Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 19 mai 2004

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je salue toutes les personnes

  7   présentes dans le prétoire et je vais demander à Mme la Greffière d'appeler

  8   le numéro de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire

 10   IT-95-14/2-A, le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je suppose que

 12   les parties représentent la même composition qu'hier. C'est établi.

 13   Je m'adresse à Messieurs Kordic et Cerkez. Etes-vous en mesure de suivre

 14   les débats dans une langue que vous comprenez ?

 15   L'APPELANT KORDIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 16   Mesdames et Messieurs les Juges, merci de me poser la question. Oui, je

 17   suis en mesure se suivre les débats d'aujourd'hui dans ma langue.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 19   rasseoir.

 20   L'APPELANT CERKEZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 21   Mesdames et Messieurs les Juges, je comprends tout ce qui est dit et je

 22   suis en mesure de suivre les débats.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivons sans

 24   plus tarder. Faisons preuve de souplesse pour ce qui est de l'horaire. Vous

 25   savez le temps qui est réservé aux parties. Il se peut que la totalité de


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  1   ces périodes de temps allouées ne soient pas nécessaires, soyons souple.

  2   Disons d'ores et déjà, aujourd'hui, nous n'aurons qu'une heure de pause

  3   pour le déjeuner. Ceci devrait nous permettre de terminer dans les temps

  4   prévus. Tout d'abord, je vais m'adresser aux parties, en l'occurrence à la

  5   Défense de M. Cerkez et à l'Accusation, car il y a encore la question des

  6   faits établis ou stipulés s'agissant de la situation familiale. Il y avait

  7   une requête à cet effet déposée le 4 mai par la Défense de M. Cerkez. Qu'en

  8   est-il ?

  9   M. FARRELL : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les Juges.

 10   Permettez-moi de parler en mon nom propre ainsi qu'au nom de Me Kovacic,

 11   nous en avons discuté ce matin et nous avons parcouru le document. Il y a

 12   quelques points qui restent en litige, et nous avons convenu d'en reparler

 13   à la pause si ceci ne vous dérange pas. Nous vous ferons part de notre

 14   décision ce matin, nous essayons de trouver une solution sans

 15   l'intervention de la Chambre.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien. Je pense que je devrais

 17   sans tarder donner la parole à l'Accusation qui dispose au plus d'une

 18   heure, mais je suppose que vous n'avez pas besoin de tout ce temps, n'est-

 19   ce pas ?

 20   M. FARRELL : [interprétation] Merci. Je vais d'abord tenter de répondre aux

 21   questions posées par M. le Juge Guney hier, ainsi qu'aux questions posées

 22   par vous, Monsieur le Président. Ensuite, je vous fournirai quelques

 23   commentaires sur les conclusions présentées hier.  Mme Jarvis interviendra

 24   sur le dernier aspect de notre réponse à l'appel interjeté par M. Cerkez.

 25   Tout d'abord, s'agissant de la portée du plan criminel, Monsieur le Juge.


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  1   Cette portée géographique, la Chambre de première instance dans son

  2   jugement, et ceci reflète l'acte d'accusation, a adopté deux échelons de

  3   l'entreprise criminelle commune ou du plan criminel. Il y a d'abord les

  4   charges retenues contre l'appelant Kordic. La Chambre dit au paragraphe 827

  5   que la Bosnie centrale est au-delà, donc c'est une portée plus large.

  6   Ensuite, la Chambre conclut que Kordic a participé à cette portée plus

  7   large, cela est dit au 829.

  8   Il y a une campagne de persécution qui a été menée dans la municipalité de

  9   Vitez, c'est une ventilation de cela, et il y a un paragraphe où on juge

 10   Cerkez coupable et la Chambre limite ses responsabilités aux villages qui

 11   font partie de la municipalité de Vitez. Dans l'appel interjeté par

 12   l'Accusation, je dirais que le fait d'avoir limité la responsabilité au

 13   seul lieu où il y avait implication directe de la Brigade de Vitez était

 14   une erreur.

 15   Les crimes qui étaient à la base de cet accord criminel. L'objectif était

 16   de soumettre la population musulmane de Bosnie et c'est un plan qui a été

 17   exécuté en ayant recours à des mesures violentes à la force. Les mesures

 18   convenues pour parvenir à ce but, se trouvent au paragraphe 827 [comme

 19   interprété]. Il fallait attaquer les villes et les villages, ce qui était

 20   accompagné de meurtres, de pillages, de détentions et de blessures

 21   infligées aux Musulmans de Bosnie. Je reviendrai à la question de savoir ce

 22   qui se trouve en dehors de ce plan commun, mais voilà ce qui se trouvait à

 23   l'intérieur de ce ou dans le cadre de ce plan commun.

 24   Les objectifs de ces plans convenus étaient les mêmes pour ce qui est de

 25   cette catégorie élargie de l'entreprise criminelle commune. Vu les éléments


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  1   de preuve communiqués, on a vu que ces actes ont été exécutés de façon

  2   identique et répétée dans les villes et les villages. Il y a peut-être eu

  3   quelques différences au niveau de l'exécution dans l'intensité notamment,

  4   mais il y a un dénominateur commun dans ces villes et villages. Il y avait

  5   les assassinats, la destruction, le pillage et la détention des Musulmans

  6   de Bosnie. Tout ceci se fait en vue de la réalisation de l'objectif ultime.

  7   La question suivante concernait la connaissance qu'avait M. Cerkez du plan

  8   en tant que tel. Là, il y a deux aspects à notre avis. Le premier c'était

  9   que cette connaissance peut être déduite de façon générale de l'ensemble

 10   des moyens de preuve et ceci a trait au plan qui se poursuivait et à toutes

 11   les activités se déroulant dans la municipalité de Vitez. Il savait qu'il y

 12   avait un plan qui visait les Musulmans à Vitez, Stari Vitez et Donja

 13   Veceriska parce qu'il a donné l'ordre à ses troupes d'aller dans ces lieux

 14   et d'y commettre des crimes. Il savait que ce plan avait une portée plus

 15   large que la seule portée pour laquelle il a été jugé coupable par la

 16   Chambre de première instance. Il savait qu'il y avait une campagne

 17   militaire qui s'effectuait avec la Brigade de Vitez et que ces actes

 18   avaient été exécutés par toutes les unités dans la municipalité de Vitez.

 19   Je pourrais vous parler des preuves en montrant qu'il y avait connaissance

 20   de cela par notamment, des endroits limités où ces actions se sont

 21   déroulées et le fait qu'il y avait coordination nécessaire pour les unités

 22   militaires. Il y a une attaque qui était le résultat des efforts entrepris

 23   par la Brigade de Vitez pour bloquer la Brigade de Busovaca, et il y avait

 24   l'appui de l'artillerie venant d'Hrasno depuis la Brigade de Busovaca. Ce

 25   n'était pas là un acte individuel qui n'était pas coordonné, il fallait


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  1   pour ce faire coordination et coopération.

  2   Je ne reviendrai pas de façon détaillée sur la connaissance, mais le fait

  3   qu'il a fait rapport à Blaskic, ces rapports concernaient toute la zone. Il

  4   est inconcevable que le commandant de la municipalité de Vitez, qui est

  5   responsable de toute la zone, qui est responsable pour Sivrino Selo, pour

  6   Stari Vitez, pour Vitez, qu'il ne sache pas quel est le plan spécifique

  7   pour l'une des parties qui se trouve sous sa seule responsabilité. Comment

  8   peut-il faire rapport à M. Blaskic ? Comment M. Blaskic peut-il lui

  9   demander des rapports sur Vitez si Cerkez n'a pas connaissance de ce qui se

 10   passe. Ses troupes arrivent à la fin de la journée et font une opération de

 11   nettoyage. C'est ce qui apparaît, je pense à 17 heures 57 dans le journal

 12   de guerre. Il n'arrive pas à Ahmici sans savoir ce que ses troupes vont

 13   faire notamment pour les opérations de l'arrestation.

 14   Il fait rapport sur ces forces et il dit que le travail est fait à 70 % à

 15   Ahmici et Donja Veceriska. On peut supposer que ces

 16   70 % ont trait à l'Ahmici et pas à des opérations militaires.

 17    Il y a des éléments de preuve plus larges, à l'appui du fait que, M.

 18   Cerkez avait une connaissance très claire du plan général concernant la

 19   municipalité. On voit que ce sont les résultats de la réunion du 15 avril.

 20   D'après l'Accusation, même sans avoir des informations précises, la Chambre

 21   aurait pu déduire les circonstances générales qu'il avait cette

 22   connaissance; c'était la campagne, c'est ce que faisaient ses troupes et

 23   c'était l'information qu'il était censé relayer. De plus, nous avons des

 24   informations selon lesquelles il y avait eu un plan le 15, qu'on avait

 25   formulé ce plan qui concernait les unités, il y avait Kraljevic, ce sont


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  1   les Vitezovi; il y avait Cerkez, c'est la Brigade de Vitez; Ljubicic, c'est

  2   la police militaire; et le Témoin AT a dit que Grubesic se trouvait là

  3   aussi, et lui c'est la Brigade de Busovaca. Autant d'unités qui ont

  4   participé dans la municipalité de Vitez, c'était les unités principales,

  5   vous avez Ljubicic qui est la police militaire. Le général Blaskic, est-ce

  6   qu'il donnerait un seul ordre à toutes les unités et puisqu'il prendrait

  7   Ljubicic à part pour lui donner un ordre séparé ? Regardez la déposition du

  8   Témoin AT, il dit que les ordres de Blaskic consistent en ceci et cela. Ce

  9   n'est pas là une activité séparée mise au point par Ljubicic plus tard. Il

 10   est normal qu'il appelle toutes ses unités, les quatre unités qui vont

 11   participer à l'assaut dans la municipalité de Vitez et toutes font rapport

 12   à la Brigade de Vitez, il ne dirait pas au commandant de cette zone de

 13   responsabilité quels sont ses ordres pour ses unités ?

 14   Nous avons aussi des informations du Témoin AT, qui dit que tout à fait à

 15   côté de Pirici, je ne sais pas exactement où cela se trouve, mais cela

 16   pourrait être moins d'un kilomètre de distance, c'est là qu'il se trouve à

 17   moins d'un kilomètre de la Brigade de Vitez. Il a pour responsabilité

 18   d'arrêter -- de stopper la FORPRONU ? Pourquoi est-ce qu'on donnerait pour

 19   mission spécifique à la Brigade de Vitez de stopper une organisation

 20   internationale si ce n'était pas parce que cette brigade sait exactement

 21   quelle est la nature de la mission ? Il semble inconcevable qu'un

 22   commandant militaire qui donne l'ordre que donne Blaskic ne dirait pas aux

 23   restes des effectifs qui coordonnent une action ou une opération militaire,

 24   quelle est la nature de cet ordre.

 25   Selon certaines informations, le témoignage d'AT, Grubesic était là. Vous


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  1   vous souvenez qu'Ahmici a commencé par un pilonnage venant de la colline

  2   d'Hrasno. C'était Grubesic, il était à la réunion. AT a dit dans sa

  3   déposition que la FORPRONU, elle avait été stoppée aussi de l'autre côté de

  4   Kaonik, donc elle avait été stoppée par la Brigade de Vitez d'un côté et,

  5   de l'autre côté, elle devait être stoppée par Grubesic, Brigade de

  6   Busovaca, d'Hrasno. Pourquoi est-ce qu'on donnerait, en fait, l'ordre

  7   d'arrêter, de stopper la FORPRONU des deux côtés s'il n'y avait pas

  8   sciemment une activité illégale qui se produisait ? Ce n'est pas par hasard

  9   qu'il y a eu réunion ce jour-là, qu'il y a eu coordination. Cette

 10   connaissance, il faut la déduire, elle doit être déduite, tout à fait,

 11   logiquement quant à la nature des ordres donnés.

 12   S'agissant de la portée du plan, qui incluraient les autres crimes. Il y a

 13   d'abord le traitement inhumain en application ou visé au chef 31 qui a

 14   trait aux conditions de détention. Si, quand on parle de traitement

 15   inhumain, on pense aux conditions de détention, la Chambre de première

 16   instance n'a pas jugé que ceci faisait partie de l'entreprise criminelle

 17   commune. La réponse est négative. M. Cerkez a été jugé coupable sur un

 18   fondement différent, à cet égard.

 19   Si le traitement inhumain est considéré comme étant le fait d'avoir causé

 20   des tranchées, chef 31, les deux infractions se retrouvent au chef 31, la

 21   Chambre, une fois de plus, conclut que ceci ne fait pas partie du plan

 22   criminel commun.

 23   S'agissant de la prise d'otages, c'est pareil. La responsabilité au regard

 24   du chef 31 concerne surtout spécifiquement M. Cerkez.

 25   S'agissant de la privation de liberté. La Chambre, en fait, conclut que la


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  1   détention illégale, que cet acte faisait partie d'un plan criminel commun.

  2   S'agissant de la modalité, du mode de responsabilité pour tous ces actes

  3   qui relèvent du plan criminel commun, je vous ai dit que ce sont les

  4   attaques illicites qui ont pour effet les destructions et les activités

  5   illégales dont la détention, ce mode de responsabilité doit être la

  6   première catégorie de l'entreprise criminelle commune.

  7   De l'avis de l'Accusation, la Chambre n'a pas jugé que c'était le fait

  8   d'aider, d'encourager ou que c'était là la qualification qu'il faut tenir,

  9   parce qu'ils ont estimé que Cerkez avait davantage qu'une simple

 10   connaissance; qu'il partageait en fait l'intention délictueuse de ce plan

 11   criminel commun.

 12   Cette entreprise criminelle commune aurait pu s'appliquer à plusieurs actes

 13   dont les conditions inhumaines. C'était prévisible du fait de la détention

 14   mais apparemment ce n'est pas la conclusion qu'a tirée la Chambre de

 15   première instance.

 16   Enfin, Monsieur le Juge Guney m'avait posé une question quant à la

 17   responsabilité pour le fait d'ordonner, de donner des ordres. Au paragraphe

 18   831, la Chambre tire des conclusions s'agissant de la campagne de

 19   persécution et juge M. Cerkez coupable en qualité de commandant de la

 20   Brigade de Vitez car il a participé à ces attaques. La Chambre dit que

 21   c'était le point culminant de la campagne de persécution et pour ce qui est

 22   de sa contribution, il a participé à cette campagne en assurant le

 23   commandement des troupes impliquées dans certains des incidents.  C'est en

 24   cette qualité qu'il était co-auteur.

 25   Il faut comprendre quand on dit "assurant le commandement" qu'il donnait


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  1   des ordres. C'était la seule façon qu'il avait de commander ses troupes. La

  2   Chambre conclut qu'il était co-auteur. Pour qu'il y ait entreprise

  3   criminelle commune, il faut qu'il y ait le fait d'être co-auteur dans cette

  4   entreprise et je pense qu'on peut assimiler le fait d'assurer le

  5   commandement au fait d'ordonner.

  6   Voilà les réponses que je voulais vous fournir, Monsieur le Juge. Je ne

  7   sais pas si vous avez d'autres questions. Je serais, tout à fait, prêt à

  8   essayer d'y répondre, sinon je passerai à d'autres sujets.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci d'avoir fourni des réponses

 10   précises.

 11   M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie. Permettez-moi d'ajouter

 12   deux commentaires supplémentaires s'agissant des conclusions présentées par

 13   mon estimé confrère, et je passerai la parole à Mme Jarvis.

 14   Me Kovacic a eu l'obligeance de me fournir un exemplaire du rapport

 15   concernant la détention de M. Cerkez et je crois savoir que Me Kovacic va

 16   en demander le versement. Je sais que vous l'avez.

 17   Nous ne contestons pas le fait que Me Kovacic souhaite le versement au

 18   dossier pour que vous ayez ce document, mais lorsque vous allez examiner

 19   les informations qu'il contient, ceci concerne sa détention depuis 1997

 20   jusqu'à ce jour. Dans une décision récente rendue le 7 mai 2004 par la

 21   Chambre d'appel, la preuve de comportement postérieur à la condamnation

 22   n'est pas importante. Quant à savoir si la Chambre de première instance a

 23   versé dans l'erreur et la conclusion est celle-ci, ce comportement est sans

 24   pertinence, s'agissant des questions dont était saisie la Chambre de

 25   première instance. Par conséquent, on ne peut pas dire que la Chambre se


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  1   serait fourvoyée et la requête déposée par la Défense est rejetée,

  2   s'agissant de la demande de versement au dossier d'un tel rapport.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Weinberg de Roca, voulez-

  4   vous poser une question ?

  5   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] S'agissant de la réunion du

  6   15 avril, est-ce que cette question a constitué un problème ou une question

  7   posée dans d'autres procès portant sur le même sujet ? Ou est-ce qu'elle se

  8   pose ici, seulement ?

  9   M. FARRELL : [interprétation] Il y a eu des informations, mais, dans le

 10   cadre d'un huis clos, dans un autre procès. Je ne suis pas autorisé à vous

 11   répondre, mais je peux vous dire qu'il y a des documents qui ont été

 12   déposés, en la présente espèce, en application de l'Article 115 par voie de

 13   requête et la Chambre a rejeté ces documents, a estimé que ces moyens de

 14   preuve supplémentaires ne pouvaient avoir d'incidence sur le verdict rendu

 15   ici. Mais le dépôt s'était fait sous pli confidentiel.

 16   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter une chose.

 18   Vous avez bien cité une décision récente de la Chambre d'appel. Cependant,

 19   nous sommes face à un certain dilemme. C'est la jurisprudence constante du

 20   Tribunal que de dire que c'est important aux fins d'évaluation, mais qu'en

 21   est-il de la réinsertion. Il est important de savoir s'il existe encore des

 22   liens familiaux, quel a été le comportement récent de l'intimé ou de

 23   l'appelant au quartier pénitentiaire. La question n'est pas de savoir si la

 24   Chambre de première instance s'est fourvoyée ou pas, le tout c'est de

 25   savoir si, ici, les deux parties demandent une nouvelle peine. C'est, sans


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  1   nul doute, un facteur déterminant que celui de la réinsertion. Il nous

  2   faut, certainement, avoir des informations supplémentaires.

  3   M. FARRELL : [interprétation] Permettez-moi de vous répondre de la façon

  4   suivante. Si la Chambre d'appel maintient la peine imposée, l'appel

  5   Celebici avance que le comportement postérieur à la peine initiale est sans

  6   pertinence. On n'a pas la chance d'avoir une meilleure peine parce qu'on

  7   s'est bien comporté, c'est du moins la façon que nous avons de comprendre

  8   cette décision. Il vous demande une réduction, mais ceci ne vous met pas

  9   dans une position où vous allez avoir un procès de novo, mais plutôt de

 10   décider si la Chambre de première instance s'est trompée. Si, par ailleurs,

 11   cette Chambre doit donner une nouvelle peine, décide qu'il faut changer le

 12   mode  responsabilité ou, à l'inverse de l'affaire Celebici, où on a renvoyé

 13   l'affaire à la Chambre de première instance pour une nouvelle peine.

 14   Effectivement, à ce moment-là, vous allez peut-être demander ces

 15   renseignements. Mais je pense que s'il y avait une nouvelle peine, et s'il

 16   faut tenir compte de son comportement, quel est le rôle que jouerait une

 17   nouvelle peine ? Cela serait de lui donner une peine allant de ses crimes.

 18   Le comportement postérieur à la première peine, c'est ce que nous avons dit

 19   dans l'appel Celebici, cela porte sur les questions de l'exécution de la

 20   peine, la façon de savoir comment celle-ci va s'exécuter, s'il s'est bien

 21   comporté en prison, il aura de bons points si vous voulez. S'il a un bon

 22   comportement après le prononcé de la première peine, il sera peut-être

 23   libéré après les deux tiers de l'exécution, mais ceci ne concerne pas sa

 24   responsabilité s'agissant des crimes qu'il a commis. C'est ce que nous

 25   avons dit dans l'appel Celebici, et c'est de cette façon-là que je


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  1   comprends la décision ultime rendue aussi bien dans l'affaire Kvocka, que

  2   dans l'affaire Celebici.

  3   Je vous remercie. Voilà les points que je souhaitais porter à votre

  4   intention. Je vous remercie. Je vous demande l'autorisation de passer la

  5   parole à Mme Jarvis pour traiter des derniers aspects de la réponse du

  6   Procureur.

  7   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous prie, Madame Jarvis.

  8   Mme JARVIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Mesdames,

  9   Messieurs les Juges. Pour commencer, en réponse à vos questions, Monsieur

 10   le Juge Schomburg, s'agissant des conclusions que l'on trouve dans le

 11   jugement au sujet du comportement discriminatoire de Cerkez, je vous

 12   renverrais au paragraphe 830 et 831. Pour résumer, la Chambre de première

 13   instance a déduit la réalité de ses intentions, de sa participation à la

 14   compagne de persécution. Ceci est-il acceptable ? Oui, car la jurisprudence

 15   du Tribunal est, tout à fait, clair à cet égard. En effet, lorsque tous les

 16   moyens de preuve révèlent que c'est la seule déduction à tirer, il est

 17   permis d'en déduire la réalité, l'existence de cette intention délictueuse.

 18   Dans la grande majorité des affaires, l'absence d'une déclaration expresse

 19   de la part de l'accusé, la déduction est le seul moyen de prouver

 20   l'existence d'une intention.

 21   Les paragraphes 830 et 831 ne sont pas très longs, mais ce sont des

 22   paragraphes qui confirment ces conclusions, notamment lorsqu'on tient

 23   compte des paragraphes qui précédent où il est question des très nombreux

 24   moyens de preuve qui ont permis, à la Chambre de première instance, de

 25   parvenir à cette conclusion au sujet de l'existence d'une telle intention.


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  1   La Chambre de première instance a, très certainement, démontré, à deux

  2   reprises récemment dans l'affaire Vasiljevic et l'affaire Krstic, qu'elle

  3   se préoccupait de la suffisance des moyens de preuve pour démontrer

  4   l'existence d'une intention sur la base de la connaissance du fait qu'un

  5   accusé avait participé à un crime.

  6   Quant à la ligne de démarcation entre le fait d'aider et encourager d'une

  7   part, et le fait de participer à une entreprise criminelle commune de

  8   l'autre, quelle est la situation de M. Cerkez ? Est-elle différente de ce

  9   qui a été évoqué dans ces deux affaires ? Dans l'affaire Vasiljevic, la

 10   Chambre d'appel n'a pas été convaincue que l'accusé connaissait l'objectif

 11   criminel assigné aux meurtres des hommes musulmans sur les rives de la

 12   Drina jusqu'à très peu du temps avant la commission des actes en question.

 13   Son comportement par la suite, du point de vue de la Chambre d'appel, n'a

 14   pas démontré sans équivoque qu'il avait accepté cette intention partagée.

 15   Il était, si vous voulez, dans l'ignorance de l'objectif des autres

 16   participants à l'entreprise jusqu'à la toute dernière minute. Ce n'est pas

 17   le cas de M. Cerkez, il avait les yeux grands ouverts. Il connaissait,

 18   parfaitement bien, l'objectif assigné aux attaques auxquelles il a

 19   participé et, dans lesquelles, il a engagé ses forces qui visaient la

 20   population musulmane pour la seule raison que les membres de cette

 21   population appartenaient aux groupes auxquels ils appartenaient, et qu'il a

 22   donné l'ordre à ses hommes de commettre les crimes commis.

 23   L'affaire Krstic à présent. Encore une fois, la Chambre d'appel a fait

 24   preuve d'une grande précaution en examinant les circonstances entourant la

 25   participation informée qui pourrait permettre de tirer les conclusions qui


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  1   ont été tirées au sujet des intentions de l'auteur des actes concernés.

  2   Krstic connaissait l'entreprise visant au génocide qui était menée par

  3   l'état-major de l'armée des Serbes de Bosnie à Srebrenica, la Chambre

  4   d'appel a estimé que ses actes étaient sans équivoque à ce sujet. En tant

  5   que commandant du corps de la Drina, il a autorisé l'intervention de son

  6   corps qui a aidé à la commission des meurtres, mais il n'a pas déployé les

  7   troupes en vue de commettre, effectivement, des crimes. Ce n'est pas le cas

  8   de M. Cerkez. En effet, ce sont les troupes de M. Cerkez, qui étaient

  9   commandées par lui, dans sa zone de responsabilité, sur le territoire de

 10   Donja Veceriska, Vitez et Stari Vitez qui ont, délibérément, pris pour

 11   cible la population musulmane au cours d'actions de nature discriminatoire.

 12   Cerkez n'a pas envoyé ses hommes sur le terrain avec instruction de viser

 13   avec soin, uniquement, des objectifs militaires. Il les a envoyés sur le

 14   terrain avec des ordres express de prendre pour cible les civils musulmans

 15   et les maisons musulmanes. Les civils croates et les maisons croates

 16   devaient être exclus, ils ne devaient pas être pris pour cible. Il n'y a

 17   aucun doute à ce sujet.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

 19   mais ceci est une affaire, tout à fait, capitale dans le présent procès.

 20   Vous venez de dire qu'il a envoyé les hommes sur le terrain avec ordres

 21   express de tirer sur les civils musulmans et les maisons musulmanes. Où

 22   est-ce que vous trouvez cela dans le jugement ou dans les moyens des

 23   preuves qui vous ont été soumis ?

 24   Mme JARVIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la seule

 25   déduction possible sur la base des moyens de preuve. La Chambre de première


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  1   instance a admis qu'un plan d'attaque coordonné existait, et ceci,

  2   d'ailleurs, va dans le sens de ce qu'a dit mon confrère M. Farrell, il y a

  3   quelques instants. Il vous a parlé de la nature de ce plan criminel commun.

  4   Cette déduction émane du fait que les crimes, faisant partie de cette

  5   entreprise criminelle commune, ont été répétés en de très nombreux

  6   endroits, c'est-à-dire dans tous les villages dont il a été question au

  7   cours du procès, y compris dans la municipalité de Vitez, y compris dans

  8   les villages où la Brigade de Vitez, commandée par M. Cerkez, a mené ses

  9   opérations.

 10   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, la Chambre de

 11   première instance fait remarquer, au paragraphe 831 du jugement, que les

 12   crimes auxquels a participé la Brigade de Vitez ont constitué un moment

 13   très important dans cette campagne de persécution. L'Accusation estime que

 14   le fait que les atrocités les plus graves aient été commises dans la zone

 15   de responsabilité de

 16   M. Cerkez n'est pas le fait du hasard. En effet, ce n'est pas le fait du

 17   hasard de constater que la brigade a participé à cette campagne, notamment

 18   à Vitez, comme démontré par les documents dont il est question aux

 19   paragraphes 688 à 702 du jugement : "Ce n'est pas un hasard de constater

 20   que dans ces villages, les pires atrocités ont eu lieu," paragraphe 689(D).

 21   Ceci est inscrit au jugement. "Ahmici, 70 % exécuté; Donja Veceriska, 70 %

 22   exécuté."

 23   Non, M. Cerkez savait parfaitement bien qu'il s'engageait ainsi que sa

 24   brigade dans une campagne à part entière, et il savait très bien qu'il

 25   rendait compte au colonel Blaskic de la progression d'une opération de


Page 550

  1   nettoyage ethnique dans la municipalité de Vitez. Il avait les yeux grands

  2   ouverts, mais il a continué à agir quelles que soient les circonstances.

  3   Je souligne, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, que M.

  4   Cerkez n'agissait pas dans le vide. Tout Musulman de Bosnie, tout Croate de

  5   Bosnie, vivant dans la vallée de la Lasva entre 1992 et 1993, connaissaient

  6   la situation. Ils savaient que les tensions s'étaient aggravées entre les

  7   deux communautés. Ils savaient que le HVO s'était emparé d'un certain

  8   nombre de municipalités à partir de 1992. Ils savaient tout ce qui se

  9   passait. Ils connaissaient les actes de violence de plus en plus graves,

 10   ainsi que les actes d'intimidation qui étaient commis contre la population

 11   musulmane de Bosnie.

 12   M. Cerkez n'est pas simplement arrivé dans la municipalité de Vitez le 15

 13   avril 1993. Il avait, avant cela, commandé en tant que numéro deux de

 14   l'état-major de Vitez, et il avait également agi en tant que numéro deux de

 15   la Brigade Stjepan Tomasevic à partir d'octobre 1992 et jusqu'à février

 16   1993. Ceci figure au paragraphe 594 du jugement. A partir de mars 1993, il

 17   commandait la Brigade de Vitez.

