Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi, 25 septembre 2000

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 40.)

  3   (Questions relatives à la procédure – Huis clos partiel.)

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 13   Page 25392 expurgée – audience à huis clos partiel.

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 23   (Audience publique.)

 24   (Le témoin, M. Franjo Krizanac, est introduit dans le prétoire.)

 25   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il donner lecture de la


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  1   déclaration solennelle?

  2   M. Krizanac (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  3   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  4   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur le

  5   témoin.

  6   Vous pouvez procéder, Monsieur Naumovski.

  7   (Interrogatoire principal de M. Franjo Krizanac par Me Naumovski.)

  8   M. Naumovski (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  9   Bonjour Monsieur Krizanac. D'abord, à titre préliminaire, je vous prie de

 10   procéder comme suit: je crois que vous comprenez bien la langue que

 11   j'emprunte, mais je vous prierai de toujours ménager une courte pause que

 12   l'on puisse faciliter le travail des traducteurs.

 13   Monsieur Krizanac, dites-nous d'abord votre identité: nom, prénom, date et

 14   lieu de naissance?

 15   M. Krizanac (interprétation): Je suis Franjo Krizanac, fils de Andrija, né

 16   13 novembre 1935.

 17   M. Naumovski (interprétation): Merci.

 18   Nous pouvons tout de suite accuser une faute dans le résumé de votre

 19   déposition où l'on vous a rajeuni un petit peu. On a dit que vous êtes né

 20   en 1945, donc une erreur de frappe.

 21   Réponse:    Merci, Monsieur.

 22   Question:   Le 30 juin 2000, vous avez signé une déposition sous serment

 23   devant le Tribunal de Vitez, n'est-ce pas?

 24   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 25   Mme Somers (interprétation): Excusez-nous de vous interrompre, il y a une


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  1   certaine confusion. Ici, de notre notre côté, nous avions pensé que ceci

  2   était un contre-interrogatoire sur une déclaration sous serment déjà

  3   communiquée. Alors, est-ce la procédure qui va être suivie? Est-ce qu'il

  4   nous faudra, nous, ramener des témoins en vertu de cette procédure?

  5   M. le Président (interprétation): Je crois comprendre que l'on est en

  6   train de présenter le témoin. Est-ce bien exact, Maître Naumoski? Vous

  7   êtes en train de présenter le témoin et nous avons sa déclaration sous

  8   serment.

  9   M. Naumoski (interprétation): C'est absolument exact, Monsieur le

 10   Président. Je vais terminer peut-être dans quelques minutes. Je veux dire

 11   que le témoin ne se propose pas de faire maintenant une répétition de sa

 12   déposition; on n'en a guère besoin. Donc, revenons là où nous nous sommes

 13   arrêtés. Vous avez signé donc cette déposition faite sous serment, n'est-

 14   ce pas?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   A lire attentivement et avec précision cette déposition, nous

 17   avons remarqué quelques erreurs. D'abord celle concernant la date de votre

 18   naissance, mais on y a déjà remédié, n'est-ce pas? Nous l'avons rectifiée.

 19   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 20   Question:   Mais lorsque vous l'avez étudié encore une fois, vous avez

 21   remarqué une erreur dans le point numéro 11 du résumé de la déposition où

 22   l'on parle de la présence de 40 à 50 personnes dans l'école élémentaire de

 23   Pojske. Dans le texte anglais, c'est à la quatrième ligne, point 11. Dans

 24   l'essence même, tout ce qui a été dit sur l'école élémentaire de la

 25   localité de Pojske est le fait dont devrait témoigner ce témoin


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  1   aujourd'hui. Et il ne s'agit pas de la localité de Ovnak.

  2   Outre cette erreur technique, celle que nous vous venons de remarquer et

  3   de rectifier, cette déclaration faite sous serment, dans l'essence même,

  4   contient-elle tout ce dont vous vous souvenez autant que votre mémoire

  5   vous le permet?

  6   Réponse:    Oui, bien sûr, mais il y a d'autres faits également dont j'ai

  7   eu connaissance.

  8   Question:   Bien sûr, si des questions sont à poser dans le contre-

  9   interrogatoire, vous êtes prêt à y répondre?

 10   Réponse:    Oui, bien sûr.

 11   Question:   Enfin une dernière question: dans cette déposition, avez-vous

 12   parlé de tout ce qui vous a été connu en tant qu'homme qui a ressenti et

 13   vécu personnellement tous ces événements?

 14   Réponse:    C'est très exact. Je suis le témoin oculaire et direct de tous

 15   les événements dans cette zone.

 16   Question:   Merci, Monsieur Krizanac, je n'ai plus de questions. C'est

 17   l'accusation qui aura des questions pour vous. Merci, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. le Président (interprétation): Maître Kovacic?

 20   M. Kovacic (interprétation): Je n'ai pas de questions, merci.

 21   (Contre-interrrogatoire de M. Krizanac par Mme Somers.)

 22   Mme Somers (interprétation): Je vais vous demander, Monsieur, si vous êtes

 23   toujours membre actif du clergé de l'Eglise catholique. Etes-vous toujours

 24   prêtre ou franciscain?

 25   Réponse:    Je suis prêtre.


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  1   Question:   Donc, si je m'adresse à vous en disant "Père", êtes-vous

  2   d'accord, afin que nous gardions la même attitude et que nous utilisions

  3   les mêmes termes pour le dossier d'instance?

  4   Réponse:    Vous pouvez utiliser mon nom, tout simplement, vous pouvez

  5   dire "Père Franjo", vous pouvez utiliser ce que vous voulez.

  6   Question:   Merci. Etes-vous ici à titre officiel, en tant que

  7   représentant de l'Eglise catholique, ou venez-vous en tant que simple

  8   individu?

  9   Réponse:    En individuel, je suis ici pour témoigner.

 10   Question:   Avez-vous obtenu l'autorisation de l'Eglise catholique, la

 11   permission, tout d'abord pour fournir cette déclaration sous serment pour

 12   l'accusé Dario Kordic et aussi pour comparaître aujourd'hui à titre de

 13   témoin dans ce prétoire?

 14   Réponse:    Je n'ai eu besoin d'aucune autorisation. En tant que citoyen,

 15   d'après la structure de la société qui est la nôtre, je suis tenu de

 16   répondre pour tout acte qui serait le mien et d'être responsable de ce que

 17   je fais en tant que citoyen.

 18   Question:   Au moment où cette déclaration sous serment a été recueillie

 19   -je pense que ceci s'est passé en juin ou en juillet 2000-, pourriez-vous

 20   nous dire qui était le supérieur au niveau provincial à qui vous deviez

 21   rendre des comptes en Bosnie?

 22   Réponse:    A cette époque-là, mon supérieur était le Frère Petar

 23   Andelovic. Plus tard, il y aura des changements.

 24   Question:   Et qui est ce nouveau supérieur?

 25   Réponse:    Le nouveau est Frère Mijo Dolan.


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  1   Question:   Et où se situe sa base?

  2   Réponse:    A Sarajevo.

  3   Question:   Quelques questions de contexte vous concernant. Avez-vous des

  4   parents à Vitez qui répondent au nom de Krizanac?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Est-ce que vous pourriez décliner leur identité complète et

  7   nous préciser dans quel quartier de Vitez ils habitent?

  8   Réponse:    Moi-même, je suis né à Vitez, c'est-à-dire dans le village de

  9   Dubravica où résident encore tous mes cousins de parenté, mon grand-père,

 10   mon père, mes frères et autres cousins.

 11   Question:   Comment s'appellent vos frères?

 12   Réponse:    Le frère aîné est Ilija, le cadet Slavko, et mes frères sont

 13   décédés tous les deux.

 14   Question:   Est-ce que vous avez des parents qui soient vivants

 15   aujourd'hui encore à Vitez ou qui vivaient à Vitez au cours de la période

 16   de la guerre allant de 92 à 94?

 17   Réponse:    J'ai eu des cousins à Vitez avant cette guerre -c'est là où

 18   ils habitaient tout le temps, sur les terres de nos ancêtres-, mes frères

 19   -dont j'ai fait mention tout à l'heure-, mais il y en a d'autres à Vitez,

 20   à part mes frères, qui ont été tués dans ce tumulte de la guerre, qui ont

 21   été d'ailleurs les victimes de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 22   Question:   C'était la question que j'allais vous poser à vous maintenant:

 23   est-ce que des parents à vous de Vitez ont été tués au cours du conflit et

 24   est-ce que vous pourriez nous donner leurs noms si c'est le cas? Puis je

 25   passerai à un autre sujet.


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  1   Réponse:    Mon frère Jozo a été tué, Jozo Krizanac, dans le village même

  2   où il a vécu. Ses deux fils ont été tués aussi, Tomo et Andrija, et dans

  3   le village même, après cette attaque qui a été intitulée comme Réveillon

  4   de Noël dans le sang en 93, la veille de Noël, beaucoup de gens de ma

  5   parenté ont été tués sur le seuil même de leurs maisons respectives. Ils

  6   ont été exécutés par les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  7   Question:   Et vous parlez de la veille de Noël de quelle année?

  8   Réponse:    Je parle de l'année 1993.

  9   Question:   Est-ce que vous pourriez nous donner le nom des villes dans

 10   lesquelles ces parents ont vécu? Je vous remercie de le faire. Donnez-nous

 11   la liste de ces noms, de ces villages.

 12   Réponse:    Tous ceux que j'ai mentionnés ont vécu surtout et

 13   exclusivement dans le village qui est le mien, celui de Dubravica, près de

 14   Vitez.

 15   Question:   Est-ce que vous connaissiez personnellement l'accusé Dario

 16   Kordic?

 17   Réponse:    Oui, je le connais.

 18   Question:   Depuis quand le connaissez-vous? Dans quelles circonstances

 19   avez-vous fait sa connaissance?

 20   Réponse:    Eh bien, j'ai entendu, surtout par les médias, parler de son

 21   nom car moi, où j'ai du faire l'office, j'étais dans plusieurs localités.

 22   Je l'ai connu au début même de ces changements démocratiques intervenus

 23   lors de ces campagnes et tribunes publiques où M. Kordic apparaissait pour

 24   prendre la parole. Là, je l'ai connu. J'ai eu quelques rencontres avec

 25   lui-même dans ces différentes circonstances.


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  1   Question:   Vous est-il arrivé de le rencontrer, de le voir à l'une

  2   quelconque des cérémonies organisées par le HVO, pour autant bien sûr que

  3   vous que vous ayez assisté aux cérémonies de prestation de serment pour

  4   les nouvelles troupes?

  5   Réponse:    Personnellement, je n'ai jamais assisté à des cérémonies de

  6   prestation de serment dans l'organisation du HVO. J'ai rencontré ce

  7   monsieur dans ses campagnes pré-électorales et électorales, soit dans

  8   notre office de notre cure ou bien à Nova Bila et c'est tout.

  9   Question:   Vous souvenez-vous des moments où vous l'avez rencontré?

 10   Pourriez-vous nous donner un mois, une année précisant lorsque vous avez

 11   rencontré cet homme?

 12   Réponse:    Je ne peux pas vous dire avec précision la date ou le mois où

 13   nous nous sommes rencontrés, mais peut-être nous sommes-nous rencontrés à

 14   quatre ou cinq reprises au maximum. Notre dernière rencontre a eu lieu à

 15   Nova Bila notamment en 1993. C'était justement la veille de Noël lorsque

 16   Bjeli Put, la Route blanche, organisme d'aide humanitaire, devait se

 17   rendre à Nova Bila. Moi, j'étais dans l'office même de notre cure où cette

 18   aide a été d'ailleurs présentée. C'est là où j'ai rencontré pour la

 19   dernière fois M. Kordic.

 20   Question:   Lorsque vous l'avez rencontré, est-ce que vous vous souvenez

 21   de la façon dont il était habillé? Est-ce qu'il portait des vêtements qui

 22   vous auraient frappé pour une raison ou pour une autre?

 23   Réponse:    Eh bien, c'était dans le cadre de ce rassemblement que je l'ai

 24   rencontré. Autant que je me souvienne, il était en tenue civile. Mais il

 25   s'agit de détails qui m'échappent déjà et dont je ne me souviens pas très


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  1   exactement maintenant.

  2   Question:   Vous souvenez-vous s'il vous est arrivé, lors d'une de ces

  3   rencontres, de le voir en uniforme?

  4   Réponse:    Sur les écrans de télévision.

  5   Question:   Est-ce que vous connaissez un certain père Stjepan Neimarovic?

  6   Réponse:    Oui, je le connais.

  7   Question:   Est-ce que vous avez travaillé avec lui à Guca Gora pendant un

  8   certain temps?

  9   Réponse:    Nous n'avons pas travaillé ensemble parce qu'en fait, c'est

 10   lui qui m'a succédé à cette fonction du gardien de Guca Gora en 1991.

 11   C'est après moi qu'il est venu comme supérieur du couvent à Guca Gora et

 12   moi, je suis passé à la cure de Brajkovici près de Zenica où j'ai été

 13   expulsé par l'armée de Bosnie-Herzégovine en 1993.

 14   Question:   Avez-vous eu des contacts avec le père Stjepan Neimarevic

 15   depuis que l'on vous a demandé de fournir une déclaration sous serment

 16   dans le cadre de ce procès? Lui avez-vous parlé, que ce soit par téléphone

 17   ou directement? Avez-vous communiqué avec lui?

 18   Réponse:    Non. Pour ce qui est de frère Stjepan Neimarevic, je ne l'ai

 19   pas vu depuis 1994 où pour une première fois; j'étais devenu le

 20   provincial, le supérieur du monastère de Guca Gora et de lui-même,

 21   d'ailleurs.

 22   Question:   Connaissez-vous l'archevêque Puljic de Sarajevo?

 23   Réponse:    Bien sûr que je le connais.

 24   Question:   Au cours des différents conflits qui se sont produits en

 25   Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous avez suivi l'attitude qu'avait celui


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  1   qui était alors cardinal et qui était devenu par la suite archevêque,

  2   Puljic, ce qu'il disait à propos de l'intégrité ou de l'unité de la

  3   Bosnie-Herzégovine? Etiez-vous au courant de la position qu'il avait

  4   adoptée et qui prônait l'intégrité de la Bosnie-Herzégovine?

  5   Réponse:    Avant de connaître le cardinal Puljic, je suis un peu plus âgé

  6   que lui, j'ai connu ses attitudes et j'ai toujours été en faveur d'une

  7   Bosnie-Herzégovine intégrale. C'est ainsi que je me suis moi-même déclaré

  8   au référendum du peuple croate.

  9   Question:   Lorsque l'archevêque Puljic, qui était alors cardinal, avait

 10   émis des avis qui ont été portés à l'attention des Juges de la présente

 11   Chambre de première instance en ce qui concerne les problèmes occasionnés

 12   par l'Herceg-Bosna, il est apparent qu'il n'était pas favorable à ce

 13   concept, à cette idée de l'Herceg-Bosna. Etiez-vous favorable à ce concept

 14   d'une commune croate d'Herceg-Bosna (inaudible)(?) du territoire? Que

 15   pensez-vous à ce propos?

 16   Réponse:    Premièrement, je n'ai jamais fait de politique

 17   professionnellement, pour ainsi dire. Je n'ai jamais été membre d'un

 18   quelconque parti. J'ai été tout à fait libre de réfléchir à telle ou telle

 19   attitude au sujet de telle ou telle question, par conséquent celle de la

 20   Bosnie. J'ai toujours eu mon opinion là-dessus. Je vous l'ai dit tout à

 21   l'heure. Je considère que l'Herceg-Bosna –c'est une opinion personnelle-

 22   était une tentative de protéger le peuple croate et de protéger et

 23   défendre ses droits en Bosnie comme étant un peuple à minorité et qui a

 24   été le plus menacé.

 25   Du fait que cette conception était présentée ainsi, je me suis mis


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  1   d'accord avec. Pour ce qui est de la protection et de la défense des

  2   droits croates et des territoires croates, c'est-à-dire de ces villages

  3   habités par les Croates, il faut les considérer comme étant leurs terres

  4   ancestrales, comme leurs biens.

  5   Là, il faut dire que ces gens-là ont été menacés et déjà en 1992 en Bosnie

  6   centrale où j'ai fait l'office, j'ai pu rencontrer de nombreux réfugiés,

  7   tant des Croates que des Musulmans, encore plus des Musulmans de Bosnie

  8   occidentale, de Banja Luka, Jajce, Sanski Most, de même que des réfugiés

  9   venant de Bosnie de l'est, de Srebrenica, etc., de Svornikfaca (?) et

 10   d'autres régions. Par conséquent, il s'agit vraiment d'une importante

 11   influence de Musulmans vers cette région.

 12   C'est dans cette région qu'on a ressenti une certaine insécurité. Parce

 13   que nous les avons tous accueillis, ces réfugiés. Moi-même, agissant à

 14   travers l'œuvre de charité Caritas. Nous les avons aidés, Musulmans et

 15   autres, sans distinction aucune. Et c'est ainsi que la chose s'est passée

 16   au début: il y avait lieu de parler d'une certaine coopération mais, à

 17   mesure que le temps passait, il y avait non seulement des réfugiés, mais

 18   apparaissaient des gens qui nous étaient inconnus et qui portaient un

 19   uniforme. Surtout en cette année 1992, nous avons remarqué...

 20   Question:   Excusez-moi de vous interrompre.

 21   Pour ce qui est de votre attitude concernant l'Herceg-Bosna, d'après ce

 22   que j'ai cru comprendre, c'était pour vous une bonne chose, pour les

 23   Croates. Est-ce que l'on peut ainsi résumer votre avis?

 24   Réponse:    Oui. Dans cette partie-là, dans cette région-là, il s'agit

 25   certainement de défendre, de protéger les Croates.


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  1   Question:   Est-ce que vous avez suivi l'attitude qu'adoptait le cardinal

  2   Kuharic qui est par la suite devenu archevêque? Est-ce que vous avez

  3   entendu ce qu'il disait à l'époque, à savoir qu'il pensait que la Bosnie

  4   devait rester une entité intégrale? Est-ce que vous étiez au courant de

  5   son avis?

  6   Réponse:    Oui, je connais bien cette information. Je me souviens bien de

  7   certains des titres de textes, encore que nous ayons été tronqués du point

  8   de vue des équipements. Quelquefois, il n'y a pas eu de poste de radio,

  9   une autre fois il n'y avait pas de courant. Mais d'une manière générale,

 10   je me suis mis d'accord quant aux attitudes de l'archevêque Kuharic.

 11   Question:   Le cardinal Kuharic s'opposait à une division de la Bosnie,

 12   n'est-ce pas? Il s'opposait à ce que les peuples soient séparés?

 13   Réponse:    Autant que je sache, à en juger d'après ses textes, on

 14   pourrait dire ainsi.

 15   Question:   Et en tant qu'ecclésiastique du clergé catholique, est-ce que

 16   vous avez suivi la position ou est-ce que vous êtes au courant de la

 17   position officielle adoptée par le Vatican concernant la Bosnie? Est-ce

 18   que vous saviez?

 19   Réponse:    En général, oui! En général.

 20   Question:   Vous saviez que le Vatican était tout à fait favorable à

 21   l'idée d'une Bosnie-Herzégovine intégrale et unique?

 22   Réponse:    Oui. Cela m'était déjà connu. Je crois que j'ai déjà répondu à

 23   cette question en ce qui concerne l'attitude qui serait la mienne.

 24   Question:   Selon vous, quelle est la date à laquelle le conflit croato-

 25   musulman a commencé? Donnez-nous une date, un mois, une année. Pouvez-vous


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  1   relier cela à un événement particulier, dans la mesure du possible?

  2   Réponse:    Pour moi, je dirai que c'est le début d'une tragédie pour les

  3   deux peuples. Je l'ai toujours considéré ainsi, j'ai considéré cela comme

  4   un grand malentendu.

  5   M. le Président (interprétation): Père Krizanac, malheureusement, nous

  6   n'avons pas beaucoup de temps.

  7   M. Krizanac (interprétation): Oui.

  8   M. le Président (interprétation): Nous avons très peu de temps, Monsieur

  9   le témoin, car ce procès se poursuit depuis plus d'une année, une année et

 10   demie même, et nous avons entendu beaucoup de témoins.

 11   Pour pouvoir progresser rapidement, pourriez-vous nous aider en vous

 12   concentrant uniquement sur les questions qui vous sont posées? Essayez d'y

 13   répondre de la façon la plus concise possible.

 14   La question qui vous était posée à l'instant était celle-ci: est-ce que

 15   vous pouvez, dans la mesure du possible, nous donner une date à laquelle,

 16   selon vous, le conflit a commencé? S'il vous est impossible de le faire,

 17   dites-le simplement et nous pourrons passer à autre chose.

 18   M. Krizanac (interprétation): Oui, d'accord.

 19   Pour ce qui est de la cure de Brajkovici où j'ai fait l'office, c'était

 20   une localité isolée à bien des égards. Par conséquent, il m'a été rendu

 21   impossible de suivre la situation dans sa totalité. Je n'ai pu connaître

 22   que quelques incidents. Un tel incident s'est produit dans le village de

 23   Miletici le 24 avril 1993, lorsque furent tués cinq civils, massacrés, que

 24   j'ai moi-même d'ailleurs enterrés, dont j'ai organisé la sépulture.

 25   De temps en temps, par radio, j'ai suivi certains incidents qui se


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  1   propageaient çà et là. Mais pour ce qui est de la date exacte du

  2   déclenchement de la guerre, je ne peux pas le dire avec exactitude.

  3   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

  4   Madame Somers?

  5   Mme Somers (interprétation): Vous pourriez peut-être nous aider à mieux

  6   comprendre certaines dépositions postérieures à celle de votre confrère,

  7   le père Neimarevic? Il a confirmé l'authenticité d'un document qui lui

  8   avait été soumis et qui confirmait que l'église, ou plutôt le monastère de

  9   Guca Gora, contenait des trésors artistiques, lesquels avaient été

 10   enlevés, déménagés du monastère en direction de la Croatie en décembre

 11   1992 alors que ceci est de loin antérieur, de beaucoup antérieur aux

 12   hostilités dont vous venez de faire état. Alors pourriez-vous nous aider à

 13   comprendre comment il se fait qu'à cette date assez tardive, tous ces

 14   objets avaient été déplacés. Puisque vous étiez le responsable, le gardien

 15   à cette époque, pourriez-vous nous aider là-dessus?

 16   M. Krizanac (interprétation): Oui. Mais vous savez, la guerre a commencé

 17   avant qu'il y ait le conflit entre les deux ethnies, entre Musulmans et

 18   Croates de la région. C'est-à-dire que dans les montagnes de Vlasic, les

 19   Serbes ont positionné leur artillerie pour pilonner du haut Travnik et le

 20   monastère de Guca Gora, la localité. Par conséquent, les jeunes de Guca

 21   Gora étaient les premiers à se mettre en ligne de défense du village et de

 22   Guca Gora contre les Serbes, l'armée serbe. C'est non loin, à proximité du

 23   monastère même. A ce moment-là, nous avons considéré, dans la mesure du

 24   possible, la nécessité de déplacer le trésor du monastère étant donné le

 25   danger de guerre imminent et direct.


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  1   Par conséquent, étant donné cette menace de la part de l'armée serbe qui

  2   aurait pu, évidemment, saccager le monastère... Parce que ce monastère a

  3   une longue mémoire, de 1943 par exemple, lorsque par des unités serbes

  4   principalement, le monastère a souffert.

  5   Question:   De Krizanac, les Serbes ont déclaré la guerre face aux non

  6   Serbes en avril 1992, n'est-ce pas? Alors comment se fait-il, d'après

  7   vous, qu'entre avril et décembre, on ait autorisé que ces objets sacrés

  8   demeurent là? Alors comment se fait-il que juste avant la fin de l'année

  9   1992, on ait pris la décision de les déplacer?

 10   Réponse:    Il a fallu certainement trouver les moyens et avoir du temps,

 11   dans cette Bosnie assez morcelée, pour passer ou organiser le transfert de

 12   ces objets sacrés et surtout, avoir des moyens de transport car ce n'était

 13   pas l'affaire d'une journée. C'était impossible. Il a fallu un certain

 14   temps pour organiser tout cela.

