Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT 95-14/2-PT

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Monsieur Jorda, Président

5 Monsieur Riad

6 Monsieur Rodrigues

7 *

8 LE PROCUREUR

9 C/

10 Dario Kordic

11 Mario Cerkez

12 *

13 Le Bureau du Procureur

14 M. Harmon, Mme Somers, M. Lopez, M. Scott, Mme Verhaag,

15 La défense

16 M. Bozidar Kovacic, M. Mitko Naumovski

17

18 L’audience est ouverte à 9 heures 30

19

20 M. le Président. - Bonjour. Veuillez faire entrer les accusés.

21 (Les accusés, MM. Dario Kordic et Mario Cerkez, sont introduits

22 dans la salle d’audience.)

23 M. le Président. - Tout d’abord, est-ce que tout le monde

24 m’entend ? La cabine est-elle prête ?

25 Les Interprètes. - Bonjour, monsieur le Président.

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1 M. le Président. - Est-ce que tout le monde m’entends sur les

2 bancs du Bureau du Procureur ?

3 Il convient d’abord de s’identifier, puisqu’il y a des visages

4 nouveaux que je salue avec plaisir et des visages moins nouveaux, que je

5 salue également avec plaisir. Maître Harmon, pouvez-vous nous présenter le

6 banc du Procureur qui est fourni.

7 M. Harmon (interprétation). - Volontiers, monsieur le Président.

8 Merci, bonjour monsieur le Président, bonjour messieurs les Juges, bonjour

9 conseils de la défense.

10 Je suis assisté dans cette affaire par, à ma gauche, Me Suzan

11 Somers, à ma droite, Maître Ken Scott et, à l’extrême-droite, Maître

12 Patrick Lopez. Nous avons notre substitut d’audience, Alinde Verhaag.

13 M. le Président. - Je ne suis pas sûr de retenir tout de suite

14 tous les noms, à l’exception bien sûr du collègue français, que je salue

15 bien sûr avec beaucoup de plaisir.

16 Je me tourne maintenant vers le banc de la défense.

17 Le défenseur

18 de M. Kordic, qui est-ce ?

19 M. Naumovski (interprétation). -

20 Bonjour, monsieur le Président.

21 J’ai l'honneur de me présenter à cet honorable Chambre de première

22 instance. Je suis Mitko Naumovski et j'appartiens à un cabinet d'avocats

23 de Zagreb, en Croatie. Je suis le défenseur de Dario Kordic. Monsieur le

24 Président, je vous demande l'autorisation de continuer en langue croate.

25 M. le Président. - Vous avez tout à fait la possibilité de

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1 continuer en langue croate, puisque nous avons une cabine qui est prête

2 pour cela. Prenez donc la langue qui vous permet de mieux défendre, à vos

3 yeux en tout cas, les intérêts de votre client. Merci, Maître Naumovski.

4 Pardon si je bute un peu sur votre nom.

5 A votre droite, votre confrère pourrait-il également se

6 présenter ?

7 M. Kovacic (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,

8 bonjour messieurs les Juges, bonjour chers collègues. Je m'appelle Bozidar

9 Kovacic. Je suis avocat dans la ville de Rijeka, en Croatie. Je représente

10 l'accusé, M. Mario Cerkez dans cette affaire. Bien entendu, je me joins à

11 la demande de mon confrère. Même si ma connaissance de l'anglais est assez

12 acceptable, j'aimerais avoir la possibilité d'utiliser la langue croate

13 pendant le procès.

14 M. le Président. - Merci. Pas de difficulté sur ce plan-là.

15 Notre audience de ce matin se situera en deux séquences. Nous

16 allons avoir d'abord une audience publique pour plaider, comme M. Olivier

17 Fourmy et le greffe vous l’ont indiqué, sur la requête du Procureur aux

18 fins de surseoir aux exceptions préjudicielles, à la date butoir des

19 exceptions préjudicielles.

20 Il est apparu à mes collègues, le Juge Fouad Riad ici présent, à

21 ma droite, et le Juge Rodrigues à ma gauche, que c'était le préalable

22 pour, ensuite, pouvoir, à huis clos, organiser une conférence de mise en

23 état qui, je l'espère et j'en suis sûr, sera positive et nous permettra de

24 déboucher sur des solutions concrètes.

25 Dans ces conditions, toujours en audience publique, nous allons

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1 peut-être nous

2 tourner vers

3 maître Harmon et lui rappeler qu'il a déposé, au nom du

4 Bureau du Procureur, une requête aux fins de surseoir à l'examen des

5 exceptions préjudicielles.

6 Avant que Me Harmon ne prenne la parole, je voudrais demander à

7 M. Olivier Fourmy, le juriste de la Chambre, de nous rappeler très

8 rapidement, du moins approximativement le nombre d'exceptions

9 préjudicielles, puisqu'il y en a un certain nombre, et surtout leur date

10 de dépôt pour que le débat soit bien clair, et à quel moment est

11 intervenue la requête du Procureur aux fins de surseoir à l'examen des

12 exceptions préjudicielles.

13 M. Fourmy. - Monsieur le Président, merci. Comme vous le savez,

14 il y a eu dans ce dossier un certain nombre de requêtes depuis le mois

15 d'octobre 1997, requêtes qui ont d'abord concerné la protection des

16 victimes et des témoins.

17 Nous avons ensuite un certain nombre des requêtes émanant de la

18 défense qui concernent tant l’accusé Dario Kordic que l’accusé Mario

19 Cerkez. Ces requêtes présentent un certain nombre de points communs

20 puisqu'elles ont trait

21 . aux fins de non-recevoir de l'acte d'accusation pour vices de

22 forme,

23 . aux fins d'abandon d’extraits de l’acte d’accusation arguant

24 de la responsabilité pour défaut de punir,

25 . aux fins d'abandon d'un certain nombre de chefs d'accusation

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1 pour cause d'argumentation insuffisante de l'existence d'un conflit armé

2 international,

3 . des requêtes relatives au mens rea, notamment en ce qui

4 concerne la responsabilité du commandement.

