Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 4 septembre 2000.)

  2   (Audience publique.)

  3   (Questions relatives à la procédure.)

  4   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

  5   M. Nice (interprétation): Deux brèves questions, si je peux les évoquer

  6   devant vous. Tout d'abord, je voulais vous informer, Messieurs les Juges,

  7   ainsi que la défense, pour ce qui est des réfutations. La semaine

  8   dernière, nous avions voulu préparer notre document tel qu'il présente la

  9   situation. Malheureusement, certains des documents étaient en BCS, ce qui

 10   veut dire que le dépôt a été rejeté. Nous avons retiré les documents en

 11   BCS de notre dossier que nous allons, une fois de plus, essayer de déposer

 12   aujourd'hui. Mais j'espère que nous pourrons vous informer de la situation

 13   en matière de réplique.

 14   Second élément: les témoins de Cerkez. Je dispose d'une lettre, en date du

 15   30 août; laquelle précise les témoins qui seront appelés à la barre de

 16   cette semaine. Deux problèmes assez mineurs: on a tout à fait renversé

 17   l'ordre de comparution des témoins, ce qui nous rend la vie plus

 18   difficile, mais je suis conscient des difficultés que connaissent les

 19   avocats de Cerkez. Deuxième chose: deux au moins de ces témoins n'étaient

 20   pas prévus dans la liste initiale présentée par la défenses de Cerkez. Il

 21   s'agit du premier, Ivica Markovic, notamment, qu'on nous a précisé comme

 22   étant un témoin potentiel, seulement le 22 août. Puis le numéro 4, qui ne

 23   figurait sur aucune des listes, même si l'on remonte jusqu'au mois

 24   d'avril. C'est pareil pour le numéro 7.

 25   Souvenez-vous, Messieurs les Juges, s'agissant de l'ajout de témoins à nos


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  1   listes, on a pour pratique d'exclure simplement ces témoins parce qu'ils

  2   ne figuraient pas sur la liste initiale. Non pas ici que j'insiste

  3   personnellement sur quoi que ce soit, parce que je ne suis pas ici pour

  4   faire obstruction, mais je pense que les Juges voudront être mis au

  5   courant du fait que des témoins ne figuraient pas sur une liste

  6   antérieure. Parce que la Chambre avait pris une décision obligeant à citer

  7   ces témoins dans une liste. Alors, il faudra peut-être demander à la

  8   défense de M. Cerkez pourquoi on a ajouté sur le tard ces témoins.

  9   Il est important que j'attire votre attention sur ces éléments parce que,

 10   s'il doit y avoir d'autres discussions sur le fait que des témoins soient

 11   cités alors qu'ils n'ont pas été notifiés, au niveau de la réplique, il

 12   faudra adopter la même équité, la même aune pour tout le monde. Il

 13   s'agissait donc des témoins 1, 3 et 7 qui n'avaient pas été notifiés

 14   auparavant, avant le 22 août, la semaine dernière donc.

 15   La Chambre se souviendra également que, s'agissant des témoins par

 16   affidavit, par déclaration sous serment, je pense qu'ils sont admis sans

 17   qu'ils se trouvent nécessairement sur la liste des témoins de la défense.

 18   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Kovacic, est-ce que c'est un

 19   grief raisonnable que celui-là? Comment y répondez-vous? Car il se peut

 20   qu'à un moment donné, nous ne soyons pas en mesure d'autoriser la citation

 21   de témoins parce qu'ils n'auront pas été autorisés; le Règlement n'est pas

 22   là pour être oublié mais pour être appliqué.

 23   Je suis importuné aussi par la nature assez complète des témoins que vous

 24   voulez citer. Vous voulez citer un grand nombre de témoins. Cela aura des

 25   implications en matière de temps. Vous savez que vous devez terminer la


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  1   présentation de vos témoins avant une semaine précise du mois d'octobre.

  2   M. Kovacic (interprétation): Messieurs les Juges, il y a eu quelques

  3   modifications apportées à la liste de témoins, cela du fait de la requête

  4   formulée par la Chambre qui voulait diminuer ou réduire le nombre de

  5   témoins. C'est là une des raisons qui nous a poussés à le faire.

  6   Et puis, nous avons pris diverses mesures en vue de remplacer certains

  7   témoins. Je veux dire par là que je voulais appeler des témoins qui

  8   pouvaient témoigner sur deux ou trois sujets. C'est pourquoi nous avons

  9   modifié la liste. Il nous a fallu trouver de nouveaux témoins. Cependant,

 10   ceux-ci se substituent maintenant à quatre ou cinq témoins chacun, ce qui

 11   nous fait gagner du temps.

 12   La deuxième raison à ce nombre de nouveaux noms qu'on retrouve dans cette

 13   liste par rapport à la précédente, c'est le fait que, malheureusement, il

 14   y a eu communication de nouveaux documents, en l'espèce; et cette

 15   communication se poursuit encore aujourd'hui au moment où nous présentons

 16   nos témoins. Nous continuons à recevoir beaucoup de nouveaux documents de

 17   la part de l'accusation. Ici, je ne parle pas d'exceptions mais d'un

 18   nombre important de documents qui contiennent nombre d'informations dont

 19   nous ne disposions pas au moment de la présentation des témoins de

 20   l'accusation. Il est difficile de déterminer si certains des éléments de

 21   preuve ainsi présentés peuvent être laissés pour le moment de la réplique

 22   ou de la duplique, plus exactement, car cela n'est pas précisé par le

 23   Règlement. Nous pensons que, tant que nous présentons nos témoins, nos

 24   éléments de preuve et tant que nous découvrons de nouveaux moyens de

 25   preuve du fait des enquêtes que nous continuons de mener, nous devons


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  1   ajuster en conséquence notre défense.

  2   Pour ce qui est du temps, ce qui vous inquiétait, Monsieur le Président,

  3   après trois ou quatre semaines, nous allons essayer de voir où nous en

  4   sommes, de faire le point. Nous n'avons pas beaucoup de réserve; certains

  5   témoins prévus dans la dernière liste ont été éliminés. Cette liste a été

  6   élaguée. Nous avons quelques témoins de réserve. Si les autres témoins

  7   prévus nous donnent suffisamment d'informations, nous serons peut-être en

  8   mesure de ne pas citer certains de ceux qui restent en réserve.

  9   Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs les Juges, précédemment, au

 10   moment de la présentation des témoins de M. Kordic, nous avons évoqué la

 11   question de la communication de nouveaux documents réalisés par le

 12   Procureur. Nous avons demandé que soit fait preuve de souplesse, d'autant

 13   que nous avons dû avancer deux semaines notre présentation.

 14   Voilà donc les problèmes auxquels nous devons faire face. J'aimerais

 15   pouvoir vous dire, Messieurs les Juges, que s'il n'y avait pas de

 16   nouvelles communications, nous aurions pu respecter notre liste initiale,

 17   mais nous pouvons vous dire que trois des témoins prévus dans la liste

 18   initiale sont aujourd'hui remplacés par un seul témoin.

 19   Hélas, vu la situation actuelle, nous ne pouvons pas agir de la sorte mais

 20   nous essayons de faire preuve de la plus grande rationalité et nous

 21   n'avons pas du tout l'intention de présenter de nouveaux moyens de preuve,

 22   à moins que ce ne soit pour des raisons tout à fait importantes pour la

 23   défense.

 24   M. le Président (interprétation): Libre à vous, bien sûr, de déterminer la

 25   conduite de votre défense; si ce n'est qu'il faut donner en temps des


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  1   informations sur le témoin que vous avez l'intention d'appeler à la barre.

  2   Et puis vous devrez respecter les temps, Monsieur Kovacic.

  3   A la fin de cette semaine, vous allez peut-être revoir le nombre de

  4   témoins et l'ordre de comparution des témoins, à la fin de cette semaine,

  5   et voir s'il est possible d'en citer davantage pour la semaine suivante.

  6   Mais commençons, si vous le voulez bien. Quel est votre premier témoin?

  7   M. Kovacic (interprétation): Notre premier témoin aujourd'hui sera M.

  8   Ivica Markovic. Il va témoigner à propos de l'évolution qui s'est fait à

  9   Novi Travnik. Il répond au chef 2 des accusations de l'Acte d'accusation

 10   et il était responsable des municipalités de Vitez, Novi Travnik et

 11   Busovaca.

 12   Par le biais de ce témoin-ci, nous avons l'intention d'en terminer avec le

 13   chef d'accusation portant sur Novi Travnik. Rappelez-vous, avant la pause,

 14   nous avions déjà eu un témoin sur Novi Travnik et sur le poste qu'occupait

 15   Cerkez à Novi Travnik. Ce second témoin parlera, lui aussi, de Novi

 16   Travnik mais sous un autre angle. A la suite de quoi, il n'y aura plus de

 17   témoins qui parleront de Novi Travnik.

 18   J'appelle à la barre le témoin.

 19   (Le témoin est introduit dans la salle.)

 20   (L'huissier le fait asseoir.)

 21   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il donner lecture de la

 22   déclaration solennelle?

 23   M. Markovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 24   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


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   1   (Interrogatoire de M. Ivica Markovic par M. Kovacic.)

  2   M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Markovic.

  3   M. Markovic (interprétation): Bonjour.

  4   Question:   Pourriez-vous dire aux Juges comment vous vous appelez, quel

  5   est votre lieu et votre date de naissance, aux fins du dossier d'audience?

  6   Réponse:    Je m'appelle Ivica Markovic. Je suis né le 7 juin 1947 à

  7   Kiseljak, République de Bosnie-Herzégovine.

  8   Question:   Merci. Monsieur Markovic, êtes-vous marié?

  9   Réponse:    Oui, et je suis père de trois enfants.

 10   Question:   Quel est votre parcours, votre bagage?

 11   Réponse:    J'ai terminé la faculté des sciences politiques et l'école

 12   supérieure de commerce ainsi que l'école de formation de football,

 13   d'entraînement de football.

 14   Question:   Et ceci faisait partie de la faculté des sciences politiques

 15   et de la défense? Je crois plutôt du service de la défense nationale; cela

 16   fait partie de la faculté de sciences politiques à Sarajevo, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Avant la guerre, où travailliez-vous?

 19   Réponse:    Avant, je travaillais au combinat à l'usine de Bratstvo à Novi

 20   Travnik.

 21   Question:   Bratstvo à Novi Travnik, c'est bien le plus gros employeur de

 22   Novi Travnik, n'est-ce pas?

 23   Réponse:    Tout à fait. Novi Travnik a commencé à se développer en tant

 24   que ville, une fois installée l'usine de Bratstvo.

 25   Question:   De quel ordre de grandeur parlons-nous? Quelle était


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  1   l'importance des effectifs du personnel à Bratstvo?

  2   Réponse:    Il y avait environ 7.000 personnes qui y travaillaient.

  3   Question:   Conviendrez-vous avec moi quand l'entreprise, l'usine tourne

  4   bien, tout marche bien en ville?

  5   Réponse:    Bien sûr, parce qu'il n'y avait pas d'autre industrie dans la

  6   ville.

  7   Question:   Monsieur Markovic, parlons maintenant des fonctions que vous

  8   avez exercées en 1992 et 1993. Pourriez-vous dire aux Juges à quel moment

  9   vous avez été commandant du quartier général du HVO, municipalité de Novi

 10   Travnik?

 11   Réponse:    Eh bien, j'en étais le commandant depuis sa création, en août

 12   1992.

 13   Question:   Et par la suite, vous avez été affecté à une autre fonction,

 14   n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Par la suite, j'ai été chef du bureau de la défense à Novi

 16   Travnik.

 17   Question:   Vers la fin de la guerre, vous avez occupé une troisième

 18   fonction?

 19   Réponse:    Vers la fin de la guerre, en 1993, je suis passé à la Brigade

 20   Stjepan Tomasevic; j'en suis devenu le chef des services d'opération.

 21   Question:   Etait-ce en septembre 1993, après les accords de Washington?

 22   Réponse:    C'est exact.

 23   Question:   Merci. D'après ce que vous venez de nous dire… Attendez, je

 24   recommence ma question: est-il exact de dire que l'état-major municipal du

 25   HVO a été créé vers le mois d'avril 1992. Est-ce exact?


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  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Mais vous n'êtes pas devenu commandant dès le premier jour?

  3   Pendant un certain temps, c'est un autre homme qui a exercé cette

  4   fonction?

  5   Réponse:    Oui, il s'appelait Ljubas, pendant environ une dizaine de

  6   jours. Après quoi, c'est moi qui occupais cette fonction.

  7   Question:   Vu votre formation, vos études, vous étiez tout à fait

  8   qualifié à ce poste, n'est-ce pas?

  9   Réponse:    Bien sûr, puisque nous n'avions pas de militaires d'active qui

 10   disposaient d'une formation militaire adéquate.

 11   Question:   Dites-moi, à l'époque où a été créé cet état-major municipal

 12   du HVO, quelle devait en être la fonction? Pourquoi a-t-on créé cet état-

 13   major municipal?

 14   Réponse:    Eh bien, c'était établi en tant qu'instance qui devait réunir

 15   les Croates face à l'agression des Serbes.

 16   Question:   Et à l'époque, est-ce qu'il n'y avait que les Croates qui

 17   aient voulu défendre ou se défendre contre l'agression serbe, ou y en

 18   avait-il d'autres?

 19   Réponse:    Non. A ce moment-là, il y avait aussi les Musulmans qui, avec

 20   les Croates, se sont défendus contre l'agression serbe.

 21   Question:   Et vous, vous avez participé de concert avec eux à cette

 22   défense?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Les Musulmans, est-ce qu'eux ils étaient organisés? Avaient-

 25   ils une organisation de défense?


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  1   Réponse:    Ils avaient l'état-major de la Défense territoriale. C'était

  2   la Défense territoriale qui provenait de l'ancien système et il y avait

  3   une coordination presque organique entre ces deux instances.

  4   Question:   Merci. Quelques mots à ce propos ou dans ce contexte à propos

  5   des partis. Quels étaient les partis politiques les plus importants?

  6   C'étaient bien le HDZ et le SDA à Novi Travnik?

  7   Réponse:    Oui. Il y avait un autre parti qui a joué un rôle mineur.

  8   Question:   Et le SDA rassemblait, appartenait à quel parti?

  9   Réponse:    Les Musulmans.

 10   Question:   Et qu'en est-il des Croates?

 11   Réponse:    Eux se retrouvaient dans le HDZ.

 12   Question:   Début 1992 et même auparavant, ces deux partis politiques

 13   avaient des avis différents sur la tournure que pouvait prendre la guerre

 14   ou sur la perspective que cela représentait, cette guerre qui a frappé la

 15   Bosnie. Quelle était la différence entre ces deux partis, en quelques

 16   mots?

 17   Réponse:    Au début, on n'a pas pensé, du côté musulman, qu'il y aurait

 18   une agression de la JNA sur la Bosnie-Herzégovine. Cependant, les Croates,

 19   à la suite des événements qui se sont produits en Croatie, ont compris que

 20   cette guerre-là ne serait pas la fin de la guerre et que l'agression

 21   allait se répandre en Bosnie.

 22   Question:   A votre avis, est-ce là la raison pour laquelle la HZ-HB a

 23   encouragé à l'établissement d'états-majors municipaux?

 24   Réponse:    Tout à fait.

 25   Question:   Les états-majors municipaux avaient aussi des fonctions


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  1   civiles, n'est-ce pas? Nous parlions ici des informations de la défense,

  2   n'est-ce pas?

  3   Réponse:    Vous avez raison. Et la coutume veut, dans notre système,

  4   qu'ils s'occupent aussi des questions civiles.

  5   Question:   Mais il y avait aussi des fonctions militaires qui étaient

  6   exercées par ces états-majors municipaux? Ceux-ci établissaient des unités

  7   afin d'assurer la défense contre l'agression?

  8   Réponse:    Une bonne part des unités avait déjà été constituée puisque

  9   nous avions des gardes villageoises et nous avons essayé de les rassembler

 10   pour les organiser et les diriger où il fallait.

 11   Question:   Monsieur Markovic, étiez-vous membre du HDZ?

 12   Réponse:    Non, je n'ai jamais été membre du HDZ.

 13   Question:   Parmi l'état-major municipal de Novi Travnik, ou plutôt dans

 14   les communautés environnantes, il y avait des associations ou des

 15   organisations similaires?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Est-ce que vous connaissiez Marijan Skopljak?

 18   Réponse:    Oui, parce qu'il avait la même fonction que moi, il occupait

 19   mon poste ou l'équivalent de celui-ci à Vitez et à Travnik, c'était feu

 20   Ivica... Ah, je ne me souviens plus de son nom de famille. Il est mort au

 21   cours des combats. Oui, Stojak. Merci.

 22   Question:   Vous avez parlé des gardes villageoises. Nous allons y revenir

 23   plus tard. A l'époque, au début de l'organisation de la défense à Novi

 24   Travnik, de part et d'autre avec les deux peuples, qui était commandant de

 25   la Défense territoriale?


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  1   Réponse:    C'était Saban Mandjuka.

  2   Question:   A quel moment a-t-il quitté la Défense territoriale?

  3   Réponse:    Il a quitté ce poste de la Défense territoriale à la suite du

  4   premier conflit qui a éclaté à Novi Travnik.

  5   Question:   Et ce premier conflit, c'était quand à Novi Travnik?

  6   Réponse:    Je crois que c'était au mois de juin.

  7   Question:   Vous voulez dire juin 1992?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Dites-nous en quelques mots, si vous le voulez bien, pourquoi

 10   Saban Mandjuka a quitté ce poste au sein de la Défense territoriale?

 11   Réponse:    Il a travaillé avec moi, parce que précédemment, en 92/86(?),

 12   j'étais commandant à la Défense territoriale et lui, il était commandant

 13   des opérations. Quand je lui ai parlé, il m'a dit qu'il ne voulait pas

 14   combattre les Croates, que cette guerre n'était pas la sienne.

 15   Question:   Est-ce que, selon vous, cela signifie que les extrémistes, les

 16   forces extrémistes du côté musulman ont pris le pouvoir? Est-ce là la

 17   raison du départ de Saban?

 18   Réponse:    Eh bien, à en juger par ceux qui lui ont succédé, c'est là une

 19   hypothèse qu'on pourrait émettre.

 20   Question:   Et après Saban, pendant une courte période de temps, il y a eu

 21   un autre homme, n'est-ce pas, à la tête de la Défense territoriale à Novi

 22   Travnik?

 23   Réponse:    Eh bien, pendant très peu de temps, il s'agissait de Harbas

 24   Zuhdija. Auparavant, il était commandant de la base de Stojkovic. Cet été-

 25   là, il a été remplacé par Refic Lendo.


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  1   Question:   Donc Refic Lendo, c'était un soldat de carrière, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Oui, il venait de la JNA. C'était un professionnel, un homme

  3   de carrière.

  4   Question:   Est-ce qu'il était originaire de la région, est-ce qu'il était

  5   né dans cette région ou est-ce qu'il est venu d'ailleurs?

  6   Réponse:    Non, non, il était de la région. Il était de Drenica. Mais il

  7   est arrivé au moment des préparatifs.

  8   Question:   A l'époque où il était affecté à ce poste, il ne vivait pas là

  9   encore, n'est-ce pas? Il venait de rentrer.

 10   Réponse:    Oui, il venait de rentrer, mais sa famille –elle- est restée

 11   en Serbie.

 12   Question:   Merci. Vous avez parlé des gardes villageoises. Est-ce que

 13   nous pouvons essayer d'expliquer en quoi elles consistaient? Qui les a

 14   établies, ou plutôt pourquoi ont-elles été formées?

 15   Réponse:    Chaque village avait formé sa garde villageoise qui faisait

 16   des patrouilles de nuit et assurait la protection des villageois contre

 17   des bandes, des maraudeurs qui pouvaient circuler à l'époque.

 18   Question:   Pouvez-vous nous dire qu'à l'époque, ces gardes villageoises,

 19   pour les raisons que vous avez évoquées, qu'à cette époque-là donc en

 20   Bosnie, l'Etat a failli à son obligation de remplir ses fonctions

 21   étatiques?

 22   Réponse:    L'Etat a cessé de fonctionner en tant que tel, n'est-ce pas.

 23   Question:   Les gardes villageoises ont-elles été constituées parce qu'il

 24   y avait encore des unités de la JNA dans la région?

 25   Réponse:    A proximité de Novi Travnik, tout près, il y avait des unités


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  1   de la JNA à la base de Stojkovici, à Cimeni et sur le mont Vlasic.

  2   Question:   Nous avons parlé des états-majors municipaux dont celui de

  3   Novi Travnik. Est-ce que ce dernier avait un rôle de commandement ou une

  4   force de hiérarchie par rapport aux gardes villageoises?

  5   Réponse:    Non, nous essayions simplement de mettre tout ceci sur pied.

  6   Question:   Pourriez-vous nous dire en quelques phrases quel était votre

  7   objectif? Quand vous dites que vous avez essayé, est-ce que cela veut dire

  8   que vous avez échoué?

  9   Réponse:    Eh bien, chaque village était un Etat en soi. Chacun voulait

 10   défendre son propre village. Notre problème, c'était le front que nous

 11   avions face aux Serbes, face à la JNA tout près. Nous avons eu des

 12   problèmes de renfort des lignes de front parce que chacun voulait défendre

 13   son village et on ne peut pas toujours défendre le village dans le village

 14   même, il fallait quelquefois le faire à 5 ou 6 kilomètres de distance.

 15   Question:   Monsieur Markovic, pour ainsi dire, est-ce qu'on pourrait

 16   affirmer que l'organisation des gardes villageoises, par une certaine

 17   force d'inertie, était simplement la poursuite de l'ancien concept de la

 18   Défense nationale de l'ex-Yougoslavie?

 19   Réponse:    Oui, c'était la poursuite de ce concept parce que les gardes

 20   villageoises ont été établies dans tous les villages entourant Novi

 21   Travnik, quelle que soit la population qui habitait dans ces villages

 22   parce que dans bien des cas, il s'agissait de villages mixtes.

 23   Question:   Et pour vous, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, ces gardes

 24   étaient auto organisées?

 25   Réponse:    C'est tout à fait certain.


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  1   Question:   Dans ce cas-là, à l'époque, vous, vous avez organisé les

  2   unités chargées des actions spéciales. C'est ce que nous avons déjà

  3   mentionné. Comment avez-vous formé ce genre d'unités depuis l'état-major?

  4   Réponse:    Eh bien, nous contactions le commandant d'un village en

  5   disant: "Nous avions besoin de cinq, six personnes puisque nous devions

  6   remplir l'unité sur la ligne de front vers la JNA" et donc il choisissait

  7   parfois cinq ou dix personnes. Parfois, ces gens étaient des volontaires,

  8   parfois ils souhaitaient refuser mais ils y étaient envoyés et après

  9   l'action, ils étaient renvoyés chez eux.

 10   Question:   Très bien. Et depuis l'état-major, vous aviez déjà commencé à

 11   créer de liste de mobilisation et au début, vous n'en aviez pas.

 12   Réponse:    Au début, nous n'avions aucune liste, mais nous avons

 13   introduit ce système, ce Senkic est devenu membre du commandement de

 14   l'état-major et moi, je lui ai confié la tâche de créer une liste des

 15   volontaires qui venaient tous les jours dans un registre. Il s'agissait de

 16   volontaires qui se portaient volontaires pour défendre le pays, et ils

 17   venaient tous les jours.

 18   Question:   A partir de cette liste, vous contactiez les gens pour les

 19   envoyer à certaines actions?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   A ce moment-là, lorsque vous contactiez quelqu'un, cette

 22   personne devenait soldat?

 23   Réponse:    Oui, pendant la durée de la mission et, pendant cette période,

 24   la personne recevait la nourriture et tout le reste.

 25   Question:   Et suite à la mission?


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  1   Réponse:    La personne rentrait chez elle, dans le cadre des missions

  2   régulières, puis s'acquittait de ses propres tâches dans son foyer.

  3   Question:   Est-ce que cela veut dire que, suite à l'action à laquelle

  4   cette personne participait en tant que soldat, lorsqu'il rentrait, est-ce

  5   qu'ils redevenait civil?

  6   Réponse:    Durant cette période, il était civil, il était libre, il

  7   n'était pas obligé de se présenter auprès de nous.

  8   Question:   C'est donc lui-même qui décidait d'aller jouer aux échecs ou

  9   de participer à la garde villageoise, etc.?

 10   Réponse:    Oui, il était libre de choisir ce qu'il voulait faire jusqu'au

 11   moment où il était rappelé par nous.

 12   Question:   Très bien. Afin d'expliquer le système, nous pouvons peut-être

 13   dire que ce système continuait à fonctionner suite à la création de la

 14   Brigade Stjepan Tomasevic?

 15   Réponse:    Oui

 16   Question:   Monsieur Markovic, au cours de cette guerre, en 1992-1993, à

 17   Novi Travnik, plusieurs conflits importants entre les groupes ethniques

 18   des Croates et Musulmans ont éclaté. Combien de conflits y a-t-il eu au

 19   cours de cette période?

 20   Réponse:    Il y a eu trois conflits au cours de cette période.

 21   Question:   Peut-on expliquer aux Juges à quel moment le premier conflit

 22   ethnique a éclaté? Est-ce qu'il s'agissait vraiment d'un conflit ou d'un

 23   incident plutôt grave?

 24   Réponse:    Je dirais plutôt qu'il s'agissait d'un incident puisqu'il

 25   s'agissait de quelque chose qui a duré quelques heures seulement.


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  1   Question:   Est-ce que ceci s'est produit en juin 1992?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Qu'est-ce qui a provoqué ce conflit?

