Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 27 janvier 2000

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés entrent dans la Cour]

  4   --- L’audience débute à 9 h 41

  5   LA GREFFIÈRE (interprétation) :  Affaire IT-95-

  6   14/2-T, Le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

  7   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice, je

  8   crois comprendre que vous voulez soulever quelques questions.

  9   Me NICE (interprétation) :  Oui, des questions

 10   d’ordre administratives.  Autant les aborder maintenant

 11   plutôt qu’à la fin de la journée.  Je suppose que de toute

 12   façon nous n’aurons pas toute une journée d’audience.  Il

 13   est donc préférable de régler ces questions-ci dès

 14   maintenant.  Elles ne prendront que quelques minutes.

 15   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Fort bien !

 16   Me NICE (interprétation) :  Merci.  Est-ce que

 17   nous sommes à huis clos partiel ?

 18   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Voulez-vous

 19   passer à huis clos partiel ?

 20   Me NICE (interprétation) :  C’est préférable.

 21   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais avant que

 22   nous passions au huis clos partiel, demain, nous

 23   commencerons à 9 h 00 et nous terminerons

 24   à midi et demi.

 25   Me NICE (interprétation) :  Je vous remercie.


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  1               [Huis clos partiel]

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  1   [expurgée]

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  4   [expurgée]

  5                     [Audience publique]

  6   Me NICE (interprétation) :  Il y a un autre témoin qui parlera d’un

  7   point de contrôle.  Sa déclaration a été communiquée, il y a un certain

  8   temps de cela, à la Défense.  J’ai dit à la Défense que ce témoin, nous

  9   avions l’intention de le citer.  Dernier point qui est plus étoffé à

 10   certains égards :  Il y a plusieurs témoins qui, dans notre dernier

 11   survol de témoins à comparaître, nous avions indiqué qu’on pourrait

 12   effectivement simplement verser au dossier les transcriptions et qu’il

 13   ne serait peut-être pas nécessaire d’appeler en chair et en os.  Il y

 14   a, par exemple, le Rémi Landry dont nous avons la transcription.  Il

 15   n’y a pas eu de réponse s’agissant de beaucoup de ces témoins de la

 16   proposition que nous avions faite.  Nous ne savons pas si ces

 17   transcriptions ou comptes rendus d’audience peuvent être versés au

 18   dossier tel quel.  Il est urgent d’avoir une réponse.

 19   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Est-ce que vous pourriez,

 20   aujourd’hui encore, déterminer quels sont ces témoignages que vous

 21   voulez simplement verser au dossier ?

 22   Me NICE (interprétation) :  Mais rappelez-vous ce

 23   document où il y avait des intercalaires, une chronologie.

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Effectivement,

 25   en date du 10 novembre.


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  1   Me NICE (interprétation) :  C’est exact.  Y

  2   figurent les noms de tous les témoins concernés.

  3   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je ne vois pas

  4   très bien de qui vous parlez dans cette liste.  Est-ce

  5   qu’il n’est pas plus simple de nommer ceux des témoins qui

  6   sont concernés par cette mesure ?

  7   Me NICE (interprétation) :  On ne parlera pas de compte rendu

  8   d’audience.  Il y aura une autre dénomination qu’il sera attaché.

  9   Il y a un autre témoin qui a déjà déposé dans deux autres affaires et

 10   dans deux contextes différents et je suis ravi de pouvoir vous dire, et

 11   c’est tout à son honneur :  Ce témoin ne demande pas des mesures de

 12   protection.

 13   Me STEIN (interprétation) :  Excusez-moi, Monsieur

 14   le Président, est-ce que je peux intervenir ?

 15   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui.

 16   Me STEIN (interprétation) :  Pour ce qui est des

 17   témoins faisant l’objet d’un compte rendu, il suffit

 18   d’avoir la liste.  Nous allons réagir parce que je ne vois

 19   pas très bien quels sont ces témoins dans cette liste du 10

 20   novembre.  Pour ces deux nouveaux témoins, ce sera la même

 21   situation que Monsieur Beese.  Le 9 décembre, nous avions

 22   reçu ces documents.  Nous pourrions peut-être en discuter demain.

 23   Me NICE (interprétation) :  Voire cet après-midi

 24   si nous n’avons plus de témoins.

 25   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Fort bien !


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  1   Me NICE (interprétation) :  En effet, celui qui a produit la carte ne

  2   pourra pas déposer ni aujourd’hui ni demain et le témoin qui pourrait

  3   nous aider s’agissant de cette liste générale pourrait ne pas être

  4   disponible aujourd’hui.

  5   Me STEIN (interprétation) :  Il y a aussi une vidéo qui est une prise

  6   de vue aérienne de la vallée que l’Accusation veut verser au dossier. 

  7   Je crois qu’il faudrait la voir avec Monsieur Kordic et prendre

  8   disposition avec le Centre de Détention.  Le plutôt sera le mieux et je

  9   pense que Monsieur Kordic est en mesure de déterminer davantage que

 10   nous si cet enregistrement vidéo est utile.

 11   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Y a-t-il une copie disponible ?

 12   Me NICE (interprétation) :  Oui, je vais la remettre à la Défense le

 13   plus tôt possible, peut-être dès la première pause de la journée.  Je

 14   vais voir s’il est possible de régler ceci.

 15   Me STEIN (interprétation) :  Mais lorsque nous l’aurons, je pense que

 16   nous aurons besoin de l’intervention de la Chambre s’agissant du

 17   quartier pénitentiaire mais j’en discuterai avec le juriste de la

 18   chambre.

 19   Enfin et non des moindres, n’oubliez pas, Monsieur le Président, que

 20   nous avons maintenant une pile de 1 mètre de haut pratiquement qui

 21   représente les documents, avec d’autres qui sont attendus, et à la

 22   suite des requêtes ex parte, vous savez que nous avons demandé des

 23   documents de tiers ou d’autres personnes qui ont participé à la

 24   production de documents relatifs à l’ex-Yougoslavie et nous travaillons

 25   d’arrache-pied à une requête aux fins de non-lieu ou d’abandon des


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  1   poursuites, mais vous savez que plus nous aurons de temps entre la

  2   présentation des témoins à charge et le début de la présentation des

  3   témoins à décharge, le plus nous vous en saurons gré, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons voir demain.

  6   Me KOVACIC (interprétation) :  Puis-je intervenir

  7   simplement aux fins du compte rendu d’audience ?

  8   Me Nice a soulevé la question de la cassette, de l’enregistrement

  9   vidéo.  Ceci n’a présentement aucun intérêt pour notre client.  Nous

 10   n’avons pas d’avis particulier.

 11   Quant à la deuxième question qui avait été soulevée, toujours à

 12   l’encontre de cet enregistrement vidéo, ou plutôt il s’agit là de la

 13   cassette d’une prise de vue aérienne de la vallée de la Lasva, je

 14   rejoins ce que disait Me Stein.  Nous aurions des difficultés à fournir

 15   des commentaires sur l’enregistrement si le client n’a pas l’occasion

 16   de visionner cette cassette.  Ça me semble nécessaire.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je suis sûr que vous pourrez

 18   prendre des dispositions avec le Procureur et s’il y a un exemplaire,

 19   vous pourrez peut-être le partager avec les défenseurs de Monsieur

 20   Kordic.

 21   [La Chambre discute]

 22   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski.

 23   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur le Président.  En ce

 24   qui concerne le nouveau témoin, bien évidemment, je ne fais pas

 25   d’objection.  On peut lui poser toute une série de questions en dehors


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  1   des questions 8, 14, 16 et 17.  Merci.

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous remercie.

  3   Me NICE (interprétation) :  Je reviens à la question de ces témoins

  4   dont le compte rendu d’audience d’une autre affaire suffirait pour ce

  5   qui est du versement au dossier.  Rappelez-vous, je vais être un peu

  6   mieux préparé pour ceci que la fois dernière.  Nous avons les pages 21

  7   et 22 de cette liste générale et qui montrait une liste séparée où

  8   figurait ces témoins.  Je vais peut-être veiller à ce que ceci soit

  9   photocopié pour la Défense, si elle ne dispose pas encore de ce

 10   document.

 11   [Le témoin entre dans la Cour]

 12   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le témoin

 13   peut-il donner lecture de la déclaration solennelle ?

 14   LE TÉMOIN (interprétation) :  Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Monsieur, veillez vous asseoir.

 17   TÉMOIN :  IBRAHIM NUHAGIC

 18   (ASSERMENTÉ)

 19   INTERROGÉ PAR Me NICE (interprétation) :

 20   Q.  Monsieur, pourriez-vous décliner votre identité ?

 21   R.  Je m’appelle Ibrahim Nuhagic.

 22   Q.  Monsieur Nuhagic, avant que n’éclate le

 23   conflit, est-ce que vous habitiez à Ocenici, un village

 24   dont la population était uniquement musulmane ?  C’était un

 25   village qui se trouvait dans la municipalité de Busovaca.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je pense qu’il y avait à peu près neuf

  3   familles musulmanes qui vivaient dans huit maisons ?

  4   R.  Oui.  Il y avait huit familles.  Je ne

  5   pourrais pas maintenant vous citer tous les noms de ces familles.

  6   Me NICE (interprétation) :  Peut-on placer sur le rétroprojecteur à

  7   l’intention du témoin la seule pièce que nous allons utiliser, qui est

  8   la pièce Z1694 ?

  9   Q.  C’est une partie d’une carte que nous connaissions déjà bien et si

 10   vous voyez le bas de la carte, est-ce qu’on peut placer ce bas de carte

 11   dans le cadre du rétroprojecteur.  Est-ce qu’on voit « Ocenici »

 12   inscrit à proximité de « Donje Polje » ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que Ocenici était proche de la caserne de Draga ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Sous le contrôle de qui se trouvait-il avant le conflit ?

 17   R.  Du HVO.

 18   Q.  Le 27 janvier 1993, est-ce que des soldats du HVO sont venus dans

 19   votre village ?  Est-ce qu’ils ont fouillé les maisons du village ? 

 20   Est-ce qu’ils ont confisqué toutes les armes, dont des fusils de chasse

 21   ainsi que des mitraillettes ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Comment étaient-ils vêtus ?

 24   R.  Ils étaient en tenue de camouflage et ils

 25   arboraient des insignes du HVO.


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  1   Q.  Est-ce qu’ils avaient quelque chose sur le visage ?

  2   R.  La plupart avait des cagoules.

  3   Q.  Est-ce que tous les hommes du village ont été placés en détention

  4   et ont été emmenés finalement au camp de Kaonik en passant par le poste

  5   de police de Busovaca, Kaonik que nous voyons au sommet de la carte ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Au cours de cette période, nous parlons ici du temps qu’il a fallu

  8   pour passer du village à Kaonik, est-ce que vous deviez pendant tout ce

  9   temps garder les mains en l’air, derrière la tête ?

 10   R.  Oui, pendant ce temps-là et tout le temps jusqu’au camp.

 11   Q.  Est-ce que vous avez subi des mauvais

 12   traitements ou fait l’objet de menaces ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Quelle était la nature du mauvais traitement

 15   et la nature des menaces ?

 16   R.  On nous a frappés, on nous a menacés qu’ils allaient nous couper

 17   des oreilles et qu’ils allaient nous égorger.  Ils nous ont notamment

 18   passer à tabac en allant vers le bus.  On ne pouvait pas monter dans le

 19   bus sans qu’on nous frappe et quand on descendait de bus, une fois de

 20   plus, on nous passait à tabac.  Il y avait, des deux côtés, des soldats

 21   et puis, en passant, on nous a frappés.

 22   Q.  Je crois qu’il y avait un groupe de soldats qui est sorti d’un

 23   véhicule où il y avait une arme qui était montée, faite en canon, et

 24   ils ont été particulièrement durs, n’est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c’est ça.  C’était à la gare de bus à Busovaca.


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  1   Q.  À propos, au moment où se produisaient ces choses à Busovaca, est-

  2   ce qu’il y avait des piétons dans la rue qui ont pu assister à ce qui

  3   se passait ?

  4   R.  C’était la nuit.  Il n’y avait que l’armée du HVO.

  5   Q.  Je vous remercie.  Est-ce qu’apparemment, à Kaonik, vous n’avez pas

  6   été battu mais que vous avez entendu d’autres prisonniers qui s’y

  7   trouvaient qui, eux, criaient ?

  8   R.  Oui, parce qu’on m’a frappé et puis j’ai eu

  9   une lésion au niveau de la colonne vertébrale.

 10   Q.  Est-ce que vous avez appris que des

 11   prisonniers étaient emmenés pour creuser des tranchées ?

 12   R.  La plupart allait creuser des tranchées, pratiquement tous ceux qui

 13   étaient aptes pour le faire, à part moi-même et quelques mineurs.

 14   Q.  Est-ce que le CICR est intervenu et les prisonniers, vous y

 15   compris, ont été libérés début février ?

 16   R.  Oui.  Ils sont venus mais on n’a pas été

 17   toujours remis en liberté, pas tout de suite.

 18   Q.  Est-ce que finalement, vous l’avez été ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Au mois d’avril et plus précisément le 16 avril, est-ce que vous

 21   avez pu aussi bien voir qu’entendre le bruit et les coups de feu qui se

 22   donnaient à proximité ?

 23   R.  Oui.  On a vu Kula, Polom, Solakovici.  C’est

 24   en provenance de ces villages qu’on avait tiré.

 25   Q.  Est-ce que vous connaissiez ou est-ce que vous aviez connaissance


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  1   du fait qu’un certain Mirko Cosic vivait dans la région ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quel poste occupait-il ou quel métier exerçait-il à l’époque ?

  4   R.  Il avait une unité.  C’était une unité

  5   d’intervention dénommée Jokeris.

  6   Q.  Est-ce que vous avez eu l’occasion de voir

  7   cet homme à la télévision en avril 1993 ?

  8   R.  Oui.  Je l’ai vu à la gare d’autobus.

  9   Q.  Que disait-il à l’occasion de cette émission ?

 10   R.  Il y avait des animateurs, un cameraman.  On lui a demandé si les

 11   soldats lui obéissaient et lui, il a dit que tout le monde lui

 12   obéissait et qu’il faisait ce qu’il fallait, travailler.  Donc, il

 13   avait parlé de Kula, de Polom, de Loncari où ils ont fait un bon

 14   travail et le cameraman lui a demandé ce qu’ils ont fait et quel était

 15   ce travail-là.  Donc, il avait tout simplement dit que c’est

 16   le temps qui le montrera.

 17   Q.  Le 19 avril 1993, vous trouviez-vous dans votre village au moment

 18   où des soldats sont revenus dans ce village ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Comment étaient-ils vêtus et à quelles unités appartenaient-ils ?

 21   R.  Je sais que Nikica Grubesic était commandant, commandant principal,

 22   commandant en chef mais je sais que c’était des soldats du HVO.

 23   Q.  Comment étaient-ils vêtus ?

 24   R.  Ils portaient des uniformes de camouflage,

 25   des uniformes militaires et ils arboraient les insignes du HVO.


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  1   Q.  Est-ce que vous avez parlé de cagoules ?

  2   R.Oui, ils avaient des cagoules.

  3   Q.  Comment s’est déroulée l’attaque ?

  4   R.  Bien, ils sont arrivés tout simplement.  Ils sont rentrés dans le

  5   village.  Ils tuaient tous ceux qu’ils ont trouvés.  Ils incendiaient

  6   des maisons.  Ils tuaient le bétail dans des étables.  Ceux qui ont

  7   réussi à s’enfuir, ils se sont sauvés.  Ceux qu’ils ont trouvés, ils

  8   les ont tués.  Mes voisins, qui ont réussi à se sauver, ils se

  9   trouvaient dans un abri.  Par conséquent, ils n’ont pas pu les trouver.

 10   Q.  Comment ont-ils incendié les maisons ?

 11   R.  La plupart du temps, ils avaient des

 12   munitions, enfin, des balles incendiaires.

 13   Q.  Où vous trouviez-vous au moment de l’attaque ?

 14   R.  J’étais tout à fait par hasard dans les toilettes qui étaient à

 15   l’extérieur et au moment où je voulais sortir des toilettes, il y avait

 16   ma nièce qui était devant la porte de ma maison qui m’a dit : « Oncle,

 17   il faut que tu te sauves, il ne faut pas que tu restes parmi nous »

 18   et moi, je l’ai fait.  J’ai commencé à fuir.  Il y avait plusieurs

 19   balles qui ont été tirées dans ma direction mais moi, j’ai fait du

 20   zigzag et puis je suis tombé.  Le soldat qui tirait après moi, il a

 21   pensé qu’il m’avait touché.

 22   Q.  Je pense que finalement, vous êtes rentré

 23   chez vous.  Est-ce exact ?

 24   R.  C’est exact.  Je suis revenu chez moi.  La nuit est tombée.  On

 25   n’entendait plus rien et c’est là où je suis rentré chez moi pour voir


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  1   ma mère, ma sœur, les deux filles de mon frère qui sont restées à la

  2   maison et qui ont été tuées.  Je me suis rendu à la maison et il n’y

  3   avait plus de feu.  Elles ont essayé de se sauver mais c’est par

  4   rafales qu’on les a tuées juste devant la maison et elles ont été

  5   incendiées.

  6   J’avais beaucoup de peine, bien évidemment, et puis j’ai essayé de

  7   faire quelque chose pour que le feu ne se déclenche plus et j’ai vu

  8   également mon oncle qui m’a dit qu’il ne fallait absolument pas que je

  9   fasse quoi que ce soit.  De toute façon, ce qui a été fait, ça a été

 10   fait. 

 11   Quand j’ai vu ceux qui m’étaient proches et qui étaient mes victimes,

 12   moi, je ne pouvais que regretter de ne pas avoir été parmi elles.

 13   Q.  Votre femme était là ?

 14   R.  Oui, ma mère, mon épouse, ma sœur et deux filles de mon frère.

 15   Q.  Vous avez parlé de cet oncle qui vous avait parlé.  Est-ce qu’il

 16   vous avait dit qu’il avait essayé de sortir son bétail de l’étable en

 17   flammes et qu’on lui avait tiré dessus ?

 18   R.  Oui.  Ils ont tiré en provenance de ma cour au moment où il

 19   s’acheminait vers son étable pour essayer de sauver son bétail.  Ils

 20   ont tiré sur lui et il a été blessé.

 21   Q.  Vous a-t-il dit que sa famille avait été tuée par une rafale de

 22   mitraillettes alors qu’elle essayait de quitter la maison ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  [Question non traduite]

 25   R.  C’est moi.  Je n’étais pas loin par rapport à


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  1   ma maison et non plus pas loin par rapport à sa maison.

  2   Q.  Dans le cadre de cette attaque, est-ce que

  3   vous avez entendu des soldats qui s’adressaient la parole ? 

  4   Est-ce que vous les avez entendu utiliser certains noms ?

  5   R.  La plupart c’était des surnoms : Zara, Kole, Mago ; c’était des

  6   surnoms : Cigo.  Voilà !  C’était des surnoms que je connaissais, que

  7   je connaissais bien.  Je connais les noms de ces gens-là.

  8   Q.  Est-ce que vous connaissiez l’une quelconque de ces personnes ?

  9   Est-ce que vous saviez qui ces personnes étaient ?

 10   R.  Je les connaissais avant mais comme ils portaient des cagoules,

 11   enfin, ils avaient des peintures sur le visage…

 12   Q.  Ce Zarko, est-ce qu’on le connaissait aussi sous le nom de Cigo ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Zeljo, qui était-ce ?

 15   R.  Zeljo Vujica.

 16   Q.  Est-ce qu’il y avait aussi un certain Zarko

 17   Cosic ou est-ce que c’était une seule et même personne ?

 18   R.  Kologranic, pas Cosic.

 19   Q.  Et puis il y avait un certain Mladjo ?

 20   R.  Kologranic.

 21   Q.  Est-ce qu’on le connaissait sous un autre

 22   surnom ou sous un autre nom aussi ?

 23   R.  Son surnom était Kole.  En général, on l’appelait Kole.

 24   Q.  Est-ce qu’il y avait aussi un Zarko Kologranic ?

 25   R.  Oui, mais ce sont les trois frères : Kole, Ranko, Zeljo.


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  1   Q.  Avant cette attaque, est-ce que vous auriez entendu rapporter des

  2   propos qu’aurait tenus ce Zarko Cosic ?

  3   R.  Quelques jours auparavant, il s’était rendu

  4   dans le village et il a dit que si jamais quelque chose

  5   arrivait à sa famille, que notre village allait être incendié.

  6   Q.  À qui a-t-il cela ?

  7   R.  Il l’a dit à ma sœur qui a été tuée.

  8   Q.  Je crois qu’à la suite de cette attaque, vous

  9   avez passé environ trois mois dans la maison d’un parent à Busovaca ?

 10   R.  À Busovaca et à Skradno.

 11   Q.  Mais je pense que vous avez été chassé des lieux où vous viviez au

 12   moins trois fois ?  C’est le HVO qui vous en a chassé ?

 13   R.  Oui, c’est le HVO qui l’a fait.

 14   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire de quelle façon vous avez appris

 15   qui étaient les auteurs de cette attaque ?  Je vais vous demander de ne

 16   pas donner aussitôt le nom, le nom de l’homme qui, d’après vous, était

 17   à la tête de cette attaque, mais dites-nous d’abord de quelle façon

 18   vous avez appris cela.  Qui vous a dit qui était l’auteur ou le

 19   responsable de cette attaque ?

 20   R.  En ce qui concerne les attaques, ça ne pourrait pas être quelqu’un

 21   d’autre que Dusko Grubesic qui avait commandé l’unité.  On sait très

 22   bien qui lui donnait des ordres.

 23   Q.  Avant de parler de ces noms, j’aimerais que vous disiez aux Juges

 24   comment vous aviez appris cela ou comment vous saviez que c’était le

 25   cas.  Pourriez-vous simplement expliquer aux Juges comment il se fait


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  1   que vous saviez tout cela ?  Était-ce quelque chose que quelqu’un

  2   vous avait dit ou quelque chose que vous avez vu vous-même ?  Expliquez

  3   simplement aux Juges ce qu’il en était.

  4   R.  Je ne sais pas.  Enfin, je n’ai pas tout à

  5   fait bien compris votre question.

  6   Q.  Je m’en excuse.  Je pense que les Juges aimeraient savoir comment

  7   Il se fait que vous connaissiez les responsables de cette attaque. 

  8   Est-ce que vous pourriez nous aider ?  Est-ce que c’est quelque chose

  9   que quelqu’un vous a raconté ou est-ce que c’est quelque chose que vous

 10   avez pu deviner ?  Par exemple, est-ce que vous auriez vu les soldats

 11   qui avaient mené cette attaque ? 

 12   Est-ce que vous pourriez nous donner des explications ?

 13   R.  C’est que j’ai vu tout simplement à la télévision Zoran Maric et je

 14   l’ai entendu dire qu’une seule plante devait pousser dans cet espace. 

 15   Au début, on n’a pas tout à fait bien compris ce qu’il voulait dire par

 16   là et ce n’est que par la suite, quand les événements ont commencé à se

 17   dérouler, que nous l’avons compris.

 18   Me NICE (interprétation) :  Il s’agit du

 19   paragraphe numéro 18, Messieurs les Juges.

 20   Q.  Quand avez-vous vu Zoran Maric, qui était, je pense, président de

 21   la municipalité de Busovaca ?  Quand l’avez-vous vu dire cela ?

 22   R.  C’est au moment où les soldats prêtaient serment au stade de

 23   Busovaca.  Il a lu, à ce moment-là, ce qu’il devait faire, comment il

 24   devait faire et moi, je n’avais pas le temps pour regarder la

 25   télévision.  Moi, je suis paysan et puis j’étais à la campagne et je


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  1   n’avais pas beaucoup de temps pour regarder la télévision.  Par

  2   conséquent, on aurait pu en entendre bien plus.  Ceux qui avaient le

  3   temps pour regarder la télévision, ils en ont entendu un peu davantage.

  4   Q.  Vous nous dites que Dusko Grubesic était

  5   l’homme responsable.  Comment le savez-vous ?

  6   R.  Il était commandant de l’unité en question.

  7   Q.  Très bien !  Comment savez-vous que c’est cette unité-là ? 

  8   Pourriez-vous la nommer, la citer et comment savez-vous que c’est cette

  9   unité qui s’est rendue coupable de ces meurtres ?

 10   R.  Il n’y avait pas d’autres unités.

 11   Q.  Est-ce que cette unité était proche de votre

 12   village de Ocenici à l’époque ?

 13   R.  Le commandement se trouvait à Busovaca.  C’était à deux kilomètres

 14   et demi, jusqu’à trois kilomètres par rapport à mon village.

 15   Q.  Est-ce que vous comprenez pourquoi Dusko Grubesic a donné un tel

 16   ordre pour que l’attaque soit déclenchée ? Connaissez-vous ses raisons?

 17   R.  Ça, je ne le sais pas. 

 18   Q.  Est-ce que vous connaissez le nom d’autres personnes qui ont

 19   participé à cette attaque à titre de dirigeants, de chefs ou

 20   d’exécutants ?

 21   R.  Je connais Pasko Ljubicic qui était chef du

 22   groupe dans le village.

 23   Q.  Comment se fait-il que vous le sachiez ?

 24   R.Je l’ai appris plus tard.

 25   Q.  Vous l’avez appris de qui ?


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  1   R.  Je l’ai appris par un certain nombre de ceux que je connaissais,

  2   par mes connaissances, par les soldats également.  Je les ai rencontrés

  3   dans la rue puis je posais des questions et puis on en parlait.

  4   Q.  Vous parlez de certains de leurs soldats. 

  5   Est-ce que ce sont des soldats qui vous ont dit avoir participé à

  6   l’attaque ou est-ce que ces soldats vous ont dit qu’ils avaient appris

  7   que l’attaque avait eu lieu ?