 18   Il se trouvait sur les barricades d'Ahmici en octobre 1992, et plus d'un

 19   témoin au cours du procès a attesté du fait que M. Cerkez avait proféré des

 20   menaces graves, parlant de mettre le feu à la municipalité si la barricade

 21   n'était pas déplacée. Ceci figure aux paragraphes 532 à 533. L'Accusation

 22   enfin, dans son mémoire ultime avant le procès, au paragraphe 93, évoque ce

 23   fait.

 24   Au fur et à mesure que les rapports se dégradaient entre les Croates de

 25   Bosnie et les Musulmans de Bosnie en janvier 1993,


Page 551

  1   M. Cerkez a commencé à menacer de pilonner Vitez si l'ABiH n'acceptait pas

  2   les exigences du HVO. Ceci figure au paragraphe 594.

  3   Le soir du 15 avril, M. Cerkez a assisté à la réunion de la commission

  4   conjointe qui a traité des incidents survenus jusqu'à ce moment-là, et a

  5   fourni des assurances qui ont permis de croire qu'il n'y aurait pas

  6   d'attaque du HVO. Ceci figure dans les éléments de preuve liés au Témoin G,

  7   et au paragraphe 609 du jugement.

  8   La duplicité de ce comportement est bien apparue à la Chambre de première

  9   instance, référence paragraphe 610 du jugement, où les Juges font remarquer

 10   que cet après-midi-là, Cerkez a assisté à la réunion des commandants

 11   militaires, Pasko Ljubicic, Anto Sliskovic, Darko Kraljevic, et que c'est à

 12   cette réunion que l'attaque dans la municipalité de Vitez le lendemain

 13   matin, a été planifiée.

 14      Veuillez prendre en compte, Mesdames, Messieurs les Juges, le rôle de la

 15   Brigade de M. Cerkez par rapport à Ahmici. M. Farrell vient de souligner ce

 16   fait. Ce rôle consistait à empêcher la FORPRONU d'entrer dans Ahmici. Il

 17   connaissait les ordres liés à un objectif de nettoyage ethnique. Je prie

 18   les interprètes de m'excuser pour mon débit trop rapide.

 19   La Brigade de Vitez s'est trouvée à Ahmici plus tard le 16 avril, et a

 20   participé à l'arrestation des civils musulmans dans ce village. M. Cerkez a

 21   rendu compte de la progression de la campagne à Ahmici. Il est apparu

 22   manifestement aux yeux de tous qui ont constaté les conséquences de

 23   l'opération d'Ahmici qu'un massacre avait eu lieu dans ce village. Est-ce

 24   que M. Cerkez a exprimé son horreur ? Est-ce qu'il s'est dit scandalisé ?

 25   Est-ce qu'il a exigé des explications ? Est-ce qu'il a refusé d'être


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  1   associé à ce qui allait suivre de la part du HVO ? Il n'a rien fait de tout

  2   cela. En fait, en mai 1993, nous voyons que M. Cerkez est de nouveau irrité

  3   par rapport à l'ABiH et menace de mettre le feu à Kruscica. Ceci figure au

  4   paragraphe 694 du jugement.

  5   Veuillez également prendre en compte les moyens de preuve liés à M.

  6   Breljas, paragraphe 807(i) du jugement, où l'on voit que des vagues

  7   coordonnées de pillages se produisent sous l'effet des actions des membres

  8   de la Brigade de Vitez et de Vitezovi. Cerkez commandait cette brigade. Que

  9   pensait-il de tout cela ?

 10   Ajoutez à cela le rôle joué par M. Cerkez dans l'emprisonnement et la

 11   commission de crimes lié à la détention. Le fait que M. Cerkez ait commandé

 12   la Brigade de Vitez n'est rien par rapport au mauvais traitement subi par

 13   les détenus musulmans, et tout cela est pertinent pour apprécier

 14   l'intention discriminatoire globale qui s'est manifestée à ce moment-là.

 15   Ce qui est plus grave encore, c'est que, lorsqu'on examine les moyens de

 16   preuve liés à la participation personnelle de M. Cerkez à ces mauvais

 17   traitements vis-à-vis des détenus, je parle du paragraphe 784(b du

 18   jugement. Egalement, du paragraphe 801, on voit que la Chambre de première

 19   instance a admis les moyens de preuve liés au Témoin AT, selon lesquels M.

 20   Cerkez, en tant que commandant de la Brigade de Vitez, avait envoyé les

 21   prisonniers musulmans creuser des tranchés. (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)


Page 553

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, M. Cerkez n'a pas

  4   agit dans le vide. Il savait parfaitement bien qu'une campagne de

  5   persécution était en cours contre la population musulmane bosniaque de

  6   Vitez. Il a continué à y participer en déployant, notamment, ses troupes

  7   dans cette région afin et dans le but d'exécuter les actes qui étaient

  8   destinés à constituer une violation des droits fondamentaux des Musulmans,

  9   et ce, pour la simple raison que les Musulmans appartenaient au groupe

 10   auquel ils appartenaient.

 11   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, j'aimerais revenir

 12   brièvement à la question que vous avez posée au sujet du fait que j'aurais

 13   trouvé ou pas des arguments à l'appui de l'affirmation que M. Cerkez avait

 14   effectivement déployé ses troupes dans le but d'obtenir, de ses hommes, la

 15   commission d'actes criminels sur le terrain. Encore, au paragraphe 830, la

 16   Chambre de première instance a estimé que les unités sous ses ordres

 17   avaient participé à des actes de persécution. Monsieur le Président,

 18   Mesdames, Messieurs les Juges, j'affirme qu'il est impossible d'interpréter

 19   autrement ce qui s'est passé, et que ceci montre de façon très

 20   convaincante, qu'il connaissait parfaitement l'objectif du déploiement de

 21   ses troupes, et que cet objectif était la commission de crimes faisant

 22   partie de l'entreprise criminelle commune.

 23   Un point de procédure, je vous prie, Monsieur le Président. J'ai parlé de

 24   la déposition du Témoin AT. Or, il faut expurger cela du compte rendu

 25   d'audience, page 17, ligne 14.


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  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Madame la Greffière, pouvez-vous

  2   veiller à cela, je vous prie.

  3   Mme JARVIS : [interprétation] Excusez-moi, il s'agit de tout ce paragraphe.

  4   Merci. Toutes mes excuses pour n'avoir pas pensé à cela.

  5   Monsieur le Président, un dernier point, si vous me le permettez. Les

  6   motivations de M. Cerkez vis-à-vis des actes qui ont été commis, le fait de

  7   savoir si personnellement il était animé par une haine due à des motifs

  8   ethniques n'a guère d'importance, car le fait de savoir s'il tirait une

  9   satisfaction personnelle de la campagne de persécution ou s'il a agit parce

 10   qu'il voulait garder son emploi. Tout cela n'a guère d'importance. En

 11   effet, la Chambre d'appel Krnojelac fait remarquer au paragraphe 100 que :

 12   "L'intention criminelle partagée, pour être prouvée, n'exige pas que soit

 13   démontré la satisfaction personnelle du co-auteur ou son enthousiasme ou

 14   son initiative personnelle dans la commission des crimes faisant partie de

 15   l'entreprise criminelle commune." En effet, les normes appliquées

 16   s'agissant de démontrer l'intention sont appliquées à tous les membres des

 17   unités militaires organisées concernées. Ce n'est pas un individu qui peut

 18   agir avec le but de commettre une infraction par rapport aux droits

 19   fondamentaux de la personne pour la seule raison que cette personne

 20   appartient à un groupe politique ou religieux. Le fait qu'elle porte

 21   l'uniforme ou qu'elle fonctionne dans le cadre d'une hiérarchie ne peut pas

 22   exonéré le responsable de la responsabilité par rapport à ce crime.

 23   Monsieur le Président, si l'un ou l'autre ici entretient le moindre doute

 24   quant au fait que M. Cerkez partageait les intentions en question, nous

 25   parlerons du fait que, bien sûr, il portait des vêtements civils au moment


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  1   où il a organisé et donné des consignes à un groupe d'hommes de se rendre à

  2   un endroit précis pour commettre des crimes, mais qu'il exerçait une

  3   position de commandement, et que ceci ne peut en aucun cas réduire la

  4   portée de son intention partagée. En fait, cela aggrave encore l'importance

  5   des actes commis par lui. En tant que commandant, il était chargé d'une

  6   responsabilité particulière : celle de protéger les normes de la décence

  7   humaine au cours d'un conflit armé. Il s'est servi de sa position de

  8   commandement pour agir exactement dans le sens inverse.

  9   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, ceci m'amène à la fin

 10   de mon propos au sujet de l'intention délictueuse vis-à-vis de la campagne

 11   de persécution. J'ai maintenant encore quelques remarques à faire sur la

 12   question du conflit armé international.

 13   Deux points, en fait, Monsieur le Président, qui émanent de questions

 14   posées par le Juge Pocar à mes confrères hier, et ceci, au sujet du test

 15   lié au contrôle global.

 16   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, la raison pour

 17   laquelle la Chambre d'appel Tadic a estimé que le test de contrôle effectif

 18   dans l'affaire Nicaragua n'était pas le test adapté, c'est que la Chambre

 19   d'appel a examiné la situation de la pratique judiciaire à ce moment-là et

 20   a conclu que l'objectif de déterminer si oui ou non il convenait

 21   d'attribuer les actes d'un groupe militaire ou paramilitaire à un état

 22   était le critère pertinent par rapport au droit international coutumier, et

 23   que ce critère ne pouvait se fonder que sur le concept de contrôle global.

 24   Le contrôle effectif, qui était le critère appliqué dans l'affaire

 25   Nicaragua, de l'avis de la Chambre d'appel, pouvait s'appliquer à d'autres


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  1   catégories d'individus ou de groupes qui n'étaient pas organisés de la même

  2   manière, mais pas aux groupes militaires et paramilitaires. Le critère du

  3   contrôle global, de l'avis de la Chambre d'appel, est celui qui s'applique

  4   dans le droit international coutumier lorsque ce genre d'acte a été commis.

  5   C'est la raison pour laquelle la Chambre d'appel Tadic a admis que l'accusé

  6   Tadic pouvait être condamné sur la base de ce critère pour les actes qui se

  7   sont produits en 1992.

  8   Deuxièmement, le rapport entre ce Tribunal et la Cour internationale de

  9   Justice. Ce sujet a déjà été traité par la Chambre d'appel Celebici, au

 10   paragraphe 24 de son arrêt. La Chambre d'appel en question a rejeté

 11   précisément les arguments selon lesquels le Tribunal était lié et tenu de

 12   suivre les décisions de la Cour internationale de Justice. Il n'y a aucun

 13   rapport hiérarchique entre ces deux instances et aucune raison imposant à

 14   ce Tribunal de ne rien décider qui s'écarte des conclusions prises par

 15   l'autre Tribunal au sujet du droit appliqué.

 16   Le principe du nullum crimen sine lege, encore une fois, il a été examiné

 17   et traité par la Chambre d'appel Aleksovski, paragraphes 126 à 127 de son

 18   arrêt. La Chambre d'appel en question a déclaré que cet argument, dans la

 19   présente affaire, était identique aux arguments que vous avez déjà entendus

 20   en appel et qu'il convenait de ne pas faire d'erreur d'interprétation sur

 21   ce principe. En effet, rien dans ce principe n'empêche d'interpréter le

 22   droit comme l'a fait la Chambre de première instance en l'espèce. La même

 23   appréciation s'applique aux arguments évoqués par M. Cerkez.

 24   M. Cerkez a, en effet, présenté des arguments au sujet des moyens de preuve

 25   nombreux examinés par la Chambre de première instance qui lui ont permis de


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  1   conclure que le conflit armé était bien un conflit international. Il n'a

  2   pas commenté les très nombreux moyens de preuve sur lesquels la Chambre de

  3   première instance s'est appuyée pour parvenir à la conclusion que la

  4   Croatie avait exercé un contrôle global. Je ne veux pas rentrer dans les

  5   détails de tous ces arguments, mais je suis à votre disposition si vous

  6   avez des questions particulières à me poser, bien entendu.

  7   Je vous remercie. Ceci met un terme aux arguments de l'Accusation.

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je donne

  9   maintenant la parole à la Défense de M. Cerkez.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Je commencerai par répondre brièvement, en fait très brièvement, aux

 12   arguments qui ont été présentés par l'Accusation hier et aujourd'hui dans

 13   ce prétoire, après quoi mon confrère me succédera pour parler de

 14   l'entreprise criminelle commune, ou plutôt, des arguments de l'Accusation

 15   aujourd'hui qui, en fait, manifeste une légère modification par rapport aux

 16   arguments qu'elle a développés au cours du procès en première instance.

 17   Maintenant, je m'exprimerai en Croatie, si vous le voulez bien. Ceci est

 18   plus facile pour moi.

 19   Hier, il a été dit que le combat qui a eu lieu au sujet du temps qui s'est

 20   écoulé entre le moment où Cerkez a été convoqué à la noce à laquelle il

 21   participait pour se rendre au QG en ville. Le moment de sa déposition était

 22   important. J'ai pris la parole, en première instance, pour développer un

 23   certain nombre d'arguments qui tous s'appuyaient sur les moyens de preuve

 24   existants. Un moyen de preuve existe pour démontrer à quel moment la noce

 25   devait avoir lieu et il y a un autre moyen de preuve, la pièce 610, qui


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  1   montre exactement à quel moment la réunion était prévue au QG.

  2   Ces pièces à conviction sont la pièce D94/2, le témoignage de Stipo Ceko,

  3   page 2 349; l'affidavit de Ruza Ceko; la déposition de Drago Pranjes,

  4   compte rendu d'audience page 26 127; et il y a également un moyen de preuve

  5   direct. Je sais bien que c'est une pièce à conviction de qualité différente

  6   en l'espèce, mais il convient tout de même de la mentionner. Il s'agit de

  7   la déposition du Témoin V1 dans l'affaire Kupreskic, page 1 136 du compte

  8   rendu d'audience. Ce sont des moyens de preuve qui se complémentent les uns

  9   les autres et qui prouvent, sans l'ombre d'un doute, où se trouvait Cerkez

 10   au moment en question.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

 12   mais je suppose que vous savez parfaitement bien que des dépositions faites

 13   dans d'autres affaires ne peuvent pas compter au nombre des moyens de

 14   preuve sur lesquels nous nous fondrons pour procéder à notre appréciation

 15   des faits, n'est-ce pas.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président, mais je

 17   pensais qu'il y avait tout de même quelques chances hypothétiques au moins

 18   que la Chambre d'appel puisse, proprio motu, prendre en compte certains

 19   éléments que l'on trouve dans ces documents, mais bien sûr, il ne s'agit

 20   pas de moyens de preuve en l'espèce.

 21   Cependant, les autres moyens de preuve, la déposition de Stipo Ceko, Ruza

 22   Ceko, et les documents à l'appui de ces dépositions sont des documents qui

 23   montrent, sans l'ombre d'un doute, que le mariage avait été prévu au moment

 24   indiqué, c'est-à-dire, deux mois avant, et le fait est que Cerkez, par

 25   conséquent, n'a pas pu, le jour en question, se rendre à la réunion où il


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  1   est présumé que le plan aurait été établi.

  2   Je reviens maintenant un peu en arrière parce que l'Accusation a beaucoup

  3   parlé de cela dans tous ses aspects. L'Accusation a beaucoup parlé de cette

  4   réunion comme constituant un moment tout à fait crucial, s'agissant

  5   d'établir le plan en question. Cerkez - je dois le souligner, et nous

  6   l'avons répété à de nombreuses reprises en première instance - était au

  7   courant des opérations militaires menées dans la vallée de la Lasva et à

  8   Vitez le 16 avril. Ses informations, il les a acquises dans la journée.

  9   Nous pouvons parler de ce qui s'est passé tôt ce matin-là. Cerkez a reçu

 10   une partie des ordres verbalement durant la nuit. Il ne savait pas - et

 11   aucun moyen de preuve ne permet de le démontrer - que des crimes étaient

 12   planifiés et qu'ils devaient être commis.

 13   Ici, j'aimerais dire quelques mots élémentaires. Dans le jugement, il est

 14   dit très clairement que s'agissant d'Ahmici, Cerkez a été acquitté. Le fait

 15   que l'Accusation ait établi un lien entre la présence de ces unités à

 16   certains endroits et la commission de certains actes, que nous disions que

 17   les moyens de preuve présentés ne prouvent pas ce fait, de tout façon, est

 18   une question tout à fait différente. Nous disons que le 16 avril, le crime

 19   d'Ahmici n'a rien à voir avec Cerkez ou les unités sous ses ordres.

 20   A ce propos, je voudrais revenir sur le paragraphe 689 du jugement. J'en ai

 21   parlé hier. L'Accusation a repris ce sujet dans sa réponse. Dans ce

 22   paragraphe du jugement, nous trouvons un certain nombre de sous-

 23   paragraphes, (a) à (f), qui constituent la base d'un certain nombre de

 24   conclusions tirées par la Chambre.

 25   Pour ma part, j'ai évoqué les moyens de preuve dont on trouve mention aux


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  1   sous-paragraphes (a) et (c) du paragraphe 689 du jugement. Le point (a), on

  2   n'en fait pas état dans la procédure. Le (c), à notre avis, est lié à la

  3   question de l'authenticité. Nous en avons parlé en première instance. Rien

  4   dans les moyens de preuve ne prouve l'authenticité des moyens évoqués à

  5   (c). Je ne vais rentrer dans le détail aujourd'hui. Je le rappelle, nous

  6   avons, souvenez-vous de cela, détaillé nos arguments sur ce sujet dans

  7   notre requête, page 53 et 59 de notre mémoire en appel. Nous avons

  8   également répondu aux arguments du Procureur à ce sujet, pages 30 à 38 et

  9   page 49 de notre mémoire.

 10   S'agissant à présent des éléments qui sont évoqués au (b) du paragraphe 689

 11   du jugement par l'Accusation, j'aimerais rappeler aux Juges de la Chambre

 12   d'appel les conclusions que l'on trouve au paragraphe 698 du jugement. Il

 13   est question à ce niveau d'un grand nombre d'éléments importants, y compris

 14   les diverses citations qui figurent, les divers documents qui sont cités,

 15   les divers moyens de preuve qui sont cités, au (d) du paragraphe 689.

 16   J'invite également les Juges à relire l'intégralité de (e) et (f) du même

 17   paragraphe. De quoi s'agit-il là ? La Chambre de première instance a

 18   manifestement admis les moyens de preuve de l'Accusation, le témoignage de

 19   Josip Zuljevic, ou plutôt, je vous prie de m'excuser, les arguments de la

 20   Défense, bien entendu, et les moyens de preuve de la Défense, notamment la

 21   déposition de Josip Zuljevic, qui a été cité ici même hier, qui a été

 22   admise par la Chambre de première instance. Car lorsque la Chambre de

 23   première instance rejette les arguments de la Défense, elle le dit

 24   expressément.

 25   Josip Zuljevic décrit en détail les événements. Dans cette déposition


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  1   intégralement acceptée par la Chambre de première instance, il est question

  2   d'un certain nombre de détails.

  3   Zuljevic a dit que le 16 avril au matin, le chaos le plus grand régnait,

  4   que Blaskic exige de Cerkez et de ses subordonnés, qui étaient les seuls

  5   représentants locaux connaissant bien la situation sur le terrain à ce

  6   moment-là, de fournir des informations au sujet de cette situation.

  7   Zuljevic a dit explicitement, je cite, "On nous a dit d'appeler nos

  8   voisins, nos amis, les responsables de service dans d'autres unités pour

  9   obtenir des renseignements par tous les moyens possible. Nous devions

 10   transmettre ces renseignements à Blaskic." Ceci est tout à fait clair, ceci

 11   est confirmé par le paragraphe que je viens de citer. La Chambre de

 12   première instance a très bien compris la chose. C'est la raison pour

 13   laquelle, dans le jugement, aucun lien n'est établi entre Cerkez et Ahmici

 14   au paragraphe 689 du jugement sur lequel je reviens une nouvelle fois.

 15   Il apparaîtrait que Cerkez se trouvait à Ahmici; cependant, les Juges en

 16   première instance ont bien compris la valeur, la signification,

 17   l'importance du moyen de preuve dont je viens de parler, car vous voyez

 18   qu'ils ne poursuivent pas dans le sens en question. Le paragraphe 689. J'ai

 19   lié à ce paragraphe deux documents qui ont été évoqués par moi hier dans ce

 20   prétoire ainsi que d'autres renseignements, montrent clairement, comme le

 21   fait la déposition de Josip Zuljevic, que Cerkez ne peut pas être lié à

 22   Ahmici. Je rappelle paragraphe 689 du jugement, le témoignage de Zuljevic,

 23   importance des renseignements qui établissent toute la clarté sur ce point,

 24   et qui venaient des hommes sur le terrain.

 25   Le village de Donja Veceriska, maintenant. Il a été dit que


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  1   70 % du travail avait été fait. Ceci est le meilleur renseignement qu'on

  2   puisse invoquer à ce sujet. Non, attendez. Je regarde le document, c'est

  3   Blaskic qui s'exprime. Avançons, passons à autre chose. Je pense qu'il

  4   n'est pas utile de s'appesantir sur ce point, car de toute façon, les

  5   arguments du Procureur ne tiennent pas.

  6   Le Procureur affirme que Cerkez a été vu le 15 avril dans la soirée à

  7   l'hôtel. C'est le Témoin AT qui dit cela. Nous ne le contestons pas. Il est

  8   venu après la réunion. Le Témoin AT se trouvait à l'hôtel. Effectivement,

  9   il pouvait le voir. Lui, il est venu après la réunion militaire. Le fait

 10   que le Témoin AT l'a vu, ne suffit pas pour dire qu'il a été prouvé, qu'il

 11   est possible de conclure qu'il a assisté à la réunion qui a eu lieu à

 12   l'hôtel, puisque l'hôtel était un lieu public où les troupes se

 13   regroupaient. Ceci ne peut pas nous permettre de conclure qu'il a été à la

 14   réunion, et encore moins ce qui a été dit lors de la réunion. Personne ne

 15   le sait, aucune preuve concernant cela n'existe.

 16   Le Témoin AT lui-même a dit un peu plus tard dans sa déposition que la

 17   première fois que les meurtres des hommes ont été mentionnés, a été

 18   seulement lors de la réunion qui a eu lieu à Nadioci; après le départ des

 19   militaires et non pas au préalable, au quarter général de la police

 20   militaire.

 21   A un moment donné, je ne sais pas si c'était une erreur de la part du

 22   Procureur, lorsqu'il a dit que le Procureur était d'accord pour dire que

 23   Cerkez était à Kruscica. C'était son poste auquel il a été déployé ce jour-

 24   là. Ce jour-là, il n'y a pas eu d'affrontement entre les deux armées. Ce

 25   village n'a même pas été attaqué. Si le Procureur est d'accord pour dire


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  1   que Cerkez a été à Kruscica, compte tenu des ordres qui ont été donnés au

  2   quartier général de la brigade, dont ce que là, il est évident que Cerkez

  3   ne pouvait être ailleurs les premiers jours du conflit.

  4   Ils ont attiré l'attention sur un point du paragraphe 688. Mais 688, porte

  5   simplement sur un certain nombre d'arguments; il ne s'agit pas d'une

  6   conclusion là-dedans. Ensuite, référence faite des faits, au paragraphe 595

  7   du jugement. La Chambre de première instance a constaté que la Brigade de

  8   Vitez a été constituée le 24 mars 1993, et que Cerkez était son commandant.

  9   Oui, nous sommes d'accord. Nous avons admis cela dans le mémoire préalable

 10   au procès déjà. Nous soulignons le fait que la brigade a été constituée

 11   seulement vers la fin du mois de mars. Compte tenu de conditions de vie et

 12   les circonstances générales qui régnaient à l'époque, nous ne pouvons pas

 13   s'attendre qu'entre fin mars et le 16 avril, la brigade pouvait être

 14   totalement organisée. 

 15   Nous avons entendu une référence aux bataillons de cette brigade qui ont

 16   été déployés dans des villages différents, ceci est lié la pièce Z653. Au

 17   moins dix témoins, y compris le Témoin Bertovic, témoins qui ont vécu et

 18   qui ont travaillé là-bas, et le Témoin Bertovic a été un témoin tout à fait

 19   impressionnant. Ces témoins-là ont expliqué quelle était la signification

 20   de ce document. Ce document servait simplement à titre d'information,

 21   c'était l'évaluation de ce Témoin Bertovic concernant les possibilités

 22   potentielles de mobiliser les troupes de certains villages afin de

 23   remplacer ceux qui se trouvaient sur la ligne de front contre la JNA. Il

 24   n'y avait pas de bataillon. Nous avons passé beaucoup de temps au cours du

 25   procès concernant cela, et la Chambre de première instance a compris cela


Page 564

  1   complètement. Elle a accepté. Maintenant le Procureur revient sur ce même

  2   sujet.

  3   Ce document n'a absolument pas la valeur et la signification que le

  4   Procureur lui prête. Nous devons lire les déclarations de témoins qui

  5   indiquent clairement ce que ce document souhaite dire, et la Chambre de

  6   première instance a accepté cela. Nous pouvons voir cela sur la base de

  7   leurs conclusions.

  8   Ensuite, le Procureur fait référence au paragraphe 596 du jugement portant

  9   sur le fait qu'il y avait plusieurs bataillons au sein de la brigade. Je ne

 10   souhaite pas élaborer sur ce point. Mais je souhaite simplement attirer

 11   votre attention sur le paragraphe 26(a), à la page 58 de mon mémoire. Dans

 12   ce paragraphe 596, référence est faite au colonel Duncan, qui dit qu'il

 13   suppose qu'il y avait plusieurs bataillons. Mais Duncan est venu à Vitez au

 14   mois de mai lorsqu'effectivement, il y avait plusieurs bataillons au sein

 15   de la brigade. Duncan ici dit explicitement qu'il supposait que la brigade

 16   avait plusieurs bataillons. Effectivement, c'était le cas en mai, mais non

 17   pas en avril. Or, c'est le mois d'avril qui fait l'objet de l'acte

 18   d'accusation.

 19   Il est possible de parler seulement de cette période-là, lorsque l'on parle

 20   de la culpabilité éventuelle de M. Cerkez.

 21   En ce qui concerne le niveau de l'organisation de la brigade, je souhaite

 22   attirer votre attention sur notre mémoire d'appelant, paragraphe 26, page

 23   58, et nous souhaitons attirer votre attention notamment sur les témoins

 24   Badrov, Sajevic, Ceko et Bertovic.

 25   Paragraphe 696 où la conclusion contenue dans ce paragraphe a été indiquée


Page 565

  1   par le Procureur, nous sommes d'accord avec tout ce qui est écrit dans ce

  2   paragraphe.

  3   Le Témoin Buffini y est cité, et l'on y parle de la commission mixte de

  4   Busovaca qui avait pour but de maintenir le cessez-le-feu.  Cette

  5   commission a d'ailleurs, et de nombreux éléments de preuve corroborent

  6   cela, a commencé à fonctionner seulement vers le 21 avril. Je ne suis pas

  7   sûr en ce qui concerne la date tout à fait. Effectivement, Cerkez a

  8   participé au travail de cette commission en tant que représentant du HVO à

  9   Vitez puisque Blaskic l'a nommé à ce poste.

 10   On peut voir dans ce paragraphe que dans cette commission également a été

 11   représenté Franjo Nakic, qui était le chef d'état-major avec Blaskic ou

 12   Mario Cerkez en fonction des sujets qui ont été débattus là-bas. Il n'y a

 13   rien de répréhensible là-dedans, et je ne vois pas ce à quoi le Procureur

 14   veut en venir.

 15   Mon éminent collègue, M. Farrell, a également mentionné les paragraphes

 16   807, sous-paragraphes 1 à 2 portant sur les chefs d'accusation 41, le plan

 17   commun. Je pense que ceci n'est pas du tout approprié car les charges

 18   contre Cerkez, portant sur la destruction et les pillages se limitent au

 19   mois d'avril 1993. Or, ces deux paragraphes portent sur les incidents qui

 20   ont eu lieu en octobre 1993 et janvier 1994. Or, s'agissant de ces

 21   périodes-là, Cerkez n'a pas été accusé et il ne s'est pas défendu par

 22   rapport à cela. Il n'existe pas de lien entre cela et le chef 41.