  4   Réponse:    Dans la matinée, un barrage a été établi sur la route vers

  5   Bratstvo. En réponse à cela, un autre barrage a été établi par nous, vers

  6   la ville. Je suis allé chez Saban Mandjuka et nous nous sommes mis

  7   d'accord pour lever les barrages routiers; cela a été fait avant 11

  8   heures. Après cela, on m'a informé du fait que le drapeau que nous avions

  9   hissé auparavant avait été éliminé. Il s'agissait du drapeau sur le

 10   bâtiment de la Défense territoriale. J'ai ordonné à Saban Mandjuka de

 11   remettre le drapeau; il ne pouvait pas le faire. Suite à cela, un conflit

 12   a éclaté. Mais les forces du HVO n'ont pas participé à ce conflit. Il ne

 13   s'agissait que des forces du HOS.

 14   Question:   Vous avez mentionné l'ordre dans lequel les barrages routiers

 15   ont été établis; quel était le premier?

 16   Réponse:    C'étaient les forces musulmanes.

 17   Question:   Ces drapeaux qui ont été mentionnés, s'agissait-il des

 18   drapeaux réguliers? Quelle était la raison pour laquelle quelqu'un est

 19   éliminé le drapeau?

 20   Réponse:    Je ne peux pas donner d'explication, parce que c'était le seul

 21   drapeau dont on disposait à l'époque.

 22   Question:   En ce qui concerne ce premier conflit, pour terminer, le HOS,

 23   à l'époque, à Travnik, est-ce qu'il faisait partie du HVO, est-ce qu'il

 24   était contrôlé par le HVO?

 25   Réponse:    Non, il s'agissait d'une unité indépendante.


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  1   Question:   A l'époque, le HOS à Novi Travnik était-il monoethnique ou

  2   bien des membres des deux communautés ethniques en faisaient partie?

  3   Réponse:    A l'époque, il y avait des membres des deux communautés

  4   ethniques.

  5   Question:   D'après vos informations, s'agissant des Musulmans, est-ce

  6   qu'il y en a eu juste quelques-uns ou un nombre important?

  7   Réponse:    Je pense qu'il s'agissait d'un petit nombre; il s'agissait des

  8   Musulmans qui avaient participé à la guerre en Croatie et qui étaient

  9   rentrés chez eux.

 10   Question:   Pouvez-vous nous dire quelque chose sur le deuxième conflit?

 11   Réponse:    Eh bien! le deuxième conflit a éclaté en octobre 1992.

 12   Question:   Pourriez-vous nous dire quelle était la cause de ce conflit?

 13   Réponse:    La cause était la station à essence qui se trouvait près de

 14   l'état-major du HVO, à proximité du vieil hôtel, et les Musulmans

 15   souhaitaient prendre le contrôle de cette station à essence. Mais

 16   puisqu'il y avait une autre station d'essence à l'entrée de la ville, nous

 17   avons proposé de les répartir.

 18   Question:   Donc pratiquement chaque camp pouvait disposer de l'une des

 19   stations à essence?

 20   Réponse:    Non, puisque tout le monde pouvait utiliser les deux, mais

 21   eux, ils voulaient exclusivement contrôler l'une de ces stations.

 22   Question:   Pouvez-vous expliquer cela?

 23   Réponse:    Les deux stations à essence se trouvaient aux deux entrées de

 24   la ville. Jusqu'à ce moment-là, tout le monde pouvait les utiliser.

 25   Question:   Il y a eu des restrictions sur le pétrole et cela s'appliquait


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  1   à tout le monde?

  2   Réponse:    Oui, à toute la population.

  3   Question:   Est-il exact de dire que, concernant cette attaque contre la

  4   station à essence, elle a été guidée par une certain Sosar?

  5   Réponse:    Oui, et il est originaire de Drenica.

  6   Question:   Drenica est dans la région de Novi Travnik?

  7   Réponse:    Oui, dans la région de Novi Travnik, vers Opara.

  8   M. le Président (interprétation): Je ne comprends pas l'ordre. Jusqu'à

  9   présent, nous n'avons pas encore entendu parler d'une quelconque attaque.

 10   Le témoin a simplement dit que le conflit avait été causé par les

 11   exigences musulmanes d'utiliser la station d'essence. Avant de continuer

 12   sur l'attaque, dites-nous d'abord, Monsieur Markovic, ce qui s'est

 13   produit.

 14   M. Markovic (interprétation): En ce qui concerne cette station d'essence,

 15   il n'était pas possible de leur permettre de l'utiliser exclusivement,

 16   puisque cela aurait voulu dire que nous aurions dû remplacer l'état-major

 17   qui était dans le vieil hôtel.

 18   M. Nice (interprétation): Nous avons des problèmes avec le transcript,

 19   avec le "livelink".

 20   M. le Président (interprétation): Monsieur Markovic, nous sommes

 21   confrontés à un problème technique.

 22   Maître Kovacic, vous pouvez vous asseoir en attendant. Nous allons essayer

 23   de résoudre le problème. C'est reparti?

 24   Monsieur Markovic, vous avez dit qu'il n'était pas possible de leur céder

 25   la station à essence? Dites-nous ce qui s'est produit.


Page 23934

  1   M. Markovic (interprétation): Après cela, dans la soirée, il y a eu

  2   l'attaque contre le commandement avec le but de prendre le contrôle de

  3   cette station à essence. Et puis, l'attaque a été lancée également contre

  4   nos positions, la position de nos forces.

  5   Question:   Pour que les choses soient claires: qui a lancé l'attaque

  6   contre la station à essence?

  7   Réponse:    Eh bien, ce sont les forces musulmanes qui ont attaqué la

  8   station-service.

  9   Question:   Monsieur le Président, puis-je poursuivre?

 10   (Assentiment du Président.)

 11   Monsieur Markovic, quel a été le résultat de ce conflit?

 12   Comment ce conflit s'est-il terminé? Quelle était la situation qui régnait

 13   sur le terrain par la suite?

 14   Réponse:    Ce conflit a duré pendant un semaine environ et le résultat en

 15   a été la division, le partage définitif de la ville.

 16   Question:   Donc, la ligne de démarcation a été créée et les deux camps,

 17   les camps croate et musulman, contrôlaient une partie de la ville?

 18   Réponse:    C'est exact.

 19   Question:   En ce qui concerne ce partage, pour l'appeler ainsi, pouvez-

 20   vous nous dire qui contrôlait l'usine Bratstvo?

 21   Réponse:    C'est la partie musulmane qui contrôlait l'usine Bratstvo.

 22   Question:   Et les Croates ne pouvaient plus y accéder?

 23   Réponse:    Eh bien, après les négociations, suite à ce conflit pendant un

 24   certain moment, il y avait un corps des unités mixtes chargé de la

 25   sécurité de cette usine; mais après cela, les employés n'y avaient plus


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  1   accès.

  2   Question:   Monsieur Markovic, quelles sont les entités qui ont réussi à

  3   négocier, à mener les négociations à bout? Et comment cela s'est il passé?

  4   Réponse:    Eh bien, si j'ai bien compris, nous avons reçu les ordres du

  5   colonel Blaskic et du colonel Merdan qui était le commandant des forces

  6   musulmanes à Zenica.

  7   Question:   Est-ce que ceci veut dire que ce cessez-le-feu a été atteint

  8   sur la base des négociations menées par les militaires à haut niveau et au

  9   niveau de Novi Travnik?

 10   Réponse:    En ce qui concerne le niveau de Novi Travnik, je ne connais

 11   pas les détails, je ne sais pas s'il y a eu des négociations. Puisque les

 12   civils ne pouvaient même pas se déplacer des deux côtés et puis aussi à

 13   cause de la peur, nous, en tant que militaires, nous avons réussi à

 14   établir des contacts, surtout compte tenu qu'il y a eu des pertes; nous

 15   avons essayé de respecter ce cessez-le-feu et de respecter les ordres que

 16   nous avions reçus de la part de nos supérieurs.

 17   Question:   Ce cessez-le-feu qui a été établi a duré jusqu'à quand?

 18   Autrement dit, le troisième conflit a commencé, quand a-t-il éclaté à Novi

 19   Travnik?

 20   Réponse:    Le troisième conflit a eu lieu en 1993, je pense qu'il

 21   s'agissait du mois de juin.

 22   Question:   Comment a éclaté ce conflit?

 23   Réponse:    Pendant une certaine période, nous avions des positions

 24   conjointes à Menjaci(?) et Senkovici vers l'armée de la JNA, vers Donje

 25   Vakuf. Peu de temps avant le conflit, les Musulmans ont retiré leurs


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  1   forces, donc nous avons dû redéployer nos forces pour couvrir tout la

  2   région, toute la ligne de front. Avant le conflit, le village de

  3   Senkovici, où la population était mixte, a été bloqué. Nous n'avions pas

  4   d'accès, nous ne pouvions pas contacter la population pour voir de quoi il

  5   s'agissait. Et trois jours après, le conflit contre Novi Travnik a été

  6   lancé.

  7   Question:   Dans cette action, l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris le

  8   contrôle d'autres villages croates, dans cette région, autour de ville?

  9   Réponse;    Mise à part Senkovici, il y avait Margetici et Krizancevo Selo

 10   et il s'agissait des villages qui étaient contrôlés par l'armée de Bosnie-

 11   Herzégovine. Il y avait également une de nos unités qui était sur la ligne

 12   de front contre la JNA à Kamenjas.

 13   Question:   Kamenjas fait partie d'une ligne de front plus vaste dans

 14   l'ouest de Novi Travnik où vous contrôliez la ligne de front contre la

 15   JNA?

 16   Réponse:    Oui, c'est la ligne de front vers Donje Vakuf.

 17   Question:   En ce qui concerne cette ligne contre l'armée de la JNA que

 18   vous avez mentionnée, est-ce que les deux armées continuaient à avoir

 19   leurs positions?

 20   Réponse:    Suite au troisième conflit, notre unité s'est retirée en

 21   passant par le territoire serbe et s'est rendue aux Serbes, puisque

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine les a forcés à le faire. Et donc, c'est

 23   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a pris le contrôle de cette ligne de

 24   front.

 25   Question:   Donc, c'est seulement en juin 1993 que le HVO a complètement


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  1   quitté cette partie de la ligne de front?

  2   Réponse:    C'est exact.

  3   Question:   Le HVO a donc quitté, a abandonné cette ligne de front, compte

  4   tenu -pour vous citer- de la trahison de vos partenaires?

  5   Réponse:    Oui, ils devaient choisir entre deux maux et c'est ce qu'ils

  6   ont choisi. Toutes les communications ont été rompues. Nous n'avions pas

  7   de contact avec eux, donc le commandant a pris une décision autonome de se

  8   retirer ainsi.

  9   Question:   Parlons maintenant de la période entre les deux conflits,

 10   entre le deuxième et le troisième conflit; entre octobre 1992 et juin

 11   1993. En ce qui concerne le cessez-le-feu, était il stable?

 12   Réponse:    Plus ou moins, oui. Il était possible de circuler. Cela

 13   fonctionnait plutôt bien.

 14   Question:   Concernant les forces militaires et civiles du HVO et de

 15   l'armée de Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il y a eu un quelconque conflit

 16   durant cette période, entre octobre 1992 et juin 1993?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Y a-t-il eu des incidents criminels dans la ville?

 19   Réponse:    Eh bien, ce genre de chose se produisait. Effectivement, il y

 20   a eu des incidents et nous essayions de les empêcher. Il y a eu, par

 21   exemple, le meurtre d'un citoyen musulman. Un autre a été tabassé. Il y a

 22   eu ce genre d'incident et nous avons pris des mesures disciplinaires pour

 23   éviter ce genre d'incident.

 24   Question:   Concernant ces incidents, les victimes étaient issues des deux

 25   groupes ethniques, n'est-ce pas?


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  1   Réponse:    Oui, c'est exact. Vous savez, les voleurs ne se posent pas de

  2   questions concernant l'appartenance ethnique.

  3   Question:   Donc, les voleurs étaient eux aussi des membres des deux

  4   groupes ethniques?

  5   Réponse:    Oui, ils appartenaient aux deux communautés ethniques même si,

  6   dans notre partie de la ville, peu d'auteurs étaient des Musulmans.

  7   Question:   Veuillez montrer au témoin le document D1/2, s'il vous plaît.

  8   Témoin Markovic, veuillez examiner cette feuille et nous dire s'il s'agit

  9   effectivement de l'un des événements mentionnés par vous lorsque vous avez

 10   décrit les incidents qui ont eu lieu à l'époque.

 11   Réponse:    C'est l'un des incidents qui ont eu lieu à Novi Travnik, mais

 12   je dois souligner que Juka, Zoran Jukic, surnommé Juka, avait déjà essayé

 13   de violer l'une de nos jeunes filles avant la guerre. Il a passé beaucoup

 14   de temps dans les prisons. Au début, il était membre du HOS, mais il en a

 15   été expulsé en tant qu'extrémiste, donc il agissait en tant

 16   qu'indépendant. Mais ce qui est écrit ici est vrai.

 17   Question:   Donc vous savez, en ce qui concerne cet incident, que le

 18   membre de la police militaire, lors de la tentative d'arrestation de ce

 19   Juka qui était un criminel connu dans la ville, malheureusement n'a pas

 20   réussi à l'arrêter, il l'a tué.

 21   Réponse:    Oui, il a dû tirer sur lui et il l'a tué.

 22   Question:   Est-ce que cette information a été rendue publique par le

 23   biais de la radio locale?

 24   Réponse:    Oui, cela a été rendu public par le biais de la radio locale,

 25   mais il faut savoir que la portée n'était pas énorme.


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  1   Question:   Très bien. Parlons des extrémistes dans la région. Est-il

  2   exact de dire que dans la ville, dans la région de la ville, il y a eu

  3   également des Moudjahidins?

  4   Réponse:    En ce qui concerne les Moudjahidins, nous les avons rencontrés

  5   plus tard, au cours du troisième conflit. Eux, ils étaient logés à

  6   Mehuric, près de Travnik.

  7   Question:   Et c'est là qu'ils se déplaçaient?

  8   Réponse:    Oui, ils se déplaçaient dans cette région-là, ils n'entraient

  9   pas dans la partie basse de la ville.

 10   Question:   Dans le centre-ville?

 11   Réponse:    Oui, dans le centre-ville.

 12   Question:   Pour finir en ce qui concerne ce troisième conflit, je

 13   souhaite que l'on montre au témoin la pièce à conviction D72/2. Monsieur

 14   Markovic, je vais vous demander d'examiner ce document et de faire un

 15   commentaire en nous disant s'il est exact que cette ligne rouge, qui se

 16   trouve à gauche de l'appellation de Novi Travnik, désigne en réalité la

 17   ligne de démarcation entre les forces musulmanes et croates à Novi Travnik

 18   suite au deuxième conflit, en octobre 1092.

 19   Réponse:    Oui, c'est exact.

 20   Question:   Donc pour que les choses soient tout à fait claires, cela veut

 21   dire que le HVO a continué à être présent seulement dans la partie à

 22   droite par rapport à cette ligne?

 23   Réponse:    Oui, c'était la ligne de démarcation suite au deuxième

 24   conflit.

 25   Question:   Pardon, ma question n'était pas suffisamment claire. Est-ce


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  1   que vous pourriez montrer, en utilisant le pointeur, quelles étaient les

  2   limites de la municipalité, pour commencer? Donc tout ceci est la région

  3   de la municipalité de Novi Travnik, donc quelle est la partie que vous

  4   avez continué à contrôler? Uniquement cela? A droite, la municipalité à

  5   droite par rapport à vous est la municipalité de Vitez.

  6   Réponse:    Vitez est à droite et Travnik est à gauche.

  7   Question:   Merci beaucoup. Au cours de la même période, donc entre le

  8   deuxième et le troisième conflit, c'est-à-dire entre octobre 1992 et juin

  9   1993, vous avez perdu également le contrôle de la zone de la ligne de

 10   front contre les Serbes à Stricaci Kamenaci(?), Sladkevod(?) etc., il y

 11   avait une ligne de front contre la JNA.?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Et là, une partie de la ligne de front était contrôlée par le

 14   HVO et l'autre par l'armée de Bosnie-Herzégovine?

 15   Réponse:    C'est exact.

 16   Question:   Et vos activités étaient coordonnées de ce point de vue?

 17   Réponse:    C'est exact.

 18   Question:   Auparavant, au cours de 1992, y a-t-il eu une coopération en

 19   ce qui concerne la procuration aux normes et le partage des armes, dans le

 20   cadre des actions menées contre la JNA?

 21   Réponse:    Oui. On prenait des équipements qui se trouvaient à Bratstvo

 22   et on les distribuait sur un même pied d'égalité.

 23   Question:   Aux deux camps?

 24   Réponse:    Oui, il s'agissant des mortiers, des lance-roquettes produits

 25   par Bratstvo.


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  1   Question:   Peut-on dire que l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO

  2   s'armaient sur la base de cette source à pied d'égalité.

  3   Réponse:    Oui, on peut le dire, mais parfois il y a eu des vols. Je ne

  4   peux pas en donner tous les détails, mais, moi, pendant une certaine

  5   période, j'étais chargé de la défense civile de Bratstvo, et donc d'une

  6   force de protection de Bratstvo jusqu'à la guerre.

  7   Question:   Donc, en fait, il y a eu des vols de temps en temps?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Vous, en tant que personne ayant participé à ces événements

 10   concernant entre autres les conflits entre Croates et Musulmans, pouvez-

 11   vous nous dire quelle a été la cause principale de ces conflits? Pourquoi

 12   tout d'un coup, le conflit a-t-il éclaté entre ces deux peuples dans la

 13   zone de Novi Travnik?

 14   Réponse:    Eh bien, la raison principale était un grand nombre de

 15   réfugiés qui sont venus dans la municipalité de Novi Travnik. Cela a nui à

 16   l'équilibre ethnique. Les gens avaient peur d'être dominés par l'autre

 17   population. Et les Moudjahidins étaient sur place et provoquaient la

 18   population à la ligne de front qui était à Travnik et provoquaient des

 19   incidents.

 20   Je pense que les réfugiés venant de Krajina sont venus à Travnik, et cela

 21   a influé sur les événements. Les Serbes les ont expulsés justement, à mon

 22   avis, pour provoquer ce déséquilibre ethnique, et je pense que cette

 23   création d'un déséquilibre ethnique a été parmi les causes principales.

 24   Question:   Durant cette période, les ressources avaient déjà diminué de

 25   manière importante concernant les approvisionnements venant de Croatie? La


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  1   situation était de plus en plus difficile?

  2   Réponse:    Oui, la situation, elle était de plus en plus de difficile en

  3   matière d'approvisionnement et, en même temps, les besoins de la

  4   population croissaient.

  5   Question:   Merci. Nous allons maintenant parler de la Brigade de Stjepan

  6   Tomasevic. A quel moment a-t-elle été créée cette Brigade Stjepan

  7   Tomasevic et sur la base de quoi a-t-elle été créée?

  8   Réponse:    La Brigade de Stjepan Tomasevic a été créée au mois de

  9   décembre 1992 suite aux ordres de M. Blaskic.

 10   Question:   C'était pratiquement une brigade intermunicipale du HVO, est-

 11   ce vrai?

 12   Réponse:    Oui, c'était la seule brigade intermunicipale dans cette

 13   partie centrale de Bosnie, parce qu'il n'y avait pas suffisamment

 14   d'effectifs, de personnel.

 15   Question:   Par conséquent, intermunicipale, il s'agissait de deux

 16   municipalités: lesquelles?

 17   Réponse:    C'était pour Vitez et Novi Travnik.

 18   Question:   Toutes les autres municipalités de la Bosnie centrale étaient-

 19   elles en mesure d'organiser leur propre brigade?

 20   Réponse:    Oui, c'est cela.

 21   Question:   Qui était le premier commandant de la Brigade Stjepan

 22   Tomasevic?

 23   Réponse:    Le premier commandant de cette brigade mixte était M. Borivoj

 24   Malbasic.

 25   Question:   A cette époque-là, pendant que Malbasic était commandant,


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  1   Mario Cerkez était-il au commandement? Et, si oui, quelle était sa

  2   fonction?

  3   Réponse:    D'après ma connaissance, Mario Cerkez était dans la brigade et

  4   il a été chef de l'unité, chef de l'état-major, pardon, de la brigade.

  5   Question:   Vous voulez dire chef de l'état-major?

  6   Réponse:    Oui, c'est bien chef de l'état-major.

  7   Question:   Mais à quelle fonction? Commandant adjoint?

  8   Réponse:    Oui, commandant adjoint de la brigade.

  9   Question:   Est-ce vrai que Malbasic, au début de 1993, a été muté à

 10   Vares?

 11   Réponse:    C'est cela.

 12   Question:   Il ne regagne plus Novi Travnik?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Est-ce vrai qu'à cette époque-là, Mario Cerkez a été nommé

 15   commandant temporaire intérimaire de la brigade?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Avez-vous le souvenir de la date où était donné l'ordre

 18   d'après lequel toutes les municipalités devaient être dotées d'une

 19   brigade?

 20   Réponse:    Je pense que ceci s'est passé au mois de mars 1993 parce qu'il

 21   était tout simplement difficile de se mettre d'accord sur

 22   l'approvisionnement en matériel entre les différentes municipalités.

 23   Probablement que c'était l'une des raisons pour lesquelles il a fallu

 24   diviser des brigades dans leur fonctionnement, parce qu'elles ne pouvaient

 25   pas fonctionner ainsi.


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  1   Question:   A propos, pendant que Cerkez était membre du commandement,

  2   voire commandant jusqu'en mars, vous avez tenu la fonction de chef de

  3   comité pour communiquer avec lui?

  4   Réponse:    Oui, lors des réunions de la partie, de la défense civile, de

  5   la protection civile du HVO.

  6   Question:   Selon quel principe avez-vous coopéré avec Cerkez, étant donné

  7   votre fonction?

  8   Réponse:    En général, pour ce qui est du complètement de la brigade et

  9   pour ce qui est du matériel, des moyens de guerre, lourds, etc.

 10   Question:   D'après vos contacts, avez-vous pu conclure que c'était l'une

 11   des tâches à remplir par Cerkez? A savoir, à communiquer au sujet de tout

 12   ce qui consistait en la logistique de la municipalité?

 13   Réponse:    Oui, tel était mon sentiment.

 14   Question:   Ces contacts vous ont-ils permis de constater qu'à cette

 15   époque-là, Cerkez pouvait communiquer avec votre collègue, que vous avez

 16   mentionné, à savoir avec Marjan Skopljak, toujours aux mêmes fins?

 17   Réponse:    Rares étaient nos contacts mais, d'après la logique des

 18   choses, à la suite de toute réunion, il se disait obligé de se rendre à

 19   Vitez, etc. Je ne le suivais pas.

 20   Question:   Substantiellement, y a-t-il eu des changements dans les

 21   rapports entre la section de la défense, protection civile, et la brigade

 22   d'autre part, maintenant que Cerkez est devenu le numéro un par rapport à

 23   la situation précédente?

 24   Réponse:    On n'a pas vraiment senti cette différence. Mais peut-être

 25   qu'il a eu moins de temps pour venir nous voir.


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  1   Question:   Etes-vous d'accord pour dire qu'à cette époque-là, la brigade

  2   devait remplir et pouvoir fonctionner dans un secteur vers Travnik?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Cette activité de la brigade a-t-elle été régulière, en

  5   continuité?

  6   Réponse:    Bien sûr, puisque la ligne de front devait être tenue.

  7   Question:   La Brigade Stjepan Tomasevic a été composée de deux régiments.

  8   C'est vrai?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Comment se passait le complètement, étant donné la disposition

 11   territoriale?

 12   Réponse:    Il y avait d'abord les deux municipalités, Travnik et Vitez;

 13   les deux devaient consécutivement s'y employer.

 14   Question:   Comment se présentait le commandement?

 15   Réponse:    Il y avait d'abord le commandant et, d'un autre côté, la

 16   logistique, les unités de logistique.

 17   Question:   Mais lorsqu'il s'agissait de personnels militaires,

 18   d'effectifs militaires, quand ils devaient se rendre au front, comment

 19   étaient-ils convoqués?

 20   Réponse:    Ils étaient convoqués, d'après les ordres donnés, à partir de

 21   leur domicile pour se rendre au front.

 22   Question:   Cette brigade disposait-elle de capacités de baraquements

 23   quelconques, de casernes?

 24   Réponse:    Pour ce qui est de leurs capacités dans les parties de Novi

 25   Travnik que nous avons eu sous notre contrôle, elles n'existaient pas,


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  1   pour ainsi dire.

  2   Question:   Une fois tout militaire rentré à la maison, était-il libre?

  3   Réponse:    Oui, évidemment jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à nouvelle

  4   convocation.

  5   Question:   Oui, c'est ce que nous avons déjà dit et nous ne le répéterons

  6   plus. L'armée de Bosnie-Herzégovine, en référence de fonctionnement de

  7   votre unité, avait-elle eu des casernes, des baraquements personnels

  8   permanents?

  9   Réponse:    Pour ce qui est de la région de Novi Travnik, c'était la même

 10   chose avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, comme avec nous.

 11   Question:   Mais dans une région plus large?

 12   Réponse:    Dans une région plus large, à Travnik, il y avait une caserne

 13   de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui est de Zenica, je ne

 14   pourrais pas vous le dire.

 15   Question:   C'était donc pratiquement les baraquements de l'ancienne JNA?

 16   Réponse:    Oui, de l'ancienne JNA.

 17   Question:   Qu'ils ont utilisés maintenant?

 18   Réponse:    Oui, c'est cela.

 19   Question:   Avez-vous eu des problèmes lors du recrutement, lors de la

 20   réactivation de ce personnel, de ses effectifs pour qu'ils détiennent la

 21   ligne de front, pour ce qui est de leurs capacités militaires, de leur

 22   formation militaire, etc.?

