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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/2-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 19 Juillet 1999
4 L'audience est ouverte à 14 heures 30.
5 Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour. Affaire IT-94-14/2-T,
6 le Procureur contre Dario Kordic et Mario Cerkez.
7 M. le Président (interprétation). - Monsieur Kovacic, je crois
8 que c'était à vous de nous parler au sujet du dossier.
9 M. Kovacic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
10 Tout d'abord, je souhaite dire la chose suivante : j'ai soumis
11 un mémoire conformément à votre ordonnance et en ce qui concerne les
12 arguments de base concernant la procédure qui constitue la base de notre
13 opposition à la proposition du Procureur de verser au dossier le dossier
14 Tulica en tant qu'un ensemble, ces arguments-là sont énumérés dans ce
15 document et c'est pour cela que je ne trouve pas qu'il soit nécessaire de
16 répéter les mêmes choses.
17 De même, la défense de M. Kordic a présenté une série
18 d'arguments et nous les soutenons tous. Je souhaite néanmoins
19 éventuellement ajouter encore quelques points qu'il faudrait prendre en
20 compte. Le Procureur, au début de sa présentation des moyens de preuve,
21 nous a dit qu'il était déçu du fait que la défense ne souhaitait pas aider
22 le Procureur dans la présentation des moyens de preuve du Procureur. Je
23 trouve cet argument sans pertinence.
24 Il est évident qu'il ne revient pas à la défense d'aider le
25 Procureur à présenter ses éléments de preuve, nous sommes dans une
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1 procédure contradictoire et nous avons des intérêts différents.
2 Deuxièmement, en ce qui concerne cet argument, cela me rappelle
3 un autre. C'est tout comme si la défense se plaignait du fait que le
4 Procureur n'avait pas consulté la défense au moment où il procédait à la
5 modification de l'acte d'accusation, donc c'était un moment où la défense
6 existait déjà et était active dans cette affaire.
7 Donc tout je simplement, je souhaite dire qu'il s'agit là d'une
8 approche complètement erronée et peut-être c'est ce qui constitue
9 effectivement certaines bases d'une telle approche.
10 Ensuite, je souhaite dire que le souhait de la défense ne
11 constitue pas la question-clé ici. La question-clé est de savoir si les
12 règles concernant cette procédure permettent de présenter les éléments de
13 preuve de cette manière-là.
14 Bien évidemment, le Règlement entre dans bien des détails
15 concernant la manière dont les éléments de preuve doivent être présentés,
16 et ensuite nous avons également les sources de droit. Nous avons également
17 la pratique judiciaire et puis nous avons aussi l'application du droit
18 dans les deux systèmes et, là, je parle du système de droit civil et aussi
19 de common law.
20 Donc je souhaite dire que je considère que les Juges devraient
21 trancher suite à cette longue discussion, trancher surtout sur la base du
22 Règlement de procédure et de preuve en s'appuyant également sur d'autres
23 sources que les Juges considéreront comme importantes et pertinentes dans
24 cette affaire.
25 Je pense que nous avons déjà affirmé bien des fois dans ce
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1 prétoire le fait que le Règlement et le droit international lui-même
2 garantissent le droit à la défense à contre-interroger chacun des témoins
3 et également le droit de la défense d'examiner de manière critique chaque
4 moyen de preuve présenté.
5 Jusqu'à présent, la pratique appliquée dans le cadre de ce
6 Tribunal nous montre qu'une telle procédure telle qu'elle a été proposée
7 par le Procureur ici et maintenant n'a jamais été acceptée.
8 Au cours de cette procédure, la défense a mentionné, d'ailleurs
9 le Procureur l'a mentionné également au début, c'est-à-dire les deux
10 parties se sont appuyées et ont mentionné la pratique en ex-Yougoslavie en
11 ce qui concerne les interrogatoires des témoins.
12 Je souhaite ajouter le point suivant. Dans le Code pénal qui
13 était en vigueur en ex-Yougoslavie et les Etats issus de l'ex-Yougoslavie
14 ont plus ou moins maintenu le même système ou bien y ont apporté quelques
15 modifications insignifiantes, le principe de base était que le témoin
16 devait témoigner directement devant les Juges.
17 Je ne vais pas maintenant m'appuyer sur les règles qui
18 constituent le principe de base, mais la règle elle-même était que les
19 Juges devaient voir directement le témoin afin de présenter les moyens de
20 preuve de manière directe et afin de permettre aux Juges de créer leur
21 propre opinion directe.
22 Quant à la question de savoir s'il est possible de lire
23 simplement les déclarations de témoins en ce qui concerne l'ex-Yougoslavie
24 et en ce qui concerne les nouveaux Etats issus de l'ex-Yougoslavie, cette
25 procédure constituait une exception rare.
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1 Je ne vais pas entrer dans tous les détails en ce moment, mais
2 il faut savoir qu'au moment où on lisait la déclaration de témoin, il
3 s'agissait de la déclaration de témoin a donnée au Juge d'Instruction,
4 donc il s'agissait d'un fonctionnaire du Tribunal et non pas d'une autre
5 instance, et surtout pas du Bureau du Procureur, donc conformément au Code
6 pénal il est possible de lire une telle déclaration donnée sous serment.
7 En ce qui concerne d'autres circonstances, dans la pratique de
8 nos cours de l'époque, il n'était pas possible de lire une déclaration de
9 témoin et personne ne pouvait venir devant les Juges pour parler des
10 propos tenus par le témoin en question auparavant.
11 Je vais répéter encore une fois, même si nous l'avons déjà dit,
12 que le Procureur propose ici que l'enquêteur du Tribunal se substitue au
13 témoin et en ce qui concerne l'enquêteur, il est indiqué qu'il s'agit de
14 l'enquêteur du Tribunal.
15 Or, ceci n'est pas exact étant donné qu'il s'agit là des
16 enquêteurs du Bureau du Procureur et, par définition, une telle personne
17 appartient à l'une des parties dans cette affaire et donc, par définition,
18 il peut pas être quelqu'un de complètement neutre et objectif dans cette
19 procédure.
20 Je souhaiterais ensuite attirer votre attention sur un problème
21 pratique que nous pourrions rencontrer au cas où nous accepterions que le
22 Procureur interroge l'enquêteur au lieu du témoin, et même de verser au
23 dossier les déclarations basées seulement sur la déposition de
24 l'enquêteur.
25 Sans doute nous nous retrouvions dans une situation
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1 problématique concernant l'équilibre entre les deux parties et surtout les
2 égalités des armes entre les deux parties.
3 De quoi s'agit-il ? Dans son enquête, le Procureur a eu recours
4 au Bureau du Procureur. Nous savons, sur la base de l'expérience de cette
5 affaire et des autres affaires dans ce Tribunal, l'équipe du Procureur,
6 les personnes qui sont assises dans le prétoire, soit n'ont pas encore
7 parlé avec les témoins eux-mêmes, ou bien seulement suite à la déclaration
8 qui avait été recueillie par leur propre enquêteur.
9 Contrairement à cela, la défense, avec l'équipe qui se trouve
10 ici, a procédé elle-même à l'enquête. Par exemple, je vais vous donner un
11 exemple : moi-même, j'ai interrogé beaucoup plus de témoins que mes
12 enquêteurs. Inutile de parler des implications de ceci étant donné que
13 ceci créerait une image absurde et grotesque.
14 Si le Procureur cite à la barre aujourd'hui un enquêteur qui va
15 nous dire ce qu'il a entendu de la part du témoin, dans ce cas-là, afin de
16 garder l'égalité des armes, nous pourrions être dans la situation où moi-
17 même je serais cité à la barre pour dire ce que j'ai entendu de la part
18 des témoins au moment où je menais l'affaire et peut-être mon collègue
19 devrait procéder au contre-interrogatoire. Ce serait une situation absurde
20 ou sinon, l'équilibre, l'égalité entre les deux parties, serait menacé.
21 Si le Règlement prévoyait une quelconque possibilité que l'on
22 aurait pu remarquer de manière raisonnable durant le stade de la
23 préparation qui permettrait à la défense de conclure qu'il était
24 nécessaire d'avoir les enquêteurs séparés de notre travail, nous l'aurions
25 certainement fait, mais malheureusement, peut-être à cause du manque de
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1 clairvoyance, et peut-être pour d'autres raisons, nous n'avons pas
2 remarqué ceci dans le Règlement et nous ne l'avons pas fait.
3 Il est certain que la charge de la preuve repose sur le
4 Procureur dans une affaire, c'est le Procureur qui a soumis l'acte
5 d'accusation, c'est au Procureur de présenter les éléments de preuve, s'il
6 a les éléments de preuve, il doit le faire, sinon, il est dans
7 l'impossibilité de le faire, mais de toute façon, nous avons tous
8 travaillé dans le domaine juridique pendant bien longtemps et il est clair
9 que s'il n'y a pas suffisamment de preuves, il n'y a pas d'affaire.
10 Donc il n'est pas possible de dire qu'une affaire existe sans
11 qu'il y ait de preuves, donc si le Procureur dispose des preuves, il doit
12 présenter ces éléments de preuve ici dans le prétoire dans le cadre de
13 cette affaire.
14 C'est la seule approche qui serait conforme à la fois au droit
15 international et au Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal.
16 C'est donc au Procureur de prouver ces allégations. Si l'on procède de la
17 manière proposée par le Procureur, on transmet la charge, on déplace la
18 charge de la preuve, soit à la défense, soit aux Juges. Alors que ceci
19 n'est pas une approche judicieuse.
20 Le Bureau du Procureur suggère de cette manière en effet de
21 procéder d'une manière contraire au Règlement, contraire au droit
22 international et contraire à tous les systèmes établis à la fois le common
23 law et le droit civil.
24 A notre avis, ce Tribunal international devrait être un Tribunal
25 modèle qui contribuera certainement qui devrait certainement contribuer à
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1 la création des principes plus élevés dans ce genre de procédure et non
2 pas adopter les règles plus floues que celles existant
3 dans d'autres systèmes.
4 Un autre principe a été évoqué ici ; c'était le principe qui
5 permet le droit à une procédure juste et également le principe de
6 l'efficacité de la procédure a également été évoqué.
7 Nous considérons que, mise à part une série d'autres principes
8 qui constituent la base de cette procédure, ces deux principes sont
9 prioritaires.
10 Il n'est pas nécessaire non plus de souligner le fait que le
11 droit à avoir une procédure juste a la priorité par rapport à l'autre
12 principe, le principe de l'efficacité. Nous sommes tous souvent frustrés à
13 cause de la perte du temps, mais ceci ne veut pas dire nécessairement
14 qu'il est possible de miner à cause de cela le principe permettant à la
15 défense, et non seulement à la défense, mais aussi à la Chambre de
16 première instance tout entière d'avoir une procédure juste.
17 Je pense que le Procureur aurait dû réfléchir à tout ceci au
18 moment où il menait son enquête et où il soumettait l'acte d'accusation,
19 et surtout au moment où il modifiait l'acte d'accusation, étant donné que
20 nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation où l'on essaie de
21 soigner les conséquences de quelque chose qui n'a pas été fait au moment
22 où on aurait dû le faire.
23 Je souhaite répéter encore une fois ce que j'ai déjà dit
24 concernant le mécanisme des points d'accord. C'est un mécanisme confirmé
25 dans bien des Etats. Bien sûr, parfois, il y a des différences entre les
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1 systèmes différents, mais nous nous comprenons tous entre les experts
2 juridiques ici, nous savons tous ce que ça veut dire, arriver au point
3 d'accord, mais je dois affirmer que, dans cette affaire, le nombre de
4 points d'accord a été minime, peut-être il n'est même pas nécessaire de le
5 mentionner.
6 Mais ceci n'a pas été fait à cause du manque de collaboration de
7 la défense, comme l'avait indiqué le Procureur, mais à cause du fait qu'au
8 moment où les points d'accord avaient été proposés à la défense, la
9 défense n'a vraiment pas été en mesure de se prononcer sur certains points
10 étant donné que tous les documents n'avaient pas encore été communiqués à
11 la défense.
12 Nous ne pouvons pas nous attendre à un esprit de coopération
13 absolu de la part de
14 la défense si la défense ne dispose pas de tous les documents.
15 Je rappelle qu'au moment où nous avons commencé à parler du
16 dossier Tulica, moi-même j'ai fait certaines propositions ; lorsque le
17 Procureur a proposé certains points d'accord, moi, j'ai accepté certains
18 d'eux, j'ai refusé certains d'eux et puis j'ai proposé certaines
19 modifications pour, ensuite, pouvoir discuter de ce genre de définition,
20 mais je n'ai jamais reçu la réponse.
21 Je souhaite également dire quelques mots concernant les rapports
22 qui constituent une partie du dossier Tulica. Ne me méprenez pas, mais je
23 souhaite me baser sur un exemple que nous avons vu ici récemment pour voir
24 un aspect pratique. Nous avons eu récemment le rapport de McLeod, mais je
25 ne peux pas m'empêcher de remarquer que ce témoin McLeod est certainement
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1 une personne bien plus qualifiée qu'un enquêteur moyen du Bureau du
2 Procureur, il n'y a aucun doute là-dedans.
3 Cependant, l'un des documents qui faisaient partie de ce rapport
4 que vous avez vu, c'était la liste des Musulmans de renommée, une liste
5 constituée de 13 ou de 16 personnes. Il a été indiqué qu'au moment où ce
6 papier était versé au dossier, il a été indiqué que toutes ces personnes
7 étaient détenues dès le 16 avril.
8 Je ne vais pas me lancer dans tous les détails, mais notre
9 analyse nous a permis de découvrir que 2 parmi ces 13 personnes n'ont
10 jamais été détenues et d'ailleurs, quelques jours avant l'arrivée de
11 McLeod, il l'avait affirmé ici devant les Juges, deux d'entre eux étaient
12 mortes le 16 avril, donc ne pouvaient pas être détenues du tout et trois
13 ou quatre ont été détenues, à commencer par une date 3 ou 4 jours après la
14 date indiquée.
15 Donc cela veut dire que ce document a été erroné en grande
16 mesure, et maintenant, on nous propose d'accepter des rapports constitués
17 par des enquêteurs différents sans aucune approche critique.
