Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Mardi 25 Juillet 2000.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 11 heures 35.)

  4   (Le témoin, M. Bozo Peric, est introduit dans le prétoire.)

  5   (Le témoin, M. Peric, est interrogé M. Mikulicic.)

  6   M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic, vous avez la parole.

  7   M. Mikulicic (interprétation): Merci. Bonjour. Bonjour, Monsieur le

  8   Témoin.

  9   M. Peric (interprétation): Bonjour.

 10   Question:   Nous allons poursuivre ce que nous avons commencé hier. Nous

 11   avons atteint l'endroit où vous partez pour la deuxième fois en Bosnie-

 12   Herzégovine; c'était l'été 1993. Est-il exact qu'à la fin de l'année

 13   scolaire, avec un ami, vous êtes parti en Bosnie, tout comme vous l'aviez

 14   fait l'année d'avant?

 15   Réponse:    Oui, oui.

 16   Question:   Vous avez emporté encore une fois des armes ainsi que votre

 17   uniforme que vous vous êtes procurés de la manière que vous avez décrite?

 18   Réponse:    Exact.

 19   Question: Entre-temps, vous avez appris que le village de Stojkovici avait

 20   été attaqué également?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Qu'avez-vous entendu dire? Qui aurait attaqué Stojkovici?

 23   Réponse: Ce sont des Musulmans en provenance de Travnik, en provenance de

 24   Slimena, du village de Slimena, ainsi que depuis le site qui s'appelle

 25   Vilenica, où se trouve un relais. C'est en fait une montagne dans les


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  1   hauteurs de Travnik.

  2   Question:   Lorsque vous parlez de Musulmans, vous faites référence aux

  3   unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

  4   Réponse:    Oui, cette dénomination "armée de Bosnie-Herzégovine" m'étonne

  5   un petit peu. Aujourd'hui, on peut parler de l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine, alors qu'à l'époque, c'était une armée musulmane.

  7   Question: Très bien. Votre ami, la personne avec laquelle vous êtes parti,

  8   était également originaire de cette région? Il était originaire de la

  9   Bosnie centrale?

 10   Réponse: Oui, il vivait à Zagreb mais il était originaire de Travnik. Pas

 11   de Novi Travnik, de Travnik; ce sont deux villes différentes.

 12   Question:   Très bien. Lui aussi, il a emporté des armes, tout comme vous,

 13   ou bien il n'était pas armé?

 14   Réponse:    Il n'avait pas d'armes.

 15   Question:   Mais il est parti en ayant le même objectif, n'est-ce pas? Il

 16   partait dans sa région natale pour les mêmes raisons?

 17   Réponse:    Oui, c'est cela. Tout à fait.

 18   Question: Nous venons d'apprendre que vous êtes parti afin d'assister à la

 19   défense de votre village natif, de votre région natale, que vous êtes

 20   parti avec votre ami. Connaissez-vous d'autres personnes qui sont arrivées

 21   là-bas, en provenance de Croatie, afin d'apporter leur contribution à la

 22   défense?

 23   Réponse:    Eh bien, quand je suis arrivé, je n'ai croisé personne. Mais il

 24   y avait des hommes qui étaient embauchés en Autriche et qui avaient quitté

 25   leur poste pour y aller. Je les ai vus à Skopje.


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  1   Question: Monsieur Peric, quelle est la route que vous avez empruntée pour

  2   vous rendre en Bosnie centrale?

  3   Réponse:    Alors, la route, c'était Sarajevo, Tomislavgrad... En fait, non

  4   pas Sarajevo: Split, Sinj, poste-frontière Kamensko et Tomislavgrad.

  5   Question:   Donc vous avez emprunté la route pour aller de Split à

  6   Tomislavgrad. C'était une route qui étaient utilisée tous les jours,

  7   n'est-ce pas, pour se rendre depuis la côte Adriatique à l'intérieur, en

  8   Bosnie?

  9   Réponse:    Oui. Aujourd'hui, c'est encore l'un des principaux postes

 10   frontaliers.

 11   Question: Alors, dites-nous ce qui s'est passé à ce poste frontalier entre

 12   la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, à cette occasion.

 13   Réponse:    Nous voyagions dans son véhicule personnel. Nous sommes arrivés

 14   quand c'était déjà la nuit et, comme c'était de nuit et que c'était un

 15   moment où il y avait une alerte, un couvre-feu en Croatie, il n'y avait

 16   pas beaucoup de lumière. Nous nous sommes un peu égarés. C'est assez tard

 17   que nous sommes arrivés à ce poste frontalier de Kamensko. C'est la police

 18   frontalière, bien entendu, qui nous a arrêtés ainsi que les services de

 19   douane.

 20   Question:   Quels services?

 21   Réponse:    Croates. Puisque nous arrivions, ils nous ont demandé si nous

 22   voulions déclarer quelque chose. J'ai dit que je n'avais que mes effets

 23   personnels et j'ai ri. Ils m'ont demandé de leur montrer mes effets

 24   personnels. Alors, dans cette voiture, il y avait mon sac de voyage qui

 25   contenait mon uniforme, deux ou trois chemises, quelques paires de


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  1   chaussettes, des bottes ainsi que mes armes, mes armes personnelles.

  2   Question:   Bien. Pour que ce soit précis, le poste frontalier Kamensko est

  3   le poste qui se situe à la sortie de la République de Croatie pour se

  4   rendre en Bosnie-Herzégovine?

  5   Réponse:    C'est cela.

  6   Question:   Donc les douaniers ont trouvé des armes dans la voiture. Est-ce

  7   qu'ils vous ont saisi ces armes?

  8   Réponse:    Oui, ils m'ont enlevé ces armes. C'était une kalachnikov.

  9   Question:   Très bien, ils vous ont confisqué ces armes. A cette occasion,

 10   ils vous ont délivré un certificat comme quoi ces armes vous ont été

 11   confisquées?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Peut-on présenter au témoin la pièce qui est en fait ce

 14   certificat de confiscation d'armes. Je voudrais soumettre cette pièce à la

 15   Chambre également.

 16   (L'huissier s'exécute.)

 17   Mme Lauer: Il s'agit de la pièce D73/2.

 18   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Peric, je vois que vous êtes en

 19   train d'examiner la version croate de ce certificat. Est-ce que c'est un

 20   document qui vous a été délivré lorsqu'on vous a saisi les armes au poste

 21   frontalier?

 22   M. Peric (interprétation): Oui, c'est la police frontalière de la

 23   République de Croatie qui m'a délivré ce document.

 24   Question:   Que vous ont-ils dit à cette occasion?

 25   Réponse:    Ils m'ont dit qu'ils étaient obligés de confisquer mes armes,


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  1   que je ne pouvais pas traverser la frontière avec les armes, mais que

  2   sinon j'étais libre de traverser. Et ils m'ont dit que j'allais faire

  3   l'objet de poursuites pénales pour avoir été repéré avec des armes au

  4   poste frontalier.

  5   Question:   Avez-vous dit pour quelle raison vous aviez des armes sur vous?

  6   Et avez-vous parlé de votre destination à la police?

  7   Réponse: Oui, j'ai cherché à leur expliquer cela. Cela a pris presque une

  8   heure, donc mes explications, mais finalement ils n'ont pas voulu céder.

  9   Question:   Bien. Ils ont dit que vous alliez faire l'objet de poursuites

 10   pour ce port d'armes?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Et une procédure a été engagée devant le Tribunal correctionnel

 13   et vous avez été déclaré coupable. Est-ce exact?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question: Le Greffe peut-il distribuer cette décision du 22 décembre 1993?

 16   Mme Lauer: Il s'agit du document D74/2 des pièces de la défense.

 17   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Peric, est-ce bien la décision

 18   prise en correctionnelle sur la base de laquelle une contravention a été

 19   prononcée à votre encontre?

 20   M. Peric (interprétation): Oui.

 21   Question:   Vous avez été condamné à payer 757.000 dinars croates?

 22   Réponse:    Exact.

 23   Question:   Ce qui correspondait à 200 deutsche marks allemands?

 24   Réponse:    Oui, c'était plus que mon salaire mensuel dans l'éducation.

 25   Question:   Monsieur Peric, à l'époque, était-ce habituel? Nous voyons ici


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  1   une décision en correctionnelle: est-ce que c'était habituel d'exprimer

  2   cela en marks allemands?

  3   Réponse:    Oui, tout à fait. Par exemple, pour le rachat de l'appartement,

  4   le montant était également exprimé en kunas -ou dinars de l'époque- et en

  5   marks allemands.

  6   Question:   Donc c'était de cette manière qu'on procédait habituellement?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Et pour quelle raison, pouvez-vous nous l'expliquer, exprimait-

  9   on les prix en marks allemands également en République de Croatie?

 10   Réponse: Eh bien, je suppose… Vous savez, c'était l'état de guerre; je ne

 11   sais pas si, à l'époque, c'étaient des kunas ou des dinars, mais leur

 12   cours fluctuait: et pour que l'Etat puisse se protéger, les montants

 13   s'exprimaient en équivalents en deutsche marks pour que les montants réels

 14   puissent être versés.

 15   Question: Vous avez engagé un recours puisque vous estimiez que le montant

 16   était trop élevé et que vous êtes parti pour défendre votre région natale,

 17   donc que vous étiez en droit de porter une arme. Est-ce exact?

 18   Réponse:    Oui, j'étais vraiment vexé. Je ne m'attendais pas, dans un

 19   premier temps, à ce qu'on allait me confisquer mon arme et, dans un

 20   deuxième temps, je ne m'attendais pas à payer une contravention.

 21   Question:   Et en appel, quel a été l'arrêt?

 22   Réponse:    Cette peine a été réduite. Les armes sont restées chez eux et…

 23   Comment dire? Ecoutez, finalement, j'ai quand même dû m'acquitter de cette

 24   amende.

 25   Question:   Est-ce qu'on peut voir cet arrêt qui a été rendu en appel pour


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  1   confirmer s'il s'agit bien de ce document? Peut-on soumettre ce troisième

  2   document, s'il vous plaît?

  3   Monsieur Peric, est-ce bien la décision dont nous parlons?

  4   Réponse:    Un instant, je vais examiner cela.

  5   M. le Président (interprétation): Peut-on avoir la cote, s'il vous plaît?

  6   Mme Lauer: Il s'agit de la pièce D75/2 des pièces de la défense.

  7   M. Peric (interprétation): C'est bien cela.

  8   M. Mikulicic (interprétation): On voit que votre recours a été rejeté au

  9   sujet de cette confiscation d'armes, que l'amende a été réduite au montant

 10   de 120 deutsche marks et que vous deviez payer les frais de la procédure.

 11   M. Peric (interprétation): Oui, c'est cela.

 12   Question:   Poursuivons. Après cet incident qui s'est produit au poste

 13   frontalier, vous êtes entré en République de Bosnie-Herzégovine sans arme.

 14   Quelle est la ville que vous avez atteinte?

 15   Réponse:    Je suis arrivé à Uskoplje.

 16   Question:   Et vous vous vous êtes porté volontaire pour rejoindre le HVO?

 17   Réponse:    C'est cela.

 18   Question:   Et c'est là que l'on vous a donné une arme?

 19   Réponse:    Naturellement.

 20   Question:   Et où avez-vous été versé?

 21   Réponse:    Dans un premier temps, j'étais dans le village Trnovaca pendant

 22   quelques jours. J'ai reçu des armes, l'uniforme. C'était censé nous

 23   permettre de nous habituer un peu. C'est là que nous sommes restés deux ou

 24   trois jours pour reconnaître le terrain. Puis, en tant que volontaire, on

 25   nous a envoyés là où c'était le plus dur, à Bistrica.


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  1   Question:   C'est dans la municipalité d'Uskoplje?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Monsieur Peric, pour quelle raison n'êtes-vous pas allé à Novi

  4   Travnik dans votre village, puisque telle était votre intention

  5   initialement?

  6   Réponse: Oui, c'est ce que j'avais prévu, mais les Musulmans ont coupé la

  7   route, la route qui mène d'Uskoplje à Novi Travnik. Depuis le village de

  8   Sebesic, ils ont expulsé les Croates qui se sont rendus à Prozor,

  9   Uskoplje, et donc c'était bloqué, on ne pouvait pas rentrer.

 10   Question: Je vois. Et sur cette ligne de front, vous restez jusqu'à la fin

 11   du mois d'août 1993?

 12   Réponse:    A peu près la mi-août. Je ne connais pas la date exacte, mais

 13   enfin par là.

 14   Question:   Bien. Comme vous venez de le dire, c'est là que vous avez pris

 15   part à la défense de cette région de la municipalité d'Uskoplje face à

 16   l'attaque menée par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 17   Réponse:    C'est cela, c'est cela.

 18   Question:   A la différence de ce que vous avez fait il y a un an, lorsque

 19   vous avez participé à la défense contre l'attaque menée par les Serbes de

 20   Bosnie et la JNA.

 21   Réponse:    Exact.

 22   Question:   Monsieur Peric, vous avez dit que dans votre village qui est

 23   situé en Bosnie centrale, vous aviez une famille assez nombreuse.

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question: Parmi vos proches, est-ce-qu'il y a eu des victimes durant cette


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  1   guerre?

  2   Réponse:    Oui, pas mal. Enfin, parmi les plus proches, je dirai que par

  3   rapport à ma soeur aînée, son époux qui était civil à Travnik a été égorgé

  4   par les Moudjahidine. Mon frère cadet a été lui aussi blessé mais, parmi

  5   les autres membres de ma famille, il y a eu également des victimes.

  6   Question:   Les Moudjahidine auraient tué votre proche d'une manière qui

  7   correspond à leur culte?

  8   Réponse:    Oui. Monsieur Popovic était un civil. En fait, ce qui s'est

  9   passé, les Moudjahidine sont tombés dans une embuscade et il y en a cinq

 10   qui se sont fait tuer. Après, pour riposter, à Travnik ils ont arrêté,

 11   donc les Moudjahidine ont arrêté les personnes les plus en vue, mais

 12   quelqu'un devait leur indiquer qui étaient les habitants les plus

 13   éminents. Ils les ont emmenés dans le village Orasac. Quelques témoins

 14   l'ont vu. En fait, on pourrait le vérifier auprès d'eux. C'est eux qui

 15   m'ont raconté comment ce beau-frère a été tué parce que l'on n'a toujours

 16   pas eu remise de corps. Ce corps n'avait plus de tête, il a été décapité.

 17   Question:   Monsieur Peric, avez-vous eu l'occasion de rencontrer, d'être

 18   présenté à Mario Cerkez?

 19   Réponse:    Non.

 20   Question:   Et quant au premier accusé, M. Kordic, avez-vous eu l'occasion

 21   d'être présenté à M. Kordic?

 22   Réponse:    Eh bien, je le connais grâce aux médias. Il me semble que nous

 23   nous sommes rencontrés à une occasion, si mes souvenirs sont exacts.

 24   C'était dans le village Bucici lorsque l'armée croate a libéré Knin. Je

 25   pense qu'il était là, mais je ne peux pas l'affirmer à 100%.


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   1   Question:  Vous dites que vous l'avez vu dans des programmes diffusés par

  2   les médias. Il était présent en tant que civil ou autrement?

  3   Réponse:    Ce que je sais au sujet de M. Kordic, c'était qu'il était très

  4   haut placé au sein du parti, le HDZ, à l'époque, en Herceg-Bosnie. C'est

  5   ce que je peux vous dire.

  6   Question:   Je vous remercie d'avoir répondu à mes questions. Je n'ai plus

  7   de questions pour ce témoin.

  8   (Le témoin, M. Peric, est interrogé par M. Browning.)

  9   M. Browning (interprétation): Monsieur Peric, je suis Chris Browning, je

 10   travaille pour le cabinet Hanton & Williams. Je n'étais pas présent ici,

 11   hier, mais j'ai eu l'occasion de lire le compte rendu d'audience au sujet

 12   de votre déposition. Vous dites que vous avez rencontré M. Kordic à une

 13   occasion. Etait-ce après la guerre?

 14   M. Peric (interprétation): Excusez-moi mais, Monsieur, je ne vous

 15   comprends pas du tout, je n'ai pas d'interprétation.

 16   M. le Président (interprétation): Essayez encore une fois.

 17   M. Browning (interprétation): Monsieur Peric...

 18   M. Peric (interprétation): Rien, je n'entends rien.

 19   Question:   Pouvez-vous m'entendre à présent?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question: Lorsque vous avez dit que vous croyiez avoir rencontré M. Kordic

 22   une fois, était-ce après la guerre, après la fin du conflit?

 23   Réponse:    Oui, c'était en 1996 alors que les conflits se sont arrêtés

 24   -pour autant que je sache-, en 1994, en février/mars. C'est là que l'on a

 25   signé la fin des combats. Enfin, oui, normalement. Naturellement, en 1996,


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  1   c'est deux ans plus tard.

  2   Question:   Pour ce qui est de la période qui couvre le conflit, vous ne

  3   connaissiez M. Kordic que grâce à ce que vous avez vu à la télévision ou

  4   par l'intermédiaire d'autres médias?

  5   Réponse:    C'est cela.

  6   Question: Mais vous ne savez pas directement s'il était haut placé au sein

  7   du HDZ. Connaissiez-vous le rôle qu'il a joué au sein du HDZ?

  8   Réponse:    Non, c'était uniquement par l'intermédiaire des médias, de la

  9   presse écrite. Quant à ses fonctions exactes, cela je ne le sais pas.