 15   Malheureusement, nous n'avons pas pu sauver et déplacer tous les biens que

 16   nous avions comme par exemple notre bibliothèque qui, plus tard, lors des

 17   conflits entre Musulmans et Croates a été pratiquement pillée. On l'a

 18   emportée tout entière au cours de cette dernière année. Enfin au

 19   printemps, en été, une partie de la bibliothèque a été restituée, le reste

 20   ne l'étant toujours pas.

 21   Question:   Père Krizanac, avez-vous eu des contacts avec des membres de

 22   la mission de vérification de la Communauté européenne, l'ECMM, au cours

 23   du temps que vous avez passé à Guca Gora au cours du conflit?

 24   Réponse:    Nous avons eu des contacts.

 25   Question:   Vous souvenez-vous d'un certain vérificateur qui s'appelait


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  1   Morsink? Vous souvenez-vous de lui?

  2   Réponse:    Je ne me souviens pas de son nom, mais j'ai eu plusieurs

  3   contacts. D'ailleurs, j'ai rencontré plusieurs personnes de cette

  4   organisation.

  5   Question:   Avez-vous eu de bons rapports avec ces vérificateurs?

  6   Réponse:    Autant que je sache, oui.

  7   Question:   Aviez-vous le sentiment que c'étaient des personnes honnêtes,

  8   fiables?

  9   Réponse:    Oui. Quant à moi, j'ai toujours voulu des informations justes,

 10   vraies. Autant que cela m'a été possible.

 11   Question:   Avez-vous pensé qu'eux étaient des hommes honnêtes? Aviez-vous

 12   confiance en ces vérificateurs?

 13   Réponse:    Mais c'est justement pour cette raison que j'ai toujours voulu

 14   être à leur pleine disposition pour leur donner des informations parce que

 15   je considérais qu'ils auraient pu être de quelque utilité. J'ai eu donc

 16   confiance en eux.

 17   Question:   Je voudrais vous poser une question à propos d'une commission.

 18   Il s'agirait de la pièce Z1139.3. C'est un document en anglais, il faudra

 19   sans doute le poser sur le rétroprojecteur. C'est un petit point qui

 20   m'intéresse seulement dans ce document. Est-ce que vous lisez l'anglais?

 21   Est-ce que vous connaissez l'anglais dans une certaine mesure?

 22   Réponse:    Non, pas trop. Très peu.

 23   Question:   Ce document a été préparé par un vérificateur et un officier

 24   de terrain de la Commission des Droits de l'Homme, le 6 juillet 93. Ceci a

 25   été rédigé à Zagreb. On y fait référence, dans le paragraphe qui précède


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  1   le dernier, donc à l'avant-dernier paragraphe, à certains témoins d'un

  2   meurtre. On parle de Franjo Krizanac. C'est donc vous, n'est-ce pas, à

  3   moins bien sûr qu'il n'y ait un autre prêtre ou franciscain?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Et on parle de la mort de Vlado Markovic, des frères

  6   Vidosevic. C'est la dernière phrase qui m'intéresse: "Ils -les témoins-

  7   ont dit qu'ils étaient en mesure de reconnaître un des soldats musulmans,

  8   mais ne tenaient pas à révéler son nom". Pourquoi ne vouliez-vous pas

  9   révéler le nom d'un meurtrier?

 10   Réponse:    Non, je n'ai pas assisté, je n'ai pas été présent à ce

 11   meurtre. Plus tard, j'ai vu justement que sur le lieu même où les gens ont

 12   été massacrés, Ovnak, nous avons découvert quelqu'un qui était témoin

 13   direct du massacre et il a travaillé chez Vlado Markovic en 1992. Lorsque

 14   nous avons été expulsés, c'est de Brajkovici, escortés par les membres

 15   d'une armée en voiture jusqu'à Ovnak qui se trouve à un kilomètre et demi

 16   près de l'église, nous avons reconnu un jeune homme, un Musulman, qui

 17   était surnommé Osman.

 18   Une fois que nous étions sortis de nos voitures pour emprunter d'autres

 19   voitures en direction de Zenica, Frère Pero Karajica est sorti pour lui

 20   adresser la parole en lui disant: "Osman". L'autre a été heureux de le

 21   voir et il voulait le joindre, mais il a été tout de suite expulsé de là-

 22   bas. Mais le lendemain, à Zenica, il était venu dans mon office, à ma

 23   cure, à Zenica, pour me dire: "Je vous remercie parce que vous m'avez

 24   sauvé la vie". Or, moi, je lui ai répondu sèchement: "Comment? Comment

 25   voulez-vous que je vous sauve la vie?" Alors lui, de son côté, il a dit


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  1   que l'on avait déjà à Ovnak tué quatre ou cinq personnes que j'ai moi-même

  2   enterrées. Il a dit: "Lorsque vous avez mentionné le nom de Osman, donc un

  3   nom musulman, on s'est rendu compte que j'étais musulman, ce que je disais

  4   toujours, mais on ne m'a jamais cru étant donné que j'étais dans une

  5   maison croate, chez Vlado Markovic".

  6   Par conséquent, ce témoin direct existe encore toujours. Je crois qu'il

  7   habite Zenica, en tout cas la région de Zenica.

  8   Question:   Avez-vous fourni son identité à l'ECMM et à la Commission des

  9   Droits de l'Homme?

 10   Réponse:    Non. A cette époque-là, je ne savais pas son nom exact. Je

 11   pense que c'était son surnom, le surnom de Osman. Plus tard, j'ai entendu

 12   dire qu'il s'appelait Probic ou Pobric, mais je crois qu'il n'y a pas de

 13   difficulté pour qu'on le trouve à Zenica.

 14   Question:   Père, au moment où des gens vous posaient des questions, vous

 15   n'avez pas fourni ce nom, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Non, je ne l'ai pas fourni parce que je ne le connaissais pas.

 17   Je ne pouvais parler que de son surnom.

 18   Question:   Est-ce que vous avez essayé de décrire l'endroit où il était

 19   susceptible de se trouver même si vous n'aviez pas connaissance de son

 20   identité complète?

 21   Réponse:    Personne ne me l'a jamais demandé, je ne me souviens pas avoir

 22   été questionné là-dessus.

 23   Question:   Est-ce que vous avez offert cette information de votre propre

 24   initiative, parce qu'après tout, il s'agissait d'un meurtre?

 25   Réponse:    Voyez-vous, tous les rapports, toutes les informations de


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  1   Zenica quant au massacre allaient par le canal de la Croix-Rouge. Tout

  2   cela était évidemment disponible. Nous avons donné toutes les informations

  3   que nous avons obtenues, mais je ne me souviens pas avoir vu quelqu'un qui

  4   serait venu pour me demander d'identifier cette personne.

  5   Question:   Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la Croix-Rouge

  6   aurait dû fournir cette information? Est-ce bien ce que vous êtes en train

  7   de nous dire?

  8   Réponse:    Je ne sais pas qui devrait fournir cette information.

  9   Question:   Est-ce que vous avez éprouvé une certaine réticence à l'idée

 10   d'être prié de venir déposer ici pour défendre Dario Kordic?

 11   Réponse:    Non, je n'ai pas de préjugés quant à moi. Cela coïncide

 12   absolument avec l'idée de la vie qui est la mienne, c'est-à-dire que

 13   chacun est censé contribuer à la recherche de la vérité, d'une pleine

 14   connaissance des événements. Mais pour ce qui est évidemment d'une

 15   attitude que l'on peut avoir à l'égard de tel ou tel particulier,

 16   évidemment c'est aux responsables, aux autorités, d'en juger.

 17   Question:   Monsieur l'huissier pourrait-il présenter au témoin la pièce

 18   Z1196.1? Nous avons ici un document en croate dont une seule page a été

 19   traduite afin d'apporter confirmation de l'identité du témoin. Je vais

 20   vous demander d'examiner le document, Messieurs les Juges, sous cet angle.

 21   En effet, nous n'avons pas pu obtenir la traduction complète du document.

 22   (Les Juges prennent connaissance du document.)

 23   Excusez-nous de la mauvaise qualité de la copie, Monsieur le témoin. Il

 24   s'agit d'un document, Père Krizanac, qui porte la date du 8 septembre 93.

 25   On voit que ce sont des notes. Je vous demande confirmation de ceci. Dans


Page 25412

  1   la partie appelée "zapisnik" en croate, pour laquelle on a dit "constat"

  2   en français, on voit que votre nom figure en deuxième place comme membre

  3   d'une commission chargée d'examiner les villages détruits pendant la

  4   guerre et de voir s'il y a eu d'autres dégâts provoqués par la guerre.

  5   Est-ce bien vous, ce Franjo Krizanac que l'on voit ici?

  6   Réponse:    Oui, c'est bien moi. Il s'agit bien de mon nom et j'ai

  7   travaillé là-dessus de concert avec les personnes mentionnées, s'il s'agit

  8   bien de ce "zapisnik-là", de ce compte rendu, alors là on peut voir un peu

  9   plus tard.

 10   Question:   Nous avons un problème de traduction, je vais vous demander

 11   d'examiner la deuxième page qui n'existe qu'en croate. Mais là, on voit

 12   figurer des noms. Certains de ceux-ci confirment ou portent sur des

 13   personnes tuées que l'on a vues dans l'autre document: Markovic, les

 14   frères Vidosevic. Pourriez-vous nous expliquer ceci: est-ce que vous

 15   faisiez partie de cette commission afin de contribuer à l'évaluation des

 16   pertes et des dégâts causés? A quoi devait servir cette commission au

 17   départ?

 18   Réponse:    Eh bien, cette commission a eu pour fins, escortée par la

 19   police, de se rendre dans les localités, les villages de cette paroisse

 20   qui était la mienne. C'est en cette qualité que j'ai été désigné membre de

 21   la commission, parce que je connaissais bien les villages, pour

 22   reconnaître éventuellement les personnes tuées et les personnes disparues,

 23   pour bien faire état des maisons incendiées, etc. C'est en cette qualité-

 24   là que j'ai pris part aux travaux de cette commission.

 25   Question:   Même si la commission parlait du fait de nommer ou de préciser


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  1   les pertes, il y a cette question du fait de nommer les auteurs. Est-ce

  2   que, vous, le fait que vous ayez été témoin de ce meurtre vous a quelque

  3   peu inquiété? Vous avez pensé qu'il n'était pas heureux que vous

  4   fournissiez ce type d'information, mais que vous pouviez parfaitement

  5   faire partie de cette commission?

  6   M. le Président (interprétation): Je pense qu'il s'agit d'un commentaire.

  7   Mme Somers (interprétation): J'aimerais votre avis professionnel, vous qui

  8   êtes membre du clergé catholique, quant à l'utilisation de symboles

  9   religieux dans des campagnes politiques et militaires, mais surtout au

 10   cours de campagnes politiques.

 11   M. Krizenac (interprétation): Vous parlez de symboles religieux?

 12   Question:   Oui, tout à fait. Parlons plus précisément de la pièce

 13   Z111.15.2. On va vous montrer ce document et je me demandais si vous

 14   pouviez nous parler davantage de l'utilisation de symboles religieux et de

 15   ce que vous en pensiez?

 16   (Les documents sont distribués par l'huissier aux avocats et aux Juges.)

 17   Ce document porte la date du 26 juin 1993. Il s'agit d'une lettre envoyée

 18   au commandement de l'armée de Bosnie-Herzégovine. C'est signé de trois

 19   personnes, dont le colonel Dario Kordic qui signe en tant que vice-

 20   président de la communauté croate d'Herceg-Bosna; le second signataire

 21   étant Tihomir Blaskic qui était à ce moment-là colonel, commandant de la

 22   zone, et le troisième signataire étant Injac Kostroman, secrétaire général

 23   de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 24   On fait référence en anglais. Messieurs les Juges, il s'agit de la

 25   dernière page, on dit ceci: "Nous aimerions que vous, général Morillon,


Page 25414

  1   soyez notre ambassadeur pour le monde, vous qui êtes un excellent expert

  2   de la situation qui prévaut en Bosnie-Herzégovine et du terrible calvaire

  3   enduré par le peuple croate".

  4   Pourquoi parle-t-on ici du calvaire enduré par le peuple croate? Comment

  5   vous, voyez-vous les choses? Que pensez-vous de l'utilisation que l'on

  6   fait ici de tels symboles religieux dans une communication faite au

  7   général Morillon?

  8   Réponse:    C'est la première fois que j'ai sous mes yeux ce document. Je

  9   ne l'ai jamais vu avant. Mais d'une manière générale, pour parler de

 10   vocabulaire, le terme de calvaire, on le connaît bien. Ce chemin de croix

 11   de Jésus et tout ce qui est souffrance ont toujours été désignés sous ces

 12   termes-là. Pour parler de cette région même de Bosnie centrale se trouve

 13   un site, un haut lieu du monde de la religion où l'on fait des processions

 14   pour le Vendredi Saint. Il s'agit de localité de Carvarija. On suppose que

 15   Carvarija était le lieu où Jésus a été crucifié. Et c'est dans cet ordre

 16   d'idée que ce terme de calvaire de passion de Jésus a pu être utilisé pour

 17   d'autres humains. D'autres, qui ne sont pas de la même religieux,

 18   empruntent souvent cette désignation, cette expression.

 19   Mme Somers (interprétation): Je vois que l'on ne parle pas du tout du

 20   calvaire du peuple musulman.

 21   M. le Président (interprétation): Je pense qu'ici, ce sont un peu des

 22   arguties. Ces arguments ne vont pas nous aider sur ce point. Madame

 23   Somers, vous savez que nous avons beaucoup de témoins à entendre. Pensez-

 24   vous que votre contre-interrogatoire va durer encore longtemps?

 25   Mme Somers (interprétation): Je préférerais ne pas passer trop de temps à


Page 25415

  1   l'examen de documents. Je voulais, au lieu de vous présenter un volume

  2   trop considérable, scinder tout ceci. Il y a par exemple un transcript

  3   précédent dont seulement quelques extraits sont intéressants pour ce

  4   témoin. Cela semble impressionnant quand on voit tout ce volume, mais nous

  5   n'allons pas l'utiliser dans sa totalité. Je voudrais passer à l'examen de

  6   ces documents car ils me semblent importants, mais je ne voulais pas que

  7   vous soyez effrayé par la taille de ce document car nous n'allons pas

  8   l'examiner dans sa totalité.

  9   M. le Président (interprétation): Nous allons voir. Fait-on état de ce

 10   témoin?

 11   Mme Somers (interprétation): On parle de l'Eglise et de la position

 12   adoptée par celle-ci. On parle de choses qui se sont passées, qui

 13   concernent Mate Boban. Si vous avez le sentiment qu'il est préférable de

 14   soumettre ces documents par le truchement d'un autre témoin, je le ferai,

 15   mais je voulais essayer avec celui-ci.

 16   M. Bennouna : Il s'agit d'un affidavit que nous avons et qui relate un

 17   certain nombre de faits très précis. Je crois quand même que, pour

 18   respecter le Règlement de procédure et de preuve, vous devriez vous

 19   limiter aux éléments qui sont dans l'interrogatoire principal, dans

 20   l'affidavit. C'est tout! La position, les termes généraux tels que le

 21   calvaire sont utilisés par tout le monde aujourd'hui, ce n'est pas propre

 22   à X ou à Y. Il ne faut pas s'attarder sur ces arguties, effectivement, et

 23   je crois que ce n'est pas le moment de faire également toute une série

 24   d'éléments sur l'église en général. Ce n'est pas le propos, à mon sens. Je

 25   parle en ce qui me concerne.


Page 25416

  1   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Juge. L'une des questions

  2   était que c'était une déclaration sous serment concernant le père

  3   Neimarevic et cela était ici dans le résumé. Si c'était réellement la

  4   position du Père Neimarevic, nous essaierons d'explorer cela. C'est bien

  5   pour cette raison-là que j'ai posé la question. Si les Juges souhaitaient

  6   qu'on attende, très bien! Cela étant dit, ce sont des documents importants

  7   et nous n'avons pas eu accès à ces documents auparavant. Je peux très bien

  8   ne pas le faire, mais je voudrais bien pouvoir le faire, par un autre

  9   truchement, à un autre moment.

 10   M. le Président (interprétation): Je pense que le bon moment pour le faire

 11   pourrait être plus tard, peut-être à la fin des témoins relatifs à

 12   l'église.

 13   Mais cela étant dit, nous avons peu de temps et comme mon collègue le Juge

 14   vient de le dire, il faudrait se restreindre à ce qui se trouve dans la

 15   déclaration sous serment.

 16   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 17   Monsieur, étant donné qu'il y a deux accusés ici, connaissez-vous Mario

 18   Cerkez? Répondez par oui ou par non.

 19   M. Krizanac (interprétation): Je connais son nom et son prénom, mais j'ai

 20   été absent de la région pendant très longtemps et je ne suis pas sûr de

 21   pouvoir le reconnaître en le voyant.

 22   Question:   Parlons maintenant de vos parents appelés Krizanac qui

 23   viennent de la municipalité de Vitez. Savez-vous si Andrija Krizanac a été

 24   tué lors d'une attaque à Stari Vitez? Est-ce qu'il a été tué en 1993, le

 25   18 juillet ou à peu près à cette date-là?


Page 25417

  1   Réponse:    Oui. A l'époque je me trouvais à Zenica et j'ai appris sa mort

  2   à Vitez. J'ai appris sa mort qui a eu lieu à Vitez et j'ai entendu par la

  3   suite que cela s'était passé pendant des combats à Vitez.

  4   Question:   Donc, ce que vous voulez dire, c'est que c'était pendant les

  5   combats qui ont eu lieu dans l'enclave de Stari Vitez? Pourriez-vous le

  6   confirmer?

  7   Réponse:    Je ne sais pas exactement à quel endroit il a été tué.

  8   Question:   Est-ce que la date du 18 juillet 1993 vous paraît être à peu

  9   près la bonne date?

 10   Réponse:    Je l'ai entendue plus tard, quelque chose comme six mois ou un

 11   an plus tard.

 12   Question:   Savez-vous s'il est né en 1967 ou à peu près à cette date-là?

 13   Réponse     Cela pourrait bien être le cas, mais je n'en suis pas sûr.

 14   Question    Savez-vous s'il a été membre de la police militaire?

 15   Réponse     Je savais qu'il faisait partie de la police, mais je ne sais

 16   pas de quelle police il s'agissait.

 17   Question:   Est-ce que, parmi vos parents, il y avait un dénommé Tomo

 18   Krizanac?

 19   Réponse:    Oui. C'était mon cousin.

 20   Question:   Est-ce que ce n'était pas lui qui se trouvait à la tête de

 21   l’intelligence des renseignements militaires dans la brigade Viteska?

 22   Réponse:    Je l’ignore, je sais qu'il faisait partie de l'armée.

 23   Question:   Un instant, s’il vous plaît.

 24   (Mme Somers consulte ses collègues.)

 25   Mme Somers (interprétation): Père Krizanac, connaissez-vous les rapports


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  1   des observateurs européens où l'on dit que l'incident qui s'était produit

  2   à Guca Gora a été… et les rapports étaient beaucoup trop exagérés et que

  3   cela concerne aussi l'enquête faite par M. Morsink? En fait, dans ce

  4   rapport, on trouve que ce qu'affirmait les Croates, on n'a pas pu le

  5   corroborer.

  6   Réponse:    Je ne connais pas ce rapport et je ne sais pas à quel moment

  7   il a été fait. Si vous pensez ici au couvent et aux objets religieux, je

  8   ne sais pas à quoi vous pensez exactement. Est-ce que cela concerne le

  9   village de Guca Gora ou bien les objets religieux?

 10   Question:   Il y avait des allégations, des dommages ou des pillages de

 11   l'église et aussi les allégations d'une tuerie en masse, est-ce que cela

 12   n'a pas été exagéré?

 13   Réponse:    Je ne connais pas le rapport mais je connais les faits, je

 14   sais dans quel état se trouvaient ces objets et je connais les crimes qui

 15   ont eu lieu dans la région. Je sais dans quel état se trouvait le village.

 16   Si vous voulez que je vous donne ces renseignements, je peux vous les

 17   donner.

 18   Question:   Non merci.

 19   Ma dernière question, déclaration sous serment, contient beaucoup de

 20   descriptions d’incidents relatifs aux atrocités ou atrocités alléguées

 21   contre le peuple croate. Comment avez-vous réagi aux incidents d'Ahmici et

 22   d'autres villages musulmans qui ont eu lieu entre le 16 et le 20 avril

 23   1993?

 24   Qu’avez-vous fait, vous, personnellement en réaction à ces atrocités

 25   commises?


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  1   Réponse:    Mes réactions ont été exactement les mêmes qu'envers les

  2   atrocités commises contre le peuple croate. J'ai réagi de la même façon

  3   quand j'entends parler des atrocités envers le peuple musulman. Je ne sais

  4   pas ce que j’ai pu faire là où je me trouvais, j'étais bien disposé à

  5   aider tout le monde: j'ai donné de l'aide, j'ai distribué de la

  6   nourriture, je me suis réellement mis à la disposition. Tout le monde peut

  7   le confirmer, tout le monde à Zenica, les Musulmans aussi qui vivaient là

  8   où j'ai vécu moi-même, les endroits tels que Grahovcici, Guca Gora, et

  9   aussi à Sarajevo.

 10   Question:   Vous êtes-vous rendu dans un de ces villages ou à Ahmici pour

 11   voir de vos propres yeux?

 12   Réponse:    Quand j'en ai eu la possibilité en 1994, quand j'ai pris le

 13   couvent à Guca Gora, du général Alajic (?), au moment où je suis devenu

 14   gardien du couvent, à Guca Gora, j’ai peu aller voir ce qu’il s’était

 15   passé à Ahmici ou dans d'autres localités.

 16   Pendant cette année, depuis le 8 juin 1993 jusqu'au 11 juillet 1994, j'ai

 17   été moi-même personne déplacé à Zenica. Et ce n'était qu'accompagné par la

 18   police que j'ai pu me rendre ailleurs, donc juste avec une escorte de

 19   police, dans les endroits qui ont été sous contrôle de l'armée de Bosnie-

 20   Herzégovine. Je n'ai pas pu aller, par exemple, dans une partie de Zenica

 21   et puis à Brajkovici qui est en partie sous la municipalité de Zenica et

 22   dans une grande partie sous la municipalité de Travnik. J'ai donc pu aller

 23   à Guca Gora et dans la partie ouest de la municipalité de Zenica aussi et

 24   j'ai essayé de voir les personnes âgées dont personne ne s'occupait.

 25   Question:   Est-ce qu'entre le mois d'avril et le mois de juin, vous vous


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  1   étiez rendu dans l'un des villages concernés comme Ahmici, Donja

  2   Veceriska, Gradjce (?), est-ce que vous avez de quelque façon que ce soit

  3   exprimé vos protestations? Répondez par oui ou non, s’il vous plaît.

  4   Réponse:    Je ne m'y suis pas rendu car je n'ai pas pu le faire à

  5   l'époque.

  6   Question:   Combien de temps avez-vous vécu à Zenica?

  7   Réponse:    Je l'ai dit, à peu près un an.

  8   Question:   Avez-vous jamais été expulsé de Zenica, vous-même, en

  9   personne?

 10   Réponse:    Non, je n'ai pas été expulsé de Zenica. Quand j’ai été

 11   expulsé, je suis allé à Zenica.

 12   Question:   Merci.

 13   (Questions supplémentaires de M. Krizanac par M. Naumovski.)

 14   M. Naumovski (interprétation): Très brièvement, Monsieur le Juge.

 15   Monsieur Krizanac, vous avez ici un document Z91.1. Il s’agit de la

 16   commission dont vous faisiez partie, ainsi que le chapelain Pero Karajica.

 17   Je vois aussi que parmi les membres de la commission, on trouve des

 18   représentants de la police civile, donc du MUP de Zenica. Je suppose donc

 19   que vous avez été accompagné par eux pour vous rendre dans cette zone?

 20   M. Krizanac (interprétation): Nous étions toujours accompagnés par la

 21   police lors de nos visites.

 22   Question:   Est-ce que c'est une commission d'enquête sur les crimes de

 23   guerre ou bien c'était tout simplement une commission humanitaire qui

 24   devait voir quelle était la situation dans votre paroisse?

 25   Réponse:    C'était plutôt une commission humanitaire qui devait nous


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  1   aider pour comprendre la situation dans notre région. Cela, c'était tout

  2   simplement fondé par les organisations humanitaires telles que la Croix-

  3   Rouge. Ils ont pris l'avocat Bozo Markovic et il y avait aussi un dénommé

  4   Tadic qui, à l’époque, avait un poste à la municipalité, je crois, et mon

  5   chapelain, mon assistant Pero. On en faisait partie parfois et parfois

  6   c'était moi-même qui me rendais à ces visites.

