Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 4 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, tout le monde. Madame la

6 Greffière, pouvez-vous appeler l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire numéro IT-00-39-

8 T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'il y a un membre

10 supplémentaire dans votre équipe, Monsieur Harmon.

11 M. HARMON : [interprétation] Oui. C'est tout à fait exact, Monsieur le

12 Président. Bonjour. Bonjour à la Défense. Nous avons aujourd'hui, M. Thomas

13 Hannis, qui procédera à l'interrogatoire du premier témoin de cette

14 affaire.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir présenté M.

16 Hannis. Avant de vous donner la possibilité de poursuivre vos déclarations

17 liminaires, j'aimerais annoncer que la Chambre de première instance

18 autorisera M. Krajisnik à faire une déclaration brève après les

19 déclarations liminaires de l'Accusation.

20 Je vous en prie, Monsieur Harmon, poursuivez.

21 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

22 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges, Mesdames et Messieurs de la Défense.

24 Hier, lorsque nous en avons terminé, j'étais en train d'examiner la

25 responsabilité pénale conformément à l'Article 7(3), et j'avais concentré

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1 mon attention sur une partie du troisième élément, à savoir, est-ce que

2 l'accusé avait des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le

3 point de commettre des crimes ou avaient commis des crimes.

4 J'aimerais maintenant en fait accorder une importance à l'autre partie de

5 cet élément, à savoir, est-ce que l'accusé avait la connaissance véritable

6 du fait que ses subordonnés étaient sur le point de commettre des crimes ou

7 en avaient commis.

8 Alors, cette connaissance véritable peut être établie soit par le biais de

9 moyens de preuve directe ou de connaissance véritable, ou par le biais de

10 preuve indirecte à partir desquels nous pouvons déduire que l'accusé avait

11 véritablement une connaissance véritable des faits. Nous allons établir que

12 la connaissance véritable de

13 M. Krajisnik par le biais de ces deux moyens de preuve.

14 La commission d'experts qui a présenté son rapport final a, dans ce rapport

15 final, présenté un certain nombre de facteurs pertinents qui peuvent être

16 considérés comme représentant des preuves indirectes de connaissance. Je

17 commencerais par identifier certains de ces facteurs, notamment, le nombre

18 d'actes illégaux; le type d'actes illicites; la portée de ces actes

19 illicites; la période pendant laquelle ce sont produits ces actes illégaux;

20 le nombre; le type de troupe qui ont participé à ces actes; la situation

21 géographique où ces actes ont été commis; la répétition généralisée de ces

22 actes; le modus operandi d'actes illicites semblables; ainsi que les

23 officiers et l'état major qui y ont participé.

24 Les moyens de preuve que nous détenons prouveront que l'accusé avait une

25 connaissance directe des crimes qui étaient sur le point d'être commis et

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1 des crimes qui avaient déjà été commis.

2 Nos moyens de preuve montreront que pendant toute la durée de la guerre,

3 l'armée des Serbes de Bosnie et le ministère des Affaires intérieures,

4 avaient informé la présidence et ce au quotidien sur les événements qui se

5 passaient sur le terrain.

6 La présidence a reçu régulièrement des rapports présentés par le

7 gouvernement qui était en contact régulier avec les municipalités, les

8 cellules de Crise et les régions autonomes serbes et la présidence a

9 également reçu des rapports émanant de ministères individuels.

10 De surcroît, le général Ratko Mladic a présenté des rapports personnels et

11 fréquents aux membres de la présidence en faisant état des événements qui

12 se déroulaient sur le terrain.

13 Conformément à un document que nous vous présenterons dans le cadre de ce

14 procès -- document intitulé "Analyse portant sur la disponibilité au

15 combat et les activités de la VRS en 1992." Le système de communication y

16 est décrit comme étant complètement fonctionnel. J'aimerais citer un

17 extrait de ce rapport et je

18 cite : "Nous pouvons dire avec une grande certitude que le système de

19 communication existant correspond ou satisfait les besoins de la

20 coordination de commandement et des besoins à tous les niveaux depuis le

21 commandement suprême, le commandant suprême, l'état major, et ce jusqu'aux

22 échelons les plus faibles."

23 Les moyens de preuve indiqueront que les crimes qui font partie de cet acte

24 d'accusation faisaient l'objet de rapport direct à l'état major de la VRS

25 et que la présidence était informée au quotidien des événements et des

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1 problèmes du terrain.

2 J'aimerais une fois de plus vous rappeler la 34e assemblée des Serbes de

3 Bosnie, et je citerai le général Milan Gvero, qui a dit, et je cite :

4 "L'état major a fourni des informations orales et écrites au commandant en

5 chef, au premier ministre, au ministre de la Défense et aux autres, à

6 propos de tous les problèmes."

7 J'aimerais maintenant vous fournir quelques exemples des types de problèmes

8 que nous vous présenterons. Il s'agit en fait d'extraits de rapports de

9 l'état major de la VRS.

10 Vous avez, par exemple, un rapport du 1er Corps de la Krajina, en date du 22

11 août 1992. Il s'agit d'un rapport de combat régulier, et je cite ce rapport

12 : "Massacre contre des civils, contre des hommes musulmans, un massacre qui

13 a été commis le 21 août, entre 18 heures 30 et 19 heures. Ce massacre a été

14 commis par un groupe de policiers qui escortaient un convoie de réfugiés

15 allant vers Travnik. Le massacre a eu lieu à Koricanske Stijene dans les

16 gorges de la rivière Ilomska au mont Vlasic. Environ 100 personnes ont été

17 tuées suivant différentes méthodes et ont été laissées dans les gorges en

18 question."

19 Ce crime est identifié dans l'annexe B au numéro 15.5, et ce rapport, qui a

20 été envoyé à l'état major, a été envoyé à un moment où l'accusé était

21 membre de la présidence élargie.

22 J'aimerais maintenant faire état d'un autre rapport qui émane toujours du

23 1er Corps de la Krajina et qui est destiné à l'état major de la VRS, en date

24 du 4 novembre 1992. Il s'agit d'un rapport de combat régulier et j'aimerais

25 citer ce rapport : "Dans la zone de Kotor Varos," et, Kotor Varos est l'une

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1 des municipalité identifiée dans notre acte d'accusation. Je reprends la

2 citation : "Environ 40 membres des Bérets verts ont été tués et environ 200

3 capturés. Un massacre brutal des membres capturés parmi les Bérets verts a

4 commencé car quatre soldats ont été blessés et un soldat a été tué, ces

5 soldats faisant partie de la Brigade de l'infanterie légère de Kotor

6 Varos."

7 Ce crime en l'espèce est identifié dans l'annexe B au numéro 11. Une fois

8 de plus, nos moyens de preuve indiqueront que lorsque ce crime a fait

9 l'objet d'un rapport auprès de l'état major de la VRS, l'accusé était

10 membre de la présidence élargie.

11 Messieurs les Juges, nos moyens de preuve montreront et prouveront que la

12 clavaire des victimes de cette campagne criminelle qui avait pour but de

13 les éliminer des territoires revendiqués par les Serbes faisait l'objet de

14 rapport quotidien dans les médias. La présidence ou les dirigeants serbes

15 de Bosnie avaient accès à ces médias. Je me rappelle très bien. Vous vous

16 souviendrez très bien que la brutalité de cette campagne a été décrite

17 quotidiennement dans les médias. Nous avons, en fait, une pièce à

18 conviction que je vous ai montrée au préalable. Il s'agit d'une pièce à

19 conviction de Bijeljina. Il y aura de nombreuses photos des médias qui ont

20 été prises pendant l'année 1992, mais cette image a notamment choqué le

21 monde et a provoqué des remous dans la communauté internationale, ce qui

22 fait qu'il y a eu toute une série de rapport et une série de mesures

23 officielles qui ont été prises et qui ont fini par aboutir à la création de

24 cette institution. Mais c'est le type, justement, d'images que les médias

25 présentaient quotidiennement tout comme d'autres types d'images

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1 particulièrement angoissantes.

2 Vous avez, par exemple, une autre image, une image qui a été montrée dans

3 les médias et qui décrivait les conditions des camps des Serbes de Bosnie,

4 des camps qui ont été créés par les Serbes et qui ont été essentiels dans

5 la campagne d'épuration ethnique.

6 J'aimerais, en fait, vous présenter l'image suivante. C'est une photo qui a

7 été présentée également par les médias et qui décrit comment les civils

8 musulmans de Bosnie étaient détenus dans le camp de Manjaca.

9 Il y a également d'autres images qui ont été présentées. J'aimerais

10 maintenant mentionner une autre image, une autre photo que nous avons vue

11 également dans les journaux et qui montre la souffrance des réfugiés qui

12 ont été expulsés de leurs foyers. D'autres images ont été présentées.

13 Mais j'aimerais maintenant vous montrer ce qui a été fait, ce qui

14 représentait une partie du patrimoine de l'humanité. Il s'agit d'une photo

15 de la mosquée d'Alidza, qui a été construite au milieu du 16e siècle et qui

16 était véritablement, absolument magnifique. Nous avons d'autres photos qui

17 ont été prises de ces monuments qui faisaient partie du patrimoine de

18 l'humanité, et voilà ce qu'il en reste.

19 Voilà ce qui reste de la mosquée d'Alidza. Nous avons vu à maintes reprises

20 pendant l'année 1992 des photos semblables qui montraient que ces monuments

21 patrimoine de l'humanité ont été réduits à des débris et des gravas. Vous

22 avez également ces magnifiques structures qui ont été transformées en

23 terrain vagues.

24 Alors, il est évident que les moyens de preuve vous indiqueront que les

25 crimes qui ont été commis par les forces serbes de Bosnie contre les

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1 Musulmans et les Croates de Bosnie ont fait l'objet de rapports fréquents

2 et de plaintes qui ont été présentés directement à l'accusé, à Radovan

3 Karadzic, et à d'autres dirigeants serbes et Serbes de Bosnie, et ce, de la

4 part de diplomates, de journalistes, d'organisations non gouvernementales

5 telles que le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ou

6 Amnesty International, ou la Croix rouge. Nos moyens de preuve vous

7 indiqueront que les dirigeants serbes de Bosnie ont reçu ce type

8 d'information, et je ferai état d'un moyen de preuve qui sera présenté

9 pendant ce procès. Il s'agit du procès verbal de la 5e session de la

10 présidence, en date du 10 juin 1992, à une époque où M. Krajisnik était

11 membre de la présidence. Dans ce procès verbal, il est indiqué que la

12 présidence a reçu des informations sous forme de rapports de la part de la

13 communauté internationale.

14 Nous avons des exemples de ces rapports présentés par la communauté

15 internationale qui seront présentés en tant que moyens de preuve qui vous

16 seront présentés. J'aimerais faire état de deux rapports spécifiques,

17 rapports qui ont été préparés par M. Tadeusz Mazowiecki, qui était le

18 rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies sur les droits de

19 l'homme. Ces deux rapports ont été publiés à une époque où l'accusé était

20 membre de la présidence élargie. Un rapport porte la date du 28 août 1992,

21 alors que le deuxième a été publié le 27 octobre 1992.