 23   Ensuite, paragraphe 644, Breljas, on fait référence à Breljas à plusieurs

 24   reprises, et on l'a mentionné également aujourd'hui. Nous n'avons pas

 25   suffisamment de temps pour entrer dans les détails en ce qui concerne cela,


Page 566

  1   mais je souhaite rappeler à la Chambre d'appel que nous avons analysé

  2   Breljas en détail et nous avons relevé les incohérences dans sa déposition

  3   dans les pages 59, 60, 87, et 100, et également dans les pages 81, note en

  4   bas de page 217, ensuite page 87, note en bas de page 226. Je ne vais pas

  5   parler plus de cela, mais vous allez voir que ceci est absolu impertinent.

  6   Paragraphe 643, colonel Watters. Il y est écrit que le colonel Watters a

  7   interrogé le commandant de la Brigade de Vitez de même que le commandant

  8   des Musulmans. Ce qui n'a pas été indiqué hier, mais vous pouvez lire cela

  9   vous-même et les mots du colonel Watters sont cités, il dit : "Les deux

 10   parties disent qu'elles ont été attaquées par la partie adverse."

 11   Cette conclusion n'est pas défavorable pour Cerkez. Bien sûr, qu'elles ont

 12   été attaquées puisque la guerre a commencé ce jour-là entre ces armées,

 13   mais il ne s'agit pas d'attaque contre les civils.  Il n'y a pas de telle

 14   conclusion dans ce paragraphe.

 15   Mais qu'on mentionne ce témoin, qui était un témoin tout à fait

 16   intéressant, la Chambre de première instance a tiré beaucoup de conclusions

 17   sur la base de sa déposition. Je souhaite également attirer votre attention

 18   sur la pièce à conviction D57/1, il s'agit de la lettre de ce témoin à son

 19   père, et je cite sa lettre dans mon mémoire d'appelant à la page 104,

 20   concernant le prononcé de la peine. Je pense qu'il s'agit là d'un élément

 21   humainement le plus valable parmi tout ce qui a été versé au dossier dans

 22   ce procès.

 23   Ensuite le Procureur a mentionné le témoin Krunoslav Bonic. Nous avons

 24   perdu beaucoup de temps au cours du procès, compte tenu du fait qu'il a

 25   fallu faire face à une affirmation et nous avons tous perdus beaucoup de


Page 567

  1   temps face à cela, alors que ceci n'a même pas été pris en compte par la

  2   suite par la Chambre de première instance. Je souhaite simplement dire que

  3   le Procureur a dit que certaines personnes étaient mentionnées en tant que

  4   membres de la brigade, et on a perdu énormément de temps sur ce sujet. Il

  5   m'est difficile d'expliquer cela maintenant.

  6   Je souhaite simplement vous dire que la Chambre de première instance n'a

  7   pas du tout accepté cette logique-là. Deuxièmement dans notre réponse à

  8   l'appel interjeté par le Procureur, nous traitons de ces questions aux

  9   pages 55 à 73.

 10   Aujourd'hui, mon éminente collègue, Mme Jarvis a cité plusieurs conclusions

 11   de la Chambre concernant le chef d'accusation 41. Ceci a été mentionné par

 12   M. Farrell, hier également. Cependant il n'y a pas de conclusions

 13   définitives se basant sur une analyse de fait.

 14   Aujourd'hui, nous avons entendu parler du plan de nouveau, et je pense

 15   qu'il n'est pas nécessaire que je revienne sur cela. Nous avons eu un long

 16   débat au sujet de cela. Maintenant je souhaite simplement dire quelques

 17   mots au sujet du blocus du pont.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais simplement vous dire que

 19   vous n'aurez pas encore beaucoup de temps. Vous aviez indiqué au début que

 20   vous alliez céder la place à votre collègue également. Je souhaite vous

 21   informer du fait qu'il vous reste un grand, cinq à dix minutes.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Il me faut encore deux ou trois minutes pas

 23   plus.

 24   Je souhaite maintenant dire quelques mots au sujet du blocus du pont et sur

 25   la base de cela, le Procureur a conclu que Cerkez a participé à un certain


Page 568

  1   plan.

  2   Le Témoin Bertovic a déposé en disant que bien avant que le Témoin AT

  3   vienne, le Procureur a demandé au Témoin Bertovic des questions concernant

  4   ce blocus. A l'époque, nous ne savions pas pourquoi le Procureur demandait

  5   au témoin des questions concernant cette pause, nous n'avons rien entendu

  6   avant au sujet de cela. Nous avons appris cela seulement deux mois plus

  7   tard lorsque le Témoin AT est arrivé.

  8   Le Témoin Bertovic a fourni une explication claire. Ce faisant, il suffit

  9   de regarder la carte pour voir qu'il n'est pas du tout nécessaire de

 10   fournir cette explication, même si Cerkez avait reçu un tel ordre, même si

 11   le pont avait été bloqué, ceci n'aurait aucune utilité parce que de toute

 12   façon la FORPRONU pouvait arriver dans la zone depuis ou trois autres

 13   directions. Il s'agissait là complètement d'une affirmation absurde et il

 14   est très difficile souvent de se défendre des informations absurdes.

 15   Je ne vais pas parler du prononcé de la peine parce que nous n'avons pas

 16   suffisamment de temps, et je vais céder la place à mon collègue.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, je vais parler de ce qu'a dit le

 18   Procureur concernant l'entreprise criminelle commune. Ensuite, concernant

 19   la nature du conflit armé.

 20   En ce qui concerne la première question, celle de l'entreprise criminelle

 21   commune, je souhaite dire dès le départ la chose suivante : le fait de se

 22   référer à cette doctrine n'est pas contenu dans l'acte d'accusation ni dans

 23   les requêtes soumises avant le procès, ni au cours des dépositions ou

 24   d'autres documents, ni d'ailleurs dans le réquisitoire du bureau du

 25   Procureur, ni dans le jugement de la Chambre de première instance. C'est


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  1   seulement maintenant au cours de la procédure d'appel que le Procureur fait

  2   référence soudainement à cette doctrine de l'entreprise criminelle commune.

  3   Le Procureur indique que le 15 avril, une réunion a eu lieu au quartier

  4   général de Blaskic, réunion à laquelle prétendument M. Cerkez a assisté, et

  5   lors de laquelle une conclusion conjointe a été faite liée à l'entreprise

  6   criminelle commune.

  7   Voici, ce qu'a dit le Procureur concernant cela : "Nous n'avons pas de

  8   données exactes concernant cela." Mais notre collègue Mme Jarvis a dit

  9   aujourd'hui qu'en appliquant la logique, le raisonnement logique est la

 10   seule manière permettant de prouver ce genre d'intention. Sur la base de

 11   ces propos, nous pouvons conclure que tout ce qui a suivi dans les propos

 12   tenus par le Procureur ne se fonde pas sur une base ferme.

 13   Nous n'avons pas entendu un seul participant à cette entreprise criminelle

 14   commune. Nous n'avons vu aucun document découlant de cette prétendue

 15   entreprise criminelle commune. Nous avons entendu une opinion disant que

 16   notre client a été présent à l'hôtel dans lequel cette réunion avait eu

 17   lieu. Sur la base de cela, on conclut que notre client a assisté à cette

 18   réunion, qu'il a accepté ces buts en tant que ses propres buts, et qu'il

 19   est responsable de tout ce qui découle de cette entreprise criminelle

 20   commune prétendue.

 21   Je pense que c'est ainsi que l'on tire tout un tas de conclusions erronées

 22   sur la base d'une thèse erronée. Ceci est tout simplement erroné et

 23   inadmissible. Ceci ne se fonde pas dans la réalité, il n'est absolument pas

 24   corroboré par les faits et les éléments de preuve qui ont été versés au

 25   dossier dans le cadre de l'affaire qui nous intéresse.


Page 570

  1   La Défense de M. Cerkez affirme qu'il n'existe ni de preuves directes, ni

  2   de preuves indirectes montrant qu'il y avait un plan criminel, et que lors

  3   de la détermination de ce plan criminel M. Cerkez était présent, et que M.

  4   Cerkez partageait l'intention des personnes qui ont participé prétendument

  5   à ce plan, à la création de ce prétendu plan criminel.

  6   Je sais que la théorie de l'entreprise criminelle commune est une notion

  7   qui a été prise en compte au paragraphe 601 du jugement Krstic, et la

  8   Chambre d'appel dans l'affaire Krstic a considéré que ceci était lié à

  9   l'Article 7(1) du statut de ce Tribunal. Mais il s'agit ici d'une question

 10   juridique. Or, j'affirme qu'il s'agit également d'une question de fait, et

 11   j'affirme qu'il n'existe pas de faits permettant de tirer une telle

 12   conclusion juridique. C'est pour cela que j'affirme que la participation à

 13   l'entreprise criminelle commune n'a pas été prouvée, et que les crimes qui

 14   ont eu lieu à Ahmici et dans d'autres endroits dans la vallée de la Lasva

 15   ne découlent pas de ce plan prétendument concocté. J'affirme également que

 16   mon client n'a rien à voir avec cela.

 17   Mon éminente collègue, Mme Jarvis a parlé aujourd'hui de l'intention

 18   discriminatoire de M. Cerkez. Elle a dit que la seule manière permettant de

 19   tirer des conclusions était l'emploi de la logique.

 20   Maintenant, je vais parler de quelques éléments de preuve incontestables

 21   qui ont été versés au dossier. De nombreux témoins ont parlé des opinions

 22   et des positions de M. Cerkez, qui respectait les différences entre les

 23   peuples, qui respectait les gens pour ce qu'ils étaient et non pas compte

 24   tenu de leurs convictions religieuses ou autres. Aucun élément de preuve

 25   n'a été présenté lors du procès prouvant des idées préconçues de M. Cerkez


Page 571

  1   vis-à-vis de qui que ce soit, bien au contraire. Le Procureur maintenant

  2   nous dit d'appliquer la logique pour tirer ce genre de conclusions.

  3   Sur la base de quoi peut-on tirer ce genre de conclusions puisqu'il n'y a

  4   pas de faits dans la réalité qui corroboreraient cela.

  5   Je souhaite maintenant revenir sur la question que vous avez posée,

  6   Monsieur le Président. Vous avez posé la question de savoir d'où venait la

  7   conclusion portant sur les ordres exprès donnés par M. Cerkez. Je vais vous

  8   répondre.

  9   Il n'y a pas de tels ordres donnés de manière expresse, délibérée. Tout

 10   d'abord, parce que Cerkez n'a jamais donné ce genre d'ordres, et

 11   deuxièmement parce qu'il n'était pas le genre de personne qui aurait --

 12   fonctionnait de cette manière. M. Cerkez était un militaire. Il faisait

 13   partie de la structure militaire et il exécutait les ordres conformément

 14   aux normes internationales de guerre.

 15   Je vous remercie de votre attention, et je suis tout à fait prêt à répondre

 16   à d'autres questions si vous en avez.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas de

 18   questions. Je vais maintenant demander aux parties de préparer leurs

 19   devoirs au cours de la pause, c'est-à-dire, d'avoir la suite de la

 20   discussion concernant les faits, les points d'accord en ce qui concerne les

 21   arguments présentés par Mario Cerkez dans le cadre du contexte lié au

 22   prononcé de la peine. Nous avons le rapport de

 23   M. McFadden, et nous avons également à marquer la carte qui a été présentée

 24   hier. C'est le Greffe qui m'en a informé. Finalement, il nous reste encore

 25   un point, c'est-à-dire, les clichés et les documents qui corroborent la


Page 572

  1   Défense Kordic. S'il vous plaît, essayez de trouver un accord au cours de

  2   la prochaine pause pour que l'on puisse en traiter immédiatement en

  3   reprenant nos travaux, ce qui se fera à 11 heures.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

  5   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Comme je l'ai indiqué auparavant,

  7   je voudrais --

  8   M. FARRELL : [interprétation] -- parlé avec Mme la Greffière d'audience, et

  9   je pense qu'elle a une cote pour cette pièce. Je pense que c'est la cote

 10   DAC3.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'est exact, Madame la Greffière ?

 12   Fort bien. La pièce est versée.

 13   M. FARRELL : [interprétation] Merci.

 14   La deuxième question concerne les rapports du quartier pénitentiaire. Il y

 15   en a un pour M. Cerkez et l'autre pour M. Kordic, me semble-t-il. Nous ne

 16   nous opposons pas à ce que ces rapports soient déposés tant que vous avez

 17   acceptez ce que nous avons dit dans nos conclusions juridiques auparavant

 18   quant à la valeur qu'il faut attribuer à ces rapports.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous ne les avons pas encore vus.

 20   M. SAYERS : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais déjà les

 21   rapports du directeur --

 22   M. FARRELL : [interprétation] -- tant que nos conclusions juridiques ont

 23   été acceptées sur la valeur de ceux-ci, je pense que l'autre question ce

 24   sont les rapports du Quartier pénitentiaire.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous n'avons pas encore reçu ces


Page 573

  1   documents.

  2   M. SAYERS : [interprétation] J'ai, en fait, le rapport établi par M.

  3   McFadden, nous l'avons reçu hier après-midi et nous voulions demander ce

  4   versement.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas

  6   d'objections, vu vos commentaires supplémentaires. Est-ce que vous pourriez

  7   photocopier ce document d'ici à la prochaine pause. Je ne sais pas si vous

  8   l'avez déjà fait ?

  9   M. SAYERS : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien. Je vais demander à M.

 11   l'Huissier de nous transmettre ce document. Quelle sera la cote accordée à

 12   ce document, Madame la Greffière ?

 13   [La Chambre d'appel et la Greffière se concertent]

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce sera la pièce

 15   DAK 4.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pour que tout soit clair, il s'agit

 17   du rapport sur le comportement de M. Kordic en date du 18 mai 2004, préparé

 18   par M. Timothy McFadden.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Permettez-moi d'enchaîner. Nous avons ce même

 20   document que M. McFadden a préparé, le 18 mai. Nous l'avons reçu hier et je

 21   voudrais que ceci soit, également, versé au dossier.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous en avez déjà des exemplaires à

 23   l'intention des Juges ?

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Oui. Je viens de remettre un exemplaire à la

 25   Greffière d'audience.


Page 574

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il portera quelle cote ?

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote DAC 5.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien. C'est versé au dossier

  4   sous cette référence. Monsieur Farrell, veuillez poursuivre.

  5   M. FARRELL : [interprétation] Vous le comprendrez, nous pensons que la

  6   Chambre d'appel a, déjà, déterminé qu'il n'est pas possible de tenir compte

  7   de ceci. Si notre interprétation n'est pas correcte, vous avez ces

  8   exemplaires mais si vous êtes convaincu par notre interprétation, vous avez

  9   ces documents et vous ne sauriez vous fonder sur eux.

 10   La question suivante ce sont les documents relatifs à la vie privée et au

 11   contexte familial de M. Cerkez. Je ne sais pas Maître Kovacic si vous

 12   précisez les paragraphes ou si on tiendra compte des écritures dont il est

 13   convenu que nous les soumettions aux Juges.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien.

 15   M. FARRELL : [interprétation] Cette écriture, celle du 4 mai, elle a pour

 16   titre "Présentation des faits concernant la sentence par M. Mario Cerkez."

 17   Le numéro de page du Greffe, c'est le numéro A10.802 et cela va jusqu'à la

 18   page A10.897 [comme interprété], paragraphes 1 à 11. Il y a stipulation et

 19   accord des deux parties dans les écritures de l'appelant. Il y a le

 20   paragraphe 18 qui est convenu et dont vous disposez en bonne et due forme.

 21   Il y aussi le paragraphe 23 du rapport qui n'a pas trait à son contexte

 22   familial, mais qui a trait au Quartier pénitentiaire et qui avait été

 23   soumis avant que ne soit reçue la dernière lettre du Quartier 

 24   pénitentiaire. Ce qui veut dire que ceci n'est plus une question qui se

 25   pose.


Page 575

  1   Voilà les faits dont vous avez connaissance. Nous n'avons pas d'objection

  2   aux commentaires de conclusion qui se trouvent aux paragraphes 24 à 26 dans

  3   le cadre des arguments ou des éléments qui vous sont présentés, s'agissant

  4   de ce document. Je vais vérifier auprès de Me Kovacic pour voir si ce que

  5   je viens de dire est exact.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Oui. Ceci a été déclaré de façon précise. Je

  7   remercie mon estimé confrère, est-ce que vous me donnez un instant pour

  8   évoquer d'autres paragraphes sur lesquels il n'y a pas de points d'accord.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous en sommes maintenant au stade

 10   où nous discutons des faits convenus, des points d'accord et vous êtes

 11   d'accord pour dire que les paragraphes mentionnés jusqu'à présent peuvent

 12   être considérés comme étant des faits ou des points d'accord entre les

 13   parties.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Bien entendu.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ceci est, déjà, versé au dossier de

 16   l'appel et c'est considéré comme étant des points d'accord entre les

 17   parties. Au moment de la sentence, il faudra que vous évoquiez, à ce

 18   moment-là, les autres points que vous vouliez présenter s'agissant de la

 19   vie privée et des conditions familiales de M. Cerkez.

 20   Je vous remercie. Il y a encore un point qui n'a pas été traité, nous

 21   parlons ici des pièces jointes fournies par la Défense de M. Kordic. Est-ce

 22   qu'il y a des objections de la part de l'Accusation ?

 23   M. FARRELL : [interprétation] S'agissant des clichés qui vous ont été

 24   présentés, j'ai dit à mon confrère, que s'agissant de ceux qui vous avaient

 25   été présentés, non pas les éléments supplémentaires qui se trouvent sur le


Page 576

  1   CD-ROM, mais pour ceux qui étaient présentés, nous n'avons pas d'objection.

  2   Un tableau vous a été soumis. De l'avis de l'Accusation, on y parle de la

  3   position occupée par l'appelant. Je comprends que la Défense de M. Kordic

  4   répondait à une demande de votre part qui voulait que ceci soit précisé,

  5   donc pas de problème. Nous pensons que si la Chambre décide d'accepter

  6   cette pièce, elle tiendra compte aussi de notre avis, à savoir que ceci ne

  7   tient pas compte, fidèlement, du jugement, à savoir s'il y aurait d'autres

  8   conclusions factuelles tirées par l'Accusation à cet égard. Voilà notre

  9   position.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ce CD-ROM peut être distribué et il

 11   reviendra à la Chambre, au moment de la prochaine pause, de déterminer si

 12   elle accepte ou pas ce tableau. Je vais demander à Monsieur l'Huissier de

 13   distribuer les CD-ROM, bien sûr avez la réserve que vous avez exprimée ?

 14   M. FARRELL : [interprétation] C'est exact. Maître Sayers --

 15   [La Chambre d'appel se concerte]

 16   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je reviens, une fois de plus, au

 18   CD-ROM. Vous avez fait valoir que ces clichés, qui ont été présentés au

 19   moment de l'exposé oral et qui sont gravés sur ces CD-ROM, ne soulèvent pas

 20   d'objection de votre part. Compte tenu qu'il y a d'autres clichés qui sont

 21   contenus dans ce même CD-ROM, qu'en pensez-vous ? Faut-il que la Défense de

 22   M. Kordic fournisse un CD-ROM reprenant uniquement les clichés présentés au

 23   moment de l'exposé oral ou est-ce que vous faites confiance à la Chambre

 24   d'appel qui ne tiendra compte que des clichés présentés au moment de

 25   l'exposé oral ?


Page 577

  1   M. FARRELL : [interprétation] Je suis sûr que la Chambre est, tout à fait,

  2   à même de faire la distinction. Ce ne sont que des conclusions, ce ne sont

  3   pas des moyens de preuve. Peut-être une suggestion technique, il serait

  4   utile pour le dossier de l'audience que ce qui est repris dans le compte

  5   rendu d'audience soit la même chose que ce qui se trouve sur le CD-ROM. Si

  6   jamais il y avait un nouvel examen des éléments, il faudrait que ce soit la

  7   même chose. Evidemment, ceci pose un peu un problème à la Défense de M.

  8   Kordic parce qu'il faudrait graver un nouveau CD, mais je pense que ce

  9   serait la meilleure façon de procéder pour veiller à ce qu'il y ait

 10   concordance entre le compte rendu d'audience et ce CD-ROM.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que cela va vous poser

 12   beaucoup de problèmes, Maître Sayers ?

 13   M. SAYERS : [interprétation] La seule difficulté d'ordre logistique, c'est

 14   que mes collègues seront absents pendant deux semaines. Il n'y a, comme

 15   élément supplémentaire sur ce CD-ROM, qu'un argument que nous n'avons pas

 16   évoqué, s'agissant du 98 bis. Manifestement, vous pourrez l'ignorer et il y

 17   a une section du CD-ROM qui comprend des points divers. C'est clairement

 18   distingué, il est facile d'ignorer la totalité de cette section. A vous de

 19   décider, Mesdames et Messieurs les Juges, ces CD ont été gravés, mais nous

 20   ne pourrons pas vous donner un autre CD avant deux semaines et demie ou

 21   trois pour autant que vous le souhaitiez.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Donnez-nous un instant, s'il vous

 23   plaît.

 24   [La Chambre d'appel se concerte]

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Donnez-nous un moment, s'il vous


Page 578

  1   plaît.

  2   [La Chambre d'appel se concerte] 

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Après avoir délibéré sur la

  4   question, apparemment, il y a deux solutions possibles : soit  vous

  5   fournissez à la Chambre sur-le-champ des copies sur support papier des

  6   clichés que vous avez utilisés au moment de votre exposé oral, soit vous

  7   gravez un nouveau CD-ROM sans retard. CD-ROM qui reprendrait les clichés

  8   que vous avez présentés au moment de l'exposé oral. Il vous revient de

  9   choisir la meilleure solution, la façon la plus rapide de régler la

 10   question. Pour la Chambre en tant que telle, c'est peut-être plus facile de

 11   recevoir des copies sur support papier.

 12   M. SAYERS : [interprétation] Cela sera le cas si c'est votre souhait.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Nous attendons de recevoir

 14   une copie sur support papier de ces clichés.

 15   S'agissant du tableau, nous y reviendrons plus tard.

 16   M. SAYERS : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Sans plus tarder, nous allons

 18   maintenant entendre l'appel interjeté par l'Accusation. Nous espérons que

 19   ce seront des conclusions précises et brèves comme l'Accusation nous

 20   l'avait promis hier. Merci.

 21   Mme BRADY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons

 22   faire de notre mieux.

 23   Je vais revenir sur le quatrième motif de l'appel interjeté par

 24   l'Accusation contre la peine imposée à M. Kordic. Je ne serai pas long.

 25   Voici ce que je veux faire. Je veux étoffer la base principale de notre


Page 579

  1   appel au regard de sa sentence, en tenant notamment compte des décisions

  2   prises en jurisprudence le plus récemment depuis le dépôt de notre appel.

  3   Vingt-cinq, c'est une longue peine, c'est certain. C'est beaucoup de temps

  4   passé en prison. Pourquoi l'Accusation dit-elle dès lors que la Chambre a

  5   imposé une sentence manifestement inadéquate ? Pourquoi l'Accusation

  6   demande-t-elle d'augmenter de façon considérable cette peine ? Cette

  7   sentence ne reflète pas adéquatement la gravité inhérente des crimes ou le

  8   rôle qu'a joué l'appelant dans ces crimes.

  9   Vous le savez à grâce à notre mémoire en appel, notre base principale c'est

 10   que la sentence ne reflète pas l'ampleur, la portée, l'échelle géographique

 11   et temporelle, et la nature extrêmement grave de ces crimes. Hier, lorsque

 12   j'ai répondu, j'ai abordé certains des faits de la cause. Ceci ne peut vous

 13   fournir qu'un instantané de ce qui ne saurait être qualifié que comme une

 14   base de faits incriminés considérables. Nous avons quatre municipalités en

 15   Bosnie centrale, Novi Travnik, Busovaca, Kiseljak et Vitez. Ce qui

 16   représente des dizaines de villes et de villages. Nous parlons de

 17   plusieurs, de nombreux actes de persécutions commis sur plus d'un an au

 18   cours desquels des centaines de civils ont été assassinés, des milliers de

 19   civils ont dû subir d'autres mauvais traitements, c'est-à-dire, par exemple

 20   qu'ils ont perdu leurs foyers parce que leurs maisons étaient brûlées. Ils

 21   ont perdu leurs commerces, leurs moyens de vivre, de subsistance, des biens

 22   leur ont été dérobés, des lieux de culte ont été brûlés. Ils ont été

 23   victimes de rassemblement or, [imperceptible] et placés en détention.

 24   Prenons Ahmici, c'est le cas le plus grave où il y a eu des dizaines de

 25   victimes, le jour le plus noir de toute l'histoire de cette guerre en ex-


Page 580

  1   Yougoslavie.

  2   La Chambre le disait aux paragraphes 852 à 853, des infractions d'une telle

  3   barbarie ne sauraient être plus graves, et ceux qui ont participé à ces

  4   actes doivent s'attendre à une peine d'une sévérité qui soit correspondante

  5   à l'indignation de la communauté internationale. Or, de notre avis la

  6   sentence ne reflète pas ce principe.

  7   La population musulmane a été victime et elle n'aurait pas pu être plus

  8   victime qu'elle ne l'a été. Ce qui compte tout particulièrement c'est que

  9   ces crimes ont été commis sur une population sans défense. Nous le savons

 10   grâce à des affaires comme l'affaire Kunarac, cela a été reconnu aussi dans

 11   le jugement portant condamnation de M. Banovic. Il faut tenir compte de la

 12   vulnérabilité des victimes lorsqu'on essaye d'évaluer la gravité.

 13   Il faut aussi se rappeler que ces crimes se sont commis dans le cadre d'une

 14   attitude et d'une action systématique, et on voulait le nettoyage ethnique,

 15   on voulait impurer [phon] la HZ HB de ces Musulmans. A notre avis la

 16   gravité ne reflète pas non plus le modus operandi impitoyable qui a marqué

 17   ces actes de persécution. Le jugement le dit clairement. Les actions ont

 18   été déclenchées sur une population musulmane sans défense dès les premières

 19   heures pour veiller à ce que cette population soit prise par surprise, et

 20   soit dans l'impossibilité de prendre la fuite. De plus, c'est une façon

 21   d'opérer qui était impitoyable, pillages, incendies.

 22   On pourrait aussi dire que c'est une situation où le jugement Vasiljevic

 23   reconnaît et accroît la gravité de l'infraction puisqu'on visait à

 24   minimiser la possibilité qu'auraient les victimes de se défendre,

 25   effectivement, et on voulait aussi permettre la commission de ces crimes.


Page 581

  1   Autre facteur très important qui n'a pas été pris en bonne considération,

  2   c'est la longue phrase de planification qui était nécessaire pour des

  3   crimes d'une telle échelle, principe qui a été reconnu dans le jugement

  4   Stakic en ce paragraphe 917. Il y a la gravité des faits qui sont à la

  5   base. Je dirais qu'il y a aussi le fait que Kordic connaissait les

  6   victimes, notamment, à Busovaca, il faut en tenir compte, ce qui n'a pas

  7   été le cas dans le jugement en première instance.

  8   L'autre pilier qui intervient dans la gravité de ces infractions porte

  9   davantage sur sa participation criminelle et le rôle qu'il a joué dans ces

 10   crimes. A notre avis, la sentence ne reflète pas le degré de participation

 11   et le mode de sa participation dans ces crimes. Ici aussi, la Chambre de

 12   première instance répète qu'elle est d'avis que c'étaient des crimes graves

 13   de sa part. Elle fait un commentaire sur le rôle essentiel qu'il a joué.

 14   Mais au moment de la sentence, la Chambre de première instance n'a pas… 

 15   Suffisamment tenu compte de ces questions.

 16   Il n'est pas nécessaire de vous rappeler ce que dit la Chambre de première

 17   instance Stakic au paragraphe 918, je vous fais la citation : "Comme c'est

 18   le cas des crimes de col blanc, l'auteur qui se trouve derrière l'auteur,

 19   l'auteur qui porte les gants blancs, il doit aussi être puni pour ce qu'il

 20   fait en fonction des circonstances de la cause."

