Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 3 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 L'audience est ouverte à 15 heures 18.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez citer l'affaire, s'il vous

6 plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est l'affaire IT-00-39-T,

8 l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

10 Monsieur le Témoin, Monsieur M. Krajisnik, je vais vous demander si vous

11 pouvez m'entendre et me comprendre dans une langue que vous comprenez. Je

12 présume que cela n'a pas changé depuis une demie heure…

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous comprends, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, ceci est une

15 invitation à vous diriger directement vers la Cour, et quand vous n'avez

16 pas de retour de la traduction, faites nous signe parce que la Cour

17 voudrait entendre chaque mot que vous avez à dire lors de cette audience.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je passe à la présentation des parties,

20 s'il vous plaît, en commençant par l'Accusation.

21 M. HARMON : [interprétation] Bonjour encore une fois, Monsieur le

22 Président. Je suis Mark Harmon. A côté de moi, Alan Tieger et Carmela

23 Annink-Javier, qui est le substitut d'audience.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

25 La Défense.

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1 M. STEWART : [interprétation] Nicholas Stewart, du barreau de pays de

2 Galles, avec Chrissa Loukas du barreau de New South Wales, et à ma gauche,

3 Tatjana Cmeric, du barreau de Belgrade.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.

5 Pour poursuivre maintenant, je voudrais inviter toutes les parties à faire

6 la chose suivante : Quand l'équipe de l'Accusation ou de la Défense n'est

7 pas au complet, veuillez le signifier pour que je ne doive pas demander

8 chaque jour de présenter les parties. Si jamais il y a un membre

9 supplémentaire, est-ce que différentes parties voudraient bien présenter ce

10 membre.

11 Tout d'abord, je dois vous demander de me pardonner d'avoir fait une erreur

12 à la fin de la conférence préliminaire au début de cet après-midi. Nous ne

13 sommes pas retournés en audience publique alors que nous étions à huis clos

14 partiel. Pour que le public puisse savoir ce qui s'est passé, je voudrais

15 faire remarquer, après que nous ayons entendu le dernier point à l'ordre du

16 jour, il y avait eu lors des présentations ou des détails sur la santé de

17 M. Krajisnik, la seule chose que nous avons fait, c'est d'établir qu'aucune

18 des deux parties n'avait quoique ce soit d'autre à soumettre, et à la suite

19 de quoi l'audience a été suspendue jusqu'au début de ce procès à 15 heures

20 15; c'est-à-dire, maintenant.

21 Nous allons entamer le procès, et ceci va nous réunir pour un long moment

22 qui sera nécessaire parce que le cas est complexe avec beaucoup d'éléments

23 factuels et juridiques à confronter. Si la requête 98 bis à être soumise à

24 la fin de l'affaire, si on n'accepte pas cette requête, cela peut prendre

25 plus de deux ans. Je voudrais demander aux différentes parties d'être aussi

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1 efficaces que possible dans ce procès. J'aimerais également ajouter que

2 ceci n'est pas une invitation à ne pas faire ce que vous devez faire pour

3 remplir vos tâches respectives difficiles, et à cela je m'adresse aussi

4 bien à l'Accusation qu'à la Défense. Encore une fois, remplissez vos

5 devoirs et votre tâche à 100 %.

6 L'expérience acquise par la Chambre de première instance au cours de

7 l'étape préliminaire nous rend confiant que les parties vont remplir leurs

8 devoirs et leurs obligations aussi bien qu'elles le peuvent et au mieux de

9 leurs aptitudes. Aussi nous avons à l'esprit approprié pour ce genre de

10 procès.

11 La Chambre peut-être n'est pas aussi passive qu'elle est dans le système de

12 common-law, mais elle est néanmoins très consciente de l'assistance qu'elle

13 a besoin des différentes parties pour pouvoir mener à bien sa tâche et pour

14 pouvoir donner un avis et rendre un jugement. Après ces quelques remarques

15 préliminaires, j'aimerais me tourner vers la Règle 84 et 84 bis du

16 Règlement de procédure et de preuve.

17 Avant de présenter les preuves, l'Accusation et la Défense peuvent faire

18 des remarques liminaires, et la Défense peut faire une présentation après

19 la conclusion de l'affaire par le Procureur. La Chambre a bien compris que

20 la Défense a décidé de ne pas faire de déclaration liminaire maintenant et

21 de remettre celle-ci à plus tard, je présume, jusqu'à un moment avant la

22 présentation ou la soumission des preuves par la Défense.

23 Après la déclaration liminaire, M. Krajisnik, dans cette affaire, vous

24 pouvez, si vous le souhaitez et si la Chambre de première instance décide

25 de vous accorder la permission, faire une déclaration, sous le contrôle de

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1 la Chambre de première instance, mais vous n'allez pas être obligé de faire

2 une déclaration solennelle et vous ne serez pas mis en examen sur le

3 contenu de cette déclaration. La Chambre de première instance a également

4 compris que vous préférez ne pas faire une telle déclaration après la

5 déclaration liminaire de l'audience.

6 M. STEWART : [interprétation] Puis-je dire, Monsieur le Président, bien que

7 ceci était une indication préliminaire dans l'Article 65 ter, en fait M.

8 Krajisnik a décidé qu'il va faire une brève déclaration, avec la permission

9 des Juges. Cela nous prendra que quelques minutes tout au plus.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors c'est une bonne chose que

11 j'ai prêté attention à la Règle 84 bis. Il était clair que M. Krajisnik

12 voudrait faire une déclaration assez brève, et que la Chambre de première

13 instance prendra la décision de la lui accorder ou non.

14 Ayant revu le Règlement, Monsieur Harmon, l'Accusation peut faire sa

15 déclaration liminaire.

16 M. HARMON : [interprétation] Merci beaucoup.

17 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

18 M. HARMON : [interprétation] La Bosnie légendaire, avec son histoire très

19 riche, et différents peuples et ses cultures, son ambiance de tolérance et

20 de respect, se retrouve en ruines en 1992.

21 Cette affaire va révéler les tenants et aboutissants de ceci.

22 Cette affaire a son origine dans le processus de désintégration d'un état,

23 la Yougoslavie, et dans l'émergence d'un nouvel état, la Bosnie-

24 Herzégovine. C'est une affaire sur les dirigeants politiques serbes de

25 Bosnie qui ont résisté à ce processus en insistant que leur vision devait

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1 être celle qui prévalait, et ils préféraient jouer le sort ainsi que les

2 vies de leur peuple plutôt que de permettre l'émergence d'un état

3 indépendant.

4 Alors que la tendance politique semblait s'éloigner de leur vision

5 politique de l'état, et qu'il devenait de moins en moins probable qu'ils

6 arriveraient à atteindre leurs objectifs, les dirigeants politiques serbes

7 de Bosnie ont fait de plus en plus appel à une politique de la terreur,

8 invoquant souvent des anciens ressentiments historiques et des méfaits, je

9 dis pour inciter leur propre peuple à avoir recours à la violence contre

10 leurs anciens voisins.

11 Cette forme de politique ethnocentrique est devenue la politique de la

12 séparation où le sang et la souffrance de leurs ennemis étaient devenus

13 nécessaires bien que très dur, le coup nécessaire bien que d'être très dur

14 pour arriver à réaliser leur rêve d'un grand état serbe. Ceci est le procès

15 de l'un de ces dirigeants serbes de Bosnie, Momcilo Krajisnik. C'est un

16 homme qui est là assis au banc des accusés dans ce prétoire, un politicien

17 rusé et calculateur et résolu, un nationaliste serbe résolu, qui, avec

18 Radovan Karadzic était un des décisionnaires des Serbes de Bosnie et un des

19 metteurs en scène des politiques qui ont déclenché la guerre en Bosnie-

20 Herzégovine, et les politiques qui ont été mises en œuvre à travers des

21 crimes massifs endossés par l'état dont l'ampleur était sans précédant en

22 Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces crimes tombent sous

23 l'appellation de nettoyage ethnique, c'est la terminologie moderne pour des

24 crimes qui ont été virulents à travers l'humanité, à travers les âges;

25 c'est-à-dire, l'assassinat, la persécution, la déportation et l'expulsion

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1 du peuple sur base de leur race, leur religion, leur origine nationale, il

2 y a un début des cas de destruction de sites religieux et d'anéantissements

3 de villages et de lotissements.

4 L'accusé est un homme instruit qui a un diplôme de masters de l'université

5 de Sarajevo, qui a travaillé en tant qu'économiste au sein de différentes

6 entreprises en ex-Yougoslavie, et qui est un homme qui, avec son ami,

7 Radovan Karadzic, a commencé à travailler dans la politique plus tard dans

8 la vie. Quand il a commencé à travailler en politique, il a rejoint le

9 parti démocratique serbe, le SDS, le parti serbe de Bosnie-Herzégovine et

10 qui était un des partis nationalistes qui a émergé au cours de la période

11 après Tito. Avec Radovan Karadzic, c'est sa main qui tenait fermement les

12 manettes du pouvoir et ceci s'est reflété dans les positions importantes

13 qu'il a tenues et cimentées par la relation très étroite qu'il avait avec

14 Radovan Karadzic, le personnage public charismatique du SDS. Travaillant au

15 sein du système, du SDS, et plus tard au sein de la république serbe de

16 Bosnie et d'Herzégovine, Krajisnik a été essentiel pour développer et

17 promouvoir des politiques ethnocentriques qui ont exploité le spectre du

18 passé, les politiques qui ont été mises en œuvre par la suite en Bosnie

19 pour expulser les non-Serbes du territoire que voulaient récupérer les

20 Serbes.

21 En novembre 1990, il a été élu à la Chambre des citoyens, la Chambre des

22 représentants en tant que député SDS de la circonscription électorale de

23 Sarajevo. La Chambre des citoyens était une des deux chambres de

24 l'assemblée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

25 A cause de ces accords entre les partis qui ont suivi des élections, il est

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1 devenu président de l'assemblée, et il a continué à occuper cette position

2 de pouvoir jusqu'à la rupture finale des relations entre les partis

3 ethniques sur une question de souveraineté de la Bosnie.

4 Après, le rôle essentiel joué par l'accusé au sein du SDS a donné lieu à sa

5 position de dirigeants dans les organes nouvellement créés de la république

6 des serbes de Bosnie, république autoproclamée des Serbes de Bosnie. Alors

7 sur le chemin de la séparation ethnique, le SDS, en octobre 1991, a créé

8 une assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine séparée, et l'accusé a

9 été nommé à sa tête en tant que président, une position qu'il a occupée

10 tout au long de la période couverte par cet acte d'accusation.

11 Le 2 juin 1992, il est devenu membre de la présidence élargie. C'était un

12 organe décisionnaire collectif qui exerçait une autorité dans le domaine

13 exécutif comme l'a expliqué Radovan Karadzic au sujet du processus

14 décisionnaire : "Nous mettons toutes les idées sur la table. Nous discutons

15 de ces idées. Nous décidons quelle est la meilleure. Et ensuite nous

16 avançons."

17 Avec d'autres membres de la présidence élargie, Radovan Karadzic, Biljana

18 Plavsic, Nikola Koljevic, et Branko Djeric, l'accusé a décidé de quel était

19 la meilleure manière de mettre en œuvre sa vision d'une Bosnie-Herzégovine

20 ethniquement divisée. A travers sa position et son influence au sein du SDS

21 et du gouvernement serbe de Bosnie, Momcilo Krajisnik était un personnage

22 politique clé que nous accusons dans cet acte d'accusation comme étant

23 responsable de crimes massifs commis en Bosnie et Herzégovine entre le 1er

24 juillet 1991 et le 30 décembre 1992.

25 Les chefs d'accusation à l'encontre de Krajisnik dans l'acte d'accusation

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1 sont au nombre de huit : Un chef est celui de génocide; un de complicité de

2 génocide; cinq chefs d'accusation de crime contre l'humanité qui sont

3 persécutions, l'extermination, assassinats, l'expulsion et les actes

4 inhumains; et un chef de violation des lois et coutumes de la guerre et

5 d'assassinats. Nous avançons et nous soutenons que Krajisnik est à la

6 responsabilité criminelle pour chacun de ces chefs d'accusation aussi bien

7 aux termes de l'Article

8 7(1) du statut que de l'Article 7(3). Je vais expliquer ceci plus en

9 détails plus tard dans mes remarques liminaires.

10 Dans cet acte d'accusation, il y a quatre calendriers séparés, avec les

11 calendriers en particulier dans les annexes, et en particulier, il s'agit

12 d'éléments pour la municipalité, des lieux et des dates où les assassinats

13 ont eu lieu, où les assassinats dont les locaux pénitentiaires ont eu lieu

14 et où des monuments culturels et des sites sacrés ont été détruits.

15 Nous avançons que Krajisnik est responsable des crimes auxquels il est fait

16 référence ici par l'acte d'accusation parce qu'il a planifié, incité à

17 commettre, ordonner, commis ou aider de tout autre manière, encourager à

18 planifier, préparer ou exécuter les crimes visés dans l'acte d'accusation.

19 Quand j'ai utilisé le terme "commis," je fais référence à sa participation

20 avec d'autres individus dans une entreprise criminelle collective dont

21 l'objectif était d'expulser, de manière permanente par la force, ou

22 n'importe quel autre moyen des musulmans bosniaques, des Croates de Bosnie

23 ou tout autres habitants non-serbes de territoires étendus de Bosnie et

24 d'Herzégovine que les Serbes proclamaient être serbes et ceci à travers des

25 crimes. Les crimes auxquels il est fait référence dans les quatre

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1 calendriers séparés étaient ou faisaient partie des objectifs de

2 l'entreprise criminelle collective ou étaient la conséquence naturelle ou

3 envisageable de ceci.

4 En tant que dirigeant de cette entreprise criminelle, Krajisnik était

5 parfaitement conscient des conséquences horribles que cette mise en œuvre

6 aurait sur les non-Serbes de Bosnie et était indifférent à tout ceci.

7 Krajisnik n'a pas participé dans cette entreprise criminelle tout seul. Il

8 a travaillé en étroite collaboration avec d'autres individus pour arriver à

9 atteindre ses objectifs parmi lesquels Radovan Karadzic, Nikola Koljevic,

10 Biljana Plavsic, Slobodan Milosevic, Zeltko Radanovic [phon], qu'on appelle

11 également Arkan, général Ratko Mladic et Momir Talic, Radoslav Brdjanin et

12 d'autres individus dont les noms vous paraîtront plus familiers alors que

13 nous avançons dans ce procès. Tout comme Krajisnik, chaque membre de

14 l'entreprise criminelle collective a participé, a contribué de différentes

15 manières. Je reviendrai à ce sujet de l'entreprise criminelle collective

16 plus tard dans la journée.

17 Alors le contexte. Pour bien comprendre les crimes décrits dans l'acte

18 d'accusation et le rôle central que Momcilo Krajisnik a joué en les

19 commettant, il est important de comprendre les faits politiques marquants

20 qui auraient lieu à la désintégration de l'ex-Yougoslavie et le

21 démembrement de la Bosnie-Herzégovine. A cet égard, une bonne compréhension

22 du Parti démocratique serbe, le SDS, et du rôle de Krajisnik dans ce parti

23 est essentiel. La transformation du Parti SDS, sa transformation pour

24 devenir le gouvernement serbe de Bosnie et la nature du gouvernement serbe

25 de Bosnie, ainsi que ses structures, la philosophie de ses dirigeants, les

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1 objectifs sont essentiels pour comprendre cette affaire.

2 Dans mes déclarations liminaires, je vais faire référence à ces politiques

3 ethnocentriques et les objectifs stratégiques du SDS et de l'entité serbe

4 de Bosnie. Ces politiques et ces objectifs dans la mise en œuvre,

5 desquelles Krajisnik a été essentiel, ont été dirigés directement vers les

6 non-Serbes de Bosnie et d'Herzégovine et ont été mis en œuvre à travers la

7 force brute. Elles ont façonnées de manière tragique les vies de centaines

8 de milliers de personnes, ainsi que la destinée de la Bosnie-Herzégovine.

9 Elles nous ont emmené dans ce prétoire aujourd'hui.

10 Alors, l'histoire de la désintégration de l'ex-Yougoslavie est bien connue,

11 mais c'est dans cet environnement-là que l'acte d'accusation a été rédigé

12 et je vais le passer en revue avec vous très brièvement, les événements

13 politiques essentiels, qui sont promus dans cette affaire, en particulier.

14 Alors, l'Yougoslavie était un état fédéral composé de six républiques et de

15 deux régions autonomes que vous allez voir apparaître sur votre moniteur.

16 Est-ce que la Défense a quelque chose à signaler ? Non ? Je poursuis.

17 Après la mort du maréchal Tito et de la désintégration de la Ligue de

18 communistes qui ont suivi, le statut des républiques d'Yougoslavie et

19 l'existence continue de la Fédération a été la question essentielle avec

20 laquelle l'Yougoslavie a été confrontée et, en particulier, les Républiques

21 de Slovénie, de Croatie, de Bosnie et d'Herzégovine. Les forces sociaux,

22 politiques, dynamiques et puissants, ce qui les opposaient les unes aux

23 autres, en fait, étaient en compétition pour arriver à trouver des

24 solutions politiques à ce problème, solution qui avait donné, soit au

25 maintien de ces républiques au sein d'une fédération, soit à la séparation

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1 de ces quelques républiques de la Fédération.

