LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Patrick Robinson

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
1er mars 1999

 

LE PROCUREUR

C/

Dario KORDIC
Mario CERKEZ

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DÉCISION RELATIVE À L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE CONJOINTE AUX FINS DE REJET DE L’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ EN RAISON DE L’ILLÉGALITÉ DE LA CRÉATION DU TRIBUNAL

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Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
M. Rodney Dixon

Les Conseils de la Défense :

M. Mitko Naumovski, M. Leo Andreis, M. David F. Geneson, M. Turner T. Smith, Jr. et Mme Ksenija Turkovic, pour Dario Kordic
Bozidar Kovacic, pour Mario Cerkez

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international") ;

VU l’"Exception préjudicielle conjointe aux fins de rejet de l’acte d’accusation modifié en raison de l’illégalité de la création du Tribunal" (l’"Exception préjudicielle"), déposée le 22 janvier 1999 par les conseils des deux accusés, Dario Kordic et Mario Cerkez (conjointement la "Défense"), demandant que l’Acte d’accusation modifié soit rejeté dans son intégralité, que les poursuites contre les accusés soient abandonnées et que ces derniers soient immédiatement remis en liberté,

VU la Réponse à l’Exception préjudicielle (la "Réponse") déposée le 5 février 1999 par le Bureau du Procureur (l’"Accusation"),

VU que dans son "Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence" dans le Procureur c/ Dusko Tadic, la Chambre d’appel a examiné tous les arguments avancés par la Défense dans son Exception préjudicielle, à savoir que :

i) la Charte des Nations Unies ne confère pas au Conseil de sécurité le pouvoir de créer le Tribunal international,

ii) le libellé clair de l’article 41 de la Charte des Nations Unies exclut la création d’un tribunal pénal ad hoc,

iii) le Conseil de sécurité n’est pas habilité à créer un organe subsidiaire doté de pouvoirs judiciaires,

iv) le Conseil de sécurité n’a pas le pouvoir d’adopter des textes juridiques supposés lier les personnes physiques,

v) la création, et l’opération continue, du Tribunal international ne peuvent pas être considérées comme une mesure permettant la restauration et le maintien de la paix et de la sécurité internationales et

vi) le Tribunal international n’a pas été "établi par la loi",

et a conclu que le Tribunal international avait été légalement établi par le Conseil de sécurité aux termes de l’article 41 de la Charte des Nations Unies,

ATTENDU que le Tribunal pénal international pour le Rwanda ("TPIR") saisi, dans l’affaire le Procureur c/ Kanyabashi, d’une requête similaire, a conclu lui aussi que le TPIR avait été créé légalement,

ATTENDU, par conséquent, que le Tribunal international a été créé par le Conseil de sécurité en application de l’article 41 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et qu’il a donc été "établi par la loi",

EN APPLICATION de l’article 72 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international,

PAR CES MOTIFS,

REJETTE L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président
___________
Richard May

Fait le premier mars 1999
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]