 10   Question:   Je souhaite attirer votre attention à l'époque de l'été 1993,

 11   quand vous étiez à Novi Travnik. Saviez-vous que M. Kordic exerçait des

 12   pouvoirs militaires quels qu'ils soient pour ce qui est de la zone de Novi

 13   Travnik?

 14   Réponse:    A l'époque, je ne savais même pas que M. Kordic existait.

 15   Question:   Et vous n'avez jamais entendu parler de M. Kordic en tant que

 16   commandant militaire à Novi Travnik?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Savez-vous si M. Kordic a influé d'une manière quelconque sur

 19   les événements de Novi Travnik?

 20   Réponse:    Je ne le sais pas.

 21   Question: Vous n'êtes pas au courant d'une influence qu'il aurait exercée?

 22   Réponse:    Non, non.

 23   Question:   Etes-vous au courant du fait que M. Kordic ait fait quoi que ce

 24   soit pour attiser l'animosité entre les Croates de Bosnie et les Musulmans

 25   de Bosnie?


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  1   Réponse:    Je ne suis pas au courant de cela.

  2   Question:   Est-ce que vous êtes au courant du fait que M. Kordic se serait

  3   présenté en tant que partisan de la violence?

  4   Réponse:    Ecoutez, là-bas, vous savez, quand j'y étais, j'étais sur la

  5   ligne de front. J'étais entouré de mes proches, je ne m'intéressais pas à

  6   autre chose. Monsieur Kordic de Busovaca, c'était quelque chose qui était

  7   loin de moi. Enfin, avec tout mon respect, c'est quelque chose que je ne

  8   sais pas.

  9   Question:   Et pour ce qui est de l'année 1993 où vous étiez à Uskoplje,

 10   êtes-vous au courant du fait que M. Kordic exerçait une influence quelle

 11   qu'elle soit sur les événements à Uskoplje?

 12   Réponse:    Monsieur Kordic ne m'en voudra pas, mais je pense qu'il n'a pas

 13   pu exercer une grande influence, il ne pouvait pas vraiment apporter une

 14   assistance quelle qu'elle soit à soi-même ni aux Croates qui se trouvaient

 15   dans cette enclave. Vous comprenez, ils étaient encerclés et personne ne

 16   peut vous aider, encore moins celui qui est encore plus mal placé que

 17   vous-même.

 18   Question:   Vous n'avez jamais entendu parler de M. Kordic en tant que

 19   quelqu'un qui exerçait des pouvoirs militaires, vous ne l'auriez pas

 20   entendu à Uskoplje?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Pendant la période où vous étiez à Novi Travnik, en été 1992,

 23   avez-vous eu l'occasion de voir les troupes de la République de Croatie

 24   déployées à Novi Travnik?

 25   Réponse:    Je ne sais pas d'où ça vient! En fait, j'ai entendu cela, j'ai


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  1   vu cela à la télévision, à Varazdin. Non, plutôt c'était à Radio Sarajevo:

  2   c'est cela que j'écoutais. J'écoutais aussi la radio de Zagreb, de

  3   Belgrade. Même les Slovènes, je les écoutais pas mal. Je regardais la

  4   télé, je regardais cette émission "Image contre image", et je trouvais

  5   cela vraiment ridicule: que certaines troupes croates étaient en Bosnie

  6   centrale et on disait toujours: "L'enclave de Vitez", mais un oiseau

  7   aurait peut-être pu entrer et pas quelqu'un d'autre. Ce sont les

  8   représentants de la Forpronu qui m'ont dit qu'ils contrôlaient toutes les

  9   entrées et toutes les sorties.

 10   Je ne vois vraiment pas d'où cela vient. Je n'ai vu personne et je peux

 11   affirmer en toute responsabilité que pas un seul membre de l'armée croate

 12   ne s'est rendu en Bosnie centrale dans la zone de l'enclave de Vitez.

 13   Car il y a un événement que je souhaite citer. En 1994, quand je suis

 14   rentré, mes frères me l'ont relaté. En fait, à côté de Stojkovici, il y a

 15   quelque chose que nous appelons "base". C'était une ancienne base de la

 16   JNA et elle était souvent attaquée par les Musulmans; c'est à côté de mon

 17   village. Pendant l'une des attaques des Musulmans, comme on dit, il y en a

 18   un qui n'a pas pu supporter et il a complètement déconnecté. Alors, il a

 19   dit: "Eh, Franjo! -il pensait à Franjo Tudjman- "ne nous envoie plus

 20   d'armée, envoie-nous de l'alcool et des cigarettes!"

 21   Car, vous savez, il n'y avait pas d'armée. Enfin, il y avait la musique,

 22   on diffusait par les haut-parleurs, les uns la leur et les autres ce

 23   qu'ils aimaient eux...

 24   M. le Président (interprétation): Excusez-moi, est-ce qu'il y a autre

 25   chose que vous souhaitez demander, Maître Browning?


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   1   M. Browning (interprétation): Non, je pense que j'en ai terminé.

  2   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Le contre-

  3   interrogatoire, s'il vous plaît?

  4   (Le témoin, M. Peric, est contre-interrogé par M. Scott.)

  5   M. Scott (interprétation): Monsieur Peric, précisons votre identité.

  6   Comment s'appelle votre père?

  7   M. Peric (interprétation): Jakov. S'il est indispensable, je peux vous

  8   présenter ma carte d'identité.

  9   Question:   Non, c'est parfait. Merci.

 10   Réponse:    Merci à vous.

 11   Question: Et vous enseigniez en Croatie au moment où la guerre a éclaté en

 12   1991, dans le nord de la Croatie à Varazdin?

 13   Réponse:    C'est exact.

 14   Question:   Et depuis quand habitiez-vous à Varazdin au moment où la guerre

 15   a éclaté en 1991?

 16   Réponse:    Je suis arrivé à Varazdin à l'automne 1982… 1982, oui. Jusqu'à

 17   cette époque-là, j'ai travaillé sur l'île de Cres et jusqu'à la fin de

 18   l'année scolaire 1994. C'est en 1994, en été, que je suis retourné

 19   définitivement dans ma ville natale.

 20   Question: Pour préciser ces questions de contexte, avez-vous été membre ou

 21   dirigeant d'un groupe appelé "Alliance démocratique des Croates de

 22   Vojvodine"?

 23   Réponse:    Je ne connais pas ce groupe et je ne sais pas pourquoi vous me

 24   mettez en Vojvodine alors que je ne suis pas du tout de cette région.

 25   Question:   A l'époque, vous vous êtes rendu en Bosnie. La première fois où


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  1   vous y êtes allé, en 1992, vous avez dit dans votre déclaration que vous

  2   n'étiez pas membre de l'armée de Croatie, la HV, à l'époque, et vous

  3   poursuivez en disant que vous n'étiez pas non plus membre de la HV lorsque

  4   vous êtes retourné en Bosnie une nouvelle fois. Est-ce bien ce que vous

  5   déclarez dans le cadre de votre déposition?

  6   Réponse: Ce n'est pas de cette manière-là que je l'ai dit, Monsieur. J'ai

  7   dit que je n'étais pas membre de l'armée croate mais, pendant que j'étais

  8   sur le théâtre des opérations et quand je suis retourné en 1994, en 1995,

  9   on m'avait appelé à Sator, à Glamoc, mais j'étais à cette époque-là membre

 10   du HVO. Je n'ai jamais été à la HV; j'étais au HVO.

 11   Question: Je comprenais; ma question était plus précise : elle portait sur

 12   la HV. Vous avez déclaré devant cette Chambre qu'à aucun moment des faits

 13   couverts par l'Acte d'accusation, vous n'avez été membre de la HV ni

 14   associé à celle-ci en aucune façon. Est-ce exact?

 15   Réponse: Je n'ai jamais été membre de l'armée croate même si je suis allé

 16   me mettre à leur disposition, mais ils ne m'ont jamais pris.

 17   Question:   Fort bien. Parlons de votre premier déplacement en Bosnie. Vous

 18   avez indiqué que la guerre avait éclaté en Bosnie et qu'à ce moment-là,

 19   vous vous sentiez le devoir de rentrer dans la région de Novi Travnik.

 20   Puis, vous êtes entré en possession de certaines armes. Pourriez-vous

 21   apporter quelques précisions à l'intention des Juges: comment êtes-vous

 22   entré en possession de ces armes? Comment est-ce que cela s'est produit?

 23   Réponse:    Au moment où la guerre s'est déclenchée -c'était en 1991-, il y

 24   avait un enthousiasme des gens qui régnait en Croatie. La Croatie voulait

 25   devenir un Etat indépendant et même les jeunes de 14 ans jusqu'à un âge


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  1   très avancé, tout le monde a été enthousiasmé. Nous autres, parmi lesquels

  2   moi également, nous avons essayé de rentrer en possession d'armes. On

  3   donnait de l'argent à la communauté locale; au bout d'un mois, ceux dont

  4   les noms figuraient sur la liste, les gens qui appartenaient au

  5   détachement de la protection populaire remettaient l'argent et, au bout

  6   d'un certain temps, vous entriez en possession des armes.

  7   Question:   Vous avez payé pour ces armes en Croatie? Vous avez obtenu ces

  8   armes?

  9   Réponse:    Exact.

 10   Question:   Si je vous pose cette question, c'est parce qu'au point 3.2 de

 11   votre résumé, les choses ne sont pas claires: est-ce que vous avez obtenu

 12   ces armes uniquement dans l'Etat de Croatie, ou est-ce que vous avez

 13   également reçu des armes à votre arrivée en Bosnie, au cours de l'été

 14   1992?

 15   Réponse:    Moi, je n'ai pas véritablement le résumé. Est-ce vous pouvez

 16   être un peu plus précis, plus concret dans vos questions, s'il vous plaît,

 17   pour ne pas répéter ce que j'ai déjà dit lors de ma déposition? Est-ce que

 18   vous voulez me répondre?

 19   M. le Président (interprétation): La question était très claire: est-ce

 20   que vous avez obtenu ces armes en Croatie ou est-ce que vous les avez

 21   obtenues ailleurs?

 22   M. Peric (interprétation): En quelle année, Monsieur?

 23   M. Scott (interprétation): En été 1992.

 24   M. Peric (interprétation): En 1991, j'ai acheté des armes et ces armes

 25   sont restées chez moi tout le temps. C'est en 1992 que j'ai pris cette


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  1   arme et je suis allé à Novi Travnik, je l'ai ramenée avec moi à Varazdin.

  2   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez obtenu d'autres

  3   armes et, si vous en avez obtenu d'autres, où les avez-vous obtenues?

  4   M. Peric (interprétation): Non, je n'en avais pas d'autres.

  5   M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Nous terminons

  6   sur ce point.

  7   Vous avez également déclaré ceci: "Je suppose que les armes venaient de la

  8   caserne Slimena qu'on avait prise auparavant à la JNA". Est-ce que vous

  9   avez, à cette occasion-là aussi, obtenu des armes ou, si c'est le cas, qui

 10   en a obtenu?

 11   Réponse:    Moi, je n'ai pas obtenu d'armes, mais les villageois, oui. A

 12   l'époque où la caserne de Slimena a été prise, mes frères y ont participé

 13   et je me souviens que des villageois de Stojkovici, par exemple, ont eu

 14   des armes de cette caserne.

 15   Question:   Qui, du côté des Croates de Bosnie, d'après vous, était à la

 16   tête de cette prise de la caserne de la JNA à Slimena? Qui était à la tête

 17   de cette action?

 18   Réponse:    Je ne saurais pas vous le dire, Monsieur, parce qu'à cette

 19   époque-là, je n'étais pas sur place.

 20   Question: Mais est-ce que vous avez d'autres renseignements concernant cet

 21   événement, hormis ce que vous avez dit il y a un instant, à savoir que

 22   c'étaient vos frères qui vous avaient relaté cet événement?

 23   Réponse:    C'est tout ce que je sais.

 24   Question:   Vous déclarez être arrivé dans la région de Novi Travnik.

 25   Maintenant, nous sommes en 1992 -et je cite-: "Au début de l'été 1992" Fin


Page 23124

  1   de citation.

  2   Pourriez-vous être un peu plus précis quand vous parlez du début de l'été

  3   de l'année 1992? Est-ce que c'est mai, juin, fin juin?

  4   Réponse:    En ce qui me concerne, l'été commence le 22, 23 juin. Moi, je

  5   suis arrivé début juillet, au cours de la première moitié du mois de

  6   juillet, car j'ai travaillé à l'école jusqu'à la fin du mois de juin.

  7   C'est vers le 10 juillet à peu près que je suis arrivé. C'est trop loin,

  8   je ne peux pas me souvenir exactement de la date.

  9   Question: Je comprends. Vous étiez donc sur place, vous vous êtes présenté

 10   en Bosnie centrale vers le 10 juillet. Je crois qu'hier, vous avez déclaré

 11   que vous aviez de nouveau quitté la Bosnie vers le milieu du mois d'août,

 12   n'est-ce pas? Est-ce exact?

 13   Réponse:    C'est exact.

 14   Question:   Toute l'expérience que vous avez pu acquérir de votre

 15   participation en Bosnie, en 1992, équivalait à quelque chose comme quatre

 16   ou cinq semaines?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Et vous déclarez qu'au cours de cette période, vous étiez

 19   cantonné à un point appelé -excusez ma prononciation-, Kamenjas. C'est une

 20   colline connue sous le nom de Kamenjas. Peut-être que les interprètes

 21   pourront m'aider sur la prononciation.

 22   Réponse:    C'est moi qui y suis allé en volontaire. Je suis l'aîné de sept

 23   enfants. Il y avait mon deuxième frère qui était plus jeune et qui s'est

 24   proposé comme volontaire; moi également, je suis parti en volontaire. Moi,

 25   j'ai accompagné d'autres personnes qui sont parties de mon village, mais


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  1   en volontaires.

  2   Question:   D'accord, ne nous attachons pas trop à la notion de mission.

  3   Mais, lorsque vous êtes allé en Bosnie en été 1992, c'est là que vous avez

  4   pris position, à cet endroit-là?

  5   Réponse:    C'est exact.

  6   Question:   Est-ce que c'est resté le cas pendant les quatre ou cinq

  7   semaines de votre séjour? Est-ce le seul endroit où vous avez été

  8   cantonné?

  9   Réponse:    Oui, le seul endroit.

 10   Question:   Et de quelle unité faisiez-vous partie à cette époque-là?

 11   Réponse:    Monsieur, mais il n'y avait pas véritablement d'unité spéciale.

 12   Enfin, je vais vous expliquer. Ce sont les villageois du village de

 13   Stojkovici qui devaient se rendre sur cette côte. Par conséquent, tous

 14   ceux qui ne travaillaient pas, qui étaient libres, nous nous sommes

 15   organisés entre nous; donc nous nous sommes mis d'accord que ceux qui

 16   étaient nés en 1953, 1954, 1955 se rendraient sur cette côte. Nous étions

 17   nombreux, nous ne nous étions pas vus depuis un certain temps et nous

 18   avions pris la décision de constituer une équipe et de nous y rendre. Ce

 19   n'était pas véritablement une unité. C'était un accord auquel nous sommes

 20   parvenus.

 21   Nous avons dit: "Maintenant, ce sont les gens de Stojkovici qui vont se

 22   rendre sur cette côte". Je ne sais pas si vous êtes proche de cette

 23   terminologie qui est la nôtre?

 24   Question:   On a parlé d'une force ou d'unité spéciale, ce qui a un sens

 25   particulier. Ici, je ne parlais pas de cela; je vous demandais simplement


Page 23126

  1   ceci: lorsque vous êtes allé en Bosnie centrale, en juillet 1992, et que

  2   vous êtes allé sur la côte de Kamenjas, avec quel groupe armé étiez-vous?

  3   Ou bien est-ce que vous vous promeniez simplement sans direction, en

  4   portant des armes?

  5   Réponse:    Non, Monsieur. Mais bien évidemment, ce serait fou que de se

  6   promener comme cela et de circuler sur une ligne de front! Je vous ai dit

  7   qu'il y avait des équipes, des équipes que nous avons organisées, qui se

  8   rendaient sur la côte. Il y avait Kamenjas, ensuite Mravinjaci et le

  9   reste. Je vais vous dire...

 10   Question:   Excusez-moi, je vais vous interrompre parce que je n'ai pas

 11   beaucoup de temps. Je vais poser une question différente: qui était votre

 12   officier de commandement à l'époque?

 13   Réponse:    En 1992? Vous parlez de 1992 et de la côte Kamenjas?

 14   Question:   Oui.

 15   Réponse:    A cette époque-là, en ce moment plus particulièrement, le

 16   commandant était M. Josip Skopljakovic.

 17   Question: Est-ce qu'il était votre supérieur immédiat, à savoir l'officier

 18   qui vous donnait des ordres, des instructions?

 19   Réponse:    Oui. Il était commandant de tous ceux qui venaient de mon

 20   village.

 21   Question: Et, selon vous, qui était le commandant ou l'officier croate qui

 22   commandait dans la région, dans la région de Novi Travnik ou de Travnik,

 23   en été 1992? Qui était le supérieur de ce supérieur immédiat que vous

 24   aviez?

 25   Réponse:    Monsieur, en 1992, pour quelqu'un qui vient de loin, de


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  1   l'extérieur et qui peut être objectif, la situation était très chaotique,

  2   je peux vous le garantir. Par conséquent, personne ne pouvait

  3   véritablement commander tout le monde.

