Affaire no : IT-95-14/2-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Devant : M. le Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel

Assistée de : M. Hans Holthuis,

Greffier Décision rendue le : 27 juillet 2001

LE PROCUREUR

c/

Dario KORDIC et Mario CERKEZ

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE MODIFIER LE DÉLAI DE DÉPÔT D’UNE RÉPONSE À UNE REQUÊTE DES APPELANTS ET AUTORISANT LE DÉPÔT D’UNE NOUVELLE RÉPONSE

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Le Bureau du Procureur :

MM. Upawansa Yapa et Norman Farrell

Le Conseil de la Défense :

M. Mitko Naumovski, pour Dario Kordic

MM. Bozidar Kovacic et Goran Mikulicic, pour Mario Cerkez

 

1. Le 21 juin 2001, l’appelant Dario Kordic («Kordic») a déposé une requête demandant la délivrance d’une ordonnance adressée à la Bosnie-Herzégovine et à la Fédération de Bosnie-Herzégovine et enjoignant à l’entité concernée de lui donner «un accès immédiat, complet, libre et direct à l'ensemble des archives de l'ABiH », comme l’appelant le leur avait déjà demandé sans succès pendant le procès, alors que cet accès avait été accordé à l’Accusation au cours de la même période1. Kordic a joint à sa requête un nombre considérable d’éléments déposés par la Défense à titre confidentiel et ex parte pendant le procès. L’appelant Mario Cerkez («Cerkez») s’est joint à cette requête2.

2. Selon la Directive pratique applicable, l’intimé doit déposer une réponse dans les dix jours suivant le dépôt de la requête3. Cette Requête ayant été déposée le 21 juin, l’Accusation n’a toutefois reçu que le 6 juillet les éléments déposés en l’espèce à titre confidentiel et ex parte . On pouvait dès lors s’attendre à ce que l’Accusation dépose sa réponse le 16 juillet au plus tard. Mais cette réponse n’a été déposée que le 20 juillet, pour des raisons exposées dans une requête en vertu de l’article 127 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international («le Règlement»), sollicitant la délivrance d’une ordonnance aux fins de reconnaître la validité de sa Requête, nonobstant l’expiration du délai fixé par la Directive pratique4.

3. Les appelants s’opposent à la Requête de l’Accusation au motif qu’elle ne présente pas de motifs justifiant un dépôt plus tardif que le 16 juillet5. Ce retard est imputable au souhait tout à fait raisonnable de l’Accusation d’intégrer à sa Réponse les raisons pour lesquelles elle n’a pas voulu révéler pendant le procès qu’elle détenait des documents émanant des archives de l’ABiH6. Lorsqu’il lui est devenu évident qu’elle ne parviendrait pas à respecter le délai fixé, il était déjà trop tard. Une prorogation de quatre jours est donc sans gravité et l’ordonnance demandée en vertu de l’article 127 du Règlement sera rendue comme il se doit.

4. La Réplique de Kordic a cependant pour effet de modifier profondément sa Requête initiale. Ayant initialement demandé la délivrance aux deux entités d’une ordonnance les contraignant à produire les documents en question, Kordic soutient à présent qu’il serait vain de simplement délivrer une ordonnance contraignante aux fins de production de documents et autres informations7. Dans sa réplique, Kordic demande essentiellement à bénéficier du même accès que l’Accusation aux mêmes archives de l’ABiH8, en se fondant sur le fait que, pendant le procès, seule l’Accusation a eu accès à ces pièces9.

5. L’importance de ce changement réside dans le fait que désormais, si l’on ne tient pas compte de la réclamation formulée dans la conclusion de la Réplique10, la Requête de Kordic aux fins d’accès se rapporte strictement aux pièces que l’Accusation détient actuellement et qu’aucune entité n’a actuellement le pouvoir de produire . C’est là une modification majeure à laquelle l’Accusation n’a pas encore eu l’occasion de répondre. Il lui sera donc accordé un délai de dix jours à compter d’aujourd’hui pour déposer une réponse à cette nouvelle requête, si elle le souhaite. Alors que la Chambre d’appel attend toujours les explications de l’Accusation quant à son refus de communiquer les archives de l’ABiH pendant le procès, la réponse à la Requête de Kordic telle que reformulée dans sa Réplique, ne saurait souffrir aucun retard sous prétexte qu’il faut y inclure lesdites explications. La réplique à cette réponse sera déposée en conformité avec la Directive pratique.

