Affaire n° : IT-00-39-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Alphons Orie, Président
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Joaquín Martín Canivell

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Ordonnance rendue le :
19 juillet 2004

LE PROCUREUR

c/

MOMCILO KRAJISNIK

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ORDONNANCE RELATIVE AUX REQUÊTES DE L’ACCUSATION AUX FINS DE L’ADMISSION D’ÉLÉMENTS DE PREUVE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 92 BIS DU RÈGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

M. Mark Harmon
M. Alan Tieger

Les Conseils de la Défense :

M. Nicholas Stewart
Mme Chrissa Loukas

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991,

Vu la Décision du 28 février 2003, par laquelle la Chambre de première instance a fixé le nombre maximum autorisé de témoins à charge devant déposer en personne et de témoins à charge devant déposer en application de l’article 92 bis à 101 et 168 respectivement,1,

ATTENDU que l’objectif de l’article 92 bis du Règlement est d’accélérer la présentation des éléments de preuve, tout en veillant à l’équité du procès2,

ATTENDU que l’utilisation de l’article 92 bis du Règlement aux fins de l’admission d’éléments de preuve qui tendent à prouver, notamment, les faits incriminés dans l’acte d’accusation représente une charge de travail considérable hors audiences, à la fois pour les parties et pour la Chambre,

ATTENDU que l’admission d’éléments de preuve est toujours subordonnée à « l’intérêt de la justice » (qui suppose notamment de conserver la procédure dans un cadre maîtrisable)3 et qu’il est loisible à la Chambre, en application de l’article 92 bis du Règlement, « de décider si elle admet ou non un témoignage par écrit ne portant pas sur les actes ou le comportement de l’accusé en cause dans l’acte d’accusation »4,

ATTENDU que la Chambre a le droit d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour limiter l’admission d’éléments de preuve relevant de l’article 92 bis du Règlement, et ce, pour diverses raisons : par exemple, aux motifs que les éléments de preuve proposés ont peu de valeur probante, voire aucune, dans le contexte de l’espèce, ou qu’ils sont cumulatifs ou retardent de manière injustifiée les débats5,

ATTENDU que l’admission demandée en l’espèce d’un total de 168 témoins à charge devant déposer en application de l’article 92 bis du Règlement aurait pour conséquence de retarder sans nécessité le déroulement des débats, compte tenu du temps que prend l’application de l’article et du soin que les parties et la Chambre de première instance doivent apporter à l’examen des éléments de preuve concernés,

ATTENDU que la Chambre, par un examen minutieux, est progressivement parvenue à la conclusion que les déclarations versées jusqu’à présent au dossier des 33 témoins ayant déposé en application de l’article 92 bis (dont cinq avec contre-interrogatoire)6 ont fourni des éléments de preuve qui, replacés dans le contexte de l’ensemble des éléments de preuve – dont les témoignages de vive voix – présentés à ce jour devant la Chambre, sont souvent d’une valeur probante limitée ou cumulatifs,

VU le pouvoir dont dispose la Chambre de contrôler la présentation des éléments de preuve, comme le laissent entendre les articles 54 et 73 bis du Règlement du Tribunal,

ATTENDU que la liste des témoins à charge datée du 4 décembre 2003 prévoit 61 témoins devant déposer en personne à propos des crimes qui auraient été commis dans les municipalités (sans compter les témoins experts, internationaux ou ceux devant déposer sur des points généraux/divers, dont on peut s’attendre à ce que certains présentent des éléments portant sur les faits incriminés),

ATTENDU qu’un nombre similaire de témoins devant déposer en application de l’article 92 bis (c’est-à-dire 61 au total) serait approprié dans ce contexte,

VU la date retenue pour la présente notification à l’Accusation du changement de position de la Chambre quant au nombre total de témoins devant déposer en application de l’article 92 bis qu’elle est disposée à admettre,

ORDONNE ce qui suit :

  1. Le nombre admissible des témoins à charge supplémentaires devant déposer en application de l’article 92 bis (sans compter les témoins dont la déclaration est admise en date de la présente ordonnance, ni les témoins prévus dans la liste des catégories hors municipalités de décembre 2003) est porté à 617,
  2. L’Accusation devra indiquer à la Chambre si elle souhaite reconsidérer un aspect quelconque des requêtes déposées en application de l’article 92 bis dont la Chambre est saisie.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 19 juillet 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_________
Alphons Orie

[Sceau du Tribunal]


1. Décision relative aux requêtes de l’Accusation aux fins du constat judiciaire de faits admis et de l’admission de déclarations écrites en application de l’article 92 bis, par. 26.
2. « La durée des procès, le volume des éléments de preuve et la complexité des débats ont contraint les chambres de première instance à envisager des moyens d’accélérer la présentation des éléments de preuve tout en veillant en toutes circonstances à l’équité du procès, tant vis-à-vis de l’accusé que de l’Accusation. L’un des moyens d’y parvenir est de bien appliquer l’article 92 bis. » : Le Procureur c/ Milosevic, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de l’admission de comptes rendus d’audience en lieu et place de dépositions au procès en application de l’article 92 bis D) du Règlement – comptes rendus d’audience relatifs à Foča, 30 juin 2003, par. 25.
3. Voir l’article 89 F) du Règlement du Tribunal et Le Procureur c/ Galic, Décision relative à l’appel interlocutoire interjeté en vertu de l’article 92 bis C) du Règlement, 7 juin 2002, par. 12.
4. Le Procureur c/ Milosevic, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’admettre des déclarations écrites en vertu de l’article 92 bis du Règlement, 21 mars 2002, par. 5.
5. « La Chambre de première instance fait observer que si l’article 92 bis permet l’admission, sous forme de déclarations écrites, d’éléments de preuve cumulatifs sur des questions autres que les actes et le comportement de l’accusé, cet article ne doit pas être compris par l’une ou l’autre des parties en l’espèce comme une invitation à produire sans nécessité des éléments de preuve cumulatifs ou répétitifs. [...] La production sans nécessité d’éléments de preuve cumulatifs ou répétitifs peut avoir des retombées négatives sur la rapidité de la procédure ; elle ne sera donc pas acceptée ». Le Procureur c/ Blagojevic et Jokic, Première décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’admission de déclarations de témoins et de témoignages antérieurs présentés en application de l’article 92 bis du Règlement, 12 juin 2003, par. 20, souligné dans l’original.
6. La déclaration d’un autre témoin relevant de l’article 92 bis, Jovica Radojko, qui avait été admise à la condition que le témoin soit soumis à un contre-interrogatoire, a été retirée par l’Accusation.
7. Sur un total de 94 témoins à charge devant déposer en application de l’article 92 bis du Règlement.