 21   Or, ici, c'est bien le cas. Le rôle que Kordic a joué dans tout ceci. Il a

 22   ordonné, il a planifié, il a préparé, il a été à l'origine, quelquefois il

 23   a dirigé ces événements, la plupart du temps de façon indirecte. Vu

 24   l'ensemble de ces actes criminels et dans leur totalité, il est au sommet

 25   de cette pyramide de crimininalité et il mérite une peine plus lourde.


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  1   Je m'intéresse maintenant au deuxième fondement de notre appel, à savoir

  2   que la sentence imposée ne tient pas suffisamment compte de son poste et

  3   des pouvoirs qu'il avait en tant que dirigeant politique en Bosnie centrale

  4   et de l'abus qu'il a fait de sa position. La Chambre de première instance a

  5   bien constaté au paragraphe 853, que le fait qu'il était dirigeant

  6   aggravait l'infraction, mais nous estimons que la peine imposée ne tient

  7   pas suffisamment compte du poste très élévé qu'il avait en tant que

  8   dirigeant politique dans la région, et c'est là un facteur aggravant.

  9   Même s'il s'est déplacé ou a évolué sur plusieurs titres et

 10   qu'effectivement ses fonctions ont évolué, se sont accrues au fil de

 11   l'année, nous le savons très bien, il était président du HDZ de Busovaca et

 12   il était vice-président de la Présidence de la HZ HB pendant toute cette

 13   période. Ce poste, ces fonctions ne sont pas à notre avis traduites dans la

 14   peine qu'il a reçue.

 15   De même, cette sentence ne tient suffisamment compte des abus qu'il a fait

 16   de ce poste. Au moment où il a contribué au plan criminel commun, et

 17   lorsque grâce à ce plan, il a ordonné, planifié, dans toute leur ampleur,

 18   ces crimes commis contre les Musulmans de Bosnie à Busovaca et dans les

 19   alentours. Plusieurs exemples ont été donnés de ces abus d'influence et

 20   d'autorité afin que soient commis des crimes. A notre avis, cette trahison,

 21   cet abus de confiance doit se répercuter dans la peine qu'il lui sera

 22   imposée.

 23   Pour ce qui est de la question de son rôle sur le plan militaire, et pour

 24   savoir s'il faut que ceci intervienne pour accroître la peine, ceci a fait

 25   l'objet d'une controverse qui a perduré dans ce procès, dans cette affaire,


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  1   pas seulment au niveau du jugement mais ici aussi à l'appel. Kordic ne

  2   disposait pas d'autorité militaire formelle, dans ce sens qu'il n'était pas

  3   dans la voie hiérarchique ou même comme le disait la Chambre de première

  4   instance comme s'il avait la possibilité matérielle d'empêcher et de punir.

  5   Cependant, la Chambre de première instance tire plusieurs conclusions

  6   importantes quant à la portée réelle de ses fonctions ou de son pouvoir

  7   militaire. Je vous renvoie au paragraphe 530, où la Chambre dit qu'il avait

  8   un rôle très clair de dirigeant dans les combats. Là, il utilise son

  9   autorité militaire de façon très directe. Je vous renvoie également au

 10   paragraphe 532, pour ce qui est du blocus du barrage à Ahmici. Non pas pour

 11   déterminer sa responsabilité pénale, mais la Chambre là,  reconnaît que

 12   l'épisode, l'incident du barrage d'Ahmici, c'est qu'il avait à ce moment-

 13   là, une autorité, un pouvoir militaire réel.

 14   Je vous renvoie également au paragraphe 585, où la Chambre dit qu'il était

 15   impliqué dans l'attaque de Busovaca en tant que dirigeant exercant tant un

 16   pouvoir militaire que politique de façon très directe.

 17   Au paragraphe 642, où Dario Kordic, en sa qualité de dirigeant politique

 18   local a été considéré par les Juges de la Chambre de première instance

 19   comme ayant participé à ce dessein commun, à ce plan commun destiné à

 20   lancer une attaque militaire contre un certain nombre de localités dans la

 21   vallée de la Lasva. Si les Juges ont émis ce jugement, c'est principalement

 22   en raison du rôle qu'il a joué en tant que planificateur et intisgateur de

 23   ces actes.

 24   Enfin, je renvoie les Juges de cette Chambre d'appel aux conclusions que

 25   l'on trouve dans le paragraphe 767 du jugement, qui repose sur des moyens


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  1   présentés par un certain nombre de témoins internationaux en l'espèce. La

  2   Chambre de première instance a entendu les témoins qui étaient le colonel

  3   Stewart, le lieutenant- colonel Watters, le général de brigade Duncan, qui

  4   ont tous parlé dans des termes très clairs du lien existant entre le

  5   militaire et le politique. Le général de brigade Duncan a déclaré que si

  6   les opérations militaires relevaient de la responsabilité de Blaskic, la

  7   planification était la tâche de Kordic. Au paragraphe 767, les témoins en

  8   question ont conduit la Chambre de première instance à émettre la

  9   constatation suivante, à savoir que ces témoignages de témoins

 10   internationaux apportent : "Un appui certain aux arguments de l'Accusation

 11   puisque, comme il était permis de le penser à l'avance, l'exercice du

 12   pouvoir militaire était soumis à l'autorité politique." Dans les termes

 13   même de l'Accusation, Blaskic ne pouvait faire son travail tout seul sans

 14   obtenir le feu vert de Kordic.

 15   Nous avons également les arguments de l'appelant qui nous dit que sa

 16   responsabilité n'a pas été prouvée en application de l'Article 7(3). Dans

 17   ces conditions comment se fait-il que ce facteur ait été pris en compte ? A

 18   notre avis, la question de définir le fondement de l'établissement de sa

 19   responsabilité ne doit pas être confondu avec ces deux facteurs, à savoir,

 20   les facteurs pris en compte par la Chambre de première instance, s'agissant

 21   de son autorité militaire qui sans considérer comme susceptible d'aggraver

 22   la sanction prononcée à son encontre. La Chambre de première instance n'a

 23   pas considéré qu'il y avait responsabilité au titre de l'Article 7(3) parce

 24   qu'elle était convaincue de sa capacité matérielle à prévenir ou punir.

 25   Mais ce n'est pas selon ces principes qu'il a été sanctionné. Il n'a pas


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  1   été puni pour le rôle qui a été le sien en tant que dirigeant mais pour

  2   l'apport très positif, l'apport tout à fait objectif à la commission du

  3   plan criminel, du dessein criminel ou de l'entreprise criminelle comme on

  4   peut l'appeler, par l'intermédiaire, par le truchement des crimes qui ont

  5   été commis.

  6   Messieurs les Juges, je vous rappellerai encore une fois le jugement de la

  7   Chambre de première instance Stakic, j'aimerais vous en lire un passage.

  8   S'agissant de l'accusé M. Stakic, la Chambre de première instance a

  9   considéré comme facteur aggravant principal en l'espèce la position de

 10   supérieur qui était la sienne. "Savoir si les circonstances objectives

 11   étaient telles que la Chambre de première instance pouvait raisonnablement

 12   conclure que des actes spécifiques entraient bien dans le cadre de

 13   l'Article 7(1) ou 7(3), et savoir si une condamnation pouvait être

 14   prononcée en application de l'Article 7(1) est l'élément à discuter et la

 15   position de l'accusé dans la hiérarchie, une position supérieure

 16   lorsqu'elle est prouvée au-delà de tout doute raisonnsable doit être pris

 17   en compte en tant que facteur aggravant. Cependant, "et c'est le point le

 18   plus important, "le facteur aggravant est identique que l'accusé soit

 19   considéré comme ayant satisfait aux exigences établissant sa responsabilité

 20   au titre de l'Article 7(3) ou qu'il ait simplement été prouvé qu'il

 21   détenait une position de supérieur."

 22   Ceci reflète bien notre position sur cette question.

 23   Enfin, dernier fondement de notre appel contre la sentence de M. Kordic,

 24   c'est le suivant. En effet, cette sentence s'écarte considérablement des

 25   autres sentences prononcées par d'autres Chambres de première instance de


Page 586

  1   ce Tribunal, notamment, la sentence pronconcée contre M. Blaskic pour des

  2   circonstances assez semblables, même si elles ne sont pas identiques, pour

  3   des crimes assez semblales. L'Accusation reconnaît que cette sentence

  4   prononcée contre Blaskic, à savoir 45 ans d'emprisonnement est en cours de

  5   réexamen pouisque l'arrêt en appel n'a pas encore été prononcé.

  6   Indépendamment de cela, et connaissant les différentes formes de

  7   responsabilité imputées, Blaskic, responsabilité prise en compte au titre

  8   de l'Article 7(3), alors que pour Kordic, la responsabilité est prise en

  9   compte au titre de l'Article 7(1). Il y a tout de même, en dépit de cela,

 10   un lien important entre les crimes commis par le HVO et d'autres crimes. A

 11   notre avis, indépendamment du principe d'individualisation de la sentence,

 12   il ne doit pas y avoir de contradictions importantes dans la façon de punir

 13   deux auteurs d'actes criminels lorsque les conditions dans lesquelles les

 14   crimes et les infractions ont été commis sont très semblables. Dans le cas

 15   qui nous intéresse, il y a un autre argument intéressant, à savoir que la

 16   Chambre de première instance a estimé qu'il existait un rapport entre

 17   Kordic et Blaskic, compte tenu du fait qu'ils faisaient tous deux partie

 18   des autorités du même centre de pouvoir et qui plus est Kordic était

 19   supérieur à Blaskic dans ce centre de pouvoir. Le rapport entre les deux

 20   hommes est assez complexe et le principe doit être appliqué avec soin. Je

 21   pense que l'on est en droit de résumer les choses en disant que la Chambre

 22   de première instance a adopté la position de l'Accusation quant au fait que

 23   Blaskic n'avait pas pu faire son travail tout seul, sans obtenir le feu

 24   vert de Kordic.

 25   Voilà les trois fondements de notre pourvoir en appel. J'aimerais,


Page 587

  1   également, ajouter quelques mots, peut-être plus généraux, sur les

  2   principes mêmes de la sentence.

  3   A notre avis, pour ce genre de crimes, l'objectif de dissuasion et de

  4   rétribution doit jouer un rôle important. Dissuasion, aussi bien au sens

  5   général qu'au sens pédagogique. La sentence doit être le reflet, tout à

  6   fait clair, de la répulsion ressentie par la communauté internationale par

  7   rapport à ces crimes et de la condamnation de la part de la communauté

  8   internationale de ces crimes. Le rôle de réhabilitation ou de rééducation

  9   est également un facteur dans le prononcé de la peine. M. Farrell a,

 10   également, parlé de ce point de vue et de ce que la Chambre a fait à cet

 11   égard. Si vous décidez de prononcer une autre peine à l'encontre de M.

 12   Kordic, nous sommes d'avis que la réinsertion ou réhabilitation ainsi que

 13   la rééducation de l'auteur de ces crimes est un facteur important à prendre

 14   en compte, notamment, en l'espèce, et que la rétribution et la dissuasion

 15   doivent passer au deuxième plan par rapport à ces objectifs de réinsertion

 16   et de rééducation. Ce qui ne veut pas dire que ces deux concepts ne doivent

 17   pas jouer un rôle capital à une autre étape de la sanction.

 18   Nous en restons, absolument, à la position qui est la nôtre. Ces crimes

 19   sont d'une telle gravité qu'ils exigent une peine beaucoup plus importante.

 20   Si les Juges de la Chambre d'appel sont invités à prendre en compte les

 21   principes de réinsertion et de rééducation, ils sont, également, invités,

 22   par conséquent, à prononcer une peine de prison très longue avec un minimum

 23   recommandé, qui pourrait être un résultat efficace de ce point de vue, et

 24   satisfaire à toutes les exigences d'une sanction. Voilà la position, qui a

 25   déjà été prise d'ailleurs, par les Chambres d'appel Tadic et Stakic.


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  1   Excusez-moi, je vous demande un instant.

  2   [Le Conseil de l'Accusation se concertent]

  3   Mme BRADY : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, nous remarquons

  4   que l'affidavit de l'épouse de M. Kordic atteste des conditions familiales

  5   dans lesquelles il vivait. Ce document est entre votre main, ainsi que le

  6   rapport au sujet du comportement personnel de M. Kordic émanant de M.

  7   Timothy McFadden. Comme nous l'avons déjà dit, nous n'élevons aucune

  8   objection au versement au dossier de ces deux documents, aussi longtemps

  9   que ces documents sont traités conformément à notre position au sujet de

 10   ces principes de dissuasion et de rétribution par rapport au principe de

 11   réinsertion.

 12   Dans à notre mémoire en réponse, nous admettons qu'un certain nombre de

 13   facteurs ont été présentés du point de vue de la loi comme étant la base

 14   possible de circonstances atténuantes, et que, notamment, les conditions de

 15   vie familiale font partie de cette définition. Mais, dans notre mémoire en

 16   réponse, nous développons notre position, à savoir que la Chambre de

 17   première instance n'a commis aucune erreur effective dans l'exercice de son

 18   pouvoir discrétionnaire en n'accordant aucun poids à ces éléments. De même,

 19   ces éléments ne devraient pas empêcher les Juges de la Chambre d'appel

 20   d'imposer une sentence beaucoup plus lourde.

 21   La Chambre d'appel Celebici, au paragraphe 847 de son arrêt, fait observer

 22   que, dans certaines circonstances, la gravité du crime peut être si

 23   importante que les circonstances atténuantes ne sont plus à prendre en

 24   compte et qu'une peine très lourde est justifiée en dépit de ces

 25   circonstances atténuantes.


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  1   Nous réitérons notre position que les crimes examinés ici sont d'une

  2   gravité exceptionnelle et que les circonstances atténuantes ne devraient

  3   être que très peu prises en compte, sinon pas du tout. Cette proposition a

  4   déjà été étayée par la Chambre de première instance Stakic, au paragraphe

  5   926 du jugement où celle-ci dit considérer que de très nombreux moyens de

  6   preuve parlent en faveur de l'accusé, de la personnalité du docteur Stakic.

  7   Il est question également de sa situation maritale qui mérite d'être prise

  8   en considération, mais néanmoins, le poids à apporter à ces éléments doit

  9   toujours être examiné à l'aune de la gravité des crimes commis.

 10   A notre avis, la même démarche devrait être adoptée par les Juges de la

 11   Chambre en l'espèce.

 12   Ceci m'amène à la fin de mon propos, je propose de donner la parole à M.

 13   Farrell. A moins que vous n'ayez des questions, Mesdames, Messieurs les

 14   Juges.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pas de questions.

 16   Mme BRADY : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Monsieur Farrell, vous avez la

 18   parole.

 19   M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'appel

 20   interjeté par l'Accusation contre M. Cerkez se divise en deux parties.

 21   D'abord, première partie, l'acquittement vis-à-vis des crimes commis à

 22   Ahmici et les chefs d'accusation pour lesquels l'Accusation demande à la

 23   Chambre d'intervenir pour prononcer une déclaration de culpabilité, se

 24   trouvent au paragraphe 3.6 du mémoire de l'Accusation.

 25   Le deuxième aspect de l'appel interjeté par l'Accusation, il porte sur la


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  1   sentence prononcée contre M. Cerkez. Je ferais remarquer simplement,

  2   s'agissant de l'appel vis-à-vis de la sentence, que celui-ci se divise

  3   également en deux parties. Je ne vais pas rentrer dans les détails des

  4   arguments développés vis-à-vis de la sentence. Le mémoire est, tout à fait,

  5   clair à cet égard et relativement concis, d'ailleurs. L'argument principal

  6   c'est que, manifestement, il y a manque de correspondance entre les crimes

  7   commis et la sanction au vu de cette sentence de 15 ans. L'Accusation

  8   estime que, compte tenu du rôle joué par M. Cerkez, qui était un rôle très

  9   important dans cette campagne de persécution dont il a été jugé coupable,

 10   non seulement par sa participation personnelle mais en tant que membre

 11   d'une entreprise criminelle commune, cette peine devrait, très

 12   certainement, être supérieure à 15 ans.

 13   Les affaires qui ont suivi la présente affaire, et il y en a eu un certain

 14   nombre, donnaient lieu à des décisions de prononcé de peine qui, en fait,

 15   ne correspondent pas à la peine prononcée en l'espèce. Nous demanderons aux

 16   Juges ici présents, de ne prendre en compte que certaines de ces affaires.

 17   Il y a eu plaider coupable de la part de Banovic, Nikolic, et autres, et

 18   les sentences dans ces affaires, où il était question de crimes importants

 19   également, même si c'étaient des crimes de nature différente, tout de même,

 20   du point de vue de leur importance, ils présentaient une similitude avec

 21   l'affaire qui nous intéresse. M. Banovic, qui a participé directement à des

 22   crimes moins graves du point de vue de leur importance, a, néanmoins, été

 23   condamné à 23 ans, alors que M. Cerkez qui, à notre avis, exerçait des

 24   fonctions importantes et hiérarchiquement importantes dans des situations

 25   où des crimes plus graves ont été commis n'a été condamné qu'à 15 ans.


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  1   Le jugement Vasiljevic, la Chambre d'appel, dans cette affaire, a prononcé

  2   une peine de 15 ans qui se centrait sur une responsabilité dans le cadre de

  3   l'aide et du soutien apportés à environ cinq assassinats. La peine

  4   prononcée contre M. Cerkez est de 15 ans pour un crime qui est de nature

  5   beaucoup plus grave.

  6   Le deuxième aspect de l'appel interjeté par l'Accusation, il s'agit

  7   simplement de ce qui s'est passé à Ahmici et, à notre avis, à cet égard,

  8   les Juges de la Chambre d'appel devraient aggraver la peine prononcée. En

  9   effet, ce n'est pas un motif d'appel isolé, évidemment, on ne peut pas

 10   reprocher à la Chambre de n'avoir pas pris en compte Ahmici dans les

 11   circonstances dans lesquelles la chose s'est faite, mais nous demandons que

 12   l'Accusation soit entendue, aujourd'hui, en appel s'agissant du crime

 13   d'Ahmici et que celui-ci soit pris en compte en tant qu'élément autonome en

 14   vue de prononcer une peine plus lourde. Compte tenu d'une position

 15   différente sur la responsabilité à cet égard.

 16   J'aimerais, à présent, rentrer dans le détail de cette question d'Ahmici.

 17   Je demanderais aux Juges de se pencher sur le paragraphe 831 du jugement.

 18   Comme vous le savez, un appel a été interjeté contre l'acquittement par

 19   l'Accusation, appel destiné à obtenir une condamnation qui remplacerait cet

 20   acquittement, nous estimons que, sur la base du Statut de ce Tribunal et

 21   des conclusions tirées par la Chambre de première instance, la chose est

 22   possible si le droit est appliqué correctement. En effet, nous pensons

 23   qu'une condamnation doit être prononcée sur ce motif d'appel car, à notre

 24   avis, il y a eu erreur sur les faits. C'est la raison pour laquelle nous

 25   avons interjeté appel vis-à-vis des conclusions de la Chambre de première


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  1   instance. Il n'y a aucune nécessité d'entrer dans le détail des faits

  2   concrets, mais sur la base de ces faits, nous pensons que le résultat de la

  3   réflexion doit être différent.

  4   En effet, dans l'affaire Tadic, un appel a été couronné de succès, appel

  5   contre un acquittement en raison d'une erreur de faits et pas d'une erreur

  6   de droit. Ceci démontre bien que la Chambre d'appel a toute autorité pour

  7   intervenir.

  8   Au paragraphe 831 du jugement, on y trouve les conclusions eu égard à la

  9   responsabilité sur la base d'un certain nombre de faits. Nous lisons ce qui

 10   suit, je cite : "La Chambre de première instance a considéré que Cerkez en

 11   tant que commandant de la Brigade Viteska avait participé aux attaques sur

 12   Vitez, Stari Vitez et Donja Veceriska, même si l'attaque sur Ahmici n'a pas

 13   été pris en compte."

 14   La première phrase indique que M. Cerkez occupait un poste de

 15   responsabilité. Il commandait une brigade qui avait participé à des

 16   attaques dans la municipalité et il commandait cette brigade qui plus est.

 17   L'élément distinctif entre les condamnations prononcées eu égard aux villes

 18   et municipalités citées plus haut et le jugement prononcé au sujet

 19   d'Ahmici, c'est simplement qu'il n'a pas participé, dans le deuxième cas,

 20   au début de l'attaque. C'est ce que l'on trouve au paragraphe 703 du

 21   jugement.

 22   Poursuivons la lecture du paragraphe 831, je cite : "Le moment était un

 23   moment culminant dans la campagne de persécution. L'accusé a joué un rôle

 24   dans cette campagne en commandant les troupes qui ont été mêlées à certains

 25   des incidents." Cette troisième phrase est très claire. Il a participé à


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  1   une entreprise criminelle commune. Il a rempli son rôle dans cette campagne

  2   ou cette entreprise par le biais des hommes qu'il commandait en prenant

  3   certaines mesures. Sa responsabilité se situe dans le cadre d'une

  4   entreprise criminelle commune de persécution, il a joué un rôle dans cette

  5   entreprise commune par le biais d'actes, tout à fait, précis qui se situe à

  6   Vitez, Stari Vitez et Donja Veceriska.

  7   Suite de la lecture du paragraphe 831, je cite : "En tant que tel, il était

  8   co-auteur et a manifesté l'état d'esprit le mens rea nécessaire qu'il est

  9   permis de déduire en l'espèce de sa participation à la campagne."

 10   Ce que la Chambre de première instance a fait à ce niveau, de l'avis de

 11   l'Accusation, c'est juger, à très juste titre, qu'il était membre et co-

 12   auteur d'un dessein commun qui se caractérise par une campagne de

 13   persécution et qu'il y a joué son rôle et que ce rôle était une

 14   participation directe et démontre bien sa contribution personnelle.

 15   J'aimerais, maintenant, parler d'autres conclusions que l'on trouve dans le

 16   jugement mais ce paragraphe suffit à lui seul, à mon avis, pour que

 17   l'acquittement d'Ahmici soit transformé en condamnation. En effet, il est

 18   considéré comme ayant été membre d'une entreprise criminelle commune, il

 19   est considéré comme ayant participé à une campagne de persécution, ayant

 20   joué un rôle personnel dans cette campagne, et avoir eu l'état d'esprit,

 21   l'intention délictueuse nécessaire.

 22   Le droit relatif à l'entreprise criminelle commune ou au dessein commun est

 23   cité par cette Chambre de première instance. Je ne vais pas entrer dans les

 24   détails. Au paragraphe 397, il y est évoqué, à juste titre, qu'il faut,

 25   pour que cette entreprise criminelle commune existe, prouver les éléments


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  1   qui ont été définis dans l'affaire Tadic et que la participation, même si

  2   elle est limitée, doit s'illustrer par une contribution personnelle à

  3   l'exécution du plan en question. Nous trouvons cela au paragraphe 385, où

  4   il est question de planification, d'intention de participer et de commettre

  5   délibérément des actes qui conduisent directement et de façon importante à

  6   la commission d'un crime. Ce sont les conclusions de la Chambre de première

  7   instance au sujet de la planification. Cette Chambre de première instance

  8   établit le droit en matière d'aider, de concourir à, ou encourager et cite

  9   l'arrêt Tadic où il est question d'actes destinés à aider, encourager ou

 10   appuyer moralement et soutenir la commission des crimes avec des résultats

 11   effectifs.

 12   Au paragraphe 703 du jugement, la Chambre évoque les moyens de preuve liés

 13   aux attaques de trois villages et déclare que l'accusé a participé aux

 14   attaques sur Vitez, Stari Vitez et Veceriska. Ceci est déduit de sa

 15   présence à la réunion militaire du 15 avril 1993, il y a également un

 16   documentaire qui existe sur ce plan, et il y a également les entrées dans

 17   le journal de bord de l'officier de service.

 18   La Chambre poursuit au paragraphe 783 en disant ce qui suit, je cite :

 19   "Cependant aucun moyens de preuve n'a permis de convaincre la Chambre de

 20   première instance au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé ait été

 21   responsable du début de l'attaque sur Ahmici, le 16 avril, cette

 22   responsabilité étant celle du bataillon de la police militaire qui n'était

 23   pas sous son commandement."

 24   Sur quoi mettons l'accent ici ? A mon avis, on met l'accent sur

 25   l'application de l'Article 7(1) du statut. La Chambre n'applique pas la


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  1   doctrine du dessein commun mais déclare l'accusé coupable à la fin du

  2   jugement. La dernière phrase stipule qu'il n'était pas responsable du début

  3   de l'attaque sur Ahmici. A ce sujet, je dirais que sur la base des faits

  4   pris en compte, il est permis de déduire qu'il a joué un rôle au début de

  5   l'attaque.

  6   Deuxièmement, il avait un rôle à jouer à Ahmici compte tenu des rapports

  7   qu'il recevait et qu'il renvoyait au colonel Blaskic. Troisièmement, il

  8   avait un rôle à jouer puisque les hommes sous ses ordres ont participé aux

  9   opérations d'arrestation à la fin de la journée. Ceci n'est pas le plus

 10   important. Il n'importe pas de savoir s'il a participé directement ou pas à

 11   l'attaque d'Ahmici. Ce qui importe, c'est qu'il ait été membre d'une

 12   entreprise criminelle commune et que dans cette partie du plan, il savait

 13   qu'il contribuait, par ses actes, à la réalisation globale du plan dans

 14   cette municipalité.

 15   En tout cas, c'est l'avis de l'Accusation. Finalement, la Chambre se

 16   penchera sur le fait de savoir si le bataillon de police militaire était

 17   sous son commandement ou pas et sur la détermination exacte de

 18   l'application de la brigade au début l'attaque, mais de l'avis de

 19   l'Accusation, c'est sur la base de la responsabilité qu'il convient de se

 20   prononcer, et cette responsabilité est prouvée par sa participation au plan

 21   criminel commun.

 22   Paragraphe 691, la Chambre de première instance conclut, après avoir

 23   examiné les ordres qui ont été cités à la page précédente, page 236, j'ai

 24   parlé de ces ordres hier, la Chambre tire ces conclusions, et à mon avis il

 25   est tout à fait clair que M. Cerkez a participé à toutes les attaques qui


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  1   ont eu lieu dans la municipalité de Vitez. Le colonel Blaskic était le

  2   subordonné direct de M. Cerkez et c'était la personne responsable de la

  3   municipalité de Vitez et de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. En

  4   cette qualité, il demande au commandant de la Brigade de Vitez de rendre

  5   compte. Ce qui est encore plus important, c'est ce que l'on lit au sous-

  6   paragraphe (C) de la page 236, à savoir "achever le travail dans les

  7   villages de Donja Veceriska, Ahmici, Sivrino Selo, et Vrhovine." Il n'est

  8   pas dit à cet endroit, comme l'appelant l'a fait remarqué : pourriez-vous

  9   vérifier ce qui se passe le terrain avec les hommes qui sont sur place, et

 10   voir si vous pouvez obtenir des renseignements qui pourraient être mis à

 11   notre disposition, et M. Cerkez peut vous aider à obtenir ces

 12   renseignements. S'agissant de la façon dont la hiérarchie a été respectée

 13   au niveau du commandement, ce n'est pas ce qui est écrit à ce niveau du

 14   texte. Il est question d'achever le travail dans ces villages et de s'en

 15   emparer complètement, et c'est un ordre. Le rapport envoyé ensuite stipule

 16   : "Au sujet de l'ordre relatif à la suite des opérations de combat," il y a

 17   eu des opérations de combat menées par la Brigade de Vitez, et dans cette

 18   zone de responsabilité précise, il est tout à fait clair que les rapports

 19   en question traitent bien d'opérations militaires survenues à un endroit

 20   précis.

 21   J'ai déjà parlé des faits évoqués dans les rapports du colonel Blaskic, à 2

 22   heures 50. Il parle du fait que la ville de Vitez a été nettoyée, il parle

 23   du fait que 50 Musulmans se trouvent dans la cellule du poste de police de

 24   la brigade. Je vous ai déjà présenté hier un moyen de preuve émanant de la

 25   première instance qui montre que le poste de police de la brigade se trouve


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  1   à Vitez à 300 mètres à peine du QG de l'appelant.