 23   Réponse:    Ecoutez, les problèmes étaient divers et quotidiens, tant en

 24   ce qui concerne leur formation qu'en ce qui concerne leur nombre, etc.

 25   Question:   Avez-vous mobilisé également les gens qui avaient dépassé


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  1   l'âge de la mobilisation?

  2   Réponse:    Oui. D'après l'ancienne loi, ces gens-là pouvaient aussi être

  3   mobilisés également. Mais il y a eu aussi des volontaires.

  4   Question:   Juste un petit détail en vue de ma démonstration: lorsque -par

  5   exemple- un homme qui a reçu une nouvelle assignation ne venait pas au

  6   lieu assigné, que lui arrivait-il?

  7   Réponse:    Je ne sais pas très bien ce que vous visez.

  8   Question:   Mais quelle était la procédure?

  9   Réponse:    La procédure est que la police militaire devait s'en charger.

 10   Question:   Y parvenait-elle pour le ramener à l'unité?

 11   Réponse:    Oui, en général; à moins qu'il ne se soit caché quelque part.

 12   Question:   Au cours de l'année 1992, lorsqu'on parlait de votre quartier

 13   général, qu'arrivait-il à cette personne-là qui ne répondait pas à l'appel

 14   sous les drapeaux?

 15   Réponse:    Elle devait tout simplement subir les critiques de ses

 16   citadins, sans plus.

 17   Question:   Par conséquent, même s'il y avait une convocation, une

 18   assignation à telle ou telle personne, au cours de 1992, les gens

 19   répondaient à l'appel. Il y avait des bénévoles?

 20   Réponse:    Cela est exact et nous les avons surtout convoqués à partir de

 21   la liste des bénévoles.

 22   Question:   Donc, il y avait des bénévoles qui voulaient se faire appeler?

 23   Réponse:    C'est cela.

 24   Question:   Est-ce que, dans ces contacts, pendant l'existence de la

 25   brigade, vous avez eu des contacts avec Cerkez et Malbasic pour en savoir


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  1   plus sur l'exercice militaire qui devait être fait par Cerkez en vue du

  2   front, en vue de l'établissement?

  3   Réponse:    Monsieur Malbasic me disait qu'il s'occupait d'ingénierie pour

  4   ce qui est de la ligne de front vers Kamenjas.

  5   Question:   Travaux d'ingénierie? De toute évidence, il a eu besoin de

  6   soutien logistique, de moyens mécaniques, matériels, etc. La municipalité

  7   devait y aider, bien sûr?

  8   Réponse:    C'est vrai, oui. En général, c'étaient des travaux manuels

  9   qu'il fallait accomplir.

 10   Question:   Je vous remercie. Vous avez été membre de la structure civile,

 11   plus tard HVO, tout au long de ce conflit en Bosnie-Herzégovine. Avez-vous

 12   eu connaissance de l'existence d'une politique, d'un ordre ou d'un

 13   document quelconque selon lequel on vous aurait demandé de persécuter la

 14   population civile et musulmane, ou qu'ils soient traités en tant que

 15   citoyens de second ordre, etc.?

 16   Réponse:    Je n'ai jamais eu connaissance de ce type de document, ni

 17   d'ordre. En toute responsabilité, je dis que je ne pourrais jamais remplir

 18   ce type de mission.

 19   Question:   Au cas où il y aurait eu une politique informelle ou peut-être

 20   pas tout à fait officielle, pourriez-vous y répondre?

 21   Réponse:    Je crois que je pourrais en dire quelque chose, étant donné

 22   que j'ai eu pas mal de gens qui ont été, eux-mêmes, responsables, même

 23   parmi mes voisins.

 24   Question:   Vous avez pris part à de nombreuses négociations pour trouver

 25   une solution à tous ces incidents au cours de l'année 1992 et 1993; c'est


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  1   ce que vous avez dit. Vous avez dû détenir pas mal de données concernant

  2   ces événements portant sur les réfugiés, les blessés, les échanges de

  3   blessés, etc.?

  4   Réponse:    Oui, c'est cela.

  5   Question:   Somme toute, à lire toutes ces données, peut-on dire quelle

  6   était la population qui était essentiellement la victime?

  7   Réponse:    Je pense -et je dois vous le dire en toute liberté- que les

  8   deux populations, les deux ethnies étaient victimes, pour ce qui est de la

  9   région de Novi Travnik.

 10   Question:   Pour ce qui est du nombre de réfugiés, pouvez-vous dire quelle

 11   était l'ethnie qui avait le plus de réfugiés?

 12   Réponse:    Pour ce qui est de Novi Travnik, qui se trouvait sous notre

 13   contrôle, nous avons eu environ 20.000 réfugiés, des Croates.

 14   Question:   Des Croates?

 15   Réponse:    Oui, des Croates. Pour que ce qui est de l'autre partie, la

 16   partie supérieure de la région, je ne pourrais pas m'étendre plus

 17   longuement.

 18   Question:   Depuis la fin d'avril 1993, lorsque la Brigade de Vitez a été

 19   en quelque sorte isolée, la Brigade Stjepan Tomasevic, sur les ailes du

 20   front, avait-elle eu des contacts avec cette première?

 21   Réponse:    Nous avons eu des contacts avec la Brigade de Vitez dans les

 22   hameaux de Lazine, Zaselje. Et suivant les besoins, nous avons dû nous

 23   occuper du complètement de la Brigade de Vitez dans la région de Zabrdje.

 24   Question:   C'est dans cette région que se trouve la localité de Gradine,

 25   n'est-ce pas?


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  1   Réponse:    C'est cela.

  2   Question:   Ces complètements-là consistaient à ce que ces brigades

  3   s'entraidaient l'une l'autre, suivant les pressions subies, pour couvrir

  4   les points faibles?

  5   Réponse:    Oui. Sporadiquement: tout dépend évidemment des besoins

  6   ressentis.

  7   Question:   De principe, le point de contact entre ces deux brigades était

  8   pratiquement la frontière municipale, n'est-ce pas?

  9   Réponse:    C'est cela.

 10   Question:   Vous avez dit: "Selon les besoins aussi"?

 11   Réponse:    Exactement.

 12   Question:   Pour conclure, Monsieur Markovic, les projets qui étaient les

 13   vôtres dans votre vie personnelle, avant cette malheureuse guerre,

 14   pouvaient-ils nous faire croire que vous avez voulu passer toute votre vie

 15   à Novi Travnik?

 16   Réponse:    C'est à l'âge de 35 ans que je suis venu à Novi Travnik. Et

 17   j'ai cru que c'était pratiquement que je vais couler les dernières années

 18   de ma vie, vieillir et mourir définitivement.

 19   Question:   Mais entre-temps, vous avez évacué votre famille vers Rijeka

 20   en Croatie, est-ce vrai?

 21   Réponse:    Oui, c'est en 1992 que j'ai évacué ma famille, lorsque les

 22   avions de la JNA ont franchi le mur du son au-dessus de Bratstvo. C'était

 23   pratiquement l'avertissement fait par la JNA comme quoi suivrait

 24   immédiatement une attaque. Et c'est ainsi que j'ai pu évacuer ma famille

 25   vers mes cousins germains à Rijeka.


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  1   Question:   Je crois que vous n'étiez pas le seul à le faire: c'était un

  2   phénomène généralisé déjà?

  3   Réponse:    Oui, c'était déjà un phénomène connu. Nous sommes restés pour

  4   combattre quand nos familles ont été évacuées.

  5   Question:   Votre famille a pu ensuite regagner votre pays?

  6   Réponse:    Oui, cela est vrai. Au moment où j'ai cru comprendre, une fois

  7   pour toutes, que ce conflit entre Musulmans et Croates était arrêté; en

  8   janvier 1993, ma famille est revenue à Novi Travnik.

  9   Question:   Et pendant tout le temps du conflit, vous étiez ensemble avec

 10   votre famille à Novi Travnik?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Monsieur Markovic, croyez-vous qu'après juin 1993, vous avez

 13   pu penser évacuer une fois de plus votre famille à Rijeka et partir vous-

 14   même?

 15   Réponse:    Si seulement les passages étaient libres, je crois que la

 16   majeure partie d'entre nous en aurait fait autant. Mais nous avons été

 17   encerclés et nous n'étions plus en possibilité.

 18   Question:   Lorsque vous étiez définitivement encerclés sous le siège,

 19   vous n'avez pas pu sortir de cet espace, ni en civil ni en militaire ni en

 20   quoi que ce soit?

 21   Réponse:    Ce n'est uniquement que lorsque nous avons dû évidemment

 22   envoyer nos blessés vers Split, à deux ou trois reprises.

 23   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Markovic. Je n'ai

 24   plus d'autres questions. Merci, Monsieur le Président.

 25   (Interrogatoire de M. Iciva Markovic par M. Sayers.)


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   1   M. Sayers (interprétation): J'ai quelques questions au nom de Monsieur

  2   Kordic.

  3   Bonjour Monsieur Markovic. Je m'appelle Stéphan Sayers. Nous nous sommes

  4   rencontrés pour essayer de parler au sujet de quelques faits, de ce dont

  5   nous allons nous entretenir aujourd'hui. Est-ce vrai?

  6   M. Markovic (interprétation): C'est cela.

  7   Question:   Est-ce vrai, peut-on dire généralement, Monsieur Markovic,

  8   qu'au cours de ces trois conflits que vous venez de décrire -en juin 1992,

  9   octobre 1992 et juin 1993-, M. Kordic a été à Novi Travnik uniquement lors

 10   du conflit en octobre 1992? Est-ce vrai?

 11   Réponse:    Il est vrai qu'il était présent à Novi Travnik lors du second

 12   conflit, en 1992.

 13   Question:   Monsieur Kordic, à votre avis, est-ce une personnalité

 14   politique, militaire, l'un ou l'autre à la fois?

 15   Réponse:    Monsieur Kordic  est d'abord une personnalité tout à fait

 16   politique, à mon sens.

 17   Question:   Monsieur Markovic, durant cette affaire, on disait que M.

 18   Kordic était le commandant militaire des forces du HVO de Novi Travnik

 19   lors du premier conflit d'octobre 1992. Pouvez-vous dire devant ce

 20   prétoire qui était le commandant des forces du HVO de votre ville à cette

 21   période-là?

 22   Réponse:    Au cours du second conflit, le commandant des forces armées du

 23   HVO était Vlado Juric.

 24   Question:   Qui était le commandant en chef des forces du HVO de la Bosnie

 25   centrale pendant cette période, à savoir d'octobre 1992 jusqu'en 1994?


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  1   Réponse:    Le commandant en chef des forces armées du HVO de la Bosnie

  2   centrale était M. Tihomir Blaskic.

  3   Question:   Lors de votre témoignage, vous avez dit que vous étiez chef

  4   d'une section, d'un bureau de la défense, la municipalité de Novi Travnik:

  5   était-ce une fonction civile ou militaire?

  6   Réponse:    C'était une fonction civile mais j'ai été chargé de coordonner

  7   avec la défense.

  8   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, je crois que nous

  9   n'avons guère besoin de nous attarder plus longuement pour parler de ces

 10   preuves. Nous voulons attirer l'attention du Tribunal sur les documents

 11   Z345, Z777, à savoir, les recommandations que M. Markovic devait être

 12   nommé responsable de la section de protection civile de la municipalité de

 13   Novi Travnik; le second document étant signé par Anto Puljic, chef de la

 14   section civile. C'était pratiquement -d'après mes documents- le deuxième

 15   document portant sur sa nomination, c'est-à-dire signé par Bruno Stojic.

 16   Question:   A quel moment étiez-vous devenu membre de la Brigade Stjepan

 17   Tomasevic de Novi Travnik? Et est-ce vrai qu'à cette époque-là, les ordres

 18   au commandant de la Brigade étaient donnés par Blaskic?

 19   Réponse:    Oui, il est vrai que tous les ordres étaient reçus de la part

 20   du colonel Blaskic. Moi-même, lorsque mon mandat a expiré à cette fonction

 21   de chef de la section de la protection civile. J'étais devenu membre, je

 22   crois que c'était le 21 août 1993.

 23   Question:   Y-a-t-il eu le commandant de votre brigade, autant que vous

 24   ayez pu le savoir, qui aurait pu recevoir des ordres de la part de M.

 25   Kordic au lieu de ces personnes que vous avez identifiées comme


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  1   ordonnanciers?

  2   Réponse:    A l'époque où j'étais à la brigade, chargé de l'opérationnel

  3   et de l'enseignement politique, tous les ordres s'établissaient comme je

  4   viens de le dire.

  5   Question:   Avez-vous jamais entendu parler d'un cas où M. Kordic aurait

  6   pu tenter de donner des ordres à des membres de la Brigade Stepan

  7   Tomasevic à n'importe quel moment de l'année, durant le temps que vous

  8   avez été membre de la brigade?

  9   Réponse:    Je n'ai pas connu de tels cas. Et pour ce qui est de la ligne

 10   de commandement, elle était tout à fait claire; il n'y a eu aucun problème

 11   à observer.

 12   Question:   Durant ce conflit du mois d'octobre 1992, Monsieur Markovic,

 13   avez-vous jamais entendu dire que la route principale, à l'est de Vitez,

 14   aurait été bloquée par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Concrètement

 15   parlant, il s'agit du village de Ahmici, et que ces effectifs ont empêché

 16   la poussée des effectifs du HVO et que ces barrages les ont empêchés dans

 17   cette route-là?

 18   Réponse:    Pour ce qui est de ces barrages, j'ai entendu dire -je ne l'ai

 19   pas vu moi-même- mais j'ai pu savoir que l'on n'a pas permis la percée des

 20   unités de Busovaca vers Jajce quand nous avons tenu la ligne de front vers

 21   la JNA.

 22   Question:   Monsieur Markovic, avez-vous jamais entendu dire que M. Kordic

 23   exprimait quelque menace que ce soit à l'égard du village d'Ahmici, à la

 24   suite de cet incident de ces barrages? L'avez-vous entendu dire à l'écran

 25   ou sur les ondes?


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  1   Réponse:    Je ne l'ai ni vu ni entendu.

  2   Question:   Avez-vous eu un écho quelconque ou, chemin faisant, avez-vous

  3   entendu dire par quelqu'un que de telles menaces auraient pu être faite à

  4   l'un de ces médias?

  5   Réponse:    Je ne les ai jamais entendues dire.

  6   Question:   Je crois, monsieur, qu'il y a eu une réunion au bistro "Grand"

  7   de Novi Travnik lors du conflit d'octobre 1992. Savez-vous quelque chose à

  8   ce sujet?

  9   Réponse:    Au bistrot "Grand", trois jours, la troisième nuit après le

 10   début du conflit, quand je me suis retiré parce que j'étais avec une

 11   partie de nos liaisons, une partie de commandement était déjà installée au

 12   nouvel hôtel; parce que ma fonction consistait à retirer des matériels

 13   techniques, j'ai pu voir M. Kordic, Marinko Marelja, le Colonel Filipovic.

 14   Je les ai tout simplement rencontrés; ils étaient en conversation mais je

 15   ne savais pas qu'il s'agissait d'une réunion quelconque car je m'occupais

 16   de la ligne de front.

 17   Question:   Ce qui a eu lieu au café "Grand", qu'était-ce, ce bistrot?

 18   S'agissait-il d'un lieu à d'autres fins?

 19   Réponse:    Non, c'était un café, une pizzeria tout simplement. Etant

 20   donné le conflit en cours et qu'une partie de la municipalité se trouvait

 21   du côté de la ligne de front, c'est au café "Grand" que se trouvait la

 22   police civile. Et puis après, nous avons dû regagner... Le café "Grand"

 23   était un café tout court, ouvert tout au long de la guerre.

 24   Question:   Merci, Monsieur. J'ai encore quelques questions à poser

 25   concernant ces combats du mois de juillet. Ces combats ont éclaté début


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  1   juin, lorsque l'armée de Bosnie-Herzégovine a perpétré ses attaques contre

  2   la municipalité à Novi Travnik, ce qui a eu pour résultat 20.000 réfugiés,

  3   vous en avez donné la description. Est-ce vrai? Ai-je bien dit?

  4   Réponse:    C'est vrai, vous avez très bien dit.

  5   Question:   Pouvez-vous dire, devant ce prétoire, comment se présentaient

  6   les problèmes qu'un très grand nombre de réfugiés ont pu causer une fois

  7   venus dans votre municipalité à partir de la municipalité de Travnika?

  8   Pouvez-vous nous dire quelque chose en quelques termes généraux?

  9   Réponse:    Oui, je peux dire quelque chose. Tout était spontané. D'une

 10   heure à l'autre, beaucoup de gens nous parvenaient: femmes et enfants.

 11   C'était un chaos anarchique qui régnait sans arrêt, sans police pour y

 12   mettre un peu d'ordre. Le principal problème est que ces gens-là

 13   pénétraient purement et simplement dans les appartements en disant:

 14   "Maintenant que j'ai perdu tous mes biens et ma maison, je dois avoir un

 15   toit au-dessus de ma tête. Pourquoi voulez-vous protéger les Musulmans?"

 16   Tout dépassait nos capacités de les en empêcher. C'est ainsi que nous

 17   avons dû nous en occuper pendant quelques jours pour calmer la situation,

 18   pour calmer les gens. Mais cette anarchie, ce chaos ont duré cinq à six

 19   jours au moins.

 20   Question:   A en juger par l'heure qu'il est, monsieur le Président, nous

 21   avons encore cinq minutes à notre disposition. Voulez-vous que l'on

 22   procède à la pause?

 23   M. le Président (interprétation): Oui, le moment est propice. Monsieur

 24   Markovic, nous aurons une pause d'une demi-heure. Je vous prie de ne

 25   contacter personne pendant la pause tant que vous n'aurez pas terminé


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  1   votre témoignage. Cela concerne aussi les membres du conseil de la

  2   défense. Je vous prie d'être ici à 11 h 30.

  3   (La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 38.)

  4   M. Sayers (interprétation): Monsieur Markovic, avant l'interruption, nous

  5   parlions de l'effet qu'avait eu l'afflux de réfugiés à Novi Travnik. Ils

  6   venaient de Travnik, ceci au début du mois de juin 1993. Il y a eu un

  7   incident dans la même époque, celui qui concerne le convoi de la joie ou

  8   le convoi de Tuzla, alors qu'il a traversé Novi Travnik, les 10 et 11

  9   juin. Est-ce qu'à l'époque, vous vous trouviez à Novi Travnik au moment où

 10   ce convoi a traversé la municipalité?

 11   M. Markovic (interprétation): Oui.

 12   Question:   Il a été suggéré dans ce procès que l'arrêt de ce convoi par

 13   des Croates, à Novi Travnik, avait été minutieusement organisé, coordonné,

 14   planifié. Pourriez-vous, vous, nous donner votre version des faits: est-ce

 15   que cette analyse est correcte ou pas?

 16   Réponse:    Ce n'est pas exact. Le convoi a été arrêté spontanément par la

 17   population.

 18   Question:   Vous-même, vous avez été accosté et insulté par une foule en

 19   colère, vers la même époque?

 20   Réponse:    C'est exact, à Nevic Polje. C'est à cet endroit qu'une partie

 21   du convoi avait été arrêtée alors que l'autre partie du convoi se trouvait

 22   à l'intersection Vitez/Travnik.

 23   Question:   Encore quelques questions, Monsieur Markovic. On vous a

 24   demandé de façon générale si vous étiez au courant, si vous aviez entendu

 25   parler d'une politique, directe ou indirecte, qui prônait la persécution


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   1   des personnes d'origine musulmane. Est-ce qu'il y avait une campagne qui

  2   avait été montée dans ce sens? Est-ce que vous avez entendu M. Kordic

  3   tenir des propos péjoratifs ou insultants à l'égard des Musulmans? Est-ce

  4   que vous l'auriez entendu tenir de tels propos en personne ou à travers

  5   les médias?

  6   Réponse:    J'ai entendu M. Kordic parler pour la première fois à la

  7   cérémonie de prise de serment, à Novi Travnik. C'est à cette occasion-là

  8   qu'il s'était adressé aux soldats qui prêtaient serment et il nous a

  9   invités à nous organiser avec les Musulmans contre l'agresseur et contre

 10   les extrémistes qui se trouvaient parmi les Musulmans qui voulaient

 11   s'emparer de la Bosnie pour eux-mêmes.

 12   Question:   Mais est-ce que vous auriez entendu M. Kordic, par la suite ou

 13   vers la même époque, alors qu'il aurait tenu des propos insultants à

 14   l'encontre de personnes d'origine musulmane ou est-ce qu'il aurait prôné

 15   le recours à la violence contre eux?

 16   Réponse:    Jamais je ne l'ai entendu dire de telles choses. Il a parlé

 17   d'individus qui étaient des extrémistes. Nous en avions dans nos rangs

 18   comme il en existait dans les rangs des Musulmans.

 19   Question:   Je vous remercie, Monsieur, je n'ai plus de questions à vous

 20   poser.

 21   (Contre-interrogatoire de M. Iciva Markovic par M. Nice.)

 22   M. Nice (interprétation): Nous n'avons pas été informés avec beaucoup de

 23   temps de ce témoin; dès lors, il y aura peut-être quelques lacunes dans ce

 24   que je vais poser comme questions. Ce ne sera -de toute façon- pas un

 25   contre-interrogatoire très long.


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  1   Commençons au début. J'aimerais en effet comprendre quelle était votre

  2   situation. Que faisiez-vous précisément au début 1992 à Novi Travnik,

  3   Monsieur?

  4   M. Markovic (interprétation): J'étais chef de secteur à l'usine Bratstvo

  5   et j'étais responsable de la défense populaire pour l'ensemble de

  6   l'entreprise.

  7   Question:   Vous étiez bien entendu au courant de la création de la

  8   Communauté croate d'Herceg-Bosna, qui comptait parmi ses municipalités

  9   celle de Novi Travnik, n'est-ce pas?

 10   Réponse:    Oui, j'étais au courant, mais je n'étais pas actif en

 11   politique.

 12   Question:   Et est-ce que cela vous semblait être une chose assez bizarre,

 13   à l'époque, qu'il y ait une organisation dominée par les Croates qui

 14   prenne dans son territoire une municipalité où il y avait un équilibre

 15   démographique entre les Croates et les Musulmans?

 16   Réponse:    Les Croates et les Musulmans se partageaient le pouvoir, ceci

 17   jusqu'au moment où la Communauté croate d'Herceg-Bosna a été constituée.

 18   Par la suite, les Croates se sont retirés, mais je crois que c'était en

 19   réaction aux actions entreprises par le Parlement de la Bosnie-

 20   Herzégovine.

 21   Question:   Mais le Parlement fonctionnait toujours, le gouvernement

 22   aussi: alors, dans une région où se trouvaient en nombre égal des Croates

 23   et des Musulmans, pourquoi est-ce que les Croates se sont tout d'un coup

 24   retirés de cette entente et s'attachaient à ne faire partie que d'une

 25   organisation croate?


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  1   Réponse:    Eh bien, on disait que, puisque l'Etat de Bosnie-Herzégovine

  2   ne fonctionnait plus véritablement, c'était nécessaire.

  3   Question:   Est-ce que les Croates s'intéressaient à Novi Travnik du fait

  4   que cette entreprise où vous travailliez représentait une telle force

  5   économique?

  6   Réponse:    Novi Travnik se composait de 18 groupes démographiques

  7   différents. C'était une petite ville, mais qui comptait plusieurs

  8   appartenances ethniques. Il y avait moins de Croates travaillant pour

  9   l'usine que d'autres groupes ethniques.

 10   Question:   Mais étant donné l'importance stratégique de cette usine, est-

 11   ce la raison pour laquelle la Communauté croate d'Herceg-Bosna a repris

 12   cette communauté dans son territoire?

 13   Réponse:    Ça, je ne sais pas.

 14   Question:   Et nous constatons que, pendant assez longtemps, par rapport

 15   aux unités séparées qu'il y avait à Novi Travnik et à Vitez, ici, il y

 16   avait une entité conjointe, un HVO conjoint. Pourquoi, à votre avis?

 17   Réponse:    Excusez-moi, mais je n'ai pas bien compris la question. Je

 18   n'ai pas compris ce que vous disiez à propos du HVO conjoint, commun?

 19   Question:   Eh bien, Vitez, Cerkez, il travaillait au départ de Novi

 20   Travnik et puis, il est passé à Vitez. Est-ce exact?

 21   Réponse:    Non, non. Ils étaient de Vitez et puis ils sont repartis à

 22   Vitez.

 23   Question:   Nous verrons, si besoin en est, le document par la suite.

 24   S'agissant de M. Kordic, est-ce que par hasard vous avez lu un article de

 25   presse qu'avait écrit un certain Cicak qui a dit que Kordic avait


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  1   constitué un parti semi-militaire, notamment à Novi Travnik? Cet article a

  2   été publié au mois de mars 1992.

  3   Réponse:    Je n'ai pas lu cet article.

  4   Question:   Est-ce que Kordic avait pris part à des activités militaires à

  5   Novi Travnik dès le mois de mars 1992?

  6   Réponse:    Non.

  7   Question:   Et vous affirmez qu'il ne s'est jamais rendu à Novi Travnik

  8   vers le mois de mars 1992?

  9   Réponse:    Ce n'est pas ce que j'ai dit.

 10   Question:   En effet, un certain Zuljevic, à la page 22.606, un témoin

 11   nous dit avoir rencontré M. Kordic à Novi Travnik, ceci au mois de mars

 12   1992. Est-ce que, dès cette époque, vous l'avez rencontré à Novi Travnik?

