Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-5-R61

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE AFFAIRE N° IT-95-18-R61

3

4 Jeudi 4 juillet 1996

5

6 Devant la chambre de première instance composée comme suit :

7 M. le juge Claude Jorda, Président

8 Mme le juge Elizabeth Odio Benito

9 M. le juge Fouad Riad

10 Assistée de :

11 M. Dominique Marro, Greffier-Adjoint

12 LE PROCUREUR

13 c/

14 Ratko MLADIC

15 et Radovan KARADZIC

16 (Srebrenica)

17 Le bureau du Procureur :

18 M. Eric Ostberg, M. Mark Harmon, M. Terre Bowers

19

20 Jeudi 4 juillet 1996

21 (Matin)

22

23 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

24

25 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez-vous

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1 asseoir.

2 Première question, est-ce que tout le monde m'entend ?

3 Monsieur le Procureur, nous pouvons donc continuer avec la

4 déposition du colonel Karremans et je demande à M. le greffier ou à M. le

5 Procureur de demander à l'huissier de faire introduire le témoin.

6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le

7 Président.

8 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

9 M. le Président. - Colonel Karremans, bonjour. Nous allons

10 poursuivre votre déposition en qualité de témoin cité par l'accusation

11 dans l'affaire Procureur contre Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Monsieur

12 le Procureur, vous avez la parole.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le

14 Président. Colonel Karremans, hier vous nous avez décrit le blocus par

15 l'armée de l'enclave de Srebrenica. Quel est l'impact de ce blocus sur les

16 habitants ?

17 Pourriez-vous nous décrire cela ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il y a un

19 certain nombre de choses sur lesquelles je voudrais revenir et que j'ai

20 dites hier concernant les très mauvaises circonstances pour les habitants

21 de l'enclave, ainsi que les circonstances très difficiles de mon bataillon

22 parce que ceci permettra de mieux comprendre la situation avant le

23 6 juillet.

24 Ces difficiles conditions de vie aux mois d'avril, mai et juin

25 étaient dues, comme je l'ai dit hier, au fait que l'on refusait de laisser

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1 entrer des convois soit pour les réfugiés, soit pour le bataillon des

2 Nations Unies. En fait, l'enclave était en train d'être étranglée. C'était

3 un blocus total, un isolement total de l'enclave.

4 Pour la population, cela signifiait plus particulièrement

5 qu'elle se trouvait dans une situation qui ne cessait de se détériorer :

6 ? famine pour les réfugiés : un certain nombre de

7 ces réfugiés sont morts de faim,

8 ? aucune possibilité de traitement médical pour la

9 population : pas de médecin, pas de dentiste, pas de médicaments.

10 L'organisation Médecins sans frontière n'était pas en mesure

11 de faire son travail dans l'hôpital local. Nous ne pouvions rien faire en

12 ce qui concerne les infrastructures pour apporter notre aide aux autorités

13 civiles sur le point du logement, de l'électricité, de l'eau et du

14 fonctionnement des générateurs. Nous ne pouvions rien faire.

15 Le résultat, c'est que des centaines d'habitants de l'enclave

16 vivaient du ramassage d'ordures. Interdiction de se déplacer, interdiction

17 qui valait et pour la population et pour le bataillon et ce sur quoi l'on

18 s'était mis d'accord en 1993, à savoir que la liberté de mouvement n'avait

19 plus du tout lieu. Il n'y avait plus du tout de liberté de mouvement. Pour

20 la population de l'enclave, cette situation était une situation de

21 désespoir, inhumaine : conditions inhumaines et beaucoup de souffrances

22 pour cette population.

23 En ce qui concerne maintenant le bataillon, je voudrais bien,

24 si vous m'y autoriser, décrire la situation dans laquelle il se trouvait.

25 J'ai utilisé un certain nombre de paramètres, que d'ailleurs

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1 j'ai utilisés également dans les rapports que j'adressais aux échelons les

2 plus élevés de la hiérarchie et à mes autorités. Ces paramètres

3 concernaient la logistique en premier lieu, je vous en ai parlé hier : pas

4 de diesel, pas de carburants. Nous devions vivre dans l'obscurité avec mon

5 bataillon et ce pendant quelques mois.

6 Outre qu'il n'y avait pas d'électricité, ni pour l'eau ni le

7 chauffage, les conditions climatiques étaient très mauvaises. Il a plu

8 jour après jour jusqu'à fin mai. Nous ne pouvions pas utiliser nos

9 véhicules, d'une part parce que nous n'avions pas de carburant et d'autre

10 part parce que les routes étaient impraticables.

11 Du fait du manque de diesel, nous avons dû patrouiller à pied

12 avec le problème des mines qui se trouvaient là. Nous n’avions donc pas la

13 possibilité de réapprovisionner nos postes d'observation. C'est pourquoi

14 nous avons utilisé des chevaux appartenant à des habitants.

15 Donc pas de chauffage. Or il faisait très froid, très mauvais,

16 pas de médicaments, pas de pièces détachées, pas d'équipements techniques

17 et pas de nourriture, sauf nos rations de combat sur lesquelles nous avons

18 vécu pendant pas mal de temps. Nous avons appelé cela à la fin le "régime

19 logistique".

20 De plus, je n'avais pas suffisamment de personnel parce qu'à

21 partir du 26 avril plus personne n'a pu pénétrer dans l'enclave. Le

22 personnel ne recevait plus de courrier, il n'y avait pas de liberté de

23 mouvement : on ne pouvait ni sortir de l'enclave ni y entrer.

24 Autre paramètre opérationnel : nous avons ajusté nos

25 instructions pour le bataillon à plusieurs reprises. Par exemple, je vous

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1 ai dit hier comment nous approvisionnions nos postes d'observation, en

2 patrouillant à pied au lieu d'utiliser des véhicules blindés pour le

3 transport. Il a fallu tirer des plans d'urgence pour les postes

4 d'observation avec une heure de préavis, c'est-à-dire que les soldats qui

5 se trouvaient à un poste d'observation devaient le quitter une heure après

6 en avoir reçu l'ordre et ceci valait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

7 Par ailleurs, s'agissant de l'aide humanitaire, comme je l'ai

8 dit déjà, nous n'étions pas en mesure d'apporter cette aide à la

9 population de l'enclave.

10 Un autre paramètre : l'effet psychologique non seulement sur

11 les soldats, mais aussi sur la population. Le moral au sein du bataillon

12 et parmi la population est un des paramètres utilisés.

13 Les conditions sur le terrain étaient très mauvaises et les

14 conditions météorologiques étaient pires encore. Le 25 mai, dans un très

15 long rapport, j'ai informé tous les niveaux de la hiérarchie et mes

16 autorités que je n'étais plus en mesure d'accomplir ma mission et

17 d'exécuter mes ordres. En fait, cela signifiait la fin de ma mission. Nous

18 avons alors commencé à nous débrouiller, à improviser. Ce faisant, nous

19 avons réussi à tenir encore jusqu'au 6 juillet dans le cadre de notre

20 mission

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans,

22 le blocus de l'armée serbe et la capture des cinquante cinq soldats, tout

23 ceci vous a-t-il quand même donné l'impression que vous pouviez continuer

24 à accomplir votre mission ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, au début

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1 j'étais en mesure de le faire, compte tenu du mandat que j'avais reçu et

2 du fait que j'avais encore du personnel, de l'équipement, du fait aussi

3 que des convois arrivaient encore. Mais à la fin de mon séjour, je n'étais

4 plus en mesure d'accomplir ma mission.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais

6 maintenant tourner mon attention sur l'invasion. Quel fut l'effet sur la

7 population de l'enclave quand l'invasion a commencé ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous savez que

9 l'invasion a commencé le 6 juillet, s'accompagnant d'hostilités très

10 violentes dans la partie Sud de l'enclave, autour du poste d'observation

11 Fox-trot. Elle a commencé par un pilonnage même de Srebrenica et de la

12 base, ainsi que de certains autres postes d'observation.

13 En fait, les hostilités ont débuté dans la partie Sud, partie

14 où il y avait également un projet d'abri suédois, c'est-à-dire qu'un

15 certain nombre de logements avaient été construits par les autorités

16 suédoises où vivaient environ 3 000 réfugiés. Etant donné que l'invasion a

17 commencé dans le Sud, tous ces réfugiés se sont enfuis dans toutes les

18 directions et vers Srebrenica. Vous pouvez alors imaginer la panique, le

19 chaos qui régnaient. Je vous ai déjà dit tout à l'heure qu'il n'y avait ni

20 nourriture ni possibilité de loger ces gens à Srebrenica. C'était la

21 panique la plus totale.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Où ces gens se

23 sont-ils enfuis après le début de l'offensive ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - A Srebrenica.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais) . - Sur la base des

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1 Nations Unies de Srebrenica ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, pas au

3 début. Ce n'est que le lundi 10 et le dernier jour, le mardi 11.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de réfugiés

5 y avait-il à l'intérieur et en dehors de la base des Nations Unies à

6 Srebrenica ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je ne sais pas,

8 mais des centaines sur la base...

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien de réfugiés

10 y avait-il à l'intérieur et en dehors de la base des Nations Unies à

11 Srebrenica ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne sais pas.

13 Mais des centaines sur la base et probablement des milliers autour.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Alors que s'est-il

15 passé avec ces réfugiés qui s'étaient réfugiés sur la base et autour de la

16 base de Srebrenica ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Vous parlez du

18 11, du dernier jour ?

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Oui.

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ce jour-là et

21 d'ailleurs dans les jours précédents, il y avait déjà eu pilonnage de

22 Srebrenica -un pilonnage assez violent- et le 11, alors que tous ces

23 réfugiés aient été rassemblés là, l'armée serbe bosniaque a commencé à

24 pilonner la ville et la base de Srebrenica.

25 Le résultat a été qu'un grand nombre de personnes ont été

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1 blessées, cela a entraîné un grand nombre de morts et, le matin du 11,

2 nous avons évacué l'hôpital local en n'emmenant que les blessés à la base

3 de Potocari. L'après-midi, pendant les raids, tous les réfugiés se sont

4 enfuis vers la base de Potocari, c'est-à-dire vers le Nord.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Les obus tirés par

6 l'artillerie de l'armée serbe bosniaque ont touché la base de Srebrenica ?

7 Est-ce bien exact ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Y a-t-il eu des

10 victimes civiles ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Vous avez dit qu'il

13 y avait eu un grand nombre de personnes, un véritable exodus, vers

14 Potocari. Ceux qui se sont enfuis vers Potocari sont-ils venus se réfugier

15 à la base de Potocari ? Est-ce-que ceux qui s'étaient réfugiés à la base

16 des Nations Unies de Srebrenica se sont réfugiés à la base des Nations

17 Unies à Potocari ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien de

20 personnes à peu près se sont retrouvées à Potocari sur la base et autour

21 de la base ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'est difficile à

23 évaluer. Nous avons dû diviser les groupes de réfugiés parce qu'ils

24 étaient des milliers et des milliers, ils étaient trop nombreux. Je dirais

25 que nous avons invité 4 à 5 000 réfugiés à entrer sur notre base à

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1 Potocari. La base a alors été complètement pleine, remplie totalement de

2 la foule des réfugiés et du personnel.

3 Il y avait encore 15 à 20 000 personnes qui se trouvaient en

4 dehors de la base de Potocari. Nous avons utilisé des bâtiments d'usines

5 qui avaient été bombardés autour de la base.

6 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle est la

7 proportion d’hommes par rapport aux femmes dans ces près de 25 000

8 réfugiés qui se trouvaient autour de la base ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Sur ces 25 000

10 réfugiés, je dirais que la plupart étaient des femmes, des enfants, et des

11 personnes âgées. Comme je l'ai déjà dit, il n'y avait peut-être que 2 à

12 3 % d’hommes dans cette masse de réfugiés entre 15 et 65 ans.

13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous

14 décrire un peu les conditions dans la base et autour de la base ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Là aussi, les

16 conditions dans lesquelles se trouvaient les réfugiés -ce que j’ai déjà

17 dit tout à l'heure- ne cessaient de se détériorer. Ils n'avaient pas été

18 alimentés, ils n'avaient pas eu d'eau pendant les 6 jours des hostilités,

19 de l'invasion, et ils étaient en très mauvais état.

20 En ce qui nous concerne, nous n'avions aucun moyen de leur

21 donner quoi que ce soit d'autre, que le peu d'eau qui nous restait, un peu

22 de nourriture et les quelques médicaments que nous avions encore. L'état

23 général, les conditions dans lesquelles se trouvaient ces personnes

24 étaient épouvantables.

25 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Sur ces 25 000

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1 personnes, y avait-il des femmes enceintes qui ont accouché ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, plus tard

3 cinq femmes ont accouché. Et j’ai entendu qu’un homme s’était suicidé en

4 se pendant. La vie a continué pendant les deux jours où nous avons eu tous

5 ces réfugiés autour de nous.

6 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Je voudrais en

7 venir maintenant aux frappes aériennes. Pourriez-vous décrire ces frappes

8 aériennes à la Cour ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Comme tout le

10 monde le sait, c’est bien connu, j'avais demandé à plusieurs reprises

11 l'appui des forces aériennes. J'avais réclamé à plusieurs reprises ces

12 frappes.

13 Compte tenu du mandat qui avait prévu au départ

14 l'établissement des trois zones de sécurité -Gorazde, Zepa et Srebrenica-

15 on avait demandé dans ce mandat que l'approvisionnement des soldats soit

16 assurée. Puis le mandat a été modifié en incluant l'appui des frappes

17 aériennes si cela s'avérait nécessaire, si les conditions n'étaient pas

18 respectées.

19 Le 6, étant donné qu'un des postes d'observation a été

20 attaqué, qu'il y avait eu pilonnage de Srebrenica, il n'y avait pas

21 d'appui aérien proche. Ce n’est que le dernier jour, le mardi 11, que très

22 tôt le matin, à 6 heures -j’avais eu une réunion dans la nuit du lundi au

23 mardi avec les autorités locales- nous avons décidé de demander l'appui

24 aérien très tôt. Il n'y a pas eu cet appui aérien, ce n'est que plus tard

25 que les frappes aériennes ont commencé en début d'après-midi : pas d'effet

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1 pour la population, pas d'effet pour notre mission, parce que tout le

2 monde sait qu'en fait ces frappes aériennes sont venues trop tard et ont

3 été trop faibles. Par contre, cela a eu un effet sur la réaction du

4 Général Mladic.

5 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avant d'arriver à

6 cela, pourriez-vous clarifier un point ? Lorsque vous commandiez le

7 bataillon néerlandais à Srebrenica, que l'appui des forces aériennes

8 devait constituer un élément très important de l'appui dont vous aviez

9 besoin et dont avait besoin la population, vous avez parlé de ces frappes

10 aériennes, et vous avez dit qu'elles ont été trop faibles et trop

11 tardives.

12 Quel a été l'effet de ces frappes aériennes sur le Général

13 Mladic ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Du fait que des

15 soldats avaient été pris en otage, avaient été enlevés à Bratunac et

16 qu'ils se trouvaient dans une caserne de l'armée serbe bosniaque, celle-ci

17 avait utilisé l'équipement de communication et les véhicules de notre

18 mission et a demandé que j'interdise immédiatement les frappes aériennes.

19 Il m'a fait savoir que si je n'arrivais pas à arrêter les

20 frappes aériennes, il utiliserait toute son artillerie pour pilonner et

21 bombarder la base de Potocari, pour pilonner et bombarder les réfugiés sur

22 la base et en dehors de la base, et qu'il tuerait les trente soldats pris

23 en otage.

24 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avait-il la

25 capacité pour faire cela ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, parce qu’ils

2 avait gardé beaucoup de canons et d'autres armes sur les collines qui

3 entouraient la base, comme des mortiers, deux canons, deux chars, et comme

4 je l'ai déjà dit hier, des systèmes de lance-roquettes multiples, de

5 différents types, et tout cela en ligne de mire directe sur la base. Il

6 pouvait donc utiliser ces armes.

7 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - C’est ce qu'il

8 avait fait d'ailleurs en ce qui concerne la base des Nations Unies, à

9 Srebrenica ?

10 Je voudrais maintenant en venir à un autre thème : les

11 rencontres que vous avez eues avec le Général Mladic. Pourriez-vous nous

12 décrire les circonstances dans lesquelles votre première rencontre a eu

13 lieu avec le Général Mladic ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ma première

15 rencontre avec le Général Mladic a eu lieu le mardi soir, à 8 heures et

16 demi. On m'a dit qu'on avait reçu un message, toujours par le même système

17 de communication, m’ordonnant de venir à Bratunac pour une réunion. Je ne

18 savais pas du tout de quoi il s'agissait, mais je m'attendais à ce que ce

19 soit quelqu'un de l'armée serbe bosniaque, Nikolic ou Vukovic.

20 Je n'étais jamais allé à Bratunac, mais mon officier de

21 liaison s’y était rendu un certain nombre de fois et avait déjà discuté

22 des options militaires avec l'armée serbe bosniaque. Deux officiers de

23 liaison sont venus avec moi dans cet hôtel à Bratunac. Il y avait là foule

24 de militaires, tous en treillis, en tenue de combat, et c'est là que pour

25 la première fois j'ai rencontré le général Mladic.

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1 Je ne l'avais jamais rencontré personnellement. Il y avait là

2 également le général Zivanovic, le co-commandant de la Drina Corps. Tout

3 le monde était là, à 8 heures et demi. Il y avait également beaucoup de

4 représentants de la presse, de la télévision, et le général Mladic a

5 commencé par m'accuser de tous les maux et de tout ce qui s'était passé

6 dans les derniers six jours. Il a dit que j'étais responsable de l'appui

7 des forces aériennes qui avaient tué certains de ses soldats et de ses

8 gens, que mes soldats avaient essayé de le tuer parce qu'ils avaient tiré

9 sur lui. Il m'a accusé de ne pas être en mesure de désarmer les forces de

10 Bosnie-Herzégovine dans l'enclave, etc.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsqu’il parlait

12 avec vous, est-ce qu’il était calme ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, il hurlait.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé

15 ensuite ?

16 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ensuite, nous

17 avons reçu le verre d'eau classique.

18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - C'est tout ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, on nous a

20 mis un verre de quelque chose dans la main. On n'a pas bu à la santé de

21 qui que ce soit, mais vous pouvez vous imaginer que la situation est très

22 mauvaise. Nous n'avions pas dormi depuis cinq nuits. Nous n'avions ni eau

23 ni nourriture. Nous avions vécu dans des abris, dans des bunkers. On ne

24 peut pas dire que nous étions en très bonne forme et certainement pas très

25 en forme pour ce type de réunion.

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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu’il y

2 avait des cameramen ?

3 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui, et tout a

4 été enregistré, photographié et filmé.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous avez

6 eu ce verre dans la main, on vous a filmé ainsi que les autres officiers

7 néerlandais ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de temps a

10 duré la réunion ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oh pas

12 longtemps. Peut-être trois quarts d’heure. J'ai essayé d'expliquer la

13 situation misérable dans laquelle se trouvaient les réfugiés. Je lui ai

14 demandé de faire en sorte qu'on les approvisionne en eau, en nourriture et

15 en médicaments et il m'a dit : "vous devez revenir pour une deuxième

16 réunion, à 11 heures et demi, donc juste avant minuit, et vous amènerez là

17 des représentants des réfugiés", il m'a dit que je devais amener des

18 représentants des réfugiés et si possible un représentant des autorités

19 civiles de l'administration de l'opstina.

20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qu'est-ce que vous

21 avez fait alors ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Nous sommes

23 rentrés. Nous avons quitté l'hôtel à Bratunac. Nous sommes rentrés dans la

24 base et la première chose que j'ai faites alors a été d'avoir une brève

25 conversation avec mon adjoint. Nous nous sommes efforcés désespérément de

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1 trouver un représentant des réfugiés.

2 L'un de mes officiers connaissait la personne en question. Il

3 s'agissait du directeur de l'école secondaire de Srebrenica. Il se

4 trouvait parmi les réfugiés et se trouvait Potocari. Nous l'avons retrouvé

5 et lui avons expliqué la situation. Nous l'avons informé de notre réunion

6 avec Mladic et lui avons dit qu'il nous avait été pratiquement ordonné de

7 l'amener avec nous, c'est-à-dire pas lui explicitement, mais un

8 représentant des réfugiés. Nous lui avons donc demandé s'il consentait à

9 venir avec nous.

10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Ensuite vous êtes

11 rentrés à Bratunac, le même soir ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, le même

13 soir, aux alentours de minuit, avec mes deux officiers de liaison, les

14 mêmes et M. Mandzic qui était le représentant.

15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qui était du côté

16 de l'armée bosniaque serbe. Qui participait à ces réunions ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Plus ou moins

18 les mêmes personnes que j'avais rencontrées lors la première réunion : le

19 Général Mladic, le général Zivanovic, un interprète dont j'ai déjà parlé

20 hier, il s’agit de Petr, quelques officiers de l'armée bosniaque serbe et

21 un ou deux civils que je ne connaissais pas.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Au cours de cette

23 deuxième réunion, avez-vous demandé une autorisation pour les convois qui

24 transportaient des aides différentes pour les réfugiés ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, monsieur.

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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

2 décrire cette deuxième réunion ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - La deuxième

4 réunion a été un peu plus amicale que la première, si j'ose dire. On

5 pourrait le dire. J'ai été en mesure d'expliquer une nouvelle fois la

6 situation déplorable qui régnait au sein de la base et en dehors de celle-

7 ci, notamment en ce qui concerne les réfugiés. De nouveau, j'ai sollicité,

8 l'aide, l'assistance pour les médicaments et les vivres. Nous avions une

9 centaine de personnes blessées, toutes casées dans différents abris. Des

10 notes ont été prises en ce qui concerne mes demandes, sans réponse en vue

11 d'une aide concrète.

12 Ensuite, il a posé ses demandes. Une sorte de monologue,

13 dirais-je. Il m'a demandé, ainsi qu'au représentant des réfugiés, M.

14 Mandzic que tous les soldats bosniaques déposent leurs armes et les

15 remettent aux soldats de l'armée serbe bosniaque.

16 Ensuite, il nous a parlé de son attitude claire et nette à

17 l'égard des soldats de la Bosnie-Herzégovine, ceux qui étaient portés

18 disparus ou qui n'étaient plus en vie.

19 Ensuite, il a demandé que nos représentants reviennent le

20 lendemain matin à 10 heures, pour une troisième réunion. Il a promis un

21 cessez-le-feu, celui même que j'avais demandé moi-même, et ce à partir de

22 10 heures le lendemain matin.

23 Si l'armée de la Bosnie-Herzégovine n'assurait aucun soutien

24 pour la remise des armes, eh bien les pilonnages, les bombardements et les

25 attaques reprendraient sur et autour de la base.

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1 Il nous a également parlé de M. Itzetbegovic, du Président de

2 la population musulmane en indiquant qu'il avait tué beaucoup plus de

3 Serbes au cours des années passées. Il a indiqué également qu'il n'était

4 pas prêt à utiliser quelque force que ce soit contre les femmes et les

5 enfants.

6 Il m'a demandé de voir si l'un des commandants de l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine, Naser oric pourrait se présenter. Nous lui avons

8 expliqué que nous ne l'avions pas vu depuis le mois d'avril, qu'il n'était

9 pas de retour dans l'enclave.

