LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL
Devant : M. le Juge Claude Jorda, Président du Tribunal
Assisté de : M. Hans Holthuis, Greffier
Ordonnance rendue le : 18 janvier 2001
LE PROCUREUR
C/
BILJANA PLAVSIC
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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE MODIFIER LES CONDITIONS DE DÉTENTION DE LACCUSÉE
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Le Bureau du Procureur:
Mme Carla Del Ponte
Mme Brenda Hollis
Les Conseils de la Défense:
M. Krstan Simic
M. Branko Lukic
NOUS, Claude Jorda, Président du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),
VU la Requête de la Défense datée du 11 janvier 2001 (la « Requête ») ;
VU le mémorandum du Greffier du 16 janvier 2001 (le « Mémorandum du 16 janvier 2001 ») ;
VU les audiences tenues à huis clos les 11 et 17 janvier 2001 ;
VU larticle 64 du Règlement ;
OUÏ les exposés de la Défense et du Procureur, lavis de laccusée et les observations du Greffier et des Représentants du Pays Hôte ;
ATTENDU que la Défense demande que Mme Plavsic ne soit plus détenue au quartier pénitentiaire des Nations unies mais dans une maison de sécurité (ou résidence surveillée) ou dans un quartier pénitentiaire de la Republika Srpska ;
ATTENDU quà lappui de sa Requête, elle invoque que le quartier pénitentiaire des Nations unies est conçu pour accueillir uniquement des détenus de sexe masculin et quil ne contient pas dunité ni de locaux réservés aux femmes de nature notamment à préserver leur intimité ;
ATTENDU que le Procureur ne soppose pas au placement de laccusée en résidence surveillée pour autant que sa sécurité soit pleinement garantie et que les coûts financiers dune telle mesure ne soient pas imputés sur le budget du Tribunal ;
ATTENDU que le Procureur estime par ailleurs que la détention de laccusée en Republika Srpska nest pas acceptable, en particulier parce quelle nécessiterait la signature dun accord de coopération entre le Tribunal et les autorités compétentes de Republika Srpska et de Bosnie-Herzégovine et quelle compliquerait lorganisation des entretiens nécessaires à la préparation du procès entre le Procureur et laccusée ;
ATTENDU que le Greffier fait valoir dans son Mémorandum du 16 janvier 2001 que le placement de laccusée en résidence surveillée contribuerait à son isolement, requerrait de nouvelles sources de financement - le coût de cette mesure ne pouvant être imputé sur le budget du Tribunal - et soulèverait dimportants problèmes en matière de sécurité ; que la détention de laccusée en Republika Srpska engendrerait des difficultés matérielles considérables - liées notamment à la présence permanente dun représentant du Tribunal sur les lieux de détention -, quelle nécessiterait en outre la signature dun accord de coopération entre les autorités du Tribunal et celles de la Republika Srpska et risquerait de porter atteinte à la sécurité de laccusée ;
ATTENDU que le Greffier affirme que les conditions de détention dune femme au quartier pénitentiaire des Nations unies sont parfaitement conformes aux règles internationales minimales de protection des détenus, notamment à la Résolution des Nations unies 43/173 adoptée par lAssemblée générale le 9 décembre 1988 intitulée « Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou demprisonnement » et à la Recommandation du Conseil de lEurope n° R (87) 3 adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 1987 ;
ATTENDU que le Greffier précise à cet égard que la cellule de Mme Plavsic fait partie dune unité de six cellules réservée aux femmes, entièrement séparée de celle des hommes et gardée uniquement par des femmes ; quelle a accès seule, ou si elle le souhaite, en compagnie dautres détenus du Tribunal, aux salles de loisirs et de sport, au terrain dexercice extérieur ainsi quà la bibliothèque ; que laccusée dispose pour son usage personnel dune seconde cellule pouvant faire office de bureau ou de salle de séjour ; et quelle bénéficie à sa demande de lune des deux pièces indépendantes du centre médical du « Complexe pénitentiaire de Scheveningen » ;
ATTENDU que, pour ces raisons, le Greffier recommande que la détention de laccusée soit effectuée au quartier pénitentiaire des Nations unies ;
