Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL             

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3                           Vendredi 11 juin 1999

  4                     L'audience est ouverte à 10 heures.

  5   Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-95-14/2-T, le Procureur

  7   contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

  8   M. le Président (interprétation). - Oui, Maître Nice ?

  9   M. Nice (interprétation). - Monsieur Ahmic, avant que nous ne

 10   reprenions le fil de votre déclaration, nous en étions arrivés hier aux

 11   événements survenus lors de votre arrivée à Dubravica. Je voudrais revenir

 12   dans le détail sur les événements qui se sont produits lorsque vous étiez

 13   allongé dans ce fossé. Notamment, j'aimerais que vous nous apportiez des

 14   éclaircissements quant aux identités des soldats que vous avez pu observer

 15   depuis l'endroit où vous vous trouviez.

 16   J'ai expliqué à Me Stein quelles étaient mes intentions et je

 17   pense que les points que nous allons aborder ne feront pas l'objet de

 18   contestation, ce qui nous permettra d'avancer plus rapidement et peut-être

 19   également de vous soumettre des noms. Monsieur Stein me fera savoir s'il

 20   n'est pas d'accord avec cette façon de procéder.

 21   Avec l'aide de Me Stein et de Me Kovacic, nous nous sommes

 22   penchés sur la déclaration du 3 février 1995 et sur la déclaration du

 23   1er février 1997. C'est dans ces documents que nous avons trouvé les noms.

 24   Je me penche d'abord sur la page 4 de la première déclaration

 25   préalable, vers le bas de cette page.


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  1   Monsieur Ahmic, les deux hommes qui se sont présentés chez vous

  2   et qui ont abattu votre père et votre frère vous étaient-ils connus ? Est-

  3   ce que l'un ou l'autre de ces hommes faisaient partie des personnes que

  4   vous aviez déjà eu l'occasion de rencontrer à Busovaca ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui, le jeune homme me paraissait

  6   connu, il me semble l'avoir déjà vu dans la discothèque Leptir, à

  7   Busovaca. Je suppose qu'il est d'origine de Buselje ou d'un autre village

  8   en-dessous de Buselje, Bare.

  9   M. Nice (interprétation). - Saviez-vous s'il était membre d'un

 10   groupe armé avant de l'apercevoir sur le pas de votre porte ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 12   M. Nice (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez dans ce

 13   fossé, est-ce que vous avez pu observer quoi que ce soit ? Est-ce que vous

 14   avez pu notamment observer les dommages subis par la mosquée d'Ahmici ? Il

 15   me semble que vous avez vu des personnes se diriger vers la mosquée,

 16   pénétrer dans le bâtiment et, peu de temps après, vous avez vu le sommet

 17   du minaret voler en éclats sous le coup d'une explosion.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Il s'agissait de la période du

 19   20 octobre, de la date du 20 octobre, quand j'ai vu le sommet du minaret

 20   exploser. Le 17 avril 1993 également, j'ai vu le minaret exploser. Donc

 21   j'ai assisté deux fois aux dommages portés au minaret, à deux reprises :

 22   en octobre 1992 et en avril 1993.

 23   M. Nice (interprétation). - Revenons sur les dégâts portés au

 24   bâtiment en avril 1993. Est-ce que vous avez vu quoi que ce soit ou est-ce

 25   que vous avez vu des personnes entrer dans la mosquée ou la quitter au


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  1   moment où ces dommages ont été portés, ou est-ce que vous avez pu observer

  2   tout cela de l'endroit où vous vous trouviez ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - J'ai remarqué une voiture qui

  4   venait de Busovaca, de ce véhicule sont sortis des policiers militaires.

  5   Ils se sont dirigés vers la mosquée. Immédiatement après, on a entendu une

  6   explosion terrifiante et peu de temps après, le même véhicule s'est dirigé

  7   vers moi ; il est arrivé tout près de moi, de la maison où je me trouvais.

  8   Il s'agissait de policiers militaires et de leur commandant de Busovaca.

  9   C'est ce que j'ai conclu d'après la conversation qui a eu lieu entre eux.

 10   M. Nice (interprétation). - Vous les avez entendus, cela veut

 11   dire quoi ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je les ai entendus se saluer les

 13   uns les autres. Ensuite, les deux qui m'ont posé des questions. Ils m'ont

 14   demandé : "Qu'est-ce qui s'est passé à Busovaca et qu'est-ce qui se passe

 15   ici ?". Ils ont répondu: "On a un Moudjahidin, on a enfermé ce

 16   Moudjahidin, qu'allons-nous faire avec lui ?".

 17   Ils lui ont répondu: "Il faut le tuer".

 18   M. Nice (interprétation). - Merci. Parlons de ces soldats que

 19   vous avez pu observer depuis le fossé où vous vous trouviez. Est-ce que

 20   l'un d'entre eux vous était connu sous le surnom de Cico ? Je me réfère

 21   maintenant à la page 5 de la première déclaration préalable dont je

 22   parlais tout à l'heure. Ce qui est dit est repris dans la deuxième

 23   déclaration préalable à la page 7. Le surnom Cico vous dit quelque chose ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – C'est le surnom d'Ivica Safradin.

 25   C'est l'homme qui était à la tête de ces soldats. C'était une sorte de


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  1   commandant de la police militaire et j'ai remarqué que c'est lui qui

  2   désignait, qui affectait les hommes à certaines tâches. J'ai également

  3   reconnu Dragan Santic et Ilija Santic. Dragan était d'origine du village

  4   de Rovna alors qu'Ilija est de Mahala.

  5   J'ai reconnu également le frère de Dragan Matkovic qui était mon

  6   camarade de classe à l'école. Je ne me souviens plus de son nom mais je

  7   sais que c'était son frère.

  8   J'ai également reconnu le fils de Jozo Matkovic, du village de

  9   Rijeka, Blazo Totic également. Il était en civil. Il était chauffeur à

 10   Masinogradnja, une entreprise où je travaillais aussi pendant une période

 11   de temps.

 12   Donc ce sont les personnes que j'ai reconnues et dont je connais

 13   les noms.

 14   Je connaissais aussi certaines personnes de Vitez. Je les

 15   connaissais de vue, mais je ne connais pas leur nom. Il y en avait

 16   beaucoup d'origine de Vitez, des environs de Vitez, dans le groupe

 17   d'Ivica Safradin.

 18   J'ai même remarqué des personnes qui portaient des cagoules,

 19   enfin des sortes de chaussettes qu'ils avaient mises sur leur tête. Il y

 20   avait aussi des civils, mais qui étaient armés.

 21   M. Nice (interprétation). - Pour ce qui est des personnes que

 22   vous avez citées, est-ce que vous savez si certaines d'entre elles ou

 23   toutes ont été membres d'une unité militaire avant que vous ne les

 24   aperceviez depuis l'endroit où vous vous trouviez dans ce fossé ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Je savais que Chico était membre de


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  1   la police militaire, ainsi qu'Ilija Santic qui était membre de la police

  2   militaire avant l'attaque. Je les voyais souvent au poste de contrôle.

  3   M. Nice (interprétation). - Revenons maintenant sur un point de

  4   détail. Lorsque la grenade a été lancée dans la maison où vous vous

  5   cachiez, après avoir passé toute la journée dans le fossé, est-ce que vous

  6   avez pu voir de quelle nature était cette grenande ? Avez-vous pu voir de

  7   quel type de grenade il s'agissait ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Cette bombe était de couleur noire,

  9   la bombe qu'ils ont lancée.

 10   M. Nice (interprétation). - Est-ce que, suite à l'explosion,

 11   vous avez perdu l'ouïe pendant un certain temps à l'oreille gauche ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, mon ouïe est gravement

 13   endommagée, 80 % à l'oreille gauche. J'entends une sorte de bourdonnement.

 14   Ce sont les conséquences de cette explosion. Même aujourd'hui.

 15   M. Nice (interprétation). - Ces deux Croates vers lesquels vous

 16   vous êtes tourné pour trouver de l'aide, ils vous ont emmené... Pardonnez-

 17   moi, je reformule ma question. Avez-vous demandé à ces deux Croates de

 18   s'occuper des funérailles de votre père, de votre mère, de votre frère et

 19   avez-vous expliqué qu'ils pouvaient prendre 400 deutschemark qui se

 20   trouvaient dans la poche de votre père pour s'occuper de ces funérailles ?

 21   Je vais nommer des noms. On me reprendra peut-être, mais est-ce

 22   que vous n'avez pas également pris conscience du fait que d'autres

 23   personnes s'occupaient de l'inhumation des morts, ce qui, par la suite;

 24   vous a permis de savoir où se trouvait le corps de votre frère et de

 25   pouvoir dire à ces deux voisins croates qu'ils pouvaient prendre


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  1   400 deutschemark dans la poche de ce dernier ? Veuillez confirmer ce que

  2   je viens de dire, si vous le pouvez.

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exact, un jeune homme,

  4   Dalibor, l'a fait. C'est lui qui l'a fait. Je l'ai appris par la suite,

  5   après la guerre.

  6   M. Nice (interprétation). - Si vous pouvez répondre par un oui

  7   ou par un nom à la question que je vais vous poser maintenant, je vous en

  8   saurais gré.

  9   Est-ce que, par la suite, vous avez entendu d'autres personnes

 10   parler d'autres unités qui auraient pu prendre une part à l'attaque lancée

 11   ce jour-là ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu dire que l'unité des

 13   Jokeri..

 14   M. Nice (interprétation). - Vous voulez dire oui pour commencer,

 15   n'est-ce pas ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 17   M. Nice (interprétation). – Maître Stein, vous êtes satisfait ?

 18   M. Stein (interprétation). – Je suis satisfait, mais pour le

 19   reste de la question, il va falloir attendre pour savoir si je suis

 20   satisfait.

 21   M. Nice (interprétation). - Alors de qui avez-vous entendu dire

 22   cela et par qui vous l'avez entendu dire ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - La question ne me semble pas

 24   claire, je n'ai pas compris.

 25   M. Nice (interprétation). - C'est moi qui en suis responsable.


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  1   Est-ce que vous avez entendu parler d'un groupe qui était impliqué dans

  2   l'attaque, et si c'est le cas, qui vous a parlé de ce groupe ?.

  3   M. Ahmic (interprétation). - Ce n'est qu'ultérieurement que j'en

  4   ai entendu parler, après le conflit. J'ai entendu parler de Jokeri, les

  5   "Jokers", et j'ai entendu parler également de Vitezovi. Les deux groupes

  6   ont participé au massacre. Mais je ne l'ai appris qu'après mon arrivée à

  7   Zenica.

  8   M. Nice (interprétation). - Vous souvenez-vous de la personne

  9   qui vous a parlé de ces groupes et de leur participation éventuelle à

 10   l'attaque ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas, mais on

 12   en parlait. Tout le monde le savait.

 13   M. Nice (interprétation). – A-t-il été fait mention à un moment

 14   donné de personnes qui seraient venues de Croatie même ?

 15   M. Ahmic (interprétation). -  Oui. J'ai même entendu dire que

 16   les gens en uniforme noir venaient de Varazdin. C'est Ferid Ahmic qui m'en

 17   a parlé après le conflit. Ferid Ahmic était lui-même membre du HOS, avait

 18   été pendant une certaine période, et le 16 avril il était à Nadioci où il

 19   habitait.

 20   Donc, lui, il avait plus d'informations. Il m'a dit que les

 21   uniformes noirs venaient, les hommes qui portaient des uniformes noirs

 22   venaient de Varazdin.

 23   M. Nice (interprétation). – Varazdin se trouve en Croatie ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 25   M. Nice (interprétation). - Où se trouve Varazdin par rapport à


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  1   Ahmici ? Est-ce que Varazdin se trouve vers la côte ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Varazdin est assez loin. C'est près

  3   de la Slovénie, à l'ouest. C'est à l'ouest d'Ahmici.

  4   M. Nice (interprétation). - Je vous remercie. Nous allons

  5   revenir sur ce que vous avez déclaré hier, notamment sur ce que vous avez

  6   dit de votre passage d'Ahmici à Dubravica. Nous allons essayer de

  7   reprendre les cartes pour que les Juges puissent se réorienter. Nous

  8   allons commencer par placer la carte 80 sur le rétroprojecteur. Nous avons

  9   jeté un bref coup d'oeil à cette carte hier. Nous allons également placer

 10   près du témoin les cartes de taille plus réduite.

 11   Monsieur Ahmic, si vous regardez bien cette carte, il s'agit de

 12   la carte 1980, vous pourrez confirmer que vous avez été emmené dans un

 13   groupe de personnes vers l’école de Dubravica ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. Nice (interprétation). - A Dubravica, est-ce que les hommes

 16   n'ont pas été séparés des femmes ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais pas tous. Il n'y avait

 18   pas suffisamment de places pour les femmes, ce qui fait qu'il y avait

 19   beaucoup de femmes dans la salle de gymnastique.

 20   M. Nice (interprétation). - Pour autant que vous puissiez en

 21   juger, combien de personnes se trouvaient rassemblées sur place ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Les gens venaient, on les amenait

 23   tout le temps. Il y avait environ 500 personnes dans la salle.

 24   M. Nice (interprétation). - Essayez de répondre à la prochaine

 25   question par un oui ou par un non. Est-ce que vous avez entendu dire quoi


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  1   que ce soit du sort qui avait été réservé à certaines femmes ? Je vous

  2   redemande d'essayer de répondre par un oui ou par un non.

  3   M. Ahmic (interprétation). - J'en ai entendu parler.

  4   M. Nice (interprétation). - Qui vous a parlé de ce qui était

  5   arrivé à ces femmes ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Une femme me l’a dit elle-même,

  7   elle en a fait part à son mari et son mari se trouvait à côté de moi, il

  8   était allongé sur le sol à côté de moi.

  9   M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous dire ce

 10   que vous avez entendu dire...

 11   M. Stein (interprétation). - Objection. Nous parlons ici de

 12   crimes. Nous allons entendre dire ce qu'une victime a dit à son mari qui

 13   s'est ensuite confié à ce témoin. Donc, là encore, nous sommes dans le

 14   domaine du ouï-dire. Nous entendons une autre personne s'exprimer sur des

 15   faits qui ont été rapportés par le mari d'une victime. Donc c'est une

 16   chose de pouvoir apporter des éléments de preuve qui corroborent ce qui a

 17   été dit, deux, ce que l'on est à même de dire directement à propos d'un

 18   crime.

 19         (Les Juges délibèrent sur le Siège.)

 20   M. le Président (interprétation). - Le fait que les éléments de

 21   preuve soient relatifs à la perpétration d'un crime n'est pas ce qui

 22   importe ici. Ce qui importe, c'est de savoir si ces éléments sont

 23   potentiellement fiables ou pas et, en l'occurrence, chaque situation

 24   diffère. Tout dépend des circonstances. Nous sommes tout à fait près à

 25   recevoir ces éléments de preuve pour ce qu'ils valent et nous nous


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  1   prononcerons sur leur valeur probante un peu plus tard.

  2   J'ajouterai ceci à l'intention du témoin. Monsieur Ahmic, nous

  3   rendons en ce moment des décisions relatives à l'administration de la

  4   preuve, mais tout ceci ne vous concerne pas ni ne concerne ce que vous

  5   nous dites. Tout ceci touche en fait au Règlement de l'administration de

  6   la preuve au sein de ce Tribunal, donc n'ayez pas l'impression que j'émets

  7   un commentaire ou un jugement sur ce que vous venez de dire. N'en prenez

  8   pas ombrage.

  9   M. Nice (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous, s'il

 10   vous plaît, nous dire ce qui vous a été dit du sort qui avait été réservé

 11   à certaines femmes ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je souhaiterais juste revenir sur

 13   ce que Monsieur a dit. Il a dit qu'il s'agissait de ouï-dire, de seconde

 14   main. Je l'ai entendu parler, cette femme, donc c'est un témoignage

 15   direct. Elle se trouvait à un mètre de moi. Je ne peux pas citer les noms

 16   de toutes les femmes qui ont été violées, cela je l'ai appris plus tard et

 17   c'est un élément de seconde main.

