Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL             

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

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  4                     Mercredi 15 septembre 1999

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  6               L'audience est ouverte à 09 heures 40.

  7  

  8   Mme Lauer. - Affaire IT-95-14/2-T, le Procureur contre

  9   Dario Kordic et Mario Cerkez.

 10   M. Sayers (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-

 11   moi de soulever une question avant le début de l'audience. Cela a trait à

 12   la question évoquée juste à la fin de l'audience hier soir : la

 13   transcription de la vidéo qu'on nous a montrée indique le nom de Dario

 14   Kordic. Or, il se trouve que nous avons établi qu'il n'était pas à

 15   Kiseljak à ce moment-là et que c’est le colonel Blaskic qui s'est adressé

 16   à cette foule. Ceci n'est pas controversé…

 17   M. le Président (interprétation). - Mais, dans la transcription,

 18   on voit le nom de Kordic ?

 19   M. Sayers (interprétation). - Oui, on voit que c'est le

 20   commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, le colonel

 21   Kordic. En fait, c'était le colonel Blaskic qui occupait cette position.

 22   M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous me dire quel nom

 23   est utilisé, Kordic ou  Blaskic ?

 24   M. Sayers (interprétation). - En fait, je crois que c'est la

 25   personne qui présentait les intervenants qui a fait une erreur, qui a dit


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  1   que c'est M. Kordic qui allait parler, alors qu'en fait, c’est le colonel

  2   Blaskic qui s'est adressé à la foule. Donc, le nom de Kordic, tel qu'on

  3   peut le voir, devrait être remplacé dans la transcription par le nom de

  4   Blaskic.

  5   M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous aurons liberté

  6   de modifier les comptes rendus en fonction de cette information.

  7   M. Sayers (interprétation). - Merci.

  8   M. le Président (interprétation). - Monsieur Scott ?

  9   M. Scott (interprétation). - Nous sommes prêt, votre Honneur.

 10   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 11   M. le Président (interprétation). - Monsieur Scott, vous en

 12   étiez arrivé au paragraphe 60.

 13   M. Scott (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Et, à

 14   ce sujet, vous savez sans doute que la question de Kaonik a été évoquée

 15   ici. Mais nous n'allons pas nous appesantir plus longtemps au sujet de ces

 16   documents. Il y a des aspects qui ont été évoqués dans le cadre de la

 17   déposition de M. Damon, qui a rencontré M. Kordic, qui lui a parlé de

 18   Kaonik. Monsieur Damon est l'un des rares Occidentaux qui aient eu la

 19   possibilité de visiter le camp de Kaonik. Donc sa perspective est quelque

 20   peu différente de celle des témoins musulmans qui ont déposé ici.

 21   Si, par exemple, je vous indique quelques paragraphes, comme les

 22   paragraphes 72 et 73, je pourrais traiter de cette question en utilisant

 23   ces paragraphes. Mais ce sera un peu différent des témoignages entendus

 24   auparavant. Cela cependant sera très rapide.

 25   M. le Président (interprétation). - Fort bien.


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  1   M. Scott (interprétation). - Monsieur Damon, si nous passons à

  2   la période de mai 1993, est-il exact que vous ayez visité un camp du HVO à

  3   Kaonik ?

  4   M. Damon (interprétation). - Oui.

  5   M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment vous

  6   avez obtenu l'autorisation de visiter Kaonik ?

  7   M. Damon (interprétation). - Eh bien, j'ai rencontré M. Kordic à

  8   une occasion et nous avons parlé de la menace que faisait peser le monde

  9   islamique sur les Croates en Bosnie. M. Kordic insistait sur l'existence

 10   d'une telle menace ; je lui ai demandé de m'en donner la preuve. Il m'a

 11   dit que des islamistes avaient été emprisonnés par les Croates, des hommes

 12   qui avaient combattu. Je lui ai dit que ce serait une bonne idée pour moi

 13   de les voir, comme il me l'avait d'ailleurs proposé. C'est donc ainsi que

 14   je  me suis rendu à Kaonik, que je ne connaissais pas auparavant.

 15   M. Scott (interprétation). - Pour avoir les idées bien claires,

 16   cette conversation a-t-elle eu lieu lors d'un dîner ?

 17   M. Damon (interprétation). - Oui, lors d'un dîner.

 18   M. Scott (interprétation). - Où ?

 19   M. Damon (interprétation). - Dans le nid d'aigle.

 20   M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous pouvez élaborer un

 21   peu au sujet de votre conversation avec M. Kordic, ce soir-là, avant de

 22   passer à Kaonik même ?

 23   M. Damon (interprétation). - Comme beaucoup d'hommes politiques

 24   dans la région croate de la Bosnie -d'ailleurs, ce n'étaient pas que les

 25   hommes politiques, car les militaires pensaient de même-, il estimait, il


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  1   pensait qu'il existait une menace islamique et que les Musulmans

  2   souhaitaient créer un Etat islamique en Bosnie. Bien entendu, moi, j'ai

  3   essayé de lui dire que c'était un peu difficile à croire. Mais il était

  4   bien évident que cette menace islamique existait bel et bien à ses yeux.

  5   M. Scott (interprétation). - A-t-il fait des observations dans

  6   le sens de "Ces gens sont dangereux ?"

  7   M. Damon (interprétation). - Il a fait des généralisations sur

  8   les Musulmans. Je ne sais pas s'il a dit "ces gens-là" dans cette

  9   conversation ; je crois qu'il l'a utilisée dans cette conversation de deux

 10   heures. Il avait donc tendance à généraliser, à présenter les Musulmans

 11   comme une menace au sein de la communauté croate, et parmi les hommes

 12   politiques, on craignait de voir le début de l'établissement d'un corridor

 13   islamique qui serait venu depuis la Turquie.

 14   M. Scott (interprétation). - Est-ce que les événements d'Ahmici,

 15   qui avaient eu lieu quelques jours avant ce dîner, est-ce que vous les

 16   avez évoqués dans votre conversation ?

 17   M. Damon (interprétation). - Je pensais qu'en fait c'était lors

 18   d'un dîner différent. Mais je ne me souviens pas très bien, parce que nous

 19   avons eu deux dîners. En tout cas, c'était après Ahmici. Mais si Messieurs

 20   les Juges me permettent, j'aimerais bien éclaircir les choses pour

 21   expliquer exactement la situation en 1992.

 22   J’avais filmé les soldats croates, lorsque la Croatie était

 23   attaquée par l'armée populaire yougoslave. J'ai donc passé un certain

 24   temps dans les régions de Zagreb et dans la Krajina. J'en suis venu à

 25   beaucoup respecter les soldats croates, dont beaucoup n'étaient d'ailleurs


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  1   pas des soldats. C'étaient des gens qui avaient été rassemblés dans

  2   l'urgence pour faire face à la menace. J'ai fait, par exemple, un film sur

  3   Gordan Lederer, un cinéaste qui n'était absolument pas intéressé par

  4   l'idée de la pureté ethnique, mais qui a été tué alors qu'il filmait aux

  5   côtés des combattants croates, parce qu'il estimait que son pays..., on ne

  6   faisait pas justice à son pays. Je pensais que les Croates étaient à même

  7   de résister parce qu'ils étaient très optimistes, même face à une armée

  8   énorme.

  9   Et puis, quand je suis venu en Bosnie centrale en fin 1992,

 10   début 1993, j'ai vu le même genre d'immoralité, d'actes immoraux que

 11   j'avais vu utilisés contre les Croates, utilisés par les autres en Bosnie

 12   centrale. Pour moi, j'avais l'impression que c'était une situation

 13   catastrophique pour les Croates, et donc j'étais peut-être un peu naïf.

 14   Mais lors de ce dîner, j'ai demandé à pouvoir rencontrer

 15   M. Kordic un peu à part, avec uniquement un interprète. Je lui ai dit très

 16   clairement que l'incident qui avait eu lieu à Ahmici était extrêmement

 17   grave pour les Croates, nuisible aux Croates, en plus des souffrances

 18   infligées que cela avait infligé aux Musulmans. Pourquoi ? Parce que

 19   c'était immoral, parce que cela n'avait aucun fondement politique, il n'y

 20   avait aucune raison politique au massacre de petits bébés.

 21   Je lui ai dit qu'il apparaissait clairement que les enquêteurs

 22   de l'ONU connaissaient déjà un certain nombre de noms des auteurs de ces

 23   actes, et que les dirigeants Croates devaient faire leur possible pour que

 24   ces personnes soient traduites en justice.

 25   M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez si


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  1   M. Kordic a répondu quoi que ce soit à ces remarques ?

  2   M. Damon (interprétation). - Il m'a remercié, et puis il m'a dit

  3   également qu'il y avait des extrémistes de tous les côtés -ce que tout le

  4   monde disait à l'époque dans la région. Et d'ailleurs, c'est une réponse

  5   que nous avons eue de nombreux dirigeants politiques de tous les côtés.

  6   C'est tout.

  7   Bien entendu, il n'a rien admis, mais je ne pense pas qu'il ait

  8   lancé une enquête et que quiconque qui avait du pouvoir -et M. Kordic en

  9   avait beaucoup dans cette vallée-, donc je ne pense pas que quiconque ait

 10   essayé de trouver qui étaient les coupables et de faire en sorte de la

 11   justice soit rendue.

 12   M. Bennouna. - Peut-on demander au témoin si M. Kordic s'est

 13   prononcé sur la moralité ou l'immoralité, la légalité ou l'illégalité des

 14   actes dont le témoin vient de parler ?

 15   M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous répondre,

 16   monsieur Damon ?

 17   M. Damon (interprétation). - Non, il n'a fait aucune

 18   observation. Il n'a fait aucune observation sur le caractère juste ou non

 19   de ce qui s'était passé. Il n'a pas dit si c'était bien ou mal.

 20   M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si

 21   l'interprète qui vous avait assisté dans le cadre de cette conversation à

 22   deux vous a dit au sujet de ces enquêtes dans les milieux des Croates de

 23   Bosnie ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui, après cette conversation, un

 25   de mes interprètes m'a dit que je m'adressais à la mauvaise personne,


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  1   qu'il était bien évident qu'il y avait une politique destinée à éliminer

  2   tous les Musulmans. Cela était décidé au plus haut niveau, et l'idée qu'il

  3   y ait uniquement un petit nombre de coupables, de criminels que personne

  4   ne pouvait contrôler n'avait absolument aucun sens d'après cette personne.

  5   M. Scott (interprétation). - Pour continuer sur ce sujet, vous

  6   aviez dit à M. Kordic qu'il serait bien que les Croates essaient de

  7   trouver les coupables et les jugent ?

  8   M. Damon (interprétation). - Oui, en fait, j'avais deux idées.

  9   Moi, naïvement peut-être, mais je pensais que c'était vraiment une

 10   catastrophe, ce qui s'était passé pour les Croates, pour l'esprit croate.

 11   Il est apparu plus tard que la création de l'Herceg-Bosna était un échec.

 12   D'autre part, en tant que journaliste, j'avais vraiment

 13   l'impression qu'il pourrait m'aider à trouver les auteurs de ces

 14   atrocités, arriver à bien les comprendre, puisque j'avais noué des

 15   relations avec beaucoup de gens en Croatie. La télévision croate avait

 16   fait l'année précédente un reportage sur moi parce que, apparemment, on

 17   estimait que j'étais un journaliste digne de foi, et donc j'espérais qu'il

 18   m'aiderait à comprendre, à élucider ces atrocités et de ne pas défendre

 19   des gens qui ne faisaient rien pour permettre aux Croates de vivre

 20   paisiblement.

 21   M. Scott (interprétation). - Donc, vous avez parlé de cela avec

 22   M. Kordic pendant le dîner mais, apparemment, d'après ce que vous nous

 23   avez dit, M. Kordic vous a dit qu'il y avait des Musulmans qui venaient de

 24   l'extérieur, des soldats musulmans qui étaient impliqués dans les combats

 25   en Bosnie centrale ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui. D'ailleurs, je pense que

  2   c'était vrai. Quant à savoir si les gens que j'ai vus étaient les

  3   combattants en question, j'en doute fort. Mais de nombreuses sources nous

  4   ont fait savoir -y compris dans l'armée de Bosnie-Herzégovine- nous ont

  5   dit qu'il y avait des combattants islamiques, ceux que l'on appelait les

  6   Afghanis. En fait, je crois qu'ils venaient d'autres pays que

  7   l'Afghanistan. On les appelait les Afghani parce qu'à un moment donné, ils

  8   avaient combattu en Afghanistan et qu'ils avaient été formés dans ce pays.

  9   J'ai demandé à ce que l'on me montre des preuves de la présence de ces

 10   hommes et M. Kordic a offert de me les montrer.

 11   M. Scott (interprétation). – En allant à Kaonik ?

 12   M. Damon (interprétation). – Oui.

 13   M. Scott (interprétation). – Vous êtes allé, le 14 mai 1993, à

 14   Kaonik ?

 15   M. Damon (interprétation). – Oui, c'est la date qui figure sur

 16   la cassette vidéo.

 17   M. Scott (interprétation). – Afin de savoir exactement quand a

 18   eu lieu ce dîner, de combien de jours a-t-il précédé votre séjour à

 19   Kaonik ?

 20   M. Damon (interprétation). – En fait, juste un ou deux jours

 21   avant.

 22   M. Scott (interprétation). – Quand vous êtes arrivé à Kaonik, le

 23   14 mai, qu'avez-vous vu ?

 24   M. Damon (interprétation). – Nous sommes montés le long d'un

 25   chemin jusqu'à ce qui semblait être une ancienne caserne de l'armée


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  1   populaire de Yougoslavie ou un entrepôt. C'était entouré d'une clôture. On

  2   nous a emmenés dans un bâtiment qui ressemblait à un entrepôt bien qu'il y

  3   ait des pièces qui ressemblaient vraiment à des cellules. On nous a permis

  4   de filmer dans une ou deux de ces cellules. Nous avons donc vu des gens de

  5   Turquie, du Pakistan et d'autres pays, je crois. Nous en avons vu entre

  6   six et huit. J'ai trouvé que les conditions étaient déplorables. J'ai vu

  7   pire dans d'autres camps, mais c'était déplorable parce que les conditions

  8   sanitaires étaient catastrophiques. C'était très important pour ces gens.

  9   Je dois dire que nous avons eu la possibilité de nous entretenir

 10   avec ces prisonniers sans la présence des soldats croates dans la cellule.

 11   Ils nous attendaient dehors. J'ai discuté avec l'un de ces prisonniers. Il

 12   m'a dit que c'était pour lui très difficile de pratiquer sa religion parce

 13   qu'il devait se laver avant de prier et que sa religion lui permettait

 14   théoriquement de juste essuyer sa main sur le mur avant de prier. Pour

 15   lui, la situation était très difficile. Le camp était très sale et je

 16   pense que les conditions étaient inacceptables pour tout prisonnier de

 17   guerre ou autre.

 18   M. Scott (interprétation). – Et pour vous, Kaonik était une

 19   prison militaire du HVO ?

 20   M. Damon (interprétation). – Oui, c'était le HVO qui commandait.

 21   M. Scott (interprétation). – Les gardes ou les soldats que vous

 22   avez vus portaient des uniformes du HVO ?

 23   M. Damon (interprétation). – Oui.

 24   M. Scott (interprétation). – Pouvez-vous faire des observations

 25   ou avez-vous eu une impression particulière au sujet des soldats du HVO


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  1   qui se trouvaient à Kaonik ? Quelle était leur réaction face à votre

  2   présence ?

  3   M. Damon (interprétation). – Ils n'étaient pas très contents de

  4   nous voir là. Ils n'étaient pas habitués à voir des journalistes venir

  5   fourrer leur nez ou leur caméra dans leur prison. Il est vrai que j'ai vu

  6   d'autres camps où les choses étaient encore pires, mais étant donné que,

  7   jusqu'à présent, ils avaient été en mesure de faire exactement ce qu'ils

  8   voulaient, cela ne leur faisait pas plaisir de nous voir. Ils avaient tous

  9   l'impression que, sous l'ancien régime, régime communiste, aucun

 10   journaliste n'aurait été autorisé à se rendre dans une prison.

 11   M. Scott (interprétation). – Lorsque vous êtes arrivé à Kaonik,

 12   ce matin-là, est-ce que vous avez pu savoir que c'est Dario Kordic qui

 13   vous avait donné l'autorisation d'aller au camp ?

 14   M. Damon (interprétation). – Oui, l'interprète qui avait obtenu

 15   l'autorisation n'avait aucun doute à ce sujet. Il y a peut-être même eu un

 16   document concret, mais je ne m'en souviens pas exactement.

 17   M. Scott (interprétation). – Est-ce que les représentants du HVO

 18   au camp étaient mécontents contre M. Kordic du fait de votre présence ?

 19   M. Damon (interprétation). – Apparemment, ils n'étaient pas très

 20   satisfaits. Il y a eu quelques conversations à l'entrée du camp. Bien

 21   entendu, ils ne voulaient pas que nous entrions, mais ils avaient des

 22   ordres.

 23   M. Scott (interprétation). – Avant d'en finir avec ce sujet,

 24   avez-vous appris si les prisonniers après ont été échangés ?

 25   M. Damon (interprétation). – Oui, ils ont été échangés quelques


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  1   jours plus tard. Je l'ai vu moi-même au centre de Zenica, un échange

  2   contrôlé et supervisé par l'armée britannique. On nous a donné la

  3   possibilité d'assister à cet échange depuis notre véhicule pendant un

  4   certain temps. Ensuite, un des combattants islamiques -parce qu'il était

  5   clair que ce n'était pas uniquement l'armée de Bosnie-Herzégovine qui

  6   était une des parties en présence dans l'échange-, à un certain moment, un

  7   de ces hommes a pointé un fusil, une arme antiaérienne, en direction de

  8   notre véhicule. Il nous a dit de partir. Je suis allé voir le chef de la

  9   police à Zenica, le chef de la police bosniaque, et je lui ai demandé

 10   comment cela se faisait que des gens puissent se promener ainsi avec des

 11   armes antiaériennes. Il a simplement haussé les épaules.

 12   M. Scott (interprétation). – Parlons d'autre chose. Vers cette

 13   époque ou de par vos voyages en Bosnie centrale, avez-vous appris

 14   l'existence d'un bâtiment que l'on appelait le Bungalow ?

 15   M. Damon (interprétation). – Oui, c'était une construction en

 16   bois, à proximité d'Ahmici.

 17   M. Scott (interprétation). – Avez-vous appris qui occupait, qui

 18   utilisait ce bâtiment ?

 19   M. Damon (interprétation). – C'était de l'ouï-dire, des rumeurs

 20   qui circulaient. Apparemment, c'était censé être la base des extrémistes,

 21   des soldats, des paramilitaires qui étaient responsables de ce qui s'était

 22   passé à Ahmici, même si, auparavant, c'étaient des militaires qui

 23   occupaient ce bâtiment.

 24   M. Scott (interprétation). – Peu de temps après Ahmici, avez-

 25   vous pu vous rendre au Bungalow ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui, toujours aussi innocemment, je

  2   voulais savoir ce qui s'était passé. Je me disais, d'une façon un peu

  3   romantique, que puisque j'avais été dans des tranchées aux côtés de

  4   Croates en 1991, je ne m'attendais pas de leur part à ce qu'ils se

  5   comportent de cette façon. Lorsque j'avais entendu l'histoire relative au

  6   village de Cajdras, dans les montagnes ou dans les collines à proximité

  7   d'Ahmici, où apparemment, des atrocités avaient été commises contre les

  8   Croates. C'est ce que l'on m'avait dit, comme si cela pouvait expliquer

  9   Ahmici.

 10   M. Scott (interprétation). – Question directe : avez-vous

 11   demandé à ces personnes pourquoi Ahmici s'était produit ?

 12   M. Damon (interprétation). – Tout à fait.

 13   M. Scott (interprétation). –  Que vous a-t-on répondu ?

 14   M. Damon (interprétation). – Que Cajdras était la raison de tout

 15   cela.

 16   M. Scott (interprétation). – Qu'avez-vous fait après cela ?

 17   M. Damon (interprétation). – Je suis allé à Cajdras, sûrement

 18   pas par un détour puisqu'on est passés par Zenica : c'était plus facile

 19   pour traverser les lignes. Même si, par la suite, nous avons plusieurs

 20   fois repassé directement les lignes pour aller à Cajdras, nous avons pris

 21   le long chemin pour aller cette fois-là. Nous avons constaté que des

 22   hommes avaient été arrêtés. Nous avons vu ces hommes à Zenica au moment où

 23   s'y trouvait la Croix-Rouge également, mais les femmes, les familles, les

 24   enfants, les personnes âgées étaient en assez bon état. J'ai aussi

 25   rencontré un prêtre qui s'occupait de leur bien-être, qui veillait sur


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  1   eux.

  2   M. Scott (interprétation). – Est-ce que vous avez pu circuler

  3   librement ou il pouvait aller librement où il voulait ?

  4   M. Damon (interprétation). – Nous avons rapidement parlé,

  5   échangé quelques propos. Il s'inquiétait bien sûr de l'avenir. Je lui ai

  6   demandé directement à cet homme, s'il était harcelé. Il m'a répondu que ce

  7   n'était pas le cas, du moins pas à cette époque-là. Il y avait des

  8   villages dans des endroits reculés, des foyers de Croates où il y avait

  9   des problèmes. Il n'y avait pas de problème à ce moment-là au sein du

 10   village.

 11   M. Scott (interprétation). – Avant d'avancer dans la

 12   chronologie, nous sommes en mai 1993, vous vous êtes beaucoup déplacé en

 13   Bosnie centrale, notamment à Busovaca, Nadioci et Ahmici ?

 14   M. Damon (interprétation). - Tout à fait.

 15   M. Scott (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges -je ne

 16   veux pas ici vous guider dans cet exposé-, parler aux Juges de ce que vous

 17   pensez par rapport aux attitudes que vous avez vues, aux avis que vous

 18   avez entendu s'exprimer ; à votre avis, que pensaient ces groupes de leur

 19   coexistence ?

 20   M. Damon (interprétation). - Il y avait une politique assez

 21   claire. Il était clair que cette politique était mise en place pour

 22   purifier la région. Une fois que cette idée de purification ethnique avait

 23   commencé à prendre racine, c'était devenu une campagne militaire qui avait

 24   été lancée pour éliminer les Musulmans. Cela a commencé en octobre 1992,

 25   mais, à son apogée, je pense qu'il y avait effectivement eu des


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  1   négociations en vue d'une trêve. Toutefois, cela a pris de l'ampleur petit

  2   à petit, jusqu'en avril 1993, jusqu'au moment où ont commencé les

  3   atrocités contre les Musulmans à Vitez et aux alentours, à Ahmici et, par

  4   la suite, ailleurs également.

  5   Dans bien des endroits de Herzégovine, on se rendait compte que

  6   les gens pensaient qu'on ne pouvait pas faire confiance aux Musulmans,

  7   qu'il fallait s'en débarrasser. Je me souviens de villages que j'ai vus,

  8   qui se trouvaient plus près de Mostar, qui avaient été sous les

  9   bombardements, sous les pilonnages serbes au début de la guerre. Mais ils

 10   disaient qu'ils préféraient encore vivre avec les Serbes davantage qu'avec

 11   les Musulmans, alors que les Musulmans ne les avaient jamais pilonnés,

 12   eux. Il y avait beaucoup de ressentiment. La preuve en est -elle a été

 13   apportée- que tout ceci relevait d'un plan politique.

 14   M. Scott (interprétation). - Vous aviez commencé à parler d'une

 15   politique : cette politique était rattachée à quel groupe ethnique ?

 16   M. Damon (interprétation). - Certains hommes politiques croates

 17   avaient pour plan de créer un Etat d'Herceg-Bosna, lequel serait annexé à

 18   la Croatie. J'ai vu un document sur lequel se trouvait ce plan et auquel

 19   plusieurs hommes politiques importants croates avaient apposé leur

 20   signature. J'aurais bien voulu avoir une photocopie de cela.

 21   M. Scott (interprétation). - Avez-vous vu la date de rédaction

 22   de ce document ?

 23   M. Damon (interprétation). - Octobre 1991 était la date que j'ai

 24   vue, mais je ne sais plus quand j'ai vu ce document. J'avais le sentiment

 25   que je l'avais encore quelque part dans mes papiers. J'ai essayé de le


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  1   retrouver, ce document ; malheureusement, cela n'a pas été le cas.

  2   M. Scott (interprétation). - Pourriez-vous parler aux Juges de

  3   toute différence d'opinion que vous auriez notée entre les Croates, d'un

  4   côté, et les Musulmans, de l'autre, s'agissant de cette coexistence

  5   mutuelle ?

  6   M. Damon (interprétation). - Je ne veux pas être trop romantique

  7   ici. Bien sûr, il y a eu des excès de part et d'autre. Par la suite -je

  8   l'ai vu en 1993 et début 1994-, j'ai vu une église catholique qui se

  9   trouvait dans les collines, en surplomb de Konjic, qui avait été ravagée

 10   par les Musulmans. Apparemment, ce genre de chose arrivait de côté-là

 11   aussi. Mais, si vous voulez, cet esprit d'agression qui a ainsi été

 12   insufflé dans la région, cet esprit de pureté ethnique était manifestement

 13   le fait des Croates.

 14   Par exemple, à Mostar, j'ai parlé avec des adolescents.

 15   D'ailleurs, j'ai fait un petit documentaire à leur propos. Ils m'ont dit

 16   clairement que c'étaient des Musulmans sur la rive orientale, la rive Est

 17   de Mostar : "Nous aimerions bien vivre avec eux, mais nous ne pensons pas

 18   qu'eux veulent vivre avec nous", m'avaient-ils dit. C'était peut-être un

 19   des euphémismes du siècle, mais manifestement c'était l'ambiance qui

 20   régnait à l'époque.

 21   Puis, j'ai aussi rencontré des soldats musulmans qui avaient été

 22   blessés, amputés, à l'hôpital de Zenica. Ils avaient été acheminés en

 23   avion de la Bosnie orientale ; c'étaient manifestement des Musulmans très

 24   antichrétiens. Peut-être que l'expérience qu'ils avaient vécue les avait

 25   radicalisés. Manifestement, si l'on parle d'un plan, d'une politique


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  1   destinée à assurer une ségrégation, une séparation entre les différentes

  2   religions, à ce moment-là, on peut dire que ce plan était croate ; j'ai

  3   bien peur de devoir le dire. C'est une tragédie, parce qu'en fait, les

  4   ressemblances entre ces deux peuples étaient beaucoup plus importantes que

  5   les différences qui les séparaient. Manifestement, les politiciens, les

  6   hommes politiques ne voulaient que semer le trouble.