5 Ensuite, nous avons eu une procédure séparée qui a conduit au

6 retrait de l’acte d’accusation concernant deux des coaccusés de Dario

7 Kordic, cela fin décembre.

8 Nous avions eu une requête de la défense de Mario Cerkez visant

9 à demander la prolongation du délai pour déposer des exceptions

10 préjudicielles. Requête à laquelle la Chambre avait répondu favorablement

11 et avait permis que les requêtes soient des déposées jusqu'au

12 23 décembre 1997,

13 c'est-à-dire une quinzaine de jours supplémentaires par

14 rapport à la date normale d'expiration du délai.

15 Nous avons une requête du Procureur du 19 décembre 1997 aux fins

16 de surseoir à l'examen des exceptions préjudicielles, requête à laquelle

17 correspondent une lettre de la défense en date du 28 décembre et une

18 réponse de la défense en date du 14 janvier pour s'opposer à cette requête

19 et, enfin, la réplique du Procureur pour s'opposer à l’opposition de la

20 défense.

21 C'est donc cette requête aux fins de surseoir à l'examen des

22 exceptions préjudicielles qui fera l'objet du débat en audience publique

23 ce matin, Monsieur le Président, de la manière que vous voudrez

24 l'organiser.

25 M. le Président. - Merci. Est-ce que je me trompe si je rappelle

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1 la date de la comparution initiale du 8 octobre 1997. En conséquence, les

2 60 jours de dépôt des exceptions préjudicielles s'achevaient le 8 décembre

3 et c'est bien le 4 décembre que toutes les requêtes d’exceptions

4 préjudicielles ont été déposées par la défense ?

5 M. Fourmy. - Oui, tout à fait. Monsieur le Président il y a

6 quelques jours de différence selon qu'on se réfère aux requêtes déposées

7 pour Dario Kordic ou pour Mario Cerkez, mais ce sont sensiblement les

8 dates qu'il convient de retenir. Tout dépend des dates de fax, de lettres,

9 et auxquelles les requêtes ont été officiellement enregistrées, ici, par

10 le greffe.

11 M. le Président. - Bien. Mais pour la clarté de l’organisation ?

12 M. Fourmy. - Le délai est effectivement celui du

13 8 décembre 1993, étendu au 23 décembre pour ce qui concerne le seul

14 Mario Cerkez.

15 M. le Président. - On peut dire, pour lier le débat, que

16 pratiquement depuis la comparution initiale du 8 octobre le délai de

17 60 jours s'est écoulé. C’est en fin de délai que la défense exerce son

18 droit à déposer les exceptions préjudicielles que vous venez de

19 mentionner, avec d'ailleurs une prolongation concernant Mario Cerkez, et

20 que depuis nous n'avons plus rien

21 dans ce dossier.

22 Concernant les Juges, nous

23 avons rendu aujourd'hui une décision

24 concernant sur une requête qui reste confidentielle, c’est pourquoi je

25 n'en parlerai pas publiquement, mais qui est une ordonnance qui est

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1 rendue.

2 Voilà comment on peut situer les choses. Il faut que nous ayons

3 présent à l'esprit que l’acte d’accusation est du 10 novembre 1995 ; que

4 la Comparution initiale suite à l’arrivée des deux accusés à La Haye est

5 du 8 octobre 1997 ; que globalement les exceptions préjudicielles ont été

6 déposées pratiquement au terme du délai des 60 jours, mais à l’intérieur

7 du délai des 60 jour aussi bien pour l'un des accusés que pour l'autre qui

8 avait eu une prolongation ; que c'est ensuite que l'accusation a présenté

9 sa requête au fin de surseoir au délai d'examen des exceptions

10 préjudicielles

11 Dans ces conditions, tout cela étant rappelé, autant pour mes

12 collègues bien sûr qui le savent que pour l'accusation et la défense, nous

13 pouvons donner la parole au Bureau du Procureur pour développer les

14 arguments à l'appui de sa requête. Monsieur le Procureur, vous avez la

15 parole.

16 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, ce n'est

17 pas moi qui vais m’en charger, mais ma collègue, Mme Somers, qui va le

18 faire au nom du Bureau du Procureur.

19 Je me contenterai de dire d'emblée que lorsqu’il y a eu

20 Comparution initiale des accusés et après celle-ci, j'ai eu

21 personnellement un entretien avec Me Naumovski et avec Me Andreis, ainsi

22 qu'avec un avocat des Etats-Unis qui envisageait de plaider dans cette

23 affaire. C'est après cette Comparution initiale que Me Naumovski et moi-

24 même avons discuté de la possibilité de surseoir aux dépôts de requêtes

25 dans l’attente de la modification de l'acte d'accusation. C'est dans le

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1 cadre de ce contexte qu'il faut voir les différents dépôts.

2 Il y a eu bien sûr dépôts d'exceptions préjudicielles, mais au

3 départ aussi des discussions qui ont duré plus d'une heure pour voir s'il

4 était possible de surseoir à l'examen des

5 requêtes. Je me tourne vers

6 Me Somers qui va vous présenter les éléments

7 de cette requête.

8 Mme Somers (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

9 Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour, le conseil de la défense.

10 Remarque supplémentaire. Nous avons été quelque peu surpris de

11 recevoir l'opposition à la requête que nous avons déposée étant donné les

12 discussions préalables qu’il y avait eues. Lors de cet entretien avec

13 Me Kovacic, j'étais présente et nous avions dit qu'il était probable que

14 nous allions modifier l’acte d’accusation. Nous avons tout de suite parlé

15 de la modification de l’acte d’accusation et il était clair que Me Harmon

16 l’avait envisagée avec les deux conseils de M. Kordic et Me Kando.

17 M. le Président. - A quelle date très exactement ont eu lieu ces

18 conversations auxquelles fait allusion Me Somers ?