18 M. le Président (interprétation). - Quand vous parlez de
19 rapports à ce sujet, est-ce que vous êtes en train de nous parler de
20 l'enquête sur le terrain, des rapports de l'enquête sur le terrain à
21 Sarajevo, du Tribunal de Sarajevo et de l'expert légiste ?
22 M. Kovacic (interprétation). - Non, pas en ce qui concerne ces
23 rapports-là. Ces rapports, je les ai acceptés, à quelques exceptions près,
24 je ne m'y oppose pas étant donné que ceci s'est fait conformément au
25 système dont je proviens.
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1 Moi je ne les considère pas comme contestables étant donné
2 qu'ils ne sont pas produits par le Bureau du Procureur. Tout simplement,
3 ils sont conformes à une procédure normale. Bien évidemment, nous avons eu
4 le droit de les accepter sans les contester ou pas. Cependant, il y a un
5 autre type de rapport qui n'est pas acceptable.
6 Mais même parmi les rapports que vous venez de mentionner, je
7 vais vous donner un seul exemple avec l'annexe du procès-verbal,
8 constituée, du Juge d'instruction dans la version originale, il
9 s'appelle : "Investigation Judges on side report". A la page R-006-00048,
10 de ce document, le technicien de criminologie qui avait fait quelques
11 esquisses -donc il s'agit de documents accompagnant le dossier- a dit, je
12 cite : "L'interrogatoire de dix personnes qui ont été tuées par le HVO".
13 C'est la citation correcte du rapport. Ceci est absolument inacceptable,
14 insoutenable. Je vais m'expliquer sur ce point.
15 Le Juge d'instruction, lorsqu'il exécute un certain nombre de
16 taches criminologiques, avec l'aide d'un certain nombre de techniciens
17 experts en la matière, eh bien, quel est leur rôle à ces hommes, leur rôle
18 consiste à découvrir des indices. Or, le rôle joué par ce technicien "x"
19 employé par le Tribunal n'était censé que tracer les grandes lignes de ses
20 découvertes. Or, il a écrit précisément de quoi il s'agissait puisqu'il
21 dit : "dix personnes tuées par le HVO". Or, ce n'était pas son rôle de
22 faire ce genre de chose et il n'a pas été recruté pour ce genre de
23 mission.
24 M. le Président (interprétation). – Maître Kovacic, il me semble
25 que dans le domaine que vous êtes en train de discuter, le fait de
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1 disposer de juges professionnels est utile. Il semble tout à fait clair
2 que dans ce domaine particulier un expert ou un technicien n'a pas de
3 connaissances très détaillées, il se contente, dans ce cas, de rapporter
4 ce qu'il a appris de tiers et nous ignorons, nous laissons de côté ces
5 éléments, en temps qu'élément de preuve.
6 Mais ce que nous pourrions admettre comme éléments de preuve à
7 verser au dossier, ce sont des rapports traitant des questions dont cet
8 homme est censé rendre compte.
9 M. Robinson (interprétation). - Maître Kovacic, supposons que le
10 Procureur ait voulu utiliser les déclarations préalables du témoin en tant
11 que déclaration sous serment, dans le cadre de l'application de
12 l'article 94 Ter du Règlement. Quel serait votre commentaire dans ce cas ?
13 M. Kovacic (interprétation). – Monsieur le Juge, ma position
14 concernant le versement au dossier de témoignages émanant d'autres procès
15 ou de déclarations faites sous serment devant le Tribunal, eh bien, la
16 position en la matière est beaucoup plus souple. Je pense que le Règlement
17 établi en effet des mécanismes permettant d'accepter ce type de procédure.
18 Deuxième argument, cela a déjà été fait dans la pratique.
19 Troisièmement, je pense que nous avons un certain nombre de
20 moyens pour régler tout problème lié à ce type de situation.
21 A mon avis, mais ce n'est qu'une des façons possibles de créer
22 cette situation, eh bien, cela consiste, à mon avis, à appliquer
23 l'article 89 (C) du Règlement qui porte sur les éléments de preuve
24 documentaires et à établir peut-être dans le témoignage, au cours du
25 contre-interrogatoire, s'il n'a pas pu être interrogé par le Procureur par
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1 exemple, étant un témoin de la
2 défense, ou s'il n'a pas pu être interrogé suffisamment par la défense
3 étant un témoin du Procureur, ce problème me semble-t-il peut être réglé
4 grâce à un certain nombre de mécanismes qui, à mon avis, existent.
5 Je suis sûr en tout cas -rappelez-vous ce que nous en avons dit
6 dans le débat précédent-, il me semble qu'il existe deux moyens pratiques
7 pour régler cette situation et que l'article du Règlement le plus
8 applicable en la matière est le 89 (C) relatif aux éléments de preuve
9 documentaires.
10 A moins que vous n'ayez d'autres questions, Monsieur le
11 Président, Messieurs les Juges, j'en arriverai à la conclusion de mon
12 intervention en vous rappelant seulement, Monsieur le Président, que deux
13 fois déjà au cours du débat que nous avons eu récemment, vous vous êtes
14 exprimé au sujet du droit au contre-interrogatoire.
15 Le 28ème jour du procès, page 125 du compte rendu d'audience de
16 cette journée-là, aux lignes 23 à25, si je puis me permettre de vous le
17 rappeler, Monsieur le Président, vous avez dit à mon collègue le Procureur
18 -et je crois qu'il serait préférable que je lise en anglais- vous avez
19 donc dit, je cite : "Maître Nice, tout cela est très bien mais ce n'est
20 pas la défense qui a cité ces témoins à comparaître, et la défense a droit
21 au contre-interrogatoire. C'est le Procureur qui cite le témoin à
22 comparaître et le Procureur d'ailleurs, pourrait être amené à revoir sa
23 position en la matière", (fin de citation).
24 La deuxième occasion que j'aimerais vous rappeler, c'est lorsque
25 nous avons débattu de l'ouï-dire de deuxième degré, c'était page 2233 du
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1 compte rendu d'audience, lignes 13 à 15, en date du 11 mai ; vous avez
2 rappelé ce que vous aviez déjà dit, mais je vous le rappelle, je cite :
3 "Il semblerait que des règles différentes devraient s'appliquer car c'est
4 une affaire où la preuve est difficile à apporter", (fin de citation).
5 J'ajouterai personnellement en conclusion quelques mots au sujet
6 de la difficulté de ce procès. Je crois que nous sommes tous d'accord sur
7 le fait que ce procès est très difficile,
8 mais cela ne change rien au fait que la charge de la preuve repose sur le
9 Procureur. C'est donc au Procureur qu'il appartient de produire des
10 éléments de preuve devant ce Tribunal, qu'il s'agisse d'éléments de preuve
11 matériels ou de témoins.
12 Si le Procureur est incapable de le faire, avec toute la
13 coopération que la défense lui doit théoriquement et toute la bonne
14 volonté du Tribunal, eh bien, il n'y aura pas d'arguments, il n'y aura pas
15 de procès.
16 M. le Président (interprétation). – Merci Maître Kovacic.
17 Maître Nice ?
18 M. Nice (interprétation). - J'aimerais distribuer, si vous le
19 permettez, un plan de ma réponse.
20 (L'huissier s'exécute.)
21 Notre position est tout à fait claire aujourd'hui. Nous
22 comprenons que la défense affirme que chaque élément caractéristique du
23 crime doit être apporté depuis la chaise du témoin, indépendamment du
24 nombre de documents à l'appui, ce qui signifie que tous les éléments de
25 preuve doivent venir des témoins entendus à la barre. Il a été intéressant
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1 pour nous de constater que Me Smith a bien failli dire que chacun des
2 éléments de preuve devait être prouvé de façon aussi complète que cela. Je
3 suis heureux qu'il se soit arrêté à temps, car cela aurait rendu notre
4 discussion assez absurde en y introduisant un élément d'absurdité, lié à
5 une très grande flexibilité, pour ne pas dire un certain laxisme vis-à-vis
6 des éléments de preuve.
7 L'argument de la défense est en fait très simple et très courant
8 en common law : il consiste à dire que l'ouï-dire n'est pas admissible. Il
9 est intéressant de constater, si tel devait être le cas, où un tel
10 argument aboutirait.
11 Premièrement, il n'y a pas de différences de catégorie entre
12 l'ouï-dire sous forme de déclaration écrite ou sous quelque autre forme
13 que ce soit. Ce Tribunal, s'il a raison d'admettre l'ouï-dire comme il l'a
14 fait jusqu'à présent, à savoir si le Procureur a raison d'affirmer ce
15 qu'il dit, dans ce cas cela conduirait inévitablement à une nouvelle
16 critique de l'ouï-dire de façon générale. L'argument pourrait consister à
17 dire, peut-être à l'extrême, que l'ouï-dire est totalement et
18 intégralement inadmissible.
19 Autrement dit, tout témoin -j'utilise le mot de façon générale-
20 dont le témoignage -j'utilise également ce mot de façon générale- pourrait
21 être considéré comme un ouï-dire de second degré s'il répondait aux
22 questions posées dans le cadre du contre-interrogatoire.
23 Deuxième argument, et ceci est un point qu'il importe au plus
24 haut degré de garder à l'esprit me semble-t-il, si l'argument du conseil
25 de la défense est exact, alors nous pourrions, si nous nous mettions à la
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1 place de la défense, nous trouver, non seulement autorisés, mais obligés à
2 refuser d'admettre tous éléments significatifs apportés en temps
3 qu'éléments de preuve dans ce procès.
4 Les individus qui bénéficient du droit du contre-interrogatoire
5 sont ceux qui s'installent à la chaise du témoins, qui produisent une
6 déclaration écrite comme c'est le cas de tout autre élément de preuve.
7 Pour ce qui concerne les autres éléments de preuve, leur choix serait à la
8 discrétion du Tribunal.
9 Néanmoins, dans cette situation, j'aimerais appeler votre
10 attention sur le fait qu'il y a une autre situation que la Cour européenne
11 des droits de l'homme préfère, me semble-t-il, une autre situation liée au
12 témoin, à savoir que le mot témoin s'applique à toute personne dont les
13 déclarations sont soumises au Tribunal et prises en compte par celui-ci.
14 Vous en trouverez la référence dans l'affaire Kostovski sur laquelle je
15 reviendrai brièvement.
16 Mais cette situation, que la Cour européenne des droits de
17 l'homme semble préférer, ne consiste qu'à montrer que le droit de contre-
18 interroger quelqu'un n'est pas absolu. Dans ces conditions, il est
19 possible que ma formulation, à savoir la situation dans laquelle le terme
20 "témoin" s'applique à la personne qui vient physiquement déposer au
21 Tribunal alors que l'on utilise le terme élément de preuve –un autre terme
22 donc- pour une déclaration écrite ou tout autre document, vous paraisse
23 soit plus logique, même si la deuxième peut refléter plus précisément
24 l'usage courant donné au terme "témoin" dans la langue de chacun.
25 En tout état de cause, à notre avis, il n'y a pas de grandes
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1 différences entre les deux définitions proposées pour le terme témoin,
2 étant donné qu'il y a toujours discrétion d'admettre ou de rejeter un
3 témoignage s'il ne vient pas directement d'un témoin assis sur la chaise
4 des témoins mais qu'il arrive d'une façon plus indirecte.
5 Monsieur Kovavic a cité l'article 89 C) qui permet d'admettre
6 tout élément de preuve pertinent si sa valeur probante est confirmée ; ce
7 qui exige bien entendu que des déclarations d'ouï-dire soient admises
8 régulièrement par ce Tribunal, et que d'autres aient rang d'éléments de
9 preuve ; ce qui nous fait rentrer dans la première formule que j'ai
10 proposée tout à l'heure.
11 Je fais remarquer cependant que les déclarations sous serment
12 -ce n'est peut-être pas une surprise- dont il est question de la part des
13 témoins sont évoquées à l'article 94 ter du Règlement.
14 J'aimerais ici revenir sur des observations assez générales
15 relatives au droit anglais et du Pays de Galles dont M. le Juge Robinson a
16 déjà parlé. A cet égard, je regrette de ne pas avoir été en mesure de
17 répondre immédiatement lorsque cette référence a été faite.
18 Les chapitres 23 et 26 de la loi de 1988 qui acceptaient l’admission
19 de déclarations écrites dans certaines circonstances constitue
20 collectivement une présomption d'opposition à une telle admissibilité en
21 l'absence d'une autorisation du Tribunal qui recherche la meilleure
22 administration possible de la justice. Bien sûr, ces termes sont assez
23 généraux, mais ils rendent bien compte de l'attitude adoptée par le
24 Tribunal où nous nous trouvons aujourd'hui.
25 Nous ne demandons pas que tous les document d'un procès soient
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1 admis au dossier de ce procès. Nous demandons simplement l'identification
2 de ce qui est approprié et de ce qui est totalement inapproprié en
3 provenance de l'ex-Yougoslavie.
4 Concernant le Tribunal, dans les chapitres 23 et 26 du droit
5 britannique, il est question de preuve au-delà de tout doute raisonnable
6 et de la charge de la preuve qui incombe au Procureur s'il respecte bien
7 les termes de ces chapitres de la loi, même si, pour la défense, les
8 normes sont un peu plus généreuses.
9 Si le Tribunal avait devant lui un extrait du texte que j'ai
10 fourni, -je pourrais me référer aux pages et non aux paragraphes, ce
11 serait peut-être plus facile, la page 11-21, troisième feuillet au bas de
12 laquelle on trouve le passage suivant : "Lorsqu'un juge admet la
13 déclaration d'un témoin en raison du fait que ce témoin ne souhaite pas
14 s'exprimer oralement car il a peur, il n'y a pas violation des droits de
15 l'accusé aux termes de la Convention européenne des droits de l'homme,
16 même si l'article 63 (D) accorde à toute personne accusée d'un crime le
17 droit d'avoir un certain nombre de témoins interrogés ou contre-interrogés
18 dans son intérêt. C'est simplement un aspect du droit à un procès
19 équitable garanti par l'article 6-1, et puisque le juge se convainc,
20 conformément au chapitre 26 de la loi de 1988, qu'il est dans l'intérêt de
21 la justice d'admettre cette déclaration, une fois que ce fait est donc
22 pris en compte, tout risque d'inéquité vis-à-vis de l'accusé disparaît et
23 le procès est considéré dans sa totalité comme équitable", fin de
24 citation). Ceci est tiré de l'affaire Thomas and Flannagan.