2 Avant les premières élections multipartites de la République socialiste de

3 Bosnie-Herzégovine, qui allaient être tenues le 18 novembre 1990, trois

4 partis nationalistes ont surgi pour lutter contre la structure du Parti

5 communiste enraciné. Ces trois partis étaient le Parti démocratique serbe;

6 le SDS ou le Parti des Serbes de Bosnie; le Parti d'action démocratique,

7 SDA; le Parti des Musulmans bosniaques; et la Communauté démocratique

8 croate ou HDZ, qui était le Parti des Croates de Bosnie.

9 Le SDS a été fondé le 12 mai 1990, et Radovan Karadzic a été élu président

10 du parti. Krajisnik allait plus tard occuper des positions au sein du

11 comité directeur du SDS, et au sein de la division du personnel, en plus de

12 l'autorité reflété au sein de ces positions-ci et d'autres positions qu'il

13 a tenu dont je parlerai d'ailleurs plus tard.

14 L'accusé et Radovan Karadzic étaient les dirigeants essentiels de niveau le

15 plus élevé du parti. Dans ce prétoire, nous allons voir sur base des

16 preuves qu'ensemble, ils ont façonné les politiques et les différentes

17 directives qui ont donné lieu à ce que nous savons. Dans cet effort, ils

18 ont été guidés par Slobodan Milosevic sur conseil de qui ils se sont basés

19 et sur l'autorité duquel ils ont construit leurs positions.

20 Au sein de la Bosnie, néanmoins, c'était l'accusé, ainsi que Karadzic, qui

21 ont façonné les politiques et insisté sur la discipline et ont encouragé le

22 SDS vers une séparation forcée des populations ethniques mélangées de

23 Bosnie. La peur et les passions de la population serbe et, en les rendant

24 sensibles au fait qui soit du passé, ils ont incité les peuples à couper

25 les liens d'une coexistence pacifique, qui existait entre les différents

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1 peuples de Bosnie-Herzégovine, pour mettre en œuvre cette nouvelle

2 politique de nettoyage ethnique.

3 Depuis le départ, les partis ont déclaré leur intention de protéger les

4 intérêts nationaux des Serbes de Bosnie et d'Herzégovine et ils ont, y

5 compris, insisté sur le maintien du caractère fédéral de la Bosnie-

6 Herzégovine, au sein de la République fédérale socialiste de l'Yougoslavie.

7 Ils ont également insisté sur l'unité des Serbes dans un état commun.

8 C'était leur vision. Même avant d'avoir fait les premiers pas, qui allaient

9 les mener vers la séparation ethnique ou la division ethnique de la Bosnie,

10 le SDS a mis en garde ou annoncé son opposition catégorique à tout effort

11 de séparer les Serbes de Bosnie de leur mère patrie, la Serbie.

12 Laissez-moi maintenant revenir aux élections multipartites que j'ai

13 mentionnées il y a quelques instants. Pour poursuivre leur objectifs

14 partagés d'arriver à surmonter le Parti communiste, ainsi que ses

15 successeurs, ces trois partis - le SDS, le SDA et le HDZ - sont arrivés à

16 un accord informel d'éviter de s'attaquer les uns et les autres pour

17 coopérer la division du pouvoir et que ceci allait être plus important à

18 l'élection. Ces accords, alors qu'ils étaient en force pendant quelque

19 temps, leur permettaient d'éviter leurs visions du futur qui n'était pas

20 nécessairement les mêmes pour la Bosnie-Herzégovine.

21 Les résultats des élections étaient très étonnants. Les partis

22 nationalistes ont réussi à battre leurs opposants en gagnant -- en ayant

23 des pourcentages de représentation. Le SDS, les Serbes ont obtenu 72 sièges

24 alors que le HDZ, le Parti des Croates, en a obtenu 44 et, en premier, le

25 Parti musulman en a gagné 86. Les autres partis se sont répartis les 38 %

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1 restant.

2 Les partis nationalistes ont ensuite mis en pratique, de façon tout à fait

3 fidèle, les accords interpartis et le SDA a ainsi désigné feu Alija

4 Izetbegovic au poste de président de la présidence. Le SDS, le Parti des

5 Serbes de Bosnie, a choisi l'accusé, à savoir, Momcilo Krajisnik, pour être

6 président de l'assemblée, et Jure Pelivan fut nommé par le HDZ au poste de

7 premier ministre.

8 Le succès électoral du SDS a engendré la création d'un autre organe du

9 parti extrêmement puissant car dans le cadre de cette nouvelle assemblée,

10 les délégués serbes ont formé un groupe, le groupe parlementaire serbe,

11 groupe qui fut créé afin de débattre et de formuler les politiques du SDS,

12 ainsi que ses points de vue politiques qui devaient être formulés à

13 l'assemblée. Ce fut ainsi l'organe qui, en fin de compte, devait se

14 transformer en premier organe du gouvernement serbe, premier organe

15 parallèle du gouvernement serbe, l'assemblée du peuple serbe dont le

16 président était l'accusé.

17 Bien que les partis aient trouvé un dénominateur commun pendant la campagne

18 électoral, ils n'ont jamais eu un point de vue commun à propos du problème

19 le plus essentiel auquel se confrontait la Bosnie-Herzégovine, à savoir,

20 son statut dans une Yougoslavie fédérale en pleine désintégration. Cet

21 échec devait véritablement être un facteur de division et, plus tard, un

22 facteur partiellement fatal. Dans les autres républiques d'Yougoslavie, des

23 événements tragiques se produisaient qui devaient justement semer les

24 graines du conflit dans le giron de la Bosnie.

25 Le 25 juin 1991, les Républiques de Slovénie et de Croatie déclarèrent leur

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1 indépendance. Le lendemain, la JNA s'engageait dans un conflit armé en

2 Slovénie et, plus tard, des combats furent engagés et s'intensifièrent en

3 Croatie. La possibilité suivant laquelle la contagion de l'indépendance se

4 propagerait à la Bosnie préoccupait vivement Karadzic, Krajisnik et les

5 autres membres dirigeants du SDS, et cette idée les répugne.

6 Radovan Karadzic, parlant au nom de la direction du SDS, a déclaré, à

7 maintes reprises : "Le SDS n'acceptera pas une Croatie indépendante et une

8 Bosnie-Herzégovine indépendante."

9 Il a déclaré, à maintes reprises, que le SDS n'accepterait pas une

10 situation en vertu de laquelle les Serbes de Bosnie ne feraient pas partie

11 de l'état d'un état commun avec les autres Serbes d'Yougoslavie. Je vais

12 citer M. Karadzic, une nouvelle fois, et je cite : "Nous disons maintenant

13 ouvertement ce qui ne pouvait même pas être chuchoté auparavant. Les Serbes

14 de la Bosnie-Herzégovine placent tous leurs espoirs dans la mère patrie, la

15 Serbie, et n'autoriseront jamais une frontière d'état à les séparer de la

16 Serbie."

17 Les Serbes de Bosnie ont essayé de préserver leur union, au sein de

18 l'Yougoslavie par le truchement des négociations avec les autres partis

19 politiques en Bosnie, alors qu'en parallèle, il prenait des mesures visant

20 la séparation ethnique avec la création de communauté serbe de

21 municipalité. Ultérieurement, lors de mon intervention, je reviendrais sur

22 ce terme de "communauté serbe de municipalité".

23 Ils ont également essayé de parvenir à leurs objectifs lors des

24 négociations internationales diverses, et je n'écrirais pas par le menu

25 d'ailleurs ces négociations, mais il faut savoir quelles furent vouées à

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1 l'échec. Par exemple, le 27 août 1991, la Communauté européenne a établi

2 une conférence sur l'Yougoslavie, qui a eu de nombreuses sessions à La Haye

3 jusqu'au 14 août 1992. Ces négociations étaient placées sous la direction

4 du ministre des Affaires étrangères britanniques, Lord Carrington. Son ex-

5 secrétaire d'état américain, Cyrus Vance, faisait office de représentant

6 personne du secrétaire général des Nations Unies lors de ces discussions.

7 La Communauté européenne pensait qu'une division territoriale créerait

8 trois entités largement autonomes, tout en pouvant préserver un état

9 central de la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de son approche par rapport

10 à la Bosnie-Herzégovine. Ces principes ont été intégrés dans une

11 déclaration de principes acceptée le 23 février 1992, qui stipulait d'une

12 partie que la Bosnie-Herzégovine serait un état composé de trois unités

13 constitutives sur la base de principes nationaux, et qui prendrait en

14 considération des critères économiques, géographiques et autres. En fait,

15 chaque unité constitutive devait être dominée par un seul groupe, un seul

16 groupe serbe, croate et musulman.

17 A la suite de l'acceptation de ces principales en Lisbonne, Celopek, la

18 direction serbe de Bosnie, est revenu à Sarajevo et ait été absolument

19 ravi. Plus tard, toutefois, Alija Izetbegovic s'est distancé de cet accord.

20 En même temps, les Serbes de Bosnie s'étaient engagés dans des

21 négociations, dont le but de négociations conçues pour parvenir à leurs

22 objectifs. Radovan Karadzic avait indiqué, de façon très claire, que le SDS

23 était disposé à utiliser la force, le cas échéant, si cela était

24 nécessaire, afin d'assurer que les Serbes de Bosnie ne seraient pas séparés

25 de la Serbie. Il avait mis en garde que, si la Bosnie avait déclaré sa

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1 souveraineté, son indépendance, et je cite : "Toutes les conditions pour la

2 guerre civile existeraient."

3 La direction du SDS était soutenue par Slobodan Milosevic, le président de

4 Serbie. Milosevic insistait, sans aucune équivoque, sur le fait que les

5 Serbes devaient rester dans un seul état et il a dit, et je cite : "En ce

6 qui concerne le peuple serbe, il souhaite vivre dans une seul état. Par

7 conséquent, les divisions en plusieurs états, qui sépareraient le peuple

8 serbe et qui le forceraient à vivre dans des états souverains, séparés, et

9 de notre point de vue inacceptable, à savoir et je vais préciser tout à

10 fait hors de questions."

11 Les éléments de preuve, dont nous disposons, montreront que la direction du

12 SDS, notamment, Karadzic, Krajisnik, et les autres ont collaboré, de façon

13 très étroite, avec Milosevic et avec structures générales existantes, telle

14 que l'armée du peuple yougoslave, la JNA, et la police fédérale, alors

15 qu'elles se préparaient à mettre en œuvre la division forcée de la Bosnie-

16 Herzégovine et l'expulsion des Musulmans de Bosnie et des Croates de

17 Bosnie, des territoires revendiqués par les Serbes.

18 Comme je l'ai dit au préalable, alors que les dirigeants serbes de Bosnie

19 essayaient d'obtenir ou de parvenir à leurs objectifs par le truchement de

20 négociations, le SDS a commencé à s'organiser et à se préparer pour la

21 création de territoires serbes séparés en Bosnie. Ils ont commencé ce

22 processus en créant des structures régionales et des régions autonomes,

23 leurs objectifs non déclarés étant de délimiter ce qu'on appelait les

24 territoires serbes et d'établir le contrôle sur de grandes parties ou de

25 grandes régions de la Bosnie-Herzégovine.

Page 312

1 Les dirigeants serbes de Bosnie avaient également pris des dispositions

2 grâce à l'assistance des autorités fédérales pour armer la population serbe

3 de Bosnie. Ils avaient créé des systèmes de communications secrets. Ils

4 avaient donné des instructions pour ce qui est de l'organisation et de la

5 prise du pouvoir au niveau municipal.

6 J'aimerais maintenant vous parler de la régionalisation car, face à la

7 possibilité d'une indépendance de la Bosnie, le SDS commença à séparer les

8 territoires au sein de la Bosnie territoire qu'ils revendiquaient comme

9 étant Serbe et ils insistaient, en disant que cela devait faire partie d'un

10 seul état commun avec la Serbie. C'est un processus qui rappelait les

11 événements de Croatie où en 1990 les Serbes de Croatie avaient déclaré, les

12 communautés de municipalités qui, par la suite, s'étaient transformées en

13 région autonome. Le SDS en Bosnie a amorcé un processus similaire en avril

14 1991, lorsque l'assemblée fondatrice de la communauté des municipalités de

15 la Krajina de Bosnie a été convoquée. Le SDS revendiqua et que cette

16 communauté de municipalités était tout simplement un lien économique, un

17 lien de développement conformément à la constitution de Bosnie. Les autres

18 parties, tout à fait, ont été -- ont rapidement dénoncé la communauté des

19 municipalités, qui était une mesure transparente, visant la création de

20 territoires contrôlés par les Serbes. Ces préoccupations ont été réalisées

21 et le prétexte économique exposé en septembre 1991, lorsque la communauté

22 des municipalités s'est transformée en région autonome de Krajina ou RAK.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, nous avons dû attendre

24 jusqu'à maintenant pour avoir la traduction française. Je vous demanderais

25 d'essayer de respirer de temps à autre pour permettre aux interprètes de

Page 313

1 respirer de temps à autre également.

2 M. HARMON : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes. Ils font

3 un excellent travail et je suis désolé de leur imposer ce rythme.

4 La cellule de Crise régionale de la RAK et, plus tard, de la présidence de

5 guerre, était la plus large et la plus active des régions autonomes serbes.

6 La cellule de Crise de La RAK était extrêmement importante pour ce qui est

7 de la mise en œuvre des politiques du SDS dans la région de la Krajina de

8 la Bosnie. Ces activités incluaient la communication, au niveau de la

9 république, des instructions du SDS vers les cellules de Crise municipales,

10 la fourniture dissimulée d'armes aux Serbes, le fait de d'évincer les non-

11 Serbes de leurs emplois, ainsi qu'une coordination étroite avec les forces

12 serbes de Bosnie dans la Krajina. La cellule de Crise de la RAK et la

13 présidence de guerre de la RAK étaient dirigées par Radoslav Brdjanin, qui

14 a été identifié dans l'acte d'accusation comme étant un membre de

15 l'entreprise criminelle commune.

16 Au même moment, d'autres régions autonomes ont été déclarées et elles

17 comprenaient de grandes parties de la Bosnie-Herzégovine.

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais attirer votre

19 attention sur l'écran afin que je puisse me permettre de vous expliquer ce

20 que décrit cette image. Il s'agit d'une description des différentes régions

21 autonomes de la -- vous avez la RAK en bleu et, dans la région autonome de

22 la Krajina, vous verrez un certain nombre de municipalités que l'on trouve

23 dans l'acte d'accusation, à proprement parlé. Vous avez également des

24 régions autonomes supplémentaires : Une étant en rose, il s'agit d'une

25 région en Bosnie du nord; vous avez également la Semberija en couleur

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1 abricot; en vert, la région autonome de Romanija Birac; et puis finalement,

2 en jaune, la région autonome d'Herzégovine.

3 Ces régions autonomes établissaient des structures gouvernementales et ont

4 été, peu de temps après, proclamées comme faisant partie du territoire qui

5 appartenaient à la République serbe autoproclamée. Une fois que les régions

6 autonomes avaient obtenu leurs objectifs, et une fois qu'environ 70 % du

7 territoire de la Bosnie-Herzégovine fut saisi par les forces serbes de

8 Bosnie, la direction serbe de Bosnie a démantelé en quelque sorte les

9 régions autonomes. Comme l'a dit Karadzic, comme dira Karadzic plus tard à

10 l'assemblée serbe de Bosnie, une fois que ces régions nous ont permis de

11 parvenir à notre objectif, elles n'ont plus lieu d'être.

12 Avant cela, toutefois, elles ont été un vecteur efficace pour la

13 désintégration de la Bosnie-Herzégovine et afin de nous permettre d'obtenir

14 le contrôle sur de grandes régions du territoire de la Bosnie où vivaient

15 jusqu'en 1992 des centaines de milliers de Musulmans.

16 Il y a une autre méthode qui fut utilisée par le SDS afin s'organiser et de

17 se préparer à la création d'un territoire serbe séparé. Il s'agissait de

18 fournir des armes à la population serbe. En 1991, Karadzic et M. Krajisnik

19 et d'autres membres de la direction serbe de Bosnie étaient préoccupés du

20 fait que les Serbes ne disposaient pas de suffisamment d'armes.

21 J'aimerais, en fait, vous faire écouter une conversation interceptée,

22 conversation qui a eu lieu entre M. Karadzic et M. Krajisnik en date du 23

23 septembre 1991, et portait justement sur le thème des armes, conversation

24 au cours de laquelle ils expriment leurs préoccupations car les Serbes ne

25 disposent pas de suffisamment d'armes.

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1 [Diffusion de cassette audio]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Momcilo KRAJISNIK : Est-ce que c'est les Delimustafic ?

4 Radovan KARADZIC : Non, non, non. C'est Izetbegovic. Izetbegovic qui a

5 promulgué une décision au niveau de la présidence pour que chaque station

6 soit formée conformément à ces besoins, à savoir, augmenter le nombre des

7 forces de réserves.

8 Momcilo KRAJISNIK : Oui.

9 Radovan KARADZIC : Par conséquent, nous devons informer notre population

10 dans la Krajina et…

11 Momcilo KRAJISNIK : Oui, tu sais très bien ce que je veux te demander… Nous

12 pouvons toujours parvenir à un accord. Il y a toujours deux versions à

13 toute chose, une version blanche et une version noire. Oui. Un homme

14 astucieux sait toujours utiliser ce qui lui convient.

15 Radovan KARADZIC : Oui.

16 Momcilo KRAJISNIK : Ce que j'entends c'est que je ne veux rien empêcher du

17 tout. Au contraire…

18 Radovan KARADZIC : Oui, très bien. En fait, dans les régions serbes, ils

19 n'ont pas suffisamment d'armes, ils n'ont pas suffisamment d'armes.