 13   Réponse:    J'ai dit -dans ma déclaration- que j'avais vu M. Kordic au

 14   cours du second conflit et, à ce moment-là, lors de la troisième nuit de

 15   ce conflit.

 16   Question:   Est-ce que vous l'auriez vu auparavant, au mois de mars 1992?

 17   Réponse:    Etant donné que je m'occupais des questions militaires, il est

 18   peut-être venu voir M. Jozo Sekic qui était représentant du HDZ à Novi

 19   Travnik.

 20   Question:   Vous avez dit que ce n'était qu'un homme politique et vous

 21   avez dit qu'il n'était pas parmi les commandants militaires; mais selon

 22   vous, qui était le commandant des commandants militaires à Novi Travnik?

 23   Réponse:    De quelle période parlons-nous?

 24   Question:   Mars 1992 et plus tard. Mais cela commence en mars 1992. Quel

 25   était l'homme politique à la tête des commandants militaires?


Page 23962

  1   Réponse:    A Novi Travnik, les commandants militaires ne prenaient pas

  2   leurs ordres des hommes politiques.

  3   Question:   Et c'est vraiment de façon sérieuse: vous voulez dire que les

  4   commandants politiques faisaient tout eux-mêmes, géraient tout eux-mêmes?

  5   Réponse:    A Novi Travnik, nous recevions nos ordres du colonel Blaskic.

  6   Quant à savoir si lui recevait ses ordres d'autrui, cela, je ne sais pas;

  7   et je n'ai pas le sentiment que je devais le savoir.

  8   Question:   Lorsqu'arrive le printemps 1992, quelle était votre fonction?

  9   Réponse:    Eh bien, j'étais chef de l'état-major dès la création de cet

 10   état-major municipal.

 11   Question:   Donc, vous étiez chef d'état-major du quartier général...

 12   Excusez-moi, c'est moi qui me trompe, ce n'est pas vous. Mais ce n'est pas

 13   clair dans mon esprit.

 14   Réponse:    Eh bien, du conseil croate de la défense.

 15   Question:   Et même à ce titre, vous voulez dire que vous ne saviez pas du

 16   tout quels étaient les hommes politiques à la tête du conflit armé?

 17   Réponse:    Ce que je sais, c'est qui était homme politique et, au moment

 18   du premier conflit, c'était un conflit spontané. Par la suite, nous avons

 19   reçu des ordres du colonel Blaskic et les hommes politiques, eux, n'ont

 20   donné aucun ordre.

 21   Question:   Nous voulons bien comprendre. Vous nous dites qu'à votre avis,

 22   les hommes politiques n'ont joué aucun rôle, à quelque moment que ce soit,

 23   dans ce conflit armé entre le mois de juin 1992 et l'été 1993?

 24   Réponse:    Eh bien, pas au niveau où moi je travaillais. Et je n'ai pas

 25   de connaissance autre.


Page 23963

  1   Question:   Vous ne connaissiez aucun homme politique qui eût été

  2   supérieur à M. Kordic dans votre région?

  3   Réponse:    Monsieur Kordic était le président de la Communauté croate de

  4   Bosnie centrale, et je pense que c'était lui l'homme politique le plus

  5   influent dans la région.

  6   Question:   Admettez-vous qu'il se peut qu'il ait rendu visite dans cette

  7   région, de façon régulière au début de 1992; car un autre témoin nous a

  8   dit qu'à son arrivée, quand il venait, il était en uniforme militaire et

  9   accompagné d'une escorte militaire.

 10   Réponse:    Je l'ai vu en uniforme militaire, mais uniquement au moment du

 11   troisième conflit.

 12   Question:   Pour en terminer sur ce point, admettez-vous que vous l'avez

 13   vu à Novi Travnik au cours du printemps 1992? Et si tel est le cas, que

 14   portait-il à cette occasion-là?

 15   Réponse:    Je l'ai vu et il était en civil, ceci au début de l'année

 16   1992.

 17   Question:   Dans l'intérêt des Juges, je préciserai qu'il s'agit de la

 18   page 7245 ainsi que de la page 46.

 19   Parlons d'un incident précis dont vous devez inévitablement être au

 20   courant. Ceci se passe au mois d'avril, de mai 1990, au moment où Kordic

 21   rend visite à l'usine de Bratstvo et est parti avec deux lance-roquettes.

 22   A l'époque, vu la fonction que vous occupiez et la connaissance que vous

 23   aviez de l'usine, vous deviez être au courant?

 24   Réponse:    Oui, j'en ai entendu parler.

 25   Question:   Il est venu en compagnie d'un certain nombre de soldats armés,


Page 23964

  1   n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Oui, il y avait des soldats avec lui, oui.

  3   Question:   Et on peut dire qu'il a emporté certaines pièces d'équipement

  4   militaire important et qu'il s'en est saisi par la force.

  5   Réponse:    Le directeur, Husein Sahinovic, qui était mon supérieur, m'a

  6   dit que les documents remis étaient tous en ordre et que les armements

  7   avaient quitté l'usine de façon tout à fait légale.

  8   Question:   Est-ce qu'il y avait des rumeurs qui circulaient à l'époque

  9   selon lesquelles Kordic menaçait de recourir à la force si on ne lui

 10   remettait pas ces armes qui devaient être utilisées par la Croatie?

 11   Réponse:    Les personnes qui travaillaient dans le service de sécurité à

 12   l'école à Bratstvo et leurs supérieurs, dont moi-même, n'étaient pas au

 13   courant.

 14   Question:   Je ne vais pas reprendre le témoignage que les Juges garderont

 15   à l'esprit. J'en reparlerai au moment du réquisitoire.

 16   Arrive le mois de mai 1992, nous apprenons et nous avons appris que le

 17   gouvernement municipal de Novi Travnik était uniquement composé de Croates

 18   parce que les élus avaient été remplacés. Pourriez-vous nous apporter des

 19   éclaircissements?

 20   Réponse:    De quelle période parlons-nous?

 21   Réponse:    Fin mai, peut-être début juin 1992. [expurgée]

 22   [expurgée]

 23   Pourriez-vous nous dire, Monsieur, comment il se fait que des

 24   représentants officiellement élus aient été remplacés par des Croates au

 25   gouvernement?


Page 23965

  1   Réponse:    Jusqu'au mois de mai, il y avait une structure conjointe,

  2   commune de pouvoir. Salih Krnic était le responsable. A l'époque, moi je

  3   travaillais toujours à l'usine de Bratstvo, je n'étais pas au courant de

  4   tous les détails; mais, s'agissant du remplacement de ces personnalités,

  5   je pense que les Musulmans avaient quitté les fonctions qu'ils occupaient

  6   dans ce gouvernement conjoint et qu'ils avaient été remplacés par d'autres

  7   personnes.

  8   Question:   Est-ce qu'ils sont partis parce qu'on les a forcés à partir?

  9   Et qui les a forcés à partir, si c'est le cas?

 10   Réponse:    Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire. Je crois qu'ils ont

 11   décidé d'eux-mêmes de partir.

 12   Question:   Pourriez-vous nous expliquer comment il se fait que, dans une

 13   ville où l'on a pratiquement en nombre égal deux groupes ethniques, un de

 14   ces groupes décide tout simplement d'abandonner ses postes de pouvoir, ses

 15   fonctions d'autorité?

 16   Réponse:    Cela, je ne sais pas. C'est à eux qu'il faut poser la

 17   question.

 18   Question:   Mais c'est tout simplement faux. Vous savez très bien que ces

 19   personnes ont été chassées de leur poste parce que le HVO prenait le

 20   pouvoir.

 21   Réponse:    Non, les gens n'ont pas été forcés à partir à Novi Travnik. Il

 22   y a des gens qui sont partis alors que d'autres sont restés, même

 23   jusqu'après le troisième conflit et je suis content de pouvoir vous dire

 24   qu'ils vivent là encore aujourd'hui.

 25   Question:   Mais pour ce qui est des fonctions publiques, celles-ci


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  1   étaient occupées par des personnes qui, vous le reconnaîtrez, ont quitté

  2   cette fonction?

  3   Réponse:    Ces personnes ont établi un gouvernement parallèle.

  4   Question:   Nous en arrivons au premier conflit. Pourriez-vous nous

  5   expliquer, une fois de plus, sur quoi il s'est déclenché: est-ce qu'il

  6   s'agissait d'un drapeau à l'origine?

  7   Réponse:    Nous sommes tombés d'accord de façon tout à fait pacifique, le

  8   commandant de la Défense territoriale et moi-même; ça, c'était le matin.

  9   Et l'après-midi, le drapeau qui avait été hissé sur le bâtiment où il y

 10   avait des forces conjointes de police a été retiré. C'est ceci qui avait

 11   été la cause du conflit.

 12   Question:   Est-ce que vous saviez qu'à moment-là, Izetbegovic déclarait

 13   la guerre au nom des deux communautés pratiquement, guerre ou combat

 14   contre les Serbes? Est-ce que vous étiez au courant de cela?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Mais pour que le tableau soit complet, les Croates de Novi

 17   Travnik qui semblaient plus préoccupés par la question de ce drapeau qui

 18   montrait cette espèce de tension interethnique, ils étaient plus

 19   préoccupés par cela que par le fait qu'une guerre devait être menée par

 20   eux-mêmes et les Musulmans contre un ennemi commun. Est-ce exact?

 21   Réponse:    Non, je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur. En effet, à

 22   l'époque, les Croates tenaient déjà les lignes de front contre les Serbes;

 23   ils y sont restés jusqu'au bout.

 24   Question:   Essayons de respecter l'ordre chronologique des événements.

 25   Parlons maintenant des gardes villageoises. Ces gardes ont été créées,


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  1   n'est-ce pas, et elles existaient à l'époque?

  2   Réponse:    Oui, elles existaient déjà avant la création du quartier

  3   général du HVO.

  4   Question:   Et vous nous avez dit que les militaires étaient indépendants

  5   des hommes politiques ou encore qu'ils n'étaient pas au courant de ce que

  6   faisaient les hommes politiques. Cependant, les gardes villageoises, elles

  7   n'agissaient pas de leur propre chef; ce n'étaient pas des unités non

  8   coordonnées, indépendantes?

  9   Réponse:    En ce qui concerne les gardes villageoises, chaque village se

 10   procurait sa propre défense; donc ils n'étaient pas du tout coordonnés.

 11   Question:   Vous voulez donc dire qu'ils ne recevaient pas d'instructions,

 12   pas du tout, de la part du HVO?

 13   Réponse:    C'est seulement après la création du HVO, au bout de dix,

 14   quinze jours que nous avons parfois eu recours aux gardes villageoises

 15   pour créer nos unités.

 16   Question:   Oui et, ensuite, elles ont été complètement incorporées et

 17   coordonnées?

 18   Réponse:    Elles n'étaient pas complètement incorporées parce que, de

 19   temps en temps, ces gens-là partaient, se rendaient sur les lignes de

 20   front avec les Serbes.

 21   Question:   Nous avons entendu la déposition [expurgée]

 22   [expurgée]disant qu'en juin 1992, les

 23   soldats de Busovaca ont été vus dans la région de Busovaca et qu'ils ont

 24   déclaré qu'ils y avaient été envoyés par Kordic. Est-ce que vous pourriez

 25   nous expliquer cela?


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  1   Réponse:    Au cours du premier conflit, il n'y a pas eu de soldats venant

  2   de l'extérieur, mais peut-être ils traversaient la région de Drenica ou

  3   Opara, ou je ne sais pas très exactement laquelle. Cela, je ne le sais

  4   pas.

  5   Question:   Votre ville est plutôt petite. Si quoi que ce soit se passait,

  6   si des informations étaient rendues publiques par le biais des haut-

  7   parleurs, la plupart des gens auraient entendu ce message. Est-ce que vous

  8   êtes d'accord avec cela?

  9   Réponse:    En ce qui concerne le mégaphone, je ne sais pas s'il a été

 10   utilisé puisqu'au début, nous disposions de haut-parleurs et nous n'avions

 11   pas besoin de mégaphones.

 12   Question:   Est-ce que vous avez entendu à un moment, par le biais des

 13   haut-parleurs, que les forces de la Défense territoriale avaient reçu

 14   l'ordre de Zenica, des autorités de Zenica de se rendre au HVO? Est-ce que

 15   vous vous en souvenez?

 16   Réponse:    A l'endroit où se trouvait le commandement, et où je me

 17   trouvais donc, je n'ai pas reçu ce genre de message diffusé par le biais

 18   des haut-parleurs.

 19   Question:   Et, bien sûr, vous considérez qu'une telle information aurait

 20   été entièrement erronée. Mais je souhaite simplement savoir si ceci a été

 21   fait, pour autant que vous le sachiez, dans la tentative du HVO de faire

 22   en sorte que les Musulmans se rendent au HVO?

 23   Réponse:    A ce moment-là, ces moyens techniques n'ont pas été employés

 24   puisque le premier conflit a duré pendant quelques heures. Donc, il n'y

 25   avait pas suffisamment de temps pour faire cela. Et, de toute façon, le


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  1   tout s'est déroulé de manière spontanée. Ce genre de moyen technique n'a

  2   pas du tout été utilisé.

  3   Question:   En ce qui concerne ce premier conflit, et ensuite je vais

  4   arrêter d'en parler, mais je souhaite simplement établir, constater que ce

  5   conflit a été lié au fait que les Croates voulaient dominer par la force

  6   les Musulmans, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    Non, les Croates n'essayaient pas de les dominer de manière

  8   forcée. Nous étions tout simplement ensemble.

  9   Question:   Au mois d'août, une cérémonie a eu lieu à Novi Travnik où les

 10   soldats prêtaient serment. Est-ce que vous vous en souvenez?

 11   Réponse:    Oui, je m'en souviens. J'ai préparé cette manifestation moi-

 12   même.

 13   Question:   Monsieur Kordic était-il présent?

 14   Réponse:    Oui, il a assisté en tant qu'invité.

 15   Question:   Dans son allocution, est-ce qu'il a dit également que Novi

 16   Travnik allait bientôt devenir croate?

 17   Réponse:    Non. J'ai déjà dit à l'avocat de la défense que M. Kordic a

 18   dit qu'il fallait que nous nous préparions pour le conflit définitif

 19   contre l'agresseur serbe et contre la partie extrémiste du peuple

 20   musulman, à moins de pouvoir éviter tout cela. Et un autre invité, qui

 21   assistait à cette cérémonie, était M. Lendo Nezir, qui allait devenir par

 22   la suite un commandant des forces musulmanes.

 23   Question:   Dans son allocution, vous ne vous souvenez de rien qui

 24   pourrait être interprété comme une promesse faite par M. Kordic de voir

 25   Novi Travnik devenir une ville croate prochainement?


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  1   Réponse:    Ce n'est pas le genre de conclusion que j'ai pu tirer sur la

  2   base de son intervention.

  3   Question:   En octobre 1992, le conflit entre les deux groupes ethniques

  4   s'était détérioré, n'est-ce pas?

  5   Réponse:    Veuillez rendre votre question un peu plus claire. Entre quels

  6   groupes?

  7   Question:   Oui, entre les Croates et les Musulmans. Et là je parle du

  8   mois d'octobre 1992.

  9   Excusez-moi. Allez-y, répondez.

 10   Réponse:    En ce qui concerne la période entre le premier et le deuxième

 11   conflit, il n'y a eu que quelques incidents isolés des deux côtés.

 12   Il s'agit de provocations, mais rien de très grave, donc durant la période

 13   entre le premier et le deuxième conflit.

 14   Question:   En ce qui concerne le deuxième conflit, comment a-t-il éclaté,

 15   d'après vous?

 16   Réponse:    Le deuxième conflit a éclaté lorsque l'armée de Bosnie-

 17   Herzégovine a attaqué le centre des communications et le commandement du

 18   HVO, l'état-major du HVO; et ceci a été précédé par l'établissement d'un

 19   barrage routier au village mixte de Senkovici. Ce village a été bloqué et,

 20   par la suite, cette attaque a été lancée.

 21   Question:   Si ceci est vrai -et je n'accepte pas cela du tout-, est-ce

 22   que vous pouvez nous expliquer, sur la base d'une déposition de M.

 23   Halilovic, comment vous expliquez que nous avons entendu dire ici que, dès

 24   le mois d'octobre 1992, son appartement a été fouillé par le HVO? Et puis

 25   le HVO confisquait de force les véhicules et que les biens personnels des


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  1   gens étaient volés? Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ce genre

  2   de choses se produisaient?

  3   Réponse:    Il y a eu des incidents isolés, mais ce n'est pas le HVO qui

  4   était derrière tout cela. Il s'agissait des individus qui, parfois,

  5   appartenaient aussi au HVO, mais le HVO en tant qu'ensemble n'a jamais

  6   procédé à ce genre d'activité.

  7   Question:   Encore une fois, en octobre 1992, en ce qui concerne votre

  8   partie de la ville qui s'appelait Bara ou Bare, des immeubles musulmans

  9   dans la partie sud de la ville ont été détruits. Est-ce que vous vous en

 10   souvenez?

 11   Réponse:    Ces immeubles-là ont été détruits pendant le conflit.

 12   Question:   En ce qui concerne ce conflit, pourquoi est-ce qu'il a été

 13   nécessaire, dans le cadre de ce conflit, de détruire ces immeubles?

 14   Réponse:    Parce que l'on ouvrait le feu à partir de ces immeubles-là.

 15   Question:   Examinons ce que vous dites. Vous dites: en ce qui concerne la

 16   cause du conflit, que tout ceci était liée au village mixte de Senkovici,

 17   et ceci ne veut donc pas dire qu'il a été nécessaire de détruire ces

 18   immeubles, que le HVO les détruise?

 19   Réponse:    L'armée de Bosnie-Herzégovine, avant cela, avait attaqué

 20   l'état-major et le centre des communications.

 21   Question:   Est-ce que vous maintenez plutôt que...? Est-ce que vous ne

 22   serez pas d'accord avec moi, plutôt, pour dire simplement que le HVO était

 23   en train de s'emparer du pouvoir et de consolider le pouvoir dans cette

 24   partie de la ville, dans cette ville?

 25   Réponse:    Le HVO contrôlait seulement une partie de la ville et, après


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  1   la fin de ce conflit, le HVO a consolidé la ligne de front à l'encontre

  2   des Musulmans.

  3   Question:   Est-ce que vous considérez qu'en octobre 1992, le HVO plaçait

  4   déjà les sacs de sable devant les bâtiments pour les protéger, n'est-ce

  5   pas, afin de se préparer pour les événements à venir?

  6   Réponse:    Non, il n'y a pas eu ce genre de préparation.

  7   Question:   Juste deux questions encore en ce qui concerne ce conflit en

  8   octobre. Je vais essayer d'en parler le plus rapidement possible. Quel

  9   était le rôle joué par M. Kordic dans ce cadre-là?

 10   Réponse:    En ce qui concerne le deuxième conflit, je vais répéter ce que

 11   j'ai dit: j'ai vu M. Kordic lorsque je suis sorti au bout de deux jours et

 12   trois nuits; nous étions attaqués, nous subissions des tirs et j'ai réussi

 13   à sortir et à aller jusqu'à la municipalité pour informer les commandants

 14   qui se trouvaient à l'hôtel et aussi pour informer les représentants de la

 15   municipalité qui étaient assis dans le café "Grant" avec M. Kordic.

 16   Question:   Et quel a été ce rôle là-dedans?

 17   Réponse:    Je suis allé informer le président de la municipalité, je suis

 18   rentré chez moi afin de me changer. Je n'ai pas été présent pendant leur

 19   discussion, donc je ne sais pas quel était son objet.

 20   Question:   Vous avez participé au conflit puisqu'à ce moment-là, votre

 21   rôle a été plutôt important?

 22   Réponse:    Oui, j'ai participé ou plutôt je n'ai pas participé au

 23   conflit, mais j'y suis resté en tant que représentant des autorités

 24   civiles. Je suis resté afin de protéger l'ancien état-major et le centre

 25   lui-même.


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  1   Question:   Et vous étiez certainement intéressé à savoir quel a été le

  2   résultat du conflit, comment les choses allaient se résoudre?

  3   Réponse:    Oui, ça m'intéressait puisque je priais Dieu pour que ça cesse

  4   au plus vite.

  5   Question:   Le conflit a duré environ sept jours, je pense, entre le 19 et

  6   le 26 octobre. Est-ce que vous acceptez cela?

  7   Réponse:    C'est exact.

  8   Question:   Le 20 janvier, c'est une date beaucoup plus tôt que le

  9   conflit?

 10   Réponse:    Je n'ai pas compris la question.

 11   Question:   Eh bien, le 20 octobre est le deuxième jour du conflit, n'est-

 12   ce pas?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Il existe deux pièces à conviction: je souhaite que vous

 15   fassiez un commentaire là-dessus. Les Juges les ont vues suffisamment,

 16   donc ce n'est peut-être pas la peine de vous les montrer. Mais dans l'un

 17   de ces documents, en date du 21 octobre, nous voyons les noms de Blaskic

 18   et Kordic qui sont nommés comme les personnes qui mènent les opérations à

 19   Novi Travnik. Puis l'autre document émane du Bataillon britannique, d'un

 20   colonel du Bataillon britannique, M. Stewart, qui a dit que Kordic portait

 21   un uniforme militaire avec les insignes militaires et qui était chargé de

 22   la situation à Novi Travnik.

 23   Donc, il s'agit là du début de ce conflit qui a duré sept jours. Au début,

 24   nous voyons donc que M. Kordic y était en uniforme militaire. Et puis, on

 25   a vu dans l'autre document son nom, qui figure à côté du nom de Blaskic;


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  1   et les deux sont mentionnés comme les personnes responsables de cette

  2   opération militaire. Quelle est la vérité?

  3   Réponse:    Encore une fois, j'ai dit que j'ai vu M. Kordic le troisième

  4   jour, au moment où j'ai réussi à quitter le bâtiment du vieil hôtel qui

  5   était notre état-major précédemment. Et à ce moment-là, lorsqu'il était

  6   dans le centre, il ne portait pas d'insigne. En ce qui concerne M.

  7   Blaskic, puisque nous étions sur la ligne de front et puisqu'on tirait

  8   sans cesse sur nous, personne n'est jamais venu nous contacter de sa part.

  9   Je ne peux donc pas savoir quelle était exactement sa position.

 10   Question:   Donc en ce qui concerne le rôle de Kordic, vous ne pouvez rien

 11   nous dire?

 12   Réponse:    Pour autant que je le sache, M. Kordic a été le président de

 13   la Communauté croate de la Bosnie centrale. Et, à ce moment-là, suite à la

 14   création de cette entité, il a été la personnalité politique la plus

 15   importante du côté croate.

 16   Question:   En ce qui concerne ce conflit -et vous dites que vous

 17   souhaitiez que ceci s'arrête au plus vite mais ceci dépendait des

 18   négociations, des résultats des négociations sur le cessez-le-feu-, est-ce

 19   que vous pouvez nous dire pour quelle raison M. Kordic devait être chargé

 20   de cela, s'il n'était qu'un simple homme politique?

 21   Réponse:    En tant qu'homme politique, il doit s'occuper des intérêts de

 22   son peuple.

 23   Question:   Est-ce que vous connaissez un certain Bozo Rajic?

 24   Réponse:    Il existe plusieurs Bozo Rajic.

 25   Question:   Le vice-président, avec Dario Kordic, dans le même parti


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  1   politique. Est-ce que vous vous en souvenez?

  2   Réponse:    Non.

  3   Question:   Très bien. Passons à autre chose. Permettons à la Chambre de

  4   mieux comprendre ce à quoi ressemblait la ville. Nous pouvons vous montrer

  5   une séquence vidéo qui montre des emplacements différents dans cette

  6   ville. Mais en ce qui concerne l'usine de Bratstvo, elle se trouvait

  7   pratiquement à l'extérieur de la ville, n'est-ce pas?

  8   Réponse:    Oui, c'est en dehors de la ville.

  9   Question:   Mais il est possible d'y accéder en voiture en une minute:

 10   c'est tout près?

 11   Réponse:    Cette usine est plutôt grande; donc, à mon avis, il est

 12   nécessaire de conduire pendant plusieurs minutes afin de passer devant

 13   l'usine.

 14   Question:   C'était la plus grande usine de ce genre en ex-Yougoslavie ou

 15   pas?

 16   Réponse:    Il s'agissait d'une usine chargée de la production à buts

 17   spéciaux. Et, effectivement, dans cette région, c'était la plus grande.

 18   Question:   Est-ce que la raison pour... Est-ce que c'était la raison pour

 19   laquelle elle a attiré l'attention toute particulière et personnelle de M.

 20   Kordic, puisque l'enjeu était grand?

 21   Réponse:    Nous n'avions pas planifié de nous emparer de cette usine.

 22   Question:   Vraiment jamais?

 23   Réponse:    Absolument. Je l'affirme et j'assume toute la responsabilité

 24   de cette affirmation.

 25   Question:   Et vous n'aviez rien contre le fait que les Musulmans


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  1   souhaitaient prendre le contrôle de cette usine?

  2   Réponse:    Même avant ce conflit et pendant le conflit contre les Serbes,

  3   je pensais que nous et les Musulmans, nous allions contrôler cette usine

  4   ensemble et nous défendre ensemble.

  5   Question:   Nous allons parler maintenant de juin 1993. Il y a un document

  6   que nous avons déjà vu; donc il n'est pas nécessaire de le réexaminer. Il

  7   s'agit de la pièce à conviction 345. Il s'agit d'une proposition de votre

  8   nomination au poste que vous déteniez.

