part de M. Drljaca au sujet de nombre

 24   de victimes là-bas. Nous avons appris par contre que Keraterm, Trnopolje,

 25   et plus facile encore d'en parler, Trnopolje, c'était moins protégé que

 26   cela, là, les gens venaient en arme et ils sortaient des individus de là-

 27   bas. Je ne connais pas le chiffre, enfin le nombre de personnes, et je ne

 28   sais pas qui l'a fait. Mais c'est ce qui se passait, et nous avions lancé


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  1   un appel, nous avons fait une tentative à l'égard de la police et des

  2   forces de sécurité travaillant là-bas pour que ces effectifs n'autorisent

  3   pas la perpétration de ce type de choses.

  4   Q.  Au paragraphe 20 de votre déclaration, vous faites référence à une

  5   décision relative à l'organisation et aux activités de la cellule de Crise,

  6   il s'agit de la pièce P3536. A l'article 2 de la décision, il est dit que

  7   la responsabilité de la cellule de Crise englobait les volets de la

  8   coordination, de la protection des gens et des biens. Alors, ceci reflète

  9   exactement les responsabilités de la cellule de Crise vis-à-vis de la

 10   sécurité et de la sûreté des citoyens à Prijedor, n'est-ce pas ?

 11   R.  Avez-vous, comme vous venez de citer le document ? Est-ce que je peux

 12   le voir, s'il vous plaît ? Je ne doute pas, je ne pense pas que vous l'ayez

 13   cité à tort et à travers, mais j'aimerais bien voir ce document.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, je demanderais que l'on nous

 15   affiche cette pièce P3536, s'il vous plaît.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Décision relative à l'organisation; quel

 17   article avez-vous dit tout à l'heure ?

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 19   Q.  Article 2 se rapportant aux obligations de la cellule de Crise pour ce

 20   qui est, entre autres, de procéder à des coordinations, à des autorités,

 21   organisation de la vie et de la protection, et cetera, et cetera. Alors,

 22   vous êtes d'accord avec moi pour dire que la cellule de Crise avait des

 23   responsabilités à cet égard-là aussi ?

 24   R.  Ecoutez, Madame, cette cellule de Crise, à l'époque on avait qualifié

 25   cela de "présidence", puis on a ramené l'appellation de présidence. Je ne

 26   sais pas pourquoi on appelait ça "cellule de Crise", moi, je ne comprends

 27   pas. Mais toujours est-il que ce sont là des reliquats du système

 28   communiste, parce que dans ce système il était difficile de modifier la


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  1   totalité des documents relatifs aux instances qui étaient mises en place.

  2   Et, il y avait une thèse qui disait que la population entière, c'était

  3   l'armée, nous étions tous des soldats. Nous étions tous tenus de prendre

  4   part à la défense, et partant de là, on a rédigé ce type de choses sans

  5   qu'il y ait de façon explicite des instructions de données pour ce qui est

  6   de dire que la cellule de Crise c'est le supérieur hiérarchique de la

  7   police ou de l'armée. Parce que là, on parle de "coordination", mais

  8   d'après ma connaissance des choses à moi, ce n'était pas là une source de

  9   position hiérarchique plus élevée nous concernant vis-à-vis des effectifs

 10   de la police et encore moins vis-à-vis des effectifs de l'armée.

 11   Q.  Bon. Alors au début de votre témoignage, vous nous avez dit en page 24

 12   :

 13   "Je suis également d'accord avec la déclaration avancée par la

 14   Chambre de première instance dans le jugement en première instance,

 15   paragraphe 616.

 16   Il est dit dans ce paragraphe que : 

 17    "La Chambre de première instance ne considérait pas que l'objectif

 18   conscient du Dr Stakic consistait en la participation d'exécution de

 19   citoyens non-serbes de façon à assurer une impunité au sein de cette

 20   municipalité de Prijedor. Et, on dit que le Dr Stakic était conscient de

 21   l'existence d'un tel environnement et que cela pourrait se solder par des

 22   exécutions, et il s'était fait une raison pour ce qui est de cette issue

 23   probable. Et il a participé au dolus qui est un élément requis pour ce qui

 24   est d'une responsabilité au pénal s'agissant des exécutions, aux

 25   paragraphes 44 et 47 de l'acte d'accusation. La Chambre a donc considéré

 26   que la chose a été prouvée."

 27   Alors je pense que vous avez été d'accord avec la teneur de ce

 28   paragraphe, pour ce qui est d'avoir été conscient de l'environnement qui


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  1   était extrêmement dangereux à Prijedor pour ce qui est de la population

  2   non-serbe, un environnement qui, très probablement, pouvait se solder par

  3   des exécutions de membres de cette population-là, n'est-ce pas ?

  4   R.  Excusez-moi, mais je ne sais pas si la chose a été consignée dans

  5   le PV du procès en première instance. J'ai dit que j'étais d'accord avec

  6   une affirmation initiale, c'est-à-dire une première phrase énoncée. Avant

  7   le toutefois, où la Chambre a constaté, comme vous venez de le dire, que je

  8   n'avais pas conscience du fait que l'on était en train de tuer des citoyens

  9   de groupes ethniques non-serbes, dans cette partie-là, j'ai été d'accord.

 10   Mais j'ai essayé de vous dire aussi que je n'étais pas d'accord avec les

 11   parties du jugement rendu où l'on a affirmé que j'étais une espèce de

 12   joueur proéminent ou principal pouvant décider des choses. Qu'ajouterai-je

 13   encore ?

 14   Pour ce qui est des connaissances que j'ai eues de ces choses-là au

 15   fil des 20 années écoulées en France où je purge ma peine et aux Etats-Unis

 16   d'Amérique, je sais que là-bas, il y a des maires qui peuvent nommer les

 17   chefs de police locaux. Et ça, c'est une assemblée. Le président de

 18   l'assemblée, lui, n'avait aucune attribution vis-à-vis de la police et de

 19   l'armée.

 20   Et une fois de plus, encore, j'ajouterais ce que j'ai déjà dit. C'est

 21   qu'avec mes 29 ans de l'époque et des études de médecine à peine achevées,

 22   politiquement, j'étais un analphabète. Je n'avais pas non plus l'autorité

 23   requise pour aboutir à ce type de choses. Et je crois que la législation en

 24   vigueur ne le permettait de toute façon pas. Pour ce qui est des

 25   exécutions, comme vous les avez mentionnées dans votre question, je n'en ai

 26   eu vent que quand ça s'est produit, après. Et je peux répéter une fois de

 27   plus que je regrette très sincèrement tout ce qui s'est passé avec mes

 28   concitoyens à l'époque. Et à y réfléchir maintenant à ce que j'aurais pu


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  1   faire, présenter ma démission et quitter le poste. Je l'ai fait, mais peut-

  2   être aurais-je dû le faire en juillet-août déjà, lorsque j'ai eu vent des

  3   premiers événements de ce type. Mais aujourd'hui non plus, je ne veux nier

  4   par un seul mot --

  5   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, vous avez fait votre réponse et vous

  6   êtes allé plus loin. Mais mon temps est limité. Vous nous avez dit quelque

  7   chose et je voudrais revenir à la teneur de mes questions.

  8   Vous avez dit :

  9   "Nous n'avions pas planifié Trnopolje. Je n'ai pas pris part à ceci,

 10   et je n'en ai pas eu connaissance."

 11   Page 41. Et au paragraphe 23 de votre déclaration, vous avez dit :

 12   "S'agissant des investigations à Keraterm et Omarska, la cellule de

 13   Crise n'a pas pris part à leur création."

 14   Mais d'après les décisions des autorités civiles de Prijedor, les

 15   trois centres ont été mis en place conformément à des décisions de ces

 16   autorités-là, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je l'ai lu cela dans le rapport présenté par M. Drljaca où il a affirmé

 18   que ces centres ont été créés partant d'une décision de la cellule de

 19   Crise. Mais il n'est dit nulle part partant de quelle décision, quelle

 20   date, quel numéro de décision. Et lui, il est juriste; il aurait très bien

 21   pu l'indiquer, cela. Donc, je maintiens, pour ce qui nous concerne, ce que

 22   j'ai répondu en premier lieu, à savoir que la cellule de Crise n'a pas été

 23   l'instance qui avait créé ces centres-là.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions

 25   maintenant sur le 40126 de la liste 65 ter.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pendant que nous attendons l'affichage

 27   de ce document, Madame Gustafson et Monsieur Robinson, le document qu'on a

 28   vu, celui qui porte la cote P2915, qui est un résumé des conclusions


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  1   adoptées par la cellule de Crise au fil de l'année 1992, je fais remarquer

  2   que cela n'a été versé au dossier qu'à des fins limitées. Ça a été versé au

  3   dossier en tant que document d'origine, s'agissant de Mme Hanson notamment.

  4   Et je crois que maintenant, nous pourrions l'admettre dans son intégralité.

  5   Des objections, Monsieur Robinson ?

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, on va le faire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P6582,

  9   Madame, Monsieur les Juges.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier comme le

 11   document 2915, mais dans son intégralité, non seulement en tant que

 12   document de d'origine.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Docteur Stakic, nous avons ici une transcription d'une conversation

 15   avec vous où il est dit -- où c'est vous, plutôt, qui dites que vous avez

 16   été six ou sept mois président de l'assemblée municipale, ce qui fait que

 17   cette conversation se passe en fin 1992. Alors, est-ce que vous vous

 18   souvenez d'avoir accordé une interview à un reporter qui parlait l'anglais,

 19   vous avez eu recours à des services d'interprètes vers la fin de cette

 20   année 1992 ?

 21   R.  Il y en a eu plusieurs de ces journalistes étrangers à venir. Je ne me

 22   souviens pas de chacun d'entre eux auquel cas, mais si je me penche sur le

 23   document, il se peut que je m'en souvienne, et si ça a été enregistré en

 24   particulier, c'est que ça doit être une interview accordée par moi.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Penchons-nous sur la page 2 dans les deux

 26   versions, c'est-à-dire dans les deux langues.

 27   Q.  Je souhaite attirer votre attention, Dr Stakic, sur la partie qui se

 28   trouve à deux tiers vers le bas dans votre langue à vous. Et ça se trouve à


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  1   mi-page en version anglaise. Vous avez pris la parole et vous avez dit :

  2   "De telles places, telles qu'Omarska, Keraterm et Trnopolje, à un moment

  3   donné se sont avérées nécessaires et cela a été créé conformément aux

  4   décisions des autorités civiles de Prijedor."

  5   Le reporter vous pose la question :

  6   "Et ces trois taules…"

  7   Et là vous avez interrompu et vous avez dit :

  8   "Ces centres d'accueil."

  9   Et ça a été, vous demande-t-on :

 10   "…des centres d'accueils qui ont été créés conformément aux décisions des

 11   autorités civiles ?"

 12   Et vous répondez :

 13   "Oui. Oui."

 14   Alors, il y a quelques instants, lorsque je vous ai affirmé que c'était

 15   l'œuvre des autorités civiles, vous nous avez affirmé que c'était une chose

 16   que vous avez lue dans le rapport de Drljaca, mais en fait, c'est vous qui

 17   l'avez dit vous-même à ce reporter.

 18   R.  Quand j'ai dit tout à l'heure que dans le rapport de Drljaca il avait

 19   parlé de la création de ces centres par les soins de la cellule de Crise et

 20   non pas par les soins des autorités civiles. Alors, je précise qu'il y

 21   avait des autorités militaires et des autorités civiles. L'armée a sa

 22   police militaire, ses tribunaux militaires et ses prisons militaires; les

 23   autorités civiles, elles, en sus de l'assemblée municipale et du Conseil

 24   exécutif, le tribunal municipal et la police municipale, il y a là donc des

 25   instances qui font partie des autorités civiles. C'est du moins ce que j'en

 26   sais.

 27   Q.  Lorsque je vous ai posé cette question, j'ai indiqué que :

 28   "Ces centres ont été créés conformément aux décisions des autorités civiles


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  1   à Prijedor, n'est-ce pas ?"