  7   Question:   Vous nous avez donc déjà dit de quel type de commission il

  8   s'agissait. Mais regardons maintenant les faits, ces statistiques qui sont

  9   données ici. Je suppose qu'il s'agit-là des données que vous avez pu

 10   collecter à l'époque?

 11   Réponse:    Oui. Il y a différents rapports de telle nature car on a

 12   effectué plusieurs visites et à chaque fois, on composait un rapport. Ici,

 13   on a l'un de ces rapports.

 14   Question:   Mais vous êtes d'accord avec les données qui se trouvent dans

 15   ce rapport-ci?

 16   Réponse:    Oui, absolument.

 17   Question:   Vous avez répondu tout à l’heure à une question en disant que

 18   vous avez voulu protéger et cacher une partie des biens culturels qui se

 19   trouvaient Guca Gora. Vous y avez déjà répondu. Ma question serait la

 20   suivante: au moment de la chute de Jajce, savez-vous à quel moment cela a

 21   eu lieu?

 22   Réponse:    Je ne pourrais pas vous donner la date exacte, mais je crois

 23   que c'était à la fin de l'automne.

 24   Question:   Oui, c’est exact, à la fin de l’automne 1992.

 25   Réponse:    A l'époque j'ai rencontré un frère, un religieux, qui allait


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  1   de Jajce vers Vitez. Il s'agissait du frère Marko Steko.

  2   Question:   Si j'ai bien compris, à la fin de l'automne 1992, dans votre

  3   voisinage immédiat, la situation militaire était mauvaise pour les Croates

  4   et les Musulmans?

  5   Réponse:    Oui, oui. C'était la culmination en matière militaire dans

  6   toute la région.

  7   Question:   On a pu suggérer que vous êtes venu témoigner en faveur de M.

  8   Kordic. Ma question serait: est-ce que vous êtes venu devant ce Tribunal

  9   pour défendre M. Kordic ou bien pour nous parler de la vérité que vous

 10   connaissez, en tant que témoin oculaire?

 11   Réponse:    J'ai déjà répondu à la question. En général, je crois que ce

 12   que les Juges font ici est un travail noble et juste. Et moi j'ai

 13   l’impression que si moi-même je peux donner un modeste obole, il est de

 14   mon devoir de le faire, quel que soit le nom ou quelle que soit l’identité

 15   de telle ou telle autre personne.

 16   Question:   J'aurai encore deux questions à vous poser, très brièvement.

 17   Quand vous êtes arrivé à Guca Gora, et cela pour la première fois après le

 18   conflit du mois de juin 1993, pourriez-vous dire en général quel était

 19   l'état du village? Est-ce que les maisons étaient intactes ou détruites?

 20   Réponse:    Beaucoup de maisons étaient détruites, mais la destruction

 21   continuait. Plus tard, en 1994, quand j'ai commencé à m'occuper du

 22   couvent, il y a eu beaucoup de maisons détruites mais on avait continué

 23   avec la destruction des maisons par la suite aussi.

 24   Question:   Voici ma dernière question. Vous avez entendu beaucoup de

 25   questions. Quelle était votre attitude envers les plus hauts


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  1   fonctionnaires de l'église catholique. Est-ce que vous, personnellement,

  2   vous étiez pour une Bosnie intégrale où vivent les représentants de tous

  3   ces peuples ou étiez-vous contre cette option-là?

  4   Réponse:    J'ai toujours répondu que j’ai toujours été pour une Bosnie

  5   intégrale et toujours contre une Bosnie partagée.

  6   M. Naumovski (interprétation): Merci, Monsieur Krizanac.

  7   Je n’ai plus de questions pour ce témoin.

  8   M. le Président (interprétation): Merci, Père Krizanac. Ainsi se termine

  9   votre témoignage. Merci d’être venu témoigner. Vous pouvez disposer.

 10   M. Krizanac (interprétation): Je vous remercie.

 11   M. Naumoski (interprétation): Une question technique. Est-ce que nous

 12   aurions une cote pour la déclaration sous serment de M. Krizanac?

 13   M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin

 14   d'une cote pour cette déclaration sous serment. Nous le rajouterons

 15   simplement à la liste des déclarations sous serment.

 16   M. Naumovski (interprétation): Merci.

 17   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 18   (Questions relatives à la procédure.)

 19   M. Kovacic (interprétation): Puisque nous parlions déjà des déclarations

 20   sous serment, permettez-moi d’informer les Juges que nous avons soumis ce

 21   matin trois déclarations sous serment pour nos témoins qui viennent

 22   témoigner cette semaine.

 23   M. le Président (interprétation): Qui est le prochain témoin?

 24   M. Kovacic (interprétation): Le prochain témoin est Branko Markovic et

 25   c’est M. Mikulicic qui va l’interroger.


Page 25424

  1   M. le Président (interprétation): Je ne crois pas avoir la liste des

  2   témoins pour la semaine. Pourriez-vous nous fournir un exemplaire?

  3   M. Kovacic (interprétation): Voici une liste. Malheureusement entre le n°6

  4   et le n°7, il faudrait rajouter un autre nom Bono Drmic.

  5   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

  6   M. Nice (interprétation): Quand aux déclarations sous serment, je ne sais

  7   pas si Me Kovacic nous les a données ce matin. Il les a peut-être soumises

  8   au secrétariat, mais parfois, il nous faut quelque temps pour les avoir.

  9   Quant à la décision de la Chambre d’appel relative aux déclarations sous

 10   serment, le temps qui se passe entre le moment où nous recevons les

 11   documents et le témoin à qui ce document se réfère, parfois c’est un laps

 12   de temps important, et je souhaiterais avoir ces documents si possible ce

 13   matin.

 14   M. Kovacic (interprétation): Nous allons sans doute le faire.

 15   Malheureusement, il y a l’une de ces déclarations qui est encore en train

 16   d'être traduite. On l'a promise pour ce matin. Si je puis me permettre, la

 17   décision disait qu'il fallait le faire avant que les témoins n'arrivent,

 18   mais sans préciser quand.

 19   Cela nous permet bien sûr de le faire littéralement cinq minutes avant que

 20   le témoin n'arrive, mais bien sûr, je m'efforcerai de le faire le plus tôt

 21   possible.

 22   M. le Président (interprétation): Très bien.

 23   M. Kovacic (interprétation): Permettez-moi, il s'agit de trois paragraphes

 24   brefs pour chaque personne.

 25   (Le témoin, M. Branko Markovic, est introduit dans le prétoire.)


Page 25425

  1   (Interrogatoire principal de M. Branko Markovic par Me Mikulicic.)

  2   M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il faire sa déclaration

  3   solennelle?

  4   M. Markovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

  7   M. Mikulicic (interprétation): Bonjour Monsieur Markovic.

  8   M. Markovic (interprétation): Bonjour monsieur.

  9   Question: Au nom de la défense de M. Cerkez, je mènerai cet

 10   interrogatoire. Je vous prie bien de tenir compte de me répondre

 11   relativement lentement, peut-être d'attendre quelques instants avant de

 12   formuler votre réponse pour que cela puisse être interprété.

 13   Je vous prie de dire votre prénom, votre nom, l'année et le lieu de votre

 14   naissance?

 15   Réponse:    Je m'appelle Branko Markovic, fils de Nikola. Je suis né le 25

 16   mars à Travnik.

 17   Question:   En quelle année?

 18   Réponse:    En 1958.

 19   Question:   Monsieur Markovic, vous être croate et catholique.

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Vous êtes citoyen de la République de Bosnie-Herzégovine et de

 22   la République de Croatie?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Etes-vous marié?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Vous avez trois filles?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Vous êtes ingénieur en électronique?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Mais vous êtes restaurateur et propriétaire d'une pizzeria à

  6   Vitez?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous avez fait une école secondaire professionnelle en

  9   électronique à Sarajevo?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Etes-vous actuellement ou étiez-vous autrefois membre d’un

 12   parti politique?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   En 1981, vous avez fait votre service militaire à la JNA et

 15   vous n’avez jamais eu aucun grade?

 16   Réponse:    Non.

 17   Question:   Avant la guerre vous avez travaillé à Slobodan Princip Seljo

 18   jusqu’en 1990?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Et par la suite, vous avez ouvert une pizzeria?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Vous êtes natif de Vitez?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Vous y êtes né et vous y avez toujours vécu?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Vous êtes restaurateur. Je suppose que par ce fait même vous

  2   connaissez beaucoup de monde?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Je suppose aussi que vous êtes bien connu dans la ville de

  5   Vitez?

  6   Réponse:    Je le suppose moi aussi.

  7   Question:   Vous vous êtes marié à deux reprises?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Vous vous êtes marié pour la deuxième fois en 1992?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Est-ce que vous vous souvenez à quel moment en 1992, vous vous

 12   êtes marié?

 13   Réponse:    Je me suis marié au mois d'octobre 1992.

 14   Question:   Votre deuxième épouse est musulmane, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Amra Tuco?

 17   Réponse:    Oui, Amra Tuco Markovic.

 18   Question:   Monsieur Markovic, au mois d'octobre 1992, quand vous vous

 19   êtes marié, est-ce qu’à l'époque, il y a déjà eu des petites tensions

 20   entre la population croate et musulmane à Vitez? Est-ce que l'on

 21   ressentait les tensions à l'époque?

 22   Réponse:    Entre les Croates et les Musulmans, non. En 1992, je n'ai pas

 23   eu cette impression-là.

 24   Question:   Merci. Vous habitez dans une maison familiale qui appartient

 25   aux parents de votre épouse?


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  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Ils sont bosniens?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Avez-vous des problèmes avec votre épouse qui est bosnienne et

  5   vos beaux-parents qui sont bosniens?

  6   Réponse:    Non.

  7   Question:   Vous ne les avez jamais eus?

  8   Réponse:    Non.

  9   Question:   Avez-vous eu des problèmes avec sa famille, ses parents

 10   proches ou lointains?

 11   Réponse:    Non.

 12   Question:   Monsieur Markovic, n'avez-vous jamais fait une différence

 13   quelconque entre les personnes avec lesquelles vous avez été en contact et

 14   les gens qui venaient dans votre restaurant?

 15   Réponse:    Non. Jamais.

 16   Question:   Vous avez vécu à Vitez, vous y avez un restaurant au moment

 17   qui, immédiatement, précédait le conflit entre les Croates et les

 18   Musulmans. Est-ce qu’avant que le conflit n’éclate, il y a eu des

 19   incidents dans la ville même?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   D'après vous, et d'après vos souvenirs, est-ce que ces

 22   incidents allaient à l'encontre d'une nation particulière ou bien cela

 23   allait-il à l'encontre de tous?

 24   Réponse:    C'était difficile un peu pour tout le monde. Personnellement,

 25   je ne me sentais pas en sécurité. Personne ne se sentait en sécurité.


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  1   Question:   Selon vous, qu'est-ce qui a créé cette sensation d'insécurité?

  2   Réponse:    Cette insécurité générale à la fin de 1992 a été causée par

  3   l’armée qui est venue de l’Herzégovine. Il s’agissait-là de jeunes gens

  4   frustrés. Et quand vous y rajoutez l'alcool, on ne pouvait jamais être sûr

  5   de ce qui pourrait arriver.

  6   Question:   Les Juges ici ont déjà entendu beaucoup de dépositions sur les

  7   formations militaires. Donc, ne rentrons pas dans le détail. Mais

  8   pourriez-vous me confirmer la chose suivante : est-ce bien exact qu'à

  9   l'époque, et surtout après la chute de Jajce, de nombreuses personnes sont

 10   arrivées de là-bas, de nombreuses personnes en exil en provenance de cette

 11   partie-là de la Bosnie?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Comment agissaient ces personnes déplacées, surtout les

 14   personnes qui ont été déplacées suite aux actions de la JNA et de l'armée

 15   serbe?

 16   Réponse:    Je peux vous raconter un incident. Il y avait plusieurs

 17   personnes ivres dans mon restaurant et je devais toujours essayer de

 18   savoir qui était la personne la plus critique qui pourrait causer le plus

 19   grand incident. Il est très facile de provoquer quelqu'un si vous voulez

 20   le faire. Je me suis approché d'un homme qui se trouvait à côté du bar.

 21   J'ai essayé d'établir une espèce de communication. Je lui demande d'où il

 22   vient, ce qu'il fait. Il me regarde d'une façon pensive et me dit: "Vous

 23   savez, un restaurant un peu comme le vôtre, j'ai dû le quitter à Jajce".

 24   Après, vous pouvez bien vous demander ce à quoi vous pouvez vous attendre

 25   de cette personne-là et d'un groupe de personnes comme cela. Ces personnes


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  1   étaient désespérées de tous les points de vue. Une telle dépression... Et

  2   si vous y rajoutez de l'alcool, les gens agissaient de la façon suivante:

  3   "Si moi, je n'ai plus rien, pourquoi est-ce que toi, tu devrais avoir

  4   quelque chose?"

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Mikulicic, je vois maintenant

  6   qu'il est temps de faire notre pause. Peut-être qu'au moment où nous

  7   recommencerons, vous pourriez nous parler du 16 avril. Vu le nombre de

  8   témoins que nous avons sur notre liste, il faudrait essayer de terminer au

  9   moins un témoin par session.

 10   M. Mikulicic (interprétation): Nous allons faire tout notre possible pour

 11   cela. Cela étant dit, je crois que c'est un bon moment car je m'apprêtais

 12   à aborder la date du 16 avril, notre référence 2.4.

 13   M. le Président (interprétation): Voilà, nous allons faire une pause.

 14   Monsieur Markovic, pendant cette pause, je vous prie de ne pas parler avec

 15   qui que ce soit de votre déposition jusqu'à la fin de votre déposition.

 16   Cela se réfère aussi aux représentants du conseil de la défense.

 17   Nous allons reprendre à 11 heures 30.

 18   (L'audience, levée à 11 heures 02, est reprise à 11 heures 37.)

 19   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Mikulicic, vous pouvez...

 20   (problème technique: pas de traduction.)

 21   M. Mikulicic (interprétation): C'était donc la dernière date où vous avez

 22   été ouvert?

 23   M. Markovic (interprétation): Oui.

 24   Question:   Donc, le lendemain, la guerre a éclaté et vous n'avez pas

 25   rouvert?


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  1   Réponse:    C'est bien cela.

  2   Question:   A quelle date l'avez-vous rouvert?

  3   Réponse:    Vers la moitié de 1994, en juin ou juillet.

  4   Question:   Y a-t-il eu des dégâts, des dommages causés?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Dus à quoi, ces dommages?

  7   Réponse:    A des saccages, des pillages. Les deux locaux ont été

  8   d'ailleurs pillés, une vidéothèque que j'ai non loin de là et une

  9   pizzeria. Les deux locaux étant défoncés, pas mal d'inventaires, de

 10   meubles, etc., ont été volés. On a pu sauvegarder quelque chose, mais

 11   quand même...

 12   Question:   En d'autres termes, vous avez été pillé, purement et

 13   simplement?

 14   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 15   Question:   Monsieur Markovic, je vous prie de bien vouloir rafraîchir

 16   votre mémoire quant à cette date du 16 avril. Comment cette journée a-t-

 17   elle commencé?

 18   Réponse:    A 5 heures 30 du matin, ma femme m'a réveillé pour me dire que

 19   c'était une véritable guerre qui sévissait dehors. Moi, j'avais tout de

 20   suite répondu que je ne comprenais pas très bien pour quelle raison. Alors

 21   elle m'a dit que l'on entendait des détonations, que l'on entendait des

 22   tirs qui venaient de partout. J'ai ouvert la fenêtre et j'ai bien vu que

 23   c'était cela. Alors nous sommes tous descendus vers les pièces en sous-sol

 24   et c'est ainsi que, pendant quelques jours, nous y sommes restés, sans

 25   trop sortir. Et c'est ainsi que cela a commencé.


Page 25432

  1   Question:   Monsieur Markovic, est-ce qu'avant, au cours de l'année 1992,

  2   vous étiez déjà descendu dans des abris, pas de cette même maison mais

  3   ailleurs, aussi? C'est-à-dire... lorsqu'il y a eu l'attaque de la JNA.

  4   Question:   Oui, bien sûr, mais pas toujours dans les mêmes circonstances.

  5   Question:   Et votre femme était enceinte, à cette époque-là?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Et pendant combien de temps êtes-vous restés dans les sous-

  8   sols de cette maison?

  9   Réponse:    Peut-être les deux premiers jours.

 10   Question:   Avez-vous entendu ou vu que des obus seraient tombés non loin

 11   de là ou dans les environs, ou des coups de feu tirés?

 12   Réponse:    La situation générale a été vraiment vilaine.

 13   Question:   Donc, pendant deux jours, vous êtes restés dans cet abri en

 14   sous-sol. Qu'avez-vous fait, plus tard?

 15   Réponse:    Plus tard, j'ai emmené ma femme dans la maison familiale de

 16   mes parents parce dans cette situation, elle ne devait pas être en proie à

 17   la névrose. Elle devait être calme, garder son calme, vivre dans la

 18   tranquillité dans la mesure du possible, être exclue de tout cela. J'avais

 19   demandé à mes parents de s'occuper d'elle et je leur avais demandé qu'elle

 20   reste là-bas.

 21   Question:   Par rapport à la ville de Vitez, Monsieur Markovic, où se

 22   situait cette maison où vous habitiez? Et où se trouve la maison de vos

 23   parents?

 24   Réponse:    La maison que nous avons habitée se trouve à Rijecka. Quant à

 25   la maison de mes parents, elle se trouve près de Kruscica, à la croisée


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  1   des routes, plus près de la ville.

  2   Question:   Et vous avez considéré que vous étiez beaucoup plus en

  3   sécurité en l'emmenant là-bas?

  4   Réponse:    Oui, bien sûr, pour des raisons de sécurité.

  5   Question:   Que s'est-il passé avec votre beau-père ce jour-là, c'est-à-

  6   dire le père de votre épouse?

  7   Réponse:    Il a été emmené par des soldats deux ou trois jours plus tard.

  8   Il a été emmené, lui et ses deux frères.

  9   Question:   Où a-t-il été emmené?

 10   Réponse:    D'abord au bâtiment administratif des forêts, puis après à

 11   Dubravica, à l'école élémentaire.

 12   Question:   Combien de temps a-t-il passé, votre beau-père, dans cette

 13   école élémentaire de Dubravica?

 14   Réponse:    Une dizaine de jours.

 15   Question:   Et à son retour, lui avez-vous parlé? Vous a-t-il dit quelque

 16   chose quant à son séjour à Dubravica?

 17   Réponse:    Oui, très brièvement.

 18   Question:   Que vous a-t-il dit quant à l'hébergement, quant au traitement

 19   qui lui a été infligé? A-t-il été maltraité? Lui a-t-on fait creuser des

 20   tranchées, etc.?

 21   Réponse:    Non , il n'a pas eu de maltraitance. Aucune. Tout simplement,

 22   ils étaient coincés dans ces locaux surpeuplés, ils étaient très nombreux.

 23   C'est tout.

 24   Question:   Il vous a peut-être parlé d'une certaine explication de la

 25   situation, c'est-à-dire des raisons pour lesquelles il a été emmené dans


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  1   cette école élémentaire de Dubravica?

  2   Réponse:    Je ne m'en souviens plus.

  3   Question:   La mère de votre épouse, Mme Ulfeta Tuco, est accoucheuse,

  4   sage-femme de profession?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Elle a travaillé au centre médical de Vitez depuis 1952?

  7   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

  8   Question:   Et combien d'enfants a-t-elle pu voir et accueillir, faire

  9   venir au monde depuis lors? Approximativement?

 10   Réponse:    Oh... Pour parler de cette date-là jusqu'à cette date du 16

 11   avril, jusqu'en avril 1994, elle disait qu'il s'agissait de 325 bébés.

 12   Question:   Donc, pendant cette guerre qui sévissait dans Vitez, votre

 13   belle-mère, accoucheuse, a toujours continué sa besogne qui est évidemment

 14   d'aider à l'accouchement des femmes?

 15   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 16   Question:   Où est-ce qu'elle a pu faire cela? Comment? Dans quelles

 17   circonstances?

 18   Réponse:    Pour une première journée, d'ailleurs, depuis que nous étions

 19   venus dans cet abri, la police était venue pour lui dire qu'elle devait se

 20   rendre à Krizancevo Selo. C'est ce qu'elle a fait, d'ailleurs; elle est

 21   allée à Krizancevo Selo sous le feu des combats qui ont eu lieu. Le

 22   lendemain, il en était de même, pas bien sûr de cette même partie de la

 23   ville. Quelques jours plus tard, elle a pu estimer qu'il était beaucoup

 24   plus sûr de voir ces femmes venir ou plutôt se déplacer chez elle, au lieu

 25   de la voir, elle, traverser tout ce chemin sous les coups de feu.


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  1   Question:   Et c'est ainsi que votre maison familiale est devenue une

  2   espèce de maternité?

  3   Réponse:    Oui, une espèce de maternité. C'était très spontané.

  4   Question:   Et c'est donc dans cette maison-là qu'environ 325 bébés sont

  5   venus au monde?

  6   Réponse:    Oui, sains et saufs, en bonne santé.

  7   Question:   Est-ce que cette maison-là, en tant que maternité, était

  8   uniquement à l'intention des représentants ou représentantes d'une ethnie,

  9   ou bien toutes les femmes venaient évidemment pour y accoucher?

 10   Réponse:    Jamais on n'a demandé quoi que ce soit, ni qui elles étaient

 11   ni d'où elles venaient. Tout simplement, à la sortie évidemment, elles

 12   devaient dire, décliner leur identité quant au registre des enfants et du

 13   reste.

 14   Question:   Monsieur Markovic, quant aux équipements dont vous avez dû

 15   être dotés pour ces accouchements, y a-t-il eu quelque chose?

 16   Réponse:    Non, aucun équipement.

 17   Question:   Vous voulez dire aucun équipement pour la stérilisation, pour

 18   faire des bandages, de la ouate, des gazes, etc., des choses de ce genre?

 19   Réponse:    Non, non, non. Pas d'eau, pas d'électricité, aucun équipement.

 20   Question:   Et comment avez-vous procédé à la stérilisation?

 21   Réponse:    Eh bien, on l'a faite tout simplement en allumant un feu dans

 22   un poêle qui se trouvait non loin de chez nous, en faisant bouillir. C'est

 23   tout.

 24   Question:   Monsieur Markovic, avez-vous eu des contacts avec un certain

 25   Grbenar (?) et avec un autre ami à qui vous avez demandé de vous aider


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  1   pour vous approvisionner en matériel? Pouvez-vous dire quelque chose là-

  2   dessus en deux ou trois mots?

  3   Réponse:    C'est au moment où Bjeli Put, cette œuvre de charité, la Route

  4   blanche, était venue à Nova Bila et j'ai parlé avec le frère Franjo. Je

  5   suis allé le voir, lui demander peut-être des équipements, du matériel. Il

  6   s'est avéré qu'il n'avait rien. De retour en ville, j'ai rencontré un de

  7   mes amis avec qui j'avais travaillé avant la guerre à l'usine SPS. Dans

  8   une conversation informelle, comme cela, à bâtons rompus, lorsqu'il

  9   m'avait demandé où j'étais etc., je lui ai dit tout simplement que j'avais

 10   besoin d'équipements, de tels ou tels équipements et matériels. Alors, il

 11   m'a dit: "mais pour quelle raison?" et j'ai répondu: "Parce que dans ma

 12   maison se trouve une véritable maternité".

 13   Question:   Vous lui avez dit tout cela?

 14   Réponse:    Oui, bien sûr! Comme lui, il avait une organisation

 15   humanitaire avec laquelle sa mère était en contact, alors il a dit tout

 16   simplement qu'il aurait pu aider et il a promis d'ailleurs de me venir en

 17   aide.

 18   Question:   Y a-t-il eu une aide quelconque? Est-ce qu'il y a eu un

 19   résultat, une efficacité quelconque?

 20   Réponse:    Oui, bien sûr. Cet homme est venu nous voir; on s'est mis à

 21   table et c'est à partir de ce moment-là, lorsqu'une femme est venue pour

 22   son accouchement, lui aussi il a été… justement, il est resté coi. Il ne

 23   pouvait pas croire que, dans une maison pareille, on pouvait organiser une

 24   telle maternité. Pendant six mois que cela a fonctionné, disons que c'est

 25   cet homme-là qui nous a aidé.


