Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 17 février 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, à tous et à toutes.

  7   Je vais demander au témoin de donner lecture du texte de la déclaration

  8   solennelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : KW586 [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir,

 14   je vous prie, et mettez-vous à l'aise, s'il vous plaît.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous faire

 16   une rectification au compte rendu, il ne s'agit pas du témoin dont le nom a

 17   été consigné.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de nous avoir rappelé la chose, Madame

 19   Edgerton.

 20   Monsieur, je suppose que vous avez bien compris que vous bénéficiez de

 21   mesures de protection ce qui fait que nous allons nous adresser à vous en

 22   utilisant un pseudonyme plutôt qu'en utilisant notre propre nom, et vous ne

 23   pourrez pas être vu par les gens qui sont à l'extérieur de ce prétoire.

 24   Nous comprenez-vous ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que de commencer nos travaux,

 27   Monsieur le Président, je me dois d'attirer votre attention sur une règle -

 28   -


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne voulais pas vous interrompre. Mais je

  4   vous demanderais un peu de patience, il doit y avoir un réexamen pour ce

  5   qui est de la notification 90(E) qui vous a été fournie un peu plus tôt. M.

  6   Reid m'a fait savoir que ça été envoyé vendredi passé et il y a une

  7   notification révisée qui a été communiquée.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ça ne m'est pas encore parvenu.

  9   Mais merci quand même.

 10   Monsieur Karadzic, commencez.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellence. Bonjour à tous et à

 12   toutes.

 13   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 15   R.  Bonjour.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à ce qu'au prétoire

 17   électronique on vous montre le 1D49080, sans pour autant qu'il y ait

 18   diffusion à l'extérieur du prétoire.

 19   A ne pas diffuser, je vous prie.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que je peux vous demander de nous dire si

 22   sous cette référence il y a bien votre vrai nom et prénom ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande un versement au dossier sous pli

 26   scellé.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier sous pli

 28   scellé.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D4372 sous pli scellé,

  2   Madame, Messieurs les Juges.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce qu'à l'attention de l'équipe de ma Défense

  6   vous auriez fait une déclaration ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Merci. Je vois que vous faites des pauses, comme il se doit, et je vous

  9   en suis reconnaissant.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on montre le 1D23231 au prétoire

 11   électronique, sans diffuser à l'extérieur du prétoire.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Voyez-vous, Monsieur, sur cet écran la première page de votre

 14   déclaration ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Certaines parties qui n'ont pas intéressées les Juges de la Chambre ont

 17   été caviardées. Je pense qu'on aurait pas dû avoir une version caviardée

 18   ici.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas, ce n'est pas ce

 20   qu'on voit.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons procédé à des expurgations,

 23   Monsieur le Président, mais il se peut que les rectifications n'aient pas

 24   été téléchargées au prétoire électronique, mais je crois que la déclaration

 25   qui a été distribuée a été distribuée avec les caviardages sur papier.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Continuons sur cette base,

 27   Madame Edgerton ? Bon.

 28   Continuez, Monsieur Karadzic.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Je vous demande, Monsieur le Témoin, de nous dire si vous avez relu et

  4   signé cette déclaration ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche la dernière

  8   page.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Au bas de la page, c'est votre signature qu'on voit, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  C'est bien cela, c'est bien votre signature ?

 13   R.  Oui, oui.

 14   Q.  Merci. Est-ce que cette déclaration reflète fidèlement ce que vous avez

 15   dit à l'équipe de ma Défense ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci. Si aujourd'hui dans le prétoire je venais à vous poser les mêmes

 18   questions, vos réponses, en substance, seraient-elles les mêmes ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 22   déclaration en application de l'article 92 ter.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,

 24   Madame Edgerton ?

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, avez-vous demandé un

 27   versement au dossier de la version confidentielle seule ou est-ce que vous

 28   voulez verser la version publique expurgée ?


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'on peut

  2   demander un versement au dossier la version publique, mais expurgée.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  4   Ce sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le 65 ter 1D23231

  6   deviendra la pièce à conviction D4373 sous pli scellé, et la version

  7   expurgée rendue publique deviendra la pièce à conviction D4374.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Je vais donner lecture d'un bref résumé de la déclaration de ce témoin.

 11   Le Témoin KW586 était membre d'une unité de l'armée bosnienne qui

 12   s'appelait Biseri. La mission de cette unité consistait à protéger la

 13   présidence, les membres de la présidence, et leurs familles respectives.

 14   Pendant ses relèves, le KW586 était constamment avec le président

 15   Izetbegovic et il était présent à l'occasion de bon nombre de réunions

 16   secrètes qui se sont tenues dans le sous-sol de la Banque nationale. Ont

 17   participé à ces réunions les chefs militaires et politiques, tout comme le

 18   fils de Izetbegovic, Bakir; ensuite le beau-frère d'Izetbegovic, Jasmin; et

 19   le Reis-ul-ulema Ceric qui avait exercé la plus grande des influences à

 20   l'égard du président parce que ce dernier était un croyant et avait

 21   beaucoup de respect pour le Reis-ul-ulema.

 22   A l'occasion d'une première réunion, il a été présent en tant que garde du

 23   corps, KW586 a entendu dire que l'objectif du président Izetbegovic et des

 24   autres leaders avait été de faire en sorte que la communauté internationale

 25   s'implique militairement en Bosnie-Herzégovine du côté bosnien. Pour

 26   réaliser cet objectif, ils ont décidé de mettre en œuvre une tactique qui

 27   consistait à faire souffrir en masse la population bosnienne et a provoqué

 28   les tirs pour occasionner des dégâts sur les bâtiments tels qu'hôpitaux et


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  1   autres. Ils ont convenu de provoquer les Serbes qui avaient beaucoup

  2   d'artillerie sur les positions autour de Sarajevo, afin que ceci se

  3   traduise par des pilonnages qui, en retour, deviendrait quelque chose

  4   d'utiliser contre eux par les soins de la communauté internationale. A

  5   chaque fois qu'il y avait des pilonnages de provoqués aux endroits où il y

  6   aurait des civils de blessés, il y avait à proximité des équipes de

  7   télévision et des journalistes.

  8   Qui plus est, de petites unités étaient censées faire des incursions dans

  9   les secteurs habités par des Serbes pour s'attaquer à la population civile

 10   aux fins de parvenir ou de susciter des réactions de la part des forces

 11   serbes. Cette stratégie impliquait l'utilisation d'unités avec des

 12   commandants locaux qui étaient auparavant des criminels tels que Juka

 13   Prazina, Caco, Celo Bajramovic, et autres. Ces hommes étaient censés faire

 14   le sale boulot, le plus possible de sale boulot à Sarajevo contre les

 15   Serbes avant que de créer des unités régulières avec un commandement

 16   conjoint afin que leurs activités puissent être qualifiées de crime et des

 17   représailles, et le président Izetbegovic ne serait pas tenu responsable de

 18   la chose.

 19   La trêve entre les Musulmans et les Croates juste avant les accords

 20   de Washington avait été conditionnée par de grandes quantités d'armes qui

 21   étaient censées parvenir aux Musulmans et qui se trouvaient à Split au bord

 22   de la Méditerranée, et passaient en Bosnie-Herzégovine pour parvenir à

 23   Sarajevo. En sus des armes qui ont été transportées depuis la Croatie vers

 24   la Bosnie à bord de camions remorques, les armes étaient normalement

 25   emballées avec des vêtements et des vivres qui étaient fournis en tant

 26   qu'aide humanitaire.

 27   En printemps 1994, le président Izetbegovic et le Reis-ul-ulema Ceric

 28   ont rencontré Naser Oric pour lui rappeler l'importance de la provocation


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  1   d'une intervention internationale en Bosnie-Herzégovine. Ils ont suggéré à

  2   Oric d'organiser de petits groups de combat qui quitteraient les zones

  3   protégées sans que la FORPRONU ne le sache et qui engageraient des

  4   activités de combat contre les civils dans les communautés habitées par des

  5   Serbes afin de susciter les forces serbes afin qu'il y ait représailles et

  6   pilonnages de zones protégées. Les victimes ne comptaient pas, d'après le

  7   Reis-ul-ulema Ceric qui disait souvent cela : Ils sont en train de mourir

  8   pour une cause juste, et ils sont sur la voie du Seigneur.

  9   Peu de temps après le fait d'avoir entendu cette conversation, KW586

 10   a vu arriver des nouvelles qui parlaient du pilonnage de Srebrenica par les

 11   forces serbes. On parlait également du fait que les forces musulmanes

 12   avaient pilonné certaines parties de Srebrenica pour que le doigt soit

 13   pointé contre les Serbes. La mise en œuvre de cette tactique convenue pour

 14   ce qui est de susciter en permanence les représailles de la partie adverse

 15   afin de faire en sorte que la communauté internationale fasse porter le

 16   blâme aux Serbes, y compris la mise en place d'incidents qui se

 17   produisaient juste avant ou pendant les visites des représentants officiels

 18   de la communauté internationale.

 19   Pour ce qui est du premier incident de Markale, le Témoin KW586 a

 20   personnellement entendu le président Izetbegovic, le Reis-ul-ulema Ceric,

 21   et autres personnes présentes à la banque parler de ce qui se produirait si

 22   un obus tombait sur Markale, parce que le marché était plein de gens. Deux

 23   ou trois jours après cette réunion, un obus est justement tombé sur le

 24   marché de Markale.

 25   Ceci constituerait un bref résumé de la déclaration du témoin. J'aimerais

 26   maintenant lui poser un certain nombre de questions.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on montre au témoin, sans qu'il


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  1   y ait diffusion vers l'extérieur, la pièce 1D8841.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, pouvez-vous nous dire ce que nous voyons ici ?

  4   R.  C'est une pièce d'identité officielle, probablement la mienne, de la

  5   police de Bosnie-Herzégovine. Une pièce d'identité officielle de la police

  6   de Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Donc c'est le secrétariat à l'intérieur; c'est cela ?

  8   R.  Oui.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît, sans diffuser

 10   vers l'extérieur, bien entendu.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous aider à ce sujet ?

 13   R.  Oui, c'est mon nom et mon prénom. Ma photo aussi. C'est ma carte

 14   d'identité officielle.

 15   Q.  Est-ce qu'elle est renouvelée de temps en temps, cette carte d'identité

 16   ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier sous pli

 20   scellé.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections, Madame Edgerton

 22   ?

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça sera versé au dossier.

 25   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons besoin d'une

 27   traduction ? Oui ? Ce sera une cote à des fins d'identification sous pli

 28   scellé.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI 4375 sous pli

  2   scellé, Messieurs les Juges.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Je demande maintenant à ce qu'on présente au témoin le 1D8842, s'il vous

  5   plaît, sans diffusion vers l'extérieur.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Veuillez nous dire ce que ceci est.

  8   R.  C'est mon accréditation pour ce qui est de l'unité de la sécurisation

  9   de la présidence et du président.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît, pour voir

 12   l'autre côté de cette pièce.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Ça, c'est l'autre face de cette pièce d'identité ?

 15   R.  Oui, c'est le sigle de la police de Bosnie-Herzégovine.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier sous pli

 18   scellé.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI D4376, sous

 21   pli scellé.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais maintenant le 1D8840, sans

 23   diffusion vers l'extérieur du prétoire.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire, je vous prie, ce que ce

 26   document représente ?

 27   R.  C'est une pièce d'accréditation d'une organisation humanitaire, le

 28   UNHCR. C'est là que j'allais chercher du carburant, des vivres, et de tout


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  1   ce qu'il fallait pour notre unité. Cette pièce d'identité était en

  2   possession de plusieurs membres de notre unité.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Merci. Ici, nous avons le texte traduit, le texte du haut correspond au

  7   texte qui se trouve en bas dans notre langue, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 11   pièce sous pli scellé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera admis.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D4377 sous pli scellé,

 14   Madame, Messieurs les Juges.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire de quand à quand vous avez

 18   fait partie des rangs de cette unité chargée de la protection de la

 19   présidence et des membres de cette présidence et de leurs familles

 20   respectives ?

 21   R.  A peu près deux ans, entre avril ou mai 1992 et mai 1994.

 22   Q.  Merci. Jusqu'à quand le président Izetbegovic a-t-il utilisé les abris

 23   de la banque ?

 24   R.  Pour autant que je le sache, pendant que je me suis trouvé là-bas, lui,

 25   il se trouvait dans cette banque. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu un

 26   déménagement pendant que je me trouvais là-bas.

 27   Q.  Merci. Nous avons reçu un document de la part du gouvernement de la

 28   Bosnie-Herzégovine, où il est dit qu'il s'est servi de la banque jusqu'en


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  1   juin 1993. Laquelle des informations est exacte; ce que vous nous avez dit,

  2   ou ce qui figure dans ce courrier ?

  3   R.  Pour autant que moi je le sache, il ne s'est pas déplacé de là-bas tant

  4   que je me suis trouvé là.

  5   Q.  Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on montre au témoin le 1D8845 à

  7   présent, s'il vous plaît.

  8   Sans diffuser vers l'extérieur, bien entendu. Toutes les pièces qui seront

  9   montrées ne doivent pas être diffusées vers l'extérieur.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce n'est pas diffusé, Monsieur

 11   Karadzic.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Pendant que nous sommes en train d'attendre, pouvez-vous nous dire,

 15   Monsieur le Témoin, si après la guerre vous avez eu des problèmes de santé;

 16   et si oui, lesquels ?