  2   Et vous n'avez pas dit, "Oui, oui", comme vous l'avez dit dans l'interview

  3   en question. Vous nous avez dit une chose que vous aviez lue dans le

  4   rapport de M. Drljaca, et dans la suite vous avez nié l'exactitude de ce

  5   rapport; est-ce bien cela ?

  6   R.  Ce que vous venez de dire en dernier lieu, excusez-moi, ce n'est pas du

  7   tout ce que j'ai dit. Je ne sais pas ce qu'on vous a traduit.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous êtes d'accord pour dire

  9   que ces centres d'accueil ont été créés conformément à une décision des

 10   autorités civiles de Prijedor ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce que j'essaie

 12   de vous dire, c'est ce que j'entendais par "autorités civiles", car il y a

 13   un partage net entre autorités civiles et autorités militaires. Je répète

 14   que l'armée a ses propres troupes d'intervention, son tribunal militaire,

 15   sa police militaire et des prisons militaires; les autorités civiles, c'est

 16   l'assemblée municipale, le Conseil exécutif, le tribunal municipal,

 17   l'avocat civil de la municipalité et la police civile. Et c'est la police

 18   civile qui a créé ces centres, parce que la police civile fait partie

 19   intégrante des autorités civiles.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Penchons-nous sur la page 5, ça c'est pour

 21   la version anglaise. La version B/C/S, c'est la page 6.

 22   Q.  Docteur Stakic, j'attire votre attention sur un passage qui se trouve

 23   aux deux tiers de la page en allant vers le bas. Dans la version anglaise -

 24   - en fait, c'est à peu près au même endroit dans les deux versions. C'est

 25   vous qui avez pris la parole. Il y a une longue déclaration de faite par

 26   vous, et vous dites que :

 27   "Nous qui vivons ici depuis des siècles, j'entends là les Serbes et les

 28   autres peuples, les Musulmans, qui ont été créés artificiellement et qui


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  1   dans les deux guerres précédentes ont été contre les Serbes, et les Serbes

  2   ont été les deux fois en question aux côtés des alliés."

  3   Alors, cette déclaration qui dit que les Musulmans ont été créés de façon

  4   artificielle, c'est une offense et c'est discriminatoire à l'égard des

  5   Musulmans, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je ne suis pas un homme qui n'a que des vertus, je ne l'ai jamais

  7   affirmé. Je ne veux pas non plus demander ici pardon. Je puis seulement

  8   exprimer des regrets pour l'offense en question. Aujourd'hui, je ne me

  9   permettrais pas de m'exprimer ainsi. Mais nous étions en temps de guerre.

 10   La propagande battait son plein de part et d'autre, et c'est probablement

 11   pris par ce type de rhétorique que j'ai déclaré telle chose. En me disant

 12   que pendant l'Empire ottoman, la plupart de cette population musulmane

 13   c'étaient des gens qui s'étaient convertis, des Serbes qui s'étaient

 14   convertis à l'Islam. Ils ont eu le droit de le faire. Mais ce que je

 15   voudrais dire, c'est que je n'aurais pas dû m'exprimer ainsi. Je ne puis

 16   que formuler des regrets à l'égard de tous ceux qui se considèrent

 17   offensés. Croyez-moi bien que compte tenu de mon expérience de la vie

 18   actuelle, je ne me permettrais sûrement pas de dire chose pareille.

 19   Q.  Donc, vous dites que c'était une vilaine chose. Etes-vous d'accord pour

 20   affirmer que c'est discriminatoire et offensant ?

 21   R.  C'est ce que je dis. Entendu ainsi, ça peut être considéré comme

 22   offensant. Je vous demanderais de prendre dans ce même texte des parties où

 23   j'ai précisé que notre objectif principal était d'aboutir à la paix et

 24   qu'une fois que la paix serait rétablie, nous continuerions à vivre

 25   ensemble.

 26   Q.  Docteur Stakic, je ne vous pose pas de questions au sujet de ces

 27   passages. Vous êtes d'accord au sujet du fait que ce soit discriminatoire

 28   et offensant, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Ecoutez, je ne sais plus ce que vous me demandez. J'ai dit que j'ai

  2   commis une erreur, et je le regrette vraiment. Je suis d'accord avec vous

  3   pour dire que cela semble être offensant. Mais je vous demande de ne pas

  4   tout arracher du contexte. J'ai dit d'autres choses encore que vous

  5   pourriez citer aussi.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la page 9 en

  7   B/C/S, s'il vous plaît, et la page 7 en anglais.

  8   Q.  C'est en haut de la page en B/C/S et au milieu de la page en anglais.

  9   On vous pose une question au sujet des Musulmans qui vivaient à Kozarac. Et

 10   vous dites :

 11   "Eh bien, Trnopolje est rempli en gros avec des Musulmans de Kozarac. Une

 12   bonne partie de ces extrémistes étaient de Kozarac et ils sont arrivés à

 13   Trnopolje. A peu près 1 500 personnes étaient déplacées avec l'aide de la

 14   Croix-Rouge à Karlovac, la plupart étaient de Kozarac."

 15   Et ensuite, vous continuez deux lignes plus loin :

 16   "Un chef d'état-major les a soit accueillis dans le territoire de la

 17   municipalité de Prijedor ou bien ils ont été transférés … il y en a qui

 18   sont partis en Bosnie centrale … ceux qui voulaient aller en Bosnie

 19   centrale. Nous avons organisé leur départ en bus, en train, et c'était

 20   gratuit, et tout cela pour qu'il n'y ait pas de victimes, pour qu'il n'y

 21   ait pas de génocide pour lequel l'Europe nous avait déjà accusés."

 22   Donc, vous, vous avez bien dit que vous avez organisé le départ des

 23   Musulmans de Trnopolje vers la Bosnie centrale, le départ organisé en

 24   autocars. Est-ce que là vous parlez des autorités municipales ? Est-ce que

 25   ce sont les autorités municipales qui ont organisé leur départ ?

 26   R.  Non, Madame. C'est la Croix-Rouge qui s'en est occupée. Et nous, nous

 27   leur avons fourni le carburant à leur demande.

 28   Q.  Donc, vous, vous avez donné des autocars, des trains et le carburant ?


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  1   R.  Non. Vous devez me comprendre : d'après la Loi de la Défense populaire,

  2   l'armée et la police peuvent mobiliser tous les moyens de transport. Donc,

  3   on peut prendre ces moyens de transport des entreprises qui les possèdent,

  4   donc les entreprises de transport, les trains des compagnies ferroviaires.

  5   Ils ont la possibilité même de réquisitionner toute une entreprise. Et ce

  6   n'est pas les autorités municipales qui ont fait cela. La Croix-Rouge nous

  7   a demandé du carburant, pétrole, diesel, et cetera, et on l'avait aidée.

  8   Souvent ils s'adressaient justement au comité exécutif plutôt qu'à la

  9   cellule de Crise, parfois peut-être même à la cellule de Crise, et on a

 10   essayé de les aider parce qu'ils s'étaient déjà mis d'accord avec la Croix-

 11   Rouge internationale sur les routes qu'ils allaient emprunter, comment ils

 12   allaient transporter tous ces gens, et on les a aidés donc dans la partie

 13   qui concerne le carburant.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons attribué une cote

 15   à la déclaration en vertu de l'article 92 ter de ce témoin ?

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, cela faisait partie

 17   des pièces connexes, et c'est le document D4195.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 20   Q.  Docteur Stakic, vous avez dit que vous avez organisé le transport de

 21   ces personnes pour éviter les victimes, pour éviter qu'un génocide ne se

 22   produise. Mais vous reconnaissez, n'est-ce pas, que la population non-

 23   serbe, en restant à Prijedor, risquait sa vie, n'est-ce pas ?

 24   R.  Vous parlez du génocide, mais vous n'avez pas cité la phrase en entier,

 25   parce que c'est :

 26   "…le génocide dont vous nous avez déjà accusés dans l'Europe."

 27   Et j'ai des informations, enfin aujourd'hui, parce que j'ai lu des

 28   documents, que certains groupes de ces extrémistes avaient été capturés


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  1   autour de Kozara dans les collines de Kurevo en 1994 et même 1995.

  2   Cependant, les soldats et les policiers serbes y sont allés. Et donc, mis à

  3   part les activités régulières de l'armée et de la police, de leur propre

  4   gré, ils se rendaient dans les maisons de ces gens pour les

  5   perquisitionner, saisir leurs biens, et cetera. Et nous ne pouvions pas les

  6   protéger --

  7   Q.  Excusez-moi de vous interrompre. C'est parce que vous ne répondez pas à

  8   la question que je vous ai posée. Là, vous parlez de 1994-1995. Alors que

  9   là nous avons un entretien de la fin de l'année 1992, et vous parlez des

 10   Musulmans de Kozarac. Et vous dites :

 11   "Nous avons organisé leur départ par autocars, par trains, pour qu'il

 12   n'y ait pas de victimes, pour qu'il n'y ait pas de génocide, ce génocide

 13   dont nous avons déjà été accusés en Europe, pour que ce génocide ne se

 14   produise pas."

 15   Donc, ce sont vos propos. Autrement dit, vous avez bien reconnu en disant

 16   cela que les non-Serbes qui avaient décidé de rester à Prijedor,

 17   finalement, risquaient leurs vies ?

 18   R.  Oui, mais dans la mesure où nous n'avons pas organisé nous-mêmes leur

 19   départ. C'est la Croix-Rouge qui l'avait organisé. Cela étant dit, la vie

 20   était risquée pour tous les habitants de Prijedor à l'époque, mais

 21   j'ajouterais qu'elle était bien plus risquée pour les Musulmans que pour

 22   les autres.

 23   C'est dommage, c'est triste qu'ils devaient partir. Mais moi, parce

 24   que je parle en tant qu'être humain, je pense que ceux qui sont partis et

 25   qui ont pu survivre ainsi, ils ont eu quand même la possibilité de revenir,

 26   alors qu'il y en a qui ont perdu leurs biens. C'est mon opinion d'être

 27   humain. Ce n'est pas que je pense que c'est bien de les faire partir. Parce

 28   que c'est le mauvais traitement, le harcèlement. Mais vous savez, une tête


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  1   sur les épaules sera toujours capable de penser à nouveau, de faire une

  2   nouvelle vie, de recommencer sa vie. Une tête de perdue.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, je vais demander de passer à la

  4   page 8 en anglais et page 10 en B/C/S.

  5   Q.  C'est en haut de la page dans votre langue. On vous demande de répondre

  6   aux allégations des Occidentaux concernant le nettoyage ethnique. Et voici

  7   ce que vous dites :

  8   "J'ai déjà dit au départ que la plupart partent plutôt pour des raisons

  9   économiques que pour des raisons politiques. Car nous sommes tous menacés

 10   ici. Moi, à un moment donné, j'avais un salaire équivalent à 1 000 marks

 11   allemands. Aujourd'hui je suis maire et j'ai un salaire de 60 marks

 12   allemands, j'habite chez quelqu'un, je sous-loue mon appartement, mon

 13   épouse ne travaille pas, et cetera… donc, il n'y a pas que les Musulmans

 14   qui sont menacés ici."

 15   Donc, vous avez reconnu qu'il y a eu au moins deux massacres des Musulmans

 16   à Prijedor, à Keraterm et à Koricanske Stijene. Vous avez reconnu plus tôt

 17   aussi aujourd'hui que vous saviez que les Musulmans étaient amenés dans les

 18   camps et tués là-bas. Et il y a quelques instants, vous avez dit que la vie

 19   était particulièrement dangereuse et difficile pour les Musulmans. Eh bien,

 20   si l'on compare la situation des Musulmans à Prijedor à la vôtre, le fait

 21   que votre salaire était réduit, que vous étiez sous-locataire et que votre

 22   épouse ne travaillait plus, et dire en décrivant votre situation que

 23   "finalement tout le monde était en danger", c'est erroné et c'est un

 24   commentaire extrêmement cynique de votre part, n'est-ce pas ?

