Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 26 février 2001.)

  2   (Jugement de l'Affaire Kordic-Cerkez.)

  3   (Audience publique.)

  4   M. le Président (interprétation): Veuillez annoncer l'affaire, s'il vous

  5   plaît.

  6   Mme Ameerali (interprétation): Bonjour. Affaire IT-95-14/2-T, le Procureur

  7   contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

  8   M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance rend

  9   aujourd’hui son jugement. Il s’agit de la cinquième affaire dont le

 10   Tribunal a eu à connaître concernant les événements qui se sont produits

 11   en 1992 et 1993 dans la vallée de la Lašva. Cependant, il s'agit de la

 12   première affaire qui mette en cause un homme politique de haut niveau.

 13   Cette affaire s’inscrit dans le cadre du conflit qui a opposé à l’époque

 14   les Musulmans de Bosnie aux Croates de Bosnie en Bosnie centrale. Les

 15   accusés ont tous deux joué un rôle éminent dans ce conflit. Dario Kordic

 16   était un homme politique, décrit comme le plus important de la région.

 17   Mario Cerkez était un militaire et il commandait une brigade des forces

 18   armées croates de Bosnie. Les accusations portées contre eux découlent des

 19   événements qui se sont produits pendant le conflit.

 20   L’Acte d’accusation renferme 44 chefs d'accusation; il retient, à

 21   l’encontre de chacun des accusés, huit infractions graves aux Conventions

 22   de Genève, dix violations des lois ou coutumes de la guerre et quatre

 23   crimes contre l’humanité. Les deux premiers chefs d’accusation reprochent

 24   aux accusés des persécutions, un crime contre l’humanité. Les autres

 25   chefs portent sur des infractions telles que les meurtres, les


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  1   traitements inhumains, les mises en détention et les destructions. Il est

  2   allégué dans l’Acte d’accusation que les accusés ont participé à une

  3   campagne généralisée ou systématique de persécution contre les Musulmans

  4   de Bosnie de cette région, campagne qui a culminé avec la série

  5   d’attaques dont des villes et villages de la vallée de la Lašva et des

  6   environs ont été la cible pendant deux ans. De nombreux civils musulmans

  7   ont été tués, gravement blessés ou placés en détention. Dans le même

  8   temps, leurs maisons étaient incendiées, leurs villes, villages et lieux

  9   de culte détruits et leurs biens pillés.

 10   La défense des deux accusés a consisté à nier purement et simplement les

 11   accusations portées contre eux. Ils ont non seulement décliné toute

 12   responsabilité dans les crimes qui leur sont reprochés mais ils ont même

 13   nié que les crimes aient été commis. En conséquence, la Chambre de

 14   première instance a dû déterminer si ces crimes avaient été commis et, le

 15   cas échéant, si les accusés sont coupables de ceux qui leur sont

 16   reprochés.

 17   Il s’en est suivi un procès extrêmement long, qui a duré vingt mois et au

 18   cours duquel de très nombreux éléments de preuve ont été soumis à la

 19   Chambre. Au total, ce sont 241 témoins qui ont déposé et quelque 4.500

 20   pièces à conviction qui ont été produites. Le compte rendu d’audience

 21   compte 28.000 pages.

 22   Ce qui suit est un résumé du Jugement écrit, mais ne fait pas partie de ce

 23   Jugement. Ce Jugement est disponible aujourd’hui.

 24   Tout d’abord, quelques points de droit. La Chambre de première instance

 25   conclut qu’à l’époque visée, il existait en Bosnie centrale un état


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  1   général de conflit armé. Elle conclut également qu’il y a manifestement un

  2   lien entre ce conflit et les crimes recensés dans l’Acte d’accusation. La

  3   Chambre de première instance conclut qu’en raison de l’intervention de la

  4   République de Croatie, ce conflit était international.

  5   La Chambre de première instance estime également que peuvent être

  6   qualifiés de persécution des actes qui ne sont pas explicitement énumérés

  7   en tant que crimes contre l’humanité à l’Article 5 du Statut du Tribunal

  8   international. Cependant, ces actes doivent présenter le même degré de

  9   gravité que ceux énumérés dans l’Article. En l'espèce, la Chambre de

 10   première instance conclut que deux actes allégués ne présentent pas ce

 11   degré de gravité, à savoir les persécutions prenant la forme d’incitation

 12   à la haine par la propagande et d’autres moyens, et les persécutions dans

 13   le travail.