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  1   Question:   Pour situer cela dans le temps, c'est donc fin 1993 que tout

  2   cela a eu lieu?

  3   Réponse:    Oui, bien sûr. Fin 1993.

  4   Question:   Monsieur Markovic, est-ce que cette histoire portant sur votre

  5   maternité -disons votre maison-, a pu évidemment aboutir à des

  6   journalistes, à la presse?

  7   Réponse:    Oui, d'abord, c'est M. James qui est venu le premier et puis

  8   d'autres sont venus du secteur de l'aide humanitaire, pas mal de

  9   journalistes, beaucoup de gens: les uns voulant aider, les autres voulant

 10   évidemment rapporter là-dessus. Chacun, de son côté, voulait s'occuper de

 11   son travail. 

 12   Question:   Pouvez-vous vous rappeler peut-être un organe de presse dont

 13   les journalistes auraient pu vous rendre visite?

 14   Réponse:    Oui, je me souviens du Gardian, du Sunday Time, News, etc. !

 15   Il y a d'autres maisons de presse qui étaient représentées.

 16   Question:   Revenons un peu à ces événements de l'époque. Vous vous êtes

 17   trouvé chez vous et des représentants de la police militaire seraient

 18   venus vous emmener, vous chercher?

 19   Réponse:    Oui, ils sont venus dans cette maison-là. Vous savez, de temps

 20   en temps, je me rendais à l'autre maison.

 21   Question:   Qu'ont-ils fait, ces membres de la police militaire?

 22   Réponse:    C'était peut-être le sixième ou le septième jour, ils m'ont

 23   emmené à Krc vers la ligne de défense.

 24   Question:   Vous avez été muni d'un uniforme, d'une arme?

 25   Réponse:    J'ai reçu une arme, mais une fois que je suis venu à la


Page 25438

  1   tranchée même. C'est un homme dont je prenais la relève qui m'a rendu

  2   cette arme.

  3   Question:   Vous avez reçu un uniforme?

  4   Réponse:    Non.

  5   Question:   D'autres équipements?

  6   Réponse:    Non.

  7   Question:   Pendant combien de temps êtes-vous resté à Krc, sur la ligne

  8   de défense?

  9   Réponse:    J'y suis resté pendant cinq jours.

 10   Question:   On vient de me reprendre de justesse, c'est-à-dire de me dire

 11   de la part de l'interprétariat que vous n'avez pas répondu à la question

 12   concernant l'uniforme. J'ai dit: "ou d'autres équipements militaires?"

 13   Réponse:    J'ai bien dit que non.

 14   Question:   Donc, vous avez passé quelque temps sur cette ligne de front.

 15   Que s'est-il passé ensuite?

 16   Réponse:    Eh bien, il s'est passé que quatre ou cinq jours plus tard, un

 17   jeune homme vient et me dit que je devais l'accompagner. Alors je viens à

 18   Vitez au troisième bataillon dont le commandant Karlo Grabovac me dit

 19   qu'il y a eu des demandes, étant donné la situation de Vitez, de la part

 20   de ma belle-mère, de voir muter, ne serait-ce que plus près, mais toujours

 21   sur la ligne de front, mais plus près de la maison pour pouvoir me rendre

 22   à la maison au moment où je n'étais plus de garde.

 23   Question:   Donc, c'est votre belle-mère qui a demandé à M. Grabovac de

 24   vous muter pour être plus près de la maison, pour être utile le cas

 25   échéant?


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  1   Réponse:    C'est bien cela.

  2   Question:   Est-ce qu'elle a connu Karlo Grabovac antérieurement?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Donc, il a évidemment exaucé ce vœu.

  5   Réponse:    Evidemment.

  6   Question:   Quelles étaient ces fâcheuses circonstances que connaissaient

  7   votre famille, votre belle-mère et vos parents?

  8   Réponse:    Ce qui a été désagréable et fâcheux, c'est que l'on a fouillé

  9   la maison. Des gens seraient venus pour fouiller, pour chercher des armes,

 10   etc. Pendant que j'étais à la maison, de telles circonstances désagréables

 11   n'ont pas été connues parce que je connaissais ces jeunes gens et que je

 12   leur ai demandé tout simplement ce qu'ils voulaient avoir.

 13   Question:   Et plus tard, que s'est-il passé?

 14   Réponse:    Plus tard, c'est devenu peu sûr. On ne pouvait plus y tenir

 15   debout.

 16   Question:   Y a-t-il eu des vols, des pillages?

 17   Réponse:    Oui. Une fois, on nous a volé une vache de notre étable, etc.

 18   C'était une insécurité générale qui s'était établie.

 19   Question:   Dans cette situation que vous désignez comme insécurité

 20   générale, menaces, pillages, vols, votre belle-mère a décidé une fois de

 21   plus d'aller chercher de l'aide.

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Qui êtes-vous allés voir?

 24   Réponse:    Eh bien, lorsque cette situation ainsi établie se répétait

 25   pour ainsi dire, nous sommes allés chez Mario Cerkez demander de l'aide.


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  1   Question:   Vous connaissiez déjà Mario Cerkez?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Qu'a-t-il fait pour, justement, répondre à votre demande?

  4   Réponse:    Je suis allé chez Mario pour lui demander de me rendre

  5   possible de déplacer dans des conditions de sécurité entière ma famille

  6   vers Zenica, c'est-à-dire de les déplacer de Vitez. A ce moment-là, Mario

  7   a proposé quelque chose d'autre. Il a dit, disant qu'il en était capable,

  8   de pouvoir envoyer quelqu'un qui, 24 heures sur 24, serait là pour monter

  9   la garde. Pour ce qui est de cette vache, enfin peu importe la vache, elle

 10   n'est pas substantielle, mais on en a fait mention tout simplement, mais

 11   il a dit notamment: "Là, si je peux vous aider aussi, on peut peut-être

 12   vous offrir une autre vache". Peut-être serait-elle du cheptel de la

 13   coopérative agricole ou d'une ferme quelconque, mais qui errait par là.

 14   Nous avons dit que non, mais nous l'avons remercié quand même.

 15   Question:   Donc, Mario Cerkez a envoyé un soldat qui devait être là pour

 16   monter la garde?

 17   Réponse:    Oui, il a été chargé de la sécurité de notre maison.

 18   Question:   Donc, vous ne revenez plus sur la ligne de défense à Krc. Vous

 19   avez été emmené par la police militaire, mais vous avez été muté sur une

 20   autre position.

 21   Réponse:    Oui, j'ai été ensuite affecté plutôt pour monter la garde en

 22   patrouille à Kruscica, toujours sur la ligne de front.

 23   Question:   Après cela, quelle a été votre affectation?

 24   Réponse:    Après cela, ma nouvelle affectation a été de rester chez moi à

 25   la maison.


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  1   Question:   Pour protéger cette maternité?

  2   Réponse:    Oui, bien sûr, pour que cela puisse fonctionner dans la mesure

  3   du possible.

  4   (Les interprètes demandent à M. Mikulicic de bien vouloir ménager une

  5   pause après chaque question.)

  6   M. Mikulicic (interprétation): J'accepte la critique.

  7   Vous avez dit que vous connaissiez déjà M. Cerkez Mario depuis longtemps.

  8   Réponse:    Oui, je le connais pratiquement depuis longtemps. On a grandi

  9   ensemble, on a fréquenté la même école. Nous ne sommes pas de la même

 10   génération, de la même tranche d'âge, mais on se fréquentait, on a été

 11   copains. Il y a eu pas mal de choses où nous avons eu quelque chose en

 12   commun, que ce soit à l'école ou parmi les amis et copains, etc.

 13   Question:   Avez-vous connu ses parents?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Avez-vous jamais entendu quelqu'un de sa famille ou lui-même

 16   dire quoi que ce soit en des termes injurieux ou autres ou qu'ils aient pu

 17   éprouver une certaine tendance à insulter ou à agresser par exemple qui

 18   que ce soit ou faire des incidents du genre?

 19   Réponse:    Non, absolument pas. Pour autant que je puisse connaître les

 20   parents de Mario Cerkez et lui et sa famille, il n'en était pas question.

 21   Question:   J'imagine que M. Cerkez venait dans votre restaurant souvent?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Y a-t-il eu des incidents à ces occasions-là?

 24   Réponse:    Non. Absolument pas.

 25   M. Mikulicic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Juge.


Page 25442

  1   M. Sayers (interprétation): Nous n'avons pas de question pour M. Markovic.

  2   (Contre-interrogatoire de M. Branko Markovic par Me Nice.)

  3   M. Nice: Votre pizzeria, monsieur, elle s'appelle Sebastijan?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Depuis quand en êtes-vous propriétaire?

  6   Réponse:    Depuis 1990.

  7   Question:   Est-ce que votre clientèle était plus particulièrement

  8   politique ou militaire et plus particulièrement d'un groupe que d'un autre

  9   jusqu'à sa fermeture?

 10   Réponse:    Je ne dirais pas cela.

 11   Question:   Est-ce que vous saviez qu'il y avait un café qui s'appelait

 12   Kruscica, dont le propriétaire était un certain Faruk Zukic?

 13   Réponse:    A Kruscica?

 14   Question:   Oui, un certain café appelé Kruscica. Vous le connaissez?

 15   Monsieur Markovic, vous nous dites qu'il n'y avait pas de tensions, c'est

 16   bien ce que vous nous dites dans le cadre de votre déposition, pas de

 17   tensions entre Musulmans et Croates en 1992?

 18   Réponse:    Il y avait des tensions, mais ces tensions étaient, je dirais,

 19   en quelque sorte générales, d'ordre général, pas uniquement entre Croates

 20   et Musulmans.

 21   Question:   Je n'ai pas beaucoup de temps mais reconnaissez-vous qu'en

 22   1992, les Croates s'emparaient de Vitez par le moyen de l'Herceg-Bosna et

 23   du HVO? Est-ce que vous admettez ce que je vous dis?

 24   Réponse:    Je ne me suis jamais mêlé de politique et je ne les ai pas

 25   senties ni vécues, ces choses-là.


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  1   Question:   Vous êtes marié à une Musulmane, vous avez des beaux-parents

  2   musulmans. Vous voulez vraiment dire qu'aucun de vous ne s'est rendu

  3   compte que l'on traitait les Musulmans différemment des Croates, à quelque

  4   moment que ce soit?

  5   Réponse:    Quant à ma famille et à moi, nous n'avons pas eu ce sentiment-

  6   là.

  7   Question:   Est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre parler du meurtre,

  8   commis à l'hôtel Vitez, de Trako?

  9   Réponse:    J'ai entendu parler de cet assassinat. Mais qui a tué qui?

 10   Cela, je ne sais pas.

 11   Question:   Où avez-vous appris qu'il y avait eu des incidents au cours

 12   desquels l'un ou l'autre drapeau a été hissé? Avez-vous appris que cela

 13   avait posé des problèmes au cours de l'année 1992?

 14   Réponse:    Je ne comprends pas de quels incidents il s'agit, de quels

 15   drapeaux il s'agit. Pouvez-vous vous faire un petit peu mieux entendre?

 16   Question:   Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'au mois de juin, on

 17   s'était emparé du bâtiment de la municipalité? Juste à titre d'exemple.

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Est-ce que vous vous souvenez qu'à ce moment-là un drapeau,

 20   celui de la communauté croate d'Herceg-Bosna, avait été hissé sur ce

 21   bâtiment?

 22   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 23   Question:   Et les Musulmans n'ont pas aimé cela, n'est-ce pas?

 24   Réponse:    Probablement, mais je ne le sais pas.

 25   Question:   Je vois. Mais rien de tout ceci ne presse sur votre


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  1   conscience, le fait par exemple qu'ils n'aient pas aimé cela?

  2   Réponse:    Si j'étais conscient de cela, je n'aurais certainement pas

  3   attendu jusqu'à la date du 16 avril à Vitez. Eux non plus, probablement.

  4   Question:   Est-ce que vous saviez, par exemple, qu'en septembre 1992,

  5   vous qui aviez des parents musulmans, le Comité croate de la protection

  6   des Musulmans dénonçait publiquement ce qu'on faisait dans votre ville?

  7   Réponse:    Cela m'est inconnu. Peu importe si j'ai eu des parents du côté

  8   musulman. Eux non plus n'en savaient rien.

  9   Question:   Je vois. Où se trouvait votre restaurant, votre pizzeria, dans

 10   la ville?

 11   Réponse:    Encore aujourd'hui, cette pizzeria est située en pleine ville.

 12   Question:   A proximité de l'hôtel Vitez?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Où est-ce? Si vous voulez, on peut vous montrer un plan mais

 15   vous pourriez vous contenter de nous en faire la description. A proximité

 16   de quel endroit votre restaurant se trouve-t-il?

 17   Réponse:    Juste au centre ville, en face de la pharmacie.

 18   Question:   Et vous n'avez pas appris qu'un café dont le propriétaire est

 19   un Musulman avait été pris par le HVO qui voulait s'en servir pour lui-

 20   même?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Poursuivons, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, et

 23   parlons du 15 avril. Dites-nous ce qui s'est passé au cours de l'après-

 24   midi ou de la soirée du 15 avril. Vous qui étiez restaurateur, vous

 25   pourriez le savoir.


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  1   Question:   Il n'y avait rien, absolument rien d'exceptionnel. C'est à 21

  2   heure que j'ai tout terminé et à 21 heures 30 je me suis rendu chez moi

  3   pour rentrer à la maison, comme tous les autres jours, parce que telles

  4   étaient mes obligations.

  5   Question:   Vous en êtes sûr?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Examinons un document de la défense présenté au dossier. Il

  8   s'agit d'une compilation importante de documents de la défense et qui

  9   porte la cote D307/1. Nous allons pouvoir placer la version anglaise sur

 10   le rétroprojecteur et fournir l'original au témoin.

 11   Il s'agit d'un document, Monsieur Markovic, qui porte la date du 15 avril.

 12   Alors essayez de vous remémorer. Est-ce que ceci vous rafraîchit la

 13   mémoire? Est-ce que vous vous souvenez mieux de cette soirée-là?

 14   Réponse:    Jamais de ma vie je n'ai vu ce document, un document de ce

 15   genre et ce document surtout.

 16   Question:   D'accord, il se peut que ce ne soit pas le cas. Mais c'est

 17   surtout le contenu qui devrait avoir une incidence sur vous. En effet, on

 18   constate que ce document est signé de la main de Blaskic le 15 avril et

 19   apparemment à 18 heures 55.

 20   Vous saviez bien sûr qui était Blaskic, n'est-ce pas?

 21   Réponse:    Oui, bien sûr.

 22   Question:   Il se peut que vous n'étiez pas à proximité immédiate de

 23   l'hôtel Vitez, mais de combien de mètres votre restaurant était-il éloigné

 24   de cet hôtel Vitez? De 100 mètres? 50?

 25   Réponse:    Disons deux kilomètres.


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  1   Question:   Est-ce que nous pourrions examiner la carte? Monsieur

  2   l'Huissier, je vais demander votre aide pour que vous placiez ce plan sur

  3   le rétroprojecteur.

  4   Réponse:    Peut-être moins, pour parler de la distance à vol d'oiseau.

  5   Question:   Prenez tout le temps qu'il faut. Voici le centre de Vitez.

  6   Nous allons nous rapprocher, faire un gros plan. On voit le stade, au-

  7   dessus. Vous vous y retrouvez? On voit le stade, l'hôpital et puis

  8   l'école. Est-ce que vous pouvez maintenant mieux vous orienter sur cette

  9   carte?

 10   Réponse:    Oui, je ferai de mon mieux.

 11   Question:   Vous avez, sur l'écran de télévision, une partie de la carte.

 12   Est-ce que vous pouvez y voir l'endroit où se trouvait votre pizzeria?

 13   Réponse:    Cela m'est difficile. Voilà, c'est ici.

 14   (Le témoin indique avec le pointeur le centre de Vitez.)

 15   Question:   Je vais vous demander de déplacer votre tête, Monsieur, parce

 16   que sinon on ne voit pas la carte.

 17   Réponse:    Ecoutez, j'essaie de m'orienter et cela m'est difficile. Mais

 18   disons que si le centre médical est ici, si la maison est là, alors mon

 19   local, la pizzeria devrait être ici. Est-ce que vous voyez ce que je veux

 20   dire? Est-ce que je suis suffisamment clair? Approximativement, c'est là.

 21   Question:   Je vous remercie. Je voudrais reprendre la carte. Voyez-vous,

 22   il y a une échelle qui est indiquée et Vitez, en tout, d'une partie à une

 23   autre, fait au maximum un kilomètre de long sur 500 mètres de large. Au

 24   maximum, votre restaurant était éloigné du quartier général de Blaskic de

 25   quelques centaines de mètres, mais tout au plus. Vous le saviez, n'est-ce


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  1   pas?

  2   Réponse:    Oui. A vol d'oiseau, il s'agit de quelques centaines de

  3   mètres. Mais à vol d'oiseau, vraiment.

  4   Question:   Vous pensez que je vous demandais quelle distance cela faisait

  5   en voiture?

  6   Réponse:    Oui, cela me paraît logique.

  7   Question:   Vous dites que cela ferait une différence d'un à deux

  8   kilomètre, ou est-ce que vous exagérez?

  9   Réponse:    Mettons un kilomètre, voire 500 mètres. Je ne comprends pas ce

 10   que vous voulez dire par là, anticiper sur quoi?

 11   Question:   Revenons au document précédent sur lequel portait ma question

 12   à laquelle vous avez répondu en donnant une certaine distance. Ce document

 13   a été délivré deux heures et demie avant la fermeture de votre restaurant,

 14   selon vos propres dires, et ce sont des informations pour les organes des

 15   autorités civiles de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. C'est

 16   adressé aux commandants de brigade ainsi qu'à la police militaire.

 17   Ce document dit ceci, je cite: "Nous vous informons par la présente que

 18   les autorités civiles de la zone opérationnelle de Bosnie centrale ont

 19   délivré les ordres suivants: imposition d'un couvre-feu à partir de 21

 20   heures, annulation de tous les permis d'entrée ou de sortie de Travnik,

 21   cessation des activités de toutes les écoles et de toutes les entreprises

 22   à l'exception des entreprises à activité spéciale, et fermeture de tous

 23   les restaurants à 20 heures". Et nous voyons que ce document était adressé

 24   à diverses instances, y compris le 4ème bataillon de police militaire de

 25   Vitez.


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  1   Il y avait couvre-feu et vous avez dû fermer boutique à 20 heures. Alors

  2   rappelez-vous. Est-ce que vous vous en souvenez, maintenant, Monsieur

  3   Markovic?

  4   Réponse:    Etait-ce 20 heures ou 21 heures? Mais je crois que c'était

  5   même avant 21 heures, d'ordinaire, enfin 20 heures 30, 20 heures.

  6   Question:   Il y avait un couvre-feu, cette nuit-là, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Et un ordre avait été donné de fermer les restaurants?

  9   Réponse:    Personne n'est jamais venu me donner un ordre portant arrêt du

 10   travail et fermeture de mon restaurant. Mon restaurant a toujours été

 11   fermé normalement par moi-même chaque nuit, chaque soir avant 21 heures.

 12   Peut-être y avait-il un ordre de cette sorte-là mais personne n'est venu

 13   me donner l'ordre de fermer le restaurant. Nous étions deux ou trois dans

 14   le restaurant, c'était vide.

 15   Question:   Et maintenant, Monsieur Markovic, vous dites qu'il se peut que

 16   votre restaurant ait été fermé avant l'heure déterminée dans cet ordre, à

 17   savoir 20 heures?

 18   Réponse:    Certainement pas avant 8 heures du soir. Peut-être 8 heures

 19   moins 10... Peut-être 10 minutes avant 21 heures. En tout cas, une chose

 20   est sûre: personne n'est venu fermer mon restaurant à cette époque-là, pas

 21   plus que je n'ai reçu quoi que ce soit du genre de ce document que l'on

 22   vient de me soumettre maintenant, pas plus qu'on ne m'a averti de quoi que

 23   ce soit.

 24   Réponse:    Je fais cette suggestion: vous êtes venu ici pour dire que le

 25   15 était un jour ordinaire alors qu'il était manifeste, au vu de ce qui se


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  1   passait dans la rue, que les autorités savaient ce qui allait se passer

  2   puisqu'il y avait couvre-feu et que les magasins, dont votre restaurant,

  3   auraient dû être fermés.

  4   Réponse:    Pour moi, c'était un jour comme tous les autres. Quant au

  5   temps de fermeture et de m'en aller chez moi, je crois que c'était

  6   toujours en même temps que d'habitude.

  7   Question:   Votre beau-père a été arrêté et détenu. Quel est son prénom,

  8   s'il vous plaît?

  9   Réponse:    Oui, il s'appelait Muharem Tuco.

 10   Question:   La famille Tuco, c'est une grande famille ou une famille assez

 11   restreinte?

 12   Réponse:    Oui, assez grande famille, assez nombreuse.

 13   Question:   Et les frères de votre beau-père, comment s'appelaient-ils?

 14   Réponse:    Mahmud, Smail, Edib. Je ne sais plus si j'ai raté quelqu'un.

 15   Il me semble qu'il sont tous là.

 16   Question:   Mahmud, c'est le fils de Muzajra (?)? Est-ce possible?

 17   Réponse:    Oui. Mahmud Muzajra (?), c'est donc le frère de mon beau-père.

 18   Question:   C'est le numéro 248 dans la liste de Morsink.

 19   Pourquoi votre beau-père a-t-il été arrêté?

 20   M. Kovacic (interprétation): (...Hors micro.)

 21   M. Nice (interprétation): Je croyais que c'était une objection, c'est

 22   pourquoi je m'étais assis.

 23   M. le Président (interprétation): Poursuivons.

 24   M. Nice (interprétation): Le beau-père, pourquoi a-t-il été arrêté?

 25   M. Markovic (interprétation): Il a été arrêté deux ou trois jours après la


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  1   date du 16.

  2   M. le Président (interprétation): Je voulais vous demander, Monsieur,

  3   pourquoi il a été arrêté.

  4   M. Markovic (interprétation): Vous devez poser la question à ceux qui

  5   l'ont fait.

  6   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous le savez? Est-ce que

  7   vous savez pourquoi il a été arrêté, Monsieur Markovic?

  8   M. Markovic (interprétation): Il nous a été donné comme explication que

  9   c'était pour des raisons de sa propre sécurité qu'il a été emmené, tout

 10   comme son frère.

 11   M. Kovacic (interprétation): Je pense que le moment se prête bien à une

 12   intervention de ma part, si vous me le permettez, et je vais peut-être

 13   parler croate.

 14   (L'orateur poursuit en croate.)

 15   Mon vénérable collègue de l'accusation a fait mention d'une donnée de la

 16   liste de Morsink. Si on parle d'un document qui a été versé comme

 17   déclaration spéciale du témoin portant sur le document Morsink, alors nous

 18   considérons que ce document ne fait pas partie intégrante de la liste

 19   versée au dossier, par conséquent cette question ne peut pas être posée à

 20   ce témoin-là.

 21   M. le Président (interprétation): Oui, vous avez tout à fait raison, mais

 22   je pense qu'il n'est pas contesté qu'il a été détenu. Inutile de

 23   s'attarder là-dessus.

 24   M. Nice (interprétation): Je suis sûr que nous pourrons revenir à ceci.

 25   M. le Président (interprétation): Je suis sûr que nous allons avoir une


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  1   requête relative à cette liste, conformément à ce qu'a dit la Chambre

  2   d'appel.

  3   M. Nice (interprétation): Oui, mais je pense que des témoins de la défense

  4   ont déjà parlé de ceci de façon séparée. Je poursuis néanmoins. Votre

  5   beau-père a été arrêté parce qu'il était musulman, n'est-ce pas?

  6   Réponse:    Il a été emmené prétendument pour des raisons de sa propre

  7   sécurité.

  8   Question:   Vous le dites maintenant aux juges, mais auparavant, on vous a

  9   demandé si une raison avait été avancée et vous avez dit qu'aucune raison

 10   n'avait été avancée, alors quelle est la vérité dans tout cela?