 17   R.  J'ai eu un AVC en 2001.

 18   Q.  Merci. Y a-t-il eu des séquelles; et si oui, lesquelles ?

 19   R.  J'ai encore des séquelles au niveau de la jambe et du bras, une espèce

 20   de douleur, mais sans plus.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut placer maintenant un document

 23   sur le rétroprojecteur, parce que nous ne l'avons pas, je pense, sur le

 24   prétoire électronique ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 26   Nous l'avons maintenant au prétoire électronique.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, merci. C'est bien.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Je vais maintenant donner lecture de ce qui est dit, il s'agit d'une

  2   demande d'assistance - sans diffuser - on donne votre nom, je vais donner

  3   lecture en anglais afin que l'on puisse vous le traduire : 

  4   Le témoin "est un chauffeur qualifié. Entre le 20 mai 1992 et le 12 mai

  5   1994," ce témoin "a été membre d'une unité de protection des gens et des

  6   installations … du ministère de l'Intérieur de la République de Bosnie-

  7   Herzégovine. Partant d'une décision rendue par le ministère de l'Intérieur

  8   de la République de Bosnie-Herzégovine," à la date indiquée, ledit témoin

  9   "a été policier de la réserve faisant partie de l'unité chargée de la

 10   protection des personnes et des installations, et à compter du 1er

 11   septembre, il a reçu un grade de sergent…"

 12   Ce témoin "a été membre du 5e Département de la police au ministère de

 13   l'Intérieur de la République de Bosnie-Herzégovine à compter du 12 mai

 14   1994.

 15   "Pour finir," ledit témoin "a fait partie de l'unité 'Biseri' pendant toute

 16   la guerre en Bosnie-Herzégovine, et ladite unité était chargée de la

 17   protection de la présidence de Bosnie-Herzégovine."

 18   Alors, ces renseignements correspondent-ils à ce que vous savez nous dire ?

 19   Est-ce d'abord exact, tout ceci ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande un versement au dossier de cette

 23   pièce sous pli scellé.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose ?

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Mais certainement, allez-y.

 27   R.  Cette unité Biseri existait même un peu avant. Il s'est passé une

 28   vingtaine de jours à partir de la création de l'unité, parce que nous avons


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  1   mis en place une base au niveau de l'école et il est arrivé de nouveaux

  2   membres. Biseri, ça a donc existé 20 jours avant, mais la reconnaissance de

  3   son existence est celle de la date qui est indiquée ici.

  4   Q.  Merci de cette explication.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D4378, sous pli scellé.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 10   Madame Edgerton.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 12   Contre-interrogatoire par Mme Edgerton :

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   Q.  Monsieur le Témoin, nous nous sommes rencontrés jeudi [comme

 22   interprété], n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et je voulais vous poser quelques questions au sujet des informations

 25   que vous nous avez données samedi pour confirmer certaines informations,

 26   mais peut-être que vous pourriez fermer ce que vous avez sur le bureau,

 27   comme ça vous n'êtes pas distrait.

 28   Tout d'abord, vous avez eu un AVC, vous en avez parlé au Dr Karadzic, et


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  1   depuis vous avez des problèmes de mémoire, n'est-ce pas, parce que samedi

  2   vous nous avez dit que vous ne vous souveniez pas très bien des dates ?

  3   R.  Non, non, non. Non, non. C'est de façon générale. Dans la guerre, on ne

  4   savait de toute façon pas quelle date on est. C'était la guerre. Vous

  5   savez, on ne lisait pas la presse. On essayait de survivre, c'est tout.

  6   Cela n'a rien à voir. A l'époque où je vivais là-bas, je ne savais pas

  7   quelle date on était. Tout ce que je voulais c'était survivre. C'est tout.

  8   Q.  Survivre à quoi ?

  9   R.  Le pilonnage, les bombardements. Vous savez très bien.

 10   Q.  Bien. Mais pour revenir sur la question, il est vrai, n'est-ce pas, que

 11   samedi vous nous avez dit que vous ne vous souveniez pas des dates et que

 12   si on vous posait la question sur les dates, que vous ne vous rappelleriez

 13   pas ces dates ? C'est exact, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Mais c'est uniquement pour les dates pendant la guerre, pas après.

 15   Parce que vous savez, cet accident cardiovasculaire, je l'ai eu bien plus

 16   tard. Je l'ai eu en 2001. Donc, cela concerne uniquement les dates qui ont

 17   eu lieu pendant la guerre.

 18   Q.  Est-ce que vous avez travaillé depuis que vous avez eu votre accident

 19   cardiovasculaire ?

 20   R.  Vous voulez dire dans l'entreprise où je travaillais 

 21   avant ?

 22   Q.  Mais après, vous avez travaillé pendant un moment, n'est-ce pas, même

 23   après votre AVC ?

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé) mais après mon accident cérébrovasculaire, je n'ai pas

 27   continué à travailler. J'ai pris ma retraite.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on expurge les lignes 7


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  1   et 8.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord, on peut le faire, par

  3   prudence.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation]

  5   Q.  Donc, vous n'avez pas travaillé depuis au moins 2001, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non. Je n'ai pas travaillé du tout depuis 2001. J'ai pris ma retraite.

  7   Q.  Mais vous avez bien regardé ce procès ? Vous l'avez suivi à la télé,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, ce n'est pas vrai. J'ai dit tout simplement que là-bas aussi, à la

 10   télé, on peut suivre le procès. Mais je n'ai pas dit que moi, j'ai suivi le

 11   procès. Autrement dit, les gens là-bas sont au courant des événements, ils

 12   savent ce qui se passe ici.

 13   Q.  Bien. Quand on vous a demandé comment vous êtes entré en contact avec

 14   l'équipe de la Défense de M. Karadzic, vous avez dit que vous saviez quels

 15   étaient ces gens qui faisaient partie de son équipe de Défense vu que vous

 16   avez passé beaucoup de temps à suivre le procès sur la télévision BN et que

 17   vous avez pu reconnaître les conseils de M. Karadzic, l'équipe qui fait

 18   partie de sa défense. C'est ce que vous nous avez dit ?

 19   R.  Non, non. J'ai dit que de temps en temps, de temps en temps, j'ai suivi

 20   le procès. Nous savons tous qui est accusé et qui n'est pas accusé,

 21   puisque, vous savez, on en parle tout le temps. Et donc, que vous le voulez

 22   ou non, vous êtes au courant. Cela étant dit, cela ne me dérange pas de

 23   dire que j'ai suivi ce qui se passe; mais non, ce n'est pas le cas.

 24   Q.  Et c'est comme cela que vous saviez qui étaient, donc, ces conseils et

 25   c'est comme cela que vous êtes allé contacter M. Petronijevic, qui est ici

 26   ?

 27   R.  Oui, parce qu'il est sans arrêt à la télé. On le voit tout le temps à

 28   la télé.


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  1   Q.  Donc, ce n'est pas lui qui est allé vous chercher pour que vous alliez

  2   déposer; c'est lui qui vous a trouvé [comme interprété] ?

  3   R.  Oui.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer en audience à huis

  5   clos partiel.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

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 19   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   Mme EDGERTON : [interprétation]

 28   Q.  Vous nous avez expliqué que quand vous êtes allé en Allemagne après


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  1   avoir quitté Sarajevo, que vous n'êtes resté en Allemagne qu'un mois à peu

  2   près, pas plus; est-ce exact ?

  3   R.  Un mois, deux mois. Je ne sais pas si c'est vraiment important, mais

  4   oui, c'est à peu près cela. Mais comme je n'ai pas pu faire valoir mes

  5   droits là-bas, je suis parti en Belgique.

  6   Q.  Donc, vous n'avez jamais demandé le statut de réfugié ou vous n'avez

  7   jamais demandé l'asile en Allemagne ?

  8   R.  Non, que je le sache, mais vous savez que c'est ma sœur qui s'est

  9   occupée de tout cela. C'est elle qui est allée à droite et à gauche pour

 10   essayer de me trouver une possibilité de rester. Donc, je pense que non,

 11   mais bon, je ne sais pas ce qu'elle a fait. Elle a tout fait pour essayer

 12   de me faire rester là-bas.

 13   Q.  Donc, vous n'êtes pas en mesure de nous confirmer si vous avez demandé

 14   l'asile ou non. C'est ce que vous nous dites ?

 15   R.  Ecoutez, je ne sais pas ce qu'elle a demandé, est-ce qu'elle a demandé

 16   que je bénéficie d'un droit d'asile ou bien tout simplement d'un permis de

 17   séjour, je ne sais pas. Je sais qu'elle s'est rendue dans plusieurs

 18   municipalités pour essayer de me faire rester, mais je suis arrivé un peu

 19   tard. Donc, c'était un peu tard pour recueillir des réfugiés, parce qu'il y

 20   en avait déjà qu'ils renvoyaient chez eux au moment où je suis arrivé.

 21   Q.  Si ce que vous dites est vrai, c'est très important concernant le

 22   complot qui aurait pu avoir un effet sur l'équilibre des forces, enfin sur

 23   ce qui se passe sur le terrain jusqu'à la fin de la guerre. Et c'est

 24   quelque chose qui aurait pu aussi influencer ou avoir un rôle à jouer dans

 25   votre possibilité de rester en Allemagne, et vous n'avez jamais dit cela

 26   aux autorités en Allemagne ?

 27   R.  Non. Je n'ai jamais parlé de la guerre en Allemagne, ni avec les

 28   civils.


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  1   Q.  Attendez. Ce que vous nous racontez aujourd'hui, là on a vraiment

  2   l'impression que c'est une théorie de complot de la guerre et qui implique

  3   tout le monde; les dirigeants politiques, les dirigeants militaires, les

  4   médias. Si ce que vous dites correspond à la vérité, eh bien, cette version

  5   des événements, cette histoire aurait pu empêcher que des gens se fassent

  6   tuer à Sarajevo, ou bien que les gens se fassent tuer à Srebrenica, et vous

  7   pensez que ce n'était pas important de raconter cela à tout le monde dès

  8   votre arrivée en Allemagne ?

  9   R.  Non. Etre ou ne pas être, est la question. En fait, au début, je ne me

 10   suis même pas dit que je devais parler, parce que des deux côtés, les mêmes

 11   choses se passaient. L'autre camp faisait ce que nous faisions, et vice

 12   versa, donc il y avait un équilibre. Mais après la guerre, lorsque j'ai

 13   constaté que les mêmes gangs étaient en train de faire la loi à Sarajevo,

 14   comme pendant la guerre, alors que la guerre était terminée et que l'on

 15   accusait d'autres personnes de leurs agissements, je me suis rendu compte

 16   qu'il n'y avait plus d'équilibre et qu'il fallait prendre ses

 17   responsabilités. Donc, lorsque je me suis rendu compte de cette injustice,

 18   j'ai changé d'avis. Même à ce moment-là, vous savez, c'est très difficile

 19   de jeter la pierre sur les vôtres. Je ne le souhaite à personne, mais

 20   parfois il faut le faire.

 21   Q.  Si cela aurait pu sauver les vies des vôtres, est-ce que vous ne pensez

 22   pas que cela valait la peine de le dire il y a 20 ans lorsque vous êtes

 23   arrivé en Europe pour la première fois ?

 24   R.  Je viens de vous le dire. Je ne sais pas si c'était bien ou mal, mais à

 25   l'époque je n'étais pas convaincu de devoir le faire. En fait, je ne

 26   pensais même pas. Je n'envisageais même pas la possibilité de parler ou

 27   pas. Tout était très frais dans ma tête et mon seul souci, c'était de

 28   m'échapper de là, de trouver un refuge à ma famille et de m'enfuir le plus


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  1   loin possible de la guerre. Donc, je n'ai vraiment pas réfléchi. A

  2   l'époque, le Tribunal de La Haye n'existait même pas, donc je ne me suis

  3   même pas dit que je devais faire quelque chose de cette histoire. Je n'ai

  4   même pas pensé. Je voulais juste avoir la paix, trouver mon équilibre

  5   spirituel, mental, améliorer ma santé, reprendre du poids. Je ne pensais

  6   même pas à ce qui était bon ou mal, pas pendant ces années en tout cas. Ce

  7   n'est que plus tard, lorsque j'ai vu que certains étaient jugés pour des

  8   crimes qu'ils n'avaient pas commis, alors que les autres, les véritables

  9   auteurs n'étaient pas jugés, que je me suis dit qu'il fallait que des

 10   responsabilités soient prises, et c'est là que je suis revenu.

 11   Q.  Mais un ou deux mois après votre arrivée en Allemagne, vous êtes parti

 12   en Belgique. C'est ce que vous nous avez dit samedi, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et vous y êtes resté là-bas pendant cinq ans, quatre ans et demi à cinq

 15   ans, à moins de 200 kilomètres de ce Tribunal, et vous n'avez jamais dit

 16   aux autorités belges que ce grand complot existait ?

 17   R.  Non, mais je vous le dis maintenant. A ce moment-là, je ne voulais

 18   qu'avoir la paix. Je ne pensais qu'à mon intérêt personnel. Vous pouvez me

 19   critiquer autant que vous voulez, mais ça ne m'a jamais traversé l'esprit.

 20   Et puis, il y a une autre raison, celle que je viens de vous expliquer,

 21   prendre ses responsabilités. Personne à l'époque n'avait été accusé. Les

 22   décisions de justice sont venues plus tard. Et je pense qu'il faut que

 23   chacun prenne ses responsabilités, y compris M. Karadzic. S'il est

 24   coupable, il faut le juger, mais ne lui attribuons pas des méfaits qu'il

 25   n'a pas commis non plus. Pendant ces années-là, je n'avais même pas pensé à

 26   témoigner, à prendre la parole. Ce n'est que lorsque ces jugements ont été

 27   rendus que j'ai commencé à y réfléchir. Et j'ai constaté aussi que pendant

 28   ces 20 années, ce gang continuait à opérer et qu'ils étaient intouchables.