 25   R.  Je considère que vous êtes de bonne foi et que vous souhaitez entendre

 26   ma vision de la situation, et donc je vais essayer de ne pas être

 27   sarcastique ou cynique. Et voici ce que je vais vous dire, évidemment que

 28   je pense que ce n'était peut-être pas correct de comparer les salaires, de


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  1   parler de mon salaire. Mais moi, en tant que maire -- mais je n'étais pas

  2   le "maire". J'étais le président de l'assemblée municipale, et j'ai demandé

  3   déjà qu'on ne traduise pas cette fonction comme maire.

  4   Donc, moi, pour me rendre à mon travail et pour ensuite rentrer chez

  5   moi, il fallait que j'aie sur moi un document donné par le secrétariat de

  6   la Défense nationale portant sur l'obligation de travail. Sans ce document,

  7   tout policier civil ou militaire pouvait m'arrêter sur-le-champ et

  8   m'expédier sur le front le jour même. J'ai vécu toutes sortes de

  9   situations, mais évidemment, tout cela ne se trouve pas ici, et c'est pour

 10   cela que je le répète. Donc, il m'est arrivé d'être arrêté par les

 11   policiers et les militaires armés serbes, qui avaient souvent les yeux

 12   injectés de sang à cause de la consommation d'alcool ou autre chose. Ils me

 13   demandaient de baisser ma fenêtre, tout en ayant son fusil braqué sur moi

 14   et en me disant : "Eh bien, vous vous promenez en voiture, alors que moi je

 15   fais la guerre." Ensuite, on continuait à me provoquer, et à la fin on me

 16   demandait soit de l'alcool, soit des cigarettes. Et à chaque fois que j'ai

 17   essayé de porter plainte auprès de la police ou auprès de l'armée, ils me

 18   demandaient : "Vous avez un nom à me donner ?" Evidemment que je ne le

 19   savais pas. Ils portaient un uniforme sans aucun nom ou numéro ou insigne

 20   quelconque. Et ils me répondaient à chaque fois : "Ah, c'est bien dommage,

 21   parce que si vous étiez en mesure de me donner un nom, on ferait nous aussi

 22   une enquête." Donc, il faut me croire, moi aussi, j'étais menacé. Bon,

 23   évidemment, peut-être que ce n'est pas bien que j'aie mentionné mon

 24   salaire. Ce n'était peut-être pas très correct. Cela étant dit…

 25   Q.  Docteur Stakic, dans votre réponse vous avez dit que vous n'aviez pas

 26   suffisamment de temps pour raconter tout cela dans votre entretien.

 27   Donc, est-ce que vous dites que vous avez oublié de dire que les

 28   Musulmans étaient massacrés par la police et par l'armée à Prijedor en


Page 45265

  1   1992, tout simplement ou non parce que vous n'avez pas eu suffisamment de

  2   temps pour le faire qu'on les a aussi emmenés dans les camps.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question ? Je

  4   cherche la référence où l'on a confirmé et établi que c'est l'armée et la

  5   police qui faisaient cela. Parce que ce témoin vient de dire que ce sont

  6   les individus qui le faisaient.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Moi, je parlais de massacres contenus dans

  8   la déclaration. C'est là que l'on dit que c'est l'armée et la police qui

  9   ont fait cela.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous souvenez-vous de la question ? Vous

 11   pouvez-vous répondre à la question ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Quelle était la question déjà ?

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Docteur Stakic, tout à l'heure, vous avez dit que vous n'aviez pas

 15   suffisamment de temps pour tout dire dans l'entretien, et je vous demande

 16   si vous affirmez vraiment sérieusement que vous avez omis de dire que les

 17   Musulmans ont été massacrés par la police et l'armée à Prijedor en 1992,

 18   qu'on les amenés dans les camps, qu'on les a tués, que vous avez oublié,

 19   donc, de mentionner cela tout simplement parce que vous n'aviez pas

 20   suffisamment de temps pour le dire ?

 21   R.  Madame, Madame le Procureur, avec tout le respect que je vous dois, je

 22   sais que c'est votre métier qui veut ça et, d'ailleurs, je ne peux pas

 23   évaluer votre travail professionnellement. Je pense que vous le faites

 24   bien, d'ailleurs. Mais vous m'avez posé une question précise au sujet,

 25   justement, de ces 60 marks allemands et du fait que je sous-louais mon

 26   appartement. Donc, j'ai dit que quand on m'a posé cette question-là, je

 27   n'ai pas eu suffisamment de temps pour expliquer, pour donner toutes les

 28   comparaisons, toutes les explications pour étayer cette affirmation que


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  1   j'ai été menacé moi aussi, pas seulement les Musulmans. Cela ne voulait pas

  2   dire que les Musulmans n'étaient pas plus en danger que moi. Et moi, je

  3   n'ai jamais nié ce massacre. J'en ai parlé tout à l'heure. Je ne veux pas

  4   les amoindrir, je ne veux pas les nier. Donc, j'ai essayé vraiment de

  5   répondre du journaliste.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais verser cela au dossier.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, ce document va recevoir la cote

  8   P6582.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander de passer à la pièce 65

 10   ter 40633.

 11   Q.  Docteur Stakic, ici, nous avons une transcription de la vidéo de

 12   l'entretien que vous avez eu avec un journaliste au mois de janvier 1993,

 13   un journaliste étranger. On vous a posé des questions au sujet du plan de

 14   Genève.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et je vais vous demander de voir la page 2

 16   dans les deux langues. C'est en haut de la page.

 17   Q.  Où vous parlez, on peut lire MS. Et vous parlez donc des négociations à

 18   Genève, et vous dites :

 19   "Et troisièmement, les observateurs européens devraient venir sur le

 20   terrain pour déterminer la véritable situation sur le terrain, de sorte

 21   qu'ils ne créent pas des cartes, des projection et des constitutions sur la

 22   base de la propagande de Vatican et de Téhéran. Et ils doivent venir à

 23   Prijedor, voir qui habite là-bas, qui travaille, ce qu'ils font, quelles

 24   sont leurs activités, se rendre à Krupa, à Una, à Novi, à Sanski Most. Je

 25   parle des villes qui sont au cœur de nos intérêts ici. Déterminer,

 26   déterminer, voir la situation sur le terrain, la réalité des choses, qui

 27   habite là-bas, ce qu'ils font. Et ensuite, il faudrait qu'ils partent,

 28   qu'ils prennent une semaine pour dessiner des nouvelles cartes."


Page 45267

  1   Donc, ici, vous faites une promotion finalement de la division du

  2   territoire sur la base de la situation des faits sur le terrain à l'époque

  3   pour voir qui vraiment habite à Prijedor, Sanski Most, Bosanski Novi, Krupa

  4   et, évidemment, c'est une situation qui serait bénéficiaire aux Serbes vu

  5   la réduction drastique de la population musulmane et croate dans ces zones

  6   depuis le début de la guerre ?

  7   R.  Avec tout le respect que je vous dois, je ne saurais être d'accord avec

  8   cette interprétation. Tout d'abord, vous voyez que je suis tout à fait

  9   d'accord avec les négociations à Genève; donc, je suis d'accord avec le

 10   principe des négociations. Cela veut dire que peut-être la guerre arrivera

 11   à sa fin grâce à ces négociations. Et puis, moi, je n'ai jamais dit que les

 12   Musulmans et les Croates ne devraient pas continuer à vivre là-bas. Et

 13   puis, enfin, je ne sais pas quelle est l'année de ces négociations, mais

 14   après vous aviez quand même les accords de Dayton qui, finalement a séparé

 15   le pays en deux entités, sans pour autant dire qu'il n'y avait que les

 16   Serbes qui pouvaient vivrent dans l'entité serbe; les Musulmans, les

 17   Croates pouvaient y vivre aussi.

 18   Q.  Et là, on est au mois de janvier 1993, et au mois de janvier 1993, il

 19   ne reste que très peu de Croates et très peu de Musulmans à Prijedor,

 20   Krupa, Novi, Sanski Most, n'est-ce pas ?

 21   R.  Ecoutez, je ne sais pas quel était leur nombre, mais moi, je n'ai pas

 22   dit -- ce n'est pas écrit ici qu'il fallait qu'ils viennent, qu'ils

 23   enregistrent la situation sur le terrain et qu'il fallait interdire aux

 24   gens chassés de retourner dans la région. Moi, j'étais tout simplement

 25   d'accord avec les négociations et, si je ne m'abuse, les Serbes étaient

 26   pour. Evidemment, tout le monde n'est pas d'accord et n'est pas heureux

 27   avec les accords de Dayton, mais d'après moi, chaque accord est meilleur

 28   que la guerre.


Page 45268

  1   Et d'ailleurs, j'ai participé à la mise en œuvre des accords de

  2   Dayton en 1996, surtout dans le point paragraphe 7 concernant le retour des

  3   personnes déplacées dans leurs foyers. Donc, si j'ai dit que j'étais

  4   d'accord avec la séparation faite en fonction des accords de Genève, je

  5   n'ai pas dit en disant cela que je voulais que l'on nettoie un territoire

  6   d'un groupe ethnique ou d'un peuple.

  7   Q.  Mais vous continuez à dire que vous étiez pour les accords de Genève,

  8   mais là, vous parlez quand même de la propagande du Vatican, de Téhéran.

  9   Vous dites que les cartes sont élaborées sur la base des cette propagande

 10   et que, d'après vous, les cartes devaient être dessinées en fonction de la

 11   situation sur le terrain. Autrement dit, vous avez votre point de vue quant

 12   à la façon de diviser le territoire.

 13   R.  Eh bien, excusez-moi, mais ici, en serbe, je ne vois pas que l'on dit

 14   quelle est la situation sur le terrain à présent. Moi, j'ai dit tout

 15   simplement que j'étais d'accord pour dire qu'il fallait se séparer, mais

 16   que tout le monde avait le droit de continuer à vivre dans leurs propres

 17   maisons. Bon, je vais parler de la propagande, évidemment.

 18   Vous avez la propagande de Belgrade, de Sarajevo et de Zagreb, peut-être

 19   que je suis allé un peu trop loin, mais je n'étais pas présent lors des

 20   négociations de Dayton, mais j'en ai appris des choses depuis les accords

 21   de Dayton. C'était il y a 20 ans. D'après ce que je sais maintenant, à

 22   l'époque, à Dayton, ils négociaient justement autour de ces cartes. Ils les

 23   ont modifiées, dessinées, changées. Et je peux vous dire, la fois quand on

 24   a adopté les cartes définitives de tous les côtés vous aviez des remarques.

 25   Personne était vraiment content avec ces cartes, telles qu'adoptées à

 26   Dayton.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais demander que l'on passe à la

 28   page 4 dans les deux langues. C'est à peu près au milieu de la page en


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  1   anglais et à peu près la moitié de la page en B/C/S.

  2   Q.  Donc, là, à nouveau c'est vous qui parlez, et vous dites :

  3   "Islam, en réalité, les Djihad, a gagné car un grand nombre de Musulmans de

  4   ces territoires est parti en direction de l'Allemagne. Pourquoi je

  5   mentionne cela ? Parce que tous les Musulmans de cette région auraient pu

  6   choisir de se rendre à Zenica, Sarajevo, Travnik, ou dans l'Europe

  7   occidentale. Ils ont choisi l'Europe occidental. Ils ne voulaient même pas

  8   entendre parler de Zenica ou de Travnik. Ils ne voulaient même pas se

  9   rendre en Croatie. Ils savaient très bien qu'ils n'étaient pas bienvenus

 10   là-bas. Au contraire, ils se rendent dans l'Europe pour des raisons

 11   économiques et pour des raisons propagées par les Djihads."