 11   Réponse:    Non, la vérité c'est qu'on l'a emmené tout simplement pour sa

 12   propre sécurité et je pense en fin de compte que pendant ces dix jours qui

 13   ont suivi, il était beaucoup plus sûr là où il était que chez lui où il

 14   n'y avait ni moi ni personne d'autre au temps où rien que des choses

 15   fâcheuses et très vilaines arrivaient à Vitez. Il y avait au moins une

 16   centaine de raisons pour lesquelles certains pourraient survenir et faire

 17   quelque chose, et je crois que c'était beaucoup plus intelligent pour lui

 18   de passer ces quelques journées là où il a été emmené.

 19   Question:   Mais est-ce qu'en réalité, d'après ce que vous nous dites, les

 20   Musulmans effectivement couraient le risque d'être attaqués, voire tués

 21   par les Croates? C'est bien ce que vous nous dites?

 22   Réponse:    Les gens se voyaient exposés au risque d'être attaqués par des

 23   criminels, volés, pillés et tués définitivement parce que si, par exemple,

 24   vous n'étiez pas en mesure de prouver que vous ne déteniez pas 10 ou 15

 25   000 marks alors qu'on supposait que vous les aviez chez vous ou sur vous,


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  1   alors là vous étiez cuit. Or, regardez la situation de mon beau-père. Moi

  2   je ne suis pas à la maison, personne d'autre, alors comment le voyez-vous

  3   protégé contre des criminels, des gens en proie à la désolation parce que

  4   personnes déplacées, réfugiées qui sont à la recherche d'un abri, qui sont

  5   expulsées, bannies, qui auraient perdu quelqu'un des leurs et qui peut-

  6   être auraient eu l'idée de se venger d'une manière ou d'une autre? Par

  7   conséquent, selon ma profonde conviction, il était en difficulté.

  8   Question:   Je dois vous interrompre, Monsieur. A quel moment de la

  9   journée du 16 votre beau-père a-t-il été arrêté?

 10   Réponse:    Je ne sais pas, je n'étais pas présent lorsqu'il a été emmené.

 11   D'ailleurs, il n'a pas été emmené le 16. Peut-être le 17 ou le 18. En tout

 12   cas, moi je n'étais pas in situ.

 13   Question:   Mais votre beau-père avait la parfaite maîtrise de ses

 14   facultés, il n'avait pas besoin d'être protégé comme un enfant doit

 15   l'être. Il a simplement été arrêté, n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Tout simplement, on lui a demandé de venir se présenter,

 17   probablement parce qu'on le respectait comme étant une personne âgée. Il

 18   n'a pas été arrêté, on l'a prié tout simplement de venir de concert avec

 19   son frère au bâtiment de Sumarija.

 20   Question:   Je vais arriver directement à la fin de votre déposition, je

 21   n'ai plus beaucoup de questions à vous poser. Vous dites être revenu et

 22   qu'un garde a été affecté à votre maison. Comment s'appelait-il, celui qui

 23   avait reçu l'ordre de faire ce travail de Cerkez?

 24   Réponse:    Je crois qu'il était Ilija de prénom. Je ne me souviens pas de

 25   son nom de famille. Il n'était pas de notre région. Je crois qu'il était


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  1   de Dobratici ou de Kotor Varos ou... je ne sais pas.

  2   Question:   Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce que vous

  3   dites, des activités de Cerkez vous concernant, mais au cours du printemps

  4   ou de l'été 1993, pourquoi est-ce que vous aviez besoin de voir votre

  5   maison protégée?

  6   Réponse:    J'ai expliqué tout à l'heure que la ville était en désordre,

  7   la ville était pleine de criminels, de personnes armées, de voyous de tout

  8   ordre...

  9   Question:   Je vous interromps...

 10   Réponse:    ... Qui pouvaient venir chez vous.

 11   Question:   J'insiste sur le fait qu'il fallait un garde pour votre maison

 12   plutôt que la nécessité de protéger la maison des voisins croates.

 13   Réponse:    Parce qu'à ce moment-là, les Musulmans étaient minoritaires à

 14   Vitez, et c'était logique d'ailleurs.

 15   Question:   Donc vous avez été ciblé, attaqué, persécuté par des Croates,

 16   ou plutôt ils étaient ciblés, attaqués et persécutés par des Croates,

 17   n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Pas ma famille ou moi-même.

 19   Question:   Comment s'appelle votre femme?

 20   Réponse:    Amra.

 21   Question:   Vous avez cité son nom précédemment, mais je pense que vous

 22   avez donné son nom complet. Quel est son nom complet?

 23   Réponse:    Amra Markovic de nom marital, c'est mon nom de famille.

 24   Monsieur Mikulicic a dit Amra Tuco, c'est-à-dire que c'est son nom de

 25   famille de jeune fille.


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  1   Question:   Est-ce qu'au cours de ce conflit, on l'a connue sous ce nom-

  2   là, votre femme?

  3   Réponse:    Je ne comprends pas la question.

  4   Question:   Est-ce qu'on la connaissait sous son nom musulman au cours de

  5   ces troubles malheureux? Vous avez besoin d'y réfléchir?

  6   Réponse:    Voyez-vous, elle est donc mariée, Markovic, probablement

  7   d'aucuns pourraient interpréter ceci comme cela lui correspondait le

  8   mieux, mais enfin, je ne pense pas que ce soit substantiel.

  9   Question:   Vous connaissez la famille Tuco. Vous avez parlé de la taille

 10   de cette famille. Est-ce que votre femme était la seule répondant au nom

 11   de Amra Tuco?

 12   Réponse:    Non.

 13   Question:   Combien d'autres y en avait-il?

 14   Réponse:    Il y avait une autre Amra Tuco, c'est une femme qui était

 15   mariée à son cousin, au cousin de ma femme. Avant, elle n'était pas Tuco,

 16   mais son nom de famille de jeune fille était Patkovic. Et puis après, elle

 17   a épousé un de ses cousins, cousins de ma femme.

 18   Question:   Bien. Je voudrais d'autres noms concernant votre famille. Est-

 19   ce que vous connaissez un certain Fehim Tuco, Terudzin Tuco, Refik Tuco et

 20   Rabija Tuco?

 21   Réponse:    Non, non, non. Il s'agit de deux familles qui n'ont aucun lien

 22   de parenté. Pour ce qui est de tous ces noms que vous venez de mentionner,

 23   il s'agit d'une autre famille qui n'a rien à voir, aucune parenté, enfin

 24   proche, de celle-là dont nous parlons.

 25   Question:   Quoi qu'il en soit, l'autre Amra que vous connaissez, elle


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  1   existe. Est-ce que vous connaissez Mirjana ou Fatima?

  2   Réponse:    Vous voulez dire Tuco?

  3   Question:   Oui.

  4   Réponse:    Non.

  5   Question:   Examinons cependant ce document qui porte la cote 1295.4. Vous

  6   dites que puisque vous aviez le bénéfice de cette garde montée par ce

  7   soldat devant votre porte, vous êtes resté à Vitez pendant tous les

  8   combats.

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Serait-il exact de dire qu'au mois de novembre 1993, la

 11   position minoritaire qui était celle des Musulmans à Vitez s'est traduite

 12   par la persécution de ces Musulmans, y compris des membres de votre

 13   famille ainsi que de l'autre Amra Tuco? Est-ce exact?

 14   Réponse:    Je ne pourrai pas vraiment répondre à cette question parce que

 15   je n'ai pas suffisamment d'informations; non plus que je n'ai aucun

 16   contact avec cette partie de la famille, non plus qu'avec la famille de

 17   l'autre Tuco.

 18   Question:   Certes, mais vous vous trouviez sur les lieux pendant la

 19   guerre. Vous comparaissez aujourd'hui pour relater diverses choses,

 20   notamment la façon dont on s'est bien occupé de vous en 1993. Veuillez

 21   examiner le document. Vous avez l'original et la version en anglais est

 22   placée sur le rétroprojecteur. Je ne veux pas laisser entendre que vous

 23   avez déjà vu ce document, comprenez-moi bien. Je veux simplement votre

 24   aide sur son contenu.

 25   Uniquement pour préciser, je dirai que c'est un document du 10 novembre


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  1   1993, émanant de la brigade de Vitez. Je ne vais pas vous importuner sur

  2   l'origine, même si ceci visait quelqu'un des renseignements et de la

  3   sécurité. En haut du passage, voici ce qui est dit, je lis lentement les

  4   huit ou dix lignes qui suivent: "D'après des renseignements obtenus ainsi

  5   que des données rassemblées au cours d'entretiens avec plusieurs civils de

  6   la municipalité de Vitez, il apparaît qu'il y a eu récemment des évictions

  7   massives et non contrôlées de Musulmans qui, au cours des premiers jours

  8   de la guerre, ont exprimé le souhait de rester dans la municipalité de

  9   Vitez à condition qu'ils demeurent des citoyens loyaux de cette zone. Mais

 10   ils ont fait l'objet d'évictions non contrôlées à large échelle". Puis on

 11   parle de la manière dont ces gens ont perdu leurs biens.

 12   En anglais, passons très rapidement à la deuxième page. Vous, dans votre

 13   version, vous allez examiner le bas de la première page. Ce document nomme

 14   ceux qui ont participé de façon active à l'éviction de ces familles

 15   musulmanes. Il y a quatre noms: Anto Zepackic. Vous le connaissez?

 16   Réponse:    Non.

 17   Question:   Josip et Zoran Kristc.

 18   Réponse:    Non plus.

 19   Question:   Zeljko Martinovic.

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Passons à la troisième page de la version anglaise. Ayez

 22   l'obligeance pour vous de passer à la dernière page ou plus exactement au

 23   bas de la deuxième page. Là, vous verrez une liste de personnes musulmanes

 24   évincées, chassées de leur domicile. Il y a des noms qui ne vous

 25   concernent pas, mais est-ce que vous connaissez des Djulabic? Vous


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  1   connaissez quelqu'un de la famille Djulabic?

  2   Réponse:    Non.

  3   Question:   Passons à la troisième page de votre version. Nous restons sur

  4   notre page 3 en anglais. Puis l'on voit une liste où figurent d'autres

  5   noms. Il y a d'abord l'autre famille Tuco: Fehim, Ferudzin, Refik et

  6   Rabija. Et puis au 7, on voit Amra, Mirjana Tuco ainsi que Fatima Tuco.

  7   C'est donc votre famille ici. Est-ce que vous vous souvenez du fait que

  8   (...).

  9   Réponse:    Non. Personne de ces gens-là dont les noms figurent sur la

 10   liste n'a à voir avec ma famille la plus proche. Ni Amra ni Mirjana ni

 11   Fatima, non plus que Mahmud, (...inaudible), etc. C'est une autre partie

 12   de la famille qui définitivement n'est pas située dans la localité qui est

 13   la nôtre et qui est tout à fait de l'autre côté de Vitez. Il s'agit de

 14   deux familles tout à fait séparées. Cette partie de la famille n'a rien à

 15   voir.

 16   Question:   La question de savoir s'il y a un lien entre ces deux parties

 17   ne m'intéresse pas mais vous avez dit aux Juges que vous connaissiez Amra.

 18   Réponse:    Amra, c'est bien comme cela que s'appelle ma femme, mais ce

 19   n'est pas la seule Amra Tuco à Vitez, elle est maintenant Amra Markovic,

 20   elle n'est pas la seule Amra Tuco, vous comprenez? Il est une autre Amra.

 21   Ce n'est pas ma femme, celle là.

 22   Question:   Vous vous souvenez que je vous ai posé des questions à propos

 23   d'Amra et de l'autre Amra avec beaucoup de soin et vous nous avez dit ce

 24   que vous saviez à son propos.

 25   Examinez maintenant la dernière partie du document, il s'agira de la page


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  1   4 en anglais. Il y a d'autres noms. A partir du numéro 19, on commence à

  2   avoir la famille Ugarak, puis 22, 23, 24, 25, nous avons cinq autres

  3   membres de la famille: Minka, Medzad, Sultanija et Amir. Vous les

  4   connaissez?

  5   Réponse:    Non. Non, non et non. Je ne connais personne de ces gens-là

  6   dont les noms figurent. Non puisque je connaissais Amra Tuco. Ce n'est pas

  7   l'Amra Tuco dont je vous ai parlé tout à l'heure, c'est une troisième Amra

  8   Tuco dont j'ai parlé tout à l'heure.

  9   M. le Président (interprétation): Un instant, un instant, Monsieur

 10   Markovic! Calmons-nous.

 11   M. Nice (interprétation): Je vous ai demandé combien d'Amra il y avait, et

 12   vous avez dit qu'il y avait votre femme qui maintenant porte un autre nom,

 13   le vôtre, puis il y a Amra Tuco. Alors comment savez-vous que celle-ci

 14   n'est pas celle dont nous parlons? Comment le savez-vous?

 15   Réponse:    Puisqu'elle est liée à cette famille-là, elle est liée à la

 16   famille Tuco qui n'a rien à voir avec nous. Il y a peut-être encore une

 17   autre Amra Tuco, une troisième, une quatrième. Je ne vois aucune raison à

 18   cela. Là, pour la première fois, je vois qu'en effet il y en a trois, des

 19   Amra Tuco. C'est un prénom qui était commun, très usuel et il n'est pas du

 20   tout extraordinaire d'en voir plusieurs qui portent le même nom et le même

 21   prénom. Et pour la première fois, je vois qu'il y en avait encore une dans

 22   cette partie de Vitez, mais mon beau-père ou quelqu'un d'autre de la

 23   famille pourrait certainement vous en dire beaucoup plus.

 24   M. le Président (interprétation): Vous étiez donc là et vous y viviez et

 25   vous saviez qu'il y avait d'autres Musulmans qui portaient ce nom et puis


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  1   peut-être d'autres Musulmans en général qui étaient évincés, expulsés en

  2   août 1993, vous le saviez. En masse.

  3   Réponse:    Il n'y a pas eu d'expulsions en masse. Si quelqu'un était

  4   parti de Vitez ou pas, c'était sa propre affaire, mais je n'ai pas eu le

  5   temps de m'en occuper, je n'y pensais pas, je ne m'occupais pas de ce que

  6   faisaient les autres, j'avais tellement de choses à faire. Il fallait que

  7   je me préoccupe de beaucoup de choses d'un côté dans ma maison, dans ma

  8   famille et à la maternité, et cette partie de la famille ne se trouve pas,

  9   d'un point de vue géographique, près de chez nous, mais ils ne sont pas

 10   liés non plus à la famille de mon beau-père.

 11   Question:   Il me reste encore deux questions auxquelles je voudrais

 12   toucher. Monsieur Markovic, êtes-vous en train de nous dire que vous étiez

 13   tout le temps dans votre maison et que vous étiez tellement préoccupé par

 14   ce qui se passait dans votre maison que vous n'avez pas pu vous soucier de

 15   ce qui était en train de se passer dans la ville? Est-ce bien cela que

 16   vous nous dites?

 17   Réponse:    Je ne peux pas vous en dire plus, je ne peux pas vous aider en

 18   la matière.

 19   Question:   Vous vous appelez Branko, mais en fait c'est Branislav?

 20   Réponse:    Non, ce n'est pas Brasnilav. Je m'appelle Branko Markovic,

 21   Branislav est quelqu'un d'autre. Vous voyez, c'est la même chose ici, le

 22   nom et le prénom qui...

 23   Question:   Et c'est qui Branislav, alors? Que savez-vous sur lui?

 24   Réponse:    Je ne sais pas.

 25   Question:   Et c'est quoi le nom? Branko, est-ce que c'est typiquement un


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  1   prénom abrégé de Branislav?

  2   Réponse:    Non, Branko c'est un prénom, Branislav en est un autre. Brano,

  3   c'est encore un troisième prénom.

  4   Question:   Votre père s'appelait Nikola Markovic. Etait-ce le seul Nikola

  5   Markovic à Vitez, s'il vous plaît?

  6   Réponse:    Je ne sais pas. Cela se peut que ce n'était pas le seul.

  7   Question:   Est-ce que vous vous êtes jamais trouvé sur une liste de ceux

  8   qui travaillaient pour le HVO?

  9   Réponse:    Non.

 10   Question:   Il semble que vous n'aviez occupé aucun poste depuis votre

 11   retour de la ligne de front et que vous vous occupiez juste dans votre

 12   maison. Est-ce bien cela la réalité ou est-ce que vous travailliez en

 13   réalité pour le HVO?

 14   Réponse:    Non, je n'ai pas été employé auprès du HVO et nous avons déjà

 15   entendu parler du reste.

 16   Question:   Votre belle-mère était-elle bien la seule sage-femme

 17   travaillant à Vitez à l'époque?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Donc malgré le fait qu'elle soit musulmane, il y avait intérêt

 20   à la garder là-bas dans l'intérêt de tout le monde et en particulier des

 21   Croates?

 22   Réponse:    C'est bien vous qui arrivez à cette conclusion-là.

 23   Question:   Si ce que vous nous dites est vrai, donc c'est pour cela que

 24   vous venez ici, pour nous présenter une optique positive des événements en

 25   1992 et 1993, d'après la position dans laquelle vous étiez.


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  1   Réponse:    Je ne pense pas que cela corresponde à la vérité.

  2   (Questions supplémentaires de Me Mikulicic au témoin Markovic.)

  3   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Markovic, on a mentionné le nom de

  4   votre épouse. Je sais que pour vous, cela vous paraît peut-être

  5   complètement sans importance, votre conversation, mais croyez-moi, il y a

  6   des détails qui sont importants pour le Tribunal. Le prénom de votre

  7   épouse est bien Amra?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Dites-moi, monsieur Markovic, ce prénom caractérise quelle

 10   ethnicité?

 11   Réponse:    Le groupe ethnique musulman.

 12   Question:   Connaissez-vous ou avez-vous jamais entendu parler d'une femme

 13   croate qui porterait le prénom d'Amra?

 14   Réponse:    Non.

 15   Question:   Sous la cote 1296.4, il y a un document, Monsieur Markovic,

 16   que vous avez devant vos yeux, qui représente le rapport de la Brigade de

 17   Vitez, la partie sécurité et renseignements, qui date du 10 novembre 1993

 18   et qui concerne l'expulsion des Musulmans de Vitez. Vous nous avez dit que

 19   vous n'avez jamais auparavant vu ce document.

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Ma question sera la suivante: pourriez-vous faire des

 22   commentaires sur quelques-uns des paragraphes qui figurent ici et est-ce

 23   que cela correspond bien avec vos souvenirs? A la première page du

 24   document, on dit que c'étaient des individus qui expulsaient les

 25   Musulmans, les individus qui mettaient leurs propres intérêts au-dessus


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  1   des intérêts de la société et qui, de cette manière-là, ont pu s'emparer

  2   de logements, de voitures et d'autres biens. Est-ce bien là une

  3   description correcte?

  4   Réponse:    Je pense bien que oui.

  5   Question:   Avez-vous des connaissances sur les unités du HVO auxquelles

  6   appartenaient les individus qui, de leur propre initiative, faisaient ces

  7   expulsions?

  8   Réponse:    Non.

  9   Question:   Je m'arrêterai là, mais à la deuxième page du même document,

 10   on dit: "Cela indique que certains individus se comportaient de manière

 11   inadmissible d'un côté, et de l'autre côté que les intérêts de ces

 12   individus représentaient des actes volontaires faits par ces personnes et

 13   que ceci est inadmissible". Etes-vous d'accord avec cette affirmation?

 14   Réponse:    Oui, absolument.

 15   Question:   Est-ce que cela correspond aux souvenirs que vous avez de la

 16   période?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Je n'ai plus de questions pour vous, Monsieur Markovic.

 19   M. le Président (interprétation): Ainsi s'achève votre déposition devant

 20   ce Tribunal, Monsieur Markovic. Je vous remercie d'être venu, vous pouvez

 21   maintenant disposer.

 22   (Le témoin quitte le prétoire.)

 23   M. Kovacic (interprétation): Notre prochain témoin est M. Josip Silic qui,

 24   semble-t-il, attend pour venir.

 25   (Monsieur Josip Silic est introduit dans le prétoire.)


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  1   M. le Président (interprétation): Je prie le témoin de lire la déclaration

  2   solennelle.

  3   M. Silic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

  6   (Interrogatoire principal du témoin Josip Silic par Me Kovacic.)

  7   M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Silic.

  8   M. Silic (interprétation): Bonjour.

  9   Question:   Merci d'être venu déposer. Pourriez-vous nous dire votre nom,

 10   votre prénom et vos date et lieu de naissance?

 11   Réponse:    Je m'appelle Josip Silic, je suis né le 17 avril 1945 à Vitez

 12   et j'habite rue Kulina Bana à Vitez.

 13   Question:   Avant la guerre, Monsieur Silic, vous avez aussi vécu et

 14   travaillé à Vitez, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Oui, c'est exact.

 16   Question:   Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, les différentes

 17   fonctions que vous occupiez à ce moment? Quelles sont les plus

 18   importantes?

 19   Réponse:    Après la fin de la guerre, j'ai été officier de liaison auprès

 20   de M. Krasimir Zupac et j'étais le premier des ministres dans notre canton

 21   pour le développement et le renouveau. Après, j'ai travaillé auprès du

 22   président du canton et depuis un an, je suis conseiller du président du

 23   Parlement de la Bosnie-Herzégovine et maintenant je suis à la tête de la

 24   municipalité de Vitez.

 25   Question:   Toutes ces fonctions que vous avez mentionnées et que vous


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  1   avez occupées depuis la guerre, tout cela, ce sont des fonctions que vous

  2   avez eues dans les gouvernements communs des Croates et des Musulmans,

  3   n'est-ce pas?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Monsieur Silic, est-il exact qu'au moment où on se

  6   répartissait, les Croates et les Musulmans, que le premier critère était

  7   qu'aucune fonction ne pouvait être occupée par celles et ceux qui pendant

  8   la guerre étaient compromis par rapport à leurs opinions?

  9   Réponse:    Exactement. La Bosnie est maintenant créée sur une base de

 10   parité, donc dans les autorités du canton, on était la moitié d'entre

 11   nous, c'était des Croates et l'autre moitié des Musulmans.

 12   Question:   Je vous remercie. Passons maintenant au sujet propre de votre

 13   déposition. Revenons-en aux événements au début de 1992. Pourriez-vous

 14   nous confirmer certains arguments que nous avons déjà entendus ici, mais

 15   je ne sais pas s'ils ont bien été clarifiés. Quelle était l'évaluation

 16   générale chez les hommes politiques en Bosnie-Herzégovine au début de

 17   1992? Il s'agissait d'une époque où il y avait déjà eu l'agression tout

 18   d'abord envers la Slovénie, par la suite envers la Croatie. Les hommes

 19   politiques en Bosnie, quelle était leur opinion sur ce conflit et sur les

 20   activités de l'ex-JNA dans les anciennes républiques?

 21   Réponse:    Je peux vous le dire pour l'endroit, pour la région d'où je

 22   viens. Tous les hommes politiques en vue suivaient les événements en

 23   Slovénie et en Croatie et ils craignaient que cela n'arrive en Bosnie

 24   centrale et en Bosnie-Herzégovine en général, mais ce que je viens de dire

 25   relève en particulier des opinions des Croates en Bosnie. Quant aux


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  1   Musulmans de Bosnie, leurs hommes politiques, d'après ce que j'ai pu

  2   comprendre en regardant la télévision et en écoutant la radio, eh bien les

  3   politiciens musulmans pensaient que cela n'arriverait pas en Bosnie-

  4   Herzégovine et c'est comme cela qu'ils le voyaient en 1992.

  5   Question:   Est-ce que vous, personnellement, vous y trouvez une logique?

  6   Est-ce ce que vous avez une explication? Pourquoi le SDA croyait-il qu'il

  7   n'y aurait pas d'agression sur la Bosnie-Herzégovine?

  8   Réponse:    Je ne peux pas vous dire pourquoi, mais ils le croyaient

  9   sincèrement. Ils le pensaient probablement parce qu'il y avait leurs

 10   compatriotes, au Sanjak par exemple, et une partie de leurs hommes

 11   politiques se trouvaient toujours à Belgrade. Je pense que c'est pour cela

 12   qu'ils croyaient qu'il n'y aurait pas d'agression de la JNA envers la

 13   Bosnie-Herzégovine.

 14   Question:   Monsieur Silic, cette différence que l'on peut noter entre

 15   l'opinion des hommes politiques et des intellectuels croates et les hommes

 16   politiques et les intellectuels musulmans, eh bien cette différence se

 17   reflétait-elle sur leur attitude envers une guerre éventuelle, dans le

 18   sens d'une préparation pour la guerre?