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  1   Et c'est pour cela que je l'ai fait par la suite, pas au début.

  2   Q.  Alors, si ce que vous êtes en train de nous dire est vrai, vous pensiez

  3   que vous n'aviez pas tous vos esprits pendant ces cinq années en Belgique -

  4   -

  5   R.  Non, non, non, non. Ne dites pas que je n'avais pas tous mes esprits.

  6   Je ne pensais pas à la guerre, à La Haye. Je voulais juste m'éloigner de

  7   tout cela et être le plus loin possible de tout cela.

  8   Q.  Et sacrifier le peuple que vous avez laissé derrière vous lorsque vous

  9   avez quitté et fui Sarajevo; c'est ce que vous avez fait ?

 10   R.  Oui, je m'attendais à ce que vous disiez cela. Je n'aurais rien pu

 11   changer. Mais bon, si vous le dites…

 12   Q.  Donc, deux mois après votre départ d'Allemagne, il y avait des gens sur

 13   le terrain ici à La Haye, dans ce Tribunal. Pendant toute la durée de votre

 14   séjour en Belgique, le Tribunal fonctionnait. Et vous avez vu probablement

 15   le Dr Karadzic et le général Mladic pendant que vous étiez en Belgique,

 16   vous avez vu que ces personnes-là se sont vues délivrer un acte

 17   d'accusation contre eux pour avoir tué et terrorisé les civils à Sarajevo,

 18   pour avoir bombardé et opéré des tirs isolés et pour les meurtres de

 19   Srebrenica, et vous vous êtes contenté de rester là-bas, sans rien faire ?

 20   R.  Oui, je suis resté là-bas.

 21   Q.  Et vous ne vous êtes pas dit que cette histoire était suffisamment

 22   importante pour monter dans un train, voyager pendant une heure et demie et

 23   raconter ici au Tribunal ce que vous aviez 

 24   vécu ?

 25   R.  Alors, tout d'abord, je vous dis que je n'ai pas suivi de près les

 26   actualités, donc je n'étais pas très bien informé sur ce qu'il se passait à

 27   La Haye. Et même si j'avais été informé, à ce moment-là, cela ne

 28   m'intéressait pas beaucoup. Ce n'est que lorsque les décisions de justice


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  1   ont été rendues que je me suis rendu compte que certaines personnes avaient

  2   été condamnées alors qu'elles n'avaient rien fait, et je me suis dit que

  3   les vrais responsables devaient être jugés. Mais cela est arrivé plus tard,

  4   que lorsque je suis retourné en Bosnie, que je me suis rendu compte que ces

  5   malfaiteurs n'avaient pas été jugés. Pendant que j'étais en Belgique, je

  6   n'ai jamais pensé à aller voir qui que ce soit. J'essayais d'oublier tout

  7   cela. Ce n'est qu'à mon retour à Sarajevo, lorsque j'ai vu que ces mêmes

  8   personnes continuaient à piller et qu'elles avaient toute liberté de le

  9   faire, que je me suis révolté de nouveau. Voilà comment les choses se sont

 10   passées. Pendant que j'étais en Belgique, je n'y ai jamais pensé.

 11   Q.  Alors, lorsque vous êtes retourné à Sarajevo, comme vous nous l'avez

 12   dit samedi, en 1999, ces personnes que vous avez mentionnées dans votre

 13   déclaration - et je vais vous donner deux exemples - Sefer Halilovic était

 14   l'un d'entre eux, avait été jugé en 2005 au Tribunal, et vous n'êtes pas

 15   venu. Naser Oric, vous en parlez beaucoup dans votre déclaration, il a été

 16   jugé en 2006 également, et votre histoire aurait pu changer le cours de son

 17   procès, mais vous n'êtes pas venu. Vous ne vous êtes pas exprimé, et ce,

 18   parce que, Monsieur le Témoin, vous ne pensiez qu'à vous-même, tout comme

 19   vous n'êtes en train de penser qu'à vous-même aujourd'hui après 20 ans.

 20   C'est cela la vérité, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non.

 22   Je ne sais pas -- merci. Non, ce n'est pas vrai. Pour bien comprendre

 23   tout cela, il faut avoir vécu en Bosnie. Vers l'an 2000, j'ai voulu venir

 24   ici pour la première fois, et je l'ai dit à certaines personnes, j'ai dit

 25   que j'avais l'intention de faire une déclaration contre tout ce qu'il se

 26   passait là-bas, pour dénoncer tout cela. Et au fur et à mesure que je le

 27   communiquais à d'autres personnes, certaines personnes étaient d'accord

 28   avec moi, mais très peu de ces personnes sont venues pour déposer. Elles


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  1   avaient peur principalement parce qu'elles avaient des familles, des

  2   enfants et qu'elles n'osaient pas, elles avaient peur des représailles.

  3   J'ai --

  4   Q.  Je ne vous pose pas de questions sur les autres; je vous pose des

  5   questions sur vous. Vous n'êtes pas venu -- Monsieur le Témoin, vous

  6   bénéficiez de mesures de protection. Essayons de ne pas nous interrompre.

  7   Vous n'êtes pas venu déposer dans le procès de Naser Oric parce que vous

  8   êtes en train de tout inventer.

  9   R.  Non, pas du tout. Vous pouvez interpréter cela comme vous le voulez,

 10   que j'aie raison ou tort, libre à vous. Mais ce que je vous ai dit, c'est

 11   la vérité. Et si vous me le permettez, je vais continuer à vous expliquer

 12   ce que je vous ai expliqué il y a quelques instants. J'ai voulu venir ici

 13   pour la première fois en 2000, et j'en avais parlé à d'autres personnes, et

 14   toutes ces personnes m'ont dit que certes, il y avait une injustice, mais

 15   aucune d'entre elles n'a voulu déposer. J'espère qu'après ma déposition

 16   plus de gens viendront, ne serait-ce qu'une ou deux personnes, et que tout

 17   cela aura une utilité; sinon, on ne pourra jamais se débarrasser de ce gang

 18   là-bas. Mais j'ai voulu venir en 2000, (expurgé)

 19   (expurgé) J'ai dit que je voulais déposer. Et il m'a

 20   répondu qu'il allait relayer cette information. Et le lendemain, autour de

 21   mon appartement, il y avait des jeeps. On m'a menacé. On est venu me dire :

 22   Qu'est-ce que tu crois que tu es en train de faire, espèce de singe ? T'as

 23   envie de mourir ? Tu veux jouer avec ta vie, espèce d'imbécile ? Voilà ce

 24   qu'on m'a dit.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faudrait expurger le nom qui est mentionné

 26   aux lignes 9 et 10.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] 


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, vous ne pouvez même pas être cohérent dans votre

  2   histoire entre samedi et aujourd'hui. Samedi dernier, vous avez dit à mon

  3   collègue qui vous a interviewé exactement la même histoire, mais vous avez

  4   dit que tout cela s'était passé en 2012 et pas en 2000.

  5   R.  Mais vous avez mal compris tout cela. Je me souviens très bien de ce

  6   que j'ai dit, et j'ai dit la même chose que ce que je vous dis maintenant.

  7   Pour le reste, pour l'année 2012, je me souviens très bien de ce que j'ai

  8   dit à ce propos. En 2001, j'ai voulu déposer et on m'a empêché de le faire,

  9   et ensuite j'ai eu mon attaque, donc je n'ai pas pu venir déposer. Mais

 10   lorsque j'ai récupéré de mon attaque, lorsque j'étais guéri, je l'ai fait -

 11   - et vous voyez que j'éprouve encore quelques difficultés, j'ai du mal à me

 12   déplacer même encore aujourd'hui. Mais j'ai parlé. Et c'est la raison pour

 13   laquelle je n'ai pas pu déposer à temps dans l'affaire Oric et dans

 14   l'affaire Halilovic, c'est la seule raison. Et je m'en souviens très, très

 15   bien de ce que j'ai dit parce que c'est la vérité.

 16   Q.  Samedi, on ne vous a pas posé de questions sur 2000 ou 2001; on vous a

 17   posé des questions sur l'affaire Oric et l'affaire Halilovic en 2006. Et

 18   vous avez déclaré samedi que vous aviez raconté cette histoire en 2012

 19   uniquement à votre cousin, que vous ne l'aviez racontée qu'à une seule

 20   personne, et que vous pensiez qu'il l'avait dit à quelqu'un parce

 21   qu'immédiatement après vous aviez vu des jeeps près de votre appartement.

 22   Et puis juste ensuite, je vous ai demandé à qui il avait raconté cela, et

 23   vous avez répondu que vous n'en aviez aucune idée. Vous ne pouvez pas me

 24   dire à qui il a raconté cela, vous ne pouvez pas me dire quand cela s'est

 25   passé, vous ne pouvez pas me dire où il l'a dit, parce qu'en fait, tout

 26   cela n'a jamais eu lieu, Monsieur ?

 27   R.  Non, ce n'est pas vrai. Vous êtes en train de tout transformer. Peut-

 28   être que je vous ai mal comprise à ce moment-là, mais je sais très bien ce


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  1   que je suis en train de vous dire maintenant. C'est arrivé, oui. Et les

  2   choses se sont passées comme je l'ai dit dans ma déclaration, et vous ne

  3   m'avez pas permis d'en dire davantage. Lorsque j'ai voulu plus en discuter

  4   samedi, vous m'avez dit : Passons à autre chose.

  5   Q.  Alors, dites-nous maintenant à qui votre cousin a raconté cela.

  6   R.  A qui il l'a raconté ? Mais comment pourrais-je le savoir ? Moi, tout

  7   ce que je sais, c'est que ce gang est très, très bien organisé, et très

  8   rapidement ils ont fait appel à leurs hommes de main. Peut-être qu'il y a

  9   eu connivence. Mais tout ce que je sais, c'est que la veille il n'avait pas

 10   de jeeps, et le lendemain des jeeps se trouvaient devant mon appartement,

 11   on m'a menacé, et moi, je n'avais raconté cela qu'à mon cousin.

 12   Q.  Monsieur le Témoin, depuis les années 1990 ce Tribunal a une antenne à

 13   Sarajevo ouverte au public dans un bâtiment protégé. Le personnel du bureau

 14   à Sarajevo compte des membres du personnel qui sont habitués à la

 15   protection des témoins, qui ont reçu une formation à ce sujet, et pendant

 16   les 13 années où vous avez vécu en Bosnie, vous n'avez jamais raconté cette

 17   histoire de complot énorme ? Vous n'êtes jamais allé les voir là-bas ?

 18   R.  Non, non. Je ne l'ai jamais fait, non. Vous voulez que je vous fasse un

 19   commentaire ?

 20   Q.  Je voudrais aborder un autre sujet dont nous avons parlé samedi.

 21   Samedi, vous avez confirmé, n'est-ce pas, que vous n'étiez pas l'un des

 22   gardes du corps du président Izetbegovic ?

 23   R.  Alors, ce terme, "garde du corps" est erroné. Moi, je l'escortais.

 24   Q.  Et le président participait à de nombreuses réunions, des réunions dont

 25   vous n'étiez pas au courant ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Parce que vous n'étiez pas avec lui en permanence ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et vous savez que si des informations, des fuites, des questions

  2   sensibles l'avaient inquiété, ces réunions se seraient tenues à huis clos

  3   pour que personne n'entende ce qu'il s'y disait. Vous auriez été au courant

  4   ?

  5   R.  Non, ce n'est pas vrai. Cette pièce --

  6   Q.  Monsieur le Témoin, vous le savez parce que dans votre déclaration vous

  7   décrivez ce genre de réunion. C'est ce que le président faisait. S'il

  8   parlait d'information très sensible, les réunions se tiendraient à huis

  9   clos, tout comme celle que vous avez expliquée avec le président Tudjman

 10   dans votre déclaration.

 11   R.  Tudjman n'est jamais allé dans cette salle à la banque. Tudjman était à

 12   la présidence, et c'est quelque chose de totalement différent. Vous

 13   mélangez deux choses, là. Dans cette pièce-là où Izetbegovic vivait, dans

 14   le sous-sol de la banque, les personnes que j'ai mentionnées sont venues,

 15   Sefer, Bakir, Talijan. Mais la réunion avec Tudjman c'était une visite

 16   officielle, et cette réunion-là a eu lieu à la présidence. Cela n'a rien à

 17   voir avec l'autre pièce. Et je n'ai rien à dire à ce sujet. Par contre,

 18   pour les réunions qui se tenaient dans le sous-sol de la banque, des

 19   décisions étaient prises. Je ne sais pas si on me cachait cela. Mais je

 20   crois qu'on me faisait confiance.

 21   Et j'entendais chaque mot prononcé. Tudjman n'avait rien à voir avec ce

 22   genre de cas-là. Il en a juste parlé à cause de l'affaire des armes. Sept

 23   jours plus tard, lorsque des armes sont sorties de Split -- voilà donc le

 24   contexte pour Tudjman.

 25   Q.  Alors, laissons de côté ce complot et revenons à ma question. Seriez-

 26   vous d'accord pour dire que le président tenait des réunions à huis clos

 27   lorsqu'il voulait que rien de la teneur des discussions ne sorte de la

 28   réunion ?


Page 47216

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et est-ce que vous diriez que vous étiez un confident ? Est-ce que vous

  3   diriez que vous étiez un proche de Sefer Halilovic ? Vous n'étiez pas l'un

  4   des plus proches amis de Sefer Halilovic ?