  4   Nous, de notre village, par exemple, on aurait très bien pu dire que nous

  5   ne voulions pas nous rendre sur cette côte et nous n'aurions pas été

  6   responsables devant qui que ce soit. C'est véritablement sur une base

  7   volontaire que nous nous sommes rendus sur cette côte.

  8   Si, par exemple, on avait dit que nous ne voulions pas nous y rendre,

  9   personne n'aurait pu faire quoi que ce soit à notre égard. Par conséquent,

 10   personne ne pouvait de force nous demander d'y aller. Tout ceci se

 11   faisait, était organisé sur une base totalement volontaire.

 12   Question: Je crois que vous avez déclaré que les forces qui s'opposaient à

 13   vous, aux Croates de Bosnie, à Kamenjas à l'époque, étaient des Serbes de

 14   Bosnie. Est-ce bien ce que vous avez déclaré?

 15   Réponse:    Des Serbes et l'armée, l'ex-JNA, je pense qu'ils y étaient. Ils

 16   avaient des chars du côté d'un col commun à nous. Nous avions des jumelles

 17   et nous observions de très loin. Je suppose qu'il y avait l'ex-JNA ou

 18   bien, éventuellement, des réservistes de la JNA.

 19   Question:   Au cours de cet été 1992, combien de temps avez-vous

 20   effectivement passé sur la ligne de défense? Ceci comparé avec le temps

 21   que vous avez passé avec votre famille qui se trouvait toujours dans la

 22   région?

 23   Réponse:    Deux semaines au total.

 24   Question:   Deux semaines?

 25   Réponse:    Exact.


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  1   Question:   Deux semaines sur la ligne de front ou deux semaines avec votre

  2   famille?

  3   Réponse:    Non, je suis resté deux semaines sur la ligne, deux équipes, et

  4   le reste du temps, je l'ai passé dans ma famille.

  5   Question:   Est-ce que vous avez participé à des actions, à des combats?

  6   Répondez par oui ou par non. Est-ce que vous avez participé à des combats?

  7   Je ne veux pas minimiser votre situation, mais quelle était votre position

  8   sur la ligne?

  9   Réponse:    Non, non, je n'ai pas participé.

 10   Question:   Vous n'avez pas non plus participé aux activités politiques

 11   locales en Bosnie centrale, au cours de l'été 1992?

 12   Réponse:    En 1992, non.

 13   Question:   Vous n'avez pas eu de rôle particulier au sein du gouvernement,

 14   de participation avec le gouvernement du HVO, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Non. Non, ceci ne m'intéressait pas, je n'y étais pas.

 16   Question:   Et est-ce que vous vous trouviez dans la région de Novi Travnik

 17   en été 1992, au moment où le HVO a ordonné que les autorités municipales

 18   locales soient démantelées et que la Défense territoriale municipale aussi

 19   se rattache, se subordonne au HVO? Est-ce que vous vous trouviez à

 20   l'époque à Novi Travnik?

 21   Réponse:    Monsieur, je ne suis pas au courant de cela. Vous me posez des

 22   questions comme si j'habitais tout le temps sur place. Moi, j'ai passé un

 23   certain temps, je suis allé deux semaines sur la ligne de front, sur la

 24   côte. Ensuite, j'ai passé mon temps en famille, j'ai visité quelques

 25   proches. Moi, je n'ai véritablement aucune connaissance, je ne sais même


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  1   pas de quoi vous parlez.

  2   M. le Président (interprétation): Je crois que nous pourrons progresser

  3   plus rapidement si vous vous contentez de répondre par oui ou par non

  4   quand vous le pouvez. Inutile, Monsieur Scott, de présenter toutes les

  5   questions à ce témoin.

  6   M. Scott (interprétation): Pour en terminer simplement sur ce sujet,

  7   Monsieur le Président, une dernière question. Vous nous dites que vous

  8   n'avez pas participé à cette époque à ces événements; j'ai parlé de la

  9   prise de contrôle du HVO à Novi Travnik. Vous n'avez pas participé à des

 10   actions qui avaient pour objet d'évincer certains éléments musulmans ou de

 11   la Défense territoriale, pardon, à l'époque donc, de leur caserne?

 12   M. Peric (interprétation): Non, Monsieur. Non, je n'ai pas participé à

 13   tout cela, j'ai été uniquement à Kamenjas.

 14   Question: Progressons dans le temps. Nous en arrivons à l'été 1993, moment

 15   où vous effectuez votre deuxième visite en Bosnie. Vous êtes reparti à

 16   Novi Travnik. Est-il exact de dire que vous y êtes arrivé cette fois-ci,

 17   pas à Novi Travnik mais en Bosnie, peu de temps après le 11 juillet 1993?

 18   Est-ce exact?

 19   Réponse:    Je ne suis pas venu à Novi Travnik. Je ne pouvais pas y aller.

 20   Moi, je suis arrivé dans la municipalité de Uskoplje.

 21   Question:   Je vais essayer de corriger ma question, vous avez tout à fait

 22   raison. En tout cas, vous êtes retourné en Bosnie et vous êtes arrivé à

 23   l'endroit où vous êtes resté cet été-là, autour de Uskoplje, où vous êtes

 24   arrivé peu de temps après le 11 juillet. Est-ce exact?

 25   Réponse:    Je ne connais pas la date exacte, mais je sais que c'était au


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  1   cours de la première moitié du mois de juillet. Je me suis rendu à Bosnie

  2   au cours de la première moitié du mois de juillet.

  3   Question: D'après la pièce de la défense D73/2 qui vous a été soumise il y

  4   a un instant, vous avez été arrêté à la frontière de Croatie le 11 juillet

  5   1993, au moment où vos armes ont été confisquées. Donc je suppose que vous

  6   avez pris un certain temps par la suite pour arriver à Uskoplje. Donc

  7   c'était après le 11, n'est-ce pas?

  8   Réponse:    Les armes ont été confisquées et puis je suis resté une journée

  9   ou deux à côté de Tomislavgrad pour visiter un de mes amis, ses parents.

 10   Et ce n'est qu'à cette époque-là que nous sommes partis avec un de mes

 11   amis en direction de Uskoplje. Par conséquent, c'était quelque peu après

 12   le 11 juillet.

 13   Question:   Vous dites que cette fois, vous vous êtes présenté au bataillon

 14   de la Lasva à Uskoplje, bataillon du HVO. Est-ce exact?

 15   Réponse:    Nous sommes arrivés dans un village appelé Trnovaca. Il y avait

 16   un commandement là-bas. Nous sommes allés les voir, ils nous ont dit

 17   qu'ils allaient nous verser au bataillon de la Lasva.

 18   Question:   Je vous repose la question: à quel officier vous êtes-vous

 19   présenté? Vous dites que vous étiez inscrit en tant que volontaire, quelle

 20   est la procédure que vous avez suivie?

 21   Réponse:    C'est exact, je n'étais pas seul. Il y avait quelques-uns qui

 22   étaient avec moi et nous nous sommes rencontrés à Tomislavgrad. Nous

 23   étions onze, douze à peu près, rassemblés, et nous nous sommes rendus à

 24   Trnovaca. C'est là où nous avons pu passer la nuit. C'était le siège d'un

 25   commandement, je ne sais pas exactement. Il y avait des dortoirs


Page 23131

  1   également.

  2   Question:   Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je vous ai dit:

  3   vous vous êtes présenté au bataillon de la Lasva, et vous dites que vous

  4   vous êtes inscrit en tant que volontaire. Est-ce que vous avez rempli des

  5   formulaires? Est-ce que vous vous êtes présenté à un officier particulier?

  6   Qu'avez-vous fait précisément?

  7   Réponse:    Je n'ai pas rempli de papier. On nous a tout simplement dit

  8   qu'ils allaient nous envoyer... Au fond, excusez-moi: nous avons appris

  9   qu'il y avait un certain nombre d'hommes qui sont arrivés de Novi Travnik

 10   et nous avons exprimé le souhait de nous joindre à ce groupe. Ils nous ont

 11   donné des armes ou des uniformes à ceux qui en avaient besoin. Au cours de

 12   la nuit, trois ou quatre jours, nous avons passé à Trnovaca. Ensuite, ils

 13   nous ont demandé si nous étions prêts éventuellement à ce qu'on nous

 14   envoie à Bistrica parce qu'à Bistrica, la situation était la plus

 15   difficile.

 16   Question:   Je vais reposer la question une dernière fois, puis nous

 17   passerons à autre chose. Lorsque vous vous êtes présenté au bataillon de

 18   la Lasva, mi-juillet 1993, qui était votre officier de commandement à

 19   l'époque?

 20   Réponse:    Nous étions onze ou douze, je ne sais pas exactement. Mais, au

 21   cours de la nuit, il y avait un espace dégagé...

 22   M. le Président (interprétation): Veuillez écouter ce qu'on vous dit,

 23   Monsieur. Quelle est la question?

 24   M. Scott (interprétation): Qui était votre officier de commandement au

 25   cours de ces quelques semaines que vous avez passées cette fois-là, en


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  1   Bosnie centrale, en 1993? Si vous connaissez un nom, dites-le nous!

  2   M. Peric (interprétation): Nous nous sommes mis d'accord entre volontaires

  3   que le feu Igor Sikiric soit notre commandant.

  4   Question:   Est-ce un homme que vous avez choisi parmi vous qui devait être

  5   votre officier de commandement?

  6   Réponse:    Exact.

  7   Question:   Et vous ne vous êtes pas rattaché à la moindre unité du HVO au

  8   cours de votre second séjour en Bosnie, en été 1993? Est-ce bien ce que

  9   vous êtes en train de déclarer à ces Juges de la Chambre?

 10   Réponse:    Eh bien, je vous ai dit, nous étions une dizaine. On nous a

 11   demandé de nous joindre à ceux qui se trouvaient sur la ligne à Bistrica.

 12   Il y avait sur cette ligne des hommes de Sebesici. C'était la ligne de la

 13   Lasva.

 14   Question: Ce n'était pas la question que je vous posais. Je vous la repose

 15   une dernière fois. Apparemment, il y avait ce monsieur que vous avez

 16   choisi parmi vous mais, à part lui, est-ce qu'il y a eu un officier du HVO

 17   ou un officier de la HV d'ailleurs à qui vous deviez vous présenter, à qui

 18   vous deviez faire rapport, au cours de ce deuxième séjour en Bosnie

 19   centrale? La question est toute simple quand même!

 20   Réponse: Mais je souhaite vous donner une explication. Je répète une fois

 21   de plus: nous étions dix. Nous nous sommes rendus sur la ligne de front.

 22   Il y avait un commandant local et il s'appelait Jozo Cerkez. C'est à lui

 23   que nous nous sommes présentés et il était notre commandant. Je ne sais

 24   pas s'il avait un grade ou non mais, de toute façon, c'est à lui que nous

 25   nous sommes présentés.


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  1   Question:   Fort bien. Vous dites vous être rendu à Bistrica, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    C'est exact.

  3   Question:   Je vais demander que l'on vous remette une carte, carte qui a

  4   été utilisée au cours de ce procès. Je n'ai pas la cote de cette carte. Ah

  5   oui, il s'agit de la pièce 2612.2.

  6   Pourrait-on la remettre au témoin de telle façon aussi qu'elle soit

  7   visible depuis le rétroprojecteur?

  8   (L'huissier s'exécute.)

  9   Dites-nous, pourriez-vous nous indiquer sur la carte où se trouve

 10   Bistrica?

 11   M. le Président (interprétation): Je vais demander au Procureur de

 12   déterminer où se trouve Gornji Vakuf sur la carte.

 13   Veuillez remettre la carte au Procureur ou au substitut qui pourra la

 14   plier comme il faut.

 15   M. Scott (interprétation): Moi, je travaillais à partir d'une carte

 16   différente de celle-ci, Monsieur le Président. Je ne m'y retrouve pas.

 17   Vous pourriez peut-être nous décrire de la meilleure façon possible où se

 18   trouve Bistrica parce que, malheureusement, j'ai utilisé une carte

 19   différente et il se peut que celle-ci ne reprenne pas ce territoire.

 20   Mais pourriez-vous nous dire de façon approximative où se trouve Bistrica

 21   par rapport à Novi Travnik, disons, ou par rapport au village ou à la

 22   ville d'importance suffisante pour qu'elle soit reprise sur cette carte? A

 23   quelle distance se trouve Bistrica de Novi Travnik? Commençons par cela.

 24   M. Peric (interprétation): Ce village de Bistrica se trouve sur la route

 25   entre Uskoplje et Novi Travnik. Par rapport à Uskoplje, c'est à 5 ou 6


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  1   kilomètres si vous empruntez le chemin, enfin, l'ancienne route qui passe

  2   par les montagnes.

  3   Question:   Et c'est là que vous avez passé la totalité de ce séjour en

  4   1993?

  5   Réponse:    Oui, pendant que j'étais en Bosnie, c'est là que j'étais. Puis,

  6   je me suis reposé à Prozor pendant trois ou quatre jours, sur le chemin du

  7   retour.

  8   Question:   Grâce à M. Nice et Mme Verhaag, j'ai la pièce 2618.2. On voit

  9   ici Gornji Vakuf. Puisque nous avons consacré suffisamment de temps à

 10   cette question, autant être précis. Je crois que le témoin pourra ainsi

 11   déterminer l'endroit où se trouve Bistrica.

 12   (Le document est remis au témoin.)

 13   Vous verrez que l'on a surligné Gornji Vakuf.

 14   (Le témoin montre l'emplacement sur la carte.)

 15   Est-ce que vous êtes en train de nous montrer où se trouve l'endroit?

 16   Réponse:    Oui, c'est le village de Bistrica que je pointe.

 17   Question:   Aux fins du dossier d'instance, je précise que ce témoin vient

 18   d'indiquer un endroit qui se trouve à quelques centimètres au nord de

 19   Gornji Vakuf.

 20   Au cours de cet été, vous n'étiez pas à proximité des villes de Travnik,

 21   Novi Travnik ou Vitez, vous n'avez été à aucun moment à proximité de ces

 22   endroits?

 23   Réponse:    Non.

 24   Question:   Nous progressons dans le temps. Vous êtes reparti en Bosnie,

 25   donc au cours de l'été 1993. A cette époque-là, vous aviez compris que


Page 23135

  1   votre ancienne position, l'été précédent de Kamenjas, n'était plus occupée

  2   par le HVO. C'est bien cela, n'est-ce pas?

  3   Réponse:    Oui, c'est exact, parce qu'un certain nombre d'hommes qui sont

  4   de cette partie de Novi Travnik étaient avec moi. Ce sont eux qui m'ont

  5   dit qu'il n'y avait plus de HVO sur Kamenjas.

  6   Question:   Mais n'est-ce pas un fait de dire que le HVO s'était retiré et,

  7   en fait, avait laissé livrer Kamenjas aux Serbes, sans livrer combat, au

  8   cours du mois de juin ou peut-être de juillet 1993?

  9   Réponse:    Je ne suis pas au courant de ces détails.

 10   Question:   Est-ce que vous avez reçu des renseignements à ce propos, parce

 11   que vous vous trouviez dans la région, vous êtes originaire de cette

 12   région? Est-ce que, au cours de cet été 1993, vous avez appris que le HVO

 13   s'était retiré sans livrer de combat de ce point de Kamenjas?

 14   Réponse:    Je sais que les Musulmans les ont attaqués. Je sais également

 15   qu'ils ont dû battre en retraite du côté de ces villages, car j'ai

 16   rencontré ces hommes: ils ont été capturés par des Serbes initialement et

 17   ils voulaient retourner chez eux.

 18   M. le Président (interprétation): Je crois qu'il a déjà répondu à la

 19   question du mieux qu'il pouvait.

 20   M. Scott (interprétation): Fort bien. Nous voulons faire valoir que ceci a

 21   été livré après accord avec le HVO.

 22   M. le Président (interprétation): Ce témoin ne peut pas nous aider. Il ne

 23   faut pas présenter vos thèses par le truchement du témoin.

 24   M. Scott (interprétation): Encore une question sur ce point. Est-ce

 25   toujours au cours de cette période où vous vous trouviez en Bosnie que


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  1   cette côte a été reprise aux Serbes par l'armée de Bosnie-Herzégovine?

  2   M. Peric (interprétation): Je ne sais pas. Mais comment voulez-vous que je

  3   le sache? Moi, j'ai écouté Radio Sarajevo, mais on ne pouvait pas faire

  4   confiance à ce que l'on disait à la radio, ni aux uns ni aux autres.

  5   Question:   Très bien, vous avez répondu à ma question.

  6   Réponse:    Merci.

  7   Question:   J'essaie d'élaguer un peu pour voir s'il y a des questions que

  8   je n'ai pas posées. Vous nous dites être originaire du village de

  9   Stojkovici, dans la municipalité de Novi Travnik. C'est bien exact?

 10   (Le témoin acquiesce.)

 11   Est-ce bien à cet endroit que vous vivez aujourd'hui?

 12   Réponse:    C'est exact.

 13   Question: Au cours de cette période que vous avez passée à cet endroit, en

 14   1993, est-ce que vous saviez qu'une partie du village est devenu un lieu

 15   de détention -c'était peut-être une cour d'usine ou le bâtiment d'une

 16   entreprise de construction-, que c'est devenu une installation où l'on a

 17   détenu des civils musulmans?

