LA CHAMBRE D’APPEL DU TRIBUNAL INTERNATIONAL

Composée comme suit :
Mme. le Juge Gabrielle Kirk McDonald, Président
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Lal Chand Vohrah
M. le Juge Wang Tieya
M. le Juge Rafael Nieto-Navia

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Ordonnance rendue le :
26 mars 1999

LE PROCUREUR

c/

DARIO KORDIC
MARIO CERKEZ

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ORDONNANCE RELATIVE À LA VALIDITÉ DE LA REQUÊTE DE LA RÉPUBLIQUE DE CROATIE AUX FINS D’EXAMEN DE L’ORDONNANCE LUI ENJOIGNANT DE PRODUIRE DES DOCUMENTS DÉLIVRÉE
LE 4 FÉVRIER 1999 PAR LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE III
ET DE LA REQUÊTE AUX FINS DE SUSPENSION DE L’EXÉCUTION DE L’ORDONNANCE

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Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
M. Kenneth Scott
Mme. Susan Sommers
M. Patrick Lopez-Terres

Conseil pour la République de Croatie

M. David B. Rivkin, Jr.
M. Lee A. Casey
M. Darin R. Bartram

Le Conseil de la Défense de l’accusé Dario Kordic:

M. Mitko Naumovski
M. Turner T. Smith, Jr.
M. David Geneson

Conseil de l’accusé Mario Cerkez

M. Bozidar Kovacic

 

La Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international") ;

VU l’Ordonnance enjoignant à la République de Croatie de produire des documents, délivrée par la Chambre de première instance III le 4 février et déposée le 5 février 1999 ("Ordonnance") ;

VU la Notification de la requête d’un Etat aux fins d’examen de l’Ordonnance enjoignant à la République de Croatie de produire des documents, déposée ex parte le 11 février 1999 pour la défense de Dario Kordic et de Mario Cerkez ("la Défense") par le Conseil de la République de Croatie ("Requête aux fins d’examen"), par laquelle la République de Croatie sollicite l’examen de l’Ordonnance par la Chambre d’Appel et demande la suspension de son exécution tant que ledit examen est pendant ;

VU l’Ordonnance portant calendrier délivrée le 17 mars 1999 par la Chambre d’appel qui déclare le Bureau du Procureur ("l’Accusation") et la Défense libres de déposer devant elle, jusqu’au 24 mars 1999, des écritures portant, entre autres, sur la question de savoir si les points présentés dans la Requête, tels que cités dans l’Ordonnance portant calendrier, sont des questions d’intérêt général relatives aux pouvoirs du Tribunal au sens de l’article 108 bis;

VU la Réponse à la Requête de la République de Croatie aux fins d’examen de l’Ordonnance lui enjoignant de produire des documents, déposée par le Bureau du Procureur le 24 mars 1999 ("Réponse"). la Défense n’ayant pas pour sa part déposé de conclusions ;

ATTENDU que dans sa Réponse, vu la pratique du Tribunal concernant la délivrance et l’exécution des ordonnances contraignantes au cours des dix-huit derniers mois, l’Accusation se prononce, entre autres, en faveur de l’examen en appel des points de droit et de procédure y relatifs ;

ATTENDU également que, dans cette même Réponse, notamment, le Procureur s’oppose à la requête de la République de Croatie aux fins de la suspension de l’exécution de l’Ordonnance et qu’à ce titre il demande à la Chambre, entre autres, d’ordonner à la Croatie de déployer de sérieux efforts, immédiatement et de bonne foi, ou de continuer à le faire si tel est déjà le cas, en vue d’identifier et de réunir tous les documents et informations requis par l’Ordonnance et de les communiquer au Greffe du Tribunal au plus tard à la date limite fixée par l’Ordonnance, "mais que la Chambre pourrait juger approprié de repousser" ;

ATTENDU qu’il est demandé à la Chambre d’examiner l’Ordonnance et de suspendre son exécution en application de l’article 108bisA) et C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international ("le Règlement") qui dispose ce qui suit :

A) Un État directement concerné par une décision interlocutoire d’une Chambre de première instance peut, dans les quinze jours de ladite décision, demander son examen par la Chambre d’appel si cette décision porte sur des questions d’intérêt général relatives aux pouvoirs du Tribunal.

C) Si elle considère que la requête aux fins d’examen est recevable, la Chambre d’appel peut, si elle le juge opportun, surseoir à l’exécution de la décision entreprise.

ATTENDU que la République de Croatie est de toute évidence directement concernée par l’Ordonnance ;

ATTENDU que l’Ordonnance a été rendue suite à une procédure confidentielle et ex parte au cours de laquelle la Croatie n’a pas eu l’occasion de présenter ses arguments avant la délivrance de l’Ordonnance ;

VU l’Arrêt de la Chambre d’appel du 29 octobre 1997 dans l’affaire Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, No. IT-95-14-AR108bis, relatif à la Requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997 ;

VU la Décision relative à la demande de la Croatie aux fins d’examen de l’ordonnance sur la requête du Procureur aux fins de délivrance d’une ordonnance contraignante à la République de Croatie pour la production de documents et sur la demande de sursis à l’exécution de l’ordonnance du 30 janvier 1998, rendue le 26 février 1998 par la Chambre d’appel dans l’affaire susmentionnée ;

ATTENDU que l’Ordonnance porte sur des questions d’intérêt général concernant les pouvoirs du Tribunal international au sens où l’entend l’article 108bisA) et qu’elle soulève des questions relatives au sens et au but de l’article 29 du Statut du Tribunal international ;

ATTENDU que la Chambre considère qu’il est dans l’intérêt de la justice de suspendre l’exécution de l’ordonnance tant que son examen par la Chambre d’appel est pendant ;

FAIT DROIT à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de l’ordonnance par la Chambre d’appel ;

ET SUSPEND l’exécution de l’ordonnance jusqu’à l’issue de cet examen.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

 

Le Président de la Chambre,
/signé/
Gabrielle Kirk McDonald

Fait le vingt-six mars 1999
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]