  7   M. Scott (interprétation). - Parlons de votre déplacement à

  8   Cajdras. Vous en avez déjà parlé. Par la suite, êtes-vous retourné à

  9   Cajdras avec des officiels de Zenica ou bosniens ?

 10   M. Damon (interprétation). - Oui, quelques jours plus tard. Je

 11   ne sais plus la date exacte, mais elle se trouve sur la cassette. C'était

 12   un peu un exercice de relations publiques. J'avais déjà rencontré Oganic,

 13   le vice-président, à Sarajevo. Je lui ai proposé d'aller à Cajdras, pour

 14   deux raisons. D'abord, je me suis dit que cela allait montrer que rien ne

 15   s'était passé à Cajdras, mais aussi, à mon avis, il était important qu'il

 16   voie de ses propres yeux ce qui s'était passé. Parce que les hommes

 17   politiques, à Sarajevo, s'isolent aisément de ce qui se passe à

 18   l'extérieur du pays.

 19   Il a accepté notre proposition ; il est allé à Cajdras pour

 20   rencontrer le prêtre ainsi qu'une femme qui se trouvait là et qui était

 21   très claire. Elle m'avait accordé un interview, elle m'a exprimé un avis

 22   que j'entendais bien trop rarement. Elle a dit qu'elle s'inquiétait du

 23   sort des personnes, des femmes et des enfants qu'elle savait de l'autre

 24   côté de la ligne de confrontation. Elle était croate, mais elle

 25   s'inquiétait du sort des femmes et des enfants musulmans.


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  1   M. Scott (interprétation). - En guise de référence, ce prêtre

  2   catholique, était-ce le père Stjepan ?

  3   M. Damon (interprétation). - Oui.

  4   M. Scott (interprétation). - Je vais demander à la régie de nous

  5   diffuser la pièce 1064, mais qui a reçu la cote 930.1 de la part du Bureau

  6   du Procureur.

  7   Mme Lauer. - La régie n'a pas cette cassette.

  8   M. Scott (interprétation). - Il y a peut-être une erreur dans la

  9   cote. Est-ce que vous pourriez vérifier le 1 0 8 9 : 1089 ? Je répète :

 10   1 0 8 9. Je pense que la cote est bonne. Je pense que c'est bien la

 11   cote 930.1, mais nous avions donné une cote, si vous voulez, une

 12   numérotation particulière à des fins techniques.

 13   (Diffusion de la cassette.)

 14   Commentaires. - "Et d'autres jeunes du monde islamiste qui sont

 15   détenus depuis quelques mois dans cette prison transformée en entrepôt,

 16   ces hommes disent qu'ils sont simplement venus pour aider la Bosnie et

 17   qu'ils ont été arrêtés en route.

 18   "Je pense que personne ne peut vivre dans cette pièce, dit le

 19   détenu. D'abord, ils nous ont donné un petit peu de nourriture, maintenant

 20   on n'a plus rien, on n'a plus que de l'eau et un peu de pain. Ils pensent

 21   que nous sommes venus ici combattre ces gens, mais nous ne sommes pas

 22   venus ici pour cela."

 23   Commentaire : Apparemment, ces prisonniers ne peuvent pas se

 24   détendre, marcher, se laver. Ils n'ont pas encore été traduits en justice.

 25   Peut-être qu'ils seront échangés contre ces Croates qui se trouvent à


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  1   16 kilomètres de là, à Zenica, dans une partie contrôlée toujours par

  2   l'armée bosnienne. Ici du moins, ils ont de l'eau et de l'air frais. Ils

  3   ont été détenus parce que les Musulmans pensaient qu'ils voulaient

  4   rejoindre des unités militaires croates. Nous avons pu parler à ces hommes

  5   en l'absence de gardes.

  6   "Certains d'entre nous, dit un des déternus croates, étaient en

  7   uniforme, mais nous avons été attaqués". La plupart ont dit qu'ils

  8   resteraient à Zenica s'ils étaient libérés, mais cet homme s'est dit qu'il

  9   ne serait jamais en liberté, il est pansé là, il est blessé parce que "ils

 10   m'ont frappé avec des câbles et une chaise. J'ai des fractures un peu

 11   partout. Ce sera difficile. Il est difficile de lancer des passerelles

 12   entre les deux communautés. Mais cet homme, ici, est venu le faire dans ce

 13   village. Il a parlé aux femmes et aux parents d'hommes, et il a voulu leur

 14   dire que ces personnes ne seraient pas expulsées. Effectivement, il y a eu

 15   des harcèlements des policiers, car les hommes ont été emmenés alors

 16   qu'ils avaient donné leurs armes. Il y a peu d'avenir ici, à moins qu'un

 17   gouvernement ne reprenne les trois religions de la Bosnie. Cette visite

 18   est une tentative pour essayer de rompre ce cycle vicieux de la violence.

 19   Effectivement, certains veulent se venger alors que nous, nous

 20   sommes la majorité ici, et nous devons prendre l'initiative pour essayer

 21   de remédier à tout ce qui a été commis ici. Nous vivons ici avec ces

 22   autres communautés et nous devons continuer à le faire. Un jour ou

 23   l'autre, ceci se terminera".

 24   Commentaire : De retour en ville, la Croix-Rouge a veillé à

 25   l'organisation d'un échange de prisonniers. Ces prisonniers sortent, font


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  1   des signes à ceux qui restent derrière eux, et puis serrent la main à des

  2   soldats Musulmans qui sont, bien sûr, leurs voisins. C'est une des plus

  3   grandes tragédies de la Bosnie que de voir que des amis peuvent venir si

  4   facilement devenir des ennemis.

  5   Dan  Damon, Fox News et Sky News, Zenica."

  6   (Fin de la diffusion de la cassette.)

  7   M. Scott (interprétation). - A la suite de votre visite à

  8   Cajdras, quand avez-vous tiré des conclusions s'agissant de la véracité

  9   des informations que vous avaient fournies les hommes au Bungalow, à

 10   propos d'Ahmici ?

 11   M. Sayers (interprétation). - Ici, nous avançons dans un terrain

 12   où ce sont les opinions qui prévalent et non pas les faits.

 13   M. le Président (interprétation). - Je suis d'accord. Continuez,

 14   Maître Scott.

 15   M. Scott (interprétation). - Fort bien. Je crois que nous avons

 16   déjà abordé le paragraphe 87, Monsieur le Président. Vers le milieu du

 17   mois de mai 1993, avez-vous eu l'occasion d'enregistrer, vous et votre

 18   équipe, toute une série de réunions auxquelles participaient Tudjman,

 19   Mate Boban ainsi que d'autres personnalités ?

 20   M. Damon (interprétation). - Oui, à Medjugordje ?

 21   M. Scott (interprétation). - Est-ce que la régie peut nous

 22   diffuser la pièce 936.1 ? C'est la première cassette qui a reçu la

 23   cote 1108... mais en fait il y a deux 1108 parce qu'il y a deux segments.

 24   Mais nous voulons que soit diffusé le premier segment.

 25   (Diffusion de la cassette.)


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  1   Commentaires. - "Un calme soudain se rétablit ici dans cette

  2   région de Bosnie alors qu'il y a des hélicoptères qui amènent Franjo

  3   Tudjman qui a demandé une réunion pour essayer d'obtenir un renforcement

  4   du soutien apporté aux Croates. Mate Boban arrive aussi, Alija Izetbegovic

  5   ainsi que Lord Owen et Stolten Berg. Ils reconnaissent qu'ils viennent ici

  6   pour essayer de garder en vie le processus de paix. Les négociations ne

  7   peuvent pas tout faire. La réalité c'est que, si les Croates et les

  8   Musulmans ne parviennent pas à coexister, il n'y aura plus de Bosnie-

  9   Herzégovine.

 10   Commentaire : Et puis, leur porte-parole dit que ce plan

 11   pourrait être ressuscité même si les Serbes le déclarent mort. Sa nature

 12   provisoire tient au fait que certaines positions peuvent changer. Ici,

 13   nous avons un corridor, un couloir stratégique nécessaire pour acheminer

 14   les ressources vers le Nord. Mais il n'y a aucune garantie. On nous a dit

 15   que l'armée musulmane, même si elle a perdu devant les Serbes depuis un

 16   an, elle peut gagné dans la bataille contre les Croates.

 17   Il faut d'après eux, dit le commentaire, que les Croates

 18   acceptent un commandement unique pour parvenir à un accord avec les

 19   Musulmans. Il y a une certaine accalmie dans les combats après plusieurs

 20   jours d'affrontements assez sévères. Maintenant, les gens retournent dans

 21   la rue assez rapidement à Mostar autour du commandement où, là, on a eu

 22   quelques-uns des affrontements les plus vifs. Le bataillon espagnol a

 23   envoyé davantage de renforts pour essayer de maintenir cette trêve en vie.

 24   Mais lorsque les hommes politiques seront partis, la guerre peut

 25   recommencer à tout moment.


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  1   Dan Damon, Sky New et Fox News, Mostar."

  2   M. Scott (interprétation). - Il y a une deuxième cassette qui

  3   porte la cote 936.2, qui porte aussi pour ce segment le n° 1108, mais

  4   c'est la même cassette.

  5   (Diffusion de la cassette.)

  6   Commentaires. - "Une réunion d'un jour entre les Croates et les

  7   Musulmans et une délégation conjointe devaient veiller à la libération des

  8   prisonniers. Les Espagnols des Nations Unies se trouvent là et essayent

  9   d'organiser le voyage sans en garantir le succès. Owen et Stolten Berg ont

 10   l'habitude de signer des accords futiles. La base fondamentale du plan de

 11   paix, c'est que ces documents qui ont été signés avec tant de facilité et

 12   rejetés avec tout autant de facilité ne pourront pas suffire. Il est

 13   normal qu'il y ait eu des difficultés quasi immédiates car les Croates ne

 14   voulaient pas à un point de contrôle la présence des Musulmans. Il a fallu

 15   négocier pour le voyage se poursuive. 1200 Musulmans sont ici détenus. Les

 16   Croates en disent que ce sont des soldats, alors qu'eux disent que ce sont

 17   des civils. Aucun progrès n'a été réalisé en vue de leur libération. Le

 18   principal bénéficiaire sera sans doute Franjo Tudjman qui insiste sur sa

 19   position de dirigeant dans un pays qui n'est pas le sien. Dan Damon".

 20   M. Scott (interprétation). - Ce matin, vous nous avez dit que

 21   vous, vous étiez convaincu de l'existence d'un plan de purification

 22   ethnique des Croates ?

 23   M. le Président (interprétation). - Je pense que là, vous vous

 24   aventurez une fois de plus sur un terrain où c'est nous qui décidons. Bien

 25   sûr, nous pouvons entendre de la part du témoin ce qu'il a vu, entendu, ce


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  1   qu'il a raconté à ce propos. Mais vous savez que, s'agissant de ces

  2   procédures, c'est tout à fait sans pertinence d'avoir son avis ; c'est

  3   nous qui décidons.

  4   M. Scott (interprétation). - Vous étiez dans la Lasva, en avril

  5   et en mai 93, et toute une série d'attaques ont été lancées pratiquement

  6   le même jour ?

  7   M. Damon (interprétation). - Il y a eu toute une série

  8   d'attaques le long de la vallée. Ceci s'était étalé sur plusieurs jours.

  9   Peut-être est-ce qu'elles ont commencé un jour précis, mais il était

 10   certain qu'il s'agissait là d'attaques coordonnées, dirigées plus

 11   précisément contre les Musulmans.

 12   M. Scott (interprétation). - Quelques jours avant les événements

 13   d'Ahmici, avez-vous entendu dire qu'il y avait un ultimatum du HVO ?

 14   M. Sayers (interprétation). - Objection. D'après le résumé, nous

 15   avons un rapport venant d'un membre non identifié de la force opposante à

 16   propos de ce que quelqu'un de l'autre force, de la force opposée, aurait

 17   dit. Nous avons un ouï-dire au moins de troisième main.

 18   M. le Président (interprétation). - Il est préférable que vous

 19   établissiez la base de tout ceci. Puis, nous déciderons.

 20   M. Scott (interprétation). - Quelle est la source des

 21   informations que vous avez à propos de l'ultimatum ?

 22   M. Damon (interprétation). - Eh bien, un briefing m'a été donné

 23   à tout cela par un porte-parole de l'armée musulmane.

 24   M. Scott (interprétation). - Au cours de votre travail de

 25   journaliste ?


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  1   M. Damon (interprétation). - Oui, j'étais en train de

  2   l'interviewer et il m'a dit que cet ultimatum avait été donné.

  3   M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de la

  4   nature de cet ultimatum ? Cela voulait-il dire, par exemple : "Cela se

  5   passera si quelque chose ne se passe pas ?"

  6   M. Damon (interprétation). - Non. On leur avait dit de rendre,

  7   de remettre toutes leurs armes. C'était cela l'ultimatum.

  8   M. Scott (interprétation). - Puisque vous avez passé un certain

  9   temps en Bosnie centrale, monsieur Damon, êtes-vous reparti de cette

 10   région avec une idée précise sur le rôle joué par Mario Kordic ?

 11   M. le Président (interprétation). - C'est précisément là que le

 12   bât blesse. C'est là que les Juges doivent intervenir pour décider.

 13   M. Scott (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le Président.

 14   Je pense que c'est davantage qu'une opinion. Vous avez ici devant vous un

 15   homme qui s'est vraiment beaucoup déplacé en Bosnie centrale. Donc, je ne

 16   pensais pas que ce serait de spéculations dont il nous ferait part.

 17   Je terminerai par ceci, monsieur Damon. A partir des

 18   informations que vous avez faites,… Puisque vous avez vu M. Blaskic et

 19   M. Kordic à plusieurs reprises, n'est-ce pas ?

 20   M. Damon (interprétation). - Oui.

 21   M. Scott (interprétation). - Eh bien, fort de ces observations,

 22   est-ce que vous avez vu des éléments vous disant quelle était la nature

 23   des rapports entre M. Blaskic et M. Kordic ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui, M. Blaskic était un militaire,

 25   il venait de la JNA, il avait fonction de commandant militaire pour la


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  1   région, à un certain niveau. Pour moi, il ne faisait aucun doute que son

  2   supérieur hiérarchique était Dario Kordic. Bien sûr, étant un soldat de

  3   l'ex-JNA, il allait rechercher une certaine direction politique qui lui

  4   était donnée par Dario Kordic.

  5   M. Scott (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser,

  6   Monsieur le Président. Je vous remercie.

  7   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, monsieur

  8   Sayers.

  9   M. Sayers (interprétation). - Bonjour, monsieur, je suis Steve

 10   Sayers et je défends Dario Kordic. J'aimerais répéter ce qu'a dit

 11   Me Scott, étant donné que nous parlons la même langue. Si nous parlons

 12   trop rapidement, vous savez que les interprètes ne sont pas toujours

 13   contents, et ils ont raison de ne pas l'être. Veillez à ménager une petite

 14   pause entre la question et la réponse. Je vous en remercie d'avance.

 15   Est-ce que vous avez vu que Dario Kordic donnait des

 16   instructions au colonel Blaskic ?

 17   M. Damon (interprétation). - Non.

 18   M. Sayers (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous

 19   avez travaillé en tant que journaliste indépendant en 92, 93 et 94 en

 20   Bosnie centrale ?

 21   M. Damon (interprétation). - Oui.

 22   M. Sayers (interprétation). - Vous avez donc travaillé pour

 23   Sky News et quelques autres agences, n'est-ce pas ? Je pense que Sky News

 24   est une télévision par satellite, qui fait partie d'une société

 25   Rupert Murdoch ?


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  1   M. Damon (interprétation). - Non, ils viennent de se séparer.

  2   M. Sayers (interprétation). - Excusez-moi, d'accord. Je vais

  3   donc me corriger. Par conséquent, votre territoire, celui que vous avez

  4   couvert, c'est l'Europe de l'Est ?

  5   M. Damon (interprétation). - Oui. L'Europe de l'Est, mais

  6   ailleurs également.

  7   M. Sayers (interprétation). - Vous ne parlez pas le croate ?

  8   M. Damon (interprétation). - Vous voulez dire qu'à cette époque-

  9   là, je ne parlais pas le croate. Je pense que, la dernière année, j'ai

 10   passé mon temps à apprendre grâce à un séminaire, à un cours. Avant, je ne

 11   parlais pas.

 12   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, vous vous êtes

 13   reposé sur vos interprètes ?

 14   M. Damon (interprétation). - Oui. Après un certain temps, vous

 15   avez un sentiment de ce qu'il se passe devant vous. Le Croate est une

 16   langue qui n'est pas très éloignée, comme d'autres langues que j'ai

 17   apprises ; par exemple, le hongrois qui n'a absolument rien à voir avec le

 18   groupe de langues indo-européen. Évidemment, je me suis reposé sur les

 19   interprètes. Je ne parlais pas la langue à cette époque-là.

 20   M. Sayers (interprétation). - En ce qui concerne votre

 21   profession, les tâches que vous avez exécutées vous ont fait apprendre à

 22   distinguer ce qui était une vérité et ce qui était des rumeurs, et la

 23   sagesse à la fois ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui, vous avez parfaitement raison.

 25   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous pouvez distinguer


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  1   ce que les gens ont vu de leurs propres yeux ou ce qu'ils ont entendu ?

  2   Vous faites la distinction entre les rumeurs et ce qui a été vu ?

  3   M. Damon (interprétation). - Oui. Je le sais.

  4   M. Sayers (interprétation). - Je pense qu'il est d'une

  5   importance capitale pour votre réputation, pour les rapports que vous

  6   faites, pour gagner votre vie, que votre rapport repose sur les faits ?

  7   M. Damon (interprétation). - Oui, je le sais.

  8   M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous le faites, il

  9   est important de savoir également qui sont les personnes qui participent

 10   aux événements, où les événements ont eu lieu, de quoi il s'agit, etc. ?

 11   M. Damon (interprétation). - Oui, tant que ce soit possible. Par

 12   conséquent, des erreurs sont possibles.

 13   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous serez d'accord

 14   avec moi que vous vous êtes retrouvé dans une situation chaotique de la

 15   guerre civile, qu'il y avait plein d'informations, de désinformations qui

 16   ont été utilisées de tous les côtés, n'est-ce pas ?

 17   M. Damon (interprétation). - Je n'accepte pas le terme

 18   "confusion". Beaucoup ont été confus, évidemment. Personnellement, j'ai

 19   passé beaucoup de temps là-bas et je ne pense pas que j'ai été aussi

 20   confus que les autres.

 21   M. Sayers (interprétation). - Indépendamment de cela, je pense

 22   que nous pouvons dire qu'il y avait quand même la désinformation utilisée

 23   comme routine dans les mass media et toutes les parties l'ont utilisée,

 24   les Serbes de Bosnie, les Croates de Bosnie, les Musulmans de Bosnie

 25   également ?


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  1   M. Damon (interprétation). - Oui, c'est un fait. Moi-même, j'en

  2   ai été victime à un moment donné. J'en ai parlé devant cette Chambre. J'ai

  3   dit que mes rapports ont été transmis par les satellites ; que ces

  4   rapports ont été enregistrés par toutes les télévisions locales et que mes

  5   commentaires ont été interprétés à plusieurs reprises. Après un certain

  6   temps, j'ai compris que ces traductions étaient utilisées pour désinformer

  7   le public, qui n'étaient pas véritablement exactes.

  8   M. Sayers (interprétation). – Vous avez voyagé. Vous étiez dans

  9   la région de Gornji Vakuf en 1992. Et l'été, vous avez trouvé que les

 10   forces musulmanes là-bas n'étaient pas tout à fait présentes ?

 11   M. Damon (interprétation). – C'est vrai.

 12   M. Sayers (interprétation). – Et les Musulmans et les Croates

 13   coopéraient pour se défendre contre les Serbes ?

 14   M. Damon (interprétation). – Oui.

 15   M. Sayers (interprétation). – Pour pouvoir véritablement

 16   présenter à la Chambre ce qui se passait en Bosnie centrale, en 1992 et

 17   1993, est-il exact de dire qu'il y avait, à cette époque-là, une offensive

 18   intensive des Serbes du côté de l'est, de l'ouest et du nord ?

 19   M. Damon (interprétation). – Oui.

 20   M. Sayers (interprétation). – Ceci a provoqué l'arrivée d'un

 21   grand nombre de réfugiés en Bosnie centrale ?

 22   M. Damon (interprétation). – Oui.

 23   M. Sayers (interprétation). – Au moment où nous parlons des

 24   organisations politiques, vous en avez parlé quelque peu, vous avez

 25   rencontré M. Boban en personne ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui.

  2   M. Sayers (interprétation). – A plusieurs reprises ?

  3   M. Damon (interprétation). – Oui. Je l'ai interviewé deux fois.

  4   M. Sayers (interprétation). – De cette cassette vidéo versée au

  5   dossier, nous avons pu voir que M. Boban a été le porte-parole croate lors

  6   des négociations à Medjugordje à la fin de 1993 ?

  7   M. Damon (interprétation). – Oui.

  8   M. Sayers (interprétation). – Je suppose que M. Kordic n'a

  9   jamais assisté à ces négociations ?

 10   M. Damon (interprétation). – Je ne l'ai jamais vu là-bas.

 11   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous savez que M. Boban

 12   a été président de l'entité intitulée "Communauté croate de Herceg-

 13   Bosna" ?

 14   M. Damon (interprétation). – Je ne le savais pas. En revanche,

 15   je savais qu'il était président du HDZ.

 16   M. Sayers (interprétation). – Pourriez-vous nous dire quel poste

 17   occupait M. Kordic au sein de cette entité ?

 18   M. Damon (interprétation). – Il était numéro 2, tout de suite

 19   après M. Boban, au HDZ.

 20   M. Sayers (interprétation). – J'ai parlé de la communauté

 21   croate. Je n'ai pas parlé du HDZ. C'est pourquoi je vous demande quel

 22   était le poste que M. Kordic occupait dans ce cadre-là. Si vous ne le

 23   savez pas, ce n'est pas important.

 24   M. Damon (interprétation). – J'ai entendu dire qu'il était

 25   numéro 2, tout de suite après M. Boban.


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  1   M. Sayers (interprétation). – Il y avait combien de vice-

  2   présidents au HDZ ?

  3   M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas.

  4   M. Sayers (interprétation). – Saviez-vous que M. Bozo Rajic

  5   était également vice-président de la communauté croate de Herceg-Bosna ?

  6   M. Damon (interprétation). – Oui, je savais qu'il occupait un

  7   poste important.

  8   M. Sayers (interprétation). – Maintenant, nous allons revenir au

  9   HDZ. Est-ce que vous savez ce que cela veut dire ?

 10   M. Damon (interprétation). – Oui. Cela veut dire la Communauté

 11   croate…

 12   M. Sayers (interprétation). – C'était un parti politique ?

 13   M. Damon (interprétation). – Oui.

 14   M. Sayers (interprétation). – Qui était le président de ce parti

 15   politique en Bosnie centrale au moment où vous y étiez ?

 16   M. Damon (interprétation). – Local ?

 17   M. Sayers (interprétation). – Non ! Organisation nationale.

 18   M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas.

 19   M. Sayers (interprétation). – Au niveau de Busovaca, Vitez, est-

 20   ce que vous savez qui était président des organisations locales du HDZ ?

 21   M. Damon (interprétation). – Je ne connais pas la structure en

 22   détail.

 23   M. Sayers (interprétation). – Saviez-vous qu'au niveau d'Etat,

 24   le HDZ avait cinq présidents, dont l'un était Kordic ?

 25   M. Damon (interprétation). – Non, je ne le savais pas.


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  1   M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire que, lors de

  2   vos réunions avec M. Boban, vous avez conclu qu'il était une personne

  3   assez violente et qu'il avait beaucoup de poids ?

  4   M. Damon (interprétation). – Pas tellement.

  5   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous avez pu conclure

  6   que M. Kordic avait beaucoup de force également ?

  7   M. Damon (interprétation). – Oui. Mais je ne pense pas, de toute

  8   façon, que l'opinion que j'ai pu former avait du poids et de l'importance

  9   politiques.

 10   M. Sayers (interprétation). – Vous avez eu l'occasion de

 11   rencontrer M. Kordic trois ou quatre fois ?

 12   M. Damon (interprétation). – Oui.

 13   M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire qu'il a

 14   toujours été gentil, qu'il vous a accueilli, lors de vos réunions, de

 15   manière gentille ?

 16   M. Damon (interprétation). – Oui.

 17   M. Sayers (interprétation). – Il vous a aidé ?

 18   M. Damon (interprétation). – Oui.

 19   M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire qu'il a même

 20   assuré à ce que vous-mêmes, vos collègues journalistes, vous puissiez vous

 21   rendre partout où vous le souhaitiez ?

 22   M. Damon (interprétation). – Je ne peux pas parler au nom de mes

 23   collègues, mais en ce qui me concerne, il m'a beaucoup aidé.

 24   M. Sayers (interprétation). – Il n'a jamais mis des limites pour

 25   les choses que vous vouliez voir ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Non. Pas lui, en personne.

  2   M. Sayers (interprétation). – Et les gens dont vous avez parlé ?

  3   M. Damon (interprétation). – Non.

  4   M. Sayers (interprétation). – Eh bien, au moment où vous

  5   l'approchiez ou quand vous lui avez demandé de l'aide dans des contextes

  6   différents, il a toujours fait ce qu'il fallait pour vous aider ?

  7   M. Damon (interprétation). – Oui, il était puissant. Il a pu

  8   profiter de son pouvoir pour nous aider et travailler à notre profit.

  9   M. Sayers (interprétation). – Est-il juste de dire que des

 10   Croates qui ont vécu en Bosnie-Herzégovine étaient une minorité, qu'ils

 11   représentaient 17,4 % de l'ensemble de la population ?

 12   M. Damon (interprétation). – Oui, c'était à peu près le

 13   pourcentage dont il a été question.

 14   M. Sayers (interprétation). – Je vais encore vous poser quelques

 15   questions en ce qui concerne les structures locales politiques. Est-ce que

 16   vous aviez l'occasion de parler avec le chef du pouvoir politique civil,

 17   Maric ?

 18   M. Damon (interprétation). – Non, je ne me souviens pas de

 19   l'avoir rencontré à Busovaca.

 20   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez que

 21   vous avez rencontré le commandant de la brigade du HVO, stationnée à

 22   Busovaca, M. Grubesic ?

 23   M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas d'une telle

 24   réunion.

 25   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous connaissez ce


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  1   nom ?

  2   M. Damon (interprétation). – Non.

  3   M. Sayers (interprétation). – Je suppose que M. Maric n'est pas

  4   un nom que vous connaissez ?

  5   M. Damon (interprétation). – Non, c'est un nom que je connais,

  6   mais j'ai connu beaucoup de commandants et je crains de ne pas avoir

  7   retenu tous les noms.

  8   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous avez rencontré le

  9   chef du gouvernement civil, M. Ivica Santic, à Vitez ?

