Page 6660
1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE 3 4 Mercredi 15 septembre 1999 5 6 L'audience est ouverte à 09 heures 40. 7 8 Mme Lauer. - Affaire IT-95-14/2-T, le Procureur contre 9 Dario Kordic et Mario Cerkez. 10 M. Sayers (interprétation). - Monsieur le Président, permettez- 11 moi de soulever une question avant le début de l'audience. Cela a trait à 12 la question évoquée juste à la fin de l'audience hier soir : la 13 transcription de la vidéo qu'on nous a montrée indique le nom de Dario 14 Kordic. Or, il se trouve que nous avons établi qu'il n'était pas à 15 Kiseljak à ce moment-là et que c’est le colonel Blaskic qui s'est adressé 16 à cette foule. Ceci n'est pas controversé… 17 M. le Président (interprétation). - Mais, dans la transcription, 18 on voit le nom de Kordic ? 19 M. Sayers (interprétation). - Oui, on voit que c'est le 20 commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, le colonel 21 Kordic. En fait, c'était le colonel Blaskic qui occupait cette position. 22 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous me dire quel nom 23 est utilisé, Kordic ou Blaskic ? 24 M. Sayers (interprétation). - En fait, je crois que c'est la 25 personne qui présentait les intervenants qui a fait une erreur, qui a dit Page 6661 1 que c'est M. Kordic qui allait parler, alors qu'en fait, c’est le colonel 2 Blaskic qui s'est adressé à la foule. Donc, le nom de Kordic, tel qu'on 3 peut le voir, devrait être remplacé dans la transcription par le nom de 4 Blaskic. 5 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous aurons liberté 6 de modifier les comptes rendus en fonction de cette information. 7 M. Sayers (interprétation). - Merci. 8 M. le Président (interprétation). - Monsieur Scott ? 9 M. Scott (interprétation). - Nous sommes prêt, votre Honneur. 10 (Le témoin est introduit dans le prétoire.) 11 M. le Président (interprétation). - Monsieur Scott, vous en 12 étiez arrivé au paragraphe 60. 13 M. Scott (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Et, à 14 ce sujet, vous savez sans doute que la question de Kaonik a été évoquée 15 ici. Mais nous n'allons pas nous appesantir plus longtemps au sujet de ces 16 documents. Il y a des aspects qui ont été évoqués dans le cadre de la 17 déposition de M. Damon, qui a rencontré M. Kordic, qui lui a parlé de 18 Kaonik. Monsieur Damon est l'un des rares Occidentaux qui aient eu la 19 possibilité de visiter le camp de Kaonik. Donc sa perspective est quelque 20 peu différente de celle des témoins musulmans qui ont déposé ici. 21 Si, par exemple, je vous indique quelques paragraphes, comme les 22 paragraphes 72 et 73, je pourrais traiter de cette question en utilisant 23 ces paragraphes. Mais ce sera un peu différent des témoignages entendus 24 auparavant. Cela cependant sera très rapide. 25 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Page 6662 1 M. Scott (interprétation). - Monsieur Damon, si nous passons à 2 la période de mai 1993, est-il exact que vous ayez visité un camp du HVO à 3 Kaonik ? 4 M. Damon (interprétation). - Oui. 5 M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment vous 6 avez obtenu l'autorisation de visiter Kaonik ? 7 M. Damon (interprétation). - Eh bien, j'ai rencontré M. Kordic à 8 une occasion et nous avons parlé de la menace que faisait peser le monde 9 islamique sur les Croates en Bosnie. M. Kordic insistait sur l'existence 10 d'une telle menace ; je lui ai demandé de m'en donner la preuve. Il m'a 11 dit que des islamistes avaient été emprisonnés par les Croates, des hommes 12 qui avaient combattu. Je lui ai dit que ce serait une bonne idée pour moi 13 de les voir, comme il me l'avait d'ailleurs proposé. C'est donc ainsi que 14 je me suis rendu à Kaonik, que je ne connaissais pas auparavant. 15 M. Scott (interprétation). - Pour avoir les idées bien claires, 16 cette conversation a-t-elle eu lieu lors d'un dîner ? 17 M. Damon (interprétation). - Oui, lors d'un dîner. 18 M. Scott (interprétation). - Où ? 19 M. Damon (interprétation). - Dans le nid d'aigle. 20 M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous pouvez élaborer un 21 peu au sujet de votre conversation avec M. Kordic, ce soir-là, avant de 22 passer à Kaonik même ? 23 M. Damon (interprétation). - Comme beaucoup d'hommes politiques 24 dans la région croate de la Bosnie -d'ailleurs, ce n'étaient pas que les 25 hommes politiques, car les militaires pensaient de même-, il estimait, il Page 6663 1 pensait qu'il existait une menace islamique et que les Musulmans 2 souhaitaient créer un Etat islamique en Bosnie. Bien entendu, moi, j'ai 3 essayé de lui dire que c'était un peu difficile à croire. Mais il était 4 bien évident que cette menace islamique existait bel et bien à ses yeux. 5 M. Scott (interprétation). - A-t-il fait des observations dans 6 le sens de "Ces gens sont dangereux ?" 7 M. Damon (interprétation). - Il a fait des généralisations sur 8 les Musulmans. Je ne sais pas s'il a dit "ces gens-là" dans cette 9 conversation ; je crois qu'il l'a utilisée dans cette conversation de deux 10 heures. Il avait donc tendance à généraliser, à présenter les Musulmans 11 comme une menace au sein de la communauté croate, et parmi les hommes 12 politiques, on craignait de voir le début de l'établissement d'un corridor 13 islamique qui serait venu depuis la Turquie. 14 M. Scott (interprétation). - Est-ce que les événements d'Ahmici, 15 qui avaient eu lieu quelques jours avant ce dîner, est-ce que vous les 16 avez évoqués dans votre conversation ? 17 M. Damon (interprétation). - Je pensais qu'en fait c'était lors 18 d'un dîner différent. Mais je ne me souviens pas très bien, parce que nous 19 avons eu deux dîners. En tout cas, c'était après Ahmici. Mais si Messieurs 20 les Juges me permettent, j'aimerais bien éclaircir les choses pour 21 expliquer exactement la situation en 1992. 22 J’avais filmé les soldats croates, lorsque la Croatie était 23 attaquée par l'armée populaire yougoslave. J'ai donc passé un certain 24 temps dans les régions de Zagreb et dans la Krajina. J'en suis venu à 25 beaucoup respecter les soldats croates, dont beaucoup n'étaient d'ailleurs Page 6664 1 pas des soldats. C'étaient des gens qui avaient été rassemblés dans 2 l'urgence pour faire face à la menace. J'ai fait, par exemple, un film sur 3 Gordan Lederer, un cinéaste qui n'était absolument pas intéressé par 4 l'idée de la pureté ethnique, mais qui a été tué alors qu'il filmait aux 5 côtés des combattants croates, parce qu'il estimait que son pays..., on ne 6 faisait pas justice à son pays. Je pensais que les Croates étaient à même 7 de résister parce qu'ils étaient très optimistes, même face à une armée 8 énorme. 9 Et puis, quand je suis venu en Bosnie centrale en fin 1992, 10 début 1993, j'ai vu le même genre d'immoralité, d'actes immoraux que 11 j'avais vu utilisés contre les Croates, utilisés par les autres en Bosnie 12 centrale. Pour moi, j'avais l'impression que c'était une situation 13 catastrophique pour les Croates, et donc j'étais peut-être un peu naïf. 14 Mais lors de ce dîner, j'ai demandé à pouvoir rencontrer 15 M. Kordic un peu à part, avec uniquement un interprète. Je lui ai dit très 16 clairement que l'incident qui avait eu lieu à Ahmici était extrêmement 17 grave pour les Croates, nuisible aux Croates, en plus des souffrances 18 infligées que cela avait infligé aux Musulmans. Pourquoi ? Parce que 19 c'était immoral, parce que cela n'avait aucun fondement politique, il n'y 20 avait aucune raison politique au massacre de petits bébés. 21 Je lui ai dit qu'il apparaissait clairement que les enquêteurs 22 de l'ONU connaissaient déjà un certain nombre de noms des auteurs de ces 23 actes, et que les dirigeants Croates devaient faire leur possible pour que 24 ces personnes soient traduites en justice. 25 M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez si Page 6665 1 M. Kordic a répondu quoi que ce soit à ces remarques ? 2 M. Damon (interprétation). - Il m'a remercié, et puis il m'a dit 3 également qu'il y avait des extrémistes de tous les côtés -ce que tout le 4 monde disait à l'époque dans la région. Et d'ailleurs, c'est une réponse 5 que nous avons eue de nombreux dirigeants politiques de tous les côtés. 6 C'est tout. 7 Bien entendu, il n'a rien admis, mais je ne pense pas qu'il ait 8 lancé une enquête et que quiconque qui avait du pouvoir -et M. Kordic en 9 avait beaucoup dans cette vallée-, donc je ne pense pas que quiconque ait 10 essayé de trouver qui étaient les coupables et de faire en sorte de la 11 justice soit rendue. 12 M. Bennouna. - Peut-on demander au témoin si M. Kordic s'est 13 prononcé sur la moralité ou l'immoralité, la légalité ou l'illégalité des 14 actes dont le témoin vient de parler ? 15 M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous répondre, 16 monsieur Damon ? 17 M. Damon (interprétation). - Non, il n'a fait aucune 18 observation. Il n'a fait aucune observation sur le caractère juste ou non 19 de ce qui s'était passé. Il n'a pas dit si c'était bien ou mal. 20 M. Scott (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si 21 l'interprète qui vous avait assisté dans le cadre de cette conversation à 22 deux vous a dit au sujet de ces enquêtes dans les milieux des Croates de 23 Bosnie ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui, après cette conversation, un 25 de mes interprètes m'a dit que je m'adressais à la mauvaise personne, Page 6666 1 qu'il était bien évident qu'il y avait une politique destinée à éliminer 2 tous les Musulmans. Cela était décidé au plus haut niveau, et l'idée qu'il 3 y ait uniquement un petit nombre de coupables, de criminels que personne 4 ne pouvait contrôler n'avait absolument aucun sens d'après cette personne. 5 M. Scott (interprétation). - Pour continuer sur ce sujet, vous 6 aviez dit à M. Kordic qu'il serait bien que les Croates essaient de 7 trouver les coupables et les jugent ? 8 M. Damon (interprétation). - Oui, en fait, j'avais deux idées. 9 Moi, naïvement peut-être, mais je pensais que c'était vraiment une 10 catastrophe, ce qui s'était passé pour les Croates, pour l'esprit croate. 11 Il est apparu plus tard que la création de l'Herceg-Bosna était un échec. 12 D'autre part, en tant que journaliste, j'avais vraiment 13 l'impression qu'il pourrait m'aider à trouver les auteurs de ces 14 atrocités, arriver à bien les comprendre, puisque j'avais noué des 15 relations avec beaucoup de gens en Croatie. La télévision croate avait 16 fait l'année précédente un reportage sur moi parce que, apparemment, on 17 estimait que j'étais un journaliste digne de foi, et donc j'espérais qu'il 18 m'aiderait à comprendre, à élucider ces atrocités et de ne pas défendre 19 des gens qui ne faisaient rien pour permettre aux Croates de vivre 20 paisiblement. 21 M. Scott (interprétation). - Donc, vous avez parlé de cela avec 22 M. Kordic pendant le dîner mais, apparemment, d'après ce que vous nous 23 avez dit, M. Kordic vous a dit qu'il y avait des Musulmans qui venaient de 24 l'extérieur, des soldats musulmans qui étaient impliqués dans les combats 25 en Bosnie centrale ? Page 6667 1 M. Damon (interprétation). – Oui. D'ailleurs, je pense que 2 c'était vrai. Quant à savoir si les gens que j'ai vus étaient les 3 combattants en question, j'en doute fort. Mais de nombreuses sources nous 4 ont fait savoir -y compris dans l'armée de Bosnie-Herzégovine- nous ont 5 dit qu'il y avait des combattants islamiques, ceux que l'on appelait les 6 Afghanis. En fait, je crois qu'ils venaient d'autres pays que 7 l'Afghanistan. On les appelait les Afghani parce qu'à un moment donné, ils 8 avaient combattu en Afghanistan et qu'ils avaient été formés dans ce pays. 9 J'ai demandé à ce que l'on me montre des preuves de la présence de ces 10 hommes et M. Kordic a offert de me les montrer. 11 M. Scott (interprétation). – En allant à Kaonik ? 12 M. Damon (interprétation). – Oui. 13 M. Scott (interprétation). – Vous êtes allé, le 14 mai 1993, à 14 Kaonik ? 15 M. Damon (interprétation). – Oui, c'est la date qui figure sur 16 la cassette vidéo. 17 M. Scott (interprétation). – Afin de savoir exactement quand a 18 eu lieu ce dîner, de combien de jours a-t-il précédé votre séjour à 19 Kaonik ? 20 M. Damon (interprétation). – En fait, juste un ou deux jours 21 avant. 22 M. Scott (interprétation). – Quand vous êtes arrivé à Kaonik, le 23 14 mai, qu'avez-vous vu ? 24 M. Damon (interprétation). – Nous sommes montés le long d'un 25 chemin jusqu'à ce qui semblait être une ancienne caserne de l'armée Page 6668 1 populaire de Yougoslavie ou un entrepôt. C'était entouré d'une clôture. On 2 nous a emmenés dans un bâtiment qui ressemblait à un entrepôt bien qu'il y 3 ait des pièces qui ressemblaient vraiment à des cellules. On nous a permis 4 de filmer dans une ou deux de ces cellules. Nous avons donc vu des gens de 5 Turquie, du Pakistan et d'autres pays, je crois. Nous en avons vu entre 6 six et huit. J'ai trouvé que les conditions étaient déplorables. J'ai vu 7 pire dans d'autres camps, mais c'était déplorable parce que les conditions 8 sanitaires étaient catastrophiques. C'était très important pour ces gens. 9 Je dois dire que nous avons eu la possibilité de nous entretenir 10 avec ces prisonniers sans la présence des soldats croates dans la cellule. 11 Ils nous attendaient dehors. J'ai discuté avec l'un de ces prisonniers. Il 12 m'a dit que c'était pour lui très difficile de pratiquer sa religion parce 13 qu'il devait se laver avant de prier et que sa religion lui permettait 14 théoriquement de juste essuyer sa main sur le mur avant de prier. Pour 15 lui, la situation était très difficile. Le camp était très sale et je 16 pense que les conditions étaient inacceptables pour tout prisonnier de 17 guerre ou autre. 18 M. Scott (interprétation). – Et pour vous, Kaonik était une 19 prison militaire du HVO ? 20 M. Damon (interprétation). – Oui, c'était le HVO qui commandait. 21 M. Scott (interprétation). – Les gardes ou les soldats que vous 22 avez vus portaient des uniformes du HVO ? 23 M. Damon (interprétation). – Oui. 24 M. Scott (interprétation). – Pouvez-vous faire des observations 25 ou avez-vous eu une impression particulière au sujet des soldats du HVO Page 6669 1 qui se trouvaient à Kaonik ? Quelle était leur réaction face à votre 2 présence ? 3 M. Damon (interprétation). – Ils n'étaient pas très contents de 4 nous voir là. Ils n'étaient pas habitués à voir des journalistes venir 5 fourrer leur nez ou leur caméra dans leur prison. Il est vrai que j'ai vu 6 d'autres camps où les choses étaient encore pires, mais étant donné que, 7 jusqu'à présent, ils avaient été en mesure de faire exactement ce qu'ils 8 voulaient, cela ne leur faisait pas plaisir de nous voir. Ils avaient tous 9 l'impression que, sous l'ancien régime, régime communiste, aucun 10 journaliste n'aurait été autorisé à se rendre dans une prison. 11 M. Scott (interprétation). – Lorsque vous êtes arrivé à Kaonik, 12 ce matin-là, est-ce que vous avez pu savoir que c'est Dario Kordic qui 13 vous avait donné l'autorisation d'aller au camp ? 14 M. Damon (interprétation). – Oui, l'interprète qui avait obtenu 15 l'autorisation n'avait aucun doute à ce sujet. Il y a peut-être même eu un 16 document concret, mais je ne m'en souviens pas exactement. 17 M. Scott (interprétation). – Est-ce que les représentants du HVO 18 au camp étaient mécontents contre M. Kordic du fait de votre présence ? 19 M. Damon (interprétation). – Apparemment, ils n'étaient pas très 20 satisfaits. Il y a eu quelques conversations à l'entrée du camp. Bien 21 entendu, ils ne voulaient pas que nous entrions, mais ils avaient des 22 ordres. 23 M. Scott (interprétation). – Avant d'en finir avec ce sujet, 24 avez-vous appris si les prisonniers après ont été échangés ? 25 M. Damon (interprétation). – Oui, ils ont été échangés quelques Page 6670 1 jours plus tard. Je l'ai vu moi-même au centre de Zenica, un échange 2 contrôlé et supervisé par l'armée britannique. On nous a donné la 3 possibilité d'assister à cet échange depuis notre véhicule pendant un 4 certain temps. Ensuite, un des combattants islamiques -parce qu'il était 5 clair que ce n'était pas uniquement l'armée de Bosnie-Herzégovine qui 6 était une des parties en présence dans l'échange-, à un certain moment, un 7 de ces hommes a pointé un fusil, une arme antiaérienne, en direction de 8 notre véhicule. Il nous a dit de partir. Je suis allé voir le chef de la 9 police à Zenica, le chef de la police bosniaque, et je lui ai demandé 10 comment cela se faisait que des gens puissent se promener ainsi avec des 11 armes antiaériennes. Il a simplement haussé les épaules. 12 M. Scott (interprétation). – Parlons d'autre chose. Vers cette 13 époque ou de par vos voyages en Bosnie centrale, avez-vous appris 14 l'existence d'un bâtiment que l'on appelait le Bungalow ? 15 M. Damon (interprétation). – Oui, c'était une construction en 16 bois, à proximité d'Ahmici. 17 M. Scott (interprétation). – Avez-vous appris qui occupait, qui 18 utilisait ce bâtiment ? 19 M. Damon (interprétation). – C'était de l'ouï-dire, des rumeurs 20 qui circulaient. Apparemment, c'était censé être la base des extrémistes, 21 des soldats, des paramilitaires qui étaient responsables de ce qui s'était 22 passé à Ahmici, même si, auparavant, c'étaient des militaires qui 23 occupaient ce bâtiment. 24 M. Scott (interprétation). – Peu de temps après Ahmici, avez- 25 vous pu vous rendre au Bungalow ? Page 6671 1 M. Damon (interprétation). – Oui, toujours aussi innocemment, je 2 voulais savoir ce qui s'était passé. Je me disais, d'une façon un peu 3 romantique, que puisque j'avais été dans des tranchées aux côtés de 4 Croates en 1991, je ne m'attendais pas de leur part à ce qu'ils se 5 comportent de cette façon. Lorsque j'avais entendu l'histoire relative au 6 village de Cajdras, dans les montagnes ou dans les collines à proximité 7 d'Ahmici, où apparemment, des atrocités avaient été commises contre les 8 Croates. C'est ce que l'on m'avait dit, comme si cela pouvait expliquer 9 Ahmici. 10 M. Scott (interprétation). – Question directe : avez-vous 11 demandé à ces personnes pourquoi Ahmici s'était produit ? 12 M. Damon (interprétation). – Tout à fait. 13 M. Scott (interprétation). – Que vous a-t-on répondu ? 14 M. Damon (interprétation). – Que Cajdras était la raison de tout 15 cela. 16 M. Scott (interprétation). – Qu'avez-vous fait après cela ? 17 M. Damon (interprétation). – Je suis allé à Cajdras, sûrement 18 pas par un détour puisqu'on est passés par Zenica : c'était plus facile 19 pour traverser les lignes. Même si, par la suite, nous avons plusieurs 20 fois repassé directement les lignes pour aller à Cajdras, nous avons pris 21 le long chemin pour aller cette fois-là. Nous avons constaté que des 22 hommes avaient été arrêtés. Nous avons vu ces hommes à Zenica au moment où 23 s'y trouvait la Croix-Rouge également, mais les femmes, les familles, les 24 enfants, les personnes âgées étaient en assez bon état. J'ai aussi 25 rencontré un prêtre qui s'occupait de leur bien-être, qui veillait sur Page 6672 1 eux. 2 M. Scott (interprétation). – Est-ce que vous avez pu circuler 3 librement ou il pouvait aller librement où il voulait ? 4 M. Damon (interprétation). – Nous avons rapidement parlé, 5 échangé quelques propos. Il s'inquiétait bien sûr de l'avenir. Je lui ai 6 demandé directement à cet homme, s'il était harcelé. Il m'a répondu que ce 7 n'était pas le cas, du moins pas à cette époque-là. Il y avait des 8 villages dans des endroits reculés, des foyers de Croates où il y avait 9 des problèmes. Il n'y avait pas de problème à ce moment-là au sein du 10 village. 11 M. Scott (interprétation). – Avant d'avancer dans la 12 chronologie, nous sommes en mai 1993, vous vous êtes beaucoup déplacé en 13 Bosnie centrale, notamment à Busovaca, Nadioci et Ahmici ? 14 M. Damon (interprétation). - Tout à fait. 15 M. Scott (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges -je ne 16 veux pas ici vous guider dans cet exposé-, parler aux Juges de ce que vous 17 pensez par rapport aux attitudes que vous avez vues, aux avis que vous 18 avez entendu s'exprimer ; à votre avis, que pensaient ces groupes de leur 19 coexistence ? 20 M. Damon (interprétation). - Il y avait une politique assez 21 claire. Il était clair que cette politique était mise en place pour 22 purifier la région. Une fois que cette idée de purification ethnique avait 23 commencé à prendre racine, c'était devenu une campagne militaire qui avait 24 été lancée pour éliminer les Musulmans. Cela a commencé en octobre 1992, 25 mais, à son apogée, je pense qu'il y avait effectivement eu des Page 6673 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la 14 pagination anglaise et la pagination française. 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Page 6674 1 négociations en vue d'une trêve. Toutefois, cela a pris de l'ampleur petit 2 à petit, jusqu'en avril 1993, jusqu'au moment où ont commencé les 3 atrocités contre les Musulmans à Vitez et aux alentours, à Ahmici et, par 4 la suite, ailleurs également. 5 Dans bien des endroits de Herzégovine, on se rendait compte que 6 les gens pensaient qu'on ne pouvait pas faire confiance aux Musulmans, 7 qu'il fallait s'en débarrasser. Je me souviens de villages que j'ai vus, 8 qui se trouvaient plus près de Mostar, qui avaient été sous les 9 bombardements, sous les pilonnages serbes au début de la guerre. Mais ils 10 disaient qu'ils préféraient encore vivre avec les Serbes davantage qu'avec 11 les Musulmans, alors que les Musulmans ne les avaient jamais pilonnés, 12 eux. Il y avait beaucoup de ressentiment. La preuve en est -elle a été 13 apportée- que tout ceci relevait d'un plan politique. 14 M. Scott (interprétation). - Vous aviez commencé à parler d'une 15 politique : cette politique était rattachée à quel groupe ethnique ? 16 M. Damon (interprétation). - Certains hommes politiques croates 17 avaient pour plan de créer un Etat d'Herceg-Bosna, lequel serait annexé à 18 la Croatie. J'ai vu un document sur lequel se trouvait ce plan et auquel 19 plusieurs hommes politiques importants croates avaient apposé leur 20 signature. J'aurais bien voulu avoir une photocopie de cela. 21 M. Scott (interprétation). - Avez-vous vu la date de rédaction 22 de ce document ? 23 M. Damon (interprétation). - Octobre 1991 était la date que j'ai 24 vue, mais je ne sais plus quand j'ai vu ce document. J'avais le sentiment 25 que je l'avais encore quelque part dans mes papiers. J'ai essayé de le Page 6675 1 retrouver, ce document ; malheureusement, cela n'a pas été le cas. 2 M. Scott (interprétation). - Pourriez-vous parler aux Juges de 3 toute différence d'opinion que vous auriez notée entre les Croates, d'un 4 côté, et les Musulmans, de l'autre, s'agissant de cette coexistence 5 mutuelle ? 6 M. Damon (interprétation). - Je ne veux pas être trop romantique 7 ici. Bien sûr, il y a eu des excès de part et d'autre. Par la suite -je 8 l'ai vu en 1993 et début 1994-, j'ai vu une église catholique qui se 9 trouvait dans les collines, en surplomb de Konjic, qui avait été ravagée 10 par les Musulmans. Apparemment, ce genre de chose arrivait de côté-là 11 aussi. Mais, si vous voulez, cet esprit d'agression qui a ainsi été 12 insufflé dans la région, cet esprit de pureté ethnique était manifestement 13 le fait des Croates. 14 Par exemple, à Mostar, j'ai parlé avec des adolescents. 15 D'ailleurs, j'ai fait un petit documentaire à leur propos. Ils m'ont dit 16 clairement que c'étaient des Musulmans sur la rive orientale, la rive Est 17 de Mostar : "Nous aimerions bien vivre avec eux, mais nous ne pensons pas 18 qu'eux veulent vivre avec nous", m'avaient-ils dit. C'était peut-être un 19 des euphémismes du siècle, mais manifestement c'était l'ambiance qui 20 régnait à l'époque. 21 Puis, j'ai aussi rencontré des soldats musulmans qui avaient été 22 blessés, amputés, à l'hôpital de Zenica. Ils avaient été acheminés en 23 avion de la Bosnie orientale ; c'étaient manifestement des Musulmans très 24 antichrétiens. Peut-être que l'expérience qu'ils avaient vécue les avait 25 radicalisés. Manifestement, si l'on parle d'un plan, d'une politique Page 6676 1 destinée à assurer une ségrégation, une séparation entre les différentes 2 religions, à ce moment-là, on peut dire que ce plan était croate ; j'ai 3 bien peur de devoir le dire. C'est une tragédie, parce qu'en fait, les 4 ressemblances entre ces deux peuples étaient beaucoup plus importantes que 5 les différences qui les séparaient. Manifestement, les politiciens, les 6 hommes politiques ne voulaient que semer le trouble. 7 M. Scott (interprétation). - Parlons de votre déplacement à 8 Cajdras. Vous en avez déjà parlé. Par la suite, êtes-vous retourné à 9 Cajdras avec des officiels de Zenica ou bosniens ? 