Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 46744

  1   Le mardi 11 février 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Oui, Monsieur Harvey.

  7   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  8   Madame, Messieurs les Juges.

  9   Puis-je présenter Natalia Silva, qui nous vient d'Espagne et qui étudie le

 10   droit à l'Université d'Utrecht.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   Il y a quelques questions que la Chambre aimerait soulever avant de

 13   continuer avec des témoins.

 14   D'abord, le 6 février, pour informer les parties en temps utile, la Chambre

 15   a informé aux parties un message électronique concernant la décision de la

 16   Chambre d'exclure les paragraphes 3 à 35 de la déclaration proposée

 17   conformément à l'article 92 ter pour ce qui est de la déclaration de Gojko

 18   Klickovic, qui doit témoigner aujourd'hui. Après avoir examiné la

 19   déclaration, la Chambre a constaté que ces paragraphes ne concernaient que

 20   Bosanska Krupa, la municipalité qui a été retirée de l'acte d'accusation.

 21   La Chambre permet à ce que le reste de la déclaration, qui concerne

 22   les activités du témoin, sa biographie et ainsi que sa personnalité, soit

 23   présenté conformément à l'article 92 ter.

 24   La deuxième chose, le même jour, la Chambre a ordonné que la requête de

 25   l'accusé intitulée "Déclaration du général Mladic", qui a été déposée le

 26   même jour, obtienne le statut de requête confidentielle à titre provisoire.

 27   La Chambre, maintenant, rendra la décision concernant le statut

 28   permanent de cette requête.


Page 46745

  1   Après avoir entendu les arguments des parties, la Chambre considère

  2   toujours que cette requête viole l'ordonnance de la Chambre et n'a

  3   absolument aucune fin devant cette Chambre. Par conséquent, la Chambre

  4   instruit le Greffe de faire retirer cette requête du dossier de l'affaire

  5   et de la remplacer par le certificat qui concerne cette ordonnance de la

  6   Chambre et d'octroyer le statut à cette requête, le statut confidentiel,

  7   dans le classeur qui correspond à des requêtes confidentielles. Donc,

  8   l'Accusation demande que cette requête de l'accusé du 6 février, qui a été

  9   déposée le 7 février, soit retirée.

 10   Et j'aimerais également, Maître Robinson, ajouter que la Chambre a

 11   entendu vos raisons pour ce qui est du dépôt de cette requête et la Chambre

 12   souhaite que tout soit clair, à savoir que dans cette affaire la Chambre ne

 13   tolèrera pas le dépôt de ce type de requête puisque ce n'est pas dans

 14   l'intérêt de la justice. Et cette requête, clairement, ne relève pas de

 15   cette catégorie ou de ce type de requête.

 16   Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin suivant, maintenant.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, bonjour. Puis-je dire quelque

 18   chose aux fins du compte rendu ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela concerne cette décision, non,

 20   Monsieur Karadzic. Sinon, vous pouvez continuer.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela concernerait la première décision, mais ce

 23   n'est pas par rapport à cette décision. Je ne veux pas contester cette

 24   décision.

 25   J'aimerais dire que l'Accusation ne m'a pas accusé pour mes propres

 26   actes, mais pour les actes du système. Mais cet acte d'accusation ne

 27   contient qu'un petit nombre de municipalités qui ne représentent pas un

 28   échantillon juste. Donc, ces municipalités qui ont été exclues de l'acte


Page 46746

  1   d'accusation --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre, donc, a rendu sa décision

  3   par rapport à cela, et vous pouvez consulter Me Robinson concernant cette

  4   question.

  5   Bonjour, Monsieur Rasevic.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous maintenant prononcer la

  8   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : MITAR RASEVIC [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir

 14   confortablement.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Avant de commencer votre

 17   témoignage, Monsieur Rasevic, je dois attirer votre attention sur une règle

 18   contenue dans notre Règlement de procédure et de preuve qui est appliqué

 19   devant ce Tribunal international. C'est l'article 90(E). D'après cet

 20   article, vous pouvez refuser de répondre à des questions de M. Karadzic, du

 21   Procureur, et même des Juges de la Chambre si vous estimez que cette

 22   réponse pourrait vous incriminer pour une infraction pénale.

 23   Dans ce contexte, cela signifie que vous pourriez dire quelque chose

 24   qui pourrait être considéré comme des aveux pour une infraction pénale ou

 25   dire quelque chose qui pourrait présenter des éléments de preuve comme quoi

 26   vous auriez commis une infraction pénale. Pourtant, si vous considérez que

 27   la réponse à une telle question pourrait vous incriminer et si, par

 28   conséquent, vous refusez à y répondre, il faut que je vous dise que le


Page 46747

  1   Tribunal international a le pouvoir de vous obliger de répondre à cette

  2   question; mais, dans une telle situation, le Tribunal international

  3   s'assurera que votre témoignage obtenu dans de telles circonstances ne

  4   pourra être utilisé dans une autre affaire à votre encontre pour n'importe

  5   quelle infraction pénale, l'exception faite de poursuite au pénal pour faux

  6   témoignage.

  7   Est-ce que vous avez compris cela, Monsieur Rasevic ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 10   Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à tout le monde.

 12   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rasevic.

 14   R.  Bonjour.

 15   Q.  S'il vous plaît, je vous prie de ménager une pause entre mes questions

 16   et vos réponses et je vous prie de parler lentement pour que tout soit

 17   consigné au compte rendu.

 18   Monsieur Rasevic, est-ce que vous avez fait une déclaration à mon équipe de

 19   la Défense ?

 20   R.  Oui, j'ai fait une déclaration à votre équipe de la Défense.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant afficher dans le prétoire

 23   électronique 1D9667.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous voyez cette déclaration à l'écran devant vous ?

 26   R.  Oui, je la vois.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous avez lu cette déclaration et est-ce que vous

 28   l'avez signée ?


Page 46748

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce qu'on peut afficher la dernière page de cette déclaration pour

  3   qu'on voie s'il s'agit de votre signature ?

  4   R.  Oui, c'est ma signature. Et je vois la date à laquelle j'ai signé cette

  5   déclaration.

  6   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire si cette déclaration reflète fidèlement ce

  7   que vous avez dit ou s'il y a des corrections que vous aimeriez apporter à

  8   cette déclaration ?

  9   R.  Oui, essentiellement, cela reflète mes propos.

 10   Q.  Merci. Si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions que les

 11   questions qui vous ont été posées à l'époque, est-ce que vos réponses

 12   seraient essentiellement les mêmes que les réponses que vous avez fournies

 13   dans cette déclaration ?

 14   R.  Oui, essentiellement les mêmes.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de cette déclaration

 17   conformément à l'article 92 ter, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections, Madame Uertz-

 19   Retzlaff ?

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 21   Je me demande justement ce à quoi le témoin a pensé lorsqu'il a dit que

 22   "pour ce qui est de la grande partie de la déclaration" ses propos sont

 23   reflétés.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous, Monsieur Karadzic, tirer ce

 25   point au clair avec le témoin.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Rasevic, lorsque vous avez dit "pour la plus grande partie de


Page 46749

  1   la déclaration" vos propos ont été reflétés fidèlement, dites-nous à quoi

  2   vous avez fait référence.

  3   R.  Lorsque j'ai dit cela, j'ai pensé à certaines parties qui auraient pu

  4   être expliquées de façon plus détaillée, mais j'accepte la déclaration

  5   comme elle est. La déclaration contient essentiellement ce que j'ai dit.

  6   Q.  Je ne sais pas si cela a été consigné au compte rendu, l'adverse

  7   "essentiellement". Est-ce qu'il y a autre chose que vous voudriez modifier

  8   dans votre déclaration, mis à part ces explications plus détaillées ?

  9   R.  Non.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cela suffit, Monsieur le Président ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sinon, vous n'avez pas d'objection

 12   concernant le versement de cette déclaration, Madame Uertz-Retzlaff ?

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, nous allons verser au dossier ce

 15   document.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D4307.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, vous pouvez

 18   continuer.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Maintenant, je vais lire en anglais le bref résumé de la déclaration

 21   de M. Mitar Rasevic.

 22   Mitar Rasevic était chef du service de la sécurité de KP Dom à Foca avant

 23   et après l'éclatement de la guerre.

 24   Avant la guerre, le KP Dom était la prison où les traitements ont été

 25   apportés aux alcooliques, aux narcomanes et aux malades de tuberculose. Le

 26   KP Dom était un organe de l'administration de l'Etat et Mitar Rasevic était

 27   en chef des gardes, ainsi que de leur conduite. Si les gardes violaient des

 28   ordres ou si les gardes se sont comportés de façon qui n'était pas


Page 46750

  1   appropriée, leurs actes ont fait l'objet de rapports et des sanctions

  2   appropriées ont été prises.

  3   Quelques jours avant l'éclatement de la guerre, il a remarqué qu'un

  4   certain nombre de prisonniers ont été relâchés du KP Dom, et ces

  5   prisonniers ne sont pas retournés. Cela a été fait sur l'ordre du directeur

  6   du KP Dom. De plus, en même temps à peu près, un grand nombre de condamnés

  7   se sont évadés. A l'éclatement de la guerre, la cellule de Crise a nommé un

  8   nouveau directeur du KP Dom, après quoi l'armée a commencé à commander dans

  9   le KP Dom à partir du début de la guerre. Mitar Rasevic n'a été convoqué

 10   aux réunions avec les autorités militaires ou civiles et n'était pas au

 11   courant de l'existence des unités paramilitaires dans le KP Dom.

 12   Mitar Rasevic était au courant du fait que le nombre de prisonniers

 13   dépassait la capacité de la prison au début de la guerre. Pourtant, des

 14   lits superposés ont été installés rapidement pour que cette question soit

 15   résolue. De plus, lorsque le chauffage ne fonctionnait plus, aux fins

 16   d'améliorer cette situation, des chaudrons ou des chauffe-eau ont été

 17   installés pour que les bains soient possibles, et le travail dans la

 18   cuisine a été réorganisé pour que la cuisine puisse continuer à travailler.

 19   Il n'y avait pas de distinction entre les prisonniers de guerre et

 20   des condamnés. Et bien qu'il y a eu la pénurie de vivres, un nombre minimal

 21   de repas ont été distribués.

 22   Le KP Dom avait un accord avec l'hôpital à Foca, et un médecin venait

 23   dans le KP Dom deux ou trois fois par semaine. Les prisonniers ont été

 24   également emmenés à l'hôpital si c'était nécessaire et une infirmière a été

 25   présente dans le KP Dom pendant tout ce temps-là.

 26   Mitar Rasevic rendait visite aux prisonniers qui se trouvaient en

 27   isolement cellulaire quotidiennement pour leur parler, pour s'assurer que

 28   ces prisonniers n'étaient pas malmenés; et les prisonniers ont confirmé que


Page 46751

  1   cela n'était pas le cas. Si un prisonnier était en isolement cellulaire

  2   pendant une période de temps prolongée, Mitar Rasevic demandait que cela

  3   soit réexaminé.

  4   Etant donné que Mitar Rasevic n'était pas convoqué et ne participait

  5   pas aux réunions lors desquelles le fonctionnement du KP Dom a été discuté,

  6   il recevait fréquemment des ordres sur lesquels il n'avait aucune

  7   incidence, les ordres pour transporter les prisonniers ou les préparer pour

  8   qu'ils soient transmis à la police militaire. Mitar Rasevic n'a jamais eu

  9   une incidence sur la création de ces listes; il les a tout simplement lues.

 10   Jamais pendant qu'il travaillait dans le KP Dom, il n'a jamais été

 11   présent ou n'a jamais été conscient du fait que des prisonniers ont été

 12   battus ou malmenés, et aucun des prisonniers ne s'est plaint d'avoir été

 13   malmené. A des occasions très rares qu'un garde a malmené un prisonnier

 14   pendant un interrogatoire, il a demandé que les interrogatoires en question

 15   soient arrêtés. De plus, un ordre a été donné par le directeur du KP Dom

 16   pour que les interrogatoires ne soient pas conduits après 20 heures du

 17   soir, puisqu'ils considéraient que des interrogatoires des prisonniers dans

 18   la soirée n'étaient pas une chose appropriée. Il n'y avait pas non plus

 19   d'interrogatoires en masse après juillet ou août 1992. Des listes des gens

 20   qui devaient être interrogés étaient envoyées par l'armée et les gardes

 21   dans le KP Dom devaient exécuter ces ordres.

 22   Mitar Rasevic n'a jamais entendu dire qu'un prisonnier a été tué

 23   pendant ces interrogatoires. Dans le KP Dom, les prisonniers qui

 24   décédaient, décédaient de causes naturelles ou se suicidaient. Mitar

 25   Rasevic n'a jamais vu et n'était jamais au courant du fait que des cadavres

 26   ont été emmenés du KP Dom, il n'a jamais vu de traces de sang dans

 27   l'enceinte du KP Dom ou sur les murs du KP Dom.

 28   Il n'a jamais vu un grand nombre de prisonniers qui auraient disparu


Page 46752

  1   pendant la journée ou pendant la nuit. Les seuls prisonniers qui étaient

  2   emmenés étaient ceux qui étaient emmenés avec l'autorisation de l'armée.

  3   Lorsqu'il se rendait en inspection pendant la nuit, il a vu que tout était

  4   en ordre et que les gardes étaient sur leur position.

  5   C'était le bref résumé de la déclaration de M. Rasevic.

  6   Maintenant, j'aimerais poser quelques questions à M. Rasevic.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Rasevic, comment fonctionnait le KP Dom ? Est-ce que

  9   vous aviez des règlements sur lesquels vous vous appuyiez concernant le

 10   fonctionnement du KP Dom ?

 11   R.  Le KP Dom, en tant qu'une institution, fonctionnait avant la

 12   guerre, pendant la guerre et après la guerre, et aujourd'hui certainement,

 13   et c'est sur la base de la Loi portant sur l'application des peines adoptée

 14   par le gouvernement. Pour ce qui est des règlements concernant

 15   l'organisation interne, c'était le directeur du KP Dom qui s'en occupait en

 16   s'appuyant sur cette loi. Sur la base de cette loi, des règlements

 17   concernant le fonctionnement du service de garde ont été adoptés pour

 18   chacun des postes de garde, puisque ces postes étaient spécifiques.

 19   En 1992, lorsque la guerre a commencé, nous avons continué à

 20   appliquer les mêmes lois, les mêmes lois concernant l'exécution des

 21   sanctions au pénal et les mêmes règlements portant sur l'organisation

 22   interne du KP Dom qui étaient appliqués avant la guerre.

 23   Q.  Merci. Je vous prie de ralentir votre débit.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation]  Est-ce qu'on peut afficher maintenant

 25   1D09672, pour que le témoin puisse voir ce document.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ? C'est en cyrillique.

 28   Malheureusement, nous n'avons toujours pas de traduction.


Page 46753

  1   R.  Il s'agit du règlement adopté en août 1992 portant sur l'organisation

  2   interne du KP Dom Foca.

  3   Q.  Merci. Est-ce que quoi que ce soit aurait été modifié par rapport à la

  4   législation qui était en vigueur auparavant concernant l'adoption de ce

  5   règlement ?

  6   R.  Pour ce qui est de ce règlement, rien n'a été modifié. Ce règlement a

  7   été tout simplement recopié et, en tant que tel, il était appliqué à

  8   l'époque.

  9   Q.  Merci. Dans votre déclaration, vous parlez des prisonniers et de

 10   détenus. Est-ce que quelque chose a été changé par rapport à cela et eu

 11   égard à l'organisation du fonctionnement du KP Dom ?

 12   R.  Il était normal que la catégorie de prisonniers de guerre était une

 13   catégorie nouvelle à laquelle nous étions confrontés au début de la guerre.

 14   Mais pour ce qui est de l'application de ce règlement, ce règlement

 15   régissait de la même façon, cette catégorie, à savoir la catégorie des

 16   prisonniers de guerre, comme c'était le cas d'autres catégories de

 17   personnes qui étaient détenues ou emprisonnées dans le KP Dom Foca,

 18   indépendamment de leur appartenance ethnique, indépendamment du type

 19   d'infraction pénale pour laquelle ils ont été détenus.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher la page 9 du

 21   document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît. Cela

 23   a déjà disparu.

 24   Au niveau du compte rendu, le KP Dom est une abréviation pour quoi ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Le KP Dom est le quartier pénitentiaire. Et

 26   aujourd'hui, c'est l'institut pénitentiaire, selon le nouveau terme utilisé

 27   aujourd'hui. Mais à l'époque, c'était Dom ou le quartier pénitentiaire.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, c'est le quartier pénitentiaire et


Page 46754

  1   correctionnel ? Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je aider. "Kazneno", cela veut dire pour

  3   punir, pour pénitentiaire; et "popvrani", cela veut dire pour réhabiliter,

  4   pour faire réhabiliter les condamnés pour qu'ils puissent être réinsérés à

  5   la société.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ici; ces dispositions

  9   concernent quoi et est-ce que cela vous concerne ? Et pouvez-vous lire

 10   numéro 1 et numéro 2.

 11   R.  Numéro 1, c'est le chef du service de la garde. C'était moi-même. C'est

 12   à l'époque comme ça qu'on appelait cette fonction. Et on voit ici énumérées

 13   de façon exhaustive des tâches du chef du service de la garde.

 14   Au numéro 2, à l'époque on appelait cette fonction le chef du service de la

 15   garde, ou plutôt le surveillant du service de la garde. C'était le terme de

 16   "komandir" qu'on utilisait pour ce poste. Il y en a eu quatre, et ces

 17   "komandirs" étaient en charge de travailler avec les gardes, d'assurer la

 18   sécurité à l'intérieur de l'institution et à l'extérieur, et ils étaient,

 19   en quelque sorte, mes adjoints.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à la page suivante

 22   maintenant.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Et pour ce qui est de 3, 4 et 5 ?

 25   R.  Au numéro 3, c'est la description des tâches des gardes; au 4, il

 26   s'agit des tâches du chef du service de la rééducation; et pour ce qui est

 27   du numéro 5, il s'agissait des instructeurs qui travaillaient dans le cadre

 28   du service de la rééducation ou de --


Page 46755

  1   Q.  Et pour ce qui est de 6 et 8 ?

  2   R.  Dans le KP Dom, avant la guerre, il y avait une école primaire et une

  3   école secondaire, donc ce service concernait l'éducation de ces personnes

  4   détenues.

  5   Au 7, le service pour ce qui est de l'application des peines et pour

  6   ce qui est des documents concernant des personnes détenues; au 8, la

  7   rééducation et la réinsertion, le réemploi des personnes qui purgeaient

  8   leur peine dans le KP Dom.

  9   Q.  Pour ce qui est de leur réemploi ? Ah, vous avez déjà décrit cela.

 10   R.  Oui.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher maintenant la page 13.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que ces services étaient ?

 14   R.  Il s'agissait du service pour le traitement des alcooliques, des

 15   narcomanes. Il y avait également un service à part, on pourrait l'appeler

 16   le service médical où, avant la guerre, il y avait un généraliste qui y

 17   travaillait pendant tout le temps. Nous disposions également d'un

 18   infirmier, d'un technicien pour ce qui est des soins dentaires. Pour ce qui

 19   est des points 11, 12 et 13. Et concernant le point 14, il s'agissait d'un

 20   service pour des affaires juridiques.

 21   Q.  Merci. Et le reste concerne l'organisation interne et l'administration.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci, Monsieur Rasevic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que ce document soit versé aux fins

 25   d'identification jusqu'à ce que la traduction du document ne soit fournie.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote aux

 27   fins provisoires, en tout cas pour la page de couverture, et les pages 9 à

 28   13.


Page 46756

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Avec la cote MFI D4308, Madame, Messieurs

  2   les Juges.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense qu'il faudrait commencer la

  5   numérotation à la page 8. L'identification à la page 8.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci.

  7   J'ai fait référence à la page 9 du prétoire électronique qui correspond à

  8   la page 8. Effectivement. Donc, ce sont bien les pages 9 à 13 pour le

  9   prétoire électronique.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Rasevic, je constate qu'il y avait une cuisine, que des repas

 13   étaient préparés. Est-ce que vous pourriez nous dire quoi que ce soit sur

 14   l'approvisionnement en vivres lorsque la guerre a éclaté. Comment

 15   nourrissait-on les prisonniers, est-ce qu'il y avait suffisamment de vivres

 16   ? Est-ce qu'il y avait des pénuries ou est-ce qu'on a refusé

 17   l'approvisionnement en vivres; et, si oui, pour quelle raison ?

 18   R.  Je dois commencer par vous dire qu'à mon retour au KP Dom à la mi-mai

 19   environ, je me suis rendu compte que le KP Dom était en ruine,

 20   pratiquement. Il avait été détruit. Et la destruction avait commencé au

 21   début de la guerre, lorsque j'y étais encore. Et la salle des chaudières

 22   était dans le pire état. En fait, c'était l'installation maîtresse, si je

 23   peux dire. La chaudière était alimentée au charbon. Elle a été plutôt

 24   endommagée à cause de bombardement. Le charbon brûlait, fournissait ou

 25   générait de la vapeur et cette vapeur était utilisée pour alimenter

 26   l'équipement dans la cuisine. Mais les tuyauteries étaient endommagées et,

 27   sans de grande réparation, plus rien ne pouvait fonctionner. Et nous

 28   devions faire avec.


Page 46757

  1   Q.  Monsieur Rasevic, je vous remercie. Nous n'avons pas besoin de revenir

  2   sur tous les détails qui sont déjà repris dans votre déclaration. Ce qui

  3   m'intéresse ce sont les quantités de vivres et la façon dont vous avez

  4   obtenu ces quantités.

  5   Dans votre déclaration, vous avez dit que le nombre de prisonniers avait

  6   augmenté. Comment avez-vous géré cette situation ?

  7   R.  Etant donné que le nombre de prisonniers avait augmenté, nous avons

  8   demandé de l'aide à l'armée. Nous avons demandé à l'armée de nous fournir

  9   une certaine quantité de vivres, parce que ces vivres étaient contrôlés par

 10   l'armée. Et donc, l'armée était obligée de le faire. Nous avions également

 11   au KP Dom une exploitation agricole, le KP Dom en était propriétaire, et

 12   nous obtenions également des vivres de cette source-là. C'était plutôt

 13   difficile, mais nous avons réussi à nous en sortir en tout cas à fournir

 14   des quantités minimales de vivres.

 15   Q.  Merci. Est-ce qu'on a refusé des vivres ? Est-ce qu'il y a eu une

 16   discrimination; et, si oui, quelles ont été les raisons de cette

 17   discrimination et de ce refus ?

 18   R.  Non. En tout cas, pour les services du KP Dom, je peux vous dire en

 19   toute responsabilité qu'il n'y a pas eu de discrimination. Ce n'était même

 20   pas faisable. Les aliments étaient préparés dans un chaudron improvisé que

 21   nous avions reçu de l'armée et tout était rassemblé dans ce chaudron, et il

 22   était impossible de faire une différenciation d'une catégorie à l'autre et

 23   de faire des rations séparées.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher à l'écran le document

 25   1D09670, s'il vous plaît. 1D09670, s'il vous plaît.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document ? Est-ce que vous voyez de

 28   quoi il parle et est-ce que vous pourriez nous dire à qui il a été adressé


Page 46758

  1   et quelle est la demande ?

  2   R.  C'est un document daté du 21 octobre 1992. Il est adressé à la Croix-

  3   Rouge de Foca, et il s'agit d'une demande de délivrance de paquets pour les

  4   détenus et les personnes qui ont été capturés dans le cadre d'un programme

  5   d'aide. Les personnes qui se trouvaient dans ces bâtiments avaient demandé

  6   130 paquets d'aide, et ce, pour les prisonniers et les condamnés.

  7   Q.  Est-ce que c'est 100 ou 130 paquets qui ont été demandés ?

  8   R.  Cent trente.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, je demande le

 10   versement de ce document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections ?

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote

 14   provisoire.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la cote provisoire MFI

 16   D4309, Madame, Monsieur les Juges.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document

 18   1D09671, s'il vous plaît.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Ce document est daté du 5 mars 1993. Pourriez-vous nous expliquer --

 21   non. Tout d'abord, est-ce que vous pourriez nous dire quelques mots sur ce

 22   document ? Il a été adressé à la caserne militaire de Foca, et il nous dit

 23   : "Sur la base du contrat de location des bâtiments du KP Dom pour détenus,

 24   des Musulmans et des Serbes ont déjà été capturés et sont gardés au Dom."