  9   Parmi les signataires, nous pouvons voir la signature de M. Kordic qui

 10   donne son aval pour votre nomination. Mais pourquoi est-ce que son aval a

 11   été nécessaire pour votre nomination à cette tâche militaire?

 12   Réponse:    Eh bien, puisque c'était le début du HVO, quelqu'un devait

 13   bien avaliser ce genre de chose et initier ce genre de chose.

 14   Question:   Mais est-ce qu'en réalité, le HVO était subordonné aux partis

 15   politiques de tous les points de vue et donc que les nominations des

 16   personnes, telles que vous, en dépendaient également?

 17   Réponse:    Le HVO n'était pas subordonné à la Communauté croate d'Herceg-

 18   Bosna. Le HVO est une organisation du peuple croate qui n'est pas liée aux

 19   partis politiques. Il n'était pas nécessaire d'être membre d'être du HDZ

 20   pour devenir membre du HVO et défendre les intérêts du peuple croate en

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   Question:   Est-ce que vous pourriez examiner la pièce à conviction 353.1?

 23   C'est un document en anglais. Nous allons lire la partie pertinente. Il

 24   s'agit d'un bulletin d'information militaire du régiment Cheshire du 8

 25   janvier. Je souhaite que l'on examine la page 3, le haut de la page 3.


Page 23977

  1   Nous allons placer cela sur le rétroprojecteur.

  2   Et sur la base de ce document, nous pouvons constater que les Nations

  3   Unies envoyaient des rapports sur la situation. Donc, la date est celle du

  4   8 janvier.

  5   Je cite: "Une équipe a informé, nous a informés des tensions qui sont

  6   toujours fortes à Novi Travnik. Une source locale a dit qu'ils croyaient

  7   que les Croates à Novi Travnik allaient essayer de semer la confusion

  8   entre les Croates et les Musulmans".

  9   Le commentaire -le commentaire donc fait par l'officier britannique- est

 10   le suivant: "Si les discussions à Genève n'aboutissent pas, ils peuvent

 11   utiliser cela en tant que raison leur permettant d'initier des troubles

 12   parmi les Croates et les Musulmans".

 13   Un peu plus tard, il est dit que l'officier chargé de liaison a dit que,

 14   maintenant, il croyait que Refik Lendo, un commandant de l'armée de

 15   Bosnie-Herzégovine, n'allait plus quitter Novi Travnik pour aller à

 16   Visoko. Il a été dit qu'il allait devenir l'adjoint du commandant et qu'il

 17   allait commander, qu'il allait être à la tête de l'état-major de l'armée

 18   de Bosnie-Herzégovine à Novi Travnik. Le nouveau commandant s'appelle Zaim

 19   Belimi.

 20   Je souhaite votre commentaire sur la première partie où il est dit que les

 21   tensions étaient toujours élevées en janvier 1993. Est-ce que vous seriez

 22   d'accord avec cela?

 23   Réponse:    Les tensions étaient élevées malgré le cessez-le-feu. Après le

 24   deuxième conflit, entre le deuxième et le troisième conflit, les tensions

 25   étaient toujours tangibles.


Page 23978

  1   Question:   Et en ce qui concerne ce commentaire selon lequel les Croates

  2   allaient essayer de provoquer des troubles, est-ce que vous étiez au

  3   courant du fait que les Croates souhaitaient provoquer des troubles?

  4   Réponse:    Je ne savais pas que les Croates avaient reçu l'ordre de

  5   provoquer des troubles. Il s'agit là de l'impression personnelle de ce

  6   monsieur qui a envoyé ce rapport à son gouvernement.

  7   Question:   Mais il a fondé cela sur des informations qu'il avait reçues

  8   de la part d'un Croate. Est-ce que vous croyez que certains Croates

  9   auraient pu dire ce genre de choses au représentant de la communauté

 10   internationale?

 11   Réponse:    Je ne m'en souviens pas.

 12   Question:   Nous allons parler de la troisième phase concernant Novi

 13   Travnik. Mais, tout d'abord, nous allons aborder un autre sujet concernant

 14   les combats en avril, le début des combats en avril. Que savez-vous à ce

 15   sujet? Ou bien est-ce que vous étiez un peu au courant de cela, ou bien

 16   est-ce que vous avez été complètement pris de cours par ce conflit? Là, je

 17   parle de l'année 1993.

 18   Réponse:    A Novi Travnik, à la fin de ces deux premiers conflits, nous

 19   avons compris que ceci n'aboutissait à rien. On peut voir cela puisque le

 20   conflit à Novi Travnik a débuté deux mois plus tard que les conflits qui

 21   ont éclaté ailleurs dans la région; puisque nous essayions de résoudre les

 22   problèmes de manière paisible.

 23   Question:   Mais en ce qui concerne le conflit qui a eu lieu vers la mi-

 24   avril à Ahmici, est-ce que vous avez étonné de voir ce conflit éclater à

 25   Ahmici?


Page 23979

  1   Réponse:    J'ai été étonné par ce conflit, mais lorsque j'ai appris qu'un

  2   barrage routier y avait été érigé afin de bloquer le passage des unités

  3   vers Jajce, il a été compréhensible que l'on ait essayé de lever ce

  4   barrage.

  5   Question:   Là, vous parlez du 16 avril?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Et avant le 16 avril, vous ne saviez absolument pas qu'un

  8   conflit allait éventuellement éclater?

  9   Réponse:    Non.

 10   Question:   Peut-on montrer au témoin un autre document dont nous avons un

 11   projet de traduction. Il s'agit de la pièce à conviction 671.3. Vous

 12   acceptez, n'est-ce pas, Monsieur Markovic, que les combats à Ahmici ont

 13   commencé le matin du 16 avril 1993?

 14   Réponse:    Je ne l'ai appris que plus tard.

 15   Question:   Veuillez examiner ce document 671.3. Nous avons donc le projet

 16   de traduction de ce document. Je pense que c'est votre document, la date

 17   est celle du 16 avril et il y est dit: "Ordre pour procéder à la

 18   mobilisation". Dans le premier paragraphe, il est dit: "Toutes les forces

 19   armées doivent très mobilisées à 100%. Toutes les unités de recrues ont

 20   été mobilisées à 100%. Le travail obligatoire a été réduit au minimum.

 21   L'unité de la défense civile a été mobilisée. Les effectifs de réserve

 22   permettant de renverser les forces armées du HVO ont été désignés puisque

 23   les circonstances le demandent".

 24   C'est vous qui avez écrit cela. Et si nous examinons maintenant le début

 25   du document, nous pouvons voir que ceci fait référence à un autre


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  1   document, en date du 15 avril. Donc avant le 16 avril, c'est-à-dire le 15

  2   avril, vous avez reçu l'instruction de mobiliser les effectifs à 100%.

  3   Pourquoi?

  4   Réponse:    Nous avons reçu l'ordre de procéder à la mobilisation à 100%

  5   et de nous mettre en état d'alerte maximal. Mais c'est tout.

  6   Question:   Dites-nous pourquoi, compte tenu de cela, vous avez été

  7   surpris par les violences du 16 avril?

  8   Réponse:    J'ai été surpris par ce qui s'est passé à Ahmici. Je n'étais

  9   pas au courant de cela. Et mon supérieur à l'époque -moi, j'étais le chef

 10   du département de la défense- n'avait pas l'obligation de m'en informer.

 11   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, s'agit-il d'un

 12   document officiel que nous sommes en train de regarder? Il ne s'agit pas

 13   du 15 avril que je vois sous mes yeux, mais je pourrais vous aider peut-

 14   être, évidemment si le document est disponible. Peut-être que je pourrais

 15   vous aider un petit peu en traitant de ce document. S'il vous plaît de

 16   voir le document 658.2? J'aimerais bien que la défense puisse l'avoir.

 17   M. le Président (interprétation): Mais je pense que le second document

 18   n'est pas disponible non plus.

 19   M. Nice (interprétation): Probablement, parce que ceci fait partie du

 20   problème, du fait que nous avons été -en quelque sorte- informés

 21   tardivement de la venue de ce témoin. Par conséquent, nous n'avons pu

 22   évidemment avoir accès à une certaine documentation. Probablement, ce

 23   document portant la date du 15 n'est pas en notre possession, mais je vois

 24   que M. Kovacic est toujours...

 25   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, puis-je dire quelque


Page 23981

  1   chose?

  2   Ici, nous voulons prouver ce qui s'est passé, ce qui serait antérieur à

  3   l'œuf ou la poule. Mais le problème, c'est que Novi Travnik figure dans

  4   l'Acte d'accusation. Il a été dit comme allégation: "Cerkez était chargé

  5   de la persécution de la population". Par conséquent, il s'agit de quelque

  6   chose dont les autorités civiles devraient être saisis à Novi Travnik. Il

  7   serait donc ”iraisonnable“ de ne pas avoir ce document pour traiter des

  8   allégations comme étant sorties de la bouche de ce témoin.

  9   Nous rejetons donc ce document. Nous sommes contents de l'avoir, de

 10   l'avoir vu maintenant, mais nous avons cru opportun d'en avoir été informé

 11   en temps utile. Nous avons affaire à des documents, à un dossier que nous

 12   n'avons jamais consulté et, là-dessus, je ne suis pas d'accord.

 13   M. Nice (interprétation): Puis-je avoir votre attention toujours au sujet

 14   du document 658.2?

 15   (Le document est remis aux Juges et à la défense.)

 16   Je vous prie de soumettre à l'attention du témoin ce document. Il ne

 17   s'agit pas de documents qui concernent très exactement Novi Travnik, mais

 18   je vous prie de le consulter de très près. Il s'agit d'un document qui

 19   était d'ailleurs signé par Gavro Maric, reçu à Travnik, le 2 mai. Mais il

 20   a été dit que, "contrairement au point 6, suivant l'ordre de l'état-major

 21   général de Travnik du 2 novembre, etc., nous vous informons par la

 22   présente que nous avons reçu cette liste le 15 avril 1993 à 20 heures du

 23   soir."

 24   Nous vous prions également de jeter un coup d'œil sur le document 671.2.

 25   Là aussi, vous voyez une fois de plus une communication de Gavro Maric, ou


Page 23982

  1   plutôt la réponse faite par Gavro Maric. S'il ne s'agit pas évidemment du

  2   même document qui était le vôtre, c'est un document qui porte sur la

  3   mobilisation à 100% de tous les effectifs, complètement à des unités de

  4   recrues, etc., etc..

  5   Alors, consultez ces documents et faites-nous en un commentaire. Etait-ce

  6   possible à 8 heures du soir, le 15 avril, de recevoir un ordre qui a pu

  7   donner lieu au document du jour suivant, du 6 avril? Qu'est-ce que vous en

  8   pensez?

  9   Réponse:    Ces deux documents concernent Busovaca et Travnik. Cela est

 10   tout à fait à mon insu. Il s'agit évidemment de documents qui portent sur

 11   deux municipalités différentes.

 12   Question:   Oui, mais avez-vous eu connaissance du fait qu'au même moment,

 13   les municipalités ont été en état d'alerte? Ce que je voulais savoir

 14   -parce que ce sont des documents qui sont de votre ressort, pas du nôtre,

 15   et revenons un peu en arrière, c'est s'il était possible de vous voir, le

 16   15 avril au soir, pratiquement sur pied?

 17   Réponse:    C'était tout simplement une procédure suivant l'ordre reçu de

 18   la part du chef de l'état-major de la Bosnie centrale. Il n'y avait pas

 19   d'autre activité évidemment à exercer.

 20   M. le Président (interprétation): La question est la suivante: est-ce qu'à

 21   8 heures du soir, le 15 avril, à cette époque-là, vous avez été vraiment

 22   en situation d'être sur pied avec vos unités?

 23   M. Markovic (interprétation): Je ne me souviens pas très exactement de la

 24   date, mais il me semble bien que c'était bien le cas. Et je voulais dire

 25   que nous avons tout simplement procédé selon l'ordre reçu de M. Blaskic.


Page 23983

  1   M. Nice (interprétation): Etant donné que ces documents interviennent

  2   maintenant seulement et étant donné le fait que le témoin ne pourrait pas

  3   nous être de grande utilité, essayons de clarifier. Nous avons le document

  4   694.2.

  5   (Le document est remis aux Juges, à la défense et au témoin.)

  6   Ceci n'est pas un document signé par vous-même mais plutôt par Marijan

  7   Skopljak, qui concerne la Brigade de Vitez. De même, il s'agit d'une même

  8   référence, c'est-à-dire référence, référence à l'ordre portant la même

  9   cote 261/93 et mentionnant une fois de plus la date du 16 avril, c'est-à-

 10   dire un jour après ces documents dont nous avons traité tout à l'heure.

 11   Pouvez-vous nous dire une raison quelconque pour laquelle la Brigade de

 12   Vitez aurait été mise sur pied un jour plus tard ou pour quelle raison,

 13   dans ce document, on devrait libeller comme quoi la brigade a été mise sur

 14   pied un jour plus tard?

 15   M. Markovic (interprétation): Je n'ai aucune connaissance là-dessus.

 16   Question:   Merci. Monsieur Markovic, est-il vrai qu'au mois d'avril 1993,

 17   toutes les municipalités étaient mises sur pied, cela parce que menacées

 18   de la direction d'Ahmici ou qu'il pouvait y avoir éventuellement une

 19   attaque?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Alors, essayez de nous dépanner en quelque sorte. Nous avons

 22   affaire ici à une région géographique vraiment restreinte. Combien de

 23   temps faut-il pour se rendre en voiture de Novi Travnik à Vitez?

 24   Réponse:    Vingt minutes.

 25   Question:   Au maximum?


Page 23984

  1   Réponse:    Oui, peut-être moins de vingt minutes.

  2   Question:   Donc de Vitez à Ahmici, il vous faut de quatre à cinq minutes

  3   pour vous rendre en voiture?

  4   Réponse:    Une dizaine de minutes ou à peu près.

  5   Question:   Pouvez-vous nous citer une raison quelconque pour laquelle un

  6   commandant militaire qui exige que plusieurs municipalités soient sur

  7   pied, n'aurait pas dû auparavant, à tous les chefs d'unité, dire la raison

  8   pour laquelle ils devraient le faire. Est-ce que vous pourriez peut-être y

  9   réfléchir et nous dire qu'elle pourrait être la bonne raison? A savoir

 10   pourquoi, dans cette région géographique si restreinte, vous n'avez jamais

 11   été informé de la raison pour laquelle vous avait été mis sur pied?

 12   Réponse:    Monsieur de l'accusation, à cette époque-là, j'étais chargé de

 13   la section civile de la défense et j'étais en quelque sorte le point de

 14   jonction entre les autorités civiles et le pouvoir militaire. Par

 15   conséquent, je ne pouvais guère savoir ce que M. Blaskic avait ordonné, en

 16   dehors du fait que j'ai reçu les documents portant mobilisation.

 17   Question:   Oui, mais vous avez répondu à l'ordre et à la demande: vous

 18   avez mobilisé les forces, vous avez tout fait pour que ces effectifs

 19   soient mobilisés, ceci donc dans le cadre de votre capacité?

 20   Réponse:    Oui, c'est cela.

 21   Question:   Lors de la mobilisation des forces, vous aviez dû avoir une

 22   idée de ce que ces forces devraient faire?

 23   Réponse:    Je n'avais qu'à suivre et à exercer l'ordre qui m'a été donné.

 24   Pour ce qui est de l'ordre, évidemment, il n'y avait eu aucun dispositif,

 25   aucune explication.


Page 23985

  1   Question:   Je vous prie de revenir un peu en arrière de ce qui précédait

  2   la documentation. On vous avait demandé évidemment de mobiliser les

  3   forces, mais vous deviez savoir ce que ces forces devaient faire.

  4   Vous deviez parler avec vos chefs responsables, vous deviez en savoir

  5   amplement sur les effectifs, les moyens et les armes, vous deviez savoir

  6   quelles devaient être les activités à encourir et la priorité de ces

  7   activités.

  8   Réponse:    Probablement que, pour le savoir, j'aurais dû être le

  9   commandant. Or à cette époque-là, je ne l'étais pas.

 10   Question:   Etait-ce la seule mobilisation effectuée par vous?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Une seconde, s'il vous plaît. Monsieur le Président, nous

 13   sommes toujours à la recherche de ce document, en demande de ce document

 14   du 15 avril. Ce document n'existe qu'en bosniaque et serbo-croate, mais je

 15   ferai tout pour que ce document soit à notre disposition d'ici 14 heures

 16   30. Si d'ici là, évidemment, nous avions terminé ce témoignage, je ferai

 17   tout pour qu'il en soit ainsi. Avant de procéder, toutes les matières (?)

 18   dans cette région étaient pratiquement sous le contrôle de l'état-major

 19   général, n'est-ce pas? Il en était ainsi donc.

 20   Réponse:    Oui, d'après la hiérarchie, c'est-à-dire la section régionale

 21   était située à Vitez. Après la mobilisation, tout se trouvait évidemment

 22   de la compétence de la section de la Défense nationale.

 23   Question:   Allons de l'avant...

 24   M. Robinson (interprétation): Je voulais poser une question à ce témoin.

 25   Dans le document du 15 avril, lui a-t-on demandé de s'occuper de ce que la


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  1   mobilisation soit effectuée à 100% avec succès; autrement dit, de façon

  2   concrète, vous a-t-on demandé, a-t-on exigé de vous que la mobilisation

  3   soit effectuée à ce point-là, à 100%?

  4   M. Markovic (interprétation): Oui.

  5   M. Nice (interprétation): Cette Chambre devrait être satisfaite du fait

  6   que je m'occupe de façon sélective de certaines données concernant la

  7   description de la situation de Novi Travnik. Essayons donc de parler

  8   maintenant de cette soi-disant troisième étape du conflit de Novi Travnik,

  9   comme vous l'aviez intitulée vous-même. Il s'agit du mois de juin donc.

 10   Vous n'avez jamais mentionné le fait qu'il y avait un bâtiment nommé Stari

 11   Solitaire, un bloc d'habitations donc. Il s'agit disons d'un de ces trois

 12   grands gratte-ciel d'habitation, n'est-ce pas?

 13   M. Markovic (interprétation): Oui.

 14   Question:   Pratiquement, ce bloc d'habitations se trouve au centre-ville.

 15   Réponse:    Depuis cette ligne de démarcation, peut-être à 50 mètres de la

 16   ligne.

 17   Question:   Nous avons entendu dire aussi que, dans ce bâtiment-là,

 18   pendant assez longtemps, un nombre de Musulmans ont été détenus. Vous le

 19   saviez ou pas?

 20   Réponse:    Dans ce bâtiment, les Musulmans n'ont pas été détenus mais ils

 21   ne voulaient pas évidemment surtout sortir pour qu'on leur rende possible

 22   une espèce de sauf-conduit vers d'autres régions de la ville.

 23   Question:   C'est-à-dire que leur libération a été conditionnée comme quoi

 24   les Croates devaient se rendre dans des villages où ils étaient en

 25   minorité. Etes-vous d'accord?


Page 23987

  1   Réponse:    Les conditions qui ont été faites, c'était d'abord la

  2   libération du village de Senkovici, c'est-à-dire que cette population

  3   devait être libérée pour regagner la ville, mais nous n'avons pas pu les

  4   contacter. Tout simplement, ces gens-là, les citoyens de Senkovici,

  5   disaient qu'ils ne le voulaient pas. Et puis après, évidemment, on a eu le

  6   revers de la situation.

  7   Question:   Alors, très brièvement et très rapidement, était-ce vraiment

  8   un des objectifs du HVO au cours de cette troisième étape du conflit de

  9   Novi Travnik de voir les régions ethniquement purifiées? Avec cela,

 10   évidemment, il a fallu procéder à l'épuration ethnique des Croates, par

 11   conséquent on devait toujours avoir affaire à une majorité, pas à une

 12   minorité.

 13   Réponse:    Ce n'était pas un objectif que l'on se proposait, mais l'on ne

 14   pouvait même pas s'en occuper étant donné que nous étions en blocage, nous

 15   avons été sous le siège. Nous avons eu même des situations où nous avons

 16   été sous l'action des tireurs embusqués, alors que d'autres étaient sous

 17   forme de détenus toujours obligés de vivre dans Novi Travnik.

 18   Question:   Vous avez dit que les deux parties ont commis des exactions.

 19   Réponse:    Oui, il y a eu des extrémistes, des individuels extrémistes

 20   dans les deux camps.

 21   Question:   Le HVO détenait à Stojkovici son propre centre de détenus,

 22   n'est-ce pas?

 23   Réponse:    Le HVO avait une base à Stojkovici où les armements et

 24   matériels militaires étaient stockés.

 25   Question:   Des détenus aussi?


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  1   Réponse:    Dans une partie de la base, parce qu'il y avait des abris

  2   antiatomiques; par conséquent, il y avait des parois spéciales, enfin des

  3   équipements spéciaux où des gens étaient détenus, surtout lorsqu'ils

  4   auraient commis des erreurs ou tout simplement avaient commis des

  5   infractions à la discipline, mais pour être détenu deux, trois, quatre

  6   jours, pas plus.

  7   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, si je peux intervenir,

  8   je crois qu'il y a eu une erreur dans le transcript. Il me semble qu'il

  9   s'agit d'une affaire importante, il faudrait y voir plus clair. Donc nous

 10   sommes là à la page 65, 23ème ligne [compte rendu d'audience anglais].

 11   Nous pouvons lire: "Musulmans détenus" alors que le témoin a dit en croate

 12   "zateceni", c'est-à-dire "qui se trouvaient là". C'est la différence entre

 13   un "O" et un "E". Or, quand on dit "détenus qui se trouvaient là à ce

 14   moment-là", je vous prie d'y voir un peu plus clair et d'y apporter

 15   rectification. C'est une question fort importante.

 16   M. le Président (interprétation): OK.

 17   M. Nice (interprétation): Vous avez maintenant entendu ce que M. Kovacic a

 18   dit. Donc il s'agit du statut des Musulmans à Stojkovici. Quel était leur

 19   statut?

 20   M. Markovic (interprétation): Je n'ai aucune connaissance du fait que des

 21   Musulmans aient été à Stojkovici.

 22   M. Kovacevic (interprétation): Non, ce n'est pas cette ligne.

 23   M. le Président (interprétation): Je vous prie d'arrêter le débat et de

 24   vous mettre d'accord là-dessus.

 25   M. Nice (interprétation): Avez-vous dit que vous n'aviez aucune


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  1   connaissance du fait que des Musulmans étaient là? Sinon alors, où se

  2   trouvaient les Musulmans détenus? Y en avait-il du tout?

  3   M. Markovic (interprétation): En dehors du Solitaire, en dehors de ce

  4   gratte-ciel, ils se trouvaient dans une salle de gym en ville. Nous

  5   n'avons pas eu d'autres détenus.

  6   Question:   Y a-t-il eu un lieu quelconque ou un bâtiment qui portait le

  7   nom de "Kace"?

  8   Réponse:    Quel bâtiment? Quelle capacité? Parce que lorsque vous dites

  9   "kace", c'est un récipient, c'est un tonneau où on prépare des prunes pour

 10   la fermentation, pour en faire de l'eau-de-vie.

 11   Question:   Bon, y avait-il lieu de dire qu'il y avait un camp qui portait

 12   ce nom-là?

 13   Réponse:    Non, Novi Travnik n'avait pas de camp de détenus. Il n'y avait

 14   pas de détenus non plus. Par conséquent, il n'y avait guère besoin de

 15   faire des opérations de ce genre.

 16   Question:   Si vous dites qu'il n'y avait pas de détenus, allons-nous dire

 17   que les Musulmans étaient astreints d'une façon ou d'une autre à creuser

 18   des tranchées parce qu'ils étaient, d'une manière ou d'une autre, plus

 19   près de la ligne évidemment du front Bosnie-Herzégovine?

 20   Réponse:    Je n'en ai eu aucune connaissance.

 21   Question:   Que saviez-vous du fait que les Musulmans étaient emmenés vers

 22   des lignes de front avec des grenades qui étaient accrochées à ras le

 23   corps?

 24   Réponse:    Non, je n'en savais rien.

 25   Question:   Vous n'en avez jamais entendu parler?


Page 23990

  1   Réponse:    Non.

  2   Question:   Alors, je crois que c'étaient les témoins C et D qui disaient

  3   que 21 personnes ont été détenues à Stojkovici et que nombre d'entre

  4   elles, la majeure partie d'entre elles étaient astreintes à creuser des

  5   tranchées dans la région de Zubici. Essayons de revenir un petit peu en

  6   arrière et je crois que vous-même, vous devriez savoir quelque chose là-

  7   dessus?

  8   Réponse:    Ce sont nos ouvriers qui ont creusé les tranchées, par

  9   conséquent, qui n'ont eu aucune assignation militaire. Par conséquent, ils

 10   se sont occupés de ces travaux manuels.

 11   Question:   Monsieur le Président, nous voici maintenant à cet ordre qui

 12   porte la date du 15 avril, mais nous n'avons toujours pas la traduction.

 13   Mais voilà encore quelques questions pour ce témoin. Peut-être serait-il

 14   bon de nous en occuper d'ici 14 heures 30?

 15   M. le Président (interprétation): Oui. Cela me semble raisonnable comme

 16   proposition. Alors, nous levons la séance et nous reprenons le travail en

 17   salle d'audience à 14 heures 30.

 18   (L'audience, suspendue à 11 heures 58, est reprise à 14 heures 33.)