 14   S’agissant maintenant des faits. L’histoire qui nous intéresse commence

 15   avec la création en 1990 d’un parti politique croate de Bosnie, l’Union

 16   démocratique croate de Bosnie-Herzégovine, ou "HDZ-BiH", qui est une

 17   émanation d’une organisation créée en Croatie, le parti nationaliste HDZ.

 18   Fin 1991, le HDZ-BiH a instauré en Bosnie une communauté croate distincte,

 19   la HZ-HB, dont la Chambre de première instance conclut qu’elle a été créée

 20   dans l’intention de l’intégrer, en temps opportun, à la République de

 21   Croatie. À son tour, la HZ H-B a créé un autre organe, le Conseil de

 22   défense croate, ou "HVO", qui constituait l’instance exécutive et de

 23   défense de la communauté croate de Bosnie. Des HVO municipaux ont alors

 24   été créés pour exercer le pouvoir exécutif et militaire à l’échelon local.

 25   Pendant ce temps, Dario Kordic a rapidement gravi les échelons du parti


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  1   politique HDZ-BiH: il est devenu président de ce parti dans sa ville,

  2   Busovaca, président de sa communauté régionale et vice-président de la HZ

  3   H-B. De son côté, Mario Cerkez a participé à la fondation du HVO à Vitez

  4   et il commandait sa brigade locale, connue sous le nom de Brigade Viteska.

  5   En 1992, le HVO a commencé à prendre le pouvoir dans toutes les

  6   municipalités de Bosnie centrale, en particulier à Busovaca, Vitez et

  7   Kiseljak. Il n’a rencontré qu’une faible résistance armée, sauf à Novi

  8   Travnik et dans le village d’Ahmici. Lors de ces incidents, Dario Kordic a

  9   fait la preuve de son pouvoir tant politique que militaire. La Chambre de

 10   première instance conclut que fin 1992, à la veille du conflit, Dario

 11   Kordic détenait ces deux pouvoirs. Son pouvoir militaire ne tenait pas à

 12   un grade formel mais à une position à laquelle il s’était hissé de lui-

 13   même. Partant, on ne peut lui attribuer de position précise dans la chaîne

 14   de commandement; il n’est pas suggéré qu’il détenait le pouvoir de mettre

 15   au pas ou de sanctionner les soldats, et la Chambre de première instance

 16   conclut que sa responsabilité n’est pas engagée en tant que supérieur

 17   hiérarchique aux termes de l’Article 7.3) du Statut.

 18   Venons-en maintenant à 1993, l’année la plus importante du conflit. Elle

 19   s’est ouverte par des négociations de paix et le Plan Vance-Owen.

 20   Cependant, la situation a rapidement dégénéré en conflit, d’abord à Gornji

 21   Vakuf puis à Busovaca. Le HVO a attaqué cette dernière municipalité en

 22   janvier 1993, utilisant l’artillerie et l’infanterie contre des cibles

 23   civiles et inaugurant une ligne de conduite pour les attaques

 24   ultérieurement lancées contre les villes et les villages. Les preuves

 25   produites montrent que Dario Kordic était impliqué dans cette attaque. En


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  1   avril 1993, à leur tour, Vitez et les villages musulmans de la vallée de

  2   la Lašva ont été attaqués. La Chambre de première instance conclut que les

  3   preuves indiquent que ces lieux ont été la cible d’une attaque bien

  4   organisée et planifiée de la part du HVO, en particulier l'attaque

  5   d’Ahmici qui, à l’aube du 16 avril, a conduit au massacre de plus de 100

  6   personnes, dont 32 femmes et 11 enfants, et à la destruction du village.

  7   Des attaques similaires ont été menées contre les villages de toute la

  8   vallée de la Lašva et contre la ville de Vitez. La Chambre de première

  9   instance conclut que ces attaques participaient d’un dessein ou d'un plan

 10   commun conçu et exécuté par les dirigeants croates de Bosnie afin de

 11   procéder au nettoyage ethnique des Musulmans de la vallée.

 12   Dario Kordic, en tant que dirigeant politique local, a été partie prenante

 13   à ce dessein ou plan, son principal rôle étant celui de planificateur et

 14   d’instigateur. En outre, la Chambre de première instance conclut que Dario

 15   Kordic était présent lors d’une réunion d’hommes politiques au quartier

 16   général du colonel Blaskic, le 15 avril, lorsque les attaques d’Ahmici et

 17   des autres villages ont été autorisées; la Chambre conclut que Mario

 18   Cerkez était présent à une réunion militaire ultérieure lorsqu’ont été

 19   élaborés les plans; et elle conclut également que Dario Kordic avait

 20   partie liée avec l’ordre donné par le colonel Blaskic de tuer tous les

 21   hommes en âge de porter les armes, d’expulser les civils et d’incendier

 22   les maisons d’Ahmici.