 18   Réponse:    Ce n'est pas en 1993 que j'étais à Stojkovici. J'étais à

 19   Bistrica tout ce temps-là. C'est de cela que je vous ai parlé, Monsieur.

 20   Question:   Je comprends bien que c'était votre village natal et jamais,

 21   vous n'avez su au cours de cette période qu'une partie de votre village

 22   était utilisée comme camp de détention pour les civils musulmans? Vous

 23   n'en avez aucune connaissance? Est-ce exact?

 24   Réponse:    Non, je ne sais pas. Je ne sais pas. Comment voulez-vous et

 25   comment puis-je le savoir si je n'avais rien à voir avec cet endroit, à


Page 23137

  1   cette époque-là?

  2   Question:   Lorsque vous vous trouviez à Bistrica, l'été 1993, est-ce que

  3   des prisonniers civils ou militaires musulmans ont été amenés à cet

  4   endroit où vous étiez afin de creuser des fortifications ou des tranchées

  5   pour les forces du HVO?

  6   Réponse:    Là où je me trouvais, il n'y avait pas de civils, il n'y avait

  7   pas de prisonniers non plus. D'un côté, c'étaient les soldats du HVO et,

  8   de l'autre côté, s'il y avait des civils, je n'en sais rien.

  9   Question:   Bien. Dernière question sur ce point. Vous ne vous souvenez pas

 10   que des prisonniers aient été amenés du lieu de détention à Stojkovici,

 11   dans votre région, afin de creuser des fortifications au cours du mois de

 12   juillet 1993? Répondez par oui ou par non.

 13   Réponse:    Excusez-moi mais, Monsieur, vous me mettez dans la bouche

 14   quelque chose que je n'ai pas dit. Moi, je vous ai dit qu'il n'y en avait

 15   pas.

 16   Question:   Parlons de la perte, de la disparition de votre beau-frère, ce

 17   qui est bien sûr regrettable, mais vous n'avez pas d'information de

 18   première main s'agissant de sa mort ou de sa disparition?

 19   Réponse:    J'ai quelques connaissances, mais je ne voudrais pas en parler.

 20   Si on peut éventuellement en parler en tête-à-tête, oui. Mais je le sais,

 21   il y a les quatre personnes qui le savent: le commandant du 3e Corps

 22   d'armée, le commandant de la police...

 23   Question:   Ce n'est pas la question que je vous ai posée, Monsieur. Vous,

 24   vous n'avez aucune information...

 25   M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà répondu.


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  1   M. Scott (interprétation): Apparemment, vous avez appris par ouï-dire

  2   qu'il avait été tué par des Moudjahidin. Quand vous parlez des

  3   Moudjahidin, vous utilisez ce terme pour décrire la totalité de l'armée

  4   des Musulmans ou bien est-ce que vous pensez à certains éléments en

  5   particulier?

  6   Réponse:    Non, Monsieur, je pense à des hommes qui sont bien déterminés.

  7   Je n'identifie pas tout le monde avec des Moudjahidin. Il y avait des

  8   étrangers, mais il y avait également quelques personnes du pays qui ont

  9   rejoint les Moudjahidin, mais c'est une espèce d'hommes toute

 10   particulière.

 11   M. Scott (interprétation): Pour en terminer sur cette partie de votre

 12   déposition, voici ma dernière question. Vous avez quitté une fois de plus

 13   la Bosnie vers le milieu du mois d'août 1993. C'est bien ce que vous avez

 14   dit aujourd'hui, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Oui. C'était au cours de la première moitié du mois d'août.

 16   Question:   Si, une fois de plus, vous étiez en Bosnie, vous y avez passé

 17   cette fois-ci aussi quelque quatre semaines. Est-ce exact?

 18   Réponse:    Je ne sais pas exactement combien de temps. C'était très dur à

 19   cette époque-là, on ne peut pas retenir tout. Si vous ne dormez pas

 20   pendant quatre, cinq, six jours, à ce moment-là, vous voyez comment

 21   c'était.

 22   Question: Vous ne contestez pas le fait que vous êtes parti au cours de la

 23   première moitié du mois d'août?

 24   Réponse:    Exact.

 25   M. le Président (interprétation): Il avait dit "milieu du mois d'août".


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  1   M. Scott (interprétation): Oui, je ne suis pas en désaccord avec vous,

  2   mais je pense qu'aux lignes 20, 21, on parle de "première moitié du mois

  3   d'août". Peu importe. Vous vous y trouviez, vous étiez arrivé après avoir

  4   été stoppé à la frontière, le 11 juillet, pour plusieurs jours à

  5   Tomislavgrad, ce qui veut dire que vous avez passé environ quatre

  6   semaines, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    Oui, à peu près.

  8   Question:   Est-ce que cela s'est passé cet été-là comme l'été précédent?

  9   Vous avez passé quasiment deux semaines sur la ligne et, les deux ou trois

 10   semaines qui demeuraient, si vous avez passé cinq semaines là, vous avez

 11   passé ces deux ou trois dernières semaines avec votre famille, dans la

 12   région?

 13   Réponse:    Je n'ai pas les membres de ma famille dans la région de

 14   Uskoplje. C'est la raison pour laquelle je suis resté en ville tout le

 15   temps, sauf évidemment à l'époque où je suis retourné à Varazdin.

 16   Question:   Vous ne savez rien à propos de l'accusé Mario Cerkez, n'est-ce

 17   pas?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Jamais vous ne l'avez rencontré?

 20   Réponse:    Non plus.

 21   Question:   Vous n'avez rien eu à faire avec lui au cours de vos deux

 22   séjours en Bosnie, est-ce exact?

 23   Réponse:    Monsieur, je ne peux que supposer que Mario Cerkez est l'un de

 24   ces deux messieurs. Je ne l'ai jamais rencontré, je ne l'ai jamais vu, je

 25   n'ai jamais entendu parler de lui.


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  1   Question:   Mais ceci vaut aussi en gros pour l'accusé Dario Kordic, n'est-

  2   ce pas? Vous pensez qu'éventuellement, vous l'avez rencontré une fois,

  3   mais au fond vous ne connaissez pas M. Kordic, pas plus que vous ne savez

  4   quoi que ce soit à son sujet?

  5   Réponse:    C'est exact, Monsieur.

  6   Question: Vous vous souvenez seulement avoir entendu dire que -c'est comme

  7   cela que vous l'avez formulé- "c'est un des principaux hommes politiques

  8   de Bosnie centrale"?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Et rien ne vous permet de dire quel pouvoir ou autorité

 11   militaire M. Kordic avait éventuellement ou n'avait pas?

 12   Réponse:    A ma connaissance, suivant la presse, il n'avait aucun rôle

 13   militaire. C'était un homme politique.

 14   Question:   Vous ne savez tout simplement pas ce qu'il en est, ni dans un

 15   sens ni dans l'autre?

 16   Réponse:    Je sais que, dans la presse et à la télévision, j'ai pu

 17   également voir et lire que M. Dario est un homme politique. Mais bien

 18   évidemment je ne peux pas savoir ce qui, personnellement, concerne M.

 19   Kordic.

 20   M. le Président (interprétation): Je crois que maintenant nous avons

 21   suffisamment parlé de ceci. Ce témoin dépose depuis plus d'une heure

 22   aujourd'hui.

 23   M. Scott (interprétation): J'ai commencé à 12 heures 05. Je terminerai

 24   avant 13 heures.

 25   M. le Président (interprétation): Non, vous allez terminer parce qu'il


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  1   faut quand même garder un sens des proportions.

  2   M. Scott (interprétation): Permettez-moi de parcourir rapidement les

  3   questions que j'avais l'intention de poser.

  4   M. le Président (interprétation): Oui.

  5   M. Scott (interprétation): Je vais en fait abandonner toute une série de

  6   questions pour simplement poser une question à ce témoin.

  7   Pendant le temps que vous avez passé en Croatie, lorsque vous êtes rentré

  8   en Croatie, entre vos passages en Bosnie, est-ce que vous avez appris que

  9   des jeunes hommes croates se plaignaient du fait qu'ils étaient appelés

 10   sous les drapeaux de l'armée croate et qu'ils étaient envoyés en Bosnie

 11   contre leur volonté pour lutter contre les Musulmans en Bosnie?

 12   M. Peric (interprétation): Je ne suis pas au courant de ce fait.

 13   Question:   Vous ne vous souvenez pas que la presse croate en

 14   parlait beaucoup?

 15   Réponse:    Non, je ne sais pas.

 16   Question:   D'accord.

 17   Au cours de vos deux missions -ce sera ma dernière question, Monsieur le

 18   Président- en Bosnie, est-ce qu'on vous a demandé de signer une

 19   déclaration? Est-ce que le gouvernement croate vous aurait demandé de

 20   signer une déclaration selon laquelle vous partiez "en tant que

 21   volontaire"?

 22   Réponse:    Je suis un homme ordinaire, je ne peux pas aboutir jusqu'à ce

 23   niveau-là, jusqu'au gouvernement croate.

 24   Question:   Je n'ai plus de questions, je vous remercie.

 25   M. Mikulicic (interprétation): Je n'ai pas de questions supplémentaires.


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   1   M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur Peric, merci d'être venu

  2   déposer devant ce Tribunal. Votre déposition est terminée, vous pouvez

  3   disposer.

  4   M. Peric (interprétation): Merci à vous.

  5   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

  6   M. le Président (interprétation): Nous allons commencer la déposition du

  7   prochain témoin. Est-ce qu'il s'agira de M. Slavko Jukic?

  8   M. Mikulicic (interprétation): Oui, il s'agira de M. Slavko Jukic.

  9   M. Bennouna: Monsieur Mikulicic, vous pensez interroger pendant combien de

 10   temps ce témoin? Parce que cela ne semble pas très substantiel comme

 11   témoignage, d'après le résumé. Combien de temps pensez-vous interroger ce

 12   témoin?

 13   (Le témoin, M. Zlavko Jukic, est introduit dans le prétoire.)

 14   (Le témoin, M. Jukic, est interrogé par M. Mikulicic.)

 15   M. Mikulicic (interprétation): Je suppose, Monsieur le Juge, que je

 16   n'aurai pas besoin d'au-delà d'une heure, une heure au maximum.

 17   M. le Président (interprétation): Plutôt moins, de préférence.

 18   M. Bennouna: En tenant compte du résumé, je crois que cela devrait vous

 19   prendre beaucoup moins que cela.

 20   M. Mikulicic (interprétation): Je vais essayer de faire de mon mieux.

 21   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il prononcer la

 22   déclaration solennelle?

 23   M. Jukic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 24   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur.


Page 23143

  1   Vous avez la parole, Maître Mikulicic.

  2   M. Mikulicic (interprétation): Bonjour, Monsieur Jukic. Au nom de la

  3   défense de M. Cerkez, je vais vous poser quelques questions. Je vais vous

  4   demander de bien vouloir me répondre selon votre meilleur souvenir.

  5   Je vais vous demander à la fois de bien vouloir attendre avant de donner

  6   la réponse, de ménager des pauses avant que la traduction soit faite, car

  7   nous parlons une même langue et les interprètes font leur travail.

  8   Monsieur Jukic, pourriez-vous, pour les besoins du transcript, nous dire

  9   votre nom, votre prénom et votre date de naissance, enfin décliner votre

 10   identité?

 11   M. Jukic (interprétation): Je m'appelle Slavko Jukic et je suis né le 21

 12   mars 1961.

 13   Question:   Vous êtes né à Zenica?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Vous êtes marié et vous avez quatre fils?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Vos fils ont de 4 à 18 ans?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Vous êtes commerçant, vous avez terminé une école

 20   secondaire d'option commerciale à Zenica, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Et vous êtes entrepreneur, enfin vous avez un commerce?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Avant la guerre, vous avez travaillé comme contremaître

 25   dans une société de meubles à Vitez, n'est-ce pas?


Page 23144

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Et depuis la fin décembre 1991, vous êtes propriétaire

  3   d'un restaurant désigné "Kamin" qui se trouve au centre de Vitez?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Est-il vrai, Monsieur Jukic, que votre restaurant se

  6   trouve sur un axe où il y a beaucoup de trafic?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Est-il vrai de dire qu'à Vitez et dans les environs, il

  9   n'y a aucun autre restaurant désigné par ce nom ou une autre installation

 10   qui porte le même nom?

 11   Réponse:    Oui, vous avez raison.

 12   Question:   Début 1993, vers la fin du mois de janvier, il y a

 13   quelque chose qui s'est produit dans votre restaurant?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Pourriez-vous très brièvement nous donner la

 16   description de cet événement?

 17   Réponse:    Je pense que c'était vers le 29 janvier 1992, au cours de la

 18   nuit; c'était entre 23 heures 30 et minuit, je ne peux pas véritablement

 19   me souvenir exactement...

 20   Question:   Excusez-moi de vous interrompre. Vous avez dit 1992. Ce

 21   n'était pas 1993?

 22   Réponse:    1993, excusez-moi, c'était un lapsus.

 23   Question:   Je vous en prie, vous pouvez poursuivre.

 24   Réponse:    C'était en 1993. Une fois que nous avons eu terminé notre

 25   travail, nous sommes rentrés chez nous, mais à ce moment-là, j'ai entendu


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  1   une explosion assez violente et on m'a appelé chez moi. On m'a dit que mon

  2   restaurant avait fait l'objet d'une explosion, que des explosifs avaient

  3   été placés. Je me suis rendu sur place tout de suite et j'ai pu remarquer

  4   que la face de mon restaurant, enfin, du bâtiment était complètement

  5   détruite; tout avait été pratiquement propulsé à l'extérieur.

  6   Question:   Monsieur Jukic, vous avez dit qu'on vous a appelé au

  7   téléphone. Est-il vrai de dire que c'est le locataire du bâtiment où se

  8   trouvait votre restaurant qui vous a appelé?

  9   Réponse:    Oui, effectivement, c'est par téléphone qu'il m'a appelé.

 10   Question:   Merci. Vous avez constaté les dégâts. Est-il vrai de dire

 11   également que la police civile est descendue sur les lieux pour dresser un

 12   constat?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Est-ce qu'après cet événement, vous avez obtenu une information

 15   pour savoir qui était l'auteur de ces faits? Qui, éventuellement, a déposé

 16   les explosifs?

 17   M. Nice (interprétation): Avant que le témoin ne réponde, vous savez que

 18   nous soulevons beaucoup d'objections pour ouï-dire, mais je constate, ici,

 19   que c'est un récit très éloigné. On ne nous a pas expliqué pourquoi il n'y

 20   a pas une meilleure narration, plus directe, des événements de ce

 21   qu'apparemment, le témoin va relater. Je m'oppose à ce type d'ouï-dire

 22   pour ce qui est de ce témoin parce que ce n'est pas utile pour le

 23   Tribunal.

 24   M. le Président (interprétation): C'est peut-être possible, mais pourriez-

 25   vous nous expliquer, Maître Mikulicic, comment il se fait que ce témoin


Page 23146

  1   dispose de ces informations?

  2   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Jukic, est-il vrai de dire

  3   qu'après cet événement, vous vous êtes entretenu avec le commandant de la

  4   police civile de Vitez au sujet de ce qui s'était passé dans votre

  5   restaurant?

  6   M. Jukic (interprétation): Oui, c'est exact.

  7   Question: Est-il vrai également que ce monsieur répondait au nom de Samija

  8   Marko?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Quand vous avez posé la question à M. Samija pour lui demander

 11   si lui était au courant de qui éventuellement avait placé la bombe dans

 12   votre restaurant, est-ce qu'il vous a dit quelque chose?

 13   Réponse:    Oui, j'ai posé la question...

 14   M. le Président (interprétation): Vous pouvez répondre.

 15   M. Jukic (interprétation): Oui, j'ai posé la question à M. Samija. Je lui

 16   ai demandé si, éventuellement, il pouvait découvrir l'auteur de ce crime.

 17   Il m'a dit qu'ils avaient obtenu une information grâce à un certain nombre

 18   de relations qu'ils avaient et qu'il avaient appris que c'était un groupe

 19   de la TO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui l'avait fait. C'était un

 20   des membres de la TO ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 21   M. Mikulicic (interprétation): Entendu. Est-ce que, grâce à cet entretien,

 22   vous avez été informé que les policiers ont obtenu cette information grâce

 23   au fait qu'ils avaient intercepté ces informations?

 24   Réponse:    Est-ce que vous pouvez me répéter la question?

 25   Question:   Est-ce que M. Samija Marko, le commandant de la station de


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  1   police civile, vous avait conclu qu'ils ont obtenu cette information grâce

  2   au fait qu'ils ont intercepté par téléphone cette information?

  3   Réponse:    Oui, effectivement.

  4   Question:   Monsieur Jukic, pourriez-vous me dire si vous connaissez la

  5   personne répondant au nom de Sulejman Kalco de Vitez?

  6   Réponse:    Oui, mais très superficiellement. Il venait de temps à autre

  7   dans mon restaurant. J'ai appris qu'il était soi-disant un commandant à

  8   Stari Vitez. Je ne sais pas exactement.

  9   Question:   Entendu. Est-ce qu'il se rendait au restaurant chez vous?

 10   Réponse:    Oui, il est venu à quelques reprises.

 11   Question:   Je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur la pièce à

 12   conviction qui a été déjà versée, D65/2-B. Il s'agit d'une reproduction et

 13   de la transcription de la cassette audio de l'entretien qui a été

 14   intercepté et qui a été mené par Sulejman Kalco.