 18   M. Nice (interprétation). - Est-ce que ces femmes ont identifié

 19   les perpétrateurs de ces crimes ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Je ne l'ai pas su, on ne me l'a pas

 21   dit. Il s'agissait de soldats croates, il pouvait s'agir de soldats

 22   croates.

 23   M. Nice (interprétation). - Depuis le jour où vous êtes arrivé

 24   dans le camp jusqu'à la fin de votre séjour, est-ce que des personnes ont

 25   été emmenées pour creuser des tranchées ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Nice (interprétation). - Combien de personnes étaient

  3   emmenées chaque jour ou chaque nuit, si vous pouvez nous le dire ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - On les conduisait par groupe d'une

  5   dizaine, donc, dans diverses régions aux alentours de Vitez, à Krcevine,

  6   Pirici, Rijka, etc.

  7   M. Nice (interprétation). - Est-ce que ces hommes partaient de

  8   leur gré ou est-ce qu'ils étaient emmenés de force ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Au début, ils demandaient s'il y

 10   avait des volontaires, des bénévoles, mais, par la suite, ils les

 11   emmenaient de force.

 12   M. Nice (interprétation). - Est-ce que certains des soldats

 13   présents dans le camp portaient des rubans attachés à leurs épaulettes ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai remarqué qu'un soldat qui

 15   portait un ruban bleu de même couleur que ceux qui avaient tiré sur moi,

 16   les deux soldats qui avaient tiré sur moi. Donc j'ai remarqué qu'un soldat

 17   avait le même ruban.

 18   M. Nice (interprétation). - Quel grade avait-il dans le camp ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Je crois qu'il était adjoint au

 20   commandant du camp.

 21   M. Nice (interprétation). - Je vous remercie. Pourrait-on, s'il

 22   vous plaît, faire passer au témoin...

 23   Non, je vais d'abord en finir avec cette série de questions. Je

 24   crois que vous avez passé cinq jours au camp avant que la Croix-Rouge ne

 25   vienne et ne porte votre nom sur ses registres. Vous avez bénéficié d'un


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  1   examen médical, une équipe de télévision de CBS est venue, vous leur avez

  2   donné un entretien et je crois que, au bout d'un certain temps, vous avez

  3   quitté Dubravica. C'est bien exact ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Nice (interprétation). - Vous vous êtes alors rendu à

  6   Zenica ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  8   M. Nice (interprétation). - Et vous n'avez jamais pu rentrer

  9   chez vous, vous n'avez pas pu retourner à Ahmici, vous ne l'avez pas fait

 10   depuis, si ce n'est pour contempler ce qu'il en restait ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Il m'était impossible de

 12   rentrer, les lignes étaient déjà établies et la guerre sévissait entre les

 13   Croates et les Bosniens.

 14   M. Nice (interprétation). - Pourrait-on, s'il vous plaît, faire

 15   passer au témoin la carte 1593.1 ?

 16   Les Juges s'apercevront qu'il y a sur cette carte cette forme

 17   blanche de forme irrégulière. Il faut retourner la carte. En fait, cet

 18   espace se trouve vers la mosquée d'Ahmici. La carte nous indique plus

 19   précisément ce que l'on trouve au nord-est de ce secteur du village

 20   d'Ahmici.

 21   Monsieur Ahmic, rapidement si vous le pouvez, indiquez-nous ce

 22   que représentent les différentes lettres et chiffres qui apparaissent.

 23   Quelles sont les indications qui apparaissent sur la carte ? Prenez le

 24   pointeur et dites-nous, par exemple, ce que représente le chiffre 55.

 25   M. Ahmic (interprétation). - C'est la maison de Sukrija Ahmic.


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  1   La lettre K désigne l'entrepôt de Vlatko Kupreskic. La lettre C...

  2   M. le Président (interprétation). - Maître Nice, pardon,

  3   Monsieur Ahmic, de vous interrompre ainsi. Mais, Maître Nice, quelle est

  4   la pertinence de tout ceci ?

  5   M. Nice (interprétation). - J’allais ensuite me pencher sur les

  6   photographies qui font suite à celle-ci et montrer le degré de destruction

  7   apporté aux maisons musulmanes, par opposition aux maisons croates qui

  8   n'ont souffert d'aucun dommage. Cela ne va pas se prolonger outre mesure,

  9   Monsieur le Président.

 10   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 11   M. Nice (interprétation). -  Puis nous avons comme autres

 12   maisons K, C et J. Nous avons déjà parlé du K et du C ; et le J, qu'est-ce

 13   que cela représentait ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - C indique la maison de

 15   Zoran Kupreskic, J la maison de son oncle, alors qu'ici se trouve la

 16   maison de Miro et de son père Anto Kupreskic.

 17   M. Nice (interprétation). - Je vous remercie. Je vais vous

 18   demander d'examiner maintenant un des deux albums de photos. Nous allons

 19   l'examiner rapidement. Nous avons effectivement des sommaires au début de

 20   chacun d'eux. Il s'agit ici de la pièce 1593A.

 21   Messieurs les Juges, le témoin a examiné ces photographies et

 22   l'index, ou le sommaire, peut servir d'éléments de déposition, si ceci est

 23   accepté par la Chambre, dans l'intérêt d'une administration rapide de la

 24   preuve. Nous pourrons parcourir rapidement ces photos pour voir les

 25   maisons qui ont été détruites et pour nous arrêter à la quatrième de ces


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  1   photographies.

  2   M. le Président (interprétation). - Il serait peut-être utile de

  3   parcourir ces photographies.

  4   M. Nice (interprétation). - Fort bien. Eh bien, placez la

  5   photographie sur le rétroprojecteur.

  6   M. le Président (interprétation). - Parcourez-les simplement.

  7   M. Nice (interprétation). - Oui. Nous avons la photographie

  8   numéro 1. La deuxième, la troisième qui montrent des maisons détruites à

  9   Ahmici. La maison de Fatima  Patkovic, celle de Esad Ahmic et sans doute

 10   de Husein Ahmic.

 11   La quatrième photo, ainsi que la cinquième, la sixième, la

 12   septième et la huitième nous montrent la mosquée d'Ahmici-le-Haut. La

 13   photo numéro 9 montre les maisons de Nermin Kermo et de Nesim Ahmic,

 14   toutes les deux furent détruites. La photographie 10, celle de

 15   Mithat Berbic. La photo 11, celle de Jahija Pezer à Grabovi, qui est un

 16   quartier d'Ahmici. La 12, la maison de Sukrija Ahmic. Je ne pense pas

 17   qu'on ait besoin de regarder la treizième. Photo 14, c'est la maison qui

 18   n'a pas subi de dégâts de Valtko Kupreskic. Nous avons vu l'emplacement

 19   général de cette maison. La photo 15 est la maison de Hazim Ahmic. Il y a

 20   des indications qui montrent que sur ce mur que 'Tout Turc qui vient

 21   sera...".

 22   M. Stein (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il en est pour

 23   la procédure, mais s'agissant de la photo 15 et d'autres photos où l'on

 24   voit des indications, des graffitis pour ainsi dire, sur les murs, il

 25   serait important de constater que ce témoin n'est pas retourné à Ahmici


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  1   depuis le 16 avril 1993 et nous ne savons pas du tout à quel moment ces

  2   différentes annotations ou graffitis ont été apposés sur ces murs. Mais

  3   sans doute après les faits.

  4   M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous l'apprendrons.

  5   Nous allons savoir à quel moment les photos ont été prises en temps voulu.

  6   M. Nice (interprétation). - En temps voulu. Je pense

  7   effectivement que le témoin est retourné, mais pas pour y vivre à Ahmici.

  8   17, l'école, 18, la maison de Hazim Ahmic. 19, la mosquée, celle qui a le

  9   minaret. Mais ce minaret gît au sol, à l'horizontal. La photo 20, la

 10   mosquée d'Ahmici-le-Bas et la photo 21... Excusez-moi, 22, ce sont les

 11   graffitis. Je comprends tout à fait la remarque faite par Me Stein, il

 12   faudra bien sûr voir à quel moment ces graffitis ont été posés, qui disent

 13   "Good bye Balija".

 14   Et nous avons une photo plus grande qui montre sur le mur "24

 15   heures de cendres" apposé à la discothèque, 24 c'est la maison de

 16   Abdulah Ahmic. 25, celle de Sefer Ahmic, 26, la mosquée une fois de plus

 17   où on voit le terme "Croatie" indiqué sur le mur. 27, la maison sur la

 18   gauche, celle de Nedzib Ahmic, celle de droite étant la maison de

 19   Zijad Ahmic.

 20   Photo 28, la maison de Husein Ahmic, photo 29, la maison de

 21   Diet Bilic, photo 30, la maison de Fehim Ahmic, 31:.. Pardon, la photo 30

 22   est la photo de Hilmija Ahmic. La photo suivante de Fehim Ahmic. La

 23   photo 32, celle de Sidija Ahmic. Photo 33, la maison de Redzo Pezer avec

 24   l'indication de "Joyeux Noël Balija ! Dans ce beau village ce sera la même

 25   chose".


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  1   Photo 34, "Seuls 117 morts -c'est ce qui est indiqué sur le mur

  2   de cette maison-, pays prêt, danger de mort, attention s'il vous plaît".

  3   Photo suivante, la maison de Sakir Ahmic et il n'est pas utile

  4   d'examiner la photo 36.

  5   Il y a un deuxième album, plus petit, en noir et blanc.

  6   M. Stein (interprétation). – Excusez-moi, pas d'objection quant

  7   à la recevabilité de ces photos mais, étant donné que ce sont des Juges

  8   professionnels que nous avons devant nous, je soulève une objection quant

  9   au langage qui est amené. Et je pense que la Chambre doit en tenir compte.

 10   M. Nice (interprétation). - J'ai demandé que le témoin examine

 11   ce deuxième album plus petit en noir et blanc. Il y a une indication

 12   individuelle.

 13   M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas cet album.

 14   M. Nice (interprétation). - Nous avions fourni cet album hier,

 15   il devait vous être présenté. Ceci a été distribué à la défense. Oh !

 16   Excusez-moi, je croyais que c'était le cas, mais cela ne l'a pas été.

 17   Mais il y a les photos de maisons qui n'ont pas subi de dégâts,

 18   en tout cas, excusez-moi, du minaret et effectivement des maisons qui

 19   n'ont pas subi de dégâts et de quelques-unes des photographies de familles

 20   que le témoin nous a fournies.

 21   M. le Président (interprétation). - Quelle est la cote ?

 22   M. Nice (interprétation). - Eh bien, chacune de ces photos a

 23   reçu une cote. On trouve ces cotes 1531, 1749, ainsi de suite. Il serait

 24   peut-être utile de donner une cote collective. J'y veillerai si vous

 25   estimez que c'est nécessaire, je le ferai au moment de la pause et je vous


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  1   en informerai. Ce sera sans doute plus commode d'avoir une cote

  2   collective. Je crois que la chose la plus raisonnable serait de lui

  3   attribuer la cote 1593B.

  4   M. le Président (interprétation). - Merci.

  5   M. Nice (interprétation). - Je vais passer rapidement en revue

  6   pour aller directement à la deuxième photographie où il y a un graffiti,

  7   puis vous avez le minaret qui n'a pas subi de dégâts.

  8   Troisième photo : ce sont les dégâts après l'attaque du

  9   28 octobre. Vous voyez que c'est au sommet du minaret qu'il y a des

 10   dégâts. On ne le voit pas vraiment, bien sûr, la photo mais vous en avez

 11   entendu parler.

 12   Photo suivante : il s'agit de la maison de Dragan et Ivo Papic.

 13   Nous en avons entendu parler. Ce sont des Croates.

 14   Photo suivante, c'est le magasin ou plus exactement l'entrepôt,

 15   qui n'a pas subi de dégâts, des Kupreskic.

 16   Photo suivante de deux maisons intactes : ce sont les maisons

 17   intactes d’Ivica Kupreskic et de Zoran Kupreskic.

 18   Photo suivante, nous voyons la maison intacte de Mirjan et de

 19   son père Anto Kupreskic.

 20   Je vais demander au témoin s'il peut examiner les photos

 21   suivantes : 1532.3. Est-ce que vous pourriez nous dire quoi que ce soit à

 22   propos de ces maisons ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - C'est la maison d'un boucher qu'on

 24   appelait "Gilo". Ici se trouvait le magasin. La troisième maison, derrière

 25   celle-ci, c'est dans cette maison que nous avons été emmenés ainsi que les


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  1   femmes. Par la suite, on nous a emmenés à Dubravica. Donc de ce côté-là,

  2   la troisième maison de ce côté là.

  3   Cela, c'est la route principale Vitez-Busovaca.

  4   M. Nice (interprétation). - S'ensuivent des photos de feu votre

  5   frère, feu votre mère lorsqu'elle était jeune, feu votre frère, votre mère

  6   qui est décédée. Mais là, la photo est prise alors qu'elle était jeune, et

  7   d'autres membres de votre famille. Ce sont les dernières photographies.

  8   Vous ne nous l'avez pas encore dit, mais apparemment vous aviez

  9   laissé votre mère et votre soeur à la maison et apparemment elles ont été

 10   tuées.

 11   Laissez la dernière photo s'il vous plaît, Monsieur l'Huissier.

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, elles ont été tuées à

 13   Gornji Ahrmici, Ahmici-le-Haut. Ma mère et ma soeur. Je l'ai conclu

 14   d'après ce que Bob Stewart a dit, le commandant du Britbat.

 15   CNN a fait un reportage et il commentait une maison en disant

 16   que c'est là qu'une femme avec ses filles avaient été tuées. Et puisque

 17   cette femme ne peut être... cela ne peut être que la maison où elles ont

 18   été tuées -c'est la maison de Zijad Ahmic et de son fils Husein. C'est ce

 19   que j'ai pu conclure d'après ce que j'ai vu à la télévision. J'ai vu les

 20   photos de cette maison tout à l'heure.

 21   M. Robinson (interprétation). – Maître Nice, en tout état de

 22   cause, le témoin ne les a pas vues depuis cette époque-là ?

 23   M. Nice (interprétation). - Et qui cette photographie montre-t-

 24   elle, Monsieur Ahmic, la photo que nous sommes en train d'examiner ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - C'est ma seule Alma, le fils de mon


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  1   oncle, Samir, qui a également été tué, durant l'attaque du 16 avril.

  2   C'est ma cousine. Ces deux enfants ne font pas partie de ma

  3   famille. Il s'agissait d'un anniversaire à Vitez.

  4   M. Nice (interprétation). - Je vous remercie. Enfin, en guise de

  5   carte, je ne vais pas vous demander d'entrer dans le détail puisque vous

  6   en avez déjà parlé précédemment, et de toute façon on pourra vous poser

  7   des questions à ce propos. Est-ce que le témoin peut voir la pièce 1979 ?

  8   Il faudrait d'abord peut-être ouvrir la grande carte afin de

  9   bien situer la plus petite. Je vous montre d'abord la grande carte qu'il

 10   faudrait montrer au témoin. Veuillez l'ouvrir, la placer sur le

 11   rétroprojecteur. Veuillez désormais placer l'autre carte, Monsieur

 12   l'Huissier : au-dessus de celle-là, de nouveau à l'envers, et nous verrons

 13   le rapport qu'il y a entre les deux cartes. Est-ce que cette carte ne

 14   montre pas, Monsieur Ahmic, la zone qui se situe entre Ahmici et Santici ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est le quartier qu'on

 16   appelle Zume, qui fait partie de Santici, du village de Santici.

 17   M. Nice (interprétation). - Plusieurs maisons ont été indiquées.

 18   Est-ce que vous pourriez, si on vous posait la question, parler de

 19   beaucoup sinon de toutes ces maisons et nous dire qui vivaient dans ces

 20   maisons à cette époque ? Je ne vais pas vous poser de questions mais si on

 21   vous posait la question, si quelqu'un d'autre vous posait la question,

 22   est-ce que vous pourriez parler en détail de beaucoup de ces maisons ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr, pas de problème.