 23   Quant au rôle joué par Mario Cerkez le 16 avril, la Chambre de première

 24   instance conclut qu’à cette période, la Brigade Viteska était au cœur des

 25   combats et que Mario Cerkez la commandait. En tant que commandant, il a


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  1   participé aux attaques de Vitez, Stari Vitez et Veceriska. Cependant, en

  2   dépit de sa présence lors de la réunion militaire du 15 avril, la Chambre

  3   de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute

  4   raisonnable qu’il ait une quelconque responsabilité dans l’attaque

  5   d’Ahmici. Cette attaque a été le fait du 4e Bataillon de police militaire,

  6   qui n’était pas placé sous son commandement.

  7   Les combats autour de Vitez se sont poursuivis après le 16 avril. Le 18

  8   avril, un camion piégé a explosé près de la mosquée de Stari Vitez, tuant

  9   au moins 6 personnes et faisant 50 blessés. La Chambre de première

 10   instance conclut qu’il s’agissait là d’un acte de terrorisme pur et

 11   simple, commis par des éléments du HVO de Vitez, mais qu’aucune preuve ne

 12   permet d’établir un lien entre cette action et l’un ou l’autre des

 13   accusés.

 14   Le 18 avril, le HVO a attaqué les villages de la municipalité de Kiseljak.

 15   Ces attaques faisaient partie de l’offensive générale lancée par le HVO

 16   contre les Musulmans de cette région et Dario Kordic, en tant que

 17   dirigeant politique, était impliqué dans ces attaques.

 18   El 19 avril, la place du marché de Zenica a été bombardée, faisant ainsi

 19   quinze morts et de nombreux blessés. La Chambre de première instance

 20   conclut que le HVO était responsable de ces bombardements mais que ceux-

 21   ci ne s’inscrivaient pas dans le droit fil des autres attaques, non plus

 22   que dans le cadre du plan ou du dessein commun. Aucun lien politique n’a

 23   été établi et, en conséquence, la Chambre de première instance ne saurait

 24   donc conclure à l’implication de Dario Kordic dans cette attaque

 25   illégale.


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  1   À la fin du mois d’avril, un cessez-le-feu était mis en place, mais, en

  2   juin, les combats ont repris en Bosnie centrale. El HVO a lancé une autre

  3   série d’attaques, cette fois-ci contre les villages de la municipalité de

  4   Kiseljak, et notamment sur le village de Tulica, village qui a été

  5   détruit et où 12 personnes ont trouvé la mort. La Chambre de première

  6   instance conclut que ces offensives étaient une nouvelle concrétisation

  7   du plan du HVO qui visait à assujettir les Musulmans de Bosnie centrale.

  8   S’agissant des offensives menées contre les villages au cours du mois

  9   d’avril, la Chambre de première instance conclut que les attaques

 10   n’auraient pas été lancées sans l’autorisation de la direction politique

 11   locale, à savoir Dario Kordic.

 12   En octobre 1993, les événements se sont étendus à la municipalité de

 13   Vares. Le village de Stupni Do se trouve à environ un kilomètre au sud de

 14   la ville de Vares. Le 23 octobre, le village a été attaqué et 38

 15   personnes ont trouvé la mort. La responsabilité d’Ivica Rajic et de ses

 16   troupes de Kiseljak dans le massacre n’a pas été contestée. Le village a

 17   opposé une certaine résistance, mais rien ne saurait justifier ce qui

 18   s’est passé. Cependant, la Chambre de première instance conclut que

 19   l’influence et l’autorité de Dario Kordic, qui s’exerçaient avant tout

 20   dans la vallée de la Lasva, ne s’étendaient pas jusqu’à Stupni Do. Ce

 21   village ne se trouvait donc pas dans sa sphère de responsabilité et

 22   l’attaque contre le village ne s’inscrivait dans le cadre d’un plan ou

 23   d’un dessein commun auquel il aurait participé.

 24   Lors des offensives lancées par le HVO, des centaines de civils musulmans

 25   de Bosnie ont été rassemblés et détenus dans des camps improvisés où les


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  1   conditions étaient certes variables, mais de manière générale inhumaines.