22 Dans le rapport du 27 octobre 1992, M. Mazowiecki indique, et je cite :

23 "Tel qu'indiqué dans le premier rapport, la population musulmane représente

24 les victimes principales et sont littéralement menacées d'extermination."

25 Le rapport de M. Mazowiecki, qui fut préparé il y a 11 ans, maintenant

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1 décrit ce nettoyage ethnique avec une précision frappante. Voilà ce qui

2 était écrit dans son rapport : "Le nettoyage ou l'épuration ethnique ne

3 semble pas être la conséquence de la guerre, mais plutôt son objectif."

4 Il faut savoir que les dirigeants serbes de Bosnie ont été littéralement

5 inondés par une avalanche d'informations crédibles qui portait sur les

6 crimes qui étaient commis par les forces serbes de Bosnie. D'après les

7 moyens de preuve que nous présenterons, nous verrons que les réponses

8 suscitées par ces rapports n'ont été autre que le refus d'accepter que ces

9 crimes s'étaient produits, la surprise face à la présentation de ces

10 crimes, des plaintes suivant lesquelles l'autre camp était responsable et

11 faisait la même chose ou alors des directives qui étaient publiées, qui

12 étaient très, très rarement mise en vigueur.

13 Le dernier élément qui nous permettra d'établir la responsabilité pénale

14 conformément à l'Article 7(3) et l'élément suivant lequel l'accusé n'a pas

15 pu, n'a pas su prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour

16 empêcher que les crimes soient connus ou pour en punir les auteurs.

17 En tant que personne qui se trouvait au sommet du pouvoir au sein de la

18 direction serbe de Bosnie, Momcilo Krajisnik avait véritablement,

19 pleinement l'autorité de jure et de facto pour empêcher aux auteurs de

20 crimes de commettre ces crimes ou avait l'autorité de les punir d'avoir

21 accompli ces crimes.

22 En tant que commandant suprême de l'armée, les membres de la présidence,

23 notamment Krajisnik, avaient l'obligation et le pouvoir conformément à la

24 constitution et aux lois de donner l'ordre à l'armée et à la police de

25 mener à bien des enquêtes, et c'est un pouvoir d'ailleurs qu'ils ont

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1 exercé. Alors, je ne vais pas entrer dans les détails de ces autorités

2 légales ou juridiques plutôt, puisque je laisserai ce soin aux experts qui

3 viendront témoigner. J'aimerais, en fait, vous fournir des exemples afin

4 d'illustrer le fait que la présidence avait véritablement le pouvoir de

5 mener à bien des enquêtes sur les crimes, et ces exemples sont extraits

6 directement du procès verbal ou des procès-verbaux des réunions de la

7 présidence, réunions auxquelles M. Krajisnik a participé. Nous présenterons

8 ces procès-verbaux comme moyens de preuve dans cette affaire.

9 A la 14e session de la présidence qui s'est tenue le 3 juillet 1992, la

10 présidence a donné l'ordre à la police de mener à bien une enquête sur les

11 activités des unités paramilitaires dans les municipalités de Gacko et de

12 Nevesinje. Et ce, pour des actes de terroristes commis directement contre

13 la population civile.

14 A la 24e session de la présidence qui a eu lieu du 6 août 1992, le ministre

15 de l'Intérieur a donné l'ordre de mener à bien une enquête sur le

16 comportement de toutes les autorités civiles et des personnes chargées de

17 garder les prisonniers de guerre. Cette information émanait de l'enquête

18 qui avait été transmise à la présidence.

19 A la même session, la présidence a donné l'ordre que la commission chargée

20 des enquêtes sur les crimes de guerre commence à mener à bien ces enquêtes

21 pour les crimes commis contre le peuple serbe. Notez bien qu'il s'agit du

22 peuple serbe.

23 En dernier lieu, à la session du 26 octobre 1992, l'ordre fut donné aux

24 autorités militaires et au commandement de mener à bien des enquêtes sur

25 les accusations qui avaient été faites à propos de Branko Simic qui était

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1 un homme politique. En outre et en sus des pouvoirs que la présidence avait

2 pour mener à bien des enquêtes, la présidence disposait d'autres pouvoirs

3 et d'autres autorités. Ils auraient pu en fait dissuader et faire en sorte

4 de prévenir les crimes qui ont été commis dans tout le territoire détenu

5 par les Serbes de Bosnie.

6 Ils avaient le pouvoir judiciaire. Ils avaient la possibilité de nommer des

7 procureurs, des procureurs adjoints et des secrétaires aux tribunaux

8 disciplinaires militaires. Ils avaient la possibilité et le pouvoir

9 d'adopter des réglementations afférentes à la discipline militaire, le

10 pouvoir de diminuer, d'améliorer ou d'annuler toute mesure disciplinaire

11 prise ou toute sanction. Ils avaient également le pouvoir de prescrire des

12 mesures disciplinaires ou des sanctions. Ils pouvaient également prendre

13 des décisions tels que la promotion d'officiers, la nomination d'officiers,

14 le transfert d'officiers. Ils avaient également la possibilité d'admettre

15 en service militaire actif ou de faire en sorte d'émettre de leurs

16 fonctions des officiers généraux.

17 Nos moyens de preuve vous permettront de comprendre que la présidence a

18 nommé des juges militaires ainsi que des procureurs qui ont fermé les yeux,

19 lorsque les victimes des crimes n'étaient pas des Serbes. La présidence a

20 nommé également des juges civils et des procureurs qui n'ont jamais

21 poursuivi en justice des membres de la police pour des crimes et délits

22 qu'ils avaient commis.

23 Nous appellerons à la barre des témoins et nous présenterons des moyens de

24 preuve et des procès-verbaux de tribunaux afin de démontrer le

25 fonctionnement du système des tribunaux en 1992. D'après ces procès-

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1 verbaux, il est d'une évidence flagrante que les auteurs serbes de Bosnie

2 n'étaient pas punis lorsque les victimes étaient non-serbes. Il y a eu des

3 cas rares et exceptionnels où cela s'est produit. Dans ces cas, en général,

4 l'auteur était libéré et rentré dans son unité militaire dans le cadre de

5 son service actif. Toutefois, lorsque les moyens de preuve montraient que

6 les victimes étaient ou que la victime était Serbe, les procès-verbaux nous

7 permettent de voir que l'approche était tout à fait différente. Dans ces

8 cas d'espèce, les procès-verbaux prouvent qu'il y a eu poursuite judiciaire

9 avec condamnation et que les sanctions étaient respectées.

10 En dernier lieu, nous présenterons des moyens de preuve portant sur des

11 politiques d'accusation sélective qui ont été retenues pour ne pas

12 poursuivre en justice des auteurs serbes lorsque la victime était musulmane

13 ou croate. Cela n'a fait qu'encourager les auteurs à commettre des crimes

14 supplémentaires en toute impunité.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cela conclut ma déclaration

16 liminaire. Je vous remercie de votre patience. Nous nous engageons à

17 présenter les moyens de preuve aussi rapidement que possible, tout en

18 n'oubliant pas les responsabilités solennelles qui nous ont été imposées

19 par la communauté internationale. Lorsque vous aurez entendu la

20 présentation de tous nos moyens de preuve, nous pensons que vous serez en

21 mesure de considérer coupable Momcilo Krajisnik et coupable de tous les

22 chefs d'accusation de l'acte d'accusation.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Harmon. La

24 liste qui sera fournie par l'Accusation, a-t-elle déjà été fournie ?

25 M. HARMON : [interprétation] Les pièces à conviction que j'ai utilisées se

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1 trouvent sur ce chariot qui se trouve derrière moi. Si vous le souhaitez,

2 ou je peux le faire maintenant ou plus tard.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends que cela sera versé

4 comme pièce à conviction.

5 M. HARMON : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toutefois, nous aimerions pouvoir avoir

7 une vision d'ensemble des pièces à conviction auxquelles vous avez état

8 pendant vos déclarations liminaires.

9 M. HARMON : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'Accusation a maintenant terminé ces

11 déclarations liminaires. M. Krajisnik, vous nous avez demandé

12 l'autorisation de présenter une déclaration, déclaration qui conformément à

13 la Règle 84 bis, ne nécessite pas une déclaration solennelle. Vous ne serez

14 pas examiné par les parties à propos de cette déclaration.

15 J'aimerais vous informer que la Règle 84 bis (B) stipule : La Chambre de

16 première instance décidera de la valeur probative [phon] de la

17 déclaration. Ce que vous direz dans votre déclaration pourrait se voir

18 attribuer une valeur probante si la Chambre le décide.

19 Je vous en prie, Monsieur.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, en premier lieu, je tiens

21 à vous remercier de m'autoriser à prendre brièvement la parole au début du

22 procès. Voici ce que je souhaite dire.

23 C'est avec beaucoup de soin que j'ai écouté hier et aujourd'hui ce que nous

24 a dit le Procureur dans son propos liminaire. J'ai entendu les chefs

25 d'accusation qu'il présente. Ce sont les accusations graves, Je veux vous

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1 assurer du fait que tout ce qui m'est reproché est faux. Je suis innocent.

2 Au regard de tous les chefs d'accusation compris dans l'acte d'accusation,

3 je ne suis pas coupable. C'est la raison pour laquelle j'espère et je crois

4 qu'au cours de ce procès, vous Messieurs les Juges, vous allez disposer de

5 suffisamment de documents pertinents, de suffisamment de preuves pour vous

6 convaincre de mon innocence, pour vous convaincre du fait que l'acte

7 d'accusation est dirigé sans doute contre une personne qui n'est pas moi.

8 Le Procureur déclare également qu'il va apporter la preuve des charges

9 retenues contre moi. Je crois, j'espère que ne sera présenté aucun document

10 ici. Je suis convaincu qu'ils ne parviendront pas à apporter la preuve de

11 ce qu'ils avancent. Enfin, permettez-moi d'ajouter sans vous importuner,

12 sans abuser de votre gentillesse, je crois en Dieu, je crois en la justice.

13 Je crois que la vérité va prévaloir et qu'après avoir passé quelques années

14 en prison, enfin, je redeviendrai un homme libre. Je voudrais vous demander

15 de veiller à ce que la vérité se manifeste car, depuis toujours jusqu'à

16 hier et aujourd'hui, je vis pour que la vérité se manifeste. Je vous

17 remercie.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Krajisnik.

19 Je tiens à vous assurer du fait que la Chambre de première instance fera

20 tout ce qui est en son pouvoir, pour qu'effectivement se manifeste la

21 vérité.

22 Nous en arrivons ainsi à la deuxième phase de ce procès, puisque nous

23 allons commencer la présentation des éléments de preuve à charge. Je crois

24 que c'est à vous que je dois m'adresser, Monsieur Hannis, n'est-ce pas,

25 puisque c'est vous qui allez appeler à la barre le premier témoin.

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1 M. HARMON : [interprétation] Si vous me le permettez, je demanderais

2 l'autorisation que M. Tieger se retire.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il en est autorisé.