10 M. Damon (interprétation). - Oui, quelques jours plus tard. Je 11 ne sais plus la date exacte, mais elle se trouve sur la cassette. C'était 12 un peu un exercice de relations publiques. J'avais déjà rencontré Oganic, 13 le vice-président, à Sarajevo. Je lui ai proposé d'aller à Cajdras, pour 14 deux raisons. D'abord, je me suis dit que cela allait montrer que rien ne 15 s'était passé à Cajdras, mais aussi, à mon avis, il était important qu'il 16 voie de ses propres yeux ce qui s'était passé. Parce que les hommes 17 politiques, à Sarajevo, s'isolent aisément de ce qui se passe à 18 l'extérieur du pays. 19 Il a accepté notre proposition ; il est allé à Cajdras pour 20 rencontrer le prêtre ainsi qu'une femme qui se trouvait là et qui était 21 très claire. Elle m'avait accordé un interview, elle m'a exprimé un avis 22 que j'entendais bien trop rarement. Elle a dit qu'elle s'inquiétait du 23 sort des personnes, des femmes et des enfants qu'elle savait de l'autre 24 côté de la ligne de confrontation. Elle était croate, mais elle 25 s'inquiétait du sort des femmes et des enfants musulmans. Page 6677 1 M. Scott (interprétation). - En guise de référence, ce prêtre 2 catholique, était-ce le père Stjepan ? 3 M. Damon (interprétation). - Oui. 4 M. Scott (interprétation). - Je vais demander à la régie de nous 5 diffuser la pièce 1064, mais qui a reçu la cote 930.1 de la part du Bureau 6 du Procureur. 7 Mme Lauer. - La régie n'a pas cette cassette. 8 M. Scott (interprétation). - Il y a peut-être une erreur dans la 9 cote. Est-ce que vous pourriez vérifier le 1 0 8 9 : 1089 ? Je répète : 10 1 0 8 9. Je pense que la cote est bonne. Je pense que c'est bien la 11 cote 930.1, mais nous avions donné une cote, si vous voulez, une 12 numérotation particulière à des fins techniques. 13 (Diffusion de la cassette.) 14 Commentaires. - "Et d'autres jeunes du monde islamiste qui sont 15 détenus depuis quelques mois dans cette prison transformée en entrepôt, 16 ces hommes disent qu'ils sont simplement venus pour aider la Bosnie et 17 qu'ils ont été arrêtés en route. 18 "Je pense que personne ne peut vivre dans cette pièce, dit le 19 détenu. D'abord, ils nous ont donné un petit peu de nourriture, maintenant 20 on n'a plus rien, on n'a plus que de l'eau et un peu de pain. Ils pensent 21 que nous sommes venus ici combattre ces gens, mais nous ne sommes pas 22 venus ici pour cela." 23 Commentaire : Apparemment, ces prisonniers ne peuvent pas se 24 détendre, marcher, se laver. Ils n'ont pas encore été traduits en justice. 25 Peut-être qu'ils seront échangés contre ces Croates qui se trouvent à Page 6678 1 16 kilomètres de là, à Zenica, dans une partie contrôlée toujours par 2 l'armée bosnienne. Ici du moins, ils ont de l'eau et de l'air frais. Ils 3 ont été détenus parce que les Musulmans pensaient qu'ils voulaient 4 rejoindre des unités militaires croates. Nous avons pu parler à ces hommes 5 en l'absence de gardes. 6 "Certains d'entre nous, dit un des déternus croates, étaient en 7 uniforme, mais nous avons été attaqués". La plupart ont dit qu'ils 8 resteraient à Zenica s'ils étaient libérés, mais cet homme s'est dit qu'il 9 ne serait jamais en liberté, il est pansé là, il est blessé parce que "ils 10 m'ont frappé avec des câbles et une chaise. J'ai des fractures un peu 11 partout. Ce sera difficile. Il est difficile de lancer des passerelles 12 entre les deux communautés. Mais cet homme, ici, est venu le faire dans ce 13 village. Il a parlé aux femmes et aux parents d'hommes, et il a voulu leur 14 dire que ces personnes ne seraient pas expulsées. Effectivement, il y a eu 15 des harcèlements des policiers, car les hommes ont été emmenés alors 16 qu'ils avaient donné leurs armes. Il y a peu d'avenir ici, à moins qu'un 17 gouvernement ne reprenne les trois religions de la Bosnie. Cette visite 18 est une tentative pour essayer de rompre ce cycle vicieux de la violence. 19 Effectivement, certains veulent se venger alors que nous, nous 20 sommes la majorité ici, et nous devons prendre l'initiative pour essayer 21 de remédier à tout ce qui a été commis ici. Nous vivons ici avec ces 22 autres communautés et nous devons continuer à le faire. Un jour ou 23 l'autre, ceci se terminera". 24 Commentaire : De retour en ville, la Croix-Rouge a veillé à 25 l'organisation d'un échange de prisonniers. Ces prisonniers sortent, font Page 6679 1 des signes à ceux qui restent derrière eux, et puis serrent la main à des 2 soldats Musulmans qui sont, bien sûr, leurs voisins. C'est une des plus 3 grandes tragédies de la Bosnie que de voir que des amis peuvent venir si 4 facilement devenir des ennemis. 5 Dan Damon, Fox News et Sky News, Zenica." 6 (Fin de la diffusion de la cassette.) 7 M. Scott (interprétation). - A la suite de votre visite à 8 Cajdras, quand avez-vous tiré des conclusions s'agissant de la véracité 9 des informations que vous avaient fournies les hommes au Bungalow, à 10 propos d'Ahmici ? 11 M. Sayers (interprétation). - Ici, nous avançons dans un terrain 12 où ce sont les opinions qui prévalent et non pas les faits. 13 M. le Président (interprétation). - Je suis d'accord. Continuez, 14 Maître Scott. 15 M. Scott (interprétation). - Fort bien. Je crois que nous avons 16 déjà abordé le paragraphe 87, Monsieur le Président. Vers le milieu du 17 mois de mai 1993, avez-vous eu l'occasion d'enregistrer, vous et votre 18 équipe, toute une série de réunions auxquelles participaient Tudjman, 19 Mate Boban ainsi que d'autres personnalités ? 20 M. Damon (interprétation). - Oui, à Medjugordje ? 21 M. Scott (interprétation). - Est-ce que la régie peut nous 22 diffuser la pièce 936.1 ? C'est la première cassette qui a reçu la 23 cote 1108... mais en fait il y a deux 1108 parce qu'il y a deux segments. 24 Mais nous voulons que soit diffusé le premier segment. 25 (Diffusion de la cassette.) Page 6680 1 Commentaires. - "Un calme soudain se rétablit ici dans cette 2 région de Bosnie alors qu'il y a des hélicoptères qui amènent Franjo 3 Tudjman qui a demandé une réunion pour essayer d'obtenir un renforcement 4 du soutien apporté aux Croates. Mate Boban arrive aussi, Alija Izetbegovic 5 ainsi que Lord Owen et Stolten Berg. Ils reconnaissent qu'ils viennent ici 6 pour essayer de garder en vie le processus de paix. Les négociations ne 7 peuvent pas tout faire. La réalité c'est que, si les Croates et les 8 Musulmans ne parviennent pas à coexister, il n'y aura plus de Bosnie- 9 Herzégovine. 10 Commentaire : Et puis, leur porte-parole dit que ce plan 11 pourrait être ressuscité même si les Serbes le déclarent mort. Sa nature 12 provisoire tient au fait que certaines positions peuvent changer. Ici, 13 nous avons un corridor, un couloir stratégique nécessaire pour acheminer 14 les ressources vers le Nord. Mais il n'y a aucune garantie. On nous a dit 15 que l'armée musulmane, même si elle a perdu devant les Serbes depuis un 16 an, elle peut gagné dans la bataille contre les Croates. 17 Il faut d'après eux, dit le commentaire, que les Croates 18 acceptent un commandement unique pour parvenir à un accord avec les 19 Musulmans. Il y a une certaine accalmie dans les combats après plusieurs 20 jours d'affrontements assez sévères. Maintenant, les gens retournent dans 21 la rue assez rapidement à Mostar autour du commandement où, là, on a eu 22 quelques-uns des affrontements les plus vifs. Le bataillon espagnol a 23 envoyé davantage de renforts pour essayer de maintenir cette trêve en vie. 24 Mais lorsque les hommes politiques seront partis, la guerre peut 25 recommencer à tout moment. Page 6681 1 Dan Damon, Sky New et Fox News, Mostar." 2 M. Scott (interprétation). - Il y a une deuxième cassette qui 3 porte la cote 936.2, qui porte aussi pour ce segment le n° 1108, mais 4 c'est la même cassette. 5 (Diffusion de la cassette.) 6 Commentaires. - "Une réunion d'un jour entre les Croates et les 7 Musulmans et une délégation conjointe devaient veiller à la libération des 8 prisonniers. Les Espagnols des Nations Unies se trouvent là et essayent 9 d'organiser le voyage sans en garantir le succès. Owen et Stolten Berg ont 10 l'habitude de signer des accords futiles. La base fondamentale du plan de 11 paix, c'est que ces documents qui ont été signés avec tant de facilité et 12 rejetés avec tout autant de facilité ne pourront pas suffire. Il est 13 normal qu'il y ait eu des difficultés quasi immédiates car les Croates ne 14 voulaient pas à un point de contrôle la présence des Musulmans. Il a fallu 15 négocier pour le voyage se poursuive. 1200 Musulmans sont ici détenus. Les 16 Croates en disent que ce sont des soldats, alors qu'eux disent que ce sont 17 des civils. Aucun progrès n'a été réalisé en vue de leur libération. Le 18 principal bénéficiaire sera sans doute Franjo Tudjman qui insiste sur sa 19 position de dirigeant dans un pays qui n'est pas le sien. Dan Damon". 20 M. Scott (interprétation). - Ce matin, vous nous avez dit que 21 vous, vous étiez convaincu de l'existence d'un plan de purification 22 ethnique des Croates ? 23 M. le Président (interprétation). - Je pense que là, vous vous 24 aventurez une fois de plus sur un terrain où c'est nous qui décidons. Bien 25 sûr, nous pouvons entendre de la part du témoin ce qu'il a vu, entendu, ce Page 6682 1 qu'il a raconté à ce propos. Mais vous savez que, s'agissant de ces 2 procédures, c'est tout à fait sans pertinence d'avoir son avis ; c'est 3 nous qui décidons. 4 M. Scott (interprétation). - Vous étiez dans la Lasva, en avril 5 et en mai 93, et toute une série d'attaques ont été lancées pratiquement 6 le même jour ? 7 M. Damon (interprétation). - Il y a eu toute une série 8 d'attaques le long de la vallée. Ceci s'était étalé sur plusieurs jours. 9 Peut-être est-ce qu'elles ont commencé un jour précis, mais il était 10 certain qu'il s'agissait là d'attaques coordonnées, dirigées plus 11 précisément contre les Musulmans. 12 M. Scott (interprétation). - Quelques jours avant les événements 13 d'Ahmici, avez-vous entendu dire qu'il y avait un ultimatum du HVO ? 14 M. Sayers (interprétation). - Objection. D'après le résumé, nous 15 avons un rapport venant d'un membre non identifié de la force opposante à 16 propos de ce que quelqu'un de l'autre force, de la force opposée, aurait 17 dit. Nous avons un ouï-dire au moins de troisième main. 18 M. le Président (interprétation). - Il est préférable que vous 19 établissiez la base de tout ceci. Puis, nous déciderons. 20 M. Scott (interprétation). - Quelle est la source des 21 informations que vous avez à propos de l'ultimatum ? 22 M. Damon (interprétation). - Eh bien, un briefing m'a été donné 23 à tout cela par un porte-parole de l'armée musulmane. 24 M. Scott (interprétation). - Au cours de votre travail de 25 journaliste ? Page 6683 1 M. Damon (interprétation). - Oui, j'étais en train de 2 l'interviewer et il m'a dit que cet ultimatum avait été donné. 3 M. Scott (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de la 4 nature de cet ultimatum ? Cela voulait-il dire, par exemple : "Cela se 5 passera si quelque chose ne se passe pas ?" 6 M. Damon (interprétation). - Non. On leur avait dit de rendre, 7 de remettre toutes leurs armes. C'était cela l'ultimatum. 8 M. Scott (interprétation). - Puisque vous avez passé un certain 9 temps en Bosnie centrale, monsieur Damon, êtes-vous reparti de cette 10 région avec une idée précise sur le rôle joué par Mario Kordic ? 11 M. le Président (interprétation). - C'est précisément là que le 12 bât blesse. C'est là que les Juges doivent intervenir pour décider. 13 M. Scott (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le Président. 14 Je pense que c'est davantage qu'une opinion. Vous avez ici devant vous un 15 homme qui s'est vraiment beaucoup déplacé en Bosnie centrale. Donc, je ne 16 pensais pas que ce serait de spéculations dont il nous ferait part. 17 Je terminerai par ceci, monsieur Damon. A partir des 18 informations que vous avez faites,… Puisque vous avez vu M. Blaskic et 19 M. Kordic à plusieurs reprises, n'est-ce pas ? 20 M. Damon (interprétation). - Oui. 21 M. Scott (interprétation). - Eh bien, fort de ces observations, 22 est-ce que vous avez vu des éléments vous disant quelle était la nature 23 des rapports entre M. Blaskic et M. Kordic ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui, M. Blaskic était un militaire, 25 il venait de la JNA, il avait fonction de commandant militaire pour la Page 6684 1 région, à un certain niveau. Pour moi, il ne faisait aucun doute que son 2 supérieur hiérarchique était Dario Kordic. Bien sûr, étant un soldat de 3 l'ex-JNA, il allait rechercher une certaine direction politique qui lui 4 était donnée par Dario Kordic. 5 M. Scott (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser, 6 Monsieur le Président. Je vous remercie. 7 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, monsieur 8 Sayers. 9 M. Sayers (interprétation). - Bonjour, monsieur, je suis Steve 10 Sayers et je défends Dario Kordic. J'aimerais répéter ce qu'a dit 11 Me Scott, étant donné que nous parlons la même langue. Si nous parlons 12 trop rapidement, vous savez que les interprètes ne sont pas toujours 13 contents, et ils ont raison de ne pas l'être. Veillez à ménager une petite 14 pause entre la question et la réponse. Je vous en remercie d'avance. 15 Est-ce que vous avez vu que Dario Kordic donnait des 16 instructions au colonel Blaskic ? 17 M. Damon (interprétation). - Non. 18 M. Sayers (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous 19 avez travaillé en tant que journaliste indépendant en 92, 93 et 94 en 20 Bosnie centrale ? 21 M. Damon (interprétation). - Oui. 22 M. Sayers (interprétation). - Vous avez donc travaillé pour 23 Sky News et quelques autres agences, n'est-ce pas ? Je pense que Sky News 24 est une télévision par satellite, qui fait partie d'une société 25 Rupert Murdoch ? Page 6685 1 M. Damon (interprétation). - Non, ils viennent de se séparer. 2 M. Sayers (interprétation). - Excusez-moi, d'accord. Je vais 3 donc me corriger. Par conséquent, votre territoire, celui que vous avez 4 couvert, c'est l'Europe de l'Est ? 5 M. Damon (interprétation). - Oui. L'Europe de l'Est, mais 6 ailleurs également. 7 M. Sayers (interprétation). - Vous ne parlez pas le croate ? 8 M. Damon (interprétation). - Vous voulez dire qu'à cette époque- 9 là, je ne parlais pas le croate. Je pense que, la dernière année, j'ai 10 passé mon temps à apprendre grâce à un séminaire, à un cours. Avant, je ne 11 parlais pas. 12 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, vous vous êtes 13 reposé sur vos interprètes ? 14 M. Damon (interprétation). - Oui. Après un certain temps, vous 15 avez un sentiment de ce qu'il se passe devant vous. Le Croate est une 16 langue qui n'est pas très éloignée, comme d'autres langues que j'ai 17 apprises ; par exemple, le hongrois qui n'a absolument rien à voir avec le 18 groupe de langues indo-européen. Évidemment, je me suis reposé sur les 19 interprètes. Je ne parlais pas la langue à cette époque-là. 20 M. Sayers (interprétation). - En ce qui concerne votre 21 profession, les tâches que vous avez exécutées vous ont fait apprendre à 22 distinguer ce qui était une vérité et ce qui était des rumeurs, et la 23 sagesse à la fois ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui, vous avez parfaitement raison. 25 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous pouvez distinguer Page 6686 1 ce que les gens ont vu de leurs propres yeux ou ce qu'ils ont entendu ? 2 Vous faites la distinction entre les rumeurs et ce qui a été vu ? 3 M. Damon (interprétation). - Oui. Je le sais. 4 M. Sayers (interprétation). - Je pense qu'il est d'une 5 importance capitale pour votre réputation, pour les rapports que vous 6 faites, pour gagner votre vie, que votre rapport repose sur les faits ? 7 M. Damon (interprétation). - Oui, je le sais. 8 M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous le faites, il 9 est important de savoir également qui sont les personnes qui participent 10 aux événements, où les événements ont eu lieu, de quoi il s'agit, etc. ? 11 M. Damon (interprétation). - Oui, tant que ce soit possible. Par 12 conséquent, des erreurs sont possibles. 13 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous serez d'accord 14 avec moi que vous vous êtes retrouvé dans une situation chaotique de la 15 guerre civile, qu'il y avait plein d'informations, de désinformations qui 16 ont été utilisées de tous les côtés, n'est-ce pas ? 17 M. Damon (interprétation). - Je n'accepte pas le terme 18 "confusion". Beaucoup ont été confus, évidemment. Personnellement, j'ai 19 passé beaucoup de temps là-bas et je ne pense pas que j'ai été aussi 20 confus que les autres. 21 M. Sayers (interprétation). - Indépendamment de cela, je pense 22 que nous pouvons dire qu'il y avait quand même la désinformation utilisée 23 comme routine dans les mass media et toutes les parties l'ont utilisée, 24 les Serbes de Bosnie, les Croates de Bosnie, les Musulmans de Bosnie 25 également ? Page 6687 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la 14 pagination anglaise et la pagination française. 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Page 6688 1 M. Damon (interprétation). - Oui, c'est un fait. Moi-même, j'en 2 ai été victime à un moment donné. J'en ai parlé devant cette Chambre. J'ai 3 dit que mes rapports ont été transmis par les satellites ; que ces 4 rapports ont été enregistrés par toutes les télévisions locales et que mes 5 commentaires ont été interprétés à plusieurs reprises. Après un certain 6 temps, j'ai compris que ces traductions étaient utilisées pour désinformer 7 le public, qui n'étaient pas véritablement exactes. 8 M. Sayers (interprétation). – Vous avez voyagé. Vous étiez dans 9 la région de Gornji Vakuf en 1992. Et l'été, vous avez trouvé que les 10 forces musulmanes là-bas n'étaient pas tout à fait présentes ? 11 M. Damon (interprétation). – C'est vrai. 12 M. Sayers (interprétation). – Et les Musulmans et les Croates 13 coopéraient pour se défendre contre les Serbes ? 14 M. Damon (interprétation). – Oui. 15 M. Sayers (interprétation). – Pour pouvoir véritablement 16 présenter à la Chambre ce qui se passait en Bosnie centrale, en 1992 et 17 1993, est-il exact de dire qu'il y avait, à cette époque-là, une offensive 18 intensive des Serbes du côté de l'est, de l'ouest et du nord ? 19 M. Damon (interprétation). – Oui. 20 M. Sayers (interprétation). – Ceci a provoqué l'arrivée d'un 21 grand nombre de réfugiés en Bosnie centrale ? 22 M. Damon (interprétation). – Oui. 23 M. Sayers (interprétation). – Au moment où nous parlons des 24 organisations politiques, vous en avez parlé quelque peu, vous avez 25 rencontré M. Boban en personne ? Page 6689 1 M. Damon (interprétation). – Oui. 2 M. Sayers (interprétation). – A plusieurs reprises ? 3 M. Damon (interprétation). – Oui. Je l'ai interviewé deux fois. 4 M. Sayers (interprétation). – De cette cassette vidéo versée au 5 dossier, nous avons pu voir que M. Boban a été le porte-parole croate lors 6 des négociations à Medjugordje à la fin de 1993 ? 7 M. Damon (interprétation). – Oui. 8 M. Sayers (interprétation). – Je suppose que M. Kordic n'a 9 jamais assisté à ces négociations ? 10 M. Damon (interprétation). – Je ne l'ai jamais vu là-bas. 11 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous savez que M. Boban 12 a été président de l'entité intitulée "Communauté croate de Herceg- 13 Bosna" ? 14 M. Damon (interprétation). – Je ne le savais pas. En revanche, 15 je savais qu'il était président du HDZ. 16 M. Sayers (interprétation). – Pourriez-vous nous dire quel poste 17 occupait M. Kordic au sein de cette entité ? 18 M. Damon (interprétation). – Il était numéro 2, tout de suite 19 après M. Boban, au HDZ. 20 M. Sayers (interprétation). – J'ai parlé de la communauté 21 croate. Je n'ai pas parlé du HDZ. C'est pourquoi je vous demande quel 22 était le poste que M. Kordic occupait dans ce cadre-là. Si vous ne le 23 savez pas, ce n'est pas important. 24 M. Damon (interprétation). – J'ai entendu dire qu'il était 25 numéro 2, tout de suite après M. Boban. Page 6690 1 M. Sayers (interprétation). – Il y avait combien de vice- 2 présidents au HDZ ? 3 M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas. 4 M. Sayers (interprétation). – Saviez-vous que M. Bozo Rajic 5 était également vice-président de la communauté croate de Herceg-Bosna ? 6 M. Damon (interprétation). – Oui, je savais qu'il occupait un 7 poste important. 8 M. Sayers (interprétation). – Maintenant, nous allons revenir au 9 HDZ. Est-ce que vous savez ce que cela veut dire ? 10 M. Damon (interprétation). – Oui. Cela veut dire la Communauté 11 croate… 12 M. Sayers (interprétation). – C'était un parti politique ? 13 M. Damon (interprétation). – Oui. 14 M. Sayers (interprétation). – Qui était le président de ce parti 15 politique en Bosnie centrale au moment où vous y étiez ? 16 M. Damon (interprétation). – Local ? 17 M. Sayers (interprétation). – Non ! Organisation nationale. 18 M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas. 19 M. Sayers (interprétation). – Au niveau de Busovaca, Vitez, est- 20 ce que vous savez qui était président des organisations locales du HDZ ? 21 M. Damon (interprétation). – Je ne connais pas la structure en 22 détail. 23 M. Sayers (interprétation). – Saviez-vous qu'au niveau d'Etat, 24 le HDZ avait cinq présidents, dont l'un était Kordic ? 25 M. Damon (interprétation). – Non, je ne le savais pas. Page 6691 1 M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire que, lors de 2 vos réunions avec M. Boban, vous avez conclu qu'il était une personne 3 assez violente et qu'il avait beaucoup de poids ? 4 M. Damon (interprétation). – Pas tellement. 5 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous avez pu conclure 6 que M. Kordic avait beaucoup de force également ? 7 M. Damon (interprétation). – Oui. Mais je ne pense pas, de toute 8 façon, que l'opinion que j'ai pu former avait du poids et de l'importance 9 politiques. 10 M. Sayers (interprétation). – Vous avez eu l'occasion de 11 rencontrer M. Kordic trois ou quatre fois ? 12 M. Damon (interprétation). – Oui. 13 M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire qu'il a 14 toujours été gentil, qu'il vous a accueilli, lors de vos réunions, de 15 manière gentille ? 16 M. Damon (interprétation). – Oui. 17 M. Sayers (interprétation). – Il vous a aidé ? 18 M. Damon (interprétation). – Oui. 19 M. Sayers (interprétation). – Pourrions-nous dire qu'il a même 20 assuré à ce que vous-mêmes, vos collègues journalistes, vous puissiez vous 21 rendre partout où vous le souhaitiez ? 22 M. Damon (interprétation). – Je ne peux pas parler au nom de mes 23 collègues, mais en ce qui me concerne, il m'a beaucoup aidé. 24 M. Sayers (interprétation). – Il n'a jamais mis des limites pour 25 les choses que vous vouliez voir ? Page 6692 1 M. Damon (interprétation). – Non. Pas lui, en personne. 2 M. Sayers (interprétation). – Et les gens dont vous avez parlé ? 3 M. Damon (interprétation). – Non. 4 M. Sayers (interprétation). – Eh bien, au moment où vous 5 l'approchiez ou quand vous lui avez demandé de l'aide dans des contextes 6 différents, il a toujours fait ce qu'il fallait pour vous aider ? 7 M. Damon (interprétation). – Oui, il était puissant. Il a pu 8 profiter de son pouvoir pour nous aider et travailler à notre profit. 9 M. Sayers (interprétation). – Est-il juste de dire que des 10 Croates qui ont vécu en Bosnie-Herzégovine étaient une minorité, qu'ils 11 représentaient 17,4 % de l'ensemble de la population ? 12 M. Damon (interprétation). – Oui, c'était à peu près le 13 pourcentage dont il a été question. 14 M. Sayers (interprétation). – Je vais encore vous poser quelques 15 questions en ce qui concerne les structures locales politiques. Est-ce que 16 vous aviez l'occasion de parler avec le chef du pouvoir politique civil, 17 Maric ? 18 M. Damon (interprétation). – Non, je ne me souviens pas de 19 l'avoir rencontré à Busovaca. 20 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez que 21 vous avez rencontré le commandant de la brigade du HVO, stationnée à 22 Busovaca, M. Grubesic ? 23 M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas d'une telle 24 réunion. 25 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous connaissez ce Page 6693 1 nom ? 2 M. Damon (interprétation). – Non. 3 M. Sayers (interprétation). – Je suppose que M. Maric n'est pas 4 un nom que vous connaissez ? 5 M. Damon (interprétation). – Non, c'est un nom que je connais, 6 mais j'ai connu beaucoup de commandants et je crains de ne pas avoir 7 retenu tous les noms. 8 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous avez rencontré le 9 chef du gouvernement civil, M. Ivica Santic, à Vitez ? 