  8   R.  Des soldats qui n’ont pas pris part à l’attaque.

  9   Q.  Je vous remercie.  Ces soldats qui vous ont

 10   raconté tout cela, à quelle unité appartenaient-ils ?

 11   R.  Ils appartenaient à l’unité de Nikica Grubesic.

 12   Q.  Est-ce que c’est la brigade Zrinjski ?

 13   R.  Oui, oui.

 14   Q.  A-t-on dit quoi que ce soit à propos d’un rapport éventuellement

 15   entre cette attaque et un incident qui s’était produit à la caserne

 16   Draga ?

 17   R.  Je n’ai pas compris la question.

 18   Q.  Je m’en excuse une fois de plus.  Vous avez

 19   entendu parler de cette attaque…

 20   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Excusez-moi.  Nous avons une

 21   objection.  Il s’agit de double ouï-dire.  Le témoin a dit qu’il ne

 22   connaissait pas les raisons pour lesquelles le commandant avait délivré

 23   l’ordre pour attaquer le village, alors que j’ai le sentiment qu’on

 24   veut absolument lui faire dire quelque chose qu’il a déjà dit, qu’il a

 25   déjà répondu.


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  1   Me NICE (interprétation) :  Nous avons affaire à un témoin, Messieurs

  2   les Juges, qui, manifestement, a du mal à comprendre la technique que

  3   nous utilisons ici au prétoire où des questions sont posées et il doit

  4   répondre et j’espère que la question que j’ai posée n’est pas du tout

  5   ni vexatoire, ni trop dirigiste.  Je pense qu’elle devrait permettre à

  6   cet homme de mieux se souvenir et je pense qu’il est en mesure de nous

  7   répondre.

  8   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Répétez la question précédente. 

  9   Êtes-vous au courant de motifs ou de raisons qui auraient présidé à

 10   cette attaque ?

 11   Me NICE (interprétation) :  

 12   Q.  Vous avez entendu la question que vous a posée le Président de la

 13   Chambre, Monsieur le Témoin.  Êtes-vous au courant d’éventuelles

 14   raisons qui auraient expliqué cette attaque ?

 15   R.  La raison est très claire.  Ce n’est pas mon village uniquement qui

 16   était en question mais un peu plus loin également.  Il fallait nettoyer

 17   des musulmans nos villages.

 18   Me NICE (interprétation) :  Je vais passer à autre chose, Monsieur le

 19   Président.  Nous sommes au paragraphe 14 du résumé. 

 20   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le Président, excusez-moi. 

 21   Avant de commencer, pour ce qui concerne ce point, ce paragraphe, nous

 22   avons cette objection une fois de plus concernant le double ouï-dire. 

 23   Il faudrait se référer ici à l’Article 89(D) car ce n’est pas les

 24   éléments de preuve qui sont présentés de la manière comme nous

 25   l’entendons.


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  1   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Établissez la base de votre

  2   question.

  3   Me NICE (interprétation) :  Effectivement, le libellé du paragraphe

  4   induit peut-être en erreur.  Il se peut que le sujet soit plus direct

  5   que ce qu’il n’apparaît ici dans la lecture.

  6   Q.  Monsieur Nuhagic, connaissez-vous une femme

  7   répondant au nom de Hasija Beslic ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Répondez par un simple oui ou non à cette

 10   question.  Vous souvenez-vous d’un moment où vous parliez

 11   avec cette femme de ce qu’on appelait des papiers de

 12   sécurité, des papiers qui étaient délivrés à l’intention

 13   des musulmans ?  Répondez par oui ou par non.  Est-ce qu’à

 14   une reprise, vous avez eu une discussion avec elle à propos

 15   de ces papiers ?

 16   R.  Oui.  Moi, j’ai eu également ce document. 

 17   Tous les autres, d’ailleurs, l’avaient.

 18   Q.  Très bien !  Est-ce que cette dame et vous, vous avez vu quelqu’un

 19   d’autre qui vous avait parlé lors de cette conversation que vous avez

 20   eue avec cette femme à propos des documents, des papiers ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Qui était cette autre personne ?

 23   R.  C’était Dario Kordic.

 24   Q.  Parlons maintenant avec un peu plus de détails de ceci.  Ces

 25   documents, ces papiers étaient délivrés par qui et pourquoi ?


Page 13144

  1   R.  Dario Kordic.

  2   Q.  Ces documents, quelle fonction étaient-ils censés remplir ?

  3   R.  Oui.  Quand les soldats venaient le soir ou, éventuellement, quand

  4   ils venaient nous voir le jour, il fallait montrer ce papier pour

  5   qu’ils ne nous dérangent pas.

  6   Q.  D’après vous, ces papiers, ces documents ont-ils été efficaces,

  7   ont-ils bien servi l’objectif qu’ils étaient censés servir ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Vous avez donc eu cette conversation avec Madame Beslic.  Cette

 10   conversation, sur quoi a-t-elle porté ?

 11   R.  Nous avons parlé.  Moi aussi, j’étais présent au

 12   moment où ils ont travaillé ensemble.  Il ne faut pas oublier

 13   qu’ils ont travaillé à Vatrostalna ensemble avec Dario Kordic.

 14   Q.  Vous parlez là de Hasija Beslic et de Dario Kordic ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et qu’est-ce que Madame Beslic a dit à Kordic

 17   à propos de ces papiers et qu’a-t-il répondu ?

 18   R.  Elle a dit que ces documents n’avaient aucune valeur

 19   et qu’ils ne peuvent pas véritablement nous êtres utiles même s’ils

 20   nous ont été délivrés mais lui, il a riposté que les documents avaient

 21   de la valeur et que, par conséquent, rien de ce qui se passait

 22   auparavant ne se reproduirait plus.

 23   Q.  Est-ce qu’elle lui a donné des exemples de ce

 24   qui s’était passé et de ce qui avait été contraire, en

 25   fait, à la protection que devaient fournir ces documents ?


Page 13145

  1   R.  Oui.  Elle lui a dit que, de toute façon, ces documents n’avaient

  2   aucune valeur, que les soldats venaient, qu’ils nous chassaient des

  3   maisons et puis ensuite, on nous installait dans une seule maison,

  4   plusieurs familles dans une seule maison.  Lui, il nous a dit que ça ne

  5   se reproduirait plus mais la nuit qui suivait, la troisième nuit

  6   également, ceci s’est reproduit.  Par conséquent, ils ne se sont pas

  7   arrêtés, ils ont poursuivi.

  8   Q.  Mais la maison de qui ?  Était-ce votre

  9   maison ou une maison appartenant à d’autres personnes ?

 10   R.  C’était la maison de mes cousins parce que j’ai été chassé de la

 11   maison d’un de mes cousins, de l’autre, du troisième également et puis

 12   ensuite, nous nous sommes tous rendus de cette troisième maison à

 13   Skradno.  On nous a conduits, pour dire.

 14   Q.  Lorsqu’on vous a chassés, est-ce qu’à ce moment-là, on a dit quoi

 15   que ce soit des griefs que vous aviez formulés à Dario Kordic ?

 16   R.  Eh bien, ces soldats qui venaient nous chasser de la maison, ils

 17   nous ont dit : « Vous êtes allés vous plaindre à Dario Kordic.  Il vous

 18   a donné des papiers », alors que c’est lui qui nous a autorisés et qui

 19   nous a permis de faire ce que nous faisons.

 20   Q.  Est-ce que vous savez à quelles unités ou à

 21   quelle unité appartenaient ces soldats ?

 22   R.  À l’unité de Dusko Grubesic dénommée Zrinjski.

 23   Q.  Cet incident qui concerne Hasija Beslic et

 24   les quelques nuits qui ont suivi cet entretien, pourriez-

 25   vous les situer dans le temps ?  Au cours de quel mois cela


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  1   s’est-il produit ?  Êtes-vous en mesure de le faire ? 

  2   Évidemment, si vous ne pouvez pas, ne faites pas de conjectures.

  3   R.  C’était le mois de juin ou, éventuellement, début juillet.

  4   Q.  En août 1993, est-ce qu’on vous a emmené de l’endroit où, à ce

  5   moment-là, vous étiez jusqu’au village de Skradno ?

  6   R.  On m’a emmené, moi-même et puis mes cousins,

  7   les trois de mes cousins avec leurs familles.

  8   Q.  Alors que vous étiez à Skradno, est-ce que la

  9   région était contrôlée par le HVO ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Toujours à Skradno, est-ce que des hommes ont été emmenés creuser

 12   des tranchées à plusieurs endroits comme Strane, Bare, Kula ?

 13   R.  Oui, oui, oui, c’est connu.

 14   Q.  Vous, est-ce qu’on vous a emmené creuser des

 15   tranchées ou est-ce qu’on vous a laissé à Skradno ?

 16   R.  Moi, j’ai été blessé et puis j’avais l’âge également.  C’est la

 17   raison pour laquelle ils ne m’ont pas demandé d’aller creuser des

 18   tranchées mais tous les autres qui étaient plus jeunes, ils l’ont fait.

 19   Q.  Pendant toute cette période, est-ce qu’il

 20   vous est arrivé de regarder la télévision ?

 21   R.  Non.  On n’avait pas cette possibilité.  On ne pouvait pas regarder

 22   la télévision.  Il n’y avait pas de courant électrique.  On ne pouvait

 23   pas suivre la télévision.

 24   Q.  Je me suis sans doute, une fois de plus, mal

 25   exprimé.  Nous parlons de toute cette période qui commence


Page 13147

  1   avant votre première détention.  Est-ce qu’à ce moment-là,

  2   il vous est arrivé de regarder la télévision de Busovaca ?

  3   R.  Oui.  C’était 1993 et puis en 1992 également, il y avait uniquement

  4   des émissions qui passaient à la télévision de Busovaca entre 16 h 00

  5   et 18 h 00.  C’était la télévision croate HTV.

  6   Q.  Est-ce qu’il vous est arrivé de voir Kordic à la télévision ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Y avait-il d’autres personnalités politiques

  9   ou militaires que vous auriez vues à la télévision ?

 10   R.  J’ai pu voir Dario Kordic, Blaskic, Tihomir

 11   Blaskic, Ignac Kostroman, Anto Valenta.

 12   Q.  Quel était le poste ou le grade de Monsieur

 13   Kordic dans le HVO, pour autant que vous puissiez en juger ?

 14   R.  Voyez-vous, il avait grimpé un petit peu des échelles.  Moi, je

 15   n’ai pas vu le grade moi-même mais on m’a dit qu’il avait obtenu le

 16   grade du Colonel.

 17   Q.  Vous dites qu’il a grimé des échelons un à la fois.  Où est-ce

 18   qu’il a commencé finalement cette ascension, dans quelle organisation ?

 19   R.  Il était au début un employé au niveau de la mairie.

 20   Q.  Est-ce qu’à un moment donné, vous avez appris qu’il était impliqué

 21   dans un parti politique et si c’était le cas, dans quel parti était-il?

 22   R.  Je sais qu’à l’époque, quand il travaillait

 23   encore dans sa société, il était membre du Parti communiste.

 24   Q.  À la télévision de Busovaca, on l’associait à

 25   un parti politique, à un groupe politique particulier ?


Page 13148

  1   R.  Non.  En 1992, mi-1992 et 1993, mi-1992, quand il y avait des

  2   bombardements par l’armée des agresseurs serbes, c’est là où il a

  3   commencé à porter la tenue militaire.

  4   Q.  Dans le cadre d’une émission de la télévision

  5   de Busovaca, a-t-on parlé de façon générale de l’État de

  6   Croatie ?  Est-ce que vous vous en souvenez ou pas ?

  7   R.  Non, je ne m’en souviens pas.  En revanche, je me souviens qu’au

  8   moment où on nous a chassés vers le camp, il y avait un certain nombre

  9   de soldats qui criaient en disant que c’était la Croatie.

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez d’actualités télévisées au cours

 11   desquelles on aurait parlé de pommes de terre ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous souvenez-vous du moment où ça s’est passé et qui intervenait ?

 14   R.  C’était début du mois de juin.  Dario a dit qu’il fallait permettre

 15   que des pommes de terre soient semées et au moment où la récolte

 16   viendra, on allait décider qui allait organiser la récolte.

 17   Q.  On parlait de pommes de terre qu’on plantait. 

 18   Qui les avait fournies ces pommes de terre ?

 19   R.  C’était l’aide humanitaire.

 20   Me NICE (interprétation) :  Je vous remercie.  Monsieur, veuillez

 21   attendre un instant. 

 22   Je pense qu’on va vous poser d’autres questions.

 23   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en prie, Me Naumovski.

 24   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 25   le Président. 


Page 13149

  1   J’attendais que vous me donniez la parole.

  2   CONTRE-INTERROGÉ PAR Me NAUMOVSKI

  3   (interprétation) :

  4   Q.  Monsieur Nuhagic, j’aimerais me présenter, si vous voulez bien.  Je

  5   m’appelle Mitko Naumovski, je suis avocat de Zagreb et je défends

  6   Monsieur Kordic.  Je vais donc vous poser quelques questions.

  7   Puisque nous nous comprenons vous et moi en raison du fait que nous

  8   parlons la même langue, je vous demanderais de ménager une pause après

  9   que je vous pose mes questions, de façon à permettre l’interprétation

 10   vers l’anglais et les autres langues et j’attendrai également un petit

 11   peu après votre réponse à mes questions.

 12   Alors, commençons par quelques questions au sujet de l’endroit d’où

 13   vous venez.  Vous habitiez dans le village de Ocenici, n’est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que le nom de Nuhagici était le nom que portait le quartier

 16   dans lequel vous habitiez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Dans ce quartier, il y avait à peu près huit maisons musulmanes,

 19   n’est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais dans l’autre partie du village, à l’autre bout du village de

 22   Ocenici, qui habitait là ?

 23   R.  Les Vujica.

 24   Q.  Donc, des familles croates ?

 25   R.  Oui.


Page 13150

  1   Q.  Combien de maisons y avait-il à cet endroit ?

  2   R.  Quatre maisons.  C’était celles qui étaient les plus proches de

  3   l’endroit où j’habitais, moi.

  4   Q.  Il y a une forêt, n’est-ce pas, une grande

  5   forêt qui s’appelle Polom à l’ouest de votre village ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Conviendriez-vous avec moi que la ligne de

  8   défense du HVO allait vers l’ouest du village précisément,

  9   c’est-à-dire vers cette forêt de Polom, au mois de janvier 1993 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Compte tenu de la situation géographique du

 12   village, et cætera, il n’y avait pas une ligne de front

 13   classique.  Il y avait, en fait, uniquement des patrouilles ?

 14   R.  Il y avait une ligne classique.

 15   Q.  Voulez-vous dire qu’il y avait en permanence

 16   des soldats qui se trouvaient stationner à cet emplacement ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Au mois de janvier 1993, combien de jeunes gens de Nuhagici

 19   sont-ils partis du village avant ce que vous venez de raconter, c’est-

 20   à-dire les événements du mois de mars ?

 21   R.  Cinq.

 22   Q.  Et nous sommes d’accord sur le fait que ces

 23   cinq jeunes gens étaient membres de la Défense territoriale ?

 24   R.  Ils patrouillaient, ils faisaient partie de la garde villageoise

 25   dans le village, effectivement.


Page 13151

  1   Q.  Et au mois de janvier, ils sont partis et ils sont allés à Kacuni ?

  2   R.  Oui.  Ceux qui avaient de la famille à Kacuni, ils y sont allés, à

  3   Fojnica aussi.  Cela dépendait de l’endroit où se trouvaient leurs

  4   parents.

  5   Q.  Conviendrez-vous avec moi qu’au mois de

  6   janvier, donc avant les événements du 27, de l’autre côté

  7   de la ligne de front tenue par le HVO se trouvaient des

  8   soldats appartenant à la Défense territoriale qui donc

  9   tenaient des positions face au HVO ?

 10   R.  Ça, je ne le sais pas parce que j’étais dans

 11   la région contrôlée par le HVO.

 12   Q.  Je sais que vous n’étiez pas un soldat, vous

 13   l’avez déjà dit dans votre déposition, mais peut-être

 14   pourrez-vous répondre aux quelques questions que j’ai à

 15   vous poser au sujet de vos connaissances en matière militaire.

 16   Ces jeunes gens, venaient-ils de nuit dans votre

 17   village, en secret ?

 18   R.  Non, non.

 19   Q.  Très brièvement à présent, quelques questions

 20   au sujet du séjour que vous avez fait dans la prison de

 21   Kaonik.  Vous étiez blessé, donc, vous avez vu un médecin,

 22   n’est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  On vous a emmené au centre médical de Busovaca, n’est-ce pas ?

 25   R.  Oui.


Page 13152

  1   Q.  Pendant le séjour que vous avez fait à

  2   Kaonik, selon vous, personne ne vous a fait subir la

  3   moindre violence et en fait, on vous a traité relativement

  4   bien, n’est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je crois vous avoir déjà entendu dire que

  7   l’on ne vous a pas emmené creuser des tranchées ?

  8   R.  Non parce que j’étais blessé et que j’avais

  9   vu un médecin, après quoi on m’a ramené à la caserne, mais

 10   je n’avais pas le droit de dire ce qui se passait, ce qui

 11   m’était arrivé.  J’ai menti, en fait.  J’ai dit que j’étais

 12   tombé dans l’étable quand j’étais allé m’occuper du bétail

 13   parce que si j’avais dit la vérité, il me serait arrivé la

 14   même chose qu’aux autres prisonniers, c’est-à-dire qu’on

 15   aurait recommencer à me battre.

 16   Q.  Monsieur Nuhagic, mais si je vous comprends

 17   bien, personne ne vous a dit que vous n’aviez pas le droit

 18   de dire la vérité.  C’est le résultat de votre réflexion ?

 19   R.  Je n’ai pas pu rentrer seul dans le cabinet

 20   du médecin quand on m’a emmené le voir.  Je n’ai donc pas

 21   pu lui dire la vérité.

 22   Q.  Bien.  Nous pouvons passer à un autre sujet,

 23   à savoir l’attaque qui s’est déroulée au mois d’avril et

 24   que vous avez déja décrite.  Vous avez parlé d’un certain

 25   Zarko Josic ?


Page 13153

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pouvons-nous dire à son sujet qu’il était

  3   d’une certaine façon votre voisin ?  Où habitait-il ?

  4   R.  Près de Draga, non loin de la route.

  5   Q.  Vous avez dit aujourd’hui ce qu’il avait dit

  6   à votre sœur quelques jours avant ces événements ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Sommes-nous d’accord sur le fait qu’il lui a

  9   dit qu’il allait en personne mettre en application cette

 10   menace si certains événements survenaient ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et vous l’avez reconnu comme étant l’une des

 13   personnes, l’un des hommes qui est arrivé dans le village ?

 14   R.  Je l’ai reconnu parce qu’il était déjà

 15   surnommé Cigo avant ces événements.

 16   Q.  Vous avez mentionné le nom de Grubesic

 17   aujourd’hui mais accompagné de deux prénoms différents. 

 18   Vous avez parlé de Nikica et de Dusko.  Vous parlez de deux

 19   personnes différentes ?

 20   R.  C’est possible, Dusko Grubesic.  Il est

 21   possible que j’ai parlé aussi de Nikica mais c’est Dusko

 22   Grubesic.

 23   Q.  Qui était Dusko Grubesic ?

 24   R.  Le commandant de l’unité.

 25   Q.  Vous voulez parler de la brigade de


Page 13154

  1   Busovaca ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Bien.  Mais alors, qui est Nikica Grubesic ?

  4   R.  Il est possible que j’ai…

  5   Q.  Que vous ayez confondu, que vous ayez fait

  6   une erreur ou quoi ?

  7   R.  Il est possible que j’ai fait une erreur.

  8   Q.  Très bien.  Alors, si je vous comprends bien,

  9   vous dites que puisque Dusko Grubesic était le commandant

 10   de la brigade Nikola Subic-Zrinjski de Busovaca, c’est lui

 11   qui a donné les ordres ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Mais soyons clairs :  Personne ne vous a dit

 14   explicitement que c’est lui qui donnait les ordres ?

 15   R.  Mais les soldats n’auraient pas imaginé eux-

 16   mêmes ce qu’ils ont fait s’ils n’avaient pas reçu un ordre

 17   pour faire ce qui a été fait.

 18   Q.  Donc, vous dites aujourd’hui que la

 19   conclusion que vous avez tirée à son sujet tire de

 20   discussions que vous avez eues après les événements du mois

 21   d’avril 1993 ?

 22   R.  [Aucune réponse audible]

 23   Q.  Vous m’avez compris ?

 24   R.  Je vous en prie.

 25   Q.  Je vais répéter ma question et excusez-moi si


Page 13155

  1   je ne me suis pas bien fait comprendre.  Donc, vous estimez

  2   – c’est une conclusion que vous tirez – que Dusko Grubesic

  3   était l’auteur de ces ordres et cette conclusion est issue

  4   de discussions que vous avez eues avec un certain nombre de

  5   personnes après les événements ?

  6   R.  Oui, parce qu’il y a un obus qui est tombé

  7   non loin de Draga et deux personnes ont été tuées, et Ivo

  8   Kristo a dit que l’obus venait de l’autre côté, c’est-à-

  9   dire du secteur situé au-dessus de Nuhagici et ils ont

 10   commencé à s’enfuir, mais au niveau du commandement à

 11   Tisovac, ils ont été arrêtés et on leur a demandé où ils

 12   allaient.  Ils ont parlé de cet obus qui venait du secteur

 13   situé au-dessus de nous et à ce moment-là, Ivo Kristo leur

 14   a dit de retourner d’où ils venaient parce qu’il n’y aurait

 15   plus d’obus qui arriverait de Nuhagici.

 16   Q.  Comment savez-vous cela ?

 17   R.  Je le sais parce que mon frère a écouté une

 18   conversation quand ils ont arrêté un tracteur et qu’ils les

 19   ont renvoyés à Busovaca.  Il a entendu Kristo dire ça.

 20   Q.  Et qui l’a dit à votre frère ?

 21   R.  C’est lui qui a entendu.

 22   Q.  Il a entendu Ivo en train de parler ?

 23   R.  Ils étaient là sur la route et la maison

 24   était juste à côté de la route.

 25   Q.  Dites-moi, je vous prie :  À quel moment a eu


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  1   lieu ce pilonnage sur la caserne de Draga, à quelle date,

  2   quel jour ?

  3   R.  Eh bien, c’était le même jour, le 19 avril.

  4   Q.  Monsieur Nuhagic, j’ai compris ce que vous

  5   avez dit aujourd’hui à ce sujet mais je dois dire que

  6   lorsque vous avez fourni votre déclaration aux enquêteurs

  7   du Tribunal le 10 septembre 1995, c’était votre première

  8   déclaration au Tribunal, je suppose que vous vous rappeliez

  9   bien ce premier entretien.

 10   Vous avez dit clairement – je cite :  « J’ai lu

 11   dans un livre que Dusko Grubesic était le commandant de

 12   l’unité du HVO et que c’est lui qui a ordonné l’attaque sur

 13   Ocenici. »  Fin de citation.

 14   « Dans un livre, je l’ai lu » – je peux vous

 15   montrer le passage – c’est ce que vous avez dit ?

 16   R.  C’est possible.

 17   Q.  Étant donné les différences entre ce que vous

 18   dites aujourd’hui et ce que vous avez dit avant, nous

 19   pouvons affirmer qu’en fait, vous ne savez pas qui a

 20   ordonné l’attaque ou pour être plus précis, vous ne savez

 21   pas d’où vient cette information ?

 22   R.  [Aucune réponse audible]

 23   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir répondre,

 24   Monsieur.  Si vous n’avez pas compris ma question, je peux

 25   la répéter.


Page 13157

  1   R.  Répétez.

  2   Q.  Puisque vous admettez l’éventualité que vous

  3   avez pu lire cela quelque part, j’ai simplement tirer une

  4   conclusion et je vous demande si vous êtes d’accord avec

  5   cette conclusion, à savoir que vous ne savez pas

  6   précisément qui a émis l’ordre d’attaque contre votre

  7   village et que vous ne savez pas exactement de la bouche de

  8   qui vous avez entendu tout cela.

  9   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je ne sais

 10   pas, Maître, si cela va nous aider beaucoup.  Nous avons

 11   entendu le témoin affirmé que cela lui a été dit un jour et

 12   un autre jour, il a dit qu’il l’avait lu.  Il a ajouté

 13   aujourd’hui que c’était possible qu’il l’ait lu.  Je ne

 14   vois pas en quoi l’interroger davantage sur ce sujet

 15   pourrait nous faire avancer beaucoup.

 16   Donc, passez à un autre thème.

 17   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 18   le Président.  Je suis d’accord avec vous.  Je passerai à

 19   un autre sujet.

 20   Q.  Monsieur Nuhagic, quelques questions au sujet

 21   du séjour que vous avez effectué dans le village de

 22   Skradno.  Vous êtes resté à Skradno du mois de mai au mois

 23   de septembre 1993, n’est-ce pas ?

 24   R.  Non, pas à partir du mois de mai.  C’est une

 25   erreur.  J’y suis arrivé dans la deuxième quinzaine du mois


Page 13158

  1   de juin.  C’est à ce moment-là que nous sommes allés à

  2   Skradno.

  3   Q.  Aujourd’hui, vous avez dit à partir du mois

  4   d’août.  Maintenant, vous dites à partir de la deuxième

  5   quinzaine du mois de juin.  Je dois vous dire que lorsque

  6   vous avez été interrogé dans l’affaire Blaskic, à la page

  7   5237 du compte rendu d’audience, lignes 2 à 4, répondant au

  8   Procureur, vous avez confirmé ce qu’il disait, à savoir que

  9   vous vous êtes trouvé à Skradno à peu près entre le mois de

 10   mai et le mois de septembre.  C’est ce que vous avez dit

 11   dans votre déposition dans l’affaire Blaskic.