25 Et Me Smith a analysé de façon très exacte un certain nombre
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1 d'éléments qu'il a présentés qui avaient trait aux insuffisances de
2 l'accusation, mais qui ne mentionnaient pas spécifiquement une infraction
3 à la convention.
4 J'aimerais vous renvoyer au détail du chapitre 26 et j'aimerais
5 maintenant vous renvoyer aux pages exactes du compte rendu d'audience.
6 Chapitre 66 B-2 -vous en avez la référence sur une photocopie-
7 si l'on cherche à déterminer les facteurs discrétionnaires que les Juges
8 doivent prendre en compte avant d'être autorisés à admettre une
9 déclaration sous serment, eh bien il y est question de tous les risques
10 possibles, et notamment de l'éventualité ou de la possibilité de
11 contredire la déclaration d'une personne au cas où la personne qui a
12 fourni cette déclaration ne vient pas physiquement participer au
13 déroulement du procès. L'expression qui est importante ici, c'est la
14 possibilité éventuelle pour les Juges de contredire.
15 Page 9, ligne 8, dans le compte rendu de Radak, la Cour d'appel
16 a fait les observations suivantes sur cette situation précise, qui,
17 toutes, portent sur une déclaration unique d'un témoin unique.
18 A la ligne 8, les Juges déclarent ce qui suit pour définir le
19 terme "contredire". Je
20 cite : "Un accusé peut contredire une déclaration en fournissant un
21 élément de preuve ou en citant des éléments de preuve liés à des témoins,
22 mais peut le faire également par contre-interrogatoire ou en mettant en
23 cause la crédibilité de M. Shifrin".
24 Le Procureur a accepté le fait qu'aucun des accusés n'a été en
25 mesure de contredire la position de M. Shifrin si celle-ci devait être lue
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1 et la contradiction ici est donc mentionnée comme liée à la production
2 d'un autre élément de preuve.
3 Là, je reviens à l'argument que j'ai déjà défendu lorsque j'ai
4 répondu à la première question posée par le Juge Robinson il y a quelques
5 jours, à savoir que ce que nous proposons quant aux documents qui peuvent
6 être lus sans problème, eh bien ces documents ne sont que ceux qui sont
7 liés à une difficulté de la défense de citer tel ou tel témoin
8 physiquement, et je l'ai déjà dit.
9 Bien entendu, si l'on sait à l'avance qu'il n'y aura pas
10 possibilité de contredire la déclaration écrite d'un témoin, il est fort
11 possible que la défense ait le devoir, au cas où elle a un bon argument,
12 de citer le témoin pour permettre un contre-interrogatoire et si elle a un
13 bon argument, elle va très certainement citer ce témoin.
14 Si tel n'est pas le cas, eh bien elle se limitera à présenter
15 des éléments de preuve et il appartiendra éventuellement ensuite au
16 Procureur de réagir dans le cadre de son droit de réplique.
17 Mais ce qui est important, c'est que la position d'opposition
18 recouvre très précisément la présentation d'éléments de preuve
19 supplémentaires ou la possibilité de remettre en cause la crédibilité de
20 telle ou telle personne en présentant des arguments.
21 Donc l'interprétation de ce terme ne se limite pas au contre-
22 interrogatoire. Le même compte rendu en bas de page aux quatre dernières
23 lignes stipule ce qui suit, je cite : "L'élément de preuve de M. Shifrin
24 établit un lien essentiel pour le Procureur".
25 Ce n'est pas simplement une partie théorique du procès ; le fait
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1 que les accusés ont
2 peu ou aucun élément de preuve à contredire pour contredire la déclaration
3 de M. Shifrin renforce à notre avis l'idée déjà exprimée selon laquelle il
4 serait inéquitable de ne pas accorder à la défense la possibilité de
5 remettre en cause les éléments de preuve soumis au Tribunal grâce au
6 contre-interrogatoire.
7 Vous ne pouvez pas défendre un argument sans poser de
8 questions... vous ne pouvez pas présenter un argument sans poser les
9 questions au sujet d'une feuille de papier.
10 M. Robinson (interprétation). - Maître Nice ?
11 M. Nice (interprétation). - Oui ?
12 M. Robinson (interprétation). - Sur ce dernier point, ce n'était
13 pas simplement une partie théorique du procès, les éléments de preuve que
14 le Procureur cherchait à ajouter au dossier de ce procès n'étaient pas
15 simplement une partie théorique des éléments du Procureur, n'est-ce pas ?
16 M. Nice (interprétation). - J'accepte ce fait. Bien sûr, ce
17 n'est pas simplement théorique, quelle que soit la déférence que l'on
18 doive à la Cour d'appel qui a déjà été évoquée.
19 Comme je l'ai déjà dit, aucun élément de preuve ne peut être
20 considéré à lui seul, tous créent une chaîne de preuves qui s'oriente vers
21 la sentence la plus appropriée. Il est très rare que l'on se voie accorder
22 du temps en prétoire pour traiter simplement de documents secondaires, il
23 y a une différence, à notre avis, entre le terme "formel" et le terme
24 "secondaire", n'est-ce pas.
25 Ce que nous disons, dans notre système juridique, en tout cas,
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1 et dans le cas du Tribunal du Rwanda notamment, s'agissant d'un procès en
2 génocide, d'une accusation de génocide, la seule question qui se posait
3 devant le Tribunal était de savoir si la responsabilité de l'accusé était
4 établie.
5 Il n'y a aucun règlement absolu qui affirme que, parce que quelque
6 chose est un élément vital de la preuve d'un crime dont l'accusé
7 est accusé, ni l'accusé, ni quelqu'un en son nom ne peut s'exprimer
8 à ce sujet.
9 Et s'il n'y a aucune raison de douter de l'exactitude des
10 documents soumis au dossier d'un procès, il n'existe aucun article du
11 Règlement qui établisse qu'un Tribunal doit avoir un témoin en chair et en
12 os devant lui pour qu'un élément de preuve soit accepté. D'une certaine
13 façon, le problème que vous évoquez, sur la base de la citation que vous
14 avez présentée, est un problème en soi, un problème qui repose uniquement
15 sur l'emploi du terme théorique. Que veut dire ce terme ? Dans tous les
16 cas, des éléments de preuve peuvent être décrits comme théoriques, et dans
17 tous les procès, tous les éléments de preuve sont probablement d'une
18 certaine façon fondamentaux dans la détermination d'une accusation.
19 Si nous prenons maintenant la page 10 du texte que j'ai cité
20 tout à l'heure, les deux premières lignes de l'avant dernier paragraphe
21 -c'est une requête contre l'Allemagne, je pense dont il était question au
22 paragraphe précédent- précisent : "La Commission rappelle que l'article 6-
23 3-d de la Convention n'accorde pas à l'accusé un droit illimité d'obtenir
24 la comparution des témoins dans le prétoire. Son objet consiste plutôt à
25 assurer l'égalité entre la défense et le Procureur en ce qui concerne la
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1 possibilité de citer et d'interroger les témoins", (fin de citation).
2 Si la préoccupation exprimée par vous, Monsieur le Président et
3 Messieurs les Juges, vient de ce qui est stipulé à la page précédente de
4 ce jugement, à savoir s'il y a un élément critique ou crucial lié à la
5 condamnation, et si dans ce cas il faut que le témoin soit chair et en os
6 dans le prétoire, alors ce passage n'existerait pas. Pourtant ce passage
7 existe dans la Convention.
8 J'aimerais maintenant, en m'appuyant sur ce que j'ai déjà dit et
9 toujours dans le cas du droit de l'Angleterre et du Pays de Galles, vous
10 mener un pas plus loin dans le texte d'Archbold, d'abord, que l'on trouve
11 en bas de page 1143. Je sais que j'ai déjà fait référence à ce passage et
12 je pense que, lorsque je l'ai fait, j'ai mentionné qu'il s'agissait d'une
13 partie de la législation dont certains pensent qu'elle comporte certaines
14 erreurs. Néanmoins, on la trouve dans le droit anglais est gallois.
15 En bas de page 1143, paragraphe 10.41, chapitre 68 du code de
16 procédure pénale 1996 et de la loi sur les enquêtes, ce passage est donc
17 repris : "Tout témoignage acquis dans le cadre de l'article 67 a de cette
18 loi peut faire l'objet d'une remise en cause par la partie adverse, mais
19 cette remise en cause peut être renversée par le juge dans l'intérêt de la
20 justice".
21 Comme on le voit dans le texte d'Archbold, cette disposition va
22 plus loin que toute autre loi existant précédemment et relative à
23 l'admissibilité des témoignages écrits des témoins. D'abord, il n'y a pas
24 réduction de l'admissibilité lorsque le témoin est mort ou trop effrayé
25 pour déposer devant les Juges, comme cela avait déjà été le cas dans les
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1 dispositions précédentes.
2 Deuxièmement, il n'y a pas de restriction sur le pouvoir
3 discrétionnaire des Juges et il n'y a pas de détermination précise de ce
4 que les Juges peuvent ou ne peuvent pas prendre en compte.
5 Troisièmement, il semble que l'argument favorable à l'admission
6 de ces éléments de preuve soit l'argument prévalant, et que le droit au
7 contre-interrogatoire soit mentionné.
8 Dernier paragraphe, il convient de garder présent à l'esprit que
9 dans le cadre du nouveau régime établi par la loi de 1996, le fait de
10 condamner un témoin en cours de procès serait une impossibilité. Donc les
11 dispositions ne se limitent pas aux déclarations écrites ou témoignages
12 oraux de témoins non contestés ou ayant fait l'objet d'une injonction du
13 Tribunal.
14 Le texte poursuit en disant que l'introduction d'un système
15 aussi draconien n'était pas l'objectif poursuivi. Ces dispositions ont été
16 introduites plus tard dans l'avis des Chambres des communes, et la Chambre
17 des Lords a pris en compte et en considération cette introduction de
18 nouvelle législation en se demandant s'il serait possible d'y apporter
19 certains amendements, si les éléments de preuve avaient déjà été acceptés
20 dans des audiences liées à des procès différents et n'étaient contestés
21 par aucune partie durant le procès.
22 Dans ce cas, il de viendrait superflu, et ce serait une perte de temps
23 d'exiger la présence de témoins dans le prétoire pour qu'ils déposent
24 oralement.
25 Cela, c'est la situation qui existe déjà. Nous ne demandons pas
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1 avec notre argumentation d'introduire quelque nouvel élément ou quelque
2 élément révolutionnaire que ce soit.
3 Quant au pouvoir discrétionnaire de renverser les objections de
4 la défense, dans l'affaire Baroness Blatch, on constate -et j'en ai déjà
5 parlé-, que des concessions peuvent être faites au chapitre 26 de la loi
6 1988, ce qui nous met dans une situation tout à fait vague.
7 Dans l'affaire Baroness Blatch, on vous donne l'exemple de
8 quelqu'un qui a déménagé à l'étranger ou qui est mort. Il n'y a aucune
9 possibilité prévue dans cette loi qui indique que ces témoignages ne
10 pourraient pas être admis, et des exemples précis sont cités.
11 Deuxièmement, le problème de la charge de la preuve demeure.
12 Dans le cadre de la loi de justice pénale de 1995, chapitre 20, le
13 Procureur est tenu d'établir l'existence d'une des conditions
14 d'admissibilité en vigueur dans la justice pénale. Dans le cadre de la loi
15 pénale 1998, c'est toujours le cas et dans le chapitre 26, la présomption
16 va à l'encontre de l'admissibilité. Donc il faut encore voir quel sera
17 l'avis des Juges, l'interprétation des Juges par rapport à une loi qui
18 peut dire ou ne pas dire certaines choses.
19 Mais si la jurisprudence d'Angleterre et du Pays de Galles peut
20 être utile, il reste néanmoins très clair que le principe de
21 l'admissibilité des déclarations écrites de témoin est un principe qui
22 reste intact. Et quel que soit les termes très précis utilisés dans la
23 dernière loi votée par le Parlement, et quelle que soit l'interprétation
24 donnée à ces termes, ce sont les Juges du Tribunal qui vont exercer à
25 juste titre leur droit discrétionnaire de décider si tel ou tel témoin
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1 doit comparaître ou pas.
2 Et enfin, je crois que c'était un point de préoccupation qui a
3 été exprimé. J'ai une feuille de papier que j'ai remise à Mme le Greffier,
4 j'aimerais qu'elle vous la distribue. Sur cette feuille de
5 papier, vous trouverez un texte qui montre que toute exigence
6 d'un accusé qui remet en cause la partie sur laquelle repose la charge de
7 la preuve, eh bien, à cela nous répondons qu'en Angleterre et au Pays de
8 Galles, dans les chapitres 5 et 6 de ce même code de procédure pénale
9 1996, et de cette même loi sur les enquêtes, il y a maintenant une
10 nouvelle obligation de communication de pièce par l'accusé, donc dans le
11 cas du chapitre 5. Le Procureur est tenu de se conformer à cette exigence
12 de communication de pièces.
13 Au chapitre 6, il y a une exigence qui est définie, à savoir que
14 l'accusé doit fournir aux Juges et au Procureur une déclaration de la
15 défense qui définisse de façon générale quelle sera la ligne de défense à
16 appliquer, qui indique les questions qui vont faire l'objet de
17 contestation avec le Procureur et qui, sur chacune de ces questions,
18 indique quelle est la raison de cette contestation.
19 Donc dans le système judiciaire du Royaume-Uni des évolutions
20 ont eu lieu dans la période récente qui vont dans le sens de l'efficacité
21 que nous réclamons et qui, je crois, indique des modalités pratiques
22 permettant d'appliquer les propositions que nous avons faites.