 25   Pourriez-vous nous expliquer de quoi parle ce document ? Qu'est-ce que cela

 26   veut dire ?

 27   R.  Lorsque je suis retourné au KP Dom à la mi-mai, le directeur avait dit

 28   qu'il avait signé un contrat avec le poste militaire à Foca, le


Page 46759

  1   commandement militaire qui s'y trouvait, et ce, pour placer les personnes

  2   qui avaient été capturées, tous les soldats qui avaient commis des

  3   violations au KP Dom de Foca. Et le contrat stipulait que c'était à eux de

  4   s'occuper de la nourriture, de l'alimentation et des conditions de logement

  5   de ces personnes. J'ai vu ce contrat pour la première fois lors de mon

  6   procès. Le directeur l'avait gardé.

  7   Et je pense qu'en se fondant sur cela, à partir du mois de mars 1993, le

  8   directeur avait demandé certaines quantités de vivres afin de pouvoir

  9   alimenter ces personnes-là.

 10   J'aimerais également ajouter que nous avions demandé, et ce,

 11   quotidiennement, plusieurs choses. Nous avions même vendu des meubles dans

 12   les environs du Monténégro pour pouvoir acheter des vivres et financer

 13   l'achat de ces vivres et pouvoir assurer une alimentation raisonnable pour

 14   tous. C'est un problème avec lequel nous avions eu maille à partir. Nous

 15   essayions de trouver une solution. Très souvent, on ne comprenait pas nos

 16   problèmes, mais nous avons fait de notre mieux pour pouvoir fournir à tout

 17   le monde, quelle que soit leur appartenance ethnique, des conditions

 18   optimales de séjour au KP Dom.

 19   Q.  Merci. Si vous me le permettez, je vais vous donner lecture du

 20   document. Il s'agit d'une demande de 200 kilos de haricots, de 200 kilos de

 21   riz, de 200 kilos de pommes de terres, notamment.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement du document.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote

 25   provisoire.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce MFI D4310, Madame,

 27   Monsieur les Juges.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.


Page 46760

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Comment l'armée a-t-elle répondu ? Est-ce que l'armée a délibérément

  3   gardé les aliments ? En d'autres mots, est-ce que l'armée avait des

  4   aliments à disposition, mais les a gardés exprès ?

  5   Qu'avez-vous vu à cet égard, en tout cas pour le KP Dom ?

  6   R.  Eh bien, je n'ai pas eu l'impression que l'armée avait gardé les

  7   aliments pour elle délibérément; au contraire. L'armée intervenait dans

  8   certains cas. L'armée avait également des problèmes pour alimenter ses

  9   propres troupes sur le front. C'est quelque chose qui peut facilement

 10   devenir un gros problème et prendre de l'ampleur. Vous savez, il est très

 11   difficile de satisfaire tout le monde lorsqu'il y a des pénuries.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Regardons à présent le document 1D09669, s'il

 13   vous plaît.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  En bas du document, près du cachet, vous voyez la date du 18 septembre

 16   1993.

 17   Est-ce que vous pouvez nous dire ce que ce document a à voir avec vous, ce

 18   que ce TG Foca, Groupe tactique Foca, avait à voir avec vous ?

 19   R.  Le groupe tactique, le commandement de ce groupe tactique, comme je

 20   l'ai déjà dit, de Foca, était chargé des prisonniers de guerre et des

 21   soldats qui avaient commis des crimes ou qui s'étaient mal conduits.

 22   Et l'armée rencontrait de plus en plus de problèmes pour

 23   approvisionner ceux qui se trouvaient sur le front. Cela était

 24   particulièrement flagrant, et nous l'avons ressentis aussi au KP Dom

 25   lorsque la Serbie a imposé des sanctions. A ce moment-là, nous ne pouvions

 26   plus rien acheter ni vendre à la Serbie et depuis la Serbie.

 27   Le commandant adjoint, le colonel Milan Maljkovic, d'après ce que je

 28   vois sur le document, a donné l'ordre selon lequel certaines quantités


Page 46761

  1   d'aliments alloués aux unités militaires devraient être réduites à cause de

  2   pénuries. Voilà comment je résumerais les choses.

  3   Q.  Quel est l'intitulé du document ?

  4   R.  Réduction des rations d'aliments.

  5   Q.  Merci. Regardons le point 2 : Ceux qui rentraient chez eux pour y

  6   passer la nuit n'avait pas le droit de recevoir ces rations, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui. Parce que certains soldats mangeaient chez eux et l'armée avait

  8   interdit de les approvisionner.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document avec une

 11   cote provisoire.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous lui attribuons une cote

 13   provisoire.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce MFI D4311, Madame,

 15   Messieurs les Juges.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Encore une question, et j'ai encore un document à vous montrer dans le

 18   cadre de mon interrogatoire principal.

 19   Monsieur Rasevic, est-ce que vous avez eu l'occasion d'obtenir des

 20   informations sur la préparation à la guerre et sur la création d'unités

 21   illégales ? Est-ce que vous avez eu des informations à ce propos ? Et si

 22   oui, est-ce que cela a été confirmé par la pratique ?

 23   R.  Je peux vous dire la chose suivante : Je travaillais dans une

 24   institution qui était multiethnique, et je suis fier de vous dire qu'il n'y

 25   avait pas de conflits multiethniques apparents entre les représentants

 26   officiels du KP Dom, du moins, dans mon service. Les tensions à Foca

 27   avaient déjà commencé en 1992 avec l'affaire Focatrans. Il s'agit d'une

 28   société de transport, cette affaire était bien connue. Et lors de mon


Page 46762

  1   procès, j'ai appris, suite à l'entretien qu'un fonctionnaire du SDA de Foca

  2   avait donné, et cet entretien avait été donné pendant ou après la guerre,

  3   donc j'ai appris dans cet entretien que dès 1992, à Ustikolina, qui fait

  4   partie de la municipalité de Foca, il avait formé une unité armée composée

  5   de 100 hommes, qui dépendait de Cavrk, qui est décédé. C'est ce qu'il a

  6   dit.

  7   Q.  Merci. Est-ce que je vous ai bien compris, est-ce que cela a eu lieu en

  8   1992 ou en 1990 ?

  9   R.  C'était en 1990. Pardon si j'ai dit 1992.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous à présent montrer au témoin --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin a parlé de son

 13   propre procès dans sa déclaration ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que oui, Monsieur le Président, au

 15   paragraphe 2.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, oui. Merci.

 17   Veuillez continuer.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D09668,

 19   s'il vous plaît.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur, pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qu'est cet

 22   article de "Oslobodjenje" ?

 23   R.  C'est un journal qui était publié à Sarajevo même avant la guerre. Il a

 24   continué de paraître pendant la guerre, je ne sais pas où. Mais c'est un

 25   journal. Et cet article est paru dans ce journal.

 26   Q.  Est-ce que c'est le principal journal de Bosnie-Herzégovine, qui était

 27   considéré et qui est probablement toujours considéré comme un journal

 28   officiel ?


Page 46763

  1   R.  Oui, --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que cette question est très

  3   directrice.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, tout à fait, déjà lorsque

  5   l'accusé a demandé au témoin s'il avait bien parlé de 1992 et s'il n'avait

  6   pas plutôt voulu dire 1990. A ce moment-là déjà je me disais que la

  7   question était directrice et je m'étais levée mais il était déjà trop tard.

  8   Et cela continue maintenant.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire le nom de la personne qui a donné

 11   cet entretien ?

 12   R.  C'est Halid Cengic. C'était un haut placé du SDA à Foca.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons la page suivante, s'il vous plaît.

 15   Il faudra agrandir la partie centrale.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Je vais vous en donner lecture. Juste après la ligne 20, il y a un

 18   titre là, on nous dit : 

 19   "Mais dès le 2 août 1990, une unité illégale a été créée par lui à

 20   Ustikolina. Les 18" ou les 180, qui appartenaient -- je n'arrive pas à bien

 21   distinguer le chiffre, "on juré sur le Coran qu'au nom d'Allah ils se

 22   battraient pour défendre la Bosnie, la religion de la Bosnie et le peuple

 23   bosniaque."

 24   Est-ce que vous étiez au courant de cela et en quoi cela correspond-il aux

 25   informations dont vous disposiez sur ces organisations avant la guerre ?

 26   R.  Il est possible que ma langue ait fourché lorsque j'ai dit 1992 parce

 27   qu'en fait, c'était 1990.

 28   Q.  Merci. Alors, comment cela s'est-il traduit dans les relations qui


Page 46764

  1   existaient à Foca avant la guerre ?

  2   R.  Eh bien, à ce moment-là les relations n'étaient déjà pas très bonnes

  3   dans la municipalité de Foca. La création de deux sociétés de transport

  4   avaient commencé, l'une d'entre elles était composée uniquement de

  5   Musulmans, l'autre de Serbes uniquement - et je parle, lorsque je dis

  6   "composé de" je parle des usagés et du personnel - alors que nous, au KP

  7   Dom, jusqu'au début de la guerre, nous avons pu maintenir de bonnes

  8   relations et éviter tout effet négatif, le KP Dom était également très

  9   intéressant pour les parties.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document aux fins

 12   d'identification provisoire. Et je pense qu'il serait utile d'obtenir une

 13   traduction intégrale car cet article parle des origines du conflit à Foca ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il y ait fondement

 15   pour admettre de document par le truchement du témoin. Il n'a apporté un

 16   commentaire que sur une année.

 17   Continuons, s'il vous plaît.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Madame, Messieurs les Juges. Mais

 19   aux fins du compte rendu, je tiens à préciser que le témoin a déclaré

 20   qu'ils étaient au courant de cela et que malgré cela, ils ont pu préserver

 21   de bonnes relations au KP Dom. Mais si vous ne voulez pas admettre le

 22   document, libre à vous.

 23   Je n'ai plus de question.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   Madame Uertz-Retzlaff.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Contre-interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rasevic.


Page 46765

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Monsieur Rasevic, jusqu'à récemment vous avez purgé une peine de sept

  3   années d'emprisonnement pour vos agissements et votre participation aux

  4   événements au KP Dom de Foca; pouvez-vous le confirmer ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Votre collègue, M. Todovic, le directeur adjoint du KP Dom, a été

  7   condamné lors du même procès que le vôtre à une peine d'emprisonnement de

  8   12 ans et six mois, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Et M. Krnojelac, le directeur du KP Dom, a été condamné lors d'un

 11   procès porté devant ce Tribunal à une peine d'emprisonnement de 15 années.

 12   Vous étiez au courant de cela ?

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   Q.  J'aimerais vous citer l'arrêt du 6 novembre 2008.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et, Madame, Messieurs les Juges, il

 16   s'agit du document 25870 de la liste 65 ter, page 29 pour la version

 17   anglaise et page 31 pour la version en B/C/S.

 18   Q.  On y parle du traitement des détenus non-serbes au KP Dom, et dans

 19   l'arrêt il est dit et il est fait référence à :

 20   "Un délit flagrant et brutal des droits fondamentaux des personnes en

 21   violation du droit international, tel que le droit à la vie, le droit à la

 22   liberté, à la sécurité, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à

 23   des traitements inhumains ou dégradants, au motif d'une appartenance à un

 24   groupe de personnes ou à une communauté d'appartenance ethnique différente

 25   et de religion différente."

 26   Monsieur Rasevic, cela résume les conclusions des juges dans votre procès

 27   en Bosnie, conclusions relatives au traitement des détenus non-serbes au KP

 28   Dom. Vous ne niez pas cela ?


Page 46766

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 46767

  1   R.  Je nierai toujours que ce sont des membres du service de la garde qui

  2   ont fait cela. Je n'avais pas d'information de la part de prisonniers

  3   disant qu'ils avaient été maltraités par les gardes professionnels du KP

  4   Dom de Foca.

  5   S'agissant du comportement d'autres individus pendant les interrogatoires,

  6   je n'avais pas d'information à cet égard. Peut-être que certains n'ont pas

  7   osé dire ce qu'il se passait ou peut-être que l'on pensait que je n'aurais

  8   rien pu y faire. Quoi qu'il en soit, je ne peux pas vous donner de

  9   commentaire à ce sujet.

 10   Mais je peux vous donner des commentaires s'agissant du service à la

 11   tête duquel je me trouvais, et je peux vous dire que je n'avais pas

 12   d'information disant que tout cela était organisé.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande le versement de

 14   cette page.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Vu que le document a été montré au témoin,

 16   je ne vois pas de raison pour l'admission de ce document.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous en passer,

 18   Madame Uertz-Retzlaff ? La Chambre a une réserve générale sur l'admission

 19   de l'arrêt d'une autre chambre ou d'un autre tribunal.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense que cela était pertinent, en

 21   tout cas pour les décisions de ce Tribunal, mais pas d'autres tribunaux.

 22   Mais j'ai cité ce qui l'intéressait, donc il n'y a pas de problèmes.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Rasevic, j'aimerais également faire appel à l'arrêt, page 32

 26   pour la version anglaise et page 34 pour la version en B/C/S, parce que

 27   l'arrêt nous précise que votre peine à l'origine de huit ans et six mois a

 28   été réduite à sept années parce que vous avez tenté de soulager la douleur


Page 46768

  1   des détenus et que vous éprouviez des remords sincères.

  2   Monsieur Rasevic, est-ce que vous éprouvez toujours des remords sincères

  3   pour ce qui est arrivé aux détenus non-serbes du KP Dom ?

  4   R.  Madame, Messieurs les Juges, est-ce que je peux expliquer un petit peu.

  5   Tout au long de ma carrière, j'ai agi de manière tout à fait

  6   professionnelle.

  7   Q.  Monsieur Rasevic, nous n'avons pas beaucoup de temps, donc peut-

  8   être que vous pourriez me répondre par un oui ou un non, et on pourrait

  9   explorer cela plus en avant par la suite.

 10   R.  Ecoutez, je vais vous dire la chose suivante, encore aujourd'hui

 11   je regrette profondément qu'il se soit passé des choses avec ces gens, je

 12   regrette tout ce que j'allais apprendre plus tard. Et je dirai toujours que

 13   j'éprouve des regrets à cause de cela.

 14   Q.  Vous avez été auditionné en tant que suspect du bureau du Procureur en

 15   septembre et octobre 2004 ici à La Haye. Est-ce que vous vous souvenez de

 16   ces auditions ?

 17   R.  Oui, plus ou moins, je m'en souviens. Mais ça fait longtemps.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande l'affichage du document

 19   25867 de la liste 65 ter à l'écran, page 249.

 20   Q.  Et nous ne l'avons qu'en anglais, Monsieur Rasevic, donc je vais vous

 21   en donner lecture, mais lentement : 

 22   "Mais je vais vous dire une chose, j'ai véritablement ressenti de la

 23   compassion pour ces gens qui étaient placés en prison là-bas. Et c'était

 24   très difficile pour moi de voir mon ex-enseignant, mes voisins, mes amis

 25   avec qui j'avais réveillonné pratiquement tous les ans, c'était difficile

 26   de les voir détenus là-bas. Mais il n'y avait rien que j'aurais pu faire si

 27   ce n'est de passer en douce quelques objets pour les leur remettre

 28   secrètement.


Page 46769

  1   "Je regrette profondément et sincèrement ce qui est arrivé à tous ces gens

  2   que vous avez mentionnés."

  3   Et puis, un peu plus loin dans le texte, vous dites :

  4   "Et je présenterai personnellement mes excuses à tous ces gens en les

  5   regardant dans les yeux."

  6   Et encore plus loin :

  7   "Je m'oppose fermement à tout le mal qui a été infligé à ces gens et je

  8   condamne tous ceux qui le leur ont fait. Je pense que tous ces gens doivent

  9   être punis parce que c'est uniquement de cette manière-là qu'on pourra

 10   mettre fin à ces mauvais agissements, à tout ce mal."

 11   Donc, Monsieur Rasevic, vous parlez ici de tous ces gens qui doivent être

 12   punis pour le mal qu'ils ont fait aux non-Serbes du KP Dom. Est-ce que vous

 13   pensiez ici à la cellule de Crise et au commandement militaire qui avait

 14   pris la décision d'arrêter, de placer en détention et d'interroger ces gens

 15   ?

 16   R.  Ecoutez, il ne faut pas présenter les choses comme ça. Ce que je pense,

 17   c'est qu'il faut véritablement punir ceux qui se sont donnés le droit de

 18   commencer ce qu'ils ont fait. Je n'ai pas d'information, je n'ai pas de

 19   données comme quoi c'est la cellule de Crise qui aurait fait cela. Je sais

 20   que ces gens ont été amenés sur la base de documents qui ont été fournis au

 21   KP Dom par le commandement militaire. Donc, qui sont les gens qui ont

 22   ordonné cela et qui par la suite ont commis des abus par rapport aux ordres

 23   donnés initialement, eh bien, ce sont eux qui doivent être sanctionnés.

 24   C'est ça que je pense. Je ne suis absolument pas un enquêteur, je ne vais

 25   pas me lancer dans des enquêtes, mais je pense que où que ce soit en

 26   Bosnie-Herzégovine, tous ceux qui se sont véritablement arrogés le droit de

 27   priver quelqu'un de vie sans qu'il y ait eu un procès précédemment, ils

 28   doivent être sanctionnés, que ce soit à Sarajevo, à Foca, à Bugojno, ou


Page 46770

  1   ailleurs.

  2   C'est ça que je pense.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je

  4   demande que cette page soit versée au dossier.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons admettre au dossier

  6   cette page.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6655.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  9   Q.  Au paragraphe 2 de votre déclaration donnée à la Défense, Monsieur

 10   Rasevic, vous dites dans la dernière phrase que vous n'étiez pas membre des

 11   ces nouveaux partis politiques parce que vous n'étiez pas d'accord avec les

 12   programmes nationalistes de ceux-là.

 13   Monsieur Rasevic, c'est à partir du moment où ces partis politiques

 14   nationalistes ont été créés que les conflits et les tensions entre les

 15   différents groupes ethniques ont commencé; exact ?

 16   R.  Ecoutez, je ne vais pas vous dire que c'étaient des partis

 17   nationalistes. C'étaient des partis nationaux. Quant à savoir si ça a

 18   dégénéré par la suite, il en revient à d'autres d'en juger. Mais encore

 19   aujourd'hui, je suis nostalgique de l'ex-Yougoslavie, et je ne pense pas

 20   que ça va changer.

 21   Q.  Mais vous avez déclaré vous-même que vous n'étiez pas d'accord avec ces

 22   programmes nationalistes. Donc, c'est la raison pour laquelle je vous ai

 23   posé ma question.

 24   Mais quoi qu'il en soit, Monsieur Rasevic, avant que le conflit

 25   n'éclate, le Dr Mandic, qui était médecin, qui était un des chefs de file

 26   du SDS de Foca, il a voulu que vous rejoigniez les Serbes pour qu'ils

 27   puissent obtenir les armes du KP Dom; exact ?

 28   R.  Ecoutez, je ne sais pas où vous avez eu cette information. Il y a eu


Page 46771

  1   une conversation, ça se passait à l'hôpital. Il n'a pas parlé du fait qu'il

  2   fallait remettre les armes aux Serbes. Peut-être que j'ai fait une erreur.

  3   Mais il a dit qu'il ne fallait pas que les Musulmans puissent s'approprier

  4   les armes. Et moi, j'ai dit : Ni les Serbes, ni les Musulmans.

  5   Nous étions les seuls au KP Dom, les seuls de toute la Bosnie-

  6   Herzégovine à détruire les armes. Tous les autres s'armaient, et nous, nous

  7   les détruisions. Et c'est à cause de cela que j'ai eu 

  8   des problèmes. Donc, nous avons détruit plus de 500 canons et plus de 6 000

  9   balles pour que cela ne revienne ni aux Serbes ni aux Musulmans. Et nous

 10   n'avons fait aucune différence entre eux là-dessus.

 11   Q.  Vous avez déposé le 11 décembre 2007 devant le tribunal d'Etat de

 12   Bosnie.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Et nous allons examiner la page 9 en

 14   anglais et page 10 en B/C/S du document 25866 de la liste 65 ter. En

 15   anglais, ce sera en haut de la page. Et en B/C/S, haut de la page.

 16   Q.  Et je cite :

 17   "Un homme m'a vu là-bas. A ce moment-là, cet homme était l'un des leaders

 18   serbes, et lui, il était considéré comme le leaders des Serbes également

 19   pendant l'affaire de Focatrans."

 20   Et un peu plus loin :

 21   "Il m'a demandé : Alors, est-ce que tu vas te décider ? Est-ce que tu vas

 22   te ranger ? Et je me suis demandé : Mais dans quel sens ? Et il m'a dit :

 23   Mais tu ne peux pas éviter de choisir."

 24   Page suivante en anglais, s'il vous plaît :

 25   "Que vas-tu faire avec des armes ? Et j'ai répondu : Mais moi, je fais mon

 26   travail, là. Je n'ai pas à choisir le côté. Et qu'est-ce que tu dis au

 27   sujet de l'arsenal et du dépôt d'armes ? Il m'a dit : Tout ce que tu as à

 28   faire, c'est de nommer des gardes, et puis nous allons nous emparer des


Page 46772

  1   armes.

  2   "Je suis parti et je suis allé voir le directeur pour lui en parler."

  3   Donc, Monsieur Rasevic, c'est ce que vous avez dit à l'époque ?

  4   R.  Mais je dirais exactement la même chose maintenant. Personne ne

  5   pourrait exercer des pressions sur moi dans le cadre de l'exercice de ma

  6   profession.

  7   Q.  Et c'était le Dr Mandic, un leader serbe, vous le connaissiez comme

  8   médecin de l'hôpital de Foca; c'est bien ça ?

  9   R.  Ecoutez, je dois vous dire véritablement que c'est la première fois que

 10   j'entends que c'était un leader au sein du SDS. Je ne pensais pas qu'il

 11   jouait un rôle important. Je pense même que ça n'a pas été quelqu'un de

 12   premier plan.

 13   Enfin, je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Parce que

 14   vraiment, je ne sais pas.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, il nous faudra de nouveau --

 16   ou, plutôt, passez à la page 14 en anglais et la page 14 également en

 17   B/C/S. Ce sera au milieu de la page.

 18   Q.  Alors, c'est Me Prodanovic, le conseil de Défense, qui vous pose une

 19   question, à savoir :

 20   "Avant que je vous pose ma question suivante, lorsque vous parliez de cette

 21   personnalité du SDS qui aurait cherché à vous influencer au sujet de

 22   l'arsenal ou du dépôt d'armes, est-ce que vous pouvez nous donner son nom à

 23   l'hôpital ?"

 24   Et réponse :

 25   "Bien, oui, je vais vous le dire. C'est le Dr Mandic."

 26   Donc, est-il exact de dire que ce que vous avez dit à l'époque, c'est bien

 27   cela, vous avez parlé d'un leader serbe ?

 28   R.  Oui. Mais c'est de cette manière-là que le conseil a formulé sa


Page 46773

  1   question. Et j'ai dit que c'était Dr Mandic et que je l'ai croisé à

  2   l'hôpital. Mais c'était pas parce que je suis allé délibérément le voir,

  3   lui parler.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce que ces trois pages peuvent

  5   être admises au dossier.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6656.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  9   Q.  Alors, à partir du moment où le conflit a commencé et le KP Dom a été

 10   touché par un obus, parce qu'il s'est trouvé placé entre les deux parties,

 11   vous êtes allé avec M. Tesovic transférer 96 détenus non-serbes en passant

 12   par le Monténégro à la prison de Tuzla, pour qu'ils soient placés en

 13   sécurité ?

 14   R.  Oui, c'était ça que nous avons estimé devoir faire, sauver les gens. Et

 15   si vous voulez que je vous donne leur appartenance ethnique, tout cela,

 16   c'étaient des Musulmans, des Croates et des Albanais, 98 personnes, et

 17   c'était en accord avec les autorités de Bosnie-Herzégovine que nous avons

 18   fait cela.

 19   Q.  Et en route, vous vous êtes arrêté à la prison pour femmes de Velecevo

 20   et vous êtes resté pendant un moment là-bas; c'est bien cela ?