  2   Enfin, il ne peut y avoir aucun doute de l'avis de l'Accusation quant au

  3   fait que l'appelant a participé à l'exécution du plan, plan qui résulte de

  4   la deuxième réunion militaire dont il est question au paragraphe 610 du

  5   jugement, et que sa participation a été une participation directe. Le droit

  6   relatif au projet commun ou à la planification d'un certain nombre de faits

  7   doit intervenir. En fonction de ce droit, l'appelant doit être condamné.

  8   Des conclusions multiples ont été tirées dans le jugement au sujet du rôle

  9   joué par la Brigade de Vitez dans toutes ces actions. Je ne me référerai

 10   qu'à quelques-unes d'entre elles.

 11   Au paragraphe 612 du jugement par exemple, on discute le rôle joué par la

 12   Brigade de Vitez dans le plan commun. L'une des fonctions de la Brigade de

 13   Vitez, la Chambre de première instance l'a admis en admettant la déposition

 14   du Témoin AT qui parle de préparation. L'une des fonctions de la Brigade de

 15   Vitez était d'empêcher les forces de la FORPRONU d'entrer à Ahmici, ceci

 16   avant l'attaque au moment où la décision d'attaquer a été prise, donc la

 17   veille. Il n'est pas besoin de démontrer l'implication directe à une

 18   entreprise criminelle commune, mais le fait d'empêcher la FORPRONU

 19   d'atteindre Ahmici compte tenu des ordres de tuer, donnés par Blaskic,

 20   ordre de tuer, d'expulser et d'incendier les maisons, dans ces conditions

 21   en tant que membre du plan, l'appelant doit être considéré comme

 22   responsable. En tant que participant direct, il était chargé de veiller au

 23   succès de l'opération de l'attaque sur Ahmici en empêchant la FORPRONU

 24   d'avancer, ce qui démontre très clairement que ce facteur à lui seul

 25   démontre la contribution de l'appelant à l'attaque sur Ahmici, soit par le


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  1   biais de l'entreprise criminelle commune, soit et cela c'est une certitude

  2   au niveau d'aider et encourager.

  3   La Chambre fait remarquer dans son jugement que lorsque Pasko Ljubicic

  4   contacte AT, Pasko Ljubicic reproche à Cerkez le fait d'avoir laissé passer

  5   les hommes de la FORPRONU. Pasko Ljubicic commandait la police militaire

  6   qui opérait à Ahmici, et il se plaint de cela auprès de Cerkez. Ce que AT

  7   déclare, c'est que la réponse de Cerkez n'existe pas en fait, il ne dit pas

  8   qu'il n'avait aucune fonction à remplir, mais il s'exprime différemment. Je

  9   vais chercher ce passage. Le reproche qui est fait, c'est que numéro deux

 10   au niveau hiérarchique ait permis à la FORPRONU de passer. Il n'y a aucun

 11   déni de responsabilité à ce niveau-là, rien qui prouve qu'il n'ait pas joué

 12   un rôle dans tout cela, et ceci c'est ce que dit le Témoin AT.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] A quel passage dans le jugement

 14   faites-vous référence exactement ?

 15   M. FARRELL : [interprétation] Paragraphe 692. Regardez le début du

 16   paragraphe 692 qui est assez long, qui comporte un certain nombre de sous-

 17   paragraphes. Au début, nous lisons : "L'Accusation a produit des éléments

 18   de preuve illustrant la réaction de M. Cerkez à ces événements." Au (d), il

 19   est question de la réponse aux protestations de Pasko Ljubicic quant au

 20   fait que la FORPRONU a été autorisée à passer le 16 avril 1993. Cerkez dit

 21   que ce n'est pas sa faute, mais la faute de Bertovic. Ensuite, les

 22   explications relatives au barrage, et à la présence de la FORPRONU. Si nous

 23   admettons la déposition d'AT, bien entendu. Or, la Chambre de première

 24   instance a estimé que la déposition du Témoin AT, au sujet de la

 25   préparation était crédible, on doit, dans ces conditions, admettre la


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  1   participation, donc l'accord au plan avant le début de l'attaque,

  2   l'affectation d'une tâche avant le début de l'attaque, et les fonctions qui

  3   ont été mises en œuvre par rapport à Ahmici, et accepter le fait et ceci

  4   indépendamment des explications données par rapport à la possibilité de la

  5   FORPRONU de détourner le barrage.

  6   De très nombreux moyens de preuve démontrent l'aspect coordonné de la

  7   campagne, campagne militaire coordonnée qui a eu pour résultat des

  8   persécutions. C'est la conclusion objective que l'on peut tirer de l'examen

  9   des faits aux environs de 5 heures 30, 6 heures du matin dans un grand

 10   nombre de lieux, Vitez, Stari Vitez, Kruscica, Donja Veceriska, Ahmici. Des

 11   crimes ont été commis dans chacun de ces villages. Tous démontrent l'aspect

 12   coordonné de cette compagne de persécution, notamment le fait que quatre

 13   personnes se soient réunies le 15 avril, quatre personnes qui sont, vous

 14   vous en souviendrez, Pasko Ljubicic, qui se trouve à Ahmici, M. Cerkez.

 15   Selon M. AT, Grubesic, souvenez-vous du rôle joué par Grubesic, qui a fait

 16   démarrer le pilonnage sur Ahmici, rôle au stade initial de l'attaque.

 17   Souvenez-vous également de la déposition du Témoin AT qui a dit que M.

 18   Grubesic, en tant que commandant de la Brigade de Busovaca devait empêcher

 19   la FORPRONU de se rendre dans le village si elle venait de Busovaca.

 20   Finalement, comme je l'ai déjà dit, on trouve cela dans le journal de

 21   guerre, page 1755, la Chambre de première instance y a fait référence. Je

 22   vais vous citer le passage dans un instant. Il s'agit du paragraphe 656

 23   auquel la Chambre de première instance a fait référence en ce qui concerne

 24   ses conclusions. A 17 heures 55, le 16 avril 1993, il est indiqué que des

 25   informations se trouvent dans le registre où il est dit Dusko, Cerkez et


Page 600

  1   Pasko. Dusko, à notre avis, est Grubesic. Il a été dit que Grubesic

  2   assistait à la réunion du 15. Son rôle était de bloquer le passage de la

  3   FORPRONU. Il était en charge de l'artillerie. Pasko Ljubicic et Cerkez,

  4   bien sûr, c'est l'accusé. Ensuite, il a dit que le HVO continuait à arrêter

  5   les gens. Le Procureur considère qu'il s'agit là de la Brigade Viteska.

  6   La Chambre de première instance a constaté qu'il existait des attaques

  7   organisées du HVO dans ces zones. La Chambre de première instance a

  8   constaté que la Brigade Viteska était en plein combat, et que Mario Cerkez

  9   était le commandant de cette brigade. Le Chambre de première instance a

 10   constaté qu'il y avait des éléments de preuve clairement indiquant que

 11   Mario Cerkez, en tant que commandant de la Brigade Viteska, participait aux

 12   attaques contre Vitez, Stari Vitez, et Veceriska. La Chambre a constaté que

 13   sa participation se déroulait au point culminant de la campagne de

 14   persécution, qu'il a joué un rôle important, et qu'il a contribué à cette

 15   campagne en commandant ses troupes dans le cadre de ces incidents. La

 16   Chambre de première instance a constaté qu'il a assisté à la réunion

 17   militaire du 15 avril, lors de laquelle Blaskic lui a donné des

 18   instructions. La Chambre a également constaté qu'il faisait partie de

 19   l'attaque coordonnée. La Chambre comptait sur les rapports selon lesquels

 20   Blaskic demandait d'un rapport émanant de la municipalité de Vitez, y

 21   compris sur Ahmici.

 22   La Chambre de première instance a constaté également que dans les

 23   situations où M. Cerkez a participé aux attaques en tant que commandant de

 24   la Brigade Viteska, il a commis cela avec l'intention de commettre des

 25   crimes en tant que co-auteur dans le cadre de la campagne.


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  1   Ce qui me ramène au paragraphe 831. La Chambre de première instance a aussi

  2   constaté qu'il "a participé aux attaques au point culminant de la campagne

  3   en tant que co-auteur au dessein commun, et qu'il a joué son rôle dans la

  4   campagne en commandant les troupes avec l'intention délictueuse

  5   nécessaire."

  6   Sur la base de ces constatations, et si l'on applique de manière appropriée

  7   les critères portant sur la planification où l'entreprise criminelle

  8   commune, la Chambre de première instance a erré et aurait dû prononcer une

  9   condamnation pour Ahmici.

 10   Ceci est la fin des arguments de l'Accusation. Je vous remercie de votre

 11   attention.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Est-ce que je peux vous

 13   proposer, Maître Sayers, de répondre en ce qui concerne le prononcé de la

 14   peine ? Est-ce que 20 minutes vous suffiront ?

 15   M. SAYERS : [interprétation] Nous sommes prêt, tout à fait.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

 17   M. SAYERS : [interprétation] Il y a trois choses. Est-ce que quelqu'un

 18   pourrait brancher notre ordinateur ici ? Deuxièmement, je souhaite dire à

 19   la Chambre d'appel que M. Kordic ne va pas aujourd'hui prendre la parole en

 20   vertu de 84 bis [comme interprété], et je souhaite employer les 15 minutes

 21   qui lui ont été attribuées pour présenter nos arguments, si ceci est

 22   acceptable du point de vue de la Chambre d'appel.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je ne le pense pas. Excusez-moi. Je

 24   vois que mon ordinateur avait un problème également. Ceci n'a rien à voir

 25   avec l'article que vous avez mentionné tout à l'heure. Normalement, la


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  1   Chambre d'appel donne l'opportunité à la personne accusée de s'adresser à

  2   la Chambre d'appel au sujet de ce qu'il souhaite lui relater. Dans le

  3   "civil law", on parle de cela en tant que "final word", déclaration finale.

  4   Vous ne pouvez pas remplacer cela par la présentation de vos propres

  5   arguments, puisque vous êtes limité dans votre réponse à l'appel du

  6   Procureur par rapport à la condamnation, qui selon le Procureur devrait

  7   être plus sévère. Vous avez 20 minutes.

  8   M. SAYERS : [interprétation] Vingt minutes, Monsieur le Président ?

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Maximum, oui.

 10   M. SAYERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Chambre

 11   d'appel, à notre avis, devrait prendre en considération les points soulevés

 12   par le Procureur de la manière tout à fait précise. Il revient au Procureur

 13   de démontrer que la Chambre de première instance a commis une erreur claire

 14   dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire relatif au prononcé de la

 15   peine. J'ai préparé une présentation, mais les ordinateurs, apparemment, ne

 16   fonctionnent pas.

 17   [La Chambre d'appel et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je viens d'apprendre que ceci ne

 19   peut pas être fait depuis la cabine. Un technicien doit venir. Je pense que

 20   si vous avez préparé des transparents, il ne serait pas juste, vis-à-vis de

 21   vous, de ne pas les employer. Peut-être nous pourrions renverser l'ordre.

 22   Je me demande si je pourrais me tourner vers la Défense de M. Cerkez, et

 23   proposer qu'ils commencent leur propre présentation.

 24   Etes-vous prêt, Maître Kovacic ?

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne suis pas vraiment prêt, mais je pense


Page 603

  1   que je peux le faire quand même. Juste une minute, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bien sûr.

  3   M. KOVACIC : [interprétation] Je pense que je peux le faire, Monsieur le

  4   Président.

  5   Tout d'abord, ce que je souhaite dire, c'est que nous avions un grand

  6   nombre de répétitions et, bien sûr, c'est la conséquence nécessaire, car

  7   d'un côté le Procureur au cours de la journée d'hier, et un peu ce matin a

  8   fait des commentaires concernant ses réponses à l'appel de Cerkez. Toute à

  9   l'heure, il a présenté ces arguments concernant l'acquittement de Cerkez

 10   pour Ahmici. Pourquoi est-ce qu'on tourne en rond à cause des faits. En ce

 11   qui concerne les deux questions, les questions se résument à celle de

 12   savoir si, premièrement, les faits ont été établis de manière exacte;

 13   deuxièmement, s'ils ont été interprétés de manière exacte; et seulement

 14   troisièmement, nous avons la question de savoir quelles sont les

 15   conclusions à en tirer.

 16   Vous avez déjà entendu notre position concernant les éléments de preuve

 17   cruciaux portés contre Cerkez pour le condamné de son unité à Kruscica et

 18   Donja Veceriska. En fond, il s'agit de la même question que celle dont on a

 19   parlée déjà aujourd'hui. Le point le plus important est celui qui est lié à

 20   l'existence d'un plan. Encore une fois, ceci nous ramène au Témoin AT. D'un

 21   côté, nous avons la déclaration du Témoin AT concernant cette fameuse

 22   réunion. Ce témoin affirme que la réunion a eu lieu. Il ne sait pas ce qui

 23   a été décidé lors de cette réunion, donc nous ne savons pas quel est le

 24   plan qui a fait l'objet des discussions lors de cette réunion. Cependant,

 25   ce que le Témoin AT sait, et ce qu'il dit plus tard dans sa déposition, la


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  1   première fois que les meurtres ont été mentionnés dans le cadre de cette

  2   action, c'était par la suite lors de la réunion à Nadioci, à laquelle seule

  3   la police militaire a assisté. Quel est le lien entre cela et la

  4   connaissance du plan de la part de Cerkez ? Il n'existe pas d'éléments de

  5   preuve, ni de conclusions de la Chambre établissant un lien quelconque

  6   entre Cerkez et la police militaire qui lui permettrait d'apprendre quelque

  7   chose. Il est tout à fait clair, sur la base de l'ensemble de la procédure

  8   qu'après cette réunion de la police militaire, la police militaire quitte

  9   le bâtiment du commandement de Blaskic, quitte l'hôtel, pour aller ailleurs

 10   au bungalow de Nadioci pour y développer son opération. Il n'existe pas de

 11   preuve indiquant que Cerkez pouvait être au courant de cela ou suivre la

 12   suite des événements.

 13   Deuxièmement, en ce qui concerne la crédibilité de ce témoin. Mesdames,

 14   Messieurs les Juges, je dois répéter ici que, compte tenu de tout ce qui a

 15   été dit par Me Sayers concernant ce témoin, je ne souhaite pas répéter les

 16   choses. Il s'agit là d'un témoin qui n'est pas crédible. C'est quelqu'un

 17   qui a été condamné pour mensonges et meurtres, et ceci peut être corroboré

 18   par des documents. D'un côté, il dit qu'il n'a pas été à cette réunion.

 19   D'autre part, nous avons un témoin concernant lequel le témoin a peut-être

 20   dit qu'il a assisté à cette réunion. C'est le commandant Grubesic de

 21   Busovaca. Grubesic est venu devant ce Tribunal, et il a dit qu'il n'a pas

 22   assisté à cette réunion.

 23   En ce qui concerne la deuxième déclaration que Cerkez a assisté à cette

 24   réunion, nous avons l'élément de preuve D161 où il est établi que Cerkez

 25   n'a pas assisté à cette réunion. Tout d'abord, sur la base de tous ces


Page 605

  1   éléments de preuve, il est clair que Cerkez n'a pas assisté à cette

  2   réunion.

  3   Deuxièmement, s'il a assisté à cette réunion, il n'existe absolument aucune

  4   preuve portant sur le prétendu plan criminel adopté lors de cette réunion.

  5   Si un plan militaire a été adopté, d'accord, nous pouvons trouver cela

  6   acceptable. Pourquoi ? A cause des quatre ordres que je vous ai montrés

  7   hier; D62, D343/1, 6, 7 et 8. Là, il s'agit d'un plan militaire adopté de

  8   manière tout à fait légitime.

  9   Si une partie de ce plan militaire justifiée est devenue autre chose à

 10   Ahmici, cela est une autre affaire. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Le 4e

 11   Bataillon de la police militaire qui a été envoyé à dépasser ces

 12   instructions selon les ordres, cela c'est complètement incontestable. En ce

 13   qui concerne les autres unités qui ont reçu les ordres, à mon avis, elles

 14   n'ont pas dépassé leur prérogative. D'ailleurs, la zone de responsabilité

 15   de mon client, la zone pour laquelle il est responsable c'est seulement

 16   Kruscica et le sud d'Ahmici.

 17   Nous avons entendu beaucoup de témoins, des témoins tout à fait crédibles

 18   qui ont déposé en disant que rien de tout ne s'est passé à Kruscica n'était

 19   répréhensible.

 20   Le Procureur a parlé de M. Cerkez du fait qu'il aurait assisté au recueil

 21   des informations. Voici ce que je souhaite dire : lorsqu'il recueille

 22   vraiment des informations ou lorsque ses subordonnés recueillent les

 23   informations le 16 avril, émanant de l'ensemble de cette région chaotique

 24   pour les transmettre à Blaskic, selon la hiérarchie militaire normale, le

 25   subordonné transmet les informations qu'il reçoit à son supérieur


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  1   conformément à l'ordre qu'il a reçu de son supérieur. D'ailleurs ceci est

  2   corroboré par des dépositions tout à fait claires. Par exemple, le Témoin

  3   Zuljevic, je pense qu'il s'agit là du paragraphe 698 du jugement, il

  4   recueille des informations.

  5   Or, cette assistance après que l'on constate qu'il existait prétendument un

  6   plan criminel, et après les crimes commis à Ahmici, est-ce que cette

  7   assistance de Cerkez dans le recueil des informations après les crimes,

  8   est-ce que ceci constitue le fait d'être complice ou le fait d'encourager

  9   ou insister à la commission d'un acte criminel ?

 10   Est-ce que vous pourriez me dire, s'il vous plaît, Monsieur le

 11   Président, combien de temps il me reste ?

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez au total une heure et

 13   demie. Il nous reste maintenant dix minutes jusqu'à la pause, et ensuite

 14   nous allons reprendre nos travaux dans une heure. Vous avez une heure et

 15   dix minutes à votre disposition.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je

 17   vais utiliser mon temps jusqu'à la pause et, ensuite, après la pause peut-

 18   être mon co-conseil prendra la parole.

 19   Ensuite, le Procureur a encore une fois attiré votre attention sur le

 20   paragraphe sur lequel nous avons déjà passé beaucoup de temps, à savoir,

 21   689(c). Il vous renvoie de manière erronée à la page 236. Or, à cette page,

 22   nous avons la pièce à conviction mentionnée par moi plusieurs fois,

 23   notamment Z692.3. Nous contestons l'authenticité de cette pièce à

 24   conviction. Je souhaite redire que plus de 4 600 documents ont été versés

 25   au dossier au cours du procès, et la Défense n'a pas contesté


Page 607

  1   l'authenticité de tous les autres documents sauf celui-ci.

  2   Je souhaite attirer votre attention sur le fait qu'il existe environ 70

  3   ordres de Blaskic versés au dossier dans cette affaire. Tous ces ordres

  4   sont les ordres de même nature que l'ordre 692.3, ordres portant sur une

  5   action militaire et sont tout à fait détaillés et précis. Or, ce

  6   malheureusement ordre 692.3, j'essaie de le situer. Le voilà. Est-ce que

  7   l'on pourrait le placer sur le rétroprojecteur avec l'aide de l'huissier,

  8   s'il vous plaît.

  9   Un ordre aussi bref déterminant une action militaire n'est jamais sorti du

 10   commandement de Blaskic. Jamais sur les 70 ordres de combat de Blaskic

 11   versés au dossier dans cette affaire, aucun ordre ne ressemblait à cela.

 12   Deuxièmement, si l'on compare cet ordre à ces 70 ordres de Blaskic,

 13   l'aspect physique de cet ordre est totalement différent.

 14   Troisièmement, du point de vue militaire, tout simplement il est

 15   impossible. Ce serait complètement absurde pour plusieurs raisons. Ici, il

 16   est dit à la Brigade de Vitez d'aller à Sivrino Selo. Tout d'abord, dans le

 17   chaos du procès, aucune déposition, aucun document n'a jamais mentionné le

 18   fait que le HVO aurait essayé de conquérir Sivrino Selo. Jamais et nulle

 19   part. J'invite le Procureur à faire des recherches dans toutes ses bases de

 20   données et il arrivera à la même conclusion. Jamais ceci n'a été évoqué. Le

 21   fief de la partie adverse s'y trouvait, et le HVO ne pouvait pas conquérir

 22   cet endroit. Il n'y songeait même pas.

 23   Deuxièmement, on l'envoie à Ahmici. C'est l'ordre qui a été donné soi-

 24   disant à 10 heures 30. Ahmici, vous avez vu sur la carte quelle est cette

 25   région. Il y a Ahmici, Nadioci, et Pirici. Sur le plan militaire, il s'agit


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  1   ici quand même d'une affaire militaire. C'est complètement absurde. C'est

  2   comme si maintenant j'envoyais mes forces aux Pays-Bas. Où cela ?

  3   Militairement, bien sûr, c'est très important. Vers Ahmici, depuis la

  4   direction nord ou sud, et cetera, prend ces positions, voici tes tâches, et

  5   cetera, et cetera. Il n'y a pas de description de tâches. Or, Blaskic n'a

  6   jamais émis un ordre de ce type sans donner la description détaillée et

  7   précise des tâches liées à l'activité militaire en question.

  8   Je pense que maintenant nous pouvons retirer le document du

  9   rétroprojecteur.

 10   Quatrièmement, cet ordre a été présenté par le Procureur à deux témoins, à

 11   Stipo Ceko et au commandant Bertovic, au cours de leur déposition devant ce

 12   Tribunal. C'était la première fois que la Défense a vu cet ordre. Comme je

 13   l'ai déjà dit, j'étais un peu pris de court. Je ne trouve pas immédiatement

 14   le compte rendu d'audience, mais de toute façon, je peux retrouver cela

 15   plus tard. Puisque Bertovic, au cours de sa déposition, a fait une très

 16   bonne évaluation de ce document et, plus tard, ce document était montré au

 17   témoin Zuljevic. Pardon, tout à l'heure, j'ai mentionné le nom erroné.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ai-je raison de dire que vous

 19   faites référence à la note en bas de page, 1393, portant sur ce document,

 20   où il est écrit : "S'agissant de cet ordre, Anto Bertovic a dit lors du

 21   contre-interrogatoire qu'il serait nécessaire d'avoir trois bataillons

 22   puissants pour accomplir cela" ?

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Plus tard, Bertovic a

 24   expliqué cela. Si mes souvenirs sont bons, il a été surpris par ce

 25   document, et l'autre témoin aussi d'ailleurs.


Page 609

  1   Je pense que, compte tenu de ce que je viens de dire, l'authenticité de ce

  2   document est absolument inexistante. Même si l'on admettait que ce document

  3   était authentique, encore une fois, il n'y a pas de lien entre Cerkez et un

  4   quelconque plan, parce que visiblement le plan a dû être créé avant la

  5   création de ce document.

  6   Point suivant, important à mon avis : le Procureur, comme ceci a été fait

  7   dans le jugement également, considère que les événements qui ont suivi, les

  8   événements du 16 avril, montrent le caractère du plan. Ceci sous-entend une

  9   thèse que tous les plans, ici les plans du HVO ou du colonel Blaskic, se

 10   réalisaient toujours par la suite de manière tout à fait conforme à ce qui

 11   était initialement prévu. A mon avis, il n'est même pas nécessaire

 12   d'analyser à quel point ceci n'est pas vrai. Vous savez, hier, je me suis

 13   levé ici. J'avais une idée dans ma tête, mais les choses ne se sont pas

 14   déroulées de manière tout à fait conforme à ce que j'avais prévu. Nous

 15   sommes tous au courant de ce genre de situation. Cela arrive à tout le

 16   monde. Comment peut-on conclure que ce qui s'est passé le 16 avril démontre

 17   que c'est ce qui a été exactement planifié en avance ? Je pense que,

 18   s'agissant de l'existence de ce plan, il faudrait avoir quand même des

 19   éléments de preuve plus solides que cela.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le moment est opportun pour

 21   procéder à une pause, je pense. Nous allons lever l'audience jusqu'à 13

 22   heures 30 de l'après-midi.

 23   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 30.

 24   --- L'audience est reprise à 13 heures 37.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez vous asseoir.


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  1   Bonjour. Deux points pratiques. Tout d'abord, la Chambre a pris une

  2   décision suite aux arguments présentés par l'Accusation. La Chambre recevra

  3   les copies des documents imprimés préparés par la Défense de Kordic, des

  4   tableaux. Cependant, il ne s'agira pas d'éléments de preuve nous

  5   n'attacherons aucune valeur probante à ceci et nous sommes pleinement

  6   conscients des arguments avancés par l'Accusation à savoir que ces

  7   documents ne reflètent pas de manière exacte le jugement. Il s'agira

  8   simplement d'un élément à l'appui, un élément supplémentaire qui nous

  9   permettra de nous rappeler les arguments avancés par cette partie. Par

 10   conséquent, il ne convient pas de donner une cote à ce document et la

 11   Défense Kordic pourra distribuer le document.

 12   Nous allons poursuivre pendant les 70 minutes qui sont devant nous, une

 13   heure et 10 minutes. C'est la Défense de Cerkez qui pourra répondre aux

 14   arguments de l'Accusation. Je vous en prie.

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   J'espère pouvoir en terminer même en moins de temps que le temps qui nous a

 17   été imparti.

 18   En réalité, je peux le dire en quelques mots. Il me faudra dix minutes à

 19   peu près pour aborder quelques points qui ne sont pas très longs, pour

 20   répondre à l'Accusation. Par la suite, mon collègue Mikulicic prendra la

 21   parole pour dire quelques points supplémentaires au sujet de la question de

 22   ce plan, dans le cadre de l'intention et de l'entreprise criminelle

 23   commune, et par la suite très brièvement moi-même je parlerai de la peine

 24   elle-même.

 25   Pour ce qui du document Z6923, j'en ai parlé en détail mais je tiens à


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  1   rappeler la Chambre du fait que ce document a été versé au dossier après un

  2   long voyage effectué en six ans de Bosnie aux archives de Zagreb. Aucun

  3   fait ne nous permet de savoir exactement où ont été conservées ces archives

  4   pendant ces six années. Nous savons que divers services de renseignement

  5   s'intéressaient à cela, et se sont occupés de cela mais nous n'avons pas de

  6   faits à l'appui. Le fait est qu'à la fin ces documents sont arrivés à

  7   Zagreb en l'an 2000, ou y étaient en l'an 2000 et qu'en janvier de l'an

  8   2000 le gouvernement croate a ouvert les portes des archives au Procureur,

  9   et là, vraiment j'insiste que le Procureur a eu accès à l'ensemble des

 10   archives, un accès illimité dans les bureaux du HIS, l'un des services de

 11   renseignement croate. Ensuite, le gouvernement croate a décidé d'enlever le

 12   sceau du secret de l'ensemble de ces documents, et ces documents ont été

 13   conservés depuis dans les archives nationales, et c'est là que le Procureur

 14   a continué à effectuer ses enquêtes et ses recherches et les avocats de la

 15   Défense y ont travaillé eux aussi. Mais pour tout le monde cela été une

 16   tâche extrêmement dure, les archives n'étant absolument catégorisées,

 17   classifiées. Vous pouviez dans un lot trouver tout de suite un document qui

 18   vous était intéressant, et vous pouviez tout aussi bien en parcourir une

 19   centaine sans trouver quoi que ce soit qui vous intéresse. D'après certains

 20   éléments d'information, il y avait quatre kilomètres de long de documents

 21   dans ces archives.

 22   Enfin, quoiqu'il en soit, ces documents sont arrivés de Zagreb. Le

 23   Procureur a cité un témoin, l'un de leurs analystes le témoin Prelec, qui a

 24   évoqué la source et l'origine de ce document. Nous ne contestons pas le

 25   fait que ce document vient des archives de Zagreb, cependant ce témoin a


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  1   confirmé deux points. Tout d'abord qu'il n'en savait rien du sort de ce

  2   document, ni de son authenticité, mis à part le fait qu'il a été repéré

  3   dans les archives de Zagreb. Un deuxième point, à savoir que ce témoin a

  4   confirmé quelque chose qui a eu un impact sur la procédure, à savoir que le

  5   Procureur et ce, pour ce qui est de l'essentiel, ou de la majeure partie

  6   des documents retrouvés à cet endroit, et qui concerne la Brigade Vitez,

  7   que dès le mois de mai de l'an 2000, le Procureur avait en sa possession

  8   ces documents, alors que nous n'avons pas reçu communication de ceci.