 10   M. Damon (interprétation). – Je connais son nom, mais je ne sais

 11   pas exactement où j'ai entendu parler de ce nom.

 12   M. Sayers (interprétation). – On vous a questionné sur un

 13   certain nombre de choses et je pense qu'il s'agissait plus d'un camion qui

 14   portait les plaques d'immatriculation de l'armée croate. Pendant tout ce

 15   temps-là, pendant que vous étiez reporter, pendant que vous avez voyagé,

 16   traversé le pays, vous vous êtes déplacé, vous avez vu ce qui s'est passé

 17   dans la région à partir de laquelle vous avez reporté : n'est-il pas exact

 18   que vous avez vu une seule fois un camion avec des plaques

 19   d'immatriculation comme cela ?

 20   M. Damon (interprétation). - Oui, effectivement, et j'ai même

 21   dit quels étaient les raisons et le contexte dans lequel nous l'avons vu.

 22   M. Sayers (interprétation). - Mais uniquement une fois ?

 23   M. Damon (interprétation). - Oui, mais on a en parlé beaucoup,

 24   déjà on en parlait beaucoup. Mais moi, personnellement, j'ai vu une seule

 25   fois un tel camion.


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  1   M. Sayers (interprétation). - C'était, à ma connaissance, à

  2   quelques kilomètres au sud-ouest par rapport à la frontière qui séparait

  3   la Croatie et la Bosnie de l'Ouest, de l'Herceg-Bosna, à côté de

  4   Tomislavgrad ?

  5   M. Damon (interprétation). - Oui. C'est en Herceg-Bosna.

  6   M. Sayers (interprétation). - Vous ne connaissez pas l'identité

  7   des personnes qui occupaient ces camions ?

  8   M. Damon (interprétation). - Non.

  9   M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez pas remarqué quels

 10   insignes qu'ils portaient ?

 11   M. Damon (interprétation). - Non.

 12   M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez même pas vu s'il y

 13   avait encore d'autres personnes dans ce camion ?

 14   M. Damon (interprétation). - J'étais concentré sur l'avant du

 15   camion et pas sur les personnes qui y étaient.

 16   M. Sayers (interprétation). - Vous avez dit à la Chambre que

 17   vous n'avez jamais vu des unités régulières de Croatie dans la ville de

 18   Busovaca.

 19   M. Damon (interprétation). - Oui.

 20   M. Sayers (interprétation). - Et ceci est vrai également pour

 21   l'ensemble de la vallée de la Lasva ?

 22   M. Damon (interprétation). - Oui.

 23   M. Sayers (interprétation). - Et pour la vallée de Lepenica ou

 24   de Kiseljak ?

 25   M. Damon (interprétation). - C'est vrai pour cette vallée


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  1   également, à ma connaissance.

  2   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez parlé avec le

  3   commandant du HVO dont vous avez parlé en 1994, et qui s'appelait

  4   Ante Roso ?

  5   M. Damon (interprétation). - Non.

  6   M. Sayers (interprétation). - Quand nous parlons des manoeuvres

  7   -on a vu dans une cassette vidéo ces manoeuvres-, vous-même, vous n'avez

  8   pas assisté à de telles manoeuvres, vous ne les avez pas vues ?

  9   M. Damon (interprétation). - Non.

 10   M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous que vous avez

 11   déjà déposé dans l'affaire Zlatko Aleksovski ?

 12   M. Damon (interprétation). - Oui.

 13   M. Sayers (interprétation). - Aviez-vous l'occasion de

 14   rencontrer un des chefs de ces unités paramilitaires dont il a été

 15   question dans cette affaire ?

 16   M. Damon (interprétation). - Vous pensez à moi, à mon

 17   témoignage, je ne sais pas ?

 18   M. Sayers (interprétation). - Je vais tout simplement vous

 19   rappeler un certain nombre de points à ce sujet-là. Vous avez rencontré

 20   également un certain nombre d'unités paramilitaires des deux côtés, n'est-

 21   ce pas ?

 22   M. Damon (interprétation). - Oui. Du côté croate, j'ai vu

 23   uniquement cette unité qui m'a été décrite comme unité paramilitaire. Elle

 24   s'appelait Jockeri.

 25   M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez jamais vu les chefs


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  1   qui étaient les plus connus. Page 1284, vous avez dit que vous n'avez

  2   jamais rencontré de telles personnes ?

  3   M. Scott (interprétation). - Je pense qu'il serait utile quand

  4   même de soumettre le transcript au témoin.

  5   M. Damon (interprétation). - Je ne le conteste pas, je ne pense

  6   pas avoir rencontré qui que ce soit de ces personnes dont vous parlez.

  7   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous savez qui était le

  8   chef des Jockeri ?

  9   M. Damon (interprétation). - Non.

 10   M. Sayers (interprétation). - Au moment où nous parlons du

 11   combat qui s'est déclenché au printemps 1993, il est vrai, n'est-ce pas,

 12   que vous avez remarqué, et bien avant, au début de la journée, très tôt

 13   dans la journée, qu'il y avait une tension entre le HVO et la Défense

 14   territoriale ?

 15   M. Damon (interprétation). - Oui, j'ai déjà donné la description

 16   de cette situation-là en octobre. Nous sommes passés à travers la zone de

 17   combats, nous avons parlé avec des Musulmans sur un point de contrôle, à

 18   côté de l'école. C'était la base britannique par la suite. Je me souviens

 19   qu'on a commencé à tirer sur nous. J'ai supposé que c'étaient les forces

 20   croates qui ont tiré sur nous. Je suppose que ce n'étaient pas des

 21   Musulmans, étant donné qu'à ce moment-là on était sur le point de

 22   contrôle.

 23   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, vous voulez dire

 24   que les Musulmans ont dressé le point de contrôle qui était juste à côté

 25   du commandement de la base britannique, et puis il y avait donc des


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  1   combats qui se sont déclenchés au moment où vous les avez interviewés ?

  2   M. Damon (interprétation). - Non, je ne peux pas parler qu'il y

  3   avait des combats, mais tout simplement on a tiré là-dessus. Les

  4   Musulmans, les Bosniens n'étaient pas armés au moment où nous les avons

  5   interviewés.

  6   M. Sayers (interprétation). - Pour que l'on puisse être clairs

  7   en ce qui concerne les termes, en ce qui concerne des forces qui, par la

  8   suite, ont été connues sous le terme "l'armée de Bosnie-Herzégovine"

  9   en 1993 étaient la Défense territoriale. Ils avaient des insignes de TO ?

 10   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas à quel moment cela a

 11   été changé, mais je sais qu'au début ils étaient connus sous le terme

 12   Défense territoriale.

 13   M. Sayers (interprétation). - Je ne pense pas que nous pourrions

 14   contester qu'il était tout à fait de routine de voir des personnes qui

 15   portaient des uniformes de camouflage des deux côtés : des Musulmans et

 16   Croates ?

 17   M. Damon (interprétation). - Oui.

 18   M. Sayers (interprétation). - Vous avez même vu les secrétaires

 19   qui étaient vêtues d'uniformes de camouflage ?

 20   M. Damon (interprétation). - Oui, mais elles portaient des

 21   talons.

 22   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, des uniformes de

 23   camouflage avec des talons ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui.

 25   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, nous pouvons dire


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  1   qu'il n'y avait pas véritablement une uniformisation en ce qui concerne

  2   les habits que les gens portaient ?

  3   M. Damon (interprétation). - Oui, mais il y avait beaucoup

  4   d'unités qui ont été vêtues dans des uniformes de manière tout à fait

  5   professionnelle qui était disciplinaire.

  6   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, il n'était pas

  7   inhabituel en 1993 de voir les personnes qui portaient des insignes

  8   militaires, même de la police militaire alors que, d'après vous, elles

  9   n'ont pas été formées au cours de leur vie ?

 10   M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas de la police

 11   militaire, mais il est vrai qu'il y avait des personnes qui portaient des

 12   insignes militaires mais qui ne donnaient pas l'impression de l'être.

 13   Probablement qu'ils ont été recrutés, enfin qu'ils sont passés sous les

 14   drapeaux dans l'ex-JNA.

 15   M. Sayers (interprétation). - Nous allons revenir sur votre

 16   témoignage... non, pardon, sur le témoignage concernant le briefing à

 17   Tuzla. Est-ce que vous avez un ordre sur l'ultimatum, vous l'avez vu ou

 18   non ?

 19   M. Damon (interprétation). - Non, il m'a montré la carte. Il m'a

 20   montré également la zone sur laquelle portait cet ordre.

 21   M. Sayers (interprétation). - C'est ce qu'il avait dit ? Par

 22   conséquent, ce que vous savez sur cet ordre-là, c'est ce que vous avez

 23   entendu par le commandant des forces musulmanes, n'est-ce pas ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui.

 25   M. Sayers (interprétation). - Vous avez rencontré le colonel


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  1   Blaskic à quelques reprises à Vitez, dans son Q.G. à l'hôtel Vitez ?

  2   M. Damon (interprétation). - Oui.

  3   M. Sayers (interprétation). - C'était tout à fait à proximité de

  4   la base où vous vous trouviez, tout au moins au début de 1993, qui se

  5   trouvait pratiquement porte à porte à Nova Bila où se trouvait le Britbat

  6   également ?

  7   M. Damon (interprétation). - En début 1993, si mes souvenirs

  8   sont bons, nous étions encore dans un café à côté du couvent, à Kiseljak.

  9   Après à Ahmici, nous avons été transférés dans la maison à côté du

 10   Britbat.

 11   M. Sayers (interprétation). - Monsieur Damon, en parlant de

 12   cela, au moment où vous êtes allé vers le nord, donc vous avez emprunté la

 13   route pour regagner le nord, à partir du café où vous étiez, vous êtes

 14   arrivé jusqu'au village de Kacuni, à un point de contrôle à Kacuni ?

 15   M. Damon (interprétation). - Oui.

 16   M. Sayers (interprétation). - Vers le pont ?

 17   M. Damon (interprétation). - Oui, vers le pont.

 18   M. Sayers (interprétation). - Et tout ce temps-là, pendant que

 19   vous étiez en Bosnie centrale, depuis janvier jusqu'en 1995, ce tronçon

 20   était de 3 kilomètres, et il a été contrôlé par les forces musulmanes,

 21   n'est-ce pas ?

 22   M. Damon (interprétation). - Si je me souviens bien, le premier

 23   point de contrôle des Musulmans était du côté de Zenica, quelque peu plus

 24   bas. Je ne sais pas plus. Ce que je peux vous dire, bien évidemment, c'est

 25   ce que l'armée britannique m'a dit, mais je ne pense pas que vous


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  1   souhaitiez le savoir.

  2   M. Sayers (interprétation). - Mais vous saviez donc qu'il y

  3   avait cette zone musulmane entre Kacuni et Bilalovac ?

  4   M. Damon (interprétation). - Non, c'était le territoire qui

  5   n'appartenait à qui que ce soit.

  6   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez visité le

  7   silo également où il y avait un certain nombre de détenus croates

  8   début 1993 ? Ils étaient très nombreux.

  9   M. Damon (interprétation). - Non, le silo que j'ai pu visiter

 10   servait pour détenir les Serbes.

 11   M. Sayers (interprétation). - Mais c'était plutôt vers le sud ?

 12   M. Damon (interprétation). - Oui.

 13   M. Sayers (interprétation). - Vous avez décrit le colonel

 14   Blaskic comme le commandant de toutes les forces du HVO en Bosnie

 15   centrale ?

 16   M. Damon (interprétation). - Oui.

 17   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, c'était le poste

 18   qu'il occupait. Chaque fois, quand vous avez eu besoin d'obtenir une

 19   autorisation de vous déplacer, de rencontrer quelqu'un, c'était le soldat

 20   avec qui vous auriez dû vous mettre en contact pour parler ?

 21   M. Damon (interprétation). – Oui, c'était pendant un certain

 22   temps comme cela.

 23   M. Sayers (interprétation). - Par ailleurs, vous avez dit être

 24   allé à Kiseljak pour obtenir l'autorisation pour filmer dans la vallée de

 25   Kiseljak et dans la région de Kiseljak ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui, je me souviens. Vous pensez au

  2   début de la guerre ?

  3   M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous avez rencontré

  4   le chef de police à Kiseljak ?

  5   M. Damon (interprétation). – Oui, nous sommes allés là-bas.

  6   M. Bennouna. - Je vous interromps simplement pour vous rappeler

  7   que, d'une façon générale, vous n'avez pas besoin de rappeler chaque fois

  8   à un témoin ce qu'il a dit précédemment, dans le témoignage principal ;

  9   parce que nous l'avons constaté au sein de la Chambre. En ne faisant pas

 10   répéter cela au témoin, nous pourrions gagner du temps. Comme vous le

 11   savez, le temps est très précieux dans ce Tribunal international. Nous

 12   vous remercions.

 13   M. Sayers (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

 14   Messieurs les Juges.

 15   M. le Président (interprétation). – Maître Sayers, vous pouvez

 16   demander quand vous avez filmé à Kiseljak, vous avez fait cela ou cela,

 17   pas autre chose. Nous ne revenons pas sur des choses déjà entendues.

 18   M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous avez filmé à

 19   Kiseljak, vous êtes allé chez Vinko Lukic. C'est là-bas que vous avez

 20   demandé l'autorisation ?

 21   M. Damon (interprétation). – Au moment où nous avons été prêts

 22   pour filmer, nous savions qu'il y aurait des objections. Au début de la

 23   guerre, on pouvait se déplacer sans problème. Il y avait un certain nombre

 24   de dangers, mais on pouvait obtenir des autorisations. Au fur et à mesure,

 25   nous avons également compris quelles étaient les personnes auxquelles il


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  1   fallait s'adresser pour faire les choses, notamment pour les activités

  2   sensibles et les régions sensibles. Nous savions qu’il fallait s’adresser

  3   à telle ou telle personne.

  4   M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, il fallait

  5   s'adresser au colonel Blaskic pour un certain nombre de régions

  6   sensibles ?

  7   M. Damon (interprétation). - Oui.

  8   M. Sayers (interprétation). - Il y avait d'autres personnes

  9   auxquelles vous vous êtes adressés ?

 10   M. Damon (interprétation). – Oui, il y avait des commandements

 11   politiques auxquels nous nous sommes adressés.

 12   M. Sayers (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez

 13   appris que le colonel Blaskic avait suivi un certain nombre d'ordres de

 14   quelqu'un. Vous a-t-il dit lui-même qu'il obtenait des ordres de quelqu'un

 15   que vous avez identifié ?

 16   M. Damon (interprétation). – Non, il ne me l’a pas dit. Je

 17   n’entends pas la langue, mais j’essaie de rafraîchir mes souvenirs, et du

 18   ton de l'entretien. L'interprète qui a travaillé avec moi n'était pas

 19   véritablement un interprète simultané. Il était quelqu'un qui était

 20   journaliste de la Voïvodine. Lui-même souvent discutait avec les gens,

 21   filmait ce qui a été dit. Par conséquent, je ne me souviens pas

 22   véritablement, de manière concrète, comment l'entretien s'est déroulé mot

 23   par mot.

 24   Je me souviens que l'interprète m'avait dit à plusieurs reprises

 25   quelle était la hiérarchie, les structures hiérarchiques dans la vallée.


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  1   Comme vous l’avez décrit déjà, c’est le colonel Blaskic qui était le

  2   commandant militaire. Mais il y avait la direction politique et Dario

  3   Kordic était un homme politique très haut placé.

  4   M. Sayers (interprétation). - Qui étaient les officiers

  5   supérieurs à M. Blaskic ?

  6   M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir posé la

  7   question, mais ils étaient en dehors de la région où nous nous trouvions.

  8   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que l’on pourrait dire que

  9   vous n'avez jamais parlé avec le général de brigade Milivoj Petkovic ?

 10   M. Damon (interprétation). – J’ai peut-être été présent à une

 11   conférence de presse à laquelle il a participé mais je ne me souviens pas

 12   avoir parlé directement et concrètement avec la personne en question.

 13   M. Sayers (interprétation). - Entendu. En ce qui concerne le

 14   colonel Blaskic, vous avez considéré que c'était un soldat militaire

 15   professionnel ?

 16   M. Damon (interprétation). - Certainement.

 17   M. Sayers (interprétation). - Il était par conséquent le

 18   commandant d'une armée bien disciplinée, bien organisée ?

 19   M. Damon (interprétation). - Oui, il a commandé aux forces qui

 20   étaient disciplinées et qui ont obéi à ses ordres.

 21   M. Sayers (interprétation). - Lors de réunions entre Blaskic et

 22   Stewart, vous avez parlé que le colonel Blaskic a accepté, par exemple,

 23   que le village d'Ahmici était dans sa zone de responsabilité ?

 24   M. Damon (interprétation). - Oui.

 25   M. Sayers (interprétation). - Il a dit également que lui-même


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  1   était responsable des opérations militaires qui ont eu lieu le

  2   16 avril 1993 ?

  3   M. Damon (interprétation). – Oui, il a dit qu'il était

  4   responsable mais a nié qu'il avait ordonné ce massacre.

  5   M. Sayers (interprétation). - Vous ne pouvez pas, par

  6   conséquent, prouver que le colonel Blaskic avait ordonné quoi que ce soit

  7   qui pourrait être appelé comme massacre ?

  8   M. Damon (interprétation). - Non.

  9   M. Sayers (interprétation). - C'est vrai également pour

 10   M. Kordic ?

 11   M. Damon (interprétation). – Oui, comme je l’ai dit déjà

 12   auparavant, il me semble qu’il s'agissait d'événements ultérieurs qui,

 13   éventuellement, intéressaient la Chambre.

 14   M. Sayers (interprétation). - En ce qui concerne le village

 15   d'Ahmici, vous avez vu un certain nombre de cartons avec des munitions,

 16   quelque chose était écrit en cyrillique ?

 17   M. Damon (interprétation). - Non, en chinois.

 18   M. Sayers (interprétation). - Il y avait également un certain

 19   nombre de pays de l'Est ?

 20   M. Damon (interprétation). - Pourriez-vous répéter la question ?

 21   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

 22   cartons avec des munitions avec des inscriptions en langue arabe, au

 23   moment où vous avez visité ? C’était en avril et mai 1993 ?

 24   M. Damon (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je me

 25   souviens avoir vu les inscriptions en langue chinoise et sur les munitions


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  1   que j’ai vues à Busovaca.

  2   M. Sayers (interprétation). - Nous revenons à l'affaire

  3   Aleksovski, à la page 1287 : "Nous avons vu beaucoup de munitions, de

  4   sources différentes, des pays du Proche-Orient, d'autres pays, écrits en

  5   cyrillique et en chinois".

  6   M. Damon (interprétation). – Vous, vous parlez d’Ahmici ; je

  7   n'ai pas identifié de munitions à Ahmici. Nous avons vu des armes qui

  8   provenaient du Proche-Orient, effectivement.

  9   M. Sayers (interprétation). - Une autre question concerne le

 10   minaret détruit. Est-ce que vous avez remarqué, à n’importe quel moment,

 11   en avril et en mai, vous avez vu des graffitis ?

 12   M. Damon (interprétation). - Non.

 13   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous saviez que

 14   12 Croates ont été massacrés dans le village de Dusina, le

 15   26 janvier 1993 ?

 16   M. le Président (interprétation). - Pourquoi posez-vous cette

 17   question ?

 18   M. Sayers (interprétation). - C'est tout simple. Je pense que

 19   M. Damon disait qu'il n'était pas au courant qu'il y avait des massacres

 20   de Croates dans la vallée de la Lasva. Je pense qu'il l'avait dit.

 21   M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous le saviez,

 22   monsieur Damon ?

 23   M. Damon (interprétation). – Non, je ne le savais pas. Je n'ai

 24   pas dit que je ne savais pas qu'il y avait des crimes de tous les côtés.

 25   M. le Président (interprétation). - Le témoin a dit qu'il y


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  1   avait des atrocités et des excès de tous les côtés.

  2   M. Sayers (interprétation). – Monsieur Damon, vous avez dit être

  3   à Tuzla quand les combats se sont déclenchés. Est-ce que vous connaissiez

  4   les événements qui ont précédé les combats dans la vallée de la Lasva ?

  5   M. Damon (interprétation). - Non. Si vous pensez qu'il y avait

  6   une tension qui a augmenté. A ce moment-là, j'ai appris par les rapports,

  7   les discussions avec mes collègues qui travaillaient pour la BBC qu'il y

  8   avait des escalades.

  9   M. Sayers (interprétation). – Vous n'avez pas vous-même des

 10   informations ?

 11   M. Damon (interprétation). – Non.

 12   M. Sayers (interprétation). – Nous allons revenir sur

 13   l'entretien que vous avez eu avec M. Kordic. Vous avez décrit M. Kordic

 14   comme quelqu'un qui vous a dit qu'il était inquiet quelque peu. C'était

 15   pendant le dîner qui a duré plusieurs heures. Et ceci à cause des

 16   moudjahidin qui venaient de Libye, d'Algérie, d'Iran, etc. Est-ce que

 17   c'est vrai ?

 18   M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas des pays

 19   mentionnés, mais on a parlé des combattants islamiques.

 20   C'est de cela qu'on a parlé. C'était en quelque sorte de cette

 21   manière-là qu'il confirmait sa crainte qu'un Etat islamique était en train

 22   de se créer.

 23   M. Sayers (interprétation). – A plusieurs reprises, il avait mis

 24   l'accent là-dessus. Ce n'était pas lui uniquement, mais d'autres personnes

 25   en ont parlé.


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui, j'en ai entendu parler par les

  2   commandants supérieurs. Il y en a un qui a fait une carte. Il m'a dit

  3   comment on réalise la menace islamique. Dans l'ensemble de Bosnie, vous

  4   auriez pu entendre la même théorie.

  5   M. Sayers (interprétation). – Il ne s'agissait pas pour vous

  6   d'une opinion individuelle qui vous a beaucoup surpris de la part d'un

  7   Croate ?

  8   M. Damon (interprétation). – Si, cela m'a surpris. Parce que

  9   Dario Kordic était pour moi un journaliste. C'est ce que j'avais cru

 10   comprendre. Je crois qu'il avait été journaliste auparavant. Je savais

 11   qu'il était intelligent. Donc entendre ce genre de propos au sujet d'une

 12   théorie de la conspiration fondée sur des vues extrêmement racistes,

 13   entendre cela de quelqu'un qui avait fait ce qu'il avait fait auparavant

 14   comme lui, cela m'a beaucoup étonné.

 15   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que M. Kordic a émis des

 16   propos racistes pendant cette conversation ?

 17   M. Damon (interprétation). – Il a dit que les islamistes

 18   voulaient prendre le pouvoir, que les Musulmans étaient dangereux. C'est

 19   ce qu'il a dit.

 20   M. Sayers (interprétation). – Il a dit qu'il était préoccupé par

 21   la présence de combattants moudjahidin en Bosnie centrale et vous lui avez

 22   demandé de vous le prouver. Pour ce faire, il vous a permis de visiter la

 23   prison militaire de Kaonik, n'est-ce pas ?

 24   M. Damon (interprétation). – Oui, mais ce n'était pas sa seule

 25   façon de manifester sa crainte.


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  1   M. Sayers (interprétation). – Comment M. Kordic a-t-il organisé

  2   votre visite à Kaonik ? Vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?

  3   M. Damon (interprétation). – Non. Je ne sais pas.

  4   M. Sayers (interprétation). – Vous ne savez pas si M. Kordic a

  5   délégué cette tâche à quelqu'un d'autre ?

  6   M. Damon (interprétation). – Non. Je ne sais pas.

  7   M. le Président (interprétation). - Maître Sayers, c'est le

  8   moment où nous faisons d'ordinaire une pause. Nous reprendrons à

  9   11 heures. Vous poursuivrez votre interrogatoire.

 10   M. Sayers (interprétation). - Oui, en effet, Monsieur le

 11   Président.

 12    (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à

 13   11 heures 35.)

 14   M. le Président (interprétation). - Maître Sayers, allez-y.

 15   M. Sayers (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 16   Monsieur Damon, je vais essayer d'en finir avec votre contre-

 17   interrogatoire en vingt minutes à peu près. Vous n'avez pris aucune note

 18   personnelle, vous n'avez fait aucun mémo au sujet de vos conversation avec

 19   M. Kordic, en mai 1993, n'est-ce pas ?

 20   M. Damon (interprétation). - Non, pas au moment où cela s'est

 21   déroulé en tout cas.

 22   M. Sayers (interprétation). - Il est exact que vous n'avez

 23   jamais discuté avec M. Kordic de la filière de commandement du côté du

 24   HVO, en Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

 25   M. Damon (interprétation). - Non.


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  1   M. Sayers (interprétation). - Il a en va de même pour le colonel

  2   Blaskic ?

  3   M. Damon (interprétation). - Vous voulez savoir si j'ai discuté

  4   avec le colonel Blaskic de la filière de commandement ? En fait, j'ai

  5   certainement discuté de certaines dispositions qui ont été prises. Il m'a

  6   montré la localisation sur une carte de certaines unités. Il m'a également

  7   indiqué où se trouvaient les lignes de front. Enfin, il m'a montré ce

  8   genre de choses.

  9   M. Sayers (interprétation). - Mais vous n'avez jamais discuté de

 10   la filière de commandement, en tant que telle, de qui relevait de qui,

 11   etc. ?

 12   M. Damon (interprétation). - Non, pas avec lui.

 13   M. Sayers (interprétation). - Les dîners dont vous nous avez

 14   parlé, que vous avez partagés avec M. Kordic, je crois savoir que

 15   M. Kostroman et M. Blaskic étaient également présents ?

 16   M. Damon (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas que le

 17   colonel Blaskic ait assisté à ces dîners, à aucun de ces deux dîners,

 18   d'ailleurs.

 19   M. Sayers (interprétation). - Qui d'autre a participé à ces

 20   dîners ?

 21   M. Sayers (interprétation). - Je ne peux vous donner aucun nom

 22   en dehors de ceux de mes interprètes et je ne souhaite pas les donner, en

 23   fait.

 24   M. Sayers (interprétation). - Le 13 mai, vous avez demandé à

 25   vous entretenir en privé, en aparté avec M. Kordic et il n'a pas vu


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  1   d'objection à cela ?

  2   M. Damon (interprétation). - Non.

  3   M. Sayers (interprétation). - Il était tout à fait prêt à vous

  4   parler du sujet que vous souhaitiez évoquer avec lui ?

  5   M. Damon (interprétation). - Oui.

  6   M. Sayers (interprétation). - Vous avez déposé au sujet de

  7   passeports qui avaient été remis à vos interprètes ; savez-vous avec qui

  8   M. Kordic s'est entretenu afin de permettre la délivrance de ces

  9   documents ?

 10   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas.