19 Mme Somers (interprétation). - Je pense que cela s’est passé au

20 mois de décembre. Excusez-moi, je cherche la date exacte.

21 M. le Président. - Le 19 décembre très exactement.

22 Mme Somers (interprétation). - C’est exact. Le 21 octobre c'est

23 le moment de la réunion entre Me Naumovski, Me Andreis, Me Kando,

24 Me Bouwers et Me Harmon.

25 M. le Président. - Merci.

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1 Mme Somers (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 Dans la mesure où nous n'avons déposé qu’hier notre réplique à

3 l'opposition des conseils de la défense, j'aimerais, si vous me le

4 permettez, vous énumérer les points principaux avancés dans cette

5 réplique.

6 Etant donné que MM. Kordic et Cerkez faisaient partie de l'acte

7 d'accusation initial, où il y avait d’autres coaccusés, et étant donné

8 qu'il n'y a pas eu une remise massive, mais un peu au compte-gouttes, il y

9 a eu pas mal d'activités pour essayer de

10 tenir compte de cette réalité de

11 l’arrivée progressive des accusés.

12 Dès octobre 1997, même si l'affaire était manifestement entre

13 les mains du Bureau du Procureur, il n'y avait que peu d'enquêteurs qui

14 enquêtaient sur le cas des fugitifs et ces deux personnes étaient encore

15 des fugitifs. Il est évident que nous avons depuis deux ans cette affaire,

16 mais les activités d'enquêtes ne recommencent de façon active qu'au moment

17 où il y a eu arrestation ou remise à la garde du Tribunal.

18 Nous avons eu l’occasion de discuter de façon officieuse, mais

19 aussi de façon plus officielle dans le cadre de la Comparution initiale

20 des questions relatives à la façon dont nous allions mener cette affaire.

21 Il n’y a pas de problème, il n’y a pas non plus de préjudice qui a été

22 causé aux accusés pour le temps que nous demandons à la Chambre afin de

23 parvenir à la modification de l'acte d'accusation.

24 C'est une affaire très complexe, vous le savez, et nous nous

25 attendons à ce qu'il y ait plusieurs témoins, une répétition aussi de la

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1 comparution des témoins, étant donné qu'il n'y a pas à une remise massive

2 mais progressive.

3 Nous avons voulu modifier l’acte d'accusation mais il nous faut

4 bien sûr revoir les éléments de preuve qui sont arrivés depuis 1995, vous

5 le savez aussi, peut-être ceci n'a-t-il pas été mis suffisamment en

6 exergue lorsqu’on a énuméré les événements.

7 Mais, le 19 décembre 1997, la Chambre a fait droit à la requête

8 de l'accusation demandant le retrait de l'acte d'accusation pour

9 MM. Santic et SSkopljak. Ce qui veut dire que c'est seulement le 19

10 décembre 1997 que nous avions une idée précise de qui seraient les accusés

11 dans cette affaire. Ce n'était pas encore connu. Nous ne savions pas à qui

12 s’adresserait l’acte d’accusation modifié.

13 Puis, nous avons déposé cette requête aux fins de retrait de

14 l'acte d'accusation pour deux accusés. Mais nous sommes tout à fait

15 conscients des obligations qui nous incombent, à la défense comme à

16 l'accusation, en vue d'assurer un procès équitable. C'est de façon

17 délibérée que nous avons agi rapidement pour essayer d'évaluer le poids

18 des éléments de preuve et c'est très

19 rapidement que nous avons déposé la

20 requête aux fins de retrait de l'acte

21 d'accusation pour deux coaccusés ainsi que dans une affaire parallèle.

22 Dès qu'il y a eu remise des accusés, nous avons travaillé avec

23 la plus grande diligence pour revérifier quels sont les témoins encore

24 disponibles. Ceux qui étaient disponibles il y a deux ans ne le sont peut-

25 être plus aujourd’hui, et il est certain que de nouveaux témoins

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1 apparaissent. Vous savez qu'il y a eu beaucoup de modifications depuis le

2 dépôt initial de l'acte d'accusation.

3 Etant donné la nature complexe de l’affaire qui sera corroborée

4 au fil du temps, nous essayons de faire preuve d'une grande modération. Il

5 nous semble inéquitable et contraire à l'économie, tant juridique que

6 judiciaire, d'avoir deux argumentations. En effet, si nous modifions

7 l'acte d'accusation de manière à ce qu’il ne touche pas aux questions

8 posées, il semble aussi efficace qu’équitable d’attendre qu’il y ait le

9 dépôt de cet acte d'accusation modifié pour qu'il y ait une plaidoirie sur

10 les requêtes.

11 Les requêtes qui ont été déposées ressemblent beaucoup à

12 d'autres requêtes déjà entendues par cette Chambre, notamment dans

13 l'affaire Blaskic, et nombre des questions ont déjà été tranchées.

14 Toutefois, étant donné que potentiellement nous aurons une démarche

15 différente par rapport à l'acte d'accusation, il semblerait préférable

16 d'attendre peu de temps, parce que nous demandons peu de temps pour suivre

17 le calendrier normal. Mais le conseil de Monsieur Kordic a dit que nous

18 pourrions surseoir l'examen et que ce serait une bonne façon de résoudre

19 la question.

20 Nous n'avons jamais manifesté d’opposition aux requêtes aux fins

21 de surseoir un certain délai déposées par la défense, et la Chambre a fait

22 droit à la requête aux fins de retrait de l'acte d'accusation de

23 Messieurs Santic et Skopljak. C'est sur-le-champ que Me Harmon a déposé

24 cette requête aux fins de surseoir. Il y a eu, bien sûr, les délais

25 provoqués par les vacances de Noël. J'ai faxé cette requête au conseil

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1 pour qu'il puisse déjà la lire et que M. Kordic puisse

2 effectivement faire une requête

3 appropriée en connaissant bien sûr tous

4 les éléments.