10 M. Damon (interprétation). – Je connais son nom, mais je ne sais 11 pas exactement où j'ai entendu parler de ce nom. 12 M. Sayers (interprétation). – On vous a questionné sur un 13 certain nombre de choses et je pense qu'il s'agissait plus d'un camion qui 14 portait les plaques d'immatriculation de l'armée croate. Pendant tout ce 15 temps-là, pendant que vous étiez reporter, pendant que vous avez voyagé, 16 traversé le pays, vous vous êtes déplacé, vous avez vu ce qui s'est passé 17 dans la région à partir de laquelle vous avez reporté : n'est-il pas exact 18 que vous avez vu une seule fois un camion avec des plaques 19 d'immatriculation comme cela ? 20 M. Damon (interprétation). - Oui, effectivement, et j'ai même 21 dit quels étaient les raisons et le contexte dans lequel nous l'avons vu. 22 M. Sayers (interprétation). - Mais uniquement une fois ? 23 M. Damon (interprétation). - Oui, mais on a en parlé beaucoup, 24 déjà on en parlait beaucoup. Mais moi, personnellement, j'ai vu une seule 25 fois un tel camion. Page 6694 1 M. Sayers (interprétation). - C'était, à ma connaissance, à 2 quelques kilomètres au sud-ouest par rapport à la frontière qui séparait 3 la Croatie et la Bosnie de l'Ouest, de l'Herceg-Bosna, à côté de 4 Tomislavgrad ? 5 M. Damon (interprétation). - Oui. C'est en Herceg-Bosna. 6 M. Sayers (interprétation). - Vous ne connaissez pas l'identité 7 des personnes qui occupaient ces camions ? 8 M. Damon (interprétation). - Non. 9 M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez pas remarqué quels 10 insignes qu'ils portaient ? 11 M. Damon (interprétation). - Non. 12 M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez même pas vu s'il y 13 avait encore d'autres personnes dans ce camion ? 14 M. Damon (interprétation). - J'étais concentré sur l'avant du 15 camion et pas sur les personnes qui y étaient. 16 M. Sayers (interprétation). - Vous avez dit à la Chambre que 17 vous n'avez jamais vu des unités régulières de Croatie dans la ville de 18 Busovaca. 19 M. Damon (interprétation). - Oui. 20 M. Sayers (interprétation). - Et ceci est vrai également pour 21 l'ensemble de la vallée de la Lasva ? 22 M. Damon (interprétation). - Oui. 23 M. Sayers (interprétation). - Et pour la vallée de Lepenica ou 24 de Kiseljak ? 25 M. Damon (interprétation). - C'est vrai pour cette vallée Page 6695 1 également, à ma connaissance. 2 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez parlé avec le 3 commandant du HVO dont vous avez parlé en 1994, et qui s'appelait 4 Ante Roso ? 5 M. Damon (interprétation). - Non. 6 M. Sayers (interprétation). - Quand nous parlons des manoeuvres 7 -on a vu dans une cassette vidéo ces manoeuvres-, vous-même, vous n'avez 8 pas assisté à de telles manoeuvres, vous ne les avez pas vues ? 9 M. Damon (interprétation). - Non. 10 M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous que vous avez 11 déjà déposé dans l'affaire Zlatko Aleksovski ? 12 M. Damon (interprétation). - Oui. 13 M. Sayers (interprétation). - Aviez-vous l'occasion de 14 rencontrer un des chefs de ces unités paramilitaires dont il a été 15 question dans cette affaire ? 16 M. Damon (interprétation). - Vous pensez à moi, à mon 17 témoignage, je ne sais pas ? 18 M. Sayers (interprétation). - Je vais tout simplement vous 19 rappeler un certain nombre de points à ce sujet-là. Vous avez rencontré 20 également un certain nombre d'unités paramilitaires des deux côtés, n'est- 21 ce pas ? 22 M. Damon (interprétation). - Oui. Du côté croate, j'ai vu 23 uniquement cette unité qui m'a été décrite comme unité paramilitaire. Elle 24 s'appelait Jockeri. 25 M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez jamais vu les chefs Page 6696 1 qui étaient les plus connus. Page 1284, vous avez dit que vous n'avez 2 jamais rencontré de telles personnes ? 3 M. Scott (interprétation). - Je pense qu'il serait utile quand 4 même de soumettre le transcript au témoin. 5 M. Damon (interprétation). - Je ne le conteste pas, je ne pense 6 pas avoir rencontré qui que ce soit de ces personnes dont vous parlez. 7 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous savez qui était le 8 chef des Jockeri ? 9 M. Damon (interprétation). - Non. 10 M. Sayers (interprétation). - Au moment où nous parlons du 11 combat qui s'est déclenché au printemps 1993, il est vrai, n'est-ce pas, 12 que vous avez remarqué, et bien avant, au début de la journée, très tôt 13 dans la journée, qu'il y avait une tension entre le HVO et la Défense 14 territoriale ? 15 M. Damon (interprétation). - Oui, j'ai déjà donné la description 16 de cette situation-là en octobre. Nous sommes passés à travers la zone de 17 combats, nous avons parlé avec des Musulmans sur un point de contrôle, à 18 côté de l'école. C'était la base britannique par la suite. Je me souviens 19 qu'on a commencé à tirer sur nous. J'ai supposé que c'étaient les forces 20 croates qui ont tiré sur nous. Je suppose que ce n'étaient pas des 21 Musulmans, étant donné qu'à ce moment-là on était sur le point de 22 contrôle. 23 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, vous voulez dire 24 que les Musulmans ont dressé le point de contrôle qui était juste à côté 25 du commandement de la base britannique, et puis il y avait donc des Page 6697 1 combats qui se sont déclenchés au moment où vous les avez interviewés ? 2 M. Damon (interprétation). - Non, je ne peux pas parler qu'il y 3 avait des combats, mais tout simplement on a tiré là-dessus. Les 4 Musulmans, les Bosniens n'étaient pas armés au moment où nous les avons 5 interviewés. 6 M. Sayers (interprétation). - Pour que l'on puisse être clairs 7 en ce qui concerne les termes, en ce qui concerne des forces qui, par la 8 suite, ont été connues sous le terme "l'armée de Bosnie-Herzégovine" 9 en 1993 étaient la Défense territoriale. Ils avaient des insignes de TO ? 10 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas à quel moment cela a 11 été changé, mais je sais qu'au début ils étaient connus sous le terme 12 Défense territoriale. 13 M. Sayers (interprétation). - Je ne pense pas que nous pourrions 14 contester qu'il était tout à fait de routine de voir des personnes qui 15 portaient des uniformes de camouflage des deux côtés : des Musulmans et 16 Croates ? 17 M. Damon (interprétation). - Oui. 18 M. Sayers (interprétation). - Vous avez même vu les secrétaires 19 qui étaient vêtues d'uniformes de camouflage ? 20 M. Damon (interprétation). - Oui, mais elles portaient des 21 talons. 22 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, des uniformes de 23 camouflage avec des talons ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui. 25 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, nous pouvons dire Page 6698 1 qu'il n'y avait pas véritablement une uniformisation en ce qui concerne 2 les habits que les gens portaient ? 3 M. Damon (interprétation). - Oui, mais il y avait beaucoup 4 d'unités qui ont été vêtues dans des uniformes de manière tout à fait 5 professionnelle qui était disciplinaire. 6 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, il n'était pas 7 inhabituel en 1993 de voir les personnes qui portaient des insignes 8 militaires, même de la police militaire alors que, d'après vous, elles 9 n'ont pas été formées au cours de leur vie ? 10 M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas de la police 11 militaire, mais il est vrai qu'il y avait des personnes qui portaient des 12 insignes militaires mais qui ne donnaient pas l'impression de l'être. 13 Probablement qu'ils ont été recrutés, enfin qu'ils sont passés sous les 14 drapeaux dans l'ex-JNA. 15 M. Sayers (interprétation). - Nous allons revenir sur votre 16 témoignage... non, pardon, sur le témoignage concernant le briefing à 17 Tuzla. Est-ce que vous avez un ordre sur l'ultimatum, vous l'avez vu ou 18 non ? 19 M. Damon (interprétation). - Non, il m'a montré la carte. Il m'a 20 montré également la zone sur laquelle portait cet ordre. 21 M. Sayers (interprétation). - C'est ce qu'il avait dit ? Par 22 conséquent, ce que vous savez sur cet ordre-là, c'est ce que vous avez 23 entendu par le commandant des forces musulmanes, n'est-ce pas ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui. 25 M. Sayers (interprétation). - Vous avez rencontré le colonel Page 6699 1 Blaskic à quelques reprises à Vitez, dans son Q.G. à l'hôtel Vitez ? 2 M. Damon (interprétation). - Oui. 3 M. Sayers (interprétation). - C'était tout à fait à proximité de 4 la base où vous vous trouviez, tout au moins au début de 1993, qui se 5 trouvait pratiquement porte à porte à Nova Bila où se trouvait le Britbat 6 également ? 7 M. Damon (interprétation). - En début 1993, si mes souvenirs 8 sont bons, nous étions encore dans un café à côté du couvent, à Kiseljak. 9 Après à Ahmici, nous avons été transférés dans la maison à côté du 10 Britbat. 11 M. Sayers (interprétation). - Monsieur Damon, en parlant de 12 cela, au moment où vous êtes allé vers le nord, donc vous avez emprunté la 13 route pour regagner le nord, à partir du café où vous étiez, vous êtes 14 arrivé jusqu'au village de Kacuni, à un point de contrôle à Kacuni ? 15 M. Damon (interprétation). - Oui. 16 M. Sayers (interprétation). - Vers le pont ? 17 M. Damon (interprétation). - Oui, vers le pont. 18 M. Sayers (interprétation). - Et tout ce temps-là, pendant que 19 vous étiez en Bosnie centrale, depuis janvier jusqu'en 1995, ce tronçon 20 était de 3 kilomètres, et il a été contrôlé par les forces musulmanes, 21 n'est-ce pas ? 22 M. Damon (interprétation). - Si je me souviens bien, le premier 23 point de contrôle des Musulmans était du côté de Zenica, quelque peu plus 24 bas. Je ne sais pas plus. Ce que je peux vous dire, bien évidemment, c'est 25 ce que l'armée britannique m'a dit, mais je ne pense pas que vous Page 6700 1 souhaitiez le savoir. 2 M. Sayers (interprétation). - Mais vous saviez donc qu'il y 3 avait cette zone musulmane entre Kacuni et Bilalovac ? 4 M. Damon (interprétation). - Non, c'était le territoire qui 5 n'appartenait à qui que ce soit. 6 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez visité le 7 silo également où il y avait un certain nombre de détenus croates 8 début 1993 ? Ils étaient très nombreux. 9 M. Damon (interprétation). - Non, le silo que j'ai pu visiter 10 servait pour détenir les Serbes. 11 M. Sayers (interprétation). - Mais c'était plutôt vers le sud ? 12 M. Damon (interprétation). - Oui. 13 M. Sayers (interprétation). - Vous avez décrit le colonel 14 Blaskic comme le commandant de toutes les forces du HVO en Bosnie 15 centrale ? 16 M. Damon (interprétation). - Oui. 17 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, c'était le poste 18 qu'il occupait. Chaque fois, quand vous avez eu besoin d'obtenir une 19 autorisation de vous déplacer, de rencontrer quelqu'un, c'était le soldat 20 avec qui vous auriez dû vous mettre en contact pour parler ? 21 M. Damon (interprétation). – Oui, c'était pendant un certain 22 temps comme cela. 23 M. Sayers (interprétation). - Par ailleurs, vous avez dit être 24 allé à Kiseljak pour obtenir l'autorisation pour filmer dans la vallée de 25 Kiseljak et dans la région de Kiseljak ? Page 6701 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la 14 pagination anglaise et la pagination française. 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Page 6702 1 M. Damon (interprétation). – Oui, je me souviens. Vous pensez au 2 début de la guerre ? 3 M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous avez rencontré 4 le chef de police à Kiseljak ? 5 M. Damon (interprétation). – Oui, nous sommes allés là-bas. 6 M. Bennouna. - Je vous interromps simplement pour vous rappeler 7 que, d'une façon générale, vous n'avez pas besoin de rappeler chaque fois 8 à un témoin ce qu'il a dit précédemment, dans le témoignage principal ; 9 parce que nous l'avons constaté au sein de la Chambre. En ne faisant pas 10 répéter cela au témoin, nous pourrions gagner du temps. Comme vous le 11 savez, le temps est très précieux dans ce Tribunal international. Nous 12 vous remercions. 13 M. Sayers (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, 14 Messieurs les Juges. 15 M. le Président (interprétation). – Maître Sayers, vous pouvez 16 demander quand vous avez filmé à Kiseljak, vous avez fait cela ou cela, 17 pas autre chose. Nous ne revenons pas sur des choses déjà entendues. 18 M. Sayers (interprétation). - Au moment où vous avez filmé à 19 Kiseljak, vous êtes allé chez Vinko Lukic. C'est là-bas que vous avez 20 demandé l'autorisation ? 21 M. Damon (interprétation). – Au moment où nous avons été prêts 22 pour filmer, nous savions qu'il y aurait des objections. Au début de la 23 guerre, on pouvait se déplacer sans problème. Il y avait un certain nombre 24 de dangers, mais on pouvait obtenir des autorisations. Au fur et à mesure, 25 nous avons également compris quelles étaient les personnes auxquelles il Page 6703 1 fallait s'adresser pour faire les choses, notamment pour les activités 2 sensibles et les régions sensibles. Nous savions qu’il fallait s’adresser 3 à telle ou telle personne. 4 M. Sayers (interprétation). - Par conséquent, il fallait 5 s'adresser au colonel Blaskic pour un certain nombre de régions 6 sensibles ? 7 M. Damon (interprétation). - Oui. 8 M. Sayers (interprétation). - Il y avait d'autres personnes 9 auxquelles vous vous êtes adressés ? 10 M. Damon (interprétation). – Oui, il y avait des commandements 11 politiques auxquels nous nous sommes adressés. 12 M. Sayers (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez 13 appris que le colonel Blaskic avait suivi un certain nombre d'ordres de 14 quelqu'un. Vous a-t-il dit lui-même qu'il obtenait des ordres de quelqu'un 15 que vous avez identifié ? 16 M. Damon (interprétation). – Non, il ne me l’a pas dit. Je 17 n’entends pas la langue, mais j’essaie de rafraîchir mes souvenirs, et du 18 ton de l'entretien. L'interprète qui a travaillé avec moi n'était pas 19 véritablement un interprète simultané. Il était quelqu'un qui était 20 journaliste de la Voïvodine. Lui-même souvent discutait avec les gens, 21 filmait ce qui a été dit. Par conséquent, je ne me souviens pas 22 véritablement, de manière concrète, comment l'entretien s'est déroulé mot 23 par mot. 24 Je me souviens que l'interprète m'avait dit à plusieurs reprises 25 quelle était la hiérarchie, les structures hiérarchiques dans la vallée. Page 6704 1 Comme vous l’avez décrit déjà, c’est le colonel Blaskic qui était le 2 commandant militaire. Mais il y avait la direction politique et Dario 3 Kordic était un homme politique très haut placé. 4 M. Sayers (interprétation). - Qui étaient les officiers 5 supérieurs à M. Blaskic ? 6 M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir posé la 7 question, mais ils étaient en dehors de la région où nous nous trouvions. 8 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que l’on pourrait dire que 9 vous n'avez jamais parlé avec le général de brigade Milivoj Petkovic ? 10 M. Damon (interprétation). – J’ai peut-être été présent à une 11 conférence de presse à laquelle il a participé mais je ne me souviens pas 12 avoir parlé directement et concrètement avec la personne en question. 13 M. Sayers (interprétation). - Entendu. En ce qui concerne le 14 colonel Blaskic, vous avez considéré que c'était un soldat militaire 15 professionnel ? 16 M. Damon (interprétation). - Certainement. 17 M. Sayers (interprétation). - Il était par conséquent le 18 commandant d'une armée bien disciplinée, bien organisée ? 19 M. Damon (interprétation). - Oui, il a commandé aux forces qui 20 étaient disciplinées et qui ont obéi à ses ordres. 21 M. Sayers (interprétation). - Lors de réunions entre Blaskic et 22 Stewart, vous avez parlé que le colonel Blaskic a accepté, par exemple, 23 que le village d'Ahmici était dans sa zone de responsabilité ? 24 M. Damon (interprétation). - Oui. 25 M. Sayers (interprétation). - Il a dit également que lui-même Page 6705 1 était responsable des opérations militaires qui ont eu lieu le 2 16 avril 1993 ? 3 M. Damon (interprétation). – Oui, il a dit qu'il était 4 responsable mais a nié qu'il avait ordonné ce massacre. 5 M. Sayers (interprétation). - Vous ne pouvez pas, par 6 conséquent, prouver que le colonel Blaskic avait ordonné quoi que ce soit 7 qui pourrait être appelé comme massacre ? 8 M. Damon (interprétation). - Non. 9 M. Sayers (interprétation). - C'est vrai également pour 10 M. Kordic ? 11 M. Damon (interprétation). – Oui, comme je l’ai dit déjà 12 auparavant, il me semble qu’il s'agissait d'événements ultérieurs qui, 13 éventuellement, intéressaient la Chambre. 14 M. Sayers (interprétation). - En ce qui concerne le village 15 d'Ahmici, vous avez vu un certain nombre de cartons avec des munitions, 16 quelque chose était écrit en cyrillique ? 17 M. Damon (interprétation). - Non, en chinois. 18 M. Sayers (interprétation). - Il y avait également un certain 19 nombre de pays de l'Est ? 20 M. Damon (interprétation). - Pourriez-vous répéter la question ? 21 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des 22 cartons avec des munitions avec des inscriptions en langue arabe, au 23 moment où vous avez visité ? C’était en avril et mai 1993 ? 24 M. Damon (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je me 25 souviens avoir vu les inscriptions en langue chinoise et sur les munitions Page 6706 1 que j’ai vues à Busovaca. 2 M. Sayers (interprétation). - Nous revenons à l'affaire 3 Aleksovski, à la page 1287 : "Nous avons vu beaucoup de munitions, de 4 sources différentes, des pays du Proche-Orient, d'autres pays, écrits en 5 cyrillique et en chinois". 6 M. Damon (interprétation). – Vous, vous parlez d’Ahmici ; je 7 n'ai pas identifié de munitions à Ahmici. Nous avons vu des armes qui 8 provenaient du Proche-Orient, effectivement. 9 M. Sayers (interprétation). - Une autre question concerne le 10 minaret détruit. Est-ce que vous avez remarqué, à n’importe quel moment, 11 en avril et en mai, vous avez vu des graffitis ? 12 M. Damon (interprétation). - Non. 13 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous saviez que 14 12 Croates ont été massacrés dans le village de Dusina, le 15 26 janvier 1993 ? 16 M. le Président (interprétation). - Pourquoi posez-vous cette 17 question ? 18 M. Sayers (interprétation). - C'est tout simple. Je pense que 19 M. Damon disait qu'il n'était pas au courant qu'il y avait des massacres 20 de Croates dans la vallée de la Lasva. Je pense qu'il l'avait dit. 21 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous le saviez, 22 monsieur Damon ? 23 M. Damon (interprétation). – Non, je ne le savais pas. Je n'ai 24 pas dit que je ne savais pas qu'il y avait des crimes de tous les côtés. 25 M. le Président (interprétation). - Le témoin a dit qu'il y Page 6707 1 avait des atrocités et des excès de tous les côtés. 2 M. Sayers (interprétation). – Monsieur Damon, vous avez dit être 3 à Tuzla quand les combats se sont déclenchés. Est-ce que vous connaissiez 4 les événements qui ont précédé les combats dans la vallée de la Lasva ? 5 M. Damon (interprétation). - Non. Si vous pensez qu'il y avait 6 une tension qui a augmenté. A ce moment-là, j'ai appris par les rapports, 7 les discussions avec mes collègues qui travaillaient pour la BBC qu'il y 8 avait des escalades. 9 M. Sayers (interprétation). – Vous n'avez pas vous-même des 10 informations ? 11 M. Damon (interprétation). – Non. 12 M. Sayers (interprétation). – Nous allons revenir sur 13 l'entretien que vous avez eu avec M. Kordic. Vous avez décrit M. Kordic 14 comme quelqu'un qui vous a dit qu'il était inquiet quelque peu. C'était 15 pendant le dîner qui a duré plusieurs heures. Et ceci à cause des 16 moudjahidin qui venaient de Libye, d'Algérie, d'Iran, etc. Est-ce que 17 c'est vrai ? 18 M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas des pays 19 mentionnés, mais on a parlé des combattants islamiques. 20 C'est de cela qu'on a parlé. C'était en quelque sorte de cette 21 manière-là qu'il confirmait sa crainte qu'un Etat islamique était en train 22 de se créer. 23 M. Sayers (interprétation). – A plusieurs reprises, il avait mis 24 l'accent là-dessus. Ce n'était pas lui uniquement, mais d'autres personnes 25 en ont parlé. Page 6708 1 M. Damon (interprétation). – Oui, j'en ai entendu parler par les 2 commandants supérieurs. Il y en a un qui a fait une carte. Il m'a dit 3 comment on réalise la menace islamique. Dans l'ensemble de Bosnie, vous 4 auriez pu entendre la même théorie. 5 M. Sayers (interprétation). – Il ne s'agissait pas pour vous 6 d'une opinion individuelle qui vous a beaucoup surpris de la part d'un 7 Croate ? 8 M. Damon (interprétation). – Si, cela m'a surpris. Parce que 9 Dario Kordic était pour moi un journaliste. C'est ce que j'avais cru 10 comprendre. Je crois qu'il avait été journaliste auparavant. Je savais 11 qu'il était intelligent. Donc entendre ce genre de propos au sujet d'une 12 théorie de la conspiration fondée sur des vues extrêmement racistes, 13 entendre cela de quelqu'un qui avait fait ce qu'il avait fait auparavant 14 comme lui, cela m'a beaucoup étonné. 15 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que M. Kordic a émis des 16 propos racistes pendant cette conversation ? 17 M. Damon (interprétation). – Il a dit que les islamistes 18 voulaient prendre le pouvoir, que les Musulmans étaient dangereux. C'est 19 ce qu'il a dit. 20 M. Sayers (interprétation). – Il a dit qu'il était préoccupé par 21 la présence de combattants moudjahidin en Bosnie centrale et vous lui avez 22 demandé de vous le prouver. Pour ce faire, il vous a permis de visiter la 23 prison militaire de Kaonik, n'est-ce pas ? 24 M. Damon (interprétation). – Oui, mais ce n'était pas sa seule 25 façon de manifester sa crainte. Page 6709 1 M. Sayers (interprétation). – Comment M. Kordic a-t-il organisé 2 votre visite à Kaonik ? Vous n'en savez rien, n'est-ce pas ? 3 M. Damon (interprétation). – Non. Je ne sais pas. 4 M. Sayers (interprétation). – Vous ne savez pas si M. Kordic a 5 délégué cette tâche à quelqu'un d'autre ? 6 M. Damon (interprétation). – Non. Je ne sais pas. 7 M. le Président (interprétation). - Maître Sayers, c'est le 8 moment où nous faisons d'ordinaire une pause. Nous reprendrons à 9 11 heures. Vous poursuivrez votre interrogatoire. 10 M. Sayers (interprétation). - Oui, en effet, Monsieur le 11 Président. 12 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 13 11 heures 35.) 14 M. le Président (interprétation). - Maître Sayers, allez-y. 15 M. Sayers (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. 16 Monsieur Damon, je vais essayer d'en finir avec votre contre- 17 interrogatoire en vingt minutes à peu près. Vous n'avez pris aucune note 18 personnelle, vous n'avez fait aucun mémo au sujet de vos conversation avec 19 M. Kordic, en mai 1993, n'est-ce pas ? 20 M. Damon (interprétation). - Non, pas au moment où cela s'est 21 déroulé en tout cas. 22 M. Sayers (interprétation). - Il est exact que vous n'avez 23 jamais discuté avec M. Kordic de la filière de commandement du côté du 24 HVO, en Bosnie centrale, n'est-ce pas ? 25 M. Damon (interprétation). - Non. Page 6710 1 M. Sayers (interprétation). - Il a en va de même pour le colonel 2 Blaskic ? 3 M. Damon (interprétation). - Vous voulez savoir si j'ai discuté 4 avec le colonel Blaskic de la filière de commandement ? En fait, j'ai 5 certainement discuté de certaines dispositions qui ont été prises. Il m'a 6 montré la localisation sur une carte de certaines unités. Il m'a également 7 indiqué où se trouvaient les lignes de front. Enfin, il m'a montré ce 8 genre de choses. 9 M. Sayers (interprétation). - Mais vous n'avez jamais discuté de 10 la filière de commandement, en tant que telle, de qui relevait de qui, 11 etc. ? 12 M. Damon (interprétation). - Non, pas avec lui. 13 M. Sayers (interprétation). - Les dîners dont vous nous avez 14 parlé, que vous avez partagés avec M. Kordic, je crois savoir que 15 M. Kostroman et M. Blaskic étaient également présents ? 16 M. Damon (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas que le 17 colonel Blaskic ait assisté à ces dîners, à aucun de ces deux dîners, 18 d'ailleurs. 19 M. Sayers (interprétation). - Qui d'autre a participé à ces 20 dîners ? 21 M. Sayers (interprétation). - Je ne peux vous donner aucun nom 22 en dehors de ceux de mes interprètes et je ne souhaite pas les donner, en 23 fait. 24 M. Sayers (interprétation). - Le 13 mai, vous avez demandé à 25 vous entretenir en privé, en aparté avec M. Kordic et il n'a pas vu Page 6711 1 d'objection à cela ? 2 M. Damon (interprétation). - Non. 3 M. Sayers (interprétation). - Il était tout à fait prêt à vous 4 parler du sujet que vous souhaitiez évoquer avec lui ? 