23 Maintenant, je vais passer au système civil. Dans le système
24 civiliste, les déclarations autres que celles recueillies par un juge
25 d'instruction sont admissibles. Et si la Chambre a accès aux extraits
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1 d’un livret écrit par Stevano Stavros, il y a des extraits de ce livre,
2 page 231 notamment, avec note en bas de page 232, qui peuvent être
3 extrêmement utiles. Je vous renvoie également à la page 231. On y voit que
4 l'auteur, au milieu de la page 231, qui examine les conditions des
5 autorités, dit qu'il est apparu très clairement qu'on ne pouvait pas
6 exclure tout élément de preuve de l'ouï-dire puisque cela est pris en
7 compte parfois. Ceci est particulièrement le cas dans le cas des systèmes
8 inquisitoires en Europe continentale où cela fait partie des dossiers.
9 Ceci se fait avant l'établissement d'un acte d'accusation par le juge
10 d'instruction, dont les déclarations sont prises en compte, et cela
11 comprend également des déclarations de témoins qui ne comparaissent pas
12 devant le Tribunal. Et ces témoins ne comparaissent pas pour des raisons
13 diverses, soit que ce soit des personnes d'un niveau trop élevé. Donc ceci
14 est compatible avec l'article 6.
15 Maintenant, si l'on tourne la page, si l'on passe à la note de
16 bas de la page 734, qui se rapporte à la quatrième ligne du texte, et où
17 l'on parle du respect de l'égalité des armes, il s'agit de l'affaire
18 Unterpertinger dans laquelle il a été statué qu'il n'y avait pas eu
19 d'infraction.
20 Je commence au début de la page, puisque l'exclusion des témoins
21 a été faite aussi bien pour la défense que l'accusation, l'égalité des
22 armes a été respectée, et donc il y a eu égalité des armes. Les tribunaux
23 ont considéré que les éléments de preuve présentés étaient suffisants.
24 Donc ces preuves circonstancielles, il s'agissait de déclarations faites
25 par des parents des accusés ou des parties prenantes à la police, il
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1 s'agissait de rapports médicaux au sujet des blessures de la victime, d'un
2 rapport sur le divorce des personnes concernées dans cette affaire, etc..
3 Donc tous ces éléments, eux, avaient été admis.
4 Comme nous l'avons avancé auparavant, il y a toutes sortes
5 d'éléments, de documents, etc., et cela est le cas dans bien des systèmes
6 des juridictions civiles qui sont considérés comme admissibles. Et j'irais
7 jusqu'à dire que le droit de discuter tout élément de preuve ne signifie
8 pas qu'on ait le droit de contre-interroger tous les témoins.
9 Bien entendu, il y a le droit d'avoir un procès équitable, mais
10 même s'il n'y a pas le droit de contre-interroger tous les témoins cela ne
11 contrevient pas au droit humanitaire européen. Et je me réfère à l'affaire
12 Doorson du 26 mars 1996.
13 S'il est possible de contester une déclaration, tout comme la
14 fait la défense, tout comme l'a fait M. Kovacic, tout comme il l'a dit
15 très clairement aujourd'hui, par exemple quand il nous a parlé de la
16 déclaration de M. McLeod, donc s'il est possible de montrer qu'il y a des
17 points de controverse, eh bien on peut demander se baser là-dessus pour
18 demander que la personne soit citée à comparaître. Mais il n'y a pas en
19 l'espèce un droit absolu d'appeler les témoins à comparaître.
20 Il est intéressant de constater que dans l'affaire Kostovski les
21 deux témoins étaient anonymes. Ils ont donné des moyens de preuve
22 extrêmement important et décisifs contre l'accusé.
23 Comme ils étaient anonymes, il n'était possible de les
24 interroger que par l'intermédiaire d'un juge d'instruction ; donc il
25 fallait donner les questions à ce juge qui ensuite les posait à ces
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1 témoins anonymes, qui ensuite répondaient à ces questions, etc..
2 Dans ces circonstances, l'anonymat a affecté la possibilité pour
3 les parties de contre-interroger ces témoins et cela aurait pu constituer
4 une raison pour contester l'utilisation de ces documents, eh bien cela n'a
5 pas été le cas. C'est là-dessus que nous nous basons.
6 Il n'est pas question, comme l'a dit M. Smith, d'utiliser cela
7 de façon générale, cela n'a jamais été notre intention d'utiliser
8 exclusivement des déclarations écrites, à moins que l'on ne se mette
9 d'accord.
10 Bien entendu, dans toutes les affaires que nous citons et qui
11 sont mentionnées dans le livre de M. Stavros, les éléments de preuve qui
12 sont controversés sont très différents des récits des habitants du
13 village. Bien entendu, ces récits faits par les habitants du village
14 peuvent être essentiels.
15 Dans un cas d'assassinat, le rapport d'un pathologiste ou d'un
16 médecin-légiste sur les causes de la mort est absolument essentielle pour
17 prouver qu'il y a eu effectivement assassinat et ce type d'éléments de
18 preuve n'est jamais contesté.
19 Donc on voit que la jurisprudence européenne ne permet pas à la
20 défense de faire ce genre de choses.
21 Il est intéressant de noter ce que dit Stavros au sujet de
22 l'affaire H, puisqu'il dit que, dans cette affaire où le jugement a été
23 confirmé par la Chambre d'appel, il semble qu'en revanche-là les Cours
24 européennes avaient des doutes sur la bonne foi de l'appelant : "Nous
25 proposons ici que les témoins soient disponibles pour un interrogatoire,
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1 si le Tribunal est persuadé en bonne foi qu'on peut contester leurs
2 témoignages", et nous sommes tout à fait d'accord avec ça.
3 Nous ne souhaitons pas que l'on fasse venir des témoins sans
4 raisons valables.
5 Je crois que le point 14 a déjà été repris ici.
6 "L'article 94 du Règlement de Procédure et de Preuve, qui
7 autorise le contre-interrogatoire de témoins qui ont témoigné par le biais
8 de déclarations sous serment, ne prévoit ceci que si une des parties fait
9 une objection et soulignée et si la Chambre de première instance le
10 décide".
11 Donc...
12 M. Bennouna. - A propos de cette question, vous venez en fait au
13 fond du sujet. Nous sommes en train de tourner autour du sujet en ce
14 moment et nous ne sommes pas très avancés, parce que le fait de rappeler
15 tous ces cas nationaux, tous ces cas européens vous pensez bien que cela
16 n'avance pas beaucoup notre problème ici, car nous sommes un Tribunal
17 international d'un type particulier, qui n'a pas toujours la coopération
18 des Etats derrière, comme c'est le cas par exemple dans les tribunaux
19 européens que vous citez.
20 Si je reprends même le cas que vous venez de citer dans
21 l'affaire Radak, il est dit qu'on peut se passer effectivement : (en
22 anglais, pas de traduction). *
23 Nous revenons toujours à la question qui vous a été posée, qui
24 est la suivante : les enquêteurs sont partie du Bureau du Procureur, ne
25 sont pas dans une problématique nationale, où il y a des officiers de
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1 police judiciaire qui peuvent parfois être indépendants du Procureur comme
2 dans beaucoup de pays. Nous sommes dans une problématique où le Procureur
3 a plusieurs fonctions ; il est en même temps policier, enquêteur,
4 procureur, juge d'instruction, etc.
5 Et, du coup, on vous demande si, pour faire passer ces
6 documents, pour amener des déclarations, il faut les couvrir d'une autre
7 autorité que la vôtre, c'est cela la question qui vous est posée. C'est ça
8 la question.
9 Alors quand vous parlez des affidavits, ici il y a une
10 déclaration sous serment, c'est-à-dire que nous nous retrouvons dans une
11 autre problématique, et la question vous a été posée par mon collègue le
12 Juge Robinson, soit vous passez par une déclaration sous serment et à ce
13 moment-là le témoin s'engage lui-même, il engage sa propre crédibilité, il
14 s'engage sous peine de sanction, soit vous passez par une autorité
15 nationale.
16 Ce que je dis ici s'applique également à la défense, car la
17 défense elle aussi peut se trouver devant des problèmes, elle peut parfois
18 se trouver devant des obstructions des autorités nationales. La défense
19 devant notre Tribunal peut se trouver devant également des difficultés
20 pour amener des témoins, faute de coopération d'une autorité nationale.
21 Donc nous devons prendre en compte ces deux éléments. Nous
22 sommes dans un Tribunal international qui ne peut pas d'autorité imposer
23 des choses et qui passe par la coopération qui n'est pas toujours donnée.
24 C'est là où nous sommes, si vous pouvez nous fournir des éléments pour
25 pallier à ce fait, soit les déclarations sous serment, comme cela vient
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1 d'être dit, soit, comme cela a été dit je crois par M. Kovacic, c'est-à-
2 dire tout ce qui sont, il l'a reconnu lui-même, des choses, des enquêtes
3 qui ont été réalisées, des exhumations qui ont été réalisées par des juges
4 locaux, des certificats de décès donnés par des autorités locales, nous
5 passons par une autre courroie que par la courroie du Procureur tout seul.
6 C'est là où nous en sommes.
7 Donc la courroie d'un agent du Procureur tout seul, vous dit la
8 défense, n'est pas suffisante parce que ce serait une infraction à la
9 règle de l'égalité des armes, étant entendu que la règle de l'égalité des
10 armes n'est pas la même appliquée devant un tribunal national que devant
11 un tribunal international, comme le nôtre ; cela a été dit récemment dans
12 l'affaire Tadic.
13 Voilà où nous en sommes, si vous pouvez nous aider à avancer sur
14 ce plan-là, je pense que nous pourrons progresser facilement sur ce plan.
15 Merci.
16 M. Nice (interprétation). - Bien entendu, j'ai parlé des
17 autorités dans le contexte
18 européen et dans le contexte du Royaume-Uni, après ce qui avait été dit
19 par mes éminents collègues de la défense, ainsi que par Monsieur le Juge
20 Robinson ; donc c'est cela que j'avais abordé.
21 En ce qui concerne maintenant la position des enquêteurs et le
22 fait qu'ils soient séparés complètement ou non du Bureau du Procureur, eh
23 bien cela n'est pas différent de ce qui se passe dans d'autres pays, des
24 pays où les autorités chargées de l'instruction des affaires et de la
25 police sont placées sous une même autorité, et cela ne constitue pas un
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1 obstacle, au contraire. De telles déclarations portent en en-tête la
2 mention suivante, telle est nôtre déclaration. Dans d'autres systèmes,
3 c'est un juge qui est responsable du recueil de ces dépositions.
4 Si je puis me permettre, je vous invite à consulter la feuille
5 suivante de mon argumentation. Paragraphe 17, on y voit que M. le Juge
6 Jorda et la Chambre de première instance, n° 1, quand il a fallu statuer
7 sur la déclaration de feu Midhat Haskic, où on avait demandé que soit lu
8 la déclaration de ce témoin puisqu'il était mort, quand le Juge Jorda a
9 parlé justement de cette déclaration, il a dit que du fait que cette
10 déclaration avait été faite sous serment, eh bien c'était une déclaration
11 recevable, même si ce n'était pas un affidavit. Donc il n'y a peut-être
12 pas de dispositions dans l'ex-Yougoslavie au sujet de la recevabilité ou
13 non des affidavits.
14 Bref ! N'oubliez pas, ici, que nous n'appliquons ni le droit de
15 l'ex-Yougoslavie ni le droit de la Grande-Bretagne. Nous appliquons le
16 Règlement du Tribunal. Le Statut est le Règlement du Tribunal, et le
17 Règlement du Tribunal le prévoit, on vous l'a déjà dit dans le 94 ter.
18 Donc il ne faut pas toujours se référer à des droits nationaux qui ne
19 peuvent avoir qu'un effet d'environnement pour dégager des principes
20 généraux, mais qui n'ont aucun effet sur le Tribunal international,
21 surtout si c'est directement contre une disposition du Statut ou du
22 Règlement.
23 M. Nice (interprétation). - J'étais en train d'évoquer la
24 réalité de ce qui se passe au
25 sujet de ces déclarations que nous avons recueillies. Je parlais justement
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1 d'une telle déclaration qui avait été acceptée par une autre Chambre de
2 première instance de ce Tribunal et de son admissibilité.
3 M. le Président (interprétation). – Oui, nous avions ce point à
4 l'esprit, cela a été pris en compte dans le cadre de la rédaction du
5 Règlement de procédure et de preuve au sujet de ces déclarations sous
6 serment. Donc il y a une procédure bien précise pour le recueil des
7 déclarations sous serment par les témoins.
8 Je vous interromps. Je voudrais d'abord vous rappeler que
9 l'heure tourne.
10 M. Nice (interprétation). – J'en ai presque fini.
11 M. le Président (interprétation). – Peut-être pourriez-vous en
12 finir, ensuite j'ai une question à vous poser.
13 M. Nice (interprétation). – Oui, je veux absolument répondre à
14 la question du Juge Bennouna.
15 Notre position est la suivante : les éléments de preuve de toute
16 sorte aux termes de l'article 89 C) peuvent être reçus comme éléments de
17 preuve ; ceci se fait sous votre discrétion, donc il n'y a rien à redire
18 au fait qu'une déclaration soit recueillie par un enquêteur ou par un
19 membre du Bureau du Procureur, il faut bien être conscient de cela.
20 Nous, nous disons que ces preuves peuvent être examinées par
21 vous-mêmes, ces documents peuvent être examinés par vous-mêmes et ensuite
22 vous pouvez dire soit ce document est admis au dossier, soit il faut citer
23 le témoin à comparaître.
24 Au paragraphe 15, j'observe qu'en Yougoslavie les témoins et les
25 experts sont cités à comparaître au Tribunal, sauf lorsque le Juge qui
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1 préside le Tribunal décide que cela n'est pas nécessaire.
2 En conclusion, je dirai qu'il y a nécessairement certaines
3 différences entre le témoignage d'un témoin et ce qu'il dit dans une
4 déclaration. Et les différences, les divergences qui peuvent apparaître
5 sont souvent le résultat d'une certaine anxiété lorsque la personne
6 comparait à la barre.
7 Le paragraphe 17, j'en ai déjà parlé.
8 Paragraphe 18, nous n'avons jamais voulu dire qu'il fallait
9 accepter uniquement les déclarations écrites. Les règlements n'obligent
10 pas les témoins à coopérer avec nous comme l'exigent d'autres systèmes.