20 Momcilo KRAJISNIK : Très bien, mais nous sommes en train d'analyser cela,

21 Radovan, s'il te plaît. Je vais te dire quelque chose. Je voudrais te poser

22 une question à ce sujet. Nous devrions véritablement bien peser et faire la

23 part des choses. Lorsque ce que je disais la nuit dernière était assez

24 intelligent. Nous devons… Radovan KARADZIC : Ecoutez, il y a un homme avec

25 moi qui est assis et fait partie de la police. Il comprend la situation.

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1 Momcilo KRAJISNIK : Oui.

2 Radovan KARADZIC : Ah, Plavsic très bien.

3 Momcilo KRAJISNIK : Oui. Alors quand est-ce que tu peux revenir ?

4 Radovan KARADZIC : Dans 15 minutes, 20 minutes."

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur cet enregistrement, il parle très,

6 très vite. Peut-être nous pourrions avoir une petite pause après avoir

7 écouté la cassette.

8 Poursuivons.

9 M. HARMON : [interprétation] Alors comment est-ce qu'ont-ils pu faire en

10 sorte que ce processus d'armement soit concrétisé ? Cela s'est fait grâce à

11 la coopération et l'assistance des autorités fédérales yougoslaves dans la

12 direction partagée, les buts et objectifs des Serbes de Bosnie. Nous avons

13 des éléments de preuve à propos de cet effort d'armements mais j'aimerais

14 vous en donner certains exemples.

15 Nous allons verser au dossier en rapport en date du 20 mars 1992, rapport

16 du général Milutin Kukanjac de la JNA, rapport destiné à l'état major de la

17 JNA, rapport dans lequel il indique avoir distribué à des "unités

18 volontaires" 51 900 armes, et indique que le SDS a distribué 17 298 armes à

19 ces unités de volontaires.

20 Ces unités de volontaires ne faisaient pas parti de la JNA.

21 Vous entendrez également des éléments de preuve portant sur une réunion qui

22 a eu lieu en avril 1991 à Belgrade dans le bureau de Mihalj Kertes,

23 l'assistant du ministre de l'Intérieur, qui date d'une année avant la prise

24 de Bratunac et de Srebrenica. Les participants à cette réunion étaient

25 Mihalj Kertes, Miroslav Deronjic, qui était une personnalité politique

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1 connue de la municipalité de Bratunac. Il y avait également Goran Zekic, un

2 membre de l'assemblée serbe de Bosnie de Srebrenica.

3 A cette réunion, des dispositions ont été prises afin de fournir des armes

4 aux Serbes de Bosnie des municipalités de Bratunac et de Srebrenica en

5 Bosnie orientale.

6 Mihalj Kertes, que nous verrons dans le cadre de cet élément de preuve en

7 contacts fréquents avec Radovan Karadzic, a dit à M. Deronjic et Zekic

8 pendant cette réunion, et je cite : "Que dans un rayon de 50 kilomètres

9 autour du fleuve Drina, tout deviendra entièrement serbe."

10 Comme vous l'entendrez plus tard lorsque je parlerai de l'objectif

11 stratégique du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, où Radovan Karadzic

12 annonça à l'assemblée serbe de Bosnie, 13 mois plus tard, la déclaration de

13 Kertes à M. Deronjic et Zekic qui, en fait, n'était que le fidèle reflet

14 d'un des objectifs déclarés.

15 Le rôle essentiel joué par le SDS dans cette activité d'armements et la

16 relation de symbiose qui existaient avec Slobodan Milosevic et les

17 autorités fédérales sont expliquées en août 1993 à la 34e session de

18 l'assemblée des Serbes de Bosnie par le général Milan Gvero, le commandant

19 assistant du VRS pour les affaires religieuses, juridiques et pour le moral

20 des troupes.

21 Je cite le général Gvero : "Le Parti démocratique serbe, qui a réveillé et

22 unifié politiquement le peuple serbe, a formulé ses objectifs politiques et

23 sociaux, sa façon de s'organiser ainsi que toutes les conditions requises

24 importantes pour mener à bien une lutte couronnée de succès. Le Parti

25 démocratique serbe et les institutions d'état établies se chargeront

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1 également d'armer au départ la population serbe en leur fournissant des

2 armes légères ce qui a été possible grâce au soutien et à la coopération de

3 nombreux officiers serbes de la JNA sur le territoire de l'ancienne Bosnie-

4 Herzégovine, des Serbes du ministère de l'Intérieur et d'autres

5 institutions politiques, ainsi que des officiers de l'armée de Serbie, à

6 savoir, la République fédérale de la Yougoslavie."

7 Le SDS a également établi un réseau de communications dans l'ensemble des

8 communautés serbes de Bosnie pour permettre, comme Karadzic l'a expliqué

9 par la suite et je cite à nouveau que : "Les informations en provenance des

10 villages les plus éloignés atteignent le conseil central du SDS en un

11 maximum de deux heures."

12 Conformément aux instructions opérationnelles du SDS émies le 15 août 1991,

13 chaque membre du conseil local du SDS devait "garder le contact avec dix à

14 vingt foyers."

15 Ce réseau n'a pas seulement été établi pour transmettre des informations

16 générales, mais également pour transmettre des ordres. Les membres du SDS

17 étaient obligés d'exécuter et de respecter les décisions des organes du

18 parti.

19 Puisqu'il s'agit du procès d'un politicien qui était extrêmement important

20 dans le SDS et qui était plus tard au sommet du pouvoir de la Republika

21 Srpska, il est essentiel de mettre en exergue les caractéristiques de la

22 direction du SDS et leur point de vue vis-à-vis de la mise en œuvre et de

23 l'exécution de ces politiques. Lors de la deuxième session de l'assemblée

24 serbe de Bosnie convoquée le 21 novembre 1991, l'accusé a émis une mise en

25 garde importante à l'intention des membres du SDS, et je cite : "Nous

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1 souhaiterions transmettre le message suivant destiné à toutes les personnes

2 qui failliront, ou qui sont neutres, ou qui seront faibles, ou qui seront

3 induites en erreur, et qui ne se sentent pas comme des traîtres.

4 Aujourd'hui vous en avez encore le temps. Demain il sera trop tard."

5 Trois mois plus tard, à la huitième assemblée des Serbes de Bosnie qui se

6 réunit le 25 février 1992, Radovan Karadzic s'est fait l'écho de cette mise

7 en garde de Krajisnik. Il a indiqué qu'une fois que le parti avait adopté

8 une politique, et je cite : "Tout le reste sera trahison. Tout le reste

9 hormis la politique adoptée est trahison. Aider l'ennemi ne pourra pas être

10 toléré. Lui permettre une sortie ou induire le peuple en erreur tout en

11 étant membre de ce parti, ou de cette assemblée, ou de ces organes du

12 parti, ne pourra pas être autorisé. Je ne le permettrai pas. Je

13 l'indiquerai au peuple, et je dirais : Cet homme est un traître."

14 Ces sentiments ont été repris par Radoslav Brdjanin, qui était à la tête de

15 la cellule de Crise de la RAK et de la présidence de guerre. Comme il l'a

16 dit lui-même, et je cite : "Je suis un homme qui a deux principes. J'obéis

17 et je respecte ceux qui sont mes supérieurs. Pour ce qui concerne les

18 personnes qui se trouvent sous mon commandement, elles doivent m'obéir."

19 Les moyens de preuve montreront qu'au fur et à mesure que le SDS s'est

20 rapproché de la mise en œuvre d'une politique envisageant la division

21 forcée de la Bosnie-Herzégovine, ils avaient de plus en plus besoin

22 d'informations constantes, sécurisées et transmises en toute clandestinité.

23 Le SDS a créé un système de sécurité dont l'organisation et le

24 fonctionnement étaient entièrement confidentiel, et strictement

25 confidentiel, et du domaine de la conspiration est organisé suivant le

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1 principe de la hiérarchie. Ce système de sécurité a créé des codes de

2 communication par le biais de téléphones publics, des nominations secrètes

3 ont été établies pour les autres conseils municipaux du SDS, et les

4 réponses a but du SDS qui participaient à des services de garde 24 heures

5 sur 24 heures et 7 jours sur 7, au niveau du quartier général du parti qui

6 fut établi.

7 J'aimerais, en fait, faire référence une fois de plus au mot prononcé par

8 le général Gvero lors de la 34e session de l'assemblée des Serbes de

9 Bosnie, et je cite : "Le SDS a formulé des objectifs politiques et sociaux

10 et a préparé l'organisation des conditions requises importantes qui nous

11 permettront de mener à bien une lutte couronnée de succès."

12 En parallèle alors que le SDS se préparait dans la clandestinité à une

13 éventuelle séparation de la Bosnie-Herzégovine, et alors qu'il négociait au

14 niveau international et déployait des efforts pour séparer la Bosnie

15 conformément à un accord, la position serbe dans la République socialiste

16 ou dans l'assemblée de la République socialiste de la Bosnie-Herzégovine

17 devient de plus en plus dure et menaçante.

18 Lors d'une session de l'assemblée de la République socialiste de la Bosnie-

19 Herzégovine le 14 octobre 1991, assemblée qui fut présidée par M. Krajisnik

20 en sa capacité de président de l'assemblée, l'assemblée a envisagé une

21 plate-forme ou une tribune qui leur permettrait d'adopter une position pour

22 ce qui est de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la structure future de

23 la communauté yougoslave, et une lettre ou un mémorandum de leurs

24 intentions. Ces documents d'ailleurs indiquaient que la Bosnie-Herzégovine

25 participerait à l'état yougoslave futur, seulement dans la mesure où la

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1 Croatie et la Slovénie y participeraient. Alors que les deux avaient

2 déclaré leur indépendance.

3 Radovan Karadzic a pris la parole et a mis en garde, une fois de plus, dans

4 des termes sans équivoque, ce qui se passerait si les Musulmans

5 persistaient à vouloir l'indépendance. Il a dit qu'il pourrait disparaître

6 parce qu'ils ne pourraient pas se défendre eux-mêmes.

7 Je vous propose d'écouter un extrait de ce discours sur vos écrans.

8 [Diffusion de cassette audio]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "Radovan KARADZIC : La constitution vous empêchera de voter même si vous

11 décidiez aujourd'hui de le faire, ce serait une honte pour Izetbegovic à La

12 Haye, parce que nous avons une voie qui s'ouvre à nous à la Haye. C'est la

13 voie que vous voulez voir en Bosnie-Herzégovine. C'est cette autoroute qui

14 mène à l'enfer à la souffrance, route qu'ont emprunté déjà la Slovénie et

15 la Croatie. Ne pensez pas que vous allez prendre la Bosnie-Herzégovine.

16 Sachez qu'il y aura la guerre et que les Musulmans ne pourront pas se

17 défendre." L'INTERPRÈTE : Il n'y avait pas l'intégralité de la traduction,

18 la transcription de cette intervention.

19 M. HARMON : [interprétation] Est-ce qu'il y a le moindre doute qui doive

20 planer sur la signification que donnait Karadzic à ces mots. Il y a cette

21 conversation interceptée entre Karadzic et Gojko Dogo, président de

22 l'association des Serbes de Bosnie-Herzégovine, qui nous en donnera la

23 preuve. Interception réalisée deux jours avant l'intervention que vous

24 venez d'entendre. Dans cette conversation interceptée, Karadzic explique,

25 qu'au mieux, tout ce que les Musulmans peuvent espérer ce sont quelques

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1 enclaves de Bosnie, mais que l'essentiel du territoire serait serbe. Ils

2 formeraient une unité au sein de la fédération avec la Yougoslavie

3 tronquée, je le cite : "Nous pourrions accepter qu'ils créent disons une

4 région musulmane, un district musulman dans leur zone au sein de la

5 Yougoslavie." Il se reprends, "ou encore même plusieurs enclaves."

6 Il poursuit, il parle dans cette conversation interceptée, ils disent

7 qu'ils devraient insister pour ce qui est de leur revendication. Je le cite

8 : "Ils vont disparaître. Ce peuple va disparaître de la terre s'il commence

9 maintenant. L'offre que nous avons faite était leur seule chance."

10 Il poursuit en disant ceci : "Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent

11 pas qu'ici ils vont être dans le sang jusqu'au genou, et que le peuple

12 musulman va disparaître."

13 Tout au long de cette conversation, il y a une prophétie sombre qui est

14 répétée. Je reprends une de ces citations : "Il faut qu'ils sachent qu'il y

15 a 20 000 Serbes armés tout autour de Sarajevo. Qu'eux, ils vont

16 disparaître. Sarajevo, ce sera une cuvette noire, un chaudron, dans lequel

17 vont mourir 300 000 Musulmans. Ils ont perdu la tête. Je ne sais pas.

18 Maintenant, il va falloir que je sois clair lorsque je leur parle. Ne

19 foutez pas tout en l'air. Il y a de trois à quatre cents mille Serbes armés

20 en Bosnie. Qu'est-ce que vous pensez ? En plus de cela, il y a une armée,

21 tout le matériel. Pensez-vous que vous pouvez vraiment faire une sécession

22 comme l'a fait la Croatie."

23 Un peu plus loin dans cette même conversation interceptée, il dit ceci, je

24 le cite : "Ils ne comprennent pas. Ils vont tremper dans le sang jusqu'au

25 cou. Le peuple musulman va disparaître. Ces pauvres Musulmans vont

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1 disparaître. Ils ne savent pas où ils les emmènent où ils emmènent ces

2 Musulmans."

3 Autre citation de cette conversation interceptée, c'est toujours Karadzic

4 qui parle : "Il est impossible pour eux de faire sécession. Je pense que

5 l'armée l'a bien compris. Tout le monde l'a bien compris. Cela va être un

6 véritable bain de sang. Cette fois-ci, l'armée ne va pas se contenter

7 d'utiliser deux avions. Elle en a 500, et elle va utiliser 20 de ses avions

8 pour chaque assaut."

9 Lors de cette même réunion de l'assemblée à l'occasion de laquelle il a

10 prononcé ce discours effrayant, Krajisnik qui était le dirigeant des débats

11 déclare close la session, afin d'empêcher qu'il y ait un vote qui soit

12 réalisé après, à propos de ce mémorandum et de ce programme politique. Les

13 parlementaires serbes sortent avant la fin de la session. Krajisnik, les

14 met en garde : "Je voulais simplement vous dire ceci. Pensez bien à ce qui

15 va se passer pour vous, si vous essayez de faire quoi que soit en dehors de

16 cette assemblée. Je ne vous mets pas en garde individuellement, mais vous

17 le savez parfaitement bien."

18 Il termine par ces remarques et déclare close la réunion. Cependant, ces

19 manœuvres parlementaires de Krajisnik ont échoué. Après cette sortie des

20 parlementaires serbes, le vice-président de l'assemblée Mariofil Ljubic, un

21 membre du HDZ, parti croate, réouvre la réunion, la session. Il est procédé

22 à un vote suite à cette proposition de programme politique et de

23 mémorandum. Les deux sujets, les deux programmes sont adoptés.

24 Il y a donc adoption de ces déclarations de souveraineté; suite à quoi, le

25 SDS a accéléré les différentes étapes menant à la division de la Bosnie.

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1 Dans la nuit du 15 octobre, le conseil politique du SDS se réunit. Il

2 participe à la totalité des dirigeants du SDS, dont

3 M. Karadzic, M. Krajisnik, Biljana Plavsic et Nikola Koljevic. Une des

4 personnes ayant assisté à cette réunion, Tudor Dutina le relève, je le cite

5 : "Ce soir, nous devons nous débarrasser de l'illusion qui voudrait nous

6 faire croire qu'il est possible de parvenir à une forme quelconque de co-

7 existence avec les Musulmans et les Croates."

8 Trois jours plus tard, le groupe des parlementaires serbes organise une

9 réunion à l'occasion de laquelle les dirigeants serbes de Bosnie, insistent

10 sur le fait que le SDS accélère le processus de division de la Bosnie.

11 Karadzic annonce qu'il va placer le parti en état d'alerte.

12 Le 24 octobre 1991, les délégués du SDS à l'assemblée de la République

13 socialiste de Bosnie-Herzégovine se rencontrent séparément. Ils établissent

14 ce qu'on a appelé l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Je

15 l'appellerai plus tard aux fins de mon propos, assemblée des Serbes de

16 Bosnie. M. Krajisnik est nommé président de cet instance suprême. A

17 l'occasion de cette session, dit, notamment, que l'assemblée a été

18 constituée aux fins de veiller à ce que le peuple serbe prenne en main son

19 propre destin. Pour lui, cela voulait dire que la volonté du peuple serbe,

20 était de demeurer "sur ces territoires historiques et ethniques, dans le

21 cadre d'un état conjoint de la Yougoslavie."

22 Karadzic déclare également que cet événement, c'est un moment historique.

23 Il dit ceci : "C'est un moment historique qui permet une étape, une

24 démarche que fait le peuple serbe pour éliminer les dernières illusions, à

25 savoir que jamais le peuple serbe ne sera mis en péril à l'intérieur."

Page 325

1 Ce même jour, Karadzic disait à celui qui était président de la Serbie, M.

2 Milosevic, ce qu'il allait se passer, si les Serbes de Bosnie insistaient

3 pour qu'il y ait indépendance. Il y a eu une conversation interceptée, vous

4 allez l'entendre dans un instant. Karadzic a dit, ceci : "Nous avons tout

5 préparé. Les Bosniens vont se casser les dents, il est impossible pour eux

6 de vivre ensemble."

7 Je vais maintenant demander la diffusion de cette conversation interceptée.

8 Ce n'est qu'une partie de cette conversation interceptée.

9 [Diffusion de cassette audio]

10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

11 "Slobodan MILOSEVIC : Alors, comment ça va ?