  5   R.  Que Dieu me préserve.

  6   Q.  Même chose pour Ismet Dahic, vous n'étiez pas un proche d'Ismet Dahic,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Même chose pour Avdo Hebib, Stjepan Kljuic, Mustafa Hajrulahovic, Bakir

 10   Izetbegovic ? Vous n'étiez pas proche de ces personnes à l'époque, et vous

 11   ne l'êtes pas non plus aujourd'hui ?

 12   R.  Non, je n'avais rien à voir avec eux. Je ne les connaissais pas

 13   d'avant. Tout simplement, je menais mes obligations, et dans le cadre de

 14   mon travail, j'étais proche du président. S'agissant de cet homme, je ne

 15   peux être qu'élogieux. Vous pouvez aussi le voir dans ma déclaration.

 16   C'était un homme pieux et je crois qu'il l'aurait dit ici aussi, si on lui

 17   avait posé la question. Mais je n'étais pas ami avec ces personnes. Je ne

 18   les connaissais pas d'avant. Aucun d'entre eux. Mais nous n'étions pas

 19   ennemis non plus. En fait, je me trouvais à 3 ou 4 mètres d'eux dans le

 20   cadre de mon travail, et pour autant que je m'en souvienne, feu le

 21   président Alija a toujours été très gentil avec moi. Il m'amenait une tasse

 22   de thé, quelquefois nous échangions quelques mots sur un ton amical.

 23   (expurgé) C'est peut-être pour cela qu'on

 24   m'a posté là. Le commandant de la garde du président, Haris Lukovac,

 25   c'était le seul à décider qui travaillerait à leurs côtés, et personne ne

 26   pouvait influencer cela, Sefer ou qui que ce soit d'autre.

 27   Q.  Mais seriez-vous d'accord pour dire que l'instruction explicite donnée

 28   à Naser Oric selon laquelle il fallait attaquer les civils serbes pour


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  1   provoquer les Serbes dans la zone sûre, libre de bombardements, et que

  2   Sefer Halilovic a déclaré ouvertement qu'il avait ouvert le feu sur le

  3   marché, et que cela allait provoquer des dommages incroyables pour les

  4   intérêts du peuple de Bosnie-Herzégovine, et si cela était sorti au grand

  5   public, l'opinion mondiale aurait pu changer. Vous êtes d'accord avec cela

  6   ?

  7   R.  Non. Je crois qu'il faut davantage d'explication à ce sujet. Est-ce que

  8   je peux m'expliquer ?

  9   Alija Izetbegovic était convaincu du fait que cette guerre, il ne pouvait

 10   pas la gagner. Il avait bon nombre d'hommes mais moins d'armes, pas assez

 11   d'armes. On a toujours voulu faire en sorte qu'il y ait une intervention

 12   internationale, quelle que soit la façon de le faire. Et comme tous les

 13   coups sont permis en temps de guerre, on voulait faire en sorte qu'il y ait

 14   une intervention internationale, même au prix de victimes chez les siens.

 15   La première fois où on s'attendait à une intervention internationale, le

 16   président Mitterrand, le président français, est venu et rien ne s'est

 17   passé au niveau de l'intervention. Et puis, il y a eu des victimes ici, des

 18   victimes là-bas, mais ça n'a jamais été suffisant, loin de là, pour que la

 19   communauté internationale intervienne.

 20   C'est partant, donc, de tout cela, étant donné que les deux villes en

 21   question étaient Srebrenica, en tant que zone protégée, et Gorazde, en tant

 22   que zone protégée, et Sarajevo, en sus, qui était la plus grande des

 23   villes, avaient été les villes les plus présentes dans les médias. Comme

 24   tous les coups en temps de guerre sont permis pour gagner la bataille,

 25   c'est ce qu'on voulait faire. Je sais ce que le Reis a dit, on l'a vu, ça.

 26   On perd 50 ou 70 hommes tous les jours et ça ne sert à rien. Aucune utilité

 27   à cela. Si nous réussissons à susciter une intervention internationale,

 28   tous, de toute façon, allaient devenir des scheides [phon]. Ils seraient


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  1   tous sur la voie de Dieu. C'est ce qu'il a dit. Ce sont ses mots à lui. Je

  2   crois bien que la finalité poursuivie de tout ceci, c'était de générer une

  3   intervention internationale, et on ne pouvait le faire que par le biais des

  4   zones protégées. A Gorazde, ça n'a pas marché parce qu'ils n'avaient pas un

  5   homme de confiance là-bas qui obéirait tout comme Oric a obéi ailleurs.

  6   Q.  Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question était celle-ci

  7   : Si ces nouvelles, si votre récit avait été connu des autres, ça aurait

  8   été incroyablement au détriment du peuple bosnien, oui ou non, et ça aurait

  9   tourné l'opinion mondiale contre eux ?

 10   R.  Probablement. Si on peut répondre de la sorte, je dirais oui.

 11   Q.  Mais votre témoignage, ça aurait été plutôt -- on s'attendrait à ce que

 12   ça se passe à huis clos, comme le président l'avait fait avec le président

 13   Tudjman, non ?

 14   R.  Une fois de plus, je répète que le président Tudjman, c'est une autre

 15   chose. Le président a rencontré Tudjman, une vraie réunion, au bâtiment de

 16   la présidence de Bosnie-Herzégovine. C'est là que se décidait ce genre de

 17   chose. Mais les autres réunions se tenaient dans le sous-sol de la banque,

 18   le comprenez-vous ? C'est là qu'Alija résidait temporairement, parce que

 19   son appartement avait été pilonné. Et aucune des décisions prises à la

 20   présidence n'avait rien à voir avec ce que les décisions de la banque

 21   signifiaient. Là, il venait des gens triés sur le volet, comme je vous l'ai

 22   dit. Oric, quand il venait, il n'allait jamais au bâtiment de la

 23   présidence. Il n'est jamais passé par là-bas. Je me souviens trois fois

 24   l'avoir vu. Je l'ai moi-même emmené en voiture depuis la piste de Dobrinje

 25   jusque-là. Il n'a jamais été au bâtiment de la présidence, mais il venait

 26   toujours aux réunions de la banque. Il faut que vous fassiez la distinction

 27   entre les deux choses. Donc, les six ou sept hommes que je vous ai dit

 28   venaient à la banque, et Kljuic venait au début, puis après il ne venait


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  1   plus. Il a dit qu'il ne voulait plus se mêler de tout ceci et il a cessé de

  2   venir. Les autres, eux, venaient tout le temps. Est-ce que vous me

  3   comprenez ? Que voulez-vous de plus grand comme complot, le sous-sol de la

  4   banque ? Il n'y avait ni journaliste ni secrétaire, il n'y avait rien. Il y

  5   avait six ou sept hommes qui s'entretenaient là.

  6   Q.  Et vous ?

  7   R.  Et moi.

  8   Q.  Et votre témoignage est celui de nous dire qu'ils ont débattu de ce

  9   type de plan qui pourrait tourner l'opinion mondiale contre eux et ils le

 10   faisaient tout le temps devant vous; c'est bien ce que vous dites ?

 11   R.  Eh bien, si c'est ainsi que vous le présentez, oui. Que voulez-vous que

 12   cela ait pu donner ou pas ? C'est ainsi que les choses se sont passées.

 13   Q.  Et vous êtes le premier à venir nous présenter ce récit au sujet de ce

 14   qu'ils ont débattu, non pas à huis clos, vous êtes le premier à venir nous

 15   le dire en 20 ans; c'est bien cela ?

 16   R.  Moi, je ne sais pas si je suis le premier ou je ne sais lequel. Je sais

 17   que les choses sont passées comme cela.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je sais que

 19   l'heure est --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous allons continuer avec la

 21   pause.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons reprendre après la pause.

 24   Nous reprendrons à 11 heures 05.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

 26   --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Continuez, Madame Edgerton, je vous

 28   prie.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Monsieur le Témoin, je souhaiterais que nous parlions des provocations

  3   par pilonnage dont vous avez parlé dans votre déclaration, c'est-à-dire

  4   dans la partie écrite de votre témoignage. Vous avez dit au sujet de ces

  5   événements-là que :

  6   "L'accord avait été celui de faire en sorte à chaque fois que l'on

  7   suscite des pilonnages à des endroits où il y aurait des pertes parmi les

  8   civils, les équipes de télévision et les journalistes se devaient d'être à

  9   côté, tout près."

 10   Si j'ai bien compris, vous estimez que tous ces événements ont été

 11   planifiés par avance en accord avec des journalistes de la télévision;

 12   c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non. Les journalistes n'en savaient rien. Les nôtres ont veillé à ce

 14   que les journalistes soient tout près des lieux de l'événement ou des

 15   événements pour être sur les lieux pour rapporter des choses, et étant

 16   donné que Sarajevo était encerclée, ce n'était pas très loin entre la

 17   présidence, Marin Dvor, Kosevo, et tout cela. Les journalistes étaient

 18   toujours près. Les journalistes n'ont rien à voir avec cela. Eux, ils ne

 19   faisaient que rapporter ce qu'ils ont vu. C'est les nôtres qui leur ont

 20   servi les choses qu'ils devaient voir.

 21   Q.  Bon, vous voulez dire vous ? Vous avez dit :

 22   "Les nôtres ont veillé à faire en sorte qu'ils soient tout près lors des

 23   événements…"

 24   Comment le saviez-vous si vous n'étiez pas partie intégrante de tout cela ?

 25   R.  Moi, je ne pouvais pas en décider, je ne pouvais qu'être tout près

 26   lorsque les gens ont parlé de cela.

 27   Q.  Mais comment faites-vous alors pour savoir que les vôtres aient veillé

 28   à ce que les journalistes soient tout près lorsqu'il y avait un événement à


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  1   se produire ? Qu'on-t-il donc fait, dites-le-moi, pour que la chose se

  2   passe ?

  3   R.  Tout d'abord, je ne sais pas ce qu'ils ont fait après parce que je

  4   n'étais plus là après. Ce que je sais, c'est qu'ils ont parlé entre eux de

  5   la façon dont il fallait veiller à la chose. Pour ce qui est de veiller à

  6   la présence des journalistes, c'était Avdo Hebib qui était chargé des

  7   journalistes pendant qu'il était là. C'était son travail à lui, de faire en

  8   sorte que les journalistes puissent aller là où ils voulaient, ne pas leur

  9   interdire l'accès. Mais, il fallait que les nôtres nettoient d'abord pour

 10   que les journalistes ne voient pas ce qu'il ne fallait pas voir, à la

 11   présidence, à l'hôpital et ces bâtiments, les différentes institutions.

 12   Mais à aucun moment je n'ai dit que les journalistes le savaient et qu'ils

 13   étaient de mèche, qu'ils étaient partie prenante.

 14   Q.  Donc, cet arrangement, cet accord que vous évoquez, si cela est vrai,

 15   cela impliquerait d'après moi au moins des représentants officiels haut

 16   gradés de la police, des représentants haut gradés de l'armée, probablement

 17   certains responsables haut placés de la brigade, très probablement des

 18   policiers de la circulation de différentes parties de Sarajevo,

 19   probablement les équipes qui conduisaient les camions à partir desquels on

 20   avait tiré et les équipes qui étaient chargés des tirs, et vous êtes la

 21   première des personnes qui avait été à l'intérieur de Sarajevo pour s'en

 22   sortir et parler de tout ceci; c'est bien cela ?

 23   R.  Tous ceux qui ont été énumérés devaient probablement être au courant,

 24   mais ce sont des gens qui exécutaient des ordres; ils ne sont pas là pour

 25   demander pourquoi. Vous comprenez ? Et moi, je ne sais rien de tout ce qui

 26   s'est passé après. Tout ce que je sais, c'est ce que j'ai vu et entendu

 27   dire à l'occasion desdites réunions. Ce qui s'est passé après lors de

 28   l'exécution des missions, je ne pouvais pas le savoir, parce que je n'ai


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  1   pas été présent. Oui, ce que je peux savoir, c'est quand ils disaient :

  2   Ceci a été bien fait ou telle autre chose a été bien faite. Et on évoque

  3   qui était chargé de quoi. Vous avez dit tout à l'heure que Sefer Halilovic

  4   avait tiré l'obus; ce n'est pas lui qui a tiré. C'est Talijan qui a tiré.

  5   Mustafa Hajrulahovic, suite à ordre de Sefer Halilovic et autres. Ça, c'est

  6   une petite erreur de faite.

  7   Q.  Donc maintenant, lorsque vous parlez de Markale I, vous venez

  8   d'intégrer le général Hajrulahovic dans tout le récit. Etiez-vous là-bas ?

  9   Parce que ça aurait été la seule raison de savoir qu'il y aurait eu un

 10   ordre donné par le général Hajrulahovic. Est-ce que vous l'avez vu donner

 11   l'ordre ?

 12   R.  Lorsque nous nous trouvions dans le bâtiment de la présidence et

 13   lorsqu'on planifiait le faire, lorsque Alija a dit à Sefer qu'il fallait

 14   faire telle chose, Sefer s'est tourné vers Talijan et il a dit : Pas de

 15   problème, c'est Talijan qui va s'en charger. C'est cette phrase-là.

 16   Et de même, lorsqu'il y a eu une première tentative - il y a eu deux

 17   tentatives - la première tentative de tirer un obus, c'est une tentative où

 18   l'obus est tombé sur le toit à côté du marché. Il en a été de même, puis

 19   ils ont dit : Il n'y a pas de problème, on recommencera. Mais il fallait

 20   attendre les conditions pour que le même groupe de la FORPRONU soit là. Ça,

 21   c'est la raison pour laquelle je sais que c'est Talijan, non pas Sefer, qui

 22   s'en est chargé.