 19   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

 20   M. Nice (interprétation): Le témoin peut-il examiner la pièce 6158.3?

 21   Cette pièce aurait dû être soumise aux témoins précédents, je pense.

 22   Ceci émane du ministère de la Défense, des ministères ou départements,

 23   administration de Travnik, ceci vers 17 heures 30. Et c'est envoyé au

 24   bureau de la défense ou au chef de la défense à Travnik, Novi Travnik,

 25   Vitez, Zenica, Vares, Kiseljak, Fojnica, Kresevo et Kakanj. Ceci est


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  1   décrit comme étant un ordre destiné à mettre en œuvre les mesures de

  2   mobilisation. Les raisons en sont une situation en matière de sécurité qui

  3   s'est détériorée.

  4   "Je suggère le suivant, dit le texte: premièrement, mener une mobilisation

  5   à 100% de toutes les unités du HVO/OS responsable de coordonner les unités

  6   et, aussi, de donner un cadre hiérarchique aux unités où les conscrits

  7   n'ont pas encore été déployés, et conformément aux critères stipulés par

  8   le décret afin que toutes les unités soient bien équipées. Trois: préciser

  9   les détails pour le fonctionnement des unités et les fonctions vitales.

 10   Quatre: poursuivre la mobilisation de toutes les unités OZ et les

 11   coordonner avec le quartier général du OZ. Cinq: conformément au

 12   commandement de l'unité du HVO OS, veiller à ce que les conscrits

 13   répondent aux besoins en matière de réserve et aux besoins stratégiques.

 14   Coordonner les tâches avec les commandements du HVO. Sixièmement: informer

 15   l'administration de ce qui s'est passé".

 16   Vous souvenez-vous avoir reçu ce document, Monsieur?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Ici, on parle d'une situation en matière de sécurité qui s'est

 19   détériorée le 15 avril. Quelle était la nature de cette détérioration qui

 20   a fait qu'il ait fallu veiller à ces mesures de mobilisation dans toute la

 21   région, ce jour-là?

 22   Réponse:    Eh bien, l'ordre lui-même ne me le dit pas clairement.

 23   Cependant, si je me souviens bien, à l'époque, il y avait des

 24   concentrations de forces assez importantes sur les régions ou les zones

 25   limitrophes de la municipalité.


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  1   Question:   Mais de quelles municipalités, Monsieur?

  2   Réponse:    Eh bien, des municipalités de Busovaca, de Vitez et des

  3   environs de Novi Travnik.

  4   Question:   Est-ce que cela voulait dire que tout le monde devait être mis

  5   sur pied d'alerte de Vares à Travnik et Kiseljak? Ou est-ce que l'ampleur

  6   des mesures précisées dans cet ordre nous montre qu'il y avait d'autres

  7   intentions?

  8   Réponse:    Je ne sais pas ce qui se passait dans d'autres régions, de

  9   Vares à Kiseljak ou Zepce. C'est parce qu'il y avait une rupture physique

 10   des communications, une coupure des communications.

 11   Question:   Lorsque vous avez eu vent de l'attaque menée sur Ahmici, est-

 12   ce que tout ceci a commencé à faire sens, à prendre un sens particulier

 13   pour vous, Monsieur Markovic?

 14   Réponse:    Nous n'avons déployé aucune autre activité que celle qui

 15   consistait à répondre aux ordres. Moi, je n'ai pas vu qu'il y ait eu

 16   d'autres activités.

 17   Question:   Mais vous avez bien compris ma question: vous avez appris

 18   qu'il y avait eu une attaque du HVO sur Ahmici, n'est-ce pas?

 19   Réponse:    J'en ai entendu parler, mais après que l'attaque a eu lieu.

 20   Question:   Et vous avez compris que cette attaque avait été menée par le

 21   HVO, n'est-ce pas?

 22   Réponse:    Je ne sais pas quelles ont été les unités ayant fait partie de

 23   l'attaque menée sur Ahmici. Je sais qu'il n'y en avait aucune qui venait

 24   de Novi Travnik.

 25   Question:   La question que je vous ai posée était celle-ci: lorsque vous


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  1   repensez rétrospectivement à ces horribles événements, lorsque vous avez

  2   appris que le HVO avait attaqué Ahmici, est-ce que vous vous êtes dit:

  3   "Tiens! C'est la raison pour laquelle il y avait eu ces mesures de

  4   mobilisation générale"? On voulait ainsi veiller à ce qu'il n'y ait pas de

  5   représailles, ce qui était assez compréhensible?

  6   Réponse:    Ahmici se trouvait sur le territoire d'une autre municipalité.

  7   Je ne sais pas s'il y avait un lien ou pas, mais je sais que nous avons eu

  8   des problèmes nous-mêmes, dans nos municipalités, au niveau des lignes de

  9   contact.

 10   Question:   En tout état de cause, il ne se passait rien de particulier à

 11   Novi Travnik au début du mois d'avril 1993, rien qui eût justifié qu'il y

 12   ait eu une mobilisation à 100%? N'est-ce pas le cas?

 13   Réponse:    Non, rien de particulier, si ce n'est des actes isolés de

 14   provocation aux lignes de front.

 15   Question:   Encore quelques questions. Malbasic, il a été remplacé par

 16   Cerkez: est-ce parce qu'il était trop modéré, ce Malbasic?

 17   Réponse:    Cela, je ne le sais pas. Je crois que ce genre de question

 18   doit être abordée et décidée par le commandement, par les supérieurs.

 19   Question:   Mais Monsieur Markovic, vous êtes en position d'autorité, en

 20   position importante; vous l'avez vous-même dit. Vous êtes pratiquement à

 21   l'interface, pour utiliser un terme moderne, entre les gouvernements civil

 22   et militaire. Or, Malbasic se voit remplacé par Cerkez. Je suppose que

 23   ceci a été source de réflexion: vous vous êtes demandé pourquoi cela

 24   s'était passé. Non?

 25   Réponse:    Mais franchement, je n'y ai pas vraiment réfléchi parce que


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  1   ceci ne relevait pas du cadre de mes compétences.

  2   Question:   S'agissant de Cerkez, du rôle qu'il a joué dans la brigade

  3   alors qu'il se trouvait toujours à Novi Travnik, selon vous, quel était le

  4   rôle de Cerkez?

  5   Réponse:    Eh bien, il avait pour fonction la coordination des activités

  6   entre les municipalités; il devait aussi veiller à ce que les

  7   fortifications soient bien établies, que le génie fasse bien son travail

  8   de fortification face aux Serbes.

  9   Question:   Est-ce qu'il aurait pu, dans le cadre de ses fonctions,

 10   émettre un ultimatum à propos du point de contrôle d'Ahmici?

 11   Réponse:    Ça, je ne sais pas.

 12   Question:   Mais vous ne pouvez pas exclure une telle hypothèse et, en

 13   plus, qu'elle se soit répétée?

 14   Réponse:    Je ne sais pas. Il m'est donc impossible d'affirmer une telle

 15   chose.

 16   Question:   Examinons rapidement la pièce 2475.2. Excusez-moi de ne pas

 17   vous avoir prévenus. La cote que j'ai fournie n'est pas bonne. Excusez-

 18   moi, Madame la Greffière. Pendant qu'on recherche la pièce dont la cote

 19   n'était pas exacte, est-ce que je peux l'examiner avant qu'elle ne soit

 20   présentée au témoin? Oui, la cote n'était pas bonne, excusez-moi. Je passe

 21   à autre chose.

 22   Nous avons un document que je ne vais pas vous soumettre, je ne vais pas

 23   vous importuner, à moins que vous ne souhaitiez l'examiner; c'est en tout

 24   cas un document qui date du 2 juin 1993 et c'est Kordic qui fournit ou

 25   désigne certains véhicules: des Jeep, des Audi, des Golf, à certaines


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  1   brigades, qui affecte ceci. Lui qui était vice-président de la communauté

  2   croate de Herceg-Bosna, comment se fait-il qu'il affecte telle ou telle

  3   Jeep, notamment à la Brigade Tomasevic?

  4   Réponse:    Eh bien, s'il s'agissait des véhicules qui sont arrivés grâce

  5   à l'aide de collaborateurs de l'extérieur, il se peut que M. Kordic ait

  6   simplement acheminé ces véhicules au commandement du district militaire

  7   qui devait lui-même se charger de l'affectation.

  8   Question:   Est-ce que ces véhicules auraient peut-être été saisis de

  9   force d'un certain Marinko Marelja? Cet homme politique, que fait-il là à

 10   affecter, à distribuer des véhicules à des brigades militaires?

 11   Réponse:    Ce véhicule, dont vous parlez, a été saisi sur le territoire

 12   de la municipalité de Travnik. Ce citoyen, à qui le véhicule a été pris,

 13   était de Novi Travnik. Il aurait été logique que le véhicule demeure sur

 14   le territoire de Novi Travnik.

 15   Question:   Mais franchement, s'il y a confiscation de véhicules et usage

 16   ultérieur de ceux-ci par une organisation militaire, tout ceci constitue

 17   une activité militaire, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Oui, normalement, tout cela relève des activités du ministère

 19   de la Défense.

 20   Question:   Y a-t-il d'autres exemples qui vous soient connus où M. Kordic

 21   aurait agi de la sorte?

 22   Réponse:    Je ne m'en souviens pas en tout cas.

 23   Question:   Je vais vous donner l'occasion d'examiner ce document. Il

 24   n'est pas essentiel pour la défense de nos thèses, mais il est intéressant

 25   quand même. Il s'agit de la cote 1148.1. Je vais demander au témoin qu'il


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  1   vérifie. Mais avant de passer à l'examen du document suivant, je pense que

  2   vous avez dit -même si ceci n'est pas consigné dans le dossier d'audience-

  3   que ces véhicules avaient été distribués parce que le HDZ et le HVO en

  4   avaient besoin. Est-ce bien ce que vous avez dit?

  5   Réponse:    Oui, c'est le HVO qui en avait besoin et personne ne m'a

  6   jamais posé de question à propos des véhicules.

  7   Question:   Ce document a déjà peut-être été versé au dossier, mais

  8   examinons-le quand même. C'est un convoi d'aide humanitaire qui est en

  9   question et c'est vous qui le signez; c'est pourquoi je vous demande

 10   d'examiner ce document. C'est un rapport daté du 17 juillet. Le document

 11   lui-même date du 21. Même si les marchandises ont été prises du convoi de

 12   Tuzla, vous poursuivez en disant que: "Ce convoi n'a pas été stoppé de

 13   façon organisée mais bien spontanée, et c'est le fait de la population

 14   locale". Vous poursuivez en disant: "Que l'exécution de ces tâches

 15   signifierait qu'il faut entrer de force dans les maisons pour récupérer

 16   des marchandises volées".

 17   Dites-moi simplement ceci: vous parlez de "convois qui ont été stoppés ou

 18   arrêtés de façon organisée", par qui l'aurait-il été "de façon organisée"?

 19   Réponse:    Je n'ai pas dit que des convois étaient quelquefois arrêtés de

 20   façon organisée, mais plutôt de façon spontanée. Et c'était par le fait

 21   des personnes qui avaient faim.

 22   Question:   Oui, je me suis trompé. Excusez-moi. Je voulais vous demander

 23   ceci: on pourrait conclure à la lecture de ce document que vous avez signé

 24   qu'à d'autres occasions, il y a eu des convois qui ont été arrêtés de

 25   façon organisée. Est-ce que vous auriez fait l'expérience de tels


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  1   événements?

  2   Réponse:    Non, aucun convoi n'a jamais été arrêté, stoppé à Novi

  3   Travnik, à l'exception de celui-ci dont il est question.

  4   Question:   Alors, permettez-moi de vous poser une question

  5   supplémentaire. Pourquoi vous demandez-vous au premier paragraphe,

  6   pourquoi dites-vous cette phrase où vous dites que: "Le convoi n'a pas été

  7   stoppé de façon organisée mais bien spontanée". Pourquoi avez-vous pris la

  8   peine de le dire comme cela? Est-ce que cela ne sous-entend pas qu'il y a

  9   eu d'autres moments où il y a eu des arrêts de convois organisés?

 10   Réponse:    Oui, mais c'était en réponse à la première demande de ce qui

 11   était alors le ministère de la Défense à Travnik ou le département de la

 12   Défense. Il faut voir ceci dans son contexte.

 13   M. Kovacic (interprétation): C'est la deuxième fois au moins que le témoin

 14   dit clairement qu'il ne sait pas quelque chose et puis, on semble tirer

 15   des "inférences" et puis on dit des choses qu'il n'a pas dites. Je pense

 16   que ceci est contraire au Règlement.

 17   M. le Président (interprétation): Non, la question ne sortait pas de son

 18   cadre. De toute façon, nous avons reçu une réponse, merci.

 19   M. Nice (interprétation): Je vous remercie. J'ai enfin retrouvé, grâce au

 20   Greffe, un document sur lequel je m'étais tout à fait trompé. Ce n'était

 21   pas 2475 mais Z475.2. En voici une copie. Posons-la sur le

 22   rétroprojecteur. Et puis après l'examen de ce document, je n'en aurai plus

 23   qu'un autre et j'en aurai terminé.

 24   (Le document est remis au témoin.)

 25   Nous voyons ce document à l'écran. Il s'agit d'un rapport présenté par M.


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  1   Cerkez, le 16 février 1993. Il fait rapport de la situation telle qu'elle

  2   se présente sur le terrain. On parle de la ligne de défense, de la

  3   situation qui prévaut en ville et des déplacements du Régiment Bruno

  4   Busic. Ceci, d'après ce que vous nous avez dit, ne relève pas du tout de

  5   ses compétences.

  6   M. Markovic (interprétation): Oui. Si, si, cela relève de ses compétences;

  7   au cas où le commandant de brigade était absent ou sur le terrain, il

  8   intervenait.

  9   Question:   Et par exemple, pour parler des déplacements, des mouvements

 10   d'un régiment?

 11   Réponse:    En effet, oui, nous avons eu des difficultés avec ce régiment

 12   à Novi Travnik.

 13   Question:   Quelles sortes de difficultés?

 14   Réponse:    Ils ont démoli deux ou trois cafés, un de nos hommes a été

 15   tué. Et puis, ils ont dû quitter Novi Travnik.

 16   Question:   Sur les ordres ou sur les instructions de M. Cerkez?

 17   Réponse:    Monsieur Cerkez n'était pas responsable de la Brigade Bruno

 18   Busic; il n'en était pas le commandant.

 19   Question:   A quel moment avez-vous quitté vos fonctions?

 20   Réponse:    Le 21 août 1993.

 21   Question:   Pourquoi? Pourquoi êtes-vous parti?

 22   Réponse:    Le gouvernement a changé à Novi Travnik. A Novi Travnik, la

 23   plus grande partie de la ville était occupée. Il n'y avait que Vucic et

 24   Stankovic qui sont restés parce qu'ils voulaient former un nouveau

 25   gouvernement démocratique et moi, je me suis démis de mes fonctions avec


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  1   le président Senkic et d'autres.

  2   Question:   Cela veut dire que la totalité des membres du gouvernement

  3   étaient remplacés?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Est-ce que nous pouvons voir la pièce 1176.3?

  6   Veuillez examiner ce document qui émane de Puljic, en date du 21 août,

  7   quelque sept ou huit jours avant la création de la République croate

  8   d'Herceg-Bosna. On dit: "Proposition afin que le chef du département de la

  9   Défense soit démis de ses fonctions. Résolution."

 10   Il est question d'une résolution par laquelle Bruno Stojic occupe la place

 11   de chef du bureau de la Défense de Novi Travnik. On dit qu'au cours du

 12   mois d'août 1993, tout le gouvernement du HVO a été remplacé à Novi

 13   Travnik et que M. Markovic a été remplacé, ainsi que ces membres du

 14   gouvernement. On parle des nouvelles désignations et on suggère de

 15   démettre de ses fonctions M. Markovic. Ce qui veut dire que tout le

 16   gouvernement a été changé. Pourquoi?

 17   Réponse:    C'est ce qu'ont décidé les citoyens.

 18   Question:   Mais comment les citoyens se sont-ils exprimé à M. Puljic? Je

 19   suppose qu'il n'y a pas eu de vote?

 20   Réponse:    Il y a eu une réunion à Stojkovici où une décision a été

 21   prise, selon laquelle nous devions être démis de nos fonctions, relevés de

 22   nos fonctions et mutés à un autre poste.

 23   Question:   Mais est-ce qu'en réalité, vous passiez d'une instance qui

 24   n'avait pas été élue, la Communauté croate d'Herceg-Bosna, vers une autre

 25   instance, elle-aussi, qui n'avait pas été élue, mais qui était plus


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  1   permanente, à savoir la République d'Herceg-Bosna.

  2   Réponse:    Je n'ai pas compris votre question.

  3   Question:   Aucune de ces instances n'avait fait l'objet d'un vote

  4   populaire, d'une décision d'un électorat, que ce soit la Communauté ou la

  5   République croate d'Herceg-Bosna?

  6   Réponse:    Non, il n'y a pas eu d'élection sur la question. Ceci a fait

  7   l'objet d'une décision à un niveau supérieur.

  8   Question:   Au niveau d'hommes politiques qui, eux-mêmes, n'avaient pas

  9   été élus au poste de gouvernement qui, à ce moment-là, après cette

 10   décision, ils allaient détenir, n'est-ce pas?

 11   Réponse:    Oui, cela a sans doute été une décision politique. Moi, je

 12   n'ai fait que recevoir un ordre que j'étais censé exécuter, ce que j'ai

 13   fait.

 14   Question:   Lorsque vous avez été licencié -vous avez été licencié-, vous

 15   n'êtes pas devenu éligible à un autre poste, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Non.

 17   Question:   Je ne veux pas importuner les Juges avec ceci, à moins que

 18   vous ne le souhaitiez, mais je pense que, précédemment, vous aviez essayé

 19   de démissionner. Rappelez-vous, parce qu'un des membres du HVO n'avait pas

 20   vraiment tiré sur vous, mais avait dirigé une arme, un revolver vers vous?

 21   Réponse:    Je me souviens, c'était à l'époque où le HVO venait d'être

 22   établi. Effectivement, on a brandi un revolver; c'était la première fois.

 23   La deuxième fois, cela s'est passé au cours du troisième conflit. Dans les

 24   deux cas, il s'agissait d'extrémistes bien connus dans nos rangs. Ils

 25   n'avaient pas le droit d'agir de la sorte; moi, je ne pouvais pas


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   1   l'autoriser. J'ai offert ma démission; elle a été rejetée étant donné

  2   qu'on était en situation de guerre.

  3   Question:   Vous avez essayé de vous en sortir parce que vous vous êtes

  4   rendu compte que ce que l'on faisait au nom du gouvernement, dont vous

  5   faisiez partie, était vraiment par trop extrême?

  6   Réponse:    Pourriez-vous apporter quelques éclaircissements sur cette

  7   question?

  8   Question:   Est-ce que vous vous êtes rendu compte que le gouvernement

  9   dont vous faisiez partie, en fait, s'opposait aux intérêts des Musulmans

 10   et est-ce que vous n'avez pas trouvé ceci insupportable, inacceptable?

 11   Vous avez essayé de sortir d'une telle situation?

 12   Réponse:    Non, je n'ai pas essayé de sortir d'une telle situation parce

 13   qu'à ceci, il y avait une bonne raison. Je suis passé du côté armé du HVO

 14   où ma contribution pouvait être plus utile.

 15   M. Nice (interprétation): Merci, j'ai terminé.

 16   (Questions supplémentaires de Me Kovacic à M. Iciva Markovic.)

 17   M. Kovacic (interprétation): Excusez-moi de n'avoir pas allumé mon micro.

 18   Monsieur Markovic, peut-être pourrions-nous commencer par l'examen d'un

 19   document: le document Z671.3, qui lui a déjà été soumis il y a quelques

 20   instants. Je demande à M. l'huissier de remettre la version croate au

 21   témoin et de placer la version en anglais sur le rétroprojecteur.

 22   (L'huissier s'exécute.)

 23   Ma première question, Monsieur Markovic, est donc la suivante: c'est bien

 24   le document que le représentant du Bureau du Procureur vous a montré il y

 25   a quelques instants?


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  1   M. Markovic (interprétation): Je ne l'ai pas sous les yeux pour le moment.

  2   Question:   Je demande que l'on remette au témoin le document Z671.3 dans

  3   sa version croate. Dans sa version anglaise, c'est bien le texte que je

  4   demandais, mais le témoin a-t-il bien ce texte en version croate sous les

  5   yeux?

  6   Réponse:    Oui. Oui, oui.

  7   Question:   Donc Monsieur, il n'y a pas contestation sur le fait que cette

  8   lettre, ce communiqué, vous l'avez adressé à Travnik au département de la

  9   Défense.

 10   Réponse:    Il n'y a pas contestation.

 11   Question:   Il est question de mobilisation dans ce document. Alors ma

 12   première question est la suivante: la mobilisation et le département de la

 13   Défense, il s'agit donc d'une fonction de l'élément civil du HVO, n'est-ce

 14   pas?

 15   Réponse:    Oui, c'est exact.

 16   Question:   Ma deuxième question en rapport avec ce point est la suivante:

 17   la mobilisation est bien un processus de longue haleine, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Oui, c'est exact.

 19   Question:   Pourriez-vous décrire aux Juges de cette Chambre -en quelques

 20   mots- ce que signifie le processus de mobilisation, quelles sont les

 21   différentes actions que vous avez dû entreprendre, en tant que

 22   représentant du département, à partir du moment où vous avez reçu les

 23   instructions d'effectuer cette mobilisation générale? Qu'étiez-vous censé

 24   faire en application des ordres pour qu'un soldat soit effectivement

 25   mobilisé au sein d'une unité?


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  1   Réponse:    Nous devions mettre à jour les listes des hommes engagés et

  2   rédiger les convocations ainsi qu'adresser ces convocations aux personnes

  3   intéressées de façon à ce qu'elles viennent à l'endroit requis.

  4   Question:   Manifestement, tout cela prend un certain temps, n'est-ce pas?

  5   Réponse:    Oui, manifestement. Il faut un certain temps, notamment parce

  6   que la situation était plutôt complexe à l'époque. Les hommes étaient chez

  7   eux à la maison, personne n'était au travail.

  8   Question:   Je sais qu'il est difficile de répondre à cette question, mais

  9   pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur? Le 16 avril 1993, compte

 10   tenu des hommes que vous aviez à votre disposition pour accomplir cette

 11   tâche, combien de temps vous aurait-il fallu pour obtenir une mobilisation

 12   à 100% en quelques jours ou en quelques semaines, en quelques mois,

 13   quelques années? Quel est l'ordre de grandeur qu'il vous a fallu pour ce

 14   faire?

 15   Réponse:    Nous avons eu besoin de quelques jours.

 16   Question:   Dites-nous maintenant, puisque vous avez des connaissances à

 17   ce sujet, dans la période qui, à l'époque donc et compte tenu des forces

 18   que vous aviez à votre disposition, si vous avez pu accomplir cette

 19   mobilisation le 16 avril ou -en tout cas- la commencer?

 20   Réponse:    Non, la mobilisation devait être effectuée avant; il fallait

 21   que les hommes soient prêts aux tâches qu'ils allaient accomplir.

 22   Question:   Et ces hommes devaient être affectés à des unités déterminées

 23   une fois mobilisés, n'est-ce pas?

 24   Réponse:    C'est exact.

 25   Question:   Le Procureur vous a demandé, à un certain moment, pour quelle


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  1   raison la mobilisation a été décrétée. Je vous demande donc, à présent, si

  2   vous vous rappelez un événement qui a entraîné de nombreuses actions

  3   ultérieures. Je parle de l'enlèvement de trois hommes, trois officiers,

  4   ainsi que du chauffeur de la Brigade Stjepan Tomasevic.

  5   Réponse:    Je me rappelle cet événement.

  6   Question:   Est il exact que cela s'est passé le 16 avril?

  7   Réponse:    C'est exact, c'est bien arrivé le 16 avril.

  8   Question:   Excusez-moi, je vais un peu trop vite. Je vous repose la

  9   question pour le compte rendu d'audience. Car une erreur s'y est glissée.

 10   Cet enlèvement des trois officiers et du chauffeur, c'est bien le 14 avril

 11   qu'il a eu lieu?

 12   Réponse:    Oui, le 14 avril.

 13   Question:   Et l'enlèvement de ces trois officiers de la brigade, l'avez-

 14   vous interprété comme étant peut-être un geste hostile destiné à décapiter

 15   la direction de la partie adverse?

 16   Réponse:    Oui, c'est une interprétation possible car ils se dirigeaient

 17   en sens inverse par rapport à la JNA.

 18   Question:   En tout cas, je suppose que vous conviendrez avec moi que cet

 19   événement a fait couler beaucoup d'encre et entraîné de très nombreuses

 20   actions.

 21   Réponse:    Oui, c'étaient des hommes assez jeunes, nous ne savions pas

 22   s'ils étaient encore en vie. Cela a entraîné pas mal d'émoi; il a été très

 23   difficile de calmer les gens et de nombreuses actions ont été entreprises

 24   pour rechercher ces hommes. Nous avons donc travaillé en coordination avec

 25   l'armée à cette fin, et après de grandes difficultés, nous avons remporté


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  1   le succès.

  2   Question:   Compte tenu des tensions qui existaient, des incidents qui se

  3   multipliaient à l'époque, un tel événement pouvait-il objectivement

  4   provoquer l'élargissement du conflit, être la cause d'un élargissement du

  5   conflit?

  6   Réponse:    C'était tout à fait possible.

  7   Question:   Est il exact que l'une des actions que vous avez entreprises,

  8   en vue de retrouver ces officiers, a été décidée en vue également

  9   d'empêcher le conflit?

 10   Réponse:    Oui, c'est exact.

 11   Question:   Le lendemain de cet événement, vous rappelez-vous -donc le 15

 12   avril- que M. Zivko Totic a été enlevé de façon très violente et que les

 13   hommes qui l'escortaient ont été assassinés?