5 Etant donné toutes ces circonstances, puisque nous avons eu des

6 entretiens avec le conseil de la défense, étant donné aussi la façon dont

7 les accusés ont été remis à la garde du Tribunal, nous avions aussi besoin

8 d'un certain temps pour savoir qui seraient précisément les accusés. Nous

9 demandons, dès lors, que la Chambre fasse droit à notre requête de

10 surseoir aux fins de l’examen et d'attendre la date de dépôt d'un acte

11 d'accusation modifié. Je vous remercie.

12 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers les conseils

13 de la défense, Maîtres Kovacic et Naumovski. Je ne sais pas si vous voulez

14 intervenir tous les deux.

15 M. Naumovski (interprétation). - Merci beaucoup

16 Monsieur le Président. Je salue toutes les personnes présentes. Dès les

17 premiers mots de mon intervention, je tiens à dire que la défense a déposé

18 sa requête de façon conjointe poux les deux accusés qui se trouvent dans

19 la même situation. Quant à la partie orale de l'exposé, nous nous la

20 sommes répartie à deux. Je parlerai le premier et ensuite, mon confère

21 Maître Kovacic prendra la parole pour la deuxième partie.

22 Je voudrais commencer par répondre aux quelques mots

23 d'introduction que je viens d’entendre de la bouche de ma collège de

24 l’accusation. Il est exact que l'accusation de M. Dario Kordic a eu une

25 discussion avec Me Harmon le 21 octobre 1990. C’est tout à fait exact. La

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1 défense, au cours de ce premier entretien, a souhaité démontrer que dans

2 le cours du procès, si cela lui est possible, elle ferait preuve d'un

3 degré maximum de coopération en tenant compte de l'intérêt de son client

4 Dario Kordic.

5 Le fait, donc, que nous avons accepté de coopérer -et nous nous

6 en tenons à cette volonté, nous coopérerons au maximum- ne signifie pas

7 que la défense doit être contrainte à attendre un temps indéterminé sans

8 le moindre signe quant à ce que l'accusation a l'intention de faire. C'est

9 une chose que de se dire prêt à coopérer et c'est une chose tout à fait

10 différente que d'attendre un temps indéterminé en étant dans l'incertitude

11 sans pouvoir donner des assurances à

12 notre client. C’est la raison pour

13 laquelle la défense a demandé de la

14 façon la plus nette et la plus claire à l'accusation, que soient précisés

15 le moment où l'acte d'accusation va être modifié et le sens dans lequel il

16 va être modifié, afin de pouvoir préparer sa défense. C'est l'une des

17 raisons pour lesquelles dans la réplique que nous avons reçue hier, nous

18 lisons une expression d'étonnement liée à notre comportement, alors que

19 nous avons fait preuve d'une coopération tout à fait exemplaire dans

20 l'ensemble de ce processus.

21 La défense de Dario Kordic s'en tient entièrement à ce qu'elle a

22 déjà demandé dans sa requête et dans l'opposition qu'elle a évoquée aux

23 propos de l'accusation. Il convient, toutefois, que nous ajoutions

24 quelques éléments aujourd'hui.

25 Le 19 décembre 1997, une requête a été déposée et nous avons

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1 également reçu une réponse en date du 28 janvier 1998. A partir de tous

2 ces documents, la défense ne voit pas de raison particulière pour des

3 investigations supplémentaires à l’appui de ces thèses.

4 S'agissant de modifier l'acte d'accusation -cette modification

5 repose sur la nécessité de supprimer un certain nombre d'éléments liés à

6 Messieurs Santic et Skopljak dans le droit fil de la disjonction

7 d'instance par rapport à l'affaire Baskic et Aleksovski-, sur ces

8 bases-là, il n'y a pas de raison valable de procéder comme cela a été

9 fait. La défense estime que le seul signe qui ressort de tout cela est que

10 l'accusation n'est pas prête à procéder.

11 L'accusation a proposé une prolongation du délai jusqu'au

12 2 mars 1998 pour modifier l'acte d'accusation. Nous estimons qu'un tel

13 délai ne peut pas être accepté, car les droits de l'accusé à un procès

14 rapide en seraient entravés.

15 L'accusation, bien entendu, peut modifier l'acte d'accusation

16 pendant tout le procès, mais le fait de s'attendre à une telle

17 modification éventuelle ne peut pas être une raison valable pour surseoir

18 le procès ou pour le ralentir de façon significative. Toutefois, si tel

19 devait être le cas, le Procureur se verrait accorder un contrôle factuel

20 sur le déroulement du procès.

21 Il est exact que les accusés se sont rendus volontairement à des

22 dates distinctes sur

23 une durée totale de deux ans,

24 et cela a abouti à des procédures qui ont

25 été menées de façon séparée pour les différents accusés.

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1 Mais du point de vue des intérêts de Dario Kordic, nous estimons

2 qu'il importe de souligner que ce fait à lui seul ne peut en aucun cas

3 avoir une incidence négative sur les accusés présents dans la salle

4 aujourd'hui.

5 Chacun des accusés n'est tenu responsable que de ce qu'il a

6 fait, il est donc responsable de ses propres actes. Dans ce contexte, le

7 fait de faire appel à des arguments économiques n'a aucun rapport avec le

8 procès. Monsieur le Président, les deux accusés se sont rendus

9 volontairement au Tribunal international, mais pas au bureau du Procureur

10 ou à l'accusation.

11 Cela a été fait, parce que des promesses existaient quant à la

12 tenue rapide du procès, et en raison également de ce qui a déjà été

13 accompli dans ce prétoire les deux accusés ont droit à un procès rapide ;

14 c'est à cela que l'accusation fait entrave aujourd'hui.