5 M. Damon (interprétation). - Oui. 6 M. Sayers (interprétation). - Vous avez déposé au sujet de 7 passeports qui avaient été remis à vos interprètes ; savez-vous avec qui 8 M. Kordic s'est entretenu afin de permettre la délivrance de ces 9 documents ? 10 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. 11 M. Sayers (interprétation). - Vous ne savez pas quelles 12 démarches ont été entreprises entre le moment où M. Kordic a émis cette 13 demande et le moment où vous les avez reçus ? 14 M. Damon (interprétation). - Non, je ne sais pas. 15 M. Sayers (interprétation). - Vous avez déclaré que tout le 16 monde désignait le quartier général de M. Kordic sous le nom du nid 17 d'aigle. Lui-même ne l'a jamais fait, n'est-ce pas ? 18 M. Damon (interprétation). - Non. 19 M. Sayers (interprétation). - Les gens qui portaient des 20 uniformes et que vous nous avez décrits, dont vous nous avez dit qu'ils se 21 trouvaient à cet endroit-là, vous souvenez-vous s'ils portaient des 22 insignes, des écussons particuliers permettant d'identifier leur unité 23 d'origine ? 24 t M. Damon (interprétation). - Non, il y avait des policiers 25 militaires, mais à part cela, rien. Page 6712 1 M. Sayers (interprétation). - Est-il exact de dire que beaucoup 2 de gens portaient des uniformes de camouflage et que c'étaient aussi bien 3 des hommes que des femmes ? 4 M. Sayers (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir vu des 5 femmes, mais il est possible qu'il y en ait eu. 6 M. Bennouna. – Maître Sayers, est-ce qu'on peut interroger le 7 témoin à propos de ce qu'on appelle le nid d'aigle, "eagle's nest" ? Parce 8 que je crois que la Chambre aussi entend parler de ce nid d'aigle pour la 9 première fois. Ce nid d'aigle, où se trouve-t-il exactement et pourquoi 10 lui a-t-on donné le nom de "nid d'aigle" ? 11 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi on le 12 désignait ainsi. Il se trouvait assez haut dans les collines, dans les 13 montagnes, au milieu des arbres. Je ne sais pas si c'était un surnom qu'on 14 avait trouvé ou si le restaurant qui se trouvait là auparavant s'appelait 15 ainsi. En tout cas, tout le monde appelait cet endroit de cette façon. On 16 me faisait toujours aller là-bas par une route assez détournée. 17 Généralement, nous étions escortés par des véhicules de police de 18 différents types. C'était, à partir de Vitez, à peu près quinze minutes 19 dans les collines, par cette route qui faisait un circuit. 20 M. Bennouna. – Lorsque vous étiez dans ce quartier général, y 21 avait-il beaucoup de personnel de sécurité autour de M. Kordic, lorsque 22 vous-même vous y étiez, qui montraient l'exercice d'un certain pouvoir 23 politique ? 24 M. Damon (interprétation). - Cela ressemblait vraiment à en tout 25 point à un quartier général. Il y avait beaucoup de personnes chargées de Page 6713 1 la sécurité. L'endroit était gardé par des hommes en uniforme militaire, 2 notamment au niveau des points de contrôle, en montant vers le quartier 3 général. Cela avait tout l'air d'un centre de planification militaire. On 4 y trouvait, par exemple, des cartes. 5 M. Bennouna. – Merci. 6 M. Sayers (interprétation). - Monsieur Damon, vous nous avez dit 7 que cet endroit se trouvait au dessus de Vitez ; est-ce que cela n'était 8 pas au sud de Busovaca ? 9 M. Damon (interprétation). - J'y suis toujours allé à partir de 10 Vitez. On ne m'a jamais montré où cela se trouvait sur une carte. 11 M. Sayers (interprétation). - Maintenant, nous passons à la 12 pièce de l'accusation Z759.1, une vidéo où l'on voit un mercenaire 13 britannique qui se trouve à Mostar. Mostar était là où se trouvait 14 M. Boban ? 15 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. En tout cas, 16 c'était beaucoup plus proche que Grude où M. Boban avait son quartier 17 général. 18 M. Sayers (interprétation). - Avez-vous eu des informations vous 19 indiquant que Kordic avait des pouvoirs, un pouvoir quelconque dans la 20 zone de Mostar ? 21 M. Damon (interprétation). - Non, pas du tout. 22 M. Sayers (interprétation). - J'ai remarqué que, dans les images 23 qui nous ont été montrées au sujet du camp de Kaonik, les détenus 24 semblaient se trouver dans ce qui ressemblait tout à fait à une prison 25 militaire ? Page 6714 1 M. Damon (interprétation). - Je ne suis pas un expert. On m'a 2 dit que c'était un entrepôt, mais en tout cas cela ressemblait beaucoup à 3 des cellules, ces pièces que nous avons vues. 4 M. Sayers (interprétation). - Les personnes avec qui vous vous 5 êtes entretenu fumaient des cigarettes. Savez-vous qui leur avait 6 données ? 7 M. Damon (interprétation). - Oui, l'un d'entre eux fumait une 8 cigarette, on le voit sur la vidéo. Cette cigarette lui avait été donnée 9 par le garde avant que nous commencions à filmer. 10 M. Sayers (interprétation). - Vous nous avez dit que vous vous 11 êtes entretenu avec un certain nombre de gens au Bungalow. Avec qui vous 12 êtes-vous entretenu ? Quels sont leurs noms ? 13 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. 14 M. Sayers (interprétation). - Leurs grades ? 15 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas. Ils étaient dehors. 16 J'ai demandé à entrer, on ne me l'a pas permis. 17 M. Sayers (interprétation). - Vous ne savez pas qui était le 18 commandant ? 19 M. Damon (interprétation). - Non. 20 M. Sayers (interprétation). - On vous a montré à la fin de votre 21 interrogatoire principal deux extraits de vidéo dans lesquels on voit 22 M. Ganic, je crois bien, qui dit : "Nous, les Musulmans, formons la 23 majorité dans ce pays. C'est à nous de décider de faire en sorte que les 24 relations avec les Croates s'apaisent", n'est-ce pas ? 25 M. Damon (interprétation). - Oui. Page 6715 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la 14 pagination anglaise et la pagination française. 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Page 6716 1 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que cette vidéo a été 2 tournée en mai 1993 ? 3 M. Damon (interprétation). - Oui. 4 M. Sayers (interprétation). - Etiez-vous sur place pendant 5 l'attaque par les forces musulmanes sur la ville de Travnik du 8 au 6 12 juin 1993 ? 7 M. Damon (interprétation). - Non, Travnik a été attaquée à 8 plusieurs reprises. J'y étais quand la ville était pilonnée, mais je ne me 9 souviens pas de cette offensive dont vous parlez. 10 M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous que le 12 juin 11 les forces musulmanes ont occupé la ville, et qu'environ 3 500 réfugiés 12 croates ont dû quitter la ville ? 13 M. Damon (interprétation). - Non. 14 M. Sayers (interprétation). - Vous souvenez-vous de l'attaque 15 sur Kakanj par les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine du 9 au 16 13 juin ? 17 M. Damon (interprétation). - Non. D'ailleurs, je ne nierai pas 18 non plus que ces attaques aient pu avoir lieu. 19 M. Sayers (interprétation). - Savez-vous combien de réfugiés 20 croates ont résulté, le nombre qui a résulté de ces offensives ? 21 M. Damon (interprétation). - Non, mais je sais qu'il y avait des 22 réfugiés croates. J'en ai rencontré et j'en ai interviewié beaucoup trop. 23 M. Sayers (interprétation). - Pour finir, deux questions : avez- 24 vous eu connaissance d'une offensive par les forces musulmanes sur la 25 ville de Fojnica en juillet 1993, offensive suite à laquelle la ville a Page 6717 1 été occupée ? 2 M. Damon (interprétation). - Je savais qu'une unité de l'armée 3 de Bosnie-Herzégovine avait lancé une opération, et à l'époque on avait 4 désigné une des unités sous le terme des "cygnes noirs". Mais je ne savais 5 pas bien à quoi cela correspondait. 6 M. Sayers (interprétation). - Vous n'avez jamais entendu faire 7 référence aux "cygnes noirs" comme une unité spéciale musulmane ? 8 M. Damon (interprétation). - Le nom qu'on leur donnait 9 impliquait ce que vous venez de nous dire, mais je ne le savais pas 10 exactement. 11 Je suis allé à Fojnica peut-être un peu après ces événements. Il 12 y avait un hôpital à Fojnica, un hôpital qui a été cerné pendant un 13 certain temps par les forces croates. Et cela, c'est un événement que nous 14 avons couvert parce que les gens qui se trouvaient dans l'hôpital étaient, 15 pour certains, des malades mentaux. 16 Je me suis rendu également dans un village près de Fojnica afin 17 de rencontrer une des unités qui se trouvaient dans la région. Donc je me 18 suis rendu sur place, mais je ne peux pas vous donner de détails 19 complémentaires. 20 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion 21 de rencontrer les membres de la 7ème Brigade musulmane ? 22 M. Damon (interprétation). - J'imagine que oui, mais vous savez, 23 c'étaient des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui opéraient dans 24 cette région. Et ils avaient la réputation d'être très durs. 25 M. Sayers (interprétation). - Ils avaient également la Page 6718 1 réputation d'avoir dans leurs rangs un grand nombre de mudjahiddin ? 2 M. Damon (interprétation). - Un grand nombre, c'est peut-être un 3 peu exagéré. Il y en avait certains, je vous ai dit que j'en ai rencontré. 4 Je vous l'ai dit auparavant. Bien entendu, après, les choses se sont 5 envenimées, radicalisées avec les mois et avec le déroulement de la 6 guerre. 7 M. Sayers (interprétation). - Vous... Au sujet de la libération 8 de prisonniers à la mi mai 1993 à Zenica, n'est-il pas exact que les 9 membres de la 7ème Brigade musulmane qui se trouvaient là, une centaine 10 d'entre eux, ont tiré en l'air et ils vous ont demandé de partir ? 11 M. Damon (interprétation). - Non, je n'ai pas vu cela et 12 personne n'a tiré en l'air. Enfin, c'est possible une fois que nous sommes 13 partis. Je ne dirais pas qu'ils étaient cent, j'en ai vu à peu près une 14 douzaine, donc des combattants qui n'étaient pas habillés comme des 15 soldats conventionnels. 16 L'échange a eu lieu dans le parking de l'Hôtel international à 17 Zenica qui se trouve à côté du stade. Près du stade se trouvait donc une 18 douzaine de ces gens habillés un peu différemment qui ne semblaient pas 19 venir de Bosnie à première vue. Sur le terrain, comme je l'ai déjà dit, il 20 y avait des armes antiaériennes, et il m'a semblé que c'était un Bosniaque 21 qui utilisait cette arme et qui d'ailleurs la pointait sur nous. 22 Moi, il m'a semblé que c'était une bonne idée de partir à ce 23 moment-là. En tout cas, moi, je n'ai vu personne tirer en l'air, je n'ai 24 rien entendu non plus. 25 M. Damon (interprétation). - Au sujet des réfugiés croates de Page 6719 1 Kakanj, en juin 4 1993, est-ce que vous savez qu'ils se sont rendus vers 2 la ville de Vares ? 3 M. Damon (interprétation). - Non. Je sais que Vares a été -je ne 4 dirais pas isolée-, en tout cas, c'était entre les mains des forces de 5 défense croate. 6 M. Sayers (interprétation). - Les forces musulmanes ont occupé 7 cette ville de novembre 1993 ? En étiez-vous conscient ? 8 M. Damon (interprétation). - Non, non, je ne me souviens pas. 9 M. Sayers (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas 10 de questions supplémentaires à poser au témoin. 11 M. le Président (interprétation). - Maître Mikulicic ? 12 M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour, monsieur Damon. Je 13 m'appelle Goran Mikulicic et, dans cette affaire, avec mon confrère 14 M. Kovacic, je suis celui qui défend Mario Cerkez. 15 Auriez-vous l'amabilité, monsieur Damon, de nous dire si vous 16 avez eu l'occasion de parler en personne avec M. Mario Cerkez ? 17 M. Damon (interprétation). - Je ne me souviens pas d'une telle 18 conversation. 19 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez 20 éventuellement quelle était la fonction que M. Cerkez occupait pendant que 21 vous étiez en Bosnie centrale ? 22 M. Damon (interprétation). - A part savoir que c'était un 23 personnage important, enfin c'est ce qu'on m'avait dit, mais en tout cas 24 je n'ai rien eu affaire avec lui. J'ai entendu son nom mentionné dans des 25 conversations, mais c'est tout. Page 6720 1 M. Mikulicic (interprétation). - Auriez-vous l'occasion 2 éventuellement d'avoir un document qu'il aurait signé ? 3 M. Damon (interprétation). - Pas à mon souvenir. 4 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous nous avez 5 dit qu'au moment où les événements ont eu lieu vous étiez un journaliste 6 indépendant, que vous aviez travaillé pour Sky News et pour Fox News. 7 Qu'est-ce que vous avez fait après 1993 ? 8 M. Damon (interprétation). - J'ai continué à travailler comme 9 journaliste pour... Il faut savoir que ces deux stations de télé que vous 10 avez mentionnées appartiennent au groupe Murdoch, mais j'ai travaillé 11 également pour d'autres organisations. J'ai continué à travailler ainsi. 12 Vous voulez que je vous donne beaucoup de détails ? Vous me dites 13 "après 93", mais jusqu'à quand ? Est-ce que vous pouvez être précis, s'il 14 vous plaît ? 15 M. Mikulicic (interprétation). – Que faites-vous aujourd'hui, 16 monsieur Damon ? 17 M. Damon (interprétation). – Je suis reporter et journaliste 18 pour le BBC Radio World Service. 19 M. Mikulicic (interprétation). – Au cours de votre déposition, 20 il y avait une cassette vidéo qui a été diffusée ; on a vu des unités du 21 HVO qui avaient été passées en revue. Nous l'avons vu ; c'est la pièce à 22 conviction D25.1. Est-ce que vous savez de quoi on parle ? 23 M. Damon (interprétation). – Je me souviens effectivement de 24 cette vidéo. 25 M. Mikulicic (interprétation). – Pourriez-vous nous dire à quel Page 6721 1 moment et où cette vidéo a-t-elle été filmée ? 2 M. Damon (interprétation). – Quand ? La date figure sur la boîte 3 de la cassette. Il n'y a jamais eu de contestation à ce sujet. Quand nous 4 filmons, nous indiquons immédiatement la date sur la boîte. J'ai envoyé, 5 quant à moi, une équipe sur place. Je travaillais sur un autre reportage. 6 Quant à savoir où cela s'est passé, on m'a dit que c'était en Bosnie- 7 Herzégovine même. 8 M. Mikulicic (interprétation). – Pourriez-vous être un peu plus 9 précis, s'il vous plaît ? Etait-ce en Bosnie centrale, au sud-ouest en 10 Herzégovine ou éventuellement en un troisième lieu ? 11 M. Damon (interprétation). – Je crois que le trajet qu'ils ont 12 dû parcourir pour être sur place était assez long. Cela les a emmenés dans 13 le Sud-ouest. Je ne pourrais pas donner plus de détails. Ils ont mis 14 quelques heures pour arriver depuis Vitez où nous nous trouvions. 15 M. Mikulicic (interprétation). – En d'autres termes, c'est à 16 quelques heures par rapport à Vitez, en dehors de la Bosnie centrale, que 17 la vidéo a été filmée. Est-ce exact ? 18 M. Damon (interprétation). – Oui, c'est ce dont je me souviens, 19 en tout cas. 20 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous remercie. Le 16 avril 21 1993, et nous allons parler d'Ahmici et de ce qui s'est passé à Ahmici, si 22 vous voulez bien. Vous avez dit, au cours de votre déposition, que cet 23 événement, les combats à Vitez, d'après vous et d'après les informations 24 que vous avez pu obtenir de la part des employés de l'ONU, était une 25 surprise ? Page 6722 1 M. Damon (interprétation). – Oui. J'ai dit que cela avait été 2 une escalade très soudaine. 3 M. Mikulicic (interprétation). – Vous souvenez-vous, 4 monsieur Damon, où vous étiez vous-même, à ce moment-là, les quelques 5 jours qui ont précédé le 16 avril 1993 ? 6 M. Damon (interprétation). – J'étais à Tuzla. 7 M. Mikulicic (interprétation). – Aviez-vous l'occasion de vous 8 déplacer depuis Tuzla vers Vitez ou vers Travnik, ou éventuellement Novi 9 Travnik ou Busovaca ? 10 M. Damon (interprétation). – Je me suis rendu dès que nous avons 11 reçu des informations au sujet de ce qui s'était passé à Ahmici -c'était 12 le lendemain, je crois-, je suis immédiatement allé à Ahmici directement. 13 M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce qu'en route vers Ahmici 14 vous avez eu certains problèmes ? Je pense éventuellement aux points de 15 contrôle. Est-ce que vous étiez bloqués sur les axes routiers ? 16 M. Damon (interprétation). – Il y avait plusieurs points de 17 contrôle, mais pas de barrage. 18 M. Mikulicic (interprétation). – Aviez-vous eu l'occasion, entre 19 le 13 et le 16 avril 1993, de voyager en dehors de Zenica, mais toujours 20 dans la même direction ? 21 M. Damon (interprétation). – Je ne m'en souviens pas. Je crois 22 que j'étais également à Tuzla à ce moment-là. 23 M. Damon (interprétation). – Etant donné que vous n'avez pas 24 voyagé, connaissez-vous que les routes ont été bloquées par l'armée de 25 Bosnie-Herzégovine, les routes de Zenica vers Novi Travnik ? Page 6723 1 M. Damon (interprétation). – Je ne sais pas. Je ne peux rien 2 vous dire à ce se sujet. 3 M. Mikulicic (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez 4 visité Ahmici, ceci à deux reprises. J'aimerais vous demander quelque 5 chose : est-ce que vous savez que le 16 avril, par conséquent, nous 6 parlons du conflit qui a eu lieu à Ahmici, ce même jour, il y a eu un 7 conflit qui s'est produit dans les alentours de ces villages, Poculica, 8 Grbavica, Sivrino Selo, Kruscica, est-ce que vous connaissez ces 9 localités ? 10 M. Damon (interprétation). – Je ne connais pas les détails sur 11 ces villages. À l'époque, sans doute, les connaissais-je ? Mais 12 aujourd'hui, je ne pourrais pas vous montrer où cela se trouve sur une 13 carte. Je sais qu'il y a eu une série d'incidents. Cela s'est propagé tout 14 le long de la vallée. En tout cas, c'est ce que m'a dit mon collègue de la 15 BBC. 16 M. Mikulicic (interprétation). – Pendant votre séjour dans cette 17 région, est-ce que vous avez fait connaissance de M. Andrew Williams, 18 commandant du Britbat ? 19 M. Damon (interprétation). – Je ne me souviens pas de son nom. 20 M. Mikulicic (interprétation). – Vous nous avez décrit 21 l'événement, quand pour la deuxième fois vous vous êtes rendu à Ahmici et 22 que vous étiez surpris de voir ce qui s'était passé dans cette localité. 23 Il y avait l'assainissement du terrain auquel vous avez assisté. Est-ce 24 que vous savez quelques jours auparavant que ceci a été connu avec le 25 Britbat ? Page 6724 1 M. Damon (interprétation). – Non, je crois que c'était à 2 l'occasion de ma troisième visite. Je n'avais connaissance d'aucune 3 disposition de ce type. D'après ce que j'ai vu en tout cas, il n'y avait 4 sur place aucun représentant des unités internationales. Moi, j'ai 5 commencé à avoir un certain nombre de soupçons parce qu'on nous a interdit 6 de filmer à un certain moment. Ce que vous nous dites correspond peut-être 7 à la vérité ? 8 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur Damon, lors de votre 9 déposition, vous avez dit qu'un certain nombre d'auteurs à Ahmici étaient 10 connus par les Nations Unies. D'où tirez-vous cette information ? 11 M. Damon (interprétation). – Les enquêteurs des Nations Unies 12 nous ont dit qu'ils avaient des noms. Ils m'ont dit cela le jour où je me 13 suis rendu à Ahmici avec le colonel Bob Stewart ainsi que des 14 représentants des ambassadeurs de l'ECMM. Par la suite, ces noms m'ont été 15 donnés, mais ceci s'est fait quelques mois plus tard. 16 M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que ceci veut dire que 17 les enquêteurs des Nations Unies vous ont donné la liste avec les noms des 18 personnes qui étaient éventuellement des auteurs des crimes à Ahmici ? 19 M. Damon (interprétation). – Non, ce ne sont pas les enquêteurs 20 des Nations Unies qui m'ont donné cette liste. J'ai effectivement reçu une 21 liste qui comportait quatre noms. 22 M. Mikulicic (interprétation). – Auriez-vous cette liste, 23 aujourd'hui, sur vous ? 24 M. Damon (interprétation). – Je ne l'ai pas sur moi, en ce 25 moment même. Cependant, je pourrais la trouver. Si la Cour ne dispose pas Page 6725 1 de cette information, je pourrais veiller à ce que ces informations lui 2 parviennent. 3 M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que ceci veut dire que, 4 si la Chambre vous le demande, vous seriez prêt à soumettre la liste à la 5 Chambre ? 6 M. Damon (interprétation). – Absolument ! Je le répète : je 7 pense que le Tribunal dispose déjà de cette liste, car la source qui me 8 l'a procurée est connue du Tribunal. 9 M. Mikulicic (interprétation). – Est-ce que quelque chose ou 10 quelqu'un vous empêche de dire qui vous a donné cette liste, qui est votre 11 source ? 12 M. Damon (interprétation). – Je pense qu'en audience publique 13 cela ne serait pas souhaitable de ma part. En principe, je n'y vois aucun 14 inconvénient. 15 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président, 16 Messieurs les Juges, je propose de passer à la séance de huis clos pour 17 que le témoin puisse répondre à ma question. 18 M. le Président (interprétation). – Tout à fait. 19 [Audience à huis clos partiel] 20 (expurgé) 21 (expurgé) 22 (expurgé) 23 (expurgé) 24 (expurgé) 25 (expurgé)
Page 6726
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 6727
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 6728
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 6729
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6730
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous avez dit
15 que, lors de votre séjour à Ahmici, vous avez vu également un carton avec
16 une inscription, vous avez parlé que c'étaient des munitions. Est-ce que
17 vous lisez le chinois ?
18 M. Damon (interprétation). - J'ai parlé des Chinois ou de
19 l'écriture chinoise à propos de Busovaca, lorsque je me trouvais sur les
20 hauteurs de Busovaca, mais cela s'est passé plus tard. Je n'en ai pas
21 parlé dans le cadre de Ahmici. Effectivement, je ne comprends pas le
22 chinois.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Je vous ai mal compris.
24 Excusez-moi. Monsieur Damon, vous nous avez parlé de l'échange des
25 prisonniers : vous y avez assisté, cela s'est passé à Zenica. Je pense que
Page 6731
1 vous savez de quoi on parle. Zenica était une ville contrôlée à 100 % par
2 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
3 M. Damon (interprétation). - Tout à fait.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Au cours de cet échange, il y
5 avait une unité militaire, qui n'était pas l'unité appartenant à l'armée
6 de Bosnie-Herzégovine, qui y assistait, qui était importante ?
7 M. Damon (interprétation). - Je ne sais pas à quoi cette unité
8 était rattachée. Cette unité ne portait pas l'uniforme conventionnel de
9 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je vous l'ai déjà dit : par la suite, je me
10 suis rendu auprès du chef de la police de Zenica pour lui demander
11 pourquoi ces personnes faisaient preuve d'une telle agressivité dans le
12 centre de la ville.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Les représentants du Britbat
14 également y étaient ?
15 M. Damon (interprétation). - C'est exact.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu quelqu'un
17 de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui était présent ?
18 M. Damon (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, vous avez
20 séjourné longtemps en Bosnie, vous vous êtes déplacé souvent, n'est-ce
21 pas ?
22 M. Damon (interprétation). - Oui.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez fait à
24 plusieurs reprises des déplacements entre la République de Bosnie et la
25 République de Croatie ?
Page 6732
1 M. Damon (interprétation). - C'est exact, pour l'un comme pour
2 l'autre.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Pourriez-vous nous préciser
4 quelles étaient les routes que vous avez empruntées ? Je parle de
5 l'année 1993.
6 M. Damon (interprétation). - Il y avait deux itinéraires
7 principaux, l'un passant par Jablanica -je crois qu'à l'époque dont nous
8 parlons, cet itinéraire était plus difficile à parcourir-, l'autre passait
9 par Gornji Vakuf. On empruntait pendant très longtemps une route non
10 macadamisée pour descendre vers Tomislavgrad. Nous allions donc par Gornji
11 Vakuf et Tomislavgrad.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Et, ensuite, jusqu'à Split ?
13 M. Damon (interprétation). - C'est exact.
14 M. Mikulicic (interprétation). - En d'autres termes, monsieur
15 Damon, en partant de Split, en vous dirigeant vers Vitez, vous avez
16 traversé une grande route. Est-ce que, sur cette route, vous avez pu
17 rencontrer des personnes sur les points de contrôle ou qui appartenaient
18 au HVO ou des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Damon (interprétation). - C'est exact, dans les deux cas.
20 M. Mikulicic (interprétation). - Dites-nous, monsieur Damon, je
21 ne pense pas qu'au cours de votre séjour en Bosnie, lorsque vous vous êtes
22 rendu en hélicoptère à Pale, mais à la fin de 1992 et tout le long
23 de 1993, êtes-vous entré en territoire de Bosnie-Herzégovine d'un autre
24 côté et pas uniquement à partir de la République de Croatie ?