  9   Il s'agit là de l'égalité des armes qui est en cause. Deux de nos témoins

 10   se sont vu montrer ces documents. D'abord, le Témoin  Bertovic, avant la

 11   déposition du Témoin AT et Bertovic a fourni l'explication qui convenait. 

 12   Je ne voudrais pas m'étendre sur ce document. Nos arguments figurent dans

 13   nos écritures. Dans notre mémoire en appel, nous avons soulevé l'objection

 14   de l'authenticité de ce document déjà, et j'ai dit aujourd'hui que si on

 15   examinait ce document, on l'a examiné d'une manière approfondie, comme

 16   toute Chambre se doit de procéder, et on voit, tout de suite, que ce

 17   document ne correspond pas aux critères établis.

 18   Un deuxième point, le paragraphe 612 a également été cité du jugement. Il

 19   s'agit de la tâche qui a été confiée à la Brigade Vitez d'empêcher la

 20   FORPRONU d'atteindre Ahmici ainsi que d'autres localités. C'est un argument

 21   qui a été beaucoup utilisé par le bureau du Procureur. J'en ai parlé dans

 22   mon mémoire, mais je tiens à insister, ici, sur le fait que c'est le Témoin

 23   AT qui a avancé cela. Vous savez ce que nous pensons de ce témoin, à savoir

 24   qu'il n'est pas crédible, mis à part les événements d'Ahmici, mais pour ce

 25   qui est du reste, nous ne pensons pas qu'il sera fiable. Personne d'autre


Page 613

  1   n'a évoqué cette histoire, ici, dans le procès. C'est la seule et unique

  2   fois où nous en avons entendu parler. Cela, c'est le premier point.

  3   Un deuxième point : cette affirmation est à la fois illogique et

  4   impossible, à savoir, compte tenu de l'endroit où se trouvent les axes de

  5   Vitez et d'autres installations de Vitez, il n'y avait aucun moyen pour que

  6   la Brigade Vitez puisse bloquer l'accès à qui que ce soit à Ahmici, car

  7   c'est à l'est et à l'ouest que la FORPRONU avait d'autres bases. Même s'il

  8   y avait eu un blocus, or, le Témoin Bertovic, à qui l'Accusation a posé des

  9   questions à ce sujet, l'a rejeté de manière catégorique. L'affirmation

 10   était que c'était précisément Bertovic qui tenait ce blocus près du pont

 11   d'Impregnacija Tout simplement, ceci est impossible et ne tient pas debout.

 12   La chose la plus difficile, c'est de présenter des contre-arguments à des

 13   affirmations totalement impossibles et absurdes. Je ne vois pas comment le

 14   faire.

 15   Pour ce qui est du Témoin Bertovic que je cite sans cesse parce que je

 16   pense que c'était un témoin très impressionnant, très frappant, et on le

 17   voit dans le jugement. Alors, mon collègue a dit pour Bertovic qu'il était

 18   l'assistant de Cerkez. Il ne fait aucun doute et ceci ressort, à la fin, de

 19   sa déposition et de nombreux éléments de preuve, qu'il était commandant

 20   d'une compagnie de la Brigade Vitez. A l'époque, à ce moment-là, c'était la

 21   seule compagnie au sein de la Brigade Vitez. C'était en avril.

 22   Ce qui m'amène à un autre argument qui a été mentionné de manière indirecte

 23   aujourd'hui lorsqu'on a cité un paragraphe du jugement et, hier, le

 24   Procureur l'a présenté sur le rétroprojecteur. Il s'agit de la pièce Z653.

 25   J'ai rappelé que pendant le procès, à d'innombrables fois, on a pu voir ce


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  1   document et la Chambre n'en a tiré aucune conclusion. Le Témoin Bertovic,

  2   encore une fois, a déposé au sujet de ce document. Je pense que c'est lui-

  3   même qui l'avait rédigé ou préparé. Je crois qu'il l'a mentionné. C'était,

  4   en fait, un examen du potentiel de mobilisation aux fins de mobiliser des

  5   soldats par relève qui devaient se rendre sur la ligne de front, face à

  6   l'armée des Serbes de Bosnie. En l'espèce, c'était bien connu que c'est un

  7   principe de relève qui a permis au HVO de couvrir ce secteur de défense

  8   face à la VRS.

  9   Bertovic, en tant que chef de compagnie au sein de cette brigade en était

 10   précisément chargé. Il a déposé en détail à ce sujet, au sujet de la

 11   composition des relèves, et c'était pour lui un argument afin de convaincre

 12   son commandant Cerkez, du potentiel, des capacités qu'il avait en réalité.

 13   Il a dit, dans sa déposition, qu'en fin de compte, il a toujours rencontré

 14   des problèmes lorsqu'il lui fallait 60 à 70 hommes pour remplir une équipe

 15   de relève.

 16   Pour ce qui est de la Brigade Vitez et là, encore, il y a beaucoup

 17   d'éléments de preuve versés au dossier, jusqu'au conflit, elle faisait

 18   partie de la Brigade de Stejpan Tomasevic et, par la suite, elle est

 19   devenue une brigade autonome. Sa seule tâche, sa seule mission a été de

 20   garder ses lignes de front face à la VRS. Elle n'avait jamais été formée,

 21   elle n'avait jamais été totalement organisée, et jamais n'était prête pour

 22   combattre dans le village ou dans la localité.

 23   Je saisi l'occasion, je vous ai dit avant l'interruption de séance, qu'en

 24   l'espèce, aucun autre élément de preuve ne montre que Sivrino Selo aurait

 25   constitué une cible pour le HVO. Mon éminent collègue de l'Accusation m'a


Page 615

  1   rafraîchi la mémoire pendant la pause. Il m'a effectivement rappelé que le

  2   Témoin AT l'a déclaré, à savoir que la Brigade Vitez ou plutôt que sa

  3   police militaire était stationnée à Sivrino Selo. Je ne me souviens pas

  4   précisément, mais toujours est-il que cette localité-là est mentionnée en

  5   tant que l'endroit où il y avait des activités du HVO.

  6   Je vous prie d'accepter mes excuses et de me corriger. Mis à part cet ordre

  7   693, ceci a été mentionné, mais cela a été dit par un témoin dont nous

  8   contestons réellement la crédibilité. Si tel est le cas, c'était vraiment

  9   un seul élément complémentaire d'information à cet effet. Même si c'était

 10   vrai, de toute façon, rien ne s'est produit à Sivrino Selo, et Sivrino Selo

 11   n'est pas, non plus, incriminé comme étant l'un des lieux où des crimes

 12   auraient été commis.

 13   C'était une possibilité offerte à l'Accusation et aux Juges dans leur

 14   jugement, de dire que la Brigade Vitez se trouvait à divers endroits, y

 15   compris à Sivrino Selo. On le montre par rapport à Ahmici. On peut toujours

 16   discuter du Témoin AT, de sa crédibilité, mais nous ne pouvons pas recevoir

 17   cet élément de preuve parce que nous pensons que ce n'est pas suffisant.

 18   En plus de ce que je viens de dire, et je pense que le moment est opportun,

 19   compte tenu des arguments présentés en appel par l'Accusation au sujet de

 20   la position de Cerkez d'un point de vue juridique pour ce qui est du crime

 21   d'Ahmici. Je me permettrais de rappeler ceci, le chef d'accusation a

 22   changé, jusqu'à présent, constamment, à l'encontre de Cerkez pour ce qui

 23   est du crime d'Ahmici où l'Accusation portait à l'encontre de Cerkez. Je

 24   dois dire que même en appel, l'Accusation maintient cette attitude, ce qui

 25   rend très difficile à Cerkez de se défendre. Je dois dire que cette


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  1   situation prévaut en l'espèce depuis le premier jour. Mon collège Sayers a

  2   parlé de la stratégie de la cible fuyante ou mouvante.

  3   Je vais préciser la situation. Dans l'acte d'accusation modifié,

  4   l'Accusation affirme que c'est de manière directe que Cerkez est impliqué,

  5   a participé aux crimes d'Ahmici et que cela ressort des chefs 5, 6, 14 à

  6   20, 40 à 42 et 44.

  7   Dans les propos liminaires de l'Accusation depuis le début du procès, au

  8   fond, pages 95, 96 et 31, l'Accusation affirme deux choses. Premièrement,

  9   ils disent que le HVO a commis le crime d'Ahmici, et à l'appui de cette

 10   affirmation, on mentionne deux unités mais pas la Brigade Vitez.

 11   L'affirmation est celle que le HVO a commis telles et telles unités du HVO

 12   mais la Brigade de Vitez n'est pas mentionnée [comme interprété]. C'est ce

 13   que le Procureur a dit dans le prétoire au tout début du procès, au moment

 14   où il présente sa cause, sa thèse et au moment où nous commençons à

 15   comprendre contre quoi nous devrons nous défendre, compte tenu du fait que

 16   l'acte d'accusation n'était pas précis.

 17   En outre, pendant la présentation des éléments de preuve de l'Accusation,

 18   l'Accusation continue d'essayer de prouver que la Brigade de Vitez a pris

 19   part aux opérations d'Ahmici du 16 avril, et l'Accusation propose le

 20   versement de nouvelles preuves. Vers la fin de la présentation des éléments

 21   de preuve de la Défense, plus précisément le 12 octobre de l'an 2000,

 22   transcript page 26 518, et les pages suivantes, il y a deux affirmations.

 23   L'Accusation dit comme suit, je vais donner lecture de cela.

 24   "Cerkez a été impliqué avec ces hommes dans une partie du plan général

 25   mais, ce n'était pas une brigade en particulier qui se serait rendue sur


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  1   les lieux pour tuer tout le monde à Ahmici."

  2   Un deuxième point :

  3   "Une fois que le boulot sale a été fait, il est possible que la Brigade

  4   Viteska a été déployée pour garantir la sécurité des positions. Il n'y a là

  5   aucune incompatibilité entre les deux."

  6   Permettez de dire ce qui a été déclaré le 12 octobre, la veille de la

  7   déposition d'AT.

  8   En réplique, l'Accusation n'a rien modifié, donc nous supposons qu'elle

  9   maintient sa position. Dans son mémoire en clôture, l'Accusation maintient

 10   plus au moins la même position, car il y est dit que la Brigade Viteska sur

 11   ordre de Cerkez n'a pas participé à l'action d'Ahmici, mais que lui Cerkez

 12   a participé à ce plan, et qu'il a joué un certain rôle. C'est au paragraphe

 13   252 du mémoire en clôture de l'Accusation.

 14   Commencez les appels. Dans son mémoire en appel, l'Accusation revient en

 15   fait, comme nos collègues le diraient, retour à la case départ, que la

 16   Brigade Viteska a pris part, activement, aux crimes commis à Ahmici le 16

 17   avril 1993. Bien entendu, lorsque nous nous défendons, et nous présentons

 18   toujours la même thèse, mais je dois dire que ceci nous devient difficile

 19   car, à chaque fois, les actes sont qualifiés d'une manière différente, et

 20   dès qu'on a l'impression que certains éléments de preuve manquent

 21   complètement de pertinence, et la situation change et soudain ces éléments

 22   de preuve deviennent, particulièrement, pertinents alors que nous ne les

 23   avons pas contestés, au moment voulu.

 24   Pour répondre aux arguments qui ont été présentés en appel par l'Accusation

 25   pour ce qui est de la participation alléguée de Cerkez à Ahmici, ce que je


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  1   proposerais, c'est que ce moyen d'appel, présenté par l'Accusation, soit

  2   rejeté et qu'il ne soit pas discuté pour ce qui est du fond car, à la fin

  3   du procès, l'Accusation avait, expressément, renoncé à cette affirmation

  4   que Cerkez ou son unité était présent à Ahmici. D'après le droit

  5   conventionnel, je ne peux entendre et interpréter ces déclarations que

  6   comme une modification de l'Accusation. En substance, c'était bien cela,

  7   car à partir de la participation directe de la Brigade Viteska à Ahmici, le

  8   12 octobre, vers la fin du procès, l'Accusation revient sur sa thèse pour

  9   revenir, encore une fois, à sa première thèse par la suite, et je crois que

 10   ceci n'est pas acceptable. Je demanderais que la Chambre d'appel envisage

 11   de rejeter l'appel de l'Accusation pour ce qui est d'Ahmici sans rentrer au

 12   fond de la question.

 13   Je me propose à présent de donner la parole à mon confrère M. Mikulicic

 14   concernant le sujet que j'ai déjà cité, je reprendrai la parole pour cinq

 15   minutes au maximum pour ce qui est du jugement prononcé. Bien entendu, s'il

 16   n'y a pas de questions à poser de la part des Juges.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Maître Mikulicic, à vous.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Mesdames et

 19   Messieurs les Juges.

 20   Mesdames et Messieurs les Juges, dans ce prétoire, il y a par-dessus notre

 21   tête ou au-dessus de nous, tout le temps, une espèce de plan qui flotte

 22   comme une bannière, et cela nous crée pas mal de désagréments à nous tous,

 23   autant que nous sommes. Cela semble être comme la volonté de Dieu. Ce n'est

 24   pas établi, mais cela à l'air de flotter dans l'atmosphère. Si vous me

 25   permettez, j'aimerais revenir à des faits.


Page 619

  1   L'Accusation affirme que notre client faisait partie d'une entreprise

  2   criminelle qui a été créée et fondée pour persécuter la population

  3   musulmane en Bosnie-Herzégovine. Le plan s'est concrétisé à l'occasion de

  4   cette réunion litigieuse pour ce qui est de sa tenue en date du 15 avril

  5   1993, notamment au poste de commandement occupé par le colonel Blaskic.

  6   Nous avons déjà entendu bon nombre d'arguments disant quels sont les

  7   éléments de preuve qui indiqueraient que cette réunion a eu, premièrement,

  8   lieu; deuxièmement, qui a été présent à celle-ci; et troisièmement, quelles

  9   en ont été les conclusions et quelles ont été les décisions prises à

 10   l'occasion de cette réunion. Ce que j'affirme en toute responsabilité ici,

 11   une fois de plus, c'est que dans la procédure de présentation des éléments

 12   de preuve, il n'a pas été montré, ne serait-ce qu'un seul élément de preuve

 13   qui au-delà de tout doute raisonnable parlerait de l'objet de cette réunion

 14   et des personnes présentes à cette réunion, tout comme des décisions qui

 15   auraient été prises.

 16   Je reviens à présent au jugement dans l'affaire Krnojelac où l'on a établi

 17   des normes pour ce qui est de que l'Accusation était censée prouver afin

 18   que l'on puisse juger comme établies l'existence d'une forme de

 19   responsabilité et de culpabilité quelconque. Bien sûr, ces conditions se

 20   trouvent être cumulatives, le Procureur doit, en effet, prouver quel est le

 21   planning en place, quelle est sa finalité. Il doit identifier les autres

 22   participants, à savoir les autres auteurs, et il se doit de prouver la

 23   catégorie de culpabilité que l'on reproche à l'accusé.

 24   Je tiens à vous rappeler les normes adoptées dans le jugement de l'affaire

 25   Krstic où il est, directement, question de ce qui suit, la présence seule


Page 620

  1   ne suffit pas pour permettre la conclusion de l'existence d'une

  2   culpabilité.

  3   Nos confrères du bureau du Procureur, dans leur introduction, se sont

  4   référés aux paragraphes 703 et 831 du jugement où la Chambre de première

  5   instance affirme qu'il n'est pas possible de conclure, au-delà de tout

  6   doute raisonnable, de la responsabilité de notre client pour ce qui est du

  7   crime Ahmici. C'est la raison pour laquelle, il se trouve être acquitté de

  8   ce crime, de ce chef.

  9   Que fait mon confrère, il réinterprète cette position-là, cette position

 10   figurant dans le jugement de première instance pour en tirer une conclusion

 11   inverse. En réalité, il détermine l'existence d'un planning et il impute la

 12   responsabilité de ce crime, une fois de plus, à mon client.

 13   Si l'on se penche, maintenant, sur l'acte d'accusation initial. Nous

 14   verrons que l'acte d'accusation mentionne des termes, les termes d'aider et

 15   encourager pour ce qui est de la perpétration d'un délit au pénal, nulle

 16   part, à aucun endroit il fait état de cette catégorie pénale pour ce qui

 17   est de la responsabilité afférente à une entreprise criminelle commune. Le

 18   jugement, quant à lui, au paragraphe 397 se réfère à une doctrine qui est

 19   celle de l'intention concertée et parle des formes d'assistance et de

 20   soutien. Ce ne sont pas là des catégories unilatérales ou du même type.

 21   J'ai à l'esprit ici, notamment, le jugement Blaskic, paragraphe 288 où il

 22   est dit qu'il doit être fait une distinction entre aider et encourager

 23   d'une part et d'autre part, un dessein commun.

 24   Je reviens maintenant au jugement Krnojelac, datant du 15 mars 1992,

 25   paragraphe 75 où il est dit : "Qu'une personne qui ne fait qu'aider et


Page 621

  1   encourager l'auteur d'un délit doit, forcément, être conscient de son

  2   intention de commettre un crime, alors qu'un co-auteur dans une entreprise

  3   criminelle commune doit, forcément, partager l'intention, le dessein avec

  4   l'auteur principal pour citer la version originale."

  5   Par conséquent ce que j'affirme, c'est que dans cette affaire il n'y a

  6   point d'éléments de preuve qui nous feraient conclure, a) que mon client

  7   ait été présent à la réunion ou un dessein criminel commun aurait été

  8   établi; et (b) il n'y a pas de preuves pour ce qui est d'un dessein

  9   criminel du tout; et (c) il n'y a pas de preuves aux termes desquelles mon

 10   client, quand bien même il aurait été présent à cette réunion et quand bien

 11   même il y aurait eu dessein criminel commun, aurait, pour sa part, partagé

 12   l'intention criminelle des autres participants.

 13   Ce qui est exact, c'est qu'au sujet de l'existence d'un dessein, il peut

 14   être tiré des conclusions ou vice versa pour ce qui est de certaines formes

 15   de perpétration d'actes criminels qui deviendraient une forme habituelle de

 16   perpétration. Penchons-nous toutefois sur ce qui se passe au niveau de

 17   notre affaire à nous.

 18   Le point central se trouve être, bien entendu, le crime d'Ahmici, c'est un

 19   point de fait qu'il y a eu, au-delà de tout doute possible, perpétration

 20   d'un crime de guerre là-bas, une action militaire a connu une escalade pour

 21   se solder par des exécutions de civils, de femmes et d'enfants innocents

 22   dans les caves de leurs maisons là où ils s'étaient cachés dans le courant

 23   des combats et des opérations militaires.

 24   Une telle forme et de telles conséquences ne se sont retrouvées dans aucun

 25   autre événement de la vallée de la Lasva. Ahmici constitue, véritablement,


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  1   un cas isolé, un cas à part. Un incident malheureux, un crime de guerre

  2   terrible pour lequel au-delà de tout doute possible, les auteurs doivent,

  3   forcément, être punis. Parmi les auteurs, il n'est point mon client, à moi.

  4   Vous avez entendu des arguments pour ce qui est du tempore acti et de

  5   l'endroit où se trouvait mon client, de l'emplacement physique où il se

  6   trouvait. Vous avez entendu, également, des arguments par lesquels la

  7   Défense avait contrecarré, de façon explicite, les positions adoptées par

  8   l'Accusation pour ce qui est de l'existence d'une entreprise criminelle

  9   commune ou d'un dessein commun. Il vous appartiendra à vous, Mesdames et

 10   Messieurs les Juges, de prendre une décision qui sera la vôtre. J'estime,

 11   pour ma part, que la Chambre de première instance, dans ce segment-là du

 12   moins pour ce qui est de la responsabilité afférente aux crimes d'Ahmici, a

 13   adopté une décision, tout à fait, justifiée à savoir qu'il n'y a point

 14   d'arguments pertinents qui pourraient nous faire conclure le contraire.

 15   C'est par ces dires que je propose de mettre un terme à ma partie de la

 16   réplique, aux dires de l'Accusation. S'il y a des questions, bien entendu,

 17   je me mets à votre disposition, je suis, tout à fait, disposé à y répondre.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il n'y a pas de questions. Je vous

 19   remercie pour votre exposé et je crois que M. Kovacic va vouloir maintenant

 20   finaliser.

 21   Maître Kovacic.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais être

 23   très, très bref. Excusez-moi, je vais quand même parler Croate, c'est plus

 24   facile pour moi.

 25   Tout d'abord, pour les besoins du compte rendu d'audience, je tiens à dire


Page 623

  1   que nous maintenons, en totalité, les écritures en appel que nous avons

  2   présentées, notamment, du point de vue de la sentence prononcée et nous

  3   n'aurons rien à ajouter, à ce titre-là. A ce sujet, nous en avons parlé

  4   tout à l'heure, je tiens à dire que nous avons présenté des écritures en

  5   date du 4 mai. Pour ma part, j'estimerais que cela constituerait une bonne

  6   pratique parce que l'un des critères pour ce qui est de la procédure de

  7   prononcé de sentence devant être suivi par la Chambre, c'est précisément

  8   l'individualisation d'une peine prononcée.

  9   Je tiens à dire clairement que nous sommes, entièrement, d'accord avec la

 10   pratique plus ou moins incontestée au niveau du Tribunal où il est affirmé

 11   que la peine doit être prononcée, compte tenu des éléments de prévention,

 12   de punition, de la gravité du délit et l'on passe à l'individualisation de

 13   la peine, une fois prise en considération les autres composantes à savoir

 14   les circonstances atténuantes et aggravantes pour ce qui est de la personne

 15   elle-même. Bien entendu, en premier lieu, ce potentiel de réinsertion

 16   sociale de cette personnalité. Nous sommes d'accord avec ces principes-là

 17   et nous tenons à ce que la Chambre pèse et soupèse attentivement les

 18   choses, pour arriver à un équilibre qui n'est pas facile à établir.

 19   Mais pour ce qui est de nos écritures datées du 4 mai, nous voulions mettre

 20   l'accent sur deux éléments. D'abord, le Juge de la mise en état d'appel,

 21   nous a donné l'opportunité de le faire, de présenter des renseignements

 22   personnels ou concernant la famille de l'accusé, et cetera, et de passer

 23   sur des caractéristiques plus vastes de l'individu pour parler de l'arrière

 24   fond, des origines et de certains éléments qui se sont propres au caractère

 25   de l'accusé.


Page 624

  1   Nous avons entendu les positions de l'accusation et nous estimons que ce

  2   sont là des éléments dont la Chambre d'appel doit tenir compte pour prendre

  3   sa décision d'une façon attentive, en tenant compte, non seulement dans des

  4   circonstances atténuantes mais tout aussi bien de la capacité de l'accusé à

  5   se réintégrer, à se réinsérer dans ce tissu social. Je ne vais pas parler

  6   de la criminologie moderne et des aspects qui sont cités dans la

  7   littérature de ce côté-là.

  8   Parlant de la "criminologie," je pourrais peut-être me référer également à

  9   la "pénologie."

 10   Ceci me fait penser à la conclusion au point 470 du jugement. Les Juges ont

 11   résumé quelques renseignements au sujet de l'accusé et ils ont indiqué que

 12   bon nombre de témoins de l'Accusation et de la Défense ont parlé en termes

 13   positifs de l'accusé pour ce qui est de l'absence de préjugés le

 14   concernant. Je situerais le témoin Stewart qui s'est exprimé en termes

 15   positifs au sujet du caractère de celui-ci, pour affirmer de façon

 16   explicite qu'il s'agissait d'une personne tout à fait décente et honorable,

 17   en se référant, bien entendu, à l'accusé Cerkez.

 18   Je ne voudrais pas capitaliser sur ces écritures mais je voudrais attirer

 19   l'attention des Juges sur le point 21 des écritures où Cerkez, dans sa

 20   volonté de se montrer changé et de se montrer désireux de participer à la

 21   recherche de la vérité pour ce qui est de ces tristes événements de la

 22   vallée de la Lasva. Il a, à ce sujet, dans ce contexte, proposé à

 23   l'Accusation de se faire témoin dans l'affaire Hadzihasanovic et autres,

 24   parce que dans l'acte d'accusation, il a pu lire au sujet de certains

 25   événements dont il a estimé pouvoir être témoin direct. Il a même proposé à


Page 625

  1   l'Accusation si besoin était, de procéder à une sorte d'expertise pour ce

  2   qui est de la bonne compréhension des documents, à savoir placer les

  3   documents disponibles dans un contexte déterminé.

  4   Cette proposition s'est vue rejetée, malheureusement. Pour ce qui est

  5   desdites écritures, le comportement Cerkez montre qu'il s'agit d'une

  6   personne tout à fait disposée à respecter la loi, les réglementations et

  7   les conventions en place. Cela se trouvait être confirmé de nos jours par

  8   la lettre rédigée par le directeur de l'unité de détention. A ce sujet, je

  9   dirais que c'est là un élément de grande valeur. Je ne pense pas que cela

 10   ait été écrit de façon routinière mais j'ai l'impression que tout mot y est

 11   bien soupesé. Je précise également que le directeur de cette unité de

 12   détention, M. McFadden, se trouve être l'un des experts reconnus en matière

 13   de pénologie au sein de l'Europe, que je connais personnellement depuis

 14   sept ans.  Une fois de plus, je tiens à vous rappeler que M. Cerkez est

 15   arrivé à l'unité de détention alors qu'il s'y trouvait un nombre

 16   relativement petit d'accusés. La Défense a eu l'opportunité de connaître

 17   l'administration et le personnel de l'unité de détention. Maintenant, bien

 18   entendu, les choses ont évolué et c'est devenu bien plus grand, de par la

 19   taille et de par le nombre de personnes. 

 20   Je tiens à saisir l'occasion, puisque je suis en train de profiter du temps

 21   qui m'est imparti pour dire autre chose.

 22   Compte tenu du nombre et du grand nombre d'arguments, de part et d'autre,

 23   dans cette affaire, je tiens à demander à la Chambre de ne pas perdre de

 24   vue le principe de beneficium cohesionis, qui a été reconnu dans l'appel,

 25   interjeté dans l'affaire Kupreskic. Ce que j'ai à l'esprit, notamment, ici,


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  1   c'est le fait que la défense de Kordic a présenté plusieurs éléments

  2   importants pour ce qui est des qualificatifs juridiques.  Il n'y a pas de

  3   collision entre les deux défenses ici présentes, pour ce qui est de leurs

  4   positions, et les éléments présentés en faveur de l'accusé Kordic peuvent

  5   être interprétés pour ce qui est de l'accusé Cerkez, si tant est que ces

  6   éléments-là sont pris en considération.

  7   Pour ce qui est de la sentence, je proposerais également, encore, à la

  8   Chambre de prononcer une peine appropriée, adéquate et notamment, compte

  9   tenu du fait que les chefs 35 et 44 de l'acte d'accusation seront annulés.

 10   Nous croyons également qu'il y aura une annulation de cette double

 11   culpabilité en application des Articles 7(1) et 7(3) de l'acte d'accusation

 12   pour ce qui est des chefs allant du 3 au 44.  Je propose que, pour ce qui

 13   est de ce volume nettement amenuisé, réduit des chefs d'accusation, il soit

 14   procédé à une diminution proportionnelle et appropriée de la peine. Si tant

 15   est que nous avons réussi, du moins pour ce qui est de ces certains motifs

 16   d'appel, de présenter des raisons pour ce qui est d'une réduction

 17   complémentaire de la peine.  Je vous remercie de votre attention et je

 18   précise que j'en ai fini avec la présentation de mes arguments.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous n'avons pas de questions, nous

 20   vous remercions. Nous pouvons maintenant continuer avec les réponses de

 21   l'équipe de l'accusé Kordic. Comme nous l'avons déjà indiqué, vous avez 30

 22   minutes pour l'exposé de vos arguments.

 23   M. SAYERS : [interprétation] Je dois avouer, Monsieur le Président, que

 24   ceci me soulage grandement. Je vais commencer par dire que nous sommes

 25   convaincus du bien-fondé de l'approche non pas pour ce qui est du niveau de


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  1   généralités, mais pour ce qui est de quatre sujets précis. Quelles sont les

  2   normes appliquées, quelles sont les constatations de la Chambre de première

  3   instance, quels sont les éléments de preuve et quelles sont les conclusions

  4   de cette Chambre de première instance ? Partant de là, la question qui se

  5   pose, c'est de savoir si la Chambre de première instance a erré en

  6   prononçant une peine extrêmement lourde de 25 ans de prison. A notre avis,

  7   il n'y a pas eu d'erreur.