11 Monsieur le Juge Bennouna peut être préoccupé au sujet de la
12 comparution avec d'autres juridictions, mais cette comparaison peut être
13 utile dans le cas où on demande au témoin de justifier ses actions, ceci
14 afin d'éviter des difficultés pour assurer une véritable coopération. La
15 défense a reconnu auparavant qu'il était accepté qu'on pouvait donner
16 lecture de déclarations recueillies avant le procès. Et il n'y a aucune
17 déclaration entre cela et les déclarations de témoin.
18 La défense a déclaré, je cite : "Pour nous, une des priorités
19 était d'accélérer la procédure en utilisant notamment des extraits du
20 compte rendu ou des éléments de preuve qui avaient déjà été produits dans
21 d'autres affaires, ceci afin d'accélérer les choses. Et ceci en
22 particulier au sujet de questions militaires comme par exemple dans la
23 question Blaskic, des éléments qui sont absolument critiques".
24 Ceci n'est pas toujours faisable et il y a peut-être beaucoup
25 d'éléments de preuve dans ces affaires qui existent déjà et qui donc
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1 feraient qu'on pourrait se passer de faire venir à La Haye un grand nombre
2 de témoins, si le conseil de la défense et les Juges en sont d'accord.
3 Comme je l'ai dit auparavant la position de la défense s'est
4 durcie, ou plutôt elle s'est révélée au cours des discussions que nous
5 avons eues, puisque maintenant ils disent que tout doit être prouvé. Comme
6 nous l'avons vu la semaine dernière, maintenant il parle d'un procès de
7 deux ans et demi.
8 M. le Président (interprétation). – Quand a-t-on fait référence
9 à un procès de deux ans et demi ?
10 M. Nice (interprétation). - Cela a été dit la semaine dernière.
11 Donc c'est leur position qui pourrait continuer à cet état de fait. En ce
12 qui concerne ce qu'a dit M. Kovacic au sujet du fait qu'il puisse parler
13 lui-même avec les témoins, on ne sait pas encore s'il y aura des
14 déclarations de témoins de la défense produites dans cette affaire. Si
15 c'est le cas, à ce moment-là, la défense ne se trouvera pas dans une
16 situation différente de celle de l'accusation. Car comme vous le savez
17 maintenant, Messieurs les Juges, les synthèses des témoignages que nous
18 fournissons sont utilisées et, comme on le sait, après la déclaration du
19 Dr Mujezinovic et la déclaration de M. Esan Bajwa, des déclarations ont
20 été recueillies par un avocat et un enquêteur. Ceci était une solution que
21 nous avons choisie en l'espèce.
22 Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour
23 accélérer les choses dans cette affaire en signifiant des documents pour
24 essayer de se concentrer sur ce qui était le plus important.
25 Monsieur Kovacic a été extrêmement coopératif, et a essayé de se mettre
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1 d'accord sur certains points avec nous, mais toujours en niant les choses
2 en bloc. Et ces concessions ne peuvent pas être utiles pour nous.
3 Donc la défense Kordic a nui à cette coopération. Nous avons
4 déjà fait de très nombreux efforts, et si des déclarations ne pourront pas
5 être lues, si elles ne peuvent pas être versées au dossier, eh bien, il va
6 falloir que nous citions des témoins, les fassions asseoir sur la chaise
7 des témoins. Nous sommes tout à fait prêts à le faire mais cela risque
8 d'être une perte terrible de temps, si le témoin ne peut pas être traité
9 d'une autre façon. Ce sera donc une procédure tout à fait inappropriée qui
10 exigera des Juges de s'adresser à la défense pour lui demander d'être plus
11 clair sur les questions que nous considérons comme contestables ou pour
12 déterminer quelle est la réponse exacte sur telle ou telle question ; pour
13 dire par exemple qu'il n'y a pas eu de raison valable invoquée, et donc
14 pas d'interrogatoire.
15 Bien entendu, un témoin peut toujours être cité. La défense peut
16 citer le nombre limité de témoins qu'elle souhaite, mais nous prendrons en
17 compte les déclarations écrites le cas échéant. Cela serait au préjudice
18 de la possibilité de la défense de citer d'autres témoins ; ce serait donc
19 contre-productif pour elle à des stades ultérieurs du procès, et il n'y
20 aurait pas de préjudice non plus pour la défense dans son argumentation si
21 notre position était acceptée. Il n'y aurait donc pas d'atteinte à
22 l'équité du procès. Mais devoir citer tous les témoins serait une terrible
23 perte de temps dans ce procès.
24 M. le Président. (Interprétation). – Maître Nice, je vous
25 demanderai votre aide sur un point particulier. C'est en effet une
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1 application ; il y a eu pas mal de demandes de versement au dossier
2 d'éléments de preuve de natures différentes. Nous pourrions sans doute
3 décider d'admettre ou de rejeter la totalité du dossier.
4 M. Nice (Interprétation). - Oui.
5 M. le Président. (Interprétation). – Si nous agissions ainsi, il
6 n'y aurait bien entendu plus nécessité d'argumenter plus avant concernant
7 la Chambre d'appel en tout cas.
8 Si nous devions rejeter ce dossier, il vous appartiendrait de
9 demander le versement au dossier de certaines parties de ce dossier.
10 Une deuxième possibilité, une deuxième voie nous est ouverte.
11 Cette voie consisterait à aborder ce dossier chapitre par chapitre ou
12 point par point, et donc de relier des demandes distinctes à chacun de ces
13 points ou chapitres. Si nous devions décider de ne pas accepter la
14 totalité du dossier, nous demanderiez-vous d'agir selon la deuxièmement
15 procédure ?
16 M. Nice (Interprétation). – Absolument, mais je dis cela sans
17 connaître les arguments éventuels que la défense pourrait apporter sur ce
18 point. Nous ne connaissons pas l'argumentation de la défense. Si les Juges
19 estiment qu'un problème se pose réellement pour lire les déclarations
20 recueillies par cet enquêteur, nous pourrions décider simplement de citer
21 les témoins.
22 J'aimerais terminer ma réponse en disant que c'est -je crois- ce
23 qui se passe dans les dernières étapes de l'interrogatoire en droit
24 civiliste, voire même dans les deux systèmes judiciaires.
25 Nous avons tenté de proposer une méthode ; peut-être vous ai-je
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1 interrompu, Monsieur le Juge, mais j'aimerais tout de même rappeler à
2 l'ensemble des Juges de cette Chambre ce qui s'est passé dans la dernière
3 période. J'ai d'abord décrit la façon dont j'allais d'une municipalité à
4 l'autre pour rassembler des éléments de preuve, en m'efforçant sur chacun
5 des points, de déterminer à l'avance quel était le point de contestation
6 et quels pouvaient être les domaines d'erreur auxquels nous nous
7 trouverions confrontés.
8 Cela dit, avant que je ne me sois avancé dans ce travail, que
9 j'aie progressé quelque peu dans ce travail, les Juges de la Chambre ont
10 dit souhaiter examiner la liste des témoins. La défense a alors pris le
11 train en route, et même si elle n'a pas eu d'influence sur la décision
12 finale des Juges -je dis cela tout en pensant qu'il y a eu influence- nous
13 en somme arrivés à une nouvelle étape consistant à trouver des méthodes
14 permettant d'abréger la durée du procès et d'être plus efficaces.
15 Ce que nous avons fait dans cette intention a été de diviser la
16 liste des témoins en plusieurs catégories pour essayer de déterminer quels
17 témoins ne seraient peut-être pas indispensables. Je ne dis pas que des
18 concessions ont été faites, mais il est possible qu'il y ait eu en-dessous
19 de la ligne que nous avons tracée, le nom d'un certain nombre de témoins
20 dont nous aurions pu avoir besoin en rapport avec certains chefs
21 d'accusation. Mais pour des raisons d'économie, nous y avons renoncé ;
22 j'espère que cela ne nous nuira pas. En tout cas, c'était dans l'intention
23 de vous aider. Voilà l'historique.
24 M. Bennouna.-(Interprétation). – Je crois qu'il y a un malentendu
25 par rapport à la question posée par mon collègue, le Président,
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1 Richard May. La question qui vous opposait est qu'il y a la première
2 possibilité qui est de refuser le dossier dans sa globalité,
3 l’autre possibilité étant
4 de l'accepter globalement.
5 On vous a demandé, si la Chambre n'est pas disposée à l'accepter
6 globalement, si vous accepteriez qu'on puisse aller catégorie par
7 catégorie, et non pas déclaration par déclaration, mais catégorie
8 juridique par catégorie de documents, ce qui est une approche différente.
9 Etant entendu, comme vous venez de le dire vous-même, que ce dossier n'a
10 été donné que comme un test.
11 Nous avons voulu tester la question, vous venez de le dire ;
12 comment on en est arrivé là, comment y avait-il cette question des preuves
13 de ce qui s'est passé dans tous les villages cités ou concernés. C'est
14 vous qui avez choisi Tulica d'ailleurs, pour un village déterminé. Comment
15 pouvait-on procéder pour réduire, to narrow the issue –selon l'expression
16 anglaise- pour concentrer plus l'affaire ou les éléments de preuve
17 concernant tel ou tel village ou ville.
18 Nous sommes ici sur un village test en tant que tel, et nous
19 devons en tirer quelques éléments quant aux catégories ; nous ne sommes
20 pas dans l'appréciation de tel ou tel élément de preuve. Ceci est un autre
21 affaire.
22 Cela vous arrangeait-il que la Chambre réponde, au niveau des
23 catégories de documents concernés, à la question de savoir quel doit être
24 le sort de telle ou telle catégories, comment les admettre et sous quelles
25 conditions ?
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1 Ce que vous avez dit sur le droit civil et la common law, sur
2 les pays de droits civil, etc., n'est pas tout à fait exact, car nous ne
3 sommes pas ici dans la phase de l'instruction ; nous sommes déjà dans la
4 phase du procès. Il faut donc aussi ne pas oublier que nous sommes dans la
5 phase du procès et non pas dans la phase de l'instruction.
6 Le dernier point que je voudrais vous demander, c'est que
7 l'examen de ce dossier n'empêche pas votre Bureau, avec la Chambre,
8 d'éviter les preuves répétitives. Mon collègue Richard May vous l'a déjà
9 dit pour Kaonik, je crois, la semaine dernière. Quand des choses ont
10 été prouvées, nous prendrons la compétence qui nous est donnée
11 par le Règlement et nous refuserons les preuves qui ne font que répéter
12 des choses déjà avancées au préalable, c'est-à-dire les répétitions
13 inutiles et ceci pour des raisons d'un procès juste, efficace et rapide.
14 Alors, sans entrer dans les détails de telle ou telle
15 déclaration, au niveau des catégories, ceci vous arrangerait-il ? Voilà,
16 si je puis me permettre, c'est comme cela que j'ai compris la question qui
17 vous a été posée.
18 M. Nice (interprétation). - Moi, j'ai compris la question de
19 M. le Président, le Juge May, comme se référant élément par élément. J'ai
20 donc compris qu'il s'agissait d'élément de preuve par élément de preuve,
21 plutôt que de catégorie par catégorie. Mais, si vous me demandez mon avis,
22 je pense qu'élément de preuve par élément de preuve serait plus utile,
23 nécessairement. En effet, ce que nous cherchons à vous indiquer de la
24 façon la plus efficace possible, c'est le contenu d'une preuve qui n'est
25 pas controversable ou controversée. Cet élément de preuve peut venir d'un
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1 témoin, d'un document ou d'un rapport. Donc en traiter dans le cadre d'une
2 répartition catégorie par catégorie n'est peut-être pas très utile.
3 Pourquoi avons-nous réduit tous ces documents à un dossier et à
4 une déclaration émanant d'un enquêteur ? C'est exactement pour la même
5 raison, car le document global se réduit à une narration dont certains
6 éléments peuvent être controversés et d'autres pas. Mais, à notre avis, la
7 démarche la plus appropriée pour la Chambre de première instance pourrait
8 consister à examiner les différentes propositions individuelles relatives
9 aux faits, pour dire ensuite : "Ceci, par exemple, n'a pas montré que des
10 interrogatoires supplémentaires étaient nécessaires. Ce point ne fait
11 l'objet d'aucune contestation. Il n'y aucune contradiction, aucun conflit.
12 Donc, puisque nous avons une déclaration de témoin à l'appui, ou puisque
13 nous avons un rapport, ou puisque nous avons une preuve de nature
14 différente, nous admettrons cet élément de preuve ; nous le verserons au
15 dossier du procès puisqu'il n'y a aucune interdiction à ce faire qui émane
16 d'une catégorie particulière stipulée dans le Règlement de procédure et de
17 preuve."
18 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que nous
19 vous invitons à prendre en compte, avec tout le respect que nous vous
20 devons, c'est la procédure, la façon de pratiquer élément de preuve par
21 élément de preuve. Car, si nous fonctionnons catégorie par catégorie, nous
22 risquons d'être trop larges ou de rater un élément qui pourrait être
23 admissible parce qu'il ferait partie en bloc d'un élément non admissible
24 plus large.
25 Je pense que la défense, lorsqu'elle s'exprime, tourne toujours
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1 autour de la même question : la question des déclarations. Quelles que
2 soient les réponses apportées aux questions posées, il s'agit ici d'un
3 argument de common law. D'une certaine façon, une technique d'obstruction,
4 de blocage de ce genre est recherchée de façon impropre par la défense.
5 Enfin, peut-être le mot impropre est-il un peu fort ; je ne vais pas
6 empêcher la défense d'appliquer sa stratégie de la façon qu'elle juge la
7 meilleure.
8 Mais, s'agissant de ce que nous vous demandons, cela consiste à
9 vous prier de bien vouloir prendre en compte chaque élément de preuve ou
10 chaque résumé, chaque extrait de preuve pour en extraire les éléments que
11 vous jugerez utiles, sur la base des éléments que vous avez déjà examinés
12 jusqu'à présent ou pas. Sinon, il faudra citer le témoin à la barre.
13 Quant aux répétitions, je n'ai peut-être pas analysé entièrement
14 le nombre d'éléments relatifs à Kaonik dont vous disposez. Je vais le
15 faire puisque l'un des Juges me l'a demandé, bien entendu. Mais je présume
16 que Kaonik risque de poser un problème peut-être plus grave que cela ne
17 peut en donner l'impression à première vue, compte tenu des charges et des
18 individus liés à Kaonik. Mais je reviendrai sur ce point.