10 Ensuite, il a indiqué qu'il était prêt à reprendre les 100 ou

11 110 personnes blessés que nous abritions et que s'il les reprenait, il

12 leur garantirait un traitement équitable, égal, comme il est d'ailleurs

13 prévu pour tous les blessés conformément aux Conventions de Genève.

14 A nouveau, il a indiqué qu'il nous demandait de revenir le

15 lendemain matin avec une délégation de réfugiés et nous a demandé de voir

16 s'il était possible d'avoir également des représentants des autorités

17 militaires, politiques et administratives de l'enclave.

18 Une autre demande était que la remise des armes par l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine signifierait la survie de ces gens. Une fois celles-ci

20 déposées, il n'y aurait plus de tués, plus d'exécutions. S'ils déposaient

21 leurs armes, ils seraient traités conformément aux conventions de Genève.

22 Il nous a fait savoir que la destinée de la population musulmane se

23 trouvait entre ses mains.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A-t-il fait

25 quelques commentaires ou déclarations concernant l'OTAN et les garanties

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1 de l'OTAN pour la sécurité de la population civile ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il a effleuré ce

3 sujet. Il en a parlé même au cours de notre première réunion. Quand je dis

4 réunion, il faudrait mettre des guillemets. Il a parlé de l'incapacité des

5 forces des Nations Unies d'exécuter les accords découlant des négociations

6 sur les cessez-le-feu et des Résolutions des Nations Unies, notamment

7 portant sur la démilitarisation de l'enclave en question. C'est ce qu'il a

8 soulevé au cours de la première réunion, et répété au cours de la seconde

9 réunion à savoir que les Nations Unies n'étaient pas en mesure de

10 s'acquitter de leur mission.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Après cette

12 deuxième réunion, y en a-t-il eu une troisième ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Cela se passait

14 aux alentours de minuit, elle a duré environ une heure et demi au total.

15 Ensuite, nous sommes rentrés à notre base et nous avons parlé avec nos

16 préposés en les informant de la teneur de ces deux réunions, de la demande

17 du général Mladic. Ensuite, nous nous sommes efforcés de trouver ces gens

18 qui devaient représenter les réfugiés. Nous voulions faire en sorte qu'ils

19 soient préparés pour la réunion.

20 Puis, je me suis longuement entretenu avec mon député et nous

21 avons essayé de trouver des personnes très précises pour la prochaine

22 réunion. Nous avons enfin réussi à trouver la personne voulue ; il

23 s'agissait d'un blessé et d'une autre personne. Puis, nous avons recueilli

24 un petit groupe de trois personnes qui a formé ce petit comité de

25 réfugiés.

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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Par conséquent, le

2 lendemain matin, il y a eu une troisième réunion, colonel. Où a-t-elle eu

3 lieu ?

4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Elle a eu lieu à

5 nouveau à Bratunac, dans le même hôtel.

6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A quelle heure ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - 10 heures 30.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

9 décrire un peu les circonstances qui entouraient cette troisième réunion ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, plus ou

11 moins. C'était une répétition de la deuxième. Les mêmes personnes étaient

12 présentes, ou la plupart que j'avais eu l'opportunité de connaître au

13 cours de la deuxième réunion. C'était pour ainsi dire les mêmes personnes

14 que lors de la deuxième réunion. Celles que je ne connaissais pas m'ont

15 été présentées, mais je ne me souviens pas de leur fonction. Il s'agissait

16 de personnes venant de Bratunac.

17 Le général Mladic nous a d'abord salués, nous souhaitant la

18 bienvenue, à moi-même et à mes officiers de liaison.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quand vous parlez

20 de "il", vous parlez du général Mladic ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui. Ensuite,

22 nous avons présenté les deux nouvelles personnes que nous avions amenées

23 avec nous. Il s'agissait d'une femme qui s'est adressée au général Mladic

24 en quelques phrases pour lui parler de la situation et des conditions

25 déplorables des réfugiés, que ceux-ci n'étaient pas responsables de ce qui

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1 s'était passé dans cette enclave au cours des deux ou trois années passées

2 et, finalement, que les femmes et les enfants n'étaient pas du tout

3 responsables des événements dans l'enclave.

4 Elle parlait au nom de toutes les femmes et de tous les

5 enfants de l'enclave, de tous ceux qui étaient non-militaires,

6 non-politiciens.

7 L'homme qui était avec nous s'est également présenté. Il a

8 demandé que l'aide soit assurée et qu'il ne faudrait pas en vouloir aux

9 réfugiés indiquant qu'ils avaient besoin de beaucoup de choses telles que

10 médicaments, aliments, toute sorte d'approvisionnement.

11 En effet, il a indiqué que lui-même, moi-même, l'équipe du

12 bataillon n'étaient pas en mesure de trouve qui que ce soit au cours de

13 cette nuit pour organiser une réunion ultérieure, mais évidemment il ne

14 pouvait pas s'appuyer sur les mandats, autrement dit il n'était pas en

15 mesure d'expliquer parfaitement les choses au général Mladic, en ce moment

16 précis.

17 Après ces quelques informations fournies par ces personnes

18 présentes, le général Mladic a insisté pour nous informer de certaines

19 choses et à en quelque sorte repris son monologue de la journée précédente

20 C'était à nouveau un monologue très long. Il a commencé par

21 nous donner un petit cours d'histoire, puis il nous a parlé de l'année

22 1992 pour nous indiquer que l'armée bosniaque, les soldats bosniaques

23 étaient, eux, coupables de la mort de nombreux soldats, de nombreux

24 civils, de nombreuses familles du côté des Serbes ; qu'ils étaient

25 également responsable des attaques perpétrées sur les villages entourant

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1 le secteur de Srebrenica, qu'ils étaient également coupables des

2 dévastations causées dans ces différents villages. Et, conformément à tout

3 cela et à tout ce qui a dû se passer en 1993, c'était quelque chose qui se

4 rattachait à ces événements et que désormais, les maîtres de la situation

5 devraient être les Serbes.

6 Personne ne pouvait donc apporter quelque soutien que ce soit

7 et personne ne pouvait s'attendre à une aide de quelque sorte que ce soit

8 du côté des Bosniaques.

9 Ensuite, il a parlé des événements des années écoulées, des

10 forces de la Bosnie-Herzégovine qui étaient présentes dans l'enclave et

11 qui ont commis beaucoup d'actes criminels et de sévices quand ils se

12 trouvaient dans les enclaves et qu'ils recherchaient de la nourriture ou

13 autres choses. Il a indiqué qu'il voulait bien porter secours aux

14 réfugiés, mais pour ce faire il avait besoin de l'appui et du soutien des

15 autorités locales.

16 Personnellement, je lui ai expliqué que ces gens-là n'étaient

17 pas disponibles au sein de ce groupe des 25 000 réfugiées qui se

18 trouvaient dans l'enclave.

19 Ensuite, il a parlé de l'armée de Bosnie Herzégovine, de ceux

20 qui ont survécu ou ceux qui sont disparus. Encore une fois, il a sollicité

21 l'armée de Bosnie-Herzégovine de déposer les armes et que même les

22 criminels dans les rangs de cette armée devaient et pouvaient le faire.

23 Un deuxième sujet sur lequel il s'est étendu était que la

24 population au sein et autour de la base pouvait choisir entre rester à

25 Srebrenica et être évacuée vers la Serbie ou encore vers les territoires

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1 bosniaques autour de Tuzla ou d'être évacuée à l'étranger.

2 En effet, il a dit que l'ensemble de cette ancienne zone de

3 sécurité était encerclée et se trouvait sous le siège de ses propres

4 forces et qu'au cours de la nuit, on avait d'ailleurs pu entendre les

5 coups de feux qui retentissaient. On pouvait entendre les échos des

6 combats qui se déroulaient tout autour de l'enclave de Srebrenica. Il a

7 précisé qu'il ne pouvait pas porter secours et aide aux réfugiés, sauf

8 dans le cas où les combats s'arrêteraient. En conséquence, les forces de

9 la Bosnie Herzégovine devraient remettre leurs armes.

10 Quand il parlait des forces des Nations Unies, de la FORPRONU,

11 à mon sens, il pensait au bataillon néerlandais. En effet, il s'est

12 expliqué pour dire qu'il voudrait bien nous porter aide et concours en vue

13 de l'évacuation et c'est pour la première fois, au cours de cette

14 troisième réunion, qu'il a utilisé ce terme "d'évacuation".

15 En effet, on a parlé de cette vie qui existait jadis dans

16 l'enclave même et autour de l'enclave de Srebrenica ; il a dit à quel

17 point il souhaitait que cette belle vie d'avant 1992 reprenne, revienne et

18 dans l'enclave et dans la région autour de l'enclave.

19 Un autre point soulevé a été qu'en récapitulant les choses et

20 en s'appuyant à nouveau sur ce petit cours d'histoire qu'il nous a fait au

21 commencement, il a précisé qu'il n'aimait pas du tout les événements

22 de 1992 et 1993 et que lui, en tant que militaire professionnel, il ne se

23 réjouissait absolument pas des souffrances tant des civils que des

24 militaires. Encore une fois, il nous a offert son assistance, son aide. Il

25 nous a sollicités de repenser ou plutôt il les a sollicités de repenser à

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1 ses offres et de songer à la possibilité d'évacuation dans ce contexte .

2 Il a demandé de quoi nous avions besoin pour répondre aux

3 besoins élémentaires, a voulu savoir ce dont les réfugiés avaient besoin

4 comme médicaments et appui logistique. Enfin, il a voulu savoir ce dont

5 avaient besoin ces 25 000 réfugiés qui se trouvaient dans l'enclave.

6 Le Comité des réfugiés a indiqué que la plupart des réfugiés

7 aimeraient rejoindre leurs parents, leurs familles et on a même parlé de

8 regroupement des familles. Ils ont précisé que personne ne devait être

9 contraint, forcé à l'évacuation et qu'en cas de frappe aérienne, un appui

10 aérien devrait être assuré même pour les autres régions de Bosnie et qu'il

11 faudrait donc déployer les armes nécessaires pour parer à ces frappes

12 aériennes éventuelles.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu'il s'est

14 expliqué ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il a dit à peu

16 près la même chose qu'au cours de la première réunion, à savoir que s'il y

17 avait frappe aérienne, ils bombarderaient, ils tireraient sur la base et

18 sur les réfugiés qui se trouvaient dans la base même et autour.

19 Il a dit qu'il voulait voir tous les hommes âgés de 17 à 60 et

20 quelques année. Le Comité des réfugiés a répondu que ce ne serait pas

21 possible. Il a dit il y avait pas mal de gens qui pouvaient être qualifiés

22 de criminels de guerre et qu'il voulait les voir.

23 Il a voulu savoir si nous étions en mesure d'entrer en contact

24 avec des soldats que Mladic connaissait. Il a fait référence à Naser oric,

25 que je connaissais, et à d'autres personnes que je connaissais, aux

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1 personnes dont j'ai parlé tout à l'heure, mais nous lui avons indiqué que,

2 dans l'enclave, il n'y avait pas pour le moment de soldats de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine. Nous étions avec les réfugiés, nous étions tous

4 comprimés pour ainsi dire dans une base très petite et avions en quelque

5 sorte perdu toutes nos capacités de voir ou d'entendre, d'être vus ou

6 d'être entendus ; nous ne pouvions donc pas entrer en contact avec des

7 représentants de militaire quels qu'ils soient.

8 Puis, il a ajouté que les soldats de l'armée bosniaque avaient

9 seulement 72 heures pour rendre les armes. Ensuite, il a exigé que des

10 conditions très spécifiques soient remplies et a indiqué que, si c'était

11 possible, il s'occuperait des malades, des faibles, des vieillards, des

12 femmes et des enfants, précisant que personne ne devait être blessé ou

13 touché et qu'évidemment tout se ferait en coopération avec la FORPRONU et

14 le bataillon néerlandais, que ce point était l'une de ses priorités.

15 Il a parlé également des besoins en diesel pour l'évacuation,

16 ce qui m'a fait rire en quelque sorte, parce que je savais très bien qu'il

17 n'y avait plus de carburant, qu'il n'y avait plus de diesel sur place, que

18 nos réserves étaient à zéro et que je ne pouvais donc pas répondre à cette

19 demande.

20 Il a précisé aussi que les forces de l'armée bosniaque serbe

21 accompagneraient le convoi d'évacuation. J'ai répondu par la négative,

22 indiquant que s'il y avait évacuation, c'était notre propre bataillon qui

23 devrait s'occuper de ce convoi d'évacuation, puis je lui ai expliqué

24 comment j'allais faire.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous

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1 proposé au général Mladic ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ma proposition

3 était de placer un soldat à bord de chaque véhicule, alors même que je ne

4 savais pas quel en serait le nombre. Lorsque l'évacuation a commencé, le

5 jour même, vers 3 heures -nous reviendrons sur ce point un peu plus tard-,

6 je n'étais pas tout à fait en mesure de protéger chacun des véhicules du

7 convoi.

8 Ensuite, il a employé une formule pour dire que Allah ne

9 pouvait pas aider, mais que Mladic pouvait le faire. Il leur a demandé de

10 ne pas avoir peur et de faire passer ce message à leurs compatriotes

11 réfugiés dans la base.

12 J'ai également demandé quand cela pourrait se passer, ce qui

13 pourrait se passer pour les gens âgés de 17 à 60 ans. Il nous a reparlé

14 des criminels de guerre qui se trouvaient au sein de ce groupe de gens et

15 nous a dit qu'il les interrogerait individuellement pour savoir ce qu'ils

16 avaient fait et voir de qui il s'agissait.

17 A la fin de cette réunion, soudainement, il s'est mis à nous

18 parler de l'évacuation et il a proposé, pour reprendre ce terme, Kladanj

19 comme point d'évacuation, il s'agit d'un petit village qui fait office de

20 frontière entre le territoire serbe et le territoire bosniaque, c'est-à-

21 dire celui de la région de Tuzla. Kladanj est la première ville musulmane

22 dans cette région.

23 Il a réitéré que c'est dans un délai de vingt-quatre heures

24 que tous les soldats de l'armée bosniaque serbe, portant ou non

25 l'uniforme, même s'il y avait ou non des crimes de guerre, devaient

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1 remettre leurs armes. Il a dit quelque chose que j'ai essayé d'expliquer

2 hier, à savoir qu'une nouvelle information devait lui être fournie sur ce

3 qui se passait dans l'enclave et que quelqu'un devrait le tenir au courant

4 de ce qui se passait dans l'enclave afin qu'il puisse en être informé.

5 A ce moment-là, à la fin de la réunion, il nous a montré un

6 livre provenant de l'opstina dans lequel étaient enregistrés les mariages.

7 Le dernier mariage s'était produit le 29 juin. Et je suppose qu'à titre

8 d'aide-mémoire, il conservait cet ouvrage où étaient inscrits les mariages

9 auxquels il avait été procédé dans l'Opstina. Il a alors précisé qu'il

10 avait quelque chose à dire à la femme membre de la commission, à savoir

11 que c'était une femme très ouverte du point de vue des déclarations

12 qu'elle avait faites à Mladic et il n'a rien dit aux deux représentants

13 hommes. Et enfin, et ce n'était pas le moins important, il nous a

14 instamment demandé d'établir des contacts avec les forces bosniaques aux

15 fins de les convaincre d'accepter de restituer leurs armes dans les vingt-

16 quatre heures. Et je crois que c'était là la teneur de la réunion.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quand la réunion

18 s'est- elle terminée ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je crois me

20 rappeler que c'était autour de midi, car à 12 h 30, j'avais une réunion

21 prévue à la base avec les membres du Comité.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- A quel moment le

23 premier transport est-il arrivé pour faire sortir les réfugiés de la

24 base ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Au cours de la

Page 660

1 troisième réunion, il avait déclaré que l'évacuation devrait commencer

2 vers 1 heure. Mais le début de l'évacuation n'a pas été bien organisée,

3 elle n'a pas été organisée de manière efficace, si bien qu'elle a commencé

4 vers 3 heures.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Trois heures après

6 la fin de votre réunion avec le général Mladic, les transports sont

7 arrivés pour évacuer les réfugiés ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Exactement.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quel type de

10 transport est arrivé ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Un grand nombre

12 d'autobus ; je crois pouvoir dire qu'il y en avait vingt ou trente. Il y

13 avait également des gros camions et des petits véhicules motorisés. Je

14 crois me rappeler que la première évacuation a fait intervenir quarante à

15 cinquante véhicules. Les dispositions ont été modifiées, c'est-à-dire

16 qu'au départ, il y avait une personne escortant chaque véhicule, et

17 ensuite une personne pour deux véhicules.

18 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Etant donné le

19 nombre de véhicules, ils ne disposaient donc pas de suffisamment de

20 soldats pour placer à bord de chaque véhicule un soldat servant d'escorte,

21 est-ce bien cela ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'est cela.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous formulé

24 une autre solution ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Effectivement.

Page 661

1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle était cette

2 solution ? Pouvez-vous nous décrire ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- La solution a

4 consisté à proposer que nous escortions chaque convoi avec deux véhicules,

5 des jeeps en l'occurrence, un officier ou un sous-officier ainsi qu'un

6 chauffeur étant à bord de chacune de ces jeeps équipées de systèmes de

7 communication. Ces véhicules devaient se rendre à Kladanj pour ensuite

8 revenir et servir d'escortes à l'évacuation suivante.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Qu'est-il arrivé à

10 ces véhicules ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Lors de la

12 première évacuation, j'ai placé l'un de mes officiers -un capitaine- ainsi

13 qu'un de mes officiers de liaison à bord de ces véhicules escorteurs, et

14 ils sont parvenus à faire en sorte que toutes les personnes à bord de ces

15 autobus passent la ligne et arrivent effectivement à Kladanj.

16 Les véhicules sont donc partis en convoi, puis sont revenus à

17 Srebrenica et le même phénomène s'est produit lors de la deuxième

18 évacuation. Au total, quatorze autocars ont été interceptés sur le chemin

19 du retour, soit par les forces serbes bosniaques, soit par les forces

20 bosniaques.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Je voudrais bien

22 comprendre. Le premier véhicule escorteur est arrivé jusqu'à Kladanj.

23 C'est bien cela ? Il est tout au moins arrivé tout près de Kladanj ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, il est

25 arrivé à 6 kilomètres de Kladanj, car une barricade était érigée à cet

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1 endroit qui servait de frontière. Et tous les réfugiés, y compris les

2 personnes blessées, ont été contraintes de marcher, même au prix de très

3 grandes difficultés, jusqu'à Kladanj.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- D'autres véhicules

5 escorteurs sont arrivés au même point ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Certains d'entre

7 eux, oui, au début, mais ils ne sont pas revenus.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Qu'est-il arrivé à

9 ces véhicules ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ils ont été

11 interceptés, volés.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Et qu'est-il arrivé

13 à l'équipement utilisé par les soldats servant d'escorte ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Leurs armes

15 personnelles, leur casque, leur gilet pare-balles, leurs effets personnels

16 ont tous été volés.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle a été la

18 conséquence de la perte de véhicules escorteurs après leur départ de la

19 base ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je crois pouvoir

21 dire que les conséquences ont été triples :

22 Premièrement, nous avons dû, une fois encore, modifier le mode

23 d'escorte accordé aux convois, en plaçant sur la route, longue de

24 50 kilomètres, quatre points que j'appellerai des points de contact, si

25 bien que les soldats présents dans ces points de contact pouvaient

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1 vérifier que les véhicules passaient bien devant eux ; ils pouvaient

2 compter le nombre de personnes à bord de ces véhicules et, dès qu'un

3 convoi s'embarquait sur la route partant de la base, nous en comptions les

4 passagers, nous transmettions le nombre de ces passagers au premier point

5 de contact et demandions que ce point de contact vérifie bien que le

6 nombre de personnes présentes à bord, lors du passage devant le point de

7 contact, correspondait bien au nombre de personnes embarquées à la base.

8 La deuxième conséquence était la suivante : j'ai demandé aux

9 troupes qui se trouvaient devant la base d'agir en groupe et de veiller

10 avec attention à leurs casques et à leurs gilets pare-balles alors que je

11 demandais aux soldats qui se trouvaient seuls de ne porter qu'un tee-shirt

12 de ne pas porter de casque ni de gilet pare-balles.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourquoi avez-vous

14 fait cela ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Parce qu'au

16 départ, notamment pour ce qui concerne les gens qui travaillaient au sein

17 du groupe des réfugiés, il y avait eu pas mal de vols de la part des

18 soldats de l'armée serbe bosniaque. Ils volaient les gilets pare-balles,

19 les casques, les armes, en pointant simplement leurs armes sur la personne

20 en question et en ordonnant à cette personne de remettre ces divers

21 objets. Et cela se produisait moins fréquemment lorsque les soldats

22 étaient en groupe.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous revu le

24 général Mladic, le 12 juillet ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'était un

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1 mercredi, oui. Au moment où le premier convoi est arrivé, je parle là des

2 véhicules vides qui arrivaient à la base, au moment où le premier groupe

3 de réfugiés a été escorté vers les autobus pour y prendre place, le

4 général Mladic est arrivé à bord de son véhicule personnel, entouré d'un

5 certain nombre d'officiers et de gardes du corps bien entendu. La presse

6 était également présente. Ils ont pris de jolies photos de lui, ont pris

7 des photos de ce qui se passait, et lui ont fait beaucoup de publicité.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous eu une

9 conversation avec le général Mladic lors de cette quatrième rencontre avec

10 lui ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - J'ai eu une

12 brève conversation avec lui au sujet de l'évacuation et au sujet de ses

13 déclarations du matin, à savoir que la première priorité devait être

14 accordée aux blessés. Lorsque nous lui avions parlé de cela, il avait

15 dit : oui, effectivement, il faut faire quelque chose à ce sujet, il faut

16 les emmener à l'hôpital de Bratunac. Ce à quoi j'avais rétorqué : non,

17 nous ne ferons pas cela, ils resteront à la base, sous notre contrôle, à

18 moins qu'ils soient envoyés à Tuzla -qui était placée sous le contrôle

19 d'une compagnie norvégienne- "et ce, sous escorte de la Croix Rouge

20 internationale ou sous escorte des Norvégiens".

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle a été sa

22 réaction ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Il n'a pas eu de

24 réaction.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous

Page 665

1 maintenant nous décrire votre quatrième réunion avec le général Mladic ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Il était

3 tellement impressionné par la présence de la presse, il avait tellement

4 envie d'impressionner les officiers et les représentants de la presse qui

5 se trouvaient autour de lui et il souhaitait tellement s'adresser aux

6 réfugiés, que je n'ai guère eu le temps de parler avec lui. Je crois que

7 notre conversation n'a pas duré plus de cinq minutes.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quel a été votre

9 contact suivant avec le général Mladic ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Mon contact

11 suivant avec lui a eu lieu le lendemain matin, le jeudi matin.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Où ce contact a-t-il

13 eu lieu ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Là encore devant

15 la base, juste en face du portail principal. Là encore, il s'est agi d'une

16 brève rencontre ; la presse n'était pas présente, n'étaient présents que

17 le colonel Jankovic et le major Nikolic avec lui, ces deux hommes étant

18 tous deux officiers de l'armée serbe bosniaque et, bien sûr, il était

19 également accompagné de son interprète Petr et de quelques gardes du

20 corps.