 21   R.  Oui. Pendant les trois ou quatre premières journées de guerre, j'étais

 22   au KP Dom de Foca avec les condamnés. Il y avait Alija Berberkic [phon],

 23   qui était adjoint du directeur, et une quarantaine de gardiens de

 24   composition mixte.

 25   Q.  Je vais vous arrêter là. Je parle de ces événements de Velecevo, de la

 26   prison pour femmes. Je n'ai pas besoin d'autres détails. Donc, vous êtes

 27   resté sur place; c'est exact ?

 28   R.  Oui. Oui, c'est exact.


Page 46774

  1   Q.  Et à ce moment-là, vous avez vu des militaires à Velecevo, donc, dans

  2   cette prison pour femmes. C'était une sorte de poste de commandement ?

  3   R.  Non, je ne pense pas que ça ait pu être un poste de commandement, pas

  4   du tout, parce qu'à ce moment-là il y avait encore des femmes qui

  5   purgeaient leur peine dans cette prison. C'est avec 125 condamnés que nous

  6   sommes arrivés dans cette prison.

  7   Et c'est de manière inattendue qu'on a vu arriver le lendemain des

  8   militaires qui avaient une attitude très agressive d'emblée.

  9   Q.  Et à ce moment-là, pendant que vous étiez à Velecevo, vous avez croisé

 10   l'un de vos collègues musulmans, un des collègues du KP Dom, et c'est lui

 11   qui vous a dit qu'il avait été capturé, que vous et M. Tesovic, vous avez

 12   essayé de le faire libérer.

 13   Vous vous souvenez de cela ?

 14   R.  Oui, je me souviens. C'était mon collègue, stomatologue, et nous avons

 15   réussi à les convaincre de le relâcher. Hélas, il a été arrêté par la suite

 16   et je l'ai retrouvé à la mi-mai au KP Dom.

 17   Q.  Vous dites "ces gens-là", vous avez réussi à convaincre ces gens-là,

 18   mais M. Velibor Ostojic en fait partie, lui aussi, de ces gens-là, il était

 19   à Velecevo à ce moment-là; exact ?

 20   R.  Oui. On lui a parlé et il a essayé tout de suite d'intervenir, il a eu

 21   des difficultés à convaincre ces soldats. C'étaient des gens venus

 22   d'ailleurs. Je sais que ça n'a pas été facile pour lui de les convaincre.

 23   J'ai eu l'impression qu'il n'avait pas suffisamment d'autorité et de

 24   pouvoir pour le faire lui-même. Le début de la guerre était très difficile.

 25   C'était un moment très difficile.

 26   Q.  Vu que vous avez voulu aider les condamnés ou les détenus non-serbes,

 27   et vous n'avez pas rejoint Dr Mandic et ses acolytes, M. Tesovic a été

 28   remplacé à son poste de directeur par M. Krnojelac; c'est exact ?


Page 46775

  1   R.  Quand je suis arrivé à la mi-mai, donc je suis revenu de Serbie, j'avis

  2   remis les détenus, et donc, je me suis présenté au KP Dom pour mon

  3   obligation de travail, et on m'a dit que Krnojelac a été nommé au poste de

  4   directeur, qu'il avait été nommé par la cellule de Crise. Au bout de six ou

  5   huit mois, le ministre de la Justice allait confirmer cette nomination,

  6   parce qu'il faut savoir que jusqu'à ce moment-là, on avait perdu tout

  7   contact avec eux, avec le ministère.

  8   Q.  Mais vous, personnellement, quand vous êtes revenu sur place, vous avez

  9   fait l'objet de harcèlement et de menaces, et vous ne vous sentiez pas en

 10   sécurité à votre poste au KP Dom; est-ce exact ?

 11   R.  Eh bien, comment dire. Il y a eu des menaces, il y a eu des remarques

 12   verbales, comme quoi, pourquoi est-ce que ces détenus qui faisaient partie

 13   d'un autre groupe ethnique ont-ils été protégés par moi, pourquoi est-ce

 14   que je les ai remis à la prison de Tuzla. Que demain, ils allaient prendre

 15   l'arme pour se battre contre nous. Mais ça n'a pas été des agressions

 16   physiques. Et ça venait de différents individus qui avaient déjà perdu des

 17   proches ou perdu quelqu'un dans la guerre. Donc, ils me disaient : Mais tu

 18   te comportes trop bien vis-à-vis d'eux, et moi j'ai déjà perdu deux ou

 19   trois personnes. Mais je souligne que pour ce qui est des gens faisant

 20   partie des autorités locales, personne ne m'a interpellé pour me menacer.

 21   Ça, non, ce n'est pas arrivé. C'est venu de ma manière sporadique de tels

 22   ou tels individus. Mais il faut savoir qu'au départ, ça a été difficile de

 23   contrôler ces individus.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] 65 ter 25867, s'il vous plaît, à

 25   présent.

 26   Q.  Nous avons la déclaration que vous avez donnée au TPIY, page 184. Et

 27   ici :

 28   "J'ai été anathématisé. J'étais la brebis noire. Je n'étais pas un Serbe


Page 46776

  1   suffisamment affirmé, je n'étais pas un grand Serbe. Et tout ce que je

  2   faisais, eh bien, je le faisais en secret. J'avais peur de mes propres

  3   gardiens."

  4   Monsieur Rasevic, vous aviez peur de vos propres gardiens parce que vous ne

  5   saviez pas qui suivait la politique du SDS ?

  6   R.  Mais oui, c'est naturel. Vous comprenez ? Les gens changent d'attitude

  7   du jour au lendemain ou très rapidement pendant la guerre. Mais ça, ça ne

  8   m'a pas dérangé au point de ne pas m'acquitter de mes obligations d'une

  9   manière tout à fait professionnelle. Il y avait des gens qui ont commencé à

 10   se comporter de manière un peu plus radicale, et je leur faisais comprendre

 11   que ce n'était pas la peine, et je pense que j'ai réussi parce que petit à

 12   petit la situation s'est améliorée.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que

 14   cette page peut être versée au dossier.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'ajouter à la pièce 6655.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 17   Q.  Dans son jugement du 15 mars 2002, la Chambre de l'affaire Krnojelac,

 18   et je me réfère au paragraphe 118, page 54 dans les deux langues, la

 19   Chambre de première instance a constaté que les hommes non-serbes de Foca

 20   ont fait l'objet d'emprisonnement au KP Dom sans qu'il y ait de base

 21   justifiée, et qu'il y avait un groupe important de personnes malades,

 22   blessées, qui souffraient de handicaps physiques et mentaux, qui se

 23   trouvaient dans ce groupe d'hommes détenus; est-ce que cela est exact ?

 24   R.  Je ne serais pas entièrement d'accord avec cela. Et je peux vous

 25   expliquer pourquoi je ne suis pas tout à fait d'accord.

 26   Q.  Mais dans ce groupe de détenus, il y avait beaucoup de personnes âgées,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Non, vraiment, je ne sais pas s'il y avait vraiment beaucoup des


Page 46777

  1   personnes ayant plus de 65 ans. Je n'ai jamais vu de document précisant

  2   l'âge des gens pour savoir quel était exactement leur âge. Donc, je n'ai vu

  3   personne de plus jeune que 18 ans. Et puis, quant à savoir si les gens

  4   avaient 65 ans ou plus, je n'avais pas l'impression qu'il y en avait

  5   autant. Peut-être au début, mais pas plus tard.

  6   Q.  Mais vous connaissez pas mal de détenus non-serbes. Des médecins, votre

  7   propre enseignant, professeur, voire même vos anciens collègues, et vous

  8   saviez que c'étaient des civils et que ce n'est pas sur le front dans le

  9   cadre des combats qu'ils ont été capturés ?

 10   R.  Ecoutez, je vais vous dire tout de suite : ça ne faisait pas partie de

 11   la description de mes fonctions que de devoir distinguer entre les civils

 12   et les non-civils, l'arrestation régulière ou irrégulière. Au KP Dom, qu'il

 13   s'agisse de Musulmans ou autres, personne n'a été admis sans qu'il y ait de

 14   documents l'accompagnant. Et donc, ceux qui rédigeaient ces documents

 15   décidaient de préciser leur statut. Et c'est sur ces documents de demande

 16   de placement en détention que je le trouvais.

 17   Q.  Mais vous n'avez pas besoin de répéter cela, Monsieur Rasevic. Vous

 18   étiez quelqu'un qui les connaissait, donc je vous demande --

 19   R.  Je ne sais pas s'ils avaient commis quoi que ce soit. Ce sont ceux qui

 20   les ont interpellés qui le savaient. Je ne sais pas s'ils étaient --

 21   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la fin de la réponse.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 23   Q.  Les interprètes n'ont pas compris la fin de votre réponse.

 24   R.  Je ne sais pas s'ils ont commis un délit quel qu'il soit. Ceux qui les

 25   ont placés en détention le savaient ou devaient le savoir. C'est une autre

 26   chose maintenant de savoir ce que je pensais, moi, personnellement, ce que

 27   je pensais de certains de ces détenus et ce que j'ai pensé d'eux avant la

 28   guerre, mais ça ne change pas la situation.


Page 46778

  1   Q.  Monsieur Rasevic, dans les documents de la cellule de Crise, ou plus

  2   tard du commandement militaire, il y a une terminologie type qui était

  3   utilisée, et il était dit que ces individus avaient été capturés dans le

  4   cadre des opérations de guerre, mais vous saviez, vous, que ce n'était pas

  5   exact, n'est-ce pas ?

  6   R.  Mais comment est-ce que j'aurais pu le savoir, puisque la guerre, elle

  7   était menée partout, en ville et ailleurs, je ne pourrais pas le savoir.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] 65 ter 25866, s'il vous plaît, est-ce

  9   qu'on peut l'afficher à l'écran.

 10   Q.  Là encore, c'est votre déposition en Bosnie, page 32, au milieu, et

 11   puis ça passe en page 33 en anglais. Page 30, en bas, et ça déborde sur la

 12   page 31 en B/C/S.

 13   Donc ici, c'est avec le conseil de la Défense que vous avez un échange, et

 14   la question est de savoir -- donc, il s'agit d'un certificat de la cellule

 15   de Crise de la municipalité serbe de Foca, pour Hasan Pilav, qui a été

 16   capturé par les unités serbes. C'est un document du 26 avril 1992. Capturé

 17   dans le cadre des opérations de guerre, et cetera.

 18   Et puis, vous répondez :

 19   "Oui, je connaissais Hasan Pilav et sa femme."

 20   Le conseil de la Défense vous demande :

 21   "Donc il a été capturé pendant les opérations de combat ?"

 22   Et vous dites : "Non."

 23   Donc, c'était uniquement un formulaire qui parle d'opérations de

 24   guerre, et vous dites, oui, cette personne n'a pas été capturée dans le

 25   cadre d'opérations de combat.

 26   Donc, le conseil de la Défense vous dit :

 27   "Donc, c'est simplement le formulaire type qui était délivré pour chacun."

 28   Et vous dites :


Page 46779

  1   "Oui."

  2   Donc, Monsieur Rasevic, c'était un prétexte pour au moins un certain nombre

  3   de personnes que vous connaissiez, vous saviez qu'ils n'avaient pas été

  4   capturés dans le cadre de combat ?

  5   R.  Donc, c'est le 26 avril, j'étais en Serbie à ce moment-là, 26 avril

  6   1992. Je connaissais Hasan Pilav et son épouse. Et l'avocat, il avait

  7   montré un document de la cellule de Crise pour affirmer que nous, au KP

  8   Dom, on n'était pas ceux qui prenaient les décisions. Donc, il faut savoir

  9   qu'à la mi-mai j'étais à peine revenu de Serbie pour donc me retrouver au

 10   KP Dom, et ça, c'est un document de la cellule de Crise. Sans ce document,

 11   personne ne pouvait entrer ou sortir du KP Dom. Et donc, c'était ça la

 12   substance même des preuves que nous avons présentées.

 13   Q.  Est-ce que vous pouvez répéter la fin de votre phrase ?

 14   R.  Ça a été juste une manière pour nous de démontrer comment on amenait

 15   les gens au KP Dom, et aussi comment on pouvait les en faire sortir, et ce

 16   n'était pas pour démontrer que nous avions les compétences ou les

 17   attributions pour le faire.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande que ces pages soient

 19   admises au dossier.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera ajouté à la pièce P6656.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous avons une autre page de ce même

 22   témoignage. Page 44 en version anglaise, et c'est vers le milieu de la

 23   page, puis page 41, vers le bas en B/C/S, et ça passe aussi vers la page

 24   42.

 25   Q.  Vous évoquez un autre document s'agissant du témoignage que vous avez

 26   fourni en Bosnie, et au fond vous l'avez lu. Il s'agit d'un télégramme

 27   émanant du commandement du Corps de l'Herzégovine, daté du 14 janvier 1993,

 28   avec une mention "urgent". C'est destiné au commandement du Groupe tactique


Page 46780

  1   Foca, partant d'une décision émanant du commandement de l'état-major

  2   principal de la Republika Srpska. Il s'agissait de libérer les personnes

  3   suivantes du KP Dom; à savoir Cengic Fehim et Cengic Nazif, ainsi que

  4   Hilmo. Il s'agissait de les faire transporter le 15 janvier 1992 vers la

  5   frontière yougoslave pour libération. On informerait donc le commandement,

  6   et c'est signé par le général de division, Radovan Grubac.

  7   Monsieur Rasevic, ces personnes répondant au nom de famille de Cengic,

  8   c'étaient des personnes âgées, très âgées, ils avaient plus de 70 ans,

  9   chacun ?

 10   R.  Je ne sais pas. Je me souviens, mais ils n'étaient pas tous si âgés. Il

 11   y a eu une personne âgée et il y avait une personne très jeune. Je ne vois

 12   pas ce dont il s'agit. La preuve est que le commandement de l'armée

 13   décidait de qui serait emprisonné, de qui serait libéré. Et c'est ce que

 14   j'affirme de façon générale. Ça fonctionnait ainsi, et ça ne pouvait pas

 15   fonctionner autrement.

 16   Q.  Et cet échange a fait l'objet d'une décision pour ce qui est d'un

 17   niveau très élevé de la VRS; est-ce bien exact ?

 18   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous le commenter. Le document parle pour lui-

 19   même. On voit ici, commandement du Corps de l'Herzégovine. Je ne vois pas

 20   ce que vous entendez par le sommet de la Republika Srpska. Je ne sais pas

 21   vous confirmer ni infirmer.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que je peux

 23   demander le versement au dossier de cette page.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera versé au dossier.

 25   Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça m'a peut-être échappé. Je n'ai pas cru

 27   comprendre qu'il s'agissait d'un échange. Il s'agissait d'une libération

 28   unilatérale.


Page 46781

  1   Ici, on peut même expliquer qui a été échangé contre qui.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous expliquer, moi.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense que vous pouvez tirer la

  4   chose au clair à l'occasion des questions supplémentaires.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  6   Nous allons faire une pause, Madame Uertz-Retzlaff.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je me

  8   dois d'annoncer, comme je l'ai déjà mentionné -- ou comme nous l'avons déjà

  9   mentionné dans nos écritures datées de vendredi passé, s'agissant du temps

 10   nécessaire pour le contre-interrogatoire, je précise que la déclaration a

 11   été complétée de façon substantielle, ce qui fait que j'aurais peut-être

 12   besoin d'un peu plus de temps, mais je vais évoquer la question si jamais

 13   elle vient à être posée. Je tiens juste à annoncer que cela pouvait

 14   survenir.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avions estimé qu'une heure et demie

 16   devait suffire, mais on verra comment les choses évoluent.

 17   On va faire une pause d'une demi-heure, et nous allons reprendre à 11

 18   heures 03 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, la Chambre s'est

 22   penchée sur la déclaration révisée une fois de plus, et elle est d'avis

 23   qu'une demi-heure à titre complémentaire devrait suffire.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je le pense aussi, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, allez-y.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre la

 28   pièce 65 ter 25880 sur nos écrans.


Page 46782

  1   Q.  Et en attendant que cela ne s'affiche, je précise qu'il s'agit d'un

  2   télégramme du colonel Marko Kovac daté du 31 août 1992, à l'intention du

  3   centre d'information à Trebinje. Le Groupe tactique de Foca faisait partie

  4   intégrante du Corps de l'Herzégovine au sein de la VRS, dont le siège avait

  5   pour site Trebinje, n'est-ce pas, Monsieur Rasevic ?

  6   R.  Ecoutez, je n'y connais pas grand-chose en matière militaire, mais je

  7   dirais que c'est probable. Je ne sais pas vous dire à qui appartenait ce

  8   Groupe tactique de Foca. Je pense que ça faisait partie du Corps de

  9   l'Herzégovine.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche la

 11   page 2 en version anglaise.

 12   Q.  Penchons-nous sur le point 5 de ce télégramme où l'on fait référence à

 13   la date du 30 août 1992, où il a été relâché de prison au total, 55

 14   personnes âgées, des hommes musulmans qui ne sont pas aptes au combat.

 15   "Et à la date du 31 août, on a relâché 40 [comme interprété] femmes et

 16   enfants pour ne pas qu'ils soient vus par la commission qui rendait

 17   visite."

 18   Et ces 55 Musulmans âgés, ce sont des prisonniers qui étaient au KP Dom,

 19   qui étaient des non-Serbes et qui ont été transportés vers le Monténégro.

 20   Vous en souvenez-vous ?

 21   R.  Je me souviens de ces 55. Mais les femmes et enfants n'ont jamais été

 22   au KP Dom. Ça, je vous l'affirme en toute connaissance de cause.

 23   Q.  Ils se trouvaient dans la salle de sport partisane ? 

 24   R.  Ça, je ne le sais pas.

 25   Q.  Et cette libération, ça se rapporte à une visite du CICR qui a fait un

 26   déplacement vers le KP Dom; vous en souvenez-vous ?

 27   R.  Je ne sais vraiment pas. Je ne suis pas resté assez longtemps pour en

 28   être informé. Ça se rapportait à quelque chose probablement, mais je ne


Page 46783

  1   peux pas commenter des choses que j'ignore.

  2   Q.  Au paragraphe 35 de votre déclaration, vous avancez le fait qu'aucun

  3   prisonnier n'a été tué à KP Dom. Monsieur Rasevic, vos heures de travail

  4   allaient jusqu'à 3 heures de l'après-midi. C'est ce que vous nous dites au

  5   paragraphe 25; c'est bien cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et vous n'étiez pas présent la nuit, exception faite de quelques cas de

  8   figure, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, quand il y avait eu des contrôles ordinaires des gardiens pour

 10   voir s'ils sont bien vigilants.

 11   Q.  Monsieur Rasevic, vous ne pouvez pas dire en toute honnêteté qu'au KP

 12   Dom jamais aucun prisonnier n'a été tué. Tout ce que vous pouvez dire,

 13   c'est que jamais personne n'a été tué en votre présence, n'est-ce pas ?

 14   R.  Ce que j'affirme avec une grande dose de responsabilité pour ma part,

 15   c'est que dans les locaux du KP Dom, d'après ce que j'ai appris, jamais

 16   personne n'a été tué. A l'extérieur de KP Dom, je n'affirme pas, et je ne

 17   le sais pas. Mais au KP Dom, je n'ai jamais ouï dire que quelqu'un aurait

 18   été tué. Pas même à l'occasion de mon procès, cela n'a été définitivement

 19   établi.

 20   Q.  La Chambre de première instance dans l'affaire Krnojelac a établi à cet

 21   effet - et je vous renvoie ici vers la pièce 65 ter 25868, pages 132 à 138

 22   en anglais et pages 120 à 124 en B/C/S - et je me propose de résumer un

 23   certain nombre de choses.

 24   Au paragraphe 33, il a été constaté qu'au mois de juin et juillet 1992, les

 25   gardiens de KP Dom sont allés dans les pièces où se trouvaient les détenus.

 26   Après interpellation, ils venaient avec des listes de noms pour les

 27   interroger.

 28   Les personnes qui ont été interpellées ont été sorties des pièces


Page 46784

  1   pour être conduites vers un portail métallique du bâtiment administratif

  2   et, un par un, ou par petits groupes et on les emmenait dans local au rez-

  3   de-chaussée et on les amenait à gauche et à droite de l'escalier. Très

  4   souvent, ils ont été battus. Les passages à tabac duraient jusqu'à tard

  5   dans la nuit. On entendait les coups assénés et les cris des victimes, et

  6   cela pouvait être entendu par les autres détenus.

  7   Au paragraphe 334, on indique que lorsque les passages à tabac

  8   cessaient, les victimes étaient emmenées vers des cellules d'isolement. Et

  9   dans d'autres cas de figure, on a pu entendre des coups de feu tirés par

 10   des pistolets et on pouvait entendre le bruit du moteur d'un véhicule qui

 11   se garait devant le KP Dom. Il s'agissait d'un véhicule Zastava KD qui

 12   faisait partie des véhicules du KP Dom et on pouvait dans le reflet des

 13   phares de ce véhicule des gens que l'on emmenait le long de la Drina.

 14   Alors, Monsieur Rasevic, est-ce que vous êtes en train de nier le

 15   fait que ces conclusions sont conformes à la vérité ?

 16   R.  Tout d'abord, lorsqu'un gardien reçoit une liste d'individus qui

 17   doivent être interrogés, c'étaient les seules personnes qui étaient

 18   capables de les sortir pour les emmener vers les interrogatoires. C'était

 19   là le rôle des gardiens, et ça s'arrêtait là. Le gardien retournait ensuite

 20   à son poste de travail. J'affirme en toute responsabilité qu'au KP Dom,

 21   d'après ce que j'en sais moi, du moins, et je suis sûr que j'aurais appris

 22   les choses, jamais personne n'a été tué dans les locaux du KP Dom. Y a-t-il

 23   eu des mauvais traitements d'infligés pendant les interrogatoires par les

 24   membres de la sécurité militaire, ça, je ne peux pas vous l'affirmer. Mais

 25   pour ce qui est de meurtres, mes connaissances de nos jours encore disent

 26   que ça ne s'est pas produit.

 27   A l'extérieur du KP Dom, c'est autre chose.

 28   Q.  Monsieur Rasevic, la chambre de première instance à l'occasion de votre


Page 46785

  1   procès à vous, en Bosnie - je fais référence au document 65 ter 25871, page

  2   9, et pages 2 et 3 dans la version anglaise - à savoir, la version B/C/S,

  3   page 2 - établit un mode de comportement et d'exécution.

  4   Est-ce que vous affirmez que les témoins à ces deux procès n'ont pas dit la

  5   vérité ?

  6   R.  J'ai essayé de contester la chose. Je n'ai pas réussi, malheureusement,

  7   mais je vous dis comment les choses ont fonctionné, et je vous ai dit ce

  8   que j'en savais. Vous savez, les témoins n'ont pas été si explicites que

  9   cela parce qu'ils ne pouvaient pas le voir…

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a deux mots qui se ressemblent en serbe,

 13   "usperim" et "osperim". Alors, on a dit "ralentir" au lieu de dire

 14   "contester". En anglais, "deny", "on conteste", mais ce n'est pas "slow

 15   down".

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Rasevic, lors de l'interview que vous avez eue avec les

 18   enquêteurs du TPIY, vous avez déclaré vous-même que les témoins ont dit la

 19   vérité, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, pour ce qui est de mon attitude à leur égard. Je suis très

 21   satisfait de leur témoignage, ils ont témoigné de façon tout à fait

 22   correcte. Et, au final, sur un total de 38 témoins du bureau du Procureur,

 23   il y en a 36 qui se sont exprimés de façon très favorable à mon égard. Je

 24   ne peux pas dire du mal à cet égard. Mais s'agissant de certains éléments

 25   ou certaines explications, je crois qu'ils ont un peu exagéré certaines

 26   choses.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on nous afficher la pièce 65 ter

 28   25868, s'il vous plaît. C'est une version anglaise. En B/C/S, il s'agira


Page 46786

  1   des pages 124 à 126. Donc, 138 en anglais. J'ai dit 124 en B/C/S. Il s'agit

  2   du paragraphe 339. En anglais, ça devrait se trouver en page 138.

  3   J'ai parlé du paragraphe 339 en page 138, s'il vous plaît.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la page 120. Non, ça, c'est la

  5   version B/C/S.