12 Radovan KARADZIC : Ça va tout doucement.

13 Slobodan MILOSEVIC : Est-ce que tu t'es mis d'accord avec Alija pour qu'il

14 annule ces décisions ?

15 Radovan KARADZIC : Il attend jusqu'à 17 heures pour y mettre un terme.

16 Slobodan MILOSEVIC : D'accord. Alors, on peut prolonger l'ultimatum.

17 Radovan KARADZIC : Non, non. Ils ne pensent pas à éliminer ces décisions.

18 Slobodan MILOSEVIC : Oui.

19 Radovan KARADZIC : Ils veulent le faire, ou ils pensent le faire

20 légalement, mais nous allons répondre par tous les moyens possibles. Nous

21 allons établir la Yougoslavie dans toutes les zones où nous vivons. Nous

22 avons une constitution. S'ils annulent leur constitution de BiH, nous nous

23 appuierons sur la nôtre qui est plus ancienne. Je parle de la constitution

24 de la fédération.

25 Slobodan MILOSEVIC : Oui, oui, mais ils ne sont pas suffisamment fous pour

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1 continuer de la sorte.

2 Radovan KARADZIC : Non, ils veulent La Haye. Ils veulent l'Europe pour que

3 l'Europe leur donne un état, et que nous, nous soyons emprisonnés dans ces

4 frontières par des accords internationaux Impossible, impossible de vivre

5 dans un seul pays avec eux. Non, c'est exclu.

6 Slobodan MILOSEVIC : Pourquoi ne pas en parler avec un Alija dans ces

7 termes-là.

8 Radovan KARADZIC : Tout ce qui l'intéresse, c'est son objectif à Alija.

9 C'est un fanatique religieux, impossible de lui parler. J'aimerais bien

10 pouvoir lui parler, mais c'est impossible. Impossible de toucher quoi que

11 ce soit qui lui appartient.

12 Slobodan MILOSEVIC : Pourquoi ne pas lui dire exactement, lui expliquer

13 cela, le dire en des termes agréables, et dire non, mets-y fin.

14 Radovan KARADZIC : Non, non, c'est impossible, impossible. Ce serait une

15 pure perte de temps. Il a perdu trois mois de notre temps, lorsqu'il a

16 parlé de cantonisation de la Bosnie. Maintenant, il se contente de montrer

17 un document sur les ordres de Tudjman.

18 Slobodan MILOSEVIC : D'accord."

19 M. HARMON : [interprétation] Au cours du procès, vous aurez l'occasion

20 d'entendre cette conversation interceptée. Karadzic ajoute quelque chose,

21 il dit que les Serbes de Bosnie ont l'intention d'établir une pleine et

22 entière autorité sur les territoires serbes de Bosnie. Il poursuit en

23 disant ceci : "Izetbegovic ne va pas contrôler 65 %, plus 65 % de son

24 territoire. C'est notre objectif."

25 Des décisions sont prises par cette assemblée serbe récemment. Les Serbes

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1 de Bosnie s'entendent récemment [imperceptible], mais il y a parmi celle-ci

2 une décision d'organiser un plébiscite les 9 et 10 novembre. La question

3 qu'on allait soumettre à l'avis du peuple serbe était celle-ci : "Etes-vous

4 d'accord avec la décision voulant que le peuple serbe demeure au sein d'un

5 seul et même état de Yougoslavie avec," et là sont mentionnées d'autres

6 identités.

7 L'assemblée du peuple serbe de Bosnie a également fait une autre

8 déclaration, je vous cite les moments forts de cette déclaration : "Il

9 existe une conspiration qui se trame et qui a commencé il y a longtemps.

10 Elle a pour vocation de réduire le peuple serbe, un peuple constitutif de

11 Bosnie-Herzégovine en une minorité nationale. Etant donné la tragédie qu'a

12 connue le peuple serbe au cours de ce siècle, je pense surtout au génocide

13 dont il a été victime. Le peuple serbe a tiré des enseignements de tout

14 cela, et nous avons créé une assemblée." Il poursuit un peu plus loin en

15 disant qu'il y a des événements similaires qui attendent les Serbes, et que

16 ceux-ci ont le droit intrinsèque de constituer leur propre état.

17 Les 9 et 10 novembre, il y a eu effectivement un plébiscite qui fut

18 organisé. Des Serbes se sont prononcés pour rejeter l'indépendance et pour

19 choisir de rester au sein de l'état de Yougoslavie. Les dirigeants serbes

20 de Bosnie n'ont eu de cesse d'invoquer ce plébiscite pour légitimiser les

21 mesures qu'ils allaient prendre en vue de la séparation ethnique.

22 Je ne sais pas, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à quel moment

23 nous voulons faire une pause.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, réfléchissez. Je sais qu'en

25 général la cassette dure un peu plus d'une heure et demie. Pourriez-vous

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1 poursuivre 15 ou 20 minutes. Nous ferons une pause un peu plus longue pour

2 reprendre jusqu'à 19 heures, si c'est nécessaire.

3 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Oui, je vous parlais des efforts entrepris dans la clandestinité par le SDS

5 pour s'emparer du pouvoir en Bosnie. Ces efforts ont pris diverses formes.

6 Le 19 décembre 1991, les dirigeants municipaux serbes de Bosnie ont été

7 appelés à Sarajevo. Ils ont reçu des instructions écrites du plus haut

8 secret qui précisaient des mesures qu'il fallait prendre pour la prise de

9 contrôle au niveau le plus bas, au niveau de la structure. Le titre de ces

10 instructions est celui-ci : "Instructions en vue de l'organisation et de

11 l'activité des organes du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine au cas où se

12 présenteraient des circonstances exceptionnelles."

13 Ces instructions étaient préparées et délivrées par le comité directeur du

14 SDS. M. Krajisnik, l'accusé, en était un membre clé. Ces instructions

15 s'appliquaient à toutes les municipalités où les Serbes constituaient une

16 majorité, Là où ils constituaient une minorité, ces instructions étaient

17 limpides. Là où les Serbes constituaient la majorité de la population,

18 c'est la variante A, et dans les municipalités où les Serbes constituaient

19 la minorité, variante B, il fallait former une assemblée municipale serbe.

20 Il fallait entreprendre des préparatifs en vue de l'établissement d'autres

21 organes municipaux. Pour ce faire, il fallait notamment prendre les

22 dispositions nécessaires pour s'emparer de toutes les installations de

23 police et de son personnel. Dans les municipalités des deux variantes, il

24 fallait constituer une cellule de Crise du peuple serbe chargée de mettre

25 en service d'active la police, la Défense territoriale, ainsi que les

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1 formations de défense civile, entre autres tâches de défense.

2 Pour les municipalités tombant sous le coup des deux variantes A et B, les

3 instructions étaient ventilées en deux phases. Au cours de la première

4 phase, les dirigeants du SDS avaient pour instruction de constituer des

5 cellules de Crise, de proclamer des assemblées serbes, et de poser les

6 bases à la formation d'instances gouvernementales municipales.

7 Au cours de la seconde phase, les dirigeants du SDS étaient censés établir,

8 créer ces nouveaux organes municipaux, mobiliser les membres serbes de la

9 police, procéder à la mobilisation à l'appel sous les drapeaux de

10 réservistes de la JNA et d'unités de la Défense territoriale, et étaient

11 chargés également de prendre d'autres mesures en vue de se préparer à un

12 conflit. Cette deuxième phase était censée être déclenchée par le président

13 du SDS grâce à une procédure secrète établie à l'avance.

14 Au cours de ce procès, vous recevrez, Messieurs les Juges, des moyens de

15 preuve vous montrant comment ces instructions ont été mises en œuvre dans

16 diverses municipalités.

17 Parlons de l'autre moment marquant, il se situe le 17 décembre 1991. La

18 Communauté européenne et ses ministres approuvent une procédure permettant

19 aux républiques de l'ex-Yougoslavie de demander leur indépendance. Une

20 commission est créée, qu'on va appeler plus tard la commission Badinter,

21 chargée d'examiner de telles demandes. Trois jours plus tard, la république

22 socialiste de Bosnie-Herzégovine par le truchement de sa présidence, vote

23 pour demander à la commission Badinter de reconnaître la Bosnie-Herzégovine

24 comme état indépendant.

25 Dès le lendemain, l'assemblée serbe de Bosnie se réunit. Elle est présidée

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1 par l'accusé. L'assemblée prend plusieurs décisions dont une décision qui

2 vise à créer la Republika Srpska, et, à l'occasion de cette réunion, est

3 reconnue la république de la Krajina serbe, RSK.

4 L'assemblée lance un avertissement également au gouvernement de la

5 république serbe de Bosnie-Herzégovine pour dire que jamais quelles que

6 soient les circonstances, il n'accepterait d'être subordonné à qui que ce

7 soit, et surtout pas, être prêt à accepter un statut de minorité. Au cours

8 de cette session-là, de l'assemblée serbe de Bosnie, un des représentants

9 serbes de Bosnie, Radislav Vukic, qui est le chef du SDS du comité

10 municipal du SDS à Banja Luka plus exactement, et membre des comités

11 directeurs exécutifs,

12 dit ceci : "Si la Communauté européenne persiste dans ses menaces qui

13 consistent à reconnaître la Bosnie-Herzégovine comme étant un état

14 indépendant ou en tant que partie d'un état indépendant à venir de Croatie,

15 ou un état indépendant de Bosnie-Herzégovine, il va y avoir un nouveau

16 soulèvement serbe. Il y aura du sang partout. Ce sera un véritable bain de

17 sang, au cours duquel ou par lequel des nations qui auraient été créées

18 vont disparaître tout à fait. Ces propos sont couronnés d'applaudissements.

19 Karadzic parle longuement. Son intervention, je vais la citer en partie :

20 "Nous avons le droit et la possibilité, la capacité d'empêcher qui que ce

21 soit se trouvant sur les territoires où nous avons mené notre référendum,

22 de faire sécession de la Yougoslavie, sur tous les territoires où les

23 Serbes ont participé à ce référendum, indépendamment du fait de savoir

24 s'ils représentent 5 ou 55 % de la population. Ils constituent l'élément

25 clé de cette ville, de cette république. Tous les territoires où nous avons

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1 voté au cours de notre référendum pour rester au sein de la Yougoslavie,

2 tous ces territoires doivent demeurer au sein de la Yougoslavie, si telle

3 est notre volonté."

4 Il poursuit en disant : "Nous pouvons nous charger de tout. Tout vaut mieux

5 que la guerre civile. Tout vaut mieux que l'imposition d'une solution à

6 d'autres. Tout vaut mieux que le chaos et l'enfer que nous apercevons déjà

7 et qui grandit. Nous n'avons pas du tout l'intention de faire quoi que ce

8 soit de ce genre. Ce que nous voulons, c'est ne pas participé à quoi que ce

9 soit de ce genre, à moins bien sûr que cela nous soit imposé, comme ceci a

10 été imposé à nos frères de Croatie."

11 Toujours dans ce même discours, il dit ceci : "Une guerre civile, elle va

12 causer la mort de plusieurs centaines de milliers de gens. Elle va causer

13 la destruction complète de plusieurs centaines de villes. En plus, elle

14 entraînera des mouvements de population massifs et rapides. En d'autres

15 termes, elle va entraîner une homogénéisation de la population. Cela va se

16 solder par quoi ? Le résultat final sera la situation que nous voyons

17 aujourd'hui, des zones serbes, croates et musulmanes séparées, appauvries

18 de plusieurs centaines de villes et de plusieurs centaines de milliers de

19 gens."

20 Enfin, il dit ceci : "J'ai l'impression qu'en ce moment même, et vu les

21 soupçons que nous nourrissons mutuellement, il nous faut être le plus

22 séparé possible. C'est seulement plus tard que peut-être des raisons

23 politiques et économiques nous rassembleront, mais il ne faut pas vouloir

24 maintenant séparer 30 % et en laissant 70 % parce que, de toute façon, les

25 tensions, qui existent entre nous, ne vont pas disparaître. Tout ce qui

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1 peut exister de façon indépendante doit être séparée."

2 Le 9 janvier 1992, à l'assemblée serbe de Bosnie, proclame la République

3 serbe de Bosnie-Herzégovine. Elle déclare notamment, et je cite que : "Ceci

4 inclut des zones où les Serbes constituent une minorité à cause du génocide

5 dont il a été victime au cours de la Deuxième Guerre mondiale."

6 Le 15 janvier 1992, la commission Badinter fait part de sa recommandation.

7 Elle recommande qu'on demande à la Bosnie-Herzégovine de mener un

8 référendum afin de déterminer la volonté de son peuple en matière

9 d'indépendance.

10 Le 24 et janvier 25 1992, à l'assemblée de la République socialiste de

11 Bosnie-Herzégovine, les délégués ont examiné une résolution allant dans ce

12 sens afin que s'organise un référendum, le 29 février, le 1er mars 1992. Les

13 délégués serbes insistent pour faire objection, pour s'y opposer. Krajisnik

14 essaie de clore la réunion. Les délégués du SDS, sortant de façon

15 ostentatoire, quittent l'assemblée et les délégués -- par la suite, un vote

16 est réalisé et la décision est prise d'avoir un référendum.

17 Le lendemain, l'assemblée serbe de Bosnie annonce que cette décision n'est

18 pas légale.

19 Peu de temps après, le 14 février 1992, Karadzic ordonne de passer à la

20 deuxième phase des instructions donnés dans le cadre des plans variantes A

21 et B, ceci à l'occasion d'une réunion du groupe parlementaire, réunion

22 élargie. Il le dit aux médias le lendemain, je cite : "Les Serbes ont mis

23 au point un programme élargi, un programme complet permettant de prendre

24 pleinement le contrôle des territoires, là où les Serbes constituent la

25 majorité ethnique."

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1 Le 28 février 1992, l'assemblée serbe de Bosnie adopte la constitution de

2 la République serbe de Bosnie-Herzégovine qui allait, plus tard, être

3 promulguée. Ce même jour, l'assemblée des Serbes de Bosnie adopte une loi

4 importante, loi signée par Krajisnik, l'accusé, disant que les postes de

5 police de la Bosnie-Herzégovine se trouvant en territoire appartenant aux

6 Serbes allaient cesser de fonctionner en date du 1er avril 1992 et que ces

7 postes de police allaient être remplacés par des polices du ministère de

8 l'Intérieur de la République serbe de Bosnie-Herzégovine.

9 Le 27 mars 1992, l'assemblée serbe de Bosnie promulgue la constitution

10 adoptée peu de temps auparavant, est également créé un gouvernement, est

11 élu un premier ministre et est créé un conseil national de la Sécurité,

12 qui, en fait, est une présidence de facto. Momcilo Krajisnik était membre

13 de ce conseil national de la Sécurité.

14 Le 31 mars 1992, l'ordre ordonnant la séparation des forces de police en

15 Bosnie-Herzégovine est envoyé. Les non-Serbes qui refusent de prêter

16 allégeance aux nouvelles autorités serbes et aux nouveaux insignes de cette

17 autorité, sont mis à pied.

18 Le moment se prête peut-être à une pause.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je me tourne vers la Greffière

20 d'audience, ainsi que vers les interprètes. Est-ce qu'une pause suffira ? A

21 quel moment pourrons-nous reprendre si nous travaillons jusqu'à 19 heures.

22 Je pense qu'il serait inutile d'en avoir deux de pause. Est-ce que nous

23 pouvons faire une pause jusqu'à 17 heures 15 ? Monsieur Harmon, vous aurez

24 besoin de combien de temps, à peu près, pour terminer votre déclaration

25 liminaire ?

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1 M. HARMON : [interprétation] Je suis obligé de parler lentement. C'est

2 difficile de vous dire quoi que ce soit. J'espère que j'aurai fini à 19

3 heures, mais je ne peux pas vous le promettre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me tourne vers la régie et vers les

5 interprètes, est-ce que nous pourrions reprendre à 17 heures 15 ?

6 Oui, la cabine française est d'accord. Il n'est pas facile d'entreprendre

7 l'avis des interprètes. Quand on écoute une cabine, on n'entend pas les

8 autres.

9 Je me tourne à la cabine anglaise.

10 L'interprète de la cabine française traduit ce que dit sa collègue anglaise

11 puisque la cabine ne travaille pas, elle ne peut pas prendre de décision

12 pour les autres.

13 Une demie heure. Une demie heure sera parfaite et nous pourrons poursuivre

14 jusqu'à 19 heures.

15 --- L'audience est suspendue à 16 heures 44.

16 --- L'audience est reprise à 17 heures 19.

17 [Problèmes techniques]

18 [La cabine des interprètes français hors micro]

19 M. HARMON : [interprétation] Ces moyens de preuve démontreront au-delà de

20 tout doute que ces événements, dans ces différents villages, dans ces

21 différentes municipalités, n'étaient pas le fruit du hasard ou de

22 circonstances fortuites, mais étaient le résultat de politiques conçus par

23 l'accusé et d'autres membres de l'entreprise criminelle et mis en œuvre par

24 des forces qui étaient sous son commandement.

25 Maintenant, le 6 avril, la Communauté européenne a reconnu la Bosnie comme

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1 étant un état indépendant et souverain. Ce même jour, l'assemblée serbe de

2 Bosnie a déclaré l'indépendance de la République serbe de Bosnie-

3 Herzégovine. J'aimerais avancer rapidement jusqu'à la date du 12 mai 1992,

4 toujours, cinq semaines après la déclaration d'indépendance et je fais

5 référence au 12 mai 1992 et, en particulier, à la 16e session de

6 l'assemblée serbe, présidée par l'accusé. Ceci était un événement, une

7 session particulièrement importante au cours de laquelle l'armée serbe de

8 Bosnie a été constituée. Ratko Mladic a été nommé chef d'état major de

9 cette armée. Comme vous le savez, le général Mladic a été ou qui est

10 identifié dans l'acte d'accusation comme étant un membre de l'entreprise

11 criminelle commune.