 11   M. Sayers (interprétation). - Vous ne savez pas quelles

 12   démarches ont été entreprises entre le moment où M. Kordic a émis cette

 13   demande et le moment où vous les avez reçus ?

 14   M. Damon (interprétation). - Non, je ne sais pas.

 15   M. Sayers (interprétation). - Vous avez déclaré que tout le

 16   monde désignait le quartier général de M. Kordic sous le nom du nid

 17   d'aigle. Lui-même ne l'a jamais fait, n'est-ce pas ?

 18   M. Damon (interprétation). - Non.

 19   M. Sayers (interprétation). - Les gens qui portaient des

 20   uniformes et que vous nous avez décrits, dont vous nous avez dit qu'ils se

 21   trouvaient à cet endroit-là, vous souvenez-vous s'ils portaient des

 22   insignes, des écussons particuliers permettant d'identifier leur unité

 23   d'origine ?

 24   t M. Damon (interprétation). - Non, il y avait des policiers

 25   militaires, mais à part cela, rien.


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  1   M. Sayers (interprétation). - Est-il exact de dire que beaucoup

  2   de gens portaient des uniformes de camouflage et que c'étaient aussi bien

  3   des hommes que des femmes ?

  4   M. Sayers (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir vu des

  5   femmes, mais il est possible qu'il y en ait eu.

  6   M. Bennouna. – Maître Sayers, est-ce qu'on peut interroger le

  7   témoin à propos de ce qu'on appelle le nid d'aigle, "eagle's nest" ? Parce

  8   que je crois que la Chambre aussi entend parler de ce nid d'aigle pour la

  9   première fois. Ce nid d'aigle, où se trouve-t-il exactement et pourquoi

 10   lui a-t-on donné le nom de "nid d'aigle" ?

 11   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi on le

 12   désignait ainsi. Il se trouvait assez haut dans les collines, dans les

 13   montagnes, au milieu des arbres. Je ne sais pas si c'était un surnom qu'on

 14   avait trouvé ou si le restaurant qui se trouvait là auparavant s'appelait

 15   ainsi. En tout cas, tout le monde appelait cet endroit de cette façon. On

 16   me faisait toujours aller là-bas par une route assez détournée.

 17   Généralement, nous étions escortés par des véhicules de police de

 18   différents types. C'était, à partir de Vitez, à peu près quinze minutes

 19   dans les collines, par cette route qui faisait un circuit.

 20   M. Bennouna. – Lorsque vous étiez dans ce quartier général, y

 21   avait-il beaucoup de personnel de sécurité autour de M. Kordic, lorsque

 22   vous-même vous y étiez, qui montraient l'exercice d'un certain pouvoir

 23   politique ?

 24   M. Damon (interprétation). - Cela ressemblait vraiment à en tout

 25   point à un quartier général. Il y avait beaucoup de personnes chargées de


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  1   la sécurité. L'endroit était gardé par des hommes en uniforme militaire,

  2   notamment au niveau des points de contrôle, en montant vers le quartier

  3   général. Cela avait tout l'air d'un centre de planification militaire. On

  4   y trouvait, par exemple, des cartes.

  5   M. Bennouna. – Merci.

  6   M. Sayers (interprétation). - Monsieur Damon, vous nous avez dit

  7   que cet endroit se trouvait au dessus de Vitez ; est-ce que cela n'était

  8   pas au sud de Busovaca ?

  9   M. Damon (interprétation). - J'y suis toujours allé à partir de

 10   Vitez. On ne m'a jamais montré où cela se trouvait sur une carte.

 11   M. Sayers (interprétation). - Maintenant, nous passons à la

 12   pièce de l'accusation Z759.1, une vidéo où l'on voit un mercenaire

 13   britannique qui se trouve à Mostar. Mostar était là où se trouvait

 14   M. Boban ?

 15   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. En tout cas,

 16   c'était beaucoup plus proche que Grude où M. Boban avait son quartier

 17   général.

 18   M. Sayers (interprétation). - Avez-vous eu des informations vous

 19   indiquant que Kordic avait des pouvoirs, un pouvoir quelconque dans la

 20   zone de Mostar ?

 21   M. Damon (interprétation). - Non, pas du tout.

 22   M. Sayers (interprétation). - J'ai remarqué que, dans les images

 23   qui nous ont été montrées au sujet du camp de Kaonik, les détenus

 24   semblaient se trouver dans ce qui ressemblait tout à fait à une prison

 25   militaire ?


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  1   M. Damon (interprétation). - Je ne suis pas un expert. On m'a

  2   dit que c'était un entrepôt, mais en tout cas cela ressemblait beaucoup à

  3   des cellules, ces pièces que nous avons vues.

  4   M. Sayers (interprétation). - Les personnes avec qui vous vous

  5   êtes entretenu fumaient des cigarettes. Savez-vous qui leur avait

  6   données ?

  7   M. Damon (interprétation). - Oui, l'un d'entre eux fumait une

  8   cigarette, on le voit sur la vidéo. Cette cigarette lui avait été donnée

  9   par le garde avant que nous commencions à filmer.

 10   M. Sayers (interprétation). - Vous nous avez dit que vous vous

 11   êtes entretenu avec un certain nombre de gens au Bungalow. Avec qui vous

 12   êtes-vous entretenu ? Quels sont leurs noms ?

 13   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas.

 14   M. Sayers (interprétation). - Leurs grades ?

 15   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. Ils étaient dehors.

 16   J'ai demandé à entrer, on ne me l'a pas permis.

 17   M. Sayers (interprétation). - Vous ne savez pas qui était le

 18   commandant ?

 19   M. Damon (interprétation). - Non.

 20   M. Sayers (interprétation). - On vous a montré à la fin de votre

 21   interrogatoire principal deux extraits de vidéo dans lesquels on voit

 22   M. Ganic, je crois bien, qui dit : "Nous, les Musulmans, formons la

 23   majorité dans ce pays. C'est à nous de décider de faire en sorte que les

 24   relations avec les Croates s'apaisent", n'est-ce pas ?

 25   M. Damon (interprétation). - Oui.


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  1   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que cette vidéo a été

  2   tournée en mai 1993 ?

  3   M. Damon (interprétation). - Oui.

  4   M. Sayers (interprétation). - Etiez-vous sur place pendant

  5   l'attaque par les forces musulmanes sur la ville de Travnik du 8 au

  6   12 juin 1993 ?

  7   M. Damon (interprétation). - Non, Travnik a été attaquée à

  8   plusieurs reprises. J'y étais quand la ville était pilonnée, mais je ne me

  9   souviens pas de cette offensive dont vous parlez.

 10   M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous que le 12 juin

 11   les forces musulmanes ont occupé la ville, et qu'environ 3 500 réfugiés

 12   croates ont dû quitter la ville ?

 13   M. Damon (interprétation). - Non.

 14   M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous de l'attaque

 15   sur Kakanj par les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine du 9 au

 16   13 juin ?

 17   M. Damon (interprétation). - Non. D'ailleurs, je ne nierai pas

 18   non plus que ces attaques aient pu avoir lieu.

 19   M. Sayers (interprétation). - Savez-vous combien de réfugiés

 20   croates ont résulté, le nombre qui a résulté de ces offensives ?

 21   M. Damon (interprétation). - Non, mais je sais qu'il y avait des

 22   réfugiés croates. J'en ai rencontré et j'en ai interviewié beaucoup trop.

 23   M. Sayers (interprétation). - Pour finir, deux questions : avez-

 24   vous eu connaissance d'une offensive par les forces musulmanes sur la

 25   ville de Fojnica en juillet 1993, offensive suite à laquelle la ville a


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  1   été occupée ?

  2   M. Damon (interprétation). - Je savais qu'une unité de l'armée

  3   de Bosnie-Herzégovine avait lancé une opération, et à l'époque on avait

  4   désigné une des unités sous le terme des "cygnes noirs". Mais je ne savais

  5   pas bien à quoi cela correspondait.

  6   M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez jamais entendu faire

  7   référence aux "cygnes noirs" comme une unité spéciale musulmane ?

  8   M. Damon (interprétation). - Le nom qu'on leur donnait

  9   impliquait ce que vous venez de nous dire, mais je ne le savais pas

 10   exactement.

 11   Je suis allé à Fojnica peut-être un peu après ces événements. Il

 12   y avait un hôpital à Fojnica, un hôpital qui a été cerné pendant un

 13   certain temps par les forces croates. Et cela, c'est un événement que nous

 14   avons couvert parce que les gens qui se trouvaient dans l'hôpital étaient,

 15   pour certains, des malades mentaux.

 16   Je me suis rendu également dans un village près de Fojnica afin

 17   de rencontrer une des unités qui se trouvaient dans la région. Donc je me

 18   suis rendu sur place, mais je ne peux pas vous donner de détails

 19   complémentaires.

 20   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion

 21   de rencontrer les membres de la 7ème Brigade musulmane ?

 22   M. Damon (interprétation). - J'imagine que oui, mais vous savez,

 23   c'étaient des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui opéraient dans

 24   cette région. Et ils avaient la réputation d'être très durs.

 25   M. Sayers (interprétation). - Ils avaient également la


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  1   réputation d'avoir dans leurs rangs un grand nombre de mudjahiddin ?

  2   M. Damon (interprétation). - Un grand nombre, c'est peut-être un

  3   peu exagéré. Il y en avait certains, je vous ai dit que j'en ai rencontré.

  4   Je vous l'ai dit auparavant. Bien entendu, après, les choses se sont

  5   envenimées, radicalisées avec les mois et avec le déroulement de la

  6   guerre.

  7   M. Sayers (interprétation). - Vous... Au sujet de la libération

  8   de prisonniers à la mi mai 1993 à Zenica, n'est-il pas exact que les

  9   membres de la 7ème Brigade musulmane qui se trouvaient là, une centaine

 10   d'entre eux, ont tiré en l'air et ils vous ont demandé de partir ?

 11   M. Damon (interprétation). - Non, je n'ai pas vu cela et

 12   personne n'a tiré en l'air. Enfin, c'est possible une fois que nous sommes

 13   partis. Je ne dirais pas qu'ils étaient cent, j'en ai vu à peu près une

 14   douzaine, donc des combattants qui n'étaient pas habillés comme des

 15   soldats conventionnels.

 16   L'échange a eu lieu dans le parking de l'Hôtel international à

 17   Zenica qui se trouve à côté du stade. Près du stade se trouvait donc une

 18   douzaine de ces gens habillés un peu différemment qui ne semblaient pas

 19   venir de Bosnie à première vue. Sur le terrain, comme je l'ai déjà dit, il

 20   y avait des armes antiaériennes, et il m'a semblé que c'était un Bosniaque

 21   qui utilisait cette arme et qui d'ailleurs la pointait sur nous.

 22   Moi, il m'a semblé que c'était une bonne idée de partir à ce

 23   moment-là. En tout cas, moi, je n'ai vu personne tirer en l'air, je n'ai

 24   rien entendu non plus.

 25   M. Damon (interprétation). - Au sujet des réfugiés croates de


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  1   Kakanj, en juin 4 1993, est-ce que vous savez qu'ils se sont rendus vers

  2   la ville de Vares ?

  3   M. Damon (interprétation). - Non. Je sais que Vares a été -je ne

  4   dirais pas isolée-, en tout cas, c'était entre les mains des forces de

  5   défense croate.

  6   M. Sayers (interprétation). - Les forces musulmanes ont occupé

  7   cette ville de novembre 1993 ? En étiez-vous conscient ?

  8   M. Damon (interprétation). - Non, non, je ne me souviens pas.

  9   M. Sayers (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

 10   de questions supplémentaires à poser au témoin.

 11   M. le Président (interprétation). - Maître Mikulicic ?

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour, monsieur Damon. Je

 13   m'appelle Goran Mikulicic et, dans cette affaire, avec mon confrère

 14   M. Kovacic, je suis celui qui défend Mario Cerkez.

 15   Auriez-vous l'amabilité, monsieur Damon, de nous dire si vous

 16   avez eu l'occasion de parler en personne avec M. Mario Cerkez ?

 17   M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas d'une telle

 18   conversation.

 19   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez

 20   éventuellement quelle était la fonction que M. Cerkez occupait pendant que

 21   vous étiez en Bosnie centrale ?

 22   M. Damon (interprétation). - A part savoir que c'était un

 23   personnage important, enfin c'est ce qu'on m'avait dit, mais en tout cas

 24   je n'ai rien eu affaire avec lui. J'ai entendu son nom mentionné dans des

 25   conversations, mais c'est tout.


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  1   M. Mikulicic (interprétation). - Auriez-vous l'occasion

  2   éventuellement d'avoir un document qu'il aurait signé ?

  3   M. Damon (interprétation). - Pas à mon souvenir.

  4   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous nous avez

  5   dit qu'au moment où les événements ont eu lieu vous étiez un journaliste

  6   indépendant, que vous aviez travaillé pour Sky News et pour Fox News.

  7   Qu'est-ce que vous avez fait après 1993 ?

  8   M. Damon (interprétation). - J'ai continué à travailler comme

  9   journaliste pour... Il faut savoir que ces deux stations de télé que vous

 10   avez mentionnées appartiennent au groupe Murdoch, mais j'ai travaillé

 11   également pour d'autres organisations. J'ai continué à travailler ainsi.

 12   Vous voulez que je vous donne beaucoup de détails ? Vous me dites

 13   "après 93", mais jusqu'à quand ? Est-ce que vous pouvez être précis, s'il

 14   vous plaît ?

 15   M. Mikulicic (interprétation). – Que faites-vous aujourd'hui,

 16   monsieur Damon ?

 17   M. Damon (interprétation). – Je suis reporter et journaliste

 18   pour le BBC Radio World Service.

 19   M. Mikulicic (interprétation). – Au cours de votre déposition,

 20   il y avait une cassette vidéo qui a été diffusée ; on a vu des unités du

 21   HVO qui avaient été passées en revue. Nous l'avons vu ; c'est la pièce à

 22   conviction D25.1. Est-ce que vous savez de quoi on parle ?

 23   M. Damon (interprétation). – Je me souviens effectivement de

 24   cette vidéo.

 25   M. Mikulicic (interprétation). – Pourriez-vous nous dire à quel


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  1   moment et où cette vidéo a-t-elle été filmée ?

  2   M. Damon (interprétation). – Quand ? La date figure sur la boîte

  3   de la cassette. Il n'y a jamais eu de contestation à ce sujet. Quand nous

  4   filmons, nous indiquons immédiatement la date sur la boîte. J'ai envoyé,

  5   quant à moi, une équipe sur place. Je travaillais sur un autre reportage.

  6   Quant à savoir où cela s'est passé, on m'a dit que c'était en Bosnie-

  7   Herzégovine même.

  8   M. Mikulicic (interprétation). – Pourriez-vous être un peu plus

  9   précis, s'il vous plaît ? Etait-ce en Bosnie centrale, au sud-ouest en

 10   Herzégovine ou éventuellement en un troisième lieu ?

 11   M. Damon (interprétation). – Je crois que le trajet qu'ils ont

 12   dû parcourir pour être sur place était assez long. Cela les a emmenés dans

 13   le Sud-ouest. Je ne pourrais pas donner plus de détails. Ils ont mis

 14   quelques heures pour arriver depuis Vitez où nous nous trouvions.

 15   M. Mikulicic (interprétation). – En d'autres termes, c'est à

 16   quelques heures par rapport à Vitez, en dehors de la Bosnie centrale, que

 17   la vidéo a été filmée. Est-ce exact ?

 18   M. Damon (interprétation). – Oui, c'est ce dont je me souviens,

 19   en tout cas.

 20   M. Mikulicic (interprétation). – Je vous remercie. Le 16 avril

 21   1993, et nous allons parler d'Ahmici et de ce qui s'est passé à Ahmici, si

 22   vous voulez bien. Vous avez dit, au cours de votre déposition, que cet

 23   événement, les combats à Vitez, d'après vous et d'après les informations

 24   que vous avez pu obtenir de la part des employés de l'ONU, était une

 25   surprise ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Oui. J'ai dit que cela avait été

  2   une escalade très soudaine.

  3   M. Mikulicic (interprétation). – Vous souvenez-vous,

  4   monsieur Damon, où vous étiez vous-même, à ce moment-là, les quelques

  5   jours qui ont précédé le 16 avril 1993 ?

  6   M. Damon (interprétation). – J'étais à Tuzla.

  7   M. Mikulicic (interprétation). – Aviez-vous l'occasion de vous

  8   déplacer depuis Tuzla vers Vitez ou vers Travnik, ou éventuellement Novi

  9   Travnik ou Busovaca ?

 10   M. Damon (interprétation). – Je me suis rendu dès que nous avons

 11   reçu des informations au sujet de ce qui s'était passé à Ahmici -c'était

 12   le lendemain, je crois-, je suis immédiatement allé à Ahmici directement.

 13   M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce qu'en route vers Ahmici

 14   vous avez eu certains problèmes ? Je pense éventuellement aux points de

 15   contrôle. Est-ce que vous étiez bloqués sur les axes routiers ?

 16   M. Damon (interprétation). – Il y avait plusieurs points de

 17   contrôle, mais pas de barrage.

 18   M. Mikulicic (interprétation). – Aviez-vous eu l'occasion, entre

 19   le 13 et le 16 avril 1993, de voyager en dehors de Zenica, mais toujours

 20   dans la même direction ?

 21   M. Damon (interprétation). – Je ne m'en souviens pas. Je crois

 22   que j'étais également à Tuzla à ce moment-là.

 23   M. Damon (interprétation). – Etant donné que vous n'avez pas

 24   voyagé, connaissez-vous que les routes ont été bloquées par l'armée de

 25   Bosnie-Herzégovine, les routes de Zenica vers Novi Travnik ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas. Je ne peux rien

  2   vous dire à ce se sujet.

  3   M. Mikulicic (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez

  4   visité Ahmici, ceci à deux reprises. J'aimerais vous demander quelque

  5   chose : est-ce que vous savez que le 16 avril, par conséquent, nous

  6   parlons du conflit qui a eu lieu à Ahmici, ce même jour, il y a eu un

  7   conflit qui s'est produit dans les alentours de ces villages, Poculica,

  8   Grbavica, Sivrino Selo, Kruscica, est-ce que vous connaissez ces

  9   localités ?

 10   M. Damon (interprétation). – Je ne connais pas les détails sur

 11   ces villages. À l'époque, sans doute, les connaissais-je ? Mais

 12   aujourd'hui, je ne pourrais pas vous montrer où cela se trouve sur une

 13   carte. Je sais qu'il y a eu une série d'incidents. Cela s'est propagé tout

 14   le long de la vallée. En tout cas, c'est ce que m'a dit mon collègue de la

 15   BBC.

 16   M. Mikulicic (interprétation). – Pendant votre séjour dans cette

 17   région, est-ce que vous avez fait connaissance de M. Andrew Williams,

 18   commandant du Britbat ?

 19   M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas de son nom.

 20   M. Mikulicic (interprétation). – Vous nous avez décrit

 21   l'événement, quand pour la deuxième fois vous vous êtes rendu à Ahmici et

 22   que vous étiez surpris de voir ce qui s'était passé dans cette localité.

 23   Il y avait l'assainissement du terrain auquel vous avez assisté. Est-ce

 24   que vous savez quelques jours auparavant que ceci a été connu avec le

 25   Britbat ?


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  1   M. Damon (interprétation). – Non, je crois que c'était à

  2   l'occasion de ma troisième visite. Je n'avais connaissance d'aucune

  3   disposition de ce type. D'après ce que j'ai vu en tout cas, il n'y avait

  4   sur place aucun représentant des unités internationales. Moi, j'ai

  5   commencé à avoir un certain nombre de soupçons parce qu'on nous a interdit

  6   de filmer à un certain moment. Ce que vous nous dites correspond peut-être

  7   à la vérité ?

  8   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur Damon, lors de votre

  9   déposition, vous avez dit qu'un certain nombre d'auteurs à Ahmici étaient

 10   connus par les Nations Unies. D'où tirez-vous cette information ?

 11   M. Damon (interprétation). – Les enquêteurs des Nations Unies

 12   nous ont dit qu'ils avaient des noms. Ils m'ont dit cela le jour où je me

 13   suis rendu à Ahmici avec le colonel Bob Stewart ainsi que des

 14   représentants des ambassadeurs de l'ECMM. Par la suite, ces noms m'ont été

 15   donnés, mais ceci s'est fait quelques mois plus tard.

 16   M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que ceci veut dire que

 17   les enquêteurs des Nations Unies vous ont donné la liste avec les noms des

 18   personnes qui étaient éventuellement des auteurs des crimes à Ahmici ?

 19   M. Damon (interprétation). – Non, ce ne sont pas les enquêteurs

 20   des Nations Unies qui m'ont donné cette liste. J'ai effectivement reçu une

 21   liste qui comportait quatre noms.

 22   M. Mikulicic (interprétation). – Auriez-vous cette liste,

 23   aujourd'hui, sur vous ?

 24   M. Damon (interprétation). – Je ne l'ai pas sur moi, en ce

 25   moment même. Cependant, je pourrais la trouver. Si la Cour ne dispose pas


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  1   de cette information, je pourrais veiller à ce que ces informations lui

  2   parviennent.

  3   M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que ceci veut dire que,

  4   si la Chambre vous le demande, vous seriez prêt à soumettre la liste à la

  5   Chambre ?

  6   M. Damon (interprétation). – Absolument ! Je le répète : je

  7   pense que le Tribunal dispose déjà de cette liste, car la source qui me

  8   l'a procurée est connue du Tribunal.

  9   M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que quelque chose ou

 10   quelqu'un vous empêche de dire qui vous a donné cette liste, qui est votre

 11   source ?

 12   M. Damon (interprétation). – Je pense qu'en audience publique

 13   cela ne serait pas souhaitable de ma part. En principe, je n'y vois aucun

 14   inconvénient.

 15   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

 16   Messieurs les Juges, je propose de passer à la séance de huis clos pour

 17   que le témoin puisse répondre à ma question.

 18   M. le Président (interprétation). – Tout à fait.

 19               [Audience à huis clos partiel]

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 13                   [Audience publique]

 14   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous avez dit

 15   que, lors de votre séjour à Ahmici, vous avez vu également un carton avec

 16   une inscription, vous avez parlé que c'étaient des munitions. Est-ce que

 17   vous lisez le chinois ?

 18   M. Damon (interprétation). - J'ai parlé des Chinois ou de

 19   l'écriture chinoise à propos de Busovaca, lorsque je me trouvais sur les

 20   hauteurs de Busovaca, mais cela s'est passé plus tard. Je n'en ai pas

 21   parlé dans le cadre de Ahmici. Effectivement, je ne comprends pas le

 22   chinois.

 23   M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Je vous ai mal compris.

 24   Excusez-moi. Monsieur Damon, vous nous avez parlé de l'échange des

 25   prisonniers : vous y avez assisté, cela s'est passé à Zenica. Je pense que


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  1   vous savez de quoi on parle. Zenica était une ville contrôlée à 100 % par

  2   l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

  3   M. Damon (interprétation). - Tout à fait.

  4   M. Mikulicic (interprétation). - Au cours de cet échange, il y

  5   avait une unité militaire, qui n'était pas l'unité appartenant à l'armée

  6   de Bosnie-Herzégovine, qui y assistait, qui était importante ?

  7   M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas à quoi cette unité

  8   était rattachée. Cette unité ne portait pas l'uniforme conventionnel de

  9   l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je vous l'ai déjà dit : par la suite, je me

 10   suis rendu auprès du chef de la police de Zenica pour lui demander

 11   pourquoi ces personnes faisaient preuve d'une telle agressivité dans le

 12   centre de la ville.

 13   M. Mikulicic (interprétation). - Les représentants du Britbat

 14   également y étaient ?

 15   M. Damon (interprétation). - C'est exact.

 16   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu quelqu'un

 17   de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui était présent ?

 18   M. Damon (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

 19   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous avez

 20   séjourné longtemps en Bosnie, vous vous êtes déplacé souvent, n'est-ce

 21   pas ?

 22   M. Damon (interprétation). - Oui.

 23   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez fait à

 24   plusieurs reprises des déplacements entre la République de Bosnie et la

 25   République de Croatie ?


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  1   M. Damon (interprétation). - C'est exact, pour l'un comme pour

  2   l'autre.

  3   M. Mikulicic (interprétation). - Pourriez-vous nous préciser

  4   quelles étaient les routes que vous avez empruntées ? Je parle de

  5   l'année 1993.

  6   M. Damon (interprétation). - Il y avait deux itinéraires

  7   principaux, l'un passant par Jablanica -je crois qu'à l'époque dont nous

  8   parlons, cet itinéraire était plus difficile à parcourir-, l'autre passait

  9   par Gornji Vakuf. On empruntait pendant très longtemps une route non

 10   macadamisée pour descendre vers Tomislavgrad. Nous allions donc par Gornji

 11   Vakuf et Tomislavgrad.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Et, ensuite, jusqu'à Split ?

 13   M. Damon (interprétation). - C'est exact.

 14   M. Mikulicic (interprétation). - En d'autres termes, monsieur

 15   Damon, en partant de Split, en vous dirigeant vers Vitez, vous avez

 16   traversé une grande route. Est-ce que, sur cette route, vous avez pu

 17   rencontrer des personnes sur les points de contrôle ou qui appartenaient

 18   au HVO ou des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 19   M. Damon (interprétation). - C'est exact, dans les deux cas.

 20   M. Mikulicic (interprétation). - Dites-nous, monsieur Damon, je

 21   ne pense pas qu'au cours de votre séjour en Bosnie, lorsque vous vous êtes

 22   rendu en hélicoptère à Pale, mais à la fin de 1992 et tout le long

 23   de 1993, êtes-vous entré en territoire de Bosnie-Herzégovine d'un autre

 24   côté et pas uniquement à partir de la République de Croatie ?

 25   M. Damon (interprétation). - Oui, il nous arrivait de prendre


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  1   l'avion pour aller à Sarajevo. Nous avions un vol humanitaire.

  2   M. Mikulicic (interprétation). - Je n'ai peut-être pas été

  3   précis : je pensais par la voie terrestre ?

  4   M. Damon (interprétation). - Non, je pense qu'à l'époque cela

  5   n'a pas été le cas. Il y a avait certes d'autres routes... Je ne sais pas

  6   s'il y avait d'autres routes à l'exception de Split. Nous avons essayé,

  7   mais Split était une base logistique tout à fait utile.

  8   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact de dire,

  9   monsieur Damon, que ces mêmes routes que vous avez empruntées étaient

 10   empruntées par les convois d'aide humanitaire ?