21 Ce jeudi matin, il m'a proposé de quitter la base avec nos

22 véhicules, après l'évacuation de tous les réfugiés ou pendant cette

23 évacuation.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- En d'autres termes,

25 le bataillon néerlandais pouvait-il être évacué ?

Page 666

1 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, c'est exact,

2 c'est bien cela.

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Que lui avez-vous

4 dit ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je lui ai dit que

6 l'idée de quitter la base ne me plaisait pas pour un certain nombre de

7 raisons.

8 L'idée de quitter la base ne me plaisait pas pour un certain

9 nombre de raisons, la première étant que j'avais encore des soldats postés

10 au poste d'observation Alpha. Les officiers et les soldats qui

11 participaient à l'escorte des convois la veille étaient toujours en

12 activité.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Autrement dit, ils

14 n'étaient toujours pas revenus ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Effectivement,

16 ils étaient toujours portés disparus et à ce moment-là j'avais

17 cinquante cinq civils blessés à la base. Je lui ai donc rappelé la

18 conversation que nous avions eue précédemment, à savoir mon désir

19 d'emmener ces blessés avec l'aide de la Croix Rouge Internationale ou avec

20 l'escorte des soldats norvégiens.

21 Par ailleurs, j'avais également un certain nombre de

22 Bosniaques employés par nous sur la base : des interprètes servant aux

23 militaires, aux observateurs militaires des Nations Unies qui

24 travaillaient sur la base. Il y avait également tous les représentants de

25 MSF -Médecins sans Frontières- qui se trouvaient avec moi à la base. Je

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1 proposais donc que nous partions tous ensemble, mais seulement après que

2 des dispositions particulières aient été prises au sujet des blessés.

3 Il a accepté. C'est pourquoi je suis resté à la base.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu

5 d'autres sujets discutés pendant la réunion ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non cela a été

7 la fin de la réunion.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A la fin du

9 13 juillet, tous les réfugiés avaient-ils été déportés de la base de

10 Potocari ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur.

12 Je regarde mes notes, si vous le voulez bien. A 16 heures, le jeudi, le

13 dernier réfugié avait quitté la base et, à ce moment-là a commencé

14 l'évacuation des 4 000 à 5 000 réfugiés qui avaient eu l'autorisation de

15 rester sur la base.

16 Cette évacuation a débuté à 16 heures pour se terminer vers

17 19 heures.

18 Elle a donc duré trois heures.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A la fin de cette

20 phase, il n'y avait donc plus aucun réfugié sur la base de Potocari ou aux

21 alentours ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il n'y avait

23 plus aucun réfugié à Srebrenica sur la base ou aux alentours.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été votre

25 rencontre ultérieure avec le général Mladic ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Elle a eu lieu

2 le jour de notre départ, le 21 juillet. C'était un vendredi matin.

3 Huit jours nous avaient été accordés pour préparer notre départ,

4 huit jours de repos. Le vendredi, lendemain de l'évacuation, tout d'un

5 coup, un convoi transportant beaucoup de vivres et du fuel pour les

6 véhicules diesels a été autorisé à rentrer sur la base de Potocari. A

7 partir de ce jour, nous avons disposé d'une quantité suffisante de vivres,

8 de fuel et de médicaments et nous avons pu nous remettre des événements

9 qui s'étaient déroulés la semaine précédente.

10 Le vendredi le général Mladic m'a transmis une invitation par

11 le général Jankovic, si je me souviens bien, à moins que ce ne soit par

12 Petr, l'interprète. Il me faisait savoir qu'avec mon officier de liaison

13 j'étais invité dans cet hôtel de Bratunac où avaient déjà eu lieu les

14 trois réunions précédentes avec lui.

15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il

16 passé ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Nous nous sommes

18 rendus à bord d'un véhicule dans cet hôtel. J'étais accompagné de mon

19 officier de liaison. Là se trouvait le général Mladic entouré d'une foule

20 d'officiers dont je connaissais la majorité en raison des réunions que

21 j'avais eues avec lui précédemment.

22 Le chef d'état-major des forces bosniaques, le général

23 Nikolaj(?), était là. Il y avait également un général néerlandais et son

24 adjoint. Ils nous ont offert le petit déjeuner et ont proposé de discuter

25 d'un certain nombre de choses, notamment de la situation des armements. Je

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1 lui ai redemandé ce qui s'était passé avec mes armes. J’ai dit que je

2 souhaitais les récupérer. Je savais déjà que nous étions sensés partir

3 vers midi du territoire serbe pour poursuivre notre chemin par la suite

4 vers Zagreb.

5 Je lui ai reposé la question de savoir où se trouvaient mes

6 véhicules. J'ai dit que j'aimerais qu'ils me soient rendus. Il m'a dit à

7 ce moment-là, après avoir parlé d'un certain nombre de généralités que je

8 n'ai plus en mémoire, qu'il aimerait visiter la base, jeter un coup d'oeil

9 sur nos convois, voir comment nous organisions nos véhicules. Il m'a

10 demandé de discuter avec les soldats et a proposé que cela se fasse aux

11 alentours de 11 heures, dès que possible.

12 Mais étant donné l'horaire prévu, cela semblait impossible.

13 J'ai donc dit au général Mladic que cela ne me semblait pas une bonne idée

14 qu'il y ait cette discussion avec les soldats, cela ne me semblait pas une

15 bonne idée qu'il visite la base. Mais il a insisté pour visiter cette base

16 et m’a dit : « bon, très bien ! je ne serai pas là à 11 heures, mais

17 j’arriverai à 11 heures 30 escorté par le chef d'état-major des forces

18 bosniaques.

19 J'ai eu d'autres conversations pour organiser notre voyage et

20 m'occuper de toutes les questions qui restaient encore en suspens. J'ai

21 demandé à mon adjoint s'il pensait que nous pourrions démarrer à midi. Il

22 m'a dit oui et à ce moment-là je lui ai annoncé la visite prévue du

23 général Mladic. Il a dit : « très bien ». Nous sommes repartis vers le

24 portail. En fait, il se trouvait au portail bien avant 11 heures 30 et il

25 a été arrêté par le commandant des gardes qui était un sergent de très

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1 grande taille ; il n'a donc pas pu passer outre les instructions de ce

2 sergent.

3 Nous nous sommes approchés du général Mladic. Nous avons eu

4 une brève conversation avec lui. 11 heures et demi est arrivé. Je l’ai à

5 ce moment-là fait rentrer sur la base, dans la pièce où j'avais l'habitude

6 de me tenir. Nous avons rapidement discuté d'un certain nombre de

7 questions générales, après quoi je lui ai posé deux questions précises, la

8 première étant : « qu'arrivera-t-il à mon équipement ? ». Je lui ai dressé

9 la liste des matériels que j’avais perdus au cours des deux semaines

10 précédentes : tous les véhicules motorisés, pas mal d'armes légères, les

11 transports de troupes, le matériel des postes d'observation. Cela, c’était

12 ma première question.

13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle a été sa

14 réponse ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Sa réponse a été

16 qu'il s'apprêtait à régler le problème. Il était en contact avec le

17 ministère de l'Intérieur et c'est en coordination étroite avec le

18 commandement des forces bosniaques qu'ils avaient l'intention de régler ce

19 problème. Il a également évoqué la présence du chef d'état-major des

20 forces bosniaques.

21 La deuxième question que je me rappelle lui avoir posée a été

22 la suivante : « pendant que les troupes des Nations Unies étaient

23 présentes dans les zones de sécurité -Zepa, Gorazde et bien sûr

24 Srebrenica- que se passerait-il si ces troupes étaient complètement

25 désarmées, complètement démilitarisées ? Que se serait-il passé si des

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1 raids n’avaient pas eu lieu à l'extérieur des bases militaires ? Que se

2 serait-il passé si les militaires avaient quitté la base en même temps que

3 les civils, conformément au règlement de cessez-le-feu de 1993 ? »

4 A cette question il a répondu que l'idée d'attaquer l'enclave

5 ne lui serait pas venue à l’esprit. Il l’a dit avec quelque chose qui

6 ressemblait à un sourire. Cela a été également à peu près la fin de notre

7 conversation.

8 Nous sommes à ce moment-là ressortis pour nous diriger vers le

9 portail d'entrée principale de la base. Le garde posté à cet endroit

10 n'était plus le même, mes gardes étant retournés vers leur compagnie. Tout

11 le monde s'est placé à bord des véhicules et vers midi nous avons quitté

12 la base.

13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Colonel Karremans,

14 merci beaucoup. Je n’ai pas d’autres questions. Monsieur le Président,

15 c’est la fin de cet exposé.

16 M. Le Président. - Merci monsieur le procureur. Je me tourne

17 vers mes collègues. Madame le juge vous avez, semble-t-il, des questions.

18 Vous avez la parole.

19 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Colonel

20 Karremans, après votre départ de Srebrenica et de Potocari, après le

21 départ des réfugiés de Srebrenica et de Potocari, où les réfugiés à bord

22 de ces convois dont vous avez parlé sont-ils allés ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Comme je l’ai

24 expliqué tous les réfugiés ont quitté la zone de sécurité de Srebrenica

25 dans un temps qui était extraordinairement court. Cela s'est passé au

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1 cours du mercredi après-midi et de toute la journée du jeudi. Ils ont été

2 évacués vers la ville de Kladanj, qui était la première ville musulmane

3 dans la région de Tuzla.

4 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Sur la ligne

5 de confrontation ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, exactement.

7 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - Savez-vous ce

8 qui leur est arrivé au cours de leur voyage ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, parce

10 qu’ils sont restés à bord des véhicules. Cela d’ailleurs, c’était une des

11 choses que je voulais faire au début. Je voulais placer un soldat à bord

12 de chacun des véhicules, ce qui lui aurait permis de vérifier ce qui se

13 passait à bord de ces autocars ou de ces camions.

14 Personne ne m'a informé de ce qui se passait à bord des

15 autocars, puisque nous n'avons rien pu faire à ce sujet. La seule chose

16 que nous avons pu faire -et c'était notre deuxième option- a simplement

17 consisté à escorter ces groupes importants de véhicules, ces convois en

18 plaçant deux voitures dans les convois.

19 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Mais vos

20 véhicules motorisés ont été volés par l'armée serbe bosniaque ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui madame le

22 juge.

23 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Qu’ont fait

24 les soldats par la suite ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - De quels soldats

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1 parlez-vous ?

2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous aviez

3 des soldats dans ces véhicules qui ont perdu leurs véhicules, leurs

4 casques... ils ont tout perdu. Qu’ont-ils fait à ce moment-là ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ils ont été

6 rassemblés au cours de la nuit du mercredi au jeudi et gardés par des

7 membres de l'armée serbe bosniaque ou par des membres de troupes

8 irrégulières, je ne le sais pas très bien.

9 Il y avait quatorze officiers ou soldats qui les gardaient et

10 ils ont ainsi passé la nuit quelque part sur la route séparant Bratunac et

11 Kladanj.

12 Ils ont été alimentés par les soldats serbes bosniaques. On

13 leur a fourni un abri en leur annonçant qu'ils seraient protégés pendant

14 longtemps. Le vendredi ils sont revenus via Bratunac à ma base.

15 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - Vous-même ou

16 un de vos soldats a-t-il jamais vu un soldat serbe bosniaque brutaliser,

17 violer ou voler un réfugié dans les endroits que vous avez évoqués ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Dans certains

19 cas, certains réfugiés ont été battus et dès qu’un de mes soldats

20 remarquait cela, on arrêtait de battre cette personne. J'ai reçu deux

21 rapports émanant d'un soldat le jeudi après avoir rencontré Mladic. Un de

22 ces rapports portait sur l'exécution d'une personne, le deuxième portait

23 sur l'exécution de neuf hommes dont mes soldats avaient trouvé les corps.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En ce qui concerne

25 les éléments de preuve de ce qui vient d'être mentionné par le colonel,

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1 nous vous remettrons les pièces à conviction.

2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez vous

3 demandé au général Mladic pendant ces rencontres ce qui s'était passé avec

4 ces réfugiés ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, parce que

6 la dernière fois que je l'ai rencontré c’est le 21, huit jours après, et à

7 ce moment-là nous ne savions pas ce qui s'était passé avec les réfugiés.

8 Je savais qu'ils avaient été évacués vers Kladanj et qu'ensuite ils

9 avaient été pris en charge par le bataillon pakistanais et la Croix Rouge

10 internationale entre autres, que des tentes avaient été montées, qu'ils

11 avaient prévu des points de provisions, de vivres, etc., également avec

12 l'aide du bataillon norvégien, que certains avaient été emmenés à la base

13 aérienne de Tuzla et qu’un certain nombre de réfugiés avaient été emmenés

14 ailleurs. C’est tout ce que je savais et je n'en ai pas parlé avec le

15 général Mladic.

16 Mme Odio-Benito (interprétation de l’anglais). - Colonel,

17 diriez-vous que vous avez eu l'appui que vous attendiez de vos

18 supérieurs ?

19 Au cours de ces jours très difficiles avant la chute de

20 Srebrenica vous avez dit que vous aviez demandé un appui. Avez-vous reçu

21 ce que vous avez demandé ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Madame le juge,

23 je pourrais parler de cela pendant des jours et des jours et j'ai été très

24 content de pouvoir vous dire hier et ce matin ce qui s'est passé avec les

25 habitants, les réfugiés, les soldats qui se trouvaient dans l'enclave, et

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1 en particulier avec mes soldats.

2 Nous avons fait des rapports quotidiens concernant la

3 situation dans laquelle nous nous trouvions en faisant une liste des

4 rapports de situation, et j’ai fait appel au commandement norvégien à

5 Tuzla et à Sarajevo en leur indiquant ce dont j'avais besoin pour

6 accomplir ma mission. J'ai été très précis dans cette demande. J'ai dit :

7 « nous avons besoin de nourriture, de vivres, de carburants etc. ». J'ai

8 demandé à un grand nombre de reprises du soutien, de l'appui.

9 Je sais que l'on a beaucoup parlé à tous les niveaux,

10 également avec la population à Srebrenica, mais nous n'avons reçu aucun

11 soutien, aucun appui, aucune assistance

12 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - J'ai encore

13 une dernière question. Je voudrais vous demander votre opinion

14 personnelle, colonel.

15 Rétrospectivement, si vous regardez ce qui s’est passé,

16 pensez-vous que les Nations Unies et l’OTAN ont fait tout qu’ils pouvaient

17 faire pour sauver des vies ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je dirais d'une

19 part oui. Si nous avions pu jouir de notre liberté de mouvement, qui était

20 un des points essentiels de la Résolution de 1993, si nous avions pu nous

21 déplacer et aller de zone de sécurité à zone de sécurité en toute liberté,

22 et si nous avions pu bouger de Srebrenica, pour nous et pour la Croix

23 Rouge, pour les Médecins sans frontière, nous aurions été en mesure

24 d'apporter notre assistance aux réfugiés là je dirais oui.

25 Mais compte tenu de notre isolement, du blocus, du fait que

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1 nous n'avons reçu aucun appui, ma réponse est non.

2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Isolement,

3 blocus, étranglement, du fait du général Mladic ?

4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

5 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - J’ai terminé,

6 merci.

7 M. Le Président. - Je me tourne vers mon collègue. Monsieur le

8 juge, vous avez des questions ?

9 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans

10 tout au long des cinq réunions que vous avez eues avec le général Mladic,

11 a-t-il, à un moment ou un autre, pris en compte vos requêtes ou s'est-il

12 toujours agi d'un monologue et ne répondait-il pas à ce que vous disiez, à

13 vos objections et à vos demandes ?

14 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Je dirais que

15 j’ai eu trois « réunions » importantes avec le général Mladic. Ma

16 définition d’une réunion, c'est un dialogue, pas un monologue. Il s’est

17 agi d’un monologue la première fois. La deuxième réunion, j'ai été en

18 mesure d’expliquer la situation déplorable. Il en a pas pris note, puis

19 cela s’est arrêté là.

20 Troisième réunion, le mercredi matin : la femme et l'homme

21 représentant le comité des réfugiés ont pu faire une déclaration. Et cela

22 s'est arrêté là. Ma conclusion est donc qu’il ne s’est agi que de

23 monologue.

24 Il ne s’est pas agi de négociations entre deux parties. Il a

25 écouté mes demandes, mais il n’a pas apporté son soutien à quoi que ce

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1 soit. Il avait sa manière de faire. C'était lui qui choisissait ce qu'il

2 voulait dire et ce qu'il souhaitait faire.

3 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous exprimé une

4 désapprobation à l'égard de la manière dont il faisait les choses en ce

5 qui concerne la séparation des hommes et des femmes et le fait qu'il

6 voulait mettre les hommes de côté entre 16 et 65 ans ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, je l’avais

8 fait lorsqu’il avait demandé cela. J’avais dit : « mais qu’est-ce que cela

9 signifie ? pourquoi faire cela ? ».

10 Comme je l'ai dit précédemment, il voulait que les hommes

11 entre 16 et 65 ans soient séparés pour voir s'il y avait des criminels de

12 guerre parmi ceux-là. Il pensait probablement que tous les soldats

13 bosniaques étaient des criminels. Il n’a pas expliqué le pourquoi, mais il

14 a dit qu'il voulait leur parler à tous.

15 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous demandé à

16 ces gens des informations pour lui donner des indications sur l'endroit où

17 ils étaient et qui ils étaient ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.

19 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Cela veut dire que

20 par votre truchement, par votre bataillon il n'était pas possible de

21 savoir de qui il s'agissait.

22 Le vendredi matin, avez-vous dit, vous l'avez rencontré pour

23 la dernière fois. A ce moment-là vous aviez déjà eu connaissance des

24 exécutions dont vous avez parlé. Saviez-vous tout ce qui se passait et la

25 manière dont les réfugiés qui s'enfuyaient étaient traités ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non je ne savais

2 pas tout.

3 A moment-là les informations nous parvenaient, en particulier

4 l'aspect militaire dans le bataillon, ce qui devait être fait avant notre

5 propre évacuation. Pendant la dernière semaine où nous étions sur la base,

6 il y a eu des négociations entre certains officiers du bataillon et des

7 officiers de l'armée serbe bosniaque sur les blessés. Je suis allé à

8 Bratunac avec ces officiers pour voir à l’hôpital ce qui passait avec ces

9 blessés. On a discuté du problème des carburants, parce que le vendredi

10 après l'évacuation on nous a apporté beaucoup de carburants, du problème

11 des vivres, des médicaments. Ce sont là les sujets dont nous avons discuté

12 lors de petites rencontres, pas avec le général Mladic parce que je ne

13 l’ai plus revu après l'évacuation, mais avec certains de ses officiers.

14 Et puis voilà. Cela s’est arrêté là.

15 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous mentionné

16 ces exécutions, pas protesté mais mentionné ces exécutions lors des

17 dernières réunions que vous avez eues avec lui et quelle a été sa

18 réponse ?

19 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Non je n’ai pas

20 protesté lors de la dernière réunion. En fait, je ne m’attendais pas du

21 tout à cette rencontre. C’est par un message, par notre système de

22 communication, qui me disait que je devais me présenter à l'hôtel de

23 Bratunac. Et là je me suis retrouvé dans cette foule de militaires et là

24 aussi il a plus ou moins monologué.

25 Il m'a demandé l'état dans lequel se trouvait le bataillon, si

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1 nous étions maintenant prêts à partir. En fait je n'ai pratiquement pas eu

2 l'occasion de faire le point sur ce qui s'était passé les jours

3 précédents. Pour être tout à fait franc, je n'avais pas pensé à lui

4 demander quel avait été le sort des réfugiés.

5 M. Riad (interprétation de l'anglais). - D'après vous il était

6 présent tout le temps et en tout cas informé de tout ce qui se passait ?

7 Il a été présent pendant ces six jours, pendant l'offensive et

8 l'invasion de l'enclave (du moins je le suppose). Et il a été présent

9 pendant l'évacuation. Il est venu à deux reprises comme je vous l'ai déjà

10 dit. Et s'il n'était pas là, il était dans l'hôtel de Bratunac qu'il

11 utilisait comme état-major ; de même qu'il utilisait la caserne de

12 Bratunac comme poste de commandement pour ses autres activités concernant

13 Zepa, Gorazde et autres.

14 Après l'avoir rencontré brièvement le jeudi matin, je ne l'ai

15 plus revu, sauf que j'ai reçu des ordres des rangs les plus élevés de la

16 hiérarchie concernant notre voyage, soit vers Tuzla ou Kladanj, soit vers

17 Zagreb, parce qu'on continuait à discuter, au niveau les plus élevés de la

18 hiérarchie, pour savoir où nous allions nous rendre. Et j'ai été en

19 contact avec le général Mladic pour en discuter parce que, depuis

20 l'évacuation, aucun de nous ni du haut commandement n'avait eu de contact

21 avec lui. Je lui ai donc envoyé une note par télécopie, accompagnée d'une

22 petite lettre que j'ai envoyée à l'interprète Petr, qui habitait à

23 Bratunac, en lui demandant de la remettre au général Mladic en lui

24 demandant d'y répondre. C'est le vendredi que j'ai reçu la réponse et le

25 même vendredi que le convoi avec du carburant et des vivres est arrivé.

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1 C'est le seul contact que j'ai eu par écrit. Et, dans sa réponse, il a

2 disait ; "oui, je prends en compte votre demande concernant votre départ,

3 quel que soit le moment de votre départ". Et en ce qui concerne le

4 matériel perdu ou volé (il a parlé du matériel perdu), il ajoutait qu'il

5 prendrait cela en considération. Et il me demandait de faire preuve de

6 patience, parce qu'il aurait une rencontre avec le général Smith un jour

7 (je crois que c'est le 19 juillet) que cela a eu lieu, et à ce moment-là,

8 qu'il parlerait avec le général Smith du départ du bataillon néerlandais

9 et qu'ensuite il organiserait et il prendrait les mesures pour organiser

10 notre départ.

11 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Vous parlez

12 d'évacuation et vous avez dit qu'à maintes reprises, il vous avait demandé

13 d'apporter votre aide à cette évacuation. Il s'agissait en fait de la

14 déportation des habitants de Srebrenica vers le territoire bosniaque ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

16 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Cette déportation a

17 été très organisée ; vous avez dit que des autobus étaient arrivés, que

18 tout avait été minutieusement organisé. C'est l'état-major de Mladic qui a

19 organisé tout cela ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, monsieur le

21 juge, je crois que c'est lui-même qui a donné les instructions pour tout

22 cela et, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises par le passé, tout

23 était pré-organisé à l'avance. Et ce parc impressionnant de véhicules et

24 d'autocars, qui étaient présents là en est un bon exemple. Dans les pays

25 occidentaux industrialisés, si vous voulez avoir, à un moment donné et à

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1 un endroit donné, une trentaine d'autocars, cela peut se faire, mais c'est

2 déjà un défi, mais alors dans un pays comme la Bosnie Herzégovine, si vous

3 voulez à voir trente ou quarante autocars un jour donné, il faut prévoir

4 cela longtemps à l'avance. Ce qui veut dire qu'il a prévu et exécuté ce

5 plan en le prévoyant et en le suivant minute par minute. C'est lui qui a

6 ordonné l'évacuation. Il a demandé l'aide du bataillon, mais pas plus

7 d'assistance qu'il n'en voulait. D'ailleurs le témoin suivant vous en

8 parlera. Notre assistance en fait consistait simplement à éviter le chaos,

9 la panique, en escortant les réfugiés pour les faire monter dans les

10 autocars, et en leur fournissant autant que possible de l'eau et des

11 médicaments dans la mesure où j'en avais encore. C'est la seule assistance

12 que j'ai été autorisé à donner.