 23   Q.  Bien. Laissons maintenant de côté le complot relatif aux médias et

 24   essayons de parler du complot relatif à Markale.

 25   R.  Non, non. Il n'y a pas de complot au niveau des médias. Les médias

 26   n'ont fait que transmettre ce que nous leur avons servi, nous autres. Et

 27   quand je dis "nous", moi aussi, je faisais partie de cette armée.

 28   Q.  Parlons de Markale I. Vous nous avez dit que l'obus qui est tombé sur


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  1   la place du marché à Sarajevo au mois de février 1994 a été tiré - et c'est

  2   d'après ce que je puis lire dans votre témoignage - a été tiré à partir des

  3   positions de l'armée bosnienne un peu en dessous de Mrkovici par Mustafa

  4   Hajrulahovic sur ordre de Sefer Halilovic et avec la connaissance de toute

  5   la FORPRONU; c'est bien cela ?

  6   R.  Non. Non, je n'ai pas mentionné la FORPRONU dans ce contexte. La

  7   FORPRONU, il n'y en avait un qu'ils avaient choisi. L'ont-ils choisi parce

  8   qu'il était moins attentif pour ce qui est d'écouter les obus ou parce

  9   qu'ils étaient saouls ? Je ne sais pas pourquoi. Mais il n'y avait qu'une

 10   équipe de la FORPRONU, et ils savaient probablement de qui il s'agissait.

 11   Il n'y a pas de complot au niveau de la FORPRONU, là. Je ne sais pas

 12   pourquoi ils avaient besoin précisément de cette équipe-là de la FORPRONU.

 13   Il s'agissait peut-être de gens qui étaient là pour compter les obus. Pour

 14   le reste, vous avez raison, sauf pour ce que vous avez dit au sujet de la

 15   FORPRONU.

 16   Q.  Eh bien, vous avez dit dans votre déclaration pourquoi ils avaient

 17   besoin de cette équipe-là de la FORPRONU. Vous avez dit qu'ils avaient une

 18   espèce d'arrangement avec eux pour ne pas consigner les tirs depuis nos

 19   positions, et donc, d'après vous, la FORPRONU faisait partie du complot ?

 20   R.  Je n'ai pas dit cela, et si c'est consigné, il faut rectifier. Je n'ai

 21   jamais dit que la FORPRONU faisait partie intégrante du complot. J'ai dit

 22   seulement qu'une équipe de la FORPRONU était peut-être inattentive, je ne

 23   sais pas, ou étaient-ils autre chose, mais personne n'a jamais dit que la

 24   FORPRONU faisait partie du complot.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche la déclaration

 26   du témoin dans sa propre langue afin qu'il puisse se pencher sur la phrase

 27   qui semble maintenant être remise en question.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux me pencher dessus ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien entendu. Certes, mais nous allons

  2   quand même télécharger ceci.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Il s'agit du paragraphe 8, page 10 en

  4   B/C/S.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] A ne pas diffuser vers l'extérieur, s'il vous

  6   plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non.

  8   Dernière page dans les deux versions.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation]

 10   Q.  Dans votre langue à vous --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 10, n'est-ce pas ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation]

 13   Q.  Ça se trouve à quelque sept lignes à partir du haut [comme interprété]

 14   de la page. Et il est dit, je cite :

 15   "Avec qui ils avaient eu des accords," on parle de la FORPRONU, "pour ne

 16   pas consigner les tirs de projectiles à partir de nos positions."

 17   R.  Oui, mais je parlais de l'équipe de la FORPRONU, pas de la FORPRONU

 18   tout entière. Ces deux ou trois hommes, ça pouvait être des gens qui

 19   étaient en état d'ébriété ou peu attentifs. Je n'ai pas parlé de la

 20   FORPRONU tout entière; j'ai parlé d'une équipe. Vous êtes en train de

 21   laisser entendre que la FORPRONU tout entière avait fait un complot contre

 22   les Serbes. Or, ce n'est pas le cas. J'ai parlé d'une équipe, de deux ou

 23   trois hommes. Qu'en sais-je combien ils étaient.

 24   Q.  Donc, ce troisième ou quatrième complot dont vous parlez, ça inclurait

 25   Halilovic, Hajrulahovic, au moins encore un officier subordonné, une équipe

 26   desservant un mortier et des policiers qui devaient veiller à ce que

 27   personne vivant dans le secteur ne voie rien, ou des civils de Sedrenik qui

 28   ne résidaient qu'à quelques centaines de mètres de l'endroit à partir


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  1   duquel vous affirmez que l'obus a dû être tiré, et puis cette équipe de la

  2   FORPRONU, n'est-ce pas ? C'est ceux qui devaient être impliqués dans ce

  3   type de scénario que vous êtes en train de nous présenter aujourd'hui ?

  4   R.  Le village de Mrkovici a été choisi parce qu'on savait d'ores et déjà

  5   qu'il y avait des positions de tir de mortier et on veillait à ce qu'un axe

  6   soit pris. Puisque les lignes de démarcation se trouvaient très près les

  7   unes des autres, il était très difficile de déterminer si l'obus était tiré

  8   de là ou de 2- ou 300 mètres à l'extérieur de cette zone. Et les habitants

  9   de Sedrenik, je pense qu'ils n'ont pas du tout --

 10   Q.  Ce scénario implique potentiellement un complot d'une dizaine de

 11   personnes de différents domaines de la vie et des activités, ce scénario

 12   que vous êtes en train de nous présenter, n'est-ce pas ?

 13   R.  Ecoutez, si vous me laissez expliquer le scénario, et on ira de

 14   l'avant. On ne peut pas dire oui ou non. Laissez-moi expliquer.

 15   Q.  Voilà, expliquez ce que vous voulez.

 16   R.  On a pris un axe sur le village de Mrkovici parce qu'à plusieurs

 17   reprises pratiquement pendant toute la guerre il y a eu des pilonnages

 18   depuis cet endroit-là. La distance entre les lignes de démarcation se

 19   trouvait être très petite, ce qui fait qu'il est très difficile de

 20   déterminer si ça venait du village de Mrkovici ou d'ici, si on prend l'axe

 21   en direction de Markale. Ce que je pense, c'est que la population de

 22   Sedrenik ne prêtait aucune attention à cela. Pour eux, l'essentiel c'est ce

 23   que l'obus ne leur tombait pas dessus, parce qu'il y avait cinq ou dix tirs

 24   d'obus ou de mortier, donc ils ne faisaient pas partie du complot, eux.

 25   Pour ce qui est du reste, ce que je peux vous dire, c'est ce qu'ils ont

 26   raconté à l'occasion des réunions. Moi, je ne sortais pas, je n'ai pas

 27   contrôlé moi-même. Je sais seulement que c'est entre eux qu'ils se

 28   concertaient et qu'ils disaient qu'il fallait prendre le village de


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  1   Mrkovici, parce que depuis pas mal de temps déjà on tirait depuis ce

  2   village en direction de la ville et on savait que là, il y avait des

  3   positions de tir de mortier.

  4   Q.  Monsieur le Témoin --

  5   R.  S'agissant des autres en contrebas, faisaient-ils partie du complot ou

  6   pas -- ils ne devaient pas forcément savoir ce qui se passait, eux.

  7   Q.  Monsieur le Témoin, ce récit, comme la majeure partie de votre

  8   déclaration et chacun des complots que vous dites avoir existé, c'est pure

  9   fiction, parce que vous devez forcément savoir qu'à l'époque où vous dites

 10   qu'il y a eu les entretiens que vous évoquez, Sefer Halilovic n'était même

 11   pas dans l'armée. Il a été ostracisé. Il a été démis de ses fonctions dans

 12   l'armée avant cela, avant la période où ça s'est produit. Vous avez inventé

 13   ceci, tout comme les autres complots que vous avez évoqués, pour aboutir à

 14   un meilleur deal avec les gens que vous êtes en train de protéger. C'est

 15   bien cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, indépendamment de la façon dont vous souhaitez présenter les

 17   choses. Je sais qu'on trouvera bien d'autres renseignements encore. Je suis

 18   certain du fait que vous savez beaucoup de choses de ce que je suis en

 19   train de vous raconter maintenant, mais peu importe. S'agissant de Sefer

 20   Halilovic, il n'a pas été chassé de l'armée; il a été révoqué de ses

 21   fonctions en raison d'agissements malveillants à l'égard des Croates. Les

 22   autres officiers honnêtes ont demandé à ce que soit démis de ses fonctions

 23   Sefer Halilovic. Et c'est sous pression qu'Alija Izetbegovic l'a révoqué de

 24   ses fonctions, mais il ne l'a pas éjecté ou expulsé de l'armée. Et Sefer

 25   savait qu'il devait forcément le faire en raison des autres membres de la

 26   présidence qui n'étaient pas au courant des choses et parce qu'il y avait

 27   d'autres officiers qui n'étaient pas au courant de tout ceci. Et c'est sous

 28   pression qu'il a dû révoquer Sefer de ses fonctions, mais il n'a amené


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  1   personne d'autre. C'était Rasim Delic qui a été amené là, quelqu'un qui est

  2   extérieur à Sarajevo, et il est devenu commandant à Sarajevo. Mais Sefer,

  3   lui, a continué à garder son grade, celui qu'il avait eu avant que de

  4   devenir commandant en chef des armées. On lui a bien expliqué qu'il devait

  5   forcément être révoqué. Mais à chaque fois qu'il venait à Sarajevo, il

  6   continuait -- j'ai dit qu'il fallait que quelqu'un de Sarajevo occupe ce

  7   poste, pas Sefer, quelqu'un d'autre, et pas quelqu'un de l'extérieur. Mais

  8   ils n'ont pas toujours été tous présents aux réunions. Ils étaient présents

  9   à tour de rôle. Kljuic est venu trois ou quatre fois au début, et lorsqu'il

 10   a vu ce qui se passait, cet homme n'a plus voulu venir. Et si vous lui

 11   posiez la question, je sais que c'est que c'est un homme honnête, lui, et

 12   je pense qu'il confirmerait mes propos. Moi, je sais que les choses se sont

 13   passées ainsi. A vous maintenant de prouver.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Madame,

 15   Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, avez-vous des

 17   questions complémentaires ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste une question, Excellence.

 19   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 20   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, au sujet du dernier volet relatif

 21   à Sefer Halilovic, quel type de relation y avait-il eu entre M. Izetbegovic

 22   et M. Halilovic avant et après son départ des fonctions du commandant en

 23   chef ?

 24   R.  Les mêmes avant et après. Alija a nommé Sefer aux fonctions de

 25   commandant en chef parce qu'il pouvait faire avec lui ce qu'il voulait et

 26   comme il voulait. Sefer, qui était l'un des officiers les plus jeunes, a

 27   mérité le moins possible ces fonctions de commandant en chef, mais Alija

 28   l'a nommé précisément parce qu'il pouvait faire avec lui ce qu'il voulait.


Page 47229

  1   Et Sefer, lui, il s'en est félicité. C'était un carriériste. Et si vous me

  2   le permettez, je dirais aussi une grande ordure en tant qu'homme. Pour ce

  3   qui est des autres membres de la présidence et autres officiers, lorsqu'il

  4   a permis ces choses, j'ai cru entendre un récit disant que dans

  5   l'Herzégovine il y a eu des crimes de commis par notre armée. Et c'est sous

  6   pression des Croates qu'Alija a dû mettre Sefer de côté. Mais on lui a dit

  7   gentiment qu'on était forcé de le mettre à l'écart, mais qu'il continuerait

  8   à faire comme si de rien n'était. Et les pressions, c'étaient des pressions

  9   de taille.

 10   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 11   R.  Est-ce que je peux, moi, ajouter quelque chose ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur le Témoin. Merci.

 13   Ceci met un terme à votre témoignage, Monsieur. Au nom des Juges de la

 14   Chambre, j'aimerais vous remercier d'être venu à La Haye pour fournir ce

 15   témoignage. Vous êtes à présent libre de vous en aller. Je crois que nous

 16   pourrions lever l'audience pour quelques minutes.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cinq minutes.

 19   [Le témoin se retire]

 20   --- La pause est prise à 11 heures 33.

 21   --- La pause est terminée à 11 heures 40.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de continuer, nous souhaitons

 23   soulever un point qui découle de la requête de l'accusé qui demande que

 24   l'on verse au dossier la déposition de Borivolje Jakovljevic en vertu de

 25   l'article 92 quater; cette requête a été déposée le 23 janvier 2014, et le

 26   Procureur a répondu à la requête qui a été versée le 3 février. Dans la

 27   requête, l'accusé dit que le témoin n'est pas en mesure, indisponible de

 28   déposer car il a eu une opération chirurgicale au cerveau au mois de


Page 47230

  1   juillet 2013 et qu'il ne se souvient plus bien des événements dont il a

  2   déposé devant ce Tribunal avant. L'accusé, il est vrai, a versé, ajouté à

  3   la requête le rapport du médecin de famille du témoin, et c'est dans ce

  4   rapport qu'on dit que le témoin ne peut pas être disponible pour déposer.