4 M. TIEGER : [aucune interprétation]

5 M. HANNIS : [interprétation] Notre premier témoin sera Isak Gasi.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, les interprètes

7 demandent à obtenir une copie de la déclaration préalable du témoin, pour

8 autant qu'elle soit disponible.

9 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, apparemment, nous avions prévu

10 qu'il y aurait une pause entre la fin de la déclaration liminaire, et le

11 début de la présentation du premier témoin.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même sans pause, il faudrait veiller à

13 ce que les interprètes disposent le plus vite possible, le plus tôt

14 possible de ces documents.

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous souhaite la

17 bienvenue dans ce prétoire. Le Règlement de procédure et de preuve exige de

18 vous que vous fassiez une déclaration solennelle. Je vois que l'Huissier

19 vous a déjà remis le texte de ladite déclaration, et je vous invite à la

20 prononcer.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 TÉMOIN : ISAK GASI

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Grand merci. Veuillez vous asseoir,

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1 Monsieur Gasi. C'est d'abord le bureau du Procureur qui va vous interroger.

2 Ecoutez avec attention et répondez aux questions qui vous sont posées.

3 Monsieur Hannis, vous avez la parole.

4 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

5 Interrogatoire principal par M. Hannis :

6 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez décliner votre identité.

7 R. Je m'appelle Isak Gasi.

8 Q. Pourriez-vous nous donner votre lieu de naissance ?

9 R. Je suis né le 5 mai 1957, à Brcko.

10 Q. Pouvez-vous nous dire où se trouve Brcko ?

11 R. Brcko se situe dans la partie nord-est de la Bosnie, sur la rivière Save

12 qui fait la séparation entre nous et la République de Croatie.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre juste

14 un instant. Le témoin, juste avant d'entrer dans le prétoire, a demandé à

15 fournir certains documents à l'Accusation. Nous ne sommes pas vraiment au

16 courant de ce dont il s'agit. Est-ce que ceci pourrait attendre, afin que

17 vous soyez interrogé tout de suite. Il n'est pas coutumier que vous

18 fournissiez ou qu'un témoin fournisse des documents au début de

19 l'interrogatoire principal, au bureau du Procureur. Puisque vous avez posé

20 la question et que nous voulons travailler dans la plus grande transparence

21 possible, pourriez-vous nous dire s'il y a une raison particulière vous

22 poussant à demander ces choses.

23 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, puis-je

24 vous expliquer ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Juste avant de commencer, M. Gasi examinait

2 une copie d'une carte dont nous allons demander le versement. Il a apporté

3 des annotations à cette carte en indiquant des endroits dont il va parler,

4 et il a apporté cette carte.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que, Monsieur le Témoin, je peux

6 examiner cette carte, ce document, avant de le remettre au bureau du

7 Procureur ? Je tiens à m'assurer que c'est bien de ce document-là qu'il

8 s'agit. Y a-t-il des objections de la part de la Défense ?

9 M. STEWART : [interprétation] Non.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Me permettez-vous de

11 jeter un coup d'œil à ce document pour voir de quoi il s'agit ? Vous faites

12 signe de la tête, vous opinez du chef. Rappelez-vous que ceci ne peut pas

13 se répercuter dans le compte rendu d'audience. Dites oui ou non.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est une carte qui montre la Ville de

15 Brcko. Voilà ce que c'est.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, apparemment, c'est bien une carte

17 avec quelques notes en guise d'explication. Poursuivez, Monsieur Hannis.

18 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Je demande que soit présentée au témoin la pièce qui porte la cote 39.023

20 d'après notre liste.

21 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

22 R. Oui.

23 Q. De quoi s'agit-il ?

24 R. Volontiers. C'est la municipalité de Brcko et la Ville de Brcko que

25 l'on voit sur une carte de la Bosnie-Herzégovine.

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1 Q. Merci. Avez-vous passé toute votre vie à Brcko, jusqu'au moment où a

2 éclaté la guerre, en 1992 ?

3 R. Oui. J'ai passé toute ma vie à Brcko, jusqu'au moment où la guerre a

4 commencé en 1992.

5 Q. Quel était votre métier ?

6 R. Quinze ans durant, j'étais chargé du contrôle et de l'entretien des

7 installations électriques à Brcko, ceci de 1979 à 1992. Cela fait à peu

8 près quinze ans, n'est-ce pas.

9 Q. Avez-vous fait votre service militaire au cours de cette période ?

10 R. Oui. En 1977, j'ai fait mon service obligatoire, conformément à la loi,

11 service de 14 ou 15 mois, tout comme l'a fait tout homme en âge de

12 combattre à l'époque.

13 Q. Dans quelle unité avez-vous été versé dans l'armée ? Quelles étaient

14 vos fonctions ?

15 R. J'étais dans une unité chargée de la circulation, du transport. J'étais

16 chauffeur.

17 Q. Vous avez fait ce service militaire, vous travaillez dans cette

18 entreprise ou usine électrique. Est-ce que vous vous êtes livré à d'autres

19 activités en Yougoslavie, ce qui vous a permis de gagner une certaine

20 réputation au niveau local ?

21 R. J'avais peut-être 12 ou 13 ans, à l'époque. J'ai commencé à faire de

22 l'aviron dans un club d'aviron, à Brcko. Je faisais du kayac, plus

23 exactement. Vers l'âge de 12 ou 13 ans, j'ai commencé à faire de l'aviron.

24 J'en fais encore aujourd'hui. Je jouissais d'une certaine réputation dans

25 ma ville natale ainsi qu'en ex-Yougoslavie.

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1 Q. Est-ce que vous avez participé à des compétitions nationales et

2 internationales ?

3 R. Tout à fait. J'ai représenté mon pays, la Yougoslavie, dans la classe

4 des juniors et aussi en tant qu'athlète adulte dans des championnats

5 mondiaux, et aussi au cours de régates internationales ou dans tout

6 l'Europe.

7 Q. Pourriez-vous nous dire et dire aux Juges, comment se présentait la

8 composition ethnique de Brcko en 1992 ?

9 R. D'après le recensement qui s'était fait à la veille de la guerre, il y

10 avait 44 ou 45 % de Musulmans, c'est comme cela qu'on les appelait à

11 l'époque. Aujourd'hui, on les appelle Bosniens. Puis il y avaient les

12 Serbes, 22 % dans la municipalité de Brcko; et de 17 à 20 % étaient des

13 Croates de Bosnie.

14 Q. Est-ce qu'avant l'année 1990, la situation politique en ex-Yougoslavie

15 a changée ?

16 R. Pour autant que j'ai pu l'apprendre par les médias, par la presse, la

17 télévision, on a parlé de conflits qui auraient éclatés en Slovénie, et

18 après cela se soient déplacés vers la Croatie. Il y a commencé à avoir des

19 réunions populaires à partir et en fonction de leur appartenance ethnique.

20 C'est comme cela que tout a commencé.

21 Q. Après la mort de Tito, qui était l'ancien chef de l'ex-Yougoslavie,

22 est-ce que le système politique a changé ?

23 R. Oui, il y a eu des changements. Le dernier congrès de la Ligue des

24 communistes a eu lieu à Belgrade. Je ne sais plus quand. Après la mort de

25 Tito, la situation est restée stable cinq ou six ans, puis les choses ont

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1 commencées à se passer au Kosovo. Le dernier congrès du parti à Belgrade,

2 je crois que c'était en mai 1990. Là je pense que la Ligue des communistes

3 a été dissoute, et que peu à peu, ont commencé à s'établir de nouveaux

4 partis politiques

5 en Slovénie, en Croatie, ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine. Il y a commencé à

6 avoir des divisions en fonction d'activage ethnique. Il y a eu des

7 rassemblements populaires, des meetings. Ces ce que j'ai appris par la

8 télévision, par la presse de l'époque.

9 Lorsqu'il y a eu ce démantèlement de la Ligue des communistes, de nouveaux

10 partis disons nationalistes se sont créés.

11 Q. Quels étaient les trois partis les plus importants qui s'étaient créés

12 à partir de ces groupes ethniques qui existaient à Brcko ?

13 R. Il y avait le SDA, le Parti d'action démocratique. C'était surtout un

14 parti des Musulmans; puis il y avait l'Union démocratique croate. C'était

15 le HDZ, parti des Croates de Bosnie; puis il y avait le SDS, qui a

16 accueilli surtout des Serbes de Bosnie, SDS.

17 Q. Je ne voulais pas demander auparavant. Je m'en excuse. Pourriez-vous

18 dire aux Juges quelle est votre appartenance ethnique ?

19 R. Je n'aime pas en parler de mon plein gré. Je vais vous le dire quand

20 même : Je suis Musulman.

21 Q. Quelle est l'appartenance ethnique de votre père ?

22 R. Il est Albanais du Kosovo.

23 Q. Etiez-vous à Brcko lorsque a commencé la campagne électorale qui devait

24 menée aux élections de 1990, élections multipartites de 1990 ?

25 R. Oui. J'ai participé au comité chargé de l'organisation qui m'a demandé

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1 de le rejoindre au moment où se créait le SDA. J'ai accepté à une

2 condition, à condition que ce soit une activité publique, et je ne voulais

3 pas être affilié à un mouvement politique quelconque. Cette condition étant

4 garantie, j'étais prêt à participer à tous meetings qui étaient ouverts au

5 public.

6 Q. Est-ce que les trois partis ont organisé ce genre de grandes réunions

7 publiques avant les élections de 1990 ?

8 R. A ma connaissance, oui.

9 Q. Est-ce que vous avez fini par vous affiliez au SDA ?

10 R. Oui, je suis devenu un adhérant du SDA. J'ai participé au congrès

11 constitutif du SDA à Sarajevo en 1990.

12 Q. Vous êtes resté membre du SDA pendant combien de temps ?

13 R. Jusqu'au moment des élections pluripartites de Bosnie-Herzégovine,

14 après quoi j'ai dit publiquement que je ne voulais plus appartenir à aucun

15 parti politique; que je voulais faire cavalier seul, être quelqu'un

16 d'indépendant. C'est ce que je suis toujours aujourd'hui.

17 Q. Est-ce qu'à ce moment-là vous avez parlé publiquement et est-ce que

18 vous êtes apparu à la télévision pour parler de choses politiques ?

19 R. Je n'ai évoqué aucun sujet politique. Il m'est arrivé une fois avant le

20 référendum portant sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, de donner

21 une interview très brève concernant la Bosnie-Herzégovine que j'aimerais

22 voir. Ce fut très rapide, j'ai dit que tous nous avions voulu vivre dans un

23 seul et même état et que cet état serait la Bosnie-Herzégovine et qu'il

24 faudrait qu'il y ait une coexistence de tout à chacun.

25 Q. Quels furent les résultats de ces élections pluripartites qui se sont

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1 tenues à Brcko en 1990 ?

2 R. Pour autant que je le sache, je crois que c'est l'ancien parti

3 communiste, le SDP, qui a remporté le plus de sièges, suivi par le SDA,

4 puis arrivait le HDZ, et si je ne m'abuse, le troisième parti, c'était le

5 Parti démocratique serbe, et un faible pourcentage de sièges a été remporté

6 par d'autres partis, des partis pluriethniques, d'appartenance ethnique

7 mixte.