19 Quant à la proposition générale selon laquelle une Chambre de
20 première instance est en droit de dire, à un moment déterminé, que cela
21 suffit, bien entendu, la Chambre peut le faire. Le Règlement vous accorde
22 ce droit et nous le reconnaissons.
23 Il y a un problème qui peut se poser néanmoins. Ce problème
24 vient du fait que si un Procureur est interrompu, si on lui dit : "Vous
25 avez déjà entendu un témoin sur ce point, cela
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1 suffit" et que la défense cite à ce moment-là des contre éléments de
2 preuve, plus tard, la Chambre peut être dans l'embarras pour avoir indiqué
3 que cela suffisait, alors qu'en fait, plus tard, il s'avère qu'elle ne
4 pouvait pas le dire puisque la défense présente des éléments de preuve
5 supplémentaires. Et le Procureur peut également être placé dans une
6 situation embarrassante étant dans l'obligation de citer des témoins en
7 réplique, mais ne pouvant le faire qu'après que la défense a présenté ses
8 propres témoins.
9 Tout cela risque de poser des problèmes, des problèmes qui vont
10 à l'encontre du système contradictoire. Ou qui, en tout cas, dans le
11 système contradictoire, sont réglés par le fait que c'est le Procureur qui
12 décide combien de témoins il veut mettre sur la balance d'un côté, pour
13 permettre à la défense de décider du nombre d'éléments qu'elle souhaite
14 mettre dans l'autre côté de la balance.
15 Ce que nous disons, c'est que, pour gagner du temps, en dépit
16 des difficultés manifestes qui existent, notre proposition pourrait être
17 appliquée sans que nous rencontrions les difficultés qui ont été
18 rencontrées par la Chambre Tadic. Car il serait regrettable que des
19 éléments de preuve soient considérés comme satisfaisants et qu'ensuite des
20 contre éléments de preuve détruisent cette impression.
21 M. le Président (interprétation). - Le Règlement règle ce problème.
22 M. Nice (interprétation). - Bien entendu.
23 M. le Président (interprétation). - Parce que le Règlement
24 autorise un interrogatoire en réplique. Donc vous ne pouvez pas être
25 empêché, dirais-je, de citer d'autres témoins à la fin de la
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1 présentation de vos éléments de preuve.
2 M. Nice (interprétation). - J'ai déjà dit que je ne souhaitais
3 pas reproduire la présentation d'éléments de preuve si quelque chose n'a
4 pas été contesté. Dans ce cas, nous partons du principe que cet élément de
5 preuve doit être acceptable et qu'il suffit.
6 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous examinerons
7 ces questions. Vous devrez, je le crains, attendre notre décision pour une
8 date ultérieure. Nous vous remercions tous pour l'aide que vous nous avez
9 apportée dans la présentation de vos arguments. Nous remercions également
10 les personnes qui nous ont rédigé un certain nombre de documents. Nous
11 allons maintenant reprendre à la demie.
12 M. Nice (interprétation). - Nous avons un autre témoin.
13 M. le Président (interprétation). – Quel témoin ?
14 M. Nice (interprétation). - Le Dr Donia.
15 L'audience, suspendue à 16 heures 15, est reprise à
16 16 heures 35.
17 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
18 M. le Président (interprétation). – Le témoin va maintenant
19 prononcer la déclaration solennelle.
20 M. Donia (interprétation). - Je déclare solennellement que je
21 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 M. le Président (interprétation). – Maître Nice, tout d'abord,
23 nous avons sous les yeux le rapport du témoin expert que nous avons lu,
24 nous avons également votre propre synthèse et, si j'ai bien compris, vous
25 souhaitez poser un certain nombre de questions au témoin. J'espère
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1 qu'elles seront brèves.
2 M. Nice (interprétation). - En effet. Ce que j'avais l'intention
3 de faire, c'est de demander au témoin de regarder très rapidement un
4 certain nombre de cartes. Ceci, afin de nous permettre de lui poser un
5 certain nombre de questions de nature historique. C'est Me Tomljanovich
6 qui posera les questions. D'autre part, je voudrais demander au témoin de
7 décliner son identité.
8 M. Donia (interprétation). – Robert J. Donia.
9 M. Nice (interprétation). - Dans votre rapport qui a été lu par
10 Messieurs les Juges, à la page 2 de ce rapport, vous indiquez vos origines
11 ainsi que votre formation. Vous avez fait une thèse en Histoire en 1976,
12 vous avez enseigné l'Histoire, vous avez par la suite travaillé pour
13 l'entreprise Merilinc dans un domaine complètement différent, tout en
14 continuant à vous intéresser au domaine qui nous intéresse. Puis vous avez
15 quitté Merilinc.
16 Entre-temps, en 1994, avec M. John Fojn, vous avez écrit un
17 livre qui s'intitule "Bosnie-Herzégovine".
18 M. Donia (interprétation). - Oui.
19 M. Nice (interprétation). - Je ne vais pas entrer dans les
20 détails de votre curriculum vitae. Je souhaite simplement
21 vous poser quelques questions à ce sujet. Tout d'abord, je
22 crois que vous avez, au début, à la fin des années 70,
23 début des années 80, vous avez étudié la langue de
24 l'ex-Yougoslavie.
25 M. Donia (interprétation). - Oui.
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1 M. Nice (interprétation). - Et ensuite, vous avez un peu, vous
2 avez étudié cette langue de nouveau pour atteindre un niveau supérieur ?
3 M. Donia (interprétation). - Oui.
4 M. Nice (interprétation). - Et vous vous êtes ensuite rendu dans
5 l'ex-Yougoslavie ?
6 M. Donia (interprétation). - Oui. J'ai passé en 1974/75, un an
7 en ex-Yougoslavie, surtout à Sarajevo.
8 M. Nice (interprétation). - Depuis que vous avez recommencé à
9 vous intéresser à l'ex-Yougoslavie, combien de fois par an vous y rendez-
10 vous ? Deux, trois fois par an ?
11 M. Donia (interprétation). - Depuis 1994, je me suis rendu
12 environ deux ou trois fois par an dans la région pour des séjours allant
13 de dix jours à six semaines -c'était mon dernier séjour-.
14 M. Nice (interprétation). - Vous avez donc visité cette région.
15 Est-ce que vous avez des contacts avec des universitaires dans la région ?
16 M. Donia (interprétation). - Oui.
17 M. Nice (interprétation). - Peut-être pourrez-vous nous dire à
18 l'occasion d'autres questions -ou maintenant- peut-être que ces
19 universitaires que vous rencontrez ont des visions extrêmes de la
20 situation.
21 Premièrement, est-ce que vous êtes au courant du travail fait
22 par les universitaires qui ont des vues qui sont directement opposées aux
23 vôtres ?
24 M. Donia (interprétation). - Oui. Oui, beaucoup d'entre eux qui
25 n'ont pas les mêmes idées que moi.
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1 M. Nice (interprétation). - Donc vous essayez de vous tenir au
2 courant des publications de ces universitaires ?
3 M. Donia (interprétation). - Oui.
4 M. Nice (interprétation). - Ce qui m'intéresse, dans le cadre de
5 mes questions, ce sont deux ou trois questions.
6 Tout d'abord, est-ce qu'il prévalait des haines ancestrales dans
7 cette région ?
8 Deuxièmement, je voudrais vous poser des questions au sujet de
9 la légitimité des frontières entre les différentes parties de l'ancienne
10 Yougoslavie.
11 Troisièmement, ce qui s'est passé dans les années 90, justement
12 au sujet des disputes relatives aux frontières.
13 Ensuite, je vais vous parler du conflit international.
14 Premièrement, votre connaissance de l'Histoire vous permet
15 d'avoir une opinion bien définie à ce sujet ?
16 M. Donia (interprétation). - Oui.
17 M. Nice (interprétation). – L'Histoire de l'ex-Yougoslavie est
18 présentée dans votre rapport.
19 M. Donia (interprétation). - Oui.
20 M. Nice (interprétation). - Nous allons maintenant nous référer
21 aux cartes que l'huissier va placer sur le rétroprojecteur et qui vont
22 nous permettre de passer en revue votre opinion. Ces cartes portent des
23 cotes différentes. Je pense qu'elles peuvent être extrêmement utiles et
24 qu'elles pourront nous permettre d'avancer assez rapidement.
25 Nous allons d'abord commencer avec la carte Z-1685.
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1 M. Donia (interprétation). - Il s'agit d'une carte qui montre
2 les hypothèses de différents chercheurs au sujet des migrations slaves aux
3 VIème et XVIème siècles.
4 M. Nice (interprétation). - Ce sont les lignes pointillées
5 rouges, les lignes continues rouges, etc. qui présentent les différentes
6 thèses de plusieurs historiens, et il y a un point de vue commun qui se
7 détache.
8 M. Donia (interprétation). - Oui. On est généralement d'accord
9 sur le fait qu'on a assisté à une migration slave dans cette zone que je
10 vous montre ici, au Nord et à l'Est de la mer Adriatique pendant ces
11 siècles que nous venons d'évoquer. Cette carte montre que les historiens
12 n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'origine de ces peuples.
13 D'autre part, ils ne sont pas d'accord non plus sur les routes,
14 les voies qu'ont emprunté ces migrations, ni non plus sur les vagues de
15 migration. Mais on peut dire que cette carte nous donne une idée de
16 l'origine des Slaves du Sud et sur les voies que leurs migrations auraient
17 pu emprunter.
18 M. Nice (interprétation). - Vous nous dites donc qu'une fois
19 qu'ils sont arrivés, ils se sont installés et ce sont des peuples qui ont
20 été sédentaires ?
21 M. Donia (interprétation). - Oui. Ils sont arrivés dans cette
22 région et ils y sont restés.
23 M. Nice (interprétation). - Nous allons maintenant passer à la
24 carte suivante Z-1687.
25 Vous indiquez dans votre rapport que, dans les siècles qui ont
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1 précédé, les zones de l'ex-Yougoslavie étaient occupées par ces Slaves.
2 M. Donia (interprétation). - La situation politique, au cours de
3 ces siècles, a contribué à la création de royaumes. Le premier a été le
4 royaume croate au IXème siècle.
5 M. Nice (interprétation). - La carte que nous avons devant les
6 yeux, c'est la zone en rose ?
7 M. Donia (interprétation). - Il s'agit d'une carte du royaume
8 croate dans sa version la plus étendue ; c'est-à-dire c'est la zone que
9 l'on pense recouvrait le royaume croate entre 925 et 930.
10 M. Nice (interprétation). – La carte suivante, s'il vous plaît.
11 M. Donia (interprétation). - Après l'effondrement du royaume
12 croate, on a vu apparaître un empire médiéval serbe, et sur cette carte,
13 on voit l'étendue maximale que l'on pense que cet empire a occupé, la
14 rivière Drina, qui correspond à la frontière Est de la Bosnie.
15 Donc on voit que cela recouvrait l'ensemble de l'Herzégovine
16 ainsi qu'une partie de la Bosnie. Tout cela appartenait à l'empire
17 médiéval serbe pendant cette période.
18 M. Nice (interprétation). - Donc ceci nous montre l'étendue
19 maximale du royaume serbe ?
20 M. Donia (interprétation). - Oui. Il y a d'autres zones qui ont
21 également été sous la domination de l'empire serbe.
22 M. Nice (interprétation). - Carte 1-6-6-6 ?
23 M. Donia (interprétation). - Il s'agit du royaume médiéval
24 bosniaque qui a commencé ici. C'est indiqué par la ligne pointillée. A la
25 différence des états bosniaques et serbes, la Bosnie-Herzégovine s'est
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1 développée autour d'un territoire qui n'avait pas de sortie sur la mer. Et
2 cette ligne correspond à 1180. Ici, je vous montre la ville de Bugojno. Il
3 s'agit ici une fois de plus de la Drina, qui constitue la frontière
4 orientale de la Bosnie actuelle.
5 Ensuite, l'état bosniaque s'est étendu au cours des deux siècles
6 suivants et sous Stepan Kutromanic, elle occupait cette zone délimitée par
7 cette frontière, que je vous montre ici, et jusqu'en 1326. Et en 1377,
8 lorsqu'elle occupait la superficie la plus importante, cet état incluait
9 toute la côte adriatique nord ainsi que des parties significatives de la
10 Serbie. C'est à ce moment-là que le roi a été couronné en 1377 roi de
11 Bosnie et roi de Serbie.
12 M. Nice (interprétation). - Nous allons maintenant passer aux
13 deux cartes suivantes. D'abord 1651, la péninsule balkanique en 1877, et
14 nous allons maintenant également passer à la carte Z 16-52.
15 M. Donia (interprétation). - Je vous suggère de placer ces
16 cartes l'une au-dessus de l'autre, et la raison pour laquelle j'ai choisi
17 ces cartes, c'est qu'avec l'avancée de l'Empire Ottoman dans cette partie
18 des Balkans, l'empire ottoman a étendu son autorité sur des zones qui,
19 auparavant, étaient sous le joug des empires et des royaumes dont nous
20 venons de parler.
21 Et pour la première fois, la Bosnie prend des contours qui
22 ressemblent à ceux qu'ils sont aujourd'hui. Ici, c'est une carte qui
23 reflète la situation à la fin de l'empire ottoman, mais à l'époque, déjà
24 depuis un siècle, la situation en Bosnie-Herzégovine était telle qu'elle
25 est présentée sur cette carte.
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1 Lors du congrès de Berlin en 1878, les Européens ont confié la
2 Bosnie-Herzégovine à l'Empire austro-hongrois et l'Empire austro-hongrois
3 a utilisé les mêmes frontières avec très peu de changement par rapport à
4 celles qui existaient à la fin de l'Empire Ottoman. Cette forme
5 triangulaire de la Bosnie-Herzégovine qui est très reconnaissable.
6 M. Nice (interprétation). - Cette forme si reconnaissable de la
7 Bosnie-Herzégovine, depuis combien de temps prévaut-elle ?
8 M. Donia (interprétation). – A la fin tue du XVIIIème siècle,
9 cette forme triangulaire existait depuis plusieurs siècles.