 15   M. le Président (interprétation): Je crois que le moment se prête bien à

 16   la pause. Nous passons au 2.5?

 17   M. Mikulicic (interprétation): Oui. Nous avons en fait terminé l'examen du

 18   paragraphe 2.5.

 19   M. le Président (interprétation): Monsieur Jukic, nous allons lever

 20   l'audience. Veuillez être de retour à 14 heures 30. Vous pourrez ainsi

 21   poursuivre votre déposition, mais n'oubliez pas: ne discutez avec personne

 22   de votre déposition au cours de la suspension et ceci concerne aussi les

 23   avocats de la défense; ne parlez avec personne de votre déposition tant

 24   qu'elle n'est pas terminée. Nous reviendrons en audience à 14 heures 30.

 25   (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)


Page 23148

  1   M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Monsieur.

  2   Mikulicic.

  3   M. Mikulicic (interprétation): Merci. Poursuivons. Monsieur Jukic, dites-

  4   nous, s'il vous plaît, à l'époque ou avant les événements dont nous

  5   parlons, aviez-vous des fonctions dans les pouvoirs locaux à Vitez?

  6   M. Jukic (interprétation): Non, je n'avais pas de fonction à Vitez.

  7   Question: Sur le plan politique, étiez-vous une figure importante à Vitez?

  8   Réponse:    Non, je n'étais pas quelqu'un d'important.

  9   Question:   Etiez-vous membre du HDZ de Bosnie-Herzégovine, à l'époque ou

 10   maintenant?

 11   Réponse:    A l'époque, je ne l'étais pas, mais aujourd'hui, je le suis.

 12   Question:   Nous avons dit que votre restaurant se trouve à un endroit très

 13   fréquenté à Vitez et que vous aviez beaucoup de clients. Peut-on dire que

 14   des soldats s'y rendaient également, ainsi que des officiers du HVO, tout

 15   comme les membres de la Forpronu, les observateurs européens, les membres

 16   du CICR?

 17   Réponse:    Oui, à l'époque. Puisque c'était l'unique restaurant de la

 18   ville, il était très fréquenté, très bien vu. Très souvent, des officiers

 19   du HVO venaient ainsi que des civils, des Musulmans, des Croates, des

 20   Serbes et je recevais un grand nombre de membres de la Forpronu, des

 21   représentants du HCR aussi.

 22   Question:   Pour conclure, vous receviez une clientèle de tout bord, de

 23   toute appartenance ethnique? Il n'y avait aucune discrimination sur ce

 24   plan?

 25   Réponse:    Non, absolument pas.


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  1   Question:   Monsieur Jukic, vous est-il arrivé d'avoir un conflit, quel

  2   qu'il soit, avec d'autres personnes? Avez-vous reçu des menaces?

  3   Réponse: Non, je m'occupais de mon commerce, je n'étais pas actif dans la

  4   politique, je n'ai jamais été en conflit avec qui que ce soit, que ce soit

  5   avec la population musulmane ou avec les Croates. Voilà.

  6   Question:   Bien. Monsieur Jukic, avant que votre restaurant ne soit

  7   plastiqué, avez-vous reçu des menaces, que ce soit de manière directe ou

  8   indirecte?

  9   Réponse:    Non, jamais. Ni par téléphone ni directement. Vraiment, je n'ai

 10   eu aucune annonce de menaces ni menaces proprement dites.

 11   Question:   Nous pouvons donc considérer qu'il s'agissait d'une surprise

 12   pour vous?

 13   Réponse:    Ah oui! Parce que c'était un endroit calme, où l'on se rendait

 14   pour déjeuner, pour s'installer... Voilà.

 15   Question: Monsieur Jukic, à l'époque, une unité militaire était venue dans

 16   cette ville, qui était extérieure à la municipalité de Vitez: elle était

 17   arrivée de Herzégovine. Vous rappelez-vous?

 18   Réponse:    Oui, je me rappelle. J'ai entendu dire que c'était une unité de

 19   Herzégovine. Enfin, c'est l'information que j'ai eue.

 20   Question:   Vous rappelez-vous le nom de cette unité? Savez-vous à quelle

 21   formation appartenait cette unité?

 22   Réponse:    Au début, je ne le savais pas, mais c'est plus tard que je l'ai

 23   appris, que c'était -si je ne me trompe pas- l'unité Bruno Busic ou

 24   quelque chose de ce genre.

 25   Question:   Les membres de l'unité Ludvig Pavlovic étaient-ils eux aussi à


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  1   Vitez? Le savez-vous?

  2   Réponse:    C'est possible. Je n'arrive pas à me rappeler exactement. En

  3   fait, je sais qu'il y avait une unité de Herzégovine, mais je ne sais pas

  4   exactement... En fait, je n'arrive pas à me rappeler exactement comment

  5   elle s'appelait.

  6   Question: Eux aussi se rendaient-ils dans votre restaurant, les membres de

  7   cette unité?

  8   Réponse:    Oui, je n'avais jamais eu de problèmes avec eux, rien de ce

  9   genre. Plusieurs fois, en fait, je les ai reçus gratuitement quand ils

 10   sont venus déjeuner. Voilà.

 11   Question: D'autres personnes auraient peut-être eu des problèmes avec eux:

 12   auraient-ils été à l'origine d'incidents en ville?

 13   Réponse:    Oui, j'ai entendu dire qu'à Novi Travnik, ils ont pratiquement

 14   démoli plusieurs commerces, enfin des établissements hôteliers, des

 15   restaurants, des cafés.

 16   Question:   S'agissait-il exclusivement d'établissements musulmans ou les

 17   membres de cette unité auraient-ils également démoli des commerces

 18   croates?

 19   Réponse:    Il y avait aussi des établissements croates, qui étaient

 20   entièrement croates.

 21   Question:   Savez-vous si les auteurs de ces infractions ont été

 22   interpellés? Est-ce qu'on a appris qui étaient ces gens? Ont-ils fait

 23   l'objet d'une procédure quelconque?

 24   Réponse:    Je ne le sais pas.

 25   Question:   Monsieur Jukic, permettez-moi d'attirer votre attention sur les


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  1   événements qui se sont produits peu avant que le conflit n'éclate à Vitez.

  2   Il s'agit du 16 avril 1993.

  3   M. Nice (interprétation): J'ai demandé à mon collègue de ne pas poser de

  4   questions directrices sur les dates.

  5   M. Mikulicic (interprétation): Veuillez m'excuser. Je vais reformuler ma

  6   question: Monsieur Jukic, vous rappelez-vous ce qui a précédé le conflit à

  7   Vitez? Quels sont les événements qui se sont produits? Qu'avez-vous

  8   entendu? Qu'avez-vous fait?

  9   Réponse:    Oui, je me souviens très bien. Dans l'après-midi -si je ne me

 10   trompe pas, c'était le 15-, nous avons entendu qu'il y a eu une attaque en

 11   ville; en fait, qu'à Kuber, il y avait eu une attaque: un groupe… Comment

 12   dire exactement? Un groupe de gardes croates… Je n'arrive pas à m'exprimer

 13   correctement. En fait, qu'il y a eu deux ou trois Croates qui ont été tués

 14   à cette occasion, à l'occasion de cette attaque et que, le même jour, nous

 15   avons également entendu qu'à Zenica, M. Totic a été arrêté et qu'il avait

 16   une escorte, enfin, des gardes du corps qui ont été tués.

 17   Question:   Vous avez dit que c'était le 15. Vous rappelez-vous le mois et

 18   l'année?

 19   Réponse:    Le 15 avril. Le 15 avril 1993.

 20   Question:   Monsieur Jukic, vous dites qu'une unité a été attaquée à Kuber.

 21   Vous n'avez pas dit qui l'a attaquée. Avez-vous appris quelque chose à ce

 22   sujet?

 23   Réponse:    Nous avons entendu dire que c'était l'armée de Bosnie-

 24   Herzégovine qui a mené cette attaque. Du moins, c'est l'information que

 25   nous avons eue: qu'ils ont conduit cette attaque et que trois Croates ont


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  1   été tués. Encore aujourd'hui, ils n'ont pas été retrouvés.

  2   Question: A Kuber, à cet endroit de Kuber, savez-vous ce que faisaient les

  3   Croates, les soldats croates, à cet endroit? Quelle était leur mission à

  4   cet endroit où ils ont été attaqués par la suite?

  5   Réponse:    Pour autant que je le sache, ils étaient chargés de garder la

  6   ligne de front avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, face aux Serbes.

  7   Question: Bien. En plus des deux incidents que vous venez de mentionner, y

  8   en a-t-il eu d'autres, peut-être de moindre envergure, ou est-ce tout?

  9   Réponse: Non, non, il y en a eu davantage, mais je n'arrive peut-être pas

 10   à me rappeler tout cela. Mais il y en a eu beaucoup.

 11   Question:   Monsieur Jukic, qu'avez-vous fait le soir en question au sujet

 12   de votre restaurant?

 13   Réponse:    Le soir en question, vers 20 heures, nous avons fermé, fermé

 14   notre établissement, notre restaurant. Nous avons fermé à clef et nous

 15   sommes rentrés chez nous, là où j'habitais, où je vivais.

 16   Question:   Et où habitiez-vous, Monsieur Jukic?

 17   Réponse:    Là où j'habite encore aujourd'hui. C'est à Nadioci, dans la

 18   municipalité de Vitez. C'est à 7 ou 8 kilomètres de Vitez.

 19   Question:   Et par la suite, qu'avez-vous fait après le début du conflit à

 20   Vitez et dans les environs?

 21   Réponse: Ce que je faisais, si je ne me trompe pas, le 16, nous avons été

 22   mobilisés pour nous rendre sur la ligne de front. J'ai rejoint la Défense

 23   à Kuber. C'était dans les hauteurs par rapport à ma maison, par rapport à

 24   mon village.

 25   Question: Donc vous avez été mobilisé et, en fait, vous avez été chargé de


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  1   défendre votre village, le village de Nadioci?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question: Et combien de temps avez-vous passé, à peu près, sur cette ligne

  4   de front?

  5   Réponse: Eh bien, j'y ai passé à deux reprises dix mois. En fait, en deux

  6   parties.

  7   Question:   Monsieur Jukic, à l'époque, vous aviez deux voitures: une

  8   voiture de tourisme et une camionnette. Est-ce exact?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Je suppose, vous me corrigerez si j'ai tort, que cette

 11   camionnette, vous en aviez besoin pour votre restaurant?

 12   Réponse:    C'est exact.

 13   Question:   Et qu'est-il arrivé à ces deux voitures après le début du

 14   conflit?

 15   Réponse:    Ces deux véhicules ont été réquisitionnés. La camionnette a été

 16   employée comme ambulance parce que c'était nécessaire pour les véhicules

 17   de ce service, et la voiture de tourisme a été utilisée pour les besoins

 18   de l'armée… Comment dire?

 19   Question:   Très bien. Vous dites que cela s'est produit en avril 1993.

 20   Suite à ces événements, à quel moment êtes-vous revenu dans la ville même

 21   de Vitez?

 22   Réponse:    Je crois que c'était deux mois plus tard. Quand on a

 23   réquisitionné ma camionnette, j'étais au volant de cette ambulance donc

 24   pendant deux mois à peu près.

 25   Question:   Autrement dit, vous étiez au volant de cette ambulance pour les


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  1   besoins du HVO?

  2   Réponse:    C'est cela.

  3   Question: Monsieur Jukic, vous rappelez-vous un incident qui s'est produit

  4   vers le milieu de l'année 1993? A un moment, avec d'autres personnes, vous

  5   étiez dans un véhicule tout terrain en direction de Vitez?

  6   Réponse:    Oui. Oui, je sais. C'était la première fois que je me rendais à

  7   Vitez. Quant au nom des personnes, c'étaient deux amis, plutôt trois amis

  8   à moi et un quatrième homme était avec nous: c'était le frère de mon

  9   épouse. Donc on a quitté ma localité de Nadioci, on voyageait en direction

 10   de Vitez. Et puis, à Buhine Kuce, c'est sur la ligne Kaonik-Vitez, un

 11   tireur isolé a touché le frère de mon épouse, Zarko Malenica. A cette

 12   occasion, un ami, M. Zoran Mravak, qui était assis à côté de moi, a été

 13   blessé.

 14   Question:   Vous-même, vous n'avez pas été blessé à cette occasion?

 15   Réponse:    Non, je n'ai pas été blessé mais, malheureusement, mon beau-

 16   frère est décédé par la suite.

 17   Question:   Monsieur Jukic, je regrette cet événement, bien entendu, mais

 18   une question à ce sujet. Avez-vous pu déterminer qui a tiré sur votre

 19   véhicule et d'où provenaient les tirs?

 20   Réponse:    Oui, c'était très simple. Il était très simple de le savoir

 21   puisque c'était l'endroit le plus difficile pour passer. A tout moment, il

 22   y avait l'activité des tireurs isolés sur les véhicules qui passaient sur

 23   cette route et c'étaient les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 24   Question: Monsieur Jukic, pendant ces événements à Vitez, qu'est-il advenu

 25   de votre restaurant, du restaurant "Kamin"?


Page 23155

  1   Réponse:    Durant le conflit, mon restaurant a été entièrement détruit

  2   pendant le pilonnage de la ville et ainsi, comme je l'ai dit, il était

  3   complètement détruit. Nous avons dû complètement le rénover plus tard.

  4   Question:   Donc vous l'avez fait? Vous l'avez rénové?

  5   Réponse:    Oui, en 1994.

  6   Question: Un point que je souhaite préciser, Monsieur Jukic. Vous avez dit

  7   que cette voiture tout terrain où vous étiez avec Zarko Malenica, qui est

  8   mort depuis, que c'est près du village Buhine Kuce qu'on a tiré sur ce

  9   véhicule?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Et, dites-moi, quelle est la force militaire qui avait le

 12   contrôle dans ce village? Le village était entre les mains de qui?

 13   Réponse:    Pour autant que je le sache, c'était l'armée de Bosnie-

 14   Herzégovine.

 15   Question:   Et un dernier sujet que je souhaite aborder, Monsieur Jukic. Je

 16   souhaite vous poser des questions au sujet de mon client, M. Mario Cerkez.

 17   Le connaissez-vous?

 18   Réponse:    Oui, je connais bien Mario.

 19   Question:   Où l'avez-vous connu?

 20   Réponse:    Je le connais en tant qu'habitant de Vitez. C'est quelqu'un qui

 21   est très correct, un homme très correct qui vient d'une famille ouvrière

 22   très honnête. Je n'ai jamais entendu dire du mal de lui, qu'il aurait fait

 23   quoi que ce soit de mal.

 24   Question:   Se rendait-il dans votre restaurant en tant que client?

 25   Réponse:    Oui, pratiquement tous les jours, et j'aimais beaucoup le


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  1   recevoir.

  2   Question:   Lorsqu'il venait dans votre restaurant, est-il arrivé qu'il

  3   parle de manière dénigrante de Musulmans ou des autres? Etait-il chauvin?

  4   Réponse:    Non, non, enfin je dois dire que cela ne m'intéressait pas

  5   particulièrement et que je n'écoutais pas vraiment, mais je pense qu'il ne

  6   pourrait pas se comporter ainsi.

  7   Question:   Monsieur Jukic, savez-vous quel est le poste qu'occupait M.

  8   Cerkez, à l'époque, dans le HVO?

  9   Réponse:    Je ne le sais pas.

 10   Question:   Savez-vous qu'à l'époque, il était commandant de la Brigade de

 11   Vitez?

 12   Réponse:    Je ne sais pas, je ne connais pas ces choses. Il avait des

 13   fonctions, mais je ne sais pas. A l'époque, je n'étais pas au courant de

 14   cela.

 15   Question: Vous est-il jamais arrivé de venir le voir là où il exerçait ses

 16   fonctions militaires?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question: Je vous remercie, Monsieur Jukic. Je n'ai plus questions pour ce

 19   témoin.

 20   M. le Président (interprétation): Maître Naumovski?

 21   M. Naumovski (interprétation): La défense de M. Kordic n'a pas de question

 22   pour ce témoin, Monsieur le Président.

 23   M. Nice (interprétation): J'ai quelques questions à vous poser.

 24   M. le Président (interprétation): Avant de commencer, vous souhaitiez

 25   soulever un point ex parte. Nous pourrons le faire à 16 heures si nous


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   1   avons le temps. Cela dépend de l'évolution de nos travaux.

  2   (Le témoin, M. Jukic, est contre-interrogé par M. Nice.)

  3   M. Nice (interprétation): Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser

  4   en tout.

  5   Premièrement, une question qui concerne votre nom. Ce n'est peut-être pas

  6   habituel de poser ce genre de question, mais j'aimerais savoir si votre

  7   nom est un nom commun dans votre région, courant ou bien non?

  8   M. Jukic (interprétation): Slavko Jukic.

  9   Question:   Oui.

 10   Réponse:    Je n'ai pas compris votre question. Pourriez-vous la répéter

 11   s'il vous plaît?

 12   Question:   Est-ce qu'il y a beaucoup d'autres personnes dans votre région

 13   qui portent ce nom, Slavko Jukic? Ou bien, pour autant que vous le

 14   sachiez, êtes-vous le seul qui s'appelle comme cela?