 14   Réponse:    Oui, j'ai entendu parler de cette affaire. Cela s'est passé à

 15   Zenica.

 16   Question:   Zivko Totic à cette époque-là commandait la brigade, n'est-ce

 17   pas?

 18   Réponse:    Oui c'est exact.

 19   Question:   Et le commandant de Zenica enlevé le lendemain n'a fait

 20   qu'accroître les tensions, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    C'est exact.

 22   Question:   Conviendrez-vous avec moi que tous ces événements ne pouvaient

 23   qu'aggraver, qu'entraîner des actions hostiles de la partie adverse?

 24   Réponse:    Il n'y a pas eu d'incident de notre part à ce moment-là, donc

 25   nous avons pensé que c'était l'annonce d'une aggravation du conflit.


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  1   Question:   Merci. On vous a interrogé au sujet de sacs de sable tout à

  2   l'heure, on vous a parlé du contexte, c'est-à-dire des préparatifs de

  3   combat avec les Musulmans. Une question à cet égard. Est-il exact que, dès

  4   la fin 1991 et le début de l'année 1992, dans toute la ville, des mesures

  5   importantes ont été prises en cas d'attaque aérienne de la part de la JNA?

  6   Réponse:    Oui, c'est exact. Une annonce a été faite à la population

  7   civile qui lui indiquait où elle devait s'abriter, et puis des signaux

  8   d'alerte ont été adressés à cette population; chacun avait des actions

  9   précises à accomplir.

 10   Question:   Dans le cadre de ces actions, fallait-il placer des sacs de

 11   sable à des endroits déterminés, notamment là où il y avait des vitres,

 12   pour protéger ces endroits?

 13   Réponse:    Les sacs de sable ont été placés devant les fenêtres, chaque

 14   fois que cela était possible, pour défendre la population civile parce que

 15   les abris que nous avions à Novi Travnik n'étaient pas suffisants pour

 16   contenir ne serait-ce que le tiers de la population.

 17   Question:   Tous ces préparatifs, toutes ces mesures qui se sont

 18   développées en 1992 et au début de 1993, y compris après les accords de

 19   Washington, sont donc restés en place après ces accords?

 20   Réponse:    Oui, c'est exact. Les sacs de sable n'ont pas été enlevés.

 21   J'ai quitté Novi Travnik après les accords de Dayton, mais les sacs de

 22   sable étaient toujours en place.

 23   Question:   A un certain moment, les forces aériennes de la JNA ont

 24   effectivement attaqué l'usine avec leurs missiles.

 25   Réponse:    Oui. Et les entrepôts de pétrole brut ont été touchés ainsi


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  1   que les usines de productions spéciales.

  2   Question:   Merci. Une question très rapide maintenant, au sujet de

  3   l'usine Bratstvo: objectivement, puisque vous avez travaillé dans cette

  4   usine, que vous en connaissiez le potentiel, la valeur en cas de guerre,

  5   je vous demande si vous considériez personnellement l'usine Bratstvo comme

  6   un élément important de la défense contre la JNA?

  7   Réponse:    Compte tenu des produits que fabriquait l'usine Bratstvo, par

  8   rapport à l'usine Princip, je pense qu'il nous aurait été plus facile

  9   grâce aux produits de cette usine de nous défendre contre les Serbes.

 10   Question:   Donc fondamentalement, les armes qui sortaient de l'usine

 11   Bratstvo et qui ont été acheminées vers le HVO et la Défense territoriale,

 12   ont ensuite été utilisées contre les Serbes en 1992, n'est-ce pas?

 13   Réponse:    Oui, c'est exact.

 14   Question:   En tant que personne qui était présente sur les lieux à ce

 15   moment-là, pouvez-vous nous dire si vous pensez qu'avec les armes

 16   provenant de l'usine Bratstvo, vous auriez pu vous défendre sur le front

 17   contre les Serbes?

 18   Réponse:    Cela aurait été très difficile compte tenu des armes qui ont

 19   été mises à notre disposition.

 20   Question:   Merci. Monsieur Markovic, un point que j'aimerais éclaircir et

 21   au sujet duquel je vais vous poser une série de questions: je pense qu'en

 22   effet un certain nombre d'idées fausses ont été développées sur ce point.

 23   A la fin du mois d'août 1992, vous avez été nommé au poste du chef de

 24   département de la défense de la municipalité de Novi Travnik, n'est-ce

 25   pas?


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  1   Réponse:    C'est exact.

  2   Question:   Quelques mois plus tard, la Brigade Stjepan Tomasevic a été

  3   créée?

  4   Réponse:    Oui, c'est exact.

  5   Question:   A partir de la création de la brigade, les tâches du

  6   département de la Défense ont-elles étaient réduites à l'aspect civil des

  7   choses et non plus à la préparation de la guerre?

  8   Réponse:    C'est exact.

  9   Question:   Est-il exact que les questions militaires ont, désormais, été

 10   du ressort de la brigade?

 11   Réponse:    Tout à fait exact.

 12   Question:   Merci. De ce point de vue, il n'y avait aucune différence avec

 13   les municipalités voisines, n'est-ce pas?

 14   Réponse:    Eh bien, la situation était pratiquement la même dans les

 15   diverses municipalités, mais il y avait tout de même des éléments

 16   spécifiques.

 17   Question:   Pouvez-vous nous dire pourquoi Novi Travnik a mis en place un

 18   département de la Défense un peu plus tôt que la municipalité de Vitez,

 19   sans parler des autres municipalités?

 20   Réponse:    Eh bien, nous avons sans doute mieux réussi dans cette tâche.

 21   J'étais chef du quartier général, j'avais une certaine connaissance des

 22   choses, je savais ce que tout cela signifiait. Nous avons donc commencé

 23   cette tâche plus tôt, et avons établi ce département de la Défense plus

 24   tôt.

 25   Question:   Merci. Vous avez répondu à un certain nombre de questions


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  1   relatives à Cerkez en disant qu'à plusieurs occasions, vous l'aviez perçu

  2   comme quelqu'un d'agressif, une personne un petit peu incisive.

  3   Réponse:    Non, je le connaissais avant le conflit puisque je l'avais vu

  4   à l'usine Princip. Il avait les mêmes tâches que les miennes, à peu de

  5   choses près, et je n'ai jamais remarqué ce genre de comportement de la

  6   part de M. Cerkez.

  7   Question:   Le Procureur a également dit que certains véhicules avaient

  8   été mobilisés, des véhicules confisqués. Compte tenu de votre tâche au

  9   sein de la Défense territoriale, y compris avant le début de la guerre, à

 10   l'époque de l'ex-Yougoslavie, y avait-il une base juridique qui permettait

 11   de réquisitionner des véhicules? Par exemple, à des fins de défense?

 12   Réponse:    Oui, il existait une base juridique permettant d'agir de la

 13   sorte. Les gens recevaient des certificats et les mêmes certificats

 14   étaient délivrés pour la confiscation ou la réquisition de chevaux, de

 15   véhicules ou de quelque élément que ce soit qui pouvait être utilisé à des

 16   fins de défense.

 17   Question:   Merci. Je demanderai que l'on remette au témoin la version en

 18   BCS du document qui est le rapport de Cerkez et que la version anglaise

 19   soit placée sur le rétroprojecteur: le document Z475.2. C'est un rapport

 20   très court qui ne comporte que trois lignes. Je vous demanderai de bien

 21   vouloir me lire la première ligne de ce document.

 22   Réponse:    "La ligne de défense est stable en direction du rouge."

 23   Question:   Quelle était la première ligne de défense à ce moment-là?

 24   Réponse:    C'était à Kamenjas et ce que nous appelions le rouge, c'était

 25   la JNA.


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  1   Question:   Donc il s'agit de la ligne de front face à qui?

  2   Réponse:    Face aux Serbes.

  3   Question:   Est-il normal que le commandant d'une brigade fasse rapport du

  4   fait que tout va bien en ville?

  5   Réponse:    C'est tout à fait normal: c'est sa responsabilité.

  6   Question:   S'agissant de la troisième information que l'on trouve dans ce

  7   document, je vous demande si vous vous rappelez que Cerkez a frappé à

  8   toutes les portes pour obtenir que l'on réussisse, par quelque moyen que

  9   ce soit, à faire sortir le Régiment Bruno Busic de la ville?

 10   Réponse:    Monsieur Jozo Sekic et moi-même, en tant que président du

 11   département de la Défense, nous avons demandé à M. Cerkez de faire tout ce

 12   qu'il pouvait pour que ce régiment sorte de la ville en raison des

 13   troubles dont il avait été responsable.

 14   Question:   Est-il exact que cela n'était bon pour personne à Novi

 15   Travnik? Qu'il s'agisse de la population civile ou des militaires présents

 16   en ville, personne ne trouvait acceptable que le régiment Bruno Busic

 17   reste en ville?

 18   Réponse:    Oui, nous ne voulions plus de ce régiment dans la ville parce

 19   que nous n'en avions pas besoin. Il ne faisait que compliquer la situation

 20   ainsi que les rapports interethniques.

 21   M. Kovacic (interprétation): Pouvez-vous répondre par oui ou non à la

 22   question suivante: au moins un soldat du HVO a été tué par un fusil

 23   appartenant à un homme du régiment Bruno Busic?

 24   M. le Président (interprétation): Mais où est-ce que nous allons? Vous

 25   avez dit, il y a quelques instants, Maître Kovacic, que vous n'alliez


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  1   poser que quelques questions. C'était il y a un quart d'heure. Le témoin a

  2   déjà déposé, il le fait depuis ce matin. Nous sommes limités dans le temps

  3   dans ce procès et je pense que cette question a obtenu déjà un nombre

  4   abondant de réponses.

  5   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, je m'en tiens

  6   strictement à la question évoquée...

  7   M. le Président (interprétation): Mais quelle question?

  8   M. Kovacic (interprétation): Le régiment Bruno Busic est mentionné dans ce

  9   document et j'ai eu l'impression que le Procureur tentait de faire

 10   accroire que M. Cerkez avait quelque chose à voir avec le commandement de

 11   cette unité.

 12   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, avez-vous jamais fait une

 13   telle proposition?

 14   M. Nice (interprétation): J'ai demandé au témoin si le contenu de cette

 15   lettre reflétait une quelconque autorité de sa part, de la part du témoin,

 16   pour obtenir que le régiment quitte la ville. C'est tout.

 17   M. le Président (interprétation): Oui, très bien. Vous avez donc traité de

 18   ce point.

 19   Maître Kovacic, avançons, je vous prie. Nous avons encore un autre témoin

 20   à entendre.

 21   M. Kovacic (interprétation): J'en ai terminé pratiquement avec la question

 22   du Régiment Bruno Busic. Je n'ai plus qu'une ou deux questions simples à

 23   poser au témoin.

 24   Monsieur Markovic, au cours de votre déposition, répondant aux questions

 25   du Procureur, vous avez -à deux reprises- dit que vous aviez exécuté un


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  1   ordre, que vous vous étiez soumis à un ordre. Alors je vous demande si, à

  2   quelque moment que ce soit au cours de votre travail, que ce soit au sein

  3   du bureau ou du département, ou plus tard dans la Brigade Tomasevic, si

  4   vous avez à quelque moment exécuté un ordre qui impliquait de faire

  5   quelque chose d'illégal?

  6   Réponse:    Non, je n'aurais pas pu exécuter un tel ordre.

  7   Question:   Avez-vous jamais reçu sur votre bureau un ordre de cette

  8   nature?

  9   Réponse:    Non.

 10   Question:   Avez-vous jamais émis un ordre de cette nature?

 11   Réponse:    J'affirme en toute responsabilité que je n'ai jamais émis un

 12   tel ordre.

 13   M. Kovacic (interprétation): Merci, je n'ai plus de questions.

 14   M. le Président (interprétation): Monsieur Markovic, merci d'être venu ici

 15   pour témoigner devant ce Tribunal. Vous en êtes arrivé au terme de votre

 16   déposition et vous êtes maintenant libre de vous retirer.

 17   M. Markovic (interprétation): Merci à vous également.

 18   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 19   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, notre témoin suivant

 20   est M. Dragan Grebenar, originaire de Vitez. J'ai fait distribuer, ce

 21   matin, le résumé de sa déposition. Si vous souhaitez en savoir davantage,

 22   je suis à votre disposition.

 23   M. le Président (interprétation): Nous avons reçu le résumé de sa

 24   déposition.

 25   (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)


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   1   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il prononcer la

  2   déclaration solennelle?

  3   M. Grebenar (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

  6   M. Kovacic (interprétation): Puis-je procéder, Monsieur le Président?

  7   M. le Président (interprétation): Oui.

  8   (Interrogatoire principal de M. Dragan Grebenar par M. Kovacic.)

  9   M. Kovacic (interprétation): Merci. Bonjour, Monsieur Grebenar.

 10   M. Grebenar (interprétation): Bonjour.

 11   Question:   Pour le compte rendu d'audience, je vous demanderai de bien

 12   vouloir décliner votre nom et prénom et nous dire où et quand vous êtes

 13   né.

 14   Réponse:    Je m'appelle Dragan Grebenar. Je suis né le 25 juillet 1960 à

 15   Poculica, dans la municipalité de Vitez.

 16   Question:   Etes-vous marié?

 17   Réponse:    Oui, je suis marié et père de deux enfants.

 18   Question:   Quelle est votre profession?

 19   Réponse:    Je suis technicien dans la chimie.

 20   Question:   Vous avez donc une formation secondaire, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Mais vous possédez aujourd'hui votre propre entreprise à

 23   Vitez, vous avez donc votre propre société?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Avant la guerre, vous travailliez à l'usine SPS?


Page 24014

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Monsieur Grebenar, est-il exact que vous faisiez partie des

  3   gardes villageoises dans votre village, au cours du deuxième semestre

  4   1992?

  5   Réponse:    Oui, c'est exact.

  6   Question:   Est-il permis de dire que vous étiez également le dirigeant de

  7   la garde villageoise dans votre village?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Votre village avait une population mixte, n'est-ce pas?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Selon le recensement de 1992, pouvez-vous nous dire quel était

 12   le nombre d'habitants musulmans et d'habitants croates à Poculica?

 13   Réponse:    Dans le village, nous étions 408 Croates et 330 Musulmans.

 14   Question:   Monsieur Grebenar, Poculica ainsi que Vrhovine et Prnjavor

 15   constituaient une communauté locale, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Quel était le pourcentage de population musulmane et croate au

 18   sein de cette communauté locale?

 19   Réponse:    Vous venez de le dire: la population était mixte dans cette

 20   communauté locale. Prnjavor, qui était habitée uniquement par des

 21   Musulmans, et Vrhovine, habitée également uniquement par des Musulmans,

 22   constituaient des exceptions. Selon le recensement de 1991, je pense qu'il

 23   y avait 1.055 Musulmans et 408 Croates dans cette communauté locale.

 24   Question:   Vous avez utilisé ce terme de "communauté locale" et nous

 25   tous, originaires de l'ex-Yougoslavie, avons souvent des difficultés à


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  1   expliquer ce concept; mais essayons tout de même. La communauté locale

  2   constituait-elle une organisation administrative officielle à l'époque?

  3   Réponse:    Eh bien, je vais essayer d'expliquer, en utilisant mes propres

  4   mots, ce qu'était une communauté locale. Je crois d'ailleurs que cela

  5   correspond assez bien à ce que vous venez de dire. La communauté locale

  6   était créée sur instruction -dirai-je- de la municipalité et elle avait

  7   pour objet de s'occuper des villages qui la composaient. Avant le conflit,

  8   avant la guerre par exemple, les communautés locales s'occupaient

  9   uniquement de questions socio-politiques dans l'intérêt des habitants des

 10   villages, c'est-à-dire que ses responsabilités consistaient à s'occuper de

 11   l'adduction d'eau, de l'état des routes, de ce genre de choses, dans

 12   l'intérêt de tous les habitants de la communauté locale.

 13   Question:   Merci beaucoup. Donc, si j'ai bien compris, les habitants des

 14   communautés locales pouvaient, de cette façon, résoudre les problèmes

 15   d'intérêt commun de la région dans laquelle ils habitaient, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    C'est tout à fait cela.

 17   Question:   Avant la guerre, en tant qu'habitant d'une communauté locale,

 18   une communauté locale dans laquelle vivaient des représentants des deux

 19   groupes ethniques, avez-vous ressenti une quelconque intolérance entre les

 20   deux communautés?

 21   Réponse:    Non, absolument aucune intolérance.

 22   Question:   Vous travailliez à l'usine SPS, y avait-il parmi les gens qui

 23   travaillaient dans cette usine des représentants des deux communautés qui

 24   reflétaient à peu près le rapport existant dans la société?

 25   Réponse:    Oui. D'ailleurs, il n'y avait pas que des membres de ces deux


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  1   communautés, il y avait également des Serbes qui travaillaient dans cette

  2   usine et même des Roms.

  3   Réponse:    Très bien. Mais reparlons de la garde villageoise de Poculica.

  4   Quand cette garde villageoise s'est-elle organisée?

  5   Réponse:    Elle a commencé à se constituer au début de 1992, ou peut-être

  6   à la mi-92.

  7   Question:   S'est-elle organisée de sa propre initiative ou quelqu'un a-t-

  8   il donné l'ordre de la créer?

  9   Réponse:    Elle s'est organisée de façon spontanée.

 10   Question:   Pourquoi les citoyens ont-ils organisé cette garde

 11   villageoise?

 12   Réponse:    Pour une raison très simple: à savoir qu'à ce moment-là,

 13   l'agression serbe sur le mont Vlasic durait depuis déjà depuis quelque

 14   temps et des gens sont apparus, des gens sont arrivés à qui tout cela

 15   correspondait très bien: des criminels, des voleurs, des criminels, et la

 16   population a pris peur. Donc, elle souhaitait vérifier d'un peu plus près

 17   qui passait par le village et quelles étaient les intentions de ces

 18   visiteurs.

 19   Parce que si vous me le permettez, je dirais que Poculica se trouve sur

 20   une route départementale, régionale qui relie Vitez à Zenica, donc une

 21   voie de communication assez utilisée. Et la population essayait simplement

 22   de vérifier d'un peu plus près qui se déplaçait sur cette voie de

 23   communication; notamment parce que l'ex-JNA était stationnée à Zenica, à

 24   Travnik et en d'autres endroits de la région.

 25   Question:   Très bien. Monsieur Grebenar, qui vous a nommé au poste de


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  1   coordonnateur ou de chef -dirai-je- de cette garde villageoise? Est-ce que

  2   quelqu'un vous a nommé à ce poste?

  3   Réponse:    Non, pas précisément. Il y a eu simplement une réunion, un

  4   jour, au cours de laquelle la population -c'est-à-dire les habitants du

  5   village- m'a demandé si je pouvais prendre la direction de l'organisation

  6   nécessaire pour créer ces gardes villageoises, donc si je pouvais

  7   superviser un petit peu tout ce travail.

  8   Question:   Ceux qui vous ont fait cette proposition étaient bien vos

  9   voisins, n'est-ce pas?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Mais y avait-il parmi eux un représentant du pouvoir qui vous

 12   aurait demandé de prendre la direction de cette garde villageoise?

 13   Réponse:    Non, aucun représentant du pouvoir n'a même demandé que soient

 14   créées ces gardes villageoises. Nous avons pris cette initiative par nous-

 15   mêmes. Nous avons décidé de patrouiller un petit peu dans le village, de

 16   vérifier un peu ce qui se passait. Et puis, comme j'étais sans doute l'un

 17   des hommes à l'initiative de cette décision, on m'a demandé de prendre la

 18   direction de l'organisation de tout cela.

 19   Question:   Comment cette garde villageoise était-elle armée?

 20   Réponse:    Au début, on avait deux ou trois fusils de chasse et je pense

 21   bien me souvenir qu'il y avait un de nos voisins qui était détenteur aussi

 22   d'un pistolet, d'un revolver.

 23   Question:   Enfin, grosso modo, peut-on dire comment se présentait la

 24   situation fin 1992? Etiez-vous peut-être mieux armés?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Disons, une troisième étape: immédiatement avant le conflit,

  2   en 1993, étiez-vous mieux armés?

  3   Réponse:    Oui, nous l'étions, mais pas vraiment par rapport à début

  4   1993.

  5   Question:   Quelles sont vos évaluations, enfin quant aux armements, début

  6   1993? Au mois d'avril, par exemple, le 16 avril?

  7   Réponse:    Il y avait environ une trentaine de fusils.

  8   Question:   Des fusils de soldats?

  9   Réponse:    Non, de chasse. Et puis après d'autres aussi.

 10   Question:   Merci. Une question qui, il me semble, m'a peut-être échappée

 11   et que j'aurais aimé poser: est-ce peut-être le parti le plus important,

 12   le HDZ, qui était actif dans l'organisation des gardes villageoises?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Dites-moi, s'il vous plaît: le 15 avril 1993, avez-vous été

 15   informé, avez-vous eu une connaissance quelconque du fait qu'il pouvait y

 16   avoir une confrontation générale et profonde entre le HVO et l'armée BH,

 17   dans le domaine de la municipalité de Vitez?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Est-ce que, en quoi que ce soit, la date du 15 avril vous

 20   semble importante? Est-ce qu'elle était gravée dans votre mémoire ou

 21   était-ce une journée comme une autre?

 22   Réponse:    En ce qui me concerne personnellement et en ce qui concerne

 23   mes voisins, c'était une journée comme une autre; mais avec cela, dirai-je

 24   qu'à Zenica, il y avait eu un assassinat. Zeljko Tosic a été assassiné;

 25   c'était pratiquement quelqu'un avec trois autres hommes qui ont été


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  1   assassinés dans la localité de Podrzeje, près de Zenica.

  2   Question:   Oui, la Cour en a entendu déjà parlé. Et vous n'avez pas pu

  3   évidemment en juger, d'après cela, qu'il devait y avoir une confrontation

  4   le lendemain?

  5   Réponse:    Non.

  6   Question:   Au cours de la nuit du 15 au 16 avril 1993, les gardes

  7   villageoises ont-elles exercé leurs fonctions comme d'habitude?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Combien de personnels, combien d'agents aviez-vous en

 10   patrouille?

 11   Réponse:    Pour cette soirée-là, vous voulez dire?

 12   Question:   Oui.

 13   Réponse:    Six personnes étaient en patrouille.

 14   Question:   Vous a-t-on informé, au cours de la nuit peut-être, que vous

 15   avez dû doubler enfin majorer un petit peu le nombre de gens en patrouille

 16   pour telle ou telle raison?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Pour quelle raison et pour la première fois, vous avez entendu

 19   dire ce qui s'était passé le matin, le lendemain?

 20   Réponse:    Le 15 avril, le soir comme d'habitude, pour organiser les

 21   patrouilles, tout se passant évidemment selon le principe du bénévolat,

 22   j'ai senti le besoin d'être avec ces garçons-là et jusqu'à 1 heure 30 du

 23   matin, j'étais avec eux, pour me retirer ensuite pour me coucher vers ma

 24   propre maison, maison individuelle. Le matin vers les 4 heures 30, j'ai

 25   été réveillé, deux garçons avaient dû me réveiller qui se trouvaient dans


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  1   la région médiane -disons- du village en patrouille; eux voulaient savoir

  2   si j'avais des informations sur l'éventuelle attaque que les Musulmans

  3   perpétreraient chez nous depuis Vrhovine, Poculica et Prnjavor. En

  4   réponse, je devais dire que je n'en avais aucune connaissance et que si

  5   j'avais ... Ils ont pu remarquer quoi que ce soit du genre. Eux, de leur

  6   côté, ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas de remarques, d'observations

  7   faites dans ce sens-là, mais qu'une de leurs voisines les a invités chez

  8   elle pour leur dire que sa sœur, qui a habité Kratine Mahala, un village

  9   voisin, lui avait téléphoné pour lui dire: "Marinko -c'est son nom-, êtes-

 10   vous vraiment encore en vie? Enfin, faut-il être vraiment suffisamment

 11   intelligent pour rester là où vous êtes parce que, chez nous, on parle

 12   déjà qu'il y aura une attaque contre Poculica, etc." Dans ce sens-là.

 13   C'était la relation de cette observation.

 14   Question:   Ce sont pratiquement ces deux gardes qui sont venus pour vous

 15   le dire?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Et qu'avez-vous fait? Quelle a été votre intervention?

 18   Réponse:    J'ai vu qu'ils étaient pris de panique quand même, mais je me

 19   suis dit "que, si jamais quelqu'un évidemment sème la panique sans raison

 20   vraiment justifiée, on devrait quand même s'y préparer. Alors, attendez-

 21   moi quelques minutes, on va se rendre ensemble chez ladite dame Mara pour

 22   savoir plus amplement de quoi il s'agissait".

 23   C'est ce que nous avons fait d'ailleurs. Nous sommes allés chez Mme Mara

 24   Papic pour qu'elle répète l'histoire de son coup de téléphone. A savoir

 25   qu'elle a relaté une fois de plus disant que sa sœur finissait par pleurer


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  1   et qu'ils voulaient que tout le monde, évidemment, évacue le village.

  2   Alors, c'était vers moi qu'on s'était tourné pour savoir si je pouvais

  3   téléphoner à qui que ce soit pour en savoir davantage, connaître plus de

  4   détails. Etant donné que nous avons pu nous informer auprès du centre

  5   d'information, une cellule à part, près du quartier général de Vitez, j'ai

  6   aussitôt passé un coup de fil à partir de la maison. Je connaissais bien

  7   le numéro de téléphone. C'était quelqu'un qui était de garde, qui ne s'est

  8   pas présenté d'ailleurs, alors que je me suis présenté. Je voulais dire

  9   simplement, si Mario était là, que je voulais lui parler au téléphone.