  2   La Chambre de première instance conclut que ces détentions étaient

  3   arbitraires et illégales (ce qui s’inscrivait dans le cadre du plan ou

  4   dessein commun). En outre, les détenus étaient contraints, sans raison, de

  5   creuser des tranchées et ils étaient utilisés comme otages et comme

  6   boucliers humains. La Chambre de première instance conclut également qu’en

  7   tant que commandant de la brigade de Vitez, Mario Cerkez était responsable

  8   de la détention illégale et du traitement inhumain des personnes détenues

  9   dans les centres de détention de Vitez, et la Chambre conclut que Dario

 10   Kordic était responsable de la détention illégale de personnes dans les

 11   secteurs relevant de sa responsabilité. Cependant, les camps étaient

 12   dirigés par l’armée et l’on ne saurait déduire des éléments de preuve

 13   produits que Dario Kordic était responsable de la façon dont les détenus

 14   étaient traités, ou que ce traitement faisait partie du plan ou du dessein

 15   commun.

 16   La Chambre de première instance conclut qu’on retrouve les mêmes

 17   destructions et pillages dans tous les endroits attaqués par le HVO.

 18   Celui-ci prenait délibérément pour cible les mosquées et autres édifices

 19   religieux et scolaires. Ces actes s’inscrivaient dans le cadre du plan

 20   commun et les accusés sont impliqués dans ces infractions commises là où

 21   ils sont reconnus responsables des attaques.

 22   S’agissant des persécutions, la Chambre de première instance conclut, sur

 23   la base de nombreux éléments de preuve, que tout au long de la période

 24   couverte dans l’Acte d’accusation les Musulmans de Bosnie ont été victimes

 25   d’une campagne de persécutions en Bosnie centrale. Ces persécutions ont


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  1   revêtu les formes les plus extrêmes: il s’agit de l’attaque de villes et

  2   de villages, accompagnées de destructions, de pillages, de meurtres, de

  3   sévices et de détentions. Cette campagne visait à assujettir la population

  4   musulmane de Bosnie.

  5   En conséquence, la Chambre de première instance décide de rejeter

  6   l’argument de la Défense selon lequel les événements en cause se sont

  7   produits dans le cadre d’une guerre civile, que les Croates de Bosnie se

  8   défendaient et qu’ils étaient eux-mêmes victimes d’actes de persécution.

  9   Le fait que les Croates de Bosnie aient été victimes d’atrocités à titre

 10   individuel n’est pas pertinent en l’espèce, même s’il est possible que

 11   ces crimes fassent l’objet d’autres poursuites pénales.

 12   S’agissant de la participation des accusés à la campagne de persécution,

 13   la Chambre de première instance rend les conclusions suivantes.

 14   Quelle que soit la position qu’il ait pu occuper, les éléments de preuve

 15   ne permettent pas d’établir que Dario Kordic faisait partie des plus

 16   hautes instances dirigeantes des Croates de Bosnie ou qu’il a conçu la

 17   campagne de persécution. Dario Kordic était un dirigeant régional et s’est

 18   rallié avec enthousiasme au but commun de cette campagne en planifiant, en

 19   préparant et en ordonnant les actes de persécution qui relevaient de son

 20   autorité.

 21   Nous l’avons dit, la Chambre a conclu que Mario Cerkez, en tant que

 22   commandant de la Brigade de Vitez, a participé aux attaques contre Vitez,

 23   Stari Vitez et Veceriska. Ces attaques ont marqué l’un des points

 24   culminants de la campagne de persécution. L’accusé a pris part à cette

 25   campagne en commandant les troupes impliquées dans certains incidents


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  1   durant ces attaques; en tant que tel l’accusé était coauteur de ces actes.

  2   Venons-en maintenant aux allégations selon lesquelles la responsabilité

  3   des accusés serait engagée en tant que supérieurs hiérarchiques, parce

  4   qu’ils n’auraient pas empêché les crimes en cause et puni leurs auteurs.

  5   La Chambre de première instance fait remarquer que des civils peuvent être

  6   ainsi mis en cause s’il est établi qu’ils avaient l’autorité nécessaire

  7   pour empêcher que des crimes ne soient commis et pour en punir les

  8   auteurs.

  9   Cependant, comme il a déjà été indiqué, la Chambre de première instance a

 10   conclu que Dario Kordic n’avait pas le pouvoir de prévenir ces crimes ou

 11   d’en punir les auteurs et qu’en conséquence, sa responsabilité ne pouvait

 12   être engagée en application de l’Article 7 3) du Statut.

