LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Patrick Lipton Robinson

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
22 mars 1999

 

LE PROCUREUR

C/

Dario KORDIC
Mario CERKEZ

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE CONJOINTE
DE LA DÉFENSE AUX FINS DE LA MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE

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 Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
Mme Susan Somers
M. Patrick Lopez-Terres
M. Kenneth Scott

Les Conseils de la Défense :

M. Mitko Naumovski, M. Leo Andreis, M. David F. Geneson, M. Turner T. Smith, Jr. et
Mme Ksenija Turkovic, pour Dario Kordic
Bozidar Kovacic, pour Mario Cerkez

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international"),

VU la Requête conjointe aux fins de la mise en liberté provisoire (la "Requête"), déposée le 9 février 1999 par les Conseils de la Défense de Dario Kordic et Mario Cerkez (la "Défense") et la Réponse du Procureur à la Requête conjointe aux fins de la mise en liberté provisoire, déposée le 22 février 1999 par le Bureau du Procureur (l’"Accusation"),

VU les conclusions écrites des parties et leurs arguments présentés au cours de la conférence préalable au procès du 11 mars 1999,

ATTENDU qu’aux termes de l’article 65 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le "Règlement"), la mise en liberté provisoire ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles,

VU, entre autres, les arguments de la Défense selon lesquels a) l’article 65 du Règlement, qui impose une "présomption quasiment absolue" du maintien des accusés en détention avant et pendant leur procès, constitue une violation des normes internationales consacrées dans divers instruments juridiques internationaux et que le libellé du Statut du Tribunal international ne milite pas en faveur de l’adoption d’un tel principe ; b) si les accusés venaient à être libérés, il n’y aurait aucun risque quant à leur non-comparution devant le Tribunal, de même qu’ils ne peuvent mettre en danger une victime, un témoin ou toute autre personne ; c) les accusés sont maintenus en détention préventive depuis 15 mois et il y a lieu de craindre que cette période soit portée à trois ans avant qu’un jugement ne soit rendu en première instance ; d) le maintien des accusés en détention nuit matériellement à leur aptitude à se préparer pour le procès, compte tenu, en particulier, de la communication récente par le Procureur d’un important volume de documents,

VU, ÉGALEMENT, les arguments de l’Accusation selon lesquels a) les accusés n’ont pas prouvé l’existence de circonstances exceptionnelles ; b) les autres conditions exigées à l’article 65 du Règlement n’ont pas été satisfaites ; c) la communication des pièces en l’espèce a été exhaustive et ne donne pas lieu à une circonstance exceptionnelle,

ATTENDU que la pratique du Tribunal international en la matière est bien établie, y compris le fait qu’il incombe à l’accusé de faire la preuve de l’existence de circonstances exceptionnelles (Cf., par exemple, la décision rendue par la Chambre de première instance I dans l’affaire Le Procureur c/ Tihomir Blaskic et celles rendues par la Chambre de première instance II dans les affaires Le Procureur c/ Delalic et consorts, Le Procureur c/ Kupreskic et consorts et Le Procureur c/ Milan Kovacevic).

ATTENDU que l’article 65 du Règlement ne constitue pas une violation des normes juridiques internationales,

ATTENDU que la durée de la détention préventive ne constitue pas une circonstance exceptionnelle en l’espèce,

ATTENDU que, en dépit du fait que la Chambre de première instance est consciente des difficultés pratiques auxquelles la Défense fait face dans la préparation de sa cause, du fait de l’importance du volume des documents qui lui ont été récemment communiqués, elle estime que cela ne constitue pas une circonstance exceptionnelle,

ATTENDU que les accusés n’ont prouvé l’existence d’aucune circonstance exceptionnelle pouvant justifier leur mise en liberté provisoire en l’espèce,

ATTENDU, PAR AILLEURS, que le début du procès est fixé pour le 12 avril 1999 et que ledit procès sera rapide et équitable,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION de l’article 65 du Règlement,

REJETTE la demande de mise en liberté provisoire des accusés contenue dans la Requête.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

 

Le Président de la Chambre de première instance
(Signé)
Richard May

Fait le vingt-deux mars 1999
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]