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est là que commence la version en

  7   B/C/S. On a la bonne page au bas. Mais c'est en anglais que ce n'est pas

  8   bien. Il serait plus facile de le faire en passant par les interprètes. Je

  9   vais en donner lecture en anglais --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça va être affiché très bientôt. Il

 11   s'agira de la page 137 dans le prétoire électronique.

 12   Je viens d'indiquer qu'il s'agit de la page 137 au prétoire électronique en

 13   version anglaise.

 14   Pourquoi a-t-on déplacé la page en B/C/S, qui était la bonne ?

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Certes.

 16   Q.  Je peux donner lecture des noms. Il s'agit essentiellement de noms. La

 17   Chambre de première instance dans l'affaire Krnojelac a déterminé que 25

 18   victimes ont été tuées suivant les modalités que j'ai décrites. Et dans

 19   votre procès à vous --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel paragraphe êtes-vous en train

 21   d'évoquer ?

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] 338 [comme interprété].

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la page suivante en version

 24   anglaise.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On vient de le perdre. Voilà, c'est

 26   cela…

 27   Q.  Alors --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la page d'après en B/C/S.


Page 46787

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On voit le premier nom, Alija Altoka,

  2   puis on passe à la page suivante en B/C/S où il y a d'autres noms, et

  3   d'autres noms encore à la page suivante dans les deux versions

  4   linguistiques.

  5   Q.  Alors, Monsieur Rasevic, ces noms, ça devrait être des noms que vous

  6   connaissez, parce qu'à votre procès à vous en Bosnie, la chambre de

  7   première instance a mentionné les mêmes personnes, les mêmes noms. Et

  8   j'aurais souhaité que nous parlions d'une personne concrète, celle qui est

  9   mentionnée au numéro 25, il s'agit de Kemal Tulek.

 10   Kemal Tulek, c'était un gardien à vous, un ex-gardien ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  N'avez-vous pas remarqué qu'au bout d'une nuit de ce type, il a disparu

 13   ?

 14   R.  Oui. Lorsque je suis arrivé le matin pour mon service, on m'a dit que

 15   les gens de la sécurité militaire ont emmené Kemal Tulek et - les gardiens

 16   l'ont appris - il devait être interrogé, lui et deux ou trois personnes

 17   autres. Malheureusement, il a été conduit à l'extérieur du KP Dom. Ça a été

 18   signé dans les documents par le commandement militaire. Je ne sais pas ce

 19   qu'il est advenu d'eux. Je crois qu'il figure sur la liste de personnes

 20   disparues. Mais il n'a pas été interrogé au KP Dom ce soir-là. Il a été

 21   emmené avant 20 heures.

 22   Q.  Vous n'étiez pas là-bas ce jour-là, n'est-ce pas ? Et vous ne pouvez

 23   pas l'affirmer ?

 24   R.  Ce que je peux affirmer, c'est qu'il n'a pas été tué au KP Dom. Parce

 25   que les gardiens et l'officier de permanence me l'ont transmis, il a été

 26   emmené pour interrogatoire en compagnie de deux ou trois autres prisonniers

 27   à l'extérieur des locaux du KP Dom. Est-ce que quelqu'un a fait un abus par

 28   la suite, je n'en sais rien, parce que je ne le sais pas.


Page 46788

  1   Q.  Monsieur Rasevic, au paragraphe 30 de votre déclaration, vous affirmez

  2   que les détenus ne pouvaient pas voir à l'extérieur du KP Dom parce que le

  3   bâtiment administratif bouchait la vue.

  4   Alors, Monsieur Rasevic, le bâtiment où les détenus ont été gardés avait

  5   plus d'étages que le bâtiment administratif; par conséquent, les détenus

  6   qui se trouvaient aux étages supérieurs pouvaient voir par-dessus le

  7   bâtiment administratif et apercevoir une partie du pont métallique sur la

  8   Drina, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui. Ils pouvaient voir le haut de la construction du pont, du pont

 10   métallique, ils ne pouvaient pas voir le bas. Et ils pouvaient voir le côté

 11   opposé de la Drina, une maison qui se trouvait là-bas. Mais ils ne

 12   pouvaient pas voir ce qui se trouvait au bas du pont.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on nous afficher la pièce 65 ter

 14   25946 sur nos écrans. Il s'agit d'un croquis relatif au KP Dom.

 15   Q.  Monsieur Rasevic, au haut de ce croquis se trouve votre signature et à

 16   côté il y a la date du 24 septembre 2004, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et des annotations faites par vous s'y trouvent. Ma seule question ici,

 19   c'est celle qui est liée à la pièce numéro 11. Vous avez indiqué la pièce

 20   numéro 11 au bâtiment A avec des fenêtres tournées en direction du bâtiment

 21   B et avec des fenêtres qui font face à ce bâtiment administratif; c'est

 22   bien cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande un versement au dossier de

 25   ce croquis, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où se trouve ce numéro 11 ?

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est une pièce qui porte le numéro

 28   11. Il y a à côté d'un arbre une petite flèche. Juste à côté du bâtiment A,


Page 46789

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 46790

  1   vous voyez un numéro 11. C'est là que ça se trouve. Et cette fléchette

  2   montre où se trouve la pièce numéro 11.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Hm-hm.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Rasevic, cette pièce numéro 11, c'était en fait quatre pièces

  6   distinctes et il y avait une espèce de hall principal ?

  7   R.  Oui. C'était un ensemble. Il y avait quatre dortoirs, un séjour, des

  8   toilettes et des lavabos pour se laver la figure.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera versé au dossier.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela obtiendra la cote P6657, Madame,

 11   Messieurs les Juges.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je souhaite que l'on nous affiche à

 13   présent la pièce P03353 sur nos écrans. Il s'agit d'une série de photos.

 14   Celle qui nous intéresse, c'est la photo numéro 5.

 15   Q.  En attendant son affichage, Monsieur Rasevic, je vous rappelle qu'une

 16   équipe d'enquêteurs a rendu visite du KP Dom en 1996, l'été, et vous avez

 17   fait partie des employés du KP Dom qui ont montré le KP Dom et ses

 18   environs, et ils ont pu faire des photos; c'est bien cela ?

 19   R.  Oui. J'ai été en leur compagnie, oui, en 1996, me semble-t-il.

 20   Q.  Bon. Et là, il y a une petite flèche dans ce cercle de couleur jaune,

 21   il s'agit du début de ce pont métallique qui permet de traverser la Drina ?

 22   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit, c'est le sommet de la construction

 23   métallique. Ce n'est pas la route d'accès. On voit juste une petite partie

 24   qui est le haut du pont.

 25   Q.  Et cette photo présente une vue qui est ce que les détenus pouvaient

 26   voir du haut de l'étage au bâtiment où ils étaient installés; c'est cela ?

 27   R.  Je me souviens que lorsque les enquêteurs sont venus, ils ont pris des

 28   vues à partir d'une pièce où jamais les prisonniers de guerre n'ont été


Page 46791

  1   gardés. C'était une petite pièce où on avait gardé des Serbes et des

  2   militaires. C'était un petit nombre de prisonniers qui étaient gardés là.

  3   On les avait séparés du reste. Et je l'ai précisé aux enquêteurs.

  4   Q.  Au paragraphe 30 de votre déclaration, vous dites qu'il était

  5   absolument impossible physiquement pour les détenus de voir les pièces où

  6   il y avait des interrogatoires.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher la pièce

  8   P3569, page 4. La page numéro 4.

  9   Q.  Monsieur Rasevic, on voit ici le cercle et le chiffre 2, ce qui indique

 10   l'emplacement de la pièce numéro 11, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Les enquêteurs ont mesuré la distance qui sépare ce bâtiment-là et le

 13   bâtiment de l'administration, et c'est 10,2 mètres et jusqu'à 11,75 mètres.

 14   Seriez-vous d'accord avec cela ?

 15   R.  Je n'ai jamais mesuré cette distance; mais, oui, je crois que c'est

 16   ainsi.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher

 18   la page suivante.

 19   Q.  Vous avez ici des flèches de couleur jaune qui indiquent l'emplacement

 20   de la pièce 11 qui fait face au bâtiment de l'administration ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et en bas, on voit cette porte métallique tristement célèbre dont les

 23   témoins ont parlé ?

 24   R.  Non. Il s'agit de l'entrée principale dans l'enceinte du KP Dom. Je ne

 25   sais pas pourquoi ils l'appelaient "tristement célèbre".

 26   C'est par cette porte d'entrée qu'on pouvait entrer dans l'enceinte

 27   du KP Dom et sortir de l'enceinte du KP Dom.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on afficher maintenant le


Page 46792

  1   document 65 ter 11289C, s'il vous plaît.

  2   Q.  Monsieur Rasevic, si vous regardez la photographie en bas affichée à

  3   l'écran, vous allez voir que d'après ce que les enquêteurs ont constaté, la

  4   vue que les détenus avaient, les détenus qui se trouvaient dans la pièce

  5   11, est la vue sur une partie du bâtiment de l'administration, et d'après

  6   eux, c'étaient les pièces où les interrogatoires étaient menés pendant la

  7   nuit. Etes-vous d'accord avec cela ?

  8   R.  Je ne sais pas dans quelles pièces les interrogatoires se déroulaient.

  9   Mais pour ce qui est des interrogatoires pendant la nuit, sur

 10   insistance de l'administration du KP Dom, ce n'était plus permis que les

 11   autorités militaires procèdent à ces interrogatoires pendant la nuit

 12   puisque les gardes ne voulaient plus entrer dans les pièces où se

 13   trouvaient les détenus. Puisque cela était régi par notre règlement

 14   intérieur. Après 20 heures, donc, les détenus étaient amenés dans d'autres

 15   pièces --

 16   Q.  L'interprète n'a pas entendu la dernière phrase que vous avez

 17   prononcée.

 18   R.  Si vous m'avez bien compris. Vers la fin du mois de juin, à

 19   l'insistance de l'administration du KP Dom, on a demandé à l'armée qu'après

 20   20 heures du soir, des personnes ne soient plus interrogées dans les pièces

 21   du KP Dom ni qu'elles soient emmenées à l'extérieur du KP Dom, puisque cela

 22   était régi par les dispositions de notre règlement interne. Je crois que

 23   s'il s'agit ici des pièces où des personnes ont été interrogées, entre

 24   autres pièces où ces personnes ont été interrogées également.

 25   Q.  Monsieur Rasevic, peut-être que vous avez commis une erreur lorsque

 26   vous avez dit que c'était en juin. Il s'agit plutôt de la fin du mois de

 27   juillet ? Ou même du début de mois d'août ?

 28   R.  Non, c'était pas en début août. C'était peut-être en début juillet ou à


Page 46793

  1   la mi-juillet. Je ne me souviens pas de la date exacte, puisque beaucoup de

  2   temps s'est écoulé depuis.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher

  4   la page suivante.

  5   Q.  Il s'agit en fait de la même fenêtre, de la même pièce. On a la même

  6   vue de cette pièce, mais il y a ici des panneaux qui ont été placés depuis

  7   ?

  8   R.  Oui. Parce qu'il y avait des carreaux cassés et à cause de la guerre,

  9   on a dû improviser entre-temps en attendant que des carreaux soient

 10   remplacés. Donc, on a mis ces panneaux pour protéger la pièce.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on verser au dossier ce

 12   document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. C'est la pièce P6658.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Rasevic, vous savez que beaucoup de détenus non-serbes ont

 16   disparu lors de soi-disant échanges, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. C'est ce que j'ai appris, malheureusement, après la guerre. Et à

 18   ce moment-là, lorsque des gens étaient emmenés, je pensais que c'était une

 19   chose qui se passait d'une façon régulière et qu'il y avait des

 20   autorisations pour que cela soit fait. Mais il y avait des cas où cela ne

 21   se passait pas ainsi. Il n'y avait pas d'autorisation pour le faire,

 22   malheureusement.

 23   Q.  La Chambre de première instance dans l'affaire Krnojelac, paragraphes

 24   479 et 480 -- dans ces paragraphes, la Chambre de première instance a

 25   conclu que dans neuf échanges entre le mois d'août 1992 et le mois de mars

 26   1993, entre 181 et 223 détenus ont été emmenés du KP Dom et ces détenus ont

 27   disparu. Cela correspond à des conclusions de la chambre de première

 28   instance en Bosnie-Herzégovine, à savoir qu'à peu près 200 personnes ont


Page 46794

  1   disparu, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je ne peux pas vous donner le chiffre exact, mais un grand nombre de

  3   personnes ont été emmenées pour être échangées, et il y en a eu qui ont été

  4   effectivement échangées et qui ont été libérées. Mais je ne peux pas en

  5   parler puisque ce sont les registres que l'armée avait.

  6   Q.  Au paragraphe 20 de votre déclaration, vous décrivez la situation pour

  7   ce qui est de l'approvisionnement en vivres au KP Dom, et vous avez dit que

  8   jamais vous n'avez fait une distinction entre des prisonniers de guerre et

  9   des condamnés, et que la nourriture était préparée pour tout le monde dans

 10   la même cuisine.

 11   Et aujourd'hui, vous avez fourni plusieurs détails à cet effet.

 12   J'aimerais vous montrer une partie de l'affaire Krnojelac, des conclusions

 13   de la Chambre de première instance par rapport à ce point. Au paragraphe

 14   442, il est dit que :

 15   "La Chambre de première instance est convaincue du fait qu'il y avait des

 16   restrictions pour ce qui est de la quantité et de la qualité de la

 17   nourriture qui était à la disposition pendant le conflit, mais la Chambre

 18   estime que les repas n'ont pas été distribués de façon égale aux détenus.

 19   Les Serbes recevaient plus de nourriture et cette nourriture était de

 20   meilleure qualité par rapport à la nourriture distribuée aux non-Serbes.

 21   Les Serbes pouvaient avoir plus de nourriture, se servir plusieurs fois, et

 22   n'ont pas perdu beaucoup de poids pendant la période de leur détention…"

 23   Donc, Monsieur Rasevic, c'était la situation qui prévalait au moins pendant

 24   l'année 1992 et jusqu'à la visite du Comité international de la Croix-Rouge

 25   en 1993, n'est-ce pas ?

 26   R.  Tout d'abord, la situation en 1992 était mauvaise pour tous les détenus

 27   concernant l'alimentation. Et du point de vue technique, il n'était pas

 28   possible que la nourriture soit préparée dans une pièce et en utilisant le


Page 46795

  1   même équipement. La nourriture était la même pour tout le monde, donc il

  2   n'était pas possible de préparer la nourriture dans le même chaudron. La

  3   nourriture était la même pour tout le monde, et j'en assume toute la

  4   responsabilité. Donc, il n'y avait pas de distinction entre les détenus

  5   pour ce qui est de la distribution de la nourriture. Pour ce qui est du

  6   chaudron pour préparer la nourriture, on préparait toute la nourriture en

  7   utilisant un seul chaudron fourni par l'armée jusqu'à ce que d'autres

  8   moyens de chauffer les poêles ne soient prêts. Et un Musulman se trouvait

  9   également à l'endroit où on distribuait la nourriture. Il était avec des

 10   Serbes qui distribuaient la nourriture. Mais il y avait, bien sûr, des

 11   individus qui recevaient plus de nourriture. Dans toute cantine ce sont des

 12   choses qui arrivent.

 13   Q.  Monsieur Rasevic, vous-même, vous avez essayé d'aider, vous avez

 14   demandé au directeur du KP Dom que les restes soient distribués aux détenus

 15   non-serbes, les restes qui n'ont pas été mangés par les Serbes, n'est-ce

 16   pas ? Puisque ces autres mangeaient après les Musulmans, n'est-ce pas ?

 17   R.  Non. Cela dépendait du programme quotidien qui était établi par le

 18   directeur. Oui, moi, j'ai demandé que les restes soient distribués et

 19   gardés pour les Serbes si les Serbes mangeaient après et que la nourriture

 20   qui restait soit distribuée aux prisonniers de guerre. Je ne sais pas si

 21   cela suffisait. Je ne pense pas. Puisque je ne pourrais pas dire qu'il

 22   s'agissait de la nourriture de bonne qualité, mais à ce moment-là c'était

 23   la seule façon d'organiser la distribution de la nourriture, pour ce qui

 24   est de la quantité et de la qualité de la nourriture.

 25   Q.  Monsieur Rasevic, au paragraphe 25 de votre déclaration, vous dites que

 26   jamais vous n'avez été présent au moment où l'un des détenus aurait été

 27   passé à tabac ou malmené.

 28   R.  Non, jamais.


Page 46796

  1   Q.  J'aimerais maintenant faire référence à un incident qui concerne un

  2   détenu, Kelta de son surnom. Une dizaine de policiers militaires l'ont

  3   passé à tabac et ils lui ont donné un coup de couteau pendant

  4   l'interrogatoire puisqu'ils pensaient qu'il était quelqu'un qui était

  5   proche des leaders musulmans, Saja et d'autres; est-ce vrai ?

  6   R.  Oui. Lorsque je suis entré de la ferme, j'ai vu par hasard qu'il y

  7   avait un interrogatoire. J'ai demandé à l'officier de permanence de qui il

  8   s'agissait, et il m'a dit qu'il s'agissait de Kelta. Et j'ai demandé

  9   pourquoi ils l'interrogeaient, et l'un des interrogateurs a dit qu'il était

 10   proche de Saja. Moi, j'ai dit : Mais non. Parce que je le connaissais de

 11   vue. Non, il ne pouvait pas être en contact avec Saja, puisque c'est un

 12   misérable et quelqu'un qui ne pouvait pas avoir accès à Saja. Et à ce

 13   moment-là, ils ont cessé de le battre. Je l'ai salué par la suite. Il était

 14   couvert de sang. Je lui ai donné un mouchoir pour qu'il s'essuie. Et je

 15   l'ai fait rentrer dans l'enceinte du KP Dom. Et il est toujours en vie.

 16   Donc, par une intervention de ma part tout à fait par hasard, j'ai pu

 17   sauver la vie d'un homme. Parce qu'en fait, il s'est avéré par la suite

 18   qu'il ne s'agissait pas d'une personne qu'ils cherchaient.

 19   Q.  Monsieur Rasevic, vous étiez présent au moment où Ekrem Sekovic, qui a

 20   essayé de s'évader le 8 mars, a été ramené au KP Dom, et lui aussi, il a

 21   été roué de coups après son retour au KP Dom ?

 22   R.  "Ekrem Zekovic", et non pas "Sekovic", d'abord. Mais il faut que je

 23   vous dise qu'il s'est évadé du KP Dom, et il a été arrêté par la suite,

 24   mais moi, je n'étais pas présent au KP Dom lorsqu'il a été amené au KP Dom

 25   puisque j'étais absent du KP Dom pendant cette période de temps-là. Pour ce

 26   qui est de Zekovic, je lui ai parlé par la suite, et lui, il m'a dit qu'il

 27   a été battu, malmené par les membres de la sécurité militaire pour qu'il

 28   leur avoue qui lui avait donné des vêtements pour qu'il s'évade. C'est moi


Page 46797

  1   qui lui avais donné ces vêtements, et lui, il n'a pas voulu leur dire qui a

  2   fait cela. Il a dit : Je ne voulais pas te dénoncer, ils auraient pu me

  3   tuer. Mais il ne m'a dit que qui que ce soit des gardes l'aurait battu. Il

  4   m'a dit que pendant quelques jours ils l'ont interrogé pour qu'il avoue

  5   cela. Mais il a dit : Non, non, je ne voulais pas faire cela.

  6   Et même au jour d'aujourd'hui, j'ai des contacts avec Ekrem Zekovic et on

  7   parle de cela.

  8   Q.  M. Zekovic était en isolement cellulaire, et même lorsqu'il y était,

  9   ils ont continué à le malmener ?

 10   R.  Je suis parti à la mer pendant une dizaine de jours. Après mon retour,

 11   je lui ai parlé. Il m'a dit seulement qu'ils l'ont battu, mais il ne m'a

 12   pas précisé quand il a été battu. Mais peu de temps après cela, il a été

 13   relâché de cet isolement cellulaire.

 14   Q.  Et la nourriture qui était distribuée aux non-Serbes était la moitié de

 15   la quantité de la nourriture qui était distribuée aux Serbes. C'était une

 16   sorte de punition collective pour eux ?

 17   R.  Je ne le sais pas. Je ne peux pas parler de cela puisque j'étais absent

 18   pendant ces dizaines de jours. Je ne sais pas s'il y a eu des sanctions qui

 19   ont été appliquées pour cela. Mais si c'était le cas, je peux vous dire que

 20   cela n'était pas quelque chose de bien.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander une explication ?

 22   Est-ce que Mme le Procureur fait référence à cette période d'une dizaine de

 23   jours ou en général, que la moitié que la quantité de la nourriture était

 24   distribuée aux non-Serbes ?

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Maintenant, je ne fais référence

 26   qu'aux événements ayant trait à M. Zekovic, décrits au paragraphe 233 du

 27   jugement de Krnojelac. Mais nous n'avons pas suffisamment de temps pour

 28   parler plus en détail de cela.


Page 46798

  1   Q.  Monsieur Rasevic, il y a encore un sujet supplémentaire par rapport

  2   auquel j'aimerais vous poser des questions.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, aurais-je

  4   suffisamment de temps --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous avez à peu près 40

  6   minutes jusqu'à la fin de ce volet de l'audience.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci. Merci de cette information,

  8   puisque j'allais raccourcir cela.

  9   Est-ce qu'on peut afficher le document de la liste 65 ter 25927, s'il vous

 10   plaît.

 11   Q.  Ce document va être affiché à l'écran. C'est un autre document émanant

 12   du commandant Kovac daté du 27 octobre 1993. Il n'est pas très lisible la

 13   date dans la version en B/C/S, mais on peut voir le tampon qui figure à la

 14   page suivante, le tampon d'un autre bureau, où on peut voir qu'il s'agit de

 15   la date du 27 octobre.

 16   Nous avons une liste ici où figurent les noms de 55 personnes, et si

 17   vous regardez le premier paragraphe, M. Kovac fait référence dans ce

 18   premier paragraphe aux Turcs capturés. Il s'agit de Turcs. Il dit qu'il

 19   s'agit de Turcs capturés. C'est le terme que les militaires utilisaient

 20   parfois, n'est-ce pas, les "Turcs capturés" ?

 21   R.  Je pense que rarement un militaire aurait utilisé ce terme. Pourquoi

 22   ils auraient utilisé ce terme ? Rarement un militaire aurait utilisé ce

 23   terme.

 24   Q.  Pour ce qui est de cette liste de noms, Monsieur Rasevic, nous voyons

 25   d'après leur année de naissance qu'il s'agit de personnes qui à l'époque

 26   avaient déjà 50 ans, n'est-ce pas ? Par exemple, des gens dont l'année de

 27   naissance est 1940, 1941. Il y avait un certain nombre de personnes âgées

 28   sur cette liste, n'est-ce pas ?


Page 46799

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on passer brièvement à huis clos

  2   partiel, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel

  5   maintenant, Monsieur le Président.

  6   [Audience à huis clos partiel]

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26   [Audience publique]

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Excusez-moi.

 28   Q.  Au numéro 19, Salko Mandzo dont le nom figure ici, est-ce que c'est la


Page 46800

  1   personne que vous avez sauvé, vous lui avez évité qu'il ne soit battu ?

  2   R.  Oui.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on verser ce document au

  4   dossier.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que P6659, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut revenir brièvement à

  9   huis clos partiel.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel

 11   maintenant, Monsieur le Président.

 12   [Audience à huis clos partiel]

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   [Audience publique]

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]


Page 46801

  1   Q.  Monsieur Rasevic, cette liste de noms de détenus du mois d'octobre 1993

  2   ne contient que 51 noms, mais à l'époque il y avait plus de détenus non-

  3   serbes qui étaient détenus au KP Dom, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, il y en a eu plus. Mais je ne sais pas pourquoi cette information

  5   a été demandée. Peut-être pour que ces détenus soient échangés, libérés, je

  6   ne le sais pas. Mais il y en a eu plus. Et, en fin de compte, c'était la

  7   Croix-Rouge qui était venue avant cela pour les enregistrer.

  8   Q.  Monsieur Rasevic, ici on ne voit que 51 noms sur cette liste puisque un

  9   certain nombre de détenus avaient été cachés des représentants de la Croix-

 10   Rouge pour qu'ils ne soient pas enregistrés en tant que détenus du KP Dom ?

 11   R.  Je ne sais pas si ces détenus étaient cachés. Mais il y a en eu qui

 12   était au travail, puisqu'on nous a dit une demi-heure avant la visite de la

 13   Croix-Rouge que les représentants de la Croix-Rouge allaient venir. Mais il

 14   y avait certainement plus de détenus. Et à la fin, je pense que tous ces

 15   détenus ont été échangés.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 24, le témoin a dit : "Je ne sais

 19   pas si les détenus ont été cachés." Et il a été interprété. "Je ne sais pas

 20   s'ils étaient cachés."