 24   M. Nice (interprétation). - Je vous remercie. Ma dernière

 25   question sera celle-ci : Me Stein va peut-être vouloir examiner la page 8


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  1   de la déclaration préalable en date du 3 février. Il y avait plusieurs

  2   commandants différents qui étaient responsables des localités

  3   respectives : Nadioci, ainsi de suite. Est-ce bien exact ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - C'est à moi que vous posez la

  5   question ?

  6   M. Nice (interprétation). - Effectivement.

  7   M. Ahmic (interprétation). - Dans les déclarations, j'ai cité

  8   les noms des commandants au niveau local, les commandants de Nadioci,

  9   Santici, etc. Je peux les citer de nouveau si vous voulez. A Nadioci, je

 10   sais que c'était Branko, je ne me souviens plus de son nom de famille…

 11   Perkovic, il me semble que c'était Branko Perkovic. A Grabovi, le

 12   commandant était Zoran Kupreskic. A Zume, Nenad Santic, alors que

 13   Slavko Milicevic était dans mon quartier de Krcevine. Il était un

 14   commandant haut placé, il se rendait souvent à Vitez. Il circulait

 15   souvent, il conduisait une camionnette de couleur verte.

 16   M. Nice (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Est-ce

 17   que ces hommes, vous les connaissiez avant l'attaque du 16 avril 1993 ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je les connaissais tous.

 19   M. Nice (interprétation). - Est-ce qu'on pouvait les distinguer,

 20   les différencier les uns des autres du fait du caractère assez extrémiste

 21   de leurs opinions politiques ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que Papic, qui était le

 23   responsable de Zume, était un peu plus modéré. C'est lui qui a sauvé la

 24   vie de plusieurs femmes et enfants de Zume. C'est pour cela que je pense

 25   qu'il était plus modéré.


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  1   M. Nice (interprétation). - Je ne vous demande pas votre avis,

  2   excusez-moi, Monsieur le Témoin, non pas que cela ne m'intéresse pas, mais

  3   ce n'est peut-être pas le moment d'exprimer votre opinion ici. Mais

  4   pourriez-vous continuer votre réponse ? Vous avez parlé du fait qu'il

  5   était moins extrémiste, du fait qu'il était plus modéré et qu'il avait

  6   aidé à sauver des femmes et des enfants dans cette localité. Mais

  7   s'agissant des autres localités, quels étaient les avis politiques des

  8   autres commandants ?

  9   M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ceci

 10   nous soit d'une quelconque utilité.

 11   M. Nice (interprétation). - Fort bien. Eh bien, je pense que

 12   c'est à peu près tout ce que je voulais vous poser comme question. Je vous

 13   remercie.

 14   M. Robinson (interprétation). - Maître Nice, je ne sais pas si

 15   la question que je vais soulever a une importance au niveau de

 16   l'administration de la preuve, mais il y a un intérêt humain et je ne

 17   résiste pas à la tentation de la poser.

 18   Hier, le témoin nous a dit dans le cadre de sa déposition que,

 19   le 16 avril, lorsque les soldats s'approchaient de sa maison, il a reconnu

 20   la voix d'un de ses voisins croates. Je crois qu'il a parlé d'Ivo Papic.

 21   Ce voisin a poussé apparemment les soldats à se diriger vers sa maison. Ce

 22   que je voulais apprendre, c'était le type de rapports qu'il avait avec ses

 23   voisins avant ces événements.

 24   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, on peut dire que,

 25   jusqu'en 1992, les relations étaient bonnes et les relations sont devenues


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  1   tendues, les relations au sens général du terme. Cela a entraîné des

  2   tensions entre nous, les voisins, également.

  3   M. Nice (interprétation). - Vous parlez d'une détérioration de

  4   ces relations. Est-ce que c'était propre à vous et à ce voisin-là, ou est-

  5   ce que ceci valait aussi pour la détérioration d'autres relations que vous

  6   auriez eues avec d'autres Croates qui vivaient dans votre village ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Les relations en termes généraux se

  8   sont modifiées, mais on peut dire que c'était avant tout du chef des

  9   Croates. Ce sont eux qui cherchaient à se séparer, ce sont eux qui avaient

 10   un objectif et nous avons pu comprendre cela, c'est qu'ils se détournaient

 11   de plus en plus de nous, ils avaient des buts qu'ils poursuivaient, très

 12   vraisemblablement.

 13   M. Nice (interprétation). - Hormis cette recrudescence des

 14   tensions de façon générale entre les deux communautés, est-ce qu'il y a eu

 15   des incidents spécifiques qui auraient entraîné cette détérioration des

 16   relations que vous aviez vous-même avec Ivo Papic ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non, il n'y avait rien eu de

 18   concret, mais, généralement parlant, ces relations se sont refroidies, pas

 19   seulement entre nous, mais pour l'ensemble de la population d'Ahmici,

 20   voire ailleurs.

 21   M. Nice (interprétation). - J'espère que ceci a apporté quelques

 22   éclaircissements.

 23   M. Robinson (interprétation). - Effectivement, je vous remercie.

 24   M. le Président (interprétation). - Maître Stein, inutile de

 25   vous le rappeler, mais je dois quand même le dire en public, des témoins


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  1   qui ont connu de telles expériences, eh bien, devraient faire l'objet de

  2   la plus grande courtoisie au moment du contre-interrogatoire qui devrait

  3   être rapide.

  4   M. Stein (interprétation). - Effectivement, je n'aurai pas

  5   besoin de le faire. Qu'en est-il du temps qui nous est réservé ce matin,

  6   Monsieur le Président ?

  7   M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous allons faire

  8   la pause vers 11 heures 30.

  9   M. Stein (interprétation). - Je vous remercie. Je m'appelle

 10   Bob Stein. Je défends Dario Kordic. J'aimerais d'abord savoir si vous

 11   parlez ou si vous lisez l'anglais ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Très peu, je ne parle pas

 13   l'anglais, je ne le lis pas, mais je l'ai appris un petit peu à l'école.

 14   M. Stein (interprétation). - Malheureusement, je n'ai pas reçu

 15   l'interprétation, un problème d'écouteur, apparemment.

 16   M. le Président (interprétation). - Peut-on répéter la réponse,

 17   s'il vous plaît ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je ne parle pas l'anglais, je ne le

 19   lis pas non plus, mais je le connais un petit peu, très peu en fait parce

 20   que je l'ai appris au lycée.

 21   M. Stein (interprétation). - Fort bien. S'il y a des questions

 22   que je vous pose que vous ne comprendriez pas, n'hésitez pas à me le faire

 23   savoir, je me ferai un plaisir de répéter.

 24   M. Ahmic (interprétation). - Très bien.

 25   M. Stein (interprétation). - Hier, dans le cadre de vos


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  1   dépositions, vous avez dit qu'avant les élections, les rapports entre vos

  2   voisins et vous-même étaient, je vous cite "assez bons". Voici ma

  3   question. Qu'entendiez-vous par "relativement bons, assez bons "?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Relativement bons, eh bien,

  5   pourquoi ? Parce que nous n'avions pas des relations excellentes, donc on

  6   peut dire "relativement", on peut employer ce terme-là.

  7   M. Stein (interprétation). - Est-ce que cela veut dire que

  8   certains de ces rapports n'étaient pas bons ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Cela dépend selon les cas.

 10   M. Stein (interprétation). - Est-ce que vous pourriez me donner

 11   quelques exemples, exemples de rapports qui, suivant les cas, différaient

 12   et qui montreraient que les rapports dans ce cas-là n'étaient pas bons ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Je peux vous dire un exemple

 14   concernant les Croates de Bosnie. Pour la plupart, ils avaient un

 15   comportement qui était tel qu'ils ne voulaient pas entretenir

 16   d'excellentes relations avec nous. En fait, ils restaient repliés sur eux,

 17   enfermés -comment dire ?-, oui, entre eux. Donc, comment dire ?, donc ils

 18   étaient entre eux. C'est pour cela que j'ai dit que ces relations étaient

 19   "relativement bonnes".

 20   M. Stein (interprétation). - Est-ce que je peux comprendre

 21   ceci ? En tant qu'enfant ou adolescent, vous avez été à des écoles qui

 22   étaient régies par le système communiste, le système communiste

 23   constituant l'autorité politique à l'époque en Bosnie.

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je suis allé à l'école.

 25   M. Stein (interprétation). - Parce que, si j'ai bien compris, ce


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  1   que l'on enseignait comme doctrine à l'école, sous les auspices du système

  2   communiste, c'était que tous les citoyens de Bosnie étaient des frères et

  3   devaient être traités sur un même plan d'égalité.

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Stein (interprétation). - Et si quelqu'un n'adoptait pas ce

  6   comportement, cela était condamné par le système politique.

  7   M. Ahmic (interprétation). - Pas tout à fait, pas tout à fait

  8   dans sa totalité.

  9   M. Stein (interprétation). - Pourriez-vous me fournir un exemple

 10   de la façon dont des personnes qui se seraient exprimées contre ce système

 11   de communisme et de fraternité étaient traitées ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y a eu des condamnations,

 13   et pas peu.

 14   M. Stein (interprétation). - Et par qui ces condamnations ont-

 15   elles été prononcées ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Par le pouvoir communiste.

 17   M. Stein (interprétation). - Bien. Ce qui veut dire que le

 18   gouvernement estimait que tout le monde devait être traité sur un même

 19   pied d'égalité, mais que ceux qui ne se conformaient pas à cette doctrine,

 20   eh bien, étaient condamnés. Est-ce bien exact ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 22   M. Stein (interprétation). - Par conséquent, ce qu'il y avait

 23   dans le corps, dans l'esprit, dans les émotions de qui que ce soit devait

 24   être réprimé parce que le système communiste nécessitait ce grand degré de

 25   fraternité. Est-ce bien exact ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - On pourrait dire ainsi.

  2   M. Stein (interprétation). - Pourquoi est-ce que vous avez

  3   démissionné ou que vous vous êtes retiré du parti du SDA avant la guerre ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Il n'y a pas eu de raison

  5   particulière, mais en fait, on pouvait changer de parti. On peut dire que

  6   je préférais le parti SDP.

  7   M. Stein (interprétation). - Pourriez-vous nous dire pourquoi ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Ce que je suis en train de dire,

  9   c'est qu'on était libre de passer d'un parti à l'autre parce qu'un

 10   programme d'un autre parti, donc, nous paraît meilleur.

 11   M. Stein (interprétation). - Et qu'est-ce qui vous a attiré plus

 12   particulièrement dans le programme politique de cet autre parti ? Ce sera

 13   ma dernière question sur ce sujet.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas changé de parti, je ne

 15   suis pas rentré dans le SDP, mais j'ai quitté le parti SDA.

 16   M. Stein (interprétation). - Fort bien, Monsieur. Est-ce que je

 17   peux comprendre ceci : le fait de rejoindre la Défense territoriale

 18   n'était pas quelque chose d'obligatoire ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Au début, non.

 20   M. Stein (interprétation). - Vous, lorsque vous avez rejoint la

 21   Défense territoriale, l'avez-vous fait de votre plein gré ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 23   M. Stein (interprétation). - Et pour aller un peu plus loin,

 24   est-ce que je peux dire que lorsque la Défense territoriale a été formée,

 25   les Musulmans pouvaient rejoindre les rangs du HVO pour ce qui les


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  1   concernait ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   M. Stein (interprétation). - Est-ce que le HVO a demandé que des

  4   Musulmans rejoignent ses rangs ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Non, cela n'a pas été demandé, mais

  6   avant le conflit du 16, du 16 avril 1993, il y a eu un ultimatum. L'armée

  7   de Bosnie-Herzégovine en Bosnie centrale devait se placer sous le

  8   commandement du HVO.

  9   M. Stein (interprétation). - Peut-être que mes questions vous

 10   induisent en erreur. Passons au mois d'avril 1992. Pouvons-nous dire qu'à

 11   cette époque-là le HVO a, en fait, demandé aux Musulmans de rejoindre ses

 12   rangs ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Non, non.

 14   M. Stein (interprétation). - Monsieur, je vais donner quelques

 15   indications aux membres de l'accusation et à vous-même. Je vous renvoie à

 16   votre déclaration en date du 1er février 1997, page 2. Peut-être que

 17   Me Nice et moi-même pouvons nous mettre d'accord sans avoir besoin

 18   d'entamer des débats sans fin.

 19   Je vais citer : "Les Musulmans avaient la possibilité de

 20   rejoindre les rangs du HVO. A l'époque, le HVO a demandé aux Musulmans de

 21   rejoindre leurs rangs mais les Musulmans ne l'ont pas fait." Est-ce que

 22   vous vous rappelez de cela ?

 23   M. Nice (interprétation). - Oui, j'arrive à m'y retrouver dans

 24   la version en anglais.

 25   M. Stein (interprétation). - La déclaration en anglais dit


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  1   exactement ce que j'ai dit. Donc pouvez-vous peut-être revenir sur votre

  2   réponse à la question suivante : est-ce que le HVO a demandé aux Musulmans

  3   de rejoindre ses rangs ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - C'était possible dans des contacts

  5   entre les gens qui se connaissaient, donc vraisemblablement c'est à titre

  6   volontaire qu'il y a eu des gens qui sont rentrés dans le HVO. Mais qu'il

  7   y ait eu appel public lancé par les médias, je doute qu'il y en ait eu.

  8   C'étaient des cas isolés entre les gens qui se connaissaient, donc ils

  9   appelaient l'un l'autre à venir rejoindre les rangs.

 10   M. Stein (interprétation). - Très bien, Monsieur. Est-ce que

 11   vous seriez également d'accord pour dire que, parmi les vôtres, l'opinion

 12   prédominante était qu'il n'était pas normal que la majorité rejoigne les

 13   rangs de la minorité ? Là encore, je m'inspire directement de votre

 14   déclaration, même date, page 2, dernière ligne.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 16   M. Stein (interprétation). - Et puis-je conclure, Monsieur, que

 17   de façon générale, dans le courant du mois d'octobre 1992, 20 soldats du

 18   HVO demeuraient à Ahmici ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 20   M. Stein (interprétation). - Et chaque nuit, ils patrouillaient

 21   dans le village, n'est-ce pas ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 23   M. Stein (interprétation). - Ils patrouillaient dans le village

 24   afin de le protéger de toute attaque chetnik, n'est-ce pas ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était uniquement provisoire.


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  1   M. Stein (interprétation). - Très bien. D'autre part, ai-je

  2   raison de penser qu'avant que votre frère ne devienne commandant de la

  3   Défense territoriale locale, Faud Berbic, pardon, Fuad Berbic était le

  4   commandant de l'unité locale de la Défense territoriale ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Fuad.

  6   M. Stein (interprétation). - Oui, c'est moi qui me suis trompé,

  7   FUAD, c'est exact. Sommes-nous d'accord sur ce point, Monsieur ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Stein (interprétation). – Et sous son commandement, ainsi que

 10   sous le commandement de votre frère, il y avait environ 120 hommes qui

 11   composaient les forces de défense de votre village ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 13   M. Stein (interprétation). – Certains de ces individus

 14   disposaient d'uniformes de camouflage qu'ils s'étaient eux-mêmes

 15   confectionnés, n'est-ce pas ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 17   M. Stein (interprétation). – D'autres de ces personnes n'avaient

 18   aucun uniforme du tout ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 20   M. Stein (interprétation). – En fait, un tiers de ces 120 hommes

 21   portait des armes, n'est-ce pas ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 23   M. Stein (interprétation). – Donc si j'ai bien saisi la

 24   situation, il y a là des individus qui portent des uniformes de

 25   camouflage, il y a des individus qui n'en portent pas. C'est bien cela ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Stein (interprétation). – Et puis il y a des individus qui

  3   sont armés tandis que d'autres n'ont pas d'armes ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Oui

  5   M. Stein (interprétation). – En conséquence, je peux dire que

  6   lorsque ces individus patrouillaient dans le village, certains de ces

  7   individus étaient à la fois vêtus d'uniformes de camouflage et armés…,

  8   vous me suivez ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 10   M. Stein (interprétation). – Pardon, alors que d'autres

 11   individus avaient une arme par exemple mais pas d'uniforme de camouflage ?