 12   R.  J’ai dit à partir de la fin de juin. 

 13   Maintenant, ce n’est pas moi qui l’ai écrit, donc, je ne

 14   peux pas avoir toujours la même date exacte.  Je ne savais

 15   pas qu’on en arriverait à cela.  Donc, je n’ai pas pris de

 16   notes écrites.  Mais l’important c’est que je m’y suis

 17   trouvé.  Je suis parti de Busovaca pour aller à Skradno.

 18   Q.  Si je vous comprends bien, vous admettez

 19   l’éventualité que vous ayez pu vous trouver à Skradno entre

 20   le mois de mai et le mois de septembre, comme vous l’avez

 21   déjà dit dans l’affaire Blaskic où vous avez déposé ?

 22   R.  Je n’admets pas cette éventualité parce que

 23   je sais que j’ai planté les pommes de terre à Busovaca au

 24   mois de juin.

 25   Q.  Très bien, continuons.  Vous êtes parti pour


Page 13159

  1   Zenica en septembre 1993.  Donc, vous avez quitté Skradno

  2   dans le cadre de ce qu’on appelait un échange privé, un

  3   échange au noir, comme on disait à l’époque ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Donc, c’était le résultat de votre décision

  6   personnelle et de la décision de vos fils qui vous ont

  7   aidé ?

  8   R.  Non, mais un échange illégal a été autorisé. 

  9   Je crois que c’est ce qui figure dans le compte rendu de

 10   l’affaire Blaskic.

 11   Q.  Mais si elle a été autorisée, pourquoi

 12   serait-elle illégale ?

 13   R.  Hé ! ni les autorités ni la police ne

 14   s’opposaient aux soldats qui venaient des environs de

 15   Zenica et de Travnik.  Je ne sais pas très bien d’où ils

 16   étaient censés venir et nous, nous étions censés partir.

 17   Q.  Bien, je vous ai compris mais il s’agissait

 18   de dispositions organisées en privé, sur le plan privé ?

 19   R.  Oui, oui, en un mot, on peut dire privé.

 20   Q.  Alors que vous étiez à Busovaca, avant votre

 21   arrivée à Skradno, conviendrez-vous avec moi qu’un grand

 22   nombre de réfugiés croates sont arrivés à Busovaca à ce

 23   moment-là ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et ces réfugiés ont exercé une pression très


Page 13160

  1   importante, y compris sur les Croates mais surtout sur les

  2   musulmans qui habitaient à Busovaca ?

  3   R.  Moi, ce que je sais c’est que ce sont les

  4   soldats qui exerçaient une pression.

  5   Q.  Oui, oui, mais puisque vous êtes de cette

  6   région, vous connaissiez bien la situation et les gens qui

  7   habitaient dans cette région.  Il y avait beaucoup de

  8   soldats qui ont été chassés, pas seulement les membres de

  9   leurs familles ?

 10   R.  Vous savez, quand quelqu’un se met tout d’un

 11   coup à porter l’uniforme, même si je le connaissais depuis

 12   un an, et je le vois tout d’un coup en uniforme, je ne le

 13   reconnais pas.

 14   Q.  Mais puisque vous avez subi ce que j’ai

 15   appelé cette pression relative à Busovaca, conviendriez-

 16   vous avec moi pour dire qu’à Skradno, vous étiez tout de

 17   même relativement plus à l’abri qu’à Busovaca ?

 18   R.  On ne peut pas parler comme cela.  On ne peut

 19   pas dire cela.

 20   Q.  Mais tout de même, vous serez d’accord qu’il

 21   n’y avait pas cette pression ?  Bien sûr, il y avait

 22   certains actes répréhensibles commis individuellement par

 23   certaines personnes, nous sommes d’accord avec cela, mais

 24   de façon générale, que diriez-vous ?

 25   R.  Moi, je n’ai rien subi mais…


Page 13161

  1   Q.  Dites-moi, je vous prie, quand nous avons

  2   parlé de Skradno, vous avez déclaré que des hommes étaient

  3   emmenés creuser des tranchées ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et vous savez, puisque vous avez parlé avec

  6   ces hommes, où on les a emmenés et ce qu’ils ont fait,

  7   n’est-ce pas ?

  8   R.  Oui, parce que lorsque le courrier arrivait

  9   pour les emmener avec lui, ils disaient où ils allaient les

 10   emmener, à Kula, à Bare, à Strane.

 11   Q.  Mais il y a encore une chose que je voulais

 12   vous demander :  Vous avez dit qu’y compris des Croates qui

 13   étaient inaptes à porter les armes et des Serbes qui

 14   étaient restés dans cette région ont également été emmenés

 15   pour accomplir cette obligation de travail, n’est-ce pas ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Merci.  Vous l’avez redit aujourd’hui et je

 18   crois que nous sommes d’accord là-dessus, vous ne regardiez

 19   pas beaucoup la télévision, elle ne vous intéressait pas

 20   beaucoup ?

 21   R.  En effet.

 22   Q.  Mais vous avez tout de même dit que vous vous

 23   rappeliez certaines situation.  Il y a une chose dont vous

 24   avez parlé également lors de votre déposition dans

 25   l’affaire Blaskic.  Vous avez dit qui vous aviez vu à la


Page 13162

  1   télévision et vous avez relaté un certain nombre de

  2   souvenirs que vous aviez au sujet de ces émissions de

  3   télévision particulières.  Vous rappelez-vous cela ?

  4   R.  Je n’ai pas beaucoup de souvenirs.  Je me

  5   rappelle simplement ce qui est lié au président de la

  6   municipalité, à Monsieur Dario, et je l’ai déjà dit.

  7   Q.  Oui, mais c’est là que se situe une

  8   différence et c’est de cela que j’aimerais que nous

  9   parlions.  Quand vous avez déposé dans l’affaire Blaskic,

 10   vous vous êtes rappelé ce qu’avait dit Zoran Maric et ce

 11   qu’avait dit Anto Valenta un jour ?

 12   R.  Ah oui, ça me revient.

 13   Q.  Mais vous ne vous rappeliez aucun autre

 14   événement ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Peut-être pourrions-nous dire quelques mots

 17   de ce que vous affirmez avoir entendu dire à Zoran Maric à

 18   la télévision.  Vous dites que cela se passait le jour où

 19   la prestation de serment du HVO s’est déroulé ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Êtes-vous d’accord que cela s’est passé dans

 22   la deuxième quinzaine du mois d’août 1993, c’est-à-dire en

 23   plein été ?

 24   R.  Je ne me rappelle pas exactement le mois ou

 25   la date mais je sais qu’on a distribué des paquets de


Page 13163

  1   cigarettes aux soldats.

  2   Q.  Monsieur Maric a prononcé une très longue

  3   allocution ce jour-là.  Elle n’était pas courte.  Vous êtes

  4   d’accord ?

  5   R.  Peut-être mais en fait, cela ne m’intéressait

  6   pas vraiment.  Je ne suis pas rentré dans la maison.  C’est

  7   quelqu’un d’autre qui me l’a dit, qui était, lui, à la

  8   maison à ce moment-là.

  9   Q.  Comprenons-nous bien :  Vous n’avez donc pas

 10   suivi la totalité du discours de Monsieur Maric ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Eh bien, j’ai quelques phrases tirées de son

 13   discours à vous citer pour voir si vous vous les rappelez. 

 14   Je vais vous les lire rapidement.

 15   Je cite :  Vous rappelez-vous…

 16   R.  Je me rappelle.

 17   Q.  Non, non, mais je cite, Monsieur, et je dois

 18   lire lentement pour les interprètes.

 19   Vous rappelez-vous que Monsieur Maric a dit ce qui

 20   suit – je cite :  « Nous allons nous battre pour l’amour,

 21   la paix et l’égalité des droits.  C’est la raison pour

 22   laquelle nous affirmons aujourd’hui que la Communauté

 23   croate d’Herceg-Bosna n’est pas une communauté dans

 24   laquelle il y aura des citoyens de deuxième zone.  Ce sera

 25   la communauté de la paix et de l’égalité. »  Fin de


Page 13164

  1   citation.

  2   Vous rappelez-vous l’avoir entendu prononcer ces

  3   mots ?

  4   R.  Non, non.

  5   Q.  Merci.  Poursuivons.  Vous avez parlé

  6   aujourd’hui de Monsieur Dario Kordic.  Vous avez dit qu’il

  7   était monté en grade progressivement et qu’il avait atteint

  8   le grade de Colonel mais que c’est quelque chose qu’on vous

  9   avait dit, que vous ne le saviez pas par vous-même ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Donc, c’est quelque chose qui se racontait

 12   dans le village.  Vous ne l’avez pas entendu de sources

 13   directes, de première main ?

 14   R.  Oui parce que je n’ai pas vu son grade mais

 15   j’en ai entendu parlé.

 16   Q.  Vous avez dit qu’il avait progressé lentement

 17   pour atteindre ce grade mais savez-vous quel grade il avait

 18   avant ?

 19   R.  Non.  J’ai simplement entendu dire qu’il

 20   était monté en grade.

 21   Q.  Conviendrez-vous avec moi, Monsieur Nuhagic,

 22   pour dire qu’en fait, vous ne savez pas précisément quelles

 23   étaient les fonctions de Monsieur Kordic entre 1990 et par

 24   la suite ?

 25   R.  En 1990, il est arrivé à la municipalité et


Page 13165

  1   il était un des responsables de la municipalité.  Avant, il

  2   était journaliste.  Il était au parti communiste et c’est à

  3   ce moment-là qu’il est arrivé dans la municipalité en tant

  4   que responsable.

  5   Q.  Mais après son arrivée à la municipalité,

  6   vous ne savez pas exactement quel poste il occupait,

  7   quelles étaient ses fonctions exactes ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Bien.  Alors, nous n’allons pas en parler

 10   davantage.  Mais pour Zoran Maric, nous en avons déjà parlé

 11   tout à l’heure, vous savez qu’il était l’ancien président

 12   de la municipalité et l’ancien Président du HVO ?

 13   R.  Je le sais pour ce qui concerne son poste en

 14   tant que président de la municipalité.

 15   Q.  Grâce à la télévision, est-ce que vous avez

 16   suivi de temps en temps les comptes rendus diffusés après

 17   les conférences de presse ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Donc, vous n’avez aucune connaissance à ce

 20   sujet ?  Vous ne savez pas qui a dit quoi lors de ces

 21   conférences de presse ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Vous avez dit aujourd’hui que vous vous

 24   rappeliez tout de même avoir vu Monsieur Kordic à la

 25   télévision quand il a parlé de ses pommes de terre ?


Page 13166

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Où vous trouviez-vous lorsque vous avez

  3   regardé ces images télévisées ?

  4   R.  À Busovaca.

  5   Q.  De quelle émission de télévision s’agissait-

  6   il ?

  7   R.  Ils se sont réunis sans la télévision et

  8   après, à la fin de la réunion, Miro Dzakula apportait des

  9   rafraîchissements à la mairie et je l’ai entendu parler de

 10   cela tout à fait clairement.

 11   Q.  Qui était Miro Dzakula ?

 12   R.  Il était une sorte de traiteur.  Il apportait

 13   des rafraîchissements quand il y avait des réunions.

 14   Q.  Mais quelles réunions, des réunions à la

 15   municipalité ?

 16   R.  Oui, à la municipalité.

 17   Q.  Mais ce que vous avez vu à la télévision,

 18   cette réception, elle était organisée à l’occasion de

 19   quoi ?

 20   R.  Ça, je ne saurais pas vous le dire.  Je ne

 21   saurais pas vous dire à quelle occasion elle a été

 22   organisée.

 23   Q.  Mais puisque Monsieur Kordic n’avait aucun

 24   rapport avec l’aide humanitaire, je suis contraint de vous

 25   faire observer que Monsieur Kordic n’a jamais parlé de ce


Page 13167

  1   genre de chose.  Donc, je vous pose la question suivante : 

  2   Êtes-vous sûr que c’est lui qui a parlé de cela et non une

  3   autre des personnes que vous avez vues à la télévision ?

  4   R.  Mais c’est tout à fait cela, à la fin de la

  5   réunion quand il y a eu quelques interviews pour la

  6   télévision rapidement.

  7   Q.  Je vous prie de m’excuser mais ma question

  8   était un petit peu différente :  Êtes-vous sûr que c’est

  9   Monsieur Kordic qui a parlé de l’aide humanitaire et non

 10   quelqu’un d’autre ?  Savez-vous, par exemple, qui dirigeait

 11   la Croix-Rouge à Busovaca ?

 12   R.  Ah, ça, je ne le sais pas mais je sais que

 13   les pommes de terre arrivaient par l’aide humanitaire.

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Un instant, je

 15   vous prie.  Il y avait deux questions dans ce que vous avez

 16   demandé au témoin.  Je vous demanderais de poser une seule

 17   question au témoin à la fois.

 18   Il est 11 h 00.  Avez-vous d’autres questions pour

 19   le témoin, Me Naumovski ?

 20   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le

 21   Président, j’en aurai encore pour 15 à 20 minutes, peut-

 22   être moins.

 23   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Très bien. 

 24   Nous suspendons l’audience pour une demi-heure.

 25   Me NICE (interprétation) :  [Commentaire non


Page 13168

  1   traduit]

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  [Réponse non

  3   traduite]

  4   --- Suspension de l’audience à 11 h 00

  5   --- Reprise de l’audience à 11 h 37

  6   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en

  7   prie.

  8   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

  9   le Président.

 10   Q.  Monsieur Nuhagic, nous pouvons poursuivre. 

 11   Nous allons terminer là où nous nous sommes arrêtés.  Est-

 12   ce que, pendant que vous étiez à Busovaca, vous avez connu

 13   Stipe Santic ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Vous ne m’avez pas répondu encore à la

 16   question que je vous ai posée avant la pause.  C’est la

 17   raison pour laquelle il va falloir que je vous la répète. 

 18   Est-ce que vous êtes sûr que personne d’autre n’ait parlé

 19   de ce sujet concernant l’aide humanitaire ?

 20   R.  Mais je ne sais pas ce qui vous intéresse. 

 21   Pourquoi vous êtes tellement intéressé à l’aide humanitaire

 22   et aux pommes de terre ?  La municipalité, bien évidemment,

 23   est au courant de ce qui s’est passé.

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Vous avez

 25   peut-être raison.  Vous avez peut-être raison. 


Page 13169

  1   Je crois que vous avez étudié la question à fond,

  2   Monsieur Naumovski.

  3   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci.

  4   Q.  Nous allons poursuivre.  Nous sommes

  5   maintenant arrivés jusqu’à Dario Kordic.  Monsieur Nuhagic,

  6   est-ce que vous avez rencontré personnellement Monsieur

  7   Dario Kordic ?

  8   R.  Quand j’étais avec Hasija Beslic, au moment

  9   où elle lui avait parlé de ces documents, de ces papiers

 10   que lui-même délivrait, oui.

 11   Q.  Hasija Beslic, qui c’est, s’il vous plaît ?

 12   R.  Mais c’est Hasija Beslic.  C’est une femme,

 13   une femme tout court.  Elle a travaillé avec lui à

 14   Vatrostalna à Busovaca.

 15   Q.  Où elle avait habité ?  Dans la ville ?

 16   R.  Oui, en ville.

 17   Q.  Elle était à Busovaca jusqu’à quelle époque ? 

 18   Elle y est restée ?

 19   R.  Non.  Au mois de septembre, elle est partie

 20   comme tous les autres.

 21   Q.  Où est-ce que vous avez rencontré Monsieur

 22   Kordic ?

 23   R.  Juste en face du grand magasin, il y a une

 24   église ; enfin, c’est un square, ce n’est vraiment pas

 25   grand-chose.


Page 13170

  1   Q.  Qu’est-ce que vous avez fait en ville à ce

  2   moment-là ?

  3   R.  Moi, j’ai accompagné Hasija.  Moi, je la

  4   connaissais déjà depuis longtemps.  Elle était ma voisine

  5   de mon village.  Une de mes voisines habitait à la maison

  6   qui était juste à côté de la sienne.

  7   Q.  Est-ce que vous avez vu les papiers, le

  8   document qu’elle avait détenu ?

  9   R.  Monsieur, tous les citoyens de nationalité

 10   musulmane avaient ce papier.  Il ne faut pas y insister.

 11   Q.  Je ne m’y oppose pas, bien évidemment.  Je

 12   voulais tout simplement vous dire que les Juges ont vu un

 13   certain nombre de signataires sur ces papiers.  Il y avait

 14   des papiers qui ont été signés par Monsieur Maric, d’autres

 15   encore par Dusko Grubesic.  C’est la raison pour laquelle

 16   je voulais savoir qui avait signé le papier, l’autorisation

 17   de cette dame.

 18   R.  Je ne sais pas.  Elle a dit tout simplement :

 19   « Les autorisations que nous avons eues selon lesquelles

 20   les soldats ne devaient pas nous déranger n’ont aucune

 21   valeur. »  C’est ce qu’elle avait dit, que ces certificats

 22   n’avaient aucune valeur.

 23   Q.  Donc, Hasija Beslic avait eu cet entretien

 24   avec Dario Kordic, n’est-ce pas ?  Vous étiez présent

 25   seulement ?


Page 13171

  1   R.  Oui, tout à fait.

  2   Q.  C’est elle, par conséquent, qui se plaignait

  3   en disant que les soldats l’ennuyaient et que Monsieur

  4   Kordic a dit que ça ne se répéterait pas, n’est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce qu’après cet entretien, vous savez ce

  7   qui s’est passé avec Hasija Beslic ?

  8   R.  Nous nous sommes séparés.  Elle est rentrée

  9   chez elle.  Moi, je suis rentré également chez moi, là où

 10   j’habitais à Busovaca, donc, sur notre rue.

 11   Q.  Est-ce que vous savez si les soldats

 12   l’avaient dérangée depuis ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que ceci veut dire que vous l’avez

 15   rencontrée après également ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous nous avez dit que c’était une seule fois

 18   que vous l’avez vue et que vous vous êtes entretenu avec

 19   elle.  C’est la raison pour laquelle je vous ai posé cette

 20   question.  Au moment où vous étiez à côté de cette dame qui

 21   s’est entretenue avec Dario Kordic, y avait-il quelqu’un

 22   d’autre ou bien il était tout seul ?

 23   R.  Il était tout seul.

 24   Q.  Il était tout seul ?

 25   R.  Oui.


Page 13172

  1   Q.  Mais vous ne savez pas d’où il venait ?  Vous

  2   ne connaissez pas les détails ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Je pense que je vous ai bien compris.  Vous

  5   n’avez pas parlé de ce que vous faites, d’où vous venez, où

  6   vous vivez, n’est-ce pas ?

  7   R.  C’est vrai.

  8   Q.  Et après cet entretien, vous dites que là où

  9   vous vous êtes trouvé, il y avait encore des soldats qui se

 10   sont présentés et qui ont fait une objection, qui vous ont

 11   dit qu’il ne fallait pas que vous vous plaigniez à Kordic ?

 12   R.  Hasija l’a dit, moi également, qui montrais

 13   le certificat.  Il n’avait aucune valeur.  Je l’ai dit.

 14   Q.  Monsieur Nuhagic, j’aimerais être précis.  À

 15   la question du Procureur, vous avez dit que les soldats se

 16   sont présentés chez vous dans votre maison et qu’ils vous

 17   ont dit que vous vous êtes plaint à Kordic ?

 18   R.  Ils l’ont dit à moi-même et ils l’ont dit à

 19   Hasija et ils ont dit : « Vous vous plaignez et, de toute

 20   façon, il sait qu’on vous dérange mais, de toute façon, ces

 21   certificats n’ont aucune valeur. »

 22   Q.  Je voulais tout simplement que vous dissociez

 23   de ce que vous-même, vous savez et de ce que Hasija vous a

 24   dit et vos entretiens que vous avez eus avec elle.  Par

 25   conséquent, quand les soldats sont arrivés chez vous,


Page 13173

  1   qu’est-ce qu’ils vous ont dit à vous ?

  2   R.  En ce qui me concerne, à moi, à un de mes

  3   cousins, un deuxième, un troisième auxquels, par exemple,

  4   on présentait des documents, ils ont dit qu’ils n’avaient

  5   aucune valeur.  Ils ont dit : « Vous-mêmes, vous vous êtes

  6   plaints à Kordic », puis Hasija également, et cætera.  De

  7   toute façon, ça n’a aucun sens parce que ces certificats

  8   n’ont aucune valeur.

  9   Q.  Une fois de plus, il faut que je reformule ma

 10   question.  Vous avez dit de manière expresse que les

 11   soldats vous ont dit que vous-même, vous vous êtes plaint à

 12   Kordic.

 13   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Ceci a été dit

 14   à plusieurs reprises.  Je crois que nous avons compris.

 15   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  J’aimerais tout

 16   simplement demander qu’on ne revienne pas à des questions,

 17   qu’on ne me pose pas d’autres questions, et cætera, parce

 18   qu’il y avait 14, 15 paragraphes ou points sur lesquels

 19   nous avons discuté.  Par conséquent, il faut peut-être

 20   suivre l’ordre.

 21   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  C’est nous qui

 22   décidons de la façon dont les questions sont posées mais

 23   nous veillerons à ce que vous ne soyez pas harcelé par le

 24   fait qu’on revienne sur telle ou telle question.

 25   Me Naumovski, avez-vous encore beaucoup de


Page 13174

  1   questions à poser ?

  2   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Une question,

  3   s’il vous plaît.

  4   Q.  Monsieur Nuhagic, seriez-vous d’accord avec

  5   moi pour dire que vous avez donné les deux déclarations aux

  6   enquêteurs du Tribunal de La Haye ?  Vous vous souvenez ? 

  7   Je peux, bien évidemment, vous les présenter.

  8   R.  Où ?

  9   Q.  En 1995 et en 1999.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous avez donné également une déclaration à

 12   la police en 1994, n’est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Par conséquent, ce sont les trois

 15   déclarations et puis vous étiez également deux fois témoins

 16   dans l’affaire Blaskic et Aleksovski.  Par conséquent,

 17   c’était au total cinq fois ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour

 20   dire que nulle part dans les déclarations que vous avez

 21   données, ni devant le Tribunal, vous n’avez parlé de cet

 22   entretien de Hasija Beslic, ni à cette partie qui portait

 23   sur l’aide humanitaire ?

 24   R.  Quand, en 1994 ou 1995, je ne me souviens

 25   pas, j’ai donné ces déclarations, je n’ai vraiment pas eu


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  1   l’idée d’en parler.  Ça ne m’est pas passé par l’esprit.

  2   Tout simplement, ce que je vous ai dit c’est que moi, je

  3   n’ai pas pris des notes et puis, par conséquent, je n’ai

  4   pas pu garder tout ça en souvenir.

  5   Q.  Mais très brièvement, nous sommes bien

  6   d’accord que vous n’avez jamais parlé de ça, que c’est bien

  7   la première fois que vous en parlez en l’an 2000 ?

  8   R.  Oui, je suis d’accord avec vous. 

  9   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 11   vous en prie, j’ai terminé.

 12   CONTRE-INTERROGÉ PAR Me MIKULICIC

 13   (interprétation) :

 14   Q.  Bonjour, Monsieur Nuhagic.  Je m’appelle

 15   Goran Mikulicic et ensemble, avec mon confrère Kovacic, je

 16   défends le deuxième accusé, Mario Cerkez.  Tout

 17   premièrement, je voudrais vous dire que je suis très

 18   sincèrement désolé et triste de savoir que vous avez subi

 19   autant de victimes au cours de ces événements fâcheux

 20   pendant la guerre.

 21   Monsieur Nuhagic, revenons en 1992 un instant, au

 22   moment où l’agression a été faite sur la Bosnie-

 23   Herzégovine.  À la mi-1992, il y avait également une

 24   attaque contre Busovaca ?

 25   R.  Excusez-moi mais en ce qui concerne Mario


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  1   Cerkez, c’est bien la première fois que j’entends parler de

  2   lui et j’entends pour la première fois qu’on parle de lui. 

  3   Lors des préparatifs, on m’a dit également que lui, il y

  4   est mais je n’ai absolument rien à voir avec lui.  Il n’est

  5   même pas de ma municipalité.  Ce Monsieur Mario Cerkez, je

  6   ne le connais pas.

  7   Q.  Oui, nous comprenons parfaitement bien.  Vous

  8   êtes de la municipalité de Busovaca.  Par conséquent, tout

  9   ce que vous avez dit concerne la municipalité de Busovaca ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je vais être très bref.  Je vais vous

 12   demander de répondre quand même.  Est-il vrai qu’à la mi-

 13   1992, Busovaca a été pilonnée par la JNA ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que, comme citoyen de votre village

 16   ainsi que vos voisins, vous sentiez ce risque d’être

 17   attaqué par la JNA ?

 18   R.  Oui.  On avait pilonné même Draga qui était à

 19   côté de moi.  Elle a été pilonnée.

 20   Q.  Est-ce que dans ce sens-là, Monsieur Nuhagic,

 21   vous avez entrepris un certain nombre de mesures de

 22   protection ?

 23   R.  À partir du moment où il y avait l’alerte, à

 24   ce moment-là, on allait s’abriter.

 25   Q.  Est-ce que vous autres, villageois, vous vous


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  1   êtes organisés dans le sens à mettre en place des

  2   patrouilles villageoises justement dans le cas où il y

  3   avait des attaques ?

  4   R.  En 1992, ce n’était pas le cas.  Ce n’était

  5   même pas indispensable au moment de pilonnages, de

  6   bombardements.

  7   Q.  En 1993 ?

  8   R.  En fin 1992, nous avons déjà eu des

  9   patrouilles.

 10   Q.  Vous avez, par conséquent, organisé vous-même

 11   des patrouilles villageoises, n’est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Dites-nous, s’il vous plaît, Monsieur

 14   Nuhagic, est-ce que ces patrouilles villageoises étaient

 15   armées ?  Est-ce qu’elles disposaient d’armes ?