12 Les éléments de preuve montreront que Ratko Mladic a été personnellement

13 choisi pour diriger la nouvelle armée serbe de Bosnie et choisi par

14 l'accusé et Karadzic. Dans une déclaration faite lors de la 50e assemblée

15 des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic a expliqué comment lui-même et

16 Krajisnik ont procédé à ce choix. Je cite : "Messieurs, nous avons des

17 officiers que nous souhaitions. J'ai demandé d'abord Mladic. Le général

18 Ninkovic, qui était colonel à cette époque, et le général Perisic m'ont

19 rendu visite auparavant et j'avais remarqué que Mladic avait fait des

20 déclarations assez plates ou brutales dans les journaux. Il était déjà à

21 Knin à l'époque. Alors, je me suis intéressé à lui et avec M. Krajisnik, je

22 suis allé au bureau de Kukanjac et je l'ai écouté donner des ordres et

23 commandé à Kupres et Knin. Nous avons passé d'innombrables nuits dans le

24 bureau de général Kukanjac à l'époque. Le président Krajisnik était déjà le

25 président de l'assemblée et je n'étais que le président du parti. Je

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1 n'avais aucune fonction officielle, fonction d'état. Nous avons demandé que

2 ce soit Mladic qui soit mis dans cette position et qu'il constitue le

3 quartier général comme il le souhaitait. Nous n'allions pas interférer."

4 Alors, deux mois après l'établissement formel du VRS établi lors de la 16e

5 session de l'assemblée serbe de Bosnie, Krajisnik a participé à une autre

6 réunion de haut niveau et cette fois en compagnie de Milosevic, Karadzic et

7 d'autres membres de la République fédérale de l'ex-Yougoslavie. Branko

8 Kostic, Momir Bulatovic, Borisav Jovic. Le sujet -- l'objet de leur

9 discussion, à l'époque, était la transformation de la JNA en Bosnie en

10 nouvelle armée de la Republika Srpska. Selon le journal de Borisav Jovic,

11 qui était membre de la présidence de la République de l'ex-Yougoslavie, je

12 cite : "Le conseil de Sécurité a reconnu la Bosnie-Herzégovine. Des luttes

13 interethniques ont commencé sur le territoire. On nous demande de retirer

14 la JNA de Bosnie-Herzégovine. Slobodan et moi, nous nous attendions à ceci

15 et nous l'avions même prédit. Il y a encore environ 90 000 soldats de la

16 JNA de cette république, la plupart d'entre eux étant de nationalité serbe

17 et ces soldats sont sous le commandement de la Bosnie-Herzégovine. Alors,

18 Karadzic est d'accord. Krajisnik fait état d'un certain nombre de

19 questions, par exemple : Comment est-ce que cette armée sera financée ? Qui

20 va payer les soldes ? Qui va payer ces pensions ? Toutes ces questions sont

21 des problèmes et ne sont pas des questions essentielles à notre discussion.

22 Il y a pas mal d'allées et venues sur la date butoir pour le retrait et

23 nous sommes tombés d'accord sur le fait de la conclure dans les deux

24 semaines qui suivaient puisqu'il était également nécessaire de retirer les

25 généraux qui n'étaient pas à l'origine de Bosnie-Herzégovine et on est

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1 tombé d'accord sur le fait que le général Mladic remplacerait le général

2 Vukovic. Pour nous, ceci était très important, mais, pour les Serbes de

3 Bosnie-Herzégovine, cela l'était plus encore. Ils avaient maintenant leur

4 propre armée."

5 A cette session que l'un dit qu'elle était particulièrement indépendante,

6 d'autres décisions importantes ont été prises. La présidence de la

7 République serbe a également été établie, le remplacement de la présidence

8 en exercice de Plavsic et Koljevic par dorénavant Karadzic, Plavsic et

9 Koljevic. En outre, la présidence a été désignée comme étant l'organe de

10 commandement Suprême des forces armées.

11 Si vous me le permettez, je vais faire une digression parce que j'ai

12 utilisé le terme "présidence en exercice" et "présidence élargie", ce qui

13 peut-être n'est pas très claire. Laissez-moi tenter d'expliquer ceci et je

14 vais essayer de le faire en utilisant la prochaine pièce que j'aimerais

15 vous montrer à l'écran.

16 Sur cet élément de preuve, vous pourrez voir, c'est un tableau qui montre

17 les noms des différents membres de présidence de la Republika Srpska en

18 1992. Vous pouvez également voir que le 28 février, la présidence en

19 exercice était constituée de deux personnes : Nikola Koljevic, décédé

20 aujourd'hui, Biljana Plavsic, identifié comme étant des membres de

21 l'entreprise criminelle commune, ont été remplacé le 12 mai par une

22 présidence à trois membres comprenant Karadzic, Koljevic et Plavsic.

23 Le 2 juin 1992, il y a eu une présidence élargie comprenant cinq membres.

24 Vous pourrez voir que l'un des membres de cette présidence élargie est

25 l'accusé. Cette présidence élargie est restée en place du 2 juin 1992

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1 jusqu'au 17 décembre 1992.

2 Finalement, la présidence, présidée par Radovan Karadzic, a été établie le

3 17 décembre 1992. Il y avait deux vice-présidents.

4 Pour revenir à cette séance très importante, tenue à l'assemblée le 12 mai,

5 lors de cette même session, Karadzic a annoncé quels étaient les six

6 objectifs stratégiques du peuple serbe qui avaient été formulés par le

7 commandement senior des Serbes de Bosnie qui comprenait l'accusé. Ces six

8 objectifs stratégiques sont très importants puisqu'ils étaient l'expression

9 officielle d'une politique qui avait été développée, façonnée et promue par

10 l'accusé et révélait comme tel à l'assemblée le 12 mai et ceci n'était rien

11 de très nouveau. Ce n'était pas une révélation. Ces objectifs étaient

12 connus et bien compris par l'auditoire serbe. Ils étaient le résultat de

13 discussions au préalable entre les membres du SDS et leurs alliés en

14 Serbie. Laissez-moi attirer votre attention sur ce que Karadzic a dit

15 auparavant au cours de la 11e séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie,

16 il dit et je cite : "Vous connaissez tous nos plans stratégiques. Le but

17 ultime doit rester secret."

18 Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, laissez-moi vous montrer

19 la pièce suivante.

20 Quels étaient ces objectifs stratégiques ? Je vais vous les montrer à

21 l'écran et vous pourrez voir que ces objectifs ont été promulgués sur le 12

22 mai, signé par le président de l'assemblée nationale. Ces objectifs sont

23 les suivants :

24 1. Etablir des frontières nationales qui séparent les Serbes des autres

25 communautés ethniques.

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1 2. Etablir un corridor entre Semberija et Krajina.

2 3. Etablir un corridor dans la vallée de la rivière Drina, c'est-à-dire,

3 éliminer la Drina comme étant une frontière qui sépare les états serbes.

4 4. Etablir une frontière sur les rives de l'Una et de Neretva. 5. Diviser

5 la ville de Sarajevo en quartier ou partie musulmane, serbe, et établir les

6 autorités réelles dans les deux parties.

7 6. Assurer l'accès à la mer pour la Republika Srpska.

8 Alors, au cours de cette session de l'assemblée nationale, qu'est-ce que

9 Karadzic a dit au sujet de ces six objectifs ? Je

10 cite : "Le premier objectif est la séparation des deux communautés

11 nationales. La séparation des états."

12 Avant d'expliquer cet objectif, j'aimerais que nous examinions une carte et

13 si je peux avoir la pièce suivante affichée à l'écran. Ceci est une carte,

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, carte géographique de la

15 Croatie et de la Bosnie. C'est une carte qui illustre la distribution des

16 publications serbes et la concentration de celle-ci dans les deux états. La

17 légende explique que les zones blanches sont celles qui ont le moins de

18 population serbe; et celles en bleu foncé, celles qui ont le plus de

19 population serbe. Vous pourrez remarquer qu'il y a une ligne foncée sur

20 cette carte qui commence en bas de la carte qui remonte à 45 %, comme nous

21 le montre le Greffier, et qui est la frontière entre la Croatie et la

22 Bosnie. Vous pourrez voir sur cette carte le mélange important des

23 populations. Il y a certaines zones qui sont bleu foncé, d'autres où il n'y

24 a pas presque pas bleu.

25 Après avoir examiné cette carte, écoutons ce que M. Karadzic a dit et

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1 lorsqu'il a défini la séparation des états. Il a dit, je

2 cite : "Séparation de ceux qui sont nos ennemis et qui ont utilisé toutes

3 les occasions possibles et, en particulier, au cours de ce siècle pour nous

4 attaquer, et qui continueront ces pratiques si nous restions avec eux dans

5 un même état."

6 Cet objectif a été bien compris par tous ceux qui étaient présents à la

7 session de l'assemblée. Cela a été souvent répété comme faisant partie de

8 la philosophie du commandement et, un petit plus tôt, lors d'une séance du

9 groupe des parlementaires, qui s'est tenue le 28 février 1992, à laquelle a

10 été -- à laquelle a assisté l'accusé, je cite Karadzic : "C'est notre

11 objectif pour la Croatie de consolider son territoire, mais il est clair

12 pour tous les Serbes que les Croates et les Serbes ne peuvent pas vivre

13 ensemble dans un seul état."

14 Il a poursuivi, en disant, je cite : "Le conflit en Bosnie-Herzégovine est

15 essentiellement un conflit entre les peuples. Comme cela était entre l'Inde

16 et Pakistan, il n'y a pas question, et qui a donné lieu à une déportation

17 de population car les Musulmans ne peuvent pas vivre avec les autres, et

18 nous devons dire cela très clairement. Ils n'arrivent même pas à vivre avec

19 les Hindous, qui sont aussi paisible que faire se peut. Ils ne sont pas

20 arrivés à vivre avec les Grecques à Chypre, ils n'arrivent pas à vivre avec

21 les Arabes au Liban, qui sont du même sang, on parle de la même langue,

22 mais qui ont une confession différente. Ceci n'est pas un point de

23 discussion. Ils ont néanmoins établi la Krajina et, en deux ans, nous avons

24 les mêmes problèmes pour essayer de séparer tous les villages là-bas parce

25 qu'ils ne peuvent pas s'empêcher d'avoir toujours les mêmes problèmes avec

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1 les taux de natalités, et autre moyen, et nous ne pouvons pas laisser ceci

2 continuer.

3 Nous parlerons de ceci plus en détails par la suite, mais il est important

4 de faire remarquer que le 12 mai, cet objectif a été précédemment annoncé

5 lors de l'assemblée des Serbes de Bosnie. Il avait déjà été mis en œuvre de

6 manière impitoyable dans les villages de Brcko. Je vais mentionner quelques

7 choses, il avait également été mise en œuvre sans pitié comme les

8 témoignages le montreront à Brcko, Bosanski Novi et dans la municipalité de

9 Foca, ainsi que dans la municipalité de Zvornik en autre.

10 Maintenant le second objectif stratégique, si l'on peut avoir la pièce

11 suivante à l'écran, j'aimerais lire ce qu'a dit M. Karadzic sur le second

12 objectif stratégique et vous allez pouvoir le voir sur l'image à l'écran.

13 Au milieu de la carte, il est marqué : "Objectif du corridor numéro 2".

14 Maintenant laissez-moi lire ce qu'a dit M. Karadzic et qu'est-ce qui

15 voulait dire du second objectif stratégique. Il a dit : "Qu'il fallait un

16 corridor entre Semberija et Krajina, et il a continué à dire que ceci est

17 d'importance stratégique pour le peuple serbe car il permet d'intégrer --

18 ou de rassembler les pays serbes non seulement de Bosnie-Herzégovine, mais

19 aussi avec la région autonome de Krajina; et la région autonome de Krajina

20 avec la Bosnie-Herzégovine; et les Serbes de Bosnie-Herzégovine et les

21 Serbes de Bosnie." Il a ajouté : "Qu'il s'agissait d'un objectif

22 stratégique qu'il fallait atteindre parce que la Krajina de Bosnie -- la

23 Krajina Serbe ou l'alliance des états de Serbie est impossible si nous

24 n'arrivons pas à assurer ce corridor."

25 Une fois de plus, si vous voyez la flèche qui se déplace sur l'écran, vous

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1 voyez que cela correspond à la zone affairant à l'objectif stratégique

2 numéro 2.

3 Pour ce qui est du troisième objectif stratégique, Karadzic a dit : "Qu'il

4 consistait à établir un corridor dans la vallée de la Drina, en d'autre

5 terme, l'élimination de la Drina, en tant que frontière entre deux mondes.

6 Nous sommes de part et d'autre de la Drina, et il est de notre intérêt --

7 et cela représente notre intérêt stratégique ainsi que notre espace vital."

8 Monsieur le Président, je vous ai décrit, tout à l'heure, un moyen de

9 preuve. Il s'agissait d'une réunion qui a eu lieu en avril, à Belgrade,

10 entre les responsables politiques serbes de Bosnie, Deronjic et Zekic, 13

11 mois auparavant l'ordre de cette réunion, où M. Kertes, du ministère de

12 l'Intérieur, avait dit que, dans un rayon de 50 kilomètres autour de la

13 Drina, ce territoire deviendrait serbe, donc, 13 mois auparavant, il avait

14 prévu le troisième objectif stratégique.

15 Pour ce qui est du quatrième objectif stratégiques, Karadzic a dit : "Que

16 le quatrième objectif stratégique consistait à établir une frontière sur

17 les fleuves et rivières de l'Una et de la Neretva." Vous le verrez en haut

18 à gauche de cette image.

19 Pour ce qui est du cinquième objectif stratégique, Karadzic a dit : "Le

20 cinquième objectif stratégique et la division de la ville de Sarajevo en

21 des quartiers serbes et musulmans et la mise en œuvre d'un gouvernement,

22 d'un état effectif dans chacune de ces deux parties de l'état constitutif,

23 qui plus est une lutte ou une bataille à Sarajevo, nous permettra de tenir

24 à distance les batailles de la Krajina, de la Semberija, de la Drina, de

25 toutes ces régions où nous aurions pu avoir des conflits avec les

Page 343

1 Musulmans. Parce que c'est la bataille autour de Sarajevo qui décidera du

2 sort de la Bosnie-Herzégovine et nous l'avons subodoré et nous l'avons dit

3 auparavant qu'en cas de guerre, cette guerre commencerait à Sarajevo et se

4 terminera à Sarajevo." Voilà pour ce qui est de l'objectif stratégique

5 numéro 5.

6 Finalement, et assez simplement, le sixième objectif stratégique de

7 Karadzic était de faire en sorte d'avoir une voix d'accès pour la

8 République serbe de la Bosnie-Herzégovine vers la mer. Lors de cette

9 session, Karadzic a annoncé les objectifs stratégiques du peuple serbe et

10 il a poursuivi, et je cite : "Nous croyons, nous avons foi en Dieu, en la

11 justice et en notre propre force, et nous sommes fermement convaincus que

12 nous parviendrons aux objectifs que nous nous sommes donnés, à savoir, ces

13 six objectifs stratégiques. Bien entendu, conformément à la hiérarchie et

14 nous sommes fermement convaincus que nous terminerons ce travail de la

15 libération, pour assurer la liberté du peuple serbe. Ce travail qui n'est

16 pas terminé."

17 Il a poursuivi : "Nous devons également mettre un terme à la mégalomanie

18 serbe, en essayant d'inclure autant d'ennemis que possible dans nos zones,

19 notamment, autant de territoires que possible, autant de collines, de

20 ruisseaux et de vallées, qu'ils soient fertiles ou non. Cela doit être fait

21 de façon raisonnable pour que nous puissions continuer à être compacte."

22 Ensuite, il a dit : "Je vous le dis parce que quotidiennement nous

23 rencontrons notre peuple courageux qui a enduré autant qu'il le pouvait, ce

24 qui pourrait peut-être nous faire courir le danger d'inclure dans notre

25 état un trop grand nombre d'ennemis qui oeuvreront contre cet état. Nous ne

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1 voulons pas que dans cet état se trouve un grand nombre de personnes qui

2 serait contre notre état."

3 A la suite de quoi, les objectifs stratégiques seront adoptés par

4 l'assemblée des Serbes de Bosnie, signés par Krajisnik, en sa capacité de

5 président de l'assemblée, et distribués aux organes vitaux militaires et

6 autres de la République des Serbes de Bosnie et ces objectifs furent

7 publiés ultérieurement dans le bulletin officiel.

8 Les instruments de force, qui étaient à la disposition des dirigeants

9 serbes de Bosnie, à savoir, l'armée, la police et les paramilitaires, qui

10 sont responsables de l'épuration ethnique, ont adopté, sans aucune

11 hésitation, ces objectifs et les ont présentés aux unités qui leur étaient

12 subordonnés. Je vais en fait citer un rapport que j'utiliserai comme moyen

13 de preuve dans cette affaire. Je cite : "Les objectifs stratégiques de

14 notre guerre qui ont été définis et qui ont été présentés à l'état major de

15 la Republika Srpska, aux commandements et aux unités, font office de

16 principes généraux à partir desquels nous planifierons les véritables

17 opérations. L'état major de l'armée a traduit cet ensemble d'objectifs en

18 des missions générales et individuelles de l'armée de la Republika Srpska,

19 ainsi que pour les différentes formations tactiques et opérationnelles,

20 individuelles."