25 M. Damon (interprétation). - Oui, il nous arrivait de prendre
Page 6733
1 l'avion pour aller à Sarajevo. Nous avions un vol humanitaire.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Je n'ai peut-être pas été
3 précis : je pensais par la voie terrestre ?
4 M. Damon (interprétation). - Non, je pense qu'à l'époque cela
5 n'a pas été le cas. Il y a avait certes d'autres routes... Je ne sais pas
6 s'il y avait d'autres routes à l'exception de Split. Nous avons essayé,
7 mais Split était une base logistique tout à fait utile.
8 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact de dire,
9 monsieur Damon, que ces mêmes routes que vous avez empruntées étaient
10 empruntées par les convois d'aide humanitaire ?
11 M. Damon (interprétation). - C'est exact.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire,
13 monsieur Damon, que tous les convois d'aide humanitaire, qui n'ont pas été
14 transférés par la voie aérienne, venaient en provenance de la République
15 de Croatie ? Et l'objectif était justement d'approvisionner la Bosnie-
16 Herzégovine ?
17 M. Damon (interprétation). - Je sais qu'à l'époque, il y avait
18 aussi une autre route qui allait de Banja Luka, qui traversait les lignes
19 serbes à Turbe. Je ne l'ai pas empruntée. C'était uniquement le HCR et ses
20 véhicules qui pouvaient utiliser cet itinéraire.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie. En guise de
22 conclusion, monsieur Damon, je voudrais vous poser quelques questions.
23 Vous avez vécu longtemps en Bosnie centrale, vous avez vécu cette guerre
24 civile. Quand Me Sayers vous a demandé si cela vous a surpris, vous avez
25 répondu : "Pas tout à fait".
Page 6734
1 Pourriez-vous nous dire -et ceci en nous parlant de ce que vous
2 en pensez en principe et je pensais à la Bosnie-Herzégovine- qui des
3 groupes ethniques luttaient contre qui ? Quelles sont les entités qui
4 s'opposaient aux autres ?
5 M. Damon (interprétation). - A un certain moment, les trois
6 communautés qui se définissaient respectivement comme étant les
7 communautés serbe, musulmane et croate, étaient engagées dans les combats
8 à des titres divers. Mais il y a eu une certaine séquence dans le
9 déroulement des événements. C'est une séquence… La chronologie est
10 importante. Je ne vais pas abuser du temps de la Chambre qui connaît bien
11 cette séquence des événements. Mais il est important de se rappeler
12 l'existence de cette séquence d'événements.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Cela m'apparaît clair,
14 monsieur Damon. Mais est-il vrai qu'à un moment donné c'étaient les
15 Musulmans et les Croates qui combattaient ensemble contre les Serbes ?
16 M. Damon (interprétation). - Absolument.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il vrai que, dans une autre
18 époque, contre les Serbes, il y avait des Musulmans d'un côté qui
19 luttaient et que des Croates également luttaient contre les Serbes ?
20 M. Damon (interprétation). - Dans la totalité de la Bosnie,
21 c'est vrai que cela a certainement été le cas. Il y a eu des endroits, des
22 régions où le HVO était seul à s'opposer aux Serbes et d'autres endroits
23 où l'armée serbe de Bosnie s'opposait aux Musulmans.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Damon, connaissez-vous
25 la partie nord-ouest de la Bosnie qu'on appelle la région de Cazin ? C'est
Page 6735
1 Fiket Habic, qui était un dirigeant politique de poids et de renommée.
2 M. Damon (interprétation). - Oui, je m'y suis trouvé.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Connaissez-vous que, en ce qui
4 concerne ce territoire de Bosnie-Herzégovine, les Musulmans se
5 combattaient les uns les autres, enfin les Musulmans combattaient d'autres
6 Musulmans, donc au sein d'une même entité ?
7 M. Damon (interprétation). - Ce que je sais, c'est qu'il y avait
8 un dirigeant particulièrement ambitieux qui était encouragé -j'ai pu voir
9 ces encouragements de mes propres yeux. Il était encouragé tant par les
10 Serbes que par les Croates à essayer de créer, d'établir sa propre
11 enclave. Ceci devait affaiblir le gouvernement se trouvant à Sarajevo.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Cet homme politique est de
13 nationalité musulmane, est-ce vrai ?
14 M. Damon (interprétation). - Oui, il était Musulman et
15 capitaliste de préférence.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Cela ne vous surprend pas ?
17 Cela n'est pas quelque chose qui vous rend confus ?
18 M. Damon (interprétation). - Pas du tout.
19 M. le Président (interprétation). - Où est-ce que nous voulons
20 en venir ?
21 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président,
22 Messieurs les Juges, je voulais tout simplement démontrer devant cette
23 Chambre que la situation en Bosnie était tout à fait complexe. On ne peut
24 pas l'interpréter de manière simple. C'est comme cela que j'ai terminé mon
25 interrogatoire.
Page 6736
1 M. le Président (interprétation). - Nous avons entendu la
2 réponse du témoin, le témoin ayant répondu que ce n'était pas du tout une
3 matière qui semait la confusion.
4 Des questions supplémentaires dans le cadre de l'interrogatoire
5 supplémentaire, Maître Scott ?
6 M. Scott (interprétation). - Je vais enchaîner sur une question
7 posée par Me Sayers. Quelles étaient les autres inquiétudes que
8 nourrissait M. Kordic ? Vous vous souvenez des questions posées à ce
9 moment-là par Me Sayers ?
10 M. Damon (interprétation). - Outre ce que j'ai déjà dit, le
11 Conseil de défense croate avait certaines craintes face au nombre de
12 Croates se trouvant dans la région et aussi face à l'afflux de Musulmans,
13 de réfugiés musulmans qui venaient de la Bosnie orientale. C'est la raison
14 qu'on affichait pour justifier de toutes ces craintes.
15 M. Scott (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président.
16 Qu'avez-vous pu observer de la personnalité de M. Kordic ?
17 M. Damon (interprétation). - Et bien, à partir des quelques
18 rares réunions que j'ai eues avec lui, de nos quelques rencontres, c'était
19 un homme très motivé, intelligent, assez froid, calculateur. C'est du
20 moins comme cela qu'il se présentait dans ses réponses quand je lui
21 demandais ce qui se passait. Manifestement, c'était lui qui était au
22 gouvernail. Il dégageait un sentiment d'autorité, les gens qui
23 l'entouraient lui obéissaient. S'ils voulait que quelque chose soit fait,
24 eh bien c'était fait.
25 M. Scott (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à Kaonik
Page 6737
1 le 14 mai 1993, est-ce que qui que ce soit a contesté l'autorité qu'aurait
2 M. Kordic de vous autoriser à visiter la prison ?
3 M. Damon (interprétation). - Pas du tout.
4 M. Scott (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser.
5 Merci, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur
7 Damon, d'être venu déposer une fois de plus devant ce Tribunal. Vous
8 pouvez disposer.
9 M. Damon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le
10 Président.
11 (Le témoin est raccompagné
12 hors du prétoire.)
13 M. le Président (interprétation). - Un à la fois. Qui de vous
14 veut parler ? Maître Kovacic ou vous ?
15 M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
16 soulever une question ici. La défense et l'accusation essayaient toutes
17 deux d'arriver à une solution s'agissant du temps consacré à la déposition
18 du témoin suivant. Nous parlons ici de (expurgé).
19 Nous allons peut-être avoir certaines difficultés en matière de
20 temps. En effet, si ce témoin commence sa déposition vers midi, ou après
21 la pause de demain, ou peu de temps avant la pause du déjeuner de demain,
22 ce qui est réaliste, cela voudra dire que la défense n'aura que très, très
23 peu de temps pour son contre-interrogatoire.
24 L'accusation nous a dit que le témoin (expurgé) a dit qu'il pouvait
25 venir maintenant ou qu'il ne viendrait jamais, que c'était maintenant ou
Page 6738
1 jamais, qu'il devait partir avant le week-end. Ce témoin est peut-être
2 l'un des dix plus importants en ce procès.
3 M. le Président (interprétation). - Il était commandant, c'est
4 cela ?
5 M. Kovacic (interprétation). - Non, c'était un homme politique à
6 Vitez. Il est certain que nous allons avoir besoin de davantage qu'une
7 heure ou deux vendredi matin, sans parler du problème de l'absence de
8 M. Cerkez.
9 Bien sûr, nous allons nous préparer au contre-interrogatoire.
10 Donc ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que nous avons
11 besoin d'une période de temps raisonnable. A vous de la déterminer, bien
12 sûr, après avoir entendu ce que dira le témoin en interrogatoire
13 principal.
14 Mais je pense que nous allons avoir vraiment des problèmes
15 sérieux. Car à un moment donné, l'accusation, et ce sera confirmé par le
16 témoin, nous dira : "Oui, le témoin doit repartir avant le week-end et il
17 ne pourra plus revenir".
18 M. le Président (interprétation). - Vous auriez besoin de
19 combien de temps pour votre contre-interrogatoire ?
20 M. Kovacic (interprétation). - Je ne peux vous donner qu'une
21 estimation : mais au moins quelques heures, une heure ou deux, puisqu'il
22 parlera de toute cette période au cours de laquelle les événements ont
23 pris forme à Vitez. Il va surtout parler d'une année cruciale, celle
24 de 1993.
25 (Les Juges se consultent sur le Siège.)
Page 6739
1 M. le Président (interprétation). - Maître Nice, pourriez-vous
2 nous aider sur ce point ?
3 M. Nice (interprétation). - Je suis conscient des difficultés
4 qui se présentent. Il y en a plusieurs à l'encontre des témoins prévus
5 cette semaine. Nous avons notamment des difficultés avec le témoin qui
6 pourrait intervenir entre celui qui va être examiné, interrogé par
7 M. Lopez-Terres et celui dont on parle ici, M. (expurgé).
8 S'ajoute à ces difficultés cette réalité-ci : lorsque les
9 personnes se trouvent à La Haye, ils ne sont plus aussi déterminés dans
10 leur attitude. Bien sûr, nous allons prendre toutes les dispositions
11 nécessaires que nous pouvons prendre d'ici à demain matin pour veiller à
12 ce que les problèmes posés par le témoin évoqué par M. Kovacic soient
13 évoqués, mais je vous ferai rapport demain matin.
14 Je ne veux pas ici être trop elliptique, mais il se peut que le
15 témoin qui vienne après ce témoin-ci, que nous allons entendre, pour
16 d'autres raisons dont nous avons parlé de façon détournée dans la requête
17 qui avait été déposée à son encontre, ne pourra pas déposer cette semaine.
18 Peut-être qu'il pourra déposer la semaine prochaine. Tout est question des
19 problèmes médicaux qu'il rencontre. Là, nous devons vraiment faire de la
20 corde raide, veiller à ce que le temps de la Chambre soit occupé et les
21 témoins.
22 M. Bennouna. - Est-ce que le témoin dont vient de parler
23 M. Kovacic est actuellement à La Haye ?
24 M. Nice (interprétation). - Non, il est en route, Monsieur le
25 Juge. Il sera ici ce soir.
Page 6740
1 M. Bennouna. - Il sera ici ce soir. Dans ce cas-là, vous ne
2 pouvez pas lui donner la priorité puisque, apparemment, il ne peut pas
3 rester au-delà de cette semaine, demain matin, de manière à ce que
4 Me Kovacic puisse se préparer valablement, soit demain après-midi, soit le
5 vendredi matin. Donc nous allons avoir la journée de demain et le vendredi
6 matin. Donc c'est à vous d'organiser les choses de manière à ce que la
7 priorité soit donnée à ce témoin, s'il est là effectivement ce soir.
8 M. Nice (interprétation). - C'est précisément à cela que je
9 pensais. Evidemment, il faudra que je fasse un petit exercice d'équilibre.
10 Mais je vais peut-être laisser le soin à Me Lopez-Terres de vous
11 parler de la requête aux fins de mesures de protection, ce ne sont que des
12 mesures limitées. Peut-être que nous pourrions avoir, malgré tout, un huis
13 clos complet ?
14 Je me trompe, un huis clos partiel suffira puisque nous n'avons
15 pas besoin de l'écran, on ne va rien montrer. Donc je pense qu'un huis
16 clos partiel sera préférable, en plus cela nous fera gagner du temps.
17 [Audience à huis clos partiel]
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 6741
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page 6741 expurgée. Audience à huis clos partiel.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6742
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page 6742 expurgée. Audience à huis clos partiel
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6743
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page 6743 expurgée. Audience à huis clos partiel.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6744
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
9 (Témoin K)
10 M. le Président (interprétation). - Que le témoin donne lecture
11 de la déclaration solennelle.
12 Témoin K (interprétation). - Je déclare solennellement que je
13 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 M. le Président (interprétation). – Monsieur Lopez-Terres, vous
15 pouvez commencer votre interrogatoire.
16 M. Lopez-Terres. – Je voulais demander préalablement à
17 l'huissier qu'il présente ce document au témoin pour que nous puissions
18 nous assurer de son identité. Est-ce que le nom qui figure sur ce document
19 est bien votre nom ?
20 Témoin K (interprétation). – Oui, c'est bien mon nom.
21 M. Lopez-Terres. - Vous comparaissez donc sous le pseudonyme du
22 témoin K. Je m’adresserai donc à vous sous le nom de témoin K.
23 Témoin K (interprétation). - Merci.
24 M. Lopez-Terres. – Monsieur le Témoin K, vous êtes âgé de
25 60 ans ?
Page 6745
1 Témoin K (interprétation). – C’est cela.
2 M. Lopez-Terres. - Vous avez travaillé à partir de 1976 comme
3 technicien au sein de l'usine SPS à Vitez, et vous êtes actuellement
4 retraité ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui, mais l'année est 1976. Vous
6 vous êtes trompé sur l'année. Auparavant, je travaillais à la scierie de
7 Zenica.
8 M. Lopez-Terres. – J’avais indiqué, je crois, l'année 1976 :
9 c'est peut-être un petit problème de traduction. Ce n’est pas grave.
10 Témoin K (interprétation). – Excusez-moi, j'ai peut-être mal
11 compris ou c'est peut-être la traduction.
12 M. Lopez-Terres. - Ce n'est pas important. Vous êtes habitant du
13 village d'Ahmici, vous avez toujours habité dans ce village. Vous y avez
14 fait la connaissance de la plupart des habitants, n'est-ce pas ?
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M. Lopez-Terres. - Vous avez, après le mois d'avril 1993,
17 contribué grandement à la création d’une association de tous les anciens
18 habitants du village d'Ahmici où vous résidez toujours ?
19 Témoin K (interprétation). - Vous avez raison.
20 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, est-il exact que vous
21 avez été membre du parti communiste jusqu'en 1968 ?
22 Témoin K (interprétation). - Oui.
23 M. Lopez-Terres. - A cette époque, vous avez décidé de quitter
24 ce parti. Dans les années 1990, au moment où la pluralité de partis a été
25 introduite dans ex-Yougoslavie, vous êtes devenu membre du parti SDA, le
Page 6746
1 parti des Musulmans de Bosnie ?
2 Témoin K (interprétation). – Oui, c'est exact.
3 M. Lopez-Terres. - Vous appartenez toujours à ce parti
4 politique ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Lopez-Terres. – Monsieur, le village d'Ahmici se trouve à
7 environ cinq kilomètres de Vitez ?
8 Témoin K (interprétation). - Oui.
9 M. Lopez-Terres. - Et au mois d'avril 1993, la population de ce
10 village était d’environ 600 habitants, la majorité du village étant
11 composée de façon très large de Musulmans ?
12 Témoin K (interprétation). - C'est exact.
13 M. Lopez-Terres. - Il y avait environ une quarantaine de Croates
14 de Bosnie qui vivaient dans ce village ?
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M. Lopez-Terres. - Le village d'Ahmici était divisé en deux
17 parties : Ahmici-le-Haut, et Ahmici-le-Bas ?
18 Témoin K (interprétation). - Ce n'était pas le cas auparavant,
19 mais maintenant c'est le cas.
20 M. Lopez-Terres. - Ahmici-le-Haut étant la partie ancienne du
21 village ?
22 Témoin K (interprétation). - Oui.
23 M. Lopez-Terres. - En avril 1993, il y avait deux mosquées à
24 Ahmici, l'une comportait un minaret et l'autre pas ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
Page 6747
1 M. Lopez-Terres. - Celle qui avait un minaret était celle qui se
2 trouvait dans le bas d'Ahmici ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui.
4 M. Lopez-Terres. - Vers la fin de 1992, Monsieur le Témoin K,
5 vous-même et d'autres Musulmans qui travaillaient à l'usine SPS, à Vitez,
6 avez pu constater que les Croates de l'usine, petit à petit, ont pris des
7 responsabilités dans cette entreprise ; en particulier, ils ont installé
8 un drapeau de façon progressive dans cette usine.
9 Est-ce que vous pouvez nous rappeler comment les choses se sont
10 passées ?
11 Témoin K (interprétation). - D'abord, il y a eu des élections
12 qui ont eu lieu en 1990. Tout de suite, après ces élections…
13 M. Lopez-Terres. – Je vous demande simplement de nous raconter
14 ce qui s'est passé dans l'usine, à propos du drapeau et de l’installation
15 d’un drapeau dans l’usine.
16 Témoin K (interprétation). - J'ai compris. Il y a une ambiance
17 qui déjà sentait que les séparations allaient se produire. Beaucoup
18 d'ouvriers qui travaillaient au sein de sécurité commençaient à se
19 déplacer dans d'autres département de l'usine. Ensuite, il y avait
20 également ce souhait exprimé de hisser le drapeau croate ; ce qui aurait
21 pu irriter les Bosniens. C'est au fur et à mesure qu'ils ont pris la
22 décision au sujet de ce drapeau. D'abord, j'ai vu que ce drapeau se
23 trouvait dans un tiroir ; il est resté quelques jours ; ensuite, sur le
24 bureau du chef et, dix jours plus tard, il a été hissé devant l'usine.
25 M. Lopez-Terres. - Est-ce qu'à la même époque, également, c'est
Page 6748
1 une unité composée uniquement de travailleurs croates qui a été chargée
2 d'assurer la garde de l'entreprise ?
3 Témoin K (interprétation). - Ce n'étaient pas les ouvriers de
4 l'usine, mais les personnes qu'on appelait les personnes chargées des
5 activités spéciales ; ils sont arrivés pour les soutenir, en support. Ce
6 n'étaient pas les gens qui étaient sur place.
7 M. Lopez-Terres. - Qu'est-il arrivé aux travailleurs musulmans
8 qui, auparavant, s’occupaient de la garde de l'entreprise ?
9 Témoin K (interprétation). – Je l'ai déjà dit : ils ont été
10 transférés dans d'autres départements de l'usine. L'usine était grande ;
11 c'est un grand complexe. Ils ont travaillé également dans la production.
12 M. Lopez-Terres. – J'aimerais que nous parlions des faits qui se
13 sont produits le 19 octobre 1992. Cet après-midi-là, lorsque vous reveniez
14 de l'usine, de votre travail, vous avez été arrêté à un barrage qui était
15 installé au lieu-dit Impregnacija. Vous avez remarqué qu'à ce barrage les
16 soldats du HVO avaient mis en place de l'armement lourd ; il y avait un
17 canon, une mitrailleuse. Vous avez également vu qu'un canon antiaérien
18 était également placé devant le commissariat de police. Est-ce exact ?
19 Témoin K (interprétation). – C'était dans la soirée. En rentrant
20 de mon travail, j'ai pris ma voiture. J'avais une voiture. J'ai dépassé un
21 point de contrôle ; j'ai été arrêté, pas uniquement moi-même, mais
22 d'autres également. Tous les passagers ont été arrêtés. On a fouillé les
23 voitures. J'avais de la chance parce que j'avais rencontré un collègue qui
24 a travaillé avec moi à l'usine. Donc, il ne m'a pas fouillé. Il m'a dit :
25 "Sauve-toi, rentre chez toi". Il est vrai qu'il y avait des armes lourdes.
Page 6749
1 Il y avait un canon antiaérien qui était sur un véhicule. Sinon, c'est un
2 véhicule qui se déplaçait tout le long, dans la municipalité, partout
3 évidemment où c'était possible. Moi, j'ai vu souvent ce véhicule qui était
4 juste devant le poste de police.
5 M. Lopez-Terres. – Vous avez donc pu passer ce barrage ; vous
6 vous êtes rendu à Ahmici. Là, vous avez été invité à participer à une
7 réunion avec d'autres habitants du village ?
8 Témoin K (interprétation). – Oui.
9 M. Lopez-Terres. – Cette réunion avait été organisée à la
10 demande du responsable de la défense territoriale du village, M. Fuad
11 Brkic, qui vous a indiqué alors, à vous et à d'autres personnes, qu'un
12 ordre verbal avait été donné par le commandement de l'armée de Bosnie à
13 Vitez pour établir un barrage afin d'empêcher que des renforts du HVO, qui
14 venaient de Busovaca et Kiseljak, ne puissent se rendre en direction de
15 Novi Travnik. Est-ce bien exact ?
16 Témoin K (interprétation). – C'est exact. Si je peux faire
17 commentaire ?
18 M. Lopez-Terres. – Je vous en prie.
19 Témoin K (interprétation). – Ce barrage a été dressé.
20 Probablement qu'on lui a demandé d'y rester, mais cet homme savait qu'on
21 était en danger et qu'on courait un très grand risque, étant donné que
22 notre village touche à l'axe principal, et que les villages catholiques
23 étaient du point de vue du nombre beaucoup plus puissants. Nous étions
24 quelque peu en sandwich. J'avoue qu'il y avait cette tension ; cela se
25 sentait que quelque chose de fort malheureux allait se passer. Nous avons
Page 6750
1 donc décidé de ne pas dresser ce barrage. Il n'a pas été dressé ;
2 quelqu'un a donné l'ordre : il n'a pas été dressé.
3 M. Lopez-Terres. – Ce barrage n'a pas été dressé dans un premier
4 temps, mais par la suite, dans la soirée, il a finalement été dressé par
5 des personnes à la suite de l'arrivée de deux policiers de réserve de
6 Ahmici qui ont indiqué aux autres villageois qu'ils avaient été désarmés
7 par le HVO. Ceci a donc fait changer la position quant à la décision à
8 prendre sur le barrage. Est-ce exact ?
9 Témoin K (interprétation). – Oui. C'est à peu près cela, mais
10 j'aimerais préciser tout simplement : ces jeunes hommes qui étaient avec
11 moi, ils étaient un certain temps avec moi sur le barrage. Il y avait des
12 catholiques et des musulmans. Nous étions ensemble. C'était comme cela
13 également sur le barrage dont on parle. Dans la soirée, les deux de notre
14 village ont été désarmés ; ils ont fait l'objet de sévices et on leur a
15 demandé de retourner chez eux. Ils sont rentrés dans le village chez eux.
16 Ils ont été très fâchés, frustrés et, sans aucune autorisation avec un
17 certain nombre de ceux qui leur étaient fidèles, ils ont monté le barrage.
18 Comme je l'ai déjà dit, l'objectif de dresser le barrage était pour qu'ils
19 s'assurent d'avoir des armes. Eux ne connaissaient pas ce qui s'était
20 passé avec l'ordre parvenu de Fuad.
21 M. Lopez-Terres. – Finalement, ce barrage a été dressé par les
22 deux policiers et un groupe de jeunes hommes du village. Concernant
23 l'armement dont les personnes disposaient, il s'agissait essentiellement
24 de quelques mitraillettes. Vous avez indiqué que ces personnes avaient
25 également placé quelques tubes métalliques sur la route pour que les
Page 6751
1 soldats du HVO se méprennent et aient l'impression d'avoir affaire à des
2 mortiers. Est-ce exact ?
3 Témoin K (interprétation). – C'est cela.
4 M. Lopez-Terres. – Au cours de la même soirée, il est exact que
5 les hommes d'abord en place, les hommes d'Ahmici, ont été rejoints par une
6 trentaine d'autres personnes des villages voisins, dix hommes qui venaient
7 de Vrhovine, dix hommes de Poculica et dix hommes de Preocica. Ces hommes
8 ont pris position à différents endroits du village. C'est cela ?
9 Témoin K (interprétation). – C'est exact. Mais j'aimerais faire
10 un commentaire, si vous me le permettez. Je pense que le commandement qui
11 a donc pris une telle décision savait que nous n'avions pas d'armement,
12 pas d'unités organisées, formées, etc. C'est pourquoi ils voulaient nous
13 aider. C'est pourquoi ils ont désigné un certain nombre de personnes des
14 villages différents, qui devaient se rendre sur place. Cela dit, nous
15 sommes allés à leur rencontre pour leur dire que l'on n'en avait pas
16 besoin. Mais ils sont passés par une autre route. Et cette nuit, ils sont
17 passés par le village.
18 M. Lopez-Terres. – Vous-même, vous n'avez pas participé au
19 barrage ?
20 Témoin K (interprétation). – Non, absolument pas.
21 M. Lopez-Terres. – Le lendemain, 20 octobre 1992, aux environs
22 de 5 heures, le conflit a commencé et un premier obus est tombé sur le
23 minaret de la mosquée d'Ahmici-le-Bas, c'est bien cela ?
24 Témoin K (interprétation). – Vous avez raison parce que, plus
25 tard, nous avons entendu que le HVO avait reçu un ordre. Ils avaient même
Page 6752
1 un plan : "24 heures de cendres et de fumée". Ce plan aurait dû être
2 déclenché au moment de l'appel à la prière, le premier appel à la prière,
3 qui s’appelle "Ezan". Au moment où Hodza a fait cet appel, ils ont tiré
4 sur le village et ainsi le conflit s'est déclenché.
5 M. Lopez-Terres. - Vous avez pu constater, étant vous-même dans
6 le village, que des coups de canons ont été tirés sur Ahmici, des canons
7 qui tiraient depuis les villages voisins de Hrasno et Donji Ravni, situés,
8 eux, dans la municipalité de Busovaca ?