8 Q. Est-ce qu'à la suite de ces élections, les partis que nous appellerons

9 nationalistes ont essayé d'empêcher les communistes de reprendre les

10 manettes du pouvoir ?

11 R. Oui, ils ont formé une coalition, d'après la loi alors en vigueur, ils

12 ont constitué une coalition pour empêcher les communistes d'occuper des

13 sièges au sein du parlement municipal, là la raison de cette coalition.

14 Q. Est-ce qu'un accord a été conclu entre ces trois partis nationalistes

15 pour ce qui est de la répartition et du partage du pouvoir et du fait

16 d'occuper les postes et de les répartir entre eux ?

17 R. Apparemment, oui.

18 Q. De ce fait, qui est devenu président de l'assemblée municipale de

19 Brcko ?

20 R. Mustafa Ramic, membre du SDA, c'est lui qui est devenu président de

21 l'assemblée municipale.

22 Q. Le chef de l'exécutif, du comité exécutif de l'assemblée, savez-vous de

23 quel parti il était ?

24 R. Il appartenait au SDS. Il s'appelait Petar ou Pero Markovic. En tout

25 cas, je suis sûr de son patronyme, c'était Markovic.

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1 Q. Vous souvenez-vous du candidat qui avait été avancé pour le poste de

2 chef de la police ?

3 R. Stjepan Filipovic du HDZ, Union démocratique croate. C'est lui qui est

4 devenu chef de la police.

5 Q. Le commandant ou chef de la TO, Défense territoriale locale, qui était-

6 ce ?

7 R. C'était le commandant Milisav Milutinovic. Je ne sais pas s'il

8 appartenait ou SDS ou pas. En tout cas, je sais que c'était un Serbe.

9 Q. Connaissez-vous certains des autres dirigeants du SDS dans la localité

10 à l'époque ?

11 R. Il y avait le président du Parti démocratique serbe à Brcko. Il

12 s'appelait Milenko Vojinovic, surnommé Beli. Le vice-président ou un des

13 vice-présidents s'appelait Bosko Maricic, un autre c'était Djordje

14 Ristanic. J'en connaissais d'autres. Il y en avait un qui travaillait avec

15 moi. Il faisait partie du comité exécutif du SDS. J'en connaissais beaucoup

16 en fait.

17 Q. Je crois que vous avez déjà dit qu'il y avait eu un conflit qui a

18 commencé à se produire en Slovénie et en Croatie. Est-ce que, du coup, il y

19 a eu mobilisation des hommes en âge d'être appelés sous les drapeaux, en

20 âge de porter les armes et de combattre à Brcko ?

21 R. Oui. Nous avons reçu des convocations et nous étions censés nous

22 présenter à nos unités d'affectation. C'était, en fait, des unités de

23 réserve de l'ex-JNA.

24 Q. Vous souvenez-vous de la date approximative à laquelle a commencé cette

25 mobilisation ?

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1 R. Je ne peux pas vous donner une date exacte même un mois précis. Tout

2 cela coïncidait avec les événements de Slovénie. Quelques mois plus tard,

3 les hommes ont commencé à recevoir ces appels à la mobilisation, ces

4 convocations par lesquelles ils étaient censés se présenter à leurs unités.

5 Q. Est-ce que dans la municipalité de Brcko, il y a eu des réponses

6 diverses à ces appels à mobilisation en fonction d'être un groupe ethnique

7 en présence ?

8 R. Au début, tous les trois groupes ethniques ont reçu ces convocations

9 mais ils n'ont pas tous répondu au même degré. Après, cela a changé.

10 Certains ont décidé d'abandonner l'armée, de la quitter. Ils ont décidé de

11 rentrer chez eux, ont refusé de participer à tout cela. C'était même vrai

12 de certains Serbes qui ont quitté leurs unités lorsqu'ils étaient cantonnés

13 à la garnison locale de Brcko. De cette façon-là, ils voulaient montrer

14 leurs refus de participer à tout cela. Quoiqu'il en soit, la majorité de

15 ceux qui sont restés dans ces unités étaient des Serbes de la localité de

16 Brcko.

17 Q. Puisque vous travaillez au sein de ce comité chargé de l'organisation

18 des élections, est-ce que vous avez pu vous déplacer souvent dans la

19 municipalité et aux alentours ?

20 R. Si ce n'était pas quotidiennement, c'était un jour sur deux. Je me

21 déplaçais puisque j'étais chargé de l'entretien et du contrôle des

22 appareils de mesure. Je parcourais toute la municipalité de Brcko. Je me

23 rendais dans tous les villages de la municipalité.

24 Q. Au cours de ces déplacements, fin 1991, début 1992, vous est-il arrivé

25 de voir des signes qui auraient montré qu'il existait ce qu'on a appelé une

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1 région autonome serbe, SAO ?

2 R. Oui. A la sortie de la ville de Brcko quand on va vers Bijeljina, il y

3 avait un panneau qui ressemblait à un panneau de circulation, y était

4 inscrit "SAO Semberija Majevica." Si on allait à l'accès oriental de Brcko,

5 on voyait un panneau qui disait "SAO Krajina serbe." Il n'y avait rien en

6 ville, dans la ville même mais dès qu'on quittait la ville, il suffisait de

7 parcourir 10 kilomètres pour voir ce genre de panneau. Je crois que c'était

8 déjà là début 1991.

9 Q. Lorsque vous avez vu ces panneaux pour la première fois, saviez-vous de

10 quoi il s'agissait ?

11 R. Je vous l'ai déjà dit, c'était un sigle. Enfin, les gens racontaient

12 des choses en ville. Il y a eu des rumeurs qui circulaient. Par la suite,

13 on a appris ce que voulait dire SAO, on a compris que c'était "SAO Krajina

14 ou SAO Semberija Majevica."

15 Q. Qu'est-ce que vous avez appris ? Qu'est-ce que ceci signifiait et à

16 quoi ce SAO ou cette SAO devait-elle servir ?

17 R. Cela voulait dire région autonome serbe. Cela supposait une division en

18 fonction de clivage ethnique. Auparavant, avant ce moment-là, je n'avais

19 jamais rien vu de la sorte.

20 Q. Parlons, si vous le voulez bien, du référendum qui a été organisé en

21 février 1992. Est-ce que vous vous en souvenez ?

22 R. Oui. J'y ai participé.

23 Q. Vous souvenez-vous de la question qui a été posée ? Quel était le

24 sujet, l'objet de ce référendum ?

25 R. Je pense, en fait, que la question venait de la constitution qui

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1 existait alors de la Bosnie-Herzégovine. Cela revenait à demander si on

2 était en faveur d'une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante avec

3 une union de Serbes, Musulmans et Croates. On devait répondre par oui ou

4 par non. Il revenait à cela.

5 Q. Est-ce qu'il y a eu rassemblements politiques dans la municipalité de

6 Brcko peu de temps avant la tenue du référendum sur cette question ?

7 R. Oui, il y a eu des rassemblements politiques. Je vous dis encore une

8 fois, il s'agissait de rassemblements à base ethnique en faveur ou contre

9 les événements. Mais, oui. Puis, les trois groupes ethniques se

10 rassemblaient.

11 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'assister à un tel rassemblement

12 ethnique pour les Serbes avant le référendum en février 1992 ?

13 R. Il y a un rassemblement qui, en réalité, était organisé par le Parti

14 démocratique serbe. Il avait organisé une société culturelle qui s'appelait

15 Prosvjeta, c'est-à-dire, une éclairage ou illumination. Ceci s'est tenu à

16 Prosvjeta. Tout le Parti démocratique serbe s'est présenté à ce

17 rassemblement, et je crois pour

18 M. Karadzic, il n'était pas là. Tout le monde était là; Krajisnik, Plavsic,

19 Buha, Koljevic. Tout le monde était là. Il y avait aussi une autre

20 personne, un autre homme. Il était présent à ce rassemblement et il venait

21 de la République serbe, et il était là pour le rassemblement des Serbes, de

22 part et d'autre de la rivière Drina. Il y avait également quelques auteurs,

23 des écrivains de Belgrade, et je crois qu'il y avait également deux membres

24 de l'Académie serbe des arts et des sciences de Belgrade.

25 Q. Est-ce que vous avez assisté à ce rassemblement vous-même ?

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1 R. Oui. J'y ai assisté.

2 Q. Vous rappelez-vous la teneur des discours lors de ce rassemblement, le

3 message ?

4 R. Au début de ce rassemblement, ils allaient parler de l'héritage

5 culturel et artistique du peuple serbe, mais alors que d'autres orateurs

6 apparaissaient avec l'avancement du rassemblement, s'est devenu un

7 rassemblement plus politique. Je ne me sentais pas très à l'aise parce que

8 les gens commençaient à se lever, à devenir plus véhément, à vociférer, à

9 parler de menaces. Il y avait beaucoup de tensions politiques. Si vous

10 apparteniez à un groupe ethnique différent ou à une religion différente, il

11 valait mieux partir, quitter ce rassemblement.

12 Q. Vous avez parlé de menaces. Quel type de menaces ?

13 R. Je me souviens de l'un ou l'autre de ces orateurs, et notamment, un

14 discours donné par un ministre de la République de Serbie.

15 Q. Au début de son discours, le ministre a dit que le peuple serbe devait

16 vivre ensemble, mais aussi avec d'autres communautés. Mais à la fin de ce

17 même discours, il a dit que personne n'avait le droit de séparer les Serbes

18 de la Serbie, que personne n'avait le droit de parler au nom des Serbes, et

19 que si les Serbes n'obtenaient pas ce qu'ils demandaient en Bosnie-

20 Herzégovine que les Serbes de Bosnie-Herzégovine pouvaient toujours compter

21 sur la Serbie, et qu'ils recevraient tout type d'assistance et de soutien

22 de la Serbie.

23 Voilà comment cela s'est passé. Voilà la teneur du discours. Après cet

24 orateur, les académiciens également ont pris la parole. Ils ont parlé des

25 guerres menées par les Serbes au cours de l'histoire, du sang versé par les

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1 Serbes pour la liberté et que, si les choses ne pouvaient être obtenues de

2 cette manière, elles devraient l'être à travers la guerre.

3 Alors voilà comment les choses se sont déroulées. Et à la fin, l'atmosphère

4 est devenue très tendue.

5 Q. Alors laissez-moi passer à un autre sujet, M. Gasi. Pouvez-vous dire à

6 la résidence où vous étiez en 1991, c'est-à-dire où vous habitiez, dans

7 quelle partie de la ville de Brcko, puisque c'est là où vous habitiez ?

8 R. J'habitais dans un endroit près du centre de la ville. L'immeuble, dans

9 lequel j'habitais, était voisin de la garnison de la JNA à Brcko, à 15

10 mètres; c'est-à-dire que le balcon de mon appartement n'est qu'à 15 mètres

11 de la garnison de la JNA.

12 Q. Viviez-vous dans une maison individuelle ou dans un immeuble

13 appartement ?