6. Lorsque les délais de dépôt de la réponse et de la réplique auront expiré, les écritures déposées seront transmises aux cinq juges chargés de l’appel afin qu’ils se prononcent sur la Requête de Kordic à laquelle Cerkez s’est rallié. Cette précision , qui pourrait autrement paraître inutile, tient à une note de bas de page dans la Réplique de Kordic, où il se réserve le droit de demander l’autorisation de faire appel, dans l’éventualité où ses arguments relatifs aux archives de l’ABiH seraient rejetés11. Kordic a clairement indiqué qu’il déposait sa Requête en vertu de l’article 54 du Règlement, et non de l’article  54 bis12. Rien ne justifie une requête aux fins d’autoriser un recours contre une décision rendue en appel13.

Dispositif

7. La Chambre d’appel ordonne comme suit :

1) la validité du dépôt de la Réponse de l’Accusation à la «Requête aux fins de délivrance d'une ordonnance contraignante à la Bosnie-Herzégovine et à la Fédération de Bosnie-Herzégovine les enjoignant à produire certains documents et autres pièces », déposée le 20 juillet 2001, est reconnue, nonobstant l’expiration du délai de dépôt prévu par la Directive pratique applicable et

2) si elle le souhaite, l’Accusation est autorisée à déposer une nouvelle réponse à la requête susvisée dans les dix jours suivant la délivrance de la présente Décsion .

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Fait le 27 juillet 2001

La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel

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M. le Juge David Hunt

[Sceau du Tribunal]



1 - Requête aux fins de délivrance d'une ordonnance contraignante à la Bosnie-Herzégovine et à la Fédération de Bosnie-Herzégovine les enjoignant à produire certains documents et autres pièces, 20 juin 2001 (la «Requête de Kordic»), par. 6. Les mots soulignés le sont également dans l’original.
2 - Notification par laquelle l'appelant Mario Cerkez se joint à la Requête de l'appelant Dario Kordi} aux fins de délivrance d'une ordonnance contraignant la Bosnie-Herzégovine et la fédération de Bosnie-Herzégovine à produire des documents et autres pièces, 25 juin 2001 (la «Requête de ^erkez»).
3 - Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international, 1er octobre 1999, IT-155, par. 11.
4 - Motion for Variation of Time Limit for Filing Response and Prosecution’s Response to “Application for Issuance of an Order to Bosnia-Herzegovina and to the Federation of Bosnia-Herzegovina Compelling the Production of Documents and Other Materials”, 20 juillet (la «Requête de l’Accusation»), par. 6 à 10.
5 - Dario Kordic’s Reply to Motion for Variation of Time Limit for Filing Response and Prosecution’s Response to “Application for Issuance of an Order to Bosnia-Herzegovina and to the Federation of Bosnia-Herzegovina Compelling the Production of Documents and Other Materials”, 24 juillet 2001 (la «Réplique de Kordic»), par. 1 ; Notification par laquelle l'appelant Mario Cerkez se joint à la Réponse de l'appelant Dario Kordicà la Requête aux fins de modifier le délai de dépôt d'une réponse et à sa Réplique à la Réponse de l'Accusation à la «Requête aux fins de délivrance d'une ordonnance contraignant la Bosnie-Herzégovine et la Fédération de Bosnie-Herzégovine à produire des documents et autres pièces», 24 juillet 2001 (la «Réplique de Cerkez»).
6 - Requête de l’Accusation, par. 9.
7 - Réplique de Kordic, par. 11.
8 - Ibid., par. 3.
9 - Ibid., par. 9. Ici encore, les mots soulignés le sont également dans le texte original.
10 - Kordic réclame à nouveau la mesure demandée dans sa Requête initiale.
11 - Note de bas de page 3.
12 - Réplique de Kordic, par. 2.
13 - Le Procureur c/ Kupreskic, affaire n° IT-95-16-A, Décision relative aux requêtes de Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic et Vladimir Santic aux fins d'autorisation d'interjeter appel de la Décision de la Chambre d'appel datée du 29 mai 2001, 18 juin 2001, p. 2. La décision de la Chambre d’appel aux fins d’autoriser d’interjeter appel de son Arrêt (dans Le Procureur c/ Tadic, affaire n° IT-94-1-A-R77, Arrêt relatif aux allégations d'outrage formulées à l'encontre du précédent conseil, Milan Vujin [Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel, 25 octobre 2000]) se rapportait à un arrêt relatif à une question tranchée par la Chambre d’appel en première instance, et non à une décision qu’elle a rendue dans le cadre d’un appel.