 16   R.  Il y en avait qui avaient des carabines, des

 17   fusils de chasse.  Il y avait également quelques fusils qui

 18   nous ont été remis par la Défense territoriale, des

 19   Kalashnikov ou je ne sais plus tellement comment on appelle

 20   ces fusils.

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez vous souvenir

 22   approximativement combien d’armes à peu près étaient à

 23   votre disposition et à la disposition des patrouilles

 24   villageoises dans votre village ?

 25   R.  Cinq.


Page 13178

  1   Q.  Est-ce que ces patrouilles villageoises,

  2   Monsieur Nuhagic, obtenaient des ordres de quelqu’un ?

  3   R.  Ceci a été organisé dans le village et puis

  4   même les voisins, nos voisins croates avec lesquels on

  5   était en contact en 1992, fin 1992 et début 1993 également.

  6   Q.  Mais est-ce qu’il y avait quelqu’un qui avait

  7   donné des ordres aux patrouilles villageoises ?

  8   R.  Non, mais nous qui étions dans le village, on

  9   s’est organisé.  Je ne sais pas si, éventuellement, il y

 10   avait quelqu’un de l’extérieur et d’où.  Ça, je ne sais

 11   pas.

 12   Q.  Est-ce que vous-même, vous étiez membre de

 13   patrouilles villageoises ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci.  Monsieur Nuhagic, je n’ai plus de

 16   questions à vous poser.

 17   Me MIKULICIC (interprétation) :  Monsieur le

 18   Président, j’ai terminé mon contre-interrogatoire.

 19   R.  Merci.

 20   Me NICE (interprétation) :  J’aimerais poser

 21   quelques questions en interrogatoire supplémentaire.

 22   RÉINTERROGÉ PAR Me NICE

 23   (interprétation) : 

 24   Q.  Monsieur Nuhagic, des questions vous ont été

 25   posées à ce propos.  Apparemment, dans l’une de vos


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  1   déclarations préalables fournies aux enquêteurs du

  2   Tribunal, vous auriez lu dans un livre que Monsieur Dusko

  3   Grubesic était le commandant du HVO de Busovaca et c’est

  4   lui qui aurait ordonné l’attaque et puis vous avez aussi

  5   relaté la façon dont vous aviez appris cela de votre frère

  6   après l’attaque.

  7   Quand avez-vous revu votre frère ?  Combien

  8   d’heures ou de journées s’étaient écoulées entre l’attaque

  9   et le moment où vous avez revu votre frère ?

 10   R.  Le deuxième ou troisième jour, nous étions à

 11   Busovaca.  Lui-même, il y était.  C’est ce qu’il nous a

 12   relaté.

 13   Q.  Vous avez subi et vécu une terrible

 14   expérience de cette attaque.  Nous ne voulons pas non plus

 15   vous rappeler ces moments terribles mais vous avez

 16   rencontré votre frère deux ou trois heures ou deux ou trois

 17   jours après cette attaque ?

 18   R.  Deuxième jour, le lendemain, donc.

 19   Q.  Votre frère vous a dit ce que vous nous avez

 20   relaté aujourd’hui ?

 21   R.  Oui, oui, oui.

 22   Q.  Est-il exact de dire qu’avant de fournir

 23   cette déclaration préalable aux enquêteurs du Bureau du

 24   Procureur, vous aviez donné une déclaration aux autorités

 25   de Bosnie ?


Page 13180

  1   R.  J’ai donné quelques déclarations mais comme

  2   ceci s’est passé il y a longtemps, je ne peux pas m’en

  3   souvenir et puis il y avait encore la peur qui sommeillait. 

  4   Enfin, je la sentais.

  5   Me NICE (interprétation) :  Messieurs les Juges,

  6   plutôt que de soumettre un document au témoin, est-ce que

  7   vous me permettez de donner lecture d’un texte ?  La

  8   Défense en dispose.

  9   Q.  Dans cette déclaration préalable…

 10   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Pourriez-vous

 11   donner la date de cette déclaration ?

 12   Me NICE (interprétation) :  Bien sûr.  C’est un

 13   procès-verbal rédigé le 26 mars 1994, d’après ladite

 14   déclaration ou le procès-verbal qui a été dressé à la suite

 15   d’un entretien mené avec ce témoin et l’extrait se trouve à

 16   la page 2 de la traduction en anglais.

 17   Voici ce que dit le témoin aux enquêteurs – je

 18   cite : « La population croate de la région… »  Les

 19   interprètes, malheureusement, ne disposent pas de ce texte. 

 20   Je lirai lentement.

 21   « La population croate de la région… », disais-je,

 22   « …est partie en direction de Tisovac.  En route, ces

 23   Croates ont rencontré Dusko Grubesic, commandant de la

 24   brigade Zrinjski, à qui Ivo Kristo avait dit que les bombes

 25   ou obus venaient d’un autre village, ce qui n’était pas


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  1   exact, et puis Grubesic a donné l’ordre à Pasko Ljubicic

  2   d’emmener son groupe en direction de notre village de

  3   Ocenici. »

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce bien ce que vous avez dit aux

  6   enquêteurs et est-ce bien ce que votre frère vous

  7   avait dit ?

  8   R.  Oui, c’est ce qu’il a dit aux enquêteurs.

  9   Q.  Tisovac, c’est-à-dire la direction vers

 10   laquelle partaient ces réfugiés ou ces villageois, est-ce

 11   que vous connaissiez cette ville ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  On peut regarder la carte.  Puisque la

 14   Chambre connaît bien la géographie de la région, on voit

 15   que ces deux endroits sont très rapprochés l’un de l’autre

 16   mais la carte ne montre pas s’il y a une route, un chemin

 17   quelconque qui relie ces deux endroits, si ce n’est la

 18   route principale qui va vers Busovaca et en ressort.  Est-

 19   ce que votre village avait un lien direct avec Tisovac ou

 20   est-ce qu’il fallait, pour aller à Tisovac, passer par

 21   Busovaca ?

 22   R.  Oui.  Il fallait passer par le village Ravno.

 23   Q.  À l’époque ou au moment où les villageois se

 24   dirigeaient vers Tisovac, est-ce qu’il y avait quelque

 25   chose de particulier, un bâtiment particulier qui se


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  1   trouvait à Tisovac, un bâtiment ou encore autre chose ?

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je crois que

  3   là, vous dépassez la portée de l’interrogatoire principal.

  4   Me NICE (interprétation) :  Comme vous voulez,

  5   Monsieur le Président.  C’est tout ce que je demande.

  6   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Monsieur le

  7   Témoin, vous en avez ainsi terminé de votre déposition. 

  8   Vous pouvez disposer mais avant cela, Monsieur, je tiens à

  9   vous remercier au nom du Tribunal Pénal International parce

 10   que vous avez eu le courage de venir ici pour nous parler.

 11   LE TÉMOIN (interprétation) :  Merci.

 12   [Le témoin se retire]

 13   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Quelle sera la

 14   durée probable de l’interrogatoire principal pour ce témoin?

 15   Me NICE (interprétation) :  Eh bien, nous en

 16   terminerons en une heure, en l’espace d’une heure.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Et ce sera

 18   votre dernier témoin pour la semaine ?

 19   Me NICE (interprétation) :  Oui.  Dans la mesure

 20   où cette personne, si elle est considérée comme témoin,

 21   pourra nous aider pour ce qui est de l’enregistrement de la

 22   région, cet enregistrement qui concerne la région.

 23   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Pour autant

 24   que la Défense ait l’occasion de visionner cette cassette.

 25   Me NICE (interprétation) :  Nous prenons des


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  1   dispositions pour assurer la copie de cette cassette.

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Et puis nous

  3   avons un échange d’exposés ou d’argumentations ?

  4   Me NICE (interprétation) :  Oui, cet après-midi ou

  5   ce matin s’agissant de trois témoins.  Je crois que des

  6   résumés ont été communiqués en ce qui concerne l’un de ces

  7   témoins.

  8   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Excusez-moi. 

  9   Quelque chose qui concerne le témoin et d’autres qui ne le

 10   concernent pas.  Moi, je pense qu’il est impossible qu’on

 11   réalise le plan du Procureur car je pense qu’il n’est

 12   pratiquement pas possible d’organiser la diffusion de cette

 13   cassette avec Monsieur Dario Kordic ce soir.  Ça, c’est une

 14   première question et puis il y a les points 6, 7, 8, 9, 13

 15   et 17 que nous mettons en question.

 16   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

 17   remercie. 

 18   [Le témoin entre dans la Cour]

 19   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le témoin est

 20   debout.  Commençons par la procédure habituelle.  Que le

 21   témoin donne lecture de la déclaration solennelle.

 22   LE TÉMOIN (interprétation) :  Je déclare

 23   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

 24   rien que la vérité.

 25   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous


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  1   remercie, Monsieur.  Veuillez vous asseoir.

  2   TÉMOIN :  SALIH HAMZIC (ASSERMENTÉ)

  3   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Kovacic

  4   voulait intervenir.

  5   Me KOVACIC (interprétation) :  Oui.  Désolé

  6   d’intervenir maintenant mais l’expérience nous a montré

  7   que, techniquement, il ne sera peut-être pas impossible

  8   mais pratiquement impossible de diffuser cette cassette au

  9   quartier pénitentiaire ce soir.  Alors, voici ce que je

 10   suggère.  Nous pouvons essayer d’y parvenir en faisant un

 11   gros effort ensemble mais il y a peut-être un plan

 12   d’urgence qu’on peut prévoir.  Nous pourrions avoir une

 13   brève pause après avoir vu la cassette.

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous en

 15   discuterons à la fin de la journée.  Nous verrons jusqu’où

 16   nous sommes allés.

 17   Me KOVACIC (interprétation) :  Tout à fait,

 18   Monsieur le Président.

 19   Puis-je demander au Procureur de ne pas poser des

 20   questions trop dirigistes sur le paragraphe 17 puisque le

 21   paragraphe 15 a déjà été mentionné par Me Naumovski ?

 22   Merci, Monsieur le Président.

 23   INTERROGÉ PAR Me NICE (interprétation) : 

 24   Q.  Monsieur, pourriez-vous décliner votre

 25   identité ?


Page 13185

  1   R.  Je m’appelle Salih Hamzic.

  2   Q.  Monsieur Hamzic, est-ce que vous travailliez

  3   pour Radio Zenica en 1992 ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  En avril 1992, est-ce que le personnel de

  6   Radio Zenica a tenu une réunion destinée à mettre au point

  7   une stratégie concernant la radio et quelle était cette

  8   stratégie ?

  9   R.  Oui.  Au début de l’agression sur la Bosnie-

 10   Herzégovine, début avril 1992, on avait eu une réunion et

 11   lors de cette réunion, nous avons pris la décision, étant

 12   donné que nous avons bien compris que l’agression commence

 13   sur la Bosnie-Herzégovine, que nous allons nous défendre,

 14   nous allons nous organiser pour la défense de Bosnie-

 15   Herzégovine et compte tenu également nos contacts avec la

 16   Radio Sarajevo, nous avons opté pour cette manière d’agir.

 17   Q.  En mai ou en juin, est-ce qu’il y a eu des

 18   programmes télévisés, des émissions où a participé Dario

 19   Kordic mais où participaient aussi Praljak, Blaskic ainsi

 20   que d’autres représentants officiels de la Défense

 21   territoriale, chacune de ces personnalités fournissant des

 22   explications ou des commentaires à propos de la guerre ?

 23   R.  Vous avez parlé des programmes de télévision

 24   mais en effet, il s’agissait uniquement des conférences de

 25   presse.  Pour ce qui concerne les programmes de télévision,


Page 13186

  1   à ce moment-là, il y avait une station locale, Zeta, et

  2   c’est de Busovaca, de Zenica qui avait diffusé les

  3   programmes de télévision.

  4   Q.   Excusez-moi, c’est moi qui me suis trompé. 

  5   Qui dirigeait ce programme où il y avait notamment Dario

  6   Kordic ?  Qui était responsable de ces programmes ?

  7   R.  À cette époque-là, tous les journalistes

  8   avaient un certain nombre de programmes dont ils étaient

  9   chargés en fonctions de permanence mais la plupart des

 10   programmes étaient tenus par Ivica Tomic et Anton Mrkonjic.

 11   Q.  Est-ce que ces deux hommes étaient tous les

 12   deux membres du HVO ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je pense que vous connaissiez déjà Kordic

 15   avant la guerre.  À l’époque, n’était-il pas journaliste

 16   pour l’implantation Busovaca de la firme Vatrostalna ?

 17   R.  Oui.  Au début des années 70, Monsieur Kordic

 18   a été chargé d’une émission d’une durée d’une vingtaine de

 19   minutes, si je ne m’abuse, au niveau de la société

 20   Vatrostalna, section Busovaca, et c’est de cette époque-là

 21   que je le connais.

 22   Q.  On parle des années 70 ici sur le compte

 23   rendu d’audience mais de quelle période parliez-vous

 24   exactement ?

 25   R.  Excusez-moi, c’est moi qui ai fait l’erreur. 


Page 13187

  1   C’est fin 70.

  2   Q.  Vous le connaissiez à ce titre et, à cette

  3   époque-là, c’était une personnalité sérieuse, polie et

  4   courtoise ?

  5   R.  À cette époque-là où j’ai coopéré avec

  6   Kordic, il était tout à fait normal, il était paisible, il

  7   était bien.

  8   Q.  Au moment où il y a diffusion de ces

  9   programmes télévisés en mai et juin 1992, est-ce que vous

 10   avez noté quelque chose à propos du comportement, de

 11   l’attitude de Kordic ?

 12   R.  Vous avez une fois de plus parlé de la

 13   télévision et des programmes de la télévision.  Il s’agit

 14   de la radio et des programmes de la radio.

 15   Q.  Excusez-moi, je me trompe.  Il s’agit de

 16   programmes radio mais la question a cette application.

 17   R.  Aux mois de mai et juin 1992, Kordic s’est

 18   rendu à quelques reprises à la radio et il a participé à

 19   cette époque-là dans ces émissions de la Radio Zenica de

 20   l’époque.  Je l’ai vu à quelques reprises en tenue de

 21   camouflage.  Je pense qu’il avait également un béret sur la

 22   tête, un képi, et puis il avait également des garde-corps

 23   qui portaient également des tenues noires.

 24   Q.  Qu’en était-il de son comportement ou de la

 25   sécurité qui l’entourait, le protégeait et même plus loin,


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  1   il y avait aussi d’autres gardes du corps ?

  2   R.  Une fois, quand il avait participé à ces

  3   émissions, je me souviens que la rue où se trouvait le

  4   bâtiment de la Radio Zenica était bloquée et, à cette

  5   époque-là, on ne pouvait pas normalement contacter de

  6   manière habituelle, disons, Kordic.  Il était quelque peu

  7   plus arrogant.

  8   Q.  À l’occasion de ces programmes, est-ce que

  9   vous avez remarqué quelque chose de particulier s’agissant

 10   des termes qu’il utilisait, du discours qu’il tenait ?

 11   R.  Oui.  À cette époque-là, on a déjà commencé à

 12   utiliser les termes tels « Chetnik », « Oustashi » et dans

 13   le comportement de Monsieur Kordic, j’ai pu sentir une

 14   arrogance par rapport au TO de l’époque.  Il y avait déjà

 15   une réticence qu’on sentait de sa part.

 16   Q.  Vous dites que certains termes étaient alors

 17   utilisés.  Voulez-vous dire par là qu’ils étaient utilisés

 18   par Kordic ?

 19   R.  Je pense qu’il les a utilisés.

 20   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Permettez-moi

 21   de revenir au fait que vous avez relaté où la rue était

 22   bloquée, était coupée.  Je suppose que ceci s’est passé à

 23   Zenica ?

 24   R.  Oui.  Je parle de Zenica.

 25   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous


Page 13189

  1   remercie.

  2   Me NICE (interprétation) : 

  3   Q.  À l’occasion de la diffusion de ces

  4   programmes, avez-vous remarqué la façon dont il parlait,

  5   dont il abordait les questions d’actualité et dont il

  6   parlait de l’intervention bonne ou mauvaise des différentes

  7   parties au conflit ?

  8   R.  Au début du mois de mai, c’était, disons,

  9   normal.  Il a parlé de cette communauté entre le HVO et le

 10   TO.  Ensuite, quand il est revenu, je ne sais plus si

 11   c’était la deuxième fois ou quand, quand ses relations se

 12   gelaient au fur et à mesure et j’avais l’impression que

 13   c’est le HVO auquel il donnait un peu plus d’importance. 

 14   C’était le sentiment que j’avais.

 15   Q.  Est-ce qu’il vous est arrivé de parler à

 16   Kordic à l’occasion d’une de ces émissions ?

 17   R.  Oui.  Si mes souvenirs sont bons, c’était

 18   bien la dernière fois quand j’ai contacté Monsieur Kordic. 

 19   Avant même le début de l’émission, nous avons eu en cadeau

 20   des cigarettes, du vin ou je ne sais plus, c’était peut-

 21   être une autre boisson.  Après l’émission, Kordic était sur

 22   le point de sortir du studio et à la sortie, je l’ai

 23   rencontré et je lui ai dit : « Mais ce n’est pas bien ce

 24   qu’on fait. »  C’est à peu près ce que j’ai dit. 

 25   Q.  Qu’est-ce qui vous avait amené, à ce moment-


Page 13190

  1   là, à lui dire cela ?  Quel événement particulier l’avait

  2   fait ?

  3   R.  J’étais irrité par la manière dont il avait

  4   parlé et la manière dont il s’est prononcé au sein de

  5   l’émission et moi, j’avais réagi normalement parce que je

  6   connaissais Kordic et puis j’ai réagi mais c’était une

  7   bonne intention.

  8   Q.  Pourriez-vous nous donner des détails sur son

  9   apparence, sur son comportement ou sur le contenu de ce

 10   qu’il a dit ce soir-là qui vous a poussé à prendre une

 11   telle initiative ?

 12   R.  Je l’ai dit tout à l’heure.  Au cours de cet

 13   entretien, il y avait toujours un petit peu une partie qui

 14   prévalait, soi-disant quelqu’un qui va nous défendre de

 15   quelque chose.  Il y avait une certaine différence qu’on

 16   faisait entre les deux parties et c’est dans ce sens-là que

 17   je lui en ai parlé et c’est ce que j’ai dit.  Quand je me

 18   suis adressé à lui, il ne m’a pas répondu.  Il a passé tout

 19   simplement.  Il n’a pas répondu à mes paroles.

 20   Q.  D’après ce que vous saviez de lui, quel était

 21   le rôle qu’il jouait en Bosnie centrale, d’après ce que

 22   vous pouviez percevoir de ces émissions ?

 23   R.  Une fois de plus, je répète ce que j’ai dit. 

 24   D’après mon sentiment et mon point de vue, c’était

 25   quelqu’un qui était le principal.


Page 13191

  1   Q.  Revenons à la radio où vous travailliez. 

  2   Est-ce qu’à un moment, on a suggéré qu’il fallait un

  3   surcroît de protection à votre lieu de travail ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Qui a fait une telle suggestion et en quoi

  6   consistait-elle ?

  7   R.  La proposition a été avancée par Messieurs

  8   Tomic et Mrkonjic.  C’était les responsables du HDZ à

  9   Zenica.  À cette époque-là, c’était Monsieur Dominik Sakic. 

 10   La proposition avait pour but de rendre le bâtiment plus

 11   sûr, d’assurer la sécurité et de placer les représentants

 12   du HVO, les membres du HVO devant le bâtiment.

 13   Q.  Est-ce qu’en fait, votre station de radio

 14   avait son propre personnel chargé de la sécurité sur les

 15   lieux ?

 16   R.  Oui.  Chaque station de radio a ses propres

 17   services de sécurité.  Ça, c’est connu.

 18   Q.  Comment a réagi l’établissement à l’offre

 19   faite par Monsieur Tomic ?

 20   R.  Je peux vous donner ma propre réponse.  Au

 21   cours de ces entretiens avec Monsieur Tomic et Monsieur

 22   Mrkonjic, moi, j’ai tout simplement posé des questions et

 23   je voulais tout simplement leur demander de qui fallait-il

 24   qu’il nous protège.

 25   Q.  Quelle fut la réponse qui vous fut donnée à


Page 13192

  1   ce moment-là ?

  2   R.  Bien sûr que non.

  3   Q.  Est-ce que vous teniez, à ce moment-là, à

  4   maintenir et à sauvegarder l’indépendance de la station de

  5   radio ?

  6   R.  Je ne sais pas dans quel sens parlez-vous

  7   quand vous dites « indépendance ».

  8   Q.  À l’époque dont nous parlons, est-ce que cet

  9   établissement était contrôlé par l’une ou l’autre faction

 10   politique ou est-ce qu’il disposait de toute liberté en

 11   matière de politique de diffusion ?

 12   R.  Radio Zenica, à cette époque-là, aujourd’hui

 13   également, est une station ouverte mais quand nous parlons

 14   de cette période, à cette époque-là, elle était totalement

 15   ouverte pour tout citoyen et la radio station n’a jamais

 16   subi d’influence de formations militaires quelconques ou

 17   d’un parti politique.

 18   Q.  Est-ce que vous avez finalement autorisé le

 19   HVO à monter la garde de l’établissement ?

 20   R.  Non.  Bien sûr que non.

 21   Q.  Avez-vous remarqué qu’il y avait des membres

 22   locaux du HDZ et du HVO qui sont venus en moins grand

 23   nombre à la radio vers la fin de l’année 1992 et que,

 24   finalement, ils ont envoyé par télécopie les rapports

 25   qu’ils voulaient faire diffuser ?


Page 13193

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Avez-vous pu établir la raison de cette

  3   attitude différente, de ce revirement dans leur attitude ?

  4   R.  Non, mais j’ai quelques suppositions.

  5   Q.  Sur quoi se fondent-elles ?

  6   R.  Ces suppositions se fondaient sur les

  7   relations qui se sont gelées entre le HDZ, le HVO d’un côté

  8   et le TO de l’autre côté.  La manière dont ils concevaient

  9   la défense, ce n’était pas telle qui était la nôtre.

 10   Q.  Est-ce qu’il est arrivé à la station radio de

 11   recevoir des menaces ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu’au départ, vous ne les avez pas

 14   prises trop au sérieux ?

 15   R.  Oui.  Comme le programme de radio était un

 16   programme ouvert, il y avait des menaces qui ont été

 17   proférées et moi personnellement, je ne les prenais pas au

 18   sérieux.

 19   Q.  Est-ce que les menaces sont devenues plus

 20   graves, plus sérieuses vers la fin 1992, d’une nature peut-

 21   être plus violente ?

 22   R.  Je ne saurais pas vous répondre à cette

 23   question mais je peux dire qu’en automne 1992, il y avait

 24   un certain nombre d’événements quelque peu bizarres qui se

 25   sont produits.  Je ne sais pas si c’était un concours de


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  1   circonstances ou non mais ceci s’est produit.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez nous en dire

  3   davantage ?

  4   R.  Il y avait un de mes collègues, Bogoljub

  5   Ilic, qui a été arrêté et on l’avait rasé, alors qu’on ne

  6   sait pas qui l’a fait.  Pour ce qui concerne la femme qui

  7   était au poste de directeur de la station de Radio Zenica,

  8   nommée Medina Delibasic, elle s’est fait piller dans son

  9   appartement.  On lui a pris des meubles, enfin, des

 10   affaires personnelles.  Pour ce qui me concerne, on a

 11   enfoncé la porte de mon appartement, on a cambriolé mon

 12   appartement mais heureusement, on n’a rien pris des effets

 13   personnels.

 14   Q.  Est-ce que dans la région à proximité de la

 15   station de radio, vers l’automne 1992, on a creusé des

 16   tranchées et si ce fut le cas, ce fut le fait de qui ?

 17   R.  Oui.  En automne 1992, à un moment donné, si

 18   mes souvenirs sont bons, le HVO a fait une démonstration

 19   militaire.  Nous avons demandé qu’on soit protégé.  À ce

 20   moment-là, les membres de la Défense territoriale de

 21   l’époque ont creusé quelques tranchées pour protéger

 22   l’établissement de la station de radio.

 23   Q.  Est-ce que dans ces mesures de protection, il

 24   y avait aussi le fait de cantonner des soldats à

 25   l’intérieur même du bâtiment ?


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  1   R.  Non, non.  Bien sûr que non.

  2   Q.  Ces tranchées de protection, où les avait-on

  3   creusées, tout près du bâtiment ou plus loin ?

  4   R.  Je vais vous le dire approximativement.  Il y

  5   avait une tranchée qui était à 15, 20 mètres à droite.  À

  6   gauche également, à 20 mètres de distance et puis une autre

  7   tranchée de l’autre côté de la rivière de Bosna.

  8   Q.  En décembre 1992, est-ce qu’une bombe a

  9   explosé à proximité de la station de radio ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire exactement où elle a

 12   explosé et quelles en furent les conséquences ?

 13   R.  Dès la fin de 1992, nous venions de finir le

 14   travail et puis je dois dire plus précisément que c'était

 15   le jour du réveillon du 1er de l’an.  En face de l’entrée

 16   de l’établissement où était installée la station de radio,

 17   il y avait une fenêtre du café sur laquelle on avait posé

 18   la bombe.  Elle avait explosé.  C’était une grenade

 19   (l’interprète se corrige) et au moment où nous, on se

 20   séparait dans la nuit, elle avait explosé, cette grenade. 

 21   Heureusement, personne n’a été blessé car nous sortions par

 22   groupes, entre deux et quatre personnes mais les vitres et

 23   la porte de l’immeuble ont été démolies.

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice, est-

 25   ce que vous allez bientôt arriver à avril 1993 ? 