 12   M. Ahmic (interprétation). -  Oui.

 13   M. Stein (interprétation). – D'autre part, certains individus

 14   n'avaient ni arme ni uniforme de camouflage ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est possible aussi.

 16   M. Stein (interprétation). – Et certains individus avaient

 17   simplement un uniforme de camouflage et ne portaient pas d'armes ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Cela dépendait, cela variait d'un

 19   homme à l'autre. Ce n'est pas très important.

 20   M. Stein (interprétation). – Tout à fait. Ceci étant dit,

 21   certains des individus étaient armés et certains étaient revêtus de

 22   camouflage, d'autres ne l'étaient pas, mais tous patrouillaient dans le

 23   village. Cela faisait partie de leurs activités de défense, n'est-ce pas ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, puisque les Croates avaient

 25   leur patrouille à eux, et nous aussi on avait nos patrouilles.


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  1   M. Stein (interprétation). – Très bien. La situation que je

  2   viens de décrire prévalait en 1992 et 1993, notamment au mois d'avril,

  3   n'est-ce pas ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Non. On peut dire jusqu'à l'attaque

  5   du 20 octobre 1992, car s'agissant de ces patrouilles, dans le Bas-Ahmici,

  6   nous avons dû terminer, arrêter de patrouiller. Tel a été l'ordre du HVO.

  7   M. Stein (interprétation). – Monsieur, je vais vous renvoyer,

  8   ainsi que les membres de l'accusation, à votre déclaration du

  9   1er février 1997. Cette fois-ci, c'est la page 5, paragraphe 24, qui

 10   m'intéresse. Dans ce paragraphe il est indiqué : "En 1993, il y avait

 11   toujours une garde du village dans le village d'Ahmici. Cette garde

 12   fonctionnait de la même façon qu'elle le faisait en 1992 ".

 13   Maître Nice, je cite correctement n'est-ce pas ? Je répète qu'il

 14   s'agit de la page 5 de la déclaration préalable du 1er février 1997 du

 15   témoin.

 16   M. Nice (interprétation). -  Je confirme cela.

 17   M. Stein (interprétation). – Cette déclaration figure maintenant

 18   dans le compte rendu. Monsieur, pouvez-vous confirmer ce que vous avez dit

 19   à l'époque ou souhaitez -vous modifier cette réponse ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Ces gardes fonctionnaient dans le

 21   Haut-Ahmici normalement, comme auparavant. Cependant, dans le Bas-Ahmici,

 22   certes, on patrouillait encore, il y avait encore des gardes, mais c'était

 23   en cachette et si on portait une arme, c'était éventuellement un pistolet

 24   à la ceinture.

 25   En fait, ils sortaient pour agir en cas d'attaque inattendue,


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  1   attaque surprise et simplement pour en informer la population.

  2   M. Bennouna. – Maître Stein, je crois pour éclairer la Chambre

  3   que l'on pourrait peut-être demander au témoin pourquoi il y avait une

  4   différence dans ces patrouilles, en tout cas dans leur maintien à cette

  5   époque-là, en 1993, une différence entre Ahmici-le-Haut et Ahmici-le-Bas,

  6   parce qu'apparemment, il y a une différence. Est-ce que c'est une

  7   différence qui tient à la différence de population entre les deux ou à une

  8   question de sécurité entre Ahmici-le-Haut et Ahmici-le-Bas ? Pourquoi

  9   cette différence concernant ces patrouilles ?

 10   M. Stein (interprétation). – Très bien, Monsieur le Juge.

 11   Monsieur Ahmic, vous avez entendu la question qui vous a été posée par

 12   M. le Juge Bennouna.

 13   Pouvez-vous nous dire s'il y avait deux situations qui

 14   prévalaient : une qui prévalait à Ahmici-le-Haut et une autre à Ahmici-le-

 15   Bas, et si c'était le cas, pourquoi y avait-il cette différence de

 16   situation ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Le commandement était un et un

 18   seul, mais la situation était différente parce que, dans Ahmici-le-Bas,

 19   c'était déjà le commandement du HVO qui s'était installé, donc il

 20   contrôlait notre circulation et le port d'armes ; tandis que dans Ahmici-

 21   le-Haut, il n'y avait pas de commandement établi par le HVO, donc on

 22   pouvait patrouiller normalement.

 23   M. Stein (interprétation). – Donc pour compléter votre réponse,

 24   je dirai que, dans la partie basse du village, c'était le HVO qui

 25   patrouillait alors que dans la partie supérieure du village, c'était la


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  1   Défense territoriale qui patrouillait. J'ai raison, Monsieur ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Le HVO avait des patrouilles

  3   particulièrement fortes dans Ahmici-le-Bas. Il surveillait nos

  4   déplacements et notamment le port d'armes. C'était interdit de porter des

  5   armes. Et comme je l'ai déjà dit, les patrouilles ne pouvaient sortir que

  6   clandestinement, et ce le long du chemin qui mène à l'école.

  7   Si on portait une arme, cela ne pouvait être éventuellement

  8   qu'un pistolet au moment où on sortait.

  9   M. Stein (interprétation). – Très bien. Est-ce qu'on ne peut pas

 10   dire que vous-mêmes, vous surveilliez les activités du HVO. J'entends par

 11   vous, les membres de la Défense territoriale.

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas le dire. Ce n'était

 13   pas moi le commandant. Je n'étais pas au sein de l'état-major municipal.

 14   Je ne peux pas en parler.

 15   M. Stein (interprétation). – Avec tout le respect que je vous

 16   dois, Monsieur, vous deviez forcément discuter avec votre frère des

 17   activités de la Défense territoriale et d'autres membres de la Défense

 18   territoriale devaient s'entretenir également avec vous de ces questions.

 19   Donc je vous repose la question sur la base, non pas seulement de ce que

 20   vous avez fait et vu, mais sur la base de votre connaissance générale de

 21   ce qui se passait au sein de la Défense territoriale : peut-on dire que

 22   vous aussi vous vous surveilliez les activités du HVO, de la même façon

 23   que vous surveilliez les activités de la Défense territoriale ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - D'après mes déclarations, on peut

 25   voir qu'en particulier on surveillait les activités du HVO après le


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  1   conflit du 20 octobre. A ce moment-là, les activités du HVO se sont

  2   intensifiées de manière considérable et, à ce moment-là, mon frère Muris

  3   ne faisait pas partie du commandement, que ce soit de la TO ou de l'armée

  4   de Bosnie-Herzégovine.

  5   M. Stein (interprétation). - Très bien, Monsieur. Cette

  6   surveillance à laquelle vous vous êtes livré après le mois d'octobre 1992

  7   a conduit à ce que des rapports soient communiqués aux instances

  8   supérieures, n'est-ce pas ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Rarement.

 10   M. Stein (interprétation). - Ces instances supérieures, où

 11   étaient-elles basées ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Les commandements étaient situés à

 13   Vitez, à Kruscica et à Preocica.

 14   M. Stein (interprétation). - Très bien. Je vais revenir en

 15   arrière quelques instants pour vous poser une question. Vous nous avez

 16   fait une description de la Défense territoriale. D'après ce que j'ai

 17   compris, c'était en fait une garde du village, il ne s'agissait pas du

 18   tout d'un groupe de soldats professionnels. Vous êtes d'accord avec moi ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 20   M. Stein (interprétation). - Néanmoins, en octobre 1992, vers

 21   le 19 ou le 20 octobre, votre organisation locale de patrouille a reçu un

 22   ordre lui demandant d'ériger un barrage routier afin de bloquer la

 23   circulation. Est-ce exact ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 25   M. Stein (interprétation). - D'où provenait cet ordre ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - De l'état-major de la Défense

  2   territoriale de Vitez.

  3   M. Stein (interprétation). - Dans votre déclaration préalable,

  4   en date du 3 février 1995, c'est exactement ce que vous dites, mais je

  5   m'interroge, car dans votre déclaration préalable du 25 octobre 1994, à la

  6   page 2... Je vais laisser du temps à Me Nice pour qu'il s'y retrouve. Vers

  7   le milieu de la page, aux deux tiers de la page environ, il est établi :

  8   "Nous avions reçu des ordres provenant de Sarajevo qui nous permettaient

  9   d'empêcher que ces forces se dirigent vers Travnik. C'est la raison pour

 10   laquelle nous avons érigé un barrage routier à Ahmici".

 11   Monsieur, est-ce que vous vous rappelez si l'ordre provenait de

 12   Vitez ou s'il provenait de Sarajevo, ou s'il provenait d'un autre endroit

 13   encore ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - D'après les échelons hiérarchiques,

 15   l'état-major se trouvait, l'état-major principal se trouvait à Sarajevo.

 16   Donc ce que je supposais, c'était que Sarajevo avait envoyé une

 17   information quelconque à Vitez et que c'est venu jusqu'à chez nous de

 18   Vitez.

 19   M. Stein (interprétation). - Très bien. Dans cette structure de

 20   commandement, qui aurait été la personne susceptible d'émettre un tel

 21   ordre ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Au niveau le plus haut ?

 23   M. Stein (interprétation). - Tout à fait.

 24   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je pense que c'était

 25   Sefer Halilovic à ce moment-là.


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  1   M. Stein (interprétation). - Et placée directement sous ses

  2   ordres, est-ce qu'il y aurait eu une personne susceptible de délivrer un

  3   tel ordre ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Il y avait à Vitez, je crois,

  5   Hakija Cengic à ce moment-là. Je pense que c'était lui le commandant de la

  6   TO.

  7   M. Stein (interprétation). - Je vais vous poser une question

  8   pour que tout soit très clair : savez-vous exactement de qui émanait cet

  9   ordre dont nous avons parlé ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Je ne le sais pas exactement. Je

 11   sais que cet ordre est arrivé de Vitez, de l'état-major.

 12   M. Stein (interprétation). - Très bien. Il y a un groupe qui

 13   s'appelait "Comité coordinateur pour la protection des Musulmans", n'est-

 14   ce pas exact ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je ne connais pas cela.

 16   M. Stein (interprétation). - Bien. Alors voici une autre

 17   question qui porte à peu près sur le même sujet. Est-ce qu'il aurait été

 18   possible pour le général Merdan du 7è Corps d'armée de délivrer un tel

 19   ordre, pardon, je me corrige, 3è Corps d'armée ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - A l'époque, il n'y avait pas de

 21   corps d'armée. A l'époque, on n'avait que les états-majors de la Défense

 22   territoriale à ce moment-là, les corps n'avaient pas encore été

 23   constitués.

 24   M. Stein (interprétation). - C'est juste. Alors oublions le fait

 25   de savoir si les corps étaient constitués déjà ou pas. Est-ce qu'il aurait


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  1   été possible pour Merdan de délivrer un tel ordre ?

  2   M. le Président (interprétation). - Le témoin vous a expliqué

  3   que les corps n'étaient pas encore constitués, donc ce qu'il veut dire en

  4   fait c'est que l'ordre ne pouvait pas venir de cette instance.

  5   M. Stein (interprétation). - Mais je crois qu'il y a une faille

  6   dans la logique.

  7   M. le Président (interprétation). - Tout ceci ne nous aide pas,

  8   alors poursuivons, s'il vous plaît. Vous poussez le témoin à supputer sur

  9   des choses dont il ne peut pas avoir connaissance. Il dit que l'ordre ne

 10   pouvait pas venir de cette instance.

 11   M. Stein (interprétation). - Bien. Vous vous êtes préparés à

 12   ériger ce barrage routier. Vous avez dû également, n'est-ce pas,

 13   rassembler des mines terrestres, n'est-ce pas ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. Stein (interprétation). - Ces mines avaient été prises dans

 16   un entrepôt avant le 20 octobre, je crois ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - L'entrepôt n'existait pas, il n'y

 18   en avait pas du tout.

 19   M. Stein (interprétation). - Ces mines, où étaient-elle

 20   entreposées avant les événements du 20 octobre ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je ne le sais pas, je n'en ai pas

 22   connaissance, mais ces mines, pour autant que je le sache, ont été

 23   apportées de l'entrepôt militaire de Slimena près de Travnik au moment où

 24   cela a sauté, cela a été apporté de là-bas, mais je ne sais pas exactement

 25   qui les a transportées ni ou elles ont été entreposées.


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  1   M. Stein (interprétation). - Bien. D'après ce que j'ai compris,

  2   en fait, la JNA en quittant les lieux a laissé ses mines derrière elle.

  3   Vos troupes se sont emparé de ces mines, les ont entreposées dans des

  4   maisons individuelles jusqu'à ce que le besoin se fasse sentir de les

  5   utiliser.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Pour ce qui est de cet entrepôt, la

  7   JNA l'a fait sauter. Il y a eu une lutte acharnée entre les Croates et les

  8   Musulmans de Bosnie au sujet de ces mines, chacun voulait en avoir

  9   davantage. Ce sont les Croates, je pense, qui en ont eu plus. Et à

 10   différents endroits, ils ont placé des barrages. Si c'étaient les

 11   Bosniaques qui avaient pris les armes, ils les leur reprenaient. Et sur la

 12   ligne allant de Bila à Vitez, sur toute cette distance.

 13   Donc s'agissant de cela, de ces mines, ce sont les Croates qui

 14   ont réussi à s'emparer de davantage d'armes de cet entrepôt.

 15   M. Stein (interprétation). – Je vais tâcher d'être plus clair,

 16   Monsieur. Toutes les armes dont vous disposiez étaient entreposées dans

 17   des maisons individuelles, par opposition à un entrepôt commun. Je parle

 18   des mines et de toutes les armes que vous aviez à votre disposition

 19   également.

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 21   M. Stein (interprétation). – Bien. Parmi les préparatifs qui ont

 22   précédé le barrage routier du 20 octobre, comprenait notamment le fait de

 23   creuser des tranchées.

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Mais nous n'avons creusé que

 25   très peu de tranchées, uniquement près du barrage, pour protéger la


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  1   population, en fait pour protéger les gens qui devaient être placés à ce

  2   barrage.

  3   M. Stein (interprétation). – D'un côté du barrage routier, il y

  4   avait le cimetière catholique, n'est-ce pas ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  6   M. Stein (interprétation). – Et vous avez creusé des tranchées

  7   dans le cimetière catholique même, n'est-ce pas ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Non, cela n'est pas exact parce

  9   que, de jour, les Croates se rendaient sur place et ils sont revenus, ils

 10   n'ont pas pu constater qu'il y avait eu creusement de tranchée. Ils n'ont

 11   pas pu le constater puisque cela n'avait pas eu lieu. C'est de l'autre

 12   côté de la route qu'on a creusé des tranchées.

 13   M. Stein (interprétation). – Est-ce que vous vous êtes servi

 14   d'une partie quelconque du cimetière catholique, dans le cadre de vos

 15   préparatifs ? De protection ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Je n'en ai pas connaissance parce

 17   que, moi-même, je n'ai pas été à ce barrage. Ce que je sais, néanmoins,

 18   c'est que les tranchées n'ont pas été creusées à l'endroit où se trouve le

 19   cimetière catholique, cela n'est pas possible.

 20   M. Stein (interprétation). – Les hommes qui surveillaient le

 21   barrage routier, les hommes qui provenaient de votre village, ont été

 22   rejoints par d'autres villageois qui devaient renforcer les effectifs,

 23   n'est-ce pas ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Au niveau du barrage, c'était

 25   uniquement les gens de notre village, mais pour protéger le village, oui,


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  1   il y a eu des personnes venant d'ailleurs qui sont venues nous apporter de

  2   l'aide.

  3   M. Stein (interprétation). – Pardon, peut-être que tout n'est

  4   pas très clair pour moi. Peut-être que des villageois sont venus d'autres

  5   villages pour être protégés, enfin c'est le terme que vous avez utilisé, 

  6   je crois.