13 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Vous avez dit que 55

14 soldats avaient été capturés ou arrêtés le 6 juillet par les Serbes, et

15 détenus. Comment ont-il été traités ? Et combien de temps ont-ils été en

16 captivité ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ce n'était pas le

18 6 juillet que cela s'est produit. Le jeudi 6 juillet, c'est là que

19 l'offensive a commencé, l'invasion a commencé. Et les combats entre les

20 deux parties ont commencé dans la partie sud de l'enclave, accompagnés du

21 pilonnage de la base et de Srebrenica. Et c'est deux jours et demi après,

22 le samedi, à fox-trot, que l'un de mes soldats est mort, et que les autres

23 se sont retirés du poste d'observation.

24 Ensuite, le dimanche et le lundi suivant, il a attaqué un

25 grand nombre de postes d'observation en utilisant différentes forces (les

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1 armes, les soldats), en encerclant les postes d'observation, et en prenant

2 en otage les soldats du bataillon et en les emmenant avec lui.

3 Et finalement, il a ainsi capturé cinquante cinq de mes

4 soldats, et il se trouvait dans deux points à Bratunac, c'est-à-dire au

5 nord de l'enclave, et Simici, autre site où il les a gardés, au sud de

6 l'enclave.

7 Après l'évacuation, les cinquante cinq ont été réunis. J'ai pu

8 m'entretenir avec trente de ces cinquante cinq qui se trouvaient à

9 Bratunac et lors de la première rencontre que j'ai eue avec le général

10 Mladic, je lui ai demandé la possibilité de m'entretenir avec ses soldats.

11 Il m'a répondu oui, vous êtes autorisé à le faire. J'ai donc eu un petit

12 entretien avec les soldats, je leur ai demandé s'ils étaient bien traités.

13 Ils m'ont dit que oui, qu'ils étaient raisonnablement bien traités. Et

14 ultérieurement, alors que j'étais déjà rentré au Pays-Bas, j'ai appris que

15 les autres vingt cinq qui étaient à Simici avaient également été

16 relativement bien traités.

17 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - A plusieurs reprises,

18 vous avez dit que vous aviez soulevé ces questions au niveau le plus élevé

19 de la hiérarchie. Quelle a été leur réponse et comment expliquent-ils

20 qu'ils vous ont laissé tout seul en face de votre destin ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Au regard de ce

22 qui s'est passé vu les circonstances qui prévalaient à l'époque, sachant

23 que les deux officiers de commandement de l'armée bosniaque et norvégien,

24 j'ai dû me passer de..., mon supérieur direct était l'officier commandant

25 à Tuzla. Chaque fois que cela m'est apparu nécessaire, dans mes abris,

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1 dans ma base ou dans mes propres bureaux, j'ai établi des communications

2 avec le commandement soit au Nord, soit au Nord-Est de l'armée bosniaque

3 et norvégienne.

4 Tous les jours, à 6 heures, nous envoyions un rapport de

5 situation par télécopie, par fax, ce qui veut dire que mes supérieurs

6 directs à Tuzla, et également le commandement à Sarajevo, étaient tout à

7 fait informés, minute par minute, de ce qui se passait dans l'enclave et

8 ce pendant toute la durée de notre séjour.

9 Là aussi, les demandes d'appui logistique, la semaine

10 précédente, ou d'appui aérien comme je l'ai dit, non. Non. Tout cela s'est

11 résumé à de belles paroles.

12 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Autre question que je

13 voudrais vous poser. Lors d'une réunion, vous avez mentionné que le major

14 Nikolic était présent et avait dit que tous les musulmans devaient quitter

15 la Bosnie. C'était une réunion officielle ?

16 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, pas

17 exactement. Nous avons eu toute une série de réunions. Nous avons essayé

18 de réunir les deux parties autour d'une table de conférence. Au début,

19 cela a été possible une fois ou deux, mais après, cela n'a plus été

20 possible du fait des combats et des hostilités, ce qui veut dire qu'en

21 fait, toutes les semaines, nous rencontrions les autorités civiles et les

22 autorités militaires au sein de l'enclave, ainsi que l'officier de

23 commandement de l'état-major de l'armée bosniaque. Nous avions prévu

24 également une réunion, toutes les deux semaines, avec les représentants de

25 l'armée serbe bosniaque à un des postes d'observation. Mais cela n'a pas

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1 été possible. En fait, soit à Echo, soit au poste d'observation Oapa. Mais

2 en fait, c'étaient les Serbes bosniaques qui déterminaient le moment où il

3 y aurait ces réunions.

4 C'est en février que j'ai rencontré le major Nikolic et c'est

5 lors de cette réunion qu'il a dit ce que j'ai rapporté hier, à savoir que

6 les Musulmans avaient tué la moitié des membres de sa famille pendant la

7 deuxième guerre mondiale et qu'à son avis, tous les Musulmans devaient

8 quitter la région.

9 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Merci.

10 M. le Président. - Colonel, quelques brèves questions. Vous

11 avez parlé de troupes fraîches. Quelle était leur origine ? Comment

12 étaient-elles composées ? Brièvement, s'il vous plaît. Vous avez parlé de

13 troupes fraîches qui seraient arrivées pour la prise de l'enclave.

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le

15 Président. Autour de la zone de sécurité de Srebrenica se trouvait trois

16 brigades :

17 ? la brigade Scalani*, au Sud,

18 ? Bratunac au Nord,

19 ? une troisième brigade à l'Ouest.

20 Ces brigades faisaient partie de l'armée régulière, de l'armée

21 serbe bosniaque, Drina corps comme on l'appelle.

22 Ces trois brigades se composaient de soldats assez âgés qui

23 venaient de la région. Le 6 juillet, lorsque l'offensive a commencé,

24 l'attaque contre l'enclave a commencé, Mladic a dit qu'il avait utilisé

25 trois nouvelles brigades : une au Sud, une à l'Est et il en avait une en

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1 réserve au Nord. Ce qui veut dire qu'il n'a pas utilisé les forces

2 régulières qui se trouvaient stationnées autour de la zone de sécurité de

3 Srebrenica, mais qu'il a utilisé d'autres forces. Nous avions remarqué

4 cela deux jours avant le 6 juillet.

5 A Bratunac, en effet, il y a eu beaucoup de mouvements

6 militaires, on a vu passer des chars, de l'artillerie, enfin des

7 mouvements de troupes et de matériel, véhicules militaires, etc.

8 Tous ces mouvements, nous en avons fait rapport régulièrement

9 dans nos rapports de situation.

10 M. le Président. - Merci. Y avait-il à votre avis des milices

11 dans ces forces fraîches ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

13 Président, d'après ce que j'ai entendu dire, moi-même je n'ai pas remarqué

14 cela, que la brigade Arkan participait également. C'était une brigade de

15 force spéciale de l'armée serbe bosniaque, mais personnellement, pendant

16 ces six jours, je ne les ai pas vus, ni pendant l'évacuation des réfugiés.

17 Mais c'est possible. C'est une possibilité.

18 M. le Président. - L'évacuation avec l'aide du bataillon

19 néerlandais était-elle comprise dans les plans possibles avec vos

20 supérieurs hiérarchiques ? Etait-ce prévu que le bataillon néerlandais

21 apporterait cette aide et sous la forme que vous aviez précisée ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous voulez

23 parler de l'aide pour l'évacuation des réfugiés ?

24 M. le Président. - Vous avez parlé d'une réunion avec le

25 général Mladic, la deuxième ou la troisième, je ne sais plus, où tout d'un

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1 coup il a dit qu'il fallait procéder à l'évacuation. Semble-t-il, cela

2 n'avait pas été abordé dans la première ou dans la deuxième réunion, à

3 Bratunac. Donc cela ne vous a pas surpris, j'ai eu l'impression. Donc

4 c'était prévu qu'éventuellement il y aurait une évacuation, ou est-ce que

5 vous-même, en toute liberté de chef de commandant suprême de l'enclave,

6 vous avez décidé que l'évacuation aurait lieu avec votre concours ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pendant les deux

8 premières réunions, je n'avais aucune idée de ce qui allait être la

9 destinée des réfugiés. Sachant que nous avions environ 25 000 réfugiés à

10 l'intérieur de la base et autour de la base, ma préoccupation essentielle

11 était d'avoir autant d'aide que possible de l'armée serbe bosniaque pour

12 l'approvisionnement en vivres, médicaments, etc. Je voulais également

13 qu'on s'occupe bien des réfugiés blessés, une centaine. C'est cela que

14 j'ai demandé pendant les premiers rencontres que j'ai eues avec le général

15 Mladic.

16 Lors de la troisième réunion, il a commencé parler

17 d'évacuation. J'ai été très surpris. Nous avons organisé un petit comité

18 des réfugiés pour coopérer avec eux, pour voir ce qui pouvait être fait en

19 ce qui concerne les réfugiés qui se trouvaient sur la base et à

20 l'extérieur. Il fallait qu'il y ait un petit comité pour pouvoir discuter

21 des circonstances dans lesquelles se trouvaient ces réfugier. J'ai utilisé

22 ce comité, utilisé au sens positif du terme, parce que je me suis adressé

23 à lui en demandant s'il pouvait m'apporter son aide, autant que faire se

24 peut, pour répondre aux questions. Donc les membres du comité sont venus

25 avec moi à cette troisième réunion avec le général Mladic lorsqu'il a

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1 évoqué l'évacuation. Nous avons tous été extrêmement surpris du fait que

2 cette réunion avait lieu en fin de matinée le mercredi et qu'à 3 heures,

3 ce mercredi, l'évacuation a commencé. J'ai donc été confronté à une

4 situation tout à fait nouvelle, à savoir évacuer 25 000 personnes.

5 M. le Président. - Excusez moi, j'ai bien entendu cela. Ma

6 question est : à ce moment-là, devant cette surprise, vous êtes surpris,

7 le comité des réfugiés est surpris, est-ce que vous prenez le temps de

8 demander à votre hiérarchie s'il convient de procéder de cette façon-là ou

9 estimez-vous avoir la liberté entière et totale à ce moment-là ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je n'ai pas eu

11 le temps d'informer mes supérieurs hiérarchiques. Je l'ai fait dès que

12 j'ai pu. J'ai demandé à plusieurs reprises : que dois-je faire ?, comment

13 pouvez vous m'apportez votre aide ? Je n'ai pas eu de réponse. Dans ce

14 domaine, rien n'avait été prévu. Donc en fait, j'ai essayé de faire ce qui

15 me semblait être la meilleure chose à ce moment-là.

16 Sachant combien peu de temps nous avions entre cette réunion

17 et une heure, une heure qui avait été l'heure que le général Mladic avait

18 indiquée comme étant le début de la vague de l'évacuation, nous avons été

19 pris par surprise, complètement par surprise. Nous ne savions

20 naturellement pas que cette évacuation avait été déjà planifiée. Donc je

21 ne pouvais rien faire.

22 C'est pourquoi j'ai décidé de mettre sur chaque autocar un

23 soldat. C'était le moins que je pouvais faire à ce moment là pour essayer

24 d'aider les réfugiés autant que possible à monter dans les autobus, à

25 essayer de leur donner de l'eau, des médicaments et de surveiller ce qui

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1 se passerait pendant l'évacuation.

2 M. le Président. - Ma dernière question est relative à cette

3 liste. On en a parlé hier avec l'enquêteur du Bureau du Procureur. Il

4 semble que le bataillon ait contribué ou ait donné une liste des hommes

5 dans une fourchette d'âge que je n'ai pas bien comprise. Pouvez vous très

6 rapidement nous dire ce qui s'est passé autour de cette liste des hommes,

7 leur âge et comment cela s'est fait ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous le savez,

9 monsieur le Président, il y avait 25 000 personnes sur la base et autour

10 de la base. Presque toutes ces personnes étaient des femmes, des enfants

11 et des personnes âgées. Nous avons évalué qu'environ 2 à 3 % de ces

12 25 000 personnes étaient des hommes entre 16 et 60 ans. Grosso modo. Nous

13 ne savions pas combien d'hommes il y avait en dehors de la base.

14 Alors par le truchement des interprètes et du comité des

15 réfugiés, nous avons demandé s'il était possible de dresser une liste

16 reprenant le nom de tous les hommes entre 16 et 60 ans qui se trouvaient

17 sur la base. Mais on n'a pas eu le temps de le faire pour les autres

18 personnes.

19 Quelqu'un, par le passé, m'a dit : mais pourquoi n'avez-vous

20 pas mis le nom de tous les réfugiés sur un papier ? Vous pouvez imaginer,

21 monsieur le Président, combien c'était impossible. Ce que nous avons fait,

22 c'était reprendre sur cette liste le nom des hommes qui se trouvaient sur

23 la base. Il y avait 239 hommes sur la base, dont 170 n'ont pas voulu

24 qu'on le fasse. Nous l'avons fait parce que nous voulions ainsi être surs

25 de savoir ce qui se passerait avec ces hommes. Cette liste de nom a été

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1 faxée à Tuzla et à Zagreb.

2 M. le Président. - Colonel, le Tribunal vous remercie de votre

3 témoignage.

4 La dernière question.

5 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Colonel, est-ce que

6 l'état-major de Mladic a mis la main sur cette liste ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je ne suis pas

8 sûr de la réponse que je dois vous donner parce qu'il y a deux réponses

9 possibles. Mais le témoin qui va suivre pourra peut-être répondre à cette

10 question. Il y a deux réponses possibles.

11 Il a été dit que l'un de mes officiers aurait remis cette

12 liste à un des officiers de l'armée serbe bosniaque à la porte de la base.

13 L'autre réponse étant que, non, cela n'a pas été le cas. Je ne

14 sais pas si cette liste est arrivée à l'armée serbe bosniaque ni si

15 l'armée serbe bosniaque a reçu ou non cette liste. Je ne sais pas.

16 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Avez-vous demandé à

17 l'officier ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.

19 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Merci.

20 M. le Président. - Monsieur le procureur, par rapport aux

21 nombreuses questions qu'a tenu à poser le tribunal, et en remerciant

22 encore le colonel Karremans d'y avoir répondu avec beaucoup de patience,

23 est-ce que votre Bureau aurait le souhait, sur les questions qu'a posées

24 le Tribunal, d'éventuellement compléter quelques questions ou pas du

25 tout ?

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1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, monsieur le

2 juge, merci.

3 M. le Président. - Colonel, le témoignage qu'avait requis de

4 vous le Bureau du Procureur dans l'affaire Karadzic/Mladic est à présent

5 terminé. Le Tribunal suspend ses travaux jusqu'à 14 heures 30.

6 L'audience est levée.

7

8 L'audience est levée à 12 heures 14.

9

10 (Après-midi)

11 L'audience est reprise à 14 heures 35.

12

13

14 M. le Président. - L'audience est reprise.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voudrions

16 appeler notre témoin suivant, le lieutenant Koster.

17 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

18 M. le Président. - Lieutenant Koster, vous m'entendez ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui.

20 M. le Président. - Vous allez prendre la déclaration qui vous

21 est tendue et la lire.

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je déclare

23 solennellement que je dirai la vérité, rien que la vérité et toute la

24 vérité.

25 M. le Président. - Merci, lieutenant. Vous pouvez vous

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1 asseoir. C'est, je pense, à l'occasion de la première question de M. le

2 procureur -à qui je donne la parole- que vous aurez l'occasion de vous

3 présenter. Monsieur le procureur, vous avez la parole.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lieutenant Koster,

5 pourriez-vous nous dire quel est votre nom complet et l'épeler ?

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Mon nom de famille

7 est Koster (K-0-S-T-E-R).

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et que faites-vous

9 actuellement ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je suis officier de

11 logistique dans l'infanterie.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Dans l'armée

13 néerlandaise ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est exact.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous servi

16 pour les Nations Unies ?

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous dire

19 à la Cour où et quand ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai servi à

21 Srebrenica de janvier 1995 à juillet 1995.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand avez-vous

23 commencé à servir ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En janvier.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le colonel

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1 Karremans était-il votre commandant en chef ?

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est exact.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quelle était votre

4 position au sein du bataillon, votre rôle ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais officier

6 responsable de la logistique au sein du bataillon.

7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

8 décrire dans les grandes lignes ce que cela impliquait ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai dû gérer tout

10 ce qui touchait à la logistique. Nous n'avions pas tellement de matériels

11 et de choses à notre disposition, donc cela impliquait une bonne

12 planification et une bonne gestion.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel était votre

14 rang dans la hiérarchie militaire ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais officier et

16 le commandant Franken* était mon supérieure direct.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Au début de

18 juillet 1995, étiez-vous de service ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et où ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais sur la base

22 à Potocari.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc vous deviez

24 vous trouver à la base ? C'est cela ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, la plupart du

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1 temps.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous trouviez-vous

3 sur cette base le 11 juillet 1995 ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, j'y étais à

5 cette date.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

7 dire ce qui s'est passé après la chute de Srebrenica alors que les

8 réfugiés ont commencé à arriver à Potocari ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, cela c'est

10 passé le 11 juillet. On nous a ordonné de sortir et de nous mettre en

11 unité pour accueillir les réfugiés et les guider vers la base. Nous avons

12 donc été postés à l'extérieur. Cela se passait à 15 heures. A ce moment-

13 là, les réfugiés ont commencé à arriver par petits groupes d'abord, la

14 plupart des réfugiés étant des femmes, des enfants et des hommes âgés

15 terrifiés, cherchant de l'aide. Nous nous trouvions là et nous avons pu

16 leur dire ce qu'ils devaient faire à ce moment-là.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

18 vous aviez formé une unité pour accueillir les réfugiés. Qu'est-ce que

19 cela impliquait ? Combien d'hommes ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Trente environ,

21 30 hommes au départ.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'est vous qui

23 commandiez cette unité ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

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1 vous aviez ouvert un accès dans la palissade. C'est par là que vous les

2 avez faits entrer sur la base ?

3 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous n'avions

4 pas le droit d'ouvrir la grille parce que c'était sur la route de

5 Srebrenica à Potocari qui était toujours visée par les armes, donc

6 c'était assez dangereux. Lorsque, dans les jours précédents, nous

7 quittions la base avec nos véhicules, on nous tirait dessus. Donc il

8 valait mieux que les réfugiés prennent un autre chemin. C'est comme cela

9 qu'ils ont pu arriver à la base, parce que c'était un chemin qui était

10 plus à couvert, il y avait des arbres, donc c'était plus abrité.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'est pourquoi

12 vous avez fait ce trou dans la clôture ?

13 (Le témoin opine de la tête.)

14 Avez-vous fait entrer tous les premiers réfugiés qui sont

15 arrivés sur la base ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, au début nous

17 n'avions pas le droit de le faire. On leur a d'abord indiqué le chemin qui

18 menait à un grand bâtiment qui était l'ancien terminus ou arrêt

19 d'autocars, un atelier où les autocars étaient réparés, et nous leur avons

20 dit de s'y installer.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous dites

22 que vous n'aviez pas été autorisés, pas autorises par qui ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Par mon commandant.

24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et quel type

25 d'abri leur avez-vous donné ?

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1 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Les anciens

2 bâtiments des autocars.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'était donc en

4 dehors de la base ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A quel moment ont-

7 ils commencé à pénétrer dans la base ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Un peu plus tard ce

9 même jour. A un moment, la foule des réfugiés a été telle qu'on nous a

10 donné ordre de les laisser entrer par petits groupes sur la base, des

11 petits groupes de vingt à vingt-cinq personnes passant par cette ouverture

12 que nous avions faite dans la clôture.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Comment est-ce que

14 les gens sont arrivés à la base ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Comme je vous l'ai

16 dit : d'abord par petits groupes, puis, en fait, une grande masse de gens

17 sont arrivés de Srebrenica par la route qui mène à Potocari. Il y avait

18 beaucoup de bruit, les femmes pleuraient, les enfants criaient et

19 pleuraient. Les gens étaient terrorisés. Ils sont arrivés sur notre base

20 terrorisés.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A pied ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, à pied. Et

23 nous leur avons dit, quand ils sont arrivés, de s'arrêter et de rester là.

24 On ne pouvait pas leur dire ce qu'ils devaient faire parce qu'il nous

25 disaient sans cesse : "Mais qu'allons-nous faire ? Qu'est-ce qu'il faut

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1 que nous fassions ? Qu'est-ce qui va nous arriver ?" Ils étaient

2 terrorisés et on ne pouvait pas le leur dire, nous n'avions pas de

3 réponse.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Etaient-ils venus

5 à pied depuis Srebrenica ?

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, la plupart

7 d'entre eux étaient venus à pied. Un certain nombre de véhicules ont été

8 utilisés de la base de Srebrenica à la base de Potocari, dans lesquels

9 nous avons transporté des blessés, mais les gens se sont accrochés à ces

10 véhicules comme ils pouvaient pour être transportés.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce que c'était

12 des véhicules des Nations Unies ?

13 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, de notre

14 bataillon.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Aucun autre moyen

16 de transport n'a été utilisé, comme par exemple des autocars ou des

17 camions pour ces gens ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Quelques véhicules

19 qui ont transporté des blessés de Srebrenica à notre base.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc il y avait de

21 plus en plus de personnes qui arrivaient à la base. Compte tenu de l'heure

22 où cet afflux de réfugiés a commencé à arriver et de l'arrivée ensuite de

23 tous les réfugiés, pourriez-vous évaluer le nombre de personnes ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - On m'a ordonné de

25 compter approximativement le nombre de personnes. On a commencé avec 10,

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1 puis 150, puis on est arrivé à des milliers de personnes. Je devais

2 essayer de compter régulièrement. J'ai commencé à compter quand ils sont

3 arrivés, vers 3 heures, mais cela a commencé en début d'après-midi pour

4 arrêter à 11 heures du soir.

5 La route faisait 6 mètres de large et elle était entièrement

6 couverte de gens, de femmes, d'enfants, de personnes âgées, etc.

7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous dites

8 que vous avez commencé à compter, avez-vous compté vous-même ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, et un peu plus

10 tard dans la journée, j'ai comparé les résultats de mon comptage avec le

11 résultat du comptage de mes collègues pour avoir une estimation et nous

12 sommes arrivés à environ 15 000.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - 15 000 personnes,

14 c'est cela ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

16 Approximativement 15 000 personnes.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et combien de ces

18 réfugiés ont été autorisés à pénétrer sur la base ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En plus des

20 15 000 personnes, 4 ou 5 000 personnes qui ont été autorisées à pénétrer

21 sur la base, c'est-à-dire qu'il faut les ajouter aux 15 000. Nous parlons

22 du 11 juillet.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et vous avez dit

24 qu'à un moment donné, le soir, il n'y a plus eu d'afflux de réfugiés ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est cela, cela

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1 s'est arrêté. Quelques personnes ont continué d'arriver, mais on peut dire

2 que la grande masse des personnes était déjà arrivée. D'ailleurs, tout

3 était plein de ces gens.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'ont fait les

5 30 soldats pour s'occuper de ces personnes ?