14 R. Dans un immeuble appartement.

15 Q. A quel étage se situait votre appartement ?

16 R. Au troisième étage.

17 Q. De votre appartement, pouviez-vous voir à l'intérieur du bâtiment de la

18 JNA ?

19 R. Oui, je voyais toute la garnison.

20 Q. Y avait-il d'autres bâtiments de la JNA ou d'autres garnisons à Brcko ?

21 R. Oui. Il y avait d'autres bâtiments. Il y avait, par exemple, le garage,

22 des véhicules lourds, des chars, des camions. Il y avait également un

23 bâtiment militaire ainsi qu'un entrepôt de munitions et d'explosifs, qui

24 était situé sur la route de Brcko à Loncari, près du village de Krepsic.

25 Q. Mis à part le garage pour les véhicules et l'entrepôt des munitions et

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1 explosifs, y avait-il d'autres bâtiments de la JNA qui étaient proches de

2 votre appartement dont vous ayez eu connaissance au moins ?

3 R. Près de mon immeuble, il n'y avait que la garnison. Je n'avais

4 connaissance de rien d'autre.

5 Q. Basé sur ce que vous pouviez voir de votre appartement et de votre

6 expérience professionnelle, est-ce qu'en 1991 vous avez eu l'occasion de

7 voir si la JNA était responsable de la fourniture d'armes à des groupes

8 ethniques, du moins si elle y participait ?

9 R. Il y avait toujours des gens dans les casernes, qui portaient des

10 uniformes de la JNA. Néanmoins, quand je voyageais dans les différents

11 villages alentour de Brcko, j'étais là quand ces gens distribuaient des

12 armes à la population locale de ces villages.

13 Q. De quels villages, de quelle population parlez-vous quand vous parlez

14 de la distribution d'armes ?

15 R. Il s'agit de villages exclusivement peuplés par les Serbes. Serbie

16 Brezovo Polje, Potocari, Gredice, Sandici, Trnjaci, Mutica, Pukis, Bobetino

17 Brdo. Tous ces villages étaient dans la municipalité de Brcko, ou bien

18 d'Ugljevik ou Bijeljina. Mais tous ces villages étaient ou se trouvaient,

19 dans un rayon de 30 à 40 kilomètres, au sud- est de Brcko. De 1990 à 1992,

20 au mois d'avril, je me suis rendu dans tous ces villages. Peut-être pas

21 tous les jours, mais au moins un jour sur deux. Je les traversais. Je

22 m'arrêtais. Je m'asseyais et je discutais avec les gens.

23 Q. Est-ce que vous voyez la JNA distribuer des armes dans les villages

24 croates ou musulmans ?

25 R. Non, je n'ai pas vu ça.

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1 Q. Y avait-il qui que ce soit d'autre qui participait au côté de la JNA à

2 la distribution d'armes, dans les villages serbes ?

3 R. D'après ce que j'ai vu à l'époque, il y avait quelqu'un devant le

4 centre communautaire. Au centre de Gredice, j'ai vu un camion TAM 5 000

5 500-D quand il a emmené ces pistolets plutôt ces fusils semi-automatiques

6 et qu'ils attendaient devant le centre du village. Ils ont dit que les

7 armes allaient être distribuées. Le camion est arrivé.

8 J'étais là pendant une heure, environ, et je les ai vus distribuer les

9 armes. Ceci a été noté par la JNA. C'est-à-dire que chaque arme a son

10 propre reçu, ou peut-être un carnet. Si vous recevez une arme, vous devez

11 signer ceci, et vous recevez également les munitions.

12 Q. Dans la ville de Brcko, est-ce que vous avez vu des activités

13 d'armement de Serbes ?

14 R. Un de mes voisins, ceci est un exemple, était toujours habillé dans un

15 uniforme de camouflage de la JNA. Il allait en ville ou il allait dans les

16 cafés à Brcko. Ils emmenaient même des armes automatiques dans le café.

17 Vous voyez des grenades qui pendaient à leur ceinturon. Ils n'attaquaient

18 personne, ne menaçaient personne. Mais ce n'était pas très agréable d'être

19 assis à côté de gens qui avaient deux ceinturons couverts de munitions. Les

20 choses avaient changé, et ce n'est pas la façon, ou bien cela ne correspond

21 pas aux souvenirs que moi, j'avais de la JNA. Cela n'était plus comme ça.

22 Q. En 1991, à partir de ce que vous voyiez de votre appartement, à côté de

23 la garnison de la JNA, est-ce que vous avez pu constater des changements

24 dans le type d'activité ou le niveau d'activité au sein de la garnison de

25 Brcko.

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1 R. Oui, il y a eu des changements. Auparavant, tous les matins,

2 j'entendais le réveil, l'appel au drapeau et les jeunes conscrits qui se

3 présentaient devant le bâtiment de la garnison. Ceci s'est interrompu en

4 1991 et tout d'un coup, c'était des gens plus âgés, des hommes mûrs d'une

5 quarantaine d'années. Il n'y avait plus ces jeunes hommes. Pour la première

6 fois, j'ai pu voir les hommes portant les uniformes de camouflages SMB avec

7 les bérets rouges, chose que je n'avais jamais vu, auparavant, lorsque moi

8 j'étais à l'armée pendant mon service militaire. Voici ce dont je me

9 souviens.

10 Une ou l'autre fois, quand je me suis promené avec ma femme près de la

11 garnison, j'ai pu voir ces hommes en bérets rouges qui entraînaient les

12 Serbes de la localité, des Serbes de ma propre ville. Ils les formaient.

13 Ils les formaient à placer des menottes, à sortir leurs pistolets, à viser

14 les uns sur les autres. Tout ceci se produisait le long de la clôture qui

15 séparait la garnison de la rue sur laquelle était mon immeuble.

16 Q. Tous ces soldats avec des bérets rouges, est-ce que vous les avez

17 reconnus ? S'agissait-il de Serbes locaux ?

18 R. Certains étaient des locaux. Les autres, je ne les connaissais pas. De

19 mon quartier, même de mon immeuble, il y en avait trois. Il y avait Ranko

20 Cesic ainsi que deux frères qui vivaient de la même entrée de mon bâtiment.

21 Ils portaient, également, cet uniforme et un béret rouge. Ils rentraient

22 même chez eux portant ce même uniforme.

23 Q. Monsieur Gasi, j'aimerais vous poser des questions sur les activités

24 politiques en cours dans la ville de Brcko au début de 1992. Etiez-vous

25 conscient des événements qui se produisaient au sein de l'assemblée

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1 municipale locale et des discussions qui avaient lieu portant sur le futur

2 de la ville de Brcko ?

3 R. Oui. Oui, j'étais au courant. J'ai même assisté à la séance de

4 l'assemblée de la ville de Brcko une fois.

5 Q. Est-ce que certaines de ces réunions de l'assemblée municipale ont été

6 retransmises par la télévision ?

7 R. Oui. La chaîne de télévision locale de Brcko a retransmis certaines

8 parties de cette séance. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, avec un de mes

9 amis journalistes, d'assister à cette réunion. Il y a bien d'autres

10 personnes qui ont suivi cette réunion.

11 Q. Que vous souvenez-vous sur ce que vous avez décrit ? Est-ce que vous

12 vous rappelez plus ou moins quand c'était ?

13 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Je ne peux pas vous le dire

14 mais je crois que c'était aux environs de la mi-avril 1992.

15 Q. Que s'est-il passé au cours de cette réunion ? De quoi a-t-on discuté ?

16 R. Une ou deux personnes qui ont participé à la discussion ont dit : nous

17 ne voulons pas que la ville soit divisée, ceux qui veulent la diviser

18 peuvent le faire mais ils le feront sans nous. Les gens criaient ceci à

19 partir de leurs places. A un moment, Djordje Ristanic s'est levé, a tapé du

20 poing sur la table en disant : "Nous allons la diviser, sans quoi, nous

21 allons avoir des problèmes." Il a dit que la date butoir serait le 4 mai,

22 mais il n'a pas vraiment dit ce qui allait se passer après le 4 mai.

23 C'était simplement qu'il fallait diviser la ville, sans quoi, il y aurait

24 des tas de choses qui allaient se passer ou se produire.

25 Q. Djordje Ristanic, à quel parti appartenait-il ?

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1 R. Il faisait partie du Parti démocratique serbe et c'était un des vice-

2 présidents du SDS. Il faisait partie du comité directeur du SDS.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qu'il portait lors de cette

4 réunion ?

5 R. Il n'était pas le seul à porter l'uniforme des réservistes de la JNA.

6 Il y avait également M. Milutinovic ainsi que d'autres hommes, membres du

7 SDS qui étaient là. Ils portaient tous les uniformes de la JNA. Je crois

8 que Ristanic était capitaine. Je crois que c'était son grade. Je ne me

9 souviens pas sauf si les insignes avaient changé.

10 Q. Vous vous souvenez si Beli, Milenko Vojinovic était présent à cette

11 réunion ?

12 R. Oui, il l'était.

13 Q. Vous souvenez-vous de quelle était sa position au sein du SDS ou du

14 gouvernement ?

15 R. Il était le président du SDS de la ville. Je ne me souviens pas s'il

16 était membre de l'assemblée de Brcko, je ne crois pas. Je ne crois pas

17 qu'il faisait partie de l'assemblée municipale. Je crois qu'il était,

18 simplement, là en tant que membre du SDS.

19 Q. Vous souvenez-vous de l'objet de cette discussion sur la division ?

20 Qu'est-ce que l'on allait faire ? Qu'est-ce que cette division allait

21 produire ?

22 R. Après ce rassemblement et même avant, des photocopies ont commencé à

23 circuler en ville, photocopies qui illustraient le centre-ville. Ce que

24 l'on pouvait voir sur ces cartes et d'après ce que j'entendais, c'est que

25 les Serbes voulaient la partie sud-est de la ville et une grande partie du

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1 centre de la ville qui, à mon avis, représentait les deux tiers de la

2 ville. Essentiellement, ce qu'ils voulaient, c'était la zone industrielle

3 et une grande partie du centre de la ville.

4 Q. S'agissait-il d'une séparation physique avec les différents groupes

5 ethniques vivant dans les différentes parties de la ville ?

6 R. Il y avait, probablement, une ligne existante. Je ne sais pas, le fait

7 que moi j'étais de l'autre côté de cette ligne de démarcation, je ne vois

8 pas ce que cela pourrait être d'autre.

9 Q. A l'époque, est-ce que les groupes ethniques vivaient, dans des

10 quartiers de la ville, séparés ou est-ce qu'ils étaient mélangés ?

11 R. Tous les groupes ethniques étaient toujours mélangés. Cette ligne de

12 séparation allait séparer des familles, diviser des familles. Certains

13 membres restant d'un côté et d'autres de l'autre. Je ne sais pas quoi vous

14 dire en réponse à cette question.

15 Q. Savez-vous, Monsieur, quelles étaient les proportions relatives des

16 différents groupes ethniques au sein de la ville de Brcko ? Quels étaient

17 les plus nombreux, et cetera ?