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui, les gens sont venus du village

  8   de Vrhovine. C'était un petit nombre de personnes qui sont venues nous

  9   aider afin de protéger notre village.

 10   M. Stein (interprétation). – Est-ce que ces villageois étaient à

 11   proximité du barrage routier, d'après ce que vous avez appris ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Non. Pour autant que je le sache,

 13   non.

 14   M. Stein (interprétation). – Il y avait environ deux

 15   cents villageois qui sont arrivés afin de vous aider à protéger Ahmici,

 16   n'est-ce pas ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non, je n'ai pas dit deux cents.

 18   J'ai dit pas plus que cent, donc s'agissant de ces personnes venues

 19   d'ailleurs afin de nous aider.

 20   M. Stein (interprétation). – Bien. Monsieur, j'accepte votre

 21   réponse. Ces personnes qui sont venues vous aider portaient pour certaines

 22   d'entre elles des uniformes de camouflage, n'est-ce pas ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Stein (interprétation). – Et certaines de ces personnes

 25   étaient armées ?


Page 3629

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Stein (interprétation). – Poursuivons avec cette série de

  3   questions. Je vais me pencher sur la pièce qui fait partie du lot 1593B.

  4   C'est la pièce qui est en fait une photographie du minaret, la

  5   pièce 21479A. Je crois qu'elle vous a été présentée tout à l'heure et que

  6   vous l'avez peut-être à vos côtés.

  7   Je vais commencer par vous poser la question suivante. On a

  8   l'impression que, dans le côté en bas à gauche de la photo, on aperçoit un

  9   autre petit minaret. Est-ce que ce minaret est dans l'enceinte du

 10   village ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Ce minaret qui est un peu plus

 12   petit était sur la plus petite des mosquées. Il a été construit par ajout.

 13   Il y en avait un autre, également, mais qui est plus petit. C'est un

 14   minaret qui est plus petit, mais ce n'est pas une autre mosquée.

 15   M. Stein (interprétation). – Très bien. Le minaret qui est au

 16   premier plan, ce minaret qui est très grand, si l'on regarde la partie

 17   supérieure du minaret à l'endroit que j'indique maintenant, regardez

 18   l'endroit que je vous indique ... Donc si l'on regarde cette partie du

 19   minaret, on s'aperçoit qu'il y a une espèce de micro ou de haut-parleur

 20   qui apparaît. C'est bien cela ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, tout à fait.

 22   M. Stein (interprétation). – Est-ce que c'est par le biais de

 23   ces haut-parleurs que l'appel à la prière était lancé à l'intention de la

 24   communauté musulmane ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Stein (interprétation). – Ce minaret qui porte ces haut-

  2   parleurs était-il également utilisé pour diffuser des annonces publiques

  3   visant à informer les villageois de problèmes posés, par exemple, par les

  4   Chetniks ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Pour autant que je le sache, non.

  6   M. Stein (interprétation). – Est-ce que des ordres n'ont jamais

  7   été transmis par le biais de ces haut-parleurs et du minaret ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Cela non plus, je n'en ai pas

  9   entendu parler.

 10   M. Stein (interprétation). – Le minaret de la mosquée, ces haut-

 11   parleurs servaient-ils à Ahmici à demander à la population croate de

 12   rendre ces armes ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Pour autant que je le sache, non.

 14   M. Stein (interprétation). – Faisons une distinction entre ce

 15   que vous avez pu entendre dire et ce que vous avez, vous-même, entendu.

 16   Est-ce que vous n'avez jamais entendu quelqu'un dans le village dire que

 17   ce minaret et ces haut-parleurs avaient été utilisés pour ce but

 18   particulier ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Cela non plus, je n'ai pas entendu

 20   cela.

 21   M. Stein (interprétation). – Puis-je dire, Monsieur, qu'il y

 22   avait des escaliers qui conduisaient en haut du minaret de la mosquée ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Oui, à l'intérieur.

 24   M. Stein (interprétation). – Lorsqu'on atteignait le sommet du

 25   minaret, quelle était l'étendue du champ de vision que l'on avait ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Je ne suis jamais monté là-haut.

  2   M. Stein (interprétation). – Mais est-ce que des personnes qui

  3   seraient montées là-haut vous ont un jour dit quelle était la distance que

  4   l'on pouvait couvrir depuis le sommet ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - La vue était vraisemblablement

  6   bonne puisque le minaret est très haut, mais je n'ai jamais prononcé de

  7   commentaires à ce sujet et je n'en ai pas entendus.

  8   M. le Président (interprétation). - Il est 11 heures 30,

  9   Maître Stein, est-ce que nous pouvons en profiter pour faire la pause ?

 10   Très bien. Vingt minutes de pause. J'espère très sincèrement que ce

 11   contre-interrogatoire pourra être fini en temps voulu.

 12         L'audience, suspendue à 11 heures  30, est reprise à 11 55.

 13   M. le Président (interprétation). - Maître Stein, si nous

 14   voulons terminer le contre-interrogatoire aujourd'hui, et ceci pour vous

 15   et Me Kovacic, nous allons poursuivre jusqu'à 13 heures 30 afin que nous

 16   terminions.

 17   M. Bennouna. - Si c'est nécessaire.

 18   M. le Président (interprétation). - Cela va de soi, bien sûr.

 19   M. Stein (interprétation). - Monsieur, je voudrais revenir à la

 20   pièce, à la mosquée. A votre connaissance, à quelque moment que ce soit au

 21   cours du mois d'octobre 1992 ou par la suite, jusqu'en avril 1993, est-ce

 22   que quelqu'un équipé d'une arme quelle qu'elle soit est monté au sommet de

 23   ce minaret ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Non, pas à ma connaissance.

 25   M. Stein (interprétation). - Chez vous, est-ce que vous gardiez


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  1   des munitions pour des fusils ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Non.

  3   M. Stein (interprétation). - Mais il est certain que d'autres

  4   membres de la Défense territoriale gardaient des munitions chez eux.

  5   Seriez-vous d'accord là-dessus ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Probablement, oui.

  7   M. Stein (interprétation). - Mais il n'y avait pas d'entrepôts

  8   centralisés permettant de stocker ces munitions. Est-ce bien exact ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Non, il n'y avait pas d'entrepôts.

 10   M. Stein (interprétation). - Pourriez-vous nous dire de façon

 11   approximative combien de munitions étaient affectées aux membres de la

 12   Défense territoriale qui devaient les garder chez eux ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Il n'y avait pas de limite. Ils

 14   avaient autant de munitions qu'ils pouvaient se procurer. Ils en avaient

 15   très peu.

 16   M. Stein (interprétation). - D'après votre déposition d'hier, il

 17   y avait soixante hommes armés au barrage et ceci est rappelé à la

 18   ligne 19 014. Est-ce que vous, d'après vos connaissances personnelles ou

 19   d'après ce que vous avez entendu, de combien disposait de munitions chacun

 20   de ces soixante hommes armés ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je sais qu'ils disposaient de très

 22   peu de munitions puisque, s'ils en avaient eu plus, ils auraient pu

 23   garder, préserver le barrage. Quand ils n'ont plus eu de munitions, ils

 24   ont dû quitter le barrage.

 25   M. Stein (interprétation). - Je comprends et c'est bien ce que


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  1   vous avez dit hier. Voici cependant ma question : est-ce que vous avez

  2   reçu des informations vous indiquant de combien de munitions ces hommes

  3   disposaient ou combien de munitions en tout il y avait pour ces hommes se

  4   trouvant au barrage ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Les hommes qui étaient armés

  6   avaient au plus deux chargeurs, mais la plupart n'en avait qu'un.

  7   M. Stein (interprétation). - Combien de balles y avait-il dans

  8   chaque chargeur ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Trente balles. Cela dépend de

 10   chacun ; quelqu'un en mettait plus, quelqu'un moins.

 11   M. Stein (interprétation). - D'accord. A supposer que chaque

 12   personne avait au moins 60 balles et qu'il y avait 60 hommes armés qui les

 13   auraient toutes utilisées, cela nous donne environ 3 600 balles qui

 14   auraient été utilisées pour assurer la défense de ce barrage, n'est-ce

 15   pas ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Deux

 17   chargeurs... Vous faites votre compte d'après une supposition. Vous dites

 18   qu'il y avait deux chargeurs par personne, mais ce n'était pas le cas.

 19   M. Stein (interprétation). - J'en conviens, je comprends bien,

 20   mais nous pourrions nous mettre d'accord sur le fait que, indépendamment

 21   du nombre de chargeurs, du nombre de balles, il y en avait suffisamment

 22   pour tenir ce barrage depuis les premières heures du matin du 20 octobre

 23   jusque vers le milieu de l'après-midi, n'est-ce pas ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était le temps qui était

 25   nécessaire.


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  1   M. Stein (interprétation). - Auriez-vous des informations

  2   indiquant le nombre de membres du HVO qui auraient été blessés ou tués au

  3   cours de cette attaque menée contre le barrage ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'un jeune homme

  5   de Kiseljak a été tué, mais quant au nombre de blessés, cela je ne suis

  6   pas au courant.

  7   M. Stein (interprétation). - Si j'ai bien compris, après que le

  8   barrage a été abandonné, deux ou trois maisons dans votre village ont été

  9   incendiées, ainsi qu'environ vingt étables. Est-ce exact ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - J'ai dit que deux à trois maisons

 11   étaient brûlées et une dizaine ou une quinzaine d'étables.

 12   M. Stein (interprétation). - D'accord. J'aimerais porter votre

 13   attention sur cette carte que nous avons déjà vue et j'en aurai terminé du

 14   barrage. Est-ce que l'on pourrait remettre au témoin la pièce Z1585/1 ? Il

 15   y a deux versions, toutes deux ayant été annotées. C'est celle-ci qui

 16   m'intéresse. J'aimerais vérifier que nous parlons bel et bien de la même

 17   carte. Aux fins du compte rendu, peut-être que nous pourrions avoir l'aide

 18   de la greffière d'audience. Nous avons deux Z1585/1 qui se ressemblent

 19   comme deux gouttes d'eau.

 20   Je ne veux pas semer de confusion, je viens d'utiliser une cote

 21   pour cette carte-ci. Cette carte est annotée, je suppose qu'il y a donc

 22   une deuxième version de la même pièce parce que, sur la carte qu'a

 23   l'huissier, il n'y a pas d'annotation.

 24   M. le Président (interprétation). - Mais vous savez que le

 25   témoin a noté un plan hier, et c'est de cela dont vous avez besoin, n'est-


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 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

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  1   ce pas ?

  2   M. Stein (interprétation). - Oui, fort bien. Je crois qu'il y en

  3   a une autre, mais nous allons utiliser celle-ci. Nous allons utiliser

  4   celle-ci, effectivement.

  5   Veuillez placer cette carte sur le rétroprojecteur et surtout la

  6   partie concernant la section 5, c'est là que se trouvait le barrage

  7   routier, n'est-ce pas, Monsieur le Témoin ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Stein (interprétation). - Je vais vous demander de prendre un

 10   feutre vert. Vous l'avez devant vous, sur la table. Pourriez-vous nous

 11   montrer sur la pièce 1595/1 où se trouvaient les tranchées ? Je vais vous

 12   demander de tracer une ligne en vert pour montrer où se trouvaient ces

 13   tranchées.

 14   (Le témoin indique l'emplacement.)

 15   Est-ce que vous pourriez retracer ceci pour que ce soit bien

 16   visible ? Je vois à peine cette ligne. Et veuillez indiquer ou apposer un

 17   "T", la lettre "T" à cet endroit. Pourriez-vous nous remontrer en vert où

 18   se trouvait le barrage ? Est-ce que c'était le numéro 5 ?

 19   M. le Président (interprétation). - C'était le 5, n'est-ce pas ?

 20   M. Stein (interprétation). - Je retire ma question. Est-ce qu'il

 21   y avait aussi un mur de pierre qui a été utilisé afin de protéger les

 22   membres de la Défense territoriale ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas du tout

 24   d'un mur en pierres.

 25   M. Stein (interprétation). - Le cimetière, c'est la tache


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  1   blanche qu'on voit en-dessous du 5, n'est-ce pas ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   M. Stein (interprétation). - Et il y a un mur entre la route et

  4   le cimetière, n'est-ce pas ? Un mur en pierres ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Il ne s'agissait pas d'un mur, en

  6   fait c'était juste une clôture pas très haute.

  7   M. Stein (interprétation). - D'accord. Est-ce que vous pourriez

  8   indiquer l'endroit où se trouve cette clôture, en vert ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Cette clôture se trouvait sur le

 10   cimetière. En fait, le cimetière était délimité par cette clôture.

 11   M. Stein (interprétation). - Et à gauche de cet endroit,

 12   pourriez-vous aposer la lettre "F" pour le mot anglais "fence", ou

 13   "clôture" en français ?

 14   (Le témoin indique l'emplacement.)

 15   Je vous remercie. Ce sera tout concernant cette pièce.

 16   J'aimerais que nous parlions maintenant du 15 avril 1993. Je

 17   reviens à la dernière pièce. Vous voulez lui attribuer une autre cote ?

 18   Allez-y, Madame la Greffière.

 19   Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agira de la pièce D32/1.

 20   M. Stein (interprétation). - A propos du mois d'avril 1993, vous

 21   avez dit hier que la soirée du 15 avril avait été très calme, d'un calme

 22   inquiétant, n'est-ce pas ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai dit que, non seulement

 24   le 15, mais plusieurs jours auparavant, trois ou quatre jours avant

 25   l'attaque, le calme régnait dans le village.


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  1   M. Stein (interprétation). - Et vous, personnellement, vous vous

  2   êtes inquiété de cet état de choses, n'est-ce pas ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  4   M. Stein (interprétation). - Et vous avez dit dans le cadre de

  5   votre déposition que vos préoccupations n'étaient toutefois pas partagées

  6   par le reste de la communauté.

  7   M. Ahmic (interprétation). - Probablement.

  8   M. Stein (interprétation). - Permettez-moi de vous demander

  9   ceci... Je retire ma question.

 10   Peut-on vous remettre la pièce de la défense D13/2, il s'agit de

 11   la déclaration fournie par Fuad Berbic ? Maître Nice, je vous précise...

 12   M. le Président (interprétation). - Ne vous adressez pas

 13   directement à la partie adverse sans passer par les Juges. Ce n'est pas là

 14   faire preuve de courtoisie. Passez par les Juges, et si vous voulez que

 15   l'avocat de l'accusation fasse quelque chose, passez par le truchement

 16   des Juges.

 17   M. Stein (interprétation). - Tout à fait. Je renvoie à la

 18   page 5, quatrième paragraphe complet. Je crois que nous avons déjà établi

 19   ceci précédemment, toutefois.

 20   Monsieur Berbic était le commandant précédent de la Défense

 21   territoriale, n'est-ce pas, avant que votre frère ne le soit ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 23   M. Stein (interprétation). - Et lui, il avait beaucoup

 24   d'expérience militaire, n'est-ce pas ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - C'est ce que vous dites, mais moi


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  1   j'estime que non.

  2   M. Stein (interprétation). - Mais il était capitaine dans la

  3   JNA.

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai entendu,

  5   mais c'était un officier de réserve.

  6   M. Stein (interprétation). - D'accord. En tout cas, d'après la

  7   déclaration dont je parlais qui est déjà versée au dossier, je cite pour

  8   vous : "A la veille du 15 avril, de l'attaque du 15 avril, j'étais de

  9   garde. Tout était calme, un calme de mort. Notre niveau d'alerte avait été

 10   augmenté de 50 % par rapport à la nuit précédente parce que des personnes

 11   non connues en uniforme avaient été observées. Dix hommes était en

 12   stand by dans la partie basse du village, en sus des gardes. Les gardes

 13   avaient été doublées dans la partie supérieure du village également".

 14   Voici ma question. Peut-on dire que, la veille du 15, il y avait

 15   un niveau accru de vigilance ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Selon la déclaration de

 17   Fuad Berbic, c'était ainsi. Mais pour ce qui est de la vigilance, si le

 18   niveau avait été accru, les personnes n'auraient pas décidé de rester chez

 19   elles. Il n'y aurait pas eu autant de monde le lendemain dans les maisons.