15 Je dois dire également que pour la défense, les arguments de

16 l'accusation selon lesquels, dans l'affaire Blaskic, des requêtes ont été

17 déposées et qu'il a déjà été tranché au sujet de ces requêtes -bien

18 entendu, les requêtes de l'affaire Blaskic ne sont absolument pas

19 identiques à celles présentées ici-, ces arguments sont inacceptables et

20 même sans fondement. Les travaux accomplis dans le cadre d'un autre procès

21 ne peuvent pas influer sur la situation de l'accusé ou des accusés dans un

22 procès complètement différent, comme l'est le procès auquel nous

23 participons.

24 C'est la raison pour laquelle nous estimons que le Tribunal doit

25 fixer la date d'examen des requêtes déjà présentées par la défense, car le

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1 fait de savoir s'il y aura opposition ou pas à ces requêtes ne dépend que

2 des positions de l'accusation.

3 Monsieur le Président, nous proposons donc que le document de

4 l'accusation soit rejeté pour cause d'absence de fondement, et que la

5 fondement, et que la requête

6 de la défebse soit examinée, au

7 fond, comme il convient de le faire. Je vous remercie.

8 M. le Président - Maître Kovacic, je pense que vous voulez

9 intervenir, puisque votre confrère nous a dit que vous vous étiez réparti

10 la tâche.

11 M. Kovacic (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Je

12 commencerai par dire que je suis entièrement d'accord avec l'avis exprimé

13 par mon confrère, néanmoins j'ajouterai quelques points très brièvement,

14 je l'espère.

15 D'abord, parlons de ce que nous venons d'entendre du bureau du

16 Procureur ce matin. Il me semble que sur le fond, le message provenant du

17 bureau du Procureur consiste à dire une nouvelle fois que l'accusation

18 n'est pas prête au procès. En dépit du fait que l'acte d'accusation date

19 du 2 ou du 5 novembre 1995 -si je ne m'abuse- et que plus deux ans se sont

20 écoulés depuis, l’accusation nous redit aujourd'hui qu'elle n'est pas

21 prête à aller au procès.

22 Il y a un autre message dans ce que nous a dit le Procureur, à

23 savoir que lorsque l'accusation a décidé d'abandonner les accusations

24 contre Santic et Skopljak qui étaient concernés par la même affaire,

25 l'accusation ne tente même pas de capitaliser sur ses propres erreurs.

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1 Nous savons tous sur la base de quels documents les anciens accusés,

2 Messieurs Skopljak et Santic, se sont trouvés ici à La Haye. Or,

3 aujourd'hui, ils ne sont plus concernés par cette affaire. A l’évidence,

4 l’acte d’accusation n’était pas prêt au moment où il a été établi et c'est

5 le coeur du problème dont nous discutons aujourd'hui.

6 J'ajouterai aussi, si vous me le permettez, que dans tous les

7 systèmes judiciaires de tous les pays, que l'on parle du système

8 anglo-saxon ou du système continental, il est présupposé que lorsque le

9 Procureur rédige l'acte d'accusation, il est prêt à aller au procès.

10 Il est manifeste que le Procureur doit agir de la sorte, car au

11 moment où un acte d'accusation est rédigé, on entre dans le domaine des

12 droits de l'accusé. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on se trouve

13 dans une affaire où la détention de l'accusé est obligatoire. Il importe

14 donc de faire preuve d'un très grand soin dans

15 l’établissement de l’acte d’accusation.

16 Il faut être au moins certain qu'il existe véritablement des

17 arguments justifiant l'accusation prima facie.

18 Cela étant, le Procureur est habilité, bien entendu, à modifier

19 l'acte d'accusation dans toutes les phases du procès, aussi bien avant que

20 dans le cours du déroulement du procès, mais il n'est pas en droit de

21 demander une interruption du procès à cette fin, puisque pour examiner la

22 modification de l'acte d'accusation, s'il y a interruption du procès, cela

23 signifie retard dans le procès.

24 Nous avons étudié le problème peu avant le moment où les accusés

25 sont apparus devant ce Tribunal. Il était déjà question de le modifier et

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1 rien n'a été fait. Aujourd'hui, plus de trois mois après environ, le

2 Procureur continue à nous dire qu'il va modifier l'acte d'accusation. Nous

3 serions alors très heureux de constater le résultat de cette modification,

4 de la voir.

5 Je me permettrai de revenir sur un point de détail, si vous me

6 le permettez. Dans un effort de gain de temps pour améliorer la

7 coordination et le travail conjoint, j'ai envoyé une lettre au bureau du

8 Procureur le 17 novembre. Un certain nombre d'éléments ont été discutés,

9 notamment lorsque j'ai demandé une fois de plus au Procureur ce qui se

10 passait dans le cadre de la modification de l'acte d'accusation.

11 Je lui ai dit que quelque chose était manifestement en cours de

12 préparation et j'ai demandé : "Si ma supposition est exacte, je demande

13 que l'acte d'accusation soit modifié le plus rapidement possible, afin que

14 les charges soient définies rapidement et que je puisse commencer à

15 préparer ma défense. Il est manifeste que des retards injustifiés

16 causeront préjudice à la défense, notamment du point de vue de la tenue

17 rapide du procès."

18 J’ai, très rapidement reçu le 28 novembre une réponse du

19 Procureur à mon courrier dans laquelle le Procureur confirmait une

20 nouvelle fois sa position. En bref, il disait : Le Procureur souhaite

21 seulement souligner que c'est une prérogative du bureau du Procureur que

22 de pouvoir modifier un acte d'accusation,

23 aussi bien dans le périodes

24 préliminaires au procès

25 qu'après le début de ce même procès..."

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1 Je crois qu'il n'y a pas de discussion quant au fait que le

2 Procureur sait parfaitement bien et depuis pas mal de temps, qu'il existe

3 une nécessité de modifier l'acte d'accusation. Nous ne pouvons admettre

4 que cette réalité influe sur la position des accusés. Les droits

5 fondamentaux, dans cette affaire, dont bénéficie l'accusé sont, le droit à

6 un procès rapide et équitable.