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Nous avons demandé

7 qu'on nous envoie des renforts parce que nous n'étions pas suffisamment

8 nombreux. Nous avions quelques interprètes pour leur expliquer ce qu'ils

9 devaient faire et nous faisions ce que nous pouvions, c'est-à-dire leur

10 apporter quelques soins médicaux, leur dire que nous allions les protéger,

11 les guider autant que faire se pourrait et que nous essaierions de les

12 protéger. Nous avons essayé d'apporter l'aide que nous pouvions apporter.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et tout cela avec

14 30 personnes ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. J'avais

16 demandé des renforts, alors j'espérais que nous serions plus nombreux en

17 fin d'après-midi.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous donné

19 comme soins médicaux de première urgence ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Nous avions

21 quelques pansements à notre disposition, mais il y avait pas mal de

22 blessés, hommes et femmes. Il y avait également des femmes qui ont

23 accouché à la base. Nous avons eu de l'aide de Médecins sans frontières.

24 Nous n'avons pu apporter que les tout premiers soins aux blessés parce que

25 nous n'avions pas la possibilité d'aller plus loin.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'en était-il de

2 la distribution d'eau et de vivres ?

3 M. Koster (interprétation de l'anglais). - A l'extérieur de la

4 base, il était impossible de faire quoi que ce soit parce qu'en fait, nous

5 disposions que de si peu de vivres que nous ne pouvions pas en distribuer

6 à l'extérieur de la base. Ce que j'ai su par la suite, c'est qu'en fait, à

7 l'intérieur de la base, on a pris des rations et on les a dissoutes dans

8 l'eau pour faire une sorte de soupe et quelques personnes qui se

9 trouvaient à l'extérieur sont venues à la base pour remplir des bidons

10 parce que nous avions un petit puits sur la base. N'oublions pas qu'il

11 faisait extrêmement chaud ce jour-là, donc l'eau était vraiment

12 nécessaire.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les personnes qui

14 se trouvaient sur la base ont donc pu avoir un peu de soupe à manger et un

15 peu d'eau à boire...

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais ceux qui

18 étaient à l'extérieur n'ont rien eu sauf, pour certains, un peu d'eau

19 qu'ils étaient venus chercher sur la base ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est cela.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

22 décrire la scène lorsque la nuit est tombée ? De quoi avait l'air la base

23 et ses alentours à la tombée de la nuit ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Eh bien, c'était

25 très surréaliste. A l'extérieur, les gens ont dormi dehors et nous avons

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1 mis quelques soldats à des postes de garde pour les protéger, pour les

2 garder. Pendant la nuit, naturellement les femmes ne pleuraient plus, les

3 enfants ne criaient plus. Quelques enfants ont continué à pleurer, mais

4 enfin, il y avait moins de bruit. Je dois dire qu'être là-bas et voir tout

5 cela était très surréaliste.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

7 attaques menées par l'armée serbe bosniaque, par des unités, contre la

8 foule des réfugiés ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pendant la journée,

10 il y a eu des tirs de mortier. En fait,, ce n'était pas dirigé vers les

11 gens, mais c'était très proche, à 50 mètres de nos positions environ.

12 L'explosion des obus de mortier à cette courte distance sur les maisons

13 était impressionnante.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais cette foule

15 de réfugiés n'a pas été visée directement ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pas

17 directement.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

19 vous étiez trente au départ, que vous avez eu quelques renforts. Qu'en

20 était-il du reste du personnel du bataillon néerlandais ? Où étaient ces

21 personnes ?

22 Je voudrais savoir combien de soldats du bataillon étaient

23 présents à Potocari lors de ces événements lorsque tous ces réfugiés sont

24 arrivés ? Combien de ces bataillons étaient là ?

25 M. Koster (interprétation de anglais). - Approximativement,

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1 deux cents hommes.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Où étaient les

3 autres membres du bataillon ?

4 M. Koster (interprétation de anglais). - Certains se

5 trouvaient aux différents postes d'observation où ils avaient été

6 affectés. Un certain nombre était sur la base de Srebrenica. Mais la

7 plupart de ces hommes et de ces femmes n'étaient pas des combattants, ils

8 étaient de l'intendance.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les personnes dont

10 vous avez parlé tout à l'heure étaient des soldats ?

11 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, des soldats et

12 de l'intendance, mais la plupart du personnel était de l'intendance.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce que des

14 membres des forces dans lesquelles vous serviez ont été pris en otage ?

15 Ont-ils été attaqués d'une autre manière, le 11 ?

16 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, pas le 11.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Entre le 11 et le

18 12, avez-vous pu dormir ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Entre le 11 et le

20 12 juillet de l'année dernière, personnellement, non, je n'ai pas pu

21 dormir. D'ailleurs la plupart de mes collègues n'ont pas pu dormir parce

22 qu'ils patrouillaient. Des gens patrouillaient en dehors de la base. On

23 arrivait à se reposer, vaguement à dormir une heure ou deux, mais ce

24 n'était pas vraiment du repos.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvons-nous nous

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1 concentrer sur la journée suivante ?

2 Pouvez-vous dire ce qui s'est passé le 12 juillet 1995 ?

3 M. Koster (interprétation de anglais). - Le matin, les choses

4 étaient assez calmes. Les gens se sont réveillés et ont commencé à

5 s'interroger sur le point de savoir quoi faire, sur ce qu'allaient faire

6 les Serbes, questions auxquelles nous ne pouvions pas répondre. Nous avons

7 continué d'apporter une aide médicale aux blessés. Les femmes cherchaient

8 leurs enfants car très souvent, depuis la veille, elles avaient perdu

9 leurs enfants dans la foule. Les enfants qui s'étaient perdus dans la

10 foule cherchaient leur famille. Tout cela a occupé la matinée.

11 Le soleil est monté, il a commencé à faire extrêmement chaud.

12 Un peu plus tard dans la journée, à 13 heures environ, on a entendu le

13 bruit de chars et d'autres véhicules qui se dirigeaient vers la base. Les

14 gens ont alors commencé à paniquer, ils ont couru vers la partie Sud du

15 site et ont dû attendre là pour voir ce que les Serbes allaient faire.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous parlez de

17 l'armée serbe bosniaque ?

18 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, c'est exact.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous ne parlez pas

20 de l'armée ?

21 M. Koster (interprétation de anglais). - Non. Ils sont venus

22 jusqu'à nous et nous avons fait tracer une ligne de démarcation avec du

23 papier blanc en leur indiquant que les véhicules blindés de transports de

24 troupes devaient rester derrière cette bande. Je me suis présenté à

25 l'officier de commandement de ces véhicules -je ne me souviens d'ailleurs

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1 pas de son nom- et lui ai demandé : "quelles sont vos intentions ?" Il ne

2 m'a pas répondu.

3 Ensuite, il m'a tourné le dos et est retourné vers ses

4 véhicules. Il y avait alors une vingtaine ou une trentaine de soldats

5 serbes bosniaques qui avaient pris position. En fait, ils marchaient en

6 regardant les gens, les insultant, en posant des questions. J'avais un

7 interprète à mes côtés, il a donc pu traduire ce qu'ils disaient.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner

9 un exemple de ce qu'ils leur disaient.

10 M. Koster (interprétation de anglais). - La plupart du temps,

11 ils se moquaient d'eux. C'était une situation assez bizarre car ensuite

12 ils se sont assis et ont commencé à chanter. En fait, ils n'ont plus rien

13 fait sinon de simplement rester là, derrière la bande blanche que nous

14 avions tracée comme ligne de démarcation et ils n'ont plus bougé. La seule

15 chose que nous avons pu faire était d'attendre ce qu'ils allaient faire,

16 eux.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ensuite ?

18 M. Koster (interprétation de anglais). - Un peu plus tard, ce

19 jour-là, le major Nikolic est venu me voir, il s'est présenté.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous le

21 connaissiez ?

22 M. Koster (interprétation de anglais). - Je l'ai reconnu

23 d'après une photographie que nous avions dans nos locaux. Il voulait voir

24 les gens et traverser notre site.

25 Les gardes du poste du Sud, c'est-à-dire les dernières unités

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1 de la compagnie Bravo, m'ont fait savoir que des soldats serbes étaient

2 également arrivés à leur site. Notre officier de liaison a escorté le

3 major Nikolic et il a traversé la foule.

4 Ensuite, il est revenu et les choses en sont restées à ce

5 stade pendant quelques heures.

6 Puis, un des commandants est venu me voir me disant qu'il

7 allait amener un véhicule rempli de pain pour les gens et que nous devions

8 faire en sorte que ce véhicule puisse arriver jusque là. Vraiment un

9 véhicule est arrivé avec du pain, accompagné d'une équipe de cameramen qui

10 filmaient la distribution de pain aux gens.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien de

12 personnes ont eu un peu de pain ? Y avaient-ils du pain pour tout le

13 monde.

14 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, c'était une

15 toute petite camionnette. Ils jetaient du pain ou donnaient du pain. Mon

16 interprète m'a dit qu'ils insultaient les gens, se moquaient d'eux en

17 distribuant ce pain.

18 La camionnette est revenue une autre fois avec du pain, et

19 également un camion des pompiers est venu pour distribuer de l'eau. Une

20 par une les femmes pouvaient remplir des récipients. Tout cela était

21 filmé, puis ce camion citerne est reparti.

22 Plus tard, ce même jour, vers 4 heures, d'autres soldats sont

23 venus, d'autres véhicules sont arrivés, des jeeps et autres véhicules

24 civils. A un moment donné, mon interprète m'a dit qu'il avait l'impression

25 d'avoir vu le général Mladic.

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1 Effectivement, il est venu voir et s'est présenté. Je me suis

2 moi aussi présenté. Il m'a demandé qui était le commandant responsable. Et

3 je lui ai demandé quelles étaient ses intentions. D'abord il n'a rien

4 répondu et il a franchi la ligne de démarcation que nous avions mise et

5 s'est dirigée vers les gens.

6 J'ai immédiatement fait rapport à mon commandant et on m'a dit

7 de faire en sorte que Mladic soit accompagné pour rencontrer le colonel

8 Karremans sur la base, mais il a refusé.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qui a refusé ?

10 M. Koster (interprétation de anglais). - Le général Mladic a

11 refusé.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Si je comprends

13 bien, vous lui avez demandé de vous rendre auprès de l'officier

14 responsable, commandant responsable ?

15 M. Koster (interprétation de anglais). - Il a dit : non, je

16 fais ce que je veux faire, c'est moi qui suis responsable ici, personne ne

17 me donne d'ordre et vous allez bien voir ce qui va se passer" Il nous a

18 dit : vous coopérerez autrement les choses iront mal. Il nous a dit qu'en

19 coopérant, les choses iraient mieux.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit : ou

21 autrement ?

22 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, qu'il valait

23 mieux que nous coopérerions.

24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je vous prie de

25 continuer.

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1 M. Koster (interprétation de anglais). - Ensuite, il s'est

2 rendu auprès des gens, leur a parlé leur disant qu'il allait s'occuper

3 d'eux. Il a également parlé aux petits enfants, toujours accompagné de

4 cette équipe de cameramen. Je protestais constamment. J'insistais sur le

5 fait qu'il devait se rendre sur la base. Pendant ce temps, une autre

6 équipe est arrivée, puis des autobus, des autocars. Je lui ai demandé ce

7 qu'il allait faire, mais il était toujours irrité. J'ai demandé si oui ou

8 non il allait évacuer ces gens vers un autre lieu.

9 Un des soldats serbes s'en était pris à un certain nombre de

10 mes hommes, les séparant tout simplement des civils qu'ils gardaient. Les

11 Serbes ont contraint les civils à monter dans les autobus. Nous avons

12 voulu les escorter et assurer leur sécurité parce que finalement, nous

13 étions complètement responsables de la situation à l'époque

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel est le nombre

15 de troupes serbes présentes à l'époque ?

16 M. Koster (interprétation de anglais). - Quelque quarante à

17 cinquante hommes.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais des quantités

19 de troupes nouvelles arrivaient toujours, accompagnées de chiens ?

20 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, ils étaient bien

21 supérieurs à nous.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Continuez, s'il

23 vous plaît.

24 M. Koster (interprétation de anglais). - Ensuite, on m'a dit

25 d'escorter ces gens et d'assurer leur protection. Nous ne pouvions pas

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1 faire autre chose, si ce n'est simplement les accompagner, les escorter.

2 Pendant ce temps, les Serbes continuaient à forcer les gens à monter dans

3 les autocars, qui, à un moment donné, étaient archi-combles. En effet, les

4 gens étaient bien plus nombreux que ce que les autocars pouvaient en

5 accueillir. Les autocars ont commencé à quitter les lieux; et nous avons

6 avons dû à nouveau arrêter ces gens et continuer d'attendre que d'autres

7 moyens de transport arrivent à la base.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu

9 d'autres convois ? Avez-vous envoyé quelqu'un pour accompagner ces

10 autocars ?

11 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, finalement j'ai

12 appris que nous allions pouvoir escorter les autobus. Nous avons donc

13 envoyé certains de nos hommes à bord d'une jeep qui se trouvait à la tête

14 de ce convoi, de cette colonne. Ils ont donc réussi dans cette mission,

15 c'est-à-dire qu'ils ont pu les escorter.

16 Pour ce qui est des autres moyens de transport, étant donné

17 que les jeeps nous ont été prises, nous n'avons pas pu les escorter.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

19 séparations entre les hommes et les femmes avant que ces gens aient été

20 contraints de monter dans ces autocars ?

21 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui. On cherchait à

22 identifier tous les hommes des tireurs, des soldats, et certains étaient

23 séparés de leur famille. C'est ce qu'ils faisaient tout le temps.

24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé

25 avec ces hommes séparés de leur famille ? Où étaient-ils conduits ?

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1 M. Koster (interprétation de anglais). - Ils ont été casés à

2 l'intérieur d'un bâtiment, d'une maison. Ils étaient là-bas assis, leurs

3 effets personnels leur ont été enlevés, mis de côté. Ils étaient là,

4 assis, à attendre. Dans la mesure où nous pouvions protester, nous l'avons

5 fait, mais comme je l'ai dit, ils étaient numériquement supérieurs.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le général Mladic,

7 était-il présent pendant tout le déroulement de ces événements ?

8 M. Koster (interprétation de anglais). - Je l'ai perdu de vue

9 quand les premiers autocars ont démarré.

10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ces transports de

11 gens ont commencé quand ? Ils ont commencé vers 16 heures, si je me

12 souviens bien ?

13 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, à peu près une

14 demi-heure après que le général Mladic soit arrivé, les autocars sont

15 arrivés à leur tour.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien d'autocars

17 plein de gens ont-ils quitté cette base ?

18 M. Koster (interprétation de anglais). - Je n'ai pas pu les

19 compter de manière précise, mais je sais quand le chargement a commencé et

20 quand il s'est terminé, c'était déjà la nuit.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Une moitié, un

22 tiers de ces gens ont pu quitter la base ?

23 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, je ne peux faire

24 aucune estimation.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

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1 tout s'est terminé aux environs de la tombée de la nuit. Il y a eu

2 également des gens qui se trouvaient au-delà, en dehors de la base.

3 Quelqu'un a-t-il été sorti de la base au cours de cette première journée ?

4 Y a-t-il des gens qui se trouvaient toujours dehors ?

5 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui. Il y avait des

6 gens qui se trouvaient dehors et d'autres étaient à l'intérieur de la

7 base, mais je ne pouvais pas le voir de ma position.

8 Puis, la nuit est tombée.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

10 dire ce qui s'est passé au cours de cette nuit-là ?

11 M. Koster (interprétation de anglais). - Les Serbes nous ont

12 ordonné de déblayer la route, enfin d'éliminer, d'écarter tous les

13 réfugiés de la route.

14 La route devait être laissée libre parce qu'il se pouvait que

15 de nouveaux transports arrivent de Srebrenica. Nous avons donc rassuré les

16 gens. Nous sommes restés là, sur place, nous avons fait des patrouilles

17 pendant la nuit. Certain des Serbes sont revenus au cours de la nuit et

18 nous ont pris nos armes, nos vestes, nos casques.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

20 dire pourquoi ils ont fait cela ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ils ont formé des

22 groupes de trois à quatre personnes. Ils se sont approchés d'un soldat des

23 Nations Unies et lui ont demandé de remettre son arme, son casque, son

24 gilet pare-balles et tout son équipement. Il a été forcé de le faire.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Comment ?

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1 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Personnellement, je

2 l'ai fait à bout portant.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Etaient-ils

4 nombreux ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et nombreux de ces

7 trente ou quarante soldats que vous avez mentionnés ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc la majorité ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Il s'agissait donc

12 de la majorité ?

13 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc cela s'est

15 passé pendant la nuit ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Au début de la nuit,

17 ils sont allés quelque part. Puis, il y a eu le silence, ils se sont tus.

18 Nous avons continué à faire nos patrouilles pendant la nuit, à porter

19 secours aux malades, aux blessés qui demandaient toujours une assistance

20 médicale, et comme cela jusqu'au matin.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voici arrivés

22 au 13 juillet. Je vous prie de dire au Tribunal ce qui s'est passé à

23 partir de ce jour-là.

24 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Le 13, nous avons

25 placé quatre ABC, quatre blindés transporteurs de troupes sur la route.

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1 Nous avons fait une sorte de barrage artificiel et, vers 7 heures du

2 matin, les autocars sont arrivés. Une demi-heure plus tard, les Serbes

3 également. Et puis il y avait toujours plus de soldats qui venaient vers

4 cette position.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

6 donner une estimation en ce qui concerne l'importance numérique de ces

7 troupes ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Ils étaient de

9 cinquante à soixante. J'ai de nouveau regroupé mes hommes pour qu'ils

10 puissent aider les gens qui montaient dans les autocars.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

12 attaques contre vous-même ou contre votre personnel ? Y a-t-il eu des

13 tirs ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui, nous avons

15 entendu des coups de feu, des tirs sur le côté ouest de la base, en

16 provenance des maisons, des bâtiments, mais pas là où nous nous trouvions

17 précisément.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce qui les

19 séparations dont vous parliez -séparation des hommes et des femmes ou

20 séparation des familles- se sont produites à nouveau ce jour-là, ou cela

21 ne s'est-il produit que le premier jour ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Par exemple, un

23 garçon de 19 ans a été séparé de sa famille. Nous avons protesté contre

24 cet acte et le soldat serbe a été en quelque sorte impressionné, il l'a

25 emmené à ses supérieurs. Mais ils étaient armés.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Cela s'est-il

2 reproduit ?

3 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui, enfin dans la

4 mesure où j'ai pu le voir.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand ces locaux

6 ont-ils été en quelque sorte évacués complètement ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Il faudrait que je

8 consulte mes notes, s'il vous plaît.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous parlons du

10 13 juillet. A quelle heure de la journée ?

11 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Vers 18 h 00. J'ai

12 dû faire mon rapport sur la base même. J'ai dormi pendant 2 ou 3 heures,

13 il était déjà 16 heures. Je me suis présenté pour prendre mon service et

14 j'ai constaté que tous les gens étaient déjà partis.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Tous les gens qui

16 se trouvaient sur la base.

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, tout le monde,

18 sauf les blessés.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les hommes qui

20 étaient séparés se trouvaient-ils encore sur place ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les avez-vous vu

23 partir ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, parce que je

25 n'étais pas sur la base, je me suis reposé entre-temps.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). -Avez-vous suivi,

2 avez-vous vu ces gens pendant qu'ils quittaient la base et montaient dans

3 les autocars ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

6 actes de violence au cours de cette journée du 13 juillet ? Y a-t-il eu

7 des exécutions, d'autres formes de violence, d'actes de violence ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne l'ai pas vu

9 en personne. Nous avons entendu quelques coups de feu isolés qui ont été

10 tirés. Il y a eu des rumeurs. Toutefois, concernant le 12 juillet, au

11 moment où je faisais mon rapport sur la base, enfin, dans le cadre de la

12 base, il y avait un lieu où certaines personnes avaient aperçu 8 ou

13 9 corps à même le sol, et le 13 ou le 14 juillet, nous avons inspecté les

14 lieux.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Cela s'est-il

16 produit à proximité de la base ?

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'était à quelque

18 500 ou 600 mètres de la base.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous

20 trouvé sur place ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Arrivés sur place,

22 nous avons trouvé neuf cadavres ou neuf corps dans l'herbe. Nous avons

23 pris des photos. Nous n'avons fait aucune enquête, mais nous avons pu

24 constater que ces gens gisaient à même le sol, face contre terre, certains

25 avaient les mains attachées dans le dos, et sept personnes avaient reçu

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1 une balle par derrière. Nous avons donc pris des photos. Les vêtements sur

2 les corps étaient des habits civils.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ces constats ont

4 été faits le 13 ou le 14 juillet. Aviez-vous entendu des tirs

5 antérieurement ?

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, des coups de

7 feu isolés au cours de la journée.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous remarqué

9 d'autres personnes assassinées sur place ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Au cours de la

11 matinée, un homme s'est pendu dans un petit bâtiment et il était déjà mort

12 lorsqu'on l'a descendu.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et le soir du 13,

14 les lieux étaient vides, il n'y avait plus de réfugiés ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - A l'extérieur, non.

16 A l'intérieur, non, à part les blessés.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous eu

18 l'occasion de revoir le général Mladic à part le 12 juillet ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, dans la nuit

20 du 12 au 13 juillet, j'ai remarqué le général Mladic pendant qu'il passait

21 à côté de nos positions. A bord d'une jeep, il allait dans la direction de

22 Srebrenica et il devait rentrer à Potocari.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous l'avez donc

24 vu à deux reprises au cours de cette nuit ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais il ne s'est

2 pas arrêté, vous n'avez pas parlé avec le général Mladic ?

3 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsqu'il n'y a

5 plus eu que les blessés, que s'est-il passé ensuite ? Qu'avez-vous fait

6 les jours suivants ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En ce qui me

8 concerne personnellement, j'ai repris mes tâches habituelles. On était sur

9 le point de quitter l'enclave, on se préparait pour ce départ de

10 l'enclave. Nous ne savions pas si, oui ou non, nous pourrions quitter

11 l'enclave avec tout notre équipement, tous nos effets personnels. Par

12 conséquent, j'ai repris mes tâches habituelles.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

14 indiquer l'importance de l'équipement que vous avez perdu au cours de ces

15 quelques jours ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne pourrai pas

17 vous donner des chiffres exacts, mais nous avons perdu des fusils, des

18 armes, un certain nombre de véhicules, de jeeps.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

20 identifier pour nous certaines de ces armes ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ces blindés pour le

22 transport des troupes, du matériel militaire, des gilets pare-balles.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). -- Quand votre

24 bataillon a-t-il quitté Srebrenica ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Le vendredi

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1 21 juillet, une semaine après.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci. J'ai

3 terminé, monsieur le président.

4 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Avez-vous

5 des questions à poser ?