  8   La charge de la démonstration est du côté de l'Accusation pour ce qui est

  9   de l'erreur éventuelle dans l'exercice des prérogatives de la Chambre de

 10   première instance pour ce qui est du prononcé de la peine.

 11   Nous tenons à préciser que M. Kordic s'est vu acquitté de tous les chefs

 12   d'accusation découlant de l'Article 7(3). Il y a eu à un moment donné, des

 13   éléments en fonction de l'Article 7(3) et nous n'avons pas épargné nos

 14   efforts pour ce qui est de l'exercice d'une autorité militaire de la part

 15   de Kordic. La conclusion de la Chambre de première instance a été

 16   contraire.

 17   L'un des témoins principaux, du côté militaire pour l'Accusation, le

 18   lieutenant-colonel Stewart, du Bataillon britannique dans le secteur de

 19   Vitez, a estimé que Kordic a été personnellement impliqué dans la

 20   perpétration de crimes de guerre.  La Chambre de première instance n'a pas

 21   été d'accord avec cette allégation mais la Chambre a d'autre part conclu

 22   qu'il ne s'agissait pas d'un commandant militaire. Kordic n'a pas été un

 23   supérieur hiérarchique. Comme je l'ai déjà dit, je ne vais pas entrer dans

 24   tous les détails pour répéter ce qui a déjà été dit, mais, pour répéter

 25   l'essentiel, je préciserais que la Chambre de première instance a conclu


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  1   que c'était là, un leader politique régional. Il n'a pas exercé de contrôle

  2   effectif sur le plan militaire à l'égard des forces du HVO. Il n'a pas

  3   occupé les échelons les plus hauts parmi les Croates de Bosnie pour ce qui

  4   est des instructions politiques, il n'a pas œuvré à la réalisation d'une

  5   campagne de persécution du point de vue des conclusions de la Chambre de

  6   première instance, et il n'en a pas été l'architecte.

  7   Pour ce qui est du prononcé de la sentence, les limites, sont très

  8   controversés. L'obligation de l'appelant consiste à démontrer qu'il y ait

  9   eu des erreurs commises par la Chambre de première instance dans les

 10   limites de l'intervention et de celles-ci.

 11   Il fait partie des obligations de la Chambre de première instance

 12   d'individualiser la peine prononcée en vertu l'Article 24(2), c'est un

 13   droit qui est de nature discrétionnaire et concerne les circonstances de

 14   toutes affaires, en l'espèce. Il n'est pas particulièrement utile de

 15   comparer les peines prononcées à l'intention des différents accusés dans

 16   différentes affaires. C'est ce que constitue la situation au niveau de la

 17   pratique de ce Tribunal.

 18   La charge de la preuve revient à l'appelant, et c'est à l'appelant de

 19   démontrer que la Chambre de première instance s'est sortie du cadre de ses

 20   pouvoirs discrétionnaires. C'est ce que l'Accusation doit prouver en

 21   l'espèce.

 22   Pour ce qui est du premier argument disant que la Chambre de première

 23   instance a erré pour ce qui est de prendre en considération la gravité des

 24   délits, les deux paragraphes montrés sur l'écran, pour ce qui est de ce que

 25   la Chambre de première instance a fait. Il a été pris en considération la


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  1   gravité des peines au pénal, des délits au pénal. C'est la raison pour

  2   laquelle, ici, le Procureur est en position difficile si l'on dit que la

  3   Chambre de première instance a failli pour ce qui était de son devoir de

  4   prendre en considération tous les facteurs pertinents.

  5   La deuxième opinion de la Chambre de première instance dit que la Chambre a

  6   erré parce qu'elle n'a pas accordé le poids à attribuer à la position de

  7   Kordic, ses attributions et ses responsabilités. La thèse serait celle de

  8   dire que Kordic avait occupé une position élevée sur le plan politique,

  9   mais nulle part il n'a été spécifié quelle était cette position, pour ce

 10   qui est du rôle militaire. On dit qu'il a eu un rôle, mais on ne dit pas

 11   quel type de rôle. Alors, il a dirigé des attaques, il aurait exercé une

 12   autorité militaire, mais ce sont là, des points de vue de nature générale.

 13   L'Accusation dit qu'il a eu erreur pour ce qui est de la position de Kordic

 14   en tant que leader politique, mais penchons-nous sur ce que dit le

 15   paragraphe 853. Le fait qu'il ait été un leader aggrave sa position et la

 16   peine. Mais une fois de plus, il y a des facteurs pour lesquels

 17   l'Accusation affirme que l'erreur revient à la Chambre de première instance

 18   parce qu'elle n'a pas pris en considération les éléments aggravants pour

 19   supposer la peine. Il appartient à l'Accusation de prouver qu'il y a eu des

 20   attributions militaires et des attributions du point de vue politique du

 21   côté de l'accusé. Ceci, à la lumière de son allégation au terme de laquelle

 22   cela constituerait des circonstances aggravantes et la chose doit être

 23   prouvé au-delà du doute raisonnable. Une fois de plus, le Procureur s'est

 24   trouvé dans une difficulté, étant donné qu'il y eu acquittement de M.

 25   Kordic en application l'Article 7(3), lequel acquittement, à notre opinion,


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  1   était tout à fait inévitable, étant donné les éléments de preuve qui ont

  2   été présentés et dont je vais parler dans quelques minutes.

  3   La position de Kordic en tant que vice-président du HZ HB,  quels pouvaient

  4   être les pouvoirs militaires qui auraient été laissés à cette position ?

  5   Nul. Quels étaient ses pouvoirs ? Ses pouvoirs étaient ceux du vice-

  6   président, de la présidence qui était purement parlementaire, comme nous le

  7   savons. Il y a deux choses ici. Tout d'abord, il y a le Procureur qui a

  8   présenté un expert en droit constitutionnel, le Dr Ribicic qui en a parlé.

  9   Ensuite, le Dr Ribicic a parlé et a expliqué que la présidence du HZ HB se

 10   constituait non seulement d'un président et deux vice-présidents, Bozo

 11   Rajic et M. Kordic, mais qu'il avait un secrétaire, M. Kostroman, et il y

 12   avait encore 31 responsables au niveau des municipalités civils du HVO.

 13   Cela avait constitué la présidence.

 14   Pour ce qui est des documents concernant le HZ HB, tous ces documents

 15   expliquent de quelle façon fonctionnaient les institutions. Vous avez, ici,

 16   la pièce à conviction D181/1, y compris les modalités de fonctionnement de

 17   la présidence qui indique quelles étaient les attributions du vice-

 18   président, qui était de nature purement parlement.

 19   Le vice-président de la vice-présidence n'avait aucun pouvoir militaire, et

 20   le Dr. Rebicic l'a reconnu. Mate Boban était président du HZ Herceg-Bosna.

 21   C'était le commandant suprême du HVO. D'ailleurs, c'est Perica Jukic, en

 22   personne, qui était le vice premier ministre de la HR HB, ce qui confirme à

 23   quel point il est important de faire la différence entre ces deux postes.

 24   J'aimerais, s'il vous plaît, huis clos partiel pour quelques minutes.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.


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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous pouvez continuer.

 13   M. SAYERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le second de

 14   Blaskic.

 15   "Q.  Est-ce que M. Kordic avait des fonctions de commandant militaire ?

 16   R.  Non, il n'avait aucune implication dans ce domaine. Il s'agissait de

 17   Filipovic là.

 18   Q.  Maintenant, passons à Palavra. On y revient encore une fois, cent fois

 19   sur le métier. Remettez votre ouvrage. Qui a désigné Palavra à son poste ?

 20   R.  Blaskic. Le colonel Palavra a attesté que la police militaire était

 21   subordonnée au commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale

 22   dans le cadre d'une hiérarchie classique. Le colonel Palavra atteste du

 23   fait qu'il recevait ses ordres de son supérieur, le colonel Blaskic.

 24   Q.  Vous receviez vos ordres directement du colonel Blaskic, chef de la

 25   zone opérationnelle de Bosnie centrale ?


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  1   R.  Oui."

  2   La Chambre se souviendra qu'il s'agissait d'un témoin de la Chambre qui

  3   avait été convoqué par les Juges de la Chambre de première instance.

  4   "Q.  Avez-vous jamais reçu des instructions ou des ordres ou quoi que ce

  5   soit d'autres de Kordic ?

  6   R.  Jamais."

  7   Personne n'a jamais dit que les Jokeri étaient sous l'autorité ou le

  8   commandement de Kordic, ce à quoi il donne. Il répond par l'affirmative. La

  9   question qu'on lui pose ensuite et à laquelle il donne une réponse

 10   positive, c'est que cela concerne également l'adjoint Vladimir Santic, qui

 11   n'a jamais essayé d'affirmer que Kordic était impliqué dans les affaires de

 12   la police militaire.

 13   Enfin, on demande à Palavra si Kordic avait une autorité de commandement

 14   dans la police ou autre. Il répond, non.

 15   Colonel Vukovic, prédécesseur de Pasko Ljubicic : "Je n'ai jamais reçu les

 16   ordres d'un politique quel qu'il soit. J'avais ma propre chaîne de

 17   commandement."

 18   Négociations de cessez-le-feu. M. Kordic était tellement important, un

 19   personnage tellement important dans la chaîne de commandement qu'il devait

 20   donner le feu vert aux opérations militaires. Si c'est le cas, si cela

 21   c'est vrai, comment se fait-il qu'il n'a jamais participé aux négociations

 22   de cessez-le-feu ? Alors examinons le témoignage suivant. Le lieutenant-

 23   colonel Stewart, au sujet de Novi Travnik et des combats qui ont eu lieu.

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que Me Sayers ne fait aucune

 25   pause, ne signale pas qui parle. Les interprètes s'excusent par avance de


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  1   la qualité, peut-être, médiocre de leur travail.

  2   M. SAYERS : [interprétation] "Personne n'a jamais demandé à Kordic de

  3   participer au cessez-le-feu ?

  4   "C'est exact." Je voulais que Blaskic soit tout le temps sur le terrain"

  5   dit le colonel Stewart.

  6   Nous avons expliqué à la Chambre d'appel comment fonctionne une

  7   chaîne de commandement normal dans une organisation militaire. D83/1,

  8   D84/1, Z715, on voit qui, dans la chaîne de commandement, donne les ordres

  9   de cessez-le-feu suite à un accord d'Izetbegovic. C'est l'état-major qui

 10   reçoit les ordres. Ces ordres ont été ensuite communiqués aux zones

 11   opérationnelles. On voit dans une pièce que nous avons montrée, Z615,

 12   L'INTERPRÈTE : La fin de l'intervention de Me Sayers n'est pas traduisible.

 13   M. SAYERS : [interprétation] Nous en sommes informés par le colonel

 14   Stewart. Nous n'avons pas besoin de Kordic parce qu'il y avait là les

 15   représentants du commandement militaire.

 16   Est-ce que Mate Boban, président de la HZ Herceg-Bosna, a-t-il jamais

 17   délégué une autorité militaire quelle quelle soit à qui que ce soit ? A ce

 18   sujet, les éléments de preuve sont frappants. Personne ne les conteste.

 19   C'est Srecko Vucina qui était le chef du bureau de la présidence. C'est lui

 20   qui nous le dit.

 21   J'aimerais faire une petite diversion pour rappeler à la Chambre d'appel,

 22   bien qu'elle n'aille pas besoin que je le lui rappelle en détail, mais que

 23   le fait qu'un civil ait une influence ne suffit pas pour engager sa

 24   responsabilité pénale. Il faudrait montrer que ce civil avait suffisamment

 25   de pouvoir et la possibilité d'exercer un contrôle sur les forces


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  1   militaires. Ceci on le reconnaît dans le jugement, paragraphe 424 du

  2   jugement, où on reprend tout à fait exactement le droit tel qu'il

  3   s'applique. En cas de dirigeants civils, l'autorité, telle qu'elle est

  4   perçue, n'est pas suffisante. Elle peut simplement indiquer qu'ils ont de

  5   l'influence. Comme l'a dit la Chambre de première instance dans Naletecic,

  6   la question qui se pose, c'est de savoir si un accusé a le pouvoir

  7   d'exercer un contrôle sur les forces qui sont placées sous ses ordres ou

  8   qu'elles seraient placées sous les ordres. Au paragraphe que je viens de

  9   citer, on voit que Kordic n'avait pas le pouvoir de contrôler les forces du

 10   HVO, et j'insiste auprès de la Chambre d'appel qu'il s'agit d'une

 11   conclusion qui n'est frappée d'appel du côté de l'Accusation. Vu les

 12   éléments de preuve que nous avons passés en revue, Kordic affirme que ceci

 13   est tout à fait compréhensible. Que tout appel de cette conclusion serait

 14   condamnée à l'échec inévitablement.

 15   Maintenant, passons au HVO. Quelle était la position de Kordic au sein du

 16   HVO ? Les éléments de preuve à ce sujet ne sont pas contestés. Il n'avait

 17   aucun poste au sein du HVO et de sa structure. Le premier ministre, c'était

 18   Prlic. Il y avait trois vice-présidents, Stipo Ivankovic, Zubak, et

 19   Valenta. Quelle était la position occupée par Kordic, s'il en occupait une

 20   au sein du HVO ? Ici, les éléments de preuve sont aussi limpides que pour

 21   ceux qui précèdent. Il était membre de la commission chargée du personnel

 22   qui comptait cinq personnes, et à la tête de laquelle se trouvait le

 23   ministère de la Justice, Zoran Buntic, ministère de la Justice du HZ HB, et

 24   Buntic, comme on voit ici à l'écran, nous a dit qu'autant qu'il pouvait

 25   s'en souvenir ce comité ne s'est jamais réuni.


Page 636

  1   Permettez-moi, je vous prie, de passer à huis clos encore deux minutes ?

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

  3   [Audience à huis clos partiel]

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

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 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez la parole.

 17   M. SAYERS : [interprétation] Autre poste, président du HDZ de Bosnie-

 18   Herzégovine à Busovaca. Oui. Oui, dans une certaine mesure, parce qu'après

 19   avril 1992, il n'occupait plus ce poste. M. Kordic avance que le poste

 20   qu'il occupait avant avril 1992 n'a absolument aucun rapport avec les

 21   conclusions rendues par la Chambre de première instance, ni avec aucun des

 22   faits incriminant en l'espèce.

 23   Niko Grubesic nous l'a expliqué. Il nous a dit qu'après qu'il a quitté ce

 24   poste, il a été remplacé par Florijan Glavocevic pendant une brève période

 25   de temps, qui lui-même a quitté ce poste et a été remplacé par Zoran Maric


Page 637

  1   au poste de président de HDZ de Bosnie-Herzégovine.

  2   M. Kordic ne venait que très rarement aux réunions de ces instances.

  3   Président de la communauté régionale de Travnik. De quoi s'agissait-il ?

  4   Nous n'avons que très peu de preuves au sujet de cette instance du côté de

  5   l'Accusation. On ne savait très bien quels étaient les pouvoirs de ce

  6   président. Il semble que ce poste n'a existé que pendant quelques mois, et

  7   qu'il s'agissait là d'une organisation des plus informelles.

  8   Dirigeants politiques régionaux en Bosnie centrale. Cela, c'est intéressant

  9   dans une certaine mesure. Comme vous vous en souviendrez, l'une des

 10   propositions, l'une des solutions de paix proposée pour la Bosnie-

 11   Herzégovine, c'était le plan Vance-Owen qui avait pour objectif de diviser

 12   la Bosnie en cantons. On avait proposé un gouvernement intérimaire,

 13   provincial, avec un gouverneur, un conseil, et cetera, avec dans la

 14   province 10, la Bosnie centrale. On proposait un gouvernement constitué de

 15   10 personnes, un gouvernement intérimaire. Si Kordic était véritablement le

 16   dirigeant politique de la Bosnie centrale, on se serait attendu à ce que ce

 17   soit lui qui soit proposé comme gouverneur et, non, c'est pas lui, c'est le

 18   maire de Bugojno, Vladimir Soljic, qu'on a proposé pour ce poste. Kordic

 19   était un des cinq membres croates envisagés pour ce gouvernement

 20   intérimaire. Il y avait quatre Musulmans dans ce gouvernement intérimaire

 21   et un Serbe.

 22   Vice-président de la HR HB, il s'agit là peut-être de la constatation la

 23   plus sidérante de la Chambre de première instance, parce que ceci ne repose

 24   sur aucune preuve légitime, puisque ce poste n'existait pas. L'expert en

 25   matière de droit constitutionnel de l'Accusation nous l'a dit le Dr


Page 638

  1   Ribicic. On lui a posé la question, il n'y avait pas de poste de

  2   vice-président de la communauté croate de l'Herceg-Bosna, il a répondu :

  3   "Oui c'est vrai." C'est Kordic qui a dû présenter tous les documents

  4   constitutifs au sujet de la HR HB à la Chambre de première instance. Il l'a

  5   fait. Pièce D183/1 et suivante. Il n'y avait de poste de vice-président qui

  6   était prévu dans cette institution. Le Dr Ribicic reconnaît également que

  7   M. Kordic n'était pas membre du gouvernement d'Herceg-Bosna. De plus, il

  8   n'était pas non plus membre du conseil présidentiel. C'est Perica Jukic qui

  9   était membre de ce conseil. Il a déclaré expressément que M. Kordic n'avait

 10   aucun rôle au sein du gouvernement de la HR HB; il en était simplement un

 11   des députés.

 12   Pourtant, au paragraphe 761, on considère qu'il était vice-président,

 13   pourquoi ? Parce qu'on s'appuie sur un document de la MCCE, préparé par le

 14   colonel Stutt, pièce Z1311 au centre de Travnik. Apparemment, on aurait dit

 15   au colonel Stutt que Kordic était le vice-président. Quand on lui a demandé

 16   pourquoi il a répondu que c'était difficile de répondre à cette question,

 17   que ses informations, il les tenait du colonel Blaskic, de celui qui était

 18   le colonel Blaskic, qui avait reconnu devant Stutt que lui même n'était pas

 19   un homme politique, qu'il n'avait pas suivi l'évolution politique avec soin

 20   et qu'il était un simple soldat. Ceci a été confirmé par la pièce D143/1.

 21   Le Colonel Stutt a reconnu, je cite : "On ne savait pas vraiment ce que

 22   faisait Kordic. Parfois, c'est un petit peu gênant de demander aux gens ce

 23   qu'ils font exactement." Quelle est l'erreur qui a été commise s'agissant

 24   des facteurs aggravants ? Qu'est-ce qui a été prouvé au-delà de tout doute

 25   raisonnable ? Quelles sont les circonstances aggravantes qui ont


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  1   effectivement été prouvées ici ? Rien, aucune. La seule circonstance

  2   aggravante, c'est celle qui a été définie par la Chambre de première

  3   instance, qui consiste à dire que M. Kordic était un dirigeant politique.

  4   Le paragraphe 853 montre clairement que c'est ce qui a été retenu comme

  5   circonstance aggravante contre lui.

  6   S'agissant de la peine très longue prononcée contre le général Blaskic,

  7   nous n'avons rien à dire à ce sujet, sauf à rappeler à la Chambre d'appel

  8   ce que nous avons dit à ce sujet dans notre mémoire, à savoir, que nous en

  9   sommes face à deux affaires complètement différentes. On a considéré que le

 10   général Blaskic était responsable au titre de l'Article 7(3). La période

 11   concernée était beaucoup plus longue. Il a été considéré responsable d'un

 12   plus grand nombre de crimes, comme par exemple, le camion piégé de Stari

 13   Vitez, l'attaque contre Grbavica. Il a été déclaré responsable de crimes

 14   qui ont eu lieu dans la zone de Kiseljak. C'était lui, effectivement, qui

 15   était le chef militaire de la totalité du secteur. Nous nous appuyons sur

 16   les sources juridiques que connaît parfaitement la Chambre, qui ont été

 17   résumées dans Krstic il y a un mois, selon lesquelles on ne peut pas

 18   véritablement fixer de lignes directrices pour déterminer la peine, étant

 19   donné que chaque Chambre doit avoir la liberté de définir la peine comme

 20   elle l'entend, et que ceci varie d'un cas à l'autre.

 21   En conclusion, nous avançons qu'il n'y a eu aucune erreur distincte,

 22   facilement décernable ici. Il n'y a pas eu d'abus du pouvoir

 23   discrétionnaire de la Chambre. La peine très lourde qui a été prononcée

 24   contre M. Kordic, en partant du principe que tous les faits  qui se

 25   trouvent dans le jugement sont confirmés, nous estimons que ce n'est pas le


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  1   cas, ne permettent pas d'identifier d'erreur manifeste. Il n'y a pas eu

  2   d'abus de pouvoir de la part de la Chambre.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pas de questions. Je vous remercie

  4   beaucoup de votre intervention.

  5   Nous allons maintenant avoir une dernière pause. Après la pause nous aurons

  6   trente minutes de réponse par l'Accusation. Ensuite, les accusés, s'ils le

  7   souhaitent, pourront intervenir et parler aux Juges de la Chambre d'appel.

  8   Je vous invite à nous retrouver dans ce prétoire à

  9   15 heures 15.

 10   --- L'audience est suspendue à 14 heures 50.  

 11   --- L'audience est reprise à 15 heures 24.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous reprenons. Je donne la parole

 13   de nouveau au Procureur.

 14   Mme BRADY : [interprétation] Merci. Il n'y a qu'un petit nombre d'arguments

 15   que je souhaite soulever en réponse à la Défense. En premier lieu, nous

 16   savons pertinemment que la charge de la preuve qui nous incombe est très

 17   lourde et qu'elle consiste, au niveau de l'appel, à respecter les critères

 18   d'examen de l'appel pour montrer que la peine prononcée a été inadéquate.

 19   Nos arguments avaient pour objectif de montrer que la Chambre s'était

 20   trompée, avait fait une erreur facilement identifiable en prononçant cette

 21   peine, ceci à cause de la gravité des actes, à cause du rôle de l'accusé et

 22   du fait que la Chambre n'a pas pris en compte le rôle politique de l'accusé

 23   ainsi que l'autorité militaire dont il était manifeste qu'il était investi

 24   dans la région. A aucun moment, il n'est possible de dire que notre

 25   position est incohérente, si avec le fait que nous reconnaissons également


Page 641

  1   qu'une Chambre de première instance a un pouvoir discrétionnaire qui est

  2   large lorsqu'elle détermine la peine. Cela n'est pas contradictoire avec le

  3   fait que chaque affaire est unique quand il s'agit de prononcer une peine.

  4   En quelques mots, l'argument sur la gravité des faits. Notre principal

  5   argument, c'est qu'en dépit des références qui sont faites au jugement, à

  6   la gravité des crimes commis et à sa culpabilité en l'espèce, je parle de

  7   Kordic, nous estimons que la sentence, la peine qui a été prononcée, montre

  8   que la Chambre de première instance s'est simplement contentée de reprendre

  9   pour la forme dans son jugement, ces mots de gravité sans en tenir

 10   véritablement compte. Je vous rappelle mes arguments de ce matin ainsi que

 11   ceux qui figurent dans notre mémoire.

 12   Maintenant, notre deuxième argument, la position et les pouvoirs dont il

 13   était investi et la manière dont il abusé de cette position et des pouvoirs

 14   qui étaient les siens. La plupart des arguments qui ont été présentés par

 15   la Défense, avaient pour objectif de replaider les constatations sur les

 16   faits telles qu'elles sont présentes dans le jugement de la Chambre de

 17   première instance. Nous, notre appel, il repose sur la chose suivante :

 18   Nous estimons qu'il s'agit d'une circonstance aggravante, ceci, sur la base

 19   des constatations que la Chambre a rendu sur les faits, aussi bien pour ce

 20   qui est de la nature de ses fonctions politiques, de son poste de

 21   dirigeant, mais aussi, c'est très important, peut-être plus important,

 22   l'autorité militaire qui était la sienne et qui a été constatée par la

 23   Chambre de première instance. Ce matin, j'ai fait référence au jugement,

 24   aux constatations qui s'y trouvent. Je souhaiterais également vous renvoyer

 25   à la liste que nous avons faite de ses pouvoirs, du pouvoir de Kordic dans


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  1   notre mémoire d'appel, pages 58 à 64. A cet endroit, nous indiquons, nous

  2   répertorions toutes les conclusions, toutes les constatations au sujet de

  3   ses pouvoirs, de ses responsabilités, du rôle qu'il a pu joué vu le pouvoir

  4   qui était le sien.

  5   Me Sayers, cet après-midi, quand il est intervenu, a fait référence à des

  6   éléments de preuve dont la Chambre de première instance a fait l'examen

  7   avant de les rejeter, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de l'autorité

  8   militaire qui était la sienne. Je ne peux insister trop lourdement sur le

  9   fait que notre appel concernant la peine prononcée repose sur les propres

 10   conclusions de la Chambre sur les faits concernant son rôle militaire. Nous

 11   avons tout à fait saisi la différence entre l'Article 7(1) et l'Article

 12   7(3) et la responsabilité qui en découle. Nous n'essayons nullement, ici,

 13   de revenir sur le fait qu'il a été acquitté au titre de l'Article 7(3).

 14   Quand on examine la majorité des arguments qui ont été présentés cet après-

 15   midi, quand vous allez le faire vous-mêmes, nous ne vous demandons pas de

 16   considérer comme une circonstance aggravante éventuellement, le lien qui

 17   est le sien avec le commandement exercé par Blaskic, les crimes qui ont été

 18   commis, la possibilité de les prévenir ou de les empêcher, et cetera. C'est

 19   tout à fait différent ce que vous nous disons. Nous vous disons qu'un chef

 20   militaire, au titre de l'Article 7(3), doit avoir une peine, doit recevoir

 21   une peine plus importante lorsqu'il a une position hiérarchique supérieure,

 22   en particulier lorsqu'il exerce une autorité militaire et lorsqu'il fait

 23   abus de ces pouvoirs en jouant un rôle tel que cela a été son cas dans la

 24   planification des crimes et en ordonnant ces crimes.

 25   Tout ce qui a été dit cet après-midi au sujet des éléments de preuve


Page 643

  1   présentés par Filipovic, Palavra, Vukovic, vous devez les rejeter, parce

  2   que ces éléments de preuve n'ont aucune pertinence. Ils avaient trait à son

  3   commandement militaire qu'il exerçait du point de vue purement militaire.

  4   Au paragraphe 767, la Chambre rend un certain nombre de conclusions sur

  5   l'autorité militaire qu'il exerçait. C'est le cas également au paragraphe

  6   768. Cela n'a rien à voir avec ses fonctions militaires, parce que c'est

  7   sur ces fonctions, les fonctions militaires qu'il aurait eues qu'ont déposé

  8   les témoins que j'ai mentionnés à l'instant.

  9   Je voudrais vous renvoyer aux conclusions rendues par la Chambre au sujet

 10   de son autorité militaire. Cela se retrouve dans la totalité du texte du

 11   jugement. Pour ce qui est des titres qui étaient les siens, des fonctions

 12   qu'il a occupées sur le plan politique, je répète que nos arguments

 13   reposent sur les conclusions rendues par la Chambre de première instance.

 14   Pour nous, nous insistons sur ce fait, ce n'est pas le titre simplement qui

 15   compte, c'est les fonctions, le pouvoir, l'autorité tels qu'ils se sont

 16   manifestés, et dont il a fait preuve lorsqu'il a rempli les fonctions dont

 17   relevaient ces titres. Si l'intimé, maintenant, souhaite plaider à nouveau

 18   tous ces éléments et souhaite demander à la Chambre d'appel de réexaminer

 19   tous ces éléments de preuve, j'aimerais vous renvoyer afin de voir

 20   exactement les fonctions, les titres qui étaient les siens, j'aimerais vous

 21   renvoyer à l'annexe 10 du mémoire en clôture de l'Accusation. Vous

 22   trouverez en détail un tableau reprenant toutes ses fonctions et toutes ses

 23   attributions.