 11   M. Damon (interprétation). - C'est exact.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire,

 13   monsieur Damon, que tous les convois d'aide humanitaire, qui n'ont pas été

 14   transférés par la voie aérienne, venaient en provenance de la République

 15   de Croatie ? Et l'objectif était justement d'approvisionner la Bosnie-

 16   Herzégovine ?

 17   M. Damon (interprétation). - Je sais qu'à l'époque, il y avait

 18   aussi une autre route qui allait de Banja Luka, qui traversait les lignes

 19   serbes à Turbe. Je ne l'ai pas empruntée. C'était uniquement le HCR et ses

 20   véhicules qui pouvaient utiliser cet itinéraire.

 21   M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie. En guise de

 22   conclusion, monsieur Damon, je voudrais vous poser quelques questions.

 23   Vous avez vécu longtemps en Bosnie centrale, vous avez vécu cette guerre

 24   civile. Quand Me Sayers vous a demandé si cela vous a surpris, vous avez

 25   répondu : "Pas tout à fait".


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  1   Pourriez-vous nous dire -et ceci en nous parlant de ce que vous

  2   en pensez en principe et je pensais à la Bosnie-Herzégovine- qui des

  3   groupes ethniques luttaient contre qui ? Quelles sont les entités qui

  4   s'opposaient aux autres ?

  5   M. Damon (interprétation). - A un certain moment, les trois

  6   communautés qui se définissaient respectivement comme étant les

  7   communautés serbe, musulmane et croate, étaient engagées dans les combats

  8   à des titres divers. Mais il y a eu une certaine séquence dans le

  9   déroulement des événements. C'est une séquence… La chronologie est

 10   importante. Je ne vais pas abuser du temps de la Chambre qui connaît bien

 11   cette séquence des événements. Mais il est important de se rappeler

 12   l'existence de cette séquence d'événements.

 13   M. Mikulicic (interprétation). - Cela m'apparaît clair,

 14   monsieur Damon. Mais est-il vrai qu'à un moment donné c'étaient les

 15   Musulmans et les Croates qui combattaient ensemble contre les Serbes ?

 16   M. Damon (interprétation). - Absolument.

 17   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il vrai que, dans une autre

 18   époque, contre les Serbes, il y avait des Musulmans d'un côté qui

 19   luttaient et que des Croates également luttaient contre les Serbes ?

 20   M. Damon (interprétation). - Dans la totalité de la Bosnie,

 21   c'est vrai que cela a certainement été le cas. Il y a eu des endroits, des

 22   régions où le HVO était seul à s'opposer aux Serbes et d'autres endroits

 23   où l'armée serbe de Bosnie s'opposait aux Musulmans.

 24   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, connaissez-vous

 25   la partie nord-ouest de la Bosnie qu'on appelle la région de Cazin ? C'est


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  1   Fiket Habic, qui était un dirigeant politique de poids et de renommée.

  2   M. Damon (interprétation). - Oui, je m'y suis trouvé.

  3   M. Mikulicic (interprétation). - Connaissez-vous que, en ce qui

  4   concerne ce territoire de Bosnie-Herzégovine, les Musulmans se

  5   combattaient les uns les autres, enfin les Musulmans combattaient d'autres

  6   Musulmans, donc au sein d'une même entité ?

  7   M. Damon (interprétation). - Ce que je sais, c'est qu'il y avait

  8   un dirigeant particulièrement ambitieux qui était encouragé -j'ai pu voir

  9   ces encouragements de mes propres yeux. Il était encouragé tant par les

 10   Serbes que par les Croates à essayer de créer, d'établir sa propre

 11   enclave. Ceci devait affaiblir le gouvernement se trouvant à Sarajevo.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Cet homme politique est de

 13   nationalité musulmane, est-ce vrai ?

 14   M. Damon (interprétation). - Oui, il était Musulman et

 15   capitaliste de préférence.

 16   M. Mikulicic (interprétation). - Cela ne vous surprend pas ?

 17   Cela n'est pas quelque chose qui vous rend confus ?

 18   M. Damon (interprétation). - Pas du tout.

 19   M. le Président (interprétation). - Où est-ce que nous voulons

 20   en venir ?

 21   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président,

 22   Messieurs les Juges, je voulais tout simplement démontrer devant cette

 23   Chambre que la situation en Bosnie était tout à fait complexe. On ne peut

 24   pas l'interpréter de manière simple. C'est comme cela que j'ai terminé mon

 25   interrogatoire.


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  1   M. le Président (interprétation). - Nous avons entendu la

  2   réponse du témoin, le témoin ayant répondu que ce n'était pas du tout une

  3   matière qui semait la confusion.

  4   Des questions supplémentaires dans le cadre de l'interrogatoire

  5   supplémentaire, Maître Scott ?

  6   M. Scott (interprétation). - Je vais enchaîner sur une question

  7   posée par Me Sayers. Quelles étaient les autres inquiétudes que

  8   nourrissait M. Kordic ? Vous vous souvenez des questions posées à ce

  9   moment-là par Me Sayers ?

 10   M. Damon (interprétation). - Outre ce que j'ai déjà dit, le

 11   Conseil de défense croate avait certaines craintes face au nombre de

 12   Croates se trouvant dans la région et aussi face à l'afflux de Musulmans,

 13   de réfugiés musulmans qui venaient de la Bosnie orientale. C'est la raison

 14   qu'on affichait pour justifier de toutes ces craintes.

 15   M. Scott (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président.

 16   Qu'avez-vous pu observer de la personnalité de M. Kordic ?

 17   M. Damon (interprétation). - Et bien, à partir des quelques

 18   rares réunions que j'ai eues avec lui, de nos quelques rencontres, c'était

 19   un homme très motivé, intelligent, assez froid, calculateur. C'est du

 20   moins comme cela qu'il se présentait dans ses réponses quand je lui

 21   demandais ce qui se passait. Manifestement, c'était lui qui était au

 22   gouvernail. Il dégageait un sentiment d'autorité, les gens qui

 23   l'entouraient lui obéissaient. S'ils voulait que quelque chose soit fait,

 24   eh bien c'était fait.

 25   M. Scott (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à Kaonik


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  1   le 14 mai 1993, est-ce que qui que ce soit a contesté l'autorité qu'aurait

  2   M. Kordic de vous autoriser à visiter la prison ?

  3   M. Damon (interprétation). - Pas du tout.

  4   M. Scott (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser.

  5   Merci, Monsieur le Président.

  6   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

  7   Damon, d'être venu déposer une fois de plus devant ce Tribunal. Vous

  8   pouvez disposer.

  9   M. Damon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

 10   Président.

 11               (Le témoin est raccompagné

 12               hors du prétoire.)

 13   M. le Président (interprétation). - Un à la fois. Qui de vous

 14   veut parler ? Maître Kovacic ou vous ?

 15   M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

 16   soulever une question ici. La défense et l'accusation essayaient toutes

 17   deux d'arriver à une solution s'agissant du temps consacré à la déposition

 18   du témoin suivant. Nous parlons ici de (expurgé).

 19   Nous allons peut-être avoir certaines difficultés en matière de

 20   temps. En effet, si ce témoin commence sa déposition vers midi, ou après

 21   la pause de demain, ou peu de temps avant la pause du déjeuner de demain,

 22   ce qui est réaliste, cela voudra dire que la défense n'aura que très, très

 23   peu de temps pour son contre-interrogatoire.

 24   L'accusation nous a dit que le témoin (expurgé) a dit qu'il pouvait

 25   venir maintenant ou qu'il ne viendrait jamais, que c'était maintenant ou


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  1   jamais, qu'il devait partir avant le week-end. Ce témoin est peut-être

  2   l'un des dix plus importants en ce procès.

  3   M. le Président (interprétation). - Il était commandant, c'est

  4   cela ?

  5   M. Kovacic (interprétation). - Non, c'était un homme politique à

  6   Vitez. Il est certain que nous allons avoir besoin de davantage qu'une

  7   heure ou deux vendredi matin, sans parler du problème de l'absence de

  8   M. Cerkez.

  9   Bien sûr, nous allons nous préparer au contre-interrogatoire.

 10   Donc ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que nous avons

 11   besoin d'une période de temps raisonnable. A vous de la déterminer, bien

 12   sûr, après avoir entendu ce que dira le témoin en interrogatoire

 13   principal.

 14   Mais je pense que nous allons avoir vraiment des problèmes

 15   sérieux. Car à un moment donné, l'accusation, et ce sera confirmé par le

 16   témoin, nous dira : "Oui, le témoin doit repartir avant le week-end et il

 17   ne pourra plus revenir".

 18   M. le Président (interprétation). - Vous auriez besoin de

 19   combien de temps pour votre contre-interrogatoire ?

 20   M. Kovacic (interprétation). - Je ne peux vous donner qu'une

 21   estimation : mais au moins quelques heures, une heure ou deux, puisqu'il

 22   parlera de toute cette période au cours de laquelle les événements ont

 23   pris forme à Vitez. Il va surtout parler d'une année cruciale, celle

 24   de 1993.

 25               (Les Juges se consultent sur le Siège.)


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  1   M. le Président (interprétation). - Maître Nice, pourriez-vous

  2   nous aider sur ce point ?

  3   M. Nice (interprétation). - Je suis conscient des difficultés

  4   qui se présentent. Il y en a plusieurs à l'encontre des témoins prévus

  5   cette semaine. Nous avons notamment des difficultés avec le témoin qui

  6   pourrait intervenir entre celui qui va être examiné, interrogé par

  7   M. Lopez-Terres et celui dont on parle ici, M. (expurgé).

  8   S'ajoute à ces difficultés cette réalité-ci : lorsque les

  9   personnes se trouvent à La Haye, ils ne sont plus aussi déterminés dans

 10   leur attitude. Bien sûr, nous allons prendre toutes les dispositions

 11   nécessaires que nous pouvons prendre d'ici à demain matin pour veiller à

 12   ce que les problèmes posés par le témoin évoqué par M. Kovacic soient

 13   évoqués, mais je vous ferai rapport demain matin.

 14   Je ne veux pas ici être trop elliptique, mais il se peut que le

 15   témoin qui vienne après ce témoin-ci, que nous allons entendre, pour

 16   d'autres raisons dont nous avons parlé de façon détournée dans la requête

 17   qui avait été déposée à son encontre, ne pourra pas déposer cette semaine.

 18   Peut-être qu'il pourra déposer la semaine prochaine. Tout est question des

 19   problèmes médicaux qu'il rencontre. Là, nous devons vraiment faire de la

 20   corde raide, veiller à ce que le temps de la Chambre soit occupé et les

 21   témoins.

 22   M. Bennouna. - Est-ce que le témoin dont vient de parler

 23   M. Kovacic est actuellement à La Haye ?

 24   M. Nice (interprétation). - Non, il est en route, Monsieur le

 25   Juge. Il sera ici ce soir.


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  1   M. Bennouna. - Il sera ici ce soir. Dans ce cas-là, vous ne

  2   pouvez pas lui donner la priorité puisque, apparemment, il ne peut pas

  3   rester au-delà de cette semaine, demain matin, de manière à ce que

  4   Me Kovacic puisse se préparer valablement, soit demain après-midi, soit le

  5   vendredi matin. Donc nous allons avoir la journée de demain et le vendredi

  6   matin. Donc c'est à vous d'organiser les choses de manière à ce que la

  7   priorité soit donnée à ce témoin, s'il est là effectivement ce soir.

  8   M. Nice (interprétation). - C'est précisément à cela que je

  9   pensais. Evidemment, il faudra que je fasse un petit exercice d'équilibre.

 10   Mais je vais peut-être laisser le soin à Me Lopez-Terres de vous

 11   parler de la requête aux fins de mesures de protection, ce ne sont que des

 12   mesures limitées. Peut-être que nous pourrions avoir, malgré tout, un huis

 13   clos complet ?

 14   Je me trompe, un huis clos partiel suffira puisque nous n'avons

 15   pas besoin de l'écran, on ne va rien montrer. Donc je pense qu'un huis

 16   clos partiel sera préférable, en plus cela nous fera gagner du temps.

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  8               (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  9                           (Témoin K)

 10   M. le Président (interprétation). - Que le témoin donne lecture

 11   de la déclaration solennelle.

 12   Témoin K (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 13   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   M. le Président (interprétation). – Monsieur Lopez-Terres, vous

 15   pouvez commencer votre interrogatoire.

 16   M. Lopez-Terres. – Je voulais demander préalablement à

 17   l'huissier qu'il présente ce document au témoin pour que nous puissions

 18   nous assurer de son identité. Est-ce que le nom qui figure sur ce document

 19   est bien votre nom ?

 20   Témoin K (interprétation). – Oui, c'est bien mon nom.

 21   M. Lopez-Terres. - Vous comparaissez donc sous le pseudonyme du

 22   témoin K. Je m’adresserai donc à vous sous le nom de témoin K.

 23   Témoin K (interprétation). - Merci.

 24   M. Lopez-Terres. – Monsieur le Témoin K, vous êtes âgé de

 25   60 ans ?


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  1   Témoin K (interprétation). – C’est cela.

  2   M. Lopez-Terres. - Vous avez travaillé à partir de 1976 comme

  3   technicien au sein de l'usine SPS à Vitez, et vous êtes actuellement

  4   retraité ?

  5   Témoin K (interprétation). - Oui, mais l'année est 1976. Vous

  6   vous êtes trompé sur l'année. Auparavant, je travaillais à la scierie de

  7   Zenica.

  8   M. Lopez-Terres. – J’avais indiqué, je crois, l'année 1976 :

  9   c'est peut-être un petit problème de traduction. Ce n’est pas grave.

 10   Témoin K (interprétation). – Excusez-moi, j'ai peut-être mal

 11   compris ou c'est peut-être la traduction.

 12   M. Lopez-Terres. - Ce n'est pas important. Vous êtes habitant du

 13   village d'Ahmici, vous avez toujours habité dans ce village. Vous y avez

 14   fait la connaissance de la plupart des habitants, n'est-ce pas ?

 15   Témoin K (interprétation). - Oui.

 16   M. Lopez-Terres. - Vous avez, après le mois d'avril 1993,

 17   contribué grandement à la création d’une association de tous les anciens

 18   habitants du village d'Ahmici où vous résidez toujours ?

 19   Témoin K (interprétation). - Vous avez raison.

 20   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, est-il exact que vous

 21   avez été membre du parti communiste jusqu'en 1968 ?

 22   Témoin K (interprétation). - Oui.

 23   M. Lopez-Terres. - A cette époque, vous avez décidé de quitter

 24   ce parti. Dans les années 1990, au moment où la pluralité de partis a été

 25   introduite dans ex-Yougoslavie, vous êtes devenu membre du parti SDA, le


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  1   parti des Musulmans de Bosnie ?

  2   Témoin K (interprétation). – Oui, c'est exact.

  3   M. Lopez-Terres. - Vous appartenez toujours à ce parti

  4   politique ?

  5   Témoin K (interprétation). - Oui.

  6   M. Lopez-Terres. – Monsieur, le village d'Ahmici se trouve à

  7   environ cinq kilomètres de Vitez ?

  8   Témoin K (interprétation). - Oui.

  9   M. Lopez-Terres. - Et au mois d'avril 1993, la population de ce

 10   village était d’environ 600  habitants, la majorité du village étant

 11   composée de façon très large de Musulmans ?

 12   Témoin K (interprétation). - C'est exact.

 13   M. Lopez-Terres. - Il y avait environ une quarantaine de Croates

 14   de Bosnie qui vivaient dans ce village ?

 15   Témoin K (interprétation). - Oui.

 16   M. Lopez-Terres. - Le village d'Ahmici était divisé en deux

 17   parties : Ahmici-le-Haut, et Ahmici-le-Bas ?

 18   Témoin K (interprétation). - Ce n'était pas le cas auparavant,

 19   mais maintenant c'est le cas.

 20   M. Lopez-Terres. - Ahmici-le-Haut étant la partie ancienne du

 21   village ?

 22   Témoin K (interprétation). - Oui.

 23   M. Lopez-Terres. - En avril 1993, il y avait deux mosquées à

 24   Ahmici, l'une comportait un minaret et l'autre pas ?

 25   Témoin K (interprétation). - Oui.


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  1   M. Lopez-Terres. - Celle qui avait un minaret était celle qui se

  2   trouvait dans le bas d'Ahmici ?

  3   Témoin K (interprétation). - Oui.

  4   M. Lopez-Terres. - Vers la fin de 1992, Monsieur le Témoin K,

  5   vous-même et d'autres Musulmans qui travaillaient à l'usine SPS, à Vitez,

  6   avez pu constater que les Croates de l'usine, petit à petit, ont pris des

  7   responsabilités dans cette entreprise ; en particulier, ils ont installé

  8   un drapeau de façon progressive dans cette usine.

  9   Est-ce que vous pouvez nous rappeler comment les choses se sont

 10   passées ?

 11   Témoin K (interprétation). - D'abord, il y a eu des élections

 12   qui ont eu lieu en 1990. Tout de suite, après ces élections…

 13   M. Lopez-Terres. – Je vous demande simplement de nous raconter

 14   ce qui s'est passé dans l'usine, à propos du drapeau et de l’installation

 15   d’un drapeau dans l’usine.

 16   Témoin K (interprétation). - J'ai compris. Il y a une ambiance

 17   qui déjà sentait que les séparations allaient se produire. Beaucoup

 18   d'ouvriers qui travaillaient au sein de sécurité commençaient à se

 19   déplacer dans d'autres département de l'usine. Ensuite, il y avait

 20   également ce souhait exprimé de hisser le drapeau croate ; ce qui aurait

 21   pu irriter les Bosniens. C'est au fur et à mesure qu'ils ont pris la

 22   décision au sujet de ce drapeau. D'abord, j'ai vu que ce drapeau se

 23   trouvait dans un tiroir ; il est resté quelques jours ; ensuite, sur le

 24   bureau du chef et, dix jours plus tard, il a été hissé devant l'usine.

 25   M. Lopez-Terres. - Est-ce qu'à la même époque, également, c'est


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  1   une unité composée uniquement de travailleurs croates qui a été chargée

  2   d'assurer la garde de l'entreprise ?

  3   Témoin K (interprétation). - Ce n'étaient pas les ouvriers de

  4   l'usine, mais les personnes qu'on appelait les personnes chargées des

  5   activités spéciales ; ils sont arrivés pour les soutenir, en support. Ce

  6   n'étaient pas les gens qui étaient sur place.

  7   M. Lopez-Terres. - Qu'est-il arrivé aux travailleurs musulmans

  8   qui, auparavant, s’occupaient de la garde de l'entreprise ?

  9   Témoin K (interprétation). – Je l'ai déjà dit : ils ont été

 10   transférés dans d'autres départements de l'usine. L'usine était grande ;

 11   c'est un grand complexe. Ils ont travaillé également dans la production.

 12   M. Lopez-Terres. – J'aimerais que nous parlions des faits qui se

 13   sont produits le 19 octobre 1992. Cet après-midi-là, lorsque vous reveniez

 14   de l'usine, de votre travail, vous avez été arrêté à un barrage qui était

 15   installé au lieu-dit Impregnacija. Vous avez remarqué qu'à ce barrage les

 16   soldats du HVO avaient mis en place de l'armement lourd ; il y avait un

 17   canon, une mitrailleuse. Vous avez également vu qu'un canon antiaérien

 18   était également placé devant le commissariat de police. Est-ce exact ?

 19   Témoin K (interprétation). – C'était dans la soirée. En rentrant

 20   de mon travail, j'ai pris ma voiture. J'avais une voiture. J'ai dépassé un

 21   point de contrôle ; j'ai été arrêté, pas uniquement moi-même, mais

 22   d'autres également. Tous les passagers ont été arrêtés. On a fouillé les

 23   voitures. J'avais de la chance parce que j'avais rencontré un collègue qui

 24   a travaillé avec moi à l'usine. Donc, il ne m'a pas fouillé. Il m'a dit :

 25   "Sauve-toi, rentre chez toi". Il est vrai qu'il y avait des armes lourdes.


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  1   Il y avait un canon antiaérien qui était sur un véhicule. Sinon, c'est un

  2   véhicule qui se déplaçait tout le long, dans la municipalité, partout

  3   évidemment où c'était possible. Moi, j'ai vu souvent ce véhicule qui était

  4   juste devant le poste de police.

  5   M. Lopez-Terres. – Vous avez donc pu passer ce barrage ; vous

  6   vous êtes rendu à Ahmici. Là, vous avez été invité à participer à une

  7   réunion avec d'autres habitants du village ?

  8   Témoin K (interprétation). – Oui.

  9   M. Lopez-Terres. – Cette réunion avait été organisée à la

 10   demande du responsable de la défense territoriale du village, M. Fuad

 11   Brkic, qui vous a indiqué alors, à vous et à d'autres personnes, qu'un

 12   ordre verbal avait été donné par le commandement de l'armée de Bosnie à

 13   Vitez pour établir un barrage afin d'empêcher que des renforts du HVO, qui

 14   venaient de Busovaca et Kiseljak, ne puissent se rendre en direction de

 15   Novi Travnik. Est-ce bien exact ?

 16   Témoin K (interprétation). – C'est exact. Si je peux faire

 17   commentaire ?

 18   M. Lopez-Terres. – Je vous en prie.

 19   Témoin K (interprétation). – Ce barrage a été dressé.

 20   Probablement qu'on lui a demandé d'y rester, mais cet homme savait qu'on

 21   était en danger et qu'on courait un très grand risque, étant donné que

 22   notre village touche à l'axe principal, et que les villages catholiques

 23   étaient du point de vue du nombre beaucoup plus puissants. Nous étions

 24   quelque peu en sandwich. J'avoue qu'il y avait cette tension ; cela se

 25   sentait que quelque chose de fort malheureux allait se passer. Nous avons


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  1   donc décidé de ne pas dresser ce barrage. Il n'a pas été dressé ;

  2   quelqu'un a donné l'ordre : il n'a pas été dressé.

  3   M. Lopez-Terres. – Ce barrage n'a pas été dressé dans un premier

  4   temps, mais par la suite, dans la soirée, il a finalement été dressé par

  5   des personnes à la suite de l'arrivée de deux policiers de réserve de

  6   Ahmici qui ont indiqué aux autres villageois qu'ils avaient été désarmés

  7   par le HVO. Ceci a donc fait changer la position quant à la décision à

  8   prendre sur le barrage. Est-ce exact ?

  9   Témoin K (interprétation). – Oui. C'est à peu près cela, mais

 10   j'aimerais préciser tout simplement : ces jeunes hommes qui étaient avec

 11   moi, ils étaient un certain temps avec moi sur le barrage. Il y avait des

 12   catholiques et des musulmans. Nous étions ensemble. C'était comme cela

 13   également sur le barrage dont on parle. Dans la soirée, les deux de notre

 14   village ont été désarmés ; ils ont fait l'objet de sévices et on leur a

 15   demandé de retourner chez eux. Ils sont rentrés dans le village chez eux.

 16   Ils ont été très fâchés, frustrés et, sans aucune autorisation avec un

 17   certain nombre de ceux qui leur étaient fidèles, ils ont monté le barrage.

 18   Comme je l'ai déjà dit, l'objectif de dresser le barrage était pour qu'ils

 19   s'assurent d'avoir des armes. Eux ne connaissaient pas ce qui s'était

 20   passé avec l'ordre parvenu de Fuad.

 21   M. Lopez-Terres. – Finalement, ce barrage a été dressé par les

 22   deux policiers et un groupe de jeunes hommes du village. Concernant

 23   l'armement dont les personnes disposaient, il s'agissait essentiellement

 24   de quelques mitraillettes. Vous avez indiqué que ces personnes avaient

 25   également placé quelques tubes métalliques sur la route pour que les


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  1   soldats du HVO se méprennent et aient l'impression d'avoir affaire à des

  2   mortiers. Est-ce exact ?

  3   Témoin K (interprétation). – C'est cela.

  4   M. Lopez-Terres. – Au cours de la même soirée, il est exact que

  5   les hommes d'abord en place, les hommes d'Ahmici, ont été rejoints par une

  6   trentaine d'autres personnes des villages voisins, dix hommes qui venaient

  7   de Vrhovine, dix hommes de Poculica et dix hommes de Preocica. Ces hommes

  8   ont pris position à différents endroits du village. C'est cela ?

  9   Témoin K (interprétation). – C'est exact. Mais j'aimerais faire

 10   un commentaire, si vous me le permettez. Je pense que le commandement qui

 11   a donc pris une telle décision savait que nous n'avions pas d'armement,

 12   pas d'unités organisées, formées, etc. C'est pourquoi ils voulaient nous

 13   aider. C'est pourquoi ils ont désigné un certain nombre de personnes des

 14   villages différents, qui devaient se rendre sur place. Cela dit, nous

 15   sommes allés à leur rencontre pour leur dire que l'on n'en avait pas

 16   besoin. Mais ils sont passés par une autre route. Et cette nuit, ils sont

 17   passés par le village.

 18   M. Lopez-Terres. – Vous-même, vous n'avez pas participé au

 19   barrage ?

 20   Témoin K (interprétation). – Non, absolument pas.

 21   M. Lopez-Terres. – Le lendemain, 20 octobre 1992, aux environs

 22   de 5 heures, le conflit a commencé et un premier obus est tombé sur le

 23   minaret de la mosquée d'Ahmici-le-Bas, c'est bien cela ?

 24   Témoin K (interprétation). – Vous avez raison parce que, plus

 25   tard, nous avons entendu que le HVO avait reçu un ordre. Ils avaient même


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  1   un plan : "24 heures de cendres et de fumée". Ce plan aurait dû être

  2   déclenché au moment de l'appel à la prière, le premier appel à la prière,

  3   qui s’appelle "Ezan". Au moment où Hodza a fait cet appel, ils ont tiré

  4   sur le village et ainsi le conflit s'est déclenché.

  5   M. Lopez-Terres. - Vous avez pu constater, étant vous-même dans

  6   le village, que des coups de canons ont été tirés sur Ahmici, des canons

  7   qui tiraient depuis les villages voisins de Hrasno et Donji Ravni, situés,

  8   eux, dans la municipalité de Busovaca ?

  9   Témoin K (interprétation). - Oui.

 10   M. Lopez-Terres. - Vous avez vu également ce camion sur lequel

 11   était monté ce canon dont vous nous avez parlé il y a quelques instants ?

 12   Témoin K (interprétation). - Oui.

 13   M. Lopez-Terres. - Ce camion a également tiré avec son canon sur

 14   ce village ?

 15   Témoin K (interprétation). – C’est cela.

 16   M. Lopez-Terres. - Vous aviez déjà eu l'occasion de voir ce

 17   camion avec le canon monté sur lui à plusieurs reprises dans le village

 18   d'Ahmici. Ce camion venait, de temps en temps, apparemment pour

 19   impressionner la population locale. Est-ce exact ?