 20   Fuad Berbic, à l'époque, n'était pas commandant. C'était

 21   Mithat Berbic qui était commandant à l'époque.

 22   M. Stein (interprétation). - Je suppose que vous,

 23   personnellement, vous ne vous trouviez pas au barrage... Excusez-moi, je

 24   reformule ma question. Vous n'étiez pas de garde, vous ne faisiez pas

 25   partie d'une patrouille le 15, vous-même ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Non, je me trouvais chez moi. Je

  2   n'avais absolument aucun devoir à accomplir cette nuit-là. Mon frère Muris

  3   non plus. Et beaucoup d'autres personnes ne faisaient rien la veille non

  4   plus, ainsi que ces personnes-là qui étaient restées chez elles et qui ont

  5   été tuées le lendemain.

  6   M. Stein (interprétation). - Par conséquent, pour ce qui est des

  7   choses que vous connaissez personnellement, vous ne savez pas si les

  8   observations de M. Berbic soi-disant d'une augmentation du niveau d'alerte

  9   -lorsqu'il a parlé d'une augmentation de 50 %-, si ses déclarations sont

 10   correctes ou pas ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Moi, je ne dispose pas de telles

 12   informations. C'est sa déclaration à lui, et je n'aimerais pas faire de

 13   commentaire là-dessus.

 14   M. Stein (interprétation). - Fort bien. Je voudrais simplement

 15   effleurer ce sujet. Arrive un moment, le 16 avril, où, vous-même, vous

 16   avez remis une grenade aux forces du HVO. Est-ce exact ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Stein (interprétation). - Et votre frère, lui aussi, avait

 19   remis une grenade ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu

 21   faire. Je sais qu'il avait une grenade à main ainsi que moi, et c'était

 22   tout ce que l'on avait comme armement à la maison.

 23   M. Stein (interprétation). - D'accord. J'essaie seulement de

 24   retrouver une chose, Messieurs les Juges, dans mes notes.

 25   Les soldats du HVO qui encerclaient votre maison vous ont dit


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  1   quelque chose de précis, selon qu'il y aurait eu un massacre à Ducina et à

  2   Nezirovici. Est-ce exact ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  4   M. Stein (interprétation). - Vous étiez au courant de ces faits

  5   au moment où ils se sont produits ou peu de temps après ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Je ne savais que très peu de choses

  7   à ce sujet.

  8   M. Stein (interprétation). - Mais vous saviez que des Croates

  9   avaient été tués ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - (pas de traduction).

 11   M. Stein (interprétation). - Vous saviez également que les

 12   Musulmans de la 7è Brigade auraient été ceux qui avaient commis ces

 13   meurtres ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Cela, je ne le savais pas. Qui

 15   étaient les auteurs, je ne peux pas le dire.

 16   M. Stein (interprétation). - Mais vous saviez qu'on affirmait

 17   que des Musulmans avaient tué des Croates ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   M. Stein (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser

 20   au témoin, Monsieur le Président.

 21   M. le Président (interprétation). - Maître Stein, nous aimerions

 22   connaître votre système de défense à propos d'Ahmici. Ce que nous dit le

 23   témoin, c'est que sa maison a été l'objet d'une attaque, sa famille a été

 24   tuée. Je suppose que cela est accepté de votre part, ceci n'a pas été

 25   contesté ?


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  1   M. Stein (interprétation). - Il est accepté que sa maison a été

  2   attaquée et que les membres de sa famille ont été tués, mais, de façon

  3   générale, nous estimons que M. Kordic n'était pas du tout au courant de

  4   l'attaque menée contre Ahmici, qu'il n'avait pas participé à la

  5   fortification, qu'il n'était pas là et qu'il n'en savait rien après les

  6   faits. Je voudrais dire aux Juges, après avoir relu le compte rendu

  7   d'audience d'autres procès, qu'il apparaît de ces autres procès qu'il y a

  8   une certaine contestation quant à la question de savoir si le village

  9   était préparé ou pas, quant à la question de savoir si le village était

 10   défendu, armé ou pas, et quant à la question de savoir si le village a

 11   fait l'objet d'une opération militaire.

 12   M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'est pas

 13   contesté qu'il y a eu des opérations militaires là ?

 14   M. Stein (interprétation). - C'est exact.

 15   M. le Président (interprétation). - Va-t-on suggérer dans ce

 16   procès qu'il y avait une défense ou qu'il n'y a pas eu d'attaques menées

 17   par le HVO contre le village ?

 18   M. Stein (interprétation). - Pas du tout. Il y a eu

 19   effectivement un concours de circonstances : qui a attaqué le village, qui

 20   l'a défendu, à nos yeux, puisque nous n'avions rien à voir là-dessus, ceci

 21   n'est pas pertinent. Bien sûr, nous ne pouvons pas bien sûr laisser se

 22   dérouler le procès sans indiquer qu'il y a d'autres éléments de preuve qui

 23   indiquent clairement qu'il y a eu en fait deux parties prenantes à ce

 24   conflit. Je ne suis pas ici pour dire qui a décoché le premier tir, qui a

 25   commencé l'opération ou quelles étaient les deux parties.


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  1   M. le Président (interprétation). - Un des éléments de preuve

  2   que nous avons reçu, et qui implique M. Kordic, consiste en une menace,

  3   vous vous en souvenez -sous réserve des objections-, menace que les

  4   maisons allaient être incendiées et que la population allait être tuée. Il

  5   est affirmé que ceci était un message provenant de Dario Kordic.

  6   Est-ce que ceci est contesté ? Contestez-vous le fait qu'un tel

  7   message ait été prononcé ?

  8   M. Stein (interprétation). - Tout à fait. Je me souviens bien de

  9   cet échange et ceci faisait partie de la réponse que je vous ai fournie

 10   lorsque nous avons apporté nos arguments contre ces dires que M. Kordic

 11   n'a jamais dit cela et que personne n'avait l'autorisation de sa part de

 12   le dire en son nom. S'il y a d'autres éléments de preuve qui sont avancés,

 13   nous allons les contester.

 14   Nous disons que la menace qui a été présentée par l'accusation,

 15   selon laquelle c'était la menace de M. Kordic, et puis cela a été modifié

 16   par l'accusation, que c'était au nom de M. Kordic, que ce n'était pas la

 17   sienne et qu'il n'a pas non plus donné l'autorisation de la prononcer. Et

 18   la raison pour laquelle je me suis élevé contre ceci, c'est que même si

 19   deux ou trois maisons étaient incendiées et une dizaine d'étables

 20   incendiées après l'attaque d'octobre, c'était tout ce qui s'était passé au

 21   cours de cette attaque.

 22   Après la fin du barrage, les troupes sont passées par cette

 23   route.

 24   M. Bennouna. - Vous avez dit à l'instant que M. Kordic,

 25   l'accusé, n'était pas au courant avant de ce qui s'est passé là, à Ahmici,


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  1   mais qu'il l'a appris après. C'est ce que vous avez dit ? Je l'ai bien

  2   noté ?

  3   (Maître Stein acquiesce.)

  4   Pouvez-vous dire quand est-ce qu'il l'a appris ?

  5   M. Stein (interprétation). - Je ne dispose vraiment pas de cette

  6   information comme cela au dépoté. Je pense que c'est le lendemain ou le

  7   surlendemain. Je peux obtenir ces informations et je vous en ferai état.

  8   M. Bennouna. - Puisque vous êtes aujourd'hui très coopératif,

  9   nous sommes le vendredi, dernier jour de la semaine, donc il faut en

 10   profiter...

 11   M. Stein (interprétation). - Je pense que je suis coopératif

 12   tous les jours !

 13   M. Bennouna. - Nous allons profiter de votre extrême

 14   coopération. Donc vous allez nous dire quand il l'a appris et vous allez

 15   nous dire aussi s'il a pris des mesures en conséquence.

 16   Quand est-ce qu'il l'a appris et si l'apprenant, c'est-à-dire

 17   tous ces faits que nous venons de voir, est-ce que l'accusé a pris des

 18   mesures en conséquence ? Nous vous en serions très reconnaissants pour

 19   éclairer la vérité. Merci.

 20   M. Stein (interprétation). - Fort bien, Monsieur le Juge.

 21   M. Robinson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez

 22   pour système de défense de dire que, en fait, c'était une opération

 23   impliquant deux parties, que ce n'était pas unilatéral. Ce qui est

 24   important à cet égard, c'était la question de savoir si une des parties

 25   éventuelles aurait agi de façon défensive et l'autre de façon agressive.


Page 3645

  1   Je suppose que vous dites que vous n'avez pas pour obligation d'apporter

  2   cette preuve.

  3   M. Stein (interprétation). - Exactement. Ce que j'essaie de dire

  4   manifestement -je n'essaie pas d'éviter votre question, Monsieur le Juge-,

  5   c'est que ni moi ni M. Kordic ne connaissons les agresseurs ou les

  6   défenseurs à quelque moment que ce soit, parce que l'attaque s'est

  7   poursuivie pendant des heures. Qui a tiré le premier coup de feu ? Nous ne

  8   le savons pas. Est-ce qu'il y avait une défense ? Qui l'a emporté ?

  9   Mais ce n'est pas important de toute façon pour notre procès, si

 10   ce n'est pour dire que, d'après d'autres procès jugés ici en ce Tribunal,

 11   il y a beaucoup d'éléments de preuve qui vont dans ce sens.

 12   Je ne veux pas ici instaurer un procès au sein d'un procès ou

 13   apporter une défense à une action qui ne nous concerne pas, mais je crois

 14   qu'il est de notre devoir de montrer qu'il y avait deux parties prenantes

 15   en ce conflit.

 16   M. Robinson (interprétation). – Je vous remercie.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Stein. Maître

 18   Kovacic ? Ou plutôt Maître Mikulicic ? J'espère que vous pourrez aussi en

 19   terminer dans les temps prévus.

 20   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président, je peux

 21   vous assurer que je terminerai à l'heure. Bonjour Monsieur Ahmic. Je

 22   m'appelle Goran Mikulicic et je suis l'avocat, membre de l'équipe de la

 23   défense de M. Mario Cerkez.

 24   Avant de poser les questions, je vous prie de bien croire à mes

 25   sentiments les plus sincères quant à la tragédie de votre famille en


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  1   Bosnie centrale.

  2   Monsieur Ahmic, je vous prie de me répondre à la question

  3   suivante. Quelle était votre citoyenneté avant le mois d'avril 1993 ?

  4   L'interprète se corrige avant le mois d'avril 1992, avant la proclamation

  5   de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Yougoslave.

  7   M. Mikulicic (interprétation). - Vous étiez le citoyen de la

  8   RSFY ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 10   M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle

 11   était votre citoyenneté après la déclaration de l'indépendance de la

 12   Bosnie-Herzégovine, donc à partir du mois d'avril 1992.

 13   M. Ahmic (interprétation). - J'étais citoyen de la République de

 14   Bosnie-Herzégovine.

 15   M. Mikulicic (interprétation). - Fort bien. Etes-vous croyant,

 16   Monsieur Ahmic ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Mikulicic (interprétation). - A cette époque-là, en 1992

 19   et 1993, avez-vous pratiqué votre religion à la mosquée d'Ahmici ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 21   M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, selon

 22   vos souvenirs les meilleurs, combien il y avait d'hommes de votre âge

 23   pratiquant la religion musulmane, qui se rendaient régulièrement à la

 24   mosquée ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - En pourcentage, peut-être une


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  1   cinquantaine, 50 %, 60 % d'hommes de mon âge pratiquaient la religion.

  2   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur Ahmic, vous avez fait

  3   mention, dans votre déclaration, que dans la période qui a précédé les

  4   événements de 1992, votre frère Muris était commandant de la TO, n'est-ce

  5   pas ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  7   M. Mikulicic (interprétation). - Jusqu'à quand a-t-il assuré les

  8   fonctions de commandant ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Jusqu'au 23 octobre 1992, il me

 10   semble.

 11   M. Mikulicic (interprétation). - Veuillez me corriger, si je me

 12   trompe. Vous avez dit qu'il avait démissionné, n'est-ce pas ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui, il a démissionné ou peut-être

 14   qu'il a été destitué. Cela, je ne peux pas le dire avec exactitude.

 15   M. Mikulicic (interprétation). – Quelles en étaient les raisons

 16   de sa destitution ou de sa démission ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je ne connais pas vraiment les

 18   raisons, mais lui, il a été, il était déçu après tout ce qui s'est passé.

 19   Il s'estimait responsable de tous les dégâts qui ont été portés dans le

 20   village. Il a été déçu. Je crois que c'est cela la raison principale.

 21   M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous qui l'a remplacé à

 22   cette fonction ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Mithat Berbic .

 24   M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit tout à l'heure

 25   que M. Mithat Berbic occupait ce poste en avril 1993, durant le deuxième


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  1   conflit à Ahmici, n'est-ce pas ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que Mithat est le fils

  4   de Fuad Berbic ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  6   M. Mikulicic (interprétation). - Nous avons parlé du barrage du

  7   mois d'octobre 1992 qui a été dressé sur la route qui traverse Ahmici. De

  8   quel type de route s'agit-il ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - C'est une route de moyenne

 10   importance, son importance est plutôt régionale, pas plus grande.

 11   M. Mikulicic (interprétation). – Elle relie quelles régions,

 12   cette route ? Pouvez-vous nous le dire ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - La partie Est de la Bosnie et

 14   l'Ouest de la Bosnie.

 15   M. Mikulicic (interprétation). - Est il exact que cette route

 16   mène à Travnik vers l'ouest et par la suite vers Jajce, n'est-ce pas  ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous que, dans cette

 19   période, dans la deuxième moitié du mois d'octobre 1992, des combats ont

 20   eu lieu à Jajce ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je suis au courant.

 22   M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous qui a participé à

 23   ces combats ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 25   M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous le dire ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine, d'un

  2   côté, et le HVO qui combattait les Serbes de l'autre côté.

  3   M. Mikulicic (interprétation). – Est-il exact que l'armée de

  4   Bosnie-Herzégovine avec le HVO s'opposait, opposait une résistance à

  5   l'attaque des Serbes à Jajce ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exact.

  7   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur Ahmic, M. le Juge

  8   Robinson vous a posé une question liée à M. Ivo Papic. Pouvez-vous me

  9   dire, afin d'éclaircir ce point, M. Papic était-il l'un des hommes qui

 10   vous ont aidé à vous sauver de la maison où vous avez été blessé ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Je vais vous demander de

 13   répondre par oui ou par non aux questions suivantes. Est-il exact que vous

 14   nous avez dit que, en vous cachant dans le fossé à côté de la route, après

 15   avoir réussi à vous enfuir d'Ahmici-le-Haut, ou plutôt du milieu du

 16   village, vous avez pu voir des soldats passer sur cette route ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je ne me suis pas enfui du milieu

 18   d'Ahmici, du centre d'Ahmici, mais de ma maison.

 19   M. Mikulicic (interprétation). - De votre maison ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 21   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact que vous nous avez

 22   dit qu'à ce moment-là vous avez remarqué les insignes qu'ils portaient ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact que vous nous avez

 25   dit que vous étiez mouillé et que vous aviez froid dans ce fossé, et que


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  1   vous avez été obligé de passer toute la nuit là-bas et que, le lendemain,

  2   vous êtes arrivé à l'endroit où se trouvaient les restes calcinés d'une

  3   maison pour vous réchauffer ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact que vous avez

  6   entendu à cet endroit, en provenance d'une maison voisine, la voix de

  7   votre mère ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact qu'elle gémissait

 10   en disant que son mari et ses enfants avaient été tués ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact que vous avez dit

 13   que c'était dans le brouillard et que vous ne pouviez pas distinguer les

 14   formes précisément ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 16   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Ahmic, et ce sera ma

 17   dernière question, vous avez dit qu'on vous avait emmené à l'école

 18   primaire de Dubravica, ensemble, avec d'autres Musulmans. J'ai quelques

 19   questions à vous poser à ce sujet.