21 J'aimerais maintenant vous demander de prendre en considération une série

22 de rapports de l'armée des Serbes de Bosnie afin de vous montrer avec

23 quelle sévérité et quelle méticulosité ont été mises en œuvre ces objectifs

24 stratégiques.

25 Neuf jours après que Karadzic a annoncé les objectifs stratégiques à la

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1 session de l'assemblée, toutes les unités du 1er Corps de la Krajina ont été

2 informées comme suit. Lorsque je dis "le 1er Corps de la Krajina", j'entends

3 les Unités de l'armée des Serbes de Bosnie, qui opéraient dans la région de

4 la Krajina. Alors, voilà quelles ont été les informations transmises à

5 toutes ces unités lorsque après l'annonce de ces objectifs dans

6 l'assemblée. Je cite : "Le peuple serbe constitutif, qui vit dans environ

7 65 % de la région et qui représente plus de 35 % de la population de la

8 Bosnie-Herzégovine, doit lutter pour obtenir une séparation complète des

9 peuples musulmans et croates, qui doit former leurs propres états. Ce n'est

10 qu'après qu'ils seront en mesure de décider avec qui et comment ils

11 s'uniront et s'associeront."

12 Alors, 19 jours après l'annonce des objectifs stratégiques, cela a fait

13 l'objet d'un rapport confidentiel destiné au 1er Corps de la Krajina de

14 l'armée des Serbes de Bosnie, et cela faisait l'objet d'un rapport destiné

15 à l'état major suivant lesquelles les recrues musulmanes de l'armée

16 exprimaient, et je cite : "Leur mécontentement face à la destruction

17 massive de leur ville." Je continue la citation; "Que cela avait été rendu

18 pire ou avait été exacerbé par les déclarations publiques présentées dans

19 les médias par les dirigeants de la région autonome de la Krajina, du SDS,

20 qui préconisaient l'expulsion et le déplacement de tous les Musulmans et de

21 tous les Croates de ces zones."

22 Le lendemain, 20 jours après l'annonce de ces objectifs, le 1er Corps de la

23 Krajina présentait un rapport au commandement de l'état major de l'armée

24 des Serbes de Bosnie. Il était question des mouvements des populations

25 musulmanes et croates de la région de Banja Luka et il était dit : "Que

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1 ceux, qui partaient, ne seraient pas autorisés à revenir."

2 Le lendemain, le général Momir Talic, qui d'ailleurs a été identifié dans

3 l'acte d'accusation comme étant un membre de cette entreprise commune

4 criminelle, a présenté un rapport à l'état major de la VRS, en indiquant :

5 "Que la population musulmane de la zone du village de Lisnja a été

6 expulsée." Le village de Lisnja se trouvait à Prnjavor. Vous entendrez des

7 moyens de preuve à propos de cette municipalité et des opérations menées à

8 bien par le général Talic.

9 Le 14 juin 1992, le général Talic a présenté un rapport suivant, et je cite

10 : "La zone entière de responsabilité est totalement placée sous contrôle;

11 il poursuivit, en disant : "La situation la plus difficile porte ou

12 concerne les réfugiés musulmans et croates qui se trouvent dans la région

13 autonome de la Krajina, leur sécurité et leur approvisionnement

14 alimentaire. La tentative qui consistait à les expulser de la Bosnie

15 centrale a échoué à cause du transport et de leur résistance à quitter

16 leurs lieux de résidence."

17 La région autonome de la Krajina inclut de nombreuses municipalités, qui

18 ont été identifiées dans cet acte d'accusation, vous entendrez des

19 dépositions importantes émanant de victimes des crimes décrits par le

20 général Talic.

21 Est-ce que l'objectif qui fut énoncé dans le cadre du premier objectif

22 stratégique efficace -- est-ce que la séparation de la population non-serbe

23 des Serbes, qui revendiquait le territoire, est véritablement devenue une

24 réalité ? De toute évidence, non. Nous présenterons des moyens de preuve,

25 notamment, des dépositions d'expert, indiquant que la composition ethnique

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1 de la Bosnie a changé et était auparavant une mosaïque multiethniques de

2 Serbes, de Musulmans et de Croates qui se trouvaient dans une Bosnie

3 ethnique, et que cela est devenue une Bosnie où les Serbes dominent les

4 régions qu'ils souhaitaient conquérir. L'incidence de ce premier objectif

5 stratégique est démontré, de façon graphique, par les moyens de preuve

6 suivants. Il s'agit, en fait, d'une carte de la Bosnie-Herzégovine en 1991,

7 et vous voyez la répartition des différents groupes ethniques.

8 Vous voyez qu'en bleu, vous avez les Croates; en vert, vous avez les

9 Musulmans; et, en rouge, vous avez les Serbes, et vous avez les

10 pourcentages qui ne méritent pas d'explication supplémentaire. Il s'agit de

11 la composition ethnique avant la guerre, à savoir, en 1991.

12 Sans oublier, cette carte qui se trouve à l'écran, et en utilisant des

13 données émanant de document de Serbes de Bosnie, permettez-moi de vous

14 présenter les changements démographiques, qui se sont produits dans

15 certaines des municipalités visées par l'acte d'accusation, et à propos

16 desquelles vous entendrez des témoignages.

17 En mai 1993, le centre des services de Sécurité de Banja Luka, du ministère

18 de l'Intérieur, a publié une liste qui identifiait les personnes qui

19 s'étaient déplacées, et qui avaient quitté leur zone de responsabilité.

20 Nous avons des données venant de huit municipalités identifiées dans l'acte

21 d'accusation, qui sont incluses. Conformément au recensement de 1991 et aux

22 données de ce recensement portant sur cette région, environ 187 000

23 Musulmans se trouvaient dans ces municipalités en 1991. Toutefois,

24 conformément à ce document interne, ce document serbe de Bosnie, nous avons

25 153 723 Musulmans et 6 500 Croates, qui ont quitté ces mêmes municipalités.

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1 Un autre rapport qui sera présenté et qui est un autre rapport de service

2 de Sécurité d'état, qui nous vient de la municipalité de Kljuc, qui est une

3 municipalité énumérée dans l'acte d'accusation, à propos de laquelle vous

4 entendrez également des moyens de preuve, contient les données suivantes.

5 Il s'agit de la composition ethnique de la municipalité au moment où ce

6 rapport a été envoyé : 18 764 Serbes, 1 445 Musulmans, 124 Croates et 187

7 autres. Conformément au recensement en 1991, au recensement organisé avant

8 la guerre, l'ensemble de la population de Kljuc était ventilé comme suit :

9 50 % de Serbes, 48 % de Musulmans et 1 % de Croates.

10 Un autre rapport confidentiel des Serbes de Bosnie, venant des affaires

11 intérieures et qui porte cette fois-ci sur Banja Luka, compare les

12 populations en 1991 et 1995. Dans ces 25 municipalités, la population

13 musulmane précédente est passée de 250 566 à juste

14 34 528. Pour ce qui est du nombre de Croates, ils sont passés de

15 96 789 à juste 18 932. Sur les 25 municipalités du rapport, 13 se trouvent

16 dans l'acte d'accusation.

17 Alors, je me permettrais de présenter certains des chiffres pour certaines

18 des municipalités. Dans la municipalité de Prijedor, où se trouvaient les

19 camps connus d'Omarska de Keraterm et de Trnopolje, le nombre de Musulmans

20 est passé de quasiment 50 000 à peine 3 600. Dans la municipalité de Sanski

21 Most, le nombre de Musulmans a été réduit de 28 285 à 3 350 à peine. Dans

22 la municipalité de Kljuc, le nombre de Musulmans a diminué et était de 17

23 714 pour n'atteindre que 1 200.

24 Ce sont des chiffres que nous avons extraits de documents internes -- de

25 documents serbes internes. Nous allons également présenter des rapports

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1 émanant du Haut commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Un

2 rapport, publié en 1994, contient des estimations des diminutions

3 considérables des populations musulmanes et croates, dans le nord et l'est

4 de la Bosnie, et ce à partir de 1991. Le Haut commissariat des Réfugiés a

5 estimé que le nombre de Musulmans (261 003) et de Croates (40 638) en

6 Bosnie orientale a chuté pour atteindre une population totale pour les

7 Musulmans et les Croates de quelques 10 000 personnes.

8 En dernier lieu, nous vous présenterons également le témoignage du Dr Ewa

9 Tabeau, experte en démographie. Elle vous présentera des données afférentes

10 aux modifications démographiques, dans les 37 municipalités identifiées

11 dans notre acte d'accusation. Je ne vous présenterais pas ces statistiques

12 dans mes déclarations liminaires, mais je peux vous assurer qu'elles

13 confirmeront la reconfiguration démographique spectaculaire de la Bosnie.

14 J'aimerais maintenant pouvoir vous montrer la prochaine pièce à conviction.

15 Cette carte a été préparée par le bureau du Haut représentant et dépeint la

16 composition ethnique de la Bosnie en 1998. Une fois de plus, ceci, si vous

17 prenez la légende, voyez que la couleur rouge représente les zones qui sont

18 à prédominance serbe et, si nous pouvons mettre cela en parallèle avec la

19 carte que je vous ai montrée tout à l'heure, vous avez une preuve graphique

20 et une illustration des répercussions de l'objectif stratégique numéro 1.

21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant revenir à

22 l'acte d'accusation, et j'aimerais, en fait, cibler chacun des chefs

23 d'accusation et, notamment, la responsabilité de Krajisnik, conformément à

24 l'Article 7(1) et 7(3).

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'hésite à vous interrompre, mais, pour

Page 350

1 mieux comprendre ce que vous venez de nous présenter, est-ce que nous avons

2 sur la gauche de l'écran -- pour ce qui est de cette carte, est-ce que je

3 peux considérer que ce qui se trouve en couleur plus claire et qui est

4 jusqu'à 50 % -- ou ce qui est hachuré, et qui représente jusqu'à 50 %,

5 peut-être être considéré comme une majorité de Serbes ou d'après la

6 couleur ?

7 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'accordez une

8 petite minute, je pense qu'il y a une légende qui fait défaut.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense que ce qui est en --

10 d'après ce qui est en rouge et en vert, vous auriez également des parties

11 hachurées de cette couleur.

12 M. HARMON : [interprétation] C'est tout à fait exact.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je me demandais pour ce qui est de

14 la couleur bleu, et de ce qui se trouve en couleur bleu plus pâle, cela

15 représente encore une majorité, par exemple, de 40 %.

16 M. HARMON : [interprétation] C'est tout à fait exact.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela pourrait être équilibré par 50 %

18 d'un autre groupe. Même s'il s'agit de la couleur bleue plus pale, cela ne

19 représente pas une majorité. Je suppose que la couleur représente toujours

20 une majorité d'un groupe ethnique.

21 M. HARMON : [interprétation] C'est tout à fait exact.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par ailleurs, vous n'avez pas fait la

23 même différence sur la carte de droite puisque vous nous dites, de façon

24 prédominante, mais quels sont les pourcentages représentés ?

25 M. HARMON : [interprétation] Je n'ai pas les données. Je ne dispose pas des

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1 données et cela fera l'objet de la déposition de l'expert.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harmon.

3 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais ajouter, Monsieur le Président,

4 que, sur la carte de gauche, il y a des données qui font défaut, qui ne se

5 retrouvent pas dans la légende. Par exemple, en bas à gauche, vous avez les

6 Musulmans, plus de 66 %, et vous avez, ensuite, la couleur qui devient de

7 plus en plus pâle. En fait, vous devriez avoir une couleur verte, plus

8 pâle, qui devrait être la couleur des Musulmans jusqu'à 50 %. Il en va de

9 même pour le rouge. Nous passons du rouge foncé, plus de 66 %. Avec les

10 différentes teintes de couleur rouge, cela jusqu'à 60 %.

11 Nous vous présenterons cela sous une meilleure forme pendant le procès.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette explication.

13 M. HARMON : [interprétation] Pour ce qui est des deux premiers chefs

14 d'accusation, il s'agit de génocide et de complicité de génocide. Dans ces

15 municipalités, à savoir, Bosanski Novi, Brcko, Kljuc, Kotor Varos, Prijedor

16 et Sanski Most, nous avons une campagne de persécutions qui a inclus -- ou

17 qui s'est intensifiée pour inclure des comportements commis avec

18 l'intention de détruire, en partie, des groupes nationaux ethniques,

19 raciaux ou religieux.

20 Dans ces municipalités, l'assassinat de Musulmans et de Croates de

21 Bosnie-Herzégovine, notamment, des membres éminents de ces communautés, se

22 sont produits pendant et, après les attaques menées sur des villes et des

23 villages ainsi que dans des centres de détention.

24 Les moyens de preuve montreront que des membres éminents des communautés

25 non-Serbes ont été ciblés et que ces personnes et d'autres membres de ces

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1 communautés ont été détenus dans des centres, et cetera, dans des

2 conditions de vie qui étaient calculées afin de provoquer leur destruction

3 physique. Ces conditions incluaient des sévices physiques et

4 psychologiques, la torture, un manque de vivres, d'eau, de soins médicaux

5 et de conditions hygiéniques. Ces centres de détention dans ces

6 municipalités sont énumérées dans l'annexe C de l'acte d'accusation et a

7 inclus les centres fort connus du camp de Luka et dans la municipalité de

8 Brcko, dont nous entendrons parler dès demain, les camps d'Omarska et de

9 Keraterm dans la municipalité de Prijedor.

10 Le chef 3 de notre acte d'accusation porte sur les persécutions, un crime

11 contre l'humanité et décrit des actes discriminatoires qui ciblaient les

12 Musulmans de Bosnie, les Croates de Bosnie et d'autres non-Serbes dans des

13 municipalités bien précises, identifiées dans l'acte d'accusation. Ces

14 actes de persécutions ont été commis par des organes gouvernements et

15 politiques des Serbes de Bosnie, ainsi que par des forces paramilitaires,

16 des forces de police, des forces militaires serbes et Serbes de Bosnie.

17 Le paragraphe 19 de l'acte d'accusation identifie les différents types

18 d'actes de persécutions commis contre les victimes. Ces différents

19 incidents sont énumérés dans les différentes annexes données en appendices

20 à l'acte d'accusation.

21 Dans de nombreuses municipalités identifiées dans l'acte d'accusation, une

22 tendance a commencé à se dessiner. La population musulmane ou croate était

23 menacée, puis désarmée par les forces serbes pour, finalement, devenir

24 victime de ces forces serbes, et ce, très souvent avec l'aide de la JNA et

25 de formations paramilitaires. Par des actes de meurtres, de détentions

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1 illicites et autres, ces populations ont été expulsées par la force de

2 leurs foyers et de leurs communautés.

3 Le village musulman de Glogova, dans la municipalité de Bratunac, est un

4 exemple classique de ce type d'épuration ethnique. Nous vous présenterons

5 des moyens de preuve portant sur le village de Glogova pendant les premiers

6 jours de la présentation de nos moyens de preuve.

7 Les forces paramilitaires, les forces de police, les forces militaires et

8 gouvernementales des Serbes de Bosnie ont véritablement, ainsi d'ailleurs

9 que des forces parrainées par les Serbes, ont mené à bien de façon

10 systématique et ont eu la même conduite omniprésente. Cette conduite était

11 ciblée -- ou ciblait les non-Serbes dans les municipalités qui étaient, en

12 fait, revendiquées par les Serbes de Bosnie. Cela étaient des actes qui

13 sont décrits dans le paragraphe 19 de l'acte d'accusation et qui, en fait,

14 ont été le fruit d'une politique conçue et promue par l'accusé et par

15 d'autres afin d'expulser de façon permanente les non-Serbes du territoire

16 revendiqué par les Serbes de Bosnie.

17 Les chefs 4 à 6, accusent Krajisnik de deux crimes contre l'humanité et un

18 chef de violation des droits et coutumes de la guerre. Ces accusations

19 décrivent les assassinats de Musulmans et de Croates de Bosnie ainsi que

20 d'autres non-Serbes, assassinats qui se sont produits pendant et après des

21 attaques sur leurs villes, villages ainsi que des assassinats qui se

22 produits pendant qu'ils étaient détenus de façon tout à fait illégale. Des

23 actes qui étaient ces chefs d'accusation se trouvent dans les annexes A et

24 B de l'acte d'accusation et seront présentés pendant ce procès.

25 Nous avons également les chefs 7 et 8 de l'acte d'accusation qui accuse

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1 Krajisnik de responsabilité pénale pour le transfert et le déplacement

2 forcé des Musulmans de Bosnie, de Croates de Bosnie et d'autres non-Serbes

3 qui ont été expulsés des municipalités, qui ont été identifiés dans l'acte

4 d'accusation. Ces accusations reflètent l'un des objectifs de la politique

5 des Serbes de Bosnie.

6 Attachons-nous maintenant à examiner la responsabilité pénale de l'accusé

7 au titre de l'Article 7(1).

8 M. Krajisnik est accusé de responsabilité pénale au regard des crimes

9 mentionnés dans l'acte d'accusation à cause du rôle qu'il a joué pour ce

10 qui est de planifier, inciter à commettre, ordonner, commettre ou de toute

11 autre manière, aider et encourager à planifier, préparer ou exécuter un

12 crime. Nos éléments de preuve vous seront soumis tout au long du procès. Je

13 ne vais pas les énumérer ici de façon détaillée; cependant, en l'espace de

14 quelques instants, j'aimerais que nous pensions à cette responsabilité pour

15 ces crimes mentionnés dans l'acte d'accusation, du fait de sa participation

16 à l'entreprise criminelle commune.