 20   Témoin K (interprétation). - Oui, c'est vrai. Souvent, il se

 21   déplaçait dans ce camion. Et puis, j'avoue qu'il a été quelqu'un qu'on

 22   connaissait bien, parce que lui aimait bien boire. Je l'ai rencontré dans

 23   la route. Je me souviens, il y avait quelqu'un qui s'appelait Nikica

 24   Plavcic, il était placé près du canon. Nous, on l'appelait "Nikica", cela

 25   veut dire "l’image". Il jouait en quelque sorte avec le canon, il


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  1   traversait le village pour que nous autres, Bosniens, on ait l’impression

  2   que véritablement ils sont puissants et qu'on les craigne. Parce que

  3   c'était une grande puissance, c'est ce qu'il voulait montrer.

  4   M. Lopez-Terres. - Dans la matinée du 20 octobre 1992, environ

  5   vers 10 heures du matin, le chef local du HVO, qui s'appelait M. Buha, qui

  6   habitait à Buhine Kuce, a donné un ultimatum aux hommes de la Défense

  7   territoriale d'avoir à rendre les armes dont ils disposaient ?

  8   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Je m'excuse : encore

  9   un petit commentaire. Ils sont convenus que nous allions avoir une petite

 10   réunion pour voir ce que nous allions entreprendre par la suite. Puis Fuad

 11   Berbic avec d'autres personnes chargées pour notre village, le commandant

 12   du HVO a tout simplement ordonné qu'on devait restituer des armes dont on

 13   disposait. Ils nous ont dit également qu'ils allaient se porter garants de

 14   notre sécurité.

 15   M. Lopez-Terres. – Certains villageois musulmans qui habitaient

 16   dans la zone de Zume ont accepté de rendre leurs armes, mais, à Ahmici,

 17   les habitants qui disposaient de certaines armes ont refusé de le faire.

 18   Est-ce exat ?

 19   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ceux qui ont restitué

 20   des armes, c'était assez mélangé. Il y avait des Musulmans et des Croates

 21   dans ces familles, alors que les autres n'étaient pas mélangés, ils ont

 22   donc refusé de restituer ces armes.

 23   M. Lopez-Terres. – Du fait de refus de restitution de ces armes,

 24   les combats continuaient. A l'occasion de la bataille, il y a eu environ

 25   14 bâtiments et étables détruits par le feu, puisque des munitions


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  1   inflammables étaient utilisées et, également, des obus sont tombés dans

  2   cinq ou six maisons, c'est exact ?

  3   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Les maisons n'ont pas

  4   été incendiées jusqu'au bout. Mais il y avait des engins explosifs, qu'ils

  5   ont posés. Il y a quelques grenades qu’ils ont jetées d’une distance assez

  6   grande, également des étables ont été incendiées, même des vaches ont été

  7   calcinées, le bétail a été détruit. Et puis en ce qui concerne des hommes,

  8   ils se sont retirés dans le haut du village.

  9   M. Lopez-Terres. - Vous-même, vous vous êtes retiré avec

 10   d'autres villageois dans cette partie haute du village. Et depuis cette

 11   partie de Ahmici-le-Haut, par radio je crois, vous avez essayé de demander

 12   du secours au centre de commandement de Vitez. Mais aucun secours n'a été

 13   envoyé ?

 14   Témoin K (interprétation). – C’est cela.

 15   M. Lopez-Terres. - Vous avez réussi finalement à quitter le

 16   village d’Ahmici. Vous vous êtes rendu au village de Vrhovine, un village

 17   voisin où vous êtes resté pendant cinq ou six jours ?

 18   Témoin K (interprétation). – 90 % d'habitant, à ce moment-là, se

 19   sont déplacés vers les villages dans le voisinage. Certains sont restés

 20   et, heureusement, rien ne leur est arrivé.

 21   M. Lopez-Terres. – Lors de ces combats du 19/20 octobre 1992,

 22   l'un de vos cousins, (expurgé), a été tué par une balle

 23   et deux autres personnes ont été blessées, est-ce exact ?

 24   Témoin K (interprétation). - C'est correct. Et excusez-moi, je

 25   peux dire encore quelque chose ?


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  1   M. Lopez-Terres. - Je vous en prie.

  2   Témoin K (interprétation). – (expurgé) était jeune, il allait

  3   à l'école secondaire, c'était un homme quand même. Il a regardé plein de

  4   films, probablement, qui ont exercé une influence sur lui. Il

  5   s’intéressait. C’est par curiosité qu’il voulait savoir ce qui se passait

  6   au barrage. Il était vêtu en civil. Il est parti se rendre sur le barrage

  7   pour voir ce qui s’était passé sur le barrage et un tireur embusqué a tiré

  8   et l’a tué.

  9   M. Lopez-Terres. - Vous voulez dire que votre cousin n'était pas

 10   armé au moment où il a été tué ?

 11   Témoin K (interprétation). – Non, il n’était pas armé. Il était

 12   jeune, il allait à l'école encore. Il n’avait absolument aucune arme.

 13   M. Lopez-Terres. - C'est la seule victime du côté musulman, ce

 14   jour-là. Il y a eu deux blessés, je crois, et ce cousin qui a été tué ?

 15   Témoin K (interprétation). – Deux blessés et ce jeune homme qui

 16   a été tué.

 17   M. Lopez-Terres. – Pendant que les villageois d’Ahmici étaient

 18   donc au village voisin pendant ces quelques jours que vous avez passés à

 19   Vrhovine, c'est la police militaire du HVO qui est entrée dans le village

 20   et qui a pris des mesures pour éviter que des vols ne soient commis dans

 21   les habitations. Vous-même avez pu constater à votre retour au village que

 22   rien n'a été volé dans votre maison. Est-ce exact ,

 23   Témoin K (interprétation). - Ceci est exact. Et ils ont protégé

 24   nos maisons. Et rien ne s’est passé et rien ne manquait.

 25   M. le Président (interprétation). - Si vous passez à un autre


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  1   sujet, peut-être que le moment se prête bien à la pause du déjeuner. Nous

  2   allons suspendre, nous reprendrons à 14 heures 30.

  3   Monsieur le Témoin K, souvenez-vous que, s'agissant de cette

  4   pause et d'autres pauses à venir, vous ne pouvez parler à qui que ce soit

  5   de votre déposition. Veillez à ce que personne ne vous en parle non plus ;

  6   ceci inclut les membres du Bureau du Procureur. Fort bien, veuillez être

  7   de retour à l’audience à 14 heures 30.

  8         (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.)

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,

 10   Maître Lopez, vous avez la parole.

 11   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, avant que nous ne nous

 12   interrompions, nous évoquions la fin des événements de la fin

 13   d'octobre 1992 et le premier incident survenu dans le village, après le

 14   barrage constitué à Ahmici.

 15   Vous avez remarqué, à votre retour au village, que des drapeaux

 16   croates avaient été installés dans ce village. Est-ce exact ?

 17   Témoin K (interprétation). - Oui. Oui, oui.

 18   M. Lopez-Terres. - Ces drapeaux n'existaient pas auparavant ?

 19   Témoin K (interprétation). - Non.

 20   M. Lopez-Terres. - Quelque temps après cette attaque…

 21   Témoin K (interprétation). - Non, excusez moi. Il est vrai

 22   qu'avant, il n'y en avait pas.

 23   M. Lopez-Terres. - Il y avait d'autres drapeaux dans le village,

 24   avant les faits du 20 octobre 1992, des drapeaux de la Bosnie-Herzégovine

 25   en particulier ?


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  1   Témoin K (interprétation). - Oui, il y en avait à l'école, sur

  2   le bâtiment de l'école.

  3   M. Lopez-Terres. - C'était un bâtiment public ?

  4   Témoin K (interprétation). - Oui.

  5   M. Lopez-Terres. - Quelque temps après l'attaque du mois

  6   d'octobre 1992, vous avez eu l'occasion de rencontrer un de vos voisins,

  7   le nommé Vlatko Kupreskic, actuellement détenu à La Haye, qui fait l'objet

  8   du procès dont nous parlions ce matin, et vous lui avez demandé quelques

  9   informations sur ce qui s'était passé et pourquoi cela s'était passé.

 10   Est-il exact que celui-ci vous a indiqué, à ce moment-là, que

 11   dorénavant les Musulmans devaient obéir à la loi de la Bosnie-Herzégovine

 12   parce que la Bosnie-Herzégovine était désormais devenue un Etat, la

 13   Communauté croate de Bosnie-Herzégovine était devenue un Etat ?

 14   Témoin K (interprétation). - Oui, moi, je me souviens. Je

 15   n'étais pas seul ; nous étions plusieurs, quatre pour parler précisément.

 16   Il y avait mon père également dans ce groupe. Nous sommes partis

 17   ensemble ; lui est le plus proche comme voisin. Nous sommes donc allés le

 18   voir et nous lui avons dit : "Qu'est-ce qui se passe ? Nous avons déjà dû

 19   obéir à l'ultimatum pour restituer des armes pour leur remettre

 20   pratiquement !" J'ai donc posé la question. Lui nous a dit : "C'est l'Etat

 21   d'Herceg-Bosna qui vient d'être mis en place. Vous devez respecter les

 22   lois de cet Etat. Combien de temps va-t-elle durer ? Je n'en sais rien.

 23   Pour le moment, c'est ainsi. Vous devez rester des citoyens loyaux à cet

 24   Etat".

 25   M. Lopez-Terres. - Après cette période, entre le mois de


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  1   novembre 1992 et le mois de janvier 1993, un accord a été passé entre les

  2   habitants d'Ahmici, selon lequel il y aurait des points de contrôle qui

  3   seraient tenus à la fois par des Croates et par des Musulmans du village.

  4   Est-ce bien exact ?

  5   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ce n'étaient pas des

  6   points de contrôle tout à fait stables. C'étaient en quelque sorte des

  7   patrouilles villageoises qui, dans la soirée, se déplaçaient un peu. Oui,

  8   nous étions ensemble, cette époque-là.

  9   M. Lopez-Terres. - Est-il exact, monsieur le Témoin K, qu'aux

 10   environs du mois de novembre 1992 vous avez vu l'accusé Dario Kordic, lors

 11   d'une conférence de presse à laquelle il a participé à la télévision de

 12   Busovaca et à laquelle participait également Ignac Kostroman ?

 13   M. le Président (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît,

 14   monsieur Lopez-Terres.

 15   M. Sayers (interprétation). - Deux objections : d'abord, sur la

 16   façon dont est dirigée la question -ici, c'est une question qui ne porte

 17   pas à controverse- et, deuxième objection, c'est parce qu'on prend

 18   quelques éléments de ce qui a été une conférence télévisée. Nous ne nous

 19   opposons à ce que la totalité de la conférence de presse soit diffusée,

 20   ainsi que la transcription fournie, mais nous nous opposons à ce qu'une

 21   seule déclaration soit retirée. Rappelez-vous cette conférence de presse :

 22   elle a eu lieu il y a six ans. On ne peut pas en voir qu'un extrait.

 23   M. le Président (interprétation). - Eh bien, demandons au témoin

 24   s'il a vu Dario Kordic à l'occasion de cette conférence de presse. Et si

 25   tel est le cas, ce qui lui reste dans le souvenir que Kordic aurait dit.


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  1   M. Lopez-Terres. - Avant que je m'adresse au témoin, si vous me

  2   permettez, Monsieur le Président, j'indique que le Bureau du Procureur ne

  3   dispose pas de cette conférence de presse sur une bande vidéo, pour que

  4   les choses soient bien claires.

  5   Monsieur le Témoin, lors de cette conférence de presse à

  6   laquelle vous avez assisté, est-ce que vous vous souvenez des propos qu'a

  7   tenus l'accusé Dario Kordic à partir du moment où il a été question du

  8   village d'Ahmici ?

  9   Témoin K (interprétation). - Je ne connais pas malheureusement

 10   la date. Je ne pourrais pas vous le dire. Je sais bien évidemment que

 11   cette conférence de presse a eu lieu. Je ne savais pas que je serai dans

 12   la situation à témoigner devant une Chambre. Mais je me souviens que tous

 13   ceux qui habitaient mon village pouvaient suivre les programmes de la

 14   télévision de Busovaca. Donc on a été un petit peu curieux de savoir ce

 15   qu'ils pensent sur nous, ce qu'ils disent sur nous.

 16   Lors d'une conférence de presse -ils l'appelaientcomme cela-, il

 17   y avait Dario Kordic qui était présent, Kostroman et Blaskic, et puis il y

 18   avait quelques journalistes. Entre autres questions qui ont été posées, il

 19   y avait une question qui a été posée dans le sens que je vais vous donner.

 20   Je ne peux pas bien évidemment vous donner tous les termes exacts de la

 21   question : qu'est-ce qu'après le barrage d'Ahmici va se passer avec le

 22   village ?

 23   M. le Président (interprétation). - Quelle est l'objection ?

 24   M. Sayers (interprétation). - Eh bien, précisément, ceci me

 25   rappelle ou me ramène à l'objection en vertu de l'article 89 puisque ce


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  1   témoin ne se souvient plus exactement de la déclaration faite à la

  2   télévision. Ceci peut avoir un effet pervers, un effet delétère parce que

  3   manifestement, ici, l'effet que ceci peut avoir est de loin inférieur à la

  4   valeur probante.

  5   M. le Président (interprétation). - Mais c'est un peu comme s'il

  6   avait rencontré Kordic et que Kordic lui avait dit quelque chose puisque

  7   ce monsieur a vu Kordic dire quelque chose à la télévision. Il ne se

  8   souvient plus des termes exacts employés, mais il peut nous en donner la

  9   substance. Je pense qu'il n'y a pas là d'inéquité. Je vous en prie.

 10   Eh bien, Monsieur le Témoin, d'après vous , qu'a dit M. Kordic à

 11   cette occasion ?

 12   Témoin K (interprétation). - Moi je vous ai dit que, bien

 13   évidemment, je n'étais pas en contact direct avec M. Kordic. J'étais chez

 14   moi, à la maison et je suivais l'émission à la télévision. A la question

 15   qui a été posée par une journaliste -c'était une dame si mes souvenirs

 16   sont bons-, il a dit : "A Ahmici ils paieront cher ce barrage qu'ils ont

 17   dressé". Je le dis, je ne peux pas vraiment interpréter à la lettre, mais

 18   dans le sens qu'ils allaient être rasés. C'est dans ce sens-là qu'il a

 19   répondu. Par conséquent, qu'il ne faut pas s’en faire, mais que c'est de

 20   cette façon-là que cela se passera.

 21   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin, nous sommes bien

 22   d'accord, je crois simplement qu'il y a un petit problème dans la

 23   traduction : vous n'avez pas assisté vous-même à la conférence de presse à

 24   Busovaca, vous étiez chez vous ? Nous sommes bien d'accord ?

 25   Témoin K (interprétation). - Non, je n'ai pas assisté. J'ai


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  1   suivi à la télévision.

  2   M. Lopez-Terres. - Dans le transcript en langue anglaise, on a

  3   l'impression que vous étiez présent au moment où la conférence de presse a

  4   eu lieu.

  5   M. le Président (interprétation). - Je pense que maintenant nous

  6   avons une idée précise de la situation. Le témoin ne participait pas au

  7   débat, il était chez lui et a vu tout ceci chez lui. Tout est clair.

  8   M. Lopez-Terres. - A propos toujours des émissions de télévision

  9   que vous regardiez à l'époque, est-ce que vous avez vu également une

 10   émission au mois de janvier, février 1993, au cours de laquelle le nommé

 11   Anto Valenta était l'invité ? Il s'agit d'une émission qui se déroulait en

 12   Croatie, à Split. Anto Valenta a indiqué lors de cette émission que les

 13   Croates de Bosnie devaient désormais se préparer pour le conflit contre

 14   les Musulmans de la Bosnie. Est-ce que vous vous souvenez de cette

 15   émission ?

 16   Témoin K (interprétation). - Bien sûr. C'était une émission

 17   qu'on appelait "Slikom na sliku", "L'image sur l'image". C'est Anto

 18   Valenta qui y participait.

 19   Je vais vous corriger. Il n'a pas dit "des Musulmans de Bosnie-

 20   Herzégovine", il a parlé des Croates de Vitez qui doivent se préparer pour

 21   combattre les Musulmans et pour entrer en combat avec des Musulmans.

 22   C'est au retour il a dit que soi-disant, c'était un lapsus,

 23   qu'il voulait dire qu'il fallait qu'ils se préparent contre l'agression

 24   serbe. Mais il a dit probablement ce qu'il a pensé.

 25   M. Lopez-Terres. - Est-ce que vous avez vu, un peu plus tard,


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  1   durant le printemps 1993, l'accusé, Dario Kordic à l'occasion d'une autre

  2   conférence de presse évoquer également les relations entre les Musulmans

  3   et les Croates en Bosnie ? Est-ce que vous pouvez nous rapporter les

  4   propos ?

  5   Témoin K (interprétation). - A cette époque-là, c'était un

  6   personnage des médias. Il était pratiquement tout le temps à la

  7   télévision. En ce qui nous concerne, on regardait de temps à autres ces

  8   émissions.

  9   Je me souviens qu'une fois il y avait une autre conférence de

 10   presse, c'était l'époque où on semait, c'était l'époque des semences. Un

 11   journaliste lui a demandé : "Il faut par conséquent qu'on ait des gains de

 12   semailles ?", alors que lui a répondu : "Ils peuvent semer, c'est nous qui

 13   allons récolter". Voilà, bien évidemment il a pensé aux Croates.

 14   M. Lopez-Terres. - Quand il a dit : "ils peuvent semer", il

 15   voulait parler des Musulmans ?

 16   Témoin K (interprétation). - Oui, exactement, c'est comme cela.

 17   M. Lopez-Terres. - Le 13 avril 1993, Monsieur le Témoin K, votre

 18   fils qui travaillait à l'époque à l'usine Bratstvo de Novi Travnik a été

 19   arrêté par un groupe de soldats du HVO, avec un autre groupe d'autres

 20   travailleurs de cette usine, alors qu'il se rendait à cette usine dans un

 21   autobus. C'est exact ?

 22   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Il se rendait au

 23   travail.

 24   M. Lopez-Terres. - Est-il exact que, le lendemain de cette

 25   arrestation de votre fils et de ce groupe de travailleurs musulmans, vous


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  1   avez rendu visite à l'accusé Mario Cerkez, dans son bureau du cinéma à

  2   Vitez, à la maison de la Culture ?

  3   Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas si c'est la

  4   traduction qui est bonne ou pas bonne. De toute façon, ce n'est pas lui,

  5   c'est moi qui ai visité la maison de la Culture.

  6   M. Lopez-Terres. - Il semblerait que la traduction pose un

  7   problème, semble-t-il. Etes-vous allé rendre visite à l'accusé, Mario

  8   Cerkez ?

  9   Témoin K (interprétation). - On vient de me dire que c'est lui.

 10   Mais lui a été arrêté ; par conséquent, c'était pas lui, c’est moi.

 11   M. Lopez-Terres. - La traduction pose encore un problème. C'est

 12   vous, pas votre fils évidemment, qui êtes allé rendre visite à Mario

 13   Cerkez ? Nous sommes bien d'accord ?

 14   Témoin K (interprétation). - Oui. Là, c'est bon.

 15   M. Lopez-Terres. - Vous avez rendu visite à Mario Cerkez, que

 16   vous connaissiez, et vous lui avez demandé s'il pouvait obtenir ou

 17   faciliter la libération de votre fils. Vous pouvez nous parler de cette

 18   réunion du 14 avril ?

 19   Témoin K (interprétation). - Oui, je pourrais vous relater tout

 20   cela. Mon fils a travaillé à Bratstvo, vous avez raison de le dire. Il se

 21   rendait au travail et un groupe de soldats du HVO les ont arrêtés ; ils

 22   ont demandé à tous les Musulmans de descendre du bus. Ils ont laissé

 23   passer les Croates ; ils ont gardé ce groupe de Musulmans parmi lesquels

 24   mon fils. Personnellement, j'étais à l'usine à ce moment-là ; un des

 25   collègues de mon fils, qui est catholique et qui est croate, m'a informé


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  1   que mon fils avait été arrêté ; c'est ce qu'ils ont dit. Il a été détenu ;

  2   c'est le terme qu'ils ont utilisé.

  3   Moi, j'ai tout de suite quitté mon poste de travail et je me

  4   suis rendu à l'état-major de la la Défense territoriale, auprès du chef

  5   Djidic. Je suis père et je lui ai demandé de me libérer mon fils. J'ai dit

  6   que mon fils n'était pas coupable de quoi que ce soit. Comme lui ne

  7   pouvait rien me promettre, je me suis rendu chez Pero Skopljak. A cette

  8   époque, il était le président du HDZ ; il était donc parmi les dirigeants

  9   les plus haut placés. Il m'a dit à la lettre : "Je suis un homme

 10   politique, je ne peux pas t'aider : c'est une affaire militaire". J'ai

 11   travaillé avec Mario à l'usine ; on n'était pas des copains, car on

 12   n'était pas de la même génération, mais on se connaissait très bien ; je

 13   connaissais aussi ses parents.

 14   Je me suis rendu chez lui ou plutôt à l'endroit où se trouvait,

 15   disons, leur quartier général. J'étais accompagné d'un soldat. Je me suis

 16   rendu chez lui, il m'a reçu, il m'a accueilli vraiment gentiment. Et je

 17   dois dire qu'il m'a répondu que rien ne se passerait et que, de toute

 18   façon, il ne faut pas que je craigne quoi que ce soit. Il a dit : "Il y a

 19   un certain nombre de nos officiers qui ont été arrêtés hier, par vos

 20   forces, à Gornji Vakuf. C'est la raison pour laquelle nous les avons

 21   arrêtés, les Musulmans, pour pouvoir procéder à un échange contre ces

 22   officiers. Pour le moment, je ne peux strictement rien faire, mais tu peux

 23   compter sur ma parole : rien ne se passera". C'est comme cela que s'est

 24   passé notre entretien.

 25   Je suis sorti. Mon fils, le 15 au soir, avec cinquante Bosniens,


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  1   a été emmené au camp de Kaonik dans la municipalité de Busovaca. C'est là

  2   où il a passé deux mois. Il a fait l'objet de plein de sévices ; il a dû

  3   creuser des tranchées ; il a été maltraité. On lui a donné des coups de

  4   pied et il a été giflé.

  5   M. Lopez-Terres. - Votre fils est resté environ deux mois dans

  6   le camp de Kaonik. Comme vous venez de le dire, il a creusé des tranchées,

  7   en particulier dans les régions de Putis et de Kratine.

  8   Témoin K (interprétation). - A Putis, oui. A un moment donné, il

  9   a également été envoyé dans la région de Rovna.

 10   M. Lopez-Terres. - Le 16 avril 1993, monsieur le Témoin K, aux

 11   environs de 5 heures 30, vous avez entendu dans le village où vous

 12   habitiez une large explosion et des balles qui fusaient de tous côtés. Et

 13   vous avez pu voir que plusieurs maisons autour de la vôtre brûlaient. Vous

 14   ne vous attendiez pas du tout à une attaque, ce matin-là du 16 avril ?

 15   Témoin K (interprétation). - C'est exact.

 16   M. Lopez-Terres. - Un jour auparavant, dans la soirée, nous

 17   avions organisé entre nous autres villageois une réunion ; il n'y avait

 18   pas de soldats, ni personne d'important. Mais nous avons dit que nous

 19   allions nous garder l'un l'autre. De toute façon, nous allons nous

 20   protéger les uns les autres. Il ne va pas être question d'attaque. C'est

 21   la raison pour laquelle nous sommes rentrés chez nous et nous avons bien

 22   dormi. Moi, ce n'était pas mon cas, car mon fils était dans le camp et je

 23   craignais, j'avais une peur, une angoisse : plein de personnes avaient

 24   déjà été tuées. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais pas dormir ;

 25   les autres sont parti dormir.


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  1   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, est-ce qu'au cours de

  2   la nuit du 15 au 16 avril 1993 dont nous parlons, des forces de l'armée

  3   musulmane sont arrivées à Ahmici et ont été déployées dans Ahmici ou

  4   autour d'Ahmici ? Je dis bien des forces de l'armée musulmane.

  5   Témoin K (interprétation). - Non, non, il n'y avait aucun

  6   soldat, il n'y avait pas de troupes du tout dans notre village : il

  7   n'était en aucune façon une cible militaire, notre village. Il n'y avait

  8   que des civils dans notre village et les quelques rares hommes en âge de

  9   combattre que nous avions, puisqu'il y avait déjà eu constitution d'une

 10   brigade musulmane, ces hommes étaient partis pour rejoindre cette unité ;

 11   ce qui veut dire que même ces hommes-là n'étaient pas dans le village.

 12   Dans les villages ne demeuraient plus que les hommes de ma génération,

 13   ceux qui avaient la soixantaine ou plus, ainsi que des femmes et des

 14   enfants, ainsi les quelques rares hommes qui n'étaient pas en mesure, qui

 15   n'étaient pas en état de rejoindre l'armée.

 16   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, nous venons de parler

 17   de la nuit du 15 au 16 avril ; parlons de la nuit précédente, la nuit

 18   du 14 au 15 avril. Je vous repose la même question : est-ce que des forces

 19   de l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient été déployées à Ahmici ou dans

 20   les environs d'Ahmici ?

 21   Témoin K (interprétation). - Non, non. Je le répéterai cent

 22   fois. J'ai bien dit qu'il n'y avait pas de soldats. Je le dis de façon

 23   catégorique.

 24   M. Lopez-Terres. - Je vais vous présenter un document,

 25   monsieur le Témoin K. Ce document porte la référence Z6/6/0/1.


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  1               (Le document est montré au témoin.)

  2   Ce document est un ordre de préparation au combat daté du

  3   15 avril 1993, à 10 heures, signé par le colonel Blaskic. Monsieur le

  4   Témoin K, pouvez-vous examiner la première page de ce document ? Dans le

  5   4ème paragraphe, si je peux dire, de ce document, il est fait état, pour la

  6   date du 14 au 15 avril 1993, du déploiement de forces musulmanes dans la

  7   région de Nadioci et d'Ahmici.

  8   Ce document indique que des troupes de l'armée de Bosnie-

  9   Herzégovine auraient été déployées dans la nuit du 14 avril au 15 avril.

 10   Vous démentez l'arrivée de ces troupes. Vous êtes certain qu'il n'y a pas

 11   eu de déploiement ?

 12   Témoin K (interprétation). – C'est tout à fait erroné. Dans

 13   notre village, dans les environs de notre village, il n’y avait pas un

 14   seul homme armé, un seul soldat armé qui soit sous le contrôle de l'armée

 15   de Bosnie-Herzégovine ou de la Défense territoriale. A la lecture de ceci,

 16   je me rends compte que l'on fait état du village de Nadioci. 98 % de la

 17   population de ce village étaient croates. Alors, qu'est-ce qu'une armée

 18   musulmane ferait à cet endroit ?

 19   Je peux vous le dire de façon certaine : dans notre village, il

 20   n'y avait aucune structure militaire. Pas plus que dans les environs.