 12   A nouveau, Docteur Stakic, à l'époque vous saviez que l'on avait massacré

 13   les Musulmans, qu'on les avait tués en les faisant sortir des camps, et que

 14   cette région était particulièrement dangereuse pour la population non-

 15   serbe. Mais tout en sachant cela, vous dites que les Musulmans ont quitté

 16   Prijedor en 1992 pour des raisons économiques et pour des raisons qui leur

 17   avaient été soufflées par les Djihad. Donc, vous essayez tout simplement

 18   d'enduire en erreur le journaliste concernant les véritables raisons de

 19   leur départ ?

 20   R.  Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas tout à fait

 21   d'accord avec ce que vous dites. C'est un fait qu'il y a eu des crimes.

 22   C'est un fait qu'ils ont été chassés de chez eux. Qu'ils ont été donc

 23   forcés à quitter cette région. Mais, et d'ailleurs c'est quelque chose que

 24   vous allez retrouver dans les documents que je connais et qui ne sont pas

 25   tous été -- parce que ce sont des choses qui ont apparu pendant mon procès.

 26   A un moment donné, juste avant la fermeture de Trnopolje ou après la

 27   fermeture de Trnopolje, des nouveaux civils musulmans sont arrivés à

 28   Trnopolje, parce que pour eux, c'était une chance de quitter Prijedor.


Page 45270

  1   Alors, je suis d'accord pour dire que la plupart sont partis à cause de la

  2   peur. Mais quand on se pose la question de savoir où ils vont partir, eh

  3   bien, ils souhaitaient, bien sûr, partir en Europe parce qu'il n'y avait

  4   pas de guerre là-bas, alors que vous aviez encore la guerre en Croatie et

  5   en Bosnie. Donc, ils voulaient partir en Europe et pas dans la partie de la

  6   Bosnie contrôlée par les forces musulmanes parce que là ils auraient été

  7   obligés de participer à la guerre.

  8   Et, puis aussi quand j'ai parlé du Djihad, évidemment, une partie

  9   d'entre eux c'étaient des extrémistes. Et vous en avez partout des

 10   extrémistes. Donc il y en a chez eux aussi, et ils ont profité de la

 11   situation. Et des gens sont venus me voir, des gens qui avaient entendu

 12   dire qu'un groupe de Musulmans étaient partis de Bosanski Novi avec l'aide

 13   de l'UNHCR qui, à l'époque, était à Dvor na Una, donc c'est de l'autre côté

 14   de la rivière Una en Croatie, et ils étaient partis en Europe occidental en

 15   passant par la Croatie. Et donc une délégation de gens est venue me voir

 16   pour me demander si je pouvais les mettre en contact avec les représentants

 17   de l'UNHCR pour qu'ils partent en Europe et pas à Zenica ou Travnik à

 18   l'aide de la Croix-Rouge ou autres organisations. Je vous dis cela parce

 19   que je l'ai vécu.

 20   Q.  Docteur Stakic, dans votre réponse vous dites que c'était un fait

 21   qu'ils étaient expulsés de chez eux et qu'ils étaient donc forcés de

 22   quitter la région. Vous avez dit que vous étiez d'accord que la plupart

 23   était partie à cause de la peur, et cetera, et cetera.

 24   Donc, quand dans le paragraphe 26 de votre déclaration, vous dites : "la

 25   raison principale pour partir était les combats incessants, le manque

 26   d'électricité, d'eau et des denrées élémentaires", eh bien, il est vrai

 27   parce que vous venez de l'admettre, il est vrai en revanche qu'ils sont

 28   partis à cause de la peur. Ils étaient forcés de quitter la région, n'est-


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  1   ce pas ?

  2   R.  Quand il m'est arrivé -- enfin quand je me suis entretenu avec l'équipe

  3   de la Défense de M. Karadzic, vous savez, on a parlé longuement, évidemment

  4   après ils ont fait un résumé. Donc, je ne dis pas que ce n'est pas la

  5   vérité, mais je dis tout simplement qu'ils n'ont pas vraiment écrit tout ce

  6   que j'ai dit. Peut-être qu'ils pensaient et que tout n'était pas important.

  7   Mais vous allez voir que dans la phrase suivante, j'ai dit que : "La guerre

  8   n'était plus à proximité de la municipalité, mais sur le territoire de la

  9   municipalité." Qui est sûr dans la guerre. Le fait même qu'il y a une

 10   guerre dans la municipalité suffit. Comparer cela avec la situation en

 11   Syrie. Vous pouvez penser que l'un côté ou l'autre a raison. Toujours est-

 12   il que ce sont les civils qui en paient les frais. Et puis, de plus, il y

 13   avait le manque de tout, de l'électricité, d'eau, de denrées. La guerre

 14   n'était pas en Croatie et n'était pas à côté de la municipalité. Elle était

 15   dans la municipalité même.

 16   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Gustafson, c'est mon point de

 17   vue tout simplement. Mais si j'étais présent dans la galerie du public et

 18   si j'étais en train d'écouter les questions posées, un grand nombre d'entre

 19   eux, j'aurais l'impression plutôt que c'est le Dr Stakic qui est jugé ici

 20   pas le Dr Karadzic. Je ne vous critique pas. C'est une observation que je

 21   fais et je me demande quelle proportion de tout cela est vraiment

 22   pertinente pour ce qui est au cœur de ce procès ici.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, je vais répondre tout simplement.

 24   Non, je pense qu'il s'agit surtout de la crédibilité du témoin. Et puis

 25   dans l'acte d'accusation, le Dr Stakic a eu un rôle dans le cadre de

 26   l'entreprise criminelle commune où il était soit l'instrument soit membre,

 27   et tout cela est connecté évidemment avec le Dr Karadzic. Mais là, de toute

 28   façon, je voulais passer à autre chose.


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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est beaucoup plus facile

  2   d'observer, critiquer le contre-interrogatoire que de le faire, et je vous

  3   parle d'expérience. Mais il me semble que les deux questions que vous avez

  4   posées, là, à savoir la question de crédibilité et de l'entreprise

  5   criminelle commune, vous auriez pu les aborder en posant moins de

  6   questions.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

  8   Q.  Docteur Stakic, au paragraphe 14 vous avez dit que les autorités

  9   municipales de Prijedor n'avaient pas de contact ou de communication avec

 10   les autorités de Pale, et ceci jusqu'au moment où le corridor soit percé.

 11   Et je voudrais vérifier avec vous, à quel moment a commencé d'après vous,

 12   ce blocus ?

 13   R.  Je ne saurais vous donner la date exacte. Je pense, cependant, que

 14   c'est à peu près au mois de mai, au moment où les forces musulmanes et

 15   croates agissant de concert ont rompu l'axe routier entre Banja Luka et

 16   Bijeljina en direction de la République de Serbie. Bon, je ne me souviens

 17   pas de la date exacte, mais je pense que c'était au mois de mai. Et le

 18   blocus est resté en vigueur jusqu'à la fin du mois de juin ou début du mois

 19   de juillet, au moment où l'armée de la Republika Srpska a réussi à libérer

 20   cet axe routier, le corridor, comme on l'appelait à l'époque. Et, en

 21   faisant cela, l'on a réussi à réinstaller les liaisons téléphoniques et on

 22   a pu à nouveau appeler Belgrade. On avait plus souvent l'électricité. Les

 23   véhicules ont commencé à circuler --

 24   Q.  Merci.

 25   R.  J'ai dit aussi que je ne pouvais pas communiquer au niveau de la

 26   municipalité, c'est-à-dire que les autorités municipales n'avaient pas de

 27   moyens de communication. Parce que dans le paragraphe, la question se pose

 28   de savoir si l'armée et la police avaient les moyens de communication, mais


Page 45273

  1   moi, je parlais de la municipalité.

  2   Q.  Merci. Alors, je voudrais vraiment vous inviter à vous concentrer sur

  3   la question que je vous ai posée.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P3537,

  5   s'il vous plaît.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant du

  7   document 40633 de la liste 65 ter, l'interview, est-ce qu'il y a une

  8   demande de versement de ce document ?

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, désolée, je demande le versement

 10   d'une partie de l'entretien qui porte sur le Dr Stakic. Je crois que ce

 11   sont les quatre premières pages dans les deux langues.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6583, Madame,

 15   Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première partie, donc pas la partie

 17   sur Penny Marshall ?

 18   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact. Les quatre premières pages.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'admettons que -- seulement la

 20   page qui a été montrée au témoin ? Vous parlez de quatre pages.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je crois qu'il y a eu quatre pages qui

 22   ont été montrées au témoin, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, oui.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Son entretien s'étale sur quatre pages, et

 25   puis le reste des pages porte sur quelqu'un d'autre.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons admettre les

 27   quatre pages.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur Stakic, nous sommes en 1992, et dans le préambule de ce

  2   document on nous dit :

  3   "Conformément à la décision de la République serbe de Bosnie-Herzégovine

  4   sur la mobilisation publique générale des forces et du matériel au sein de

  5   la république, la cellule de Crise de la municipalité de Prijedor,

  6   s'agissant de la situation actuelle et des conditions actuelles, lors de la

  7   réunion tenue le 22 mai 1992, est arrivée à la décision suivante…"

  8   Et, en fait, les Juges de la Chambre ont déjà reçu comme élément de preuve

  9   une décision sur la mobilisation de la présidence du 20 mai; c'est la pièce

 10   P3919. Donc, je suppose que quelles qu'aient été les difficultés de

 11   communication que vous aviez rencontrées, vous avez reçu cette décision de

 12   la république sur la mobilisation, comme indiqué ici, n'est-ce pas ? En mai

 13   1992.

 14   R.  Madame le Procureur, pour autant que je m'en souvienne, la mobilisation

 15   générale -- je ne parle pas de celle au niveau de la République de l'ex-

 16   Yougoslavie qui existait en 1991. La mobilisation générale a été déclarée

 17   par la Republika Srpska ou la République serbe de Bosnie-Herzégovine - quel

 18   que soit le nom que vous lui donnez - en avril 1992, je pense, si ma

 19   mémoire est bonne. Et nous parlons de cette décision. Et comme je l'ai dit

 20   il y a un instant, nous ne pouvions pas interdire quoi que ce soit. Nous en

 21   appelions, en fait, aux citoyens pour qu'ils répondent à cette décision qui

 22   avait déjà été prise à un niveau supérieur, et c'était obligatoire pour les

 23   citoyens, bien sûr.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P3919,

 25   s'il vous plaît.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de voir ce document, j'aimerais

 27   passer à huis clos partiel, s'il vous plaît. Nous pouvons télécharger le

 28   document en attendant.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  2   Madame, Messieurs les Juges.

  3   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 19   Q.  Docteur Stakic, à l'écran vous voyez la décision que le Dr Karadzic a

 20   rendue en qualité de président de la présidence, décision relative sur la

 21   mobilisation du grand public des forces et des ressources au sein de la

 22   république datée du 20 mai 1992. Et tout à l'heure, vous aviez dit que,

 23   pour autant que vous vous en souveniez, la mobilisation avait été déclarée

 24   au mois d'avril par la Republika Srpska.

 25   Alors, je voulais vous rappeler la décision délivrée par la

 26   présidence sur la mobilisation générale qui a été délivrée deux jours avant

 27   la décision sur la mobilisation de la cellule de Crise de Prijedor.

 28   R.  Je ne me souviens pas avoir vu cette décision, jamais. Et il n'y avait


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  1   aucune raison de me l'envoyer. Ce n'est pas parce que j'étais président de

  2   l'assemblée municipale qu'on aurait dû me l'envoyer. Je ne me souviens pas

  3   avoir vu ce document.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Revenons à la pièce P3537, s'il vous

  5   plaît.

  6   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 39, lorsque vous parlez du fait

  7   jugé numéro 1029, vous déclarez que la cellule de Crise de crise de

  8   Prijedor s'est rencontrée pour la première fois le 29 mai 1992, et vous

  9   avez répété cela aujourd'hui lors de votre déposition.

 10   Je vous invite à regarder de nouveau le préambule de cette décision de la

 11   cellule de Crise du 22 mai. On nous dit : Cette décision a été prise lors

 12   d'une réunion qui s'est tenue le 22 mai. Donc, la cellule de Crise s'est

 13   bien réunie avant le 29 mai ?