 15   Réponse:    Pour autant que je le sache, je suis le seul à m'appeler Slavko

 16   Jukic.

 17   Question:   Le général Blaskic ou, à l'époque, le colonel Blaskic a évoqué

 18   un autre homme qui s'appelait Slavko Jukic et qui était chef adjoint de la

 19   police civile. Connaissiez-vous quelqu'un portant ce nom?

 20   Réponse:    Non, absolument pas. Je ne connais pas cette personne.

 21   Question:   Connaissiez-vous l'unité qui s'appelait Vitezovi, "les

 22   chevaliers", ce qui signifie "les chevaliers"?

 23   Réponse:    Non, je ne me souviens pas.

 24   Question:   Connaissez-vous quelqu'un qui s'appellerait Slavko Jukic et qui

 25   serait membre des Vitezovi en avril 1993, un membre de votre famille ou


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  1   quelqu'un d'autre?

  2   Réponse:    Non. Non, je ne connais absolument personne qui porterait le

  3   même nom et je n'ai personne de ce nom dans ma famille.

  4   Question:   Revenons brièvement au début de votre déposition. Vous vivez à

  5   Nadioci?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Mis à part les moment où vous étiez ailleurs, avez-vous passé

  8   tous les jours à Nadioci à la même adresse? Avez-vous toujours dormi chez

  9   vous?

 10   Réponse:    Je n'ai pas habité toujours à cette adresse, enfin je n'ai pas

 11   passé toutes les nuits à cette adresse puisque, parfois, nous étions sur

 12   les lignes de front à Kuber.

 13   Question:   Oui, très bien, mais mis à part les moment où vous étiez à

 14   Kuber, vous étiez chez vous à Nadioci?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Donc nécessairement, à un moment donné, vous avez appris qu'un

 17   bungalow a été ouvert où les Jokers, l'unité qui s'appelait Jokeri de la

 18   police militaire s'est installée à Nadioci?

 19   Réponse:    Vous savez, moi, je me rendais chez moi très tard le soir, je

 20   dormais un petit peu, je me reposais. Puis, dès le lendemain matin, très

 21   tôt, je devais me présenter pour repartir. Je sais qu'il y avait des

 22   membres d'une armée, mais je ne sais pas comment ils s'appelaient; je ne

 23   savais rien à leur sujet.

 24   M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Monsieur

 25   Jukic, vous voulez véritablement dire que, dans le village, personne


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  1   n'évoquait le fait que les Jokeri étaient installés dans le bungalow?

  2   M. Jukic (interprétation): Je ne sais pas si les gens évoquaient cela,

  3   s'ils en parlaient. Moi, je ne l'ai pas fait puisque je n'ai même pas

  4   entendu parler de cela. Je sais qu'il y avait une armée là-bas, mais je ne

  5   savais pas comment ils s'appelaient, qu'ils s'appelaient les Jokeri ou

  6   autrement.

  7   M. le Président (interprétation): Le bungalow, c'était un restaurant,

  8   n'est-ce pas?

  9   M. Jukic (interprétation): Oui, c'était un motel, mais c'était à une

 10   certaine distance de chez moi.

 11   M. le Président (interprétation): Et aujourd'hui, que s'y passe-t-il

 12   aujourd'hui?

 13   M. Jukic (interprétation): Actuellement, il n'y a rien à cet endroit. Il y

 14   a eu des glissements de terrain juste à l'endroit où il y a ce restaurant

 15   "bungalow".

 16   M. le Président (interprétation): Et pendant combien de temps les soldats

 17   sont-ils restés dans ce bungalow?

 18   M. Jukic (interprétation): Pour autant que je le sache, trois ou quatre

 19   mois, quelque chose de ce genre. Je ne sais pas.

 20   M. le Président (interprétation): Personne ne vous a dit que c'étaient des

 21   Jokeri qui étaient là-bas dans le "bungalow"?

 22   M. Jukic (interprétation): Encore une fois, je ne savais réellement pas.

 23   Je savais qu'il y avait des soldats mais, quant à savoir qui ils étaient,

 24   je ne savais pas si c'était vraiment des Jokeri ou quelqu'un d'autre.

 25   M. le Président (interprétation): Allez-y.


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  1   M. Nice (interprétation): Pour savoir exactement quelles sont les

  2   distances sur le plan géographique: quelle est la distance d'Ahmici à

  3   Nadioci, s'il vous plaît?

  4   M. Jukic (interprétation): Quatre kilomètres environ, je crois.

  5   Question:   Autant que cela ou ce serait plutôt moins?

  6   Réponse:    Je crois que c'est cela, mais enfin, je ne l'ai pas mesurée.

  7   Question: Pour rappeler cela à la Chambre, la pièce 2624, s'il vous plaît,

  8   pour montrer la zone, pour avoir une idée des distances. Pendant que la

  9   carte est préparée, Nadioci, est-ce un village qui a un commerce ou qui

 10   n'a pas de commerce? C'est un village qui a une mosquée ou qui n'a pas de

 11   mosquée, s'il vous plaît?

 12   Réponse:    Nadioci? Eh bien, Nadioci, c'est un village qui a un commerce;

 13   il n'y a pas de mosquée. Voilà.

 14   Question:   Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous montrer Nadioci, juste au-

 15   dessus du chiffre 2, sur la carte? Ces endroits, Ahmici, Nadioci, sont

 16   vraiment très proches, très près l'un de l'autre. On peut voir, n'est-ce

 17   pas, d'un village à l'autre?

 18   Réponse:    Non, mais on ne peut pas voir de Nadioci le village d'Ahmici.

 19   Moi, personnellement, je ne pense pas qu'on puisse voir Ahmici, c'est à

 20   quatre kilomètres de distance. Puis, il est un fait également qu'il faut,

 21   en partant de Nadioci pour se rendre à Vitez, traverser Ahmici.

 22   Question:   Je vais revenir à la carte, laissez-la sur le rétroprojecteur

 23   pendant un instant. Mais je parlerai d'abord rapidement de l'incident qui

 24   s'est produit en janvier. Votre restaurant a été plastiqué, mais vous ne

 25   savez pas vous-même qui est l'auteur de ce plastiquage, n'est-ce pas?


Page 23161

  1   Réponse:    Il n'a pas été attaqué, il a été plastiqué: des explosifs ont

  2   été placés.

  3   Question:   Effectivement, mais vous ne savez pas, ni dans un sens ni dans

  4   un autre, qui était à l'origine de cela?

  5   Réponse:    Je ne le sais pas à 100%, mais j'ai cette information que j'ai

  6   obtenue par le monsieur dont j'ai parlé. C'est un groupe d'extrémistes

  7   soi-disant de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avait placé des explosifs.

  8   Et on m'a dit également qu'on a entendu cet entretien entre Sulejman Kalco

  9   et un commandant, dont le nom m'échappe. Selon cette information, ils ont

 10   dit -parce qu'ils ont écouté la conversation- que soi-disant "Kamin" a été

 11   bien traité comme ceci avait été prévu.

 12   Question:   Mais est-ce qu'il vous a diffusé cette cassette? Je ne pense

 13   pas!

 14   Réponse:    Non, je n'aurais pas été compétent.

 15   Question:   Fort bien. Avez-vous jamais eu l'occasion de voir un rapport

 16   écrit rédigé à propos de ce crime écrit par un certain Marko Samija?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Marko Samija vit-il toujours? Est-ce qu'il pourrait déposer,

 19   comparaître à titre de témoin pour autant que vous le sachiez?

 20   Réponse:    Malheureusement, Marko Samija a été tué à Buhine Kuce. C'est un

 21   tireur embusqué qui l'a touché par balle. Il se trouvait du côté de

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 23   Question: Mais, si des rapports ont été établis à la suite de cet accident

 24   ou de cette attaque, est-ce que ce rapport se trouverait encore dans les

 25   archives de la police? Sans doute, n'est-ce pas?


Page 23162

  1   Réponse:    Je sais que la police civile s'était rendue sur les lieux pour

  2   dresser le constat. Je ne peux pas dire plus, je ne sais pas s'il y a des

  3   documents qui sont archivés.

  4   Question:   Quoi qu'il en soit, d'après ce que vous nous avez dit, vous

  5   n'aviez rien fait qui était de nature à perturber l'un quelconque des

  6   groupes qui aurait pu participer, que ce soient les Croates ou les

  7   Musulmans, puisque tous fréquentaient votre café, enfin votre restaurant?

  8   Réponse:    Oui, tous fréquentaient mon restaurant. C'est la raison pour

  9   laquelle d'ailleurs j'ai été fort surpris de voir que mon restaurant avait

 10   été plastiqué. Moi, je n'ai pas véritablement insisté pour rechercher les

 11   auteurs. Et puis, à vrai dire, il ne fallait pas non plus trop demander

 12   des informations pour savoir qui avait commis ce crime parce que, de toute

 13   façon, c'était trop risqué à cette époque-là également. Et puis, je ne

 14   voulais pas.

 15   Question:   Mais, mis à part ce que vous aurait dit quelqu'un dans la

 16   police, cela aurait pu être simplement une voie de fait criminelle ou être

 17   cela aurait pu être n'importe qui, notamment de la brigade Ludvig

 18   Pavlovic, qui aurait pu commettre cet acte, n'est-ce pas?

 19   Réponse:    L'information selon laquelle il s'agissait de groupes

 20   d'extrémistes de l'armée de Bosnie-Herzégovine m'est parvenue par M.

 21   Samija qui était à la police civile. Ce n'est pas possible que ce soit

 22   Ludvig Pavlovic. Je ne vois pas quelles auraient été les raisons pour

 23   lesquelles ils auraient agi ainsi.

 24   Question: Mais je pense que, dans votre déclaration, vous avez dit que des

 25   rumeurs se propageaient dans la région selon lesquelles, dans cette


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  1   région, ils se livraient à toutes sortes de voies de fait, qu'ils

  2   endommageaient des propriétés appartenant à des Musulmans mais aussi à des

  3   Croates, n'est-ce pas?

  4   Réponse:    Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que j'avais appris

  5   qu'à Novi Travnik, il y avait un certain nombre de bâtiments qui avaient

  6   subi des dégâts ou qui avaient été détruits, mais je n'ai jamais parlé des

  7   maisons qui avaient été détruites. D'ailleurs, je n'en ai jamais entendu

  8   parler. Et puis je n'étais pas en contact avec ces gens-là. Il y a un

  9   certain nombre de personnes qui se sont rendues dans mon restaurant à

 10   quelques reprises pour déjeuner. Et puis j'avoue que j'étais en contact,

 11   en relation très correcte avec les Musulmans.

 12   Question:   Je ne vais pas revenir sur le point 28 du résumé de ce témoin,

 13   mais les Juges sont -conscients de son contenu. Vous avez fourni une date

 14   pour parler du moment où l'on vous a parlé d'une attaque lancée par

 15   l'armée de Bosnie-Herzégovine sur le mont Kuber et j'aimerais obtenir

 16   d'autres informations de votre part. Est-ce qu'on vous a parlé de cette

 17   attaque menée sur le mont Kuber, le jour où l'attaque s'est produite ou

 18   est-ce que vous n'avez appris cela que plus tard?

 19   Réponse:    Je l'ai appris le 15. Le 15 avril 1993.

 20   Question:   Et où vous trouviez-vous au moment où vous avez appris ceci?

 21   Réponse:    J'étais dans mon restaurant.

 22   Question:   Et quelle heure était-il?

 23   Réponse:    C'était au cours de l'après-midi, peut-être à 17 heures, 18

 24   heures. Je n'en suis pas tout à fait sûr.

 25   Question:   Et qui vous en a parlé?


Page 23164

  1   Réponse:    Je dois dire que ce n'est pas directement à moi qu'on l'a dit,

  2   mais il y avait quelques villageois de Vitez. Ce sont eux qui ont relaté

  3   tout ce qui s'était passé. La ville était déserte et puis, on pouvait même

  4   supposer effectivement que ceci s'était passé. Ce n'est pas à moi

  5   directement, véritablement qu'on a parlé de cela mais, par la suite, j'ai

  6   pu comprendre qu'effectivement un tel événement s'était passé.

  7   Question:   Si je vous ai bien compris, vous avez simplement entendu la

  8   conversation qu'avaient d'autres personnes, et ces personnes propageaient

  9   des rumeurs à propos de quelque chose. Est-ce exact?

 10   Réponse:    Oui, effectivement, ce sont ces gens-là qui racontaient ce qui

 11   s'était passé, mais ce n'étaient pas des rumeurs, c'était la vérité. Ils

 12   l'ont appris probablement des personnes dans lesquelles ils pouvaient

 13   avoir confiance.

 14   Question:   Revenons à la carte. Je ne sais pas si on le verra, mais peu

 15   importe. Kuber se trouve quelque part entre Nadioci, Santici, au nord de

 16   ces villages, entre ces villages et la ville de Zenica, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Oui, Kuber était la ligne de front entre Zenica et en direction

 18   de Nadioci, Gradine, etc.

 19   Question:   Le 15 avril, nous avons entendu beaucoup de témoins -et je ne

 20   vais pas vous importuner trop longtemps-, beaucoup de témoins sont venus

 21   nous raconter ce qui s'était passé à Vitez le 15 avril.

 22   Voici ma question: vous, vous nous parlez du 15 avril. Est-ce que c'est

 23   quelque chose que vous avez en quelque sorte reconstitué ou, tout au moins

 24   à propos de Kuber, que vous auriez reconstitué tout cela et, qu'en fait,

 25   Kuber n'a été le théâtre de combats actifs que le lendemain ou un jour ou


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  1   deux plus tard, après le 15?

  2   Réponse:    Est-ce que vous voulez répéter votre question, s'il vous plaît?

  3   Question: Oui. Kuber n'a été le lieu de combats actifs que le lendemain ou

  4   deux jours après le 15. On ne peut pas dire qu'il y ait eu une attaque le

  5   15 même.

  6   Réponse:    Je ne sais pas s'il y avait une attaque, mais je sais que

  7   l'événement en question, si c'était un incident ou autre chose -je ne sais

  8   pas comment vous le qualifiez-, c'est ce jour-là que ceci s'est produit.

  9   Je sais que l'attaque a commencé depuis Kuber en direction de Zenica et

 10   ceci a duré. Mais en ce qui concerne le 15, effectivement, la ligne de

 11   front a été tenue conjointement par les deux formations face aux Serbes.

 12   Question:   Je vais vous soumettre cette hypothèse-ci pour que vous

 13   l'examiniez: le 15, même si le HVO essayait de boucler Vitez, vers la fin

 14   de la journée, il n'y avait pas encore d'anxiété qui prévalait, s'agissant

 15   d'une éventuelle attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine; qu'en fait, ce

 16   qui se préparait, c'était une attaque qui allait être dirigée sur

 17   plusieurs villages, dont Ahmici qui était tout proche de chez vous.

 18   Réponse: Non. Moi, je n'ai pas ressenti que le HVO essayait de boucler ce

 19   secteur, car les cafés étaient ouverts très tard dans la soirée. Moi, je

 20   vous ai dit que j'ai fermé mon restaurant assez tard. Mon village était en

 21   contrebas par rapport à la ligne de front.

 22   Question:   Mais quels qu'ait été la nuit ou le jour, quel qu'ait été le

 23   moment où vous avez entendu parler de Kuber, la veille et l'avant-veille,

 24   vous aviez passé ce temps à la maison, chez vous, puisqu'à ce moment-là

 25   vous viviez chez vous, n'est-ce pas?


Page 23166

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Votre village, le village de Nadioci, est vraiment tout petit

  3   -on le voit sur la carte-, n'est-ce pas?

  4   Réponse:    Oui. Une centaine de familles à peu près y habitent.

  5   Question:   Merci. Est-ce qu'à un moment donné, alors que vous étiez dans

  6   votre village, avant ce soir-là où vous auriez entendu parler d'une

  7   attaque menée sur Kuber, est-ce que vous avez remarqué, la veille ou deux

  8   jours auparavant, deux soirs auparavant, vous auriez remarqué qu'il y

  9   avait quelque chose d'inhabituel qui se passait dans votre village?

 10   Réponse: Non. Dans le village, tout était parfaitement normal. Les civils

 11   continuaient leur vie normalement, travaillaient, circulaient. Au moment

 12   où je suis rentré chez moi, je n'avais pas à raconter ce que j'avais

 13   appris, je n'avais pas appris ni rien. Enfin, c'était normal.

 14   Question: Vous avez entendu le Président de la Chambre qui vous a posé une

 15   question à propos du bungalow. Si, par exemple, tout d'un coup, il y avait

 16   eu une arrivée de renforts au bungalow, si des pièces d'artillerie étaient

 17   arrivées, vous l'auriez remarqué, on en aurait parlé dans le village,

 18   n'est-ce pas?

 19   Réponse: Je n'ai pas véritablement pu voir quoi que ce soit. Il n'y avait

 20   pas de soldats au bungalow ce soir-là et puis, je ne me suis pas rendu à

 21   Vitez. C'était à 300, 400 mètres par rapport à ma maison. Ce soir-là, je

 22   n'y suis pas passé. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas vous

 23   donner de précision, je ne suis pas au courant.

 24   Question:   Je vais revenir à votre réponse dans un instant. Mais l'on peut

 25   dire également que si, au cours de la nuit précédente ou de deux nuits


Page 23167

  1   précédentes où vous auriez appris ce qui s'était passé à Kuber, qu'il y

  2   avait quelque chose d'assez extraordinaire, à savoir l'arrivée de soldats

  3   musulmans dans votre village, je suppose que vous en auriez entendu

  4   parler?