 19   Réponse:    Cela était réellement évident. Les Croates croyaient qu'il y

 20   aurait une agression et essayaient de s'y préparer. Ils préparaient la

 21   nourriture et même les armements, en essayant de pouvoir réagir dans une

 22   telle situation.

 23   Question:   En 1991, les élections démocratiques ont eu lieu à Vitez?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Quels étaient les résultats des élections? Quels partis ont


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  1   remporté les élections?

  2   Réponse:    A Vitez même, ce sont le SDA et le HDZ qui ont remporté les

  3   élections, les deux partis nationaux. Je ne faisais pas partie du HDZ,

  4   j'étais représentant de la ligue socialiste et je figurais sur la liste de

  5   la ligue socialiste. J'ai eu un mandat pour l'assemblée municipale de

  6   Vitez. Les élections ont été remportées par les deux partis nationaux, à

  7   savoir le SDA et le HDZ.

  8   Question:   Et le SDP a-t-il remporté quelque voix?

  9   Réponse:    Il y a eu d'autres élections avec le SDP et les ex-

 10   communistes. Il y a eu des Serbes aussi, il y a eu quelques autres partis

 11   nationaux aussi qui ont participé aux élections.

 12   Question:   Cela veut dire que la majorité des voix à l'assemblée étaient

 13   partagées entre le SDA et le HDZ?

 14   Réponse:    Oui, ils participaient ensemble à beaucoup de manifestations

 15   préélectorales. Ils partageaient en grande partie leur programme. Donc il

 16   y a eu d'autres partis, mais ce sont eux qui ont remporté les élections en

 17   1991.

 18   Question:   Et après les élections, est-ce que ces deux partis ont formé

 19   ensemble toutes les instances du pouvoir? Est-ce qu'ils avaient nommé

 20   leurs représentants aux postes clés dans la municipalité, avec un accord

 21   entre eux?

 22   Réponse:    Oui, oui, ils ont certainement nommé les fonctionnaires à

 23   différents postes au sein des autorités locales.

 24   Question:   Quel était votre travail, à l'époque?

 25   Réponse:    J'étais directeur d'une entreprise qui s'occupait des


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  1   activités communales et qui s'appelle "Vitkom".

  2   Question:   Est-ce que vous le faisiez même avant?

  3   Réponse:    Oui, c'était mon deuxième mandat là-bas. J'ai travaillé un

  4   moment dans une autre entreprise, entre-temps, puis je suis revenu au même

  5   poste.

  6   Question:   Il faudrait peut-être expliquer, pour le Tribunal. Il

  7   s'agissait là d'une entreprise qui avait une activité communale, comme on

  8   l'appelait autrefois. Qu'est-ce que cela veut dire?

  9   Réponse:    Cela veut dire que cela appartenait à la municipalité. C'est

 10   une entreprise qui a des intérêt publics, c'est-à-dire la distribution de

 11   l'eau; on s'occupait aussi de tout ce qui était collecte des déchets. Nous

 12   avions aussi une partie qui s'occupait du bâtiment et du transport. Comme

 13   cela, nous pouvions aussi faire quelques bénéfices parce que nous ne

 14   pouvions pas en faire avec la distribution de l'eau.

 15   Question:   Qui nomme le directeur?

 16   Réponse:    Etant donné que cette entreprise relevait de la municipalité,

 17   c'était la municipalité qui nommait le directeur et qui, une fois le

 18   concours pour un poste terminé, donnait son aval pour le choix de la

 19   personne.

 20   Question:   Après ces élections, vous êtes toujours resté directeur de

 21   cette entreprise?

 22   Réponse:    Etant donné que j'avais de nombreuses années d'expérience, que

 23   les ouvriers souhaitaient que j'y reste et que j'ai eu aussi un mandat à

 24   l'assemblée municipale, les partis nationaux n'ont rien dit et je suis

 25   resté au même poste.


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  1   Question:   Au moment où des problèmes plus importants sont apparus,

  2   qu'est-il arrivé quant au fonctionnement des autorités municipales,

  3   surtout le parti exécutif?

  4   Réponse:    D'un jour à l'autre, la situation devenait de plus en plus

  5   compliquée. Cela ne pouvait pas fonctionner de la même manière que cela

  6   avait été conçu juste après les élections. On avait pensé établir une

  7   institution qui pourrait s'occuper de différents aspects de la vie de la

  8   municipalité de Vitez, c'est comme cela qu'a été créée la cellule de crise

  9   de la municipalité de Vitez avec les représentants de certains partis

 10   politiques ainsi que des personnes qui pouvaient aider, par leur

 11   professionnalisme. C'est à ce titre-là que j'en suis devenu membre.

 12   Question:   Au moment où la cellule de crise a été fondée, est-ce qu'à ce

 13   moment-là, dans votre opinion, les autorités centrales à Sarajevo

 14   fonctionnaient?

 15   Réponse:    Non. Le pouvoir central à Sarajevo était quasiment inexistant.

 16   Je crois qu'à l'époque, les municipalités étaient laissées à elles-mêmes

 17   car cette cellule de crises dont j'étais membre souhaitait se lier à

 18   d'autres cellules de crise dans les municipalités voisines telles que

 19   Travnik, Busovaca et ainsi de suite, mais cela était difficile. On sentait

 20   très bien que les instances de l'autorité fonctionnaient mal.

 21   Question:   Vous pourriez peut-être nous donner quelques exemples? Je vous

 22   poserai quelques questions et vous me direz si c'est vrai ou faux. Est-ce

 23   que les retraites ont cessé d'être payées?

 24   Réponse:    Personnellement, je travaillais mais je crois que de toute

 25   façon, il y a eu peu d'argent qui arrivait, à l'époque. J'avais mon


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  1   salaire surtout parce que nous travaillions pas mal avec la Forpronu déjà

  2   présente sur le territoire; cela expliquait une partie de nos bénéfices et

  3   comme cela, nous pouvions nous financer. Mais sinon, l'argent n'arrivait

  4   presque pas.

  5   Question:   Vers le milieu de 1992, est-ce que l'on commence déjà à avoir

  6   des problèmes d'approvisionnement en électricité?

  7   Réponse:    Presque tous les jours, il y avait des coupures d'électricité.

  8   Il y a probablement eu des diversions aussi sur tout ce qui concernait la

  9   transmission de l'électricité, donc les communications étaient mauvaises

 10   en général. Vous savez très bien qu'à l'époque, nous n'avions pas de liens

 11   de communication, ni envers la Dalmatie ni vers l'Herzégovine, parce que

 12   l'armée avait déjà bloqué une certaine route.

 13   Question:   Est-ce que Sarajevo était déjà encerclée par la JNA?

 14   Réponse:    Oui. D'après les renseignements que nous pouvions avoir,

 15   Sarajevo était déjà sous le blocus.

 16   Question:   Etant donné vous ne faisiez pas partie des dirigeants de la

 17   municipalité -vous ne faisiez partie que de la cellule de crise-, êtes-

 18   vous en mesure de savoir si la cellule de crise a été créée selon les lois

 19   en vigueur?

 20   Réponse:    Personnellement, il m'est difficile de le dire. Mais à

 21   l'époque, on ne regardait pas les règlements. Cela a été créé pour pouvoir

 22   établir des conditions de vie dans la région, donc toutes ces cellules de

 23   crise ont joué un rôle important. Au moins, on pourrait le dire pour la

 24   municipalité de Vitez. Je ne le dis pas parce que j'en étais membre, mais

 25   tous les jours nous travaillions et nous pouvions donner de l'espoir aux


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  1   personnes qui vivaient sur le territoire de la municipalité.

  2   Question:   Dans la cellule de crise, vous nous avez dit que

  3   l'appartenance à un parti politique reflétait la population. Est-ce que

  4   donc la populations, la situation dans l'assemblée reflétait la population

  5   de la municipalité?

  6   Réponse:    A mon avis, les personnes qui faisaient partie de la cellule

  7   de crise étaient des personnes en vue dans la municipalité. C'étaient des

  8   gens qui appartenaient aux partis politiques, mais je dois dire que la

  9   cellule de crise reflétait bien la structure nationale dans la

 10   municipalité, disons moitié moitié. Cela ne veut pas dire que tous ceux

 11   qui devaient y être y étaient, mais c'était le but.

 12   Question:   Est-ce que, dans la cellule de crise, il y avait des

 13   représentants des composantes armées, en particulier de la Défense

 14   territoriale?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Et du HVO?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Est-ce que, à l'époque, le Président de la présidence de

 19   Bosnie-Herzégovine a déclaré l'existence du danger de guerre imminent?

 20   Réponse:    Je ne m'en souviens pas, surtout à cause de ce que je viens de

 21   dire car dans la municipalité de Vitez, nous manquions souvent de

 22   renseignements. Donc je n'ai jamais eu vent d'une telle information.

 23   M. Kovacic (interprétation): Quelque part...

 24   M. le Président (interprétation): Monsieur Kovacic, il est maintenant 13

 25   heures. Vous en êtes à quel paragraphe, maintenant, s'il vous plaît?


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  1   M. Kovacic (interprétation): Je voulais juste poser deux ou trois

  2   questions sur le point 2.4.

  3   M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on pourrait le faire

  4   rapidement?

  5   M. Kovacic (interprétation): Oui.

  6   M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons maintenant lever

  7   la séance.

  8   Monsieur Silic, je vous prie de ne pas parler avec qui que ce soit,

  9   pendant cette pause, de votre déposition. Cela inclut les représentants du

 10   conseil de la défense.

 11   Nous allons nous retrouver ici à 14 heures 30.

 12   Nous levons donc la séance jusqu'à 14 heures 30.

 13   (L'audience, suspendue à 13 heures 02, est reprise à 14 heures 35.)

 14   M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder, Maître Kovacic.

 15   M. Kovacic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 16   Monsieur Silic, lorsque vous étiez déjà dans cette cellule de crise qui a

 17   été convoquée et réunie, pour parler de l'ordre de grandeur et de

 18   fréquence, à quel moment cette cellule se réunissait-elle?

 19   M. Silic (interprétation): Tous les 10 jours. Et au rythme auquel la

 20   situation devenait compliquée pour se transformer en crise, cette cellule

 21   pouvait peut-être siéger une ou deux fois par jour. Tout dépendait

 22   évidemment de la situation.

 23   Question:   Est-il vrai que cette cellule de crise avait pour ainsi dire

 24   endossé toutes les fonctions de base de l'ancienne municipalité, c'est-à-

 25   dire de l'exécutif de la municipalité?


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  1   Réponse:    Oui. Cette cellule de crise devait donc remplir toutes ces

  2   fonctions en attendant l'établissement d'un nouveau pouvoir, parce que

  3   d'autres organes ne pouvaient évidemment certainement pas s'en occuper,

  4   lorsqu'il a fallu régler tel ou tel problème, prévenir telle ou telle

  5   situation et régler des problèmes de tous genres.

  6   Question:   Vous avez parlé de circonstances dans lesquelles cet organe a

  7   été organisé. Pouvez-vous peut-être citer une raison toute particulière

  8   pour laquelle vous avez pu être inquiet vous-même et y voir l'une des

  9   raisons pour lesquelles on devait organiser l'action de la cellule de

 10   crise où vous avez travaillé?

 11   Réponse:    Personnellement, je voulais faire quelque chose, travailler.

 12   Je me rendais à toutes les réunions de la cellule de crise parce que, tout

 13   simplement, je voulais sauvegarder la position qui était la mienne et

 14   surtout la paix dans la région qui est la nôtre. Définitivement, les

 15   tâches qui nous incombaient nous faisaient croire que la cellule marchait

 16   bien, qu'il y avait des conclusions utiles compte tenu de la situation qui

 17   régnait dans notre région, à cette époque-là.

 18   Question:   Monsieur Silic, dites-nous si quelquefois on avait traité de

 19   la situation ou d'un éventuel danger qui pesait sur l'usine SPS, étant

 20   donné la nature de la production de cette usine, c'est-à-dire des

 21   matériaux qui s'y trouvaient?

 22   Réponse:    A ces réunions, la cellule de crise convoquait également des

 23   gens qui n'étaient pas membres de cette cellule pour que celle-ci puisse

 24   être saisie des fabrications, des productions, des affaires qui étaient

 25   les leurs, toujours dans le sens de la sécurité. Ainsi, souvent et très


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  1   souvent, on discutait de l'usine Vitezit, laquelle usine, pendant un

  2   certain temps, produisait des produits à base de différents acides stockés

  3   en quantités énormes. Par exemple, il y avait plus de 100 tonnes d'acide

  4   sulfurique. Par conséquent, en cas de bombardement, il y avait une

  5   possibilité de voir se produire, dans la vallée de la Lasva, des

  6   catastrophes avec des conséquences insoupçonnées. Par conséquent, nous, au

  7   sein de cette cellule de crise, nous y avons réfléchi pour prévenir toutes

  8   ces catastrophes et permettre aux travailleurs et à tous ceux qui

  9   travaillent, évidemment, de gagner leur pain quotidien, et pour éviter les

 10   conséquences dont j'ai parlé.

 11   Question:   Est-ce là un des facteurs qui a, en quelque sorte, conditionné

 12   cette façon de travailler dans la cellule de crise?

 13   Réponse:    En ce temps-là, il n'y avait pas d'autres organes, d'autres

 14   autorités qui s'en occupaient peut-être de la manière la meilleure

 15   possible.

 16   Question:   En 1992, ce danger de guerre, cette guerre imminente n'était

 17   pas seulement d'ordre abstrait?

 18   Réponse:    Non, certainement pas.

 19   Question:   Y a-t-il eu, à la fin, tentative de pilonnage par des raids de

 20   l'aviation de la JNA?

 21   Réponse:    Oui. Personnellement, je me trouvais à Vitez, chez moi, ma

 22   maison étant au centre ville. J'ai vu des avions qui se sont attaqués à

 23   détruire ces stocks entre autres non seulement d'acides, mais de

 24   carburants aussi. D'ailleurs, peut-être que je n'en avais aucune

 25   connaissance, mais il y a eu de tels raids et une éventuelle attaque


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  1   contre d'autres cibles dans la ville.

  2   Question:   Je vous remercie. Vous avez parlé de la situation où la

  3   cellule de crises s'occupe de plus en plus de questions très différentes

  4   et spécifiques. Vous pouvez peut-être nous en donner une illustration?

  5   Pour quelle raison devrait-on dire que la cellule s'occupait peut-être des

  6   affaires qui n'étaient pas de son domaine, de sa compétence?

  7   Réponse:    Pour parler de cette cellule de crise, j'ai dit qu'elle était

  8   composée de gens qui étaient des gens de bonne réputation, respectables en

  9   tant que professionnels, qui voulaient surtout préserver la paix. Entre

 10   autres, on se disait que la défense de Vitez devrait être organisée le

 11   mieux possible et à plusieurs reprises, on a dit que la Défense

 12   territoriale et le quartier général du HVO devaient être unis, fusionnés.

 13   Je l'avais demandé moi-même, à un moment donné, à une réunion, donnant

 14   proposition portant sur une fusion de ces deux éléments.

 15   On se mettait à la recherche de la façon dont il fallait désigner cette

 16   autorité nouvelle. D'aucuns disaient que ceci devait être évidemment de la

 17   compétence du HVO, d'autres prétendaient que c'était l'armée de Bosnie-

 18   Herzégovine qui devait s'en occuper. Or, pour ma part, j'avais proposé de

 19   faire quelque chose du milieu, disons. On devait appeler cela le conseil

 20   croate de défense. D'autres me demandaient, par exemple, ce que devraient

 21   faire, dans le même sens, les gens de Travnik ou de Zenica. C'est comme

 22   cela que nous avons abouti à cette conclusion que ceci devrait être,

 23   disons, un conseil musulman de défense.

 24   Plus tard, comme on entrait déjà dans la seconde moitié de l'année 1992,

 25   il y avait de moins en moins de réunions de la cellule de crise.


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  1   Question:   Excusez-moi. Je dois vous interrompre pour des raisons

  2   d'économie de temps. Puisque vous l'avez déjà mentionné alors que je

  3   voulais peut-être vous poser une question là-dessus dans le paragraphe

  4   4.2... Mais finissons-en avec ce thème-là.

  5   Vous avez dit que vous-même, à l'une de ces réunions, avez mis à l'ordre

  6   du jour l'organisation d'une entité qui devrait être intitulée "conseil

  7   musulman de défense". Cette idée trouvait-elle un sol fertile, ou cette

  8   idée était-elle dans l'air ou objet de vos débats?

  9   Réponse:    Il y avait pas mal de débats. Il y avait d'autres propositions

 10   faites, mais cette proposition a été retenue. Personne n'y voyait

 11   d'inconvénient, mais cette idée n'a pas été réalisée.

 12   Question:   Mais pour quelles raisons n'a-t-elle pas été réalisée?

 13   Réponse:    Je crois que le parti du SDA, certains de ses membres n'ont

 14   pas été en faveur de cette idée-là. Par conséquent, cette idée n'a jamais

 15   été ensuite objet de nos débats.

 16   Question:   Monsieur Silic, vous vous souvenez peut-être de l'attitude du

 17   HVO, peut-être de celle de Marijan Skopljak?

 18   Réponse:    Le quartier général du HVO a déjà adopté tout cela. Ils ont

 19   déjà préparé des échantillons de ce qui, ultérieurement, sera les insignes

 20   de l'armée du HVO. A l'une de ces réunions, évidemment, cette procédure a

 21   été retenue et adoptée.

 22   Question:   Est-ce que, dans ce sens-là, on avait déjà mentionné la

 23   désignation d'une première Brigade de Vitez?

 24   Réponse:    Non. A cette réunion-là, on n'en a pas parlé du tout. On a

 25   tout simplement dit qu'on devrait considérer cela comme un conseil croate


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  1   de défense.

  2   Question:   Plus tard, donc, on n'en a pas parlé?

  3   Réponse:    Non, on n'en a plus parlé du tout.

  4   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, tout cela était dans

  5   le cadre du paragraphe 4.2.

  6   Reprenons l'idée et les thèmes de cette cellule de crise. Vous souvenez-

  7   vous que plus tard, vers le mois de mai 1992, il y a eu une réunion

  8   extraordinaire où référence a été faite au meurtre d'un certain Samir

  9   Trako. Est-ce que vous vous en souvenez?

 10   Réponse:    Oui, je m'en souviens bien. Cette réunion a eu lieu vers les

 11   heures du soir. Nous étions tous convoqués à cette réunion, tous les

 12   membres de la cellule de crise. La réunion a eu lieu à la mairie. On nous

 13   a informé de cet incident où M. Trako a été tué à l'hôtel Vitez. Nous

 14   avons été succinctement informés. Des enquêtes, des investigations

 15   devaient être faites seulement par des organes compétents.

 16   Il a été dit que des situations de ce genre pourraient troubler davantage

 17   les esprits du côté des gens des deux nationalités. C'était pénible pour

 18   nous tous, mais c'est à cette occasion-là que des affectations ont été

 19   déterminées pour Cengic Akija (?) et Mario Cerkez. Eux, ils devraient se

 20   mettre à l'œuvre le plus tôt possible et dans les meilleurs délais

 21   possibles pour éclairer toutes les circonstances dans lesquelles s'était

 22   produit cet assassinat, en concertation avec le MUP, etc..

 23   Question:   Est-ce que Mario Cerkez était à cette réunion?

 24   Réponse:    Oui, ils étaient bien à la réunion.

 25   Question:   Est-ce qu'ils ont fait un rapport là-dessus, sur les


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  1   connaissances qu'ils ont eues?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Avez-vous entendu dire que les compétences du domaine de la

  4   police et un juge d'instruction s'en occupaient également, dans le domaine

  5   des compétences qui étaient les leurs?

  6   Réponse:    Oui, nous en avons été informés. Dans les journées qui ont

  7   suivi, nous devions évidemment recevoir pas mal de rapports là-dessus.

  8   Question:   Très bien, je vous remercie.

  9   Pour en finir avec cette partie de votre témoignage portant sur la cellule

 10   de crise, Monsieur Silic, à la fin, pouvez-vous dire que vous croyez,

 11   étant l'un de ceux qui y ont pris part, que cette institution, cette

 12   cellule de crise, même lorsque les gens ont évidemment fini toutes leurs

 13   fonctions, a pu contribuer d'une manière ou d'une autre à la préservation

 14   de la paix?

 15   Réponse:    D'après moi, ces gens-là qui ont travaillé dans la cellule de

 16   crises ont fait tout ce qu'ils ont pu pour préserver la paix, d'autant

 17   plus que la municipalité de Vitez se trouvait dans une situation tout à

 18   fait saine et solide par rapport à d'autres municipalités qui ont connu

 19   beaucoup plus d'incidents, de troubles. Vitez, en tant que ville, était

 20   dans la mesure du possible une ville de paix où les gens pouvaient se

 21   rencontrer dans des cafés, bistrots et restaurants. Je crois qu'en cette

 22   année 1992, la situation de notre municipalité a été nettement meilleure

 23   que celle qui régnait dans d'autres municipalités. Je crois, je veux

 24   croire et dire ici que c'est grâce à ce qu'ont fait ces gens-là, membres

 25   de la cellule de crise.


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  1   Question:   Est-il vrai que ces gens-là qui, formellement, étaient membres

  2   de la cellule de crise, avaient à leurs côtés des gens de bonne

  3   réputation, des citoyens, hommes de la ville, mais également médecins,

  4   politiciens, etc.?

  5   Réponse:    Oui, il y en avait, mais ils venaient à des réunions de la

  6   cellule de crise pour traiter de questions autres que celles de logistique

  7   ou d'approvisionnement, etc.. Mais disons que du domaine des deux camps,

  8   pour ainsi dire, des deux ethnies, Musulmans et Croates, il y a eu

  9   beaucoup de gens, intellectuels et citoyens éminents, qui ont grandement

 10   contribué à la préservation de la paix.

 11   Question:   Je vous remercie. Mais le fait est que, en cette date du 16

 12   avril, l'événement s'est produit. Est-ce que, dès le début de l'année

 13   1993, vous avez pu savoir, est-ce que vous avez pu estimer vous-même

 14   qu'une confrontation plus large et généralisée devait avoir lieu?

 15   Réponse:    A ce moment-là, au temps auquel vous vous référez, la cellule

 16   de crise ne fonctionnait plus. Quant à moi, je n'avais plus d'informations

 17   que d'aucuns auraient pu avoir. Je dois pouvoir dire ici que je ne croyais

 18   pas qu'un conflit allait se produire. Je voulais plutôt croire en la paix

 19   parce que ce conflit, définitivement, ne correspondait à personne.

 20   Vraiment, je croyais que le conflit ne devait pas avoir lieu.

 21   Question:   Où étiez-vous, le 15 avril 1993?

 22   Réponse:    Le 15 avril, au cours des heures matinales, vers 8 heures, je

 23   me préparais de concert avec mon chauffeur, Hussein Beso, à partir pour

 24   Split où je devais faire quelques achats. Il s'agissait de pièces de

 25   rechange pour des voitures et des camions. On voulait également acheter


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  1   quelques cadeaux pour ma fille parce que ceci est arrivé avant les jours

  2   de Pâques. On n'a pas pu y arriver parce qu'à Novi Travnik, les barrages

  3   étaient établis sur la route et on a rebroussé chemin.

  4   Question:   Vous avez mentionné le nom de Hussein Beso. Il est Musulman?

  5   Réponse:    Oui, on se fréquente encore. Il vit à Vitez, à Kruscica.

  6   Question:   Monsieur Silic, ces barrages établis sur la route, ils étaient

  7   contrôlés par qui? Par quelle partie?

  8   Réponse:    Les barrages se trouvaient sous le contrôle de l'armée de

  9   Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire des Musulmans.

 10   Question:   Est-ce qu'il y avait beaucoup de véhicules déjà sur le site

 11   même?

 12   Réponse:    Il y avait une dizaine de véhicules. On nous a dit tout

 13   simplement qu'il y avait un incident et que l'on ne pouvait pas passer.

 14   C'est comme cela qu'on est retournés. D'autant plus que ma fille devait se

 15   présenter à un examen et que moi, j'étais un peu pressé, j'ai voulu tout

 16   simplement m'acquitter de ces tâches aussi.

 17   M. le Président (interprétation): Pouvons-nous aller de l'avant, s'il vous

 18   plaît, pour essayer de résumer et d'abréger?