Page 13196

  1   Toutefois, avant cela, j’aimerais poser une question au

  2   témoin.

  3   Monsieur le Témoin, que faisiez-vous exactement à

  4   la station de radio ?  Quel était votre emploi précis ?

  5   R.  À cette époque-là, j’étais technicien chef et

  6   c’est moi qui mettais en œuvre le programme.

  7   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Vous

  8   travaillez toujours à cet endroit ou vous travaillez

  9   ailleurs aujourd’hui ?

 10   R.  Je suis toujours à cet endroit.

 11   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je voudrais

 12   revenir au mois de mai et au mois de juin 1992.  C’est à

 13   cette période-là que Monsieur Kordic venait à la station de

 14   radio pour y faire des programmes.  Est-ce exact ?

 15   R.  Oui, c’est exact.

 16   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Avez-vous une

 17   idée du nombre d’émissions auxquelles il a participé ou,

 18   plutôt, à quelle fréquence il venait participer à ces

 19   émissions ?  C’est peut-être une façon plus simple de poser

 20   la question.

 21   R.  Si mes souvenirs sont bons, je pense qu’il

 22   est venu deux ou trois fois.  Disons trois fois.  Je n’ai

 23   pas travaillé chaque fois dans les équipes.

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Par la suite,

 25   il n’a plus participé à d’autres émissions.  Est-ce exact ?


Page 13197

  1   R.  Je pense que début juin, si mes souvenirs

  2   sont bons, il était venu pour la dernière fois.  Je ne sais

  3   plus si c’était fin mai ou début juin.  Les conférences de

  4   presse ou, disons, des comptes rendus qui ont été diffusés

  5   ont été organisés à Busovaca et je pense que c’était au

  6   Motel Tisa.  Nos journalistes suivaient ce qui se passait,

  7   disposaient de ces rapports, de ces comptes rendus.

  8   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

  9   remercie.

 10   Me NICE (interprétation) :  J’aimerais que le

 11   témoin examine une pièce.  C’est une carte qui porte la

 12   cote 2282.4 et il y a déjà des annotations mais j’espère

 13   que ceci ne suscitera pas d’objection de la part de la

 14   Défense.

 15   Q.  Désolé, Monsieur, de ne pas vous avoir donné

 16   l’occasion auparavant d’examiner cette carte.  Ne tenez pas

 17   compte des annotations apportées à la carte.  J’espère que

 18   cette carte vous sera utile et si c’est le cas, veuillez

 19   nous indiquer où se trouvait la station de radio, tout

 20   d’abord.

 21   R.  Mais c’est quelque peu flou.

 22   Q.  Il suffira de nous donner l’emplacement

 23   approximatif.  Il se peut que vous n’ayez pas là le détail

 24   et qu’il faille obtenir une carte plus détaillée.  Nous le

 25   ferions.  Est-ce que cette carte convient à cette


Page 13198

  1   description ou pas ?  Dites-le-nous.  Prenez le temps qu’il

  2   faut pour vous retrouver sur cette carte et voir si vous

  3   pouvez nous dire où se trouvait la station de radio.

  4   Vous voyez le méandre que fait la rivière Bosna ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous voyez les ponts et leurs noms ?  Donc,

  7   ça devrait vous aider à vous repérer.

  8   L’huissier va vous donner peut-être un pointeur et

  9   je vais vous demander d’utiliser le rétroprojecteur et de

 10   ne pas indiquer sur l’écran qui est devant vous mais plutôt

 11   de montrer cet endroit sur le rétroprojecteur à votre

 12   droite.  Veuillez regarder la carte plutôt.

 13   R.  Je ne suis pas sûr.  J’avoue que je ne peux

 14   pas véritablement me débrouiller sur cette carte.  Je ne

 15   vois pas.

 16   Q.  Nous allons y revenir dans un instant. 

 17   Pourriez-vous nous dire comment s’appelle la rue dans

 18   laquelle se trouve la station de radio ?

 19   R.  La station de radio, je peux vous donner

 20   l’adresse, se trouve le long de la rivière Bosna.  C’est la

 21   première rue qui longe la rivière de Bosna et Bulevar (ph.)

 22   et le bâtiment se trouve tout de suite et donne sur cette

 23   rue qui s’appelle Bulevar.  À l’époque, elle s’appelait

 24   Fadil Spanac et actuellement, elle s’appelle Seid

 25   Serdarevic (ph.).


Page 13199

  1   Q.  Quel est le pont le plus proche de la station

  2   de radio, pour autant que vous connaissiez le nom de ce

  3   pont ?

  4   R.  Le pont le plus proche est juste en face de

  5   la mosquée du centre.  C’est le pont suspendu de piétons,

  6   et puis, il y a un autre point à côté de l’hôtel Metalurg.

  7   Q.  Fort bien !

  8   Me NICE (interprétation) :  Un instant s’il vous

  9   plaît, Messieurs les Juges.

 10   Q.  Même si cette carte ne montre pas

 11   l’emplacement exact, est-ce que la station de radio se

 12   trouve là dans la courbe que fait la rivière ou est-ce que

 13   c’est plutôt de part et d’autre de cette courbe ou de ce

 14   méandre que pourrait se trouver cet endroit ?

 15   R.  Mais je pense qu’il est encerclé.  Je pense

 16   que c’est à cet endroit-là que je pointe qu’il se trouve

 17   [indication du témoin].

 18   Q.  Vous avez parlé de tranchées qui avaient été

 19   creusées de part et d’autre.  C’est ce qui m’a poussé à

 20   vous poser la question à propos de la carte.

 21   Dans l’emplacement de cette station de radio, est-

 22   ce qu’il y a entre la rivière et cet établissement autre

 23   chose que le boulevard ?  Est-ce que depuis le bâtiment, on

 24   voit la rivière ?

 25   R.  Oui, on peut.


Page 13200

  1   Q.  Et les tranchées, elles étaient à quelque

  2   distance ou juste de l’autre côté ?

  3   R.  Oui, un peu plus éloigné, à une vingtaine de

  4   mètres, 15-20 mètres, je ne sais pas exactement.

  5   Q.  Parlons maintenant du 19 avril :  Est-ce que

  6   vous étiez de service ce jour-là à la station de radio

  7   lorsque vous avez reçu un appel téléphonique ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que votre interlocuteur était une

 10   femme ou un homme ?

 11   R.  Je ne sais pas.  Vous parlez de l’appel

 12   téléphonique ?  Je ne comprends pas ce que vous voulez

 13   dire.

 14   Q.  C’était un homme qui vous parlait ou une

 15   femme ?

 16   R.  C’est un homme qui a parlé avec moi au

 17   téléphone.

 18   Q.  Et qu’est-ce que vous avez remarqué pour ce

 19   qui est de sa voix, de son accent ?

 20   R.  Je pense que c’était une voix quelque peu

 21   artificielle ou de toute façon, l’accent était croate mais

 22   ce n’était pas vraiment un accent croate d’origine.  Je

 23   pense que la personne faisait exprès pour se faire passer

 24   pour un Croate et je pense que même cette liaison

 25   téléphonique, cet appel, d’après moi, selon mon estimation,


Page 13201

  1   ne provenait pas de Zenica.

  2   Q.  Qu’a dit l’homme qui parlait ?

  3   R.  Au moment où il m’a appelé, d’abord, il ne

  4   s’est pas présenté.  Il a demandé l’information.  Au fond,

  5   il voulait savoir où se trouvait la station de Radio

  6   Zenica.  Je lui ai posé la question : quelles étaient ses

  7   raisons pour lesquelles il me le demandait.  Ensuite, il a

  8   répété sa question.  Il avait insisté.  Il m’a demandé – je

  9   cite :  « Je vous prie, où se trouve l’établissement de la

 10   station de Radio Zenica. »  Il avait insisté deux fois,

 11   trois fois, et moi, je lui avais demandé, de mon côté : 

 12   « Monsieur, mais quelles sont vos raisons ?  Quelles sont

 13   les raisons pour lesquelles vous voulez savoir où se trouve

 14   la station de Radio Zenica ? »

 15   Alors lui, il avait encore une fois insisté et il

 16   a encore réclamé que je lui donne la réponse à la question

 17   qu’il m’avait posée.  À ce moment-là, je lui ai tout

 18   simplement répondu :  « Monsieur, au moment où vous vous

 19   rendrez à Zenica, vous pouvez demander à n’importe quel

 20   passager et chacun pourrait vous dire où se trouve la

 21   station de Radio Zenica. »

 22   Q.  Comment s’est poursuivie la conversation ?

 23   R.  Il avait encore insisté une ou deux fois, je

 24   ne peux pas vous le dire exactement en ce moment même. 

 25   Moi, je lui ai répété ma question pour savoir quelles


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  1   étaient les raisons pour lesquelles il demandait où se

  2   trouvait l’établissement de la station de radio de Zenica

  3   et puis, très paisiblement, sans m’offenser, sans me vexer,

  4   sans proférer des injures, il m’a répondu :  « Monsieur,

  5   nous allons vous pilonner d’ici 10 minutes. »  C’est à peu

  6   près ça ce qu’il m’a dit.

  7   Alors, moi, j’ai riposté… d’abord, j’ai ri quelque

  8   peu.  Je lui ai dit :  « Mais vous êtes sérieux ? »  Je

  9   riais.  Enfin, ce n’était pas clair.  Il a répété : 

 10   « D’ici 10 minutes, nous allons vous pilonner.  Essayez de

 11   vous abriter.  Vous êtes un homme bon. »  C’est ce qu’il

 12   m’a dit.

 13   Q.  Est-ce qu’il a ajouté autre chose ?

 14   R.  Quand il me l’a dit, moi, j’ai ri une fois de

 15   plus et puis, je lui ai dit, parce que je n’ai pas pris ça

 16   au sérieux, puis ça me paraissait impossible… je lui ai dit

 17   à peu près ça :  « Si vous voulez vous battre » – c’est à

 18   peu près ça ce que je lui ai dit – « vous n’avez qu’à venir

 19   et nous allons tirer l’un sur l’autre en utilisant des

 20   fusils et pas de cette manière-là. »  C’est à ce moment-là

 21   que la conversation a été interrompue.

 22   Q.  Avez-vous pris au sérieux cette menace au

 23   départ ?

 24   R.  Bien sûr que non parce que des menaces, il y

 25   en avait déjà eu et si l’on devait prendre au sérieux


Page 13203

  1   toutes les menaces…

  2   Q.  Mais un peu plus tard, avez-vous remarqué

  3   quelque chose de particulier ?

  4   R.  Après ce coup de téléphone, il y a eu une

  5   pause dans les émissions parce qu’à midi, nous étions

  6   censés nous brancher sur les émissions de la radio de

  7   Bosnie-Herzégovine, nous connecter à la radio de Bosnie-

  8   Herzégovine.  Donc, au moment de la pause qui a eu lieu, je

  9   suis allé dans un couloir qui se trouvait à côté du studio

 10   pour y prendre une tasse de café et c’est là que j’ai

 11   remarqué, à 15 ou 20 mètres de moi, de la fumée qui

 12   provenait sans doute du grand magasin qui s’appelait

 13   Bosanka à l’époque… qui s’appelait Berogradska (ph.) à

 14   l’époque (se reprend l’interprète) et Bosanka aujourd’hui.

 15   Q.  Qu’avez-vous vu ?  Avez-vous vu des blessés,

 16   et cætera ?

 17   R.  De la fenêtre, parce qu’il y avait une

 18   fenêtre dans le couloir où je me trouvais, je pouvais voir

 19   la rue dans laquelle se trouve le siège de la radio et

 20   partant de l’endroit où se dégageait la fumée, il y avait

 21   un passage.  J’ai aussi remarqué un groupe de gens qui

 22   transportaient des blessés.

 23   J’ai donc vu des blessés qui fuyaient dans tous

 24   les sens sans savoir où ils allaient, à l’aveuglette, et à

 25   ce moment-là, je ne me rendais pas encore compte de ce qui


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  1   était en train de se passer.  Je me suis penché par la

  2   fenêtre et j’ai demandé :  « Que se passe-t-il ? » et

  3   quelqu’un depuis la rue m’a répondu :  « Il y a des gens

  4   qui sont en train de se faire tuer ici. »

  5   Q.  Un peu plus tard, avez-vous entendu quelque

  6   chose de particulier dans le quartier de la radio ?

  7   R.  Écoutez, ce premier obus, moi, je ne l’ai pas

  8   entendu tomber mais au moment où les gens couraient dans

  9   tous les sens pour s’enfuir, j’ai entendu trois ou quatre

 10   obus tomber tout près, à quelle distance exactement, je ne

 11   le sais pas mais tout près, et au moment où l’un de ces

 12   obus a explosé, tout le bâtiment a sauté.  Je ne sais pas

 13   très bien comment dire les choses autrement.  Nous étions

 14   au milieu de la journée, il y avait du soleil, il y avait

 15   de la lumière dans le studio, et tout d’un coup, la nuit

 16   s’est faite dans le studio, sans doute à cause de la

 17   poussière dégagée.

 18   Q.  Vous avez entendu tomber ces obus mais de là

 19   où vous vous trouviez, vous n’aviez aucune possibilité de

 20   les voir tomber ?

 21   R.  Non, je ne les ai pas vus tomber mais je les

 22   ai parfaitement bien entendus.

 23   Q.  Avez-vous vu éventuellement un cratère dû à

 24   l’un de ces obus ?  L’avez-vous vu par la suite pour

 25   déterminer à quelle distance de la station de radio tout


Page 13205

  1   cela s’était passé ?

  2   R.  Sur le moment effectivement, je n’ai pas pu

  3   le faire mais plus tard, je veux dire un jour ou deux plus

  4   tard, je suis allé voir pour vérifier à quel endroit ces

  5   obus étaient tombés.

  6   Q.  À quelle distance de la station de radio

  7   étaient-ils tombés ?

  8   R.  Je pense que celui qui était tombé le plus

  9   loin était tombé à 30 ou 50 mètres.  Ça c’était le plus

 10   loin.  Pour les autres, ils étaient tous dans un rayon

 11   d’une quinzaine de mètres de la station, et le dernier ou

 12   l’avant-dernier de ces obus a touché directement le

 13   bâtiment, mais comme il y avait un arbre de très grande

 14   taille devant le bâtiment, dans la rue, l’obus a d’abord

 15   touché l’arbre avant d’atteindre le coin du bâtiment et il

 16   a fini par tomber au coin du bâtiment qui se trouve face à

 17   la rivière Bosna.  L’arrêt d’autobus qui se trouvait à cet

 18   endroit a été démoli et une voiture également, je crois.

 19   Q.  Le bâtiment dans lequel vous travailliez à ce

 20   moment-là, existe-t-il toujours aujourd’hui ?

 21   R.  Oui, il existe.

 22   Q.  Nous n’avons pas de photographie de ce

 23   bâtiment ici à l’instant même.  Nous en aurons une un peu

 24   plus tard pour aider les Juges dans leur travail.  Elle

 25   sera versée au dossier par l’intermédiaire d’un autre


Page 13206

  1   témoin.  Mais peut-être pourriez-vous reconnaître l’arrêt

  2   d’autobus dont vous venez de parler.  Si nous pouvions

  3   mieux identifier le bâtiment, reconnaîtriez-vous l’arrêt

  4   d’autobus ?

  5   R.  Oui, oui, je le reconnaîtrais.

  6   Q.  J’aimerais que la pièce 2281 soit présentée

  7   au témoin.

  8   R.  Oui, c’est cela.  Il existe encore

  9   aujourd’hui d’ailleurs.  C’est bien celui-là.  Il y a le

 10   pont de Viseci qui se trouve à cet endroit-là.  Il a été

 11   reconstruit, l’arrêt d’autobus, et ça c’est la rivière

 12   Bosna.  La radio est de l’autre côté, en face.  C’est bien

 13   cela.

 14   Q.  Regardons maintenant la pièce 2282.2, je vous

 15   prie… ou plutôt 2282.1 (se reprend l’interprète).  Cette

 16   photographie vous aide-t-elle à localiser plus précisément

 17   la station de radio ?

 18   R.  Je n’ai pas bien compris votre question. 

 19   Pouvez-vous la répéter ?

 20   Q.  Cette photographie vous aide-t-elle à

 21   identifier l’emplacement où se trouvait la station de

 22   radio ?  Ce que vous voyez sur cette photographie est-il

 23   situé relativement près de la station de radio ?

 24   R.  Ce que l’on voit sur cette photographie c’est

 25   l’extérieur du cinéma.  Je crois que l’obus est tombé là. 


Page 13207

  1   Ici se trouve le grand magasin et entre ce point que je

  2   montre ici [indication du témoin] et la station de radio,

  3   il doit y avoir 30 à 50 mètres, ne me prenez pas au mot,

  4   mais 30 à 50 mètres à peu près.

  5   Q.  Nous nous appuierons donc sur ces

  6   photographies mais en trouverons d’autres pour aider

  7   davantage les Juges de cette Chambre plus tard.

  8   Les employés ont-ils été évacués du bâtiment pour

  9   aller se rendre dans un abri situé non loin et êtes-vous

 10   ensuite revenu dans le bâtiment de la radio avec l’un de

 11   vos collègues ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  La radio a-t-elle cessé de fonctionner parce

 14   qu’il y a eu une panne d’électricité, une coupure

 15   d’électricité ?

 16   R.  Oui.  Au moment où les obus sont tombés, j’ai

 17   proposé que nous sortions du bâtiment trois par trois. 

 18   Parce que nous étions au rez-de-chaussée, les murs étaient

 19   épais, j’ai proposé que nous allions nous abriter dans

 20   l’abri antiatomique.

 21   Q.  Bien.  Je ne crois pas que nous ayons besoin

 22   d’aller davantage dans le détail sur ce point.  Une fois

 23   que vous êtes retourné dans le bâtiment et vous avez vu que

 24   l’électricité était coupée, avez-vous réussi à réparer un

 25   certain nombre d’équipement pour diffuser une cassette de


Page 13208

  1   musique ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Le téléphone a-t-il sonné ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  L’une des personnes qui appelaient au

  6   téléphone était-elle un homme dont la voix ressemblait à

  7   celle de l’homme qui vous avait appelé avant ?

  8   R.  Écoutez, j’étais en état de choc et j’ai

  9   décroché.  J’ai entendu la même voix qu’avant qui disait : 

 10   « Vous les balijas, vous n’avez pas encore été anéantis. 

 11   Nous allons maintenant vous frapper à nouveau. »  J’étais

 12   véritablement en état de choc.  J’avais du mal à

 13   enregistrer ce qui se passait autour de moi.  Donc, était-

 14   ce vraiment la même voix ou pas, je ne saurais le dire avec

 15   certitude.

 16   Q.  Le pilonnage s’est-il poursuivi au cours de

 17   l’après-midi ?

 18   R.  Pour autant que je m’en souvienne, non.

 19   Q.  L’armée de Bosnie-Herzégovine est-elle

 20   arrivée et ses hommes ont-ils ordonné aux employés de la

 21   radio de déménager quelques heures plus tard ?

 22   R.  Oui, l’après-midi de ce même jour.

 23   Q.  Le centre de Zenica a-t-il continué à être

 24   pilonné de façon intermittente à partir de cette date

 25   jusqu’en février 1994 ?


Page 13209

  1   R.  Pour autant que je le sache, oui.

  2   Q.  Je ne vous demande pas quel est votre point

  3   de vue à ce sujet mais vous avez un point de vue, n’est-ce

  4   pas, quant à l’endroit d’où provenaient ces obus ?

  5   R.  Vous parlez de…

  6   Q.  Je souhaite une réponse par oui ou par non.

  7   R.  Je suppose qu’oui.

  8   Q.  Ce point de vue est-il dû à ce que des tiers

  9   vous ont dit ou l’avez-vous formé vous-même ?  Vous l’êtes-

 10   vous formé vous-même sur la base de ce que vous avez vu ?

 11   R.  Je me le suis formé sur la base de ce que

 12   j’ai vu.

 13   Q.  Qu’avez-vous vu donc qui vous a permis de

 14   tirer les conclusions que vous avez tirées ?

 15   R.  À ce moment-là, les obus arrivaient toujours

 16   du même côté.  Donc, nous savions où nous abriter.  Au

 17   départ, nous ne le savions pas mais dès le deuxième obus,

 18   nous savions dans quelle direction nous pouvions nous

 19   abriter.

 20   Q.  De quelle partie de Zenica provenaient ces

 21   obus ?

 22   R.  Du côté de Vitez et de Busovaca.  À ce

 23   moment-là, je crois d’ailleurs qu’ils provenaient plus

 24   souvent de la direction de Vitez.

 25   Me NICE (interprétation) :  Ce sont toutes les


Page 13210

  1   questions que j’avais à poser à ce témoin mais je répète

  2   que j’améliorerai la situation en ce qui concerne les

  3   photographies.  Pour l’instant, les choses ne sont pas au

  4   mieux et cela n’a rien à voir avec le témoin, Monsieur le

  5   Président.  Mais nous améliorerons les choses dans un

  6   avenir proche.

  7   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons

  8   suspendre l’audience jusqu’à 14 h 30.

  9   Monsieur le Témoin, je vous demanderais de bien

 10   vouloir revenir dans cette salle à 14 h 30 pour la fin de

 11   votre déposition qui s’achèvera cet après-midi et au cours

 12   de la pause-déjeuner et des autres pauses qui peuvent

 13   survenir durant votre audition, je vous demande de bien

 14   penser à ne parler à personne du contenu de cette

 15   déposition et donc à ne pas parler non plus aux membres du

 16   Bureau du Procureur.  Je vous demanderais d’être de retour

 17   ici à 14 h 30.

 18   --- Suspension de l’audience à 13 h 00

 19   --- Reprise de l’audience à 14 h 35

 20   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice.

 21   Me NICE (interprétation) :  Nous n’avons pas une

 22   autre photographie qui montre la station de radio.  Je

 23   pense que ce n’est pas le problème.  Si ceci est

 24   indispensable, je vais pouvoir la fournir.  Par conséquent,

 25   entre Bulevar et la deuxième rue, le « M » est encerclé.


Page 13211

  1   Si jamais il y a une contestation, on peut en reparler.

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

  3   je vous en prie.

  4   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Je vous en prie. 

  5   CONTRE-INTERROGÉ PAR Me NAUMOVSKI

  6   (interprétation) : 

  7   Q.  Je vais me présenter.  Je m’appelle Mitko

  8   Naumovski.  Je suis de Zagreb et je suis un des conseils de

  9   Monsieur Kordic, premier accusé.  Je vais vous poser

 10   quelques questions et ce que je dis normalement aux autres

 11   témoins, je vais vous le redire également.  Nous nous

 12   comprenons.  Par conséquent, vous voulez bien ménager les

 13   pauses pour que les interprètes puissent correctement faire

 14   leur travail.

 15   Monsieur Hamzic, si je vous ai bien compris, vous

 16   travaillez depuis longtemps, d’abord comme technicien et

 17   ensuite, comme technicien en chef de la station radio de

 18   Zenica ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous avez travaillé à ce poste

 21   tout le temps en 1992, 1993 et 1994 ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Je pense que vous avez juste fait un signe de

 24   tête en réponse à la première question.  Si vous voulez

 25   bien répondre par la parole.


Page 13212

  1   R.  Je comprends.

  2   Q.  Est-ce que vous avez fait votre service

  3   militaire à l’ex-JNA ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Est-ce que vous avez exercé un certain nombre

  6   de fonctions militaires ?  Est-ce que vous avez été

  7   mobilisé ?  Est-ce que vous avez eu une obligation de

  8   travail ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Par conséquent, vous avez été mobilisé et

 11   vous avez travaillé à la radio, si je comprends bien ?

 12   R.  C’était l’obligation de travail,

 13   effectivement.

 14   Q.  Entendu !  Dites-nous, s’il vous plaît, en

 15   1992, vous avez dit que vous avez travaillé sur les

 16   programmes.  Vous avez dit également quelle était votre

 17   stratégie.  Vous avez dit qu’à l’époque, c’était la radio

 18   de Bosnie et la télévision également qui se contactaient,

 19   vous étiez en contact avec la radio et la télévision de

 20   Sarajevo, n’est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Mais de toute façon, vous n’avez pas pris

 23   cette décision de manière unanime ?  Il y avait un certain

 24   nombre d’autres points de vue au sujet de cette stratégie

 25   que vous avez épousée par la suite ?


Page 13213

  1   R.  Lors de cette réunion dont j’ai parlé tout à

  2   l’heure lors de ma déposition, selon moi, il n’y avait pas

  3   d’autres attitudes, d’autres approches.

  4   Q.  Ivica Tomic et Anton Mrkonjic étaient des

  5   journalistes également qui travaillaient avec vous ensemble

  6   à la Radio Zenica, n’est-ce pas ?

  7   R.  Oui, mais il ne faut pas oublier que Monsieur

  8   Tomic, à cette époque-là, était rédacteur en chef.

  9   Q.  Quand est-ce qu’ils ne pouvaient plus

 10   continuer leurs activités étant donné qu’ils étaient

 11   membres du HVO ?  Vous l’avez dit, d’ailleurs.

 12   R.  Ce n’est pas vrai de dire qu’on leur a rendu

 13   impossible de continuer leurs activités.  Ce sont eux-mêmes

 14   qui se sont arrêtés d’exercer leurs activités, à ma

 15   connaissance.

 16   Q.  Mais à quel moment, s’il vous plaît ?

 17   R.  En ce qui concerne Mrkonjic, je me souviens

 18   que c’était le mois d’août 1992 où il est devenu membre de

 19   cette formation militaire.  Pour ce qui est de Tomic, un

 20   mois, un mois et demi plus tard ou peut-être même plus

 21   tard.  Je ne peux pas vous le dire exactement.

 22   Q.  Si je vous comprends bien, à ce moment-là,

 23   nous sommes d’accord pour dire que dans la deuxième moitié

 24   de 1992, les gens qui travaillaient à la radio de Zenica et

 25   qui étaient membres du HVO ne se rendaient plus au travail,


Page 13214

  1   généralement parlant ?