7 Dans la phase préalable au procès dans laquelle nous nous

8 trouvons actuellement, l'accent repose sur la nécessité d'un procès

9 rapide. Dans cette phase du procès, la défense risque de perdre deux,

10 trois, cinq, sept ou dix mois -nous ne savons pas exactement- par

11 conséquent, les deux parties doivent prendre le plus grand soin à préparer

12 leur travail et à travailler de la façon la plus efficace qu'il soit,

13 compte tenu que les accusés sont en détention et que nous devons tenir

14 compte de ce fait.

15 C'est la raison pour laquelle ma proposition sera la même que

16 celle de mon confrère. En conclusion, la défense s'oppose à ce qu'il soit

17 donné acte à la demande de sursis à l'examen des requêtes. Je vous

18 remercie.

19 M. le Président. - Le bureau du Procureur veut-il apporter des

20 compléments ?

21 Mme Somers. (interprétation) - Oui. Merci,

22 Monsieur le Président, de me donner l’occasion de le faire. Messieurs les

23 Juges, cher conseil, je vais reprendre quelques points.

24 Je ne veux pas ici me féliciter, mais je crois que la bonne foi

25 a été vraiment la meilleure façon de caractériser l'action de

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1 l’accusation. N'avons-nous rien fait ? Rappelez-vous, nous avons retiré

2 l'acte d'accusation pour deux accusés et je crois que c'est là un progrès

3 considérable pour cette Chambre et pour les deux parties. S'agissant du

4 temps, personne ne devrait tirer partie d'actions délibérément dilatoires.

5 N'oublions pas que la reddition s'est remise deux ans après que l'acte

6 d'accusation ait été émis. Le standard, la norme se basait sur

7 l'article 47 et à ce moment-là, il ne fallait pas un niveau de preuve

8 aussi élevé.

9 Rappelez-vous, lorsque nous

10 avons demandé le retrait de l'acte

11 d'accusation, nous avons dit qu'il y avait clairement présomption de

12 preuve. Pourtant, pour passer au procès, il faut avoir un niveau de preuve

13 beaucoup plus élevé et nous voulions être sûrs que les éléments que nous

14 avions réunis correspondaient bien à la preuve qu'il fallait apporter.

15 La rapidité ne peut pas exister de façon théorique dans ce type

16 d'affaire en raison de la complexité de celle-ci, et avec la sévérité

17 étant donné les circonstances, l’équilibre à établir entre la rapidité et

18 l’équité est quelque chose de tout à fait difficile. Vous avez toujours eu

19 le souci de le faire, Messieurs les Juges, et la hâte n'est pas

20 nécessairement synonyme d'équité. Nous demandons qu'il soit fait droit à

21 notre requête pour que l’équité soit bien équilibrée des deux côtés dans

22 une affaire aussi compliquée que celle-ci. Merci.

23 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Peut-être

24 avez-vous des questions à poser ? Aucune ?

25 J'ai, pour ma part, quelques observations à faire. Je me tourne

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1 vers l’accusation, demanderesse de la requête. Les dates ne plaident pas

2 en faveur de l'accusation, c’est le moins que l’on puisse dire. En effet,

3 les accusés sont ici depuis le mois d'octobre. Il faut partir du point de

4 vue juridique et de l'application du règlement qui est notre règlement

5 commun. Il est vrai que le droit de l'accusation est toujours de modifier

6 l'acte d'accusation.

7 Ma première question s’adresse au représentant du Bureau du

8 Procureur qui vient de s’exprimer. Vous allez me dire que le niveau de

9 preuve a changé en deux ans sur les actes d’accusation. Que je sache -et

10 vous voudrez bien me répondre tout à l’heure sur ce point, les juges ont

11 confirmé des actes d’accusation il y a deux ans, ils en confirment tous

12 les jours-, il n'y a pas de directives, je ne crois pas que l'assemblée

13 plénière des juges ait dit qu’il fallait faire ceci ou cela.

14 Il est vrai que selon le tempérament des juges, selon leur

15 culture judiciaire ou juridique, le niveau de présomption est plus ou

16 moins élevé. Sur ce point, je suis bien d'accord.

17 Il est vrai que les tenants

18 des droits continentaux ont un niveau de

19 présomption qui est certainement plus large que le niveau prima facie des

20 juristes de Common Low.

21 Je ne sais pas -et je ne veux pas le savoir- qui a confirmé cet

22 acte d'accusation, mais, Madame Somers, il n'y a pas beaucoup de civils

23 lows dans la première équipe de juges à ce Tribunal. C’est ma première

24 observation, à laquelle vous voudrez bien répondre.

25 Ma deuxième observation est la suivante. Nous sommes en train de

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1 tourner autour de la difficulté que si nous sursoyons à l'examen des

2 exceptions préjudicielles, c'est parce que vous allez modifier l'acte

3 d'accusation. Or, l'acte d'accusation peut être modifié pendant le cours

4 du procès. Nous sommes d'accord. Seulement, pour que vous demandiez le

5 sursis aux exceptions préjudicielles, c'est donc que vous avez l'intention

6 de modifier l’acte d’accusation de façon substantielle. L'argument tiré de

7 l’abandon des poursuites sur Santic et Skopljak -ce qui m’a frappé, c’est

8 que l'argument est utilisé aussi bien d'un côté que de l'autre- ne me

9 convainc pas beaucoup.

10 Vous avez abandonné les poursuites sur deux accusés, il n'en

11 demeure pas moins vrai que l’acte d’accusation était le même. J’irai plus

12 loin. Je vous rappellerai que l’acte d’accusation était le même,

13 primitivement, dans la mesure où il incluait Tihomir Blaskic et

14 Aleksovski.

15 Je dois dire, puisque l'audience est publique, que s’il est un

16 acte d'accusation qui doit être pris, c'est bien celui-là dans la mesure

17 où, en fin de compte, les deux procès ont commencé : l’un depuis le mois

18 de juin et l’autre, je me tourne vers mon collègue à ma gauche, le

19 juge Rodrigues qui préside la Chambre et qui juge à l’heure actuelle du

20 cas Aleksovski... Sur le plan au moins de l'apparence juridique, nous

21 allons arriver au fond du problème. Si un acte d'accusation devrait être

22 prêt, c’est bien celui pour lequel deux des coaccusés ont vu débuter leur

23 procès. Aussi, l'argument Santic, Koplijk n’est pas pour moi un argument

24 dirimant.