9 Témoin K (interprétation). - Oui.
10 M. Lopez-Terres. - Vous avez vu également ce camion sur lequel
11 était monté ce canon dont vous nous avez parlé il y a quelques instants ?
12 Témoin K (interprétation). - Oui.
13 M. Lopez-Terres. - Ce camion a également tiré avec son canon sur
14 ce village ?
15 Témoin K (interprétation). – C’est cela.
16 M. Lopez-Terres. - Vous aviez déjà eu l'occasion de voir ce
17 camion avec le canon monté sur lui à plusieurs reprises dans le village
18 d'Ahmici. Ce camion venait, de temps en temps, apparemment pour
19 impressionner la population locale. Est-ce exact ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui, c'est vrai. Souvent, il se
21 déplaçait dans ce camion. Et puis, j'avoue qu'il a été quelqu'un qu'on
22 connaissait bien, parce que lui aimait bien boire. Je l'ai rencontré dans
23 la route. Je me souviens, il y avait quelqu'un qui s'appelait Nikica
24 Plavcic, il était placé près du canon. Nous, on l'appelait "Nikica", cela
25 veut dire "l’image". Il jouait en quelque sorte avec le canon, il
Page 6753
1 traversait le village pour que nous autres, Bosniens, on ait l’impression
2 que véritablement ils sont puissants et qu'on les craigne. Parce que
3 c'était une grande puissance, c'est ce qu'il voulait montrer.
4 M. Lopez-Terres. - Dans la matinée du 20 octobre 1992, environ
5 vers 10 heures du matin, le chef local du HVO, qui s'appelait M. Buha, qui
6 habitait à Buhine Kuce, a donné un ultimatum aux hommes de la Défense
7 territoriale d'avoir à rendre les armes dont ils disposaient ?
8 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Je m'excuse : encore
9 un petit commentaire. Ils sont convenus que nous allions avoir une petite
10 réunion pour voir ce que nous allions entreprendre par la suite. Puis Fuad
11 Berbic avec d'autres personnes chargées pour notre village, le commandant
12 du HVO a tout simplement ordonné qu'on devait restituer des armes dont on
13 disposait. Ils nous ont dit également qu'ils allaient se porter garants de
14 notre sécurité.
15 M. Lopez-Terres. – Certains villageois musulmans qui habitaient
16 dans la zone de Zume ont accepté de rendre leurs armes, mais, à Ahmici,
17 les habitants qui disposaient de certaines armes ont refusé de le faire.
18 Est-ce exat ?
19 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ceux qui ont restitué
20 des armes, c'était assez mélangé. Il y avait des Musulmans et des Croates
21 dans ces familles, alors que les autres n'étaient pas mélangés, ils ont
22 donc refusé de restituer ces armes.
23 M. Lopez-Terres. – Du fait de refus de restitution de ces armes,
24 les combats continuaient. A l'occasion de la bataille, il y a eu environ
25 14 bâtiments et étables détruits par le feu, puisque des munitions
Page 6754
1 inflammables étaient utilisées et, également, des obus sont tombés dans
2 cinq ou six maisons, c'est exact ?
3 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Les maisons n'ont pas
4 été incendiées jusqu'au bout. Mais il y avait des engins explosifs, qu'ils
5 ont posés. Il y a quelques grenades qu’ils ont jetées d’une distance assez
6 grande, également des étables ont été incendiées, même des vaches ont été
7 calcinées, le bétail a été détruit. Et puis en ce qui concerne des hommes,
8 ils se sont retirés dans le haut du village.
9 M. Lopez-Terres. - Vous-même, vous vous êtes retiré avec
10 d'autres villageois dans cette partie haute du village. Et depuis cette
11 partie de Ahmici-le-Haut, par radio je crois, vous avez essayé de demander
12 du secours au centre de commandement de Vitez. Mais aucun secours n'a été
13 envoyé ?
14 Témoin K (interprétation). – C’est cela.
15 M. Lopez-Terres. - Vous avez réussi finalement à quitter le
16 village d’Ahmici. Vous vous êtes rendu au village de Vrhovine, un village
17 voisin où vous êtes resté pendant cinq ou six jours ?
18 Témoin K (interprétation). – 90 % d'habitant, à ce moment-là, se
19 sont déplacés vers les villages dans le voisinage. Certains sont restés
20 et, heureusement, rien ne leur est arrivé.
21 M. Lopez-Terres. – Lors de ces combats du 19/20 octobre 1992,
22 l'un de vos cousins, (expurgé), a été tué par une balle
23 et deux autres personnes ont été blessées, est-ce exact ?
24 Témoin K (interprétation). - C'est correct. Et excusez-moi, je
25 peux dire encore quelque chose ?
Page 6755
1 M. Lopez-Terres. - Je vous en prie.
2 Témoin K (interprétation). – (expurgé) était jeune, il allait
3 à l'école secondaire, c'était un homme quand même. Il a regardé plein de
4 films, probablement, qui ont exercé une influence sur lui. Il
5 s’intéressait. C’est par curiosité qu’il voulait savoir ce qui se passait
6 au barrage. Il était vêtu en civil. Il est parti se rendre sur le barrage
7 pour voir ce qui s’était passé sur le barrage et un tireur embusqué a tiré
8 et l’a tué.
9 M. Lopez-Terres. - Vous voulez dire que votre cousin n'était pas
10 armé au moment où il a été tué ?
11 Témoin K (interprétation). – Non, il n’était pas armé. Il était
12 jeune, il allait à l'école encore. Il n’avait absolument aucune arme.
13 M. Lopez-Terres. - C'est la seule victime du côté musulman, ce
14 jour-là. Il y a eu deux blessés, je crois, et ce cousin qui a été tué ?
15 Témoin K (interprétation). – Deux blessés et ce jeune homme qui
16 a été tué.
17 M. Lopez-Terres. – Pendant que les villageois d’Ahmici étaient
18 donc au village voisin pendant ces quelques jours que vous avez passés à
19 Vrhovine, c'est la police militaire du HVO qui est entrée dans le village
20 et qui a pris des mesures pour éviter que des vols ne soient commis dans
21 les habitations. Vous-même avez pu constater à votre retour au village que
22 rien n'a été volé dans votre maison. Est-ce exact ,
23 Témoin K (interprétation). - Ceci est exact. Et ils ont protégé
24 nos maisons. Et rien ne s’est passé et rien ne manquait.
25 M. le Président (interprétation). - Si vous passez à un autre
Page 6756
1 sujet, peut-être que le moment se prête bien à la pause du déjeuner. Nous
2 allons suspendre, nous reprendrons à 14 heures 30.
3 Monsieur le Témoin K, souvenez-vous que, s'agissant de cette
4 pause et d'autres pauses à venir, vous ne pouvez parler à qui que ce soit
5 de votre déposition. Veillez à ce que personne ne vous en parle non plus ;
6 ceci inclut les membres du Bureau du Procureur. Fort bien, veuillez être
7 de retour à l’audience à 14 heures 30.
8 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.)
9 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,
10 Maître Lopez, vous avez la parole.
11 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, avant que nous ne nous
12 interrompions, nous évoquions la fin des événements de la fin
13 d'octobre 1992 et le premier incident survenu dans le village, après le
14 barrage constitué à Ahmici.
15 Vous avez remarqué, à votre retour au village, que des drapeaux
16 croates avaient été installés dans ce village. Est-ce exact ?
17 Témoin K (interprétation). - Oui. Oui, oui.
18 M. Lopez-Terres. - Ces drapeaux n'existaient pas auparavant ?
19 Témoin K (interprétation). - Non.
20 M. Lopez-Terres. - Quelque temps après cette attaque…
21 Témoin K (interprétation). - Non, excusez moi. Il est vrai
22 qu'avant, il n'y en avait pas.
23 M. Lopez-Terres. - Il y avait d'autres drapeaux dans le village,
24 avant les faits du 20 octobre 1992, des drapeaux de la Bosnie-Herzégovine
25 en particulier ?
Page 6757
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6758
1 Témoin K (interprétation). - Oui, il y en avait à l'école, sur
2 le bâtiment de l'école.
3 M. Lopez-Terres. - C'était un bâtiment public ?
4 Témoin K (interprétation). - Oui.
5 M. Lopez-Terres. - Quelque temps après l'attaque du mois
6 d'octobre 1992, vous avez eu l'occasion de rencontrer un de vos voisins,
7 le nommé Vlatko Kupreskic, actuellement détenu à La Haye, qui fait l'objet
8 du procès dont nous parlions ce matin, et vous lui avez demandé quelques
9 informations sur ce qui s'était passé et pourquoi cela s'était passé.
10 Est-il exact que celui-ci vous a indiqué, à ce moment-là, que
11 dorénavant les Musulmans devaient obéir à la loi de la Bosnie-Herzégovine
12 parce que la Bosnie-Herzégovine était désormais devenue un Etat, la
13 Communauté croate de Bosnie-Herzégovine était devenue un Etat ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui, moi, je me souviens. Je
15 n'étais pas seul ; nous étions plusieurs, quatre pour parler précisément.
16 Il y avait mon père également dans ce groupe. Nous sommes partis
17 ensemble ; lui est le plus proche comme voisin. Nous sommes donc allés le
18 voir et nous lui avons dit : "Qu'est-ce qui se passe ? Nous avons déjà dû
19 obéir à l'ultimatum pour restituer des armes pour leur remettre
20 pratiquement !" J'ai donc posé la question. Lui nous a dit : "C'est l'Etat
21 d'Herceg-Bosna qui vient d'être mis en place. Vous devez respecter les
22 lois de cet Etat. Combien de temps va-t-elle durer ? Je n'en sais rien.
23 Pour le moment, c'est ainsi. Vous devez rester des citoyens loyaux à cet
24 Etat".
25 M. Lopez-Terres. - Après cette période, entre le mois de
Page 6759
1 novembre 1992 et le mois de janvier 1993, un accord a été passé entre les
2 habitants d'Ahmici, selon lequel il y aurait des points de contrôle qui
3 seraient tenus à la fois par des Croates et par des Musulmans du village.
4 Est-ce bien exact ?
5 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ce n'étaient pas des
6 points de contrôle tout à fait stables. C'étaient en quelque sorte des
7 patrouilles villageoises qui, dans la soirée, se déplaçaient un peu. Oui,
8 nous étions ensemble, cette époque-là.
9 M. Lopez-Terres. - Est-il exact, monsieur le Témoin K, qu'aux
10 environs du mois de novembre 1992 vous avez vu l'accusé Dario Kordic, lors
11 d'une conférence de presse à laquelle il a participé à la télévision de
12 Busovaca et à laquelle participait également Ignac Kostroman ?
13 M. le Président (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît,
14 monsieur Lopez-Terres.
15 M. Sayers (interprétation). - Deux objections : d'abord, sur la
16 façon dont est dirigée la question -ici, c'est une question qui ne porte
17 pas à controverse- et, deuxième objection, c'est parce qu'on prend
18 quelques éléments de ce qui a été une conférence télévisée. Nous ne nous
19 opposons à ce que la totalité de la conférence de presse soit diffusée,
20 ainsi que la transcription fournie, mais nous nous opposons à ce qu'une
21 seule déclaration soit retirée. Rappelez-vous cette conférence de presse :
22 elle a eu lieu il y a six ans. On ne peut pas en voir qu'un extrait.
23 M. le Président (interprétation). - Eh bien, demandons au témoin
24 s'il a vu Dario Kordic à l'occasion de cette conférence de presse. Et si
25 tel est le cas, ce qui lui reste dans le souvenir que Kordic aurait dit.
Page 6760
1 M. Lopez-Terres. - Avant que je m'adresse au témoin, si vous me
2 permettez, Monsieur le Président, j'indique que le Bureau du Procureur ne
3 dispose pas de cette conférence de presse sur une bande vidéo, pour que
4 les choses soient bien claires.
5 Monsieur le Témoin, lors de cette conférence de presse à
6 laquelle vous avez assisté, est-ce que vous vous souvenez des propos qu'a
7 tenus l'accusé Dario Kordic à partir du moment où il a été question du
8 village d'Ahmici ?
9 Témoin K (interprétation). - Je ne connais pas malheureusement
10 la date. Je ne pourrais pas vous le dire. Je sais bien évidemment que
11 cette conférence de presse a eu lieu. Je ne savais pas que je serai dans
12 la situation à témoigner devant une Chambre. Mais je me souviens que tous
13 ceux qui habitaient mon village pouvaient suivre les programmes de la
14 télévision de Busovaca. Donc on a été un petit peu curieux de savoir ce
15 qu'ils pensent sur nous, ce qu'ils disent sur nous.
16 Lors d'une conférence de presse -ils l'appelaientcomme cela-, il
17 y avait Dario Kordic qui était présent, Kostroman et Blaskic, et puis il y
18 avait quelques journalistes. Entre autres questions qui ont été posées, il
19 y avait une question qui a été posée dans le sens que je vais vous donner.
20 Je ne peux pas bien évidemment vous donner tous les termes exacts de la
21 question : qu'est-ce qu'après le barrage d'Ahmici va se passer avec le
22 village ?
23 M. le Président (interprétation). - Quelle est l'objection ?
24 M. Sayers (interprétation). - Eh bien, précisément, ceci me
25 rappelle ou me ramène à l'objection en vertu de l'article 89 puisque ce
Page 6761
1 témoin ne se souvient plus exactement de la déclaration faite à la
2 télévision. Ceci peut avoir un effet pervers, un effet delétère parce que
3 manifestement, ici, l'effet que ceci peut avoir est de loin inférieur à la
4 valeur probante.
5 M. le Président (interprétation). - Mais c'est un peu comme s'il
6 avait rencontré Kordic et que Kordic lui avait dit quelque chose puisque
7 ce monsieur a vu Kordic dire quelque chose à la télévision. Il ne se
8 souvient plus des termes exacts employés, mais il peut nous en donner la
9 substance. Je pense qu'il n'y a pas là d'inéquité. Je vous en prie.
10 Eh bien, Monsieur le Témoin, d'après vous , qu'a dit M. Kordic à
11 cette occasion ?
12 Témoin K (interprétation). - Moi je vous ai dit que, bien
13 évidemment, je n'étais pas en contact direct avec M. Kordic. J'étais chez
14 moi, à la maison et je suivais l'émission à la télévision. A la question
15 qui a été posée par une journaliste -c'était une dame si mes souvenirs
16 sont bons-, il a dit : "A Ahmici ils paieront cher ce barrage qu'ils ont
17 dressé". Je le dis, je ne peux pas vraiment interpréter à la lettre, mais
18 dans le sens qu'ils allaient être rasés. C'est dans ce sens-là qu'il a
19 répondu. Par conséquent, qu'il ne faut pas s’en faire, mais que c'est de
20 cette façon-là que cela se passera.
21 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin, nous sommes bien
22 d'accord, je crois simplement qu'il y a un petit problème dans la
23 traduction : vous n'avez pas assisté vous-même à la conférence de presse à
24 Busovaca, vous étiez chez vous ? Nous sommes bien d'accord ?
25 Témoin K (interprétation). - Non, je n'ai pas assisté. J'ai
Page 6762
1 suivi à la télévision.
2 M. Lopez-Terres. - Dans le transcript en langue anglaise, on a
3 l'impression que vous étiez présent au moment où la conférence de presse a
4 eu lieu.
5 M. le Président (interprétation). - Je pense que maintenant nous
6 avons une idée précise de la situation. Le témoin ne participait pas au
7 débat, il était chez lui et a vu tout ceci chez lui. Tout est clair.
8 M. Lopez-Terres. - A propos toujours des émissions de télévision
9 que vous regardiez à l'époque, est-ce que vous avez vu également une
10 émission au mois de janvier, février 1993, au cours de laquelle le nommé
11 Anto Valenta était l'invité ? Il s'agit d'une émission qui se déroulait en
12 Croatie, à Split. Anto Valenta a indiqué lors de cette émission que les
13 Croates de Bosnie devaient désormais se préparer pour le conflit contre
14 les Musulmans de la Bosnie. Est-ce que vous vous souvenez de cette
15 émission ?
16 Témoin K (interprétation). - Bien sûr. C'était une émission
17 qu'on appelait "Slikom na sliku", "L'image sur l'image". C'est Anto
18 Valenta qui y participait.
19 Je vais vous corriger. Il n'a pas dit "des Musulmans de Bosnie-
20 Herzégovine", il a parlé des Croates de Vitez qui doivent se préparer pour
21 combattre les Musulmans et pour entrer en combat avec des Musulmans.
22 C'est au retour il a dit que soi-disant, c'était un lapsus,
23 qu'il voulait dire qu'il fallait qu'ils se préparent contre l'agression
24 serbe. Mais il a dit probablement ce qu'il a pensé.
25 M. Lopez-Terres. - Est-ce que vous avez vu, un peu plus tard,
Page 6763
1 durant le printemps 1993, l'accusé, Dario Kordic à l'occasion d'une autre
2 conférence de presse évoquer également les relations entre les Musulmans
3 et les Croates en Bosnie ? Est-ce que vous pouvez nous rapporter les
4 propos ?
5 Témoin K (interprétation). - A cette époque-là, c'était un
6 personnage des médias. Il était pratiquement tout le temps à la
7 télévision. En ce qui nous concerne, on regardait de temps à autres ces
8 émissions.
9 Je me souviens qu'une fois il y avait une autre conférence de
10 presse, c'était l'époque où on semait, c'était l'époque des semences. Un
11 journaliste lui a demandé : "Il faut par conséquent qu'on ait des gains de
12 semailles ?", alors que lui a répondu : "Ils peuvent semer, c'est nous qui
13 allons récolter". Voilà, bien évidemment il a pensé aux Croates.
14 M. Lopez-Terres. - Quand il a dit : "ils peuvent semer", il
15 voulait parler des Musulmans ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui, exactement, c'est comme cela.
17 M. Lopez-Terres. - Le 13 avril 1993, Monsieur le Témoin K, votre
18 fils qui travaillait à l'époque à l'usine Bratstvo de Novi Travnik a été
19 arrêté par un groupe de soldats du HVO, avec un autre groupe d'autres
20 travailleurs de cette usine, alors qu'il se rendait à cette usine dans un
21 autobus. C'est exact ?
22 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Il se rendait au
23 travail.
24 M. Lopez-Terres. - Est-il exact que, le lendemain de cette
25 arrestation de votre fils et de ce groupe de travailleurs musulmans, vous
Page 6764
1 avez rendu visite à l'accusé Mario Cerkez, dans son bureau du cinéma à
2 Vitez, à la maison de la Culture ?
3 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas si c'est la
4 traduction qui est bonne ou pas bonne. De toute façon, ce n'est pas lui,
5 c'est moi qui ai visité la maison de la Culture.
6 M. Lopez-Terres. - Il semblerait que la traduction pose un
7 problème, semble-t-il. Etes-vous allé rendre visite à l'accusé, Mario
8 Cerkez ?
9 Témoin K (interprétation). - On vient de me dire que c'est lui.
10 Mais lui a été arrêté ; par conséquent, c'était pas lui, c’est moi.
11 M. Lopez-Terres. - La traduction pose encore un problème. C'est
12 vous, pas votre fils évidemment, qui êtes allé rendre visite à Mario
13 Cerkez ? Nous sommes bien d'accord ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui. Là, c'est bon.
15 M. Lopez-Terres. - Vous avez rendu visite à Mario Cerkez, que
16 vous connaissiez, et vous lui avez demandé s'il pouvait obtenir ou
17 faciliter la libération de votre fils. Vous pouvez nous parler de cette
18 réunion du 14 avril ?
19 Témoin K (interprétation). - Oui, je pourrais vous relater tout
20 cela. Mon fils a travaillé à Bratstvo, vous avez raison de le dire. Il se
21 rendait au travail et un groupe de soldats du HVO les ont arrêtés ; ils
22 ont demandé à tous les Musulmans de descendre du bus. Ils ont laissé
23 passer les Croates ; ils ont gardé ce groupe de Musulmans parmi lesquels
24 mon fils. Personnellement, j'étais à l'usine à ce moment-là ; un des
25 collègues de mon fils, qui est catholique et qui est croate, m'a informé
Page 6765
1 que mon fils avait été arrêté ; c'est ce qu'ils ont dit. Il a été détenu ;
2 c'est le terme qu'ils ont utilisé.
3 Moi, j'ai tout de suite quitté mon poste de travail et je me
4 suis rendu à l'état-major de la la Défense territoriale, auprès du chef
5 Djidic. Je suis père et je lui ai demandé de me libérer mon fils. J'ai dit
6 que mon fils n'était pas coupable de quoi que ce soit. Comme lui ne
7 pouvait rien me promettre, je me suis rendu chez Pero Skopljak. A cette
8 époque, il était le président du HDZ ; il était donc parmi les dirigeants
9 les plus haut placés. Il m'a dit à la lettre : "Je suis un homme
10 politique, je ne peux pas t'aider : c'est une affaire militaire". J'ai
11 travaillé avec Mario à l'usine ; on n'était pas des copains, car on
12 n'était pas de la même génération, mais on se connaissait très bien ; je
13 connaissais aussi ses parents.
14 Je me suis rendu chez lui ou plutôt à l'endroit où se trouvait,
15 disons, leur quartier général. J'étais accompagné d'un soldat. Je me suis
16 rendu chez lui, il m'a reçu, il m'a accueilli vraiment gentiment. Et je
17 dois dire qu'il m'a répondu que rien ne se passerait et que, de toute
18 façon, il ne faut pas que je craigne quoi que ce soit. Il a dit : "Il y a
19 un certain nombre de nos officiers qui ont été arrêtés hier, par vos
20 forces, à Gornji Vakuf. C'est la raison pour laquelle nous les avons
21 arrêtés, les Musulmans, pour pouvoir procéder à un échange contre ces
22 officiers. Pour le moment, je ne peux strictement rien faire, mais tu peux
23 compter sur ma parole : rien ne se passera". C'est comme cela que s'est
24 passé notre entretien.
25 Je suis sorti. Mon fils, le 15 au soir, avec cinquante Bosniens,
Page 6766
1 a été emmené au camp de Kaonik dans la municipalité de Busovaca. C'est là
2 où il a passé deux mois. Il a fait l'objet de plein de sévices ; il a dû
3 creuser des tranchées ; il a été maltraité. On lui a donné des coups de
4 pied et il a été giflé.
5 M. Lopez-Terres. - Votre fils est resté environ deux mois dans
6 le camp de Kaonik. Comme vous venez de le dire, il a creusé des tranchées,
7 en particulier dans les régions de Putis et de Kratine.
8 Témoin K (interprétation). - A Putis, oui. A un moment donné, il
9 a également été envoyé dans la région de Rovna.
10 M. Lopez-Terres. - Le 16 avril 1993, monsieur le Témoin K, aux
11 environs de 5 heures 30, vous avez entendu dans le village où vous
12 habitiez une large explosion et des balles qui fusaient de tous côtés. Et
13 vous avez pu voir que plusieurs maisons autour de la vôtre brûlaient. Vous
14 ne vous attendiez pas du tout à une attaque, ce matin-là du 16 avril ?
15 Témoin K (interprétation). - C'est exact.
16 M. Lopez-Terres. - Un jour auparavant, dans la soirée, nous
17 avions organisé entre nous autres villageois une réunion ; il n'y avait
18 pas de soldats, ni personne d'important. Mais nous avons dit que nous
19 allions nous garder l'un l'autre. De toute façon, nous allons nous
20 protéger les uns les autres. Il ne va pas être question d'attaque. C'est
21 la raison pour laquelle nous sommes rentrés chez nous et nous avons bien
22 dormi. Moi, ce n'était pas mon cas, car mon fils était dans le camp et je
23 craignais, j'avais une peur, une angoisse : plein de personnes avaient
24 déjà été tuées. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais pas dormir ;
25 les autres sont parti dormir.
Page 6767
1 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, est-ce qu'au cours de
2 la nuit du 15 au 16 avril 1993 dont nous parlons, des forces de l'armée
3 musulmane sont arrivées à Ahmici et ont été déployées dans Ahmici ou
4 autour d'Ahmici ? Je dis bien des forces de l'armée musulmane.
5 Témoin K (interprétation). - Non, non, il n'y avait aucun
6 soldat, il n'y avait pas de troupes du tout dans notre village : il
7 n'était en aucune façon une cible militaire, notre village. Il n'y avait
8 que des civils dans notre village et les quelques rares hommes en âge de
9 combattre que nous avions, puisqu'il y avait déjà eu constitution d'une
10 brigade musulmane, ces hommes étaient partis pour rejoindre cette unité ;
11 ce qui veut dire que même ces hommes-là n'étaient pas dans le village.
12 Dans les villages ne demeuraient plus que les hommes de ma génération,
13 ceux qui avaient la soixantaine ou plus, ainsi que des femmes et des
14 enfants, ainsi les quelques rares hommes qui n'étaient pas en mesure, qui
15 n'étaient pas en état de rejoindre l'armée.
16 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, nous venons de parler
17 de la nuit du 15 au 16 avril ; parlons de la nuit précédente, la nuit
18 du 14 au 15 avril. Je vous repose la même question : est-ce que des forces
19 de l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient été déployées à Ahmici ou dans
20 les environs d'Ahmici ?
21 Témoin K (interprétation). - Non, non. Je le répéterai cent
22 fois. J'ai bien dit qu'il n'y avait pas de soldats. Je le dis de façon
23 catégorique.
24 M. Lopez-Terres. - Je vais vous présenter un document,
25 monsieur le Témoin K. Ce document porte la référence Z6/6/0/1.
Page 6768
1 (Le document est montré au témoin.)
2 Ce document est un ordre de préparation au combat daté du
3 15 avril 1993, à 10 heures, signé par le colonel Blaskic. Monsieur le
4 Témoin K, pouvez-vous examiner la première page de ce document ? Dans le
5 4ème paragraphe, si je peux dire, de ce document, il est fait état, pour la
6 date du 14 au 15 avril 1993, du déploiement de forces musulmanes dans la
7 région de Nadioci et d'Ahmici.