6 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Lieutenant

7 Koster, vous parlez de 15 000 personnes venues de Srebrenica à Potocari

8 chercher de l'assistance. Vous dites qu'il s'agissait essentiellement de

9 femmes, d'enfants et de personnes âgées, c'est bien cela ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

11 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous

12 attendiez-vous à cet exode de gens venant de Srebrenica ?

13 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

14 répéter la question ?

15 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - A Potocari,

16 est-ce que vous-même et votre équipe vous attendiez à cet exode de gens de

17 Srebrenica ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous étions là

19 à l'extérieur pour accueillir ces réfugiés, on s'attendait à une arrivée

20 de réfugiés vers nos positions.

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Etiez-vous

22 préparés pour les accueillir ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non. Nous étions

24 tout simplement là et nous avons fait du mieux que nous pouvions étant

25 donné les circonstances, mais nous n'avions pas suffisamment de

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1 médicaments et de vivres pour les accueillir.

2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous êtes-

3 vous adressé à des membres du commandement supérieur de l'OTAN ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

5 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

6 reçu un soutien complémentaire avant ou après le 11 juillet ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

8 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Qu'est-il

9 arrivé à ces gens, ces femmes, ces enfants, ces personnes âgées au moment

10 où les soldats serbes sont arrivés ?

11 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Vous parlez des

12 blessés ?

13 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Je parle des

14 femmes, des enfants, des personnes âgées venues à Potocari, en provenance

15 de Srebrenica, au moment où les soldats serbes sont arrivés sur place.

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ils avaient peur,

17 ils n'étaient pas touchés, ils n'étaient pas attaqués par les Serbes

18 d'après ce que j'ai pu voir depuis la base, mais plus tard, pendant qu'on

19 était dehors, ils ont été amenés vers les autocars.

20 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

21 entendu parler à l'époque des massacres qui ont été commis par les Serbes

22 contre les Musulmans à Srebrenica, Potocari et Bratunac ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ce n'est que le

24 mercredi que j'ai pu apprendre quelques rumeurs sur les 8 ou 9 corps.

25 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Et ensuite,

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1 plus tard, après ces jours-là, avez-vous entendu parler de massacres ?

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, seulement à

3 mon retour, dans les nouvelles.

4 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Le Colonel

5 Karremans et d'autres ont-ils opposé un refus au général Mladic lors de sa

6 visite ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne le sais pas.

8 En effet, au moment où je faisais mon rapport, ils avaient déjà commencé

9 leurs entretiens en dehors.

10 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Mais les

11 réfugiés se trouvaient sous votre protection, sous la protection des

12 Nations Unies ?...

13 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

14 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

15 essayé d'empêcher que l'on emmène les réfugiés de la base ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Il était impossible

17 de le faire parce qu'ils étaient numériquement supérieurs. Les Serbes se

18 sont rassemblés et ils était là à pousser, à contraindre ces gens à monter

19 dans les autocars. Etant donné qu'il était numériquement supérieurs, nous

20 ne pouvions pas réagir autrement.

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - C'est tout

22 pour le moment, monsieur le président.

23 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Lieutenant Koster,

24 vous avez dit qu'ils étaient numériquement supérieurs.

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Absolument.

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1 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Que vous étiez

2 numériquement inférieurs, que vous étiez en situation d'infériorité, pour

3 ainsi dire.

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

5 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Cela pouvait-il se

6 transformer et devenir une menace pour vous ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pour moi

8 personnellement ?

9 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Non, mais pour

10 l'ensemble du groupe. Est-ce que c'était une menace pour vous et pour vos

11 collègues ?

12 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai dit à mes

13 collègues que nous devions coopérer, que c'était ce qu'il y avait de mieux

14 à faire.

15 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Donc si c'était ce

16 qu'il y avait de mieux à faire, c'est aussi que les choses risquaient de

17 tourner très mal.

18 Le général Mladic -vous l'avez dit vous-même- avait dit :

19 "Coopérez, sinon vous allez voir ce qui va se passer !" Ce seraient à peu

20 près les mots du général Mladic. Le général Mladic vous avait dit

21 nettement : "Coopérez ou vous allez voir ce qui va se passer" ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, je ne

23 comprends pas très bien votre question.

24 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Le général Mladic

25 vous a dit quoi ?

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1 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, il m'a dit

2 cela et, plus tard, il a indiqué qu'il allait évacuer ces gens de

3 Srebrenica.

4 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et vous avez indiqué

5 avoir vu qu'il était en train de séparer les uns des autres, ceux qui

6 étaient combattants de ceux qui ne l'étaient pas. Avez-vous protesté ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

8 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et quelle a été la

9 réaction à ces protestations ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Parfois, j'ai

11 laissé les gens partir avec leurs familles, mais à certains moments, on ne

12 pouvait pas protester car on ne savait pas où les choses se passaient. On

13 ne pouvait pas protester.

14 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu'ils avaient

15 une liste de 200 personnes ? Personne ne sait si cette liste leur a été

16 donnée ou pas. En avez-vous idée ?

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, j'ai une idée.

18 Cette liste a été dressée à la base. Je vous prie de m'excuser. Cette

19 liste avait été dressée dans le but de montrer aux Serbes que nous les

20 surveillions, que nous les gardions sous notre contrôle, que nous

21 essayions de voir ce qu'ils allaient faire des hommes, que nous vérifiions

22 ce qu'ils faisaient.

23 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Donc la liste a été

24 dressée par vos hommes, par les officiers ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, elle a été

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1 dressée par le Comité des réfugiés à l'intérieur de la base.

2 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et elle vous a été

3 transmise ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pas à moi.

5 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Enfin, à vous, je

6 veux dire...

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). -A mon officier de

8 commandement ?

9 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Oui.

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, mais pour ce

11 que j'en sais, elle n'a pas été fournie aux Serbes.

12 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Vous ne savez pas si

13 elle a été fournie au Serbes ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pour ce que

15 j'en sais, elle n'a pas été fournie aux Serbes.

16 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Vous pensez qu'elle

17 ne l'a pas été. Merci beaucoup.

18 M. le Président. - D'après ce qu'on nous a dit, il semblerait

19 que quelques véhicules du bataillon -des jeeps, si j'ai bien compris- ont

20 escorté les convois, au moins au tout début, tant que vous aviez des

21 jeeps. Je suppose que ces jeeps sont revenues. Pour certaines, elles sont

22 revenues. Donc vous avez rencontré vos camarades avant que nous ne

23 quittiez la base. Que vous ont-ils dit de ce qui s'était passé ? Savaient-

24 il quelque chose ?

25 ***4***

Page 722

1 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je n'ai entendu

2 parler de cela que quand nous avons quitté l'enclave. Avant cette date,

3 j'ai toujours été à l'extérieur jusqu'au 13. Je ne savais pas ce qui s'est

4 passé au cours de ces escortes

5 M. le Président. - Les jeeps d’escorte ne sont pas parties

6 de Potocari ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Certaines se

8 trouvaient déjà au portail principal. C'est en tout cas ce que l'on m'a

9 dit pendant que je rédigeais mon rapport.

10 Une jeep au moins, en tout cas, a traversé. Cela a été le

11 premier transport, mais c'est quelque chose que j'ai appris plus tard, à

12 mon départ de l'enclave.

13 M. le Président. - Quand vos camarades sont revenus, puisqu'il

14 y a eu un rassemblement avant que vous quittiez l'enclave, que s'est-il

15 dit entre vous ? Vos camarades savaient-ils quelque chose ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

17 M. le Président. - Il ne s'est rien dit ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

19 M. le Président. - Ils n'ont pas parlé de ce qu'ils auraient

20 pu voir. Ils n'ont rien vu ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, mais de toute

22 façon, je ne leur parlais pas, j'étais trop occupé avec mes tâches. Je ne

23 sais rien de cela, j'en suis désolé.

24 M. le Président. - Le colonel vous réunissait tous les jours

25 pendant cette période-là. Vous entretenait-il de ses relations avec le

Page 723

1 général Mladic, des réunions, de ce qui était décidé, ou y avait-il une

2 cloison étanche entre les différents commandements à l'intérieur de la

3 base ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - L'interprète peut-

5 il répéter la question ?

6 M. le Président. - L'interprète ou le juge ?

7 (Interprète française). - L'interprète, monsieur le Président.

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne savais pas ce

9 qui se passait, je n'ai pas été tenu au courant des détails exacts des

10 réunions avec le général Mladic.

11 M. le Président. - Merci. Monsieur le Procureur, le tribunal

12 n'a pas d'autre question à poser au témoin. L'huissier peut raccompagner

13 le témoin. Le tribunal, Lieutenant, vous remercie d'avoir apporté votre

14 témoignage à la demande du Bureau du Procureur.

15 Monsieur le Procureur, vous pourrez ensuite faire entrer le

16 témoin suivant.

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Merci.

18 M. le Président. - Pour la bonne ordonnance des travaux, nous

19 allons prendre une heure pour entendre le témoin suivant et le tribunal

20 suspendra la séance à environ 16 heures 30.

21 Dès que le témoin sera rentré, vous aurez la parole.

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le

23 Président. L'accusation appelle le caporal Groenewegen à la barre.

24 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

25 M. le Président. - Je crois qu'il faut que je passe par

Page 724

1 l'interprète. Vous m'entendez, Madame ?

2 L'Interprète. - Oui.

3 M. le Président. - Vous allez demander au témoin de procéder à

4 la lecture de la déclaration.

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je déclare

6 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

7 vérité.

8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le

9 Président. Bon après-midi caporal Groenewegen

10 Je vous demanderai de donner vos noms et prénoms et de les

11 épeler je vous prie.

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je m'appelle

13 Caporal Groenewegen.

14 (Le témoin épelle ses nom et prénom).

15 M. Bowers (interprétation de l'anglais). -

16 Caporal Groenewegen, vous servez actuellement dans l'armée néerlandaise,

17 c'est bien cela ?

18 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner

20 votre rang actuel et vos responsabilités dans votre arme ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je suis

22 Caporal suppléant dans un groupe de dragons d'infanterie.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous servi en

24 Bosnie-Herzégovine ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous dire à

2 la Cour quand vous avez été en service en Bosnie-Herzégovine ?

3 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - De

4 janvier 1995 à juillet 1995.

5 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qui était votre

6 officier commandant à cette époque ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Vous

8 demandez le nom du sergent du groupe ?

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Oui.

10 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C'était le

11 sergent Mulder.

12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qui était votre

13 officier de commandement supérieur au moment où vous étiez stationné en

14 Bosnie-Herzégovine ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le

16 lieutenant Schopmans(?).

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez-vous été

18 stationné à Potocari pendant votre séjour en Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez-vous été

21 affecté à la Compagnie Bravo ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, à la

23 Compagnie Charlie.

24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Combien de

25 compagnies y avait-il dans la région de Potocari ?

Page 726

1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Une

2 compagnie.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Y avait-il d’autres

4 compagnies dans l’enclave de Srebrenica ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous décrire

7 ces compagnies ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - La compagnie

9 Bravo.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous décrire

11 à la Cour vos responsabilités spécifiques lors de votre arrivée dans la

12 zone de Potocari ?

13 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Mes

14 responsabilités consistaient à travailler dans les postes d'observation, à

15 patrouiller à pied et à occuper l'enclave.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez utilisé

17 le sigle OP. S’agit-il d’un sigle qui signifie poste d'observation ?

18 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C'est exact.

19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous serviez dans

20 l'infanterie, dans l’un des postes d'observation. Est-ce bien cela ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous dire

23 à la Cour, étant un membre de l'infanterie affecté à un poste

24 d'observation, quelles étaient vos tâches quotidiennes ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Mon travail

Page 727

1 consistait à effectuer des patrouilles au poste d'observation lui-même.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Y avait-il des

3 types de patrouille différents ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C'est exact.

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous les

6 décrire ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Deux types

8 de patrouilles : les patrouilles dites frontalières et les patrouilles

9 dites sociales.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelle était la

11 différence entre ces deux types de patrouilles ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Les

13 patrouilles dites sociales avaient pour but d'instaurer des contacts avec

14 la population et de vérifier la situation au sein de l'enclave. Quant aux

15 patrouilles frontalières elles avaient pour but de vérifier si les parties

16 belligérantes respectaient les accords.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). -

18 Monsieur le président, j'aimerais que l'on montre la pièce à conviction

19 60, carte de l'enclave.

20 Avez-vous été affecté à un poste d'observation précis ? Est-ce

21 bien cela ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - En fait,

23 j'ai été affecté à deux postes d'observation.

24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelles étaient vos

25 responsabilités dans ces deux postes ?

Page 728

1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - J’ai été

2 affecté aux postes d'observation Mike et November.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous montrer

4 sur la carte la localisation de ces deux postes d’observation au sein de

5 l'enclave de Srebrenica ?

6 (M. Groenewegen pointe ces lieux sur la carte).

7 Pourriez-vous repointer ces lieux je vous prie ? La carte

8 n'était pas à l'écran. De quel poste d'observation s'agit-il ici ?.

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est le

10 poste d'observation Mike.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous nous

12 montrer l’autre poste d’observation où vous avez servi ?

13 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est le

14 poste d'observation November.

15 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Au cours des

16 premiers mois de l’année 1995, au moment où vous êtes arrivé à Potocari, à

17 quoi cela ressemblait-il de servir dans un poste d'observation ? Qu'est-

18 ce-que cela impliquait ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C'était très

20 agréable, la journée se passait à effectuer des patrouilles, rester en

21 sentinelle, se reposer. Peu de patrouilles dans la journée, donc pas-

22 grand-chose à faire en fait.

23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez-vous eu à

24 faire face à une résistance quelconque ou à un antagonisme de la part de

25 l'armée serbe bosniaque pendant vos patrouilles ?

Page 729

1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu’à un

3 moment, au cours de vos patrouilles, la situation a commencé à changer ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Tout à fait,

5 cela a eu lieu le dernier mois.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Que s’est-il passé

7 au cours du dernier mois ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Il y a

9 d'abord eu interruption complète de la circulation des convois, ce qui

10 nous a empêchés de poursuivre notre travail. Et puis nous n'avions plus

11 suffisamment de vivres, de fuel, de carburants.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A la fin du mois de

13 juin début juillet 1995, à quel poste d'observation étiez-vous affecté ?

14 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Au poste

15 d'observation Mike.

16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pouvez vous

17 d'écrire à la Cour ce qui s'est produit au poste d'observation Mike ? Je

18 veux parler du comportement des soldats serbes bosniaques aux abords de ce

19 poste d'observation.

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Depuis les

21 positions serbes que nous étions en mesure de voir à partir de nos

22 positions, nous avons commencé à voir des soldats qui adressaient des

23 signes, intimant l'ordre de quitter le poste d'observation et la région.

24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand ont-il

25 commencé à vous adresser ce genre de gestes ?

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1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Vous voulez

2 le moment ?

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Oui.

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le matin.

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Combien y avait-il

6 de soldats dans le contingent serbe bosniaque qui a commencé à vous

7 adresser des indications vous intimant l’ordre de partir ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Environ une

9 dizaine d'hommes.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Comment étaient-ils

11 armés ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous étions

13 trop loin, nous ne pouvions pas le voir.

14 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous ont-il crié

15 quelque chose que vous pouviez entendre à cette distance ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quel genre de

18 choses avez-vous entendu ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous avons

20 entendu un mot de la langue locale qui signifie quelque chose comme

21 « fichez le camp, partez d'ici ». Nous le comprenions bien ce mot.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Combien de temps

23 ces provocations ont-elles duré ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). -

25 Dix à quinze minutes.

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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Cela s’est-il passé

2 plusieurs jours d’affilée ?

3 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Moi je ne

4 l’ai vécu qu’une seule fois, un jour.

5 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Finalement est-ce

6 que l'armée serbe bosniaque, aux abords du poste d'observation Mike, a

7 décidé d'un type quelconque d'action agressive ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ils ont

9 lancé des obus contre le poste d'observation.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand cela s’est-il

11 passé ? Je veux parler du moment de la journée et du jour où cela s'est

12 passé ?

13 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Cela a dû se

14 passer le 10 juillet, presque immédiatement après les menaces. C'est à ce

15 moment-là qu'ils ont commencé à tirer.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous vous trouviez

17 personnellement au poste d'observation lorsque le bombardement des serbes

18 bosniaques a commencé ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

20 exact.

21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous rappelez-vous

22 à quelle heure cela s’est passé dans la journée ? le matin ? l'après-midi?

23 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le matin.

24 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous dire

25 approximativement combien d'obus sont tombés aux abords ou sur le poste

Page 732

1 d'observation ?

2 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Cela a duré

3 plusieurs heures, je dirais une vingtaine.

4 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Combien d'autres

5 soldats d'infanterie se trouvaient avec vous au poste d'observation Mike

6 lorsque le pilonnage au mortier a commencé ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous étions

8 dix à ce moment là.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous tous

10 fait lorsque ces tirs de mortier ont commencé ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous

12 passions pratiquement toute la journée à l'intérieur du bunker.

13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Savez-vous si, au

14 moment où l'attaque au mortier a commencé contre le poste d'observation

15 Mike, il y a eu des attaques contre d'autres postes d'observation dans

16 l'enclave de Srebrenica ?

17 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui cela

18 s'est passé à d'autres postes d'observation également.

19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment pouvez-vous

20 dire qu'il y a eu d'autres attaques contre d'autres postes d'observation à

21 l'intérieur de l'enclave ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous avons

23 reçu des nouvelles de temps en temps et nous pouvions également entendre

24 les tirs dans toute la région.

25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

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1 le pilonnage a duré une grande partie de la journée. C'est bien cela ?

2 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, en

3 particulier de jour.

4 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il encore eu

5 des pilonnages au cours de la nuit ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Presque pas.

7 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Etant donné votre

8 situation personnelle, qu'avez-vous fait quand le pilonnage a commencé?

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je suis

10 resté dans le bunker. En tant que membres du personnel du poste

11 d’observation, après le pilonnage nous avons recommencé notre travail le

12 plus rapidement possible.

13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu

14 d'autres problèmes le lendemain lorsque vous avez repris votre travail ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le lendemain

16 matin, il y a eu quelques obus qui ont été tirés. Dans l'après-midi, je

17 suis revenu à la base.

18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous êtes retourné

19 à la base parce que c'était le moment pour vous dans le cadre de la

20 rotation prévue de retourner à la base de Potocari ? C’est bien cela ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous êtes

23 arrivé à la base de Potocari, quelle y était la situation ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - La situation

25 était tendue.

Page 734

1 Nous avons également passé pas mal de temps à la base à

2 l'intérieur du bunker.

3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous êtes

4 retourné à la base, avez-vous pu voir des armes aux mains de l'armée serbe

5 bosniaque dans les environs ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Négatif.

7 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quelque temps plus

8 tard, avez-vous pu voir quelles armes ils possédaient ?

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

10 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - A quel moment cela

11 s’est-il produit et qu'avez-vous vu ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’était aux

13 alentours de midi le lendemain et nous ne cessions de voir des flammes là

14 où les obus étaient tirés. Nous pouvions voir d'où venaient ces flammes.

15 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Cela signifie-t-il

16 la présence d'un lance-roquettes multiple de quelque type que ce soit ?

17 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C'est exact.

18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où se trouvait

19 situé ce lance-roquettes multiple ?

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Dans les

21 montagnes les plus proches, près du poste d'observation Papa.

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous pu

23 déterminer quelle était la nature des cibles visées ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, il n'y

25 avait pas de cible précise. Probablement s'agissait-il uniquement d'une

Page 735

1 provocation, de façon à empêcher les gens de circuler.

2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci. Après votre

3 retour à la base de Potocari, des réfugiés ont commencé à un certain

4 moment à arriver de la zone de Srebrenica. Est-ce bien exact ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Cela s'est

6 passé le 11 juillet, le matin.

7 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que la

8 compagnie Bravo a circulé en même temps que certains réfugiés ?

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui nous

10 avons vu un groupe important de réfugiés, après quoi un nombre croissant

11 de membres de la Compagnie Bravo.

12 M. Bowers (interprétation de l'anglais) - Aviez-vous quelques

13 responsabilités que ce soit quant à l'accueil de ces personnes fuyant en

14 exode de Srebrenica ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quelles étaient vos

17 responsabilités ?

18 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous étions

19 censés former une ligne pour recevoir les gens, faire une espèce de haie à

20 l’extérieur de la base.

21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Combien de

22 personnes ont formé cette haie à l’extérieur de la base pour recevoir les

23 gens de Srebrenica ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Trente à

25 quarante personnes.

Page 736

1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). – Lorsque l’on vous a

2 affecté à cette haie d’accueil, est-ce que vous êtes resté parmi les

3 réfugiés ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous avons

5 reçu les réfugiés, effectivement, qui arrivaient de l’autre côté de la

6 rivière.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). – Et, en fait, au

8 cours des quelques jours suivants, vous avez même passé la nuit à

9 l’extérieur de la base, vous y avez dormi ?

10 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous

12 décrire, brièvement, ce que vous avez vu, le 11 juillet, au moment de

13 l’arrivée des réfugiés, décrire brièvement pour la Cour dans quel état se

14 trouvaient les réfugiés, en tout cas, pour ce qui concerne les réfugiés

15 que vous avez vus vous-même ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Les réfugiés

17 qui arrivaient étaient censés entrer dans la base, mais il est devenu

18 manifeste, très rapidement, que tout le monde ne pouvait pas y pénétrer.

19 Donc un certain nombre de personnes ont dû rester à l’extérieur. Pour

20 autant que cela fut possible, nous avons essayé de les loger dans des

21 usines et des bâtiments qui se trouvaient aux abords de la base, mais la

22 situation était très chaotique.

23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que les

24 blessés ont obtenu une quelconque priorité par rapport à la possibilité de

25 pénétrer à l’intérieur de la base ?

Page 737

1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

2 Les femmes et les enfants passaient les premiers, lorsque c’était

3 possible, puis arrivaient les hommes.

4 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pendant que vous

5 étiez dans cette haie d’accueil, est-ce que vous avez vu quelque personne

6 que ce soit tenter de se blesser elle-même pour pénétrer à l’intérieur de

7 la base ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’est exact.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelle était la

10 situation climatique au moment de l’arrivée des réfugiés ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Il faisait

12 très chaud, c’était étouffant.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Y avait-il assez

14 d’eau, y avait-il des installations sanitaires et assez de vivres

15 également pour faire face à cet afflux de réfugiés ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Nous avons

17 essayé de fournir de l’eau, dans la mesure du possible, en distribuant des

18 jerricanes et des bidons. Nous avons essayé d’en distribuer autant que

19 cela était possible.

20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez dit que

21 les réfugiés étaient arrivés vers le 11 juillet. Que s’est-il passé le

22 lendemain, 12 juillet ?

23 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le 12

24 juillet, les Serbes ont commencé à évacuer les réfugiés.

25 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Où vous trouviez-

Page 738

1 vous lorsque les premiers soldats serbes sont arrivés à Potocari ? Est-ce

2 que vous étiez encore en train d’accueillir des réfugiés lorsque les

3 soldats serbes sont arrivés à Potocari ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A quelle heure, à

6 peu près, est-ce que les premiers soldats sont arrivés ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Autour de

8 midi.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - C’était le 12

10 juillet, n’est-ce pas ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - De quelle direction

13 ces premiers soldats sont-ils arrivés ?