 13   En revanche, Mario Cerkez avait connaissance des attaques menaçant Vitez,

 14   Stari Vitez et Veceriska, attaques menées par les troupes placées sous son

 15   commandement. Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher que

 16   ces attaques ne soient commises et n’a pas puni les personnes qui en

 17   étaient responsables; par conséquent, il est responsable des infractions

 18   commises dans le cadre des attaques contre ces trois localités, en vertu

 19   de l’Article 7 3) du Règlement.

 20   En dernier lieu, la Chambre de première instance décide de suivre la

 21   pratique récemment dégagée par la Chambre d’appel concernant le cumul de

 22   déclarations de culpabilité. Partant, les accusés seront acquittés des

 23   chefs d’accusation pour lesquels un cumul des déclarations de culpabilité

 24   n’est pas envisageable.

 25   La Chambre de première instance se prononce comme suit sur les chefs de


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  1   l’acte d’accusation:

  2   Chefs d’accusation 1 et 2: crimes contre l’humanité: persécutions

  3   Chef 1: Dario Kordic - COUPABLE

  4   Chef 2: Mario Cerkez - COUPABLE

  5   Chefs d’accusation 3 à 6: violations des lois ou coutumes de la guerre

  6   (attaque illicite de civils).

  7   Chefs 3 et 4: Dario Kordic - COUPABLE

  8   Chefs 5 et 6: Mario Cerkez - COUPABLE

  9   Chefs d’accusation 7 à 20: crimes contre l’humanité, infractions graves

 10   aux Conventions de Genève et violations des lois et coutumes de la guerre

 11   (meurtre, homicide intentionnel, actes inhumains, le fait de causer

 12   intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes

 13   graves, traitements inhumains).

 14   Dario Kordic:

 15   Chefs 7, 8, 10 et 12: - COUPABLE

 16   Chefs 9, 11, 13: - NON COUPABLE

 17   Mario Cerkez:

 18   Chefs 14, 15, 17 et 19: - COUPABLE

 19   Chefs 16, 18 et 20: - NON COUPABLE

 20   Chefs d’accusation 21 et 22: crime contre l’humanité et infractions grave

 21   aux Conventions de Genève (emprisonnement, détention illégale de civils).

 22   Dario Kordic - COUPABLE

 23   Chefs d’accusation 23 à 28: infractions graves aux Conventions de Genève

 24   et violations des lois ou coutumes de la guerre (traitements inhumains,

 25   utilisation de boucliers humains et prise d’otages).


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  1   Dario Kordic - NON COUPABLE

  2   Chefs d’accusation 29 à 31: crime contre l’humanité et infractions graves

  3   aux Conventions de Genève (emprisonnement, détention illégale de civils,

  4   traitements inhumains).

  5   Mario Cerkez - COUPABLE

  6   Chefs d’accusation 32 à 36:violations des lois ou coutumes de la guerre et

  7   infractions graves aux Conventions de Genève (traitements cruels, prise

  8   d’otages, traitements inhumains).

  9   Mario Cerkez:

 10   Chefs 32, 34 et 36: - NON COUPABLE

 11   Chefs 33 et 35: - COUPABLE

 12   Chefs d’accusation 37 à 42: infractions graves aux Conventions de Genève,

 13   violations des lois ou coutumes de la guerre (destructions de biens à

 14   grande échelle, destruction sans motif, pillage).

 15   Chef 37: Dario Kordic - NON COUPABLE

 16   Chefs 38 et 39: Dario Kordic - COUPABLE

 17   Chef 40: Mario Cerkez - NON COUPABLE

 18   Chefs 41 et 42: Mario Cerkez - COUPABLE

 19   Chefs 43 et 44: violations des lois ou coutumes de la guerre (destruction

 20   ou endommagement d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement).

 21   Chef 43: Dario Kordic - COUPABLE

 22   Chef 44: Mario Cerkez - COUPABLE

 23   S’agissant maintenant de la peine, la Chambre de première instance

 24   souhaite faire plusieurs remarques d’ordre général. Elle déterminera les

 25   peines appropriées pour chacun des accusés en soulignant que celles-ci


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  1   tiennent compte des éléments de preuve en l’espèce et du rôle de ces

  2   accusés tel que la Chambre a pu l’établir. Les deux accusés ont été

  3   reconnus coupables de nombreux crimes qui participent tous du même dessein

  4   commun qui a abouti à la persécution et au "nettoyage ethnique" des

  5   Musulmans de Bosnie dans la vallée de la Lasva et dans ses environs. La

  6   campagne soutenue qui en est résultée a comporté une série d’attaques

  7   aveugles et sauvages contre des villages et des villes, attaques durant

  8   lesquelles aucune différence n’était faite entre les victimes: jeunes et

  9   vieux étaient tués ou expulsés et leurs maisons incendiées. Il est

 10   possible qu’on ne connaisse jamais le nombre exact de morts, mais ils se

 11   comptent de toute façon par centaines et celui des expulsés, par milliers.