8 Ce document indique que des troupes de l'armée de Bosnie-
9 Herzégovine auraient été déployées dans la nuit du 14 avril au 15 avril.
10 Vous démentez l'arrivée de ces troupes. Vous êtes certain qu'il n'y a pas
11 eu de déploiement ?
12 Témoin K (interprétation). – C'est tout à fait erroné. Dans
13 notre village, dans les environs de notre village, il n’y avait pas un
14 seul homme armé, un seul soldat armé qui soit sous le contrôle de l'armée
15 de Bosnie-Herzégovine ou de la Défense territoriale. A la lecture de ceci,
16 je me rends compte que l'on fait état du village de Nadioci. 98 % de la
17 population de ce village étaient croates. Alors, qu'est-ce qu'une armée
18 musulmane ferait à cet endroit ?
19 Je peux vous le dire de façon certaine : dans notre village, il
20 n'y avait aucune structure militaire. Pas plus que dans les environs.
21 Peut-être qu'il y avait de telles structures à Stari Vitez, ou à Kruscica.
22 Effectivement, une partie de cette brigade avait été constituée à cet
23 endroit ; mais là, c'était vraiment de l'autre côté, à l'autre bout de la
24 région. A Kruscica, il y avait effectivement des troupes, des soldats. Le
25 fils de mon frère s’y trouvait. C'est pour cela que je le sais. Pour
Page 6769
1 Vitez, je ne sais pas. Je suppose qu'il y avait peut-être des éléments,
2 mais à Nadioci et à Ahmici il n'y avait vraiment personne.
3 M. Lopez-Terres. – Est-ce que des troupes, de l'extérieur de
4 Vitez, des troupes de Zenica ou d'autres régions auraient pu être
5 déployées à Ahmici ou dans ses environs dans la nuit du 14 au 15 avril ?
6 Témoin K (interprétation). – Non, ce n'était pas possible.
7 Pourquoi ? Parce que des éléments du HVO, à Kuber déjà, -Kuber c'est un
8 relief entre Vitez et Zenica- ces soldats avaient déjà occupé des
9 positions à cet endroit, à Kuber. Cela veut dire que leur armée contrôlait
10 toute cette partie-là du territoire, de toute la région autour d'Ahmici.
11 Il était absolument impossible que quelqu'un vienne de l'extérieur.
12 M. Lopez-Terres. – Revenons à cette soirée du 15 avril 1993,
13 vous avez aperçu au cours de la soirée des voisins croates qui étaient
14 armés, qui portaient des armes, un casque, une tenue de combat, qui se
15 rendaient dans la partie du village où habitait la famille Kupreskic. Ceci
16 ne vous a pas paru particulièrement suspect, ce soir-là ?
17 Témoin K (interprétation). – Ce soir-là, mon frère et moi nous
18 sommes sortis pour faire le tour des maisons. Ceci s'est passé au cours de
19 la soirée. C'était au crépuscule, mais on voyait encore bien. J'ai vu mon
20 voisin le plus proche, Dragan Vidovic et son cousin. Ils étaient tous les
21 deux en tenue de combat ; ils avaient tout le kit : un casque, le sac à
22 dos. Ils étaient pressés. Ils se dirigeaient en toute hâte vers la maison
23 des Kupreskic comme nous l'appelions.
24 Nous n'avons pas attaché beaucoup d'importance à ce fait-là. En
25 effet, eux ou le HVO, on voyait souvent les éléments à proximité de notre
Page 6770
1 village, et que ce soit chaque semaine ou à d'autres cadences. Ils
2 passaient par notre village comme ils le faisaient à Kuber. Ils
3 traversaient notre village sans que personne ne les entrave. Ils
4 revenaient de ces positions par les mêmes routes. C'est ce qui s'est passé
5 ce soir-là.
6 M. Lopez-Terres. – Le matin du 16 avril, le matin de l'attaque,
7 vous avez décidé avec votre épouse et un autre groupe de villageois, de
8 vous abriter dans la maison d'un autre villageois, M. Kermo qui, lui,
9 habitait à Ahmici-le-Haut, à proximité de la mosquée. Est-ce exact ?
10 Témoin K (interprétation). – C'est exact. Cette maison avait été
11 désignée par notre protection civile. Elle devait être utilisée dans de
12 tels cas. C'était l'endroit où nous étions censés nous rendre. C’est ce
13 que nous avons fait ce matin-là.
14 M. Lopez-Terres. – Avec votre épouse et un groupe de villageois,
15 vous vous êtes déplacés le long d'un fossé et dans les buissons. Vous avez
16 remarqué que votre présence avait été repérée par des soldats du HVO à
17 proximité de la maison de Vlatko Kupreskic. L'un de ces soldats vous a
18 crié quelque chose à ce moment-là. Pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a
19 dit ?
20 Témoin K (interprétation). – Nous étions 14 dans notre groupe :
21 ma famille et deux autres familles. Nous n'avions absolument pas à l'idée
22 que quelque chose de similaire pourrait se passer. Nous avons emprunté une
23 route à travers une vallée. Nous sommes arrivés jusqu'à cette maison -ils
24 nous ont remarqué et ont proféré des injures : notre mère de Balija- où on
25 se cachait ; on nous demandait et puis ils ont tiré des rafales.
Page 6771
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6772
1 M. Lopez-Terres. – A l'occasion de ces tirs dont vous avez été
2 l'objet, votre belle-sœur a été tuée, votre fille a été blessée, ainsi
3 qu'une autre personne, qui était un réfugié de Prijedor. Est-ce exact ?
4 Témoin K (interprétation). – Vous avez raison.
5 M. Lopez-Terres. – Vous avez finalement rejoint la maison où
6 vous deviez vous abriter et où se trouvaient des gens, environ 150 à
7 200 personnes.
8 Témoin K (interprétation). – Moi, j'ai pris la petite sur mon
9 dos. Elle était blessée ; nous sommes allés jusqu'à la maison. Il y avait
10 150 personnes qui étaient dans ce refuge.
11 M. Lopez-Terres. – Au cours de la matinée, aux environs de midi,
12 un véhicule de la Forpronu est venu dans le village. Le personnel de ce
13 véhicule a porté secours à certaines personnes blessées.
14 Témoin K (interprétation). – Il y avait plusieurs véhicules. Un
15 véhicule est parti vers la maison de Kermo. Nous les avons appelés :
16 "Aidez-nous ! Aidez-nous !". Effectivement, ils sont venus vers nous ; ils
17 ont soigné les blessures des trois personnes. Ils les ont mises dans le
18 véhicule de transport de troupes et les ont transportées. Il y avait un
19 véhicule de transport de troupes qui a continué vers le village car deux
20 personnes avaient été grièvement blessées. Dans le même village, mais de
21 l'autre côté de la colline. Une personne est décédée sur-le-champ ;
22 l'autre est décédée lors du transfert vers Travnik. C'était une femme.
23 M. Lopez-Terres. – Vous avez remarqué que les tirs du HVO ont
24 cessé sur le village pendant tout le moment où ce véhicule de transport de
25 troupes était présent. Ensuite, les tirs ont recommencé une fois que ce
Page 6773
1 véhicule est parti ?
2 Témoin K (interprétation). – Notamment en ce qui concerne
3 l'artillerie lourde du côté de Ravno et Donja Rovna, ils se sont arrêtés.
4 Mais il y a un certain nombre de fusils qui ont continué à tirer, mais
5 l'artillerie lourde s'est arrêtée.
6 M. Lopez-Terres. – Aux environs de 21 heures, ce soir-là, avec
7 un groupe de villageois, vous avez quitté la maison de Kermo. Ensuite, par
8 groupes d'environ dix personnes, vous avez réussi à prendre la fuite et à
9 vous rendre au village de Vrhovine, puis à vous rendre à Zenica.
10 Témoin K (interprétation). – Vous avez raison. Je voudrais
11 ajouter quelque chose. Très franchement parlant, si on attendait des
12 renforts de Zenica ou de Vitez, cela aurait été différent. De toute façon,
13 on ne s'y attendait pas. Des centaines de personnes ont été tuées. Il y
14 avait la panique dans la population. Les maisons ont été incendiées; le
15 feu a été mis un peu partout. C'est pourquoi nous avions décidé de nous
16 enfuir la nuit tombée.
17 Nous avons envoyé les personnes en bonne santé, dans le meilleur
18 état physique, voir vers le haut du village pour voir si les forces du HVO
19 s'y trouvaient. Elles avaient coupé la route. Par conséquent, on ne
20 pouvait pas passer. Ils sont revenus nous dire que la route était libre.
21 Il est vrai que nous nous sommes dirigés vers le village de Vrhovine et
22 par groupes. Il y a un certain nombre de familles, mes parents également,
23 qui sont restées sur place. Et malheureusement, ils ne sont plus en vie.
24 M. Lopez-Terres. - Comme je l'ai indiqué, vous avez déjà eu
25 l'occasion de déposer dans une affaire différente, l'affaire Kupreskic, au
Page 6774
1 mois de septembre de l'année dernière, et à cette occasion-là vous avez
2 contribué largement à l'élaboration de documents que je vais maintenant
3 présenter au Tribunal, ces documents qui ont déjà été soumis -je le
4 précise aussi- à la Chambre qui suit l'affaire Kupreskic.
5 Il s'agit d'abord de tableau qui porte la référence Z 1594-3
6 -1594-3-, et également de deux vues aériennes du village d'Ahmici et des
7 environs sur lesquelles figurent des indications relatives aux maisons
8 occupées par les Musulmans du village, et aux maisons dans lesquelles des
9 personnes ont été tuées, ou relativement aux propriétaires de ces maisons
10 qui ont été tués à l'époque. Il s'agit des références 1594-1 et 1594-2.
11 Je demande à ce que ces documents soient placés sous scellés
12 dans la mesure où ils comportent au moins pour... non, pour tous, le nom
13 du témoin ainsi que sa signature pour l'un d'entre eux. Je vais vous
14 demander de préciser à quoi correspondent ces documents.
15 Témoin K (interprétation). - D'accord.
16 M. Lopez-Terres. - Nous allons d'abord examiner les deux vues
17 aériennes dont j'ai parlé. Monsieur le Témoin K, les deux vues aériennes
18 dont vous disposez d'abord, les deux plans...
19 Témoin K (interprétation). - Je vous en prie.
20 M. Lopez-Terres. - Vous avez, comme je l'ai indiqué, contribué
21 largement à l'élaboration de ces plans, puisque c'est à partir des
22 informations que vous avez données que le Bureau du Procureur a été en
23 mesure d'établir ces deux vues aériennes et de faire apparaître les
24 indications qui s'y trouvent, à savoir la localisation de maisons
25 appartenant à des Musulmans à Ahmici sur la première carte, et sur la
Page 6775
1 seconde la localisation des maisons où des personnes ou dont des personnes
2 ont été tuées à Ahmici. Est-ce que vous reconnaissez ces deux documents
3 comme étant ceux sur lesquels vous avez apporté vos connaissances au
4 Bureau du Procureur ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui, je les reconnais.
6 M. Lopez-Terres. - C'est sur la base de vos indications que les
7 maisons qui sont entourées d'un rond vert et qui correspondent aux
8 Musulmans du village ont été mentionnées ?
9 Témoin K (interprétation). - Oui, ce sont les maisons
10 musulmanes. Je peux ?
11 M. Lopez-Terres. - Il n'est pas nécessaire, à moins que la
12 Chambre souhaite apporter des choses en l'état. Simplement, sur les
13 maisons en particulier. En ce qui concerne les cercles rouges, il s'agit
14 des maisons ou en tout cas de la zone dans laquelle se trouvaient des
15 maisons appartenant à des Croates.
16 Témoin K (interprétation). - C'est exact.
17 M. Lopez-Terres. - En particulier celle des accusés de l'affaire
18 Kupreskic. C'est exact ?
19 Témoin K (interprétation). - Oui, oui, vous avez raison.
20 M. Lopez-Terres. - La deuxième vue aérienne, qui est similaire
21 et qui comporte cette fois des indications avec des ronds jaunes mentionne
22 les maisons dont les familles ont été les victimes de ce qui s'est produit
23 à Ahmici le 16 avril, avec l'indication à chaque fois en chiffres romains
24 du nombre de victimes lorsqu'il s'agit de personnes défuntes. Est-ce
25 exact ?
Page 6776
1 Témoin K (interprétation). - Oui, c'est cela.
2 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Témoin K, vous avez également
3 permis l'élaboration de l'autre document, du tableau sur lequel...
4 Excusez-moi.
5 M. Robinson (interprétation). - S'agissant de la première
6 photographie aérienne, je vois un F et un G entourés de cercles rouges. Ce
7 sont des cercles un peu plus grands. Est-ce que la taille de ces cercles
8 indique que, là, il y avait un pâté plus important de maisons ?
9 M. Lopez-Terres. - Les zones en question correspondent à
10 l'endroit où le témoin pensait que se trouvait la maison, je crois, d'une
11 personne qui s'appelait Nenad Santic qui est décédé depuis, qui était un
12 Croate du village ; à partir du moment où il n'était pas certain de
13 l'emplacement exact de la maison, il a simplement indiqué la zone. Et
14 c'est à partir de ces informations que cette zone a été reportée par nos
15 enquêteurs.
16 M. Robinson (interprétation). - J'ai compris. Je vous remercie.
17 M. Lopez-Terres. - En ce qui concerne le tableau qui porte la
18 référence Z 1594-3, c'est bien votre signature qui apparaît au bas de la
19 première page, Monsieur le Témoin K ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M. Lopez-Terres. - ... date du 21 septembre 1998, c'est exact ?
22 Témoin K (interprétation). - Oui.
23 M. Lopez-Terres. - Sur ce document, il apparaît en page finale
24 un total, à savoir 104 personnes dont les noms apparaissent sur le
25 document, 104 personnes qui ont été tuées dans le village d'après les
Page 6777
1 informations que vous avez pu obtenir ?
2 Témoin K (interprétation). - Oui, c'est tout à fait cela. C'est
3 tout à fait la vérité.
4 M. Lopez-Terres. - Il y a eu sur ces 104 personnes -vous me
5 corrigerez si je me trompe-, 61 hommes, 32 femmes ?
6 Témoin K (interprétation). - Oui.
7 M. Lopez-Terres. - Et 11 garçons qui étaient âgés de moins de
8 18 ans ?
9 Témoin K (interprétation). - Entre 3 mois et moins de 18 ans.
10 M. Lopez-Terres. - Vous avez également fait apparaître le nombre
11 de personnes blessées qui ne figure pas dans le total dont je viens de
12 parler, mais sur cette liste figure le nom de 12 personnes qui ont été
13 blessées le 16 avril 1993 à Ahmici. C'est exact ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui, au moment où ils se sont
15 retirés.
16 M. Lopez-Terres. - Personnellement, Monsieur le Témoin K,
17 combien de personnes de votre famille avez-vous perdues au cours de
18 l'attaque du village d'Ahmici le 16 avril ?
19 Témoin K (interprétation). - Si vous me permettez, excusez-moi,
20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si vous me permettez, avant
21 cette réponse j'aimerais dire quelque chose ?
22 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
23 Témoin K (interprétation). - Nous avons parlé ici d'un chiffre
24 de 104 personnes tuées, mais nous savons pertinemment qu'il y avait
25 15 Bosniens qui était des Bosniens, des réfugiés qui ont été tués. On
Page 6778
1 connaît leur nom mais le nombre de personnes réfugiées qui ont été tuées
2 n'a jamais été déterminé, étant donné que ces personnes que nous appelions
3 réfugiés venaient, passaient, restaient. Par conséquent, il y a au moins
4 15 personnes de plus réfugiées qui ont été tuées.
5 M. Lopez-Terres. - Pour préciser donc la remarque importante que
6 vous venez de faire, effectivement, le chiffre de 104 personnes correspond
7 uniquement aux 104 villageois que vous, vous connaissiez et dont vous
8 aviez...
9 Témoin K (interprétation). - Oui, des personnes qui étaient
10 domiciliées dans le village.
11 M. Lopez-Terres. - Cette quinzaine de réfugiés dont vous venez
12 de nous parler, d'où était-elle originaire ?
13 Témoin K (interprétation). - Certains sont arrivés de Foca, de
14 Prijedor, de Karaola, à côté de Travnik, de Jajce, enfin de villes
15 différentes.
16 M. Lopez-Terres. - Où étaient installés ces réfugiés au moment
17 de l'attaque ?
18 Témoin K (interprétation). – Ils étaient installés ou bien chez
19 des Bosniens qui avaient leur maison dans le village. Et nous avions
20 également beaucoup de maisons secondaires, par conséquent, on s'était mis
21 d'accord avec ces personnes-là qui habitaient à Zenica de nous mettre à la
22 disposition ces maisons secondaires pour installer des réfugiés. Moi, qui
23 étais à ce comité, je m'en suis occupé.
24 M. Lopez-Terres. – Je vous ai posé une question, avant, encore
25 une fois, que vous fassiez cette remarque importante : combien de
Page 6779
1 personnes, personnellement, avez-vous perdues lors de cette attaque du
2 village, personnes de votre famille ?
3 Témoin K (interprétation). - C'est le plus dur, j'avoue, mais je
4 me dois : il y en a 19 membres de ma famille qui ont été tués : deux
5 parents, mon père, ma mère, un frère, son épouse et d'autres membres de ma
6 famille étaient des oncles, des cousins germains. Il y avait des femmes
7 également et des hommes parmi eux, 19 au total. Je me dois de vous dire,
8 mon père avait 81 ans. C'était quelqu'un qui ne voulait pas quitter la
9 maison, parce qu'il ne pouvait pas. Il m'a dit : "Moi, je n'ai strictement
10 rien fait à qui que ce soit, personne ne me fera quoi que ce soit ”. Ma
11 mère est restée avec lui, et mon frère également.
12 Vers le 20 avril, la Forpronu a trouvé leur corps calcinés et
13 ils les ont emmenés jusqu'à Zenica. C'est là où nous les avons identifiés.
14 Moi, je doute toujours. Je ne sais pas si c'était véritablement leur corps
15 parce qu'on ne sait pas si c’était véritablement leur corps… Excusez-moi,
16 je ne peux plus parler. Excusez-moi.
17 M. Lopez-Terres. – Une dernière question : ces informations qui
18 ont permis d'élaborer ces documents sur le nom des personnes, sur leur
19 localisation dans le village, ce sont des informations que vous avez
20 recueillies dès votre arrivée à Zenica, au mois d'avril 1993, que vous
21 avez conservées, compilées et qui vous ont permis ensuite de les
22 transmettre au Tribunal.
23 Témoin K (interprétation). - Oui, moi je suis né dans ce
24 village. J'ai vécu dans ce village. Je connais chaque homme dans ce
25 village. On avait organisé toute une sorte d'actions communes, la mise en
Page 6780
1 place des P.T.T., de l’aquaduc, de plein de choses d'autres ; des routes.
2 Dans le village, on s'appuie l’un sur l'autre, on est proche l'un de
3 l'autre, nous nous connaissons tellement bien.
4 Quand nous sommes venus à Zenica, nous nous sommes rassemblés
5 pour voir qui est resté en vie, qui a été tué. Il fallait se rassembler,
6 des personnes sont parties qui ne voulaient plus rester à cet endroit. De
7 mon propre village, certaines personnes sont parties à l'étranger. J'ai
8 lancé une initiative pour créer une association pour rassembler tous ces
9 gens-là, pour qu'ils puissent s'adresser également à cette association,
10 s'ils ressentent le besoin de consoler l'un l'autre, parler entre nous.
11 C'est dans ce sens-là que j'ai fait une espèce de questionnaire,
12 j'ai demandé auprès de chaque famille des données sur la famille : le nom,
13 le prénom, la date de naissance et puis l'adresse. Et c'est grâce à ces
14 listes que nous avons faites que nous avons pu également constater qui
15 étaient les personnes tuées. En ce qui nous concerne, c'était utile
16 également pour la distribution de l'aide humanitaire. C'est en fonction du
17 nombre des familles qu'on distribuait cette aide. C'est dans ce sens-là
18 que nous avons fait cette liste. Ce n'est pas pour autre chose.
19 M. Lopez-Terres. - Je vous remercie, monsieur le Témoin. Je n'ai
20 pas d'autres questions.
21 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,
22 Messieurs les Juges, avec votre permission, la défense de Mario Cerkez
23 aimerait poser les questions au témoin.
24 M. le Président (interprétation). - Fort bien.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Monsieur le Témoin, je
Page 6781
1 m'appelle Goran Mikulicic. Je suis avocat de Zagreb, avec mon confrère
2 M. Kovacic, de Rijeka, je défends Mario Cerkez.
3 Tout de suite, au début, j'aimerais véritablement vous présenter
4 toutes mes condoléances très sincères. Je suis véritablement touché par ce
5 que vous avez dit.
6 Témoin K (interprétation). - Je vous remercie.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, êtes-vous
8 croyant et pratiquant ?
9 Témoin K (interprétation). – Si j’ai du temps, oui.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Votre foi est l’islmam ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur, vous nous avez dit
13 qu'à cette époque-là vous étiez membre du parti SDA, l'êtes-vous encore
14 aujourd'hui ?
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M. Mikulicic (interprétation). - A cette époque-là, avez-vous
17 exercé une fonction au sein de ce parti ?
18 Témoin K (interprétation). – Non, non, sincèrement, j'étais tout
19 simplement membre du parti.
20 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Témoin K, vous avez
21 dit que vous êtes retourné dans votre village, est-il vrai que votre
22 retour fait partie également du retour organisé des villageois et sous la
23 tutelle de la République de Bosnie-Herzégovine, les autorités de cette
24 République ?
25 Témoin K (interprétation). - Si on avait attendu, pour vous pour
Page 6782
1 dire franchement, que notre gouvernement entreprenne quoi que ce soit, à
2 ce moment-là nous ne serions toujours pas sur place. Nous avons passé par
3 notre association de retourner dans notre village. Très franchement
4 parlant, j’en parle ouvertement, personne ne nous a posé des obstacles. Je
5 ne peux pas vous dire ce que les autres ont pensé.
6 Les villageois du village n'ont pas fait d'obstacle. Ils ont
7 tout simplement accepté. Nous nous sommes organisés. Nous sommes retournés
8 dans le village, notre gouvernement a accepté par la suite que nous sommes
9 rentrés.
10 M. Mikulicic (interprétation). – Soixante-dix familles sont
11 retournées sur place ?
12 Témoin K (interprétation). - Je pense qu'ils sont 90, même plus.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez
14 travaillé à SPS, à l'usine ?
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites également que c'est
17 de là que vous connaissiez Mario Cerkez ?
18 Témoin K (interprétation). – Oui.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
20 de ce que Mario Cerkez faisait à l'époque ? Quel était le poste qu'il
21 occupait dans l'usine SPS ?
22 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas si je vais pouvoir
23 m'exprimer de manière professionnelle, mais je sais qu'il s'occupait de la
24 défense, si je ne m'abuse ; c'est de la défense de l'usine dont il s'est
25 occupé. Il avait également tenu des registres sur les conscrits. Je ne
Page 6783
1 sais pas exactement quel était son département, sa section.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous voulez dire qu'il
3 tenait des registres également en ce qui concerne les conscrits ? Cela
4 veut dire qu’il s'occupait des questions administratives dans le domaine
5 en question ?
6 Témoin K (interprétation). - Oui, oui, absolument.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, est-ce
8 que vous savez que M. Cerkez, à cette époque-là, à l'époque où vous avez
9 travaillé ensemble à l'usine SPS, était ami de Midhat Berbic, fils de
10 votre bon ami, Fuad Berbic ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, ils étaient collègues.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous savez qu'il
13 était copain avec Latif Barucija, Sulejman Kalco ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui, absolument.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Dzidic Sefkija ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui, certainement.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il vrai que toutes ces
18 personnes dont je viens de citer les noms sont de foi islamique, sont des
19 musulmans ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui, mais attendez, c'était
21 tellement normal : mais on ne parle pas de la même période. C'était
22 tellement normal.
23 M. Mikulicic (interprétation). - C'est ce que je voulais vous
24 poser comme question : est-ce que, monsieur le Témoin K, vous avez
25 remarqué que Mario Cerkez n'avait éventuellement pas un comportement
Page 6784
1 correct vis-à-vis des Bosniens, des Musulmans ?
2 Témoin K (interprétation). - Il est plus jeune. De toute façon,
3 il avait des amis et des collègues un peu plus âgés. Ils étaient tout
4 simplement tous copains ; ils étaient collègues, ils travaillaient sur les
5 mêmes dossiers. Moi, je ne connais pas personnellement Mario Cerkez, mais
6 je l'appréciais. Je ne sais pas s'il allait se fâcher, mais on était
7 presque des amis. Je n'ai jamais, jamais remarqué qu'il ait eu une
8 comportement négatif ou incorrect vis-à-vis des Musulmans. Je parle en
9 toute franchise.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, vous avez
11 parlé de la nuit du 19 au 20 octobre, quand le barrage a été dressé à côté
12 de votre village. Est-ce que vous vous en souvenez ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui.
14 M. Mikulicic (interprétation). - Je ne sais pas si je vous ai
15 bien compris. Je pose la question quand même : est-ce que vous,
16 personnellement, vous êtes descendu en direction du barrage sur la route ?
17 Témoin K (interprétation). - Non.
18 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, vous, personnellement,
19 vous n'avez pas vu de vos propres yeux, vous n'avez assisté à aucun des
20 événements qui ont eu lieu au barrage ?
21 Témoin K (interprétation). - Non, moi, je n'ai rien vu
22 personnellement. Tout ce que je sais à propos de ce barrage, c'est ce que
23 j'ai appris d'autres personnes, après les événements. Personnellement, je
24 ne m'y trouvais pas.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Je vois.
Page 6785
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6786
1 Témoin K (interprétation). - Je sais comment le barrage a été
2 dressé, mais je n'y ai pas participé ; je n'étais pas là.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, vous avez
4 dit avoir pris contact avec le quartier général de la Défense
5 territoriale, à Vitez, afin que la défense envoie des renforts, ce qu'ils
6 n'ont pas pu faire. Est-ce bien exact ?