 14   R.  Est-ce que l'on peut faire défiler le texte, s'il vous plaît, vers le

 15   haut ? Oui, on parle de la cellule de Crise et la date est le 22 mai. Mais,

 16   tout à l'heure, j'ai dit qu'il n'y avait pas eu de séance organisée avant

 17   le 29 mai. Pourquoi est-ce que je vous ai dit cela ? Eh bien, si vous

 18   regardez les PV des séances de l'assemblée qui ont été consignés au mois de

 19   juillet et au mois d'août 1992, au moment où toutes les décisions de la

 20   cellule de Crise ont été adoptées, eh bien, ces décisions ont été prises

 21   entre le 22 mai et le 17 juillet. Donc, je crois que c'est une erreur.

 22   Peut-être que c'était le Conseil de la Défense nationale qui a pris cette

 23   décision, et peut-être qu'il y a eu une coquille. Je ne sais pas. C'est mon

 24   avis.

 25   S'il s'était agi d'une réunion de la cellule de Crise, dans ce cas-là

 26   cette décision aurait été incluse dans le corpus de décisions de la cellule

 27   de Crise. Il y aurait eu un document contenant toutes les décisions de la

 28   cellule de Crise, notamment celui-ci.


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  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Passons au document 10949 de la liste 65

  2   ter, s'il vous plaît.

  3   Q.  Il s'agit d'un document du 25 septembre 1992, un article de "Kozarski

  4   Vjesnik", et j'aimerais attirer votre attention sur le milieu de la page et

  5   sur le haut de la page, l'intitulé : "Milicija nije vojska." L'article

  6   décrit une réunion qui a eu lieu le 18 novembre [comme interprété] 1992

  7   avec des policiers qui étaient revenus de Han Pijesak avec les autorités

  8   municipales, y compris vous. Alors, sans entrer dans les détails pour

  9   l'instant, est-ce que vous vous souvenez avoir eu cette réunion avec les

 10   policiers qui étaient revenus de Han Pijesak aux alentours de cette

 11   période, vers la mi-septembre 1992, pour répondre à une série d'exigences

 12   qu'ils avaient ?

 13   R.  Je ne me souviens pas de la date, mais je me souviens de la réunion,

 14   oui. Elle a eu lieu avant le retour de soldats ou de policiers de la ligne

 15   de front, mais c'était un grand groupe, et c'est la raison pour laquelle je

 16   me souviens de cette réunion. Je ne sais pas si c'était une unité entière,

 17   mais c'était un groupe assez conséquent que j'avais rencontré.

 18   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le bas de la page, la colonne de

 19   gauche de cet article. Tout en bas pour la version anglaise, et puis on

 20   déborde sur la page suivante. On fait référence à la sixième exigence de la

 21   police, et on dit :

 22   "Dans leur sixième exigence, les officiers de police voulaient savoir

 23   pourquoi les prisonniers de Keraterm, Omarska et Trnopolje avaient été

 24   libérés. Stakic a indiqué que les deux raisons principales qui avaient

 25   motivé le gouvernement à Pale à prendre cette décision étaient : la

 26   pression de l'opinion publique internationale et la politique officielle,

 27   et les frais assez importants pour entretenir les prisons."

 28   Cet article indique bien que la décision de fermer Omarska et Keraterm


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  1   avait été prise par le gouvernement de Pale ?

  2   R.  Je n'avais pas vu cette décision, mais j'avais entendu dire qu'une

  3   décision avait été prise par le ministre de l'Intérieur, décision de fermer

  4   ces prisons-là. Simo Drljaca n'arrêtait pas de répéter qu'il ne pouvait pas

  5   le faire et que l'armée lui avait promis que d'autres prisons ou centres

  6   d'accueil seraient rouverts - on les appelait centres d'accueil - et donc,

  7   une prison a été ouverte à Manjaca. En conséquence, il n'y avait plus de

  8   raisons de laisser les deux autres prisons encore tourner et d'y garder des

  9   prisonniers. Ceux qui avaient été reconnus coupables de crimes de guerre

 10   pouvaient être transférés à Manjaca, et les autres ont été libérés. C'est

 11   ce que j'ai appris. Et je ne peux pas vous confirmer que j'aie vu une

 12   décision à cet effet.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement de cet article, et

 14   j'aimerais passer au document 18416 de la liste 65 ter.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Quelle sera sa cote ?

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P6584, Madame,

 17   Messieurs les Juges.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Souhaitez-vous faire une pause à présent ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause de 20

 20   minutes, et nous reprendrons à 15 heures 05.

 21   --- L'audience est suspendue à 14 heures 46.

 22   --- L'audience est reprise à 15 heures 07.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame

 24   Gustafson.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce qu'on

 26   peut afficher à présent le document 18416 de la liste 65 ter.

 27   Q.  Docteur Stakic, vous allez voir qu'il s'agit du document du 22 août

 28   1992. Il s'agit d'un communiqué de presse intitulé : "Démanteler le centre


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  1   d'enquête à Omarska." Il est dit :

  2   "Les autorités du gouvernement à Prijedor informent que le centre d'enquête

  3   à Omarska a été fermé dans la journée, et que le camp de type ouvert à

  4   Trnopolje est passé sous l'autorité de la Croix-Rouge, d'après la décision

  5   de la présidence de la Republika Srpska."

  6   Avant la pause, vous avez dit que vous aviez entendu que le ministère de

  7   l'Intérieur a rendu la décision concernant la fermeture d'Omarska et de

  8   Keraterm. Est-ce que ce communiqué de presse vous rappelle qu'en fait

  9   c'était la décision de la présidence ?

 10   R.  C'est ce que je peux lire ici, mais pour vous dire -- vous confirmer si

 11   c'est vrai ou pas, pour vous dire qui a signé ceci, c'est lui plutôt qui

 12   pourrait répondre à ces questions. Je m'excuse, mais moi, je ne pourrais

 13   pas répondre à la question. Je peux voir ce qui est écrit ici, mais je ne

 14   peux pas confirmer cela, puisque je n'ai pas vu cette décision.

 15   Q.  Qui vous a informé que la décision a été prise, la décision portant sur

 16   la fermeture d'Omarska et de Keraterm et que cette décision a été rendue

 17   par les autorités de Pale ? Comment l'avez-vous appris ?

 18   R.  Monsieur Drljaca a dit que finalement a été ouvert le camp de Manjaca

 19   pour les prisonniers de guerre. Il disait depuis le début que ce camp

 20   devait relever de la compétence de l'armée, et non pas de la police civile

 21   et que, finalement, ce camp a été ouvert et par ce fait, d'autres centres

 22   devaient être fermés, et que les prisonniers qui, d'après eux, étaient

 23   coupables devaient être transférés à Manjaca. Mais je ne sais pas de qui

 24   tenaient-ils cette information. Je ne sais pas s'il a appris cela de son

 25   ministre ou de quelqu'un d'autre.

 26   Q.  Dans ce communiqué de presse, il est dit que pendant la journée du 22

 27   août, Omarska a été fermé et le camp de Trnopolje a été remis à la Croix-

 28   Rouge. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez appris à l'époque là-


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  1   dessus ?

  2   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte, avec tout le respect que je

  3   vous dois, mais cela est arrivé à peu près vers cette date-là en août.

  4   Q.  Merci.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement de ce communiqué

  6   de presse.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons faire verser ce

  8   document au dossier.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela sera P6585, la pièce à conviction

 10   de l'Accusation.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 12   Q.  Docteur Stakic, lors de vos réunions avec l'équipe de la Défense de M.

 13   Karadzic ou avec votre avocat, est-ce que vous avez appris que le Dr

 14   Karadzic a fourni des moyens de preuve disant que la cellule de Crise de

 15   Prijedor était responsable pour les meurtres en masse des non-Serbes, la

 16   destruction de leurs foyers, pour la réduction du nombre de la population

 17   non-serbe considérable en 1992 ?

 18   Et je fais référence à la pièce D2265, page 59, ainsi que les pages

 19   50, 56, 57.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. C'est

 21   peut-être une objection de nature technique, mais cela est important,

 22   puisque ce témoin n'a pas parlé avec son propre avocat, puisque cela serait

 23   contraire aux règles.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais poser une question de portée

 25   générale.

 26   Q.  Avez-vous appris, Docteur Stakic, que le Dr Karadzic a présenté des

 27   moyens de preuve pour montrer que la cellule de Crise de Prijedor était

 28   responsable de tous les crimes commis contre les non-Serbes à Prijedor en


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  1   1992 ?

  2   R.  Non, je l'entends pour la première fois.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher ce document ? Est-ce

  4   qu'on peut d'abord montrer le document au témoin et par la suite lui poser

  5   des questions ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que c'est pour que les parties

  7   aient la référence concernant cela.

  8   Continuez.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Au début de votre déposition, vous avez été d'accord pour dire que la

 11   police et l'armée a commis les crimes de masse contre les Musulmans et les

 12   Croates à Prijedor en 1992, qu'ils ont été détenus, torturés, tués, et

 13   cetera. En page 24, il a été consigné que vous avez clairement exprimé

 14   votre position, à savoir que vous n'êtes pas participant-clé ou participant

 15   principal de tout cela. En page 24.

 16   Vous serez d'accord pour dire que le Dr Karadzic, en tant que président et

 17   en tant que commandant suprême avait une autorité beaucoup plus importante

 18   sur la police et sur l'armée que vous, en tant que président de la cellule

 19   de Crise ?

 20   R.  Avec tout le respect que je vous dois, Madame le Procureur, et que je

 21   dois à ce Tribunal, je ne pense pas que je sois compétent pour dire que lui

 22   il était responsable pour tout cela. Je suis ici en tant que témoin de la

 23   Défense, mais je suis venu devant cette Chambre de première instance pour

 24   présenter mon point de vue concernant la situation qui prévalait à

 25   l'époque, pour que la Chambre de première instance soit mieux au courant de

 26   ces événements, que plus de lumière soient jetés sur ces événements. Et je

 27   pense que le Dr Karadzic a une bonne équipe de Défense pour le défendre. Et

 28   lorsque j'ai mentionné l'armée et la police, pour ce qui est des forces


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  1   locales, je sais que selon la hiérarchie qui était en vigueur à l'époque,

  2   ils devaient faire rapport à leurs supérieurs, mais je ne sais pas ce qui a

  3   été transmis à leurs supérieurs, puisque moi, je n'étais pas au courant de

  4   cela. Ces informations ne me parvenaient pas.

  5   Q.  Merci, Docteur Stakic. Je n'ai plus de questions pour vous.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Gustafson.

  7   Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Désolé, je voulais une page et j'ai oublié

  9   laquelle.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 11   Q.  [interprétation] Docteur Stakic, à la page 73 du compte rendu

 12   d'audience d'aujourd'hui, on vous a suggéré que vous étiez membre de cette

 13   entreprise criminelle commune de concert avec moi. J'aimerais savoir si

 14   vous avez participé avec moi à l'entreprise criminelle commune.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ce n'est pas une question qui a été posée

 16   au témoin. Je pense que c'était une réponse à un commentaire des Juges de

 17   la Chambre.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois qu'il

 19   est tout à fait clair que ce n'était pas une réponse à une question de Mme

 20   Gustafson. C'est moi qui avais soulevé la question.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Toutes mes excuses. Mais à mes yeux,

 22   l'Accusation a toujours quelque chose en tête lorsqu'elle dit quelque

 23   chose, mais bon.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Docteur Stakic, aux pages 71 et 72 du compte rendu, on vous a suggéré

 26   que vous avez accepté l'expulsion de Musulmans et de Croates et qu'on les a

 27   forcés à quitter la municipalité de Prijedor.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, je suis encore désolée, mais ce


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  1   n'étaient pas les mots du témoin. Je crois qu'il ne faut pas mal

  2   interpréter les propos.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous reformuler votre question.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je vais faire de mon mieux.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Docteur Stakic, est-ce que des Musulmans et des Croates ont été

  7   expulsés ? Les a-t-on forcés à partir ? Et si oui, qui l'a fait ? Qui les a

  8   forcés à partir ?