18 R. Les plus nombreux étaient les Musulmans dans la ville elle-même,

19 ensuite, c'étaient les Serbes et ensuite les Croates, les moins nombreux.

20 D'après ce que je sais, les Serbes ne représentaient pas une majorité dans

21 aucune des communautés locales si ce n'est que Grcica et Potocari qui

22 étaient deux communes de la ville. Dans les autres communes, je crois que

23 c'étaient les Musulmans les plus nombreux, qui constituaient une majorité.

24 Q. Vous avez dit que cette réunion s'est probablement tenue à la mi-avril.

25 Je voudrais vous ramener à la fin du mois d'avril 1992. Est-ce que quoi ce

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1 soit d'inhabituel s'est produit à Brcko, le 30 avril 1992 ?

2 R. Oui. Le matin du 30 avril 1992, à 4 heures 30 du matin pour être

3 précis, j'ai été éveillé par le bruit de deux explosions puissantes. J'ai

4 une femme et un enfant, nous nous sommes levés. Une des fenêtres a volé en

5 éclats, la fenêtre de mon appartement même. Ensuite, deux autres fenêtres

6 ont volé en éclats de l'autre côté. Au début, nous ne savions pas ce qui

7 avait causé l'explosion. Après, les téléphones se sont mis à sonner, tout

8 le monde s'appelait, et nous avons découvert qu'on avait fait exploser un

9 pont au-dessus de la Save. L'un était un pont destiné aux chemins de fer

10 et l'autre était un pont pour des véhicules et des passagers.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quelle heure tout ceci s'est produit ?

12 R. Je vous ai dit que cela s'est passé à 4 heures 30 du matin.

13 Q. Alors, pour ce qui est de la rivière Save, qu'est-ce qu'il y avait de

14 l'autre côté de la rivière.

15 R. La République de Croatie.

16 Q. Y avait-il d'autres ponts à Brcko, à part le pont des chemins de fer et

17 l'autre pont que vous avez mentionné.

18 R. Il y avait deux autres ponts au-dessus de la rivière Brka ?

19 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 j'aimerais montrer au témoin une photographie, avec votre permission.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie. Allez-y, Monsieur

22 Hannis.

23 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Alors, est-ce que l'on peut montrer au

24 témoin la pièce à conviction 38061.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, je crois que le Greffe

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1 voudrait donner une cote définitive à cette pièce. Alors, Mme la Greffière

2 va donner son numéro.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la carte de Bosnie-Herzégovine,

4 avec Brcko soulignée, avec la cote ERN 04021847, qui sera la pièce à

5 conviction portant la cote P1. La pièce à conviction suivante qui va être

6 versée au dossier, va être P2.

7 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

8 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous avez une photo à l'écran devant vous ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce qui apparaît sur cette photo ? Veuillez

11 dire au Tribunal de quoi il s'agit ?

12 R. Il s'agit du pont au-dessus de la Save à Brcko.

13 Q. Est-ce que cette photographie montre la portion du pont qui est tombée

14 dans la rivière à la suite de l'explosion ?

15 R. J'étais ici, là où il y a une section du pont qui est tombée.

16 Q. Est-ce que les choses apparaissaient telles que sur la photographie, le

17 jour de l'explosion ?

18 R. Exactement, c'est exactement pareil.

19 Q. Si l'on peut revenir en arrière, après que vous ayez entendu

20 l'explosion, est-ce que vous avez cherché à comprendre ?

21 R. Je n'y suis pas allé. Je me suis levé environ à 6 heures 30, je devais

22 me rendre à mon travail, parce que je dois me rendre à mon travail à 7

23 heures, tous les matins. J'ai commencé à marcher de chez moi à la compagnie

24 électrique. Quand je suis arrivé au lieu de mon travail, mes supérieurs

25 m'ont dit qu'on ne devait pas travailler ce jour-là. Alors, je suis rentré

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1 chez moi et j'ai dit à ma femme que j'allais voir les dégâts sur le pont de

2 la Save parce que j'avais entendu dire qu'on l'avait fait exploser. Il

3 était probablement 9 heures 30, quand je suis arrivé pour voir le pont.

4 Q. Qu'avez-vous vu quand vous avez aperçu le pont ?

5 R. En plein centre-ville, juste avant le poste de police, j'ai vu quelques

6 cadavres gisant sur le bas-côté. Il y a un petit parc, juste en face du

7 bâtiment du SUP et quelqu'un a pris une porte, la porte d'un appartement

8 pour couvrir la partie inférieure du cadavre d'un homme, pour couvrir les

9 jambes et le bas de l'abdomen. Plus tard, je suis passé devant l'hôtel

10 Posavina et j'ai vu des parties des membres inférieurs d'un enfant.

11 Lorsque j'ai atteint le pont, il y avait du monde sur place. Il y avait,

12 également, des officiers de police du poste de Brcko. Il y avait,

13 également, des connaissances à moi sur place. Peut-être que des gens ont

14 commencé à parler entre eux, à faire des commentaires sur qui avait fait

15 ceci. Les officiers de police étaient perdus, ils ne savaient pas quoi

16 faire. Est-ce qu'ils devaient essayer de sécuriser l'endroit ou pas ?

17 Après environ une demi-heure, un véhicule de la JNA est apparu, avec

18 environ huit à dix soldats dans un camion. C'était un pinzgauer, plus grand

19 qu'un camion. Il y avait des hommes armés, en tenue de camouflage, avec des

20 casques. L'un a sauté du véhicule et a commencé à parler à un des officiers

21 de police et à lui dire qu'il devait vider les lieux, qu'il y avait une

22 commission qui allait venir sur place. Les soldats sont remontés dans le

23 véhicule et ont poursuivi vers un autre endroit de la Ville de Brcko.

24 Je suis resté sur place pendant encore une demi-heure. Les gens ont

25 continué à discuter de ce qui s'était passé. Ensuite, je suis retourné chez

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1 moi, dans mon appartement.

2 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que

3 je peux vous demander quand nous allons faire une pause ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais l'intention de faire une pause

5 après une heure et demi de séance, alors je crois que nous allons

6 interrompre dans une ou deux minutes. Est-ce que cela vous conviendrait ?

7 M. HANNIS : [interprétation] Cela me conviendrait.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Est-ce que l'on pourrait escorter

9 le prisonnier hors du prétoire. Nous allons faire une interruption,

10 Monsieur Gasi. Nous allons prendre juste une ou deux minutes et mettre les

11 annexes sur la table pour que vous puissiez y répondre.

12 Vous êtes excusé, Monsieur le Témoin. Nous allons reprendre dans 20

13 minutes.

14 [Le témoin se retire]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les séances de l'après-midi,

16 généralement, quand nous commençons à 14 heures 15, je crois qu'il serait

17 opportun d'avoir une interruption de 20 minutes à 15 heures 45, et de

18 reprendre à 16 heures 05, jusqu'à 17 heures 30. Alors, une autre pause de

19 20 minutes à 17 heures 50, et de reprendre à 18 heures 10 jusqu'à

20 19 heures. Si cet horaire vous semble acceptable, est-ce que l'une ou

21 l'autre des parties, et ceux qui nous assisterons en dehors du prétoire,

22 pourraient nous dire s'il y a une raison de s'opposer. Voilà, n'hésitez pas

23 à me le dire. La séance est levée jusqu'à 16 heures 05.

24 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45

25 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander

2 d'avoir une petite minute avec vous avant l'entrée du témoin.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

4 M. HANNIS : [interprétation] A propos de M. Gasi, lorsque nous avons

5 préparé son témoignage, nous avons attendu l'autorisation conformément à la

6 Règle 70, à propos de deux dépositions qu'il a fait il y a quelque temps de

7 cela. Nous attendons une réponse depuis le mois de mai de l'année dernière.

8 M. Gasi avait témoigné dans l'affaire Milosevic en septembre 2003. Ils

9 attendent également la même autorisation. Il a eu la possibilité de

10 témoigner sans obtenir au préalable cette autorisation. Je comprends

11 d'après l'équipe de Milosevic, qu'hier ils ont reçu une autorisation

12 écrite, en fonction de la Règle 70, qui portait sur cette affaire

13 seulement.

14 Je me suis entretenu avec le représentant du fournisseur qui m'a indiqué

15 que l'intention était de fournir, d'octroyer l'autorisation pour cette

16 affaire. Toutefois, parce que cela n'a pas été présenté par écrit, il a

17 demandé que cela ne soit pas divulgué jusqu'à ce que cela soit présenté par

18 écrit ou jusqu'à temps que nous n'ayons pas obtenu de confirmation orale.

19 Je l'ai mentionné à

20 M. Stewart avant que nous commencions aujourd'hui, mais je voulais attirer

21 l'attention du Tribunal sur ce fait. Nous avons examiné cela, et nous

22 pensons qu'il ne s'agit pas de communication conformément à la Règle 68, il

23 s'agit plutôt d'une déclaration en fonction de la Règle 66, bien que cela

24 ne soit pas signé par le témoin. Il s'agit plus du rapport d'un entretien,

25 et cela correspond à une déclaration confirmant la Règle 66, et nous vous

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1 indiquerons dès que nous aurons obtenu l'autorisation.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si l'autorisation n'a pas été

3 demandée pour ce qui est de cette affaire. Ce que nous pouvons dire pour le

4 moment, c'est qu'il serait plus judicieux de l'avoir par écrit.

5 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous l'avons

6 demandée en mai, ensuite cela a été demandé lorsque l'équipe de Milosevic a

7 demandé la même chose. Je pense que nous pourrions inclure cela dans la

8 même autorisation.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela a été présenté par

10 écrit ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est bon que vous nous en ayez

13 informés. Cela ne change pas la situation actuelle, autant que je le sache.

14 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez raccompagner, M. Gasi dans le

15 prétoire.

16 J'ai une question à vous poser entre temps, Monsieur Hannis ?

17 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans le résumé du témoin, il est indiqué

19 que la durée estimée est de trois heures, alors que je vois qu'il y est

20 marqué quatre heures. Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé depuis le

21 résumé en date du 2 mai 2002 ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que la différence, c'est que nous

23 avons reçu un certain nombre de témoins que nous avons écoutés. Il y a des

24 personnes qui ont été déplacées d'une municipalité à une autre. Nous avons

25 pris la décision de le présenter, parce qu'il y a des témoins qui ne seront

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1 plus présentés conformément à la Règle 92 bis.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurai attendu un résumé qui aurait

3 pris en considération cette situation. Je vous en prie, poursuivez.

4 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. HANNIS : [interprétation]

7 Q. Monsieur Gasi, avant la pause, vous nous avez dit que vous êtes allé

8 vérifier les dégâts sur le pont, et ensuite vous êtes rentré chez vous.

9 Qu'avez-vous fait lorsque vous êtes rentré chez vous ? Est-ce que vous avez

10 pris des dispositions avec votre famille ?

11 R. Lorsque je suis rentré chez moi après avoir vu le pont, j'ai trouvé une

12 voisine dans mon appartement, une femme qui vivait dans le même bâtiment,

13 dans l'appartement juste en dessous du nôtre.