  5   Réponse:    Excusez-moi, mais est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous

  6   plaît, votre question?

  7   Question: Oui. Si la veille du 15 ou dans la soirée du 13, s'il y avait eu

  8   quelque chose d'aussi extraordinaire que le renforcement des effectifs

  9   musulmans dans votre village, forcément vous en auriez entendu parler,

 10   n'est-ce pas?

 11   Réponse:    Oui, il est possible, je l'aurais entendu. Mais j'ai déjà dit

 12   que, ce soir-là, à ma connaissance, il n'y avait pas de soldats au

 13   "Bungalow". Je parle d'avant le début de l'attaque.

 14   Question: Je ne parle pas simplement du "Bungalow", maintenant je parle de

 15   troupes musulmanes. Il n'y avait pas de troupes musulmanes dans votre

 16   village la nuit ou deux jours avant cette date que vous avez indiquée

 17   comme étant celle du 15 avril?

 18   Réponse:    Non, parce que mon village est un village croate: 98% de la

 19   population sont des croates et ceci n'aurait pas été possible.

 20   Question:   Je ne vais pas importuner le témoin avec un document dont on

 21   peut croire qu'il ne l'a pas vu. La question que je posais portait sur la

 22   pièce 660.1. Peut-être qu'après le départ du témoin, vous me permettrez de

 23   soulever quelques questions afin que je parvienne à l'objectif que je

 24   poursuis sans prendre trop de temps à soumettre cette pièce au témoin.

 25   Monsieur, je reviens à la réponse que vous avez fournie il y a un instant,


Page 23168

  1   lorsque vous avez dit qu'il n'y avait pas de soldats ce soir-là au

  2   "Bungalow". Vous dites qu'il n'y avait pas de soldats au "Bungalow" le

  3   soir où vous êtes rentré ou au moment où vous êtes rentré?

  4   Réponse: Oui, au moment où je revenais de la ville vers chez moi, je n'ai

  5   aperçu aucun soldat au "Bungalow".

  6   Question:   Même si la carte n'est pas très claire, le lieu où se trouve le

  7   "Bungalow" se situe le long de la route qui vient de Vitez, qui longe

  8   Ahmici et qui longe aussi Nadioci, n'est-ce pas?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Si je me trompe, corrigez-moi. Mais examinez la carte avec moi.

 11   Là, est-ce que vous voyez à gauche du chiffre 2, on voit un zéro -cela n'a

 12   rien à voir avec votre déposition, ne vous en faites pas-, mais vous voyez

 13   à gauche de cela qu'il y a un tournant qu'on voit dans la route. Est-ce

 14   que le "Bungalow" se trouve à peu près au niveau de ce tournant, de ce

 15   virage?

 16   Réponse:    Je ne sais pas. Je ne vois pas très bien comment cela se passe

 17   sur la carte, mais je vous dis que c'était à 400/500 mètres de ma maison,

 18   en direction de Vitez.

 19   Question:   Votre maison n'est pas sur la route principale, elle est plutôt

 20   à l'arrière dans les champs? Où est-ce qu'elle se trouve?

 21   Réponse:    Non, ma maison n'est pas directement à côté de la route.

 22   Question:   Au cours de la soirée du 15, le matin du 16, vous étiez à la

 23   maison au moment où Ahmici a été attaquée. Que pourriez-vous nous dire à

 24   propos de cette attaque sur Ahmici?

 25   Réponse:    Je ne sais rien sur cette attaque. Tout ce que je sais, c'est


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  1   que je devais me rendre sur la ligne de front, car notre patrouille

  2   villageoise a été attaquée depuis Kuber. Par conséquent, je n'ai pas vu

  3   cette attaque et je ne pouvais même pas en entendre parler sur-le-champ.

  4   Ce n'est que par la suite que nous l'avons appris.

  5   Question:   Je crois que c'est moi qui me trompe à la lecture de votre

  6   résumé. Mais, d'après ce que vous dites dans ce résumé, vous êtes rentré

  7   chez vous dans la soirée du 15. Est-ce que ce point-là est exact?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Dans votre résumé, on parle du fait qu'il y avait une

 10   mobilisation générale, ceci à un moment donné au cours de la soirée du 16.

 11   Est-ce exact?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Et c'est dans la soirée du 16, d'après votre résumé, que vous

 14   vous êtes inscrit en tant que Domobrani dans la HVO?

 15   Réponse:    Le 16, au cours de la matinée, j'y suis allé. Et ce n'est que

 16   l'après-midi qu'on a déclaré la mobilisation générale, étant donné qu'il y

 17   avait eu une très grande attaque qui avait été engagée par l'armée de

 18   Bosnie-Herzégovine depuis Zenica.

 19   Question:   Le 16, où êtes-vous allé?

 20   Réponse:    Le 16, je suis allé sur la ligne de front, là où se trouvaient

 21   mes voisins.

 22   Question:   Où est-ce que vous vous êtes inscrit en tant que Domobrani?

 23   Réponse:    Mais je ne me suis pas inscrit. Je suis allé carrément sur la

 24   ligne de front pour aider mes voisins. Il n'y avait que des villageois qui

 25   se trouvaient sur la ligne de front du village de Nadioci.


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  1   Question:   Excusez-moi, mais j'utilise tout simplement votre résumé. Bien

  2   sûr, il y a toujours des problèmes de traduction quand on traduit du BCS

  3   vers l'anglais mais, quelque part, on dit que vous vous êtes inscrit en

  4   tant que Domobrani dans le HVO. Il y a quelques questions de cela, vous

  5   m'avez dit, je pense, que vous étiez allé vous inscrire.

  6   Mais quelles furent les formalités dont vous avez dû vous acquitter pour

  7   devenir Domobrani au sein du HVO?

  8   Réponse: A ce moment-là, on pouvait même pas s'inscrire. Nous nous sommes

  9   organisés entre nous et moi, je ne pense même pas que ceci ait été

 10   possible d'aller se présenter quelque part, de s'inscrire. Mais nous avons

 11   considéré qu'il nous était indispensable d'agir en tant que Domobrani.

 12   Question: Revenons au matin du 16. A ce moment-là, vous n'étiez pas encore

 13   parti en votre qualité de Domobrani. Vous avez dit, je pense, au cours de

 14   votre déposition que vous l'aviez fait le 16 et plus tôt dans la journée.

 15   Alors, parlez nous de l'attaque contre Ahmici, examinez la carte. Je vais

 16   peut-être vous aider.

 17   L'attaque contre Ahmici, le début de cette attaque a été signalé par le

 18   fait qu'il y a eu des tirs d'artillerie depuis la colline de Hrasno que

 19   l'on voit… Je crois qu'ici l'échelle est en kilomètres, je me trompe peut-

 20   être, donc cela fait à peine un kilomètre entre Hrasno et vous-même. Donc

 21   Ahmici... Evidemment, si je parle en kilomètres, Ahmici n'est qu'à

 22   quelques centaines de mètres de chez vous. En tout cas, le début de cette

 23   attaque était signalé par des tirs d'artillerie depuis le mont Hrasno.

 24   Est-ce que vous vous souvenez que cela s'est produit?

 25   Réponse:    Moi, je ne sais pas que c'était comme cela. On voit le village


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  1   de Hrasno, mais nous ne voyions pas Ahmici. On n'était pas au courant. Ce

  2   n'est que par la suite, quand je suis monté sur la ligne de front, que

  3   nous avons compris qu'il y avait quelque chose qui se passait. Il y avait

  4   quelques maisons qui étaient en flammes, mais comment cela a commencé,

  5   d'où, etc., je ne suis vraiment pas au courant.

  6   Question:   Vous voyez, cette attaque déclenchée sur Ahmici a commencé en

  7   partie à partir de ce bungalow, à quelques centaines de mètres à peine de

  8   l'endroit où vous habitiez, et vous nous dites vraiment que vous n'avez

  9   aucune connaissance de ce qui s'est passé?

 10   Réponse: Je me porte garant ici, devant vous: je ne savais absolument pas

 11   si cela avait commencé depuis le "Bungalow". Ce n'est que deux, trois

 12   jours plus tard que nous avons appris qu'il y avait des militaires, des

 13   soldats dans le "Bungalow". Mais moi, je ne sais pas véritablement, je

 14   n'étais pas au courant.

 15   Question: Je ne sais pas si je vous ai bien suivi. Est-ce que vous êtes en

 16   train de nous dire que vous, vous n'avez pas été réveillé par le bruit des

 17   tirs à cinq heures et demie, vous avez simplement continué à dormir malgré

 18   le bruit? Que nous dites-vous à ce propos?

 19   Réponse:    Nous avons entendu les tirs, c'est la raison pour laquelle, le

 20   matin, je me suis dirigé vers la ligne de front pour voir mes voisins et

 21   voir ce qui se passait et puis, si jamais ils avaient eu besoin de moi

 22   pour les aider.

 23   Question: Et vous n'avez pas pensé à descendre pour voir ce qui se passait

 24   sur la route principale où il se trouvait peut-être des soldats, bien sûr,

 25   des soldats croates et donc, qui vous seraient tout à fait accueillants


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   1   par rapport à vous? Vous n'avez pas pensé, vous n'avez pas eu cette idée

  2   de descendre sur la route?

  3   Réponse: Ah mais, ça ne m'est même pas venu à l'idée, je n'avais même pas

  4   besoin d'y penser. Moi, je me suis habillé et je me suis à dirigé vers

  5   Kuber, vers la ligne de front à Kuber.

  6   Question:   Dites-moi, comment s'appelle votre père? Quel est son prénom?

  7   Réponse:    Niko.

  8   Question:   Je vous remercie.

  9   (Questions supplémentaires de M. Mikulicic.)

 10   M. Mikulicic (interprétation): Une seule question, Monsieur le Président.

 11   Monsieur Jukic, mon confrère du Bureau du Procureur vous a montré la carte

 12   qui se trouve à gauche par rapport à vous et où il y a Nadioci, le village

 13   d'Ahmici et le reste. Pourriez-vous nous dire s'il y a, du point de vue

 14   oculaire, est-ce que vous pouvez voir de Nadioci Ahmici, vu la

 15   configuration du terrain?

 16   M. Jukic (interprétation): Est-ce que vous parlez de la ligne de front ou

 17   bien d'où?

 18   Question:   Je vais vous reformuler la question. Vous êtes de Nadioci?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Est-ce que, de Nadioci, vous pouvez voir le village d'Ahmici?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Pourquoi?

 23   Réponse:    Parce qu'il y a une grande colline, ensuite la forêt entre, et

 24   puis Nadioci se trouve dans une vallée. Je ne sais pas si c'est comme ça

 25   qu'on le dit. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas voir Nadioci.


Page 23173

 1   Question:    Merci, Monsieur Jukic. Je n'ai plus de questions à poser.

  2   M. le Président (interprétation): Vous en avez ainsi terminé de votre

  3   déposition. Monsieur Jukic, merci d'être venu en qualité de témoin devant

  4   le Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais disposer.

  5   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

  6   Votre prochain témoin?

  7   M. Nice (interprétation): Dans l'attente du prochain témoin, j'aimerais

  8   avoir votre autorisation pour vous demander de faire ce qui n'est pas

  9   toujours possible lorsque le témoin est contre-interrogé et parce qu'il

 10   est quelquefois plus utile de ne pas aborder cette question lorsque le

 11   témoin ne connaît pas le document.

 12   Apparemment, cette pièce 660.1 est le seul de document de l'époque -pour

 13   autant qu'il soit authentique- qui fait état de ce qui s'était passé à

 14   Kuber, dès le 15, comme le disait le témoin, 15 avril. Tous les autres

 15   documents, il était inutile de les soumettre au témoin: tous les autres

 16   documents évoquent des dates ultérieures.

 17   Ce document qui a été contesté par un témoin, s'agissant de l'authenticité

 18   de ce document, parle de l'apport de forces musulmanes à Nadioci lors de

 19   la nuit qui a précédé le 15. C'est pour cela que je posais ces questions

 20   au témoin qui vient de partir. Ceci était pour montrer que le document en

 21   question était faux, document qui avait été présenté dans l'affaire

 22   Blaskic.

 23   M. Kovacic (interprétation): Je ne pense pas qu'il nous faut un échange

 24   d'arguments sur ce point, n'est-ce pas?

 25   M. le Président (interprétation): Non, c'était une certaine indulgence que


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   1   j'accordais à M. Nice. Je l'ai autorisé à fournir une explication. Nous

  2   nous souvenons de ce document.

  3   Votre témoin suivant est le commandant Sajevic?

  4   M. Kovacic (interprétation): C'est exact.

  5   (Le témoin, M. Zeljko Sajevic, est introduit dans le prétoire.)

  6   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il prononcer la

  7   déclaration solennelle?

  8   M. Sajevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

 11   (Le témoin, M. Sajevic, est interrogé par Me Kovacic.)

 12   M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Sajevic.

 13   M. Sajevic (interprétation): Bonjour.

 14   Question:   Détendez-vous, vous êtes dans une ambiance que vous ne

 15   connaissez pas mais vous pouvez vous détendre. Vous habitez Vitez?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Votre adresse est Hrvatskim Branitelja, 7b?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Je vais vous demander, une fois que je vais vous poser la

 20   question, de bien vouloir vous arrêter un petit peu, de ménager une pause

 21   pour permettre aux interprètes de faire leur travail et pour que les Juges

 22   et les autres dans ce prétoire puissent nous suivre, ceux qui ne

 23   connaissent pas et ne parlent pas notre langue.

 24   Réponse:    D'accord.

 25   Question:   L'adresse où vous habitez, enfin le bâtiment où vous habitez


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  1   était un bâtiment d'habitation?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Il y a beaucoup de ce type de bâtiments à Vitez, n'est-ce pas?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Vous êtes né le 26 décembre 1956 à Travnik, n'est-ce pas?

  6   Réponse:    Oui, c'est exact.

  7   Question: Vous êtes marié, vous avez deux enfants. Est-ce que j'ai raison?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question: Vous avez été diplômé de la faculté des Sciences à Sarajevo, en

 10   1981?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question: Vous avez fait votre service militaire dans l'ex-JNA de l'époque

 13   de l'ex-Yougoslavie?

 14   Réponse:    Oui, c'est exact.

 15   Question:   C'est là où vous avez également suivi l'école des officiers de

 16   réserve?

 17   Réponse:    Oui, c'est exact.

 18   Question:   Et c'était où?

 19   Réponse:    C'était dans une petite ville qui s'appelle Bileca.

 20   Question:   Mais Bileca, c'était une des plus importantes écoles des

 21   officiers de réserve en ex-Yougoslavie. Est-ce que j'ai raison?

 22   Réponse:    Oui, c'est exact.

 23   Question:   Quand vous êtes sorti de l'ex-JNA, après avoir fait votre

 24   service militaire, vous êtes sorti de l'ex-JNA avec le grade de sous-

 25   lieutenant?


Page 23176

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Commandant Sajevic, est-ce que c'était automatique d'avoir un

  3   grade une fois terminée l'école des officiers de réserve ou bien c'était

  4   une exception?

  5   Réponse:    Mais tous ceux qui ont terminé l'école avec succès sortaient

  6   avec un grade.

  7   Question:   Entendu. A cette époque-là, vous avez cherché du travail à

  8   Vitez, une fois que vous êtes retourné à Vitez. C'est exact ou non?

  9   Réponse:    C'est exact.

 10   Question:   La première fois, vous avez commencé à travailler à la Défense

 11   territoriale, au quartier général municipal à Vitez ou bien vous avez

 12   travaillé ailleurs éventuellement?

 13   Réponse:    J'ai trouvé du travail pour la première fois à l'école

 14   secondaire et ceci avant d'aller faire mon service militaire. Mais une

 15   fois que je suis sorti de l'armée, j'ai commencé à travailler à la Défense

 16   territoriale.

 17   Question:   Et jusqu'au début de cette malheureuse guerre, vous avez

 18   travaillé à la Défense territoriale ou pour être très précis au quartier

 19   général municipal de la Défense territoriale de Vitez?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Vous avez donc travaillé à la Défense territoriale, vous avez

 22   acquis d'autres expériences et connaissances dans ce domaine. Est-ce que

 23   vous avez suivi des entraînements, des séminaires? Pourriez-vous nous en

 24   dire quelque chose mais très brièvement?

 25   Réponse:    Dans tous les cas, tous les conscrits qui passent par l'école


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  1   des officiers de réserve ne sont pas à un niveau très élevé. Par

  2   conséquent, ils ne peuvent pas être autonomes dans leurs activités. C'est

  3   la raison pour laquelle, en travaillant, ils s'entraînent, ils se forment,

  4   ils apprennent les choses.

  5   Question:   Et en tant que membre de la Défense territoriale, vous avez

  6   assisté à quelques manœuvres?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous êtes resté combien de temps dans la Défense territoriale?

  9   Réponse:    J'ai été depuis 1983 à la Défense territoriale jusqu'au moment

 10   où j'ai quitté la Défense territoriale.

 11   Question:   Par conséquent, neuf ans, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui, c'est exact.

 13   Question:   Est-ce que, comme quelqu'un qui travaillait à cette

 14   organisation, vous étiez fidèle à cette organisation? Quelle était votre

 15   approche?

 16   Réponse:    Oui, je pense que j'étais fidèle.

 17   Question: Vous étiez intègre et, de manière très honnête, vous avez rempli

 18   vos activités?