  9   R.  Comme je l'ai déjà déclaré dans la déclaration et aujourd'hui lors de

 10   ma déposition qui est consignée au compte rendu, l'approche de la guerre à

 11   Prijedor et au tout début des opérations dans la municipalité de Prijedor,

 12   et je l'ai déjà répété à plusieurs reprises, suite à l'augmentation du taux

 13   de criminalité, des pillages et des vols ont eu lieu, et la population a

 14   commencé à quitter ses foyers. Pas toute la population, mais beaucoup de

 15   gens sont partis. Ces personnes ont été logées temporairement à Trnopolje,

 16   et puis, plus tard, avec l'aide de la Croix-Rouge, ces personnes se sont

 17   rendues dans d'autres régions de Bosnie Herzégovine et même plus loin.

 18   Une chose que je n'ai pas dite, et cela me revient juste à l'instant,

 19   c'est que je me souviens que j'ai vu des documents délivrés par le

 20   ministère de la Santé, si je ne m'abuse. Ils étaient signés par le Dr

 21   Kalinic. Je ne sais pas quel était son poste à l'époque, mais je sais

 22   qu'avec les représentants musulmans et croates, il avait signé un document

 23   sur la libre circulation de la population civile, ce qui voulait dire que

 24   la population était libre de traverser de part et d'autre la ligne de

 25   front. Je voulais ajouter cela.

 26   Q.  Merci. Aux lignes 1, 2 et 3 de la page 72, il est dit clairement :

 27   "…vous êtes en train de reconnaître ici que la plupart d'entre eux sont

 28   partis par peur, que la population était expulsée et obligée de partir de


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  1   la région, n'est-ce pas ?"

  2   Docteur Stakic, j'aimerais savoir si quelqu'un est parti dans les maisons

  3   de ces personnes ? Est-ce qu'on les a forcées à partir ? Ou, plutôt, est-ce

  4   que ces personnes avaient peur et sont parties en conséquence ? Tout comme

  5   vous nous aviez dit au paragraphe 26 --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une question directrice, Monsieur

  7   Karadzic, très directrice.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais reformuler.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-il exact que ces personnes ont été expulsées comme on vous l'a

 11   suggéré, qu'on les a forcées à partir ?

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non seulement il s'agit d'une question

 13   directrice, mais en outre, le Dr Karadzic a lu une de mes questions de

 14   suivi qui faisait référence à l'affirmation du témoin selon laquelle

 15   c'était exactement ce qu'il s'était passé. Donc, cet exercice est

 16   totalement trompeur.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez faire référence à ses

 18   réponses.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais avancer et je vais voir ce que

 20   je ferai de ceci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  A la page 66, on vous a suggéré que vous aviez accepté le fait que

 23   l'armée et la police avaient commis des massacres, que vous étiez au

 24   courant qu'il y avait des meurtres et qu'il y avait un meurtre en masse à

 25   Keraterm et un autre à Koricanske Stijene. Est-ce que vous acceptez, est-ce

 26   que vous admettez que cela avait été planifié par l'armée et par la police

 27   ? Si ce n'est pas le cas, qui a fait cela à votre connaissance ? Alors, si

 28   vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agissait d'un effort planifié de la


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  1   part de l'armée et de la police, la réponse est oui; mais si ce n'est pas

  2   le cas, dites-nous qui l'a fait et comment.

  3   R.  Est-ce que je peux commencer à répondre ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, j'ai dit que j'étais au courant

  6   de massacres qui avaient eu lieu, mais le Procureur ne m'a pas posé plus de

  7   questions. Donc, je vais répondre à votre question à présent. Lorsque vous

  8   dites que j'ai parlé de la police et de l'armée, dans ces deux cas bien

  9   précis, je voulais dire que j'avais reçu des informations, on m'avait

 10   transmis des informations à cet effet.

 11   Et s'agissant des meurtres de la population malheureuse de Keraterm,

 12   c'était le bataillon local et les réservistes qui étaient responsables de

 13   ces actions. On a dit qu'ils auraient fait cela. Plusieurs soldats serbes

 14   avaient été tués sur la ligne de front, et, en réponse, ils ont déboulé

 15   dans Keraterm et ont tué ces innocents. Ni à l'époque ni aujourd'hui je

 16   n'ai entendu dire que cela avait été organisé par le commandement de ces

 17   troupes, ni qui que ce soit d'autre. J'ai même entendu dire que M. Drljaca,

 18   parce qu'il était mécontent et parce qu'il y avait des officiers de police

 19   qui étaient censés garder ces personnes et que ces hommes voulaient mettre

 20   cela sur le dos de la police, donc, que M. Drljaca avait déclaré qu'il

 21   allait faire remonter cela jusqu'à l'armée. Je ne sais pas ce qui s'est

 22   passé ensuite, et ce, parce que je n'ai pas eu d'information à cet effet.

 23   Et puis, l'affaire Koricanske Stijene a vraiment été la honte ultime qui a

 24   été infligée, non seulement à moi, mais aux Serbes de Prijedor. Je le

 25   répète : ces personnes de Trnopolje ont eu la permission de rejoindre leurs

 26   familles. C'était la Croix-Rouge qui leur a permis de le faire. Et la

 27   police et l'armée étaient censées organiser les choses pour ouvrir le

 28   passage aux convois d'autocars. Ces policiers, bon, ce n'est pas à moi de


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  1   les juger, mais je dirais de ces policiers que ce n'étaient pas des êtres

  2   humains, parce que non seulement ils ont volé ces personnes, mais ils les

  3   ont exécutées. Et je condamne cela en tant qu'être humain, en tant que

  4   personne.

  5   Et je voudrais ajouter ceci : je ne suis pas un défenseur de M. Drljaca et

  6   je ne veux pas le dédouaner. Quelques fois nous avons eu des désaccords,

  7   parce qu'il avait une personnalité assez forte. Et quelquefois il était

  8   vraiment très, très dur. Mais lorsque j'ai entendu parler de cet événement,

  9   je l'ai appelé à propos d'un document; vous savez, nous les civils, nous

 10   devions recevoir l'aval de la région militaire et de la police pour pouvoir

 11   traverser le corridor. Donc, je l'ai appelé, il était vraiment de très

 12   mauvaise humeur, et il m'a dit : Maintenant vous m'appelez, maintenant que

 13   les officiers de police ont vraiment fait quelque chose de stupide. Je vous

 14   rappellerai plus tard.

 15   Ce que je veux dire par là, c'est que personne n'avait planifié de

 16   faire cela. En tout cas, je n'étais pas au courant d'un tel plan.

 17   Q.  Merci. On vous a posé des questions sur des centres d'enquête et on a

 18   fait référence à Omarska, entre autres. On vous a posé des questions sur

 19   l'autorité civile qui avait créé cela. Et j'aimerais savoir pourquoi vos

 20   forces de police n'ont pas mené d'enquêtes au centre de détention au sein

 21   du poste de sûreté 

 22   publique ?

 23   R.  Je suis désolé, mais je n'ai pas compris votre question. Pourquoi la

 24   police n'a pas fait quoi ?

 25   Q.  Je pense que cela a mal été consigné et interprété. Ce que je voulais

 26   dire, c'était la chose suivante : le dernier document nous dit qu'Omarska

 27   était un centre d'enquête. Et ma question est la suivante : si Omarska

 28   était un centre d'enquête et si toutes les enquêtes avaient été menées là-


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  1   bas, comment se fait-il que la police n'avait pas détenu les personnes dans

  2   leur propre centre de détention qui existait au sein du poste de police ?

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Désolée.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je suis désolée, mais cette question

  6   suppose qu'il n'y a pas eu de détention au commissariat de Prijedor. Je

  7   n'ai aucun élément de preuve sous la main à cet effet, donc je suis sûre

  8   que cela n'est pas le cas. Et, en conséquence, je pense qu'il faudrait

  9   reformuler la question.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Effectivement, il faudrait reformuler

 11   votre question. Moi non plus je ne l'ai pas suivie.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Docteur Stakic, est-ce qu'au niveau du MUP de Prijedor il y avait une

 14   unité de détention ?

 15   R.  Pour autant que je sache, oui. Mais cela était destiné à je ne sais

 16   combien de personnes - cinq, six, dix au plus - parce que c'est là que les

 17   criminels du cru et les ivrognes étaient mis en détention provisoire pour

 18   être conduits ensuite en prison.

 19   Q.  Merci.

 20   R.  Excusez-moi, Docteur Karadzic, et excusez-moi, Madame, Messieurs les

 21   Juges, je ne sais pas si c'est à cause de ce que j'ai sur les oreilles,

 22   l'interprétation que j'ai entendue tout à l'heure, le Dr Karadzic dit

 23   "votre police."

 24   Q.  Moi, je voulais dire police de Prijedor.

 25   R.  Oui. Je vous prie de rectifier les choses parce que ce n'était pas ma

 26   police à moi. J'imagine que ça vous a échappé.

 27   Q.  Je m'excuse. Est-ce que la taille de cette unité de détention

 28   provisoire avait quelque chose à voir avec l'utilisation d'Omarska à des


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  1   fins d'investigation ?

  2   R.  Ecoutez, je ne sais pas vous l'affirmer de façon explicite parce que ça

  3   ne tombait sous la coupe de mes obligations de travail. Mais sachant qu'à

  4   Omarska il y avait beaucoup plus de place -- et au fil du procès je sais

  5   qu'il est passé par là 3 000 personnes. Le chiffre nous en dit long. Ce qui

  6   fait qu'une unité de détention capable de recevoir cinq, six personnes, ça

  7   me laisse conclure par une simple déduction que la chose n'avait pas été

  8   possible.

  9   Q.  Merci. Vous avez également été interrogé, ou, plutôt, on a constaté à

 10   votre égard que les Musulmans et Croates vivaient dans un environnement

 11   dangereux. C'est ce qui est dit en page 55. Alors, j'aimerais que vous nous

 12   disiez quand est-ce que ces circonstances ou cet environnement étaient

 13   devenus dangereux ou dangereuses ?

 14   R.  Si vous me le permettez, Madame, Messieurs les Juges, dans mon procès à

 15   moi, et je m'en souviens, il y a toujours été dit que c'est au 1er mai qu'on

 16   a commencé des poursuites, des meurtres, des chasses à l'homme. Mais je

 17   dirais que ce n'est qu'après Hambarine le 22 mai et, en particulier,

 18   Kozarac le 24 mai, là où les extrémistes musulmans ont eu l'audace de

 19   s'attaquer à l'armée et d'entrer en conflit direct avec les militaires,

 20   c'est là qu'il y a eu des combats. Et après cela, il y a eu une situation

 21   de crise et une situation de guerre véritable, et de peur aussi.

 22   Q.  Merci. En ligne 3, je crois que vous avez dit le 22, et non pas le 20 ?

 23   R.  Moi, j'ai dit le 22 mai.

 24   Q.  Vous avez mentionné Hambarine.

 25   R.  Oui, Hambarine le 22. Le 24, c'est Kozarac.

 26   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire pourquoi cela n'était pas devenu dangereux

 27   dès le 6 avril, comme cela était devenu dangereux à Sarajevo ?