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas beaucoup de différence

 22   entre ces deux phrases.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher maintenant

 24   le document 25867 de la liste 65 ter, la page 229.

 25   Q.  Il s'agit de votre déclaration que vous avez faite aux enquêteurs de ce

 26   Tribunal international.

 27   Et il s'agit de la page 229. Et ici, je vous pose la question suivante :

 28   "Vous avez mentionné le Comité international de la Croix-Rouge, vous avez


Page 46802

  1   été impliqué donc à cela, à savoir que les détenus soient cachés de cette

  2   délégation ?"

  3   Et vous avez dit :

  4   "Non. Les prisonniers ont été cachés, c'est vrai. C'étaient les membres de

  5   la sécurité militaire qui sont venus avant cette visite, et je pense que

  6   cela est arrivé une fois ou deux fois."

  7   Monsieur Rasevic, c'est ce que vous avez dit.

  8   R.  Oui. Et je le maintiens. L'armée est venue pour amener les gens. Je ne

  9   sais pas si ces gens ont été cachés. Mais nous, au KP Dom, nous n'avons pas

 10   fait cela. Nous n'avons pas pris part à cela. Et finalement, tous ces gens

 11   ont été enregistrés à nouveau, ils ont été échangés, je ne sais pas quelle

 12   méthode a été appliquée, je ne sais pas pourquoi ils ont fait cela, même au

 13   jour d'aujourd'hui cela ne m'est pas clair.

 14   Q.  Monsieur Rasevic, certains n'ont jamais été enregistrés, et ceux qui

 15   n'ont pas été enregistrés étaient en particulier exposés au risque de

 16   pouvoir disparaître sans aucune trace sur les listes dressées par le Comité

 17   international de la Croix-Rouge ou sur d'autres listes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Voilà ce que j'en pense, et c'est mon opinion personnelle, il y avait

 19   des prisonniers de guerre qui ont été interrogés pour qu'éventuellement des

 20   procès au pénal soient intentés à leur encontre. Mais il y avait un autre

 21   groupe de prisonniers de guerre qui n'ont pas été interrogés. Cet autre

 22   groupe devait être échangé contre les Serbes se trouvant dans d'autres

 23   prisons. Et je crois que ce groupe de prisonniers devait être échangé,

 24   puisque l'autre partie procédait de la même façon apparemment.

 25   Q.  Et l'une de ces personnes était Aziz Torlak, un médecin. Est-ce que

 26   vous vous souvenez de lui, est-ce que vous vous souvenez qu'il se trouvait

 27   au KP Dom ?

 28   R.  Oui, il y était.


Page 46803

  1   Q.  Mais il n'a pas été enregistré puisqu'il a été toujours caché au moment

  2   où le Comité international de la Croix-Rouge venait pour rendre visite au

  3   KP Dom; vous vous souvenez de cela ?

  4   R.  Je me souviens pas s'il y était ou pas puisque l'armée venait avec des

  5   listes, et moi je n'avais pas accès à cette liste.

  6   Q.  M. Aziz Torlak, médecin Aziz Torlak, a été emmené en été 1993 soi-

  7   disant pour les besoins du bataillon de la VRS et il a disparu et il est

  8   mort, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je sais qu'il a été amené. On m'a dit qu'il a été amené pour être

 10   échangé. Malheureusement, pendant mon procès, j'ai appris que cela n'a

 11   jamais eu lieu. Et je ne sais pas pourquoi.

 12   Q.  Monsieur Rasevic, vous dites au paragraphe 13 de votre déclaration,

 13   vous avez dit que vous avez commencé à travailler au KP Dom à la mi-mai

 14   1992.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-on afficher le document de la

 16   liste 65 ter qui porte le numéro 25931.

 17   Q.  Nous avons ici une décision du conseil de Krnojelac d'avril 1992, qui

 18   vous nomme à ce poste ?

 19   R.  Oui. Mais je dois expliquer. Le 27, j'étais en Serbie. Je ne suis

 20   revenu qu'après le 1er mai. Cela, j'en suis sûr. Je ne sais pas d'où vient

 21   cette date. C'est peut-être dû à des raisons administratives, mais cela ne

 22   change rien à mon travail et aux informations que j'ai reçues.

 23   Q.  Monsieur Rasevic, vous avez mentionné que vous vous rendiez très

 24   fréquemment dans les cellules d'isolement. Lorsque vous l'avez fait, vous

 25   avez vu les blessures qui avaient été infligées aux détenus qui étaient

 26   enfermés, n'est-ce pas ?

 27   R.  Il en allait de mon devoir et de ma mission de me rendre dans les

 28   cellules d'isolement, et j'ai vu, oui, j'ai vu des personnes blessées. J'ai


Page 46804

  1   demandé si ces blessures avaient été infligées par mes gardes, mais on m'a

  2   toujours répondu : Non, vos gardes n'ont pas fait cela. Et la conversation

  3   s'est résumée à cela.

  4   Q.  Vous lui avez posé la question que sur les gardes et on vous a répondu

  5   : Non, ce n'était pas vos gardes. Mais il a ajouté que c'était la police

  6   militaire qui l'avait roué de coup, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas avoir parlé de cela avec

  8   eux. Je leur ai demandé s'ils avaient quelques problèmes de santé. Et s'ils

  9   répondaient par l'affirmative, eh bien, je disais à l'infirmier de

 10   s'occuper d'eux.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande l'affichage du document

 12   25866 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 13   Q.  Il s'agit de votre déposition devant la cour d'Etat en Bosnie.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 114 de la version anglaise, s'il

 15   vous plaît, page 107 en B/C/S -- ou 108, plutôt. 114 pour l'anglais. 114,

 16   oui. Et en B/C/S, c'est la page 108.

 17   Q.  Vous discutez là avec le représentant du bureau du procureur et vous

 18   parlez des cellules d'isolement et de ce que vous y avez vu. Le procureur

 19   vous a demandé la chose suivante :

 20   "Cela veut-il dire que quelquefois lorsque vous vous rendiez dans ces

 21   cellules d'isolement et lorsque vous vous rendiez dans des pièces, est-ce

 22   que cela veut dire que vous avez vu des prisonniers blessés ?"

 23   Votre réponse :

 24   "Oui, je voyais certains bleus sur les prisonniers, je pouvais les

 25   distinguer…"

 26   La question :

 27   "Mais est-ce que vous avez posé de questions ? Est-ce que vous leur avez

 28   demandé pourquoi ? Comment cela se faisait-il qu'ils avaient été blessés ?"


Page 46805

  1   Votre réponse :

  2   "La seule question que je leur ai posée était : Est-ce que mes gardes vous

  3   ont roué de coup ? Est-ce que c'est eux qui vous ont fait cela ? Et les

  4   prisonniers me répondaient : Non, les officiers de la police militaire et

  5   les officiers de la sécurité militaire m'ont fait cela."

  6   Voilà ce que vous avez dit, Monsieur.

  7   R.  C'est possible. A l'évidence, quelqu'un a dû les rouer de coups, et si

  8   ce n'était pas mes gardes, c'était probablement la police militaire ou la

  9   sécurité militaire. C'est tout à fait plausible. Je l'ai probablement dit,

 10   et je le maintiens.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande le versement de cette

 12   page, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Cela devient la pièce P6566 [comme

 14   interprété].

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Rasevic, lorsque vous avez entendu dire que ces personnes qui

 17   s'occupaient des interrogatoires et qui venaient de la police militaire, de

 18   la sécurité militaire, lorsque vous avez appris qu'il y avait eu rouage de

 19   coups des détenus non-serbes, est-ce que vous n'avez rien fait pour réagir

 20   à cela ? Est-ce que vous n'avez pas rédigé de rapport ou restreint l'accès

 21   à ces personnes ? Est-ce que vous avez fait quelque chose ?

 22   R.  Je dois d'abord vous dire que ces personnes avaient leurs propres

 23   supérieurs.

 24   Deuxièmement, je rédigeais des rapports à chaque fois que je constatais

 25   quelque chose. Ces rapports étaient faits à mon directeur. Mais ces

 26   rapports n'étaient pas forcément écrits. Je lui racontais ce que j'avais

 27   remarqué, et je pense qu'après ces rapports-là, il a dû intervenir auprès

 28   du commandement militaire, parce que c'était l'armée qui était responsable


Page 46806

  1   des interrogatoires de ces personnes au KP Dom, et pas nous. Donc moi,

  2   j'insistais juste sur le fait que mes gardes ne devaient pas se prêter à de

  3   tels agissements, et cela a bien réussi.

  4   Q.  Monsieur Rasevic, l'une de vos fonctions principales, et également la

  5   fonction des gardes sous votre commandement, consistait à assurer la

  6   sécurité de tous les détenus, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui. Oui, et c'est ce qu'ils ont fait.

  8   Q.  Cela veut dire que si vous aviez entendu dire que des personnes de

  9   l'extérieur avaient roué de coups des détenus pour lesquels vous étiez

 10   chargé de la sécurité, est-ce que cela ne voulait pas dire que vous deviez

 11   cesser cela ?

 12   R.  Je vous en prie. Lorsqu'un garde remet à l'armée les bâtiments où les

 13   détenus seront interrogés, ce garde n'a plus la permission d'être présent

 14   lors des interrogatoires et de pénétrer dans ces bâtiments-là. Si nous

 15   avions constaté des blessures, dans ce cas-là, l'information aurait été

 16   transmise au directeur, et puis le directeur transmettrait l'information au

 17   commandement. Voilà quelle était notre responsabilité. S'il y avait besoin

 18   d'une aide médicale, cette aide était fournie.

 19   Q.  Monsieur Rasevic, je voudrais revenir à l'affaire Krnojelac, et ce sera

 20   le dernier sujet à aborder. L'arrêt, paragraphe 339, nous l'avons évoqué

 21   tout à l'heure, nous avons vu à cet égard le nom des 25 victimes qui ont

 22   été tuées, et la Chambre avait conclu que des gardes avaient participé à

 23   ces interrogatoires de nuit qui avaient tué certaines personnes. Et les

 24   gardes cités sont Zoran Matovic, Milovan Vukovic, Dragomir Obrenovic,

 25   Milenko Burilo, Radovan Vukovic, Slavko Koroman, Dragan Zelenovic, Vlatko

 26   Pljevaljcic et Predrag Stefanovic.

 27   Aucun de ces gardes n'a jamais fait l'objet de mesures

 28   disciplinaires, ni n'a jamais été repris dans un rapport pour qu'une


Page 46807

  1   enquête soit menée s'agissant de leur comportement, n'est-ce pas ?

  2   R.  Tout d'abord, je dois dire que certaines de ces personnes ne

  3   faisaient pas partie de mon groupe de gardes. Zelenovic, par exemple, est

  4   parti au front directement. Donc, tous n'étaient pas là.

  5   Deuxièmement, j'ai toujours demandé au prisonnier, lorsque je

  6   remarquais qu'il y avait des blessures, si l'un de mes gardes avait

  7   participé à cela, et leur réponse, la réponse des prisonniers, était

  8   systématiquement : Non. Donc, au vu de cela, qu'est-ce que j'aurais dû

  9   rechercher ? Rien. Si quelqu'un y avait participé, eh bien, ces personnes

 10   sont responsables et il faut qu'elles soient tenues responsables. Même

 11   avant la guerre, vous savez, des condamnés quelquefois ne disaient pas

 12   qu'ils avaient été victimes de violence physique, et on apprenait cela

 13   après seulement. Je ne sais pas s'ils ne le disaient pas parce qu'ils

 14   avaient peur ou pour une autre raison. Mais les prisonniers auxquels j'ai

 15   posé la question m'ont toujours dit que mes gardes n'avaient pas participé

 16   à tout cela, que mes gardes n'avaient rien à voir avec cela.

 17   Donc, comment aurais-je pu entamer une enquête si rien n'avait été

 18   fait par mes gardes ? Maintenant, peut-être qu'on a agi derrière mon dos,

 19   mais ça, je ne pouvais pas le savoir.

 20   Q.  Monsieur Rasevic, dernière question, je voudrais revenir sur ce que

 21   vous avez dit dans votre déclaration au TPIY.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Document 25867 de la liste 65 ter,

 23   s'il vous plaît. Page 197, au bas de la page, et ensuite, cela déborde sur

 24   la page 198.

 25   Q.  Vous parlez là de ce que vous saviez, et vous dites :

 26   "J'ai été choqué de lire ce que j'ai lu," et là, vous faites référence aux

 27   déclarations des personnes dans l'affaire Krnojelac auprès de la cour

 28   d'Etat. Vous dites : "On me l'avait caché. Ils me l'avaient caché, et ils


Page 46808

  1   ont dû se donner beaucoup de mal pour me le cacher, car si je l'avais su,

  2   immédiatement si j'avais compris que ces Musulmans ne me disaient rien

  3   lorsque je leur demandais s'il y avait des problèmes, s'il y avait des

  4   choses qui ne fonctionnaient pas bien, dans ce cas-là je crois qu'ils

  5   avaient peur de parler, qu'ils avaient peur qu'on se venge sur eux."

  6   Donc, vous saviez parfaitement que les détenus ne diraient rien sur vos

  7   gardes parce qu'ils avaient peur qu'il y ait une réponse immédiate et

  8   violente de leur part, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je vais vous dire une chose, je pensais que certaines personnes,

 10   certains prisonniers qui se trouvaient au KP Dom, pouvaient me faire

 11   totalement confiance et pouvaient tout me dire, parce que nous nous

 12   connaissions d'avant.

 13   Je dois aussi vous dire que parmi ces personnes se trouvaient des

 14   prisonniers de guerre militaires qui avaient essayé de tirer profit de leur

 15   position. Mais probablement qu'ils avaient plus peur les uns des autres que

 16   des gardes et de leur revanche. Et jamais ils ne m'ont dit que mes gardes

 17   avaient quelque chose à voir avec tout cela.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande le versement de cette

 19   page, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons ajouter ces pages à la pièce

 21   P6655.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Madame,

 23   Messieurs les Juges.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Uertz-Retzlaff.

 25   Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Monsieur Rasevic, je vais commencer par les questions


Page 46809

  1   qui vous ont été posées en dernier, page 63, lignes 13 à 15. Je vais vous

  2   donner lecture de ce que vous avez dit, et je vais vous donner lecture de

  3   la version anglaise.

  4   "Si j'avais su que ces Musulmans ne me disaient rien, même lorsque je leur

  5   posais des questions directes lorsque je leur demandais s'il y avait un

  6   problème, s'il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas bien, parce

  7   qu'ils -- je crois que c'est parce qu'ils avaient peur de parler, parce

  8   qu'ils avaient peur qu'on se venge sur eux."

  9   Est-ce que vous pourriez nous dire si vous étiez sûr qu'ils cachaient

 10   quelque chose ou est-ce que c'est plutôt ce que je viens de vous citer qui

 11   s'est passé ?

 12   R.  Moi, j'ai posé les questions à des personnes et je savais que ces

 13   personnes me diraient la vérité. Nous avions confiance les uns dans les

 14   autres. Et systématiquement, ces personnes m'ont répondu que mes gardes

 15   n'avaient pas participé à tout cela.

 16   Q.  Merci. A la page 50, nous avons discuté des vivres. Est-ce que les

 17   prisonniers de guerre ou les condamnés musulmans étaient obligés de manger

 18   du porc ?

 19   R.  Non. Mais les Serbes non plus, ils ne mangeaient pas de porc parce que

 20   nous n'avions pas de porc.

 21   Nous ne recevions pas ce genre d'aliments. Donc, personne n'était

 22   forcé à manger du porc, mais je crois qu'ils auraient mangé de la viande de

 23   porc s'il y en avait eu, étant donné la situation.

 24   Q.  Merci. Où se trouvaient les familles des détenus serbes à l'époque, et

 25   où se trouvaient les familles des détenus musulmans ? Qui pouvait amener de

 26   la nourriture ?

 27   R.  Je suis heureux que vous me posiez cette question.

 28   Jusqu'à la mi-juin, les Musulmans et les autres, je parle des


Page 46810

  1   prisonniers, ils recevaient des rations normales. Jusqu'à 15 heures, on

  2   faisait la queue. Mais lorsque les Musulmans ont quitté Foca, il n'y avait

  3   plus personne pour amener à manger aux détenus. Parfois, quelques amis

  4   venaient. D'autre part, les Serbes, eux, étaient toujours là et ils

  5   pouvaient amener à manger. Cela étant, les prisonniers musulmans recevaient

  6   des visites régulièrement, et ce, jusqu'à la fin juin, peut-être, jusqu'au

  7   moment où les Musulmans ont quitté Foca.

  8   Q.  Merci. A la ligne 11, vous avez parlé de rations normales. Est-ce que

  9   vous parliez de rations normales ou de visites normales ? C'est ce qui est

 10   consigné. En tout cas, au compte rendu en anglais, on parle de "portions".

 11   N'était-ce pas "visites" que vous vouliez dire ?

 12   R.  Vous parlez de mon dernier commentaire ?

 13   Q.  Oui, jusqu'à la mi-juin.

 14   R.  C'étaient des visites normales, des visites régulières.

 15   Q.  Merci. Vous souvenez-vous quand la Croix-Rouge s'est rendue au KP Dom

 16   pour la première fois ?

 17   R.  Je pense que c'était aux alentours du mois de mai 1993, mais je ne suis

 18   pas tout à fait sûr.

 19   Q.  Merci. Le document 25880 à présent, s'il vous plaît, il s'agit d'un

 20   télégramme de M. Kovac, daté du 31 août et qui parle d'une commission qui a

 21   été annoncée. J'aimerais savoir si notre autorité nationale, le ministère

 22   de la Justice et le gouvernement avaient un contrôle sur votre prison et

 23   est-ce qu'il y a eu des inspections également ?

 24   R.  En 1992, et ce, jusqu'en 1993, nous étions totalement isolés. Il n'y

 25   avait même pas de transport routier assuré. Donc, pour répondre à votre

 26   question, je dirais que non, ces représentants ne sont pas venus. Ils

 27   n'avaient pas la possibilité de le faire. Ils auraient dû voyager via le

 28   Monténégro, et le voyage aurait été beaucoup trop long. En tout cas, moi,


Page 46811

  1   je n'ai vu personne.

  2   Q.  Pièce D466 à présent, il s'agit d'une décision du cabinet, datée du 9

  3   août 1992, sur la création d'une commission d'inspection des centres de

  4   rassemblement et des prisons. J'aimerais savoir si M. Kovac a parlé de la

  5   visite prévue de la Croix-Rouge en août 1992, d'après vos informations ?

  6   R.  Je ne sais pas, vraiment pas. Je n'étais pas en mesure de communiquer

  7   avec le colonel Kovac, si c'est bien de lui que vous parlez. C'était le

  8   commandant militaire et il communiquait en général avec le directeur de la

  9   prison. Maintenant, je ne sais pas ce qu'il  lui disait.

 10   Q.  Merci. Ces éléments de l'armée dont vous avez parlé, j'aimerais savoir

 11   si un contrôle total était exercé sur eux ? Peut-on dire que ces éléments

 12   agissaient dans le cadre d'une armée disciplinée ?

 13   R.  Vous savez, au début d'une guerre, le système s'effondre jusqu'à

 14   ce qu'un autre vienne le remplacer. Et puis, il y a une période de

 15   flottement pendant laquelle certains groupes évoluent de façon difficile à

 16   contrôler. Et eux, ils venaient tous de la police, de Serbie, du

 17   Monténégro. C'était très difficile de les gérer. Seule l'armée avait la

 18   capacité des les contrôler. Nous avons essayé d'empêcher plusieurs

 19   tentatives de la part de formations paramilitaires de pénétrer dans la

 20   prison. Vous croyez que c'était facile ? Non. Mais nous y sommes arrivés.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 24866 de la liste 65 ter, s'il vous

 23   plaît.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Vous voyez là un rapport suite à l'inspection des postes de sécurité

 26   publique à Foca, Cajnice, Rudo et Visegrad, mais cela ne nous intéresse

 27   pas. Foca se trouve à la page 1, et il est dit, sous le titre Foca, qu'ils

 28   n'ont pas pu trouver le tribunal et le bureau du procureur. Le nom des


Page 46812

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 46813

  1   personnes était connu, mais elles étaient parties.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous indiquer le passage exact

  3   que vous êtes en train de nous lire.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est l'avant-dernier paragraphe à partir du

  5   bas. En anglais, je pense que c'est sur la page suivante. En serbe, en tout

  6   cas, c'est l'avant-dernier paragraphe qui commence avec les mots [en

  7   B/C/S].

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas

  9   vraiment à quelle partie de mon contre-interrogatoire ces statistiques de

 10   la police font référence. Je n'ai absolument pas abordé ce genre de

 11   questions dans mon contre-interrogatoire.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Revenons de une page en arrière dans la version

 14   anglaise.

 15   Madame, Monsieur les Juges, ici, le témoin a dit que ses gardes étaient

 16   équitables, mais que dans l'armée, certains éléments agissaient

 17   différemment. Et ce document montre que ces éléments avaient désarmé la

 18   police, la police régulière, et avaient roué de coups la police et

 19   maltraité la police. Voilà ce que je voulais montrer. Et nous voyons dans

 20   ce document que la dernière phrase explique qu'il s'agissait peut-être de

 21   crimes de guerre.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre ?

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Je vais vous poser une question d'abord. Est-ce que vous voyez cet

 25   avant-dernier paragraphe où l'on dit que :

 26   "La police a été désarmée et a été maltraitée…"

 27   En quoi cela concorde-t-il avec ce que vous avez vécu s'agissant des

 28   éléments qui non seulement avaient maltraité des Musulmans mais aussi des


Page 46814

  1   Serbes et même la police ?

  2   R.  Ma femme travaillait aussi au MUP, donc j'en ai entendu parler. Je sais

  3   qu'il y a eu mauvais traitement. Ils ont désarmé tous les employés du MUP,

  4   les ont jetés dehors, et cela a duré plusieurs jours, je crois. J'ai aussi

  5   mentionné qu'ils avaient essayé de nous attaquer au KP Dom mais que nous

  6   avons réussi à les repousser.

  7   Donc, ces personnes voulaient avoir le pouvoir. Et quel était leur

  8   objectif ? Eh bien, piller, piller tout ce qui leur passait sous la main.

  9   Imaginez, dans une ville où il n'y a plus d'électricité, où nous étions

 10   bloqués, où l'électricité a été coupée pendant deux ou trois mois, c'est

 11   très difficile de pouvoir garder le contrôle sur ce genre de groupe. Et je

 12   pense que ce rapport parle de cela.

 13   Q.  Merci. Vous avez dit que ce groupe avait le pouvoir. Peut-être qu'il y

 14   a eu une erreur d'interprétation.

 15   Quel était le comportement des autorités vis-à-vis de ces mauvais

 16   traitements --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je maintiens

 19   que cela n'a rien à voir avec le contre-interrogatoire. Le contre-

 20   interrogatoire se concentrait sur les événements au sein du KP Dom et sur

 21   un accès officiel qui s'est développé, accès vis-à-vis des détenus et ce

 22   qui se passait pendant les interrogatoires. Cela n'avait rien à voir avec

 23   ce qui se passait entre les Serbes en dehors de Foca.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce n'est pas lié au comportement de

 25   la police militaire qui abuse de son pouvoir ?

 26   Je vais consulter mes collègues à cet égard.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons permettre à l'accusé de


Page 46815

  1   poursuivre.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Quelle était l'attitude des autorités vis-à-vis de ces personnes qui

  4   ont pris le pouvoir ? Je n'aime pas cette interprétation de vos propos,

  5   mais c'est ce qui a été dit, c'est ce qui a été consigné. Je préfèrerais

  6   l'expression "aliénés du pouvoir".