14 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ils venaient

15 du poste d’observation Op Papa.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que l’on

17 pourrait montrer la pièce 60 au témoin pour qu’il nous indique la

18 direction ? Est-ce que vous pourriez nous montrer de quelle direction

19 venaient les soldats ?

20 M. Groenewegen. - (Le témoin indique le parcours sur la

21 carte).

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Ils venaient du Sud

23 et ils allaient vers le Nord, c’est ça ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, Nord au

25 Sud.

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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Donc de la région

2 de Bratunac ? Ils venaient de la région de Bratunac et ils allaient vers

3 Potocari, c’est ça ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

5 exact.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce qu’il y a

7 une route importante qui arrive à Potocari ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui

9 effectivement, il n’y a qu’une seule route d’accès pour l’enclave, c’était

10 par le poste d’observation Op Papa et par Potocari.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

12 pourriez nous dire de quel type de soldats il s’agissait, ces premiers

13 soldats qui sont arrivés à Potocari ?

14 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ce n’était

15 pas des soldats qui étaient habillés selon les règles. Ils avaient un

16 mélange d’uniformes de camouflage et d’autres vêtements, surtout en ce qui

17 concerne les couvre-chefs ?

18 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce qu’ils

19 étaient armés ?

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce qu’ils

22 étaient armés comme le sont les soldats réguliers, ou bien est-ce qu’ils

23 avaient d’autres sortes d’armes, plus d’armes que les soldats en portent

24 normalement ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je pense

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1 qu’ils avaient choisi chacun ce qu’ils voulaient apporter comme armes.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque ce premier

3 groupe de soldats est arrivé à Potocari, est-ce que vous avez entendu

4 tirer ? Est-ce que vous avez vu tirer ou entendu tirer ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Où est-ce que vous

7 avez vu ces tirs ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A la

9 périphérie de l’enclave.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous voulez dire

11 sur les collines qui entourent le village de Potocari ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

13 cela. Nous ne pouvions pas voir au-delà de ces collines.

14 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

15 avez vu des maisons prendre feu, brûler ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

18 avez entendu une réponse à ces tirs, des tirs en réponse à ces premiers

19 tirs, donc en fait de véritables combats ?

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, on

21 avait l’impression qu’il n’y avait qu’une partie qui tirait.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Et combien de temps

23 ces tirs ont duré autour du village, à la périphérie de ce village ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je ne peux

25 pas donner de réponse précise à cette question.

Page 741

1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Excusez-moi, vous

2 pourriez répéter votre réponse ?

3 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je ne peux

4 pas donner de réponse précise à cette question. Cela ne pourrait être

5 qu’une vague estimation.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

7 pourriez nous dire quelle est votre estimation sur la durée de ces tirs ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A partir du

9 moment où les soldats sont arrivés jusqu’au moment de la tombée de la

10 nuit, au crépuscule.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Bien. Après

12 l’arrivée de ce premier groupe de soldats, est-ce que d’autres soldats

13 sont arrivés plus tard ?

14 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

15 exact.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A peu près combien

17 de temps après que le premier groupe soit arrivé le deuxième groupe est-il

18 arrivé ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Dix à quinze

20 minutes après.

21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - En ce qui concerne

22 ce deuxième groupe de soldats, est-ce que vous pourriez décrire comment se

23 présentaient ces soldats ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - C’étaient

25 des soldats qui étaient habillés d’une manière plus habituelle, qui

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1 portaient vraiment des uniformes connus, et il y avait aussi une équipe de

2 caméramans.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce qu’il y

4 avait des soldats avec des chiens ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, pas à

6 ce moment-là.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce le deuxième

8 groupe est arrivé de la même direction qu’était arrivé le premier groupe à

9 Potocari ? Donc, est-ce que le deuxième groupe est arrivé par la même

10 direction qu’était arrivé le premier groupe ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A votre avis, est-

13 ce que ce premier groupe de soldats très armés aurait pu arriver à

14 Potocari sans savoir que le deuxième groupe allait arriver ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non. Il

16 semble que le premier groupe soit arrivé pour s’assurer de la sécurité des

17 lieux, et pour permettre l’arrivée du deuxième groupe qui était accompagné

18 de caméramans.

19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

20 avez l’impression qu’ils avaient coordonné leurs actions ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez parlé

23 d’une équipe de caméramans. Que faisaient ces caméramans ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Des petits

25 groupes de personnes équipées de caméras pour le son et d’autres avec des

Page 743

1 caméras pour filmer.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qu’est-ce qu’ils

3 ont filmé et photographié ces gens ? Est-ce que vous pouvez nous le dire ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Eh bien,

5 surtout des contacts que les Serbes ont établi dès qu’ils sont entrés dans

6 la base et en dehors de la base.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A partir du moment

8 où les soldats sont arrivés, le 12 juillet, est-ce que vous pouviez

9 apprécier le nombre de réfugiés qui se trouvaient là, sur la base et en

10 dehors de la base, au moment où les soldats serbes sont arrivés ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A

12 l’intérieur de la base ou à l’extérieur de la base ?

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Non, à l’intérieur

14 et à l’extérieur. Est-ce que vous pouvez nous dire approximativement ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A

16 l’intérieur de la base, 2 500 à peu près, et le reste de la population, à

17 l’extérieur de la base.

18 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Combien de

19 personnes, approximativement, se trouvaient en dehors de la base, à peu

20 près ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Une fois que les

23 soldats ont commencé à arriver à Potocari, qu’est-ce qui s’est passé avec

24 les réfugiés ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Avant que

Page 744

1 l’évacuation ne commence, ils ont laissé les gens tranquilles, ils ne les

2 ont pas trop embêtés.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que les gens

4 ont eu l’air très inquiet lorsque les soldats ont commencé à arriver ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, on

6 pouvait voir cela.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Bien. Vous avez dit

8 qu’à un moment donné l’évacuation a commencé. Est-ce que vous pourriez

9 nous dire, approximativement, à quelle heure on a commencé à évacuer les

10 gens ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - En fin

12 d’après-midi.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Comment cette

14 évacuation s’est déroulée ? Quel genre de véhicules ont été utilisés pour

15 cette évacuation ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - En ce qui

17 concerne les véhicules, il s’agissait de tocards, de camions. C’étaient

18 pas des conditions faciles.

19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pendant combien de

20 temps cette opération d’évacuation a duré le 12 juillet ?

21 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Jusqu’au

22 crépuscule, jusqu’à la tombée de la nuit.

23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que

24 l’évacuation a recommencé le 13 juillet ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

Page 745

1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A quelle heure

2 cette évacuation a-t-elle commencé, approximativement, le 13 juillet ?

3 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Sept heures,

4 huit heures le matin.

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous vous trouviez

6 toujours en formation de ligne parmi les réfugiés ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

8 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Le matin du 13

9 juillet, est-ce que vous avez constaté qu’il y avait une séparation à

10 laquelle on procédait entre les personnes ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). – Oui, à ce

12 moment-là, les hommes ont été séparés des femmes.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qui procédait à

14 cette séparation ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Pratiquement

16 tous les Serbes qui se trouvaient là.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous étiez très

18 près de cela ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, nous

20 circulions, là, entre les gens.

21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

22 pourriez décrire à la Cour comment procédaient les soldats serbes pour

23 séparer les gens, les hommes des femmes ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Il y avait

25 des groupes de 3 ou 4 hommes et ils en faisaient sortir 2, en général, un

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1 maximum de 2.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que les

3 soldats serbes armés étaient plus nombreux que les hommes qu’ils faisaient

4 sortir de la foule ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

7 avez pu voir ce qui est arrivé avec ces hommes qui ont été ainsi séparés

8 de la foule ?

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Eh bien, ces

10 hommes ont été amenés dans une maison toute proche, ils ont été rassemblés

11 jusqu’à ce que la maison soit tout à fait pleine, et ensuite on les a

12 emmenés dans des véhicules.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

14 pouviez voir à l’intérieur de cette maison où ces hommes étaient amenés et

15 rassemblés ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que c’est dû

18 au fait qu’une partie du mur de l’avant de la maison avait été démolie ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez pu suivre

21 cela toute la journée ? Vous avez pu voir ce qui se passait dans cette

22 maison pendant toute la journée ?

23 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui. Moi je

24 suis resté là, j’ai circulé pendant toute la journée, mais je n’ai pas

25 toujours regardé ce qui se passait dans cette maison.

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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Au cours de la

2 journée, est-ce que vous avez vu des hommes amenés à la maison, et ensuite

3 sortir de nouveau de cette maison ? Et est-ce que vous avez eu

4 l’impression que cela se faisait très régulièrement et très fréquemment au

5 cours de cette journée ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui. Dès que

7 la maison était à peu près pleine, et quand on regardait quelque temps

8 plus tard, on s’apercevait que la maison était vide.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pendant l’après-

10 midi du 13 juillet, est-ce que vous avez assisté à un meurtre, à un

11 assassinat ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

13 exact.

14 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A quelle heure à

15 peu près ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Autour de 4

17 h.

18 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Monsieur le

19 Président, pourrait-on baisser la lumière parce que nous avons une petite

20 vidéo à vous montrer ? Il s’agit de la pièce à conviction 61.

21 M. le Président. - On peut baisser la lumière, effectivement.

22 (Présentation de la pièce à conviction 61).

23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

24 reconnaissez cette zone, caporal ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

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1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Et vous

2 reconnaissez la maison que nous voyons ici ?

3 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

4 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que cela se

5 trouve près de l’endroit où vous vous trouviez lorsque vous avez vu ce

6 meurtre ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

8 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Merci, cela suffit.

9 Est-ce que l’on pourrait avoir la pièce à conviction 62 qui est une

10 photographie qui a été prise à partir de cette vidéo, et qui concerne

11 cette même région. Caporal, est-ce que vous pourriez utiliser cette

12 photographie pour nous montrer avec le pointeur où vous vous trouviez, et

13 pour nous dire ce que vous avez vu ?

14 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ce jour-là,

15 je suis resté dans ce périmètre que j’indique, et cela est la maison

16 derrière laquelle j’ai vu commettre ce meurtre.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Là où on voit

18 l’herbe, est-ce qu’il y avait des réfugiés qui se trouvaient là ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ils

20 n’auraient pas dû être là. En fait, s’ils se trouvaient là, on les

21 renvoyait par la route normale.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qu’avez-vous vu ce

23 jour-là ? Qu’est-ce qui s’est produit ?

24 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - De là où je

25 me trouvais, pour justement empêcher que des gens puissent se faufiler

Page 749

1 pour arriver par derrière aux autocars, j’ai vu un groupe de soldats

2 serbes qui choisissaient un homme dans la foule, je n’ai pas fait très

3 attention, mais très peu de temps après, j’ai entendu crier et j’ai

4 constaté que ce groupe de soldats qui avaient pris cet homme…

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Je voudrais

6 interrompre un instant. Combien d’hommes, dans ce groupe, ont fait sortir

7 cet homme de la foule ? Combien de soldats serbes ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Quatre.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - C’étaient des

10 soldats armés ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). – Oui, ils

12 étaient tous les 4 armés.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Cet homme qu’ils

14 ont sorti de la foule, était-il armé ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce qu’il s’est

17 opposé, a résisté d’une manière ou d’une autre ?

18 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, pas de

19 manière visible. Il savait très certainement ce qui l’attendait.

20 M. Bowers (interprétation de l’anglais). – Bien. Vous pourriez

21 continuer à nous dire ce que vous avez vu à partir du moment où ce groupe

22 de soldats a sorti cet homme de la foule ?

23 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A partir du

24 moment où on l’a sorti de la foule, je n’ai plus fait très attention. J’ai

25 regardé du côté où j’entendais des cris, et j’ai vu le même groupe de

Page 750

1 Serbes avec cet homme qu’ils étaient en train de fusiller, tout près de

2 là, où je me trouvais.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque l’on a

4 amené, cet homme, tout près de la maison que nous avons vue sur la photo,

5 est-ce que vous avez entendu des cris de cet endroit ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Pas des cris

7 très forts, mais du bruit.

8 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque vous avez

9 entendu du bruit, vous vous êtes retourné, et qu’est-ce que vous avez vu

10 derrière la maison lorsque vous avez regardé dans cette direction ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - De là où je

12 me trouvais, j’ai vu les hommes qui indiquaient au prisonnier de se

13 tourner vers le mur, et les soldats, ensuite, se sont regardés d’un air de

14 dire : « Qui est-ce qui va tirer ? » A ce moment-là, un est sorti du

15 groupe, il était juste derrière l’homme, à quelques mètres, et il l’a tiré

16 avec son arme automatique.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

18 avez pu voir à cette distance où l’homme a été touché, où la balle a

19 pénétré ?

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je pense que

21 la balle a traversé la tête.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque ces soldats

23 ont sorti l’homme de la foule et qu’ils l’ont amené derrière la maison,

24 est-ce qu’il y avait d’autres soldats serbes dans cet endroit ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, il y en

Page 751

1 avait quelques- uns qui pouvaient voir ce qui se passait. Oui.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Combien y en avait-

3 il derrière la maison, en plus des soldats qui avaient sorti l’homme de la

4 foule ? Combien y avait-il de soldats serbes qui se trouvaient derrière

5 cette maison, en plus de ce petit groupe de soldats qui avait sorti

6 l’homme ?

7 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Au moment du

8 meurtre, 2.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Alors de là où vous

10 vous trouviez, vous pouviez entendre les coups de fusil ?

11 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que les 2

13 soldats qui se trouvaient derrière la maison ont réagi lorsque cet homme a

14 été tué ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Au moment où

16 le soldat a tiré, ils ont regardé de ce côté-là mais, très vite, ils se

17 sont détournés et ils ont continué à faire ce qu’ils étaient en train de

18 faire.

19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Après que cet homme

20 ait été tué, qu’ont fait les soldats qui étaient responsables du meurtre,

21 de la tuerie ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Ils ont

23 disparu derrière des buissons qui se trouvaient là.

24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qu’est-ce qu’ils

25 ont fait avec le corps ? Est-ce qu’ils ont tiré le corps avec eux ?

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1 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non, pas à

2 ce moment-là. Non. Moi je les ai vus partir dans les buissons, et je ne

3 les ai pas vus tirer le corps, ni à ce moment-là ni après.

4 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

5 savez ce qui s’est passé avec le corps de cet homme ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que le

8 soldat n’a tiré qu’un seul coup pour tuer cet homme ?

9 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, un

10 coup.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pendant le reste du

12 jour de ce 13 juillet, est-ce que vous avez continué à entendre comme cela

13 des coups isolés qui étaient tirés ? Est-ce que vous en avez entendu

14 d’autres ce jour-là ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’est

16 exact.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

18 pourriez dire à la Cour combien de fois, au cours du 13 juillet, vous avez

19 entendu ces coups de feu isolés ?

20 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Vingt à

21 quarante fois par heure.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que vous

23 pourriez nous dire, approximativement, à quel endroits vous avez entendu

24 ces coups de feu, de quel endroit venaient ces coups de feu ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). -

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1 Principalement de là où se trouvaient les maisons.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce que c’était

3 loin de là où se trouvait la foule des réfugiés ?

4 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c’était

5 un peu plus loin vers les collines.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - A votre avis ces

7 coups de feu étaient-ils le résultat de combats ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non

9 c'étaient des coups de feu isolés.

10 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Ce qui, à votre

11 avis, n'indique pas qu'il y avait combat ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

13 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Au moment où vous

14 avez entendu ces coups isolés, je suppose qu'il y avait des soldats serbes

15 qui se trouvaient sur ce périmètre ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Ont-ils manifesté

18 de l'inquiétude en entendant ces coups isolés ?

19 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

20 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Etes-vous en mesure

21 de reconnaître le général Mladic ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment pouvez-vous

24 expliquez que vous êtes en mesure de le reconnaître ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Par des

Page 754

1 briefings que nous avons eus des sessions d'informations, des nouvelles

2 d'une manière générale.

3 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Avez-vous vu le

4 général Mladic à Potocari ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

6 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Combien de fois

7 approximativement, l'avez-vous vu ?

8 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Environ

9 quatre fois.

10 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - A quelles occasions

11 avez-vous vu le général Mladic à Potocari ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Le

13 13 juillet et pratiquement toute la journée.

14 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

15 décrire à la Cour un peu ce qu'il faisait au cours de cette journée ?

16 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Je l'ai vu

17 parler à ces gens et à quelques personnes du bataillon. C'est tout ce que

18 j'ai vu.

19 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Avez-vous eu

20 l'impression qu'il avait les choses en main, qu'il dirigeait les

21 opérations ?

22 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Le 13 juillet,

24 quand vous avez vu le général Mladic à Potocari, avez-vous vu les soldats

25 commencer à séparer les hommes en âge de se battre des femmes le même

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1 jour ?

2 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

3 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Ce jour où vous avez

4 vu le général Mladic est le même que quand vous avez assisté à l'exécution

5 derrière la maison ?

6 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui.

7 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Et c'est également

8 le même jour que vous avez continuellement entendu des coups de feu isolés

9 dans toute la zone au-delà des réfugiés ?

10 Vous vous souvenez que sur la vidéo, il y avait une route qui

11 passait devant la maison derrière laquelle a eu lieu l'exécution ? Vous en

12 souvenez-vous ?

13 Est-ce la route que prenait le général Mladic chaque fois

14 qu'il venait à Potocari ?

15 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Oui, c'est

16 exact.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Nous n'avons pas

18 d'autre question, monsieur le Président.

19 M. le Président. - Merci, monsieur le Procureur. Madame le

20 juge, avez-vous des questions ?

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Non.

22 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Caporal, vous avez

23 indiqué que vous avez entendu des coups de feu isolés, répétés. Votre

24 bataillon s'est-il enquis de savoir à quoi ils correspondaient ?

25 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - En effet,

Page 756

1 nous les avons entendus, mais rien n'a été fait.

2 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Il n'y a pas eu de

3 protestations, d'objections, de contacts avec les Serbes pour leur

4 demander ce qui se passait ?

5 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Si. Nous

6 avons demandé et lorsque nous l'avons fait, nous n'avons pas obtenu de

7 réponse quelconque.

8 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Et quand cette

9 exécution a eu lieu, y a-t-il eu des protestations suite à cet acte ,de

10 votre côté ? Des réactions que vous avez transmises aux Serbes contre ce

11 qu'ils étaient en train de faire ?

12 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - A ce

13 moment-là, nous étions entourés d'un chaos et nos réactions n'étaient pas

14 celles que nous aurions eues normalement.

15 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous appris

16 pourquoi ils ont choisi justement cet homme-là pour l'exécuter, et ce dans

17 un lieu public ?

18 M. Groenewegen (interprétation du néerlandais). - Non.

19 M. le Président. - Merci. Monsieur le Procureur, je pense que

20 nous en avons terminé avec la déposition du caporal.

21 Le tribunal tient à remercier le caporal pour le témoignage

22 qui a été requis par le Procureur dans la présente affaire. Le tribunal

23 remercie aussi l'interprète qui a permis au Tribunal de pouvoir prendre

24 connaissance de l'intégralité de ce témoignage.

25 Je demande que l'on raccompagne le témoin.

Page 757

1 Monsieur le Procureur, je propose que nous suspendions la

2 séance jusqu'à 16 heures 50. L'audience est suspendue.

3 (L’audience suspendue à 16 heures 33, est reprise à 16 heures

4 55)

5 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous

6 asseoir. Monsieur le procureur vous avez présenté une requête à la Chambre

7 relative à la protection d'un témoin.

8 Il a été répondu à cette requête ce jour par une ordonnance de

9 la Chambre qui a ordonné que les noms, adresses et autres renseignements

10 d'identification relatifs à la personne qui va donc être citée par vous,

11 et qui était précédemment identifiée par le pseudonyme Témoin A, ainsi que

12 les lieux où elle se trouve ne seront pas divulgués au public et aux

13 médias. Les noms adresses et autres renseignements d'identification

14 concernant ce Témoin A ainsi que les lieux où il se trouve seront placés

15 sous scellés et ne figureront dans aucun dossier ouvert au public.

16 Le pseudonyme Témoin A sera utilisé chaque fois qu'il sera

17 fait référence à ce témoin devant le Tribunal. Le témoignage du Témoin A

18 sera présenté en utilisant des dispositifs permettant de brouiller son

19 image. Tous les débats, s'il doit y en avoir, relatifs à des questions de

20 mesure de protection pour le témoin portant un pseudonyme, se tiendront à

21 huis clos. L'identité du témoin sera protégée pendant son entrée et sa

22 sortie.

23 Pour l'instant, nous avons des rideaux, nous allons parler

24 avec le Procureur pour voir si d'autres mesures sont à prendre. Bien

25 entendu, quand le témoin sera sous protection de son image et de son

Page 758

1 identification, nous pourrons lever les rideaux.

2 Je me tourne vers le procureur. A-t-il d'autres mesures à

3 prendre ? Il me semble qu'il faudrait peut-être faire en sorte qu'il y ait

4 un embargo sur les images qui sont à l'heure actuelle diffusées en direct

5 à partir de notre propre canal et qui sont diffusées en direct sur tous

6 les réseaux de télévision. Il me semble qu'il faudrait rétablir un embargo

7 d'au moins quinze minutes au cas où l'un d'entre nous ferait une erreur ou

8 aurait un problème de référence. Qu'en pensez-vous monsieur le Procureur ?

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je suis tout à

10 fait d'accord, je partage tout à fait votre avis, monsieur le Président.

11 D'autres mesures ne seront pas nécessaires, mais je suis tout

12 à fait d'accord pour cet embargo de quinze minutes.

13 M. le Président. - Je vois que M. le greffier me fait des

14 signes. Que voulez-vous dire ?

15 M. le Greffier. - Pour ce qui est de cette dernière mesure, je

16 ne sais pas si la cabine technique est prête. Je n'en suis pas sûr. Ils

17 nous demandent une dizaine de minutes pour assurer ce relais de l'image,

18 cette coupure relais de l'image. Ils n'ont pas été informés de cela à

19 temps.

20 M. le Président. - En cette occurrence, l'audience est

21 suspendue pendant dix minutes pour permettre -je l'explique pour le

22 public qui nous écoute- de faire en sorte que les mesures de protection

23 soient mises en place. En effet, elles seraient effectivement vaines si

24 nous ne prenions pas la précaution de retarder de quinze minutes la

25 diffusion des images.

Page 759

1 Il ne faut pas oublier que le Témoin pourrait être amené à

2 donner des éléments d'identification de lui-même ou d'autres personnes et

3 le Tribunal a pour mission de faire en sorte que, non seulement les

4 témoins qui se présentent ici, mais les témoins virtuels, potentiels ou

5 d'autres personnes, soient le mieux protégés possibles. Dans ces

6 conditions, l'audience est suspendue dix minutes.

7 Je demande au service technique de faire tous leurs efforts

8 pour ne pas trop retarder le déroulement de l'audience.

9 L'audience est suspendue.

10 ( L'audience, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures

11 15)

12 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez-vous

13 asseoir. Monsieur le Procureur, j'en profite pour dire que si pour demain

14 les mêmes dispositions doivent être prises, il faut les prévoir sur le

15 plan technique, notamment ce délai dans la transmission des images et que

16 les instructions soient données au service technique pour que l'audience

17 ne soit pas retardée excessivement.