10 M. Nice (interprétation). - On ne voit pas la frontière
11 orientale sur la carte 1651 ?
12 M. Donia (interprétation). - Oui.
13 M. Nice (interprétation). - Donc qu'en est-il de la réalité de
14 cette frontière orientale ?
15 M. Donia (interprétation). - C'est devenu une réalité au début
16 de l'administration de l'Empire Ottoman. Donc si nous passons maintenant à
17 la carte Z-1662 qui a été marquée manuellement, avec la cote 1918 ?
18 M. Donia (interprétation). - C'est une carte qui montre la
19 situation en 1918. On reconnaît la forme triangulaire de la Bosnie-
20 Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine était reconnue comme étant une partie
21 distincte dans la constitution de ce royaume qui a été voté en 1921. Cette
22 région est restée une région autonome du point de vue administratif
23 jusqu'en 1924 et les frontières sont restées exactement les mêmes jusqu'à
24 1929.
25 M. Nice (interprétation). – La carte suivante, s'il vous plaît.
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1 On voit le mot Banovina dans certains de vos propos et certains des
2 éléments de preuve. Est-il exact qu'il y a deux événements, au cours
3 de ce siècle, pour lesquels on parle de Banovina.
4 Tout d'abord la carte 1654 pour l'année 1929.
5 M. Donia (interprétation). – Le mot Banovina signifie le
6 territoire d'un "baun". C'était le mot qui était utilisé par les
7 dirigeants médiévaux de la Bosnie et également en Croatie. Cela fait
8 référence à un territoire qui est sous la direction d'un gouverneur.
9 En 1929, du fait des troubles dans les relations sur ce
10 territoire, le roi a suspendu la conclusion et il a redessiné les
11 frontières intérieures du royaume. Ces nouvelles frontières n'avaient plus
12 rien à voir avec les divisions historiques, les divisions basées sur les
13 nationalités. Voici les Banovina de 1929, après la décision de 1929, et
14 ces zones administratives sont restées ainsi jusqu'en 1939. Donc pour la
15 première fois depuis de nombreux siècles, la Bosnie-Herzégovine a perdu sa
16 forme si caractéristique.
17 M. Nice (interprétation). - Et donc on n'a pas respecté la
18 répartition des nationalités ?
19 M. Donia (interprétation). - En effet, à l'exception des
20 Slovènes.
21 M. Nice (interprétation). – Carte 1665.
22 Il s'agit de la deuxième carte où l'on voit apparaître le nom de
23 Banovina. C'est peut-être dans ce contexte que le mot de Banovina est le
24 plus important pour ce qui nous intéresse. Pouvez-vous nous expliquer de
25 quoi il retourne ?
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1 M. Donia (interprétation). - En 1939, une fois de plus, les
2 frontières ont été redéfinies après de longues négociations entre le
3 Premier ministre de la Yougoslavie, Sfetkovic, et le dirigeant du Parti
4 paysan croate, Vladko Macek. C'est donc les frontières qui ont été
5 définies qui ont duré d'août 1939 à avril 1941, et on appelle ça l'accord
6 Sfetkovic/Macek où on appelle ça également le plan des Bonavina ou le
7 Sporazomest qui signifie accord.
8 M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous, s'il vous plaît,
9 marquer sur cette carte la zone des Banovina ?
10 (Le témoin s'exécute.)
11 Cette région est-elle plus importante que la zone actuelle ?
12 M. Donia (interprétation). - Elle couvre une superficie plus
13 importante que la Croatie actuelle.
14 M. Nice (interprétation). - Si on se place maintenant… donc dans
15 cette Banovina on voit la ville de Travnik, Konjia ; et la vallée de la
16 Lasva faisait-elle partie de cette Banovina ?
17 M. Donia (interprétation). - La vallée de la Lasva faisait
18 partie de la Banovina croate et la frontière la traversait. Donc la zone
19 dont on parle dans le cadre de cette affaire se trouve à la frontière de
20 la Banovina croate.
21 M. Nice (interprétation). - Cette zone de territoire croate,
22 puisqu'à l'époque c'était un territoire croate, qui est d'une superficie
23 inférieure à celle de la Croatie médiévale, est-ce que cela représente un
24 Etat croate à la superficie plus importante que jamais auparavant ?
25 M. Donia (interprétation). - Non. Ce n'était pas le cas pendant
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1 la Deuxième Guerre mondiale. Mais cette zone a fait l'objet de beaucoup de
2 discussions de la part des nationalistes croates depuis l'abolition de la
3 division en Bonavina en 1941.
4 M. Nice (interprétation). - Il y a une espèce de trou au milieu
5 de cette zone.
6 M. Donia (interprétation). - Oui. Il y a une partie importante
7 de la Bosnie-Herzégovine en effet, au milieu.
8 M. Nice (interprétation). - Carte suivante, s'il vous plaît. Il
9 s'agit, ici, de la Croatie en temps de guerre en 1941. Pouvez-vous nous
10 parler de la zone jaune ?
11 M. Donia (interprétation). - L'attaque en 1941 de la Yougoslavie
12 par l'Allemagne a entraîné une occupation de la Yougoslavie. Ici, on voit
13 la ligne noire qui coule au milieu du pays. Au nord, le pays était occupé
14 par l'Allemagne, au sud de cette ligne, c'était une occupation italienne.
15 La zone jaune qui est située au milieu de cette carte, c'était l'Etat
16 indépendant de Croatie. C'était ce qu'on appelait, à l'époque, le NDH et
17 cela comportait l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine historique, ainsi
18 qu'une grande partie de l'Etat croate tel qu'il existait à la veille de la
19 Première Guerre mondiale.
20 M. Nice (interprétation). - Par qui était dirigé cet Etat ?
21 M. Donia (interprétation). - Par les Oustachis, des gens qui
22 collaboraient avec les occupants allemands et italiens et que l'on peut
23 considérer comme des nationalistes croates extrémistes.
24 M. Nice (interprétation). - Carte suivante, s'il vous plaît,
25 carte 1660.
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1 M. Donia (interprétation). - Il s'agit de la carte de la
2 Fédération socialiste de Yougoslavie,
3 des frontières qui ont été dessinées en 1945 et qui n'ont pas
4 été modifiées jusqu'au début des années 90. Ces frontières subsistent
5 encore à l'heure actuelle, même si elles ont un rôle politique différent.
6 Les frontières traditionnelles historiques de la Bosnie-
7 Herzégovine ont été restaurées dans le cadre de la mise en place de la
8 République fédérale de Yougoslavie.
9 M. Nice (interprétation). - Il y a donc d'abord eu une période
10 d'interruption de 10 ans avec les Banovina, que nous avons vue sur une
11 carte, puis il y a eu une période subséquente de 2 ans avec de nouveau des
12 Banovina et ensuite, une période d'occupation du pays. Si on prend en
13 compte ces périodes, depuis combien de temps la Bosnie-Herzégovine a-t-
14 elle cette forme si caractéristique ?
15 M. Donia (interprétation). - 500 ans, peut-être même un peu
16 plus.
17 M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous maintenant passer à la
18 carte que les Juges n'ont pas encore à leur disposition -ou plutôt les
19 Juges l'ont, c'est moi qui ne l'ai pas-. Cette carte est peut-être un peu
20 trop grande pour qu'on la place sur le rétroprojecteur, mais on va pouvoir
21 l'examiner en segments.
22 Donc cette carte a été réalisée à partie d'un recensement ?
23 M. Donia (interprétation). - Oui, le recensement de 1991.
24 M. Nice (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une
25 interprétation de cette carte en examinant d'abord la zone de Sarajevo ?
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1 Ici, comme on le voit, c'est la population totale de cette ville, avec une
2 répartition de la population entre les Musulmans, en vert, plutôt à
3 droite, en marron, la part de la population serbe et en bleu, les
4 Croates ; en blanc, les autres nationalités. Que représente le chiffre de
5 10,7 ?
6 M. Donia (interprétation). - Il s'agit des 10,7 % de personnes
7 qui se sont déclarées comme Yougoslaves.
8 M. Nice (interprétation). - En regardant cette carte, on peut se
9 baser sur les couleurs pour déterminer la concentration des différentes
10 nationalités, les endroits où il y a plus de bleu que d'autres etc. ; mais
11 pour vous, que représente cette carte ? Quelle est son importance ?
12 M. Donia (interprétation). - Pour moi, cette carte représente la
13 répartition des nationalités dans les villes de Bosnie-Herzégovine. On
14 voit qu'à de très rares exceptions, il y avait une véritable mixité des
15 nationalités dans ces villes, telles qu'elles étaient déclarées par les
16 intéressés eux-mêmes.
17 La composition de la Bosnie-Herzégovine, du point de vue des
18 nationalités, était telle qu'il est absolument impossible de dessiner des
19 frontières à l'intérieur du pays suivant les nationalités
20 Un exemple : si on regarde la zone qui se trouve à l'ouest de
21 Mostar, que l'on voit ici, on voit ici que c'est pratiquement uniquement
22 du bleu, c'est-à-dire une zone pratiquement croate à 100 % dans l'ouest de
23 l'Herzégovine, jusqu'au nord-ouest, où l'on voit que c'est une population
24 à grande majorité musulmane, au nord-ouest de Bihac.
25 Ici, on voit une zone de densité assez faible, où l'on voit une
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1 zone pratiquement et exclusivement peuplée par des Serbes à l'ouest de la
2 Serbie.
3 Par conséquent, à l'exception de ces zones où il y avait une
4 certaine homogénéité des nationalités, on voit que, partout ailleurs,
5 c'est la mixité qui règne. Et si l'on regarde les zones rurales, il en va
6 de même que dans les villes, c'est-à-dire une grande mixité, sauf les
7 exceptions dont je viens de vous parler.
8 M. Nice (interprétation). - Maintenant, nous allons passer à une
9 autre carte Z-1-6-7-5.
10 M. Donia (interprétation). - Cette carte montre les contours des
11 municipalités inclues, selon les déclarations faites unanimement par les
12 autorités de la communauté croate d'Herzeg-Bosna le 18 novembre 1991, et
13 Posavina, partie frontalière entre la Bosnie du Nord et la Croatie.
14 C'était le cas en novembre 1991.
15 M. Nice (interprétation). - Concernant la dernière carte Z-709,
16 j'ai prévu d'en parler un peu plus tard, mais tant pis, on peut le faire
17 maintenant.
18 Ceci indique le plan Vance-Owen du 2 janvier 1993 et la
19 proposition serbe de l'union entre les trois républiques en date de
20 juin 1993. Pouvez-vous faire quelques
21 commentaires d'abord sur le plan Vance-Owen ?
22 M. Donia (interprétation). - La carte du haut, en date du mois
23 de janvier 1993, montre les provinces proposées dans le cadre du plan
24 Vance-Owen, rendu public d'abord en janvier 1993. On voit une certaine
25 convergence en ce qui concerne les idées de la population croate d'Herzeg-
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1 Bosna. On voit que des morceaux de territoires très généreux sont proposés
2 à la population croate.
3 Deuxièmement, l'autre carte est celle qui a été proposée après
4 que le côté serbe a refusé, rejeté, le plan Vance-Owen en mai 1993. On
5 voit ici que la région de Bosavina est bien réduite et que les territoires
6 croates qui avaient été offerts dans le cadre du plan précédent, autour de
7 Mostar, sont également réduits.
8 M. Nice (interprétation). - Merci beaucoup. Je souhaite
9 maintenant aborder plusieurs sujets du point de vue historique et
10 géographique. Tout d'abord, l'arrivée des Musulmans dans cette région.
11 M. Donia (interprétation). - Les Musulmans ne sont pas vraiment
12 arrivés, ils se sont convertis à l'Islam. Il s'agissait de la population
13 d'origine slave, et ceci s'est produit durant les premiers 140 ans de
14 l'Empire Ottoman. Donc ceci s'est fait entre 1460 et 1600. Il faut savoir
15 que c'était une époque où beaucoup de changements religieux se sont faits
16 dans toute l'Europe, avec le mouvement réformateur, etc.
17 Mais en ce qui concerne l'Islam en Bosnie, ceci, cette
18 conversion ne s'est pas faite par la force, imposée par les Ottomans dans
19 tout le pays, mais ceci s'est produit plutôt village par village. Beaucoup
20 de ces familles étaient catholiques auparavant, certaines de ces familles
21 appartenaient à l'Eglise bosniaque médiévale, et puis parfois, il y en a
22 eu en provenance d'autres groupes.
23 M. Robinson (interprétation). – (Hors micro).
24 M. Donia (interprétation). - Oui. Ceci a été tout à fait limité,
25 vu ce que l'on savait, mais les autorités de Sarajevo ont fait des
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1 recherches sur des traces de la présence de culture musulmane qui existait
2 avant l'arrivée des Ottomans.
3 M. Bennouna. - Professeur Donia, vous dites XVème siècle, mais
4 vous nous avez dit tout à l'heure, en analysant les cartes, que la Bosnie
5 existait bien comme une sorte d'entité dès le Moyen-Age, dès le
6 XIVème siècle alors qu'est-ce qui distingue la Bosnie en tant qu'entité
7 que vous avez distinguée dans les cartes dès le Moyen-Age -donc dès le
8 XIVème siècle- à cette islamisation, ou à cette conversion à l'Islam ?
9 Est-ce que ce sont les mêmes Bosniaques ou est-ce que ça n'a plus rien à
10 voir avec ce que nous avons vu sur la carte au Moyen-Age au siècle
11 précédent ?
12 M. Donia (interprétation). - Il n'y a pas eu de conversion en
13 Islam durant la période de l'existence de l'état médiéval, sauf peut-être
14 durant les dernières années de son existence. Donc l'état bosniaque
15 médiéval a existé indépendamment d'eux et avant les conversions en Islam
16 qui ont commencé vers 1460.