14 Q. Quelle était son appartenance ethnique ?

15 R. Elle est Serbe.

16 Q. Est-ce qu'elle vous a conseillé ? Est-ce qu'elle vous a indiqué ce que

17 vous devriez faire ?

18 R. Ma femme lui avait déjà parlé. Ma femme Jasminka m'a demandé pourquoi

19 est-ce que nous devrions quitter Brcko. La femme a dit : "Vous voyez que la

20 guerre a éclaté. Vous ne pouvez plus rester ici. Ils vont venir de

21 Bijeljina et ils vont vous transporter en Serbie. Il vaut mieux que vous

22 partiez."

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait qu'il y ait un petit

24 problème technique au niveau des écouteurs du témoin.

25 C'est le même problème. Ce n'est pas une question d'écouteurs. Je dois dire

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1 que moi aussi j'ai un bruit de fond dans mes écouteurs, qui peut-être est

2 le même problème que pour les écouteurs du témoin.

3 Monsieur Gasi, c'est toujours la même chose ? Vous avez toujours le même

4 problème ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous entendre, mais il y a vraiment un

6 bruit de fond dans mes écouteurs, et j'entends ce bruit en même temps.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense avoir le même problème. Je

8 l'avais remarqué. Tout dépend de qui parle et de quel microphone est

9 utilisé certainement. Est-ce que le problème est réglé maintenant ? Très

10 bien. Je pense que c'était un problème de microphone. Ce n'est pas de votre

11 faute, puisque le problème a été réglé.

12 Je vous en prie, Monsieur Hannis, veuillez poursuivre.

13 M. HANNIS : [interprétation]

14 Q. Si vous pouvez maintenant regarder l'écran. Je ne sais pas si vous avez

15 eu la possibilité de terminer la dernière réponse que vous avez apportée.

16 Vous nous avez dit que votre voisine vous avait dit de quitter. C'était la

17 fin de votre réponse ?

18 R. Jasminka a insisté, et n'arrêtait pas de demander : "Pourquoi est-ce

19 que nous devons partir ? Pourquoi est-ce que je devrais partir ? Je ne

20 comprends pas."

21 Q. Est-ce que votre voisine serbe vous a fourni de plus amples

22 explications ?

23 R. Oui. Elle a dit : "Jasminka, la guerre a éclaté à Brcko. Il vaut mieux

24 que vous quittiez la ville." Je l'ai accepté. J'ai décidé d'accepter

25 l'offre de son mari qui avait indiqué qu'il pourrait nous amener hors de la

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1 ville.

2 Q. Est-ce que vous avez voyagé avec son mari ? Est-ce que vous êtes parti

3 de Brcko avec votre femme et votre enfant ?

4 R. Oui. Il a conduit ma voiture. Je me suis assis à côté de lui, et

5 Jasminka se trouvait à l'arrière de la voiture. Avant cela, j'ai appelé un

6 ami à Belgrade, pour prendre des dispositions pour qu'il nous retrouve à

7 Bijeljina. Nous avons entendu dire qu'il ne serait possible de traverser le

8 pont sur la Drina, parce que le pont était bloqué.

9 Q. Est-ce que vous avez dû passer par des postes de contrôle entre Brcko

10 et Bijeljina?

11 R. Oui. Depuis mon appartement sur la route vers Elektrodistribucija et

12 sur la route vers Bijeljina, l'armée avait établi des postes de contrôle

13 avec des personnes qui portaient des uniformes de camouflage. Il y avait

14 également des personnes qui portaient des uniformes de camouflage, qui

15 n'étaient pas les mêmes que les uniformes de camouflage de la JNA. Ces

16 uniformes étaient bleus, de couleurs bleues différentes, et il y avait

17 également deux hommes des unités des Bérets rouges. Ils ont vérifié nos

18 identités. En fait, ils ont vérifié son identité, ils en ont conclu qu'il

19 était Serbe. Ils nous ont dit que nous pouvions poursuivre notre chemin

20 après ce poste de contrôle.

21 Q. Lorsque vous parlez "d'un poste d'un contrôle mixte," est-ce que vous

22 faites allusion à l'appartenance ethnique des personnes qui se trouvaient

23 au poste de contrôle, ou aux unités qui se trouvaient à ces postes de

24 contrôle ?

25 R. Je faisais allusion aux différents uniformes que j'y ai vus. Il y avait

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1 certaines personnes qui portaient des uniformes de couleur vert olive,

2 d'autres avaient des casques. Il y en avait deux qui avaient des bérets

3 rouges. Il y avait deux hommes qui avaient des uniformes de camouflage

4 bleus que je n'avais jamais vus auparavant. Sur leurs bérets bleus, il y

5 avait un drapeau, le drapeau de la République de Serbie.

6 Q. Connaissiez-vous l'appartenance ethnique de ces différentes personnes ?

7 R. Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Ils ne sont pas présentés.

8 Q. Est-ce que vous êtes arrivé à Bijeljina ? Est-ce que vous avez pu

9 prendre des dispositions pour que votre femme et votre enfant voyagent avec

10 lui jusqu'à Belgrade ?

11 R. Oui. Nous sommes arrivés à Bijeljina. J'y ai retrouvé mon ami deux

12 heures après. Il était venu de Belgrade dans son propre véhicule. Il avait

13 eu des problèmes au niveau du pont de la Drina. J'ai retrouvé également un

14 autre ami qui faisait partie de l'équipe de kayak de Yougoslavie. Il

15 portait un uniforme de soldat. Il m'a dit de ne pas retourner à Brcko. Je

16 n'ai pas écouté. Je n'ai pas suivi son conseil. Je suis retourné à Brcko.

17 Q. Pourquoi est-ce que vous êtes reparti sur Brcko ?

18 R. Probablement que je croyais que tout rentrerait dans la normale comme

19 auparavant. J'avais encore mon travail là-bas. C'est certainement une autre

20 raison. Je pense que j'avais des raisons tout à fait normales d'y

21 retourner. Il m'est très difficile de vous expliquer pourquoi j'y suis

22 reparti, mais c'est ce que j'ai fait.

23 Q. Pendant que vous étiez à Bijeljina, est-ce que vous avez remarqué s'il

24 y avait une présence d'unités militaires dans cette ville ?

25 R. Il n'y en avait pas à Bijeljina, mais sur la route entre Brcko et

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1 Bijeljina, sur la gauche de la route, il y avait des véhicules de la JNA

2 qui étaient garés. Il y avait des blindés. Il y avait des véhicules de

3 transport de troupes, des véhicules d'infanterie. Il y avait des soldats

4 qui se tenaient juste là. Ils ne se déplaçaient pas, mais ils étaient tous

5 tournés vers Brcko. Cette colonne était une colonne de quelque deux

6 kilomètres de long d'après mes estimations. Dans la ville de Bijeljina, je

7 n'y ai vu aucune troupe. Il y avait la police qui portait un uniforme bleu,

8 certains portaient des uniformes de camouflage, et nous n'avons pas été

9 arrêtés d'ailleurs. Je n'ai eu aucun problème à entrer dans Bijeljina ou

10 pour retourner vers Brcko d'ailleurs.

11 Q. Qu'avez-vous fait à votre retour à Brcko ? Où avez-vous séjourné ?

12 R. J'ai séjourné dans mon appartement.

13 Q. Le lendemain, le lendemain après l'explosion du pont, est-ce qu'il y a

14 eu une communication publique afin d'expliquer ce qui se passait ou ce qui

15 s'était passé à Brcko ?

16 R. Je pense que c'est le 1er mai que la télévision locale de Brcko à

17 présenter une émission. Mustafa Ramic, le président de l'assemblée

18 municipale, est apparu à l'écran. Je pense que le capitaine Petrovic qui

19 s'est présenté comme l'officier de sécurité de la caserne locale, était

20 avec lui. Mustafa Ramic a indiqué qu'au niveau de la municipalité, ils

21 avaient conclu un accord avec la caserne de Brcko, suivant lequel l'armée

22 aurait comme mandat de sécuriser la vie civile dans la ville pendant les 48

23 heures suivantes, parce qu'il y avait des bruits qui circulaient ici et là

24 en ville à propos de l'arrivée de paramilitaires depuis la Serbie en ville.

25 L'armée a accepté d'assurer le contrôle de la vie civile dans la ville.

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1 Cette émission a été interrompue, puis je ne sais plus ce qui s'est passé.

2 Par la suite, radio Brcko a répété un peu la même chose.

3 Q. Un ou deux jours après cette émission, avez-vous pu observer des

4 combats ou des activités militaires à Brcko ?

5 R. Peut-être que le 2 ou le 3 mai, cela s'est passé. Je me trouvais devant

6 mon bâtiment. Il était environ 10 heures du matin. En direction du sud-est,

7 deux avions ont survolé la ville de Brcko. Il s'agissait d'avions de la

8 JNA. Deux ou trois minutes plus tard, ils sont repassés en provenance de la

9 direction opposée. Une fois de plus, ils ont survolé la ville, et tout à

10 coup on a entendu des explosions violentes qui venaient de la direction où

11 ils s'étaient rendus. Je ne sais pas s'il s'agissait de bombardement ou

12 non. Je le suppose. Je ne l'ai pas vu. Je les ai vus seulement lorsqu'ils

13 ont survolé Brcko, et lorsqu'ils sont repassés dans la direction opposée.

14 Q. Le son de l'explosion venait de la direction vers laquelle ils se sont

15 rendus en premier lieu et à partir de laquelle ils sont revenus ?

16 R. Oui, c'est tout à fait exact.

17 Q. Quelle était l'appartenance ethnique du groupe qui résidait dans ce

18 quartier de Brcko ?

19 R. Il s'agit de la commune de Mujkici. Il y avait Gluhakovac, et quelques

20 villages croates. Je suppose que 90 % de la population était musulmane ou

21 croate, pour ne pas dire l'ensemble de la population. Il se peut qu'il y

22 ait eu quelques Serbes. Il y avait très, très peu de Serbes qui vivaient

23 dans cette zone.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez du jour où vous avez finalement été

25 arrêté à Brcko ? Est-ce que vous vous souvenez de quel jour il s'agissait ?

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1 R. Je l'ai répété à maintes reprises, le 27 mai 1992.

2 Q. Entre le 30 avril le jour de l'explosion du pont et le 27 mai, jour de

3 votre arrestation, qu'avez-vous fait à Brcko ?

4 R. Je passais le plus clair de mes jours dans mon appartement. Plusieurs

5 fois, j'ai traversé la rivière Brka pour rendre visite à ma belle famille.

6 La dernière fois que je m'y suis rendu, il s'agissait du 3 mai, le matin.

7 Je suis rentré dans mon appartement vers le 6 ou le 7 mai, avec un de mes

8 voisins. Je me suis rendu au centre de la ville où le marché se trouvait

9 auparavant.

10 Q. Et comment s'appelle cette partie de la ville ?

11 R. Avant la guerre, il s'agissait de la rue Brace Cuskica et il y avait

12 également un centre artisanal que les gens appelaient Stari Grad, la

13 vieille ville.