  2   R.  Non, ce n’est pas ça.

  3   Q.  Vous voulez dire qu’il y en a d’autres qui

  4   sont venus au travail ?

  5   R.  Tomic.  Je viens de vous le dire.

  6   Q.  Mais généralement parlant, après lui, fin

  7   1992, il n’y avait plus de personnes qui venaient au

  8   travail ?

  9   R.  Si nous parlons des deux personnes en

 10   question, à partir de la fin de l’année 1992, ils ne se

 11   rendaient plus, les deux, au travail.

 12   Q.  La station de radio c’était une station

 13   civile ?  Ce n’était pas une station qui appartenait à un

 14   parti ?

 15   R.  Je pense que je vous ai déjà donné des

 16   précisions.  Bien évidemment que ce n’était pas une station

 17   qui appartenait à un parti.  Elle appartenait à tout le

 18   monde.

 19   Q.  Si je vous pose cette question, c’est tout

 20   simplement parce que vous avez accepté l’aide de la Défense

 21   territoriale.  À un moment donné, vous avez dit qu’ils ont

 22   également creusé quelques tranchées dans les environs du

 23   bâtiment où vous étiez ?

 24   R.  Oui, mais nous n’avons pas accepté l’aide.

 25   Q.  Compte tenu du fait qu’à ce moment-là, dans


Page 13215

  1   le secteur de Zenica, il y avait le HVO et le TO qui

  2   opéraient, comment ça se fait que les deux partis ne vous

  3   ont pas aidé dans ce sens-là ?  Comment ça se fait que vous

  4   ne vous êtes pas adressé à deux de ces formations ?

  5   R.  Je vous ai déjà donné la réponse.  Le HVO, en

  6   automne 1992, a déjà commencé à manifester la force

  7   militaire.

  8   Q.  Où, en ville ?

  9   R.  Oui, tout à fait.

 10   Q.  Mais dites aux Juges, s’il vous plaît, vous

 11   ne devez pas être tout à fait précis, ce n’est pas facile

 12   mais pour que les Juges puissent se rendre compte également

 13   de ce que c’est Zenica, il y avait combien de Croates et

 14   combien de musulmans ?  Je suis sûr que les Juges vont vous

 15   comprendre.  Combien il y avait de Serbes, combien de

 16   musulmans, combien de Croates ?  Juste pour avoir une idée

 17   de la grandeur de la ville et de la population qui y

 18   habitait.

 19   R.  Disons que sur une trentaine de personnes qui

 20   travaillaient à la station de radio, 10 ou 12 étaient des

 21   musulmans, il y avait autant de Serbes et le reste c’était

 22   des catholiques.

 23   Q.  Quand vous dites catholiques, vous pensez aux

 24   Croates ?

 25   R.  Oui, normalement.


Page 13216

  1   Q.  En ce qui concerne la ville, vous parlez de

  2   la radio mais pour ce qui est de la ville, est-ce que vous

  3   pouvez nous donner un petit peu votre estimation au sujet

  4   de la population, du nombre de personnes qui appartenaient

  5   à un groupe ethnique et d’autres aux autres groupes

  6   ethniques ?

  7   R.  Je pense qu’il y avait 50 pour cent de

  8   musulmans, 24 pour cent ou 25 pour cent de Serbes et 23, 24

  9   pour cent de Croates, des catholiques.

 10   Q.  Mon confrère Mikulicic m’a fait passer une

 11   feuille avec le recensement.  Il paraît que les Croates et

 12   les Serbes étaient à peu près au même nombre, au même

 13   pourcentage, alors que les musulmans étaient dans les 55

 14   pour cent.

 15   R.  Mais je viens de vous donner les informations

 16   qui sont exactes, selon moi.

 17   Q.  Pour ce qui concerne les journalistes qui

 18   sont partis de la radio, la Radio Zenica a poursuivi ses

 19   activités tout le long de 1993, 1994, tout au moins, je le

 20   suppose ?

 21   R.  Oui, tout à fait.  Le programme a été conçu

 22   comme ceci était le programme de l’époque de Bosnie-

 23   Herzégovine et de la radio et télévision de Bosnie-

 24   Herzégovine.

 25   Q.  Mais nous serons d’accord pour dire que vous


Page 13217

  1   avez suivi les événements qui ont eu lieu en 1992 et,

  2   notamment, depuis le mois d’avril et depuis que le conflit

  3   et l’agression ont eu lieu et c’est dans ce contexte-là que

  4   je vais vous poser la question.  Est-ce que vous avez eu

  5   une émission, par exemple, que vous avez consacrée à ce

  6   sujet qui était fort discuté au moment où il y avait la

  7   caserne qui a été prise par la Défense territoriale ?  Vous

  8   vous souvenez, il y a des canons dont ils se sont emparés ?

  9   R.  Oui, je me souviens de cet événement.

 10   Q.  Est-ce qu’il y avait une attention

 11   particulière qui a été attachée à cet événement ?

 12   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Dans quelle

 13   mesure ceci découle-t-il de l’interrogatoire principal ?

 14   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Je voulais tout

 15   simplement parler de cette conception du point de vue

 16   programmes de la Radio Zenica.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le témoin

 18   s’est contenté de préciser qu’il y avait des conférences de

 19   presse en mai et en juin 1992, conférences auxquelles,

 20   apparemment, les deux parties étaient invitées.  Donc, vous

 21   pouvez poser des questions là-dessus mais pour ce qui est

 22   des autres orientations, ceci me semble manquer de

 23   pertinence.

 24   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Oui, merci,

 25   Monsieur le Président.  Je vais poser les questions dans ce


Page 13218

  1   sens-là.  Je vais me conformer à ce que vous me demandez. 

  2   Nous allons passer à d’autres sujets et j’ai quelques

  3   questions également qui concernent plus particulièrement

  4   Monsieur Kordic.

  5   Q.  Très brièvement, vous avez parlé d’une

  6   explosion qui a eu lieu fin décembre dans un café qui se

  7   trouvait dans la proximité de l’immeuble où vous étiez.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce qu’on a pu découvrir les auteurs de

 10   cette explosion ?  Est-ce qu’on a pu découvrir ceux qui ont

 11   déposé les explosifs, la bombe ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Est-ce que vous savez s’il y avait des

 14   enquêtes, des investigations ?  Cette grenade a-t-elle été

 15   destinée à quelqu’un tout spécialement ?

 16   R.  Je ne connais pas les résultats des

 17   investigations.  Il est vrai que la grenade a été placée le

 18   soir au moment où le café ne fonctionnait plus, enfin,

 19   était fermé, alors que notre établissement est juste en

 20   face du café.  Par conséquent, c’est à vous de conclure à

 21   qui la grenade a-t-elle été destinée.

 22   Q.  Mais ça, c’est votre conclusion ?  Vous ne

 23   savez pas vraiment les faits ?

 24   R.  C’est exact.

 25   Q.  Vous avez parlé également d’un certain nombre


Page 13219

  1   d’incidents qui ont eu lieu en automne 1992.  Vous avez

  2   parlé également d’un certain nombre d’incidents qui

  3   concernaient les personnes qui travaillaient avec vous dans

  4   la rédaction.  Vous avez parlé du cambriolage de votre

  5   appartement.  Est-ce que vous savez si, éventuellement, les

  6   auteurs de ces actes ont été découverts ?

  7   R.  Non, je ne sais pas.

  8   Q.  Quand nous avons parlé de cette aide, nous

  9   avons dit que c’est la Défense territoriale qui, pour vous

 10   protéger, a creusé des tranchées.  Pourquoi vous n’avez pas

 11   demandé l’aide à la police civile étant donné que la police

 12   civile, normalement, doit protéger tous les citoyens et

 13   maintenir l’ordre public ? 

 14   R.  Je suppose que la police civile, à cette

 15   époque-là, effectivement, avait à assurer l’ordre public.

 16   Comme nous sentions qu’il y avait quelque chose dans l’air,

 17   enfin, on avait le pressentiment que quelque chose allait

 18   se produire, nous avons demandé la protection de la Défense

 19   territoriale et puis, à mon avis, c’était tout à fait

 20   logique.

 21   Q.  Entendu !  Nous allons encore toucher un

 22   autre sujet.  Vous avez dit qu’on vous avait menacé en

 23   automne 1992.  Est-ce que c’était quelque chose de

 24   personnel ou bien, éventuellement, quelque chose qui était

 25   lié à vos activités à la station de radio ?


Page 13220

  1   R.  C’était lié à mes activités à la station de

  2   radio.  Quand moi, j’assurais la permanence, on savait très

  3   bien à quel moment je l’assurais et c’est à ce moment-là

  4   qu’il y avait des appels téléphoniques.

  5   Q.  Vous ne saviez pas qui vous a appelé ? 

  6   Personne ne s’est présenté, n’a rien dit à ce sujet-là ?

  7   R.  Non, je ne sais pas qui avait appelé.

  8   Q.  Merci.  Quelques questions qui concernent

  9   Monsieur Kordic.  Nous sommes d’accord pour dire que vous

 10   le connaissiez depuis qu’il a travaillé comme journaliste à

 11   Vatrostalna à Busovaca ?

 12   R.  [Signe affirmatif du témoin]

 13   Q.  Quand le Président vous a posé la question

 14   aujourd’hui, vous avez dit qu’il s’était rendu à la radio

 15   deux fois, trois fois.  Excusez-moi, j’ai vu que dans le

 16   compte rendu, c’est marqué « général », alors que c’est le

 17   « journaliste ».  Il était tout simplement journaliste. 

 18   Kordic était journaliste à Vatrostalna.  Par conséquent, je

 19   pense que vous avez dit que Monsieur Kordic était, à trois

 20   reprises, invité à la station de radio ?

 21   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui, mais ça

 22   concernait le mois de mai et le mois de juin 1992, alors

 23   qu’apparemment, maintenant, vous posez une question qui

 24   concerne une période antérieure et pendant laquelle il

 25   venait en tant que journaliste.


Page 13221

  1   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  C’est de ma

  2   faute, Monsieur le Président, mais j’ai pensé à la même

  3   période.  Il y avait juste une question qui concernait

  4   Vatrostalna.

  5   Q.  Pour être précis, aux mois de mai et juin,

  6   vous avez dit que Monsieur Kordic s’était rendu à la

  7   station de radio deux ou trois fois ?

  8   R.  J’ai dit trois fois à peu près.  Je ne sais

  9   pas vraiment.  Je sais que moi, j’étais permanent.  Trois

 10   fois pendant que moi, j’y étais.  Mon collègue peut-être

 11   l’avait vu également à une autre période.

 12   Q.  Mais si je vous dis que Monsieur Kordic

 13   s’était rendu deux fois à la station de radio au mois de

 14   mars 1992, au moment où le Général Kukanjac de l’ex-JNA y

 15   était, avant que la guerre s’était déclenchée, et la

 16   deuxième fois, c’était fin mai, début juin, est-ce que nous

 17   pourrions nous mettre d’accord là-dessus ?

 18   R.  C’est fort possible mais quand moi, j’ai

 19   travaillé, moi, je sais ce que j’ai dit.  Quand mon

 20   collègue a travaillé à ma place, je ne sais pas ce qui

 21   s’était passé.

 22   Q.  Lors de l’interrogatoire principal, vous avez

 23   dit que les émissions avec Monsieur Kordic ont été

 24   organisées par Monsieur Ivica Tomic et Anton Mrkonjic, les

 25   deux journalistes dont il a été question.


Page 13222

  1   R.  J’ai dit en général.

  2   Q.  Pour rafraîchir votre mémoire, les deux

  3   émissions qui étaient invitées à la radio ont été

  4   organisées par une de vos collègues, une musulmane, qui

  5   était en bons termes avec un certain Filip.  Vous devez la

  6   connaître parce que c’est une de vos collègues.  Elle est

  7   quelque part à l’étranger en ce moment.

  8   R.  Cette collègue s’appelait Aida Hadzimeljic à

  9   cette époque-là.  Oui, je me souviens.  Je me souviens,

 10   effectivement, quand Kukanjac y était, je pense que c’était

 11   elle mais pour les deux autres fois, je reste sur ma

 12   position comme je l’avais dit tout à l’heure.

 13   Q.  Entendu !  Mais comme chaque radio, Radio

 14   Zenica également enregistre ses propres émissions.  Par

 15   conséquent, vous les avez enregistrées ?  Je le suppose,

 16   tout au moins.

 17   R.  Bien sûr mais quand, en 1993, on commençait à

 18   manquer de cassettes, de bandes, nous les avons

 19   réutilisées.

 20   Q.  Est-ce que vous disposez des bandes avec les

 21   enregistrements de ces deux émissions dans lesquelles

 22   Monsieur Kordic a pris part ?

 23   R.   À ma connaissance, non, mais il y a des

 24   articles, il y a des photos, il y a un journal également

 25   dénommé Nasa Rijec, Notre Parole.  Vous avez parlé de


Page 13223

  1   Kukanjac et je pense qu’il y avait Kukanjac, Kordic et je

  2   ne sais pas qui était la troisième personne, Suvalic ou

  3   quelqu’un d’autre mais je suis sûr que dans les archives,

  4   vous allez pouvoir trouver la photographie et l’article sur

  5   l’émission.

  6   Q.  Les bandes ont disparu, n’existent pas ?

  7   R.  Moi, je vous parle de la radio. À ma

  8   connaissance, à la radio, nous n’en disposons pas.

  9   Q.  Merci.  À deux reprises, quand Monsieur

 10   Kordic s’était rendu à la radio, il n’a jamais rien dit qui

 11   serait pour être interprété mal au sujet des musulmans ?

 12   R.  Excusez-moi, je tousse, j’ai pris froid.  Il

 13   n’a pas dit de mal mais il n’a dit rien de bien non plus.

 14   Q.  Il a parlé du HVO sous un aspect positif et

 15   c’est ça que vous lui avez reproché ?  C’est pour ça que

 16   vous lui avez dit : « Ce n’est pas bien ce que vous

 17   faites » ?

 18   R.  Oui.  Vous avez bien remarqué ce que j’ai dit

 19   mais ce n’est pas pour cette raison que je l’ai dit.  Moi,

 20   j’ai dit tout simplement… j’ai prononcé cette phrase parce

 21   que je considérais que les représentants de la Défense

 22   territoriale auraient dû être mentionnés.  Pourquoi on n’a

 23   pas parlé de la Défense territoriale ?  C’est dans ce sens-

 24   là que j’ai parlé.

 25   Q.  En ce qui concerne ce premier sujet, cette


Page 13224

  1   première émission, vous savez qu’il y avait cet entretien

  2   avec le Général Kukanjac.  En effet, il s’agissait d’un

  3   certain nombre de problèmes qui étaient liés à l’ex-JNA,

  4   cette attitude qu’il fallait adopter vis-à-vis de la JNA,

  5   sinon, on n’aurait pas invité le Général Kukanjac pour

  6   assister dans l’émission ?

  7   R.  Moi, je n’étais pas présent.  Si mes

  8   souvenirs sont bons, j’étais dans l’établissement mais je

  9   n’étais pas chargé de cette émission.  Donc, je ne me

 10   souviens pas du détail.

 11   Q.  La deuxième fois, quel était le thème de

 12   cette deuxième émission fin mai, début juin ?  Nous parlons

 13   de 1992 si vous étiez présent, sinon, bien évidemment, on

 14   va passer.

 15   R.  Oui, j’y étais présent et le thème c’était la

 16   défense contre l’agression et puis tout au long de

 17   l’émission, on a parlé au nom de nous.  Ce n’était pas

 18   conjoint.  Ce n’était pas vraiment au nom des deux.  Nous

 19   sommes partis à nous organiser ensemble et tout d’un coup,

 20   il y a une partie qui est quelque peu hiérarchiquement au-

 21   dessus de nous, ce qui nous a gênés, bien évidemment.

 22   Q.  Mais nous sommes bien d’accord pour dire que

 23   Monsieur Kordic, ni par la parole ni par les gestes n’a dit

 24   rien de mauvais au sujet des musulmans ?

 25   R.  Non, mais il n’était pas pour la coopération. 


Page 13225

  1   En d’autres termes, il a démontré qu’il n’était pas pour la

  2   coopération.

  3   Q.  Entendu !  Pour ce qui vous concerne vous

  4   personnellement, Monsieur Kordic avait toujours un

  5   comportement correct ?

  6   R.  Très correct vis-à-vis de moi jusqu’à la

  7   dernière rencontre.  C’est là où on était… je ne sais pas

  8   comment m’exprimer.

  9   Q.  Avant de terminer, très brièvement, vous avez

 10   mentionné aujourd’hui que Monsieur Kordic avait utilisé les

 11   termes tels « Chetnik », « Oustashi », et cætera.  Si ceci

 12   était le cas, c’était dans le contexte d’une lutte commune

 13   contre l’agresseur ?  C’est la raison pour laquelle il

 14   avait utilisé ces termes car il y avait ce thème qui était

 15   le thème principal de l’émission ?

 16   R.  Je ne voudrais pas parler du contexte et

 17   surtout pas sortir du contexte ce qu’il avait dit.  Moi, je

 18   ne pourrais pas le faire maintenant et aujourd’hui.

 19   Q.  Nous sommes d’accord pour dire, et ça, c’est

 20   votre conclusion, que Monsieur Kordic était le numéro 1 en

 21   Bosnie centrale.  C’est ce que vous avez dit en quelque

 22   sorte.  C’est bien votre conclusion, n’est-ce pas ?

 23   R.  Ce n’est pas ma conclusion.

 24   Q.  Mais c’est vous qui l’avez présentée cette

 25   conclusion ?


Page 13226

  1   R.  Oui, c’est moi qui l’ai présentée.

  2   Q.  D’un autre côté, vous ne savez pas

  3   précisément quelles étaient les fonctions et pendant quelle

  4   période Monsieur Kordic avait exercé telle ou telle

  5   fonction depuis 1990 jusqu’à, enfin, pendant la guerre ?

  6   R.  En 1991, je sais qu’à la mairie de Busovaca,

  7   il a été chargé des questions militaires.  Après, quelles

  8   étaient les fonctions qu’il avait exercées, je ne sais pas

  9   mais je sais qu’il était le grand boss, enfin, le numéro 1

 10   et c’est lui qu’on demandait pour tout.

 11   Q.  Est-ce que vous pouvez être plus précis ? 

 12   Vous ne connaissez aucun exemple très concret ?  Est-ce que

 13   vous savez qu’il était vice-président du HDZ, par exemple,

 14   de Herceg-Bosna ?  Est-ce que vous savez que, par exemple,

 15   on lui avait demandé un certain nombre de choses ?

 16   R.  Non, mais je ne sais pas.  Je ne sais pas

 17   comment vous me posez les questions.  Je ne les comprends

 18   pas.

 19   Q.  Vous dites que c’est à lui qu’on s’adressait

 20   pour tout mais je maintiens que vous ne connaissez pas des

 21   faits.  Ce sont vos conclusions ?  Ce sont les ouï-dire, ce

 22   sont les rumeurs que vous avez entendu dire ?

 23   R.  La situation était telle…

 24   M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Naumovski, je crois

 25   qu’on est déjà intervenu pour dire que vous ne devez pas


Page 13227

  1   rentrer dans un quelconque débat avec le témoin.  Posez-lui

  2   des questions si vous voulez mais le lieu n’est pas de

  3   débattre avec le témoin ou d’argumenter avec lui.  Il vous

  4   a dit quelle était son impression.  C’est tout.  C’était

  5   son impression.  Maintenant, si vous avez des questions

  6   précises à lui poser, posez-lui mais n’argumentez pas avec

  7   lui.  Merci.  Il appartient, évidemment, à la Chambre de

  8   tirer les conclusions de tout cela.

  9   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 10   le Juge.  Je vais m’y conformer.  Si le témoin est d’accord

 11   pour dire que c’est uniquement sa conclusion, à ce moment-

 12   là, je n’aurai plus de questions à poser.

 13   R.  Mais ce n’est pas mon point de vue.  La

 14   situation était telle comme je l’ai décrite.  Moi, je

 15   n’étais pas dans la situation de le vérifier mais je le

 16   sens et tout le monde le savait.

 17   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Je n’ai plus de

 18   questions.  Merci.  Merci au témoin.

 19   CONTRE-INTERROGÉ PAR Me KOVACIC

 20   (interprétation) : 

 21   Q.  Bonjour, Monsieur Hamzic.  Je m’appelle

 22   Bozidar Kovacic et je suis conseil du deuxième accusé,

 23   Mario Cerkez.  J’ai quelques petites questions juste pour

 24   préciser et juste pour mettre dans le contexte réel.

 25   Monsieur Hamzic, vous avez dit que vous n’étiez


Page 13228

  1   pas ou plutôt que vous étiez technicien en chef mais vous

  2   n’étiez pas rédacteur en chef, vous n’étiez pas

  3   journaliste, n’est-ce pas ?

  4   R.  Les journalistes c’est une chose et les

  5   techniciens c’en est une autre.

  6   Q.  Mais vous, vous étiez dans le personnel

  7   technique, n’est-ce pas, à la radio de Zenica ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez travaillé quand même longtemps à

 10   cet endroit-là.  Très brièvement, vous avez parlé de

 11   manière indirecte quelle était la composition également

 12   ethnique à la radio.  Ça correspondait en quelque sorte

 13   également à la composition de la population dans la ville

 14   de Zenica.  Vous avez parlé de la directrice Medina

 15   Delibasic.  J’ai bien compris son nom.  Elle était

 16   musulmane, n’est-ce pas ?  Est-ce que c’est exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez parlé également de votre collègue

 19   Bilic.  Il est croate ?  Tout au moins, c’est ce que je

 20   pense.  C’est le nom qui en parle.

 21   R.  Moi, j’ai parlé de Monsieur Bogoljub Ilic. 

 22   Il était serbe.  Il est serbe de nationalité.

 23   Q.  Entendu !  Vous avez parlé également de

 24   Monsieur Ivica Tomic, n’est-ce pas ?  Il était croate, il

 25   était au HVO ?


Page 13229

  1   R.  Je sais qu’il était catholique.  C’est tout

  2   ce que je sais.

  3   Q.  Et d’autres rédacteurs, ils étaient de quelle

  4   nationalité ?  Ils étaient mixtes ?

  5   R.  Oui, tout à fait.

  6   Q.  Par conséquent, vous avez vécu dans une

  7   société multi-ethnique à Zenica ?  Je pense que nous

  8   pouvons conclure ça.

  9   R.  Oui.  Comme aujourd’hui, d’ailleurs.

 10   Q.  Vous aussi, vous avez fait votre formation à

 11   Zenica ?

 12   R.  Oui, mais j’ai été à Sarajevo et à Belgrade

 13   également pour faire des écoles supérieures.

 14   Q.  Mais votre toute première jeunesse est liée à

 15   Zenica ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Encore quelques questions, petites questions.

 18   Me KOVACIC (interprétation) :  Messieurs les

 19   Juges, ceci ne découle pas directement de l’interrogatoire

 20   principal mais je pense que ceci pourrait nous permettre

 21   d’administrer une preuve parce que nous avons ici

 22   l’occasion de recevoir des informations de base sur un

 23   expert qui pourrait nous dire le type de programmes qu’on

 24   diffusait à l’intention de la population locale et là, on

 25   pourra peut-être parler des programmes télé.


Page 13230

  1   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais vous

  2   parlez de quelle période ?

  3   Me KOVACIC (interprétation) :  1992, peut-être

  4   1993.

  5   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  La zone de

  6   réception de ce programme, quelle devait-elle être ?

  7   Me KOVACIC (interprétation) :  C’est ce type de

  8   questions que je voulais poser au témoin parce qu’il était

  9   technicien chef.

 10   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Voulez-vous

 11   demander au témoin jusqu’où on pouvait recevoir les

 12   programmes de Radio Zenica ?

 13   Me KOVACIC (interprétation) :  Tout à fait.

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Le témoin peut

 15   peut-être répondre.

 16   En 1992 et en 1993, jusqu’où pouvait-on recevoir

 17   les programmes de la Radio Zenica ?

 18   R.  Vous voulez que je donne des kilomètres ou

 19   des villes ?

 20   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Donc, je

 21   suppose que ce qui vous intéresse c’est la vallée de la

 22   Lasva, donc, disons dans la région de la vallée de la

 23   Lasva, Monsieur le Témoin.

 24   R.  À cette époque-là, les programmes étaient

 25   reçus à Busovaca et les villages dans les alentours, Vitez,


Page 13231

  1   les villages autour de Vitez, Zenica et puis un peu plus

  2   loin mais ça ne vous intéresse pas.

  3   Me KOVACIC (interprétation) : 

  4   Q.  Et Novi Travnik ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Par conséquent, les municipalités de la

  7   vallée de la Lasva ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vu la profession que vous avez exercée, à ce

 10   moment-là, on peut dire également qu’il y avait une station

 11   de la Radio télévision Zeta qui fonctionnait, n’est-ce pas,

 12   et qui couvrait ce secteur, cette région ?

 13   R.  Non.  C’était une télévision qui couvrait

 14   tout simplement Zenica.

 15   Q.  Par conséquent, Zenica tout simplement ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pourriez-vous nous dire s’il y avait d’autres

 18   télévisions locales à Novi Travnik, Busovaca, Vitez ?  Est-

 19   ce que vous le savez ou non, vu la profession que vous avez

 20   exercée ?  Je parle de l’année 1992.

 21   R.  Ce que je peux dire… excusez-moi, vraiment,

 22   je suis désolé, je tousse tout le temps et je n’arrive pas

 23   à parler correctement mais tout ce que je peux vous dire

 24   c’est de parler de Zenica.  Je ne suis pas sorti de Zenica.