  5   La Chambre prend note du fait que ce rapport est basé sur d'autres

  6   documents de caractère médical qui sont aussi rattachés à la requête, et

  7   dans ce document les Juges n'ont pas pu trouver d'autres éléments

  8   d'information qui témoignent de l'incapacité du témoin de déposer. C'est

  9   pour cela que les Juges demandent que l'on fournisse davantage de documents

 10   à caractère médical qui prouvent que le témoin n'est pas en mesure de

 11   déposer. La Chambre prend note du fait que si la Chambre décide que le

 12   témoin doit subir d'autres examens médicaux, il devrait le faire, que c'est

 13   la Chambre qui devrait le payer. Eh bien, il n'appartient pas aux Juges de

 14   la Chambre ou à la Chambre mais à l'accusé d'obtenir tous les documents à

 15   l'appui de ces requêtes.

 16   Faites venir le témoin suivant, M. Jankovic.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Non, c'est M. Glamocic. M. Jankovic devait

 18   venir demain à 9 heures, mais nous nous sommes dits que ce n'était pas bien

 19   de le faire attendre ici, et donc nous allons terminer un peu plus tôt ce

 20   matin.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Eh bien, en ce qui concerne le

 22   calendrier, j'ai voulu donc lui proposer quelque chose mais je vais lui

 23   envoyer un e-mail.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai oublié de mentionner et je le dis

 25   maintenant pour le compte rendu d'audience, les Juges de la Chambre ont

 26   envoyé par courriel ordonnance portant expurgation de certaines parties de

 27   la déposition du témoin précédent, et j'ai voulu tout simplement vous le

 28   confirmer.


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Et pour le témoin à venir, vous avez demandé

  2   qu'on l'expurge les paragraphes 3 à 11, et nous l'avons fait.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

  6   déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : VLADIMIR GLAMOCIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Glamocic. Veuillez vous

 12   asseoir et mettez-vous à l'aise. Je suppose que vous comprenez ce que je

 13   vous dis ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai compris.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Vous pouvez poursuive, Monsieur Karadzic.

 17   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Glamocic.

 19   R.  Bonjour, Monsieur le président.

 20   Q.  Je vais vous demander d'attendre les traductions et on peut le voir sur

 21   l'écran. Est-ce que vous avez donné une déclaration à mon équipe de la

 22   Défense ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin le

 26   document 1D08850.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous voyez sous vos yeux la première page de votre


Page 47232

  1   déclaration ? Ne soyez pas inquiet par le fait que certains paragraphes ont

  2   été rayés, biffés, vu que les Juges pensaient que ce n'était pas pertinent

  3   en l'espèce. Est-ce que c'est bien votre déclaration ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous l'avez lue, est-ce que vous l'avez signée ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander qu'on montre la dernière page

  9   au témoin pour que le témoin puisse reconnaître sa signature.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  C'est bien votre signature ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que cette déclaration transmet tout ce que vous avez dit. Donc

 14   là, les paragraphes 3 à 11 ont été expurgés de votre déclaration, mais est-

 15   ce que, mis à part cela, cette déclaration traduit vos propos fidèlement ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci. Si aujourd'hui, si je vous posais les mêmes questions, est-ce

 18   que vos réponses resteraient les mêmes ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que cette déclaration soit

 22   versée au dossier en vertu de l'article 92 ter.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Monsieur File ?

 24   M. FILE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Non.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons le verser au dossier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] D4379.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Maintenant, je vais vous donner lecture

 28   du résumé de la déclaration de M. Glamocic.


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  1   Vladimir Glamocic a été élu directeur du Comité exécutif de l'assemblée

  2   municipale de Knezevo en 1991. Il est resté à ce poste jusqu'en 1993, quand

  3   il est allé travailler à la direction des routes de la Republika Srpska.

  4   En 1990, les Serbes représentaient à peu près 70 % de la population de la

  5   municipalité de Knezevo --

  6   M. FILE : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais je pense

  7   que M. Karadzic ira plus vite s'il ne donne pas lecture du deuxième et du

  8   troisième paragraphe, car ceux-ci représentent aux portions exclues dans la

  9   déclaration.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que M. Karadzic serait content

 11   de l'apprendre.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi.

 13   A partir du début du conflit en Slovénie, et plus tard en Croatie et

 14   en Bosnie-Herzégovine, les convois civils et militaires traversaient

 15   souvent le territoire de la municipalité de Knezevo. Personne n'a jamais

 16   averti le gouvernement local du passage de ces convois et de la direction

 17   qu'ils prenaient. Depuis le début de son mandat en tant que directeur du

 18   Comité exécutif de la municipalité de Knezevo, M. Glamocic a essayé

 19   d'établir des bons rapports avec les municipalités voisines de Travnik et

 20   Jajce, habitées par les Musulmans et par les Croates à leur majorité, et il

 21   a réussi. Les autorités municipalités dans ces municipalités avaient à leur

 22   tête les représentants de la population croate et musulmane. Les dirigeants

 23   municipaux de Knezevo avaient la confiance absolue du président Karadzic

 24   quand il s'agit de garder de bons rapports avec les municipalités voisines.

 25   Le président Karadzic a appelé M. Glamocic tôt le matin du 23 août

 26   1992, après avoir été informé de l'incident qui s'est produit à Koricanske

 27   Stijene le 21 août. Le même jour, M. Glamocic s'est rendu sur les lieux

 28   avec le chef de la protection civile et la VRS pour faire une enquête sur


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  1   la situation et pour prendre des mesures.

  2   Vu que depuis la guerre les membres de protection civile étaient des

  3   hommes âgés qui n'étaient pas aptes à combattre, la municipalité ne

  4   disposait pas de ressources humaines ou financières pour s'occuper de ce

  5   problème, à savoir retirer les corps sans vie et les enterrer. C'est pour

  6   cela que le président de l'assemblée municipale est entré en contact avec

  7   les autorités de la RAK pour trouver une solution au niveau régional, alors

  8   que M. Glamocic était responsable de mobiliser les forces de la

  9   municipalité. M. Glamocic a pris part à une réunion qui s'est tenue dans le

 10   centre des services de Sécurité de Banja Luka, CSB, et à la tête de cette

 11   réunion se trouvait le ministre de la Défense, Subotic. Lors de cette

 12   réunion, on a décidé d'essayer de résoudre le problème de Koricanske

 13   Stijene, vu que la municipalité de Knezevo n'était pas en mesure de

 14   résoudre toute seule ce problème. Pendant la réunion, le président de la

 15   municipalité de Prijedor, M. Stakic, a bien montré qu'à cause de ce

 16   conflit, il régnait un manque de confiance absolu, et que les autorités

 17   civiles n'étaient pas en mesure de garantir la sécurité entière à tous les

 18   citoyens. C'est pour cette raison qu'ils ont approuvé les demandes portant

 19   sur la relocation dans d'autres parties de Bosnie-Herzégovine, ou même à

 20   l'étranger et partout où les habitants voulaient partir.

 21   Pendant la réunion, ils se sont mis d'accord que la municipalité de

 22   Prijedor allait être chargée de nettoyer le terrain, car l'on savait que

 23   les auteurs du crime venaient du territoire de cette municipalité. La

 24   conclusion a été prise aussi d'identifier les corps là où ils se trouvent

 25   et qu'il faut déterminer, donc, les causes du décès pour chacune des

 26   victimes. Les représentants du bureau du procureur et la police devraient

 27   faire une enquête sur l'événement. Le nettoyage a commencé le 4 septembre

 28   1992, mais ils ont dû arrêter les travaux à partir du moment où la grue


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  1   chargée pour soulever les corps s'est cassée.

  2   M. Glamocic ne savait pas que qui ce soit, pendant ou après la

  3   réunion de Banja Luka, a influencé les autorités municipales de Knezevo

  4   pour dissimuler quoi que ce soit par rapport à cet incident. Au contraire,

  5   tout le monde a condamné ces crimes et a demandé que les auteurs soient

  6   punis. Quand la réunion s'est terminée, tous les participants ont visité

  7   Knezevo et Koricanske Stijene, et à cette occasion-ci, le commandant de la

  8   22e Brigade d'infanterie a refusé de recevoir une délégation de Banja Luka,

  9   vu que la VRS n'acceptait pas ou ne reconnaissait pas M. Subotic en tant

 10   que ministre de la Défense. Le résultat de cela, c'est que les rapports

 11   entre les autorités locales et le commandement de la 22e Brigade

 12   d'infanterie du 1er Corps de la Krajina n'étaient pas bons.

 13   C'était donc le résumé, et à présent, je n'ai pas d'autres questions

 14   pour M. Glamocic.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Glamocic, comme vous avez

 16   pu le remarquer, votre déposition en l'espèce a été versée au dossier, et

 17   donc votre déposition dans le cadre de l'interrogatoire principal va être

 18   versée sous forme de déposition écrite. Maintenant, vous allez vous être

 19   contre-interrogé par le Procureur.

 20   Contre-interrogatoire par M. File :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. C'est Radovan Karadzic qui vous a

 22   informé en premier du massacre de Koricanske Stijene ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Il vous a appelé le 23 août à 4 heures du matin; c'est exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et donc, ce coup de fil a eu lieu deux jours après le massacre, qui a

 27   eu lieu le 21 août, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Vous êtes allé immédiatement voir le président de l'assemblée

  2   municipale de Knezevo, Milan Komljenovic ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et vous lui avez dit que Radovan Karadzic vient de vous appeler au

  5   sujet de l'incident qui s'est produit à Koricanske Stijene, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  M. Komljenovic a déposé ici et il a fait une déclaration et il a dit ce

  8   qui suit, c'est le document P3768, page 3 :

  9   "Il y a deux ou trois mois, Vlado Glamocic m'a confié cette histoire que

 10   j'ai entendue pour la première fois. Après le massacre, la nuit du

 11   massacre, il a reçu un coup de fil furieux de Radovan Karadzic, qui a

 12   demandé des informations et des réponses au sujet du massacre et il voulait

 13   savoir qui était responsable de cela…"

 14   Donc M. Komljenovic dit que vous lui avez raconté cela à peu près au milieu

 15   de l'année 2009, et M. Komljenovic a dit cela en septembre [comme

 16   interprété] 2009. Est-il possible que vous ayez informé M. Komljenovic de

 17   ce coup de fil de M. Karadzic en 2009, et pas le 23 août 1992 quand vous

 18   l'avez vu après le massacre ? Est-ce possible ?

 19   R.  Non. Moi, je suis allé le voir pour cela justement. Il habitait dans un

 20   village qui est entre 12 et à 15 kilomètres de distance de Banja Luka à

 21   Knezevo, entre les deux. Et je lui ai dit que M. le Président m'avait

 22   appelé le même matin et m'a posé des questions au sujet de l'événement de

 23   Koricanske Stijene. Il m'a répondu que la veille il était dans la

 24   municipalité de Prijedor et qu'il s'est entretenu avec un certain nombre de

 25   personnes au sujet de l'événement à Koricanske Stijene. Et moi, je suis

 26   allé le voir justement parce que M. Karadzic m'a appelé.

 27   Q.  Vous nous avez donné une déclaration que vous avez donnée sous serment

 28   au procureur de Bosnie-Herzégovine en 2008 par rapport à l'enquête portant


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  1   sur les auteurs du massacre et par rapport aussi aux poursuites au pénal

  2   engagées contre les auteurs ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous avez dit toute la vérité dans cette déclaration ?

  5   R.  Oui.

  6   M. FILE : [interprétation] Je vais demander à voir le document 65 ter

  7   numéro 22096.

  8   Q.  Donc, est-ce que ceci ressemble à cette déclaration que vous avez

  9   faite, et vous l'avez faite, donc, sous serment ?

 10   R.  Oui.

 11   M. FILE : [interprétation] Je vais demander à voir la page 4 en anglais et

 12   la page 3 en B/C/S.

 13   Q.  On va examiner le milieu du paragraphe central aussi bien en anglais

 14   qu'en B/C/S. Et là, vous dites :

 15   "Je pense que c'était autour du 23 août, 22 août, quand je suis revenu de

 16   Knezevo et quand Milan Komljenovic m'a dit que c'est la police de Prijedor

 17   qui escortait le convoi, qui a choisi un certain nombre d'hommes du convoi

 18   et les a tués dans cet endroit-là précisément…"

 19   Donc, vous n'avez pas du tout parlé de cela en 2008, vous n'avez pas parlé

 20   de ce coup de fil de M. Karadzic; vous avez dit que vous avez appris

 21   l'existence de ce massacre de M. Komljenovic ?

 22   R.  Oui. Parce que personne ne m'a demandé si M. Karadzic a appelé ou non.

 23   C'est vrai que Milan Komljenovic m'a raconté en détail les événements de

 24   Koricanske Stijene. Je ne sais pas si M. Karadzic était au courant de tout,

 25   mais il a su que l'événement a eu lieu. Après que j'aie visité la maison de

 26   Milan Komljenovic, eh bien, il m'a raconté tout ce qui s'est passé et il

 27   m'a dit qui a fait cela, ce qu'il a vu la veille quand il s'est rendu sur

 28   le lieu du crime, et cetera, et il m'a dit qu'il fallait donc aussi


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  1   enterrer ces gens.

  2   M. FILE : [interprétation] Je voudrais demander que ceci soit versé.

  3   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] P6672.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 2, page 55, le témoin a dit : C'est Milan

  6   Komljenovic qui m'a raconté en détail les événements de Koricanske Stijene.

  7   Il n'a pas dit qu'il a appris que l'incident a eu lieu de Milan

  8   Komljenovic, mais des détails au sujet de cet incident.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous confirmez avoir dit

 10   cela, Monsieur Glamocic ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   M. FILE : [interprétation]

 14   Q.  Donc, à partir de la date du 23 août 1992, quand vous avez parlé avec

 15   M. Komljenovic, vous avez appris que les auteurs du massacre de Koricanske

 16   Stijene étaient les membres de la police de Prijedor, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Maintenant, je voudrais vous demander de vous pencher sur une réunion.