  7   Donc, quelle était l'attitude des autorités par rapport à ces

  8   personnes qui ont provoqué des troubles auprès des détenus ?

  9   R.  Que je sache, les autorités ont essayé de résoudre le problème et y

 10   sont arrivés en quelques jours avec l'aide du commandement militaire et des

 11   officiers de police d'active. Donc, après quelques jours la situation est

 12   revenue à la normale, plus ou moins.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre ce document.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce D4312, Madame,

 17   Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, était-ce votre

 19   décision ou intention de ne pas procéder au versement au dossier du 65 ter

 20   25880, qui englobe les faits relatifs à Foca ?

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'avais l'intention de demander un

 22   versement au dossier de toutes les pièces qui ont été montrées sur l'écran

 23   pendant mon contre-interrogatoire.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera versé au dossier.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P6660,

 28   Madame, Messieurs les Juges.


Page 46816

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, allons-nous continuer

  2   après la pause ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je me propose de finir avant la pause.

  4   J'ai deux questions à poser encore.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Continuez.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  D'après ce que vous en avez appris, Monsieur Rasevic, est-ce que la

  8   salle des sports avait été transformée en prison ?

  9   R.  D'après ce que j'en sais, c'était un centre d'accueil à partir duquel

 10   on transportait selon les vœux des uns ou des autres; ces Musulmans vers le

 11   Monténégro, parce qu'ils ne pouvaient pas aller ailleurs, et ensuite au-

 12   delà du Monténégro ils allaient en Macédoine.

 13   Q.  Merci. On a dit que vous aviez confirmé qu'un détenu n'avait pas

 14   participé au conflit armé. Est-ce que l'armée n'a appréhendé que ceux qui

 15   ont été capturés sur la ligne de front avec un fusil à la main, ou est-ce

 16   qu'il y a eu d'autres délits au pénal contre l'armée pour lesquels on

 17   pouvait mettre quelqu'un aux arrêts et l'acheminer là-bas ?

 18   R.  Ecoutez, sur le document d'accompagnement, aucun prisonnier ne pouvait

 19   être appréhendé et envoyé là-bas sans qu'il y ait une fiche

 20   d'accompagnement. Et on disait dans cette fiche qu'il a commis un crime de

 21   guerre. Quel type de crime de guerre ? Où est-ce qu'il a été arrêté ? Nous

 22   ne le savions pas. Il y en a eu qui ont été arrêtés au combat ou qui ont

 23   été arrêtés en ville. Ont-ils commis des délits au pénal là-bas ? Je ne le

 24   sais pas. C'est ce qui était inscrit dans les fichiers qui les

 25   accompagnaient.

 26   Q.  Merci. Dernière question. Vous nous avez dit qu'à Velecevo il y avait

 27   des soldats qui ne venaient pas de Foca. Est-ce que vous pouvez nous dire

 28   quelle était l'armée qui était l'armée officielle à Foca pour ce qui est de


Page 46817

  1   sa présence ?

  2   R.  Vous savez, c'était le début de la guerre. Il y avait des gens qui

  3   s'étaient auto-organisés avant que l'on ne mette en place une armée de la

  4   Republika Srpska. Les gens qui étaient venus, j'avais le sentiment que

  5   c'étaient des gens qui étaient venus de Serbie. Qui étaient-ce ? Je pense

  6   que les gens de Foca qui avaient organisé une armée ne faisaient pas partie

  7   de ces effectifs. La frontière était très poreuse. C'étaient des gens qui

  8   étaient très agressifs. Et d'après leur parlé, on pouvait conclure du fait

  9   que ce n'étaient pas des gens de Foca. Ils ne parlaient pas l'ijkavien.

 10   Q.  Merci, Monsieur Rasevic. Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Rasevic, qu'avez-vous voulu

 13   dire lorsque vous avez indiqué qu'ils ne parlaient pas l'ijkavien ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne parlaient pas l'ijkavien. Pour être

 15   plus clair, ils ne parlaient pas la langue que nous utilisons chez nous en

 16   Bosnie. Le ékavien est utilisé en Serbie et dans une partie du Monténégro.

 17   C'est ce qui m'a permis de conclure qu'il ne venait pas de nos régions à

 18   nous.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   Ceci met un terme à votre témoignage, Monsieur Rasevic. Au nom des Juges de

 21   la Chambre, je tiens à vous remercier d'être venu à La Haye pour témoigner.

 22   Vous pouvez maintenant vous en aller.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Kwon, je vous remercie. Vous

 24   avez été Juge lorsque j'ai été entendu pour la première fois. Monsieur

 25   Karadzic, je vous souhaite une bonne santé et beaucoup de bonheur.

 26   [Le témoin se retire]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Gustafson.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.


Page 46818

  1   Juste avant la pause, je voulais juste indiquer que concernant le témoin

  2   suivant, il y a une mise en garde en application du 90(E) à mettre en

  3   place. On nous a communiqué des informations tout à fait récentes. La

  4   semaine passée, il a dit qu'il n'avait pas besoin de mise en garde. Et il

  5   s'agissait de rajouter quelque chose à sa déclaration. Nous pensons donc

  6   qu'il serait préférable de le mettre en garde quand même.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. C'est bien consigné.

  8   J'aimerais demander un huis clos partiel.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 45

 27   minutes, et nous allons reprendre nos travaux à 1 heure 20.

 28   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 36.


Page 46819

  1   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  2   --- L'audience est reprise à 13 heures 22.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande au témoin de donner lecture

  4   du texte de la déclaration solennelle.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  6   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  7   LE TÉMOIN : GOJKO KLICKOVIC [Assermenté]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Klickovic. Veuillez vous

 10   asseoir, je vous prie. Et mettez-vous à l'aise.

 11   Avant que de commencer à témoigner, Monsieur Klickovic, je me dois

 12   d'attirer votre attention sur un article du Règlement de procédure et de

 13   preuve que nous avons ici au Tribunal international; il s'agit de l'article

 14   90(E). En vertu de cet article, vous pouvez faire objection à l'apport de

 15   réponses à des questions posées par M. Karadzic, par l'Accusation, et même

 16   par les Juges de la Chambre, si vous estimez que vos réponses sont

 17   susceptibles de vous incriminer en matière de délit au pénal.

 18   Et dans ce contexte, "incriminer" signifie dire quelque chose qui

 19   pourrait correspondre à une reconnaissance de culpabilité en matière pénale

 20   ou dire autre chose qui pourrait constituer un élément de preuve indiquant

 21   que vous auriez commis un délit au pénal. Par contre, si vous venez à

 22   penser qu'une réponse pourrait vous incriminer et, en conséquence, si vous

 23   refusez de répondre à cette question, je me dois de vous dire que le

 24   Tribunal a l'autorité de vous enjoindre de répondre à cette question. Mais

 25   dans ce type de situation, le Tribunal s'assura de faire en sorte que ce

 26   témoignage sous la contrainte dans ces circonstances ne saurait ou ne

 27   puisse être utilisé pour quelque délit au pénal et démarche contre vous que

 28   ce soit, exception faite de délit de faux témoignage.


Page 46820

  1   M'avez-vous bien compris, Monsieur Klickovic ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   Monsieur Karadzic, à vous.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Klickovic.

  8   R.  Bonjour, président.

  9   Q.  Je vous demande de parler lentement, l'un et l'autre, d'ailleurs, et de

 10   faire des pauses entre mes questions, vos réponses, et mes répliques pour

 11   que tout soit bien consigné au compte rendu.

 12   Est-ce que vous avez fait une déclaration pour le compte de mon équipe

 13   chargée de la Défense ?

 14   R.  Oui, c'est exact.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on montre au témoin le 1D9687 au

 17   prétoire électronique.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous voyez devant vous la page une de votre déclaration ?

 20   R.  Oui, je la vois.

 21   Q.  Merci. Cette déclaration, l'avez-vous relue et signée ?

 22   R.  Oui, je l'ai lue et signée, je l'ai lue intégralement.

 23   Q.  Merci. Ne soyez pas troublé par le fait que bon nombre de paragraphes

 24   aient été éliminés. La raison en est le fait que votre municipalité ne

 25   figure pas parmi les municipalités citées à l'acte d'accusation, ce qui

 26   fait que les Juges et l'Accusation n'ont pas été intéressés par ces

 27   éléments-là.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite que l'on affiche pour le compte du


Page 46821

  1   témoin la dernière page afin qu'il reconnaisse sa signature.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce votre signature, Monsieur ?

  4   R.  Oui, c'est ma signature.

  5   Q.  Merci. Compte tenu du fait que certains paragraphes ont été éliminés,

  6   est-ce que le reste de cette déclaration transmet fidèlement ce que vous

  7   avez dit pour le compte de l'équipe de la Défense, y a-t-il des

  8   inexactitudes ?

  9   R.  Non, il n'y a pas, ce qui est resté est tout à fait exact.

 10   Q.  Merci. Si aujourd'hui dans ce prétoire je venais à vous poser les mêmes

 11   questions que celles qui vous ont été posées lors de votre déposition, est-

 12   ce que ces réponses, les réponses que vous apporteriez seraient en

 13   substance les mêmes réponses ?

 14   R.  Oui, toutes les réponses seraient peut-être non pas tout à fait

 15   identiques, mais en substance et dans leur forme, ce serait les mêmes

 16   réponses.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 19   déclaration en application du 92 ter.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez une objection,

 21   Madame Gustafson ?

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, Madame, Messieurs les Juges, merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D4313, Madame,

 25   Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons, je vous prie.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   Je me propose à présent de donner lecture en langue anglaise d'un résumé de


Page 46822

  1   la déclaration de M. Gojko Klickovic, et ensuite vais-je lui poser quelques

  2   questions à titre complémentaire, viva voce.

  3   M. Gojko Klickovic a été président du Conseil exécutif de l'assemblée

  4   municipale de Bosanska Krupa entre décembre 1991 et décembre 1992. Après

  5   cela, il a été nommé président de la cellule de Crise de Bosanska Krupa, et

  6   lorsque la guerre a commencé, il est devenu président de la présidence de

  7   Guerre de la municipalité. Il a fait deux mandats aux fonctions de premier

  8   ministre dans la Republika Srpska. En décembre 2007, le bureau du procureur

  9   de la Bosnie-Herzégovine a accusé M. Klickovic de participation à

 10   l'entreprise criminelle commune, crime contre l'humanité, et crimes de

 11   guerre. Il a par la suite été acquitté de toutes accusations en première

 12   instance ainsi qu'en appel.

 13   M. Klickovic était présent à l'occasion de la session du Comité principal

 14   du SDS à Sarajevo lorsque le manuel distribué est devenu plus connu sous le

 15   nom de variantes A et B. Ce manuel n'avait aucun caractère de contrainte ou

 16   d'obligation pour tout un chacun, et c'était conforme aux lois en vigueur.

 17   Gojko Klickovic a dit que personne n'a défendu à quel que moment que ce

 18   soit la création d'un état purement serbe, ethniquement purement serbe sur

 19   le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 20   En juillet 1996, en sa qualité de premier ministre, on lui a demandé de

 21   faire en sorte que le président Karadzic se conforme à l'accord que

 22   Karadzic avait réalisé avec Holbrooke. On lui a dit que le président

 23   Karadzic avait reçu la promesse de la part de Holbrooke qu'il ne serait pas

 24   poursuivi en justice à La Haye, s'il se retirait.

 25   Dr Karadzic a été un leader réellement démocratique, et il n'a jamais, avec

 26   aisance, donné des ordres en sa qualité de personne au pouvoir, et il a

 27   veillé à ce que ses décisions soient conformes aux lois et aux

 28   réglementations en vigueur. Son objectif principal a consisté à combattre


Page 46823

  1   pour le peuple, pour la vie, pour la paix et la stabilité à toute occasion.

  2   Ceci constitue un bref résumé. Et je voudrais à présent poser un certain

  3   nombre de questions à M. Klickovic.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Klickovic, je tiens à vous poser un certain nombre de

  6   questions.

  7   Pour ce qui est de vos fonctions de membre du Comité principal, je ne

  8   parle pas de vos fonctions au niveau de votre municipalité à vous, pouvez-

  9   vous dire à l'intention des Juges de la Chambre comment vous en êtes venu à

 10   vous intéresser au Parti démocratique serbe et a participé à sa création ?

 11   R.  Oui. Je dirais que s'agissant du Comité principal du Parti démocratique

 12   serbe, j'en ai été membre depuis juillet 1991 jusqu'à nos jours. Je n'ai

 13   jamais mis un terme à mon affiliation au SDS. J'y ai été membre et j'ai été

 14   actif depuis sa création, depuis 1991, parce que j'ai été attiré par le

 15   programme de ce Parti démocratique serbe, vu que ce programme avait pour

 16   principal but la préservation de la République socialiste fédérative de

 17   Yougoslavie, et de préserver une République socialiste de Bosnie-

 18   Herzégovine dans le cadre de cette Yougoslavie.

 19   A mes yeux, cela constituait une garantie pour ce qui est de voir le

 20   peuple serbe rester dans un seul et même état. C'était une garantie pour ce

 21   qui était de la préservation de la paix, et il était plus facile de le

 22   faire dans une Yougoslavie forte que dans des états fragmentés que l'on

 23   pouvait déjà voir se profiler à l'horizon. Parce qu'en 1989, on a commencé

 24   déjà à voir les choses se mettre en ébullition en ex-Yougoslavie, et on a

 25   pu voir que ce qui a été créé par l'Occident était en train de partir en

 26   pièces.

 27   Le programme du Parti démocratique serbe que j'ai apprécié et

 28   accepté, c'était un programme du Parti démocratique serbe de Croatie,


Page 46824

  1   programme qui avait été mis en place par le Dr Raskovic, un homme tout à

  2   fait noble, un psychologue, un médecin, un humaniste. Et dans ce programme,

  3   on avait déjà fait figurer les principes principaux, et ces principes

  4   principaux ont été de nature à m'attirer, parce que mon premier jour de

  5   travail je l'avais entamé à l'ex-Ligue des Communistes de Yougoslavie. J'ai

  6   été secrétaire exécutif de la Ligue des Communistes de Bosanska Krupa. Donc

  7   l'idée motrice qui avait été mise en place dans cette organisation

  8   politique, dans ce parti, avait tout simplement été acceptée et intégrée

  9   dans le nouveau programme du Parti démocratique serbe qui visaient à

 10   préserver la Yougoslavie, préserver ces territoires vis-à-vis de la guerre,

 11   et des tragédies nouvelles. Parce que toute séparation sans l'approbation

 12   des autres sur le territoire de l'ex-Yougoslavie signifiait inévitablement

 13   une marche vers la guerre.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous nous avez dit qu'à compter de 1989 on

 15   avait vu les choses se mettre en ébullition, qu'avez-vous voulu dire par

 16   cela, et avez-vous eu un droit de vue pour ce qui est des événements qui se

 17   passaient, enfin qui se produisaient en Yougoslavie, là où vous pouviez

 18   assister aux choses ?

 19   R.  Eh bien, en ma qualité de représentant officiel de la Ligue des

 20   Communistes, et en ma qualité d'homme de science, il est certain que je

 21   connaissais très bien la situation et les évolutions des choses en ex-

 22   Yougoslavie, et j'ai tout compris après le 11e Congrès du parti lorsque de

 23   fait on avait laissé entendre qu'il allait y avoir une désintégration de la

 24   Yougoslavie.

 25   Parce que la création d'une Ligue des Communistes par républiques et

 26   cette fédéralisation signifiait déjà que la Yougoslavie était en bonne voie

 27   de conflit futur et que cette Yougoslavie ne saurait subsister parce que

 28   les forces rétrogrades sur le territoire de la Slovénie et de la Croatie


Page 46825

  1   avant 1987, avant 1985, dans les années 1980 et quelques, avaient montré

  2   leur véritable nature.

  3   En 1987, au mois de mai, lorsque l'on a adopté la doctrine et

  4   stratégie de la Défense populaire généralisée ou des forces armées de la

  5   Yougoslavie, on a pu voir dès ce moment-là que factuellement on avait créé

  6   des Etats dans un Etat. Il y avait une Slovénie, une Croatie, et la

  7   Macédoine avait tendance à le faire aussi. On voyait pour l'essentiel que

  8   l'Occident et les différents services de ces pays étaient en train d'œuvrer

  9   à la désintégration de la Yougoslavie, sans parler des résistances

 10   manifestes vis-à-vis des instances fédérales de la Yougoslavie qui

 11   voulaient protéger ces territoires. Il y avait donc une défiance vis-à-vis

 12   de l'armée et du secrétariat fédéral à la Défense. On pouvait voir là qu'il

 13   allait y avoir un démantèlement de la Yougoslavie à l'avenir et qu'on

 14   pourrait parler des différentes manifestations en long et en large. Parce

 15   que dans les années 1990 on pouvait -- fin 1988 et 1990, on pouvait en voir

 16   beaucoup, des manifestations de ce type.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous parler des activités électorales du

 18   Parti démocratique serbe dans vos régions, dans vos contrées ? Comment cela

 19   a-t-il été orchestré et comment l'apprécieriez-vous ?

 20   R.  Je me dois de vous dire que cette région, cette partie de la République

 21   socialiste de Bosnie-Herzégovine de l'époque, avait assez tôt accédé à des

 22   activités électorales en vue des premières élections pluripartites sur les

 23   territoires en question, probablement en raison des accords qui avaient été

 24   réalisés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine entre le HDZ et le SDA,

 25   puis par la suite le SDS. Je dis "par la suite" parce que le SDS s'est

 26   organisé en dernier lieu. Et vous avez pu voir vous-même qu'Alija

 27   Izetbegovic, dès juillet 1990, avait mis en garde les Serbes vis-à-vis de

 28   la nécessité de s'organiser eux-mêmes parce qu'on se dirigeait vers un


Page 46826

  1   système pluripartite.

  2   S'agissant de ces territoires, la coopération était bonne entre le SDA --

  3   parce que chez nous la majorité de la population était plutôt musulmane.

  4   Les Croates étaient en quantité négligeable, mais ils ont regagné les

  5   autres partis mis en place, le SDP, l'Alliance socialiste et autres.

  6   Pour l'essentiel, je dirais que le gros des forces c'étaient le SDA

  7   et le SDS, qui ont été corrects et qui ont été aux meetings des uns et des

  8   autres. Ils s'entraidaient pour ce qui est de l'organisation des

  9   infrastructures parce qu'on avait souhaité au niveau des deux partis de

 10   préparer pour le mieux ces élections pluripartites et pour contrecarrer les

 11   forces du communiste ou du socialiste. C'était assez bon, je dirais, et

 12   c'était conforme aux bonnes relations de tolérance et de compréhension

 13   mutuelle.

 14   Et je crois que ça s'est passé comme cela jusqu'en octobre 1991

 15   lorsqu'à l'occasion d'un rassemblement de Velika Kladusa, il y a eu un

 16   rassemblement massif où l'on a bien montré que le SDA allait rejoindre le

 17   HDZ et les autres partis croates mis en place et organisés qui

 18   intervenaient non seulement en Croatie mais aussi sur le territoire de

 19   l'Herceg-Bosna et sur nos territoires à nous, là où il y a une population

 20   croate, parce qu'ils avaient attaché leurs drapeaux l'un à l'autre et

 21   qu'ils disaient qu'ils iraient ensemble jusqu'à la victoire. C'est-à-dire

 22   jusqu'à la majorité dans le parlement futur, dans le gouvernement futur de

 23   la Bosnie-Herzégovine, et ils ont fait savoir de la sorte qu'ils allaient

 24   essayer de résoudre tous les problèmes par un système de mise en minorité

 25   systématique -- oui, je vais ralentir.

 26   Q.  Bien. Je pense que vous avez répondu à ma question, à savoir quelles

 27   ont été les bases pour cette coalition. Je vois qu'en gros, vous avez

 28   répondu à la question.


Page 46827

  1   Alors, quand est-ce qu'il y a eu des tensions ? Quand est-ce qu'il y

  2   a eu détérioration des relations pour ce qui est du fonctionnement des

  3   nouvelles autorités mises en place qui ont changé le régime et le système ?

  4   R.  En début 1991 déjà, dès la mise en place d'une autorité conjointe où

  5   nous avons tous participé, où nous avons tous pris part conformément aux

  6   résultats obtenus lors des élections. Au cours des quatre premiers mois il

  7   y a déjà des désaccords qui se manifestent. Parce que ces forces qui

  8   avaient obtenu la majorité et qui l'emportaient au niveau des parlements et

  9   des autorités exécutives souhaitaient faire en sorte que dans

 10   l'administration, dans les services publics, on établisse les rapports qui

 11   ont été ceux de la structure de la population sur ces territoires-là.

 12   A titre concret, je vais mentionner la municipalité de Bihac, la

 13   municipalité de Bosanska Krupa et les municipalités environnantes qui

 14   avaient, dirais-je, moins d'un tiers de participation dans tout ceci, ce

 15   qui fait que la partie adverse pouvait adopter toutes les décisions du fait

 16   de la force de sa majorité. Ils mettaient en minorité les autres.

 17   Et les premiers malentendus sont survenus au niveau de la

 18   rationalisation de la main d'œuvre dans les différents services où il

 19   fallait adapter les choses à la structure de la population. Cela signifiait

 20   qu'un grand nombre d'employés du groupe ethnique serbe allaient se

 21   retrouver dans la rue. Cela a généré des tensions et cela a conduit à des

 22   problèmes au niveau du fonctionnement de l'assemblée et du Conseil

 23   exécutif, ainsi qu'au niveau des autres organes de l'administration. Ceci a

 24   fait émerger d'autres problèmes encore qui n'ont pas attendu longtemps pour

 25   se manifester.

 26   Le problème suivant qui a fait son apparition et qui a constamment

 27   été présent, c'était l'attitude vis-à-vis d'une institution fédérale,

 28   l'armée populaire yougoslave. Nous savons qu'en 1991, une résolution -- ou


Page 46828

  1   une déclaration, plutôt, a fait que l'assemblée du peuple serbe a fait

  2   savoir que les Serbes allaient répondre aux appels sous les drapeaux de la

  3   JNA, c'est-à-dire aux appels sous les drapeaux pour faire leur service dans

  4   les forces armées, parce que la Yougoslavie a existé officiellement jusqu'à

  5   minuit le 25 avril, lorsqu'il y a eu adoption d'une nouvelle constitution,

  6   qui a fait que l'on a créé une République fédérale de Yougoslavie. Et nous

  7   avions estimé, en notre qualité de légalistes, que tant qu'il y aurait une

  8   Yougoslavie et tant qu'il y aurait des réglementations en vigueur à titre

  9   officiel, il fallait les respecter. Et de notre point de vue, l'institution

 10   des forces armées avait considéré que la JNA avait constitué protection et

 11   sécurité pour les peuples en présence, parce que nous savions très bien que

 12   le peuple serbe disséminait en Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro,

 13   Macédoine, et cetera. Il était un peu partout.

 14   Donc, nous nous sommes battus pour qu'il y ait survie des

 15   institutions fédérales parce que nous y voyions le salut et nous avions

 16   pour mission de participer, de contribuer à titre complet au fonctionnement

 17   de ces institutions.

 18   Les Serbes ont fait leur service dans l'armée populaire yougoslave,

 19   ils ont été affectés aux différentes structures des forces armées et

 20   répondaient volontiers aux appels sous les drapeaux. Le fait de répondre à

 21   ces appels ou de faire en sorte que cela ne soit pas respecté, ça

 22   signifiait une perte de poste de travail, cela signifiait des problèmes et

 23   de toute une série de tortures sur ces territoires. Parce qu'au retour des

 24   effectifs de réserve du service effectué en Croatie, où on avait fait notre

 25   service militaire dans les forces armées de la Yougoslavie, on a eu des

 26   désagréments; par exemple, à Bihac, Krupa, Petrovac, Sanski Most, Novi

 27   Grad, et ce, parce que les gens les interpellaient, on leur collait des

 28   étiquettes, on les menaçait de toutes parts. Et on leur disait de ne pas y


Page 46829

  1   aller, de ne pas répondre présent aux appels sous les drapeaux, de ne pas

  2   faire leur service dans l'armée populaire yougoslave. A la différence des

  3   autres, nous l'avions fait, et cela a constitué un deuxième sujet de

  4   conflit, et nous avons pu voir qu'on ne pourrait pas rester longtemps dans

  5   ce type de structure et ce type de composition du pouvoir.