 25   Q.  Merci.  Encore une question.  Il y avait une


Page 13232

  1   déclaration préalable que vous avez donnée.  Est-ce que

  2   vous vous souvenez de l’événement où un certain nombre de

  3   combattants arabes ont été échangés à Zenica ?  Est-ce que

  4   vous l’avez transmis ?  Est-ce que vous étiez un

  5   technicien?  C’était au mois de juin 1993.

  6   R.  Non, je ne sais pas.  Je ne suis pas au

  7   courant et en principe, Radio Zenica ne se chargeait pas de

  8   tels événements.

  9   Q.  Merci.

 10   Me KOVACIC (interprétation) :  Je n’ai plus de

 11   questions à poser à ce témoin.  Je vous remercie.

 12   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 13   Me NICE (interprétation) :  Je n’ai que deux

 14   questions à poser en interrogatoire supplémentaire,

 15   Monsieur le Président, mais je constate qu’au niveau du

 16   contre-interrogatoire, on ne dit pas que Radio Zenica soit

 17   une cible légitime.

 18   RÉINTERROGÉ PAR Me NICE

 19   (interprétation) : 

 20   Q.  Au moment où vous vous êtes adressé à la

 21   Défense territoriale pour qu’elle vous aide, est-ce qu’à

 22   votre avis, la Défense territoriale avait fait quoi que ce

 23   soit de façon unilatérale qui soit destiné à accroître les

 24   tensions qui prévalaient dans la région ?

 25   R.  Je pense que non et pour une raison tout à


Page 13233

  1   fait simple.  Nous avons demandé que l’établissement soit

  2   assuré.  Par conséquent, un homme qui serait devant

  3   l’immeuble, devant l’établissement.

  4   Q.  Vous vous êtes adressé à la Défense

  5   territoriale plutôt qu’à la police civile, la police

  6   ordinaire.  Vous avez sans doute déjà répondu à cette

  7   question mais ce faisant, est-ce que vous preniez position

  8   en faveur d’une partie plutôt que pour une autre ?  Est-ce

  9   que là, vous vous manifestiez ou bien est-ce que vous

 10   essayiez de vous défendre du mieux que vous le pouviez ?

 11   R.  Je vous en prie, à cette époque-là, il n’y

 12   avait encore pas de conflit qui était déclenché.  Ça, c’est

 13   une première chose.  Deuxièmement, on sentait qu’il y avait

 14   une tension et je ne sais pas pourquoi fallait-il qu’on

 15   opte pour un côté ou l’autre. 

 16   Q.  Dernière question :  On vous a demandé si

 17   Kordic avait manifesté des opinions positives ou négatives

 18   à l’égard des musulmans.  Dans le contexte de ces émissions

 19   télévisées, le fait qu’il n’ait rien dit de bon à propos

 20   des musulmans, est-ce que ça a eu un effet particulier, une

 21   incidence quelconque ?

 22   R.  Est-ce que vous voulez répéter la question ? 

 23   Excusez-moi.  Une fois de plus, vous parlez de la

 24   télévision et si vous voulez être très précis parce que

 25   moi, je travaille à la radio.


Page 13234

  1   Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Objection.  On

  2   demande le point de vue d’un témoin, alors que lui, il dit

  3   qu’il n’est pas journaliste.  Par conséquent, il ne peut

  4   pas faire des commentaires au sujet de ce que Monsieur

  5   Kordic a dit ou n’a pas dit.

  6   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il peut

  7   fournir un avis.  Bien sûr, la valeur probante de cet avis

  8   sera établie suivant sa fonction mais quant à savoir si le

  9   fait d’être journaliste aurait aidé, je ne sais pas.

 10   Me NICE (interprétation) : 

 11   Q.  Parlons de ces programmes radio.  Dans le

 12   contexte de ces programmes, de ces émissions de radio, le

 13   fait que Kordic n’ait rien de bon à dire à propos des

 14   musulmans a-t-il eu un effet quelconque ?

 15   R.  Quel effet ?  Mais il y avait la tension, la

 16   tension que les gens sentaient dans l’air.

 17   Q.  Je vous remercie.

 18   Me NICE (interprétation) :  Je n’ai plus de

 19   questions à poser à ce témoin.

 20   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je pense que

 21   ce n’était pas une affaire d’avis.  C’était là simplement

 22   des faits qu’a observés le témoin à la suite des programmes

 23   qui avaient été diffusés.

 24   Monsieur Hamzic, vous en avez ainsi terminé de

 25   votre déposition.  Je vous remercie d’être venu en tant que


Page 13235

  1   témoin au Tribunal Pénal International.  Maintenant, vous

  2   pouvez disposer.  Je vous remercie.

  3   LE TÉMOIN (interprétation) :  Merci.

  4   [Le témoin se retire]

  5   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Avant de

  6   commencer les exposés, est-ce qu’on ne pourrait pas parler

  7   de la cassette pour demain matin ?

  8   Me NICE (interprétation) :  Je suis ravi de

  9   pouvoir dire que ces cassettes ont été copiées ce matin. 

 10   Je ne sais pas les dispositions que peut prendre la Défense

 11   ce matin. 

 12   Me STEIN (interprétation) :  Eh bien, nous sommes

 13   entre les mains compétentes de notre greffière qui pourra

 14   prendre toutes les dispositions nécessaires et qui nous dit

 15   que demain après-midi, nous pourrons visionner avec les

 16   accusés les cassettes au quartier pénitentiaire.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais dommage. 

 18   Pour demain matin, alors.  Il faudra combien de temps pour

 19   diffuser la cassette si nous devions la diffuser demain

 20   matin ?  Nous pourrions peut-être reporter le contre-

 21   interrogatoire la semaine prochaine si nous voyons la

 22   cassette demain.

 23   Me NICE (interprétation) :  Ça fait à peu près 45

 24   minutes en tout.  Il faudrait peut-être arrêter la cassette

 25   ou la diffusion, à un moment donné, pour voir tel ou tel


Page 13236

  1   détail et je pense que le témoin va peut-être vouloir

  2   arrêter lui aussi parce qu’il connaît bien la région et

  3   vous montrer les dégâts qui ont été causés ou, alors, vous

  4   allez peut-être dire : « Bien, nous avons déjà vu ce genre

  5   de film, on peut passer en avancé rapide. »

  6   Je ne sais pas exactement et je ne vois pas

  7   nécessairement quelle sera l’utilité mais, tout du moins,

  8   pourrez-vous avoir une idée précise, visuelle de la région. 

  9   Je crois qu’effectivement, bien sûr, il faudrait peut-être

 10   prévoir 45 minutes à une heure.

 11   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Apparemment,

 12   on peut prendre des dispositions aujourd’hui, dès

 13   aujourd’hui pour que les accusés voient la cassette au

 14   quartier pénitentiaire.  Je vais m’enquérir de cette

 15   question auprès de Madame la Greffière.

 16   Eh bien, nous allons voir si c’est possible pour

 17   ce soir.

 18   Me NICE (interprétation) :  Avant que la Chambre

 19   ne soit saisie des arguments que nous avons à lui offrir,

 20   permettez-moi de rappeler une fois de plus la question de

 21   la cassette ou des cassettes.  Vous savez qu’il y a deux

 22   témoins par le truchement desquels nous allons pouvoir

 23   produire ces cassettes.  Nous avons essayé de voir ce matin

 24   quels étaient les problèmes à la lumière des objections

 25   formulées.  


Page 13237

  1   Nous pourrions citer dès la semaine prochaine ces

  2   deux témoins mais je prévois que l’un de ces deux témoins

  3   va être muté ou, du moins, va devoir passer outre

  4   Atlantique pour des raisons professionnelles la semaine

  5   prochaine et il sera peut-être plus difficile, du moins

  6   pour un certain temps, de le retrouver ici à La Haye

  7   puisqu’il sera parti dès la semaine prochaine.

  8   Je suis en train d’essayer de retrouver mes

  9   documents mais si ce témoin-là n’est pas nécessaire, nous

 10   pourrons passer à l’autre la semaine prochaine mais si ce

 11   second est nécessaire, j’aimerais le savoir dès aujourd’hui

 12   pour pouvoir enclencher toute la procédure afin que ce

 13   témoin soit présent la semaine prochaine, ce que je

 14   subodore, à moins, bien sûr, que la Défense ne veuille pas

 15   que cette lettre soit fournie à la Chambre.

 16   Je pense que ces paragraphes étaient tout à fait

 17   utiles et la Chambre pourrait s’en informer parce que comme

 18   ça, elle pourra se forger sa propre opinion sur mes

 19   prévisions car moi, je pense que le témoin devrait être

 20   présent pour tout exposé sur la recevabilité.  Dans cette

 21   mesure, je suis tout à fait prêt à fournir la lettre à la

 22   Chambre et je peux dire à la Défense, car je ne pense pas

 23   que l’un de ces deux témoins va demander des mesures de

 24   protection mais enfin, autant être prudent.

 25   Le témoin qui nous vient des Amériques, il a un


Page 13238

  1   grade militaire et je suppose que la Défense voudra sa

  2   présence.

  3   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Qu’en pensez-

  4   vous, Me Stein ?

  5   Me STEIN (interprétation) :  Pour autant que nos

  6   références plus ou moins dérobées et indirectes ne me

  7   troublent pas encore davantage que d’habitude, j’espère

  8   qu’au cours de la pause de ce soir, je pourrai vérifier

  9   avec Me Nice pour voir si nous pouvons parvenir à un accord

 10   car je pense que mes objections sont peut-être plus

 11   limitées qu’il ne le croit.

 12   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Vous pourrez

 13   peut-être nous faire savoir demain matin ce qu’il en est de

 14   vos conciliabules.

 15   Me STEIN (interprétation) :  Fort bien !

 16   Me NICE (interprétation) :  S’agissant de ces

 17   trois témoins sur lesquels il faut trancher, la Chambre

 18   dispose de certains documents concernant le Témoin Beese. 

 19   Je vous ai dit quelle était ma position il y a quelque

 20   temps de cela s’agissant du compte rendu d’audience. 

 21   J’aimerais vous fournir copie de ce qu’on peut trouver dans

 22   ce compte rendu d’audience.

 23   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Avant de vous

 24   embarquer dans ce sujet, je pense que vous avez voulu

 25   évoquer plusieurs points.  Il y a, notamment, la question


Page 13239

  1   de l’expert.  Il est 15 h 20.  Il nous reste 45 minutes

  2   d’audience.  Alors, dans quel ordre allons-nous prendre ces

  3   questions ?

  4   Me NICE (interprétation) :  J’allais simplement

  5   dresser le décor de la question de l’expert et,

  6   effectivement, nous pourrons peut-être régler ceci.

  7   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Parlons de

  8   l’expert.

  9   Me NICE (interprétation) :  Eh bien, pour ce qui

 10   est de l’expert, des documents très circonstanciés ont été

 11   préparés par la Défense et de notre côté, ça a été le fait

 12   de Me Somers et de Monsieur Guariglia qui nous rejoint

 13   puisque nous avons perdu Me Dixon qui a rejoint le Barreau

 14   anglais.  Vous vous souviendrez de lui pour certaines de

 15   ses réquisitions qu’il a présentées avant Noël.  Me Somers

 16   pourra peut-être se saisir de tout grief ou de toute

 17   question qu’aurait la Chambre de première instance

 18   s’agissant de ces documents.

 19   Il ne reste plus à la Défense qu’à formuler ses

 20   objections.

 21   Me STEIN (interprétation) :  Mais je croyais que

 22   ceci était prévu demain.  Je n’ai aucun de mes documents

 23   sur moi.

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je crois qu’il

 25   avait été dit clairement cette matinée que nous allions


Page 13240

  1   peut-être évoquer ces questions cet après-midi.  Nous avons

  2   tous les documents écrits.  Y a-t-il beaucoup de choses à

  3   ajouter à cela ?

  4   Me STEIN (interprétation) :  Oui, parce qu’hier,

  5   j’ai reçu le résumé de l’argumentaire de l’Accusation.  Je

  6   l’ai lu rapidement hier et je crois qu’il nous défend mieux

  7   que mes propres écritures parce que les concessions ou les

  8   admissions qu’on y fait, je n’ai pas le texte sous les yeux

  9   mais je crois que ce sont des éléments importants.  Donc,

 10   je crois qu’il y a beaucoup de choses à ajouter aux

 11   documents écrits.

 12   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je suppose que

 13   ceci s’appliquera à l’autre témoin.  Est-ce que vous pouvez

 14   en parler aujourd’hui ?

 15   Me STEIN (interprétation) :  Non, non, parce que

 16   pour l’autre témoin, il y a Me Sayers.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Commençons par

 18   celui-là et puis nous allons mettre sur la touche l’expert.

 19   Me NICE (interprétation) :  Il y a deux autres

 20   témoins.  S’agissant de l’un d’entre eux, nous avons

 21   échangé certains documents, ce qui n’a pas été le cas pour

 22   l’autre mais en ce qui concerne les deux témoins, je pense

 23   qu’il faut les entendre, il faut leurs dépositions pour

 24   tous les deux parce qu’à chaque fois, nous avons une

 25   relation de première main de quelque chose qui, jusqu’à


Page 13241

  1   présent, n’a été que des éléments de preuve de seconde

  2   main.

  3   On s’est plaint de l’absence de documents de

  4   première main, de documents directs.  Il y a eu des

  5   affirmations formulées selon lesquelles certaines de nos

  6   assertions étaient tout à fait dépourvues de fondement mais

  7   ceci dit, je pense qu’on peut faire une division entre deux

  8   catégories.

  9   Je pense que le premier témoin qui se présente

 10   dans le temps va parler du point de contrôle et je dis de

 11   façon indirecte qu’il va peut-être demander des mesures de

 12   protection.

 13   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Est-ce que

 14   nous avons reçu un résumé, une déclaration préalable le

 15   concernant ?  Me Nice, ça n’a pas été communiqué à la

 16   Défense ?

 17   Me NICE (interprétation) :  Oui, cette déclaration

 18   n’a pas été encore communiquée.  Autre problème.  Il faudra

 19   simplement assurer des copies.  Je peux vous présenter la

 20   base de tout ceci.  Vous souviendrez de façon générale,

 21   Messieurs les Juges, de l’incident en tant que tel.  C’est

 22   le moment où Mirsad Delija est tué le 20 janvier 1993 et,

 23   apparemment, ce meurtre aurait été précédé d’un incident

 24   s’étant produit à un point de contrôle et impliquant,

 25   notamment, l’accusé.


Page 13242

  1   Plusieurs références ont été faites au cours de

  2   cet incident mais aucune ne venait d’un témoin oculaire et

  3   c’est le 4 novembre que le Témoin T en a parlé mais on a

  4   fait objection quant à la nature du ouï-dire et Me

  5   Naumovski a nié catégoriquement… vous avez fait des

  6   remarques à ce propos, Messieurs les Juges, à propos de

  7   l’intervention de Me Naumovski mais vous avez dit que

  8   l’élément de preuve en tant que tel avait peu de valeur

  9   probante parce que ce n’était pas une preuve directe et

 10   puis vous avez été quand même convaincus par moi parce que

 11   je vous ai promis qu’il y aurait des témoignages plus

 12   directs à l’avenir.

 13   Nous avons donc eu la comparution de ce témoin et

 14   ça doit être sitôt après mais sans doute à la suite de ce

 15   qu’a pu nous dire ce témoin, ce qu’il a pu nous relater,

 16   que dès le lendemain, nous avons entamé une enquête.  Il y

 17   a eu une réaction rapide à cette recherche d’informations

 18   qui a débouché sur l’identification du témoin que nous

 19   avons vu le plus rapidement possible.

 20   Sa déclaration préalable a été communiquée dès

 21   qu’elle a été à notre disposition et lorsque vous aurez

 22   cette déclaration sous les yeux, vous verrez que c’est là

 23   la déclaration d’un témoin direct, oculaire de cet incident

 24   important.  Par conséquent, il est tout à fait adéquat de

 25   vous soumettre ce témoignage qui est vraiment de la


Page 13243

  1   meilleure qualité possible et qui pourra répondre aux

  2   objections récurrentes qui avaient été formulées sur la

  3   nature indirecte des preuves que nous fournissions et là,

  4   nous devrons, bien sûr, demander la décision de la Chambre.

  5   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Quand la

  6   déclaration préalable a-t-elle été communiquée à la

  7   Défense?

  8   Me NICE (interprétation) :  En décembre 1999. 

  9   Notre substitut d’audience est sorti pour faire photocopier

 10   ce document.  L’autre déclaration est d’une toute autre

 11   espèce mais elle aussi, elle vous donne un récit de

 12   première main pour la première fois.  Nous n’avions rien en

 13   matière directe, de façon directe.  Ici, par contre, on va

 14   parler des contacts directs avec le témoin, qu’avait le

 15   témoin et les Juges, bien sûr, pourront voir ce qu’il en

 16   est.

 17   Apparemment, ce témoin avait des contacts directs

 18   avec Petkovic.  Ce témoin s’appelle Beese.  C’était un

 19   témoin, un observateur de l’ECMM et vous comprendrez,

 20   Messieurs les Juges, pourquoi nous n’avons pas cherché à

 21   citer chacun des membres de l’ECMM, pas plus que nous

 22   n’avons essayé de citer chacun des soldats qui ont servi

 23   sur le terrain. 

 24   Il faut procéder à une sélection et,

 25   inévitablement, la première sélection ne s’avère pas


Page 13244

  1   toujours la bonne au fil des informations qu’on reçoit et

  2   une source commune d’informations, de renseignements peut

  3   être les témoins eux-mêmes parce que vous les voyez, vous

  4   parlez avec eux et puis on se dit : « Voilà, ça, c’est un

  5   bon témoin.  Peut-être faudrait-il penser à telle ou telle

  6   personne. »  Apparemment, c’est ce qui s’est passé

  7   s’agissant du tout premier témoin dont j’ai parlé. 

  8   S’agissant du Témoin Beese, on vous a parlé de lui

  9   en dehors du prétoire mais aussi, et vous le verrez grâce

 10   aux documents que je vais vous soumettre, au prétoire même. 

 11   C’est le Témoin AB qui en a parlé.  Non, pas AB mais AA, me

 12   dit-on.  Ce témoin, même s’il avait le même grade qu’un des

 13   témoins que nous avons eus hier et le même grade que le

 14   Témoin Stutt qui nous pose des problèmes logistiques mais

 15   s’agissant du fameux témoin AA, vous savez qu’il a été

 16   soumis de façon absolument incroyable mais de façon

 17   extrême, certes, à des Croates mais il a été soumis à un

 18   contrôle national bureaucratique de paperasserie énorme.

 19   En d’autres termes, il ne nous a pas été autorisé

 20   d’avoir des contacts officiels et directs avec lui jusqu’à

 21   la veille de sa déposition.  Jusqu’alors, jusqu’à la veille

 22   de sa déposition, tout devait se faire par le biais d’une

 23   procédure très complexe, par le fait de comparaître dans

 24   d’autres juridictions.  Vous connaîtrez peut-être le détail

 25   de ceci.  Vous vous souviendrez sans doute, Messieurs les


Page 13245

  1   Juges.

  2   En tout cas, ce témoin n’était pas à notre

  3   disposition.  Nous ne pouvions pas nous adresser à lui de

  4   façon ordinaire, de la façon coutumière que nous avons de

  5   recevoir ces informations.  Il nous a dit de but en blanc

  6   qu’à son avis, c’était un témoin particulièrement utile, ne

  7   serait-ce qu’à cause de l’expérience qu’il a acquise mais

  8   aussi à cause de sa personnalité, de ses compétences.

  9   Je crois que tout ceci est repris dans le

 10   témoignage qu’il vous a fourni.  Par conséquent, nous nous

 11   sommes aussitôt mis à la recherche de ce témoin dont le

 12   Témoin AA nous avait dit qu’il était particulièrement

 13   utile.  Vous le verrez à l’examen des documents signifiés,

 14   vous verrez qu’il va se pencher sur deux sujets

 15   intéressants.  L’un, c’est le témoignage direct qu’il peut

 16   fournir s’agissant de l’incident du point de contrôle, il

 17   en a parlé et je pense que jusqu’à présent, il sera le seul

 18   témoin qui peut en parler de façon directe.

 19   Ce témoin est aussi intéressant parce qu’il va

 20   vous donner une idée d’ensemble très intéressante grâce à

 21   l’expérience qu’il a acquise, des événements en général et

 22   aussi du rôle qu’a joué Dario Kordic.  Vous verrez, ne fut-

 23   ce qu’à l’examen de la présentation de son résumé signé,

 24   vous verrez que sans qu’on lui pose des questions, il nous

 25   a, de son propre chef, de sa propre initiative, fourni un


Page 13246

  1   document au moment où on prépare ce témoin au cours d’un

  2   entretien préalable et je pense que ce document se présente

  3   de façon… c’est l’original, en fait.  Il y a quelques

  4   copies mais je sais que quelquefois, on avait dit que les

  5   documents que nous fournissions n’étaient pas fiables parce

  6   que des enquêteurs avaient un parti pris mais je pense

  7   qu’ici, ça ne s’applique pas du tout puisque le témoin,

  8   afin de nous aider et de faire une économie de temps, nous

  9   a fourni son propre rapport, lequel renferme des avis qui

 10   sont en droit fil de certains des avis que vous avez reçus

 11   ici déjà mais ce sont des avis tout à fait utiles sur les

 12   événements et sur ce qu’il voit comme étant le rôle joué

 13   par Kordic.

 14   Vous verrez à l’examen des pièces communiquées que

 15   non seulement la relation des faits et de la rencontre

 16   qu’il a eue avec Kordic a été corroborée par des notes

 17   manuscrites de l’époque et de façon détaillée, donc, c’est

 18   tout à fait fiable mais l’avis qu’il a sur Kordic a été

 19   corroboré par un document dactylographié.  Je crois que

 20   nous avons fourni un extrait d’une page ou deux mais cela

 21   ne vient pas de l’époque.  Le document avait été rédigé

 22   l’année suivante. 

 23   De toute façon, ça n’avait aucun rapport avec ce

 24   procès-ci.  C’était simplement une façon de consigner pour

 25   l’histoire ce qu’avait fait cet homme et ce qu’il pensait. 


Page 13247

  1   Lorsque je lui ai posé la question, il m’a dit peut-être

  2   modestement que c’était un document destiné à ses petits-

  3   enfants, qu’il ne voulait pas en faire un succès de

  4   librairie.  Il voulait simplement consigner les événements

  5   et les personnes qu’il avait rencontrées.

  6   De toute façon, il nous a permis d’avoir un

  7   document que nous vous avons remis, long de quelques pages,

  8   document qui montre que c’est son avis tout à fait spontané

  9   à l’époque, avis étayé par des documents de l’époque, eux

 10   aussi, et je dirais que son avis correspond à certains mais

 11   pas à la totalité des avis que vous avez entendus jusqu’à

 12   présent. 

 13   Vous penserez peut-être que là, on se rapproche

 14   beaucoup de ce que nous a dit le témoin entendu à huis clos

 15   partiel hier et avant-hier mais vous savez que notre

 16   politique de poursuite, dès le départ, n’a pas été de vous

 17   communiquer un avis uniformisé, uniforme, au contraire.  Je

 18   crois que ce serait aussi inutile qu’irréaliste d’avoir

 19   voulu faire cela. 

 20   Nous avons eu pour politique de mettre à votre

 21   disposition les meilleurs éléments de preuve possibles

 22   venant de personnes instruites, informées, car nous étions

 23   convaincus que la Chambre, de toute façon, allait se forger

 24   sa propre opinion au vu des éléments de preuve et que s’il

 25   y a, éventuellement et effectivement, une gamme d’opinions,


Page 13248

  1   ceci vous sera finalement utile et vous permettra de bien

  2   laisser se décanter les faits, les opinions et les avis

  3   pour arriver à la bonne décision.

  4   Donc, pour ce qui est de ce témoin, je pense qu’il

  5   faut vraiment qu’il soit entendu puisque c’était un témoin

  6   direct et il vous sera aussi d’une utilité tout à fait

  7   précieuse.  Ce document a été communiqué à la Défense, me

  8   dit mon substitut d’audience.  Pour ce qui est du premier

  9   témoin, ça a été communiqué le 9 décembre et pour ce qui

 10   est du second témoin, le Témoin Beese, ça a été communiqué

 11   le 5 janvier.  Donc, je pense que c’était le lendemain du

 12   premier entretien que nous avions eu avec lui.  C’était le

 13   premier jour où il était possible de voir ce témoin. 

 14   Rappelez-vous, Messieurs les Juges, dès que nous

 15   avons repris nos travaux cette année, j’ai parlé de lui. 

 16   Il s’est mis à notre disposition.  Il a des engagements la

 17   semaine prochaine, je pense, mais je pense qu’il pourra

 18   quand même venir comparaître.  Voilà donc nos requêtes.

 19   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  L’article du

 20   Règlement qui régit cette question si vous pouvez nous

 21   aider là-dessus, Me Nice, c’est le 73 bis, n’est-ce pas ? 

 22   C’est le nouveau 73 bis (D) qui stipule que : « Une fois le

 23   procès commencé, le Procureur, s’il estime que c’est dans

 24   l’intérêt de la justice, peut déposer une requête afin que

 25   soit reformulée la liste des témoins ou afin de modifier la


Page 13249

  1   décision qu’il avait prise sur les témoins à citer. »

  2   Donc, je suppose que nous allons faire valoir cet

  3   article pour votre requête et pour ce qui est de

  4   l’administration de la preuve, l’article pertinent, c’est

  5   l’Article 89, alinéa (B) : « La Chambre applique les règles

  6   d’administration de la preuve propres à parvenir dans

  7   l’esprit du Statut et des principes généraux du droit à un

  8   règlement équitable de la cause. » 

  9   Le (C) : « La Chambre peut recevoir tout élément

 10   de preuve pertinent qu’elle estime avoir valeur probante. 