17 Je vous l'ai dit, dans cet acte d'accusation, le terme utilisé qui est de

18 "commettre" ne voudrait pas dire qu'il aurait, de sa main, tué des gens ou

19 qu'il aurait incendié une maison ou détruit une mosquée. A son niveau,

20 c'est rarement le cas. D'autres le font pour eux. Quand on dit "commettre"

21 en l'espèce, ceci fait uniquement référence à sa participation à

22 l'entreprise criminelle commune dont je vous ai énumérée l'objectif à

23 maintes reprises. Je vous ai déjà montré une carte qui vous montrait la

24 composition ethnique de la Bosnie avant la guerre.

25 Permettez-moi d'y revenir un instant. J'espère que s'affiche à l'écran

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1 cette carte, vous montre les zones où les Serbes de Bosnie vivaient aussi

2 bien en Croatie qu'en Bosnie. Vous le verrez, une fois de plus, à l'examen

3 de cette carte. On voit, ici, la population et la concentration

4 démographique en Bosnie. Merci à notre assistante de nous afficher ceci. En

5 bleu foncé, vous avez les concentrations les plus fortes de Serbes et si

6 vous descendez vers les zones en blanc, là, il n'y en a pratiquement pas.

7 On a souvent dit que la carte de la Bosnie avant la guerre reflétant la

8 composition démographique représentait une peau de léopard. Si vous voyez

9 cette carte aujourd'hui ici même en ce prétoire, il nous apparaît

10 clairement à nous, comme c'était clair pour M. Krajisnik avant la guerre,

11 puisque lui, il est originaire de Bosnie, il apparaît clairement et il le

12 savait bien au moment de mettre en œuvre sa politique, que la séparation

13 physique des communautés ethniques en Bosnie serait quelque chose

14 d'impossible. Il serait impossible que les gens se mettent d'accord,

15 acceptent de leur plein gré d'abandonner leurs terres pour satisfaire les

16 objectifs politiques et stratégiques des Serbes de Bosnie. Pourtant, la

17 séparation physique, le fait de déplacer de façon permanente les Musulmans

18 et les Croates de Bosnie de terres que les Serbes voulaient faire leur,

19 c'est précisément la politique des dirigeants serbes de Bosnie.

20 Chaque membre de l'entreprise criminelle commune a contribué, à sa façon, à

21 la réalisation des objectifs de cette entreprise pendant toute la durée du

22 procès. Vous entendrez des témoins qui viendront vous parler de ce qu'a

23 fait Karadzic, Mladic, Plavsic, Arkan, le général Talic, Radoslav Brdjanin,

24 et d'autres membres de l'entreprise criminelle commune. Je vous ai déjà

25 parlé des contributions nombreuses de l'accusé à cette entreprise

Page 356

1 criminelle commune. Je vous ai dit quel était son rôle, rôle central dans

2 la création et dans la réalisation d'une politique serbe de Bosnie,

3 l'influence de ceux-ci sur les Serbes de Bosnie, son rôle capital à la

4 création de l'armée serbe de Bosnie, un des principaux outils au niveau des

5 opérations de nettoyage, le rôle qu'il a joué dans la sélection de Mladic

6 qui va se mettre à la tête, qui va mettre à la tête de l'armée serbe de

7 Bosnie, son rôle dans la création du plan avec les variantes A et B.

8 Nous avons l'intention de vous présenter bon nombre de moyens de preuve qui

9 vous montreront son importance pour ce qui est de ces contributions à

10 l'entreprise criminelle commune. Pourtant, pendant quelques instants,

11 j'aimerais m'attacher à son rôle crucial qu'il a joué au niveau de la

12 création d'une politique serbe de Bosnie. Je reviendrais surtout sur ces

13 objectifs stratégiques que j'ai déjà évoqués.

14 Les éléments de preuve que nous allons vous présenter

15 montreront que Momcilo Krajisnik était essentiel à la formulation de ces

16 objectifs. Comme Karadzic l'a dit au moment où il annonçait cet objectif,

17 plus précis, le premier en l'occurrence, mais c'était vrai dans tous les

18 objectifs - je me corrige là - cela a été formulé et là je le cite : "par

19 la présidence, par le gouvernement, par le conseil de la sécurité

20 national." Je vous rappelle que l'accusé était membre de ce conseil de la

21 sécurité nationale. Effectivement, l'accusé lui-même le souligne, il

22 souligne l'importance de cet objectif et de son rôle au niveau de sa

23 formulation au moment même où ces objectifs stratégiques sont annoncés.

24 Je reprends ses termes. D'après Momcilo Krajisnik, je le cite : "Pour ce

25 qui est des objectifs stratégiques, j'aimerais vous fournir une explication

Page 357

1 puisque moi aussi, j'ai participé à l'adoption de ces objectifs. Il nous

2 faut faire un choix sur une chose. Le premier objectif c'est le plus

3 important, et au regard de tous les autres objectifs parce que tous sont

4 secondaires, sont subordonnés au premier."

5 Nous allons vous présenter des moyens de preuve au cours de ce procès. Ils

6 vont démontrer que Momcilo Krajisnik était un partisan ardant qui n'a eu de

7 cesse de défendre le concept de la division ethnique, de la séparation

8 d'avec les Musulmans et les Croates lors de la 11e séance de l'assemblée

9 des Serbes de la Bosnie. Pratiquement deux mois avant l'annonce formelle,

10 officielle, des objectifs stratégiques, voici ce qu'il dit au moment où il

11 discute de l'évolution des efforts internationaux afin de trouver une

12 solution à la crise yougoslave, et je cite M. Krajisnik une fois de plus :

13 "A mon avis, le problème c'est qu'ils veulent que la Bosnie-Herzégovine

14 soit reconnue internationalement à tout prix. Ils veulent qu'elle devienne

15 un état. A cet égard, il serait bon que nous fassions une chose pour des

16 raisons stratégiques : Il faudrait que nous puissions mettre en œuvre ce

17 sur quoi nous nous sommes accordés, à savoir, la division ethnique sur le

18 terrain. Il faudrait que nous délimitions le territoire, une fois que c'est

19 fait, il faudra établir par des négociations supplémentaires quelles

20 seraient les autorités mise en place et de quelle façon elles vont

21 fonctionner. Je ne peux pas vous dire si ce sera quelque chose d'équitable

22 politiquement parlant. En politique, après tout, il n'y a pas beaucoup

23 d'équité. Mais oui, si cela s'avère inéquitable, c'est le peuple serbe

24 qu'on va accuser. Cependant, il nous est impossible d'accepter un état

25 conçu par les gens du SDA."

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1 Au cours de ce procès, nous allons démontrer par le truchement de nos

2 éléments de preuve que M. Krajisnik a insisté à continuer de penser

3 fermement qu'il fallait un territoire propre, nettoyé pour les Serbes de

4 Bosnie, nous vous le prouverons au cours de ce procès.

5 Dans notre acte d'accusation, alternativement, nous alléguons que ces

6 crimes mentionnés dans les chefs d'accusation étaient la conséquence

7 naturelle et prévisible de l'exécution de la mise en œuvre de l'entreprise

8 criminelle commune et qu'il était au courant que ces crimes étaient la

9 conséquence possible de l'exécution de ce plan.

10 Est-ce qu'il était vraiment prévisible que l'effort tendant à séparer par

11 la force les Musulmans et les Croates de Bosnie de leurs foyers, foyers

12 dans lesquels ils vivaient et avaient vécu depuis la nuit des temps,

13 pendant des siècles, allaient entraîner des crimes du type de ceux énumérés

14 dans l'acte d'accusation. Est-ce qu'il était prévisible que les crimes

15 mentionnés dans l'acte d'accusation allaient être commis par des forces

16 serbes de Bosnie contre des non-Serbes afin de parvenir à la création de

17 territoire qui serait authentique ? Il est simple de répondre à cette

18 question. C'est un oui retentissant que je vous donnerais.

19 A la 4e séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie, à laquelle présidait

20 Momcilo Krajisnik, Karadzic a prédit ce qui allait se passer si jamais la

21 Bosnie-Herzégovine allait devenir indépendante. Il a prédit une guerre

22 civile et les conséquences ce celle-ci.

23 Je le cite : "Outre le fait de causer la mort de plusieurs centaines de

24 milliers de personnes et de produire la destruction de plusieurs centaines

25 de villes, une guerre civile en Bosnie-Herzégovine aurait également pour

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1 résultat des mouvements de population massifs et rapides, en d'autres

2 termes, ceci entraînerait l'homogénéisation de la population."

3 A l'occasion de la 10e séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie, une fois

4 de plus, Krajisnik, l'accusé, en était le président, Karadzic a

5 pratiquement répété mot pour mot ces mêmes paroles. Ces sombres prédictions

6 se font l'écho de menace qu'il avait déjà prononcé auparavant le 14 octobre

7 1991, vous avez vu ces extraits vidéo où vous avez Karadzic qui menace les

8 Musulmans du spectre de la disparition. Ces sombres prédictions sont, comme

9 je le disais, le reflet de ce qui avait déjà été dit le 14 octobre 1991.

10 Lorsque ces objectifs stratégiques ont été annoncés publiquement le 12 mai

11 1992, à l'assemblée serbe de Bosnie, les parlementaires serbes de Bosnie

12 qui étaient présents ont bien compris leur signification. Ils l'ont compris

13 de façon précise.

14 Nous allons le prouver par nos éléments de preuve. Ecoutez ce que dit un

15 représentant de Bosanska Krupa, Miroslav Vjestica, il était aussi le

16 président du SDS du comité municipal de Bosanska Krupa. En 1995, il allait

17 devenir le vice-président du gouvernement de la Republika Srpska, chargé

18 des affaires de l'Intérieur. Je rappelle que Bosanska Krupa est une des

19 municipalités qui va vous être présentée au cours de ce procès.

20 Voici ce que dit M. Vjestica : "Je donne mon plein aval à tous les

21 objectifs stratégiques proposés." Il poursuit par ces mots : "Qu'avons-nous

22 fait dans la municipalité serbe de Bosanska Krupa ? Je dois vous le dire,

23 je dois vous le rappeler. Il n'y a que 24 % de Serbes dans la municipalité

24 serbe de Bosanska Krupa. Nous sommes 14 500 et il y a 47 000 Musulmans." Un

25 peu plus loin, il dit ceci : "Depuis un an et demi, nous préparons et nous

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1 nous préparons à la guerre dans la municipalité serbe de Bosanska Krupa car

2 nous savions qu'il y allait avoir la guerre, une guerre inévitable."

3 Un peu plus loin : "Comment se peut-il que deux tiers de la ville aient été

4 pris en l'espace de deux jours d'action ? Grâce à Dieu, nous avons réussi à

5 parvenir à nos frontières car c'est comme cela que nous les voulions. Vous,

6 les représentants du peuple, vous le savez bien, nous avions dit que la

7 rive droite de l'Una serait notre frontière et que la rive droite de la

8 rivière Una doit être notre frontière, après tout, c'est la frontière

9 naturelle de la République serbe de Bosnie-Herzégovine qui va de Bihac en

10 passant par Bosanska Krupa pour aller jusqu'à Bosanska Novi. C'est ce que

11 nous avions affirmé et c'est pour cela que nous sommes arrivés jusqu'à la

12 rive droite de l'Una."

13 Enfin, il termine par ces mots, son allocution : "Sur la rive droite de

14 l'Una, il n'y a plus de Musulmans dans la municipalité serbe de Bosanska

15 Krupa. Toutes les enclaves qui s'y trouvaient," - ils les énumèrent - "nous

16 les avons évacuées de sorte qu'il n'y en aura plus pendant la durée des

17 opérations de guerre. Est-ce qu'ils auront un lieu où rentrer ? A mon avis,

18 c'est peu probable après que notre président nous a fait part de cette

19 bonne nouvelle, à savoir que la rive de l'Una était la frontière."

20 Je le répète, beaucoup de témoins viendront vous parler de ce qui s'est

21 passé dans la municipalité de Bosanska Krupa.

22 Ecoutez ce que dit Dragan Kalinic de la municipalité de Sarajevo. Je le

23 cite : "Est-ce que nous avons choisi l'option de la guerre ou celle de la

24 négociation ? Si je le dis, c'est pour une bonne raison et je dois ajouter

25 aussitôt que, connaissant notre ennemi, sachant à quel point notre ennemi

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1 est perfide, sachant qu'il n'est pas possible de lui faire confiance, tant

2 qu'il n'est pas anéanti, annihiler, détruit physiquement et militairement,

3 ce qui veut dire, bien sûr, qu'il faut éliminer les personnes clés. Je

4 n'hésite pas à choisir la première des deux options, celle de la guerre. Le

5 destin, la destinée des Serbes en Bosnie-Herzégovine ne peut pas trouver

6 d'autres solutions en Bosnie-Herzégovine que celle de la guerre."

7 Nos moyens de preuve vont vous montrer, Messieurs les Juges, que les

8 événements tels qu'ils se produisent sur le terrain, apportent la preuve

9 concluante que la signification du premier objectif stratégique était

10 parfaitement comprise avant son annonce officielle le 12 mai.

11 Je vous donne quelques exemples rapides : Municipalité de Brcko, nous

12 allons commencé à entendre des témoins à ce propos dès demain, les

13 Musulmans et les Croates de Bosnie, des civils ont été rassemblés et

14 détenus dans ce camp de triste notoriété, celui de Luka. Là aussi, avant

15 l'annonce de cet objectif dans la municipalité de Bratunac, vous entendrez

16 parler de ceci. On a attaqué le village de Glogova qui a été incendié et

17 toute sa population musulmane a été expulsée, enlevée de la municipalité.

18 Municipalité de Bosanski Novi, troisième municipalité dont vous entendrez

19 parler, pas aujourd'hui mais la prochaine fois, il y a eu arrestations de

20 civils musulmans de Bosnie qui ont été placés dans des trains et éloignés

21 par la force de la municipalité.

22 Je m'arrêterai là. Permettez-moi maintenant de m'intéresser à l'Article

23 7(3) du statut de ce Tribunal. Je voudrais parler de la responsabilité qu'a

24 endossée Momcilo Krajisnik au regard des crimes visés par cet article.

25 Le droit est clair, pour qu'il y ait responsabilité pénale en vertu de

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1 l'Article 7(3), l'accusé peut être un civil ou un supérieur hiérarchique

2 militaire. Pour qu'il ait preuve de la responsabilité pénale individuelle

3 au titre de l'Article 7(3), le bureau du Procureur doit apporter la preuve

4 qu'il y a eu commission d'une infraction, que l'accusé exerçait une

5 autorité de supérieur hiérarchique sur les auteurs de l'infraction, que

6 l'accusé savait ou avait des raisons de savoir que son subordonné

7 s'apprêtait à commettre un crime ou l'avait fait, quatrième élément, qu'il

8 n'avait pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher la

9 commission de l'infraction ou pour en punir le ou les auteurs.

10 Le premier de ces éléments, la première condition, à savoir que

11 l'infraction a été commise au cours de la période couverte par l'acte

12 d'accusation, ceci a fait l'objet de dénégations répétées de la part des

13 dirigeants serbes de Bosnie au moment où elle se produisait. Nous allons

14 prouver au-delà de tout doute raisonnable le contraire.

15 Deuxième élément constitutif, à savoir que l'accusé avait une autorité de

16 supérieur hiérarchique sur les auteurs de l'infraction. Cela veut dire

17 qu'il faut prouver qu'il y avait un rapport de subordonné à supérieur, et

18 ceci, qu'il a dû exister pendant les faits. Ceci a été défini par notre

19 Tribunal comme signifiant qu'un supérieur hiérarchique doit avoir un

20 contrôle effectif sur les personnes qui sont les auteurs des infractions.

21 Il doit avoir la possibilité matérielle d'empêcher la commission de ces

22 infractions ou d'en punir les auteurs.

23 Nous allons vous apporter des moyens de preuve qui démontreront, Messieurs

24 les Juges, que Momcilo Krajisnik avait de facto et de jure le contrôle des

25 auteurs de ces infractions mentionnées dans l'acte d'accusation.

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1 Penchons-nous d'abord sur les moyens de preuve montrant le contrôle

2 effectif qu'avait de facto M. Krajisnik. Les éléments suivants sont sans

3 doute pertinents pour que la Chambre conclue qu'il y avait contrôle

4 effectif d'un supérieur sur des subordonnés de facto. Je vais les énumérer

5 rapidement ces facteurs. Ils ont été entérinés par la jurisprudence du

6 présent Tribunal. Ils comprennent sans se limiter à ceux-ci les facteurs

7 suivants : La capacité de signer des ordres; la teneur de ces ordres; la

8 question de savoir si ces ordres ont été exécutés; le poste ou la position

9 de l'accusé dans le cadre général de l'organisation institutionnel,

10 politique et militaire; les tâches effectivement réalisées; la preuve que

11 l'accusé était une personnalité politique de proue; le comportement général

12 de l'accusé à l'égard des subordonnés et ses obligations; l'utilisation

13 qu'a fait l'accusé de son autorité importante pour empêcher des infractions

14 et des mauvais traitements; l'exercice de pouvoir qui revient de façon

15 générale à un commandement militaire; le fait de soumettre des rapports à

16 des autorités compétentes afin que les mesures nécessaires soient prises et

17 enfin les pouvoirs de sanction.