ATTENDU que les Représentants du Pays Hôte affirment que les Autorités des Pays-Bas sengageraient à prendre en charge les frais afférents à la détention en résidence surveillée de Mme Plavsic et à assurer sa sécurité, étant entendu que si un niveau optimal de sécurité ne peut plus être garanti, laccusée devra réintégrer le quartier pénitentiaire des Nations unies ;
ATTENDU que les Représentants du Pays Hôte font toutefois observer que cet engagement se justifie essentiellement par le fait que Mme Plavsic est en létat la seule personne de sexe féminin incarcérée dans un quartier pénitentiaire occupé par des hommes ;
ATTENDU quau terme des débats des 11 et 17 janvier 2001 et après y avoir personnellement participé et évalué les difficultés dordre matériel, financier et psychologique liées à la détention en Republika Srpska ou au placement en résidence surveillée, Mme Plavsic a expressément renoncé à sa demande initiale et souhaité demeurer au quartier pénitentiaire des Nations unies ;
ATTENDU que laccusée dit que les conditions de détention ne seront pleinement satisfaisantes que si elle bénéficie dune cellule supplémentaire qui soit directement accessible depuis sa cellule ;
ATTENDU que, conformément aux règles minimales des Nations unies en matière de protection des détenus, « SlCes hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des établissements différents ; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes, lensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé »1 ;
ATTENDU que Mme Plavsic doit en conséquence être détenue dans la partie du quartier pénitentiaire des Nations unies qui, daprès le Mémorandum du Greffier du 16 janvier 2001, est réservée aux femmes et entièrement séparée de celle des hommes ; quelle doit être gardée uniquement par des femmes ; et quelle doit pouvoir accéder, en labsence des autres détenus de sexe masculin, aux salles de loisirs et de sport, au terrain dexercice extérieur ainsi quà la bibliothèque ;
ATTENDU cependant quil y a lieu de veiller à ce que laccusée - seule femme actuellement détenue au quartier pénitentiaire - ne soit pas isolée et puisse, si elle en fait expressément la demande, rencontrer les autres détenus au cours des diverses activités organisées par lunité de détention2, sous réserve des mesures de restriction prises par les autorités compétentes conformément aux règles applicables à tous les détenus ;
ATTENDU par ailleurs que laccusée sest rendue volontairement au Tribunal, quelle est la seule personne détenue de sexe féminin au quartier pénitentiaire et quil ne peut être exigé de sa part quelle prépare son procès dans une salle que fréquentent exclusivement des hommes ;
ATTENDU quil est, en conséquence, pleinement justifié que laccusée bénéficie dune cellule supplémentaire directement accessible depuis sa cellule ;
PAR CES MOTIFS,
PRENONS ACTE du fait que laccusée a expressément renoncé à sa demande initiale de placement en résidence surveillée ou de détention en Republika Srpska ;
ORDONNONS que laccusée soit détenue au quartier pénitentiaire des Nations unies dans les conditions susvisées ;
PRIONS le Greffier de procéder dans les plus brefs délais aux aménagements du quartier pénitentiaire afin de faire bénéficier laccusée dune cellule supplémentaire directement accessible depuis sa cellule ;
PRIONS le Greffier de nous informer dans les plus brefs délais de lexécution de la présente ordonnance ;
FAIT en français et en anglais, la version en français faisant foi.
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Claude Jorda
Président
Le 18 janvier 2001
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]
1. Article 8, par. a) de lEnsemble des règles
minima pour le traitement des détenus adopté par le premier Congrès des Nations unies
pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et
approuvé par le Conseil économique et social dans ses Résolutions 663 C (XXIV) du 31
juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
2. Cf. Article 11, par. 2 de lAnnexe à la Recommandation du
Conseil de lEurope n° R (87) 3 adoptée par le Comité des Ministres le 12 février
1987 qui prévoit que « [l]es hommes et les femmes doivent être détenus en
principe séparément, mais ils peuvent participer ensemble à des activités organisées
dans le cadre dun programme de traitement déterminé ».