 12   On ne peut imaginer crimes d’une plus grande barbarie. Ceux qui y ont

 13   participé doivent s’attendre à des peines d’une sévérité proportionnée à

 14   l’outrage ressenti par la communauté internationale.

 15   Dario Kordic, je vous demande de vous lever.

 16   Vous avez joué un rôle important dans les crimes commis. En tant que

 17   dirigeant politique régional en Bosnie centrale, investi d’une autorité

 18   particulière dans la vallée de la Lašva, vous étiez commandant politique

 19   de facto dans la zone où la plupart des crimes ont été commis. Nous

 20   l’avons déjà fait observer, la Chambre de première instance n’a pas

 21   accepté les dossiers de l’accusation dans leur ensemble et a conclu que

 22   vous ne faisiez pas partie des principaux dirigeants de la campagne de

 23   persécution. De même, vous avez été acquitté de certaines des infractions

 24   qui trouvent leur origine dans des actes individuels de terreur et

 25   acquitté aussi du massacre de Stupni Do. C’est pourquoi, vous n’êtes pas


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  1   condamné pour avoir orchestré la campagne ni pour en avoir été

  2   l’instigateur. Toutefois, vous vous êtes associé à la campagne avec

  3   enthousiasme et avez largement contribué aux offensives lancées dans la

  4   vallée de la Lašva en 1993, notamment en répondant aux ordres donnés

  5   d’attaquer Ahmici et les autres villages en avril 1993. Pour la part que

  6   vous avez prise à ce terrible épisode, vous méritez un châtiment

  7   approprié. Le fait que vous étiez un homme politique et que vous n’avez

  8   aucunement participé en fait à l’exécution des crimes ne fait aucune

  9   différence. Vous y avez aussi sûrement participé que les hommes qui ont

 10   tiré. Le fait que vous étiez un dirigeant rend même les crimes plus

 11   graves. Vous n’avez présenté aucune circonstance atténuante et il n’en

 12   existe pas. La Chambre considère que l’ensemble de votre comportement

 13   criminel est mieux pris en compte par le prononcé d'une peine unique.

 14   Dario Kordic, vous êtes condamné à 25 années d’emprisonnement.

 15   Vous pouvez vous rasseoir.

 16   Mario Cerkez, je vous demande de vous lever.

 17   Votre situation est différente de celle de votre coaccusé. Vous étiez un

 18   soldat et un commandant de rang intermédiaire du HVO. La Chambre de

 19   première instance prend note du fait que vous n’aviez aucune expérience

 20   préalable du commandement et que rien dans votre vie antérieure ne vous y

 21   préparait. Toutefois, vous étiez le Commandant de la brigade Viteska

 22   durant les terribles événements qui se sont déroulés dans la vallée de la

 23   Lašva, et vous avez mené les assauts qui ont provoqués la mort de civils

 24   et la destruction de biens appartenant à ceux-ci. La Chambre de première

 25   instance a conclu que vos troupes n’ont pas participé au massacre


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  1   d’Ahmici, mais vous avez joué un rôle, aggravé du fait de votre position

  2   de commandant, dans la campagne de persécutions. Les témoignages

  3   favorables concernant votre moralité et votre personnalité, présentés

  4   comme circonstances atténuantes, ne peuvent être retenus comme telles dans

  5   le cadre de ces crimes internationaux. La Chambre de première instance

  6   considère que l’ensemble de votre comportement criminel est mieux pris en

  7   compte par le prononcé d'une peine unique. Mario Cerkez, vous êtes

  8   condamné à 15 années d’emprisonnement.

  9   Vous pouvez vous rasseoir.

 10   Le temps que les accusés ont passé sous la garde du Tribunal

 11   international, à savoir du 6 octobre 1997 à la date du présent Jugement,

 12   sera déduit de la durée des peines à purger.

 13   Nous suspendons l'audience.

 14   (L'audience est suspendue à 14 heures 40.)

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