 20   Est-il exact que cet endroit était gardé par les unités

 21   spéciales Vitezovi, comme vous l'avez déclaré auparavant dans les

 22   déclarations que vous avez données aux enquêteurs du Tribunal ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui.

 24   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Ahmic, savez-vous qui

 25   était le commandant de cette unité spéciale ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Le commandant du camp était

  2   Krizanac Anto, un homme pas très fort, aux cheveux noirs. Il avait une

  3   moustache noire également. Quant au commandant des Vitezovi, je pense que

  4   c'était Kraljevic, celui qui est mort.

  5   M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie,

  6   Monsieur Ahmic, de m'avoir répondu. Monsieur le Président, Messieurs

  7   les Juges, je n'ai plus d'autres questions.

  8   M. le Président (interprétation). - Y aura-t-il des questions

  9   supplémentaires posées par le Procureur ?

 10   M. Nice (interprétation). - Uniquement quelques points que

 11   j'aimerais évoquer. Une question vous a été posée à propos du nombre

 12   d'armes dont disposait la Défense territoriale à Ahmici. Dans la période

 13   qui a précédé le mois d'avril 1993, combien d'armement y avait-il dans le

 14   village ? Est-ce que vous pourriez nous aider sur ce point ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - S'agissant des armes dans la

 16   période qui précède le mois d'avril 1993, eh bien, il y en avait très peu

 17   parce que les gens qui, en passant de la Défense territoriale dans les

 18   unités faisant partie de la structure de l'armée de Bosnie-Herzégovine, au

 19   moment où se constituaient les bataillons, donc ces gens-là étaient

 20   obligés de se rendre sur des théâtres d'opérations en Bosnie centrale

 21   contre les Serbes, que ce soit à Vlasic ou à Visoko. Ainsi donc, pendant

 22   cette période qui précède le mois d'avril, nous avions peu d'armes et de

 23   munitions.

 24   M. Nice (interprétation). - J'ai entendu par les interprètes

 25   "92", mais est-ce que vous vouliez parler aussi de la période qui a mené à


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  1   avril 1993 ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je disais qu'il y avait de

  3   moins à moins d'armes parce que, même les armes que nous avions à

  4   l'époque, on était obligés de les transporter à ces théâtres

  5   d'opérations ; donc les armes étaient disposées sur des positions face aux

  6   Serbes.

  7   M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une

  8   estimation du nombre d'hommes armés qu'il y avait à Ahmici de jour ou de

  9   nuit, en mars ou en avril 1993 ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - De jour, personne ne portait

 11   d'armes. De nuit, les gens se rendaient dehors pour patrouiller, pour être

 12   de garde. Il m'est difficile de l'estimer, mais je sais -parce que j'ai vu

 13   souvent ces gardes-, je sais qu'elles n'étaient pas très importantes.

 14   C'était le plus souvent des retraités qui faisaient partie de ces gardes,

 15   parce que la plupart des jeunes se trouvaient à l'extérieur d'Ahmici,

 16   tenaient des positions. Mais il y a eu parfois des relèves et il est

 17   possible que, précisément à ce moment-là où il y a eu cette attaque, les

 18   jeunes se soient trouvés chez eux, dans leur maison. Mais ils n'avaient

 19   pas d'armes à ce moment-là.

 20   M. Nice (interprétation). - Vous dites que c'étaient surtout des

 21   retraités qui faisaient les patrouilles. Est-ce qu'ils étaient armés ?

 22   Est-ce qu'ils avaient des munitions, en général ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - On peut dire qu'il y avait dix à

 24   vingt fusils en tout, dix à vingt pièces.

 25   M. Nice (interprétation). - Soyons bien clair là-dessus. Qu'est-


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  1   ce que vous entendez par là ? Vous dites dix ou vingt fusils en tout ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - En tout, oui.

  3   M. Nice (interprétation). - Au cours de la période qui a précédé

  4   la mi-avril 1993, y avait-il un plan dont vous étiez au courant qui avait

  5   pour but d'attaquer le HVO dans votre localité ou ailleurs ?

  6   M. Kovacic (interprétation). - J'ai une objection, Monsieur le

  7   Président, Messieurs les Juges. Il semble que M. le Procureur dépasse le

  8   champ de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire. Ce sont

  9   de nouveaux domaines.

 10   M. le Président (interprétation). - Non.

 11   M. Nice (interprétation). - Vous étiez en train de répondre à la

 12   question de savoir si vous étiez au courant d'un plan qui aurait eu pour

 13   objectif d'attaquer le HVO, que ce soit dans votre localité ou ailleurs

 14   avant la mi-avril 1993.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je n'étais pas au courant d'un tel

 16   plan, mais c'était improbable en fait qu'il y en ait un, parce que nous

 17   avions de graves problèmes sur les lignes que nous tenions face aux

 18   Serbes. Nous avions beaucoup de mal à préserver le peu de territoire que

 19   nous avions. Donc il n'était pas possible que l'on lance une attaque. Mais

 20   s'il y a eu des attaques contre le HVO, c'étaient des attaques nécessaires

 21   parce que les Croates provoquaient des incidents, et généralement, nous,

 22   on ripostait après ces incidents provoqués par eux, mais c'était vraiment

 23   quand c'était absolument nécessaire, quand nous y étions forcés.

 24   Mais avoir des plans pour attaquer le HVO, mais cela aurait mené

 25   à notre anéantissement. On n'aurait pas pu combattre deux ennemis à la


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  1   fois, donc on n'aurait pas pu lancer un tel conflit, ce n'était pas

  2   possible.

  3   M. Nice (interprétation). - Au cours de cette période qui a

  4   menée à la mi-avril 1993, est-ce que la Défense territoriale avait accès à

  5   des armes, ce qui lui aurait permis, éventuellement, d'augmenter son

  6   niveau d'armement ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Pendant cette période, l'armée

  8   était en train de se constituer. Il y avait peut-être quelques voies

  9   permettant l'approvisionnement, mais je pense que très peu d'armes

 10   parvenaient.

 11   M. Nice (interprétation). - Est-ce que des armes sont venues par

 12   ces voies d'approvisionnement jusqu'à Ahmici, à votre connaissance ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Non. Nous, nous n'avions que les

 14   armes que nous avions réussies à apporter de Slimena et éventuellement si

 15   on a eu l'impossibilité de s'en procurer une au marché noir, oui, il y

 16   avait quelques personnes qui avaient des fusils.

 17   M. Nice (interprétation). - Parlons de la matinée même du 16

 18   avril 1993. Vous avez été réveillé à ce moment-là. Depuis votre maison,

 19   est-ce qu'il vous était possible de voir d'autres parties d'Ahmici, de

 20   l'autre côté de la route ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 22   M. Nice (interprétation). - Auriez-vous été capable de voir, et

 23   dans ce cas est-ce que vous auriez été capable de vous concentrer sur ce

 24   qui se passait à ce moment-là, de l'autre côté de la route ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - J'ai eu très peu de temps, mais


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  1   j'ai regardé par la fenêtre, j'ai regardé par la fenêtre pour voir ce qui

  2   se passait.

  3   M. Nice (interprétation). - Est-ce que vous avez remarqué des

  4   signes d'attaques qui auraient été lancées par des habitants d'Ahmici ou

  5   par la Défense territoriale contre d'autres, contre autrui ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas remarqué. Je

  7   n'ai pas pu remarquer cela.

  8   M. Nice (interprétation). - Vous avez passé la journée dans ce

  9   fossé. Est-ce que vous avez vu des signes indiquant que les habitants

 10   d'Ahmici ou la Défense territoriale attaquaient d'autres personnes ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non, cela non plus je ne l'ai pas

 12   vu.

 13   M. Nice (interprétation). - Et enfin, on vous a posé une

 14   question à propos d'un incident qui s'était produit auparavant, on vous a

 15   demandé des détails à propos de ce barrage routier à proximité du

 16   cimetière. On vous a posé une question à propos de l'utilisation de mines.

 17   Est-ce qu'on peut comparer ce barrage routier à des barrages dressés par

 18   le HVO ? Etait-ce là un barrage de même importance ? Plus petit ? Est-ce

 19   que les gens étaient mieux armés ? Moins bien armés ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - S'agissant des barrages du HVO,

 21   c'étaient des barrages qui étaient vraiment bien consolidés, avec des

 22   chemins de frise, avec des mines, avec un personnel qui était très bien

 23   armé, avec des abris de mitrailleuses sur les côtés, alors que nous, on

 24   n'avait que des mines qu'on a pu apporter. On a pu apporter deux éléments

 25   de chemin de frise sur place, et puis on a mis donc les gens sur place


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  1   pour arrêter la circulation et quelques tranchées ont été creusées sur les

  2   côtés. Ce barrage n'avait rien de plus que cela.

  3   M. Nice (interprétation). - C'est tout ce que j'avais à poser

  4   comme questions à ce témoin, Monsieur le Président.

  5   M. Stein (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

  6   pas si vous savez ce qu'est un chemin de frise en anglais ?

  7   M. le Président (interprétation). - Qu'est-ce que "hedgehog" en

  8   anglais, "chemin de frise" en français, Monsieur Ahmic ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, c'est constitué d'éléments

 10   de rails en fer, donc de chemin de fer. C'est assez puissant, on les

 11   croise et on les installe sur les routes pour empêcher les véhicules de

 12   circuler.

 13   M. le Président (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous

 14   remercie. Vous en avez ainsi terminé de votre déposition. Je vous remercie

 15   d'être revenu au Tribunal pénal international pour y déposer devant nous.

 16   Vous pouvez vous retirer.

 17         (Le témoin quitte le prétoire.)

 18   M. le Président (interprétation). - Maître Nice ?

 19   M. Nice (interprétation). - Je pourrais commencer

 20   l'interrogatoire principal d'un autre témoin. Je comprends que

 21   manifestement il ne pourra pas terminer sa déposition aujourd'hui, mais, à

 22   moins que vous ne soyez d'un avis contraire, nous avons encore une demi-

 23   heure ?

 24   M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous allons

 25   travailler jusqu'à 13 heures 15, puisque c'était l'heure prévue au départ.


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  1   M. Nice (interprétation). - Un sommaire peut être diffusé.

  2   Désolé s'il ne l'a pas été auparavant. Le greffe en dispose.

  3   J'ai demandé à l'huissier d'introduire le témoin, mais peut-être

  4   qu'il ne sait pas trop ce que l'on attend de lui.

  5   M. le Président (interprétation). - Quelle est la zone concernée

  6   par cette déposition ?

  7   M. Nice (interprétation). - Vitez.

  8   M. le Président (interprétation). - Voici le témoin.

  9         (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 10   Le témoin peut-il donner lecture de la déclaration solennelle ?

 11   M. Kajmovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 12   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   M. le Président (interprétation). - Monsieur, veuillez vous

 14   asseoir.

 15   M. Nice (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre

 16   identité ?

 17   M. Kajmovic (interprétation). -  Je suis Munid Kajmovic.

 18   M. Nice (interprétation). – Monsieur Kajmovic, est-ce que vous

 19   êtes né à Kalice, à quelque 16 kilomètres de Vitez et est-ce que de 1976

 20   jusqu'en avril 1993, vous étiez professeur d'histoire à l'école secondaire

 21   de Vitez ?

 22   M. Kajmovic (interprétation). - Une petite correction, je ne

 23   suis pas de Kalice mais de Kundici, municipalité de Travnik, et c'est

 24   exact que je travaille depuis 1976 à Vitez, à l'école secondaire. Je suis

 25   professeur d'histoire.


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  1   M. Nice (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion

  2   de rencontrer Dario Kordic alors qu'il était élève à votre école ? Est-ce

  3   que vous lui avez fait cour pendant une année ou deux ?

  4   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Nice (interprétation). - Quel âge avait Dario Kordic

  6   lorsqu'il se trouvait à l'école secondaire de Vitez ?

  7   M. Kajmovic (interprétation). - Puisque j'ai commencé à

  8   travailler dans cette école secondaire de Vitez en 1976, eh bien, j'ai

  9   enseigné à une classe où était Kordic. C'était une classe de première.

 10   M. Nice (interprétation). - Et quel est l'âge approximatif de

 11   quelqu'un qui se trouve dans cette classe ?

 12   M. Kajmovic (interprétation). - Eh bien, c'est à peu près en

 13   Bosnie-Herzégovine, il faut savoir qu'on terminait cette école secondaire

 14   qui dure quatre ans à l'âge de 18 ans. Donc il aurait pu avoir à l'époque

 15   soit 16 soit 17 ans.

 16   M. Nice (interprétation). - Est-ce que vous avez constaté une

 17   caractéristique qui vous a paru inhabituelle s'agissant de Dario Kordic à

 18   cette époque-là ?

 19   M. Kajmovic (interprétation). - Oui, un détail. Quand on

 20   travaille à l'école, on voit passer beaucoup, beaucoup d'élèves, des

 21   promotions différentes. Parfois, on se rappelle un élève, alors qu'on

 22   oublie les autres.

 23   S'agissant de Dario Kordic, un détail m'a marqué. Je peux dire

 24   que, plusieurs fois, il m'a arrêté dans les couloirs de l'école pour me

 25   poser des questions supplémentaires portant sur l'histoire, le plus


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  1   souvent il s'agissait de l'histoire des Croates.

  2   M. Nice (interprétation). - Est-ce que, à cette époque-là, on

  3   enseignait l'histoire d'une façon qui mettait l'accent sur l'histoire

  4   nationale plus particulièrement ?

  5   M. Kajmovic (interprétation). - Non, non. Les élèves, en fait le

  6   programme scolaire était tel qu'on enseignait l'histoire nationale mais

  7   aussi l'histoire générale.

  8   Mais s'agissant de l'histoire nationale, on cherchait à éviter

  9   certains sujets qui auraient pu gêner les relations inter-ethniques parce

 10   qu'il faut savoir que l'ex-Yougoslavie était vraiment un Etat complexe, un

 11   Etat multi-ethnique et le système l'exigeait donc.

 12   M. Bennouna. -  Maître Nice, au sujet de cet enseignement de

 13   l'histoire, est-ce que le programme, on peut savoir du témoin si le

 14   programme enseigné à Vitez était un programme établi au niveau national ?

 15   M. Nice (interprétation). - Monsieur Kajmovic ?

 16   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

 17   M. Bennouna. - Est-ce que cela signifie que c'était donc le même

 18   programme qui était enseigné partout sur le territoire de l'ex-

 19   Yougoslavie ?

 20   M. Kajmovic (interprétation). - Oui, en termes généraux, on peut

 21   répondre par l'affirmative, mais dans certaines républiques, un certain

 22   pourcentage de la matière ou un certain temps pouvait être consacré à

 23   l'histoire nationale.

 24   Par exemple, si le programme était enseigné en Slovénie, alors

 25   on enseignait un peu plus d'histoire nationale slovène aux élèves. Mais


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  1   généralement parlant, il n'y avait pas de grandes différences.

  2   M. Nice (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection, je

  3   pourrais parler du reste des paragraphes qui se trouvent à la page 1 et

  4   vers le milieu de la page 2 en guise de sommaire par une réponse

  5   affirmative ou négative. Si mes collègues de la partie adverse veulent

  6   revenir sur tel ou tel point, je suis sûr qu'ils l'indiqueront.

  7   Monsieur Kajmovic, je crois que vous pourrez répondre à ces

  8   questions de façon simple par un oui ou par non, sasn étoffer votre propos

  9   afin de gagner du temps, car nous reprenons des événements ou des points

 10   qui ont déjà été évoqués par ailleurs.

 11   Vous avez rejoint le parti SDA en 1990 et vous êtes devenu son

 12   président en septembre 1991, n'est-ce pas ?