7 Témoin K (interprétation). - Oui, alors que l'attaque était déjà
8 en cours. Ceci ne s'est pas passé au départ de l'attaque, comme si nous
9 avions été préparés à cette attaque. Mais, lorsqu'elle s'est déclenchée,
10 nous avons lancé un appel à l'aide.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Pourtant certains habitants de
12 Vrhovine, de Preocica et de Poculica sont venus ? Ils étaient près de chez
13 vous, n'est-ce pas ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui.
15 M. Mikulicic (interprétation). - D'après ce que vous savez et
16 dont vous vous souvenez, est-il exact de dire que, dans cet endroit, la
17 325e Brigade de montagne de l'armée de Bosnie-Herzégovine était
18 stationnée, n'est-ce pas ?
19 Témoin K (interprétation). - Non, la 325e Brigade de montagne
20 -c'est donc une brigade musulmane-, je sais parfaitement qu'une partie de
21 cette brigade se trouvait à Preocica et une autre partie de cette brigade
22 était stationnée à Kruscica. Ce qui veut dire que, pour les Musulmans de
23 Bosnie, la vallée de la Lasva ne comportait aucun élément musulman, aucune
24 armée. Il y avait des éléments de cette brigade, mais ceux-ci avaient déjà
25 rejoint la brigade précédemment et ils étaient cantonnés à Preocica.
Page 6787
1 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin K, eh bien,
2 c'est précisément ce que je vous demandais. Dans ce village de Preocica,
3 il y avait tout du moins une partie de la 325e Brigade de montagne qui y
4 était cantonnée, qui se trouvait sous le commandement de Esad Danovic ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui, je pense que c'était bien lui
6 le commandant, Esad Danovic.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Vous n'êtes pas sûr ?
8 Témoin K (interprétation). - Comme je vous l'ai dit, moi, je
9 n'appartenais à aucun corps militaire, je m'occupais d'affaires civiles.
10 Ne me posez donc pas trop de questions à propos de l'organisation
11 militaire : vraiment, je n'y connais rien.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Fort bien. Indépendamment de
13 cela, indépendamment du fait que vous ne vous trouviez pas au barrage, au
14 point de contrôle, mais vous en avez entendu parler, avez-vous aussi
15 entendu dire que des membres de la sécurité bosnienne avaient désarmé
16 quatre soldats du HVO qui s'étaient aventurés sur cette route ?
17 Témoin K (interprétation). - Cela, je n'en ai pas entendu
18 parler. Ce que j'ai dit dans le cadre de ma déposition, c'est ceci :
19 l'objectif était d'obtenir des armes, mais ces armes avaient été saisies.
20 Il est donc possible que ce que vous racontez se soit effectivement
21 produit.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Dites-moi, savez-vous qu'à
23 cette occasion, un policier militaire de Kiseljak a été tué ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait eu
Page 6788
1 des balles incendiaires qui avait été tirées, que des étables de
2 villageois avait été incendiées. Savez-vous si des étables appartenant à
3 des Croates de la région avaient, elles aussi, été incendiées ? Je parle
4 notamment à l'étable de Drago Josipovic.
5 Témoin K (interprétation). - Il n'y a pas eu que des étables ;
6 des maisons ont, elles aussi, été incendiées. S'agissant de l'étable de
7 Josipovic, je ne suis pas passé par sa maison. Je pense cependant que son
8 étable a été incendiée parce que tout à proximité, il y avait l'étable de
9 Hazim Ahmic qu'ils ont ratée.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Certes, mais il n'empêche que
11 l'étable de Josipovic a, elle aussi, été incendiée.
12 Est-il exact de dire que, depuis Vitez, depuis la municipalité,
13 le président à l'époque, M. Skopljak, est venu de cette municipalité pour
14 voir quels étaient les dégâts causés à votre village. Par la suite, grâce
15 à l'aide financière de la municipalité, tous ces dégâts ont été réparés.
16 Est-ce exact ?
17 Témoin K (interprétation). - Je sais qu'il y avait M. Zeco, mais
18 qu'il y avait aussi des représentants croates. Je n'étais pas présent pour
19 savoir exactement qui avait assisté à cette réunion. Je sais toutefois
20 qu'un accord avait été conclu de compensation pour dégât et que ceci avait
21 été fait.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Donc les dégâts ont été
23 réparés ?
24 M. Mikulicic (interprétation). - Permettez-moi de vous poser
25 plusieurs questions ayant trait à l'emprisonnement de votre fils. Vous
Page 6789
1 nous avez dit qu'il travaillait auparavant à l'usine Bratstvo ?
2 Témoin K (interprétation). - Oui.
3 M. Mikulicic (interprétation). - C'était une usine militaire,
4 n'est-ce pas ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous où il a été capturé,
7 arrêté, l'endroit précis où il a été arrêté ?
8 Témoin K (interprétation). - Il a été arrêté à Stojkovici.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que Stojkovici est un
10 endroit proche de Novi Travnik ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, tout à côté.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Vous étiez son père, inquiet du
13 sort de son fils. Quand avez-vous essayé d'intervenir pour votre fils ?
14 Vous vous êtes d'abord adressé au commandement de la Défense territoriale,
15 à M. Dzidic, n'est-ce pas ?
16 Témoin K (interprétation). - C'était tout à fait normal.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'a-t-il répondu, cet homme ?
18 A-t-il dit qu'il allait essayer de parler à quelqu'un ?
19 Témoin K (interprétation). – Oui, à peu près. Il voulait essayer
20 de me rassurer. Bien sûr que j'étais bouleversé. Il a dit : "J'appellerai
21 quelqu'un de plus haut placé", mais cela n'a rien donné.
22 M. Mikulicic (interprétation). – Plus tard, vous êtes allé voir
23 Pero Skopljak ?
24 Témoin K (interprétation). – Oui.
25 M. Mikulicic (interprétation). – Que vous a-t-il dit ?
Page 6790
1 Témoin K (interprétation). – Je suis allé au bâtiment de la
2 municipalité ; je l'y ai trouvé. Il m'a accueilli cordialement ; nous nous
3 connaissions bien. Il a dit : "Moi, je suis un homme politique alors que
4 cette question est d'ordre militaire. Je ne peux pas t'aider là-dessus".
5 M. Mikulicic (interprétation). – Vous êtes d'abord aller voir
6 M. Dzidic, puis M. Skopljak et vous avez fini par aller voir M. Cerkez ?
7 Témoin K (interprétation). – Oui.
8 M. Mikulicic (interprétation). – Vous souvenez-vous du poste
9 qu'il occupait, M. Cerkez, à l'époque où vous êtes allé le voir ?
10 Témoin K (interprétation). – J'ai peur de me tromper si je dis
11 quelque chose. Ce que je sais, c'est qu'il occupait un poste très élevé.
12 Je pensais qu'il était chef de la police militaire. C'était d'ailleurs la
13 raison de ma visite. Je voulais demander son aide. Toutefois, par la
14 suite, j'ai appris qu'il commandait le quartier général. Je ne sais pas
15 quel poste il occupait exactement. C'est en qualité d'ami que je me suis
16 adressé à lui, à titre individuel.
17 M. Mikulicic (interprétation). – Vous êtes allé voir Cerkez
18 parce que vous le connaissiez, de l'usine où vous travailliez et parce que
19 vous aviez appris qu'il occupait un poste élevé ?
20 Témoin K (interprétation). – Oui.
21 M. Mikulicic (interprétation). – Est-il exact de dire qu'il a
22 déclaré qu'il n'arriverait rien à votre fils, mais qu'il lui était
23 impossible de vous aider puisque ce n'était pas lui qui était responsable
24 de la région de Novi Travnik, alors que c'est là que votre fils avait été
25 arrêté ?
Page 6791
1 Témoin K (interprétation). – Non. Il m'a dit que rien
2 n'arriverait à mon fils. Il a expliqué les raisons de l'arrestation de mon
3 fils. C'est la première fois que j'ai entendu un mot croate : "ovicen", le
4 mot "arrestation". Mon fils et d'autres Musulmans avaient été arrêtés en
5 vue de procéder à un échange.
6 M. Mikulicic (interprétation). – C'est bien ce que qu'il vous a
7 dit ?
8 Témoin K (interprétation). – C'est ce qu'il m'a dit.
9 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous demandais également
10 ceci : étant donné que votre fils avait été arrêté à Novi Travnik, que
11 vous êtes allé voir Cerkez à Vitez, il vous a dit qu'il n'était pas
12 responsable de la zone de Novi Travnik, d'où son impossibilité à vous
13 aider ?
14 Témoin K (interprétation). – Je ne m'en souviens pas.
15 M. Mikulicic (interprétation). – Connaissez-vous éventuellement
16 le supérieur hiérarchique de Cerkez dans la filière militaire ?
17 Témoin K (interprétation). – Je dirais comme cela, à tout bout
18 de champ, que c'est M. Blaskic, mais je n'en suis pas sûr. Si je le
19 savais, je dirais volontiers qui c'est.
20 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous ai dit, au début de ce
21 contre-interrogatoire, que j'avais beaucoup de compassion pour la tragédie
22 qui fut la vôtre. Je ne veux donc pas vous poser trop de questions à
23 propos des événements qui se sont produits le 16 avril à Ahmici. Pourtant,
24 il me faut vous poser, malgré tout, certaines questions. Avez-vous vu des
25 soldats qui ont attaqué votre village ? Je m'explique : est-ce que vous
Page 6792
1 avez vu quelle unité aurait attaqué votre village ?
2 Témoin K (interprétation). – C'était bien cela le problème ! Le
3 pilonnage a commencé à distance. Il est venu de Ravno, de Donja Rovna ; il
4 y a eu comme cela de l'artillerie lourde. Plus tard, lorsque j'ai parlé à
5 des mères, à des femmes dont les fils, les maris, les enfants avaient été
6 tués, nous avons reconstitué les événements. Nous nous sommes rendus
7 compte qu'en fait, c'était une tactique très élaborée qu'ils avaient
8 appliquée. Il y avait un, deux ou trois soldats du HVO pour chacune des
9 maisons musulmanes. Lorsque l'appel à la prière a été entendu ce matin-là,
10 on a réveillé les gens en les appelant par leurs prénoms. Lorsqu'ils sont
11 arrivés sur le seuil de leur porte, ils ont été tués. S'ils apparaissaient
12 avec leur femme, elle était tuée également.
13 Quant à savoir quelle était cette unité, j'ai vu des soldats qui
14 couraient, qui traversaient les champs en courant, mais je n'ai pas pu les
15 identifier. Je n'ai même pas osé les regarder, pour tout vous dire.
16 M. Mikulicic (interprétation). – Vous avez vu certains soldats,
17 quand même ! Est-ce que tous portaient le même uniforme ou bien portaient-
18 ils des uniformes différents les uns des autres ?
19 Témoin K (interprétation). – Pour moi, c'étaient tous des
20 uniformes de camouflage. Il n'y avait pas le type d'uniforme que portait
21 la JNA. Ceux-là, je les reconnaîtrais.
22 M. Mikulicic (interprétation). – Avez-vous vu ou entendu dire
23 par quelqu'un que M. Cerkez se serait trouvé à Ahmici à un moment donné ?
24 Témoin K (interprétation). – Vous voulez dire au cours de ces
25 événements ? Non, je n'ai pas vu M. Cerkez.
Page 6793
1 M. Mikulicic (interprétation). – Merci. Monsieurle Président, je
2 n'ai plus de question à poser à ce témoin.
3 M. Sayers (interprétation). – D'après le recensement de 1991, la
4 population totale d'Ahmici s'élevait à 466 habitants avec 356 Musulmans et
5 87 Croates. Pour vous, est-ce que ces chiffres correspondent à la réalité
6 de l'époque ?
7 Témoin K (interprétation). – Désolé, je n'ai pas compris l'année
8 dont vous avez parlé. J'étais distrait.
9 M. Sayers (interprétation). – 1991.
10 Témoin K (interprétation). – Oui, c'est à peu près cela.
11 M. Sayers (interprétation). – J'ai cru comprendre que vous avez
12 travaillé à l'usine SPS jusqu'en avril 1993. Est-ce bien exact ?
13 Témoin K (interprétation). – Pas jusqu'au 16, jusqu'au 13 avril.
14 Au moment où mon fils a été arrêté, moi, j'ai quitté l'usine. Je ne
15 pouvais plus retourner à l'usine.
16 M. Sayers (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez
17 avoir fait une déclaration au centre des enquêtes sur les crimes de guerre
18 et le génocide contre les Musulmans, et ceci le 4 mai 1993 ?
19 Témoin K (interprétation). - Pour vous dire vrai, au moment où
20 nous sommes arrivés à Zenica, de tous les côtés on venait nous voir. Je ne
21 peux pas leur donner les noms, il y avait le poste de sécurité de police,
22 il y avait des étrangers, des journalistes, il y avait de tout. Je ne sais
23 pas. C'est possible.
24 M. Sayers (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
25 avoir fait une déclaration au juge enquêteur Diana Hanovic le
Page 6794
1 15 décembre 1993 ?
2 Témoin K (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
3 M. Sayers (interprétation). - Est-il exact de dire que vous avez
4 fait deux déclarations aux enquêteurs de l'accusation de ce Tribunal,
5 l'une en février 1995 et l'autre en août 1996 ? Est-ce bien exact ?
6 Témoin K (interprétation). - C'est exact. Ces déclarations
7 figurent ici. Elles sont versées au dossier. Oui.
8 M. Sayers (interprétation). - Oui. Vous avez également déposé
9 dans l'affaire Kupreskic, nous l'avons déjà établi, cela c'était en
10 septembre de l'an dernier. Vous vous en souvenez ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
12 M. Sayers (interprétation). - Vous nous avez dit que vous êtes
13 allé vous réfugier avec environ 150 à 200 autres résidents d'Ahmici, donc
14 vous êtes allés vous réfugier dans la cave de M. Kermo ?
15 Témoin K (interprétation). - C'est bien cela.
16 M. Sayers (interprétation). - Et ceci en suivant un plan de la
17 Défense territoriale qui avait été mis au point par M. Zeco, qui était le
18 commandant de la force territoriale ?
19 Témoin K (interprétation). - Non, non. Monsieur Zeco occupait ce
20 poste-là. Mais je vous ai dit que c'est nous-mêmes qui nous sommes
21 organisés, c'est nous-mêmes qui avons fait ce plan entre nous, entre
22 villageois.
23 M. Sayers (interprétation). - Est-il exact que le barrage
24 d'octobre 1992 dont vous nous avez parlé a été établi près du cimetière
25 catholique, à l'est d'Ahmici ?
Page 6795
1 Témoin K (interprétation). - Ou bien je ne reçois pas une bonne
2 traduction, ou bien quelque chose se passe. Mais de toute façon ce n'était
3 pas au cimetière, mais c'est avant le cimetière, et en regardant de
4 Busovaca.
5 M. Sayers (interprétation). - N'est-il pas exact que le
6 commandant du 3ème Corps de Zenica a ordonné que ce barrage soit mis en
7 place pour empêcher les forces du HVO de se diriger vers Travnik ?
8 Témoin K (interprétation). - Ce n'est pas vrai. Le commandant du
9 3ème Corps d'armée ne l'a pas ordonné, et c'est au cours de l'entretien à
10 Fuad que quelqu'un du commandement local de Vitez qui lui avait dit.
11 Zenica n'avait strictement rien à voir avec cela.
12 M. Sayers (interprétation). - Si vous permettez, je vais vous
13 lire la page 1 de votre déclaration du 4 mai 1993. On peut y lire, je
14 cite : "Tout d'abord, je souhaite signaler que, avant même le début du
15 conflit, il y en a eu un autre et que la raison pour ce conflit, c'est que
16 le "barrage" mis en place à la demande du 3ème Corps d'armée afin
17 d'empêcher les unités du HVO de se diriger vers Travnik..."
18 Vous avez fait cette déclaration au centre chargé d'enquêter sur
19 les criminels de guerre. Ceci se passait il y a cinq ou six ans. Vous vous
20 en souvenez ?
21 Témoin K (interprétation). - J'ai donné des déclarations, j'en
22 ai dites, et plusieurs. Mais je ne pense pas pouvoir dire une chose
23 pareille. Je n'ai jamais parlé de 3ème Corps d'armée. Il n'y en avait pas.
24 Le 3ème Corps d'armée a été constitué bien après. Donc je n'ai pas dû en
25 parler de cette manière-là et je pense que ce n'est pas vrai, ce n'est pas
Page 6796
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 6797
1 comme cela que je l'ai dit.
2 M. Sayers (interprétation). - Si vous me permettez, Monsieur le
3 Président, je souhaiterais que l'huissier place ce document sur le
4 rétroprojecteur. Il s'agit d'une photocopie de la déclaration faite par
5 M. le témoin K à cette date.
6 (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)
7 M. Lopez-Terres. - Monsieur le Président, le nom du témoin
8 apparaît sur ce document.
9 M. Sayers (interprétation). - A ce moment-là, il faudrait...
10 M. le Président (interprétation). - Le témoin pourra répondre à
11 toute question qu'on pourra lui poser si on lui remet entre les mains ce
12 document.
13 M. Sayers (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. En-
14 dessous du titre "Déclaration", Monsieur le Témoin, n'est-il pas exact
15 que l'on peut lire exactement ce que je viens de vous lire ? Monsieur le
16 Témoin, je sais que vous avez vécu des choses terribles, et je ne veux pas
17 m'appesantir sur la question. Mais c'est ce qu'on peut lire, cependant,
18 sur votre déclaration.
19 Témoin K (interprétation). - Oui, je vous comprends
20 parfaitement. C'étaient les déclarations qui ont été données tout de
21 suite, au bout d'un mois, un mois, même un peu moins par rapport aux
22 événements. Il y avait une confusion totale dans ma tête. Il n'est pas
23 impossible que j'ai tout simplement dit -c'était un lapsus ou je ne sais
24 pas quoi- le 3ème Corps.
25 Je vous dis là, j'étais perturbé. Cette tristesse, ce chagrin
Page 6798
1 que j'ai vécu, enfin, il n'est pas impossible que j'ai dit cela. Mais il
2 n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Moi, je veux bien partir en prison pour
3 cela, mais je vous garantis que ce n'est pas vrai.
4 M. le Président (interprétation). - On ne vous enverra pas en
5 prison.
6 M. Sayers (interprétation). - Vous avez fait la même déclaration
7 six mois plus tard aux Juges chargés de l'enquête. Avec la permission de
8 Messieurs les Juges, je souhaiterais demander à l'huissier de lui
9 présenter cette déclaration ?
10 M. le Président (interprétation). - Maître, est-ce qu’il s'agit
11 de prouver la même chose ?
12 M. Sayers (interprétation). - Oui.
13 M. le Président (interprétation). - Je me demande si c'est bien
14 nécessaire ?
15 M. Sayers (interprétation). – Oui, je crois que la Chambre a
16 bien compris ce que je voulais dire. N'est-il pas exact que l'armée de
17 Bosnie-Herzégovine avait organisé une unité dans le village d'Ahmici,
18 en 1992 ?
19 Témoin K (interprétation). - J'ai dit qu’elle n’en avait pas et
20 nous n'avions pas d'unité. En toute responsabilité, je le dis. Nous
21 avions... Ce n'était pas véritablement une brigade, mais nous autres,
22 villageois, nous nous sommes organisés, des civils. On avait organisé des
23 patrouilles villageoises ; ce n'était certainement pas une formation, une
24 unité militaire qui aurait pu être en mesure de combattre quelqu’un qui
25 était armé. Il est normal que nous ne restions pas les mains croisées.
Page 6799
1 Nous avons essayé de trouver une sortie pour la situation dans laquelle
2 nous nous sommes trouvés. Il n'y avait absolument pas d’unité, de
3 formation militaire organisée. Je le jure.
4 M. Sayers (interprétation). – Si vous me le permettez, je vais
5 lire ce que vous avez dit aux Juges chargés de cette enquête, le
6 15 décembre 1993.
7 Avec la permission de Messieurs les Juges, je souhaiterais
8 remettre au témoin l'original de sa déclaration dans sa langue.
9 Vous avez dit au juge d'instruction : "Je voudrais commencer
10 cette déposition en commençant par octobre 1992. A ce moment-là, il y
11 avait une unité organisée de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans notre
12 village."
13 Témoin K (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me montrer
14 où cela se trouve ?
15 M. Sayers (interprétation). - C'est ce que vous avez dit au juge
16 d'instruction, il y a six ans, n'est-ce pas, monsieur ? Cela se trouve à
17 la page 2 de votre déclaration.
18 Témoin K (interprétation). - Je ne vois pas. Je ne trouve pas
19 cela.
20 M. Sayers (interprétation). - Cela se trouve à la page 2,
21 lignes 3 à 5 de la version en croate.
22 Témoin K (interprétation). – Là, je vois. A cette époque-là,
23 c'était encore la Défense territoriale. J'ai bien dit qu'il y avait un
24 ordre que nous avons reçu de Vitez, du commandement de Vitez. On parle de
25 la Défense territoriale. Je ne vois pas autre chose.
Page 6800
1 M. Sayers (interprétation). - Si vous passez à la page 2, est-ce
2 que je peux vous demander de lire les premières... Si vous pouvez nous
3 lire pour le compte rendu de cette audience, nous lire ce que vous avez
4 dit au juge d'instruction, il y a six ans. Je vous demande, s'il vous
5 plaît, d’en donner lecture lentement.
6 Témoin K (interprétation). - Vous pensez à partir du moment où
7 c’est marqué : "A cette époque-là, on s'appelait... ". Vous voulez que je
8 vous donne lecture dès le début ?
9 M. Sayers (interprétation). - Depuis le début du passage en
10 question.
11 Témoin K (interprétation). - D'accord. Mais j'insiste, c'était à
12 l'époque cette déclaration. Par conséquent, je cite mon témoignage : “A
13 partir de 1992, dans notre village, il y avait une unité organisée de
14 l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais on s'appelait la Défense
15 territoriale…" C'est déjà tout à fait différent. Je dis : “On s’appelait
16 la Défense territoriale”. La Défense territoriale est une formation
17 militaire où il y avait aussi bien des Musulmans que des Croates.
18 Il est vrai qu’une telle unité existait sur place, mais c’était
19 une unité qui avait un caractère civil, local et toutes les nationalités
20 habitant cet espace, en 1992, en faisaient partie intégrante. C’était
21 avant la guerre ; c’était même une obligation de la loi. Même les femmes
22 en faisaient partie et les hommes, bien évidemment, jusqu'à l'âge de 50 ou
23 55 ans ; je ne me souviens plus exactement. C'était conforme à la loi de
24 disposer d'une telle unité.
25 M. Sayers (interprétation). - Merci. Je vous demanderai de
Page 6801
1 donner lecture des lignes suivantes. Cela permettra de bien comprendre ce
2 que vous avez dit au juge d'instruction il y a six ans maintenant.
3 Témoin K (interprétation). – Oui. “ Nous avons obtenu la tâche
4 de dresser le barrage pour que les unités du HVO de Kiseljak et de
5 Busovaca ne traversent pas le village pour regagner Novi Travnik". Il faut
6 que je lise tout pour pouvoir ensuite, moi-même, vous donner la lecture à
7 haute voix.
8 Oui, il est vrai, ici, c'est marqué, qu'il y a un barrage qui a
9 été dressé. C'est un fait. Comment il a été dressé, ceci n'a pas été dit
10 en détail. Il s'agissait d'une déclaration faite dans des conditions assez
11 rapides. Je ne nie pas ; je dis que ce n'est pas sur l'ordre que ce
12 barrage a été dressé, mais deux policiers ont été frustrés ; c’est
13 pourquoi ils l’ont dressé. Mais ce barrage, ils l’ont dressé. Tout
14 simplement, j'ai donné les raisons pour lesquelles ils l'ont dressé.
15 M. Sayers (interprétation). - Il est également exact -je crois
16 que vous l'avez dit à la Chambre de première instance- que des renforts de
17 quartier général de la Défense territoriale de Preocica, de Poculica et de
18 Vrhovine sont venus renforcer l'unité organisée dans le village au moment
19 où cette barricade a été érigée.
20 Témoin K (interprétation). - Il est vrai qu'ils sont arrivés,
21 mais j'insiste, ils ne sont pas venus en tant qu'unité organisée. Ils sont
22 venus pour aider les personnes de la rue, les villageois. Tous les hommes
23 qui étaient capables de lutter ont fait partie de la brigade qui a été
24 stationnée tout à fait ailleurs. Il n'y a que des personnes âgées, ma
25 génération, qui sont restés ou ceux qui n'étaient pas physiquement en état
Page 6802
1 pour être membres de la brigade. Et sachant que nous étions pratiquement
2 tous des personnes âgées, ils nous ont envoyé les personnes pour nous
3 aider. C'est tout !
4 M. le Président (interprétation). – Maître Sayers, il est déjà
5 plus de 4 heures. De combien de temps pensez-vous avoir besoin pour en
6 terminer avec le contre-interrogatoire de ce témoin ?
7 M. Sayers (interprétation). - Je pense en avoir pour
8 trente minutes.
9 M. le Président (interprétation). - Très bien, nous continuerons
10 demain matin.
11 Monsieur Lopez-Terres, il faudrait peut-être bien appeler le
12 témoin, le témoin qui doit s’en aller, et non pas interposer un autre
13 témoin ; ceci afin que nous puissions entendre la fin de ce témoin
14 particulier avant la fin de cette semaine. Je vous demande d'en prendre
15 compte, s'il vous plaît.
16 M. Lopez-Terres. - Toutes les mesures vont être prises, Monsieur
17 le Président, pour que cela puisse être fait.
18 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin, je vais
19 vous demander de revenir demain matin, à 9 heures 30, afin que nous
20 puissions en terminer avec votre déposition.
21
22 L'audience est levée à 16 heures 05.
23
24
25
Page 6803
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25