18 Ce n'est là qu'un aperçu des éléments que vous pourrez examiner.

19 Les éléments que nous allons vous soumettre au cours de ce procès vous

20 montreront sans aucun doute possible que Momcilo Krajisnik disposait

21 effectivement d'un contrôle effectif sur les forces qui ont commis les

22 crimes allégués dans l'acte d'accusation. Quel était son poste au sein du

23 SDS ? Il était membre du comité central. Il était membre de la commission

24 chargée du personnel, ce qui lui donnait des pouvoirs véritables, une

25 influence réelle. Pour ce qui est des structures du gouvernement de

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1 l'entité serbe de Bosnie. Il a occupé beaucoup de postes officiels au

2 sommet du pouvoir. Il a été notamment membre du conseil de Sécurité

3 nationale. Ce n'était pas simplement une instance consultative, c'était de

4 facto une présidence dotée des pouvoirs qu'une présidence a au cours de la

5 période où Biljana Plavsic et Nikola Koljevic étaient les présidents en

6 exercice de la République serbe de Bosnie. Je vous ai montré un tableau

7 tout à l'heure. Nous parlons de la période où ces deux personnes étaient au

8 haut du tableau, et étaient les présidents en exercice.

9 Plus tard Momcilo Krajisnik est devenu membre de la présidence élargie. Une

10 instance qui était en fait le commandant suprême de l'armée et qui avait

11 autorité entière sur la police. Il était également le détenteur du poste le

12 plus élevé à l'assemblée serbe de Bosnie, ce qu'on appelle en anglais le

13 speaker, celui qui dirige les débats. C'était lui qui était le chef de la

14 commission chargée de la guerre. Souvent il a été retenu pour représenter

15 la République serbe de Bosnie à l'occasion de conférences et de

16 négociations internationales.

17 Outre ces postes officiels qu'il occupait au SDS et au gouvernement serbe

18 de Bosnie, il a conservé un rapport de travail très étroit avec Radovan

19 Karadzic, Slobodan Milosevic, avec le général Ratko Mladic et d'autres

20 dirigeants politiques serbes et Serbes de Bosnie. Ceci, vous le verrez

21 grâce aux nombreux éléments de preuve que nous allons vous soumettre au

22 cours de ce procès. Je vais fournir uniquement un exemple. C'est une

23 conversation interceptée, conversation téléphonique entre l'accusé et Ratko

24 Mladic,

25 27 mai 1992. Messieurs les Juges, j'ai demandé si j'avais l'autorisation,

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1 ou si c'était nécessaire d'avoir une interprétation simultanée.

2 Apparemment, ce n'est pas nécessaire. J'ai avisé les cabines de ce que vous

3 aviez dit. Il n'y aura donc pas d'interprétation simultanée. Il vous serait

4 en mesure d'entendre ce qui se dit. Vous entendrez le ton utilisé, et vous

5 pourrez lire la transcription sans interruption.

6 [Diffusion de cassette audio]

7 M. HARMON : [interprétation] C'était la fin de la conversation interceptée.

8 Vu les fonctions officielles qui étaient les siennes et ses rapports de

9 travail étroits avec Karadzic, Mladic et d'autres membres de l'entreprise

10 criminelle commune, nous allons démontrer au-delà de tout doute

11 raisonnable, qu'il exerçait un contrôle effectif sur les institutions

12 politiques serbes de Bosnie, mais aussi sur les forces militaires et de

13 police et forces associées; ce qui était indispensable pour la réalisation

14 des objectifs des Serbes de Bosnie.

15 Auparavant, je vous ai dit que l'accusé avait fait partie de la présidence

16 élargie. Son autorité de jure sur les auteurs d'infraction, certains de ces

17 crimes mentionnés dans l'acte d'accusation, provenaient effectivement de ce

18 poste, de cette fonction. C'est une fonction qu'il a exercée du 2 juin au

19 17 décembre 1992.

20 Il y a promulgation de la constitution de la République serbe de Bosnie.

21 D'après celle-ci, l'organe exécutif le plus important qui permet l'exercice

22 du pouvoir c'est le poste, c'est la fonction de président de la République.

23 Cependant, celle-ci est restée vacante jusqu'au 17 décembre 1992, moment où

24 Radovan Karadzic a été élu à cette fonction.

25 Un des pouvoirs les plus cruciaux que confère la constitution au président,

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1 c'est de commander l'armée, de nommer, de promouvoir et de mettre à pied

2 ces officiers. Nous allons vous prouver par des moyens de preuve, qu'avant

3 la date du 17 décembre 1992, date à laquelle Karadzic devient président,

4 c'était des présidences collectives intérimaires qui s'acquittaient des

5 fonctions du président. A cet égard, un des membres de cette présidence

6 collective agissant au nom de la présidence, commandait l'armée, nommait,

7 promouvait et démettait de leur fonction les officiers de cette armée.

8 J'insiste, je dois insister pour dire que les présidences collectives, sous

9 leurs formes diverses faisaient précisément cela. C'étaient des instances,

10 prises de décisions collectives. Des décisions étaient prises suite à des

11 consultations réalisées au sein de cette instance collective.

12 Krajisnik était convaincu de la nécessité de ce processus de prise de

13 décision collective, voici ce qu'il a à en dire.

14 Je le cite :

15 "A mon avis, il est normal que l'autorité soit centralisée pendant la

16 guerre, mais je serais toujours favorable à l'idée de ne pas concentrer le

17 pouvoir entre les mains d'un seul homme, à commencer par moi-même, et puis

18 suivi par tous les autres.

19 M. Krajisnik n'est pas un homme qui contrôle, il ne veut même pas le

20 pouvoir. Je pense que chacun de nous est conscient. C'est vrai aussi pour

21 M. Karadzic. Il est en faveur de l'idée de diriger le peuple serbe plutôt

22 que d'en vouloir en être le dirigeant. Car, lorsqu'il y a un esprit de

23 direction, à ce moment-là, le bon sens a plus de chance de prévaloir. Plus

24 il y a de têtes pensantes, meilleurs sont les décisions. Elles sont

25 meilleures que si un seul homme les prenait. Pour que nous soyons

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1 efficaces, il nous faut des décisions prises à l'unanimité. Nous devons

2 agir comme un seul homme. Si un seul d'entre nous manque, à ce moment-là,

3 on crée aussitôt un avis différent. Ce que je veux dire, c'est qu'on crée

4 un conflit à propos de quelque chose qui est normal. C'est pourquoi il faut

5 davantage d'engagement. Personnellement, je suis en faveur de la présidence

6 davantage, plutôt que d'un président. D'autant que ce sont tous des gens

7 qui sortent du commun. Ce sont tous des vrais patriotes. Il serait dommage

8 d'éliminer certains d'entre eux, pour n'en laisser qu'un seul qui prendrait

9 toutes les décisions. Franchement, dans une guerre la responsabilité est

10 grande, et il est nécessaire de la partager."

11 Ce sont les termes utilisés par M. Krajisnik avant de devenir membre de la

12 présidence. Les éléments de preuve que nous allons soumettre à la Cour,

13 prouvent qu'en fait à plusieurs reprises, il y a des ordres qui ont été

14 donnés à l'armée d'entrer en combat direct. Par exemple, le procès-verbal

15 de la 12e session de la présidence fait état du fait que la présidence a

16 ordonné à la VRSS, ici, je cite : "Immédiatement, cessez toute opération

17 d'artillerie et d'infanterie dans les faubourgs de Dobrinja." La

18 présidence, qui plus est a ordonné à la VRSS de passer à des positions

19 offensives à des positions défensives.

20 Quelle était l'essence de l'autorité les commandements de la présidence sur

21 l'armée ? Les éléments de preuve vont démontrer que la loi sur l'armée,

22 souligne le fait que l'exercice du commandement était fondé sur le principe

23 de l'unité de commandement et l'obligation d'exécuter les décisions, les

24 commandements et les ordres émanant des supérieurs.

25 Ce principe fondamental a été reconnu dans l'un des rapports militaires que

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1 nous allons soumettre comme élément de preuve. "L'armée," je cite : "de la

2 République serbe de l'ABiH, va continuer à mettre en œuvre délibérément et

3 sans compromis les décisions de l'état et du commandement politique de la

4 République serbe de Bosnie-Herzégovine. De la même manière, la présidence

5 avait une autorité directe et le commandement direct sur les forces de

6 police."

7 Au titre de l'Article 7(3), pour prouver la responsabilité pénale

8 individuelle, l'Accusation doit prouver que l'accusé connaissait ou avait

9 de bonnes raisons de connaître ou de savoir que ses subordonnés allaient

10 commettre un crime ou en avaient déjà commis un.

11 Momcilo Krajisnik avait des raisons de savoir que ses subordonnés allaient

12 commettre ces crimes. Les éléments de preuve vont démontrer ceci très

13 clairement.

14 A partir du procès-verbal des différentes assemblées des Serbes de Bosnie,

15 Krajisnik savait que si l'on n'arrivait pas à trouver une solution

16 politique sur la question de la souveraineté de la Bosnie, la guerre s'en

17 suivrait, et que les forces serbes se jetteraient dans la guerre pour

18 arriver à atteindre leur objectif politique de créer un leadership, un

19 commandement serbe supérieur à tout le reste. Les crimes dans cet acte

20 d'accusation étaient prévus et de manière répétée.

21 Laissez-moi vous rappeler ou vous ramenez à la 4e session de l'assemblée,

22 le 21 décembre 1991, où Vukic a dit, je cite : "Si la Communauté européenne

23 continue à menacer de reconnaître la Bosnie-Herzégovine comme un état

24 indépendant, il y aura un bain de sang massif dans lequel les nations qui

25 ont été créées disparaîtront entièrement."

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1 Ceci rappelle clairement ce qu'a dit M. Karadzic dans son fameux discours

2 sur le fait que les nations allaient disparaître et que les guerres

3 allaient causer des milliers de morts, détruire des maisons et créer le

4 transfert de minorités.

5 Lors de la 12e assemblée, le représentant Kozic

6 a dit: "L'ennemi, les Oustacha et les Moudjahiddines doivent être

7 combattus. On doit arriver à les battre par tous les moyens nécessaires, et

8 seulement après que nous ayons épuisé les voies de négociations.

9 Milenko Vojinovic, Dr Beli de la municipalité de Brcko a dit lors de la 16e

10 session de l'assemblée des Serbes qui s'est tenue le 12 mai 1993, alors

11 qu'il parlait de Brcko, demandant plus de forces à lui être envoyées, il a

12 dit, et je cite : "Il avait besoin de plus de forces pour un nettoyage

13 définitif de la région."

14 En mettant en œuvre une politique pour essayer de séparer les Serbes des

15 non-Serbes sur un territoire qui fait l'objet de la convoitise des Serbes,

16 Krajisnik savait quelle était la direction dans laquelle le peuple serbe de

17 Bosnie se dirigeait et essayait de diriger, et amènerait ceux-ci à

18 commettre des crimes.

19 Les Serbes et les Serbes de Bosnie, ainsi que les groupes paramilitaires

20 dont j'ai parlé auparavant, les événements à Bijeljina, les actions

21 perpétrées par Arkan, ce n'était pas que cela. Ce n'était pas seulement les

22 militaires de Bosnie-Herzégovine. Momcilo Krajisnik connaissait tous les

23 types d'individus qui formaient les rangs des unités paramilitaires. Il

24 était parfaitement au courant.

25 Un rapport particulièrement naïf rédigé par l'état major de l'armée serbe

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1 de Bosnie, daté du 28 juillet 1992 et intitulé "Rapport sur les formations

2 paramilitaires et territoires de la République serbe de Bosnie-Herzégovine"

3 est distribué, entre autres, au président de la présidence, ainsi qu'au

4 premier ministre, ainsi qu'au chef d'état major de la VRS, disait que les

5 caractéristiques principales de ces individus dans les forces

6 paramilitaires étaient décrites. J'ai pris quelques extraits des

7 descriptions de ce rapport qui serviront d'éléments de preuve : "Il s'agit

8 essentiellement d'individus de peu de morale, et dans bien des cas, de

9 personnes qui étaient auparavant incriminées pour des crimes et des

10 méfaits, et même qui ont été condamnées pour meurtres, vols et autres

11 larcins. Très souvent, ces unités paramilitaires ont dans leurs rangs des

12 criminels pathologiques pour lesquels les conditions de guerre et le

13 sentiment d'hors la loi prévalent."

14 Dans une autre partie de ce rapport, il est dit : "Des formations de ce

15 type, donc, de paramilitaires font état ou manifestent leur haine des

16 peuples non-serbes. On peut conclure, sans aucune réserve, qu'il s'agit ici

17 d'un élément génocidaire, qu'il y a un élément génocidaire au sein du

18 peuple serbe."

19 Le rapport dit également : "Les profits et les butins de guerre sont le

20 motif et leur motivation principale d'une grande majorité de ces unités

21 paramilitaires."

22 Un dernier extrait que j'ai pris du rapport dit la chose suivante : "Un

23 point commun à tous ces paramilitaires, c'est qu'elles ne prennent pas part

24 à des combats directs avec l'ennemi. En fait, leurs opérations sont plutôt

25 derrière les lignes. Ils brûlent, pillent et tuent la population innocente,

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1 ou comme les gens le disent, ils volent des poulets."

2 Ce rapport qui servira d'élément de preuve identifie par leurs noms, nombre

3 des unités responsables des actes de prédation sur des non-Serbes, des

4 civils. Vous entendrez d'ailleurs des témoignages des victimes de ces

5 groupes paramilitaires. Certains de ces groupes paramilitaires identifiés

6 dans ce rapport ne vous sont pas inconnus. Arkanovci dirigé par Arkan. Je

7 vous ai déjà brièvement décrit certaines des actions qu'il a perpétrées à

8 Bijeljina. La Seseljovci, un groupe paramilitaire sous le commandement de

9 Vojislav Seselj qui est accusé également au sein de ce Tribunal. Ce rapport

10 identifie des groupes paramilitaires moins connus qui ont également

11 participé à des crimes dans ces municipalités.

12 Vous allez entendre des témoignages où vous allez voir des éléments de

13 preuve qui font état d'ordres donnés pour intégrer ces groupes

14 paramilitaires dans l'armée serbe de Bosnie ou de démanteler. Même, nombre

15 de ces groupes paramilitaires importants ont été identifiés dans ce rapport

16 comme étant ou comme faisant partie de l'armée serbe de Bosnie. Momcilo

17 Krajisnik a encouragé l'incorporation de ces éléments paramilitaires dans

18 l'armée serbe de Bosnie. Il y a nombre d'exemples que vous allez entendre

19 dans ce procès libre d'exemple de paramilitaires intégrés dans l'armée

20 serbe, mais je voudrais vous parler d'un seul de ces groupes, un groupe

21 plus petit et d'ailleurs moins connu. Une des municipalités de Prnjavor,

22 qui, encore une fois, est une des municipalités qui a été le théâtre

23 d'événements dont il y aura des victimes qui témoigneront. Le commandant de

24 ce groupe était un homme qui portait le nom Veljko Milankovic, C'était un

25 homme qui avait été poursuivi, à maintes reprises, sept reprises, et il

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1 avait été au Tribunal 17 fois. Les groupes paramilitaires, qu'il

2 commandait, comptaient 150 hommes et, d'après le rapport d'état major, le

3 groupe de Milankovic : "Est, depuis peu, sous le commandement du 1er Corps

4 de la Krajina.

5 Le rapport dit également ici, je cite : "Les membres de ce détachement ont

6 participé à des pillages constants." Comme vous savez, Monsieur le

7 Président, et Messieurs les Juges, le pillage fait partie d'un des chefs

8 d'accusation.

9 Maintenant, malgré sa connaissance directe de conduite illégale, permanente

10 au sein des hommes de son unité, cet unité faisait partie de la structure

11 essentielle et qui puisait Milankovic, dont j'ai décrit le rapport - ou

12 pardon - le casier judiciaire, il est resté un officier dans cette unité

13 jusqu'à sa mort.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je regarde l'heure qui

15 tourne et il est près de 19 heures. Allez-vous vous interrompre bientôt ?

16 M. HARMON : [interprétation] Oui. Maintenant.

17 La présidence avait une connaissance claire de ces éléments au sein de

18 l'armée et est-ce qu'il savait qu'il s'adonnait à ces actes barbares ? Nous

19 allons démontrer que la réponse est oui, et que peut-être peu de ces unités

20 ont été purgées, mais un nombre d'entre elles ne le furent pas. En fait,

21 l'armée serbe de Bosnie et le commandement politique a utilisé ces éléments

22 paramilitaires pour atteindre leurs objectifs politiques.

23 Je crois que ceci est un moment opportun pour interrompre.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de temps vous faut-il encore ?

25 M. HARMON : [interprétation] Pas plus d'une demi-heure demain après-midi.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous pourriez soumettre

2 à la Chambre de première instance une liste des pièces à être versées au

3 dossier ? Je crois qu'elles vont être versées au dossier pour que nous

4 puissions au moins les identifier individuellement, et savoir si vous avez

5 fait mention de tous ces documents en toute ou en partie.

6 M. HARMON : [interprétation] Bien. Il n'y a pas de problème et demain je

7 vous présenterais cette liste, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Y aura-t-il un moyen de nous

9 montrer certaines des photographies que nous avons vues, certaines ont été

10 agrandies, mais, parfois, il était très difficile de voir clairement ce qui

11 apercevait à l'écran; parfois, c'était trop bleu. Alors, pourrait-on

12 utiliser le grand écran quand on regard une carte ? Peut-être que l'on

13 pourra trouver un moment demain.

14 Madame la Greffière, nous allons commencer demain à 14 heures 15 et, pour

15 aujourd'hui, la séance est levée. Veuillez vous lever, s'il vous plaît.

16 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mercredi le 4

17 février 2004, à 14 heures 15.

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