 21   Peut-être qu'il y avait de telles structures à Stari Vitez, ou à Kruscica.

 22   Effectivement, une partie de cette brigade avait été constituée à cet

 23   endroit ; mais là, c'était vraiment de l'autre côté, à l'autre bout de la

 24   région. A Kruscica, il y avait effectivement des troupes, des soldats. Le

 25   fils de mon frère s’y trouvait. C'est pour cela que je le sais. Pour


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  1   Vitez, je ne sais pas. Je suppose qu'il y avait peut-être des éléments,

  2   mais à Nadioci et à Ahmici il n'y avait vraiment personne.

  3   M. Lopez-Terres. – Est-ce que des troupes, de l'extérieur de

  4   Vitez, des troupes de Zenica ou d'autres régions auraient pu être

  5   déployées à Ahmici ou dans ses environs dans la nuit du 14 au 15 avril  ?

  6   Témoin K (interprétation). – Non, ce n'était pas possible.

  7   Pourquoi ? Parce que des éléments du HVO, à Kuber déjà, -Kuber c'est un

  8   relief entre Vitez et Zenica- ces soldats avaient déjà occupé des

  9   positions à cet endroit, à Kuber. Cela veut dire que leur armée contrôlait

 10   toute cette partie-là du territoire, de toute la région autour d'Ahmici.

 11   Il était absolument impossible que quelqu'un vienne de l'extérieur.

 12   M. Lopez-Terres. – Revenons à cette soirée du 15 avril 1993,

 13   vous avez aperçu au cours de la soirée des voisins croates qui étaient

 14   armés, qui portaient des armes, un casque, une tenue de combat, qui se

 15   rendaient dans la partie du village où habitait la famille Kupreskic. Ceci

 16   ne vous a pas paru particulièrement suspect, ce soir-là ?

 17   Témoin K (interprétation). – Ce soir-là, mon frère et moi nous

 18   sommes sortis pour faire le tour des maisons. Ceci s'est passé au cours de

 19   la soirée. C'était au crépuscule, mais on voyait encore bien. J'ai vu mon

 20   voisin le plus proche, Dragan Vidovic et son cousin. Ils étaient tous les

 21   deux en tenue de combat  ; ils avaient tout le kit : un casque, le sac à

 22   dos. Ils étaient pressés. Ils se dirigeaient en toute hâte vers la maison

 23   des Kupreskic comme nous l'appelions.

 24   Nous n'avons pas attaché beaucoup d'importance à ce fait-là. En

 25   effet, eux ou le HVO, on voyait souvent les éléments à proximité de notre


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  1   village, et que ce soit chaque semaine ou à d'autres cadences. Ils

  2   passaient par notre village comme ils le faisaient à Kuber. Ils

  3   traversaient notre village sans que personne ne les entrave. Ils

  4   revenaient de ces positions par les mêmes routes. C'est ce qui s'est passé

  5   ce soir-là.

  6   M. Lopez-Terres. – Le matin du 16 avril, le matin de l'attaque,

  7   vous avez décidé avec votre épouse et un autre groupe de villageois, de

  8   vous abriter dans la maison d'un autre villageois, M. Kermo qui, lui,

  9   habitait à Ahmici-le-Haut, à proximité de la mosquée. Est-ce exact ?

 10   Témoin K (interprétation). – C'est exact. Cette maison avait été

 11   désignée par notre protection civile. Elle devait être utilisée dans de

 12   tels cas. C'était l'endroit où nous étions censés nous rendre. C’est ce

 13   que nous avons fait ce matin-là.

 14   M. Lopez-Terres. – Avec votre épouse et un groupe de villageois,

 15   vous vous êtes déplacés le long d'un fossé et dans les buissons. Vous avez

 16   remarqué que votre présence avait été repérée par des soldats du HVO à

 17   proximité de la maison de Vlatko Kupreskic. L'un de ces soldats vous a

 18   crié quelque chose à ce moment-là. Pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a

 19   dit ?

 20   Témoin K (interprétation). – Nous étions 14 dans notre groupe :

 21   ma famille et deux autres familles. Nous n'avions absolument pas à l'idée

 22   que quelque chose de similaire pourrait se passer. Nous avons emprunté une

 23   route à travers une vallée. Nous sommes arrivés jusqu'à cette maison -ils

 24   nous ont remarqué et ont proféré des injures : notre mère de Balija- où on

 25   se cachait ; on nous demandait et puis ils ont tiré des rafales.


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 14   pagination anglaise et la pagination française.

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  1   M. Lopez-Terres. – A l'occasion de ces tirs dont vous avez été

  2   l'objet, votre belle-sœur a été tuée, votre fille a été blessée, ainsi

  3   qu'une autre personne, qui était un réfugié de Prijedor. Est-ce exact ?

  4   Témoin K (interprétation). – Vous avez raison.

  5   M. Lopez-Terres. – Vous avez finalement rejoint la maison où

  6   vous deviez vous abriter et où se trouvaient des gens, environ 150 à

  7   200 personnes.

  8   Témoin K (interprétation). – Moi, j'ai pris la petite sur mon

  9   dos. Elle était blessée ; nous sommes allés jusqu'à la maison. Il y avait

 10   150 personnes qui étaient dans ce refuge.

 11   M. Lopez-Terres. – Au cours de la matinée, aux environs de midi,

 12   un véhicule de la Forpronu est venu dans le village. Le personnel de ce

 13   véhicule a porté secours à certaines personnes blessées.

 14   Témoin K (interprétation). – Il y avait plusieurs véhicules. Un

 15   véhicule est parti vers la maison de Kermo. Nous les avons appelés  :

 16   "Aidez-nous ! Aidez-nous !". Effectivement, ils sont venus vers nous ; ils

 17   ont soigné les blessures des trois personnes. Ils les ont mises dans le

 18   véhicule de transport de troupes et les ont transportées. Il y avait un

 19   véhicule de transport de troupes qui a continué vers le village car deux

 20   personnes avaient été grièvement blessées. Dans le même village, mais de

 21   l'autre côté de la colline. Une personne est décédée sur-le-champ ;

 22   l'autre est décédée lors du transfert vers Travnik. C'était une femme.

 23   M. Lopez-Terres. – Vous avez remarqué que les tirs du HVO ont

 24   cessé sur le village pendant tout le moment où ce véhicule de transport de

 25   troupes était présent. Ensuite, les tirs ont recommencé une fois que ce


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  1   véhicule est parti ?

  2   Témoin K (interprétation). – Notamment en ce qui concerne

  3   l'artillerie lourde du côté de Ravno et Donja Rovna, ils se sont arrêtés.

  4   Mais il y a un certain nombre de fusils qui ont continué à tirer, mais

  5   l'artillerie lourde s'est arrêtée.

  6   M. Lopez-Terres. – Aux environs de 21 heures, ce soir-là, avec

  7   un groupe de villageois, vous avez quitté la maison de Kermo. Ensuite, par

  8   groupes d'environ dix personnes, vous avez réussi à prendre la fuite et à

  9   vous rendre au village de Vrhovine, puis à vous rendre à Zenica.

 10   Témoin K (interprétation). – Vous avez raison. Je voudrais

 11   ajouter quelque chose. Très franchement parlant, si on attendait des

 12   renforts de Zenica ou de Vitez, cela aurait été différent. De toute façon,

 13   on ne s'y attendait pas. Des centaines de personnes ont été tuées. Il y

 14   avait la panique dans la population. Les maisons ont été incendiées; le

 15   feu a été mis un peu partout. C'est pourquoi nous avions décidé de nous

 16   enfuir la nuit tombée.

 17   Nous avons envoyé les personnes en bonne santé, dans le meilleur

 18   état physique, voir vers le haut du village pour voir si les forces du HVO

 19   s'y trouvaient. Elles avaient coupé la route. Par conséquent, on ne

 20   pouvait pas passer. Ils sont revenus nous dire que la route était libre.

 21   Il est vrai que nous nous sommes dirigés vers le village de Vrhovine et

 22   par groupes. Il y a un certain nombre de familles, mes parents également,

 23   qui sont restées sur place. Et malheureusement, ils ne sont plus en vie.

 24   M. Lopez-Terres. - Comme je l'ai indiqué, vous avez déjà eu

 25   l'occasion de déposer dans une affaire différente, l'affaire Kupreskic, au


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  1   mois de septembre de l'année dernière, et à cette occasion-là vous avez

  2   contribué largement à l'élaboration de documents que je vais maintenant

  3   présenter au Tribunal, ces documents qui ont déjà été soumis -je le

  4   précise aussi- à la Chambre qui suit l'affaire Kupreskic.

  5   Il s'agit d'abord de tableau qui porte la référence Z 1594-3

  6   -1594-3-, et également de deux vues aériennes du village d'Ahmici et des

  7   environs sur lesquelles figurent des indications relatives aux maisons

  8   occupées par les Musulmans du village, et aux maisons dans lesquelles des

  9   personnes ont été tuées, ou relativement aux propriétaires de ces maisons

 10   qui ont été tués à l'époque. Il s'agit des références 1594-1 et 1594-2.

 11   Je demande à ce que ces documents soient placés sous scellés

 12   dans la mesure où ils comportent au moins pour... non, pour tous, le nom

 13   du témoin ainsi que sa signature pour l'un d'entre eux. Je vais vous

 14   demander de préciser à quoi correspondent ces documents.

 15   Témoin K (interprétation). - D'accord.

 16   M. Lopez-Terres. - Nous allons d'abord examiner les deux vues

 17   aériennes dont j'ai parlé. Monsieur le Témoin K, les deux vues aériennes

 18   dont vous disposez d'abord, les deux plans...

 19   Témoin K (interprétation). - Je vous en prie.

 20   M. Lopez-Terres. - Vous avez, comme je l'ai indiqué, contribué

 21   largement à l'élaboration de ces plans, puisque c'est à partir des

 22   informations que vous avez données que le Bureau du Procureur a été en

 23   mesure d'établir ces deux vues aériennes et de faire apparaître les

 24   indications qui s'y trouvent, à savoir la localisation de maisons

 25   appartenant à des Musulmans à Ahmici sur la première carte, et sur la


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  1   seconde la localisation des maisons où des personnes ou dont des personnes

  2   ont été tuées à Ahmici. Est-ce que vous reconnaissez ces deux documents

  3   comme étant ceux sur lesquels vous avez apporté vos connaissances au

  4   Bureau du Procureur ?

  5   Témoin K (interprétation). - Oui, je les reconnais.

  6   M. Lopez-Terres. - C'est sur la base de vos indications que les

  7   maisons qui sont entourées d'un rond vert et qui correspondent aux

  8   Musulmans du village ont été mentionnées ?

  9   Témoin K (interprétation). - Oui, ce sont les maisons

 10   musulmanes. Je peux ?

 11   M. Lopez-Terres. - Il n'est pas nécessaire, à moins que la

 12   Chambre souhaite apporter des choses en l'état. Simplement, sur les

 13   maisons en particulier. En ce qui concerne les cercles rouges, il s'agit

 14   des maisons ou en tout cas de la zone dans laquelle se trouvaient des

 15   maisons appartenant à des Croates.

 16   Témoin K (interprétation). - C'est exact.

 17   M. Lopez-Terres. - En particulier celle des accusés de l'affaire

 18   Kupreskic. C'est exact ?

 19   Témoin K (interprétation). - Oui, oui, vous avez raison.

 20   M. Lopez-Terres. - La deuxième vue aérienne, qui est similaire

 21   et qui comporte cette fois des indications avec des ronds jaunes mentionne

 22   les maisons dont les familles ont été les victimes de ce qui s'est produit

 23   à Ahmici le 16 avril, avec l'indication à chaque fois en chiffres romains

 24   du nombre de victimes lorsqu'il s'agit de personnes défuntes. Est-ce

 25   exact ?


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  1   Témoin K (interprétation). - Oui, c'est cela.

  2   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, vous avez également

  3   permis l'élaboration de l'autre document, du tableau sur lequel...

  4   Excusez-moi.

  5   M. Robinson (interprétation). - S'agissant de la première

  6   photographie aérienne, je vois un F et un G entourés de cercles rouges. Ce

  7   sont des cercles un peu plus grands. Est-ce que la taille de ces cercles

  8   indique que, là, il y avait un pâté plus important de maisons ?

  9   M. Lopez-Terres. - Les zones en question correspondent à

 10   l'endroit où le témoin pensait que se trouvait la maison, je crois, d'une

 11   personne qui s'appelait Nenad Santic qui est décédé depuis, qui était un

 12   Croate du village ; à partir du moment où il n'était pas certain de

 13   l'emplacement exact de la maison, il a simplement indiqué la zone. Et

 14   c'est à partir de ces informations que cette zone a été reportée par nos

 15   enquêteurs.

 16   M. Robinson (interprétation). - J'ai compris. Je vous remercie.

 17   M. Lopez-Terres. - En ce qui concerne le tableau qui porte la

 18   référence Z 1594-3, c'est bien votre signature qui apparaît au bas de la

 19   première page, Monsieur le Témoin K ?

 20   Témoin K (interprétation). - Oui.

 21   M. Lopez-Terres. - ... date du 21 septembre 1998, c'est exact ?

 22   Témoin K (interprétation). - Oui.

 23   M. Lopez-Terres. - Sur ce document, il apparaît en page finale

 24   un total, à savoir 104 personnes dont les noms apparaissent sur le

 25   document, 104 personnes qui ont été tuées dans le village d'après les


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  1   informations que vous avez pu obtenir ?

  2   Témoin K (interprétation). - Oui, c'est tout à fait cela. C'est

  3   tout à fait la vérité.

  4   M. Lopez-Terres. - Il y a eu sur ces 104 personnes -vous me

  5   corrigerez si je me trompe-, 61 hommes, 32 femmes ?

  6   Témoin K (interprétation). - Oui.

  7   M. Lopez-Terres. - Et 11 garçons qui étaient âgés de moins de

  8   18 ans ?

  9   Témoin K (interprétation). - Entre 3 mois et moins de 18 ans.

 10   M. Lopez-Terres. - Vous avez également fait apparaître le nombre

 11   de personnes blessées qui ne figure pas dans le total dont je viens de

 12   parler, mais sur cette liste figure le nom de 12 personnes qui ont été

 13   blessées le 16 avril 1993 à Ahmici. C'est exact ?

 14   Témoin K (interprétation). - Oui, au moment où ils se sont

 15   retirés.

 16   M. Lopez-Terres. - Personnellement, Monsieur le Témoin K,

 17   combien de personnes de votre famille avez-vous perdues au cours de

 18   l'attaque du village d'Ahmici le 16 avril ?

 19   Témoin K (interprétation). - Si vous me permettez, excusez-moi,

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si vous me permettez, avant

 21   cette réponse j'aimerais dire quelque chose ?

 22   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

 23   Témoin K (interprétation). - Nous avons parlé ici d'un chiffre

 24   de 104 personnes tuées, mais nous savons pertinemment qu'il y avait

 25   15 Bosniens qui était des Bosniens, des réfugiés qui ont été tués. On


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  1   connaît leur nom mais le nombre de personnes réfugiées qui ont été tuées

  2   n'a jamais été déterminé, étant donné que ces personnes que nous appelions

  3   réfugiés venaient, passaient, restaient. Par conséquent, il y a au moins

  4   15 personnes de plus réfugiées qui ont été tuées.

  5   M. Lopez-Terres. - Pour préciser donc la remarque importante que

  6   vous venez de faire, effectivement, le chiffre de 104 personnes correspond

  7   uniquement aux 104 villageois que vous, vous connaissiez et dont vous

  8   aviez...

  9   Témoin K (interprétation). - Oui, des personnes qui étaient

 10   domiciliées dans le village.

 11   M. Lopez-Terres. - Cette quinzaine de réfugiés dont vous venez

 12   de nous parler, d'où était-elle originaire ?

 13   Témoin K (interprétation). - Certains sont arrivés de Foca, de

 14   Prijedor, de Karaola, à côté de Travnik, de Jajce, enfin de villes

 15   différentes.

 16   M. Lopez-Terres. - Où étaient installés ces réfugiés au moment

 17   de l'attaque ?

 18   Témoin K (interprétation). – Ils étaient installés ou bien chez

 19   des Bosniens qui avaient leur maison dans le village. Et nous avions

 20   également beaucoup de maisons secondaires, par conséquent, on s'était mis

 21   d'accord avec ces personnes-là qui habitaient à Zenica de nous mettre à la

 22   disposition ces maisons secondaires pour installer des réfugiés. Moi, qui

 23   étais à ce comité, je m'en suis occupé.

 24   M. Lopez-Terres. – Je vous ai posé une question, avant, encore

 25   une fois, que vous fassiez cette remarque importante : combien de


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  1   personnes, personnellement, avez-vous perdues lors de cette attaque du

  2   village, personnes de votre famille ?

  3   Témoin K (interprétation). - C'est le plus dur, j'avoue, mais je

  4   me dois : il y en a 19 membres de ma famille qui ont été tués : deux

  5   parents, mon père, ma mère, un frère, son épouse et d'autres membres de ma

  6   famille étaient des oncles, des cousins germains. Il y avait des femmes

  7   également et des hommes parmi eux, 19 au total. Je me dois de vous dire,

  8   mon père avait 81 ans. C'était quelqu'un qui ne voulait pas quitter la

  9   maison, parce qu'il ne pouvait pas. Il m'a dit : "Moi, je n'ai strictement

 10   rien fait à qui que ce soit, personne ne me fera quoi que ce soit ”. Ma

 11   mère est restée avec lui, et mon frère également.

 12   Vers le 20 avril, la Forpronu a trouvé leur corps calcinés et

 13   ils les ont emmenés jusqu'à Zenica. C'est là où nous les avons identifiés.

 14   Moi, je doute toujours. Je ne sais pas si c'était véritablement leur corps

 15   parce qu'on ne sait pas si c’était véritablement leur corps… Excusez-moi,

 16   je ne peux plus parler. Excusez-moi.

 17   M. Lopez-Terres. – Une dernière question : ces informations qui

 18   ont permis d'élaborer ces documents sur le nom des personnes, sur leur

 19   localisation dans le village, ce sont des informations que vous avez

 20   recueillies dès votre arrivée à Zenica, au mois d'avril 1993, que vous

 21   avez conservées, compilées et qui vous ont permis ensuite de les

 22   transmettre au Tribunal.

 23   Témoin K (interprétation). - Oui, moi je suis né dans ce

 24   village. J'ai vécu dans ce village. Je connais chaque homme dans ce

 25   village. On avait organisé toute une sorte d'actions communes, la mise en


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  1   place des P.T.T., de l’aquaduc, de plein de choses d'autres ; des routes.

  2   Dans le village, on s'appuie l’un sur l'autre, on est proche l'un de

  3   l'autre, nous nous connaissons tellement bien.

  4   Quand nous sommes venus à Zenica, nous nous sommes rassemblés

  5   pour voir qui est resté en vie, qui a été tué. Il fallait se rassembler,

  6   des personnes sont parties qui ne voulaient plus rester à cet endroit. De

  7   mon propre village, certaines personnes sont parties à l'étranger. J'ai

  8   lancé une initiative pour créer une association pour rassembler tous ces

  9   gens-là, pour qu'ils puissent s'adresser également à cette association,

 10   s'ils ressentent le besoin de consoler l'un l'autre, parler entre nous.

 11   C'est dans ce sens-là que j'ai fait une espèce de questionnaire,

 12   j'ai demandé auprès de chaque famille des données sur la famille : le nom,

 13   le prénom, la date de naissance et puis l'adresse. Et c'est grâce à ces

 14   listes que nous avons faites que nous avons pu également constater qui

 15   étaient les personnes tuées. En ce qui nous concerne, c'était utile

 16   également pour la distribution de l'aide humanitaire. C'est en fonction du

 17   nombre des familles qu'on distribuait cette aide. C'est dans ce sens-là

 18   que nous avons fait cette liste. Ce n'est pas pour autre chose.

 19   M. Lopez-Terres. - Je vous remercie, monsieur le Témoin. Je n'ai

 20   pas d'autres questions.

 21   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

 22   Messieurs les Juges, avec votre permission, la défense de Mario Cerkez

 23   aimerait poser les questions au témoin.

 24   M. le Président (interprétation). - Fort bien.

 25   M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Monsieur le Témoin, je


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  1   m'appelle Goran Mikulicic. Je suis avocat de Zagreb, avec mon confrère

  2   M. Kovacic, de Rijeka, je défends Mario Cerkez.

  3   Tout de suite, au début, j'aimerais véritablement vous présenter

  4   toutes mes condoléances très sincères. Je suis véritablement touché par ce

  5   que vous avez dit.

  6   Témoin K (interprétation). - Je vous remercie.

  7   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, êtes-vous

  8   croyant et pratiquant ?

  9   Témoin K (interprétation). – Si j’ai du temps, oui.

 10   M. Mikulicic (interprétation). - Votre foi est l’islmam ?

 11   Témoin K (interprétation). - Oui.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur, vous nous avez dit

 13   qu'à cette époque-là vous étiez membre du parti SDA, l'êtes-vous encore

 14   aujourd'hui ?

 15   Témoin K (interprétation). - Oui.

 16   M. Mikulicic (interprétation). - A cette époque-là, avez-vous

 17   exercé une fonction au sein de ce parti ?

 18   Témoin K (interprétation). – Non, non, sincèrement, j'étais tout

 19   simplement membre du parti.

 20   M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Témoin K, vous avez

 21   dit que vous êtes retourné dans votre village, est-il vrai que votre

 22   retour fait partie également du retour organisé des villageois et sous la

 23   tutelle de la République de Bosnie-Herzégovine, les autorités de cette

 24   République ?

 25   Témoin K (interprétation). - Si on avait attendu, pour vous pour


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  1   dire franchement, que notre gouvernement entreprenne quoi que ce soit, à

  2   ce moment-là nous ne serions toujours pas sur place. Nous avons passé par

  3   notre association de retourner dans notre village. Très franchement

  4   parlant, j’en parle ouvertement, personne ne nous a posé des obstacles. Je

  5   ne peux pas vous dire ce que les autres ont pensé.

  6   Les villageois du village n'ont pas fait d'obstacle. Ils ont

  7   tout simplement accepté. Nous nous sommes organisés. Nous sommes retournés

  8   dans le village, notre gouvernement a accepté par la suite que nous sommes

  9   rentrés.

 10   M. Mikulicic (interprétation). – Soixante-dix familles sont

 11   retournées sur place ?

 12   Témoin K (interprétation). - Je pense qu'ils sont 90, même plus.

 13   M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez

 14   travaillé à SPS, à l'usine ?

 15   Témoin K (interprétation). - Oui.

 16   M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites également que c'est

 17   de là que vous connaissiez Mario Cerkez ?

 18   Témoin K (interprétation). – Oui.

 19   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

 20   de ce que Mario Cerkez faisait à l'époque ? Quel était le poste qu'il

 21   occupait dans l'usine SPS ?

 22   Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas si je vais pouvoir

 23   m'exprimer de manière professionnelle, mais je sais qu'il s'occupait de la

 24   défense, si je ne m'abuse ; c'est de la défense de l'usine dont il s'est

 25   occupé. Il avait également tenu des registres sur les conscrits. Je ne


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  1   sais pas exactement quel était son département, sa section.

  2   M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous voulez dire qu'il

  3   tenait des registres également en ce qui concerne les conscrits ? Cela

  4   veut dire qu’il s'occupait des questions administratives dans le domaine

  5   en question ?

  6   Témoin K (interprétation). - Oui, oui, absolument.

  7   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, est-ce

  8   que vous savez que M. Cerkez, à cette époque-là, à l'époque où vous avez

  9   travaillé ensemble à l'usine SPS, était ami de Midhat Berbic, fils de

 10   votre bon ami, Fuad Berbic ?

 11   Témoin K (interprétation). - Oui, ils étaient collègues.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous savez qu'il

 13   était copain avec Latif Barucija, Sulejman Kalco ?

 14   Témoin K (interprétation). - Oui, absolument.

 15   M. Mikulicic (interprétation). - Dzidic Sefkija ?

 16   Témoin K (interprétation). - Oui, certainement.

 17   M. Mikulicic (interprétation). - Est-il vrai que toutes ces

 18   personnes dont je viens de citer les noms sont de foi islamique, sont des

 19   musulmans ?

 20   Témoin K (interprétation). - Oui, mais attendez, c'était

 21   tellement normal : mais on ne parle pas de la même période. C'était

 22   tellement normal.

 23   M. Mikulicic (interprétation). - C'est ce que je voulais vous

 24   poser comme question : est-ce que, monsieur le Témoin K, vous avez

 25   remarqué que Mario Cerkez n'avait éventuellement pas un comportement


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  1   correct vis-à-vis des Bosniens, des Musulmans ?

  2   Témoin K (interprétation). - Il est plus jeune. De toute façon,

  3   il avait des amis et des collègues un peu plus âgés. Ils étaient tout

  4   simplement tous copains ; ils étaient collègues, ils travaillaient sur les

  5   mêmes dossiers. Moi, je ne connais pas personnellement Mario Cerkez, mais

  6   je l'appréciais. Je ne sais pas s'il allait se fâcher, mais on était

  7   presque des amis. Je n'ai jamais, jamais remarqué qu'il ait eu une

  8   comportement négatif ou incorrect vis-à-vis des Musulmans. Je parle en

  9   toute franchise.

 10   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, vous avez

 11   parlé de la nuit du 19 au 20 octobre, quand le barrage a été dressé à côté

 12   de votre village. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 13   Témoin K (interprétation). - Oui.

 14   M. Mikulicic (interprétation). - Je ne sais pas si je vous ai

 15   bien compris. Je pose la question quand même : est-ce que vous,

 16   personnellement, vous êtes descendu en direction du barrage sur la route ?

 17   Témoin K (interprétation). - Non.

 18   M. Mikulicic (interprétation). - Donc, vous, personnellement,

 19   vous n'avez pas vu de vos propres yeux, vous n'avez assisté à aucun des

 20   événements qui ont eu lieu au barrage ?

 21   Témoin K (interprétation). - Non, moi, je n'ai rien vu

 22   personnellement. Tout ce que je sais à propos de ce barrage, c'est ce que

 23   j'ai appris d'autres personnes, après les événements. Personnellement, je

 24   ne m'y trouvais pas.

 25   M. Mikulicic (interprétation). - Je vois.


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  1   Témoin K (interprétation). - Je sais comment le barrage a été

  2   dressé, mais je n'y ai pas participé ; je n'étais pas là.

  3   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, vous avez

  4   dit avoir pris contact avec le quartier général de la Défense

  5   territoriale, à Vitez, afin que la défense envoie des renforts, ce qu'ils

  6   n'ont pas pu faire. Est-ce bien exact ?

  7   Témoin K (interprétation). - Oui, alors que l'attaque était déjà

  8   en cours. Ceci ne s'est pas passé au départ de l'attaque, comme si nous

  9   avions été préparés à cette attaque. Mais, lorsqu'elle s'est déclenchée,

 10   nous avons lancé un appel à l'aide.