17 M. Benounna. – Excusez-moi, Professeur Donia, alors qu'est-ce
18 qui distinguait -vous dites c'est la conversion des Slaves, en fait, à la
19 religion musulmane- alors qu'est-ce qui distinguait ce que vous appelez
20 l'état bosniaque -on ne peut pas parler d'état d'ailleurs, on va parler
21 d'entité parce que l'état est né beaucoup plus tard, comme nous le savons,
22 nous le connaissons maintenant. L'entité bosniaque, qu'est-ce qui la
23 distinguait au XIVème siècle ?
24 M. Donia (interprétation). - L'état de Bosnie, dont j'ai parlé
25 en parlant du royaume médiéval bosniaque, existait avec un roi à partir de
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1 1377 jusqu'à 1391, et il a fini par succomber à la domination ottomane.
2 Le terme "Bosniaques" se réfère aux habitants du territoire de
3 Bosnie-Herzégovine qui, comme vous venez de le dire, existait en tant
4 qu'une entité depuis bien des siècles. Mais en ce qui concerne l'existence
5 en temps qu'état, ceci a existé uniquement durant cette période médiévale
6 et puis pendant les premières années de la décennie 90, de ce siècle.
7 En ce qui concerne le terme "Bosniaques" qui est utilisé
8 aujourd'hui, c'est-à-dire "Bosniens" qui est utilisé depuis 1993, se
9 réfère aux Musulmans bosniaques, donc se réfère à ce groupe ethnique et
10 est un terme qui doit être utilisé indépendamment par rapport aux
11 habitants du territoire de cet état.
12 M. Nice (interprétation). - Je souhaite enchaîner sur la
13 question du Juge Bennouna. En ce qui concerne le territoire du royaume
14 bosniaque médiéval, est-ce que cette forme s'est maintenue malgré les
15 dominations qui s'en sont suivies ?
16 M. Donia (interprétation). - En ce qui concerne la forme du
17 royaume bosniaque médiéval, nous pouvons dire qu'à partir du moment où la
18 domination ottomane a commencé -d'ailleurs une partie du territoire a été
19 sous la domination de Venise- c'est durant cette période-là que la Bosnie
20 a acquis sa forme d'aujourd'hui, étant donné qu'elle a perdu les
21 territoires près de la mer.
22 M. Nice (interprétation). - Et en ce qui concerne ces
23 frontières, la Bosnie les a maintenues par la suite ?
24 M. Donia (interprétation). – Oui, elle les a maintenues, plus ou
25 moins, sous la domination ottomane et ostro-hongroise et aussi pendant
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1 l'existence de la Yougoslavie socialiste.
2 M. Nice (interprétation). - Et en ce qui concerne l'identité de
3 ce territoire, elle n'était pas liée à la religion, n'est-ce pas ?
4 M. Donia (interprétation). – Non, cette identité ne se fondait
5 pas sur une identification religieuse.
6 M. Nice (interprétation). - Peut-être nous pouvons maintenant
7 aborder un autre sujet.
8 De temps en temps, on entend dire que les événements des
9 années 90 ont reflété des haines ancestrales. Quels sont vos commentaires
10 à ce sujet ?
11 M. Donia (interprétation). – En ce qui concerne les haines
12 ancestrales, c'est un terme qui signifie la haine entre les peuples qui
13 s'entre-tuaient depuis des siècles, c'est un terme qui a été utilisé pour
14 la première fois dans cette région au début des années 90. C'est un terme
15 utilisé par les diplomates occidentaux qui essayaient de caractériser ce
16 conflit de manière à justifier leur passivité vis-à-vis de ce conflit.
17 Aussi, de nombreux auteurs et journalistes ont utilisé ce terme,
18 étant donné qu'ils souhaitaient décrire ce conflit comme quelque chose
19 d'exotique, d'oriental, de bizarre et étrange, où ces gens s'entre-tuaient
20 sans aucune raison apparente.
21 Moi-même, je n'ai pas trouvé de base pour ce genre de
22 déclaration à l'intérieur de l'ex-Yougoslavie, c'est un terme qui a été
23 imposé de l'extérieur, des diplomates et des acteurs occidentaux.
24 Moi je dis qu'en Bosnie-Herzégovine, je n'ai pas trouvé la
25 racine de ce terme. Nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a pas eu de
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1 violence, mais avant le XXème siècle, cette violence ne se basait pas sur
2 les critères ethniques ou religieux. Il s'agissait de conflits sociaux
3 entre les propriétaires de terres et leurs sujets, ou bien il y avait des
4 conflits de conquête. Donc il y a eu des troubles. Il y a eu des
5 violences, mais il n'y a certainement pas eu de conflits tribaux après la
6 période à l'époque médiévale où les tribus ont cessé d'exister.
7 En ce qui concerne le conflit ethnique ou religieux, il n'a pas
8 existé avant ce siècle.
9 M. Nice (interprétation). - Et au cours de ces siècles, combien
10 de religions ont été représentées dans cette zone ?
11 M. Donia (interprétation). - Plusieurs. Tout d'abord, la
12 religion catholique, orthodoxe, islamique et juive.
13 M. Nice (interprétation). - Le sujet suivant concerne le conflit
14 qui a éclaté au début des années 90. Quel a été le rôle, dans ce conflit,
15 du Président Tudjman ?
16 M. Donia (interprétation). – J'essaie de faire une analogie
17 entre cela et l'image d'un vieil homme qui se trouve face à un miroir, et
18 où il trouve le reflet d'une personne extrêmement jeune. Je pense que
19 c'est l'image donnée par l'ensemble du conflit, c'est-à-dire c'était une
20 invention des critères historiques qui se basaient sur des événements qui
21 se sont produits dans le passé, mais souvent, il s'agissait des événements
22 fabriqués, inventés, et souvent, on avait recours à des sujets liés à
23 l'empire médiéval, etc.
24 Le langage employé, par exemple "Croates" et "Musulmans" vis-à-
25 vis des Serbes était caractéristique où tous les Serbes étaient désignés
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1 comme des Chetniks. A l'inverse, les Croates étaient désignés comme des
2 Oustachis et les Musulmans comme des Turcs, etc.
3 M. Nice (interprétation). – Et le rôle du Président Tudjman ?
4 M. Donia (interprétation). - Lorsqu'il a fait ses travaux
5 d'historien dans les années 70, Tudjman a avancé une thèse selon laquelle
6 la Bosnie tout ensemble, dans son intégralité, appartenait à la Croatie.
7 Il a argué que la Bosnie faisait partie, du point de vue économique et
8 géopolitique, de la Croatie. Il s'appuyait sur le fait que, d'après lui,
9 les Bosniaques musulmans étaient surtout les Croates. Il a avancé le
10 pourcentage de 80 % de ces Musulmans qui étaient d'origine croate.
11 Donc le résultat de cette analyse, selon Tudjman, était que les
12 Croates représentaient la majorité de la population de Bosnie, et ceci
13 aurait été vrai si, effectivement, les Musulmans avaient été des Croates.
14 Ensuite, il a adopté une attitude, il a pris une attitude un peu
15 plus pragmatique au début des années 90, où il disait que la Croatie
16 devait s'étendre pour couvrir le territoire de la Banovina en date de
17 l'année 39.
18 M. Nice (interprétation). - Vous parlez de la seconde existence
19 des Banovina ?
20 M. Donia (interprétation). - Oui.
21 M. Nice (interprétation). - Et en ce qui concerne les leaders de
22 la communauté croate d'Herceg-Bosna, quel a été le lien entre eux et le
23 Président Tudjman ?
24 M. Donia (interprétation). - Il y a eu beaucoup d'interactions
25 entre le Président Tudjman et les leaders croates de Bosnie-Herzégovine.
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1 Peut-être ils ne se voyaient pas tous les jours, mais de toute façon, de
2 manière régulière. Beaucoup des leaders croates de Bosnie-Herzégovine ont
3 adopté l'attitude, la position selon laquelle la Bosnie-Herzégovine
4 représentait un État dans lequel les aspirations de tous les Croates
5 pouvaient être réalisées. Un petit groupe a développé l'opinion que la
6 réalisation des aspirations des Croates était possible seulement dans le
7 cadre d'une entité territoriale bien distincte. Et c'était l'approche du
8 Président Tudjman.
9 M. Nice (interprétation). - Et Karadjordjevo ?
10 M. Donia (interprétation). - En 1991, le président Tudjman et le
11 président Milosevic de Serbie se sont rencontrés à Karadjordjevo. Il
12 s'agissait de l'ancien domaine de chasse de la famille royale ; et ils ont
13 parlé du partage de la Bosnie. Des centaines d'articles ont été écrits sur
14 ce sujet. Mais, sur la base de ce que les participants à cette rencontre
15 ont dit, nous pouvons dire qu'ils sont arrivés à un accord de principe
16 concernant le partage de la Bosnie. Mais ils ne sont pas arrivés à un
17 accord concernant la frontière entre ces deux parties. En effet, une
18 commission a été créée afin d'établir ces frontières, mais ceci n'a jamais
19 été fait. A partir de ce moment-là, il a été facile de lier ceci au
20 comportement des leaders croates qui essayaient de réaliser ce projet
21 conformément aux instructions données par le Président Tudjman. C'est sur
22 la base de cette approche que l'on a vu la création de l'idée d'annexer
23 l'Herceg-Bosna à la Croatie.
24 M. Nice (interprétation). - En ce qui concerne cette dernière
25 annexion, au moment de la proposition du plan Vance-Owen, nous ne devons
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1 pas consulter la carte encore une fois, mais nous avons pu voir que, dans
2 le cadre du plan de juin 93, le territoire donné aux Croates a été réduit.
3 M. Donia (interprétation). - Mate Boban avait signé le plan
4 Vance-Owen dès qu'il a pu le faire.
5 M. Nice (interprétation). - Et dites-nous quelque chose sur les
6 rencontres qui ont eu lieu au mois de juin 1991.
7 M. Donia (interprétation). - En juin 91, c'est-à-dire à peu près
8 trois mois après la rencontre de Karadjordjevo, le Président Tudjman a eu
9 deux rencontres avec les leaders des municipalités de Bosnie-Herzégovine
10 dans lesquelles les Croates représentaient la majorité ou bien une
11 présence importante.
12 La première de ces rencontres a eu lieu le 13 juin 1991 et la
13 deuxième, le 20 juin 1991. Au cours de ces rencontres, on a discuté
14 beaucoup des approches différentes de solutions aux problèmes de Bosnie-
15 Herzégovine, mais, avec le temps, l'idée qui a prévalu du côté croate
16 était celle de la création de la communauté croate de Bosnie-Herzégovine
17 qui voudrait faire sécession.
18 M. Nice (interprétation). - Qui a assisté, du côté croate, à ces
19 rencontres qui ont eu lieu en juin ?
20 M. Donia (interprétation). - Il y a eu deux rencontres : tout
21 d'abord, avec les Croates d'Herzégovine ; et M. Kordic aurait assisté à
22 cette rencontre et participé à la discussion.
23 M. Nice (interprétation). - Tout au long de la guerre,
24 l'influence de Croatie sur les événements de Bosnie-Herzégovine s'est
25 résumée à quoi ?
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1 M. Donia (interprétation). - Les leaders croates -et là je parle
2 surtout du président Tudjman et de son régime- ont joué un rôle éminent
3 tout au long de la guerre ; ils ont assisté à des négociations
4 représentant les Croates de Bosnie-Herzégovine ; ils ont vraiment parlé au
5 nom des Croates de Bosnie-Herzégovine. Mis à part cela, ils envoyaient de
6 l'aide, de l'assistance, du soutien militaire et logistique. Donc nous
7 pouvons dire qu'à la fois sur le plan militaire et politique, l'Etat
8 croate fournissait le leadership pour les Croates de Bosnie-Herzégovine.
9 M. Nice (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous donner
10 un exemple de négociation menée par le Président Tudjman ?
11 M. Donia (interprétation). - Tout d'abord, le président Tudjman
12 a eu cette rencontre à Karadjordjevo, en mars 91, avec Milosevic, donc.
13 Et, au mois de janvier 1992, dans la première quinzaine, il a rencontré
14 directement un membre de la présidence serbe de Bosnie-Herzégovine, Nikola
15 Koljevic, à Zagreb. Il a appris que les Serbes avaient le projet de
16 constituer leur propre République.
17 Par la suite, il a participé à des négociations avec Lord Owen,
18 avec M. Vance ; il a négocié avec d'autres représentants de la communauté
19 internationale. Et surtout, il a eu une rencontre intéressante avec Warren
20 Zimmerman, l'ambassadeur des États-Unis, le 14 janvier 1992, où pendant
21 une heure, il a essayé de le convaincre que la Bosnie-Herzégovine devait
22 appartenir à la Croatie.
23 Finalement, même au moment de la dissolution de l'Herceg-Bosna,
24 conformément à l'accord de Dayton, le Président Tudjman a rencontré le
25 Président Clinton, le 2 avril 1996. Après cette réunion, il a proposé la
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1 dissolution de la Bosnie-Herzégovine ; effectivement, c'est ce qui s'est
2 fait par la suite.
3 M. Nice (interprétation). - Je crois que vous soumettez votre
4 rapport en tant qu'élément de preuve au cours de l'interrogatoire
5 principal, n'est-ce pas ?
6 M. Donia (interprétation). - J'en serais très satisfait.
7 M. Nice (interprétation). - J'en ai fini, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation). - Contre-interrogatoire
9 demain. Combien de temps prévoyez-vous, Maître Stein, pour le contre-
10 interrogatoire ?
11 M. Stein (interprétation). – Je pense que j'y consacrerai la
12 journée du mardi avec l'autorisation de la Chambre, mercredi également. Et
13 nous verrons ensuite.
14 M. le Président (interprétation). - Eh bien, commençons par
15 mardi, mais je n'ai aucune certitude au sujet de mercredi.
16 Monsieur Donia, pouvez-vous revenir demain après-midi, à
17 14 heures 30, je vous prie, pour la suite de votre déposition ?
18 M. Donia (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation). - C'est une règle ici que,
20 lorsque les témoins ont commencé à déposer ici, ils ne doivent parler à
21 personne du contenu de leur déposition et cela comprend, bien sûr, les
22 membres de l'accusation. Voulez-vous bien garder cela à l'esprit ?
23 M. Donia (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous nous
25 retrouvons demain après-midi à 14 heures 30.
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1 L'audience est levée à 17 heures 30.
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