 11   Elle peut exclure tout élément de preuve dont la valeur

 12   probante est largement inférieure à l’existence d’un procès

 13   équitable. »  Alinéa (D).  Voilà donc les dispositions

 14   pertinentes.

 15   Me NICE (interprétation) :  J’aurais dû ajouter

 16   ceci, Monsieur le Président, deux points, en fait.  Tout

 17   d’abord, nous avons dit très clairement à la Chambre dès le

 18   début du procès qu’il était inévitable que notre liste des

 19   témoins allait changer, d’abord parce qu’il fallait élaguer

 20   beaucoup de choses. 

 21   Au départ, il fallait donner un maximum de témoins

 22   parce que finalement, nous avons cité moins de deux tiers

 23   des témoins prévus au départ et nous avons dit tout aussi

 24   clairement que face à ce type d’instruction ou d’enquête,

 25   inévitablement, des noms refont surface par la suite, en


Page 13250

  1   cours de procès, parce que des témoins ont plus ou moins

  2   confiance au fil du temps.  C’est là quelque chose de

  3   fluctuant et c’est un caractère commun à tous les témoins. 

  4   Je pense que c’est un point commun pour chacun d’entre eux.

  5   Une fois qu’ils arrivent à La Haye, ces témoins,

  6   et puis qu’ils se rendent compte qu’ils vont devoir

  7   déposer, souvent, ils sont plus ouverts parce qu’ils se

  8   sentent moins anxieux.  Ils sont sans doute plus anxieux

  9   dans les circonstances inévitablement plus tendues qui

 10   règnent en Bosnie. 

 11   Je ne vais pas insister trop sur le deuxième point

 12   mais il est indéniable qu’avec le temps qui passe, des

 13   témoins qui se trouvaient sur notre liste ont été éliminés. 

 14   Rappelez-vous, il y avait un certain Thomas.  Il n’est pas

 15   de l’ECMM, il parle de la même région.  Lui, nous allons

 16   l’éliminer de la liste, alors qu’il y a d’autres témoins

 17   comme, par exemple, Rémi Landry où j’espère qu’un compte

 18   rendu d’audience pourra simplement être versé au dossier de

 19   cette procédure.  Donc, là aussi, un nom pourra tomber.

 20   Ce n’est pas une question de marchandage mais

 21   pendant toute la préparation de ces témoins ou de la liste

 22   des témoins, comme je l’ai déjà expliqué, j’ai fait

 23   l’impossible pour réduire au minimum le nombre de témoins

 24   indispensables afin de faire l’administration de la preuve

 25   par d’autres moyens que par des dépositions de témoins ici


Page 13251

  1   et aussi d’éliminer tout témoin qui vous serait inutile et

  2   c’est dans ce contexte que je dis que, vraiment, les deux

  3   témoins que nous voulons ajouter sont vraiment

  4   indispensables.

  5   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais vous

  6   savez que la Chambre a un pouvoir express d’entendre des

  7   éléments qui ont une valeur probante, quelle que soit la

  8   procédure.

  9   Me NICE (interprétation) :  Je l’ai déjà dit au

 10   moins à deux reprises, la Chambre peut appeler ses propres

 11   témoins mais nous avons le sentiment que si nous apprenons

 12   l’existence de témoins dont la déposition peut être utile,

 13   nous devrons prendre l’initiative de les appeler.

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Est-ce que

 15   vous avez un résumé du témoin qui va parler du point de

 16   contrôle ?

 17   Me NICE (interprétation) :  Nous n’avons pas de

 18   résumé.  La déclaration préalable n’est pas très longue. 

 19   Désolé qu’il n’y ait pas encore de résumé.  Est-ce que je

 20   peux vous la remettre ?  Pour le Juge Bennouna, il y a le

 21   français et l’anglais et il y a aussi la version en anglais

 22   pour le Juge Robinson et pour le Président.

 23   Vous constaterez que ce document est surtout

 24   présenté comme résumé sous une forme, d’ailleurs, très

 25   utile que nous allons peut-être utiliser davantage à


Page 13252

  1   l’avenir.  Nous allons avoir une audience publique et il y

  2   aura peut-être des objections.  Je ne pense pas que je

  3   puisse ici attirer votre attention sur tel ou tel

  4   paragraphe mais vous verrez que le paragraphe 6 est un bon

  5   exemple, de même que le paragraphe 8 et, à la page

  6   suivante, le paragraphe 12 sera très utile aussi.  Pour

  7   vous rappeler le contexte général de cette déposition, vous

  8   lirez utilement le paragraphe 18. 

  9   Il y a d’autres éléments de preuve qui vous ont

 10   été soumis de façon indirecte et qui viendront du Témoin T

 11   et du Témoin J.  [Hors microphone]

 12   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Non merci.

 13   Me SAYERS (interprétation) :  Si je peux me

 14   permettre de m’exprimer, je dois dire que la Défense se

 15   sent un peu comme en physique, quelqu’un qui serait soumis

 16   au principe de Heisenberg qui est un principe

 17   d’incertitude.  Nous sommes prêts à entendre le Lieutenant

 18   Colonel Thomas, bien sûr, mais c’est la première fois

 19   qu’apparemment, on nous dit qu’il ne va pas venir

 20   témoigner.  Enfin, qu’il en soit comme il doit en être.

 21   Je pense que vous avez, Monsieur le Président,

 22   résumé de façon très compétente les deux requêtes présentes

 23   que l’on peut examiner de deux points de vue différents, à

 24   vrai dire, et j’aimerais d’abord parler du premier témoin,

 25   celui dont la déclaration a déjà été soumise à la Chambre


Page 13253

  1   de première instance.

  2   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Appelons-le le

  3   témoin du barrage routier, si vous préférez.

  4   Me SAYERS (interprétation) :  Oui.  Je pense que

  5   nous avons déjà dit à la Chambre notre position générale

  6   qui consiste à penser que les ordres déjà rendus par cette

  7   Chambre doivent être étendus à tous les témoins qui ont

  8   déjà été identifiés il y a un certain temps, plusieurs

  9   mois, en fait.  Nous pensons pouvoir dire que nous avons vu

 10   évoluer sous nos yeux pratiquement ce qui a été qualifié

 11   d’impressionnisme juridique par une autre Chambre et qui

 12   semble se poursuivre au fil du temps.

 13   Permettez-moi la remarque suivante, Monsieur le

 14   Président, Messieurs les Juges.  S’agissant du témoin du

 15   barrage routier, je pense que celui-ci est dans une

 16   catégorie différente de l’autre.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Un rappel

 18   simplement, je vous prie.  Cette question a été évoquée

 19   dans la déposition de deux témoins que nous avons entendus

 20   aujourd’hui et il y a certains éléments de preuve qui ont

 21   été apportés et que je qualifierais de troisième main, à

 22   savoir des témoins qui disent : « J’ai entendu quelqu’un

 23   qui a dit que quelqu’un avait dit quelque chose au barrage

 24   routier », mais là, nous avons un témoin qui vient

 25   directement du barrage.


Page 13254

  1   Me SAYERS (interprétation) :  Monsieur le

  2   Président, précisément, je pense que nous avons assisté à

  3   l’évolution d’un certain nombre de dispositions relatives à

  4   l’interrogatoire principal et le témoin du barrage, à mon

  5   avis, ne rentre pas dans les catégories définies jusqu’à

  6   présent.  Nous ne souhaitons pas remettre en cause les

  7   objections que nous avons déjà élevées par rapport à des

  8   témoins qui nous sont présentés à la dernière seconde. 

  9   Nous pensons qu’ici, il y a un devoir par rapport aux Juges

 10   de la Chambre qui doivent être mis au courant de la

 11   situation telle qu’elle était et qui doivent pouvoir

 12   bénéficier de l’évolution des dispositions relatives aux

 13   éléments de preuve.

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  C’est une

 15   situation qui dure déjà depuis plusieurs mois. 

 16   Effectivement, nous allons la considérer, y réfléchir puis

 17   nous passerons à l’audition du témoin suivant. 

 18   [La Chambre discute]

 19   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  S’agissant du

 20   témoin du barrage routier, compte tenu de la concession

 21   très équitable faite par Me Sayers, équitable, oui, mais

 22   assez indispensable et inévitable, nous allons donc

 23   recevoir cet élément de preuve.

 24   Nous pouvons maintenant passer à l’autre témoin.

 25   Me SAYERS (interprétation) :  L’autre témoin,


Page 13255

  1   Monsieur le Président, entre dans une catégorie tout à fait

  2   différente de celui dont vous venez de parler. 

  3   L’Accusation a eu, je crois, cinq ans pour préparer la

  4   présentation de ses éléments de preuve.  Elle nous avait

  5   annoncé 375 témoins et nous en sommes à 100.  Nous avons vu

  6   une procession de témoins de l’ECMM, 12 à la date

  7   d’aujourd’hui si mes comptes sont bons et un certain nombre

  8   qui doit venir encore à l’avenir.

  9   Ici, nous parlons d’un témoin dont le nom ne

 10   figure pas sur la liste des témoins préalablement fournie à

 11   la Défense.  C’est quelqu’un dont nous n’avions absolument

 12   pas entendu parler.  Le Témoin AA a déjà témoigné sur le

 13   même sujet que celui sur lequel ce témoin doit être

 14   interrogé et je suis sûr que les Juges se rappelleront très

 15   bien la déposition du Témoin AA et les raisons pour

 16   lesquelles il est nécessaire aujourd’hui de remplacer un

 17   témoin.

 18   Ce témoin a été identifié il y a sept mois après

 19   la date limite du 17 mai imposée par la Chambre. 

 20   Apparemment, ce témoin est un témoin important mais je

 21   demande aux Juges, je les implore, en fait, de réfléchir à

 22   la question suivante.  Pourquoi l’entendre ?  Il a

 23   rencontré Monsieur Kordic, d’après ce qu’il dit lui-même,

 24   au total impressionnant d’une fois, et ce pendant toute la

 25   durée de sa présence dans le cadre de la mission des


Page 13256

  1   observateurs européens sur place.

  2   S’agissant des faits qu’il va aborder devant cette

  3   Chambre de première instance, il est tout à fait évident

  4   qu’il se propose simplement de fournir un témoignage basé

  5   sur des opinions.  La seule rencontre qu’il a eue avec

  6   Monsieur Kordic s’est déroulée le 5 mai 1993 et,

  7   apparemment, le Témoin AA a assisté à cette rencontre

  8   également et l’autre sujet dont il va parler, c’est une

  9   conversation téléphonique avec le Général de brigade

 10   Petkovic le 28 avril mais les Juges de cette Chambre ont

 11   déjà entendu amplement parler de cette conversation

 12   téléphonique.

 13   Notre position est la suivante.  Ces deux faits de

 14   portée très limitée ne sont pas véritablement la raison

 15   pour laquelle ce témoin est cité devant la Chambre, pas du

 16   tout, et je ne vais pas passer en revue la pléthore

 17   d’opinions que ce témoin s’apprête apparemment à proposer

 18   aux Juges mais je pense que l’une des raisons pour laquelle

 19   le Procureur a agi de la sorte c’est qu’il ne connaissait

 20   pas l’importance très grande de ce témoin jusqu’à la fin de

 21   l’audition du Témoin AA.

 22   Les Juges se rappelleront sans doute que le Témoin

 23   AA n’a rencontré ce témoin qu’une seule fois et en rapport

 24   avec la pièce à conviction Z1012 qui était une analyse

 25   préliminaire relative à la présence de l’armée de Croatie


Page 13257

  1   en Bosnie-Herzégovine et qui se conclut sur l’opinion selon

  2   laquelle il est très difficile de prouver les allégations

  3   selon lesquelles l’armée de Croatie était impliquée, qu’il

  4   n’y a que des preuves très rares à ce sujet et que ces

  5   preuves se limitent à un rapport du 23 juin 1993.

  6   Apparemment, ce témoin ne se satisfait pas de se

  7   limiter à deux faits d’importance très restreinte en faveur

  8   du Procureur.  Il fournit trois pages d’opinions et

  9   d’évaluations personnelles qu’il a, apparemment, préparées

 10   le 25 janvier de cette année et je pense qu’il est

 11   regrettable que cela soit le cas car ces opinions ont déjà

 12   été fournies à la Chambre de première instance.

 13   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Sayers, le

 14   fait que la Chambre ait déjà reçu certains documents n’a

 15   aucune pertinence.  Nous sommes des Juges professionnels. 

 16   Donc, nous sommes capables de nous faire notre avis sur tel

 17   ou tel document.  Ne vous préoccupez pas de cela.

 18   Me SAYERS (interprétation) :  Très bien, Monsieur

 19   le Président.  Je vais simplement parler encore quelques

 20   instants des avis que ce témoin s’apprête à offrir à la

 21   Chambre.  Selon lui, tous les dirigeants de quelque

 22   municipalité que ce soit tombent dans la catégorie des

 23   maffiosi.  C’est un avis qu’il exprime deux fois, ce

 24   monsieur, dans sa déposition.

 25   Apparemment, ces maffiosi cherchent, avec l’aide


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  1   de Mate Boban, à imposer leur volonté aux habitants du

  2   territoire de Herceg-Bosna en utilisant le terrorisme et

  3   ils bénéficient de l’aide déterminée du Président Tudjman. 

  4   Cela provoque une campagne de terrorisme due à ces

  5   maffiosi.  Monsieur Valenta, par exemple, compte,

  6   apparemment, au nombre de ces maffiosi. 

  7   Tous les membres des milices irrégulières sont

  8   qualifiés par un terme injurieux et Monsieur Kordic, très

  9   précisément, est une nouvelle fois mentionné comme étant

 10   censé être le cousin de Monsieur Boban, ce que nous

 11   considérons comme une erreur factuelle.  Il est décrit

 12   comme un bandit rempli de sa propre importance, plein

 13   d’arrogance, intellectuellement faible et une déclaration

 14   est faite dans ce texte quant à son lien avec Ivica Rajic,

 15   bien connu.

 16   Dans la conclusion de la déposition de ce témoin,

 17   il est dit que Monsieur Kordic est responsable d’un certain

 18   nombre de crimes de guerre.  Franchement, Monsieur le

 19   Président, Messieurs les Juges, il me semble que toutes ces

 20   opinions, toutes ces déductions, toutes ces conclusions

 21   correspondent tout à fait à ce que la Chambre est dans

 22   l’obligation de déterminer elle-même.

 23   [La Chambre discute]

 24   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Sayers,

 25   nous n’avons plus besoin de nous préoccuper de ce problème.


Page 13259

  1   Me NICE (interprétation) :  Monsieur le Président,

  2   si une objection peut être présentée, j’aimerais la

  3   présenter en rapport avec ce point particulier.

  4   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien sûr mais

  5   nous allons plutôt entendre Me Sayers jusqu’au bout, si

  6   vous le voulez bien.

  7   Me SAYERS (interprétation) :  Deux points encore,

  8   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et je serai

  9   très bref car je pense que nous avons déjà consacré

 10   suffisamment de temps à cette question.  Premier point. 

 11   Apparemment, ce témoin pense pouvoir déterminer ce qui est

 12   pertinent dans le journal personnel.  Deux pages de ce

 13   journal ont été produites mais il n’y a rien de personnel

 14   dans ces pages.

 15   Si ce témoin est autorisé à témoigner, et nous

 16   pensons que cela ne devrait pas être le cas, il est tout à

 17   fait clair que nous devrions avoir la possibilité

 18   d’examiner les pages de ce journal à l’avance.

 19   En conclusion, Monsieur le Président, Messieurs

 20   les Juges, ce témoin n’a pas été identifié dans les délais,

 21   son audition n’est pas nécessaire et il est absolument

 22   inutile, contrairement aux autres témoins et c’est un

 23   témoin qui va parler de sujets qui ont déjà été abordés par

 24   d’autres.  Donc, effet cumulatif.  Merci.

 25   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Monsieur Nice,


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  1   vous avez déjà parlé longuement sur ce point.

  2   Me NICE (interprétation) :  Oui, mais c’est une

  3   objection que j’aimerais élever, Monsieur le Président,

  4   Messieurs les Juges.  Peut-être n’ai-je pas été informé

  5   d’une façon tout à fait précise par la Défense mais voyons

  6   d’abord ce qui vient d’être dit.  S’agissant des raisons

  7   pour lesquelles il importe de citer le Témoin AA, les

  8   raisons invoquées ne sont absolument pas celles qui m’ont

  9   guidé.  Je ne vois pas pourquoi ce qui a été dit l’a été.

 10   En ce qui me concerne, le Témoin AA est un témoin

 11   intègre et ce qui a été dit me paraît tout à fait

 12   regrettable.  J’ai dit exactement aux Juges de cette

 13   Chambre dans quelles conditions j’ai appris son existence

 14   et pourquoi il a acquis l’importance qu’il a.

 15   Maintenant, s’agissant de la déposition du Témoin

 16   AA, mon collègue, Me Sayers, déclare, en rapport avec le

 17   barrage routier du 28 janvier, l’incident du mois d’avril –

 18   je cite : « Il est vrai que vous n’avez aucune idée, si

 19   vous en avez une, de ce que Monsieur Kordic a effectivement

 20   fait pour organiser la libération du convoi, la remise en

 21   circulation du convoi. »  Fin de citation.

 22   C’est en rapport avec ce point, uniquement avec

 23   celui-ci, que vous trouvez le paragraphe 5(B) du résumé de

 24   la déposition du témoin qui porte sur l’incident du 28

 25   avril et si vous vous rendez dans les annexes, première


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  1   note manuscrite consignée à l’époque des faits, c’est en

  2   lisant cela que vous comprendrez pourquoi ce témoin entre

  3   précisément dans la même catégorique que le témoin

  4   précédent sur ce point particulier.

  5   En effet, cet homme, et il est le seul à faire,

  6   nous ne le savions pas jusqu’à présent, cet homme est le

  7   seul à pouvoir dire ce qui est résumé au paragraphe 5(B)

  8   mais présenté de façon plus complète dans ses notes

  9   d’investigation.  Ce n’était pas un enquêteur mais on peut

 10   qualifier ses notes de notes d’investigation.  Il dit

 11   précisément ce qui s’est passé dans ses notes et lors de

 12   cette réunion, il affirme que Petkovic a été incapable

 13   d’ordonner à Kordic la remise en circulation du convoi et

 14   que Petkovic a été obligé d’expliquer à Kordic que cette

 15   mesure était favorable à Kordic.  Ceci est un élément de

 16   preuve extrêmement important.

 17   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais pourquoi

 18   n’en disposiez-vous pas au départ ?  Vous aviez accès aux

 19   documents de l’ECMM.  Les membres de l’ECMM ont été très

 20   coopératifs avec vous et ils vous ont fourni de très

 21   nombreuses informations.

 22   Me NICE (interprétation) :  Effectivement.

 23   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  La Défense

 24   affirme que vous avez eu cinq ans pour produire cet élément

 25   de preuve.


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  1   Me NICE (interprétation) :  Monsieur le Président,

  2   nous n’avons pas pu nous rendre auprès de chacun, auprès de

  3   tous.  Nous avons dû choisir.  Des choix ont été faits. 

  4   J’ai dit exactement comment les choses ont évolué mais cet

  5   élément de preuve fait partie de la même catégorie que le

  6   témoin précédent.

  7   J’ai dit très clairement que j’allais, si j’y suis

  8   autorisé, citer ce témoin pour parler de cet élément de

  9   preuve uniquement car en l’absence de ce témoin, vous en

 10   serez réduits à vous pencher sur la déposition du Témoin AA

 11   et à essayer de comparer avec d’autres éléments de preuve

 12   qui ne sont pas identiques, qui ne sont pas dans la même

 13   catégorie et ce serait une erreur d’agir de la sorte. 

 14   C’est, en tout cas, avec tout le respect que je dois à la

 15   Chambre, ce que j’affirme.  Ce serait une erreur dans le

 16   cadre de votre mission qui consiste à rechercher la vérité.

 17   Si les accusés étaient cités à la barre et niaient

 18   ce fait, nous devrions citer ce témoin en réfutation mais,

 19   de toute évidence, ce que la Défense vient de dire n’est

 20   pas exact car il n’y a rien d’erroné dans l’élément de

 21   preuve dont nous parlons.

 22   M. LE JUGE BENNOUNA :  L’argument qui a été avancé

 23   par Me Sayers, c’est de dire que la Chambre a déjà eu

 24   suffisamment de témoignages sur cette question de

 25   conversations téléphoniques.  Vous êtes en train de nous


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  1   dire que ce qui est apporté ici n’a jamais été fourni au

  2   préalable.  Est-ce que c’est cela que vous nous dites, que

  3   c’est un élément nouveau sur ce point-là que le témoin

  4   apportera à la Chambre ?  Est-ce que c’est cela ?

  5   Me NICE (interprétation) :  Oui, certainement. 

  6   C’est un nouvel élément dans le puzzle.  D’ailleurs, ces

  7   termes qui sont très utilisés par la Défense qui,

  8   apparemment, les trouve utiles, je cherche… ah oui,

  9   impressionnisme juridique.  Nous ne parlons pas

 10   d’impressionnisme ici.  Nous parlons de plusieurs éléments

 11   de preuve qui trouvent chacun leur place dans un puzzle. 

 12   Donc, il ne s’agit pas d’impressions ou

 13   d’impressionniste mais de compléter un puzzle et lorsqu’on

 14   a une pièce qui manque au puzzle, il est tout à fait

 15   important de la glisser à sa place.  Si ce n’est pas le

 16   cas, il peut y avoir apparition d’impressions fluctuantes

 17   ou vagues et peut-être même impressions qu’un élément du

 18   puzzle se trouve à un emplacement qui n’est pas le sien.

 19   Si l’élément du puzzle est apporté, eh bien, il

 20   peut être contredit.  S’il est erroné, il peut être

 21   confirmé s’il est justifié mais, en tout cas, les Juges ne

 22   sont pas laissés dans le vague et je dis bien que cet

 23   élément de preuve est le seul que je tâcherai d’obtenir de

 24   ce témoin. 

 25   Bien sûr, nous savons tout ce qui a été dit au


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  1   sujet de la mafia, des impressions du témoin, et cætera. 

  2   Les Juges se rappelleront peut-être… peut-être que c’est

  3   quelque chose qui a été dit à huis clos partiel dans

  4   l’audition du Témoin AA.  Je devrais peut-être faire

  5   attention mais ce témoin a un point de vue plus vaste que

  6   l’autre car il était en Herzégovine.

  7   M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Nice, je crois que nous

  8   en avons assez entendu sur ce témoignage pour l’instant. 

  9   Tous les arguments, nous les avons.  Vous nous dites qu’en

 10   fait, il y a une partie qui serait « originale », qui ne

 11   corrobore pas un témoignage précédent.  Il nous faut

 12   maintenant délibérer, je crois.

 13   [La Chambre discute]

 14   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Les Juges de

 15   la Chambre viennent d’être convaincus par les derniers

 16   propos tenus par Monsieur Nice, c’est-à-dire à l’instant,

 17   ils viennent d’être convaincus de la nécessité d’autoriser

 18   ce témoin à être entendu sur ce point très limité, très

 19   circonscrit qui est mentionné au paragraphe 5(B) du résumé

 20   de sa déposition. 

 21   Quant à ses avis et opinions, nous les excluons. 

 22   Nous insistons sur le fait que nous venons d’être

 23   convaincus d’agir dans ce sens car l’argument qui a emporté

 24   notre conviction est celui de l’existence d’un élément de

 25   preuve important et unique qu’il serait sans doute une


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  1   erreur d’exclure de la présentation des éléments de preuve

  2   car ce serait injuste pour l’Accusation.

  3   Nous tenons à souligner que l’Accusation a,

  4   effectivement, eu cinq ans pour présenter ses éléments de

  5   preuve et les rassembler et il est regrettable que de tels

  6   éléments arrivent à la dernière minute.  Nous espérons ne

  7   plus avoir à délibérer sur une question de ce genre.

  8   Me NICE (interprétation) :  Merci beaucoup.  Si de

  9   tels événements se reproduisent, ils se reproduiront pour

 10   les mêmes raisons historiques.  Monsieur le Juge Bennouna a

 11   parlé la semaine dernière des documents de l’ECMM de façon

 12   générale.  Or, la situation c’est que nous ne sommes pas

 13   autorisés par les fournisseurs de ces documents à les

 14   communiquer de façon complète et générale.  Je crois que

 15   ceci a déjà été évoqué précédemment.

 16   Ce n’est pas l’expression d’un point de vue

 17   favorable ou défavorable à la communication de pièces.  Je

 18   suis toujours personnellement favorable à communiquer le

 19   maximum mais je dois dire que nous ne sommes pas autorisés

 20   à communiquer plus que ce que nous versons au dossier.

 21   Donc, peut-être devrions-nous en discuter avec

 22   l’autre partie pour voir quelle solution nous pourrons

 23   trouver mais je n’aimerais pas que les Juges de cette

 24   Chambre pensent que je n’ai pas répondu à ce que le Juge

 25   Bennouna a demandé la semaine dernière.  C’est simplement


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  1   que nous ne sommes pas autorisés à agir d’une certaine

  2   façon.

  3   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vais voir

  4   quelle est la décision au sujet de la cassette.

  5   [La Chambre discute avec le greffe]

  6   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  La cassette

  7   est disponible et nous rendons la décision que cette

  8   cassette doit être diffusable dans l’enceinte de l’unité de

  9   détention.  Elle doit donc être diffusée ce soir et nous en

 10   parlerons demain. 

 11   Me NICE (interprétation) :  Pouvons-nous parler du

 12   rapport de l’expert ?

 13   M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui.  Après

 14   quoi, nous parlerons de la vidéo. 

 15   Nous suspendons jusqu’à 9 h 00 demain matin.

 16   --- L’audience est levée à 16 h 13

 17   pour reprendre le vendredi

 18   28 janvier 2000 à 9 h 00

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