 11   M. Mikulicic (interprétation). - Pourtant certains habitants de

 12   Vrhovine, de Preocica et de Poculica sont venus ? Ils étaient près de chez

 13   vous, n'est-ce pas ?

 14   Témoin K (interprétation). - Oui.

 15   M. Mikulicic (interprétation). - D'après ce que vous savez et

 16   dont vous vous souvenez, est-il exact de dire que, dans cet endroit, la

 17   325e Brigade de montagne de l'armée de Bosnie-Herzégovine était

 18   stationnée, n'est-ce pas ?

 19   Témoin K (interprétation). - Non, la 325e Brigade de montagne

 20   -c'est donc une brigade musulmane-, je sais parfaitement qu'une partie de

 21   cette brigade se trouvait à Preocica et une autre partie de cette brigade

 22   était stationnée à Kruscica. Ce qui veut dire que, pour les Musulmans de

 23   Bosnie, la vallée de la Lasva ne comportait aucun élément musulman, aucune

 24   armée. Il y avait des éléments de cette brigade, mais ceux-ci avaient déjà

 25   rejoint la brigade précédemment et ils étaient cantonnés à Preocica.


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  1   M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, eh bien,

  2   c'est précisément ce que je vous demandais. Dans ce village de Preocica,

  3   il y avait tout du moins une partie de la 325e Brigade de montagne qui y

  4   était cantonnée, qui se trouvait sous le commandement de Esad Danovic ?

  5   Témoin K (interprétation). - Oui, je pense que c'était bien lui

  6   le commandant, Esad Danovic.

  7   M. Mikulicic (interprétation). - Vous n'êtes pas sûr ?

  8   Témoin K (interprétation). - Comme je vous l'ai dit, moi, je

  9   n'appartenais à aucun corps militaire, je m'occupais d'affaires civiles.

 10   Ne me posez donc pas trop de questions à propos de l'organisation

 11   militaire : vraiment, je n'y connais rien.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Fort bien. Indépendamment de

 13   cela, indépendamment du fait que vous ne vous trouviez pas au barrage, au

 14   point de contrôle, mais vous en avez entendu parler, avez-vous aussi

 15   entendu dire que des membres de la sécurité bosnienne avaient désarmé

 16   quatre soldats du HVO qui s'étaient aventurés sur cette route ?

 17   Témoin K (interprétation). - Cela, je n'en ai pas entendu

 18   parler. Ce que j'ai dit dans le cadre de ma déposition, c'est ceci :

 19   l'objectif était d'obtenir des armes, mais ces armes avaient été saisies.

 20   Il est donc possible que ce que vous racontez se soit effectivement

 21   produit.

 22   M. Mikulicic (interprétation). - Dites-moi, savez-vous qu'à

 23   cette occasion, un policier militaire de Kiseljak a été tué ?

 24   Témoin K (interprétation). - Oui.

 25   M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait eu


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  1   des balles incendiaires qui avait été tirées, que des étables de

  2   villageois avait été incendiées. Savez-vous si des étables appartenant à

  3   des Croates de la région avaient, elles aussi, été incendiées ? Je parle

  4   notamment à l'étable de Drago Josipovic.

  5   Témoin K (interprétation). - Il n'y a pas eu que des étables ;

  6   des maisons ont, elles aussi, été incendiées. S'agissant de l'étable de

  7   Josipovic, je ne suis pas passé par sa maison. Je pense cependant que son

  8   étable a été incendiée parce que tout à proximité, il y avait l'étable de

  9   Hazim Ahmic qu'ils ont ratée.

 10   M. Mikulicic (interprétation). - Certes, mais il n'empêche que

 11   l'étable de Josipovic a, elle aussi, été incendiée.

 12   Est-il exact de dire que, depuis Vitez, depuis la municipalité,

 13   le président à l'époque, M. Skopljak, est venu de cette municipalité pour

 14   voir quels étaient les dégâts causés à votre village. Par la suite, grâce

 15   à l'aide financière de la municipalité, tous ces dégâts ont été réparés.

 16   Est-ce exact ?

 17   Témoin K (interprétation). - Je sais qu'il y avait M. Zeco, mais

 18   qu'il y avait aussi des représentants croates. Je n'étais pas présent pour

 19   savoir exactement qui avait assisté à cette réunion. Je sais toutefois

 20   qu'un accord avait été conclu de compensation pour dégât et que ceci avait

 21   été fait.

 22   M. Mikulicic (interprétation). - Donc les dégâts ont été

 23   réparés ?

 24   M. Mikulicic (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

 25   plusieurs questions ayant trait à l'emprisonnement de votre fils. Vous


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  1   nous avez dit qu'il travaillait auparavant à l'usine Bratstvo ?

  2   Témoin K (interprétation). - Oui.

  3   M. Mikulicic (interprétation). - C'était une usine militaire,

  4   n'est-ce pas ?

  5   Témoin K (interprétation). - Oui.

  6   M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous où il a été capturé,

  7   arrêté, l'endroit précis où il a été arrêté ?

  8   Témoin K (interprétation). - Il a été arrêté à Stojkovici.

  9   M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que Stojkovici est un

 10   endroit proche de Novi Travnik ?

 11   Témoin K (interprétation). - Oui, tout à côté.

 12   M. Mikulicic (interprétation). - Vous étiez son père, inquiet du

 13   sort de son fils. Quand avez-vous essayé d'intervenir pour votre fils ?

 14   Vous vous êtes d'abord adressé au commandement de la Défense territoriale,

 15   à M. Dzidic, n'est-ce pas ?

 16   Témoin K (interprétation). - C'était tout à fait normal.

 17   M. Mikulicic (interprétation). - Qu'a-t-il répondu, cet homme ?

 18   A-t-il dit qu'il allait essayer de parler à quelqu'un ?

 19   Témoin K (interprétation). – Oui, à peu près. Il voulait essayer

 20   de me rassurer. Bien sûr que j'étais bouleversé. Il a dit : "J'appellerai

 21   quelqu'un de plus haut placé", mais cela n'a rien donné.

 22   M. Mikulicic (interprétation). – Plus tard, vous êtes allé voir

 23   Pero Skopljak ?

 24   Témoin K (interprétation). – Oui.

 25   M. Mikulicic (interprétation). – Que vous a-t-il dit ?


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  1   Témoin K (interprétation). – Je suis allé au bâtiment de la

  2   municipalité ; je l'y ai trouvé. Il m'a accueilli cordialement ; nous nous

  3   connaissions bien. Il a dit : "Moi, je suis un homme politique alors que

  4   cette question est d'ordre militaire. Je ne peux pas t'aider là-dessus".

  5   M. Mikulicic (interprétation). – Vous êtes d'abord aller voir

  6   M. Dzidic, puis M. Skopljak et vous avez fini par aller voir M. Cerkez ?

  7   Témoin K (interprétation). – Oui.

  8   M. Mikulicic (interprétation). – Vous souvenez-vous du poste

  9   qu'il occupait, M. Cerkez, à l'époque où vous êtes allé le voir ?

 10   Témoin K (interprétation). – J'ai peur de me tromper si je dis

 11   quelque chose. Ce que je sais, c'est qu'il occupait un poste très élevé.

 12   Je pensais qu'il était chef de la police militaire. C'était d'ailleurs la

 13   raison de ma visite. Je voulais demander son aide. Toutefois, par la

 14   suite, j'ai appris qu'il commandait le quartier général. Je ne sais pas

 15   quel poste il occupait exactement. C'est en qualité d'ami que je me suis

 16   adressé à lui, à titre individuel.

 17   M. Mikulicic (interprétation). – Vous êtes allé voir Cerkez

 18   parce que vous le connaissiez, de l'usine où vous travailliez et parce que

 19   vous aviez appris qu'il occupait un poste élevé ?

 20   Témoin K (interprétation). – Oui.

 21   M. Mikulicic (interprétation). – Est-il exact de dire qu'il a

 22   déclaré qu'il n'arriverait rien à votre fils, mais qu'il lui était

 23   impossible de vous aider puisque ce n'était pas lui qui était responsable

 24   de la région de Novi Travnik, alors que c'est là que votre fils avait été

 25   arrêté ?


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  1   Témoin K (interprétation). – Non. Il m'a dit que rien

  2   n'arriverait à mon fils. Il a expliqué les raisons de l'arrestation de mon

  3   fils. C'est la première fois que j'ai entendu un mot croate : "ovicen", le

  4   mot "arrestation". Mon fils et d'autres Musulmans avaient été arrêtés en

  5   vue de procéder à un échange.

  6   M. Mikulicic (interprétation). – C'est bien ce que qu'il vous a

  7   dit ?

  8   Témoin K (interprétation). – C'est ce qu'il m'a dit.

  9   M. Mikulicic (interprétation). – Je vous demandais également

 10   ceci : étant donné que votre fils avait été arrêté à Novi Travnik, que

 11   vous êtes allé voir Cerkez à Vitez, il vous a dit qu'il n'était pas

 12   responsable de la zone de Novi Travnik, d'où son impossibilité à vous

 13   aider ?

 14   Témoin K (interprétation). – Je ne m'en souviens pas.

 15   M. Mikulicic (interprétation). – Connaissez-vous éventuellement

 16   le supérieur hiérarchique de Cerkez dans la filière militaire ?

 17   Témoin K (interprétation). – Je dirais comme cela, à tout bout

 18   de champ, que c'est M. Blaskic, mais je n'en suis pas sûr. Si je le

 19   savais, je dirais volontiers qui c'est.

 20   M. Mikulicic (interprétation). – Je vous ai dit, au début de ce

 21   contre-interrogatoire, que j'avais beaucoup de compassion pour la tragédie

 22   qui fut la vôtre. Je ne veux donc pas vous poser trop de questions à

 23   propos des événements qui se sont produits le 16 avril à Ahmici. Pourtant,

 24   il me faut vous poser, malgré tout, certaines questions. Avez-vous vu des

 25   soldats qui ont attaqué votre village ? Je m'explique : est-ce que vous


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  1   avez vu quelle unité aurait attaqué votre village ?

  2   Témoin K (interprétation). – C'était bien cela le problème ! Le

  3   pilonnage a commencé à distance. Il est venu de Ravno, de Donja Rovna ; il

  4   y a eu comme cela de l'artillerie lourde. Plus tard, lorsque j'ai parlé à

  5   des mères, à des femmes dont les fils, les maris, les enfants avaient été

  6   tués, nous avons reconstitué les événements. Nous nous sommes rendus

  7   compte qu'en fait, c'était une tactique très élaborée qu'ils avaient

  8   appliquée. Il y avait un, deux ou trois soldats du HVO pour chacune des

  9   maisons musulmanes. Lorsque l'appel à la prière a été entendu ce matin-là,

 10   on a réveillé les gens en les appelant par leurs prénoms. Lorsqu'ils sont

 11   arrivés sur le seuil de leur porte, ils ont été tués. S'ils apparaissaient

 12   avec leur femme, elle était tuée également.

 13   Quant à savoir quelle était cette unité, j'ai vu des soldats qui

 14   couraient, qui traversaient les champs en courant, mais je n'ai pas pu les

 15   identifier. Je n'ai même pas osé les regarder, pour tout vous dire.

 16   M. Mikulicic (interprétation). – Vous avez vu certains soldats,

 17   quand même ! Est-ce que tous portaient le même uniforme ou bien portaient-

 18   ils des uniformes différents les uns des autres ?

 19   Témoin K (interprétation). – Pour moi, c'étaient tous des

 20   uniformes de camouflage. Il n'y avait pas le type d'uniforme que portait

 21   la JNA. Ceux-là, je les reconnaîtrais.

 22   M. Mikulicic (interprétation). – Avez-vous vu ou entendu dire

 23   par quelqu'un que M. Cerkez se serait trouvé à Ahmici à un moment donné ?

 24   Témoin K (interprétation). – Vous voulez dire au cours de ces

 25   événements ? Non, je n'ai pas vu M. Cerkez.


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  1   M. Mikulicic (interprétation). – Merci. Monsieurle Président, je

  2   n'ai plus de question à poser à ce témoin.

  3   M. Sayers (interprétation). – D'après le recensement de 1991, la

  4   population totale d'Ahmici s'élevait à 466 habitants avec 356 Musulmans et

  5   87 Croates. Pour vous, est-ce que ces chiffres correspondent à la réalité

  6   de l'époque ?

  7   Témoin K (interprétation). – Désolé, je n'ai pas compris l'année

  8   dont vous avez parlé. J'étais distrait.

  9   M. Sayers (interprétation). – 1991.

 10   Témoin K (interprétation). – Oui, c'est à peu près cela.

 11   M. Sayers (interprétation). – J'ai cru comprendre que vous avez

 12   travaillé à l'usine SPS jusqu'en avril 1993. Est-ce bien exact ?

 13   Témoin K (interprétation). – Pas jusqu'au 16, jusqu'au 13 avril.

 14   Au moment où mon fils a été arrêté, moi, j'ai quitté l'usine. Je ne

 15   pouvais plus retourner à l'usine.

 16   M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez

 17   avoir fait une déclaration au centre des enquêtes sur les crimes de guerre

 18   et le génocide contre les Musulmans, et ceci le 4 mai 1993 ?

 19   Témoin K (interprétation). - Pour vous dire vrai, au moment où

 20   nous sommes arrivés à Zenica, de tous les côtés on venait nous voir. Je ne

 21   peux pas leur donner les noms, il y avait le poste de sécurité de police,

 22   il y avait des étrangers, des journalistes, il y avait de tout. Je ne sais

 23   pas. C'est possible.

 24   M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

 25   avoir fait une déclaration au juge enquêteur Diana Hanovic le


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  1   15 décembre 1993 ?

  2   Témoin K (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

  3   M. Sayers (interprétation). - Est-il exact de dire que vous avez

  4   fait deux déclarations aux enquêteurs de l'accusation de ce Tribunal,

  5   l'une en février 1995 et l'autre en août 1996 ? Est-ce bien exact ?

  6   Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ces déclarations

  7   figurent ici. Elles sont versées au dossier. Oui.

  8   M. Sayers (interprétation). - Oui. Vous avez également déposé

  9   dans l'affaire Kupreskic, nous l'avons déjà établi, cela c'était en

 10   septembre de l'an dernier. Vous vous en souvenez ?

 11   Témoin K (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

 12   M. Sayers (interprétation). - Vous nous avez dit que vous êtes

 13   allé vous réfugier avec environ 150 à 200 autres résidents d'Ahmici, donc

 14   vous êtes allés vous réfugier dans la cave de M. Kermo ?

 15   Témoin K (interprétation). - C'est bien cela.

 16   M. Sayers (interprétation). - Et ceci en suivant un plan de la

 17   Défense territoriale qui avait été mis au point par M. Zeco, qui était le

 18   commandant de la force territoriale ?

 19   Témoin K (interprétation). - Non, non. Monsieur Zeco occupait ce

 20   poste-là. Mais je vous ai dit que c'est nous-mêmes qui nous sommes

 21   organisés, c'est nous-mêmes qui avons fait ce plan entre nous, entre

 22   villageois.

 23   M. Sayers (interprétation). - Est-il exact que le barrage

 24   d'octobre 1992 dont vous nous avez parlé a été établi près du cimetière

 25   catholique, à l'est d'Ahmici ?


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  1   Témoin K (interprétation). - Ou bien je ne reçois pas une bonne

  2   traduction, ou bien quelque chose se passe. Mais de toute façon ce n'était

  3   pas au cimetière, mais c'est avant le cimetière, et en regardant de

  4   Busovaca.

  5   M. Sayers (interprétation). - N'est-il pas exact que le

  6   commandant du 3ème Corps de Zenica a ordonné que ce barrage soit mis en

  7   place pour empêcher les forces du HVO de se diriger vers Travnik ?

  8   Témoin K (interprétation). - Ce n'est pas vrai. Le commandant du

  9   3ème Corps d'armée ne l'a pas ordonné, et c'est au cours de l'entretien à

 10   Fuad que quelqu'un du commandement local de Vitez qui lui avait dit.

 11   Zenica n'avait strictement rien à voir avec cela.

 12   M. Sayers (interprétation). - Si vous permettez, je vais vous

 13   lire la page 1 de votre déclaration du 4 mai 1993. On peut y lire, je

 14   cite : "Tout d'abord, je souhaite signaler que, avant même le début du

 15   conflit, il y en a eu un autre et que la raison pour ce conflit, c'est que

 16   le "barrage" mis en place à la demande du 3ème Corps d'armée afin

 17   d'empêcher les unités du HVO de se diriger vers Travnik..."

 18   Vous avez fait cette déclaration au centre chargé d'enquêter sur

 19   les criminels de guerre. Ceci se passait il y a cinq ou six ans. Vous vous

 20   en souvenez ?

 21   Témoin K (interprétation). - J'ai donné des déclarations, j'en

 22   ai dites, et plusieurs. Mais je ne pense pas pouvoir dire une chose

 23   pareille. Je n'ai jamais parlé de 3ème Corps d'armée. Il n'y en avait pas.

 24   Le 3ème Corps d'armée a été constitué bien après. Donc je n'ai pas dû en

 25   parler de cette manière-là et je pense que ce n'est pas vrai, ce n'est pas


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  1   comme cela que je l'ai dit.

  2   M. Sayers (interprétation). - Si vous me permettez, Monsieur le

  3   Président, je souhaiterais que l'huissier place ce document sur le

  4   rétroprojecteur. Il s'agit d'une photocopie de la déclaration faite par

  5   M. le témoin K à cette date.

  6               (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

  7   M. Lopez-Terres. - Monsieur le Président, le nom du témoin

  8   apparaît sur ce document.

  9   M. Sayers (interprétation). - A ce moment-là, il faudrait...

 10   M. le Président (interprétation). - Le témoin pourra répondre à

 11   toute question qu'on pourra lui poser si on lui remet entre les mains ce

 12   document.

 13   M. Sayers (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. En-

 14   dessous du titre "Déclaration", Monsieur  le Témoin, n'est-il pas exact

 15   que l'on peut lire exactement ce que je viens de vous lire ? Monsieur le

 16   Témoin, je sais que vous avez vécu des choses terribles, et je ne veux pas

 17   m'appesantir sur la question. Mais c'est ce qu'on peut lire, cependant,

 18   sur votre déclaration.

 19   Témoin K (interprétation). - Oui, je vous comprends

 20   parfaitement. C'étaient les déclarations qui ont été données tout de

 21   suite, au bout d'un mois, un mois, même un peu moins par rapport aux

 22   événements. Il y avait une confusion totale dans ma tête. Il n'est pas

 23   impossible que j'ai tout simplement dit -c'était un lapsus ou je ne sais

 24   pas quoi- le 3ème Corps.

 25   Je vous dis là, j'étais perturbé. Cette tristesse, ce chagrin


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  1   que j'ai vécu, enfin, il n'est pas impossible que j'ai dit cela. Mais il

  2   n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Moi, je veux bien partir en prison pour

  3   cela, mais je vous garantis que ce n'est pas vrai.

  4   M. le Président (interprétation). - On ne vous enverra pas en

  5   prison.

  6   M. Sayers (interprétation). - Vous avez fait la même déclaration

  7   six mois plus tard aux Juges chargés de l'enquête. Avec la permission de

  8   Messieurs les Juges, je souhaiterais demander à l'huissier de lui

  9   présenter cette déclaration ?

 10   M. le Président (interprétation). - Maître, est-ce qu’il s'agit

 11   de prouver la même chose ?

 12   M. Sayers (interprétation). - Oui.

 13   M. le Président (interprétation). - Je me demande si c'est bien

 14   nécessaire ?

 15   M. Sayers (interprétation). – Oui, je crois que la Chambre a

 16   bien compris ce que je voulais dire. N'est-il pas exact que l'armée de

 17   Bosnie-Herzégovine avait organisé une unité dans le village d'Ahmici,

 18   en 1992 ?

 19   Témoin K (interprétation). - J'ai dit qu’elle n’en avait pas et

 20   nous n'avions pas d'unité. En toute responsabilité, je le dis. Nous

 21   avions... Ce n'était pas véritablement une brigade, mais nous autres,

 22   villageois, nous nous sommes organisés, des civils. On avait organisé des

 23   patrouilles villageoises ; ce n'était certainement pas une formation, une

 24   unité militaire qui aurait pu être en mesure de combattre quelqu’un qui

 25   était armé. Il est normal que nous ne restions pas les mains croisées.


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  1   Nous avons essayé de trouver une sortie pour la situation dans laquelle

  2   nous nous sommes trouvés. Il n'y avait absolument pas d’unité, de

  3   formation militaire organisée. Je le jure.

  4   M. Sayers (interprétation). – Si vous me le permettez, je vais

  5   lire ce que vous avez dit aux Juges chargés de cette enquête, le

  6   15 décembre 1993.

  7   Avec la permission de Messieurs les Juges, je souhaiterais

  8   remettre au témoin l'original de sa déclaration dans sa langue.

  9   Vous avez dit au juge d'instruction : "Je voudrais commencer

 10   cette déposition en commençant par octobre 1992. A ce  moment-là, il y

 11   avait une unité organisée de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans notre

 12   village."

 13   Témoin K (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me montrer

 14   où cela se trouve ?

 15   M. Sayers (interprétation). - C'est ce que vous avez dit au juge

 16   d'instruction, il y a six ans, n'est-ce pas, monsieur ? Cela se trouve à

 17   la page 2 de votre déclaration.

 18   Témoin K (interprétation). - Je ne vois pas. Je ne trouve pas

 19   cela.

 20   M. Sayers (interprétation). - Cela se trouve à la page 2,

 21   lignes 3 à 5 de la version en croate.

 22   Témoin K (interprétation). – Là, je vois. A cette époque-là,

 23   c'était encore la Défense territoriale. J'ai bien dit qu'il y avait un

 24   ordre que nous avons reçu de Vitez, du commandement de Vitez. On parle de

 25   la Défense territoriale. Je ne vois pas autre chose.


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  1   M. Sayers (interprétation). - Si vous passez à la page 2, est-ce

  2   que je peux vous demander de lire les premières... Si vous pouvez nous

  3   lire pour le compte rendu de cette audience, nous lire ce que vous avez

  4   dit au juge d'instruction, il y a six ans. Je vous demande, s'il vous

  5   plaît, d’en donner lecture lentement.

  6   Témoin K (interprétation). - Vous pensez à partir du moment où

  7   c’est marqué : "A cette époque-là, on s'appelait... ". Vous voulez que je

  8   vous donne lecture dès le début ?

  9   M. Sayers (interprétation). - Depuis le début du passage en

 10   question.

 11   Témoin K (interprétation). - D'accord. Mais j'insiste, c'était à

 12   l'époque cette déclaration. Par conséquent, je cite mon témoignage : “A

 13   partir de 1992, dans notre village, il y avait une unité organisée de

 14   l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais on s'appelait la Défense

 15   territoriale…" C'est déjà tout à fait différent. Je dis : “On s’appelait

 16   la Défense territoriale”. La Défense territoriale est une formation

 17   militaire où il y avait aussi bien des Musulmans que des Croates.

 18   Il est vrai qu’une telle unité existait sur place, mais c’était

 19   une unité qui avait un caractère civil, local et toutes les nationalités

 20   habitant cet espace, en 1992, en faisaient partie intégrante. C’était

 21   avant la guerre ; c’était même une obligation de la loi. Même les femmes

 22   en faisaient partie et les hommes, bien évidemment, jusqu'à l'âge de 50 ou

 23   55 ans ; je ne me souviens plus exactement. C'était conforme à la loi de

 24   disposer d'une telle unité.

 25   M. Sayers (interprétation). - Merci. Je vous demanderai de


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  1   donner lecture des lignes suivantes. Cela permettra de bien comprendre ce

  2   que vous avez dit au juge d'instruction il y a six ans maintenant.

  3   Témoin K (interprétation). – Oui. “ Nous avons obtenu la tâche

  4   de dresser le barrage pour que les unités du HVO de Kiseljak et de

  5   Busovaca ne traversent pas le village pour regagner Novi Travnik". Il faut

  6   que je lise tout pour pouvoir ensuite, moi-même, vous donner la lecture à

  7   haute voix.

  8   Oui, il est vrai, ici, c'est marqué, qu'il y a un barrage qui a

  9   été dressé. C'est un fait. Comment il a été dressé, ceci n'a pas été dit

 10   en détail. Il s'agissait d'une déclaration faite dans des conditions assez

 11   rapides. Je ne nie pas ; je dis que ce n'est pas sur l'ordre que ce

 12   barrage a été dressé, mais deux policiers ont été frustrés ; c’est

 13   pourquoi ils l’ont dressé. Mais ce barrage, ils l’ont dressé. Tout

 14   simplement, j'ai donné les raisons pour lesquelles ils l'ont dressé.

 15   M. Sayers (interprétation). - Il est également exact -je crois

 16   que vous l'avez dit à la Chambre de première instance- que des renforts de

 17   quartier général de la Défense territoriale de Preocica, de Poculica et de

 18   Vrhovine sont venus renforcer l'unité organisée dans le village au moment

 19   où cette barricade a été érigée.

 20   Témoin K (interprétation). - Il est vrai qu'ils sont arrivés,

 21   mais j'insiste, ils ne sont pas venus en tant qu'unité organisée. Ils sont

 22   venus pour aider les personnes de la rue, les villageois. Tous les hommes

 23   qui étaient capables de lutter ont fait partie de la brigade qui a été

 24   stationnée tout à fait ailleurs. Il n'y a que des personnes âgées, ma

 25   génération, qui sont restés ou ceux qui n'étaient pas physiquement en état


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  1   pour être membres de la brigade. Et sachant que nous étions pratiquement

  2   tous des personnes âgées, ils nous ont envoyé les personnes pour nous

  3   aider. C'est tout !

  4   M. le Président (interprétation). – Maître Sayers, il est déjà

  5   plus de 4 heures. De combien de temps pensez-vous avoir besoin pour en

  6   terminer avec le contre-interrogatoire de ce témoin ?

  7   M. Sayers (interprétation). - Je pense en avoir pour

  8   trente minutes.

  9   M. le Président (interprétation). - Très bien, nous continuerons

 10   demain matin.

 11   Monsieur Lopez-Terres, il faudrait peut-être bien appeler le

 12   témoin, le témoin qui doit s’en aller, et non pas interposer un autre

 13   témoin ; ceci afin que nous puissions entendre la fin de ce témoin

 14   particulier avant la fin de cette semaine. Je vous demande d'en prendre

 15   compte, s'il vous plaît.

 16   M. Lopez-Terres. - Toutes les mesures vont être prises, Monsieur

 17   le Président, pour que cela puisse être fait.

 18   M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin, je vais

 19   vous demander de revenir demain matin, à 9 heures 30, afin que nous

 20   puissions en terminer avec votre déposition.

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 22               L'audience est levée à 16 heures 05.

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