25 Ma troisième observation, Madame Somers, porte sur les

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1 investigations supplémentaires.

2 Là encore, voilà un acte

3 d'accusation qui date d’il y a deaux ans.

4 Nombre de problèmes sont quand même communs aux deux procès. Je

5 sais bien qu'il y a des cloisons étanches entre les procès, et la défense

6 vient de le rappeler, Kordic-Cerkez, ce n’est ni Blaskic ni Aleksovski,

7 nous sommes bien d’accord. Nous jugeons ici de responsabilité pénale

8 individuelle et vous avez affaire à des juges professionnels qui le savent

9 fort bien. Il n’en demeure pas moins vrai que s’agissant du prisme sur

10 lequel nous travaillons à l’heure actuelle, à savoir l'acte d'accusation,

11 nous savons bien qu'il s'agit des mêmes faits. Vous le savez. Il s’agit

12 des atrocités commises sur une certaine partie du territoire de la Bosnie

13 centrale.

14 Sur ces trois points, j’aimerais avoir des réponses.

15 Le quatrième point concerne le calendrier. En effet, autant je

16 peux comprendre qu’une modification substantielle de l’acte d’accusation

17 va entraîner de nouveaux délais, mais auquel cas je pose deux autres

18 questions : quelles sont ces modifications substantielles de l’acte

19 d’accusation ? En a-t-on une idée ?

20 Je ne vous cache pas qu’à ce niveau, j’ai quelques inquiétudes.

21 Hier, nous avons, pour deux des juges de cette Chambre, fait passer en

22 comparution initiale un autre accusé, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec

23 les problèmes de la Bosnie centrale, pour lequel on nous a annoncé une

24 modification de l’acte d’accusation. On l’annonce également dans un autre

25 procès.

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1 Est-ce un vent de tourment qui saisit le Bureau du Procureur

2 pour bouger tous les actes d’accusation ? A tout le moins, il conviendrait

3 que les juges le sachent ! Est-ce un changement de politique ?

4 S’agissant de notre procès, plus particulièrement, je voudrais

5 savoir s’il s’agit de modifications substantielles ? Vous devez bien avoir

6 une idée en la matière. Je ne vais pas vous faire plaider sur ce point,

7 Madame Somers, car si la Chambre admettait l’examen de la modification,

8 vous la présenteriez en temps voulu.

9 Il convient toutefois que ce

10 soit une modification substantielle.

11 S’il s’agit de modifications portant sur des vices de forme de

12 l'acte d'accusation, par exemple, il convenait simplement de répondre à la

13 requête de la défense qui, elle, a déposé une exception préjudicielle sur

14 les vices de forme.

15 Par conséquent, tout m’amène à penser et à déduire qu’il ne

16 s’agit pas d’une simple modification de forme de l’acte d’accusation,

17 sinon vous auriez répondu déjà à l’exception préjudicielle présentée par

18 la défense, mais qu’il s’agit, peut-être, d’une modification

19 substantielle. Auquel cas, on peut se poser la question de savoir quand

20 même pourquoi le Bureau du Procureur, depuis maintenant deux ans, ne s’est

21 pas avisé de savoir que dans cette affaire, les accusés seraient présents

22 ici et on présenterait des modifications substantielles de l’acte

23 d’accusation.

24 Enfin, ma dernière question, la cinquième me semble-t-il, il

25 s’agit de savoir pourquoi des investigations supplémentaires dans un

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1 dossier qui doit être quand même largement connu ? Je peux comprendre

2 qu’il vous faut localiser les nouveaux témoins. Dans toutes les affaires

3 où se présentent des accusés, deux ans après l’acte d’accusation, je peux

4 tout à fait comprendre qu’il faille localiser les nouveaux témoins, mais

5 en l’occurrence vous parlez d’investigations supplémentaires.

6 S’agit-il d’investigations lourdes, légères, moyennes ? Tout

7 cela, la Chambre veut le savoir, veut avoir une réponse avant d’accorder

8 ou de ne pas accorder le sursis dans l'examen des exceptions

9 préjudicielles.

10 Voilà les quelques questions que je me pose. Je ne sais pas si

11 c’est Me Harmon ou Me Somers qui souhaite répondre à ces interrogations.

12 Mme Somers (interprétation). - Merci, monsieur les Juges.

13 J’espère avoir bien pris note.

14 (Les juges, sur le siège, se consultent.)

15 M. le Président. - Maître Somers, voulez-vous bien

16 répondre aux cinq interrogations que

17 j’ai posées au nom de mes

18 collègues et en mon nom

19 personnel ?

20 Mme Somers (interprétation). - Oui, messieurs les Juges. Je

21 crois que le niveau de preuve, tel que nous interprétons l'article 47,

22 prévoyait la possibilité d'avoir des investigations supplémentaires même

23 s'il y a déjà détention de l'accusé pour parvenir au niveau nécessaire

24 pour le procès, ce qui permet l’ouverture de ce procès.

25 A l’évidence, les présomptions de preuve étaient présentes,

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1 comme nous l’avons interprété, mais il faut apporter également d'autres

2 éléments dans notre interprétation.

3 Vous avez parlé de la similitude qu'il y a entre les charges,

4 entre cette affaire-ci et l’affaire Blaskic. Il est vrai qu’il y a

5 similitude, mais il y a quand même de grosses différences, différences que

6 nous essayons d'élucider à ce stade.