 19   M. Kovacic (interprétation): Une question supplémentaire, s'il vous plaît.

 20   Vous étiez directeur d'une firme avant que le conflit n'éclate. Alors,

 21   essayons de confirmer le fait que la composition ethnique des employés de

 22   votre entreprise correspondait à la situation ethnique de Vitez et des

 23   environs.

 24   Réponse:    Jamais on ne s'est occupé de faire autrement. Pour être

 25   employé dans la firme, il fallait se présenter à un concours, mais disons


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  1   qu'il y avait moitié moitié de Musulmans et de Croates. Il y avait

  2   quelques Serbes et des Roms. Les Roms étaient une main d'œuvre non

  3   qualifiée ou semi qualifiée. Par conséquent, elle était employée aussi.

  4   Question:   Et cela se présentait donc ainsi jusqu'en cette date du 16

  5   avril?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Dès le début du conflit, à en juger d'après les informations

  8   que vous avez pu recevoir, quelle était votre conclusion quant à la

  9   raison, la cause de ce conflit armé qui opposait l'armée de Bosnie-

 10   Herzégovine et le HVO?

 11   Réponse:    Je ne pouvais pas faire de conclusion. Je sais seulement que

 12   je ne pouvais pas bouger de chez moi. On tirait de partout, la ville était

 13   dans un blocus, encerclée. Pendant ces quelques jours, on ne s'est pas

 14   retrouvés là où on était, on essayait de se débrouiller. Je me suis rendu

 15   compte du fait que c'était un conflit armé. Des obus tombaient, des coups

 16   de feu. Si j'ai pu conclure quoi que ce soit, étant donné ces incidents,

 17   j'ai pu conclure que c'était l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a attaqué

 18   Vitez.

 19   Question:   Cette estimation se base-t-elle sur des faits? Pour quelle

 20   raison l'armée de Bosnie-Herzégovine aurait-elle attaqué Vitez? Quelle

 21   serait sa finalité?

 22   Réponse:    Je ne suis pas un militaire. Probablement, je ne peux pas vous

 23   en parler dans un éclairage de stratégie quelconque, mais disons qu'ils

 24   avaient pour but de couper ces voies de communication qui reliaient Vitez,

 25   Busovaca et les autres voies de communication. Etant donné que Travnik


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  1   était déjà fermée, restait encore la ligne de communication, la route de

  2   Busovaca à Travnik pour essayer surtout de s'assurer la logistique, ce

  3   soutien logistique, et se rendre maître du territoire. Je crois que de

  4   prime abord, ils étaient intéressés par l'usine qui, certainement, n'était

  5   pas sans intérêt pour toute armée.

  6   Question:   Je vous remercie. L'une des affaires, dans laquelle vous avez

  7   été essentiellement engagé, concernait la construction de la route dite

  8   "du Salut"?

  9   Réponse:    Les municipalités de Vitez, Busovaca, Travnik, Novi Travnik et

 10   Kiseljak, étant donné qu'elles étaient bloquées en quelque sorte car les

 11   routes, les voies de communication étaient bouchées, avaient décidé de

 12   construire une nouvelle route, la "Route du Salut", c'est-à-dire vers Novi

 13   Travnik en novembre pour aller par Novi Travnik, Gornji Vakuf, vers

 14   l'Herzégovine et Split. Je vous ai déjà dit que dans le cadre de mon

 15   entreprise, nous avions une unité de génie civil qui, munie d'équipements,

 16   de machines de construction, devait évidemment tout faire pour pouvoir

 17   mener à bien les travaux de cette nouvelle route. Toutes les municipalités

 18   ont associé leurs capitaux pour tout faire avant l'hiver jusqu'en

 19   l'automne. Nous avons déjà reçu pas mal de compensations, pour parler

 20   capitaux et argent. Nous avons été compensés du fait que nous avons reçu

 21   de la farine et de l'huile, mais pas d'argent.

 22   Question:   Vous avez parlé donc de l'automne et de l'hiver. Vous parlez

 23   de l'automne 1992?

 24   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 25   Question:   Cette route-là devait vous rendre un débouché plus sûr sur le


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  1   sud?

  2   Réponse:    Cette route devait permettre la vie sauve à toute la

  3   population de la vallée de la Lasva. Si jamais l'agression de la JNA se

  4   perpétuait, nous pouvions bénéficier d'un approvisionnement en vivres, en

  5   médicaments, etc. En fait, c'était –dirais-je- l'artère principale de

  6   Bosnie-Herzégovine, de cette partie de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Question:   Il y a peut-être une question que j'ai ratée tout à l'heure.

  8   Quant aux employés de cette entreprise, Vitkom, avez-vous à n'importe quel

  9   moment donné, été obligé de signer des déclarations d'allégeance pour

 10   rester travailler là-bas?

 11   Réponse:    Non. Mon directeur technique était Ekrem Seraganovic, un

 12   Musulman.

 13   Question:   Non, non, non. Il ne faut pas tomber dans des redondances. Je

 14   voulais demander simplement si c'était la municipalité qui vous l'avait

 15   demandé?

 16   Réponse:    Non, jamais de la vie.

 17   Question:   Avez-vous jamais entendu parler de cela?

 18   Réponse:    On en a parlé. Il y avait des rumeurs comme quoi cela existait

 19   mais moi, en tout cas, je n'étais en rien concerné.

 20   Question:   Quand on parle de municipalité, est-ce à dire qu'il s'agit

 21   tout simplement de décisions portant affectation de tel ou tel emploi ou

 22   de tel ou tel travail, ou pour parler de différents certificats?

 23   Réponse:    Peut-être dans ce sens-là, mais ce n'était certainement pas

 24   quelque chose où dans les municipalités les Musulmans devraient être aussi

 25   importants.


Page 25483

  1   Question:   Après le déclenchement de ce conflit, le 16 avril 1993, peut-

  2   on dire jusqu'à quelle date on a pu sortir de la vallée de la Lasva par la

  3   route? Pouvez-vous nous le situer dans le temps?

  4   Réponse:    A partir du 16 avril, on ne pouvait sortir nulle part.

  5   Question:   Vous voulez dire pour des civils? Vous parlez des civils?

  6   Réponse:    Non, je parle de tout le monde.

  7   Question:   Et puis, encore une autre question étant donné que ceci est de

  8   votre compétence et que nous avons entendu ici des témoignages s'y

  9   rapportant: est-il vrai, Monsieur Silic, que le système de distribution de

 10   l'eau a été souvent bloqué et que c'était ainsi peut-être une des façons

 11   de faire pression sur la population de la vallée de la Lasva?

 12   Réponse:    Oui, le système d'approvisionnement en eau a été souvent

 13   fermé, arrêté. Pour parler des sources, on parle de Kruscica et c'est

 14   Zenica et d'autres villes qui étaient approvisionnées. Il est arrivé que

 15   quelquefois, pendant une dizaine ou une vingtaine de jours, le système ait

 16   pu être arrêté.

 17   Question:   Arrêté par qui?

 18   Réponse:    Par les Musulmans parce qu'eux étaient à la source, au

 19   captage.

 20   Question:   Vous parlez donc du premier point, du système

 21   d'approvisionnement?

 22   Réponse:    Oui, parce qu'à cette époque-là, on peut dire que 250 litres

 23   par seconde partaient pour Zenica et environ 100 à 150 litres par seconde

 24   partaient pour Vitez. On ne pouvait pas bien sûr spécifier, mais disons

 25   qu'il y avait une pression dans les 18 bar.


Page 25484

  1   M. le Président (interprétation): S'il y a d'autres questions à ce propos,

  2   laissez-les poser par l'accusation. Mais moi, je ne vois rien qui se

  3   rapporte à cela dans votre résumé. Il se peut que j'aie omis quelque

  4   chose.

  5   M. Kovacic (interprétation): Cela ne se trouvait pas dans le résumé, je

  6   m'en suis tout simplement souvenu puisque l'on parlait d'alimentation en

  7   eau et que le témoin était spécialiste en la matière. Mais j'ai

  8   pratiquement terminé.

  9   Oui, je n'ai plus de questions à poser à ce témoin. Je vous remercie,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. Naumovski (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Nous n'avons pas de question à poser à ce témoin.

 13   M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions, Monsieur Nice?

 14   (Contre-interrogatoire de M. Josip Silic par Me Nice.)

 15   M. Nice (interprétation): Très peu. En votre qualité d'homme d'affaires,

 16   veuillez examiner ceci. Je ne vais pas demander le versement de ce

 17   document au dossier, mais je voudrais que le témoin l'examine.

 18   Si vous voyez qui sont les directeurs des entreprises à Vitez au cours de

 19   la période qui a mené au mois d'avril 1993, c'est un aperçu exact, n'est-

 20   ce pas? Sur les neuf entreprises, huit étaient sous la direction de

 21   Croates, de Bosniens. Il n'y avait que Sintevit qui avait à sa tête un

 22   Musulman, M. Basic, n'est-ce pas?

 23   Réponse:    Exact. Vous voulez que je vous réponde?

 24   Question:   Oui, j'ai votre réponse. Voulez-vous ajouter quelque chose?

 25   Réponse:    Non, vous n'avez toujours pas ma réponse parce que je voulais


Page 25485

  1   ajouter quelque chose. Vous m'entendez? Vous me comprenez? Je voulais

  2   ajouter quelque chose. Etant donné que le HDZ avait gagné les élections et

  3   aussi le HDA, la plupart de ces directeurs étaient membres de l'alliance.

  4   Ce n'étaient pas des hommes de partis. Ils avaient été désignés à ce poste

  5   de façon tout à fait légale. Il y avait eu une concurrence, disons

  6   plusieurs personnes en lice. Ils avaient été élus par les conseillers

  7   ouvriers. Pour ce qui est de Kruscica, Ivica Franjic était le directeur

  8   parce que personne d'autre ne voulait cet emploi. C'était une entreprise

  9   qui faisait des pertes, qui travaillait à perte.

 10   Question:   Peu importe. Avant de reprendre ce document, je vais vous

 11   demander ceci. On dit que les personnes qui aidaient et se trouvaient à la

 12   direction étaient surtout des Croates, n'est-ce pas?

 13   M. le Président (interprétation): Poursuivons.

 14   M. Nice (interprétation): Vous connaissiez ce monsieur Ivica Franjic? Vous

 15   le connaissez encore, je suppose?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Si l'on disait qu'il a tenu les propos suivants: "Sur les neuf

 18   entreprises de Vitez, le HVO avait le contrôle complet de huit d'entre

 19   elles", est-ce qu'il aurait raison en disant cela?

 20   Réponse:    Non, ce ne serait pas exact. En effet, Nikola Krizanovic

 21   faisait partie de la liste des délégués communistes. Il était à la place

 22   n°1 et il ne s'intègre pas du tout dans ce plan dont vous parlez. Il

 23   n'était pas du HDZ. Vlado Diskovic, lui aussi, j'en ai déjà parlé. Il y

 24   avait aussi Branko Lovric. Toutes ces personnes avaient déjà ces postes

 25   avant les élections et ils ont été nommés légalement par les conseils


Page 25486

  1   ouvriers à ces postes. Donc ceci n'a rien à voir avec le fait de savoir si

  2   quelqu'un était favorable ou opposé au HDZ.

  3   Question:   Le temps m’est compté, donc je ne vais pas vous interroger

  4   longtemps. Non seulement vous connaissiez Ivica Santic, mais puisque vous

  5   faisiez partie de la cellule de crise vous connaissiez sans doute la

  6   plupart des personnalités éminentes de l'époque?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous connaissiez Cerkez?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Et Dario Kordic?

 11   Réponse:    Non, je ne le connaissais pas aussi bien que je connaissais

 12   Cerkez et les autres. En effet, Kordic n'est pas de Vitez. De toute façon,

 13   je ne le connaissais pas au moment de la cellule de crise, avant le début

 14   du conflit.

 15   Question:   J'y reviendrai dans un instant, mais je vais vous dire ceci

 16   carrément: des témoins sont venus ici pour dire que vous étiez un Croate

 17   modéré, comme certains l'ont décrit, vers le milieu de l'année 1992.

 18   Reconnaissez-vous qu'on vous considérait de l'extérieur comme étant un

 19   modéré parmi les Croates, au moment où vous faisiez partie de cette

 20   commission mixte?

 21   Réponse:    Mais vous savez, il est difficile de parler de soi-même. Les

 22   gens me considéraient comme étant un homme honnête, pas un Croate modéré,

 23   simplement un homme pacifique qui voulait la paix. C'est pour cela qu'ils

 24   me soutenaient, parce que j’œuvrais pour la paix.

 25   Question:   Fort bien. Peut-on ainsi dire que vers le mois d'avril 1992,


Page 25487

  1   vous, en personne, vous vous étiez opposé à des interventions faites par

  2   Anto Valenta par rapport aux objectifs que vous poursuiviez? Vous l'avez

  3   dit assez publiquement lors de réunions, n'est-ce pas? Est-ce que c'était

  4   bien votre position d'alors?

  5   Réponse:    Je ne me souviens plus très bien, mais sans doute que tout le

  6   monde ne peut pas être pareil, on ne peut pas tous faire la même chose.

  7   Certains font mieux les choses que d'autres et effectivement, si des

  8   déclarations de ce genre ont été faites à des réunions, je m'y suis

  9   opposé.

 10   Question:   Est-il exact de dire qu'à ces moments-là, au cours de cette

 11   première période, vous aviez une attitude assez amicale envers les

 12   Musulmans et que, de ce fait, Santic et d'autres vous ont considéré comme

 13   pratiquement un traître envers les Croates? Est-ce que votre propre… Les

 14   personnes qui se trouvaient du même côté que vous vous traitaient-elles

 15   aussi comme quelqu'un venant de l'extérieur?

 16   Réponse:    Non, non, elles me voulaient, ils voulaient que j'aie ces

 17   contacts afin d'enrayer toute possibilité de conflit entre Musulmans et

 18   Croates. Ivica Santic l’a fait lui aussi, tout comme moi. Moi, je suis

 19   allé dans des villages musulmans tout à fait librement. Je le fais encore

 20   aujourd'hui, jusqu'à ce jour encore.

 21   Question:   Je vous interromps car j'ai peu de temps. Est-il exact de dire

 22   qu'au moment où vous avez soulevé la question ou au moment où on a soulevé

 23   la question de la dénomination à donner à cette commission mixte, Valenta

 24   et d'autres gens de Grude y ont mis fin? Est-ce que vous vous en souvenez?

 25   Réponse:    Non. Non, non, ce n'était pas Valenta. Moi, je ne connais


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  1   personne à Grude mais vous savez que la cellule de crise est restée une

  2   œuvre inachevée, même si tout le monde estimait que c'était une bonne

  3   idée. Malheureusement, elle n'a vraiment jamais vu le jour.

  4   Question:   Je peux me tromper, Monsieur, mais est-ce qu'aujourd'hui vous

  5   n'avez pas dit que c'était le HVO qui voulait poursuivre cette initiative

  6   et que c'était l'autre partie qui s'est opposée à cela, ou est-ce que je

  7   me souviens mal de votre déposition?

  8   Réponse:    Non. Le quartier général du HVO est tout à fait d'accord avec

  9   cette idée, à ce point que Skopljak avait préparé des modèles d'insignes

 10   que pouvaient porter les membres de cette commission.

 11   Question:   Eh bien, je vais terminer sur ce point: ce sont les vôtres à

 12   Grude qui ont mis fin à cette tentative lorsqu'on a considéré que c'était

 13   une entreprise mixte. Est-ce que ce n'est pas la vérité? Rappelez-vous que

 14   ceci a d'ailleurs été dit dans ce prétoire par d'autres.

 15   Réponse:    Je ne sais pas, en ce qui concerne Grude. Moi, je ne connais

 16   que la municipalité de Vitez et je vous ai déjà dit ce que je savais.

 17   Question:   Je voudrais que vous examiniez un document, peut-être deux.

 18   Voyons le premier. Il s'agit de la pièce Z88.2. Je vois votre nom qui

 19   figure ici. C'est la raison pour laquelle je vais vous poser une question

 20   à l'encontre de ce document.

 21   En voici l'original pour vous. La version en anglais sera placée sur le

 22   rétroprojecteur. Apparemment, il s'agit de conclusions tirées à la suite

 23   d'une session extraordinaire de la cellule de crise de Vitez, le 5 avril

 24   1992.

 25   Point 1, vers le milieu de la page, on trouve un extrait dont je vous


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  1   donne lecture: "le quartier général de la Défense territoriale et les

  2   commandants des batteries anti-aériennes ont reçu pour tâche de disposer

  3   immédiatement des canons en position de tir afin d'assurer la défense de

  4   la société" et puis là il y a quelque chose d'illisible, c'était peut-être

  5   l'usine SPS.

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Et la mise en oeuvre de ces manœuvres sera déterminée par

  8   plusieurs personnes, dont vous. Est-ce que vous vous souvenez de cela?

  9   Est-ce que vous avez participé à la mise en place de ces canons en guise

 10   de défense de l’entreprise?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Alors, aidez-nous sur ceci: "Stipo Krizenac et la cellule de

 13   crise du HDZ doivent apporter des munitions pour les canons. Ici, on parle

 14   aussi de quartier général de crise du HDZ. Qu'est-ce que c'était?

 15   Réponse:    Il n'y avait pas de cellule de crise du HDZ, c'est plutôt de

 16   la municipalité. C'est sans doute une erreur typographique. Mais

 17   permettez-moi de dire qu'en ce qui concerne ma propre participation,

 18   j'étais censé emmener avec mes camions les canons qu'il fallait déployer à

 19   un endroit qui était convenu.

 20   Question:   Certes. Mais voyez, on fait une référence spécifique. Vous

 21   dites que c'est peut-être une erreur typographique, mais on parle

 22   maintenant du quartier général de crise du HDZ qui s'occupe des munitions

 23   pour les canons. Alors est-ce que ceci ne traduit pas tout simplement le

 24   fait qu'à ce stade des préparatifs...

 25   Réponse:    Non.


Page 25490

  1   Question:   Je n'avais pas encore terminé ma question.

  2   M. le Président (interprétation): Laissez M. Nice terminer sa question, ne

  3   l'interrompez pas. Je vous en prie, Monsieur Nice.

  4   M. Nice (interprétation): Merci. Est-ce que ceci traduit le fait qu'à ce

  5   stade des préparatifs, le parti politique et le HVO n'étaient qu'une seule

  6   et même chose et que le parti politique s'occupait de choses telles que

  7   des munitions, par exemple?

  8   Réponse:    Non.

  9   Question:   Merci. Essayons de terminer cet aperçu de la situation et pour

 10   vous rendre justice, en toute équité envers vous, après le déclenchement

 11   du conflit, est-ce que vous vous êtes retrouvé à un poste au sein de

 12   l'usine communale?

 13   Réponse:    Oui, à partir du 16 avril, j'avais des obligations de travail

 14   et en compagnie de personnes, je suis resté d'ailleurs pendant toute la

 15   guerre dans cette société du service public.

 16   Question:   Et plusieurs Bosniens étaient obligés de travailler dans cette

 17   usine, il y étaient contraints et forcés, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Je ne suis pas d'accord.

 19   Question:   Même des personnes qui avaient travaillé pour rémunération

 20   auparavant s'étaient retrouvées dans cette usine où elles étaient

 21   désormais obligées de travailler sous la contrainte?

 22   Réponse:    Pas du tout. Ils ne travaillaient pas du tout sous la

 23   contrainte. Ils ne se trouvaient pas dans l'usine des services publics.

 24   Pendant la guerre, il n'y avait que sept personnes et moi, il y avait des

 25   Roms, les Croates et nous les Serbes.


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  1   Question:   Très bien, c'est ce que vous dites, mais on a dit… D'autres

  2   témoins sont venus dire que la "route du salut" avait surtout pour

  3   objectif d'assurer une sécurité de passage pour l'envoi de renforts depuis

  4   la Croatie. Etes-vous d'accord avec cette thèse?

  5   Réponse:    De toutes les contrées de Bosnie-Herzégovine et aussi de

  6   Croatie, tout ce dont la Bosnie centrale avait besoin, chaque fois qu'on

  7   pouvait l'obtenir, on essayait de l'obtenir.

  8   Question:   Et les conséquences de ceci, c'est qu'en fait cette route a

  9   été bénéfique pour les Croates. Celui qui en a parlé est le témoin DC aux

 10   pages 19, 247 à 248. Il a dit que cette route n'était pas particulièrement

 11   significative pour les Musulmans, mais qu'elle servait surtout la cause

 12   croate.

 13   Réponse:    Non, non, elle était utilisée par les uns et les autres.

 14   Question:   Revenons à la nuit du 15 au 16... Excusez-moi, je voulais

 15   aborder un autre point auparavant. Une question vous a été posé concernant

 16   ce serment d'allégeance, concernant les personnes qui voulaient garder

 17   leur emploi en 1992. Lorsqu'on vous a parlé de ces déclarations de loyauté

 18   ou d'allégeance, vous avez dit que cela ne se faisait pas dans votre

 19   entreprise, mais est-ce que vous auriez entendu dire que cela se passait

 20   ailleurs?

 21   Réponse:    Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il y avait des documents

 22   qui désignaient certaines personnes à certains postes et qu'elles

 23   obtenaient des points différents pour cela. Mais la plupart des gens sont

 24   restés à l'emploi qu'ils avaient auparavant.

 25   Question:   Ceci me préoccupe parce que ce que vous avez dit en réponse


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  1   avant même qu'on parle des certificats, car cette question était

  2   postérieure, ce que vous avez dit lorsqu'on vous a posé une question sur

  3   les déclarations de loyauté, c'est que vous aviez entendu dire que cela se

  4   passait ailleurs dans la municipalité. Alors, je vous demande de bien vous

  5   souvenir. Est-ce qu'il n'y a pas eu des rumeurs selon lesquelles il y

  6   avait des gens qu’on obligeait à faire des serments d'allégeance afin

  7   qu'ils puissent conserver leur emploi?

  8   Réponse:    La question qui m'a été posée est de savoir si cela s'était

  9   fait dans mon entreprise. J'ai répondu par la négative. J'ai dit que

 10   personne n'avait signé une telle déclaration dans la municipalité. J'ai

 11   entendu dire qu'il y avait des documents qui désignaient telle personne à

 12   tel emploi, tout en donnant le descriptif de l'emploi, et les points que

 13   cela représentait.

 14   Question:   Je ne vais pas poursuivre sur ce sujet vu le peu de temps que

 15   j’ai, mais vous avez commencé... Vous êtes aujourd'hui conseiller auprès

 16   du chef de la municipalité du maire. Qui est-ce?

 17   Réponse:    Kadisa Cerkez. Je suis aussi conseiller auprès du Président du

 18   Parlement de Bosnie-Herzégovine.

 19   Question:   Est-ce que cette personne, Cerkez, a un quelconque rapport de

 20   parenté avec l'accusé Cerkez?

 21   Réponse:    Eh bien, le nom de famille de cette dame est Cerkez, donc il y

 22   a peut-être un lien distant.

 23   Question:   Le 15, vous êtes revenu du barrage qui se trouvait selon vous

 24   à Novi Travnik. Où avez-vous passé la nuit du 15?

 25   Réponse:    A Vitez. J'étais chez moi. Au début de la soirée, nous, hommes


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  1   d'affaires, nous étions invités à une réunion, une réunion tout à fait

  2   régulière qui portait sur la protection des usines, des différentes

  3   propriétés. C'était un contrôle périodique pour ce qui est de l'entretien

  4   des bâtiments.

  5   Question:   Et où cette réunion a-t-elle eu lieu?

  6   Réponse:    Au bureau de la poste à Vitez, parce que là l'électricité

  7   fonctionnait.

  8   Question:   Mais avez-vous entendu dire que, cette nuit-là, il y a eu

  9   d'autres réunions ailleurs, Monsieur Silic?

 10   Réponse:    Non, non.

 11   Question:   Vous connaissiez M. Santic, vous le connaissez encore. Vous

 12   étiez un des principaux hommes d'affaires, dans votre communauté?

 13   Réponse:    Tout à fait.

 14   Question:   Une question vous a été posée cet après-midi et vous avez

 15   répondu de façon raisonnée en expliquant pourquoi c'étaient les Musulmans

 16   qui avaient lancé l'attaque. Est-ce que j'ai bien résumé la position que

 17   vous aviez adoptée?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'en dépit de vos

 20   contacts, du poste ou de la situation que vous aviez au sein de la

 21   communauté, vous ne pouvez tirer que des déductions de ce qui s'est passé

 22   le matin du 16 et qu'à l'examen des événements, vous pensez

 23   qu'inévitablement c'étaient les Musulmans qui en étaient responsables?