 13   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

 14   M. Nice (interprétation). - Là, nous passons directement au

 15   temps qui a suivi le conflit. Est-ce qu'en 1994, vous avez terminé une

 16   étude universitaire politique à Sarajevo, vous avez terminé votre thèse

 17   sur les modifications politiques et démographiques dans la municipalité de

 18   Vitez. Même si votre thèse est terminée, elle n'est toujours pas défendue

 19   à la faculté de Sarajevo, d'après le système en vigueur à cet endroit ?

 20   M. Kajmovic (interprétation). - Oui, j'ai terminé mon mémoire,

 21   mais il me reste deux à trois points encore à élaborer. C'est à ce moment-

 22   là que je pourrai défendre ma thèse.

 23   M. Nice (interprétation). - Si une question vous était posée,

 24   vous pourriez parler de la recrudescence des tensions entre le HDZ et le

 25   SDA, dans la partie qui a précédé le conflit.


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  1   Un seul détail à ce propos. Comment le HDZ a-t-il essayé de

  2   convaincre la population de s'affilier à son parti ?

  3   M. Kajmovic (interprétation). - Compte tenu du fait que,

  4   jusqu'en 1990, en Yougoslavie, il n'y avait qu'un système ou le système

  5   était celui d'un parti unique, alors à partir de 1990 plusieurs partis ont

  6   fait leur apparition. Donc les partis ont été créés, dont les partis dont

  7   la base était ethnique, nationale, mais pas tous.

  8   Dans cette période, chaque partie tentait d'attirer les membres,

  9   tous les partis organisaient leurs propagandes. La plupart essayait

 10   d'attirer les membres potentiels en critiquant le parti qui était en

 11   place, ensuite, en exposant leur programme et les militants étaient actifs

 12   sur le terrain, ils essayaient de convaincre les gens pour qu'ils

 13   participent au travail du parti, ils disaient que le temps était venu pour

 14   des grands changements.

 15   M. Nice (interprétation). - Excusez-moi, je vais vous arrêter

 16   ici. Je vous remercie pour cette description générale du développement

 17   d'un système multipartite. Est-ce qu'il s'agit là de méthodes qui étaient

 18   utilisées par le HDZ ou non ?

 19   M. Kajmovic (interprétation). - Au début, il n'y avait pas de

 20   méthode de contraindre, mais, petit à petit, j'ai remarqué au niveau

 21   local, à Vitez par exemple, que les dirigeants du HDZ avaient une attitude

 22   négative vis-à-vis des Croates qui n'adhéraient pas au programme de ce

 23   parti, surtout lorsqu'il s'agit de membres du SDP, des Croates qui avaient

 24   décidé de rester membres du SDP.

 25   M. Nice (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu des méthodes


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  1   particulières de recrutement qu'on attribue au HDZ et dont vous vous

  2   souvenez, et que vous pourriez nous décrire aujourd'hui ?

  3   M. Kajmovic (interprétation). - Je peux vous citer un exemple de

  4   deux Croates de Vitez, c'est Stipo Brka qui travaille à l'assemblée

  5   municipale de Vitez, je crois qu'il est au bureau du cadastre, il était

  6   membre du SDP, et l'autre, c'était Zdrako Livancic. Ces deux personnes,

  7   même après la création des partis nationaux, continuaient à adhérer aux

  8   idées du SDP.

  9   Les combattants du HVO sont entrés dans le siège, dans le

 10   bâtiment où se trouvait le siège des partis, et le HVO a complètement

 11   détruit les pièces où se trouvaient les autres partis. Dans les locaux du

 12   SDP se trouvaient les deux Croates en question à cette occasion. Ils les

 13   ont ligotés, ils les ont conduits dans un véhicule, dans un endroit à

 14   l'extérieur de la ville, Zabrde, ils les ont attachés à un arbre, ils les

 15   ont battus, ils ont tiré à l'aide d'armes.

 16   Ils ne les ont pas tués mais, suite à leur retour à Vitez, je

 17   les ai rencontrés, notamment Stipo, et il n'osait rien me dire au sujet de

 18   cet événement, de cet incident. Mais il est resté fidèle à ses idées

 19   politiques, même après la guerre...

 20   M. le Président (interprétation). - Oui, je vous remercie.

 21   Excusez-moi, Monsieur Kajmovic, je vais être obligé de vous arrêter. Il

 22   nous faut passer à d'autres sujets.

 23   M. Nice (interprétation). - Est-ce que vous avez supposé que

 24   Vitez était devenu partie d'Herceg-Bosna sans avoir jamais vu une

 25   publication officielle à ce sujet, même pendant le conflit ?


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  1   M. Kajmovic (interprétation). - Je supposais que c'était

  2   possible. J'y ai pensé. Par la suite, en étudiant le problème en question,

  3   j'ai vu que les structures politiques du HDZ, le 17 novembre 1991, avaient

  4   déjà proclamé la communauté croate d'Herceg-Bosna.

  5   M. Nice (interprétation). - Excusez-moi, je vais être obligé de

  6   vous interrompre parce que nous ne pouvons pas rentrer dans le détail.

  7   Vous pouvez répondre par oui ou non.

  8   Je pense que vous êtes devenu membre de la cellule de crise en

  9   février, en avril 1992 à Vitez. Ivica Santic faisait partie de cette

 10   cellule de crise ?

 11   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

 12   M. Nice (interprétation). - L'une des réunions des cellules de

 13   crise s'est tenue en la présence d'Anto Valenta. Il y a dit quelque chose.

 14   Pouvez-vous nous répéter ce que vous vous rappelez de ces déclarations ?

 15   M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Lors de cette réunion de la

 16   cellule de crise, on discutait de nombreuses questions et les membres de

 17   la cellule de crise, les Musulmans et les Bosniens, n'étaient pas toujours

 18   d'accord. Et à une occasion, nous n'étions pas d'accord et Anto Valenta

 19   était plutôt en colère, il a dit: "Vous devez faire attention, vous autres

 20   Bosniens, car nous, nous sommes armés à 90 %, alors que, selon nos

 21   estimations, vous n'êtes armés qu'à 10 % ! Donc faites attention, cela

 22   peut vous coûter cher!". C'était le sens de ses propos, les propos qu'il a

 23   tenus lors de cette réunion.

 24   M. Nice (interprétation). - Vous pouvez, si la question se pose,

 25   parler de l'agression qui a été menée depuis la Serbie et le Monténégro au


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  1   sujet de la défense conjointe du SDA et Anto Valenta lui-même est devenu

  2   président du HDZ ? Vous pouvez également parler d'une réunion qui a été

  3   demandée par Anto Valenta, une réunion des députés élus des assemblées, de

  4   l'assemblée municipale et de l'école primaire de Vitez, ainsi qu'au sujet

  5   de la question de la reconnaissance de l'Herceg-Bosna ? Donc vous êtes en

  6   mesure de répondre à ces questions si telle était la nécessité ?

  7   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

  8   M. Nice (interprétation). - Au début de 1992, le HVO a été

  9   constitué. Il a pris le contrôle des autorités locales et de la station de

 10   police locale. Vous êtes en mesure de répondre au sujet des Croates se

 11   promenant en uniforme du HVO, en portant donc l'insigne du HVO, au sujet

 12   du licenciement des Musulmans de Bosnie, des demandes s'adressant aux

 13   Musulmans de Bosnie, de signer des déclarations de loyauté, ainsi qu'au

 14   sujet des pertes d'emplois par les Musulmans de Bosnie ? Vous êtes en

 15   mesure de répondre à ce genre de question, n'est-ce pas, de couvrir ces

 16   sujets ?

 17   M. Kajmovic (interprétation). - Oui.

 18   M. Nice (interprétation). - Au printemps 1992, vous-même, vous

 19   étiez présent à une réunion qui s'est tenue à Novi Travnik. A cette

 20   réunion, Dario Kordic, en uniforme militaire, a parlé de la demande au

 21   sujet d'un lance-roquettes multiples de l'usine d'explosifs ?

 22   M. Sayers (interprétation). - Je pense que, à ce moment, il

 23   serait bien que les questions ne soient pas suggestives, les sujets qui

 24   s'adressent au témoin.

 25   M. le Président (interprétation). - Oui, je pense que cela


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  1   s'impose.

  2   M. Nice (interprétation). - Oui, mais il s'agit de sujets qui

  3   ont déjà été couverts par d'autres témoins. Je ne pense pas qu'il s'agit

  4   de faits qui sont contestés. Simplement, ce témoin peut répondre à ce

  5   genre de questions si cela est nécessaire. Peut-être le mieux serait-il

  6   d'y revenir après le week-end, pour voir s'il y a vraiment des points

  7   contestés dans la déclaration préalable, ce qui me permettra d'avancer

  8   rapidement.

  9   A présent, comme vous le savez, nous cherchons à éviter les

 10   éléments de preuve cumulatifs. Au paragraphe 15, je pense que nous pouvons

 11   adopter la méthode ordinaire, s'agissant de l'usine Slimena qui se trouve

 12   près de Travnik, est-ce qu'un incident s'est produit à cet endroit en

 13   mai 1992 ? Etes-vous en mesure de nous dire quelque chose à ce sujet ?

 14   M. Kajmovic (interprétation). - Oui, il s'agit d'un entrepôt

 15   d'armement. Un incident y a eu lieu. Il me semble que cela s'est produit

 16   le 4 mai. Je peux expliquer comment cela s'est passé.

 17   M. Nice (interprétation). - Oui, un résumé, s'il vous plaît,

 18   parce que nous n'avons pas besoin de l'entendre en détail. Pouvez-vous

 19   exprimer en quelques phrases simplement ce qui s'est produit à cet

 20   endroit ?

 21   M. Kajmovic (interprétation). - Donc il s'agit d'un entrepôt de

 22   l'ex-JNA. Quelques mois auparavant, la JNA y a entreposé l'armement de la

 23   TO de Novi Travnik, Vitez et Travnik. Donc c'est la JNA qui contrôlait ces

 24   armes. Au début du mois de mai 1992, une attaque a eu lieu, une attaque

 25   menée par le HVO et contre cet entrepôt. La sécurité, les membres de la


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  1   sécurité ont quitté les lieux de la JNA et une partie de l'entrepôt a été

  2   incendiée, ainsi que l'armement qui s'y trouvait.

  3   La population, de manière organisée et non organisée, des trois

  4   municipalités, arrivait pour emmener les armes qui restaient. Selon mes

  5   estimations, j'ai passé trois heures devant cet entrepôt suite à une

  6   réunion à Travnik. Il y a eu environ 4 à 5.000 personnes qui venaient pour

  7   y prendre des armes.

  8   M. Nice (interprétation). - Maître Nice, serait-il possible

  9   d'évaluer quelle était la proportion entre les groupes ethniques au sein

 10   de ces 4 ou 5.000 hommes ?

 11   M. Kajmovic (interprétation). - L'attaque dirigée contre cet

 12   entrepôt a été menée par le HVO. Je ne sais pas si les membres de l'armée

 13   ont participé, cela je ne peux pas le dire, mais, selon nos estimations,

 14   l'objectif du HVO était de détruire l'armement ou de le reprendre. Il

 15   était nécessaire, de leur point de vue, d'éviter que les Bosniens s'en

 16   emparent.

 17   Donc l'objectif principal, c'était d'éviter que cet armement

 18   soit repris par les Bosniens ni par des négociations ou par une autre voie

 19   quelconque. Nous avions des preuves confirmant cette thèse, car le matin

 20   même, les représentants du HDZ et du SDA sont arrivés des trois

 21   municipalités et nous avons eu une réunion dans le bâtiment de l'assemblée

 22   municipale de Travnik. Nous avons proposé que ces armes soient réparties

 23   en parts égales ; 50 % pour les Bosniens, 50 % pour les Croates, et que la

 24   répartition soit équitable selon les municipalités, vu le fait que les

 25   municipalités ne comptaient pas le même nombre d'habitants et puis, le


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  1   nombre d'armes n'était pas égal. Les représentants du HDZ ont rejeté

  2   catégoriquement cette proposition. Mais sur le terrain, ils n'ont rien pu

  3   empêcher. Les Bosniens et les Croates, c'était le chaos et personne ne

  4   pouvait réellement contrôler la situation. Et même si nous avions réussi à

  5   conclure un accord à l'assemblée municipale, rien n'aurait pu être mis en

  6   oeuvre puisque la situation était chaotique à l'entrepôt.

  7   M. Nice (interprétation). - Merci. Je vais vous poser des

  8   questions soit aujourd'hui, soit la semaine prochaine au sujet du stade de

  9   Vitez : en fait, l'événement qui s'y est produit, où vous avez vu la

 10   cérémonie de prestations de serment et où vous avez vu Dario Kordic.

 11   En 1992, c'était au printemps, à l'été, à l'automne, à l'hiver ?

 12   Pouvez-vous préciser la saison ?

 13   M. Kajmovic (interprétation). - Si mes souvenirs sont bons, ils

 14   avaient organisé une manifestation... Je me souviens d'un détail...

 15   M. Nice (interprétation). - La saison, s'il vous plaît, pouvez-

 16   vous la préciser ?

 17   M. Kajmovic (interprétation). - C'était probablement l'été, la

 18   fin de l'été. Il faisait chaud et un soldat avait eu un malaise, donc on a

 19   dû lui fournir l'aide médicale.

 20   M. Nice (interprétation). - C'est tout ce que j'avais besoin de

 21   savoir. Donc il faisait chaud, c'était en été.

 22   A l'époque où vous avez commencé à participer à ces affaires

 23   politiques, il y a eu donc cet événement au stade de Vitez en été. A cette

 24   période-là, est-ce que vous avez eu des rencontres avec celui qui a été un

 25   moment votre élève, Dario Kordic ?


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  1   M. Kajmovic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas revu avant

  2   les négociations qui ont eu lieu au niveau local. Les représentants de

  3   Travnik, Busovaca et Novi Travnik sont venus. Donc nous avions tenu

  4   quelques réunions, c'était vers la fin de 1992, à partir de la moitié de

  5   l'année 1992, et Dario Kordic était présent à quelques-unes de ces

  6   réunions.

  7   M. Nice (interprétation). - Au paragraphe 20 -et ce serait

  8   peut-être un moment approprié pour arrêter les travaux pour aujourd'hui- à

  9   ces réunions, quels sont les points de vue qu'il a exprimés, en termes

 10   généraux ?

 11   M. Kajmovic (interprétation). - Lors de ces réunions, on

 12   discutait de plusieurs questions et on cherchait à trouver des solutions

 13   politiques à des problèmes, des problèmes concernant les autorités

 14   locales, la police, les relations inter-ethniques, les insignes sur les

 15   uniformes de la police, etc.

 16   Pendant ces discussions, ses propos étaient plutôt extrémistes.

 17   Aucun compromis n'était possible. Il me semble que ses propos ne menaient

 18   absolument pas à la solution du problème mais, bien au contraire, à

 19   l'aggravation des tensions inter-ethniques.

 20   M. Nice (interprétation). - J'ai quelques points administratifs

 21   dont j'aimerais informer la Chambre. Cela ne prendrait que quelques

 22   instants et ce serait peut-être un moment approprié pour laisser le témoin

 23   se retirer et de voir notre programme pour la semaine prochaine.

 24   M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin,

 25   Monsieur Kajmovic, nous allons suspendre l'audience à présent. Pouvez-vous


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  1   revenir s'il vous plaît lundi matin, à 9 heures 45 ?

  2   Je vous prie... Il y a une chose que je voudrais ajouter à

  3   l'intention du témoin. Monsieur Kajmovic, excusez-moi de vous retenir,

  4   mais je souhaite vous dire une chose et je dois la dire en public. S'il

  5   vous plaît, n'adressez la parole à personne et ne parlez avec personne au

  6   sujet de ce procès pendant le week-end, j'entends, et cela comprend

  7   également les membres de l'accusation. Vous pouvez disposer à présent et

  8   je vous prie de revenir lundi matin.

  9   M. Kajmovic (interprétation). - Très bien.

 10         (Le témoin quitte le prétoire.)

 11   M. le Président (interprétation). - Nous passons à huis clos partiel.

 12         (Audience à huis clos partiel.)

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  8               L'audience est levée à 13 heures 20.

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