7 Quant à savoir quelle est la nature des modifications que nous

8 envisageons, pour le moment il y a des témoins qui n'étaient pas

9 disponibles et qui le sont aujourd'hui. Cela devrait nous aider à apporter

10 des précisions sur la question du commandement, question qui se pose dans

11 ce type d'affaire. Il a fallu tout le temps que nous avons demandé pour

12 mener cette tâche à bien.

13 Vous avez également parlé de ces investigations supplémentaires.

14 Il ne s’agirait pas d’une enquête différente, mais nous voulons être sûrs

15 que les chefs d'accusation que nous avons énoncés tenaient bien la route

16 et nous voulons être sûrs que tous les chefs que nous voudrons présenter

17 soient bien étayés.

18 Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos interrogations,

19 j'espère avoir bien noté ce que vous m’aviez demandé.

20 M. le Président. - Je vous remercie d’avoir répondu. S'agissant

21 de savoir si vous avez bien répondu, vous le lirez dans la décision que

22 rendra la Chambre.

23 Je voudrais me tourner à nouveau vers la défense.

24 Avez-vous des observations complémentaires à faire

25 par rapport au débat qui s’est échangé entre la

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1 Chambre et le bureau du

2 Procureur ?

3 M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, je

4 reprendrai la parole pour très peu de temps, car je ne voudrais pas vous

5 en faire perdre.

6 Le problème est que l’accusation insiste sur la nécessité de

7 procéder à des investigations complémentaires, de nouvelles

8 investigations. Auquel cas, elle devrait envisager de dresser un nouvel

9 acte d’accusation, en abandonnant l'acte d’accusation actuel. Nous ne

10 pouvons pas maintenir les accusés en prison pendant que de nouvelles

11 investigations sont menées. C’est impossible. Cela nous fait penser à

12 Visinski en Union Soviétique en 1923. On sait qu’il y a quelque chose,

13 mais sans savoir exactement de quoi il s’agit.

14 Bien entendu, je mets peut-être un accent exagéré sur la chose.

15 Mais il faut que nous réfléchissions à...

16 M. le Président. - Au nom de mes collègues et de moi-même, je ne

17 peux vous autoriser à faire référence, dans cette enceinte internationale

18 qui a été créée par l’Organisation des Nations Unies, à un procès qui

19 effectivement, dans l’Histoire, -cela est reconnu par tous- est resté

20 comme un procès qui n’était pas digne, convenable, rapide, équitable,

21 conforme aux standards internationaux. Par conséquent, je vous demanderai

22 de retirer vos propos qui étaient une accusation à l’égard du bureau du

23 Procureur que je ne peux pas accepter.

24 M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, je retire

25 mes propos, bien sûr. Ce n’était pas le fond de mon argumentation. Je

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1 voulais souligner que le Procureur fait parfois les choses d'une façon qui

2 s'écarte quelque peu de ce qu'il serait possible d'attendre. J'insiste sur

3 la nécessité de prêter le plus grand soin à la définition du degré de

4 modification de l'acte d'accusation dont nous parlons.

5 M. Naumovski (interprétation). - Si vous me le permettez,

6 Monsieur le Président, quelques mots complémentaires. Je suis d'accord

7 avec mon confrère, Me Kovacic, quant au fait que l’accusation

8 doit mener de nouvelles investigations. Ce ne sont

9 pas uniquement des investigations élargies

10 d'ailleurs. Je réponds, en disant cela, à la

11 question que vous avez posée au Procureur quant à la nature de ces

12 modifications. S’agit-il de modifications substantielles ? S’agit-il

13 vraiment de modifications ?

14 Notre collègue de l'accusation aurait dû nous dire à peu près

15 dans quel sens on se dirigeait, ce qui n'a pas été fait. En effet, c'est

16 la seule façon pour nous de déterminer que le nouvel acte d’accusation

17 modifié sera conforme à ces nouvelles investigations, et dans quel sens

18 ces nouvelles investigations influeront sur l'acte d'accusation.

19 M. le Président. - Le débat autour de la requête est à présent

20 presque terminé. Je voudrais quand même avancer un peu et cela par une

21 dernière observation de pratique. Pour quelle date, Maître Somers,

22 pensez-vous être prêts pour la modification de l'acte d'accusation, compte

23 tenu de l’ensemble du débat ?

24 Pour quel délai penseriez-vous pouvoir présenter ces

25 modifications si elles vous étaient accordées par la Chambre ?

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1 Mme Somers (interprétation). - Monsieur le Président, nous

2 l’avons dit dans notre réplique. Nous pensions au 2 mars, monsieur le

3 Président.

4 M. le Président. - Je l’ai bien lu dans votre réplique, mais ma

5 question était quelque peu différente, c’était compte tenu du débat. Je

6 vous rappelle que nous sommes aujourd'hui fin janvier et que depuis

7 novembre, vous savez que vous allez présenter une modification

8 substantielle, semble-t-il, de l’acte d’accusation, avec des

9 investigations supplémentaires.

10 Sans reprendre les débats, je me permets de vous dire que

11 MM. Kordic et Cerkez sont ici depuis le mois d’octobre.

12 Peut-être ne pouvez-vous pas répondre à cette question ? Il faut

13 peut-être que vous consultiez Mme le Procureur. Vous en restez donc sur

14 votre requête du 2 mars ?

15 Mme Somers (interprétation). - Nous demandons respectueusement à

16 la Chambre d'envisager cette date qui

17 devrait nous aider grandement pour

18 mener à bien la tâche du mieux

19 que nous le pouvons.

20 M. le Président. - Je me tourne à nouveau vers mes collègues au

21 cas où ils auraient des observations ou des questions complémentaires ? Je

22 crois qu'il n'y a pas lieu d'en dire davantage sur la présentation de

23 cette requête.

24 Nous allons suspendre 5 à 6 minutes, le temps de passer en

25 conférence de mise en état qui va se faire à huis clos pour essayer de

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1 régler rapidement un certain nombre de détails beaucoup plus pratiques sur

2 l’organisation du procès.

3 L’audience est suspendue.

4 L’audience est suspendue à 10 heures 30.

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