 19   Vous n'en parlez pas dans la déclaration, mais avant d'assister à cette

 20   grande réunion qui a eu lieu le 30 août 1992, à la tête de laquelle se

 21   trouvait Bogdan Subotic, vous avez participé à une autre réunion qui a eu

 22   lieu le 24 août dans le bureau de Stojan Zupljanin dans le centre de

 23   sécurité de Banja Luka ?

 24   R.  Non, non. Moi, je n'ai jamais assisté à cette réunion. Ce n'est que

 25   Milan Komljenovic qui a assisté à cela. Moi, je n'ai assisté qu'à une seule

 26   réunion présidée par M. Subotic.

 27   Q.  M. Komljenovic et Nenad Krejic ont parlé de cette réunion, ils ont

 28   déposé en l'espèce, et les deux ont dit que vous aussi vous avez été


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  1   présent. C'est dans la déclaration de Komljenovic, P3768, pages 2 à 3,

  2   paragraphe 4; et aussi compte rendu 20 914 à 15 de sa déposition. En ce qui

  3   concerne Nenad Krejic, il s'agit du document 3770 [comme interprété], pages

  4   21 à 23, c'est sa déposition dans l'affaire Stanisic et Zupljanin.

  5   Et je voudrais vous demander de vous concentrer sur ce qu'a dit Nenad

  6   Krejic, pour voir si ceci va donc rafraîchir votre mémoire. Il dit

  7   clairement que vous avez été présent à la réunion, et il a dit que vous et

  8   Komljenovic, que vous avez commencé pratiquement à vous battre avec

  9   Drljaca, physiquement, sur la question de responsabilité des corps, à

 10   savoir qui allait enlever ces corps, qui devait le faire. Ça, c'est quelque

 11   chose qui se trouve à la page 23 de cette déposition. Est-ce que vous vous

 12   souvenez de cela ?

 13   R.  Oui, c'est vrai que nous avons eu des conflits avec la municipalité de

 14   Prijedor et certaines personnes, et surtout avec Simo et Stakic, mais je ne

 15   me souviens pas avoir été présent à la réunion présidée par le ministre

 16   Subotic. Tout cela, on a pu le sentir par la suite à Koricanske Stijene. Et

 17   cela, aussi, avait un impact sur tout ce que Simo Drljaca a fait avec ses

 18   hommes à Koricanske Stijene.

 19   Je ne me souviens pas de cette réunion. En ce qui concerne l'autre réunion

 20   avec M. Subotic, moi, j'ai pris des notes, et puis Komljenovic a aussi pris

 21   des notes; moi pour une partie de la réunion et Komljenovic pour l'autre.

 22   Donc, on a pris des notes et on les a inscrites dans un même cahier.

 23   Q.  Très bien. Nous allons parler de cette réunion dans un instant. M.

 24   Krejic a dit aussi dans la même page que Drljaca et Stakic ont admis, ont

 25   avoué que c'était effectivement un crime commis par la police de Prijedor

 26   et que Drljaca s'en vantait même. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 27   R.  Ecoutez, je ne pense pas vraiment pas qu'il s'en est vanté. Parce que

 28   ce n'était pas quelque chose dont vous pouviez vous vanter. Mais Simo, en


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  1   revanche, a insisté contrairement à nos demandes, parce que nous on voulait

  2   qu'ils fassent sortir les cadavres et qu'ils les enterrent. On voulait

  3   qu'ils le fassent, eux, parce que la municipalité de Knezevo, à la

  4   différence de la municipalité de Prijedor, n'avait pas les moyens matériels

  5   ou humains pour faire ce travail. Simo Drljaca, parfois, était assez

  6   violent avec nos hommes de la défense de la protection civile, surtout M.

  7   Ostoje [phon] Barisic, qui était le chef de la protection civile.

  8   Q.  Au niveau du paragraphe 32 de votre déclaration, vous 

  9   dites :

 10   "Pendant mes rencontres avec Drljaca, j'ai eu l'impression qu'il était

 11   furieux car ce crime a eu lieu…"

 12   Mais n'est-il pas possible que Drljaca était en colère parce que vous

 13   et votre municipalité, vous n'étiez pas prêts à nettoyer le site après le

 14   massacre ?

 15   R.  Je pense qu'il était en colère à cause des auteurs du crime pour

 16   commencer. Ensuite, sans doute qu'il était aussi en colère parce que nous

 17   n'avions pas de ressources, de moyens pour le faire. C'était notre point de

 18   vue, on était très clair là-dessus. C'était notre point de vue, mais aussi

 19   le point de vue du commandement de la 22e Brigade et de la population de la

 20   municipalité de Knezevo. Mais cela étant dit, je ne pense pas que Simo

 21   était en colère à cause de nous. Il était sans doute en colère parce qu'il

 22   y a eu des gens qui ont commis ce crime et parce que ce crime a eu lieu.

 23   Q.  Très bien. On va passer à la date du 30 août 1992, donc la

 24   réunion présidée par Subotic. Une des conclusions de cette réunion, et vous

 25   le dites dans le paragraphe de votre déclaration :

 26   "On s'est mis d'accord que la municipalité de Prijedor va s'occuper

 27   du nettoyage du terrain parce qu'on savait que les auteurs de ce crime

 28   étaient originaires de ce territoire."


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  1   Donc, là, vous passez sous silence certains éléments d'information

  2   qui étaient connus à l'époque, parce que c'est pas seulement que les

  3   auteurs étaient originaires du territoire, ils étaient aussi membres de la

  4   police de Prijedor, et cela se savait à l'époque, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Lors de cette réunion, une autre conclusion a été tirée. Elle se

  7   retrouve au paragraphe 28 de votre déclaration. Vous dites :

  8   "Il a également été conclu que les corps devaient être identifiés sur

  9   site. Des pathologues [phon] ont participé pour déterminer la cause exacte

 10   du décès pour chaque personne…"

 11   Et puis, au paragraphe 33 de votre déclaration, vous ajoutez :

 12   "Que je sache, une grue a été installée sur la route et elle a été

 13   utilisée pour déplacer les restes humains…"

 14   Je vais vous montrer une séquence vidéo qui va durer un petit peu

 15   plus de trois minutes et je vais vous poser des questions à ce sujet.

 16   M. FILE : [interprétation] La cote de la vidéo est 40573D de la liste 65

 17   ter. Le code temps est de 55 minutes 30 à 58 minutes 48.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   M. FILE : [interprétation]

 20   Q.  Cette séquence vidéo nous montre Koricanske Stijene, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et dans cette séquence vous voyez le retrait de trois dépouilles en

 23   utilisant la grue qui est mentionnée dans votre déclaration. Etes-vous

 24   d'accord qu'on ne dirait pas là des gens qui ont reçu pour instruction de

 25   garder les corps pour examen par la suite par un pathologue pour déterminer

 26   la cause du décès ou pour identifier ces personnes ? On dirait juste que

 27   ces gens sont en train de se débarrasser de déchets, non ?

 28   R.  Oui.


Page 47243

  1   M. FILE : [interprétation] Je demande le versement de la séquence vidéo,

  2   Madame, Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le document est admis.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P6672 [comme

  5   interprété], Madame, Messieurs les Juges.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je apporter un commentaire ? Il s'agit

  7   d'un site horrible. Et vous m'avez demandé s'il s'agissait -- si cela,

  8   cette scène ne ressemblait pas plus à une mise au rebus de détritus. Alors,

  9   je dois vous dire qu'il faut comprendre que le terrain était très, très

 10   difficile d'accès. Nous n'avions qu'un tout petit chemin pour accéder à

 11   l'endroit où se trouvait la grue, et les corps se trouvaient également en

 12   profondeur.

 13   M. FILE : [interprétation]

 14   Q.  Je vais passer à une citation de votre déclaration. Au paragraphe 30,

 15   vous décrivez comment le commandant de la 22e Brigade d'infanterie, le

 16   lieutenant-colonel Bosko Peulic, qui était le commandant local de la VRS,

 17   avait refusé de recevoir la délégation de Banja Luka au sein de la brigade

 18   parce que la VRS n'avait pas accepté ou n'avait pas reconnu Bogdan Subotic

 19   comme ministre de la Défense.

 20   Et puis, au paragraphe 31, vous décrivez quelles étaient les relations

 21   entre les autorités civiles locales et le commandement de la 22e Brigade

 22   d'infanterie du 1er Corps de la Krajina de la VRS, et vous dites que "ces

 23   relations étaient assez mauvaises suite au manque de relations entre le

 24   commandant de la brigade et les autorités civiles…"

 25   Ensuite, vous décrivez comment le commandant de la brigade, M. Peulic,

 26   appliquait ces méthodes de travail et qu'il était très difficile de

 27   collaborer avec lui. Et vous ajoutez :

 28   "Outre ces désaccords, il y avait également des questions purement


Page 47244

  1   idéologiques qui n'entraient pas dans ses fonctions."

  2   M. FILE : [interprétation] Document 2625 [comme interprété] de la liste 65

  3   ter, s'il vous plaît.

  4   Je vais vous montrer des passages de la déposition du colonel Peulic --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît.

  6   M. FILE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   Q.  Alors, je vais vous montrer à présent des passages d'une déposition du

  8   colonel Peulic dans un procès à la cour de Bosnie-Herzégovine, procès sur

  9   les auteurs du massacre de Koricanske Stijene, et je vais vous poser une

 10   question à cet égard.

 11   M. FILE : [interprétation] Page 14 en anglais, s'il vous plaît, et page 20

 12   en B/C/S.

 13   Q.  Concentrons-nous sur le milieu de la page pour la version anglaise et

 14   le haut de la page en B/C/S, s'il vous plaît. Vous voyez que le parquet

 15   pose une question, là, à M. Peulic, et la question est la suivante :

 16   "Est-ce que vous avez reçu un ordre", et il fait référence au ministre de

 17   la Défense, Subotic, "est-ce que vous avez reçu un ordre de la part du

 18   ministre pour nettoyer le terrain, un ordre militaire ?"

 19   Et M. Peulic répond :

 20   "Non, je pense que rapidement je lui ai fait savoir, et, Monsieur le Juge,

 21   je n'ai jamais reçu de tels ordres, surtout après des événements aussi

 22   graves que celui-là. Je sais que tout crime au titre des règles de service

 23   de la JNA devait être puni et qu'un ordre donné dans ce sens-là pouvait

 24   être refusé par un commandant et tout militaire en service. Participer à ce

 25   genre d'activité aurait voulu dire que nous étions coauteurs d'un crime, et

 26   donc, en conséquence, j'en étais responsable…"

 27   Passage suivant, page suivante dans les deux versions, au milieu de la

 28   page.


Page 47245

  1   Ici, il décrit une réunion que le parquet a abordée. La question du

  2   parquet était de savoir si Peulic avait participé à une réunion qui avait

  3   eu lieu dans une usine d'aluminium trois jours après le massacre. Le

  4   procureur a affirmé que vous étiez présent, ainsi que M. Komljenovic, M.

  5   Stakic et M. Drljaca. Et le témoin répond :

  6   "Oui, la réunion a commencé de façon officieuse, je dirais. Nous

  7   avons commencé à échanger des informations sur ce qu'il faudrait faire.

  8   Ensuite, un autre homme, Simo Drljaca, a frappé du poing sur la table et a

  9   dit : 'Nous avons fait notre travail; et vous, qu'avez-vous fait ?'"

 10   Passons à la page 22 de la version en B/C/S à présent, s'il vous

 11   plaît. Lorsqu'on lui demande ce que cela voulait dire, il a répondu : Eh

 12   bien, il voulait dire : Nous les avons tués, et vous, vous allez nettoyer.

 13   Tout d'abord, est-ce que vous vous souvenez de cette réunion ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que les choses se sont passées comme M.

 16   Peulic nous les décrit là ?

 17   R.  Oui.

 18   M. FILE : [interprétation] Passons à la page 24 de l'anglais, page 35

 19   en B/C/S. Deuxième partie dans les deux versions.

 20   Q.  Cette partie de la déposition porte sur un télégramme que Peulic avait

 21   envoyé la nuit du massacre, le 21 août 1992, au 1er Commandement du Corps

 22   de la Krajina, département de la sécurité et du renseignement. Ce

 23   télégramme a été versé au dossier en espèce sous la cote D2040. Alors, vous

 24   voyez que le juge pose la question suivante :

 25   "Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vous avez écrit ce qui est

 26   repris dans ce télégramme cette nuit-là, qu'un génocide a eu lieu ?"

 27   Le témoin répond :

 28   "Oui."


Page 47246

  1   Le juge dit :

  2   "Très bien."

  3   Et ensuite, le conseil :

  4   "Monsieur Peulic, ce que j'aimerais savoir c'est si à ce moment-là -- bon,

  5   je ne sais pas quelle est votre fonction dans l'armée, mais est-ce qu'à ce

  6   moment-là vous saviez ce que voulait dire le mot 'génocide' ?"

  7   Passons à la page suivante en B/C/S, s'il vous plaît.

  8   Et Peulic répond :

  9   "Oui."

 10   Et la question qu'on lui pose ensuite :

 11   "Vous saviez ce que cela voulait dire ?"

 12   La réponse :

 13   "Oui."

 14   La question :

 15   "Et vous avez conclu à un génocide ?"

 16   Réponse :

 17   "Je le pense encore aujourd'hui."