18 Vous avez la parole, Monsieur le Procureur.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le

20 Président. J'appelle le Témoin A à la barre.

21 M. le Président. - Monsieur, vous m'entendez ? Prenez votre

22 temps.

23 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Oui, je vous

24 entends.

25 M. le Président. - L'huissier va vous remettre une déclaration

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1 que vous allez lire, debout si vous pouvez.

2 Vous pouvez lire la déclaration, monsieur s'il vous plaît ?

3 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Je déclare

4 solennellement que je dirai, la vérité, toute la vérité et rien que la

5 vérité.

6 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. On peut lever les

7 rideaux. Pendant ce temps, je voudrais d'abord, monsieur, vous remercier

8 d'avoir accepté de répondre à la convocation du procureur pour venir

9 témoigner. Le Tribunal est conscient que cela représente quelque chose de

10 difficile.

11 Je voudrais, ainsi que mes collègues, que vous parliez sans

12 crainte. Vous êtes sous la protection de ce Tribunal, vous êtes devant un

13 Tribunal international.

14 A présent, Monsieur le Procureur, vous pouvez commencer.

15 Il n'y a pas de son dans la cabine du public. Il y a des

16 égards à avoir à l'égard du public. J'informe le Bureau du Procureur. Il

17 semble qu'il y ait des problèmes de son qui ne peut pas arriver et que ces

18 problèmes ne peuvent être réparés. J'observe que ceci nous est déjà

19 arrivé, chaque fois que nous prenons des mesures de protection du témoin,

20 il semble que l'on ne puisse pas rendre compatible le système de

21 protection du témoin avec le son dans la galerie du public. C'est déjà

22 arrivé dans le cas d'autres articles 61. C'est particulièrement

23 regrettable. Le tribunal ne va pas rester sur ce siège, immobile, je

24 suspends à nouveau l'audience.

25 L'audience est suspendue.

Page 761

1 (L'audience, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures

2 30).

3 M. le Président. - L'audience est reprise. Asseyez-vous.

4 Je répète à l'adresse du témoin que le Tribunal est sensible à

5 sa venue, se doute de la difficulté que cela peut représenter. Vous êtes

6 sous la protection du Tribunal, vous pouvez parler sans crainte. Vous avez

7 la parole, Monsieur le Procureur.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le

9 Président.

10 Pourriez-vous nous dire, Monsieur, si vous étiez présent à

11 Srebrenica au moment où la ville est tombée entre les mains de l'armée

12 serbe bosniaque ?

13 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Oui.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

15 dire quel jour cela s'est passé ?

16 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Le 11 juillet

17 1995.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous sentez-vous à

19 l'aise ? Pourriez vous nous parler de ces événements sans la nécessité

20 d'être guidé par mes soins ?

21 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Oui. Je suis en

22 mesure de le faire.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je vous prie de

24 dire au Tribunal ce qui s'est passé ce 11 juillet.

25 Témoin A (interprétation du serbo-croate). - Le 11 juillet, on

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1 est venu de la protection de la défense civile territoriale pour nous dire

2 que les Serbes ont attaqué avec des blindés à partir du Zeleni Jadar, près

3 de Srebrenica. Alertés nous attendions ensuite de voir ce qui allait se

4 passer à Srebrenica. Nous écoutions les nouvelles depuis Sarajevo pour

5 entendre ce qui va se passer et, vers 14 heures, deux avions de l'OTAN ont

6 survolé le territoire. On a entendu des détonations, des bombardements.

7 Vers 13 heures, on a écouté des bulletins de radio Sarajevo

8 indiquant que des avions de l'OTAN bombardaient des blindés de l'armée

9 bosniaque serbe, que Srebrenica ne tomberait pas, que Srebrenica serait

10 protégée. Nous nous sommes quelque peu détendus et nous sommes attachés à

11 nos besognes quotidiennes, chacun de son côté. Cet après-midi-là, j'ai

12 aperçu les gens du village, j'étais en train de ramasser l’herbe et le

13 foin dans les prés et je les voyais partir, se déplacer. Ma femme me

14 disait : "Regarde un peu ces gens qui sont en mouvement, les femmes, les

15 enfants, les chevaux, rentrons voir ce qui se passe chez nous". Chez nous,

16 tout le monde était prêt pour partir.

17 On me demandait : "Pourquoi attends-tu, Srebrenica est tombée,

18 quelqu'un est venu nous dire de nous en aller". Les femmes, les enfants,

19 les personnes âgées, les infirmes se retiraient vers Potocari et vers

20 Jatan Drijaka. Je suis donc rentré dans ma maison. Nous avons pris

21 quelques objets les plus indispensables, quelques vivres et nous avons

22 quitté ma maison vers 8 heures du soir.

23 Nous sommes descendus vers Potocari. C'est là que nous avons

24 rencontré ce peuple qui était déjà assis le long de la route.

25 Pourquoi ne se dirigerait-on pas vers la base de la FORPRONU ?

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1 La réponse a été que l'on ne nous le permettait pas. C'est là que nous

2 avons rencontré ce peuple qui était déjà assis le long de la route. C'est

3 là que j'ai passé la nuit avec ma famille dans l'enceinte d'une usine

4 appelée 11 mars.

5 Le matin, certains sont partis s'enquérir au sujet du

6 transport, pour voir qui allait nous transporter. En rentrant, ils nous

7 ont dit qu'ils ne savaient rien, qu'ils ne savaient pas qui assurerait le

8 transport. La réponse a été : "Vous verrez une fois que ces personnes

9 s'amèneront".

10 Ainsi nous arrivions jusqu'à l'après-midi où les premiers

11 véhicules sont arrivés. Moi-même, je me suis dirigé vers les autocars,

12 accompagné de ma famille.

13 La FORPRONU a dressé une sorte de barrage, une sorte de

14 blocus, pour que cette vaste colonne de personnes se rue sur ce passage,

15 mais en a fait une colonne afin qu'ils puissent passer aisément à travers

16 ce point.

17 C'est en passant à côté de la FORPRONU que j'ai vu quelques

18 soldats. Il y avait, entre la FORPRONU et l'autobus une vingtaine de

19 mètres. J'ai remarqué un certain nombre de soldats en uniforme de

20 camouflage. Je pensais qu'il s'agissait de la FORPRONU. Je ne pouvais

21 faire aucune différence. Ayant passé ce mur vivant de la FORPRONU, j'ai

22 été touché par un soldat de la FORPRONU qui m'a dit : "Où vas tu, mon

23 vieux ? » et je me suis aperçu que ce n'en était pas un, mais un soldat

24 serbe.

25 Et il m'a mis du côté gauche de la route. Il y avait, là

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1 encore, quelques personnes, et la séparation continuait. Lorsqu'on nous a

2 séparé nous-mêmes (une vingtaine), ils nous ont amenés vers une maison en

3 nous disant que c'était pour que nous ne restions pas sur la route.

4 "Ne posez pas de questions, vous avez l'ordre d'y aller,

5 allez-y."

6 Et c'est ainsi que nous sommes entrés dans une maison au rez-

7 de-chaussée. C'était une maison qui était seulement recouverte, qui était

8 en construction. Nous étions le premier groupe. Puis vint un deuxième

9 groupe.

10 C'étaient des soldats serbes qui montaient la garde. Un soldat

11 nous a demandé : "Connaissez-vous Radko Mladic ?" Certains ont dit que

12 oui. "Celui qui ne le connaît pas aura l'occasion de le connaître

13 immédiatement", a-t-il répondu.

14 Et puis, peu de temps après, nous sommes emmenés jusqu'à cette

15 maison ; un officier a fait sa prière, et est entré en compagnie de quatre

16 soldats. Il est arrivé jusqu'à la porte d'entrée du rez-de-chaussée, et il

17 nous a salués par "bonjour, les voisins". Certains ont répondu par

18 "stravo" (bonjour). Et il nous a demandé : "Me connaissez-vous ?" Certains

19 se taisaient, d'autres ont répondu oui. Et il a dit à son tour :

20 "Je suis le général de l'armée serbes, Mladic. C'est

21 l'occasion pour celui qui ne me connaissait pas qu'il fasse ma

22 connaissance. Voyez ce qui se passe avec votre Srebrenica ; même l'OTAN

23 n'est pas en mesure de vous sauver et, malgré les bombardements, ils ne

24 peuvent rien nous faire. Voilà Srebrenitca qui est tombée, demain ce sera

25 le tour de Zepa, et les jour suivants, ce sera Gorazde, puis Bihac, et

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1 ainsi de suite. Mais pourquoi avez-vous choisi.Alija Itzetbegovic et non

2 pas Fikret Abdic ?"

3 Alors j'ai dit personnellement que ce n'étaient pas, ni Alija

4 Itzetbegovic, ni Fikret Abdic, qui nous intéressaient en ce moment précis,

5 mais de savoir pourquoi nous étions séparés de nos familles, pourquoi on

6 ne pouvait pas suivre nos familles et aller avec nos familles, parce que

7 nous étions des personnes âgées et infirmes.

8 "Eh bien, répond il, il faut qu'on sépare quelque 180 Serbes

9 qui ont été faits prisonniers, et nous allons faire un échange".

10 Et c'est ainsi que nous avons repris notre chemin. Nous sommes

11 retournés vers la route asphaltée.

12 On nous conduisait groupe par groupe, certains étant restés

13 devant la maison car tout le monde ne pouvait pas y entrer.

14 Le soir tombé, ceux qui étaient devant la maison ont dû se

15 lever et se mettre droit devant les soldats. Et les interpellés se sont

16 mis debout.

17 Ils nous ont également ordonné de sortir.

18 Lorsque vint mon tour, tous les 10 mètres, j'apercevais un

19 soldat serbe avec son fusil braqué sur nous. Et on ne cessait de nous

20 répéter d'aller plus vite, plus vite, plus vite.

21 Nous sommes descendus. Arrivés jusqu'à la base de la FOR

22 PRONU, deux autocars nous y attendaient ainsi qu'une voiture rouge. Le

23 dernier autobus était plein de gens, et nous sommes montés dans le premier

24 autobus, là où se trouvait également Radko Mladic et les trois soldats qui

25 l'accompagnaient. On est tous monté à bord de l'autobus. Mladic s'est

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1 approché de la porte et a dit au chauffeur : "Ferme la porte, suis la

2 voiture rouge, démarre".

3 Le chauffeur à fermé la porte de l'autobus, la voiture rouge a

4 démarré en direction de Bratunac. L'autobus à démarré derrière la voiture,

5 et c'est de cette façon que nous sommes arrivés à Bratunac dans un hangar.

6 Devant le hangar, l'autobus s'est arrêté et, là encore, une

7 dizaine ou une quinzaine de soldats serbes attendaient. La porte s'est

8 ouverte, et ils nous ont ordonné de sortir de l'autobus et d'entrer dans

9 le hangar.

10 Nous sommes sortis de l'autobus, nous avons pénétré dans le

11 hangar. Nous nous sommes assis et, au bout de quelques instants, nous

12 avons entendu un autre véhicule qui arrivait ; et un groupe de personnes

13 est de nouveau arrivé, qui venaient toutes également de Potocari. Et c'est

14 comme cela que, peu à peu, le hangar s'est rempli.

15 A la porte se trouvaient des soldats serbes qui se

16 présentaient à nous, qui nous disaient d'où ils venaient, qui ils étaient.

17 Certains venaient de Serbie, d'autres de Valsvevo, d'autres de Krupanj, de

18 Sabac, de Loznica. Etait-ce vrai ou pas ? Je ne peux pas le confirmer,

19 mais c'est en tout cas de cette façon qu'ils se présentaient à nous. Et il

20 y avait également des gens du coin, des gens de Bratunac qui parlaient à

21 leurs voisins musulmans, qui disaient : "Mais qu'est-ce que tu fais ici,

22 mais tu es vivant ? Où est ta mère, où est ton père, ou sont tes frères ?"

23 Et c'est comme cela que j'ai vu qu'ils se connaissaient, le

24 Musulman demandant au Serbe : "Et toi, où en es-tu ? Est-ce que chez toi

25 tout le monde est vivant ?" C'étaient des conversations sympathiques.

Page 767

1 Et, une fois que le hangar a été plein, quelqu'un a dit :

2 "Maintenant, jusqu'à minuit, vous devez obéir aux ordres. Est-ce que c'est

3 clair ?" Il a dit cela sur un ton assez acerbe. Et, tous ensemble, d'une

4 seule voix, nous avons répondu "c'est clair".

5 A ce moment-là, le silence s'est fait, et quelqu'un est arrivé

6 avec une lampe torche et a commencé à diriger la lumière sur nous. Il a

7 pointé la lumière et il a dit : "Toi qui as la lumière sur toi, lève-toi".

8 Un homme s'est levé, est sorti du hangar, et, alors qu'il se dirigeait

9 vers la porte, une fois la porte franchie, il est allé vers la gauche,

10 l'endroit d'où nous étions arrivés. Et à ce moment-là, on a commencé

11 immédiatement à entendre que divers objets sont utilisés pour frapper cet

12 homme. Ensuite, les uns et les autres ont apporté un peu d'aide. Et le

13 silence finit par se faire à nouveau.

14 A ce moment-là, un homme entre à nouveau avec sa lampe torche,

15 pointe la lumière sur quelqu'un, le fait sortir à nouveau ; on entend

16 encore des coups comme la première fois ; on entend des plaintes, des

17 gémissements. Et, lorsque cela s'arrête, le suivant rentre dans le hangar,

18 ressort quelqu'un, et ainsi de suite.

19 Il y en a qui sont sortis, qui ont été frappés, et qui sont

20 ensuite rentrés dans le hangar, portés par deux hommes sous les aisselles.

21 Et à ce moment-là, une fois arrivé à la porte, un de ces hommes qui

22 soutenaient l'homme battu le jette dans le hangar ; il était à moitié

23 vivant. Certains lui apportent de l'aide, et l'emmènent un peu plus loin,

24 au fond du hangar.

25 C'est comme cela que ça s'est passé toute la nuit. Il y avait,

Page 768

1 de temps en temps, quelques petites pauses, et puis cela a continué

2 jusqu'au matin.

3 A l'aube, deux qui aidaient les hommes blessés ont déclaré :

4 "Ce n'est plus la peine de les aider, ils sont morts". Et il a été décidé

5 de sortir les corps du hangar. Il y a eu cinq hommes morts, cinq cadavres

6 qui ont été sortis de cet entrepôt.

7 A ce moment-là, ils ont arrêté de tuer ; ils ont fait une

8 pause. Jusqu'au moment où le bruit d'un véhicule a été entendu à

9 l'intérieur du hangar, véhicule qui se dirigeait vers le hangar.

10 Un homme est entré et a dit : "Il nous faut ici dix hommes

11 valides pour faire quelque chose pour nous". Personne ne s'est porté

12 volontaire ; il demandait des volontaires mais personne n'a souhaité se

13 porter volontaire. Et à ce moment-là, il a pointé son doigt, il a dit

14 "toi, toi, toi, vous sortez", et ces hommes sont sortis.

15 Le silence s'est refait. Il a régné quelque temps, jusqu'au

16 moment où on a à nouveau entendu le bruit d'un véhicule venant de Pale, et

17 puis on l'a entendu repartir. Ces dix hommes ne sont pas revenus.

18 Et puis à ce moment-là, il y en a un un peu grand, avec des

19 cheveux noirs, qui est arrivé et qui a dit : "Maintenant remettez-nous

20 tout ce que vous possédez". On a dit : "Mais qu'est-ce qu'on doit vous

21 remettre ?" Et il nous répond : "Tout ce que vous avez, vos sacs, vos

22 documents, vos montres, etc.". C'est comme cela qu'on a lui tout remis.

23 Et à ce moment-là, il a demandé de l'argent. Il a tiré des

24 coups de feu derrière nous, et il a dit : "Allez l'argent, tout l'argent".

25 On lui a dit : "Mais quel argent ?" Il a répondu : "Tout argent est bon,

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1 je prends n'importe quel argent, et les marks c'est encore mieux".

2 Et c'est comme cela que les gens ont commencé à faire passer

3 l'argent de main en main ; et il a ramassé cet argent avant de repartir.

4 A ce moment-là, ils ont commencé à nous apporter de l'eau

5 parce que nous avions demandé de l'eau ; ils ont commencé à nous apporter

6 de l'eau à boire ; nous avons demandé à sortir pour aller aux toilettes,

7 et ils nous ont même autorisé à aller aux toilettes.

8 Mais ils ont attiré notre attention sur un point : ils nous

9 ont dit : "Quand vous sortirez par la porte, vous vous dirigerez vers la

10 droite et, là-bas, vous trouverez une pièce ; c'est là qu'il faut aller.

11 Mais lorsque vous sortirez par la porte, vous devez tourner votre regard

12 vers la droite. Quiconque tournera son regard vers la gauche ne pénétrera

13 pas à nouveau vivant dans l’entrepôts. Et lorsque vous rentrerez des

14 toilettes, vous devez regarder vers la gauche".

15 Et c'est comme cela que, par files entières, on a commencé à

16 sortir. Moi aussi je suis sorti, sans doute vers 9 h 00.

17 Et ils ont de nouveau commencé à tuer. On a entendu dehors les

18 gens crier et gémir. Quand on est allé aux toilettes, on a tourné vers la

19 droite puis, plus loin, à gauche. Il y avait une salle ; c'est là que je

20 suis allé. Et, en rentrant, j'ai regardé un peu en biais, de travers, et

21 j'ai vu qu'il y avait trois ou quatre hommes, debout l'un à côté de

22 l'autre. Il y en avait un qui était devant, qui portait un fusil

23 automatique et qui disait : "Allez, viens vers moi, viens vers moi, allez

24 viens".

25 Celui qui était entre les hommes est arrivé à gauche. Il y

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1 avait un homme qui portait une barre de fer et qui l'a frappé sur la tête

2 avec cette barre de fer ; lui est tombé. A droite, il y en avait un autre

3 qui le frappait avec une hache sur le dos (avec l'arête de la hache) ; la

4 hache s'est cassée et, sans retirer la hache, il a continué à tenir le

5 manche et il a fait comme s'il tirait sur une gâchette. A ce moment-là,

6 j'ai retourné la tête vers la gauche et c'est comme cela que je suis

7 rentré dans la salle.

8 Ils ont continué à agir de la sorte jusqu'aux environs de

9 4 h 00.

10 A 4 h 00, encore une fois, on a entendu arriver un véhicule ;

11 quelqu'un a pénétré à l'intérieur et a de nouveau donner l'ordre à une

12 dizaine d'hommes d'aller faire quelque chose pour eux. Là encore, les dix

13 hommes sont sortis. Le silence a régné jusqu'à un moment, un peu plus

14 tard, où on a entendu le bruit de ce véhicule qui démarrait à l'extérieur

15 du hangar. Et après, Ratko Mladic est arrivé à la porte. Et, tous

16 ensemble, nous avons dit : "Mais qu'est-ce que tu fais avec nous ici,

17 pourquoi tu nous tues, pourquoi tu ne nous emmènes pas ? Qu'est-ce que tu

18 fais ?" Il a répondu que l'échange n'avait pas été facile à organiser, que

19 si l'échange avait été plus rapide à préparer, on n'en serait pas arrivé

20 là, mais maintenant que l'échange est prêt, qu'on va aller à (Kalecia ?)

21 pour un échange ; il faut simplement qu'on nous compte pour savoir combien

22 on est pour qu'il puisse organiser un transport pour chacun d'entre vous".

23 L'un de chez nous s'est levé pour nous compter et a dit :

24 "Nous sommes ici 296 personnes". Et lui a répondu : "Eh bien j'assurerai

25 un transport pour l'ensemble d'entre vous". Et puis il est parti.

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1 On a encore attendu jusqu'au moment où on a encore entendu

2 arriver une voiture. A ce moment-là, un a dit encore une fois : "Allez, un

3 par un, les autobus sont arrivés, sortez".

4 C'est comme cela qu'on s'est levé ; on est sorti de ce hangar

5 et, à la sortie du hangar, on a vu que le béton était humide, qu'il n'y

6 avait plus moyen de le nettoyer. Et en sortant, j'ai vu six autobus qui se

7 trouvaient là.

8 Je suis entré dans l'autobus qui allait à Sarajevo ; c'est

9 comme cela qu'on est tous rentré dans les autobus.

10 Il y avait un soldat serbe qui rentrait dans chaque autobus.

11 La porte à côté du chauffeur se ferme. Et je vois à ce moment-là Radko

12 Mladic arriver du côté gauche. Dix ou quinze soldats serbes étaient autour

13 de lui, et il leur racontait quelque chose mais, sur le moment, je n'ai

14 pas pu entendre ce qu'il leur disait puisque la porte de l'autobus était

15 fermée. En tout cas, il avait l'air de leur donner des ordres. Et puis il

16 est reparti.

17 Nous étions nous-mêmes toujours là, sur place, dans les

18 autobus. Nous avons demandé au chauffeur : "Mais alors, qu'est-ce qu'on

19 attend ici, pourquoi on ne démarre pas ?" Et le chauffeur a répondu : "Je

20 ne sais pas, j'ai simplement reçu l'ordre de venir ici, mais où va-t-on et

21 pourquoi faire ? Je n'en sais rien".

22 C'est comme cela que nous avons attendu jusqu'à la tombée de

23 la nuit et, au moment où la nuit est tombée, les autobus ont démarré en

24 direction de la rivière Drina et de la Serbie. On est arrivé jusqu'au pont

25 sur la Drina. On ne l'a pas traversée, on a longé la rive gauche de la

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1 Drina qui est en Bosnie. On est arrivé à Drinjaka. On est resté à l'arrêt

2 pendant environ deux heures à Drinjaka. Et puis on a de nouveau continué.

3 On est arrivé à Zvornik. On a traversé Zvornik. Et, quand on est arrivé à

4 Karakaj, près de cette usine de transformation de l'aluminium (l'usine

5 Ninici), on a tourné vers la gauche.

6 Combien de temps cela a-t-il duré ? Je ne peux pas le dire

7 exactement.

8 On est arrivé à une école. Là les autobus se sont arrêtés. Et

9 là, encore une fois, une quinzaine de soldats serbes nous attendaient. Ils

10 nous ont donné l'ordre de sortir. On est sorti et on est rentré dans une

11 salle qui était le gymnase de l'école. Il n'y avait rien dans ce gymnase.

12 Il avait, en fait, été construit pour les joueurs de basket.

13 Un peu plus tard, on a de nouveau entendu arriver des

14 véhicules et on a de nouveau vu pénétrer un groupe de gens dans la salle

15 de sport, et à l'aube ...

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Peut-être allons-

17 nous parler maintenant d'une nouvelle nuit et d'une nouvelle journée. Je

18 me demandais, monsieur le président, si ce ne serait pas un moment

19 approprié pour donner quelque repos au témoin, et nous pourrions continuer

20 à écouter son récit demain. Merci.

21 M. le Président.- Je crois pouvoir être l'interprète de mes

22 collègues pour effectivement donner du repos à ce témoin.

23 L'audience est donc suspendue, elle reprendra demain matin à

24 10 h 00.

25 La séance est suspendue à 17 h 55.