 19   Réponse:    Je le pense.

 20   Question:   Vu vos connaissances et le système de la défense en ex-

 21   Yougoslavie, vu également le fait que ce concept a été pratiquement repris

 22   une fois que l'éclatement de la Yougoslavie s'est produit, j'aimerais vous

 23   poser quelques questions à ce sujet, si vous voulez bien m'y répondre.

 24   Pour ce qui concerne les forces armées de l'ex-Yougoslavie, il y avait

 25   deux composantes. Pourriez-vous nous dire quelles sont ces composantes de


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  1   l'ex-Yougoslavie?

  2   Réponse:    Les deux composantes principales de l'ex-Yougoslavie étaient la

  3   JNA, par conséquent l'armée populaire yougoslave, et la Défense

  4   territoriale.

  5   Question:   Il y avait un rôle qui a été joué dans le système de la défense

  6   qui revenait aux autorités civiles. Pourriez-vous nous préciser qui?

  7   Réponse: Le facteur civil de ce système était les secrétariats municipaux

  8   de la défense.

  9   Question:   Pourriez-vous très brièvement, s'il vous plaît, nous dire

 10   quelles étaient les prérogatives du secrétariat municipal de la défense?

 11   Quelles étaient les activités de ce secrétariat dans le cadre du système

 12   de la défense de l'ex-Yougoslavie?

 13   Réponse: Dans le cadre de ce système de la défense, les secrétariats pour

 14   la Défense avaient pour tâche de procéder à la mobilisation, à l'appel des

 15   conscrits, à savoir des hommes qui ont l'âge pour faire leur service

 16   militaire, pour être appelés sous les drapeaux. Ils ont par conséquent

 17   l'âge où ils sont considérés comme des conscrits, aptes pour participer à

 18   la défense du pays. Par la suite, au moment où l'on était au point

 19   d'enregistrer, de porter les noms de ces personnes sur les registres, on

 20   avait en même temps attribué l'affectation de ces personnes-là. Mais

 21   avant, elles devaient passer un examen médical. Donc l'examen médical et

 22   l'affectation dans tel et tel groupe ou catégorie militaire que le

 23   conscrit en question, en cas de guerre, devraient exercer. Par conséquent,

 24   il y en a qui ont été acheminés vers les unités des blindés, d'autres dans

 25   la marine, d'autres encore dans d'autres catégories de l'armée.


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  1   Ensuite, le secrétariat de la Défense nationale également avait convoqué

  2   ces jeunes hommes pour faire le service militaire le moment venu. Par la

  3   suite, ce sont eux qui s'occupaient également de ces militaires. Une fois

  4   qu'ils terminaient leur service militaire, ces jeunes gens devaient se

  5   présenter au secrétariat de la Défense et ce secrétariat de la Défense

  6   avait pour tâche de donner une affectation à ces conscrits ou plutôt, ils

  7   n'étaient plus des conscrits; ils avaient fait leur service militaire et

  8   ils avaient une affectation, une affectation dans des formations qui

  9   étaient bien déterminées, que ce soit des officiers ou sous-officiers ou

 10   autres.

 11   Question:   Par conséquent, quand ce jeune homme, quand ce civil a fait son

 12   service militaire, il sort de l'armée, il rentre chez lui, et maintenant

 13   c'est au niveau de la municipalité qu'il y a ce secrétariat de la Défense

 14   qui lui donne une affectation. C'est bien cela?

 15   Réponse:    Oui, c'est exact.

 16   Question:   Par conséquent il s'agissait des réserves. C'était une

 17   affectation éventuellement au sein de la Défense territoriale ou

 18   éventuellement dans des formations qui représentaient des formations

 19   régulières de l'armée régulière. Est-ce que c'est exact?

 20   Réponse:    Pas tout à fait. Il aurait pu être affecté dans la réserve de

 21   l'ex-JNA ou éventuellement à la Défense territoriale ou encore

 22   l'obligation de travail. Cela aurait pu également être son affectation.

 23   Question:   Par conséquent les trois catégories: il aurait donc pu être mis

 24   sous catégorie obligation de travail, réserve de l'ex-JNA ou enfin la TO?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question: Et quelle était la différence entre la Défense territoriale d'un

  2   côté et la réserve de l'armée? Quelle est la différence entre les deux?

  3   Réponse:    Pour ce qui concerne les unités de guerre régulière de l'armée,

  4   elles étaient normalement complétées par la réserve. Donc les affectations

  5   et les unités ne se basaient pas sur le principe territorial. Les

  6   conscrits militaires pouvaient avoir leur affectation non pas dans leur

  7   propre municipalité, mais dans une autre municipalité s'il s'agissait de

  8   la réserve de l'armée.

  9   En revanche, la Défense territoriale se fondait sur le principe

 10   territorial, exclusivement sur le principe territorial. Chaque

 11   municipalité avait les unités territoriales qui, au moment voulu, avaient

 12   pour tâche d'opérer sur le territoire de leur propre municipalité.

 13   Question:   C'était donc en vertu de la loi et dans la pratique également

 14   que cela se passait comme cela. Mais qui finançait la Défense

 15   territoriale?

 16   Réponse: La Défense territoriale était financée par les municipalités qui

 17   développaient un certain nombre d'activités dans leur propre territoire,

 18   par conséquent, ni le budget de l'Etat ni le budget de la République. En

 19   revanche, en ce qui concerne l'armée, il y avait un poste budgétaire sur

 20   lequel on prélevait pour l'armée. Mais pour la Défense territoriale,

 21   c'étaient les municipalités qui finançaient les unités de la Défense

 22   territoriale.

 23   Question:   Mais si je ne m'abuse, la loi envisageait également une

 24   obligation pour la municipalité qui devait prélever au minimum des moyens

 25   financiers pour financer la Défense territoriale. Elle était pratiquement


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  1   obligée de financer, n'est-ce pas?

  2   Question:   Très bien. Une autre différence. Est-il exact que la Défense

  3   territoriale n'était pas très importante dans sa structure de base qui

  4   pouvait être renforcée par mobilisation en cas de guerre?

  5   Réponse:    Oui, c'est exact. La Défense territoriale, dans chaque

  6   municipalité, comptait un petit nombre de personnes. C'était en fait le

  7   quartier général de la Défense territoriale. C'étaient des hommes qui

  8   travaillaient plutôt sur des affaires administratives et qui étaient

  9   employés à titre professionnel et qui savaient comment ils devaient agir

 10   afin de mener à bien la mobilisation pour que les conscrits sachent où ils

 11   devaient se rendre, ce qu'ils devaient faire, etc.

 12   Question:   Autrement dit, le quartier général de la Défense territoriale,

 13   dans son expression minimale, devait posséder les listes, les plans

 14   d'affectation, les plans de mobilisation, les noms des unités, les noms

 15   des commandants de ces unités. Enfin, toute une série d'éléments afin de

 16   pouvoir, le cas échéant, réunir ses soldats.

 17   Réponse:    Le quartier général de la Défense territoriale devait être en

 18   possession des listes complètes des membres potentiels de ces unités,

 19   devait avoir les livrets de chacun de ces hommes, devait avoir les listes

 20   des commandants et une partie des feuilles de mobilisation. En fait,

 21   plutôt les feuilles de mobilisation uniquement pour ceux qui allaient être

 22   mobilisés dans les unités de Défense territoriale.

 23   Pour le reste, les listes se trouvaient dans les bureaux du secrétariat de

 24   la Défense populaire.

 25   Question: Très bien. Ces soldats, ces hommes qui avaient fait leur service


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  1   au sein de la JNA, à leur retour dans les municipalités d'origine, avaient

  2   reçu leur affectation soit dans les unités de travail, soit dans la

  3   réserve de la JNA; et s'ils avaient été affectés au sein de la Défense

  4   territoriale ou bien, au sein de cette réserve de guerre, ils accusaient

  5   réception également de l'équipement?

  6   Réponse:    La majorité des membres de la Défense territoriale recevait un

  7   équipement de base. Donc, si on avait la possibilité de fournir à chacun

  8   d'entre eux cet équipement, donc de lui acheter l'uniforme et le minimum

  9   de chose dont ils avaient besoin, on le leur fournissait effectivement.

 10   Mais si on n'avait pas cette possibilité, alors on attendait et ce qui

 11   était prioritaire, c'était l'achat des uniformes.

 12   Question:   Dans tous les cas, l'objectif était le suivant, enfin vous me

 13   corrigerez. J'espère qu'il n'y a pas d'objection au sujet des questions

 14   directrices, mais je suis sûr que M. Nice soulèvera une objection s'il y a

 15   besoin.

 16   Donc c'est l'équipement personnel que recevait chaque soldat qu'il avait

 17   sur lui, chez lui, et il pouvait donc être appelé pour prendre sa place

 18   dans le cadre de ces unités?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Mais il n'avait pas d'armes.

 21   Réponse:    Non.

 22   Question: Etait-ce le résultat de la méfiance des pouvoirs communistes qui

 23   ne souhaitaient pas distribuer des armes à leur population? Ce serait allé

 24   trop loin peut-être à leurs yeux?

 25   Réponse:    Je ne me suis pas posé cette question mais, en fait, c'était


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  1   pour des raisons de sécurité que l'on a procédé ainsi. C'était pour qu'il

  2   n'y ait pas d'abus de la part de certains individus par rapport au

  3   maniement des armes, parce que les armes sont quand même dangereuses,

  4   elles peuvent mener à ce que l'on tue quelqu'un.

  5   Question:   Très bien. Nous devons ajouter un autre élément à ce que nous

  6   venons de dire. Veuillez m'excuser, nous n'avons pas abordé cela

  7   directement dans notre résumé, mais je souhaite l'aborder quand même. Nous

  8   devons mentionner les armements et le système de la défense tel qu'il

  9   était prévu dans les entreprises. Pouvez-vous nous aborder cela

 10   brièvement, s'il vous plaît?

 11   Réponse:    Dans le système qui était en place à l'époque, toutes les

 12   grandes entreprises développaient, dans le cadre de la Défense

 13   territoriale, leurs propres unités qui étaient partie intégrante de la

 14   Défense territoriale. Le cas échéant, elles devaient être utilisées pour

 15   défendre ces entreprises. Mais, pour la plupart, les entreprises, comment

 16   dire, qui étaient de bonnes entreprises, qui fonctionnaient bien, se

 17   procuraient elles-mêmes les armes et l'équipement pour leurs soldats.

 18   Question:   Si je vous ai bien compris, tout comme la municipalité était

 19   censée financer la Défense territoriale de la municipalité, ainsi

 20   l'entreprise, du moins les entreprises les plus importantes étaient

 21   obligées en fait de prendre à leur charge le financement de la défense de

 22   l'entreprise?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Indépendamment du fait que cette entreprise soit une entreprise

 25   occupant une place spéciale d'intérêt national particulier comme votre


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  1   entreprise SPS, donc c'était le cas de toutes les grandes entreprises?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Tout citoyen de sexe masculin était considéré comme un conscrit

  4   s'il était en âge de combattre?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Sauf s'il était déclaré inapte.

  7   Réponse:    Oui, ce sont des commissions spéciales qui se chargeaient de

  8   cela.

  9   Question:   Juste pour confirmer la manière dont on procédait à la

 10   mobilisation, je vous poserai des questions précises, vous répondrez par

 11   un oui ou par un non, s'il vous plaît. La mobilisation, d'après les plans,

 12   pouvait être totale ou partielle?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Dans les méthodes de la mis en oeuvre, cette mobilisation

 15   pouvait être soit publique soit conduite d'une manière secrète?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Dans la Défense territoriale, vous avez été promu, vous avez

 18   atteint le poste de commandant chargé de l'instruction et des affaires

 19   opérationnelles?

 20   Réponse:    J'étais commandant adjoint du quartier général chargé de

 21   l'instruction et des affaires opérationnelles.

 22   Question:   C'était un poste assez important au sein de la Défense

 23   territoriale?

 24   Réponse:    Eh bien, comment dire, je ne sais pas... Dans la Défense

 25   territoriale, dans le quartier général où il y avait huit à dix personnes


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  1   employées, il n'y avait pas vraiment de poste très important ou de

  2   fonction particulièrement importante. Mais on peut dire éventuellement

  3   oui, que le poste de commandant adjoint était relativement plus important

  4   que d'autres.

  5   Question: Très bien. Peu avant la guerre, et je fais référence à la guerre

  6   en Bosnie-Herzégovine au sens général ou plutôt à l'agression conduite par

  7   les Serbes en 1991, le commandant de la Défense territoriale de Vitez

  8   était M. Hakija Cengic? Est-ce exact?

  9   Réponse:    C'est exact.

 10   Question:   Lui-même, à quel moment a-t-il quitté la Défense territoriale?

 11   Réponse:    Je ne saurai pas vous le dire.

 12   Question:   Il est Musulman d'appartenance nationale?

 13   Réponse:    C'est exact.

 14   Question:   Vous rappelez-vous à quel moment il a été nommé au poste de

 15   commandant de la Défense territoriale?

 16   Réponse:    Il a été nommé après les élections pluripartites, les premières

 17   élections pluripartites de Bosnie-Herzégovine. A ce moment, les partis qui

 18   ont gagné le plus de voix se sont répartis, comment dire, les postes au

 19   niveau de la municipalité, se sont répartis ces postes entre eux.

 20   Question:   Merci. Quelques questions à présent au sujet de l'action

 21   "Galeb". Dans un premier temps, je vous ai cité un fait qui était, comment

 22   dirai-je, de notoriété publique dans toutes les Républiques de l'ex-

 23   Yougoslavie, mise à part la Serbie; à savoir que peu avant la guerre, au

 24   cours des années 1989-1990, la Serbie en tant que la République la plus

 25   forte se préparait pour mener une guerre aux autres Républiques en ayant


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  1   l'intension d'essayer de les empêcher de quitter cet Etat commun. Quelques

  2   mesures ont été entreprises dans ce sens...

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Dont l'action "Galeb".

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Pouvez-vous nous préciser ce que cela entend, en quelques mots?

  7   Réponse:    L'action "Galeb" ("galeb" signifie "mouette" précise

  8   l'interprète), était une action dont le but était de reprendre les armes

  9   de la Défense territoriale et de placer ces armes, ainsi que l'équipement

 10   dans les entrepôts qui étaient placés sous le contrôle de la JNA. Ce

 11   serait donc dit en quelques mots.

 12   Question:   Jusqu'à ce moment-là, la TO avait ses propres armes et ses

 13   propres entrepôts?

 14   Réponse:    Exact.

 15   Question: Et à ce moment-là, l'ordre a été donné que ces armes qui étaient

 16   en possession de la Défense territoriale devaient être placées dans les

 17   entrepôts sous le contrôle de l'armée.

 18   Réponse:    Exact.

 19   Question:   De fait, à partir de ce moment-là, la Défense territoriale ne

 20   pouvait plus avoir accès à ces armes.

 21   Réponse: Pendant une brève période, une commission nommée par le quartier

 22   général de la Défense territoriale pouvait surveiller ces armes pour

 23   savoir simplement si ces armes s'y trouvaient effectivement. Mais elle ne

 24   pouvait pas avoir accès à ces armes, elle ne pouvait pas s'y rendre et les

 25   prendre.


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  1   Question:   Je fais référence à présent à votre travail. J'aimerais savoir

  2   si, de fait, cela a considérablement affaibli la Défense territoriale? La

  3   JNA n'a-t-elle pas énormément réduit la force de la Défense territoriale,

  4   ne l'a-t-elle pas handicapée gravement?

  5   Réponse:    C'est vrai.

  6   Question:   En fait, comment a-t-elle été conduite, cette opération? A-t-on

  7   donné un ordre verbal, secret?

  8   Réponse:    C'est exact.

  9   Question: La personne qui se trouvait à la tête de la municipalité qui, en

 10   vertu de la législation en vigueur, était à la tête du Conseil de guerre

 11   municipal n'a pas été informée de cela, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui, c'est cela. L'ordre consistait à demander que eux n'en

 13   soient pas informés.

 14   Question:   Vous avez été témoin direct de ces événements.

 15   Réponse:    C'est exact.

 16   Question:   Et vous êtes en mesure de le préciser si des questions vous

 17   étaient posées à ce sujet?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Par la suite -et nous parlons du mois de mai 1990-, cette

 20   opération est allée encore un petit peu plus loin, les entreprises, elles

 21   aussi, se sont vues confisquer leurs armes?

 22   Réponse:    C'est exact.

 23   Question:   Je souhaite vous soumettre quelques documents. J'ai besoin de

 24   l'huissier.

 25   Monsieur. Président, me reste-t-il encore cinq minutes?


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  1   M. le Président (interprétation): Nous avons une audience ex parte.

  2   J'aimerais que nous poursuivions demain matin.

  3   M. Kovacic (interprétation): Très bien. Alors nous allons préparer les

  4   documents et nous pourrons commencer demain matin.

  5   M. le Président (interprétation): Nous allons donc suspendre. Monsieur

  6   Sajevic, je vous demanderai de revenir ici demain matin à 9 heures 30. Je

  7   vous prie de ne parler à personne de votre déposition, et cela comprend

  8   les membres de l'équipe de la défense. L'audience est suspendue parce que

  9   nous aurons une audience ex parte.

 10   L'audience principale est suspendue jusqu'à demain matin à 9 heures 30.

11            (L'audience est levée à 16 heures.)

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