 28   R.  Eh bien, nous avions encore une assemblée conjointe qui a été créée


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  1   partant d'un accord interpartite qui a été établi au niveau de la

  2   république entre le SDS, le SDA et le HDZ. Et c'est précisément à ce niveau

  3   le plus élevé qu'il y a eu violation de l'accord en automne 1991 lorsque

  4   les députés du SDA et du HDZ ont mis en minorité les députés serbes et

  5   ceux-ci ont quitté le parlement. Nous, on est restés au niveau local à

  6   travailler ensemble. Parce que, voyez-vous, ce sont des gens, des voisins,

  7   et il y a eu des maisons à population mixte. Il y avait peu d'enclaves

  8   purement musulmanes ou purement serbes, surtout en ville, encore moins. Et

  9   comme on peut le voir dans les comptes rendus des sessions de l'assemblée

 10   que nous nous efforcions de tenir - on a voulu les tenir, mais on n'a pas

 11   toujours réussi - on a convié les députés du SDA à venir aussi. Nous avons

 12   voulu nous entendre au niveau local pour ce qui est du partage du pouvoir,

 13   et tout ceci, dans l'intérêt de la préservation de la paix.

 14   Et vous avez parlé de Sarajevo tout à l'heure, mais moi je dirais

 15   qu'il y a eu des municipalités plus proches de Prijedor où ça avait

 16   commencé déjà, à Bosanska Krupa et même à Sanski Most, en avril, également,

 17   si mes souvenirs sont bons. A Prijedor, il n'y a pas eu de cela.

 18   Q.  Merci. Vous avez également été interrogé et vous avez répondu en disant

 19   que les Musulmans pouvaient partir en Bosnie centrale et ils pouvaient

 20   partir vers l'Allemagne. Mais ces Musulmans avaient-ils eu l'occasion de

 21   sécuriser leur séjour à Prijedor même ? Est-ce qu'il y a eu des accords

 22   relatifs à une transformation dans Prijedor où eux exerceraient un pouvoir

 23   à l'égard d'eux-mêmes ?

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, mais j'aimerais qu'on nous

 25   donne une période de temps pour ce qui est de la question.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Avant le début des conflits, est-ce qu'il n'y avait que la Bosnie

 28   centrale et l'Allemagne comme destinations possibles, ou est-ce qu'eux ils


Page 45292

  1   pouvaient rester aussi à Prijedor même ?

  2   R.  Ils pouvaient rester à Prijedor. Un certain nombre d'entre eux y est

  3   resté pendant toute la guerre. Là, nous sommes en train de parler de 1992.

  4   Mais je dirais qu'il y en a eu beaucoup, je ne sais pas combien exactement,

  5   de Musulmans qui sont partis en 1995, lorsqu'il y a eu un grand afflux de

  6   la population serbe qui avait fui la Krajina, le haut de la Krajina et la

  7   Croatie. Deuxièmement, ils pouvaient aussi créer une municipalité à eux

  8   pour avoir un territoire propre. Et même après la prise du pouvoir le 1er

  9   mai, on peut voir dans les documents qu'on leur a laissé une composition

 10   mixte à Ljubija au niveau de la police. On leur a dit qu'ils pouvaient

 11   prendre part au pouvoir dans les communautés locales. Ils sont restés au

 12   complet dans les effectifs de la police à Kozarac. Et il n'y a pas eu de

 13   problème jusqu'au 24 mai. Donc, je suis d'accord avec vous pour dire qu'ils

 14   avaient eu la possibilité, là où ils étaient majoritaires, eh bien, d'y

 15   rester.

 16   Q.  Merci. Alors, on n'a pas consigné le site de Ljubija qui a été

 17   mentionné. J'aimerais qu'on le consigne. Vous avez dit Ljubija et Kozarac ?

 18   R.  Oui, j'ai mentionné deux enclaves, Ljubija et Kozarac. Et ce ne sont

 19   pas des petites enclaves, on parle là de 10- à 12 000 habitants.

 20   Q.  Merci. On vous a laissé entendre que vous aviez parlé de la vie des

 21   Musulmans à Prijedor, alors qu'à la fin de 1992 il n'est resté que très peu

 22   de Musulmans. Alors, pouvez-vous nous dire comment se fait-il que je fasse

 23   l'objet de pressions en automne 1994 pour ce qui est de laisser passer par

 24   jour 80 camions musulmans ? Combien sont-ils restés ? Comment se fait-il

 25   qu'il y ait en 1994 des milliers de Musulmans, et même jusqu'à la fin de

 26   1995, plusieurs milliers de Musulmans à Prijedor ?

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, ce sont des questions

 28   directrices. Et il n'est pas établi le fait que le témoin sache quoi que ce


Page 45293

  1   soit au sujet de ces camions et milliers de Musulmans en 1994. D'abord, il

  2   faut poser des questions établissant des fondements avant que de poser ces

  3   questions-ci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez reformuler votre

  5   question ? Autrement, nous allons devoir revenir vers cette page-là, là où

  6   il est question de ceci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je vais reformuler.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  On a voulu laisser entendre que vous avez dit à des journalistes au

 10   sujet de la présente de Musulmans à Prijedor, alors que vous saviez

 11   prétendument qu'il était resté très peu de Musulmans à Prijedor en fin

 12   1992. Alors, est-il exact d'abord de dire qu'il est resté à Prijedor très

 13   peu de Musulmans ?

 14   R.  Je pense avoir dit à Mme le Procureur que nous n'avions pas eu

 15   l'occasion de procéder à un recensement. Il n'y en a pas eu de fait à titre

 16   officiel. Mais j'ai dit tout à l'heure, et je vais répéter, qu'à la

 17   signature des accords de Dayton, il y avait encore eu des Musulmans en

 18   décembre 1995; entendons-nous bien à Prijedor. Et j'ai mentionné tout à

 19   l'heure le fait que je le savais, bien que ce n'est pas la même période,

 20   mais à l'occasion de l'arrivée de dizaines de milliers de personnes, de

 21   réfugiés serbes à Prijedor, c'est là qu'il y a eu un grand départ des

 22   Musulmans de Prijedor. Je parle de août, septembre 1995. Et j'affirme

 23   encore qu'il en est resté pas mal. Je ne peux pas parler de chiffres ou de

 24   pourcentages, mais je connais des gens qui avaient habité dans mon

 25   immeuble, qui avaient travaillé là, que je rencontrais, que je voyais. Il y

 26   avait des sites comme Donji Jakupovici, où il est resté des Musulmans qui

 27   ne sont pas partis du tout.

 28   Q.  Merci. Est-ce qu'il y avait eu des Croates et des Musulmans dans notre


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  1   armée et dans notre police ?

  2   R.  D'après ce que j'en sais, oui. Les chiffres exacts m'échappent, mais il

  3   y en avait eu. On peut vérifier la chose au niveau de l'organisation des

  4   anciens combattants.

  5   Q.  Merci. De façon générale, dites-nous de qui cela dépendait-il ? Comment

  6   se fait-il que certains Musulmans pouvaient rester et d'autres se sentaient

  7   en péril ou ont été mis en détention, interrogés ou alors sont simplement

  8   partis de Prijedor ? Qu'est-ce qui a été décisif ? Votre volonté des

  9   autorités locales, de la police et des armes de procéder à un tri des

 10   Musulmans ou quoi ?

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes en train de perdre votre

 13   temps.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mais ça n'arrête pas, les questions

 15   suggestives. Et on en rajoute à une question qui semble ne pas être

 16   directrice, mais ça la rend encore plus directrice. Ce n'est pas une façon

 17   appropriée de procéder.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourquoi certains pouvaient partir et d'autres

 19   pas ? Si l'approche systématique était de faire en sorte que les Musulmans

 20   s'en aillent, comment se fait-il qu'il y en a qui sont partis et il y en a

 21   qui ne sont pas partis ? C'est une question tout à fait légitime.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Revenons vers le volet que vous

 23   aviez abordé. Et commencez par cela.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Le début y est. Le Procureur a laissé

 25   entendre que le Dr Stakic a induit le journaliste dans l'erreur en parlant

 26   de la vie des Musulmans à Prijedor bien qu'il le savait --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Téléchargeons donc ce document, et

 28   ensuite posez votre question partant du contre-interrogatoire qui a eu


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  1   lieu.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas de quel document il s'agit

  3   maintenant. Je sais qu'au compte rendu, on a laissé entendre qu'il avait

  4   induit délibérément un journaliste dans l'erreur. Mais je vais laisser

  5   tomber le sujet, parce que je veux gagner du temps.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Docteur Stakic, en page 51, il a été question de savoir si vous pouviez

  8   donner des ordres à l'armée ou à la police. Si, par un hasard quelconque

  9   vous pouviez donner des ordres à la police et à l'armée, que serait-il

 10   advenu de ces ordres-là ?

 11   R.  Eh bien, si vous me posez la question, je vais vous répondre en parlant

 12   d'un événement qui s'est produit en 1993 lorsque je n'étais plus le

 13   président de l'assemblée municipale et où c'est quelqu'un d'autre qui est

 14   venu à ma place, et j'avais eu des observations de formulées de la part du

 15   comité local du parti disant que je n'influais pas dans une mesure

 16   suffisante sur l'armée et la police. On a même demandé à ce que soit

 17   libérée la totalité des députés pour ce qui est de leur obligation

 18   militaire et il en va de même pour ce qui est des membres du SDS. Alors,

 19   j'ai dit nous ne pouvons faire cela. On peut rendre une décision au niveau

 20   de l'assemblée, mais ils ne sont pas tenus de s'y conformer.

 21   Et j'en reviens alors à l'arrivée de ce nouveau maire, au nouveau

 22   président de l'assemblée municipale qui faisait partie de cette option

 23   politique qui avait jugé qu'en ma qualité de président je pouvais des

 24   ordres. Et on était assis, feu Dr Kovacevic et moi, parce qu'il y avait un

 25   collègue de Belgrade qui était venu chez nous pour opérer des enfants, pour

 26   ne pas les transporter, ces enfants, là-bas. Et par un concours de

 27   circonstances, il est entré dans ce même restaurant. Et M. Pero Colic, l'un

 28   des commandants de l'une des brigades de Prijedor est entré dans ce


Page 45296

  1   restaurant et il nous a montré un document qu'il a reçu l'autre jour de la

  2   part du président de l'assemblée municipale qui lui disait : "Je donne

  3   l'ordre à Pero Colic de faire ceci, cela." Et il a dit : J'ai hésité pour

  4   ce qui était de lui envoyer la police militaire pour le mettre aux arrêts

  5   et l'envoyer au front. Mais j'ai quand même décidé de ne pas avoir de

  6   montée de tensions et j'ai renoncé. Mais pour qui se prend-il, ce Monsieur

  7   ? C'est ce qu'il a dit. Et c'est à peu près cela que j'aurais eu si j'avais

  8   rédigé un ordre de ce type. J'espère avoir été clair.

  9   Q.  Merci. En page 42, on vous a laissé entendre que la cellule de Crise

 10   désignait qui allait être libéré et non pas de quelle façon ce serait fait.

 11   Alors, pouvez-vous nous dire pourquoi n'avez-vous pas interdit les

 12   libérations par groupes ? Quelle est la différence entre les sorties

 13   individuelles et les sorties par groupe ?

 14   R.  J'ai essayé de l'expliquer. Je vais le faire une fois de plus. On nous

 15   a assuré, et vous allez pouvoir le vérifier, cela. On avait embauché

 16   pratiquement la totalité des juristes, 40 ou 60 avocats des services des

 17   tribunaux et, que sais-je, et ils ont procédé à des interrogatoires de

 18   personnes mises en détention. Ce sont là les personnes qui ont décidé qui

 19   est coupable ou pas ou qui avait des torts ou des choses à se reprocher,

 20   qui serait envoyé à Trnopolje ou pas. Et qu'est-ce qui nous a incité à

 21   essayer d'intervenir ? Parce que justement ces criminels serbes, ces

 22   malfaiteurs décidaient d'aller dans ces centres d'accueil, je ne sais pas

 23   si ça s'est fait par concertation avec les gardiens, par la force ou par

 24   des subterfuges. On faisait sortir des gens, mais pas des groupes. Ils

 25   venaient demander untel par son nom et prénom. Et ils promettaient qu'ils

 26   le rendraient, qu'ils fallaient qu'ils se concertaient avec lui. Ça se

 27   faisait d'habitude soit pour leur soutirer de l'argent, soit pour leur

 28   extorquer leurs biens immobiliers, s'ils en avaient eu. Et la chose la plus


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  1   triste, c'est qu'à la fin, au bout de tout ce processus, ils les

  2   abattaient, ils les tuaient.