  6   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, puisque vous avez dit

  7   que des jeunes hommes serbes étaient dans les rangs de l'armée, où se

  8   trouvaient les jeunes hommes musulmans et croates de votre région, et

  9   dites-nous si vous disposiez des informations concernant leur organisation

 10   militaire et concernant leur armement ?

 11   R.  Etant donné que la municipalité de Bosanska Krupa, et plus tard la

 12   municipalité serbe de Bosanska Krupa se trouve à la frontière avec la

 13   Croatie, nous savions très bien ce qui se passait dans notre entourage, et

 14   nous étions au courant de tous les événements qui ont eu lieu sur ce

 15   territoire. Nous avons donc répondu à ces appels, et l'autre partie, non.

 16   Alors que nous répondions à l'appel à la mobilisation, se mettant sous les

 17   drapeaux des forces armées de notre Etat légal, RSFY, d'autres membres des

 18   forces armées - et là je pense plus précisément aux Bosniens, c'est-à-dire

 19   aux Musulmans à l'époque - dans le cadre de leurs unités de la Défense

 20   territoriale et les unités dans le cadre des communautés locales,

 21   procédaient au dressement des listes, procédaient à la formation, à

 22   l'entraînement, désignaient leurs cadres conformément à l'appartenances aux

 23   partis. Ils n'ont pas répondu à cet appel, ils n'ont pas voulu parler du

 24   départ au sein des forces armées dont ils étaient membres parce que tous

 25   avaient des livrets militaires de l'ancienne JNA, tous étaient affectés au

 26   sein de certaines unités. Mais sur les ordres du parti, à savoir des

 27   responsables du Parti de l'Action démocratique, du SDA, ils restaient chez

 28   eux dans leur milieu. Ils partaient aux manœuvres de week-end de la Ligue


Page 46830

  1   patriotique ou des Bérets verts ou d'autres unités. Mais, principalement,

  2   il s'agissait des unités qui à l'époque ne pouvaient pas être intégrées, ne

  3   pouvaient pas être formées selon aucune disposition de la législation en

  4   vigueur et conformément à la Loi sur la Défense nationale de l'ancienne

  5   Yougoslavie. Il s'agissait des unités qui fonctionnaient en dehors du

  6   système, mais sous l'égide des partis politiques puissants puisque le SDA

  7   était le parti politique le plus puissant certainement sur le territoire de

  8   la Bosnie-Herzégovine.

  9   Et c'étaient ces premiers problèmes qui ont surgi et, donc, des

 10   précurseurs de conflit qui se sont ensuivis par la suite.

 11   Q.  Merci. Peut-on maintenant revenir à la politique intérieure.

 12   Pouvez-vous dire à la Chambre, étant donné du fait que vous aviez

 13   beaucoup d'expérience au sommet du SDA, qui et comment déterminait la

 14   politique du SDS et quel était le rôle de l'assemblée du conseil principal,

 15   des Conseils exécutifs et ainsi que du président au sein de ce parti

 16   pendant que vous étiez au sommet dans ce parti ?

 17   R.  Je peux vous dire la vérité et l'essentiel pour ce qui est du

 18   fonctionnement du parti, puisque j'ai été membre de l'assemblée du SDS de

 19   la Bosnie-Herzégovine. J'ai été membre du conseil principal. J'ai été

 20   pendant une certaine période de temps membre du Conseil exécutif et

 21   directeur de la direction du SDS. Donc, je peux vous parler de la façon à

 22   laquelle cela fonctionnait.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, ralentissez votre

 24   débit. Vous parlez trop vite.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Pouvez-vous répéter la partie de votre réponse allant après "j'ai été

 27   membre de l'assemblée du SDS," et énumérer toutes les fonctions que vous

 28   exerciez par la suite, mais lentement.


Page 46831

  1   R.  J'ai été membre du SDS de la Bosnie-Herzégovine. J'ai été membre du

  2   conseil principal du SDS. J'ai été membre pendant une courte période de

  3   temps du Conseil exécutif du SDS. J'ai été membre directeur de la direction

  4   du SDS. Et aujourd'hui, je suis toujours membre du Conseil principal du

  5   SDS.

  6   Donc, cela veut dire que je peux répondre à cette question avec

  7   certitude et je peux dire comment fonctionnait le SDS du sommet jusqu'à la

  8   base, de l'assemblée jusqu'à un conseil local du SDS. Essentiellement, il

  9   s'agissait --

 10   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire quel était le rôle de l'assemblée et qui

 11   déterminait la politique du parti, qui modifiait la politique et qui

 12   mettait en place la politique du SDS ?

 13   R.  J'allais justement vous dire que le principe démocratique était la base

 14   sur laquelle s'appuyaient le programme, les objectifs du parti ainsi que

 15   les tâches principales du SDS. Tout ce qui a été adopté a été adopté lors

 16   des séances de l'assemblée qui étaient convoquée une fois par an, et si le

 17   besoin était, deux fois par an ou plusieurs fois par an. Pourtant, en

 18   pratique, c'était une fois par an. Et il s'agissait de l'assemblée lors de

 19   laquelle on faisait des rapports pour ce qui est de la période précédente,

 20   et également on déterminait les tâches du Conseil exécutif pour la période

 21   à venir et pour le président. Et le Conseil principal était convoqué

 22   rarement, peut-être deux fois par an, pour ne faire qu'analyser ce qui

 23   avait été fait ou réalisé pour ce qui est des conclusions adoptées à

 24   l'assemblée annuelle.

 25   Donc, pour ce qui est des préparatifs du programme ou des

 26   conclusions, puisque beaucoup de personnes y participaient qui n'étaient

 27   membres du parti, certaines institutions y ont pris part également, des

 28   institutions scientifiques ou littéraires qui aidaient à ce que le


Page 46832

  1   programme soit préparé ainsi que les objectifs du parti. Parce que le

  2   programme du SDS était plutôt le programme déterminé par le peuple, un

  3   programme dont l'objectif était de préserver la paix sur ces territoires,

  4   d'essayer de préserver la Yougoslavie ainsi que la Bosnie-Herzégovine. Et

  5   ce programme avait pour objectif également de faire maintenir de bons

  6   rapports entre les gens sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine qui

  7   représentait une Yougoslavie en miniature.

  8   Et la première fois, un parti politique se dit prêt à mettre en œuvre

  9   la réconciliation idéologique sur ces territoires, parce que nous savons

 10   qu'il s'agit des territoires - et là je parle uniquement du peuple serbe,

 11   et ce n'était pas différemment pour ce qui est des deux autres peuples -

 12   donc, les peuples se divisaient en leur sein. Chez les Serbes, il y avait

 13   des monarchistes, des communistes, et par ce programme il fallait faire

 14   disparaître ces différences idéologiques et, pour ainsi dire, faire établir

 15   des rapports de la tolérance, du respect mutuel, indépendamment des

 16   différences en opinion. Pour ce qui est du contenu, de la méthodologie et

 17   du fonctionnement du SDS pour ce qui est de ces organes, c'était sous le

 18   signe de la tolérance, et tous les participants pouvaient prendre la parole

 19   et discuter s'ils avaient quelque chose à dire, un sujet nouveau. Donc, il

 20   n'y avait pas de limitations. Il y avait la liberté de l'opinion. Et je

 21   pense qu'aucun ordre du SDS n'a été exclu à l'époque pour une différence

 22   d'opinion à l'exception faite d'une personne qui n'était pas d'accord avec

 23   le concept du parti.

 24   Q.  Merci. Puisque vous avez dit que vous étiez présent au moment où les

 25   instructions soi-disant A et B ont été distribuées et que vous avez dit que

 26   c'était basé sur la loi, pouvez-vous dire à la Chambre quels étaient les

 27   fondements sur lesquels le peuple serbe et le SDS ont prôné la

 28   régionalisation en Bosnie-Herzégovine ? Sur quels fondements cela


Page 46833

  1   s'appuyait ? Et pouvez-vous nous dire quelles étaient les dispositions

  2   constitutionnelles et légales sur lesquelles s'appuyait un tel programme ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, pouvez-vous répéter la

  4   dernière partie de votre question.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que pour ce qui est de ce procédé de la régionalisation, il y

  7   avait des dispositions constitutionnelles et légales pour que cela soit

  8   fait de façon constitutionnelle et légale ?

  9   R.  Je dois dire d'abord qu'il s'agit d'une question très large, et je vais

 10   essayer de répondre en énumérant des thèses puisqu'il s'agit de plusieurs

 11   questions en une seule question. Pour que je sois plus précis et plus clair

 12   et que je ne vous fasse pas perdre votre temps.

 13   Pour ce qui est de la régionalisation, nous savons que la régionalisation

 14   est prévue par la constitution et par la Loi portant sur l'organisation

 15   fonctionnelle de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, et

 16   certaines choses ont été prévues par les amendements en 1976, en 1989 et

 17   1990. Il est vrai que seulement des appellations ont été modifiées, en

 18   dépendant de la situation politique et de la situation à l'époque sur un

 19   territoire donné.

 20   Par exemple, concernant la Région autonome de Krajina, il s'agissait

 21   d'une communauté des municipalités de Banja Luka qui s'appuyait sur les

 22   mêmes principes que la Région autonome de Banja Luka ou, par exemple, la

 23   communauté des municipalités de Bihac à laquelle nous appartenions dans une

 24   première phase. Cela a été organisé également conformément à la législation

 25   qui était en vigueur à l'époque et contenant la constitution de la

 26   République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

 27   Et l'exception faite des connotations politiques attribuées à ces

 28   régions, il n'y avait rien de particulier. Ces régions s'occupaient des


Page 46834

  1   mêmes problèmes. Mais, encore une fois, je dis que cela dépendait de la

  2   situation dans laquelle cette communauté fonctionnait. Il est vrai que plus

  3   tard, il y a eu la régionalisation sur la base du principe national et de

  4   l'appartenance ethnique. Donc, nous avions des régions basées sur ces

  5   principes et les Croates ont organisé des régions autonomes croates, des

  6   Musulmans, des régions musulmanes, et les Serbes, des régions autonomes

  7   serbes. Mais tout cela avec un objectif identique de résoudre certains

  8   problèmes le plus rapidement possible et de procéder à la résolution des

  9   questions ayant trait à la sécurité, si c'était nécessaire.

 10   Et cela était conforme à la législation en vigueur pour ce qui est de

 11   la formation des régions autonome serbes, croates et musulmanes par la

 12   suite. C'est la première partie de la réponse.

 13   Pour ce qui est de la deuxième partie de la réponse à cette question

 14   concernant ces instructions, je dois dire que ces instructions sont le

 15   fondement du fonctionnement du parquet. Malheureusement, lors de mon

 16   procès, en une trentaine de fois, j'ai posé la question au Procureur pour

 17   qu'il dise quelle partie de la constitution de la BiH ou de la Loi sur la

 18   Défense de la BiH est violée, parce que j'ai été accusé, pour qu'ils me

 19   disent ce que j'avais fait contraire à la législation en vigueur à

 20   l'époque.

 21   Ce document a été, donc, abusé et qui sera probablement le plus

 22   longuement étudié pour ce qui est de l'histoire du régime constitutionnel.

 23   Ces instructions ne représentent rien pour moi. En tant que membre du

 24   Conseil exécutif et en tant que fonctionnaire au niveau local, cela ne me

 25   disait rien, ne représentait rien pour moi, et je n'ai pas pris ce document

 26   dans la salle de l'hôtel Holiday Inn  lorsque ce document a été distribué.

 27   Je pense que ce document a été distribué, parce que vous avez insisté,

 28   Monsieur le président, que ce soit distribué pour que, donc, les gens


Page 46835

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 46836

  1   puissent le lire, s'ils le veulent. Cela n'est pas un document juridique.

  2   Moi, je ne m'occupais pas de cela, mais tout simplement, puisque je

  3   respectais la discipline du parti, j'ai pris ces instructions, ce document

  4   pour le lire. Ces instructions ont été rédigées, selon moi, avec l'objectif

  5   d'établir, pour ainsi dire, un code de comportement, un cadre de

  6   comportement des gens dans des situations complexes sur le terrain. Puisque

  7   déjà à l'époque, nous avions - et c'était en 1991 - une situation

  8   suffisamment complexe sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine qui, donc,

  9   était le résultat d'une situation encore plus complexe en Croatie. Je pense

 10   que ce document, donc, a provoqué une ambiance négative et était considéré

 11   comme le générateur de tout le mal sur ce territoire. Mais si on l'étudie

 12   plus profondément, ce document avait pour son fondement la constitution de

 13   1974 et de la Bosnie-Herzégovine également, et il s'appuyait sur la Loi

 14   portant sur la Défense nationale de l'ancienne Yougoslavie de 1982, sur la

 15   Loi sur la Défense nationale de Bosnie-Herzégovine de 1984 et 1987, et sur

 16   la stratégie et sur la doctrine des forces armées du 25 mai 1987 sur la Loi

 17   portant sur la JNA de 1985 et sur la Loi portant sur les forces armées de

 18   1985 sur certains décrets du Conseil exécutif de la République socialiste

 19   de Bosnie-Herzégovine si les résultats des premières élections

 20   pluripartites, sur le résultat du plébiscite du peuple serbe en 1992 et sur

 21   les recommandations de l'assemblée du peuple serbe de la Bosnie-Herzégovine

 22   du 11 décembre 1991.

 23   Q.  Merci.

 24   R.  Je n'ai pas encore fini.

 25   Q.  Soyez bref, s'il vous plaît.

 26   R.  Tout cela peut être trouvé dans ces quelque 250 articles de ces lois de

 27   base que je viens d'énumérer. J'ai fait cela pour moi-même, et c'est pour

 28   cela que je peux affirmer ici que ce document n'est pas du tout pertinent


Page 46837

  1   pour ce qui est des crimes de guerre. Puisque, d'après ce document, des

  2   crimes de guerre n'auraient pas dû avoir lieu.

  3   Q.  Merci.

  4   Pouvez-vous nous dire, puisque vous avez mentionné les

  5   recommandations du 11 décembre, est-ce que vous avez fait référence aux

  6   recommandations portant sur la formation des assemblées municipales serbes

  7   où les conditions étaient réunies pour le faire ?

  8   R.  Oui, c'est vrai, j'ai fait référence à cela, mais également aux

  9   recommandations adoptées à une assemblée commune où les représentants des

 10   trois peuples ont pris part, où il a été dit que les régionalisations ne

 11   devaient pas être utilisées pour faire provoquer des tensions entre les

 12   nations, mais qu'il fallait attendre un peu pour que l'assemblée commune de

 13   la Bosnie-Herzégovine adopte des lois pour que cela soit réglé et pour

 14   pouvoir procéder à la régionalisation. Pour ce qui est des recommandations

 15   du 11 décembre 1992, donc du mois de décembre, ces recommandations, en

 16   fait, précédaient la rédaction des instructions qui ont été appelées par la

 17   suite par quelqu'un variantes A et B.

 18   Il ne s'agissait pas des variantes en fait. Il s'agissait, donc, des

 19   situations différentes selon lesquelles il fallait modifier, adapter les

 20   réglementations. Il fallait, donc, éviter des conflits sur le terrain.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vois pas LiveNote. Je ne sais pas si

 22   quelque chose s'est passé entre-temps. Est-ce que la cabine travaille ?

 23    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque cela tourne dans le disque dur

 24   commun, vous ne pouvez pas le voir sur votre propre disque dur.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Bon, ça fonctionne quelque part.

 26   C'est le principal. Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Je voudrais vous poser la question suivante : quand avez-vous adopté


Page 46838

  1   cette décision dans votre municipalité ?

  2   En fait, dans la question, il y a eu quelques erreurs. La question

  3   est inexacte à la ligne 6 de la page 21 et puis ligne 7 et suivantes,

  4   seules des assemblées du peuple serbe dans ces municipalités.

  5   J'ai cité là les lignes pertinentes. J'aimerais savoir quand vous

  6   aviez décidé dans votre municipalité de former l'assemblée du peuple serbe

  7   ?

  8   R.  Cette décision de former les assemblées de la municipalité serbe

  9   de Bosanska Krupa a été prise en décembre 1991, le 11 décembre 1991. Alors,

 10   elle aurait dû être prise en juin 1991. Mais à vous entendre, nous avons

 11   continué à reporter cela dans l'espoir que les relations se renoueraient

 12   suite à un discussion sur la formation des municipalités serbes de Bosanska

 13   Krupa conformément à la législation sur le référendum de la République

 14   fédérale socialiste de Bosnie-Herzégovine en 1975. Et nous avons préparé un

 15   rassemblement de nos municipalités, nous avons informé tous les acteurs

 16   politiques de cela au SDA dans la municipalité de Bosanska Krupa. Donc ce

 17   serait l'équivalent du SDA au niveau de la Bosnie-Herzégovine jusqu'au

 18   président de la présidence, Alija Izetbegovic et vous-même, ainsi que tous

 19   les membres de notre présidence.

 20   Donc, nous aurions pu le faire beaucoup plus tôt, mais nous espérions

 21   qu'au niveau de la Bosnie-Herzégovine on pourrait trouver une solution pour

 22   ne pas devoir y recourir. Donc, c'était un moment très tendu, je parle de

 23   la non-formation de la municipalité serbe de Bosanska Krupa, car d'un point

 24   de vue institutionnel cela existait déjà, mais nous avons rendu les choses

 25   officielles au mois de décembre. Nous avons formé nos organes, nous avons

 26   commencé nos travaux de façon routinière sans essayer d'entrer en conflit

 27   avec les autres du SDA, donc je parle de la municipalité. Donc c'était une

 28   solution, un mal nécessaire, je dirais.


Page 46839

  1   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : L'accusé

  2   pourrait-il répéter sa question.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez répéter, Monsieur

  4   Karadzic.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous avez dit que vous avez commencé au mois de juin, que la décision a

  7   été prise en octobre, et que tout cela a vu le jour le 11 décembre; est-ce

  8   bien exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je vous le demande parce que la date n'a pas été consignée au compte

 11   rendu. Donc, tout a commencé en juin ou en juillet, et en octobre vous avez

 12   pris la décision, et le processus s'est terminé le 11 décembre ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 15   Veuillez ralentir, et je m'adresse au témoin et à l'accusé.

 16   Répondez à la question, Monsieur.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais que les dates soient claires. Le

 18   débat public sur la justification de créer la municipalité s'est terminé en

 19   juin 1991. Nous avons reçu mandat pour créer la municipalité serbe de

 20   Bosanska Krupa.

 21   En octobre de la même année, nous avons décidé de le faire, mais

 22   après, les conflits ont continué avec les autorités du SDA.

 23   Le 11 décembre 1991, nous avons officiellement créé l'assemblée, et

 24   tous ses organes.

 25   Q.  Merci. Si cela a eu lieu avant l'instruction du 19 décembre, sur quoi

 26   vous êtes-vous fondé ?

 27   R.  L'instruction du 19 décembre n'était pas nécessaire du tout. En effet,

 28   nous avions nos lois et réglementations de la République fédérale


Page 46840

  1   socialiste de Yougoslavie et de la République fédérale socialiste de

  2   Bosnie-Herzégovine, ces législations et ces réglementations étaient en

  3   vigueur et prévoyaient des dispositions pour l'organisation d'assemblées

  4   conformément à une procédure.

  5   Donc, nous avons agi conformément à la législation sur le référendum,

  6   et celle sur l'organisation territoriale. Nous avons également soumis une

  7   demande à l'assemblée de la République fédérale socialiste de Bosnie-

  8   Herzégovine pour approbation. Nous ne l'avons jamais reçue. Mais nous

  9   n'avons jamais eu de refus non plus. Les autres municipalités, telles Brod,

 10   Modrica, et d'autres ont été critiquées pour ce genre d'activités. Mais

 11   nous, nous avons agi conformément aux lois et réglementations en vigueur en

 12   vertu du programme du Parti démocratique serbe, qui était tout à fait

 13   légal.

 14   Q.  Merci. Lorsque la guerre a éclaté, quels étaient vos liens avec Pale et

 15   quels liens existaient avec les municipalités avoisinantes à Pale ? Comment

 16   coopériez-vous dans vos municipalités ? En disant "vous", je parle de vous

 17   et de vos collègues.

 18   R.  La municipalité serbe de Bosanska Krupa, la municipalité serbe de Bihac

 19   et de Bosanski Novi, avec ces municipalités-là, nous avions une très

 20   mauvaise communication, car les télécoms fonctionnaient mal. Nous ne

 21   pouvions communiquer avec vous à Pale que par les délégués, et le club des

 22   représentants du Parti démocratique serbe, que vous encouragiez, et vous

 23   aviez toujours dit qu'il n'était pas nécessaire de créer des doublons dans

 24   les activités.

 25   En effet, les délégués et l'assemblée étaient des représentants du

 26   peuple serbe, donc les réunions du Comité exécutif n'avaient souvent pas

 27   lieu. Il y aurait eu, comme je l'ai dit, des doublons dans les postes, cela

 28   aurait coûté plus cher en voyage, alors que les instructions, si


Page 46841

  1   nécessaire, auraient pu être transmises par les délégués.

  2   Quoi qu'il en soit, mes collègues et moi-même à la municipalité

  3   n'avions pas besoin de beaucoup communiquer avec les autres, parce que nous

  4   connaissions les règles du parti, ainsi que la législation et la

  5   réglementation, et nous nous conformions à ces dernières. Des instructions

  6   sur les autres documents n'étaient pas contraignantes, en tout cas nous

  7   n'estimons pas qu'elles étaient contraignantes.

  8   Q.  Merci. Que savez-vous du maintien de la paix, de l'ordre, de la loi et

  9   de lutte contre les crimes et la criminalité dans votre municipalité et

 10   dans les municipalités avoisinantes du point de vue de la participation du

 11   Conseil exécutif des autorités ?

 12   Peut-être que vous vous souvenez qui était le numéro un à Mrkonjic

 13   Grad ou Prnjavor, Laktasi ? Comment le Conseil exécutif du Parti

 14   démocratique serbe fonctionnait dans ces municipalités ?

 15   R.  Je me souviens de chaque membre du Conseil exécutif par municipalité,

 16   mais je peux vous donner une réponse générale. En général, les membres du

 17   Conseil exécutif, lorsqu'ils étaient les plus influents, les relations

 18   interethniques dans ces municipalités étaient les meilleures.

 19   Q.  Pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît.

 20   R.  A Petrovac, c'était M. Novakovic; à Gradiska, M. Ivastanin; à Srbac,

 21   Kupresanin, Milincic, et cetera. Certains membres étaient des membres de la

 22   première heure du SDS et ils connaissaient les principes de base qui

 23   régissaient le SDS. Dans ce sens-là, je dirais que nous n'avions pas

 24   énormément d'obstacles, et le comportement n'était pas très hostile vis-à-

 25   vis des Croates ou des Bosniens. En fait, c'était la tolérance qui

 26   prévalait --

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise demandent au témoin de

 28   répéter sa dernière phrase.


Page 46842

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Klickovic, pourriez-vous

  2   répéter votre réponse à partir du moment où vous avez parlé de la

  3   tolérance, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais des membres que j'avais cités.

  5   Nous étions très attentifs à la tolérance, et nous nous préoccupions

  6   du maintien des bonnes relations entre les Serbes, les Croates et les

  7   Bosniens, et nous ne permettions aucun incident négatif. C'était également

  8   notre mission sur le terrain, la mission qui nous avait été confiée avant

  9   le conflit. Nous savions que c'était le prérequis pour atténuer le conflit.

 10   Et nous nous attendions à ce que l'Europe, l'Occident, résolve ce problème,

 11   qu'il n'y aurait pas de conflit. Nous ne nous attendions pas à ce qu'une

 12   guerre éclate, et plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine. Et je pense

 13   qu'à chaque fois que le SDS avait un poste à responsabilité, les ressources

 14   mêmes ont toujours été très bien protégées. La population a toujours eu la

 15   possibilité de se rendre dans des lieux plus sûrs.

 16   Par exemple, à Novi Grad, pendant le conflit, une influence était

 17   exercée de l'extérieur et des unités de la JNA - de la JNA - ont été

 18   déplacées. La population musulmane a obtenu un refuge temporaire à Banja

 19   Luka ou à Doboj. Et de par mon contact quotidien à l'époque, je sais que

 20   plusieurs sont partis dans des pays tiers ou dans des régions qui faisaient

 21   préalablement partie de l'ex-Yougoslavie.