 18   Donc, ma question est la suivante : est-ce que vous pensez qu'il est

 19   possible que le colonel Peulic, avec qui il était difficile de travailler,

 20   aurait pu avoir des divergences idéologiques, comme vous le dites, avec les

 21   autorités civiles à cause du fait qu'il pensait qu'il s'agissait d'un

 22   génocide et qu'il sentait qu'il était mis sous pression pour participer à

 23   un maquillage de cette opération alors qu'il ne voulait rien à voir à faire

 24   avec cela ?

 25   R.  Non, ma déclaration ne portait pas uniquement sur Koricanske Stijene

 26   lorsque je me suis exprimé, lorsque j'ai parlé de la coopération difficile

 27   avec l'armée. En fait, je parlais de plusieurs personnes. A l'époque,

 28   l'économie, la situation économique était bonne et l'armée demandait


Page 47247

  1   beaucoup de ressources, ressources matérielles et techniques. M. Peulic a

  2   participé à une réunion avec nous à Banja Luka et, en conclusion de cette

  3   réunion, nous nous sommes dits que nous devrions tous nous rendre sur le

  4   site de Koricanske Stijene. Donc, tous les présents à la réunion devaient

  5   se rendre à Koricanske Stijene. Et il a été convenu qu'entre-temps il

  6   faudrait se réunir au niveau du commandement de la 22e Brigade, à la tête

  7   de laquelle se trouvait Peulic. Peulic ne voulait pas nous attendre au

  8   commandement de la 22e Brigade, et donc nous avons organisé la réunion à un

  9   autre endroit, au commandement de la brigade légère. Mais il est exact que

 10   Peulic ne voulait pas entendre parler d'une participation de l'armée pour

 11   le nettoyage du terrain ou pour le retrait des corps. Et ce genre de chose,

 12   c'était l'armée qui le faisait. Il savait qui étaient les auteurs. Et donc,

 13   il n'avait même pas pensé à utiliser des avoirs de l'armée à disposition.

 14   Je voudrais aussi préciser que le secteur de Koricanske Stijene n'entrait

 15   pas sous la responsabilité de la municipalité de Knezevo, mais plutôt la

 16   municipalité de Travnik, et donc c'était une zone de guerre de cette 22e

 17   Brigade. Et nous, les autorités civiles, lorsque nous devions nous rendre

 18   au commandement de cette brigade, nous devions nous annoncer auprès de ce

 19   commandement parce que c'était une zone de guerre. Le territoire

 20   n'appartenait pas à la municipalité de Knezevo.

 21   Q.  Dernier sujet que j'aimerais aborder, il porte sur le paragraphe 33 de

 22   votre déclaration. Vous dites :

 23   "A un moment lorsque la grue est en train de fonctionner, une ambulance qui

 24   transportait des blessés est arrivée mais n'a pas pu passer à côté de la

 25   grue. Alors que l'on retirait la grue de la route, elle est tombée en

 26   panne, et malgré tous les efforts qui ont été consentis à ce moment-là,

 27   nous n'avons pas pu la remettre en marche. En conséquence, le travail de

 28   retrait des dépouilles a été arrêté…"


Page 47248

  1   La conclusion de votre déclaration de témoin est celle-ci. Mais il semble

  2   que vous terminiez cette histoire dans votre déclaration en disant qu'à

  3   cause de plaintes répétées de puanteur et de pollution possible de l'eau -

  4   vous le dites au paragraphe 21 de votre déclaration - les corps ont dû être

  5   retirés. Des animaux et des oiseaux étaient en train de se nourrir de ces

  6   dépouilles et allaient ensuite les porter sur les toits de résidences

  7   avoisinantes, que cette puanteur était intolérable et qu'il était impératif

  8   de retirer ces corps. Alors, j'aimerais savoir ce qu'il est advenu de ces

  9   dépouilles ? On ne les a pas laissées là en décomposition ?

 10   R.  Que je sache, le département de la protection civile de la municipalité

 11   de Knezevo a enterré quatre dépouilles qui ont été identifiées, et ce,

 12   conformément aux conclusions du CSB de Banja Luka.

 13   Q.  Oui. Mais il y avait 150 à 200 corps, donc qu'est-il arrivé au reste de

 14   ces corps ?

 15   R.  Je n'ai pas d'information précise à ce sujet. Tout ce que je sais

 16   découle de ce que j'ai lu dans la presse, dans le journal "Nezavisne

 17   Novine" de Banja Luka. C'est le juge d'instruction qui était chargé de

 18   cette question-là, et le procureur et l'inspecteur chargé des crimes du CSB

 19   et Simo Drljaca étaient chargés de ces activités.

 20   Q.  En qualité de président du Comité exécutif de l'assemblée municipale,

 21   vous étiez de par la loi le commandant de la protection civile de la

 22   municipalité, ou le CZ, comme on l'appelait ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Donc, vous étiez en mesure de donner des ordres et des instructions au

 25   chef de la protection civile de la municipalité de Knezevo ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Donc, ce crime en masse horrible et ainsi que la crise sanitaire dans

 28   la municipalité qui a eu lieu dépendaient de votre ressort, vous, le


Page 47249

  1   président du Comité exécutif. La police d'une autre municipalité demandait

  2   le nettoyage. Donc, ma question est la suivante : au vu de ces

  3   circonstances, est-ce que vous n'auriez pas dû vous assurer que le travail

  4   était effectué de la façon 

  5   appropriée ? Tout ce que vous deviez faire, c'est de le dire à Barisic, le

  6   chef du CZ, de lui dire de se rendre sur place et de dire ce qui se passait

  7   et de faire un rapport ?

  8   R.  Barisic se trouvait à Koricanske Stijene avec la protection civile, et

  9   il y est allé plusieurs fois. Mais il n'avait pas suffisamment d'hommes, il

 10   n'avait pas suffisamment de ressources matérielles pour tout faire, et il

 11   n'a rien pu faire d'autre que ce qu'il a fait. Il a toujours eu un problème

 12   avec Simo Drljaca. En fait, il les a même fait partir du site. La

 13   protection civile de Knezevo était censée loger les gens de Prijedor. Nous

 14   l'avons fait à l'école de Jeleni [phon], c'était notre obligation qui

 15   découlait de la réunion de Banja Luka. Nous avions convenu que la

 16   protection civile de la municipalité de Knezevo devait creuser des tombes

 17   et enterrer toutes les personnes qui auraient été identifiées.

 18   Q.  D'après Komljenovic, certains membres de votre protection civile

 19   étaient présents en permanence sur site pendant l'opération de nettoyage,

 20   nous retrouvons cela à la page 11 du prétoire électronique, pièce P3768. Il

 21   dit que l'équipe de Prijedor avait amené de l'équipement des mines de

 22   Prijedor, avait essayé de le travail, qu'il y avait la grue, que la grue

 23   est tombée en panne et qu'il était impossible de continuer. Ce sont des

 24   choses qui ont été entendues de deuxième main, nous dit-il, car même si nos

 25   propres gens de la protection civile étaient présents en permanence, nous

 26   n'avions qu'une partie des informations.

 27   Donc, peu importe les difficultés éprouvées par la protection civile et les

 28   difficultés avec Drljaca, vous disposiez quand même d'une source


Page 47250

  1   d'information sur ce qui se passait avec ces corps ?

  2   R.  Mais Barisic ne me disait que ce qu'il savait.

  3   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 29 - et c'est ma dernière

  4   question - vous dites :

  5   "Je ne sais pas si qui que ce soit, avant, pendant ou après la réunion de

  6   Banja Luka, a influencé les autorités municipales de Knezevo pour cacher

  7   quoi que ce soit sur les événements. Au contraire, tout le monde a été

  8   révolté, a condamné ce crime et a exigé que les personnes responsables

  9   soient punies."

 10   Donc, si cela était vrai, si tout le monde a été révolté par cela, si tout

 11   le monde condamnait le crime et voulait que les responsables soient punis,

 12   si la transparence était le maître-mot, est-ce que vous ne pensez pas qu'au

 13   minimum des informations auraient dû circuler parmi le public sur l'endroit

 14   où ces corps ont été enterrés pour que les familles de toutes ces victimes

 15   en soient au courant ?

 16   Mais l'emplacement du site d'enterrement n'a été trouvé qu'en 2009, et

 17   c'est un auteur qui avait avoué cela. Mais, d'après vous, il n'aurait pas

 18   fallu attendre aussi longtemps, donc ?

 19   R.  Eh bien, les médias ont informé le public. Deux articles ont été

 20   publiés dans le "Nezavisne Novine". Personne, encore moins les autorités de

 21   la municipalité de Knezevo, ne voulait cacher ce crime.

 22  

 23   Q.  Mais nous, nous parlons du site d'enterrement -- la fosse commune qui

 24   contenait plus de 100 corps. Ces informations ne sont ressorties qu'en 2009

 25   ?

 26   R.  Je ne sais pas.

 27   Q.  Alors, ma dernière question va porter sur le document de la liste 65

 28   ter 26023. Il s'agit d'un article qui décrit l'exhumation d'une fosse


Page 47251

  1   commune à Koricanske Stijene, article du 21 juillet 2009. Au milieu de la

  2   page, on nous dit :

  3   "Damir Ivankovic faisait à l'origine partie des personnes qui ont été

  4   poursuivies pour ce crime. Il a avoué sa culpabilité et a passé un accord

  5   avec le parquet de Bosnie-Herzégovine. Après avoir accepté l'accord, la

  6   chambre de première instance l'a condamné à 14 années d'emprisonnement.

  7   "Ivankovic a déposé contre les sept accusés pour le même crime et repris

  8   dans le même acte d'accusation. Après cela, un nouvel acte d'accusation a

  9   été rédigé contre deux anciens membres de l'Escadron d'urgence.

 10   "Les emplacements des fosses communes ont été identifiés sur la base de la

 11   déclaration d'Ivankovic."

 12   S'agit-il là de la première fois que vous avez entendu parler de cela,

 13   Monsieur Glamocic ?

 14   R.  Moi, j'ai entendu parler de ces informations pour la première fois,

 15   informations sur l'emplacement du site, dans cet article de "Nezavisne

 16   Novine". Je ne me souviens pas de l'année exacte.

 17   M. FILE : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vous propose de

 20   continuer après la pause.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux aussi conclure pendant ce volet

 22   d'audience, si vous le désirez.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cinq minutes.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, alors.

 26   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 27   Q.  [interprétation] Monsieur Glamocic, vu que nous avons le document à

 28   l'écran, j'aimerais savoir où vous étiez, où vous habitiez, et ce que vous


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  1   faisiez, quel était votre poste, en 2009 lorsque cette exhumation a eu lieu

  2   ?

  3   R.  En 2009, je travaillais pour l'entreprise publique des routes en

  4   Republika Srpska.

  5   Q.  Où habitiez-vous et où se trouvait cette entreprise ?

  6   R.  Je travaillais et je vivais à Banja Luka.

  7   Q.  Merci. A la page 61/62 du compte rendu, on vous a posé une question sur

  8   la déposition de M. Peulic et sur ce que Drljaca avait dit. Est-ce que vous

  9   aviez compris que la déclaration de Drljaca que l'on vous a montrée voulait

 10   dire qu'il avait ordonné le meurtre ?

 11   R.  Non, non. Simo Drljaca était aigri à cause de ce qu'il s'était passé.

 12   Je ne peux pas vous dire s'il était d'accord ou pas, mais il était aigri

 13   comme nous tous. Et je n'ai jamais eu l'impression que c'était Simo qui

 14   avait ordonné et organisé cela.

 15   Q.  Merci. A la page 65, on vous a demandé ce qu'a fait votre protection

 16   civile. J'aimerais savoir si votre protection civile avait autorité sur

 17   certaines parties de la municipalité de Travnik ?

 18   R.  Comme je l'ai déjà dit, Koricanske Stijene n'appartenait pas à la

 19   municipalité de Knezevo. C'était la zone de guerre de la 22e Brigade. Et

 20   elle n'appartenait pas à la municipalité de Knezevo.

 21   Q.  Et maintenant ?

 22   R.  Maintenant oui, ce secteur appartient à municipalité de Knezevo.

 23   Q.  Quand y a-t-il eu rattachement à Knezevo ?

 24   R.  Après les accords de Dayton.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   Ceci conclut votre déposition, Monsieur Glamocic. Au nom des Juges de la


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  1   Chambre, je tiens à vous remercier de vous être déplacé à La Haye pour ce

  2   faire. Vous pouvez disposer, et nous allons lever l'audience tous ensemble.

  3   Je vous souhaite un bon retour chez vous.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Robinson.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous n'avons

  7   plus de témoins pour aujourd'hui. Le témoin suivant est prévu pour demain à

  8   9 heures, donc je pense que nous devons lever l'audience pour aujourd'hui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Même pour le Témoin 584 ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Le Témoin 584 dépend du gouvernement croate,

 11   et nous n'avons aucune nouvelle à cet égard. Donc, nous espérons qu'il

 12   apparaîtra demain à 9 heures, tel que demandé; sinon, nous déposerons une

 13   requête aux fins de citation à comparaître.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Pour qu'il n'y a pas de malentendu du côté des

 16   Juges de la Chambre, le témoin suivant auquel a fait référence Me Robinson

 17   est M. Jankovic.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Et malheureusement, il n'est pas là, mais nous

 20   sommes exactement dans la même situation.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, s'il n'y a pas

 23   d'autres questions à soulever à ce stade-ci, nous allons lever l'audience

 24   pour la journée.

 25   [Le témoin se retire]

 26   --- L'audience est levée à 12 heures 41 et reprendra le mardi, 18

 27   février 2014, à 9 heures 00.

 28