 24   Réponse:    Le 15, j'ai essayé de me rendre à Spit, mais je suis revenu.

 25   Le 16, je n'ai même pas pu sortir de chez moi parce qu'on tirait partout,


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  1   les obus pleuvaient. Alors, qu'est-ce que je peux tirer comme conclusion?

  2   Question:   Beaucoup de témoins sont venus nous dire que votre ville étant

  3   si petite, tout le monde devait être au courant de ce qu’il s'est passé ce

  4   matin-là. Vous, vous êtes mieux placé que quiconque ou que la plupart des

  5   autres. Vous pourriez peut-être nous parler des causes de ce qu’il s'est

  6   passé, des combats qui ont eu lieu le 16. Mais manifestement, tout ce que

  7   vous pouvez faire, c'est une analyse des événements, de façon neutre.

  8   C'est vraiment votre position?

  9   Réponse:    On en a discuté pendant des journées entières. On s'est

 10   demandé s'il allait y avoir un conflit, si un conflit pouvait être évité.

 11   Il y avait déjà des conflits dans d'autres municipalités avoisinantes,

 12   mais pas à Vitez. On se demandait comment les empêcher. On était encerclés

 13   dans cette vallée, on ne pouvait pas la quitter. Alors je vous ai dit que

 14   les hypothèses, eh bien c'étaient les seules qu'on pouvait tirer à

 15   l'époque.

 16   Question:   Je vais terminer sur ce point, puis je n'ai qu'une suggestion

 17   à vous faire. Cette nuit-là, il y avait des réunions au cours desquelles

 18   l'attaque a été planifiée. Etant donné votre poste d'autorité et de

 19   supériorité, vous deviez le savoir. Et si vous ne le saviez pas à ce

 20   moment-là, vous devez l'avoir appris par la suite. Vous ne nous dites pas

 21   la vérité quand vous dites ne pas savoir ce qu’il s'est passé, n'est-ce

 22   pas?

 23   Réponse:    Ce soir-là, le soir du 15, dans la nuit du 15 au 16, je vous

 24   l'ai dit, nous avions été invités à une réunion. Nous avons eu pour tâche

 25   d'analyser la situation qui prévalait dans chacune de nos entreprises,


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  1   pour voir quelles étaient les mesures de sécurité à prendre parce qu'on

  2   apprenait que la situation se dégradait. Je suis allé voir les réservoirs,

  3   d'autres parties de l'entreprise, puis je suis reparti au bâtiment de la

  4   poste où nous nous étions réunis. Puis, vers 3 ou 4 heures, je suis rentré

  5   chez moi pour dormir, sans avoir de complément d'information.

  6   Je n'aurais pas de raison de vous dire la vérité. J'ai 56 ans, j'ai les

  7   cheveux gris, j'ai des enfants et je n'ai besoin de rien de la sorte.

  8   Question:   Mais Monsieur, bien sûr, si vous étiez à Split, vous n'auriez

  9   pas pu aller à la réunion. Alors, est-ce que vous avez reçu une

 10   convocation à cette réunion?

 11   Réponse:    Je faisais quelque chose à la maison. Ils ont appelé chez moi

 12   et ils m'ont dit que je devais venir entre 7 heures et demie et 8 heures.

 13   Et c'était une réunion régulière.

 14   Question:   Mais avez-vous appris qu'il y avait eu par la suite une

 15   réunion à l'adresse de M. Kordic?

 16   Réponse:    Non, non, cela je n'en savais rien. Il se peut que d'autres

 17   aient été au courant, mais pas moi.

 18   Question:   Et qui vous a convoqué à cette réunion?

 19   Réponse:    Ivan Santic.

 20   Question:   Et à quelle heure vous a-t-il téléphoné pour vous convoquer?

 21   Réponse:    Je vous l'ai dit il y a quelques instants, il y avait eu un

 22   appel téléphonique et on m'avait dit de me rendre au bureau de poste entre

 23   7 heures 30 et 8 heures. J'y suis allé.

 24   Question:   Mais est-ce que M. Ivan Santic se trouvait à votre réunion, ou

 25   avait-il une autre réunion ailleurs?


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  1   Réponse:    Puisque nous nous rassemblions là, je vous l'ai dit, c'étaient

  2   des réunions tout à fait régulières qu'on avait au cours des deux semaines

  3   précédentes, soit le matin soit le soir. On nous avait dit que la

  4   situation se compliquait, qu'il y avait risque de déclenchement d'un

  5   conflit. Et il y avait toutes ces tâches que nous avions, de toutes

  6   façons, dans nos entreprises. Il fallait examiner toutes ces questions et

  7   voir quel était le degré de préparation de nos ouvriers, et il nous

  8   fallait attendre jusqu'à nouvel ordre.

  9   Question:   Est-ce que Santic est allé à une autre réunion, à d'autres

 10   réunions?

 11   Réponse:    Nous occupions quelques pièces dans le bureau de poste et je

 12   n'ai plus revu Ivica Santic par la suite. Je ne sais pas s'il est parti,

 13   je ne peux pas vous dire s'il est parti ou pas.

 14   Question:   Vous avez parlé de ces volumes considérables d'acide qui se

 15   trouvaient à l'usine SPS, n'est-ce pas? C'était inquiétant?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Et il y avait aussi le pétrole qui se trouvait à l'usine SPS,

 18   autre sujet de préoccupation?

 19   Réponse:    Là, je n'en sais rien. Non, il n'y avait pratiquement plus de

 20   carburant.

 21   Question:   Est-ce que Cerkez était membre de la cellule de crise?

 22   Réponse:    Cerkez venait assister aux réunions s'il était convoqué, mais

 23   il n'était pas membre de la cellule de crise. Il se peut qu'il ait été

 24   nommé à la cellule de crise par la suite, mais au départ il n'en faisait

 25   pas partie.


Page 25497

  1   Question:   Et en 1992, à quel titre est-il venu assister à ces réunions

  2   de la cellule de crise?

  3   Réponse:    Je pense qu'il travaillait au quartier général du HVO et c'est

  4   à ce titre qu'il est parti. Il n'est venu que ex-officio, et pour

  5   certaines réunions.

  6   Question:   Une dernière question au sujet de cette réunion à laquelle

  7   vous avez été convoqué. Repensez-y. Qui était présent à cette réunion?

  8   Pouvez-vous nous donner des noms?

  9   Réponse:    Ivica Santic, Marijan Skopljak, Nikola Krizanovic, Marinko

 10   Katava, Branko Lovric, j'étais présent, puis il y avait d'autres

 11   directeurs, je ne me souviens plus tout à fait de tous les noms, mais je

 12   crois avoir cité la plupart d'entre eux.

 13   Question:   Donc c'était une réunion civile, c'est-à-dire qu'il n'y avait

 14   pas présence de militaires.

 15   Réponse:    Oui, oui, il n'y avait que des civils.

 16   Question:   J'en ai terminé.

 17   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   (Questions supplémentaires de Me Kovacic.)

 19   M. Kovacic (interprétation): Je souhaiterais éclaircir deux points. La

 20   liste des directeurs qui vous a été montrée par mon collègue, le

 21   Procureur... Premièrement, pouvez-vous vous souvenir s'ils étaient tous

 22   des "nouveaux" directeurs, ou certains d'entre eux avaient été directeurs

 23   auparavant?

 24   Réponse:    Ce n'étaient que des anciens directeurs, des gens qui avaient

 25   été élus à ces postes-là auparavant.


Page 25498

  1   Question:   Autrefois, en Yougoslavie et donc en République de Bosnie-

  2   Herzégovine, la loi prévoyait la façon dont on devait élire quelqu'un au

  3   poste de directeur dans les entreprises dites sociales?

  4   Réponse:    C'est exact.

  5   Question:   Ne rentrons pas dans les détails ici. Mais étant donné que

  6   vous étiez directeur, pourriez-vous nous dire si la procédure était

  7   toujours très exacte et s'il fallait bien se tenir à cette procédure?

  8   Réponse:    Oui. La procédure devait être observée.

  9   Question:   Un deuxième point: en vertu des accords entre le SDA et le

 10   HDZ, avait-on besoin de l'accord de ces deux partis pour nommer quelqu'un

 11   directeur?

 12   Réponse:    La municipalité devait donner son accord. Par exemple, pour

 13   moi, cela a été fait. Dans notre municipalité, il y avait le SDA et le

 14   HDZ; ils avaient donc pu, les deux, nommer ou bien défaire quelqu'un de

 15   son poste de directeur.

 16   Question:   Quant à la préparation de cette route dont on a parlé, ne

 17   pensez pas que la question que je vais vous poser est une question

 18   stupide. Dites-nous qui, pour vous, les habitants de la municipalité de

 19   Vitez, était l'ennemi en 1992?

 20   Réponse:    L'ennemi, c'étaient les Serbes qui avaient bloqué les villes

 21   où nous habitions.

 22   Question:   Et pour quelle guerre vous prépariez-vous, en 1992?

 23   Réponse:    La guerre contre les Serbes qui se trouvaient sur Vlasic à

 24   Travnik?

 25   Question:   Excusez-moi, je me rends compte que je vais trop vite.


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  1   Cette agression-là, était-ce juste des histoires qu'on racontait, ou bien

  2   c'était quelque chose qui se trouvait réellement au seuil de vos portes?

  3   Réponse:    Non, ce n'étaient pas que des histoires et des rumeurs. En

  4   fait, ce qui les intéressait, c'étaient les deux usines, telles que

  5   Vitezit, qui travaillaient pour l'industrie militaire.

  6   Question:   Est-ce qu'on peut montrer le document Z82.2 qui est le rapport

  7   de la cellule de crise, et que le témoin a déjà vu?

  8   M. le Président (interprétation): Il est temps de faire venir le prochain

  9   témoin.

 10   M. Kovacic (interprétation): Oui, c'est bien la dernière de mes questions.

 11   Pourriez-vous, Monsieur, regarder le tampon qui se trouve à la dernière

 12   page? L'exemplaire n'est pas très lisible, mais est-ce bien le tampon du

 13   HVO?

 14   Réponse:    Non, ce n'est pas le tampon du HVO, c'est le tampon de

 15   l'ancien secrétariat pour la Défense.

 16   Question:   C'était donc le tampon officiel de quel organe?

 17   Réponse:    Le secrétariat pour la Défense.

 18   Question:   La Défense populaire?

 19   Réponse:    Oui, de l'ancien système.

 20   Question:   Et cela faisait donc partie des organes de l'ancien système?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Je n'ai plus d'autres questions.

 23   M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Silic, d'être venu

 24   déposer devant ce Tribunal. Votre témoignage s'achève et vous pouvez

 25   disposer.


Page 25500

  1   M. Silic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, et bon courage.

  2   (Le témoin, M. Josip Silic, est reconduit hors du prétoire.)

  3   M. Kovacic (interprétation): Notre prochain témoin est M. Jozo Pokrajcic.

  4   Nous allons, avec ce témoin, présenter un grand nombre de documents et

  5   c'était l'objectif de cette déposition.

  6   M. le Président (interprétation): Nous allons donc faire venir ce témoin.

  7   Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais essayons d'avancer autant que

  8   possible.

  9   M. Kovacic (interprétation): Oui, j'ai bien compris. C'est Me Mikulicic

 10   qui va interroger ce témoin.

 11   (Le témoin, M. Jozo Pokrajcic est introduit dans le prétoire.)

 12   M. le Président (interprétation): Que le témoin donne lecture de la

 13   déclaration solennelle.

 14   M. Pokrajcic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur.

 17   (Interrogatoire principal de M. Jozo Pokrajcic par Me Mikulicic.)

 18   M. Mikulicic (interprétation): Bonjour, Monsieur Pokrajcic. Au nom de la

 19   défense de M. Mario Cerkez, je vous poserai plusieurs questions quant au

 20   contenu de votre déposition.

 21   Puis-je donc vous demander de vous souvenir de tous ces événements et je

 22   vous prie aussi de répondre à mes questions lentement pour donner le temps

 23   aux interprètes d'interpréter vos propos.

 24   Pourriez-vous nous dire votre prénom, votre nom, l'année et votre date de

 25   naissance?


Page 25501

  1   Réponse:    Je m'appelle Jozo Pokrajcic, je suis né à Zenica, dans la

  2   municipalité de Tomislavgrad, le 4 septembre 1963.

  3   Question:   Le village de Zenica, dans la municipalité de Tomislavgrad,

  4   c'est bien dans la République de Bosnie-Herzégovine?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Vous êtes marié, monsieur Pokrajcic, et vous avez quatre

  7   enfants.

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Monsieur Pokrajcic, vos grands-parents viennent d’où, s'il

 10   vous plaît?

 11   Réponse:    Mes grands-parents viennent de Pokrajcic, qui ne se trouve pas

 12   loin de Nova Bila.

 13   Question:   C'est donc un village dans la Bosnie centrale, entre Vitez et

 14   Novi Travnik?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Avez-vous encore de nos jours des parents dans cette localité?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Le service militaire obligatoire, vous l'avez effectué au sein

 19   de la JNA. Est-ce là que vous avez acquis des connaissances de base dans

 20   l'infanterie?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Vous êtes devenu chef de section?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Vous avez fait une école secondaire qui parle de tout ce qui

 25   est la circulation?


Page 25502

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Vous n'avez pas pu trouver du travail chez vous et donc vous

  3   vous êtes rendu en Allemagne où vous avez travaillé pendant 10 ans?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Quand êtes-vous rentré en Croatie après avoir travaillé à

  6   l'étranger?

  7   Réponse:    En 1990.

  8   Question:   Avant de rentrer en Croatie, vous avez vécu en Croatie ou vous

  9   avez vécu en Bosnie-Herzégovine?

 10   Réponse:    J'ai vécu en Bosnie-Herzégovine.

 11   Question:   Comment se fait-il que vous êtes allé à l'époque en République

 12   de Croatie?

 13   Réponse:    La moitié de mes parents habitent en Croatie et c'était la

 14   raison de m’y installer.

 15   Question:   En cette année-là, donc en 1990, que se passait-il en

 16   République de Croatie?

 17   Réponse:    Il y a eu l'agression sur tout le territoire de la République

 18   de Croatie.

 19   Question:   A l'époque, vous vous êtes joint au ZNG en République de

 20   Croatie?

 21   Réponse:    Non, le ZNG n'existait pas à l'époque. Il y avait uniquement

 22   des unités spéciales à l'époque.

 23   Question:   En fait, il s'agissait là des unités de la police?

 24   Réponse:    Oui, les unités du MUP .

 25   Question:   Et quelque temps plus tard, le ZNG a été créé?


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  1   Réponse:    Oui, au mois d'octobre 1991.

  2   Question:   Et cette réalisation-là, le ZNG est plus tard devenu l'armée

  3   croate, le HV?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Pour quelles raisons est-ce que vous avez décidé de vous

  6   joindre à la résistance contre l'agression sur la Croatie?

  7   Réponse:    Quelqu'un devait le faire, donc nous tous qui avions des

  8   sentiments forts pour la patrie où nous habitions, nous autres qui

  9   détestions, qui méprisions la violence, eh bien tout simplement, nous

 10   sommes allés nous porter volontaires auprès du MUP.

 11   Question:   Vous êtes devenu membre de la police spéciale, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Est-ce qu'en ce sens-là, vous avez dû passer par une

 14   formation?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Quelle a été la durée de votre formation?

 17   Réponse:    La durée a été d'environ trois mois et elle a eu lieu à Pula.

 18   Question:   Qu'avez-vous fait après cette formation?

 19   Réponse:    Après la formation, nous sommes rentrés à Zagreb.

 20   Question:   Avez-vous participé aux combats pour défendre les pays de

 21   l'agression de la JNA?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Quels ont été les champs de bataille où vous avez été en

 24   République de Croatie?

 25   Réponse:    En Slavonie orientale, en Slavonie occidentale et sur les


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  1   champs de bataille, sur le front du sud, donc dans toute la Croatie.

  2   Question:   Peu à peu, vous êtes monté en grade dans l'armée croate. En

  3   1994, vous avez terminé l'Académie militaire à Zagreb.

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Et à la fin, vous avez eu le grade de général de brigade?

  6   Réponse:    Oui, c'est exact.

  7   Question:   Avez-vous été blessé pendant ces combats?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Une fois ou plusieurs?

 10   Réponse:    Deux fois, j’ai eu des blessures légères, et la troisième

 11   fois, j'ai subi des dommages assez graves.

 12   Question:   Actuellement, vous n'avez aucune fonction militaire, mais vous

 13   avez la retraite en tant que handicapé?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Et vous vivez avec votre famille à Zagreb?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Mais, Monsieur Pokrajcic, une partie de votre famille continue

 18   à vivre en Bosnie-Herzégovine?

 19   Réponse:    Oui, mon frère, mon père, ma belle-mère. La moitié d'entre eux

 20   se trouve en Bosnie, la moitié à Zagreb.

 21   Question:   Dans un certain sens, vous étiez partagé entre votre famille

 22   qui habite la Bosnie-Herzégovine et la partie de votre famille qui habite

 23   en Croatie?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Au moment de l'agression de la JNA et de l'armée des Serbes de


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  1   Bosnie en Bosnie-Herzégovine, donc de l'agression de ces deux armées,

  2   comment vous sentiez-vous étant donné que votre famille habitait là-bas?

  3   Réponse:    Je me sentais en position difficile. Dans un premier temps, je

  4   n'ai pas pu les aider puisque je me trouvais sur le front à Dubrovnik et,

  5   dans un deuxième temps, il était de mon devoir de rester là où se trouvait

  6   mon unité. Après la libération, j'ai demandé plusieurs jours de congé, je

  7   suis rentré à Zagreb et une occasion est apparue pour que j'aille sur le

  8   territoire de mon pays natal.

  9   Question:   La Bosnie-Herzégovine?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Je suppose, Monsieur Pokrajcic, que vous n'étiez pas la seule

 12   personne qui partageait ce destin, à savoir que vous viviez en Croatie,

 13   vous aviez de la famille en Bosnie-Herzégovine et voire même plus, vous

 14   aviez de la famille donc en Bosnie-Herzégovine et vous étiez membre de

 15   l'armée croate.

 16   Réponse:    Oui, c'est vrai. Dans mon unité, nous étions 450 à peu près

 17   qui venions du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je ne sais plus

 18   combien d'entre nous sont restés.

 19   Question:   Quand vous dites "dans des unités spéciales", c'est donc le

 20   MUP et l'armée croate?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Avez-vous à l'époque demandé une permission, un permis spécial

 23   au ministère de la Défense pour aider votre pays natal?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Et vous avez obtenu ce permis?


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  1   Réponse:    Oui, nous tous qui étions originaires de Bosnie-Herzégovine,

  2   nous avons eu un tel permis.

  3   Question:   Il y a quelque temps, vous nous disiez qu'il y avait un

  4   certain nombre de personnes qui étaient animées par le même désir que

  5   vous.

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Et vous vous êtes organisés?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   A quel moment cela s'est-il passé?

 10   Réponse:    Ces événements datent de la mi-juin. A la demande de quatre ou

 11   cinq de mes combattants, de mes hommes qui avaient fondé le HVO à Kotor

 12   Varos, et ils m'ont demandé d'être le commandant de ce bataillon.

 13   Question:   Vous nous parlez de 1992?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Quand vous nous dites que certains de vos hommes avaient fondé

 16   le bataillon Kotor Varos, est-ce que vous voulez dire par là qu'ils l'ont

 17   fondé à Zagreb ou en Bosnie?

 18   Réponse:    Les gens qui venaient d'Allemagne, de Suisse, d'Autriche se

 19   sont réunis à Zagreb. Ils étaient de Kotor Varos et ils voulaient se

 20   rendre tout de suite en Bosnie. Ils sont tout simplement venus, ils m'ont

 21   demandé de me mettre à la tête de l'unité. Enfin l'unité… c'étaient des

 22   gens qui pratiquement n'avaient rien, enfin pas d'armes et...

 23   Question:   Nous allons venir à ces événements-là, mais dans le compte

 24   rendu page 106, ligne 93, on nous parlait de 1993, au mois de juin. Mais

 25   en fait, nous parlons de quelle année, s'il vous plaît?


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  1   Réponse:    De 1992.

  2   Question:   Donc, certains des combattants qui venaient de la région vous

  3   ont demandé d'organiser un tel bataillon qui serait composé des gens qui

  4   venaient de la région et qui s'étaient réunis en provenance de

  5   l'Allemagne, de la Suisse et d'autres pays et de la Croatie. Vous nous

  6   avez dit que vous aviez reçu un permis de la République de Croatie. Avez-

  7   vous eu la possibilité de donner des armes et des uniformes à ces hommes?

  8   Réponse:    Non, pas en Croatie.

  9   Question:   Qu'est-ce que vous avez fait avec ces hommes?

 10   Réponse:    J'ai demandé au ministère de la Défense de la République de

 11   Croatie de nous aider, de nous transporter de la gare routière de Zagreb

 12   et j'ai demandé à ce qu’ils permettent un transfert de la gare routière de

 13   Zagreb en Bosnie. C'est bien ce que j'ai fait.

 14   Question:   Monsieur Pokrajcic, vous vous êtes corrigé en demandant de qui

 15   vous avez demandé les bus.

 16   Réponse:    Du directeur de la gare routière de Zagreb.

 17   Question:   Et avec ces hommes qui étaient au nombre de combien?

 18   Réponse:    Ils étaient entre 350 et 400.

 19   Question:   Donc, vous êtes allés à Tomislavgrad.

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Tous ces hommes qui faisaient partie de l'unité étaient

 24   originaires de Bosnie-Herzégovine ou la plupart d'entre eux au moins?

 25   Réponse:    Ils étaient tous originaires de Bosnie-Herzégovine.


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  1   Question:   A vrai dire, ils s'étaient portés volontaires pour défendre la

  2   Bosnie-Herzégovine contre l'attaque de la JNA?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   A l'époque, avez-vous eu la possibilité d'entraîner et de

  5   fournir un équipement à votre unité?

  6   Réponse:    Non.

  7   Question:   Est-ce qu'on a mis à votre disposition des armes et de

  8   l'équipement?

  9   Réponse:    En très petite quantité.

 10   Question:   Combien de temps avez-vous passé à Tomislavgrad?

 11   Réponse:    A peu près un mois. Pendant ce temps-là, je me suis occupé de

 12   l'entraînement et de l'équipement. J'ai entraîné mes hommes et c'est à ce

 13   moment-là que nous sommes partis.

 14   Question:   Vous nous avez dit que vous êtes partis à ce moment-là. Partis

 15   où?

 16   Réponse:    Cela veut dire que je suis allé avec les unités en Bosnie

 17   centrale, plus particulièrement à Dobratici où il y avait une partie du

 18   front contre les Serbes de Bosnie et de la JNA. C'était le point le plus

 19   critique.

 20   Question:   C'est dans quelle municipalité que se trouve Dobratici?

 21   Réponse:    C'est dans la municipalité de Jajce.

 22   Question:   Donc, vous êtes en train de parler du front de Jajce?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Monsieur le Président, il est 15 heures 50.

 25   M. le Président (interprétation): Oui, nous allons lever la séance


Page 25509

  1   maintenant. Vous étiez au paragraphe numéro 8, je crois?

  2   M. Mikulicic (interprétation): Non, c'était le paragraphe n°6 et je

  3   comptais passer maintenant au paragraphe n°7.

  4   M. le Président (interprétation): Monsieur Pokrajcic, nous allons

  5   maintenant lever la séance. Nous devons maintenant continuer et parler

  6   d'autres choses, cela n'a rien à voir avec votre déposition.

  7   Je vous prie, jusqu'à demain, de ne parler à personne au sujet de votre

  8   témoignage, ce qui inclut aussi le conseil de la défense. Pourriez-vous

  9   venir ici demain matin à 9 heures 30 pour compléter votre déposition?

 10   Vous pouvez disposer.

 11   (Le témoin, M. Jozo Pokrajcic, est reconduit hors du prétoire.)

 12   Nous passons maintenant à huis clos partiel.

 13   (Questions relatives à la procédure.)

 14   (Huis clos partiel.)

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 13   Pages 25510 – 25524 expurgées – audience à huis clos partiel.

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 15   (L'audience est levée à 16 heures 30.)

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