 24   Paragraphe 829, on nous dit que c'était le dirigeant politique des Croates

 25   de Bosnie centrale. Aucune phrase ne peut mieux expliquer quelle était sa


Page 644

  1   position. Maintenant, passons à l'argument de l'appelant au sujet de la

  2   disparité de la sentence de Blaskic et celle de Kordic. Bien entendu, il y

  3   a des différences entre l'affaire Kordic et l'affaire Blaskic, leurs

  4   déclarations de culpabilité reposent sur des faits différents,

  5   effectivement. Il y a beaucoup d'éléments dans cette affaire qui font que

  6   l'affaire Blaskic peut présenter un intérêt ici. Non seulement ce sont les

  7   mêmes crimes qui sont mis en cause, les mêmes crimes à la base de tout

  8   cela. Même si Kordic n'a pas été condamné au titre de l'Article 7(3), le

  9   fait qu'il a été reconnu coupable au titre de l'Article 7(1), montre que

 10   c'était lui qui était dans les coulisses, que c'est lui qui tirait les

 11   ficelles, que c'est lui qui a planifié, qui a ordonné les crimes qui ont

 12   été commis par les soldats qui étaient sous les ordres de Blaskic.

 13   Enfin, dernière chose, la Chambre de première instance a rendu des

 14   conclusions très détaillées au sujet des relations qui existaient entre

 15   Kordic et Blaskic. Elle a conclu que leur relation était soit une relation

 16   de subordination, soit qu'au tout du moins, il y avait là partage du

 17   pouvoir, partage de l'autorité à titre égal. Nous estimons qu'il ne faut

 18   pas qu'il y ait de différences importantes entre les peines prononcées au

 19   final contre ces deux accusés, contre ces deux criminels, Kordic et

 20   Blaskic.

 21   Pour finir, l'intimé a analysé la jurisprudence du Tribunal à ce jour,

 22   comme elle se prononçait uniformément contre la parité, contre les

 23   arguments de proportions entre les différentes peines prononcées et la

 24   manière dont la Chambre d'appel doit examiner les peines prononcées. Bien

 25   entendu, nous reconnaissons que les peines prononcées se situent dans une


Page 645

  1   fourchette. On voit apparaître un certain nombre de fourchettes. Nous en

  2   sommes qu'au début, en particulier pour un certain type de crimes, pour un

  3   certain type d'auteurs de ces crimes. Il est difficile, on ne peut pas

  4   véritablement déterminer pour tel crime, quelle peine il convient de

  5   prononcer. Il n'y a pas de science exacte pour l'instant à ce sujet. Il est

  6   vrai que la Chambre d'appel a rejeté pour certaines affaires, l'idée de

  7   copier d'autres affaires. Cependant, elle n'a pas rejeté l'utilité de

  8   comparer au moins les affaires entre elles. Dans certaines affaires, comme

  9   par exemple, Furundzija et Jelisic, il est important de voir que la Chambre

 10   d'appel a reconnu expressément que l'on pouvait très utilement comparer

 11   deux affaires telles que celles-là, justement lorsque les circonstances

 12   dans lesquelles se sont déroulés les faits incriminés sont semblables, et

 13   que les auteurs de ces crimes sont semblables. Dans n'importe quel système

 14   judiciaire, il est intéressant d'avoir une certaine cohérence dans les

 15   peines prononcées. Cela recouvre également notre système, le Tribunal. J'en

 16   ai terminé de mon intervention, à moins que vous n'ayez des questions.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.

 18   Monsieur Farrell, s'il vous plaît, vous avez la parole.

 19   M. FARRELL : [interprétation] Monsieur le Président, je répondrai

 20   brièvement, ou je présenterai une duplique brève à la réplique que nous

 21   avons entendue de la part des conseils pour

 22   M. Cerkez. Je ne pense pas que mes éminents collègues aient mal compris nos

 23   arguments, mais notre appel se fonde sur les faits tels qu'ils ont été

 24   constatés. Mes éminents collègues ont procédé en se fondant sur l'idée

 25   qu'il n'y avait pas de plan, que M. Cerkez n'était pas impliqué et qu'il


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  1   n'a même pas été déclaré coupable pour les crimes de Vitez ou de Stari

  2   Vitez. Ils ont contesté les éléments de preuve reçus par la Chambre. En

  3   substance, ils ont argué que la Chambre de première instance a tout mal

  4   fait, mal compris. Telle est peut-être leur position. Nous dans notre

  5   appel, nous nous référons aux faits tels que constatés par la Chambre de

  6   première instance. La question est de savoir s'ils ont été mal interprétés,

  7   et ce, pour une raison différente, à savoir que l'accusé aurait dû être

  8   déclaré coupable en tant que membre d'une entreprise criminelle commune.

  9   Quelques points qui concernent la procédure. En substance, la Défense a

 10   répété son moyen d'appel pour ce qui est du document Z692.3. Ceci ne répond

 11   pas aux arguments de l'Accusation présentés en appel, parce que cela ne

 12   présente pas pour quelle raison en se fondant sur les constatations et les

 13   conclusions de la Chambre, la Chambre a eu raison de déclarer que l'accusé

 14   n'était pas coupable d'Ahmici. Comme ceci a été dit, il y a eu beaucoup

 15   d'éléments de preuve que vous pouvez examiner, qui peuvent aussi vous être

 16   présentés. Au fond, il s'agit simplement pour la Défense de prouver le bien

 17   fondé de leur propre appel, à savoir que ce document aurait dû être reçu.

 18   Il a été discuté aussi pour ce qui est de ce document du fait qu'il y a

 19   d'autres éléments de preuve, par exemple, que le Témoin AT a laissé

 20   entendre qu'il nie que la direction d'attaque de la brigade Vitez était

 21   vers Sivrino Selo. Le document suivant auquel il s'est référé à la Chambre

 22   de première instance, au paragraphe 689(D), évoque l'artillerie, qui elle

 23   a, constamment, attaqué Sivrino Selo. Je relève que le conseil pour M.

 24   Cerkez n'a pas contesté ce document pour ce qui est de son authenticité.

 25   Le journal de guerre, pour la date du 18 avril, à 12 heures 02, dit qu'il y


Page 647

  1   a une requête faite par Mario, lui demandant d'ouvrir le feu contre Sivrino

  2   Selo. Ceci fournit un soutien à Pasko, parce qu'il se trouve à l'extérieur

  3   de Sivrino Selo. Le conseil de M. Cerkez a indiqué que l'Accusation a

  4   modifié sa thèse, qu'au début, dans l'acte d'accusation, dans le mémoire

  5   préalable au procès, il y avait une position différente par rapport à la

  6   thèse qui est présentée en appel. Mon éminent collègue s'est référé à

  7   certains passages qui sont tirés du mémoire préalable au procès. Il a cité

  8   des éléments. Si j'ai bien relevé, il a dit que Cerkez était impliqué avec

  9   ses hommes dans un plan généralisé, mais que sa brigade en particulier,

 10   n'était pas sur les lieux, là, au début de la matinée. C'est exactement ce

 11   qui constitue la constatation, la conclusion de la Chambre de première

 12   instance. Il dit aussi que Cerkez était partie prenante au plan, et qu'il y

 13   a joué un rôle. Ceci correspond au mémoire en clôture de l'Accusation.

 14   C'est la position de l'Accusation; elle n'a pas été modifiée. Il y a eu un

 15   commentaire fait par le conseil de M. Cerkez disant que M. Cerkez a offert

 16   sa coopération pour aider l'Accusation, et pour venir déposer en tant que

 17   témoin dans l'affaire Hadzihasanovic.

 18   Avec tous mes respects, ceci aurait dû être présenté sous forme de requête

 19   en application du 115, et l'Accusation aurait pu répondre à cela.

 20   L'Accusation estime maintenant que M. Cerkez, que le conseil de M. Cerkez,

 21   quand il a fait cette proposition, que le bureau du Procureur estimait

 22   qu'il avait des doutes fondés très importants, des préoccupations pour ce

 23   qui est de la véracité de ce que seraient éventuellement les propos de lui

 24   en tant que témoin. Par conséquent, on n'est même pas allé au fond de la

 25   question.


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  1   M. FARRELL : [interprétation] Un certain nombre d'arguments actuels ont été

  2   soulevés. Comme je l'ai dit, des arguments disant qu'il n'y avait pas de

  3   plan, que M. Cerkez n'était pas au courant de ce qui se passait, qu'il n'y

  4   a pas eu de crimes, que le crime d'Ahmici était une opération militaire qui

  5   a connu une escalade, et qu'à la fin, des crimes ont été commis pendant des

  6   combats ou des opérations militaires qui se sont produites à Ahmici à

  7   l'époque.

  8   Je vous prie de vous pencher sur les conclusions, non pas lorsque vous

  9   aurez examiné l'appel de l'Accusation et non pas aux arguments présentés

 10   par les conseils. Enfin de compte, des conclusions montrent irréfutablement

 11   qu'il y avait un plan. Il n'est pas imaginable que l'attaque aurait pu se

 12   produire de cette façon, de cette ampleur dans autant de villages suivant

 13   le même principe que des centaines de personnes aient pu être tuées, des

 14   milliers détenus, qu'il y a eu une destruction à assez grande échelle à

 15   l'encontre seulement des Musulmans, et que des maisons croates n'auraient

 16   pas pu être touchées. Il est inconcevable d'imaginer que ceci aurait pu

 17   être par pure coïncidence. Tout s'est passé au même moment, mené par des

 18   unités indépendantes à 5 heures 30 du matin. C'est un même plan qui a donné

 19   lieu à des mêmes morts. Ceci n'était pas possible sans préparation. On

 20   n'aurait pas pu détenir des personnes si on n'avait pas planifié cela à

 21   l'avance. Je pense que c'est tout à fait clair ce que le Témoin AT a dit.

 22   Les conclusions de la Chambre sont tout à fait claires, à savoir qu'il y

 23   avait un plan, que M. Cerkez a intentionnellement et délibérément participé

 24   à ce plan. Il y a une seule conclusion qui peut être tirée des faits tels

 25   qu'ils ont été établis; il n'y a pas eu d'erreur de droit. J'en ai terminé.


Page 649

  1   Je présente mes excuses aux interprètes, et je suis prêt à répondre à vos

  2   questions.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il n'y a pas de questions. A la fin

  4   de ces procédures d'appel, l'un des derniers points, il nous reste à

  5   inviter les accusés à prendre la parole. Cependant, entre temps, je tiens à

  6   souligner qu'il ne faudrait pas faire une confusion entre cette dernière

  7   prise de parole avec l'Article 84 bis. Pour un accusé, il existe la

  8   possibilité de s'adresser en personne à la Chambre sur quelques points

  9   qu'il souhaite. Ceci permet à la Chambre de se faire une opinion et d'avoir

 10   une impression directe de l'accusé qui n'apparaît plus ici tout simplement

 11   comme un objet de la procédure criminelle, mais aussi en tant que son

 12   sujet. Par conséquent, on accédera à cela, on respectera ce droit réservé

 13   aux accusés de prendre la parole pour une dernière fois si les accusés le

 14   souhaitent, bien entendu. La seule chose qui concerne l'Article 84 bis, et

 15   la différence entre cet article et cette prise de parole, est qu'un accusé

 16   ne sera jamais contraint à le faire, s'il ne le souhaitait pas.

 17   La Défense de M. Kordic, est-ce que votre client souhaite prendre la

 18   parole ? Vous en avez parlé, Monsieur Sayers.

 19   M. SAYERS : [interprétation] Oui. M. Kordic ne souhaite pas s'adresser à la

 20   Chambre, telle est sa décision. Un tout dernier point, quelque chose que

 21   nous avons omis, l'Accusation, apparemment, n'a pas d'objection à ce que

 22   nous présentions cela, donc, avec l'autorisation de la Chambre, je le

 23   remets à l'Huissier.

 24   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si j'ai bien compris M. Kordic,

 25   vous avez renoncé à votre droit de prendre la parole une dernière fois.


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  1   L'APPELANT KORDIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

  2   Président. Je vous remercie de votre amabilité, mais je ne souhaite pas

  3   prendre la parole. Dans la totalité des propos qui ont été exposés tout au

  4   long de cette procédure, j'y souscris et je les accepte.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Puis-je m'adresser au conseil de M. Cerkez ?

  7   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque j'ai informé

  8   mon client de cette possibilité, il a dit qu'il se réjouissait de cette

  9   possibilité de pouvoir enfin dire quelques mots au sujet de son attitude,

 10   de l'attitude qu'il a réservée à cette procédure et il serait ravi de

 11   pouvoir le faire.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous prie, s'il vous plaît, pour

 13   que nous puissions bien vous entendre, je vous prie de prendre place, là où

 14   s'installe généralement les témoins. Je vous prie de rester debout. Vous

 15   n'agissez pas, ici, en qualité de témoin, vous êtes toujours un accusé au

 16   regard de la procédure. Je vous en prie.

 17   L'APPELANT CERKEZ : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames,

 18   Messieurs les Juges, je tiens à vous remercier de m'avoir offert cette

 19   occasion de m'adresser à la fin de ce procès vraiment très long à vous.

 20   Tout d'abord, je tiens à dire que le seul plan que j'ai eu, Monsieur le

 21   Président, le 15 avril 1993, c'était de me marier à l'église avec mon

 22   épouse Slavica. Mon commandant, Blaskic, était au courant de cela. C'est

 23   cela la vérité, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges.

 24   D'emblée, je tiens à vous dire que je ne cherche pas à éviter d'assumer ma

 25   part de la responsabilité pour tout ce qui s'est produit pendant le


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  1   conflit, Le conflit qui a opposé les Musulmans de Bosnie, les Bosniens et

  2   les Croates dans ma ville natale, dans Vitez. En dépit d'un acte

  3   d'accusation très étendu pour ce qui est de la période incriminée et des

  4   actes et de l'espace, tout ce qui s'est produit, tout s'est produit en

  5   quelques jours en avril 1993, et ce, à quelques localités seulement sur le

  6   territoire de la municipalité de Vitez. Monsieur le Président, je souhaite

  7   affirmer publiquement, en toute sincérité, mes regrets pour chacune des

  8   victimes, victimes d'un conflit malheureux qui a éclaté entre les Musulmans

  9   de Bosnie, des Bosniens et des Croates dans la vallée de la Lasva en 1993.

 10   Je suis pleinement conscient du fait que ceci n'aidera pas les victimes,

 11   mais j'espère que leurs familles ainsi que leurs amis accepteront ces mots

 12   en tant que mots de regret, en tant qu'un sincère regret.

 13   Je sais que beaucoup de personnes ont trouvé la mort, qu'il y a eu beaucoup

 14   de victimes dans une mesure plus ou moins grande. Il y a beaucoup de

 15   personnes qui ont perdu leurs foyers, et ce, parfois sans raison et parfois

 16   même à l'extérieur des théâtres des opérations. Je suis profondément

 17   affligé de cela. Je suis conscient que je dois assumer une part de la

 18   responsabilité, si ce n'est parce que j'étais soldat dans les rangs de

 19   l'une des parties belligérantes. Même si ce conflit était une conséquence

 20   d'autres événements qui a échappé à mon contrôle, qui a échappé à mon

 21   influence, et je regrette d'y avoir participé.

 22   Monsieur le Président, je considère que je suis responsable de tout ce qui

 23   s'est produit du 16 avril 1993 jusqu'au 21 avril 1993 dans la zone de

 24   responsabilité qui était la mienne, qui était placée sous ma

 25   responsabilité. Elle l'a été déterminée, précisée par un ordre émanant du


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  1   commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, à savoir, Blaskic,

  2   qui en date du 16 avril 1993, a précisé cela à 1 heure 30 du matin.

  3   Monsieur le Président, il s'agit de l'ordre que vous avez pu examiner ici,

  4   D60/2. Cet ordre précise ma zone de responsabilité de manière très claire.

  5   La zone où je suis responsable en tant que commandant de la Brigade Vitez,

  6   au cours de quelques journées d'importance décisive.

  7   Monsieur le Président, vous avez vu que Blaskic, dont le commandement était

  8   basé à Vitez, a émis des ordres écrits le 16 avril 1993 à toutes les unités

  9   existantes du HVO dans le secteur de Vitez, et que chacun de ces ordres

 10   déterminent précisément les zones de responsabilité pour chacune des

 11   unités. Je ne suis pas à l'origine de ces ordres. Je ne les ai pas émis,

 12   qui plus est, jamais, au grand jamais, je n'ai donné d'ordres au Vitezovi

 13   ou à 4e Brigade de la police militaire.

 14   J'admets toute responsabilité pour tout ce qui s'est produit dans ma zone

 15   de responsabilité, telle qu'elle a été précisée par l'ordre. La Brigade

 16   Vitez, qui était dans une phase de création, et cela ne faisait que 23

 17   jours de la date de sa création, a reçu l'ordre d'empêcher une éventuelle

 18   tentative des forces de l'ABiH qui concernait le village de Kruscica et de

 19   Vranjska, qu'ils n'opèrent une percée de ces localités-là vers la ville de

 20   Vitez. En passant, je relève, Monsieur le Président, que le village de

 21   Kruscica est mon village. C'est là que résidait ma famille, mes parents,

 22   mon épouse ainsi que mes enfants.

 23   J'ai exécuté cet ordre au mieux du possible dans les circonstances telles

 24   qu'elles prévalaient à l'époque. Le témoin Anto Bertovic, ainsi que

 25   d'autres témoins, ont déposé en détail à cet effet. Des soldats qui étaient


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  1   placés sous mes ordres ont été déployés à plusieurs endroits stratégiques

  2   entre le village de Kruscica, le village Vranska et la ville même de Vitez.

  3   Cependant, une tentative de percée par l'ABiH n'a pas eu lieu, et moi-même,

  4   je n'ai pas donné l'ordre, non plus, à mes soldats d'attaquer les forces de

  5   l'ABiH à Kruscica et à Vranska.

  6   Monsieur le Président, le 21 avril 1993, j'ai reçu un ordre de la part de

  7   mon commandant, Blaskic, de constituer des secteurs qui allaient s'étendre

  8   le long des frontières de la municipalité de Vitez, et jusqu'aux accords de

  9   Washington, cette ligne a été maintenue, jusqu'au printemps 1994. Pendant

 10   toute cette période, les soldats qui étaient placés sous mes ordres ont

 11   maintenu cette ligne de front et ont riposté et repoussé de nombreuses

 12   attaques menées par l'ABiH dont la mission était de s'emparer de la vallée

 13   de la Lasva, et en particulier, de la ville de Vitez à cause de l'usine des

 14   explosifs qui s'y trouvait.

 15   C'est l'une des usines les plus importantes du genre sur le territoire de

 16   l'ex-République socialiste fédérative d'Yougoslavie. Il n'y a pas de

 17   données et on ne me l'a pas non plus reproché, qu'un crime quel qu'il soit

 18   ait été commis pendant cette longue période qui va du 21 avril 1993 jusqu'à

 19   la fin du mois de septembre 1993, la période couverte par l'acte

 20   d'accusation.

 21   Monsieur le Président, je n'ai pas l'intention en disant cela de me

 22   défendre, de présenter des arguments pour me défendre devant cette Chambre.

 23   En citant cela, je voulais tout simplement dire qu'en tant que soldat,

 24   qu'en tant que commandant de la Brigade Vitez, à des moments décisifs ou

 25   des moments incriminés, j'ai effectué, j'ai conduit mes missions


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  1   conformément aux ordres que j'ai reçus. En tant que soldat, Monsieur le

  2   Président, j'estime que je peux être tenu responsable uniquement des

  3   secteurs où ont agi des soldats placés sous mes ordres ou sous ma

  4   responsabilité.

  5   On n'affirme pas dans l'acte d'accusation que le moindre crime ait été

  6   commis là où j'étais responsable, que cela concerne les localités ou les

  7   périodes où j'étais responsable.

  8   Monsieur le Président, après avoir pris connaissance de l'acte

  9   d'accusation, après des préparatifs très brefs, je me suis rendu

 10   volontairement ici. Je savais ce qu'on me reprochait et je savais que je

 11   n'avais pas commis de crimes, des crimes qui me sont reprochés. Je savais

 12   aussi que mes soldats subordonnés ne les ont pas commis, non plus. Je

 13   savais que j'allais être en mesure de me défendre. Monsieur le Président,

 14   je rappelle que le HVO a organisé les volets civils et militaires, les

 15   structures civiles et militaires dans une quarantaine de municipalités.

 16   Chacune des municipalités a mis sur pied une brigade "R". C'était des

 17   unités de réserve qui étaient complétées par la mobilisation des

 18   réservistes. Moi, j'étais à la tête de l'une de ces unités de ce type-là,

 19   du type "R." Aucun commandant d'une unité municipale du HVO ne s'est vu

 20   accuser devant ce Tribunal, si ce n'est moi, je suis le seul.

 21   Malheureusement, dans la municipalité où était créée ma brigade, le crime

 22   d'Ahmici a été commis, et c'est ce crime qui a déclenché une enquête, un

 23   acte d'accusation qui était au cœur de ce procès. J'ai été acquitté de ce

 24   crime parce que la Chambre de première instance a établi que mon unité ne

 25   s'y est pas trouvée au moment incriminé.


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  1   Je répète, je me suis rendu délibérément, volontairement, et je supposais

  2   que je n'allais pas être déclaré coupable pour ce crime, car j'espérais que

  3   la vérité allait montrer ce qui s'était passé, et que la vérité allait être

  4   établie.

  5   En tant que citoyen de Bosnie, en tant que membre du HVO, j'éprouve de la

  6   honte et je suis aussi blessé par des constatations, par des faits qui se

  7   sont produits, à savoir qu'il y ait eu des crimes commis par le HVO dans la

  8   vallée de la Lasva. Je me réfère, tout d'abord, aux crimes d'Ahmici. Bien

  9   entendu, je n'endosse pas la responsabilité pour cela, mais il s'agit là

 10   d'événements qui n'auraient pas dû se produire. Ma décision, ma position

 11   est que je n'ai pas pu l'empêcher, que ce soit en tant qu'être humain ou en

 12   ma qualité de militaire. Ces crimes n'ont pas été commis par des hommes

 13   placés sous mes ordres, c'est ce qui me console.

 14   Monsieur le Président, je viens d'un milieu traditionnel où il n'y avait

 15   pas d'intolérance religieuse ou ethnique. Dans mon cercle le plus étroit

 16   d'amis, il y avait, à la fois, des Musulmans de Bosnie, des Serbes, des

 17   Romes et d'autres. J'ai toujours apprécié les gens d'après leurs prises de

 18   vue et d'après leurs actes et non pas d'après leur origine ou leur

 19   appartenance raciale, ethnique ou religieuse. C'est ainsi que j'ai été

 20   élevé dans ma famille, à l'école, dans ma collectivité, dans ma société, et

 21   ce sont les principes que j'ai respectés.

 22   Rien dans ma vie de m'a rendu près à conduire des guerres telles que cela

 23   s'est passé entre 1992 et 1994, parce que la guerre en Bosnie a commencé en

 24   1992, tout comme bon nombre de mes compatriotes, j'ai été dans la

 25   confusion, j'ai été frustré par l'incompréhension de la situation et des


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  1   causes de cette guerre. En personne, j'ai appuyé une idée fondamentale qui

  2   a été celle de la création de cet honorable Tribunal, ici. J'apporte mon

  3   soutien aux efforts qui sont déployés en vue de condamner les individus qui

  4   ont perpétré des crimes durant les conflits en Bosnie-Herzégovine, et ceci

  5   précisément pour la raison qui est celle que j'avance à présent, afin que

  6   les peuples ou les collectivités ne soient pas stigmatisés par la

  7   responsabilité collective. C'est la seule des raisons qui m'a motivé à me

  8   rendre, de mon propre gré, à ce Tribunal.

  9   Monsieur, Mesdames les Juges, je ne pense que l'un quelconque des témoins

 10   qui a témoigné ici ait dit quoi que ce soit à mon encontre. Au contraire,

 11   bon nombre de Musulmans et autres, ont dit qu'ils ne voyaient pas en moi

 12   une personne avec des préjugés ethniques, ou autres. Cela m'a soulagé

 13   pendant mon séjour ou ma détention de sept longues années.

 14   J'ai été un citoyen moyen. J'ai fait des études secondaires. Je me suis

 15   trouvé un emploi dans une administration municipale d'abord, et dans

 16   l'usine appelée Slobodan Princip Seljo. Je n'ai jamais été condamné pour

 17   quelque infraction que ce soit et encore moins pour un délit pénal. J'ai

 18   travaillé à Vitez. J'ai trois filles, la cadette est à l'école primaire et

 19   les deux autres sont des étudiantes. Mon aînée est déjà mariée, elle a un

 20   fils. Elle va avoir un deuxième enfant prochainement.

 21   La deuxième fille est une bonne étudiante. Elle sera bientôt diplômée, tout

 22   comme son époux. L'autre fille est Nikolina est étudiante à la faculté de

 23   droit à Split. Après la guerre, j'ai déménagé vers cette belle ville de

 24   Split en Croatie. Nous avons décidé de déménager, ma femme et moi, dans le

 25   désir unique de faire en sorte que nos filles puissent bénéficier d'un


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  1   avenir meilleur, avenir que nous ne voyons pas se présenter de la sorte en

  2   Bosnie.

  3   Mesdames et Messieurs les Juges, je crois que vous allez comprendre que mon

  4   temps de détention me pèse lourd, étant donné que ces limitations de

  5   liberté, je ne les ressens pas comme étant nécessairement dues, et j'ai

  6   fait cela en raison des relations saines dans ma famille, celles qui

  7   prévalent dans ma famille. Je suis convaincu que je serai acquitté pour les

  8   choses dont je ne suis pas responsable. Pour ce qui est de ce dont je

  9   m'occupe dans ma cellule, c'est la peinture. C'est cela à quoi je me suis

 10   voué pendant les trois années écoulées.

 11   Mais la chose la plus difficile pour moi, c'est de ne pas avoir été à même

 12   de passer toutes ces années avec mes filles pour être présent durant leur

 13   enfance. C'est une chose que j'ai manquée et c'est une peine qui aura été

 14   la mienne même si le Tribunal, ici présent, et la Chambre ici présente,

 15   m'acquittaient de tous les chefs d'accusation. Je m'attends, Mesdames et

 16   Messieurs les Juges, à une décision équitable de votre part. Je veux croire

 17   que vous allez soupeser équitablement tout ce qui est à mon avantage, et

 18   tout ce qui est à mon détriment. Je suis certain que votre décision sera

 19   juste. Bien entendu, j'aspire à la liberté. Je n'attends qu'une chose,

 20   c'est le jour où je serai à même de regagner ma famille, de retrouver ma

 21   femme, mes filles et le petit enfant que j'ai déjà pour me promener sur le

 22   littoral de Split, sur les quais de Split et ce littoral qui est le plus

 23   beau du monde. Je voudrais également visiter le reste de ma famille dans ce

 24   beau pays montagneux de Bosnie-Herzégovine.

 25   Mesdames et Messieurs les Juges, je vous remercie de m'avoir fourni


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  1   l'opportunité de m'adresser à vous en public et je vous remercie également

  2   pour la patience dont vous avez fait preuve.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie M. Cerkez. Vous

  4   pouvez vous rasseoir.

  5   Ceci met un terme à l'audition des appels dans cette affaire. Il me reste

  6   encore à remercier toutes les personnes présentes pour la préparation de

  7   l'affaire, et en particulier, les parties en présence pour leurs

  8   contributions précises tant qu'au niveau de la phase préalable à l'appel,

  9   et pendant les auditions au cours des trois journées écoulées. Je tiens

 10   également à remercier tout le personnel, qui a effectué les préparatifs des

 11   auditions, ainsi que les interprètes, et autres qui se trouvent en arrière-

 12   scène mais qui ont fait que tout ceci ait pu être possible, et que nous

 13   puissions nous comprendre les uns, les autres.

 14   Ce que je puis promettre, s'agissant du cadre temporel dans lequel l'arrêt

 15   sera prononcé, je crois que je ne peux pas faire de promesse, mais je pense

 16   que tout un chacun est conscient de la complexité de l'affaire et je pense

 17   qu'il est dans l'intérêt de toutes les parties en présence que nous nous

 18   efforcions d'être aussi précis que possible, et il n'est point de doute que

 19   cela nous demandera quelque temps.

 20   Une fois de plus, je tiens à vous remercier les uns et les autres pour

 21   votre participation à ces audiences. L'audition des appels se trouve

 22   terminée jusqu'à nouvel ordre.

 23   --- L'audience est levée à 14 heures 06.

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