  3   Alors, nous avons essayé d'en appeler à la police pour empêcher ce

  4   type de personnes d'entrer dans les centres.

  5   Q.  Merci. On vous a également laissé entendre en page 33 ou 34 que l'on

  6   s'était attaqué à la population musulmane "dans son ensemble", et on a

  7   parlé de la vieille ville.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je demanderais à ce qu'on montre au

  9   témoin le 65 ter 20209. La référence c'est, pour ce qui est de ce que je

 10   disais tout à l'heure au sujet des journalistes, lignes 13 à 18, page 30.

 11   Alors, ces textes se trouvent être traduits. Je crois qu'il s'agit de

 12   séquelles de l'attaque. Oui. Séquelles de l'attaque et remède à celle-ci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors, pouvez-vous donner lecture. Là, on est au 5 juillet 1992.

 15   Qu'est-ce qui est dit ici en haut ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvez-vous zoomer ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Les attaquants sont venus de la vieille ville,

 18   de Stari Grad. Est-ce que vous voulez que je lise ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Ecoutez, dites-nous de quoi il s'agit.

 21   R.  Ce matin, à 4 heures 30 du matin, des membres de formations

 22   paramilitaires musulmanes ont lancé une attaque sur plusieurs axes, dans

 23   plusieurs directions, et en particulier depuis Stari Grad, Pecani et

 24   Tukova, en direction de l'assemblée municipale de Prijedor, du poste de

 25   sécurité publique, de l'hôtel Prijedor, du pont de la ville sur la Sana et

 26   quelques autres endroits.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 28   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : Il semblerait que la date en


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  1   question serait celle du 5 juin 1995, et non pas celle du 5 juillet.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Alors, est-ce que vous avez accepté les propos de l'Accusation qui

  5   étaient ceux de dire que la population musulmane était attaquée "dans son

  6   ensemble" à Stari Grad ?

  7   R.  Non, je ne décrirais pas les choses de la sorte. J'ai essayé de

  8   répondre à la question du Procureur pour parler des raisons pour lesquelles

  9   ils ne sont pas venus par le pont de la Sana, parce que c'était le seul

 10   pont qui était encore utilisable. Et il était sécurisé, ce pont. Il y avait

 11   un poste de contrôle policier et militaire. Et l'hôtel Prijedor, lui-même,

 12   où on avait hébergé une partie de cette unité là aussi. Mais ils sont allés

 13   en aval de Sana. Ils ont traversé un gué pour entrer dans Stari Grad et ils

 14   sont arrivés au centre même. Et lorsqu'ils se sont retirés, ils ont

 15   emprunté le même chemin, et l'armée s'est lancée à la poursuite après eux.

 16   Q.  Merci.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est une observation

 18   purement personnelle : je trouve étrange que vos questions dans les

 19   questions supplémentaires soient basées sur ce que le Procureur a posé

 20   comme questions au contre-interrogatoire, et non pas partant des réponses

 21   apportées par le témoin.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et si je puis ajouter encore, Monsieur le

 23   Président, la question de "savoir si les affirmations faites par

 24   l'Accusation sont acceptées pour ce qui est de la population à 'Celina' et

 25   à Stari Grad a été attaquée ou pas," alors je lui ai montré qu'il y a eu

 26   des forces qui se sont retirées et que c'est l'armée qui, par la suite, a

 27   détruit le voisinage. Ce qui fait qu'on n'a bien décrit la question que

 28   j'ai posée.


Page 45299

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, nos témoins qui sont habitués à

  3   notre système ne peuvent pas être aussi attentifs aux astuces qui sont

  4   dissimulées dans les questions. Moi, je ne peux pas intervenir pendant le

  5   contre-interrogatoire.

  6   On a dit "Celina". Mais "Celina", ce n'est pas une localité. C'est

  7   "Celina", un mot qui dit dans son intégralité. Ça veut dire intégralité.

  8   Alors, quand on a fait confirmer quelque chose au témoin alors que celui-ci

  9   n'a pas compris --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin, il a senti que c'était là, donc, de

 12   cela qu'il s'agissait.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est tout à fait inapproprié.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce qui est inapproprié, c'est d'être jugé dans

 16   ce type de système. Et ça va s'avérer lorsqu'on verra les séquelles.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors, dites-nous en quoi ceci correspond à la situation véritable ? Ce

 19   texte.

 20   R.  Vous voulez que je le lise à haute voix ?

 21   Q.  Non, non. Je vous demande juste d'en prendre connaissance.

 22   R.  Hm-Hm.

 23   Q.  Alors, le tout petit passage : A la session de la cellule de Crise, on

 24   s'est penchés sur le problème de la population temporairement déplacée qui

 25   s'est abritée dans des campements pour fuir les combats, les conflits

 26   armés. De quoi parle-t-on ?

 27   R.  Je crois qu'on parle ici de Trnopolje, parce que d'après ce que j'en

 28   sais, à Keraterm et Omarska, ce sont ceux qui avaient participé aux combats


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  1   ou qui ont été arrêtés suite à des investigations. Mais Trnopolje, comme je

  2   vous l'ai dit tout à l'heure, c'est là que les gens venaient chercher abri.

  3   Et lorsque la Croix-Rouge a commencé à organiser leur départ, il y a eu

  4   autorisation de donnée pour que les familles rejoignent les hommes qui

  5   étaient là-bas, les leurs.

  6   Q.  Que veut-on dire par "temporairement déplacée" ?

  7   R.  Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il est question du document que

  8   j'ai eu l'occasion de voir et qui se trouvait être signé par les trois

  9   parties à Genève, qui disait que l'on autorisait à titre temporaire ceci.

 10   Donc, c'est une catégorie qui parle du péril encouru par la population du

 11   fait des combats armés. Et j'ai estimé qu'un beau jour, lorsque les combats

 12   seraient terminés, il y aurait possibilité pour chacun de revenir chez soi.

 13   Et c'est ce qui s'est passé et ce qui se passe encore de nos jours suite

 14   aux accords de Dayton.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, Excellences, le versement au

 17   dossier de ce document, et nous allons demander sa traduction. Il en va de

 18   même pour ce qui est du petit texte relatif à Stari Grad dont le Dr Stakic

 19   a donné lecture.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas trop sûr de quelle partie

 21   vous êtes en train de parler s'agissant de ce que M. Stakic a lu parmi ce

 22   qui a déjà été traduit. Mais peut-être conviendrait-il de lui accorder une

 23   cote à des fins d'identification en attendant une traduction anglaise ?

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ceci recevra la cote MFI D4203, Madame,

 25   Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Gustafson.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voulais consigner au compte rendu que

 28   je ne suis pas tout à fait sûre de quoi le Dr Karadzic était en train de


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  1   parler. Il se pourrait que j'aie des objections, mais je les aurais peut-

  2   être une fois qu'on aura les traductions. Maintenant je n'en peux pas en

  3   faire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. C'est la finalité de la cote

  5   MFI.

  6   Est-ce que vous avez d'autres questions, Monsieur Karadzic ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais finir à l'heure, Monsieur le Juge. Je

  8   vais donc avoir quelques questions courtes encore, et je vais demander que

  9   le document soit versé en entier si jamais le Dr Stakic vient à confirmer

 10   que c'est ce qui s'est passé pour ce qui est donc de la transmission ou la

 11   publication des informations par "Kozarski Vjesnik".

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à tout un

 13   chacun, je dirais que nous n'avons jamais été nous mêler de la politique du

 14   rédacteur en chef de "Kozarski Vjesnik". Je n'ai pas eu le temps de tout

 15   lire. Mais ce que j'ai lu tout à l'heure, eh bien, je suis en principe

 16   d'accord avec.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci. Vous nous avez dit qu'il n'y avait pas eu au début de

 19   transmission, on vous a ensuite contesté la chose en disant que vous avez

 20   quand même reçu des instructions.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tiens à rappeler à tout un chacun le fait

 22   que le P02716, page 22, pièce de l'Accusation, dit : Au cours des 45

 23   premiers jours, nous n'avons pas eu de contacts mutuels. Ça, c'est une

 24   réunion avec la direction de Prijedor. J'aimerais qu'on affiche la pièce en

 25   question.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Si vous voulez demander d'afficher le

 27   document, pas de problème. Mais je pense que nous montrer de façon

 28   préalable le contenu du document n'est pas la bonne manière de procéder.


Page 45302

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document a été admis. Je voudrais juste

  2   demander à M. Stakic s'il y a bien eu contact et si cela correspond à ce

  3   qu'il a vécu.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je présente mes excuses à tout le monde et aux

  5   interprètes. Est-ce que je peux répondre ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me souviens pas de la question, en

  7   fait.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Apparemment la question, en tout cas, se

  9   fonde sur la pièce P2716, donc nous pourrions commencer par afficher le

 10   document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de voir le document, quelle est

 12   votre question, Monsieur Karadzic ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que pendant le contre-

 14   interrogatoire ces affirmations selon lesquelles il n'y a pas eu de

 15   contacts ont été remises en question, ainsi que les instructions qui ont

 16   été montrées, ma question actuelle est la suivante : j'aimerais savoir si,

 17   étant donné que nous avions remarqué qu'il n'y avait pas eu de réunions --

 18   et c'était la pièce P2716, page 22. Je lui demande maintenant si cela est

 19   conforme à ce qu'il savait.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous. J'ai répondu

 21   la même chose à Mme le Procureur. Même si je n'avais pas le nombre exact de

 22   jours pendant lesquels nous ne nous étions pas vus. Je ne sais pas quand

 23   exactement le corridor a été fermé. Mais je sais que je n'ai pas eu de

 24   contacts avec vous personnellement, ni les autres. Parce que nous en

 25   Krajina de Bosnie, nous ne pouvions pas être en contact avec qui que ce

 26   soit par téléphone. Et j'ai également ajouté que je ne savais pas si

 27   l'armée ou la police avaient leurs propres moyens de communication.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 45303

  1   Q.  Ma dernière question à présent. On vous a montré des éléments de preuve

  2   sous la forme de la déposition du Témoin Srdjo Srdic en 1992, et ces

  3   éléments de preuve disaient que la cellule de Crise avait organisé --

  4   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : Est-ce que le

  5   Dr Karadzic pourrait répéter la fin de sa question.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter pour les interprètes,

  7   s'il vous plaît.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je ne peux pas montrer ce document de

  9   trois ou quatre pages que l'Accusation a cité, donc ma question à M. Stakic

 10   est la suivante.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Quel âge avait Srdjo Srdic en 1992 [comme interprété]?

 13   R.  Je crois qu'il avait plus de 70 ans.

 14   Q.  Merci. Je ne peux pas préciser cela maintenant parce que nous n'avons

 15   plus de temps. Mais je voudrais vous remercier, Monsieur Stakic, d'être

 16   venu déposer. Je n'ai plus de questions.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Stakic. Ceci conclut

 18   votre déposition. Au nom des Juges de la Chambre, j'aimerais vous remercier

 19   de vous être déplacé à La Haye pour déposer. Vous êtes libre de vous en

 20   aller.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Je

 22   voudrais remercier les membres du bureau du Procureur ainsi que l'équipe de

 23   la Défense de M. Karadzic et M. Karadzic. J'espère que j'ai pu contribuer à

 24   éclairer les événements qui ont eu lieu en 1992. C'est à vous maintenant de

 25   faire votre travail. Merci, et au revoir.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous aimerions également remercier Me

 27   Ostojic de son aide. Merci beaucoup. Nous l'apprécions. Je voudrais

 28   également remercier les membres du personnel et les interprètes qui sont


Page 45304

  1   restés plus longtemps. L'audience est levée.

  2   --- L'audience est levée à 16 heures 07 et reprendra le mercredi, 18

  3   décembre 2013, à 9 heures 00.

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