 10   Question:   Quand vous dites Mario, vous dites Mario Cerkez?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Pourquoi justement lui? C'était lui que vous vouliez avoir au

 13   téléphone?

 14   Réponse:    Parce que, parmi ces gens-là du quartier général, parmi les

 15   responsables, c'est Mario que je connaissais personnellement. Nous avions

 16   été embauchés dans la même firme, au SPS, et peut-être qu'il m'a semblé

 17   beaucoup plus aisé d'en savoir davantage de sa part étant donné que je

 18   sais également qu'il était là pour remplir des fonctions responsables au

 19   quartier général.

 20   Question:   Et que vous a-t-il dit, l'homme avec qui vous avez parlé au

 21   téléphone?

 22   Réponse:    Lui, il a dit que Mario n'était pas là et il voulait savoir si

 23   lui pouvait m'être d'utilité. Pour ma part, j'ai répondu aussitôt que nous

 24   avions ressenti quelques problèmes et qu'il fallait peut-être prévoir

 25   quelque chose. Alors, l'homme voulait savoir si Mario devait être en


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  1   contact. Alors il m'a demandé le numéro de téléphone auquel j'étais à ce

  2   moment-là pour me retéléphoner. Ce que j'ai fait, bien sûr, de sorte que

  3   l'autre, mon interlocuteur, puisse contacter Mario pour que je puisse

  4   avoir une information en retour.

  5   Question:   Et au cours de la matinée, avez-vous eu Mario au téléphone?

  6   Réponse:    Oui, peut-être dix ou quinze minutes plus tard à peine

  7   révolues, le téléphone sonne. Evidemment, je décroche. Mario était au bout

  8   du fil; il voulait savoir pourquoi je lui avais téléphoné. J'ai expliqué

  9   évidemment longuement ce que les gardes m'ont relaté et ce que notre

 10   voisine a raconté d'abord à la base. Lui voulait savoir si la patrouille

 11   avait bien fait son travail au cours de la nuit et si des observations

 12   étaient importantes mais révélatrices aussi. Et il m'a justement demandé

 13   de poursuivre le travail de patrouille et des gardes nocturnes et de lui

 14   en faire part aussitôt qu'on aurait compris qu'il y aurait quelque chose

 15   d'anormal qui se passait.

 16   Question:   Monsieur Grebenar, cette conversation et, comme vous dites, un

 17   conseil, ce qu'il vous demandait, était-ce une conversation entre deux

 18   personnes qui se connaissaient ou entre un soldat et quelqu'un qui lui

 19   serait supérieur?

 20   Réponse:    C'était une conversation de deux hommes qui se connaissaient,

 21   je peux dire même deux amis parce qu'à ce moment-là, j'ai ressenti le

 22   besoin d'avoir quelqu'un qui serait davantage expérimenté et qui pourrait

 23   me conseiller parce que, comme je n'étais pas militaire, évidemment il

 24   m'était difficile d'en faire état.

 25   Question:   Monsieur Grebenar, est-ce que vous pouvez savoir, mais pour en


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  1   être sûr, de quel lieu Cerkez vous a téléphoné? De sa propre maison ou du

  2   quartier général?

  3   Réponse:    Non, cela, je ne le sais pas.

  4   Question:   Vous ne l'avez jamais appris?

  5   Réponse:    Non, jamais.

  6   Question:   Puis qu'avez-vous fait? Vous avez continué d'observer, de

  7   patrouiller?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Et qu'est-il arrivé?

 10   Réponse:    J'avais dit justement à ces deux gardes qui étaient là, étant

 11   donné qu'il était déjà 5 heures passées -5 heures 10, 5 heures et quart-,

 12   je leur avais dit notamment, étant donné qu'en principe les gardes étaient

 13   tenus jusqu'à 5 heures du matin, parce que nous n'avions pas voulu

 14   évidemment avoir des gardes une fois le jour levé, j'ai voulu encore me

 15   rendre compte du fait que deux autres ou trois autres gardes qui étaient

 16   en observation étaient toujours à leur poste. C'est ainsi que je me suis

 17   dirigé vers la partie inférieure du village, vers le bas du village. C'est

 18   ainsi que j'avais demandé à ce garçon de continuer de monter la garde; et

 19   je restais d'ailleurs avec lui pendant quelques minutes.

 20   Question:   Et pendant que vous avez fait tout cela, le calme régnait dans

 21   le village?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   A ce moment-là, avez-vous entendu des détonations quelconques

 24   ou des coups de feu ou des tirs de fusil, de quelque direction que ce

 25   soit?


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  1   Réponse:    Oui, au moment où j'étais allé vers les deux autres gardes

  2   pour leur donner des consignes, nous avons entendu des détonations venant

  3   de la direction de Vitez, enfin d'en bas du village.

  4   Question:   A quel moment pouvez-vous dire que, définitivement, les

  5   premières grenades tombaient sur votre village?

  6   Réponse:    Vers les 8 heures du matin, pratiquement les premiers obus

  7   tombaient sur le haut du village dans la direction de ma maison et mes

  8   étables ont été touchées.

  9   Question:   Y a-t-il eu des victimes parmi les vôtres de la maisonnée?

 10   Réponse:    Non.

 11   Question:   A-t-on entendu également des coups de fusil et d'infanterie?

 12   Réponse:    Oui, sporadiquement. On a pu entendre évidemment des coups

 13   tirés depuis Prnjavor, Vrhovine?

 14   Question:   Donc des coups de fusil tirés depuis les villages habités par

 15   les Musulmans?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Même avant que le conflit n'éclate, y a-t-il eu une armée pour

 18   ainsi dire domestique ou peut-être des gens qui étaient là ou des gens qui

 19   venaient, incorporés d'ailleurs? Avez-vous eu des connaissances

 20   quelconques?

 21   Réponse:    Il y a eu au début des gardes villageoises tenues, cette fois-

 22   ci, uniquement par les citadins, les villageois. Un peu plus tard, vers la

 23   fin ou vers la seconde moitié de l'année 1992, apparaissaient aussi des

 24   gens inconnus de nous autres, la majeure partie d'entre eux des réfugiés,

 25   mais il y avait eu parmi eux cinq ou six personnes pour lesquelles on nous


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  1   disait que c'étaient des Moudjahidins, c'est-à-dire des gens qui avaient

  2   une tenue un peu différente.

  3   Question:   Est-ce que, dans ces vagues de réfugiés, notamment vers la fin

  4   1992, il y a eu des gens de Krajina ou de Kamenjas?

  5   Réponse:    Je ne sais pas très bien d'où ils sont venus mais, après la

  6   chute de Jajce, il y en a eu beaucoup qui sont venus de cette direction-

  7   là. Il y a eu beaucoup, beaucoup de réfugiés à Prnjavor après la chute de

  8   Jajce.

  9   Question:   Et avec eux, évidemment, il y avait des soldats qui sont

 10   venus?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Les obus qui étaient d'ailleurs projetés et tombés sur vos

 13   hangars, vers votre maison, de quelle direction étaient-ils tirés?

 14   Réponse:    Je ne suis pas expert en la matière mais, pour savoir très

 15   exactement, je dirai que les tirs ont dû avoir lieu depuis le village de

 16   Preocica.

 17   Question:   Or, Preocica -le village- se trouvait sous le contrôle absolu

 18   de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

 19   Réponse:    Oui, ils avaient là aussi des casernes.

 20   Question:   A quel moment avez-vous reçu les informations portant

 21   détention des civils croates du haut du village?

 22   Réponse:    Je crois que cela aurait pu être déjà vers 11 heures.

 23   Question:   Et qu'avez-vous fait?

 24   Réponse:    Pas-grand-chose. Je devais m'occuper de pas mal de choses à la

 25   fois. Les coups de feu évidemment se faisaient beaucoup plus fréquents,


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  1   les balles sifflaient dans le village. Nous avons eu peur parce que, vous

  2   savez, sans formation militaire et psychologiquement parlant, évidemment

  3   on pouvait faire autre chose que de pouvoir s'adresser à quelqu'un pour

  4   savoir ce qu'il fallait maintenant prévoir et comment procéder. Alors, on

  5   nous a dit tout simplement que ceux qui se trouvaient dans la partie

  6   centrale du village devaient se retirer dans la partie basse du village,

  7   là où nous étions nous-mêmes. C'est ainsi que nous avons procédé.

  8   Question:   Est-ce à dire qu'à un moment donné, vous avez décidé

  9   l'évacuation vers Selo Krizancevo ou Krizancevo Selo?

 10   Réponse:    Oui, cela s'est produit déjà un peu plus tard, vers les 3

 11   heures de l'après-midi. 

 12   Question:   Oui. Alors, reprenons une fois de plus: ce village Krizancevo;

 13   y a-t-il lieu de dire qu'il y a eu des avertissements du haut des

 14   mosquées, des minarets? Par qui et à quel moment? 

 15   Réponse:    Vers midi, du haut du minaret, on a entendu des haut-parleurs

 16   où un ultimatum nous a été lu comme quoi: "Vous tous, Croates, avez cinq

 17   minutes pour déposer vos armes, vous rendre, venir dans l'enceinte de

 18   l'école, sinon vous vous exposez évidemment au risque d'être assassinés et

 19   le village pillé".

 20   Question:   Avez-vous eu le sentiment que cet ultimatum portant reddition

 21   était adressé à tous les Croates?

 22   Réponse:    Oui, à tous les Croates.

 23   Question:   Avez-vous le sentiment que cette menace concernait tous les

 24   Croates?

 25   Réponse:    Il n'y a aucun doute là-dessus.


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  1   Question:   Et quelle a été la réaction des villageois?

  2   Réponse:    Je peux dire en toute liberté que c'est le chaos qui s'est

  3   établi. La panique régnait. C'est à ce moment-là que, moi-même, j'ai saisi

  4   le fait que c'était bien la guerre et qu'on tirait sur nous de toutes

  5   parts et qu'on pouvait tomber raide morts sur place. On était tout

  6   simplement transis de panique.

  7   Question:   Bon. Pouvez-vous nous dire si vous vous attendiez à des

  8   patrouilles de la Forpronu, parce qu'elles venaient de temps en temps

  9   lorsque des incidents éclataient?

 10   Réponse:    Oui, on s'y attendait un petit peu parce que nous avions quand

 11   même des contacts avec des centres d'information comme quoi, le cas

 12   échéant, nous aurions pu évidemment avoir recours à leurs effectifs.

 13   Question:   Et la Forpronu, les patrouilles de la Forpronu étaient-elles

 14   venues? 

 15   Réponse:    Oui, en effet, une quarantaine de minutes après cet ultimatum,

 16   deux transporteurs militaires de la Forpronu se sont manifestés dans le

 17   cadre du bas du village.

 18   Question:   Là où vous étiez déjà? 

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Et quels étaient vos projets? Qu'avez-vous voulu faire quant à

 21   la patrouille de la Forpronu?

 22   Réponse:    C'était le moment où le haut du village était pour ainsi dire

 23   nettoyé. Quant aux Croates, ils n'y étaient plus. On nous a vraiment

 24   réduits et astreints à nous évacuer vers la partie médiane et le bas du

 25   village. Nous avions cru tout simplement que la patrouille de la Forpronu


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  1   aurait pu se rendre vers la ligne de front pour créer une espèce de ligne

  2   de démarcation et de division, tout simplement pour qu'il y ait une

  3   accalmie quelconque.

  4   Question:   Mais cela dit, y a-t-il lieu de dire que ce projet concernait

  5   l'évacuation de tous les civils?

  6   Réponse:    Croyez-moi, à ce moment-là, je n'avais aucunement à dire que

  7   je savais ce qu'il fallait faire. Je me suis dit tout simplement, à un

  8   moment donné, une fois la Forpronu venue, que tout pourrait se calmer et

  9   que nous aurions pu reprendre tout contact et notre travail normal. Tout

 10   simplement, je m'attendais à une protection.

 11   Question:   Et la Forpronu s'est-elle rendue vers le haut du village?

 12   Réponse:    Non. C'est-à-dire qu'ils sont rentrés plutôt vers nous au

 13   moment où je leur avais demandé de monter vers le haut du village. A cinq

 14   cents mètres de chez nous, un obus était tombé. Eh bien, eux, ils ont fait

 15   demi-tour et se sont rendus en direction de Vitez!

 16   Question:   Au moment où les transporteurs militaires de la Forpronu

 17   étaient auprès de vous, pouvait-on dire que les Croates occupaient encore

 18   la partie centrale du village, que les Croates essayaient de se défendre

 19   tant bien que mal, ou bien vous trouviez-vous dans le bas du village avec

 20   les civils?

 21   Réponse:    Cela est exact.

 22   Question:   Et puis l'attaque venait de la direction du village, vers le

 23   bas?

 24   Réponse:    C'est cela.

 25   Question:   Que s'est-il passé vers 15 heures 30?


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  1   Réponse:    Vers 15 heures 30, nous avions décidé de nous en aller, de

  2   nous enfuir -d'abord, les civils les premiers, femmes et enfants- parce

  3   que nous en avions conclu que le plus sûr, pour eux, était d'emprunter les

  4   sentiers de la forêt vers Krizancevo Selo, tout le long d'un ruisseau.

  5   Question:   Est-ce qu'à un moment donné, pendant que cette direction était

  6   prise, un certain nommé Ramijak Vlado est-il venu vous contacter?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Pourquoi était-il venu et que s'est-il passé à ce moment-là?

  9   Réponse:    Juste à ce moment-là où moi-même avec ma famille -et pour me

 10   faire entourer des autres et pour les encourager à emprunter le petit

 11   chemin de la forêt-, Vlado est venu, les larmes aux yeux, pris de panique

 12   pour me dire: "Dragan, tous sont rendus esclaves dans le haut du village.

 13   Moi, on m'a laissé partir tout simplement pour te dire, à toi, qu'on te

 14   demande pour négocier. Sinon, si je ne suis pas de retour, alors

 15   évidemment, ma femme et mes enfants pourraient être supprimés ".

 16   Question:   Je parle un peu trop vite peut-être et fais le malheur des

 17   traducteurs. Est-ce que M. Vlado est venu du haut du village?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Est-ce à dire que l'armée de Bosnie-Herzégovine a été envoyée

 20   en courrier pour passer le message? C'était le seul objectif de sa venue?

 21   Réponse:    Oui, c'est cela.

 22   Question:   Alors, vous avez compris que sa femme et ses enfants étaient

 23   pris en otages tant qu'il ne serait pas de retour?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Et qu'avez-vous décidé, qu'avez-vous dit?


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  1   Réponse:    J'ai dit à Vlado: "Ecoute. Juste le moment de nous occuper de

  2   ces civils pour les envoyer vers Krizancevo Selo, je ne vois aucun

  3   inconvénient, je me rends avec vous dans le haut du village aux

  4   négociations ".

  5   Question:   Et c'est comme cela que vous vous êtes dirigé vers le haut du

  6   village? Cela est vrai?

  7   Réponse:    C'est vrai.

  8   Question:   Et vous êtes arrivé au lieu de la négociation?

  9   Réponse:    Non, je n'y suis pas parvenu parce que du haut de Sepnice(?);

 10   on avait observé, moi et Vlado, parce qu'on était en terrain découvert,

 11   évidemment sous les balles et sous le feu de l'infanterie, on s'était

 12   cachés d'abord près de la maison d'un voisin. Ensuite, j'ai essayé de

 13   courir à toute vitesse; on s'était divisés, Vlado et moi. Et c'est à ce

 14   moment-là que j'ai été blessé et que je n'ai pas pu venir aux

 15   négociations.

 16   Question:   Monsieur Grebenar, pour expliquer, Sepnice, c'est une colline

 17   qui s'élève au-dessus de votre village, c'est-à-dire de ces trois villages

 18   en fait. Il s'agit d'une côte dominante par la géomorphologie? Est-ce

 19   vrai?

 20   Réponse:    Oui. En direction de Vitez vers Zenica, il y a une autre côte

 21   dominante: Jeptrenica(?) Mais pour parler de la ville de Vitez, il s'agit

 22   de la côte dominante, Sepnice.

 23   Question:   Mais bien sûr, côte dominante aussi par rapport à votre

 24   village?

 25   Réponse:    Oui, c'est cela.


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  1   Question:   Et vous êtes sûr qu'à cette époque-là, l'armée de Bosnie-

  2   Herzégovine s'était emparée déjà de cette côte-là?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   C'est à partir de cette côte-là qu'ils ont tiré vers le

  5   village?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Est-il vrai que, même blessé, vous avez fini par vous retirer

  8   avec le restant des civils de votre village?

  9   Réponse:    Oui, les civils étant déjà partis, d'abord un premier secours

 10   m'a été d'ailleurs accordé parmi les vieillards du village, évidemment

 11   pour que je n'aie pas de trop fortes hémorragies. Puis après, je les ai

 12   tous définitivement retrouvés en pleine forêt.

 13   Question:   Certains civils ont été saisis par l'armée. Combien de civils

 14   pensez-vous qu'il y avait au village à ce moment-là?

 15   Réponse:    Je ne le savais pas à ce moment-là, mais plus tard -je veux

 16   dire au moment des échanges-, j'ai pu constater qu'il y avait environ 70

 17   civils qui ont été d'ailleurs détenus, pris et détenus dans une auberge de

 18   jeunes de Prnjavor.

 19   Question:   Oui, mais c'est le chiffre définitif. Mais, à un moment donné,

 20   il a été dit qu'environ pour parler du haut du village et de la partie

 21   centrale du village, il y avait une cinquantaine de personnes qui ont été

 22   prises et détenues. Plus tard, elles étaient 70.

 23   Réponse:    C'est cela.

 24   Question:   A quel moment ces gens ont-ils été échangés?

 25   Réponse:    Un mois, il me semble un mois plus tard, les échanges ont eu


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  1   lieu, les échanges de détenus.

  2   Question:   Toutes les personnes détenues ont-elles été échangées ou y a-

  3   t-il eu des morts pendant le temps de détention?

  4   Réponse:    Non, pas tous. Parce que sept ou dix jours plus tard, peut-

  5   être le 22 ou le 23 du mois, un membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine a

  6   ouvert la porte brusquement pour vider une rafale contre les personnes qui

  7   s'y trouvaient. Là, il y a eu quelques morts et plusieurs personnes

  8   blessées.

  9   Question:   Avez-vous jamais appris qui était l'auteur de cet acte?

 10   Réponse:    Non.

 11   Question:   A-t-on pu conduire une instruction quelconque contre cette

 12   personne-là?

 13   Réponse:    Pas autant que je sache.

 14   Question:   Avez-vous entendu parler d'actes pareils dans d'autres cas et

 15   dans d'autres lieux?

 16   Réponse:    Oui, j'ai entendu parler.

 17   Question:   Par conséquent, ce n'était pas un incident isolé?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Est-ce vrai qu'après échange des civils, vous avez appris que

 20   les hommes ont été emmenés pour des travaux manuels, pour les besoins de

 21   l'armée BH?

 22   Réponse:    Oui, c'est ce qu'il m'ont relaté d'ailleurs.

 23   Question:   Vous ont-ils parlé des conditions de travail dangereuses ou

 24   etc.? Peut-être que vous pouvez nous en dire deux ou trois mots?

 25   Réponse:    Oui, brièvement. Pour parler de leur traitement, en voici un


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  1   exemple: lorsque les forces musulmanes ont perdu un soldat lors d'une

  2   attaque de Barin Gaj, pour se venger, elles ont lié les mains d'un Croate

  3   âgé de plus de 60 ans, les mains ligotées au moyen d'une corde, mais pour

  4   l'envoyer pour évidemment récupérer leur homme mort assassiné. Mais ils

  5   l'ont ligoté de sorte qu'il puisse accomplir la tâche: évidemment, retirer

  6   le corps du soldat tué et pour revenir.

  7   Question:   Et vous tenez vraiment cette nouvelle de source sûre, de

  8   première main comme on dit?

  9   Réponse:    Oui, c'est cela. Cela m'a été dit de la part de quelqu'un qui

 10   est toujours en vie.

 11   Question:   Avez-vous jamais été mobilisé pour la brigade de Vitez, dans

 12   le cadre du HVO ou dans le cadre d'une autre unité?

 13   Réponse:    Pour parler officiellement, je crois que je n'ai jamais été

 14   mobilisé. Cela dit, une fois blessé, évidemment, j'ai été pratiquement en

 15   permission vu l'accident, mais je n'ai jamais reçu de convocation de

 16   mobilisation. Tout simplement, on devait se défendre comme on pouvait.

 17   Question:   A la suite de ce traitement, qu'avez-vous fait? Où avez-vous

 18   regagné…?

 19   Réponse:    A la suite de mon traitement, je me suis rendu à Kratine, sur

 20   la ligne de front.

 21   Question:   Pour y rester jusqu'à quand?

 22   Réponse:    Pour rester jusqu'à la fin de la guerre, au mois d'avril 1993.

 23   Question:   Et qui était votre supérieur direct?

 24   Réponse:    C'était Ljuban Calic à cette époque-là.

 25   Question:   Indubitablement, vous étiez membre de la Brigade de Vitez?


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  1   Réponse:    Oui, c'est cela.

  2   Question:   Avant d'être blessé et avant que les conflits n'éclatent, y a-

  3   t-il eu qui que ce soit qui vous aurait fait savoir et vous aurait fait

  4   comprendre surtout que vous étiez un soldat?

  5   Réponse:    Non.

  6   Question:   Monsieur le Témoin, dans votre famille très proche...

  7   M. le Président (interprétation): Mais on devrait peut-être passer au

  8   paragraphe 2.10, parce qu'on en a déjà entendu parler; alors, je prie

  9   l'accusation de ne pas poser cette question.

 10   Bien sûr que ce ne sera pas le cas: ceci me semble superflu.

 11   M. Kovacic (interprétation): Vous l'avez connu, M. Cerkez, avant la

 12   guerre?

 13   M. Grebenar (interprétation): Oui.

 14   Question:   Avez-vous eu la possibilité de tenir sa compagnie à différents

 15   spectacles, événements sociaux, phénomènes sportifs, etc.?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Probablement, en société de Musulmans également?

 18   Réponse:    Rares étaient les sociétés ou les compagnies où les Croates et

 19   Musulmans n'étaient pas ensemble.

 20   Question:   Avez-vous peut-être observé quelques actes de ségrégationnisme

 21   à l'égard des Musulmans de la part de M. Cerkez?

 22   Réponse:    Non.

 23   Question:   Avez-vous pu imaginer que M. Cerkez serait prêt à attaquer les

 24   Musulmans, simplement du fait qu'ils étaient des Musulmans?

 25   Réponse:    Aucunement.


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  1   Question:   Une autre question. Lorsque vous étiez sur la ligne Kuber

  2   Kratina, avez-vous pu recevoir un ordre, on tant que soldat, de vous

  3   attaquer à des objectifs civils?

  4   Réponse:    Je n'ai jamais reçu d'ordre de ce genre, même pas d'ordre

  5   concernant nos actions à l'égard des objectifs militaires.

  6   Question:   Une fois sur la ligne de front, quelle était votre tâche?

  7   Réponse:    Ma seule tâche était de rester debout, sur le qui-vive,

  8   d'observer et d'essayer de nous défendre parce qu'à plusieurs reprises,

  9   nous avons été repoussés par une armée nettement supérieure. Il me semble

 10   que, pour ce qui est de la ligne de front, elle a évolué à trois reprises.

 11   Par conséquent, une fois à la lisière du village en nous n'avons pu tenir

 12   le coup. La seule tâche qui était la nôtre, c'était vraiment être debout,

 13   vigilant et nous défendre. C'est ainsi que j'ai compris.

 14   Question:   Si vous dites déjà "ligne de front", si j'ai bien compris, le

 15   village croate était toujours derrière vous, dans votre dos?

 16   Réponse:    C'est exact.

 17   Question:   Et vous étiez enfin en face du village, par conséquent, vers

 18   l'ennemi?

 19   Réponse:    C'est cela, c'est exact.

 20   Question:   Et l'ennemi, c'était l'armée de Bosnie-Herzégovine?

 21   Réponse:    C'est cela.

 22   Question:   Peu importe si c'étaient des agents d'une appartenance autre

 23   qu'eux. Est-ce que c'était l'ennemi parce qu'une armée ou bien parce

 24   qu'une armée est composée de gens d'appartenance nationale autre qu'eux?

 25   Réponse:    Je ne sais pas comment vous répondre à cette question. Je


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  1   crois que c'était justement ennemi parce que c'étaient des gens qui

  2   appartenaient à une autre ethnie.

  3   Mais même parmi eux, ils disaient qu'ils voyaient les Croates assis. Par

  4   conséquent, tous ceux qui nous attaquaient étaient des ennemis pour nous.

  5   M. Nice (interprétation): Je vous remercie.

  6   M. Grebenar (interprétation): Je vous en prie.

  7   M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions à poser?

  8   M. Kovacic (interprétation): Non, c'est précisément ce que je voulais vous

  9   dire, Monsieur le Président. Les avocats de M. Kordic n'ont pas de

 10   question à poser à ce témoin. Je vous remercie.

 11   M. le Président (interprétation): L'accusation pourra procéder au contre-

 12   interrogatoire demain matin.

 13   Monsieur Grebenar, veuillez vous souvenir de ce qu'au cours de

 14   l'interruption, vous n'êtes autorisé à vous entretenir avec personne de

 15   votre déposition. Ceci concerne également les représentants de la défense.

 16   Veuillez être de retour à l'audience demain matin à 9 heures 30.

 17   M. Grebenar (interprétation): Oui.

 18   M. le Président (interprétation): L'audience est levée.

19            (L'audience est levée à 16 heures 10.)

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