 22   A Mrkonjic, les membres du conseil ont dû faire face à de très gros

 23   problèmes. Ils ont dû protéger des églises et d'autres bâtiments de Serbes

 24   qui n'étaient pas d'accord avec eux.

 25   Et à Bosanski Krupa, où moi j'étais, lorsqu'il y avait des combats le

 26   long de l'Una, du fleuve Una, où la population était à majorité musulmane,

 27   nous avons œuvré pour préserver la vie de ces personnes, et nous y avons

 28   réussi.


Page 46843

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Merci. Vous avez brièvement évoqué le peuple serbe, les divisions qui

  3   existaient entre les Serbes de gauche et de droite. J'aimerais savoir s'il

  4   y avait des dissensions entre les Musulmans et s'il y avait des entités

  5   avec lesquelles vous entreteniez de bonnes relations ?

  6   R.  Oui, j'ai dit qu'il y avait eu des dissensions entre les Serbes, mais

  7   cela s'applique également à d'autres populations. Je pense que c'est

  8   inhérent aux Balkans.

  9   Vous savez, dans notre région, il y avait une division entre les

 10   partisans de Fikret Abdic et le noyau dur du SDA dont le dirigeant était

 11   Alija Izetbegovic. Nous avons coopéré avec les partisans de Fikret Abdic et

 12   nous voulions que la paix s'instaure dans la région. Ses partisans

 13   voulaient beaucoup de choses et voulaient les traiter différemment que

 14   nous. Mais nous avons également saisi chaque occasion qui nous était donnée

 15   pour maintenir de bonnes relations avec Bihac, qui était le fer de lance du

 16   noyau du SDA. Nous voulions éviter le recours aux armes, aux tirs et à la

 17   destruction des biens parce que nous savions que nous n'avions pas joué un

 18   rôle majeur dans la résolution de la situation d'ensemble. Donc, nous

 19   voulions qu'il y ait le moins de victimes possibles et le moins de

 20   souffrances possibles parce que nous savions que c'était la seule façon de

 21   construire une Bosnie saine.

 22   Q.  Merci. Lorsque la guerre a éclaté, est-ce que vous aviez des

 23   informations sur les convois qui passaient et est-ce que vous aviez des

 24   informations sur l'abus de ces convois pour armer le 5e Corps ?

 25   R.  C'est une question assez large, je devrai répondre en plusieurs

 26   phrases. Et cette question recouvre plusieurs points.

 27   Alors, je voudrais d'abord souligner que l'aide internationale qui

 28   est arrivée dans la région de Cazin, près de Bihac, d'après nos


Page 46844

  1   informations documentées d'ailleurs, donc cette aide internationale, au

  2   lieu d'emmener du carburant et des vivres, avait transporté des munitions

  3   et des armes. Et nous avons vu des documents dans d'autres procès portés

  4   devant ce Tribunal.

  5   Et j'aimerais citer deux personnes qui y ont participé : Hajrudin

  6   Osmanovic [phon], le commandant de l'état-major de district de Bihac, et

  7   Sead Palic, un type du renseignement de Bosanska Krupa. Il est né à Osbica

  8   [phon] et il travaillait pour cette organisation d'aide humanitaire. Et

  9   lorsque nous avons trouvé ces documents, nous avons découvert ce qui était

 10   transporté en réalité. Donc, il y avait des lunettes de fusil, des

 11   munitions et des canons d'armes légères; en d'autres mots, des avoirs

 12   mortels.

 13   Mais ce n'est pas tout. A Komenici [phon], une piste était accessible

 14   en hélicoptère ou par de petits avions et on l'utilisait pour transporter

 15   des provisions destinées au 5e Corps.

 16   Les unités de la JNA passaient également par ce secteur. Et très

 17   souvent, des personnes isolées ou des petits groupes de soldats ou

 18   d'officiers étaient arrêtés et on les dépouillait de leurs armes, de leurs

 19   munitions et de leurs moyens de transport. Nous avons des éléments de

 20   preuve bien particulier pour corroborer cela. Parce que le secrétariat de

 21   l'Intérieur à Bosanska Krupa, via son service d'enquête des crimes, composé

 22   de Serbes, a entamé, je crois, une dizaine de procédures contre des

 23   personnes qui avaient commis des crimes, qui avaient détruit des biens, et

 24   cetera. Mais ces procédures n'ont jamais été terminées. Pourquoi ? Eh bien,

 25   parce que la politique du SDA décidait de tout, y compris ceux qui devaient

 26   être jugés.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 1D8890, s'il vous plaît.


Page 46845

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je vais me contenter de vous montrer un document, Monsieur Klickovic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je demanderais le versement direct du reste

  4   des documents.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Gustafson.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

  7   Je voudrais faire remarquer en ce moment-ci que ça fait une heure que l'on

  8   a un interrogatoire au principal de façon détaillée qui se passe et cela va

  9   au-delà de ce qui est contenu dans la déclaration de ce témoin. Nous

 10   n'avons pas été avertis par avance de ce qui allait se passer. Nous n'avons

 11   pas obtenu d'information pour ce qui est des notes de récolement qui

 12   auraient pu montrer que ce type d'éléments de preuve allaient être

 13   présentés. Nous n'avons pas été informés non plus du fait que ce document

 14   allait être utilisé à l'interrogatoire principal. Et ceci interdit un

 15   contre-interrogatoire de notre part et ceci porte atteinte aux évaluations

 16   que nous avions faites pour ce qui est du contre-interrogatoire. Et c'est

 17   ce type de notification qui nous est permis en application de l'article 65

 18   ter, et nous voudrions que cela ne se produise plus à l'avenir.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est tout à fait équitable.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'accepte et je reconnais que cette déclaration

 21   a été complètement massacrée et on a tout sorti. Je voulais donc présenter

 22   les éléments qui sont importants pour la présentation des éléments à

 23   décharge. Et comme cela a été biffé de la déclaration, en posant des

 24   questions générales, je me dois d'aboutir à des réponses générales qui

 25   concernent non seulement sa municipalité, mais il a été premier ministre,

 26   il a été membre du comité principal du SDA et il avait la possibilité de

 27   savoir ce qui se passait dans toute la Krajina.

 28   Donc, je m'excuse pour ce qui est de la présentation de ces


Page 46846

  1   documents. Je me propose d'en présenter encore un afin que M. Klickovic se

  2   prononce.

  3   Et j'aimerais qu'on zoome.

  4   Je voudrais que M. Klickovic nous dise de quoi il s'agit et qui

  5   envoie quoi à qui.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans jeter un coup d'œil sur ce document, ni

  7   celui-ci, ni toute une série de documents analogues, puisque cela a fait

  8   l'objet de mon procès à la cour de Bosnie-Herzégovine, je connais tous ces

  9   documents et j'en connais l'origine, et je sais comment ça s'est passé et

 10   ce qui avait été visé.

 11   Je vois ici ce qui a été envoyé, comment et à qui. A l'époque, on

 12   sait qui était commandant du 5e Corps de l'ABiH, c'était Ramiz Drekovic. On

 13   sait aussi par qui cela est passé pour Bihac. J'ai parlé de Krupa et j'ai

 14   dit que c'était Sead Palic qui en a été chargé.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Klickovic, étant donné que nous

 16   n'avons pas de traduction anglaise de ce document, nous ne savons pas du

 17   tout de quoi il s'agit. Veuillez nous dire de quoi il s'agit d'abord, et

 18   ensuite vous pouvez continuer.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

 20   Ce document parle d'approvisionnement en munitions, d'acheminement de

 21   munitions pour les besoins du 5e Corps, et il est question d'explosifs

 22   utilisés par le 5e Corps à des fins militaires et à des fins de combat.

 23   Ce document est intitulé "Secret militaire, strictement

 24   confidentiel," et c'est là le travail qui a été confié aux individus dont

 25   je viens de parler : Hajrudin Osmaganic, chef d'état-major, et son adjoint,

 26   Hadzic, qui à l'époque avait accompli ce type de tâches à Zagreb.

 27   Ils avaient quelque chose du type d'une ambassade, d'une antenne. Et

 28   le tout est adressé ou destiné à Ramiz Drekovic, commandant du 9e Corps --


Page 46847

  1   ou à son commandement à lui. Je ne pense pas qu'il ait pu disposer de tout

  2   ceci en sa qualité de commandant. On voit donc tout ce qu'on envoie au lieu

  3   d'envoyer de l'aide humanitaire. Nous avions obtenu des informations pour

  4   ce qui était de savoir qui se trouvait posté aux passages frontières du

  5   point de vue des effectifs internationaux pour laisser passer ce type de

  6   cargaison. Est-ce qu'ils savaient ce qui se trouvait dans les citernes ou

  7   pas, je ne le sais pas. Mais je sais que sous le couvert d'aide

  8   humanitaire, on envoyait ceci, on avait toléré, et il a fallu que nous nous

  9   conformions à ce qui avait été convenu afin que l'aide humanitaire destinée

 10   aux Bosniens et aux Croates passe par le territoire de nos municipalités,

 11   parce que c'était un ordre donné par M. Karadzic. Et très souvent, on a vu

 12   qu'à la place de la farine, des vivres et des médicaments, dans notre dos,

 13   on envoyait des munitions, des explosifs, du combustible pour les

 14   roquettes, et cetera. Donc, on a bon nombre de documents de ce type, et

 15   j'ai présenté personnellement un grand nombre de documents de ce type pour

 16   ma Défense devant la cour de Bosnie-Herzégovine.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire qui est-ce qui transportait ce matériel

 19   militaire ?

 20   R.  Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais tout ceci a été fait avec

 21   l'approbation de l'UNHCR et avec ceux qui avaient été sous les auspices des

 22   organisations internationales. Ce n'était pas leur propriété, mais ça

 23   portait les insignes de ces organisations internationales. Ce matériel

 24   passait sous le contrôle exclusif des éléments ou des facteurs

 25   internationaux.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au

 28   dossier, et je n'aurai plus de questions à poser à ce témoin pour ce qui


Page 46848

  1   est de mon interrogatoire au principal.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote à des

  3   fins d'identification.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D4314 MFI, Madame,

  5   Messieurs les Juges.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'imagine que l'heure est venue pour

  7   vous de commencer votre contre-interrogatoire, Madame Gustafson.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

  9   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Klickovic.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Je voudrais commencer par des éléments d'éclaircissement pour ce qui

 13   est des dates où vous avez été premier ministre.

 14   Est-il exact de dire que vous avez été premier ministre de la

 15   Republika Srpska entre à peu près mai 1996 et janvier 1998 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Dans votre déclaration, vous évoquez un document portant une variante A

 18   et B, vous en avez parlé en long et en large cet après-midi. Vous avez dit

 19   que ce document n'avait pas force d'obligation et vous avez dit, qu'en

 20   fait, cela n'avait aucune valeur à vos yeux.

 21   Alors, à Bosanska Krupa, vous avez créé une cellule de Crise partant

 22   des instructions liées aux variantes A et B, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non. Nous avons fait une cellule de Crise conformément à la Loi

 24   relative à la Défense populaire généralisée de la République socialiste de

 25   Bosnie-Herzégovine, articles 98, 99, 100, 101, 102, 103 et 104.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche la pièce 65

 27   ter 06700, s'il vous plaît.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu, je vous prie.


Page 46849

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, maintenant c'est corrigé. C'est bon. C'est

  3   bon. Je crois que le 101, 102 et 104 manquent pour ce qui est des articles.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  6   Q.  Vous pouvez voir, Monsieur Klickovic, qu'il s'agit d'un extrait d'un PV

  7   de la 3e Session de l'assemblée municipale serbe de Bosanska Krupa, de son

  8   Conseil exécutif. La date est celle du 24 décembre 1991.

  9   Vous avez présidé aux travaux et vous avez dirigé les débats. On peut

 10   voir l'ordre du jour au 3(a), mise en œuvre des instructions relatives à la

 11   création d'une cellule de Crise. En page suivante en B/C/S, vers le bas de

 12   la page en anglais, au numéro 3(a), il est dit que :

 13   "Le président a informé les personnes présentes des instructions

 14   liées à la création des cellules de Crise du SDS en Bosnie-Herzégovine

 15   conformément à ladite instruction, et on a proposé la mise en place d'une

 16   cellule de Crise. Alors, il y a eu création par la suite de cette cellule

 17   de Crise composée comme suit…"

 18   Et on va voir maintenant qui en a fait partie.

 19   Alors, il s'agit des instructions relatives à la création de cellules

 20   de Crise du SDS en Bosnie-Herzégovine, comme mentionné à la réunion. En

 21   fait, il s'agit des variantes A et B et des instructions afférentes, n'est-

 22   ce pas ?

 23   R.  Il est exact de dire qu'à l'ordre du jour c'est ce qui est dit. Mais

 24   j'avais pour mission de présenter aux membres la teneur du document qui

 25   nous est parvenu.

 26   Mais il n'en demeure pas moins que les cellules de Crise sont une catégorie

 27   prévue par la loi, il n'y a aucun dilemme. Et les présidences de Guerre,

 28   c'est également une catégorie constitutionnelle. Je vous ai dit quelles ont


Page 46850

  1   été, donc, les attributions afférentes. Et l'affiliation aux cellules de

  2   Crise est réglementée par la loi, l'article 67 de la Loi sur la Défense

  3   populaire généralisée, qui prévoit quelles sont les fonctions de la cellule

  4   de Crise. Ici, il suffit que de mettre des noms. On parle des députés, du

  5   président ou vice-président. Mais tout est réglementé par la réglementation

  6   légale en vigueur, et il n'est point nécessaire d'avoir d'autres papiers ni

  7   d'autres documents. L'instruction est arrivée, elle est venue avec un

  8   député, et moi, j'avais pour mission de présenter la teneur de cette

  9   instruction. Je leur ai fait savoir que les autres municipalités allaient

 10   faire la même chose, mais la réglementation, nous l'avions déjà à nos

 11   dispositions parce que nous avions déjà mis en place une municipalité à

 12   nous avec toutes les autorités afférentes.

 13   Q.  Ce document dit que :

 14   "Conformément à ladite instruction", donc vous êtes bien d'accord

 15   avec moi pour dire qu'il s'agit d'une instruction variante A et B, et cela

 16   se rapporte à la création de cellule de Crise, et ce qui s'est ensuivi,

 17   c'est la création de cellule de Crise.

 18   En d'autres termes, la direction municipale du SDS de Bosanska Krupa

 19   s'est conformée aux instructions des variantes A et B et a créé une cellule

 20   de Crise ?

 21   R.  Moi, je ne vois pas où on parle ici de variante A et de variante B. Il

 22   n'est pas question de variantes A et B.

 23   La réglementation prévue par la loi a prévu la création des cellules

 24   de Crise, et leur composition a été définie par la loi. Nous avions profité

 25   de la session pour dire qu'il y a eu une instruction qui nous était

 26   arrivée. Mais nous l'aurions fait quand bien même ceci ne serait pas

 27   arrivé.

 28   La situation était déjà devenue critique, nous aurions créé une


Page 46851

  1   cellule de Crise même avant si nécessaire. Mais nous avions pensé au départ

  2   qu'avec des pourparlers avec nos partenaires du SDA, nous allions surmonter

  3   les problèmes et que nous n'aurions guère besoin d'avoir une cellule de

  4   Crise.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande un versement au dossier de ce

  6   document.

  7   Et j'aimerais à présent qu'on nous affiche le document de la liste 65

  8   ter portant la référence 26007.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P6661, Madame, et

 11   Messieurs les Juges.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche la page 30

 13   de la version anglaise et la page 27 de la version en B/C/S de ce document.

 14   Q.  Monsieur Klickovic, le document que nous venons de voir s'afficher sur

 15   l'écran fait partie de la teneur de l'interview que vous eue avec le bureau

 16   du Procureur en 2003. Je vous renvoie vers le bas de la page dans votre

 17   langue, ce serait le milieu de la page en version anglaise. On vous pose

 18   des questions au sujet du document qui a été montré tout à l'heure, et on

 19   fait référence au numéro 0091-4271.

 20   Et on vous demande si vous avez eu l'occasion de le voir.

 21   Et vous avez dit que vous vous souveniez du contenu de ce document,

 22   et que c'était le moindre des problèmes, et vous vous souveniez de la

 23   teneur de ce document parce que cela découlait des instructions.

 24   Et par la suite, l'enquêteur décrit le document et dit que l'on y

 25   fait état de la création d'une cellule de Crise. "Vous êtes d'accord ?"

 26   Et vous répondez : "Oui."

 27   Alors, une fois de plus, référence est faite à des instructions, et on fait

 28   référence notamment aux instructions des variantes A et B, n'est-ce pas ?


Page 46852

  1   R.  Une fois de plus, dans cette déclaration - qui date d'il y a longtemps,

  2   et je m'en souviens bien encore - il n'est pas question de la variante A et

  3   B; la loi ne sait pas ce que c'est que la variante A et B; c'est la raison

  4   pour laquelle il n'en est pas fait mention.

  5   Moi, j'ai mentionné l'instruction devant les instances

  6   d'investigation, parce que j'ai été contraint de le faire, car ils ne

  7   voulaient pas entendre, ils n'ont jamais voulu entendre des réglementations

  8   constitutionnelles et législatives qui réglementaient la matière. J'ai

  9   essayé de le leur indiquer, mais ça ne les intéressait pas du tout. Et dès

 10   le départ, j'ai dit que ces instructions étaient un document plutôt étrange

 11   et qu'il constitue un gros abus.

 12   Q.  Page suivante, c'est dans les deux variantes, je vous prie.

 13   Vous dites que personne ne voulait entendre les raisons liées à la création

 14   de la cellule de Crise.

 15   Au haut de cette page en anglais, et en B/C/S ce sera vers le milieu

 16   de la page, on vous demande : "Quelle a été la raison de la mise en place

 17   d'une cellule de Crise ?"

 18   Et en répondant, vous dites que : "La situation du moment dans le

 19   secteur le dictait et les instructions en provenance du SDS, et notamment

 20   c'est la résultante des événements de la deuxième moitié d'octobre."

 21   Vous parlez du plébiscite et d'un mémorandum relatif à

 22   l'indépendance.

 23   Et puis vous dites que : "Suite à tous ces événements, il y a eu

 24   lesdites activités, à savoir les instructions de la part du président du

 25   parti et du Comité exécutif du parti."

 26   Alors, on vous a posé une question directe, Monsieur Klickovic, pour

 27   ce qui est des raisons de la création d'une cellule de Crise. Vous ne

 28   faites pas référence à la Loi relative à la Défense populaire  généralisée;


Page 46853

  1   vous parlez d'instructions en provenance du président et des instances

  2   exécutives du parti. Il s'agit d'une référence faite aux variantes A et B,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Moi, je ne parle pas de variantes A et B.

  5   Deuxièmement, je vous ai déjà indiqué que le fait de mentionner

  6   quelle que loi que ce soit ou quelle que réglementation que ce soit ici au

  7   bureau du Procureur ou au bureau du procureur là-bas, ça ne signifie rien

  8   du tout. La seule chose qui les intéressait, c'étaient les variantes A et

  9   B. Il est vrai que je leur ai dit que la cellule de Crise a été créée en

 10   raison de la situation sur le terrain et en raison des instructions qui

 11   nous sont venues d'en haut pour qu'il n'y ait pas d'escalade des conflits,

 12   et ce, en raison de tout ce qui s'était déjà produit. Je vous ai dit que

 13   cette instruction avait été un élément, un facteur limitatif. Et, dans

 14   l'interview que j'ai accordée à l'enquêteur du Tribunal de La Haye, j'ai

 15   bien précisé que la situation sur le terrain montrait que la crise s'était

 16   déjà installée.

 17   Et en temps de crise, d'après la loi, il est créé des cellules, des

 18   QG de crise ou des cellule de Crise.

 19   Q.  Monsieur Klickovic, nous avons vu tout à l'heure que vous avez

 20   créé à Bosanska Krupa une cellule de Crise à la date du 24 décembre 1991,

 21   quatre jours après la publication des instructions en application de la

 22   variante A et B. Et on voit dans cette interview accordée précédemment que

 23   cette cellule de Crise a été créée en application des instructions en

 24   provenance du président et du Comité exécutif du parti.

 25   Or, si vous ne me parlez pas des variantes A et B, de quelle

 26   instruction êtes-vous donc en train de parler ?

 27   R.  Je ne parle pas des variantes A et B, je n'en parlerai pas, et ça

 28   ne m'intéresse pas. Je parle de la cellule de Crise en tant qu'instance


Page 46854

  1   légalement prévue qui est prévue par les principales lois de l'Etat en

  2   place qui était reconnu par le reste du monde. Je parle d'une institution

  3   qui, en temps de crise, a pour mission de ramener la situation vers une

  4   phase préalable, parce que si on n'apporte pas de solution, ça échappe à

  5   tout contrôle. La situation est donc claire pour ce qui est de ce qui

  6   constitue matière à désaccord.

  7   Pourquoi parle-t-on du 24 ? J'aurais pu créer une cellule de Crise le

  8   19 au soir, ou alors dès que je suis arrivé de Sarajevo, mais il y a des

  9   activités de la cellule de Crise qui se sont déroulées à Bosanska Krupa

 10   avant. Il faudrait d'abord retrouver la date de la publication de l'ordre

 11   relatif à l'évacuation, à la protection de la population serbe menacée

 12   d'une rive gauche vers la rive droite, et sans qu'il y ait même cellule de

 13   Crise, cette cellule de Crise a accompli ses fonctions.

 14   On ne peut établir aucun lien entre ceci et le document que j'ai

 15   obtenu de la part du parti. Parce qu'à mes yeux, de nos jours encore, ce

 16   document ne signifie rien du tout.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande le versement de ces deux

 18   pages au dossier, de ces deux pages de l'entretien.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. 

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que pièce à conviction ayant la

 21   cote P6662.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'arrive pas à trouver dans la version en

 24   serbe ce que Mme le Procureur a dit, que quelque chose provenait du

 25   président.

 26   Parce que je ne vois pas ça dans la version en serbe, est-ce qu'on

 27   peut afficher à nouveau la version en serbe et la version en anglais de ce

 28   document.


Page 46855

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est à la ligne 20. Je ne règne pas sur

  3   le territoire de la Bosnie-Herzégovine, mais s'il s'agit du président du

  4   SDS --

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander que cela soit lu

  6   dans le document original et que l'interprète inteprète cela.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  8   Monsieur Klickovic, est-ce que vous pouvez lire cette partie ? Ce sont vos

  9   propos pour qu'on puisse entendre l'interprétation en anglais.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pensez au point 16, la situation courante

 11   GK. Est-ce qu'il faut que je lise cela ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] "La situation courante sur ce territoire et

 14   les instructions qui provenaient du SDS et des conséquences sont des

 15   événements qui se sont produits à la mi-octobre, le plébiscite du peuple

 16   serbe en tant que réaction à la proclamation de l'indépendance, à savoir en

 17   tant que réaction à l'initiative du mémorandum…"

 18   Puisqu'à l'époque l'initiative du mémorandum n'avait toujours pas été

 19   proclamée.

 20   "Et après ces événements," cette activité a été faite, "à savoir les

 21   instructions provenant des niveaux du parti et des représentants du SDS au

 22   sein des organes exécutifs d'une autorité commune."

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 11, le représentant a été interprété

 24   comme étant le président, en anglais, à la ligne 11.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit d'une situation habituelle

 27   lorsqu'il s'agit des entretiens ou on ne dispose pas de traduction mais de

 28   transcription de quelque chose qui se passait en simultané en deux langues


Page 46856

  1   et les transcriptions ne sont pas toujours exactes.

  2   Je regarde l'heure, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience. Et nous

  4   allons reprendre demain à 9 heures.

  5   Monsieur Klickovic, j'aimerais vous avertir parce que vous ne devez parler

  6   de votre témoignage avec personne pendant que vous témoignez ici.

  7   Est-ce que vous avez compris cela ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience est levée.

 10   [Le témoin quitte le prétoire]

 11   --- L'audience est levée à 14 heures 51 et reprendra le mercredi, 12

 12   février 2014, à 9 heures 00.

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28