14 Q. Est-ce que quelque chose, de peu commun, s'est passée ce matin-là, à

15 Stari Grad ?

16 R. Oui, des coups de feu ont éclaté. Au moment où nous entrions dans ce

17 quartier, au moment où nous arrivions près du marché, dans notre dos, il y

18 avait des coups de fusil. Je n'ai pas véritablement vu ce qui se passait

19 mais il y avait des coups de fusil. Et la femme avec qui je me trouvais m'a

20 dit : "Nous devrions nous cacher." Alors, il y avait une femme qu'elle

21 connaissait et elle nous a appelé. Elle se trouvait dans un bâtiment tout

22 près de cet endroit, elle se trouvait dans son appartement à l'étage. C'est

23 ce que nous avons fait. Lorsque nous avons pénétré dans son appartement,

24 j'ai vu la boucherie Bimeks, qui se trouvait en dessous. Les rideaux

25 étaient tirés. Alors, j'ai entendu davantage de coups de fusil. Je me suis

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1 rapproché de la fenêtre. J'ai tiré les rideaux. C'est à ce moment-là que

2 j'ai vu que des personnes étaient exécutées.

3 Q. Je vous interromps une minute. Est-ce que vous pourriez nous dire quel

4 fut le premier groupe de personnes que vous avez vues exécutées ? Où est-ce

5 que cela s'est produit ?

6 R. De l'autre côté de la route, en face de la fenêtre où je me trouvais --

7 M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'il faut être un peu plus

8 circonscrit parce que le témoin a dit qu'il avait vu des personnes qui

9 étaient exécutées, puis M. Hannis a dit : "Quel fut le premier groupe de

10 personnes que vous avez vues exécutées ?" Mais le témoin n'avait pas fait

11 allusion à un nombre de groupes différents. Il a tout simplement dit, de

12 façon générale, que des personnes étaient exécutées. J'inviterais mon

13 estimé confrère à être un peu plus circonscrit et à ne pas diriger le

14 témoin.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] J'essaierai d'être un plus prudent.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes plus ou moins d'accord avec ce

18 qu'il vient de dire ?

19 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez Monsieur

21 Hannis.

22 M. HANNIS : [interprétation]

23 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous pourriez nous dire quelle fut la

24 première chose que vous avez vue en ce qui concerne ces personnes qui

25 étaient exécutées ? Où est-ce que cela s'est passé ?

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1 R. En face de la fenêtre où je me trouvais de l'autre côté de la route.

2 Derrière le café et les restaurants qui se trouvaient juste en face ou

3 juste à ma droite. Sur ma gauche, le long du mur, il y avait un policier

4 qui portait un uniforme bleu qui s'est rapproché des personnes qui se

5 trouvaient le long du mur de ce bâtiment et qui se trouvaient le visage

6 tourné vers le mur et il leur a tiré dessus. Il leur a tiré dans la tête ou

7 dans le dos. Je ne peux pas m'en souvenir. Il y a eu trois épisodes de ce

8 style et je les ai vues trois fois. Et j'ai essayé de décrire cela de façon

9 détaillée dans ma déposition.

10 Q. Et ces trois victimes, s'agissait-il d'hommes ou de femmes ? Etes-vous

11 en mesure de nous le dire ?

12 R. Je suis absolument sûr qu'il s'agissait de trois hommes.

13 Q. Et que portaient-ils ? Est-ce qu'ils portaient des vêtements civils ou

14 des vêtements militaires ?

15 R. Il s'agissait tous de civils.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire, le policier était-il seul et le

17 cas échéant, que portait-il ou que portait-elle ?

18 R. Le policier, qui leur a tiré dans le dos, portait une chemise bleue

19 avec des manches courtes. C'est le genre de chemise que les policiers

20 portaient avant la guerre. Il avait également un pistolet et portait des

21 pantalons bleus. Et les autres, qui tiraient également sur les gens,

22 portaient tous des uniformes de camouflage de la JNA avec des passe-

23 montagnes ou des cagoules sur le visage, des cagoules noires sur le visage.

24 L'un d'entre eux devait être leur commandant et il disait : "Trente de ces

25 gens pour l'un des miens."

Page 422

1 Q. Et où se trouvaient les hommes qui portaient ces uniformes de

2 camouflage par rapport au policier qui a tiré sur ces trois personnes ?

3 R. Ils se trouvaient à quelque 50 mètres de façon directe. Ils se

4 trouvaient dans cette zone d'artisans dans la vielle ville.

5 Q. Et combien y en avait-il environ ?

6 R. Il en avait cinq à six dans le premier groupe et puis un peu plus sur

7 l'élévation ou sur le plateau, il y en avait encore quelque quatre à cinq.

8 Q. Le premier groupe de quatre à cinq dont vous parlez, s'agissait-il de

9 soldats ou de victimes ?

10 R. Les personnes qui se faisaient tuer, c'étaient des civils, c'étaient

11 des victimes. Et les gens qui ont tirés étaient en tenue de camouflage. Ils

12 portaient un passe-montagne.

13 Q. Pourriez-vous dire aux Juges combien de civils ont été abattus par ces

14 hommes, en uniformes de la JNA et en passe-montagnes et combien de soldats

15 il y avait dans ce groupe ?

16 R. Ils étaient une dizaine, répartis en deux groupes. Et ils ont tué de 10

17 à 12 personnes, en plus des trois qui ont été tuées par ce policier en

18 tenue.

19 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, pourriez-nous montrer au

20 témoin la pièce suivante qui porte la cote P3.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 Vous avez adopté la numérotation du Greffe, me semble-t-il. Nous avons reçu

23 copie des documents dont on m'a demandé le versement, surtout les

24 photographies. Ces documents sont assortis, pour chacun d'entre eux, d'une

25 cote donnée par l'Accusation. Si vous donnez cette cote-là, nous saurons

Page 423

1 exactement de quelle pièce il s'agit. Je suppose que vous aimeriez montrer

2 au témoin la pièce 38078. Et comme le dira la Greffière d'audience, je

3 pense, il s'agit de la pièce P3.

4 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. Je vous remercie, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Reconnaissez-vous ce que montre cette photographie ?

9 R. C'est une partie de la ville de Brcko.

10 Q. Est-ce qu'on voit le quartier où il y a eu ces tirs que vous avez

11 décrits ?

12 R. C'est exact. Cette photo vous montre le bâtiment dans lequel je me suis

13 trouvé. Et ce centre d'artisanats de la vieille ville, il se trouve de

14 l'autre côté du bâtiment où moi j'étais. Vous voyez aussi le bâtiment du

15 SUP. Ce nouveau bâtiment, qu'on voit peint en blanc, dont on voit le toit

16 et en face ou en diagonale, il y a un petit parc, il y a un hôtel. Voilà le

17 bâtiment du SUP, le poste de police, le parc. Voilà l'hôtel Posavina. On

18 vient de le voir à l'aide de la flèche et si vous descendez un peu plus

19 bas, davantage s'il vous plaît, voici le bâtiment où moi je me trouvais.

20 C'est l'endroit qu'on voit ici où ces cinq ou six personnes ont été

21 exécutées. Derrière, quand on voit derrière les toits, il y a une espèce

22 d'espace dégagé et c'est là que cinq ou six personnes aussi ont été

23 exécutées. Maintenant remontons un peu à l'aide de la flèche, allons vers

24 la droite, voilà, un peu plus haut, voilà. Ici si on va un peu à droite et

25 si on descend, vous voyez ce bâtiment. C'est là qu'on a dit à ces trois

Page 424

1 hommes de se tourner face au mur et c'est là qu'on leur a tirés dans le

2 dos.

3 Q. Qui a tiré dans le dos de ces hommes ? Pourriez-vous nous le dire une

4 fois de plus ?

5 R. Les policiers, qui étaient en tenue de police avec la chemise à manches

6 courtes, chemise bleue et pantalon bleu.

7 Q. Ce bâtiment du SUP, qu'est-ce que cela veut dire ce sigle ? Pourriez-

8 vous nous le rappeler ?

9 R. C'est le poste de police, cela s'appelait auparavant secrétariat de

10 l'Intérieur de la ville de Brcko. Ici, on remonte tout droit, vous verrez

11 ce document du SUP.

12 Q. Aux fins du dossier de l'audience, je tiens à préciser, est-ce qu'il

13 s'agit bien du bâtiment blanc que l'on voit vers le milieu, partie

14 supérieure de la photographie ?

15 R. Exact.

16 Q. A quel étage vous trouviez-vous, là où vous étiez, dans l'appartement

17 de cet ami de la femme, qui vous accompagnait ? Cela se trouve à quel

18 étage ?

19 R. Je vous l'ai déjà dit : Dans ce bâtiment, il y a ce magasin Bimeks.

20 J'étais soit au premier, soit au second. Quoi qu'il en soit, c'est juste

21 au-dessus de cette boucherie Bimeks et mis à part cet étage-là où j'étais,

22 il n'y en a pas d'autre.

23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges comment se présente le terrain dans ce

24 quartier ? Est-ce qu'on parle d'un endroit plat ? Est-ce qu'il est

25 vallonné ? Est-ce qu'il est pointu ? Est-ce qu'il y a une pente dans un

Page 425

1 sens ou dans l'autre ?

2 R. Orientez-vous face à cette photo. Si on part de l'hôtel Posavina, la

3 route descend vers la rivière Brka. Comment dire, moi l'endroit où j'étais,

4 il était à peu près au milieu de cette pente. Avant la guerre, la rue

5 s'appelait Brace Cuskic, je ne sais pas comment elle s'appelle aujourd'hui.

6 Q. Et depuis l'endroit où vous étiez dans cet appartement, est-ce que vous

7 étiez en mesure de voir, au-dessus de ce bâtiment, l'endroit que vous avez

8 décrit, endroit où le policier a tiré sur ces trois hommes ?

9 R. Tout à fait. Je voyais parfaitement.

10 Q. Je pose les mêmes questions. Pour ces deux groupes de soldats, qui

11 tiraient sur des gens, vous étiez en mesure de bien les voir ?

12 R. C'est eux qui étaient le plus près de moi.

13 Q. Les victimes des tirs de ces soldats portaient-elles des vêtements

14 civils ou étaient-elles en tenue militaire ?

15 R. C'étaient tous des civils.

16 Q. Avez-vous pu déterminer si l'une quelconque des victimes était armée ?

17 R. Je n'ai pas vu d'armes.

18 Q. J'aimerais que soit présenté au témoin -- tout d'abord je vais demander

19 une cote pour la pièce suivante. D'après notre propre cote, il s'agit de la

20 pièce 38.105.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'Accusation,

22 P4.

23 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Madame.

24 Q. Reconnaissez-vous ce que nous montre cette photographie ?

25 R. Oui, vous voyez une partie de l'hôtel Posavina, à droite. Et vous voyez

Page 426

1 que la route descend comme je vous l'ai expliqué. A gauche, vous voyez les

2 premiers magasins qui font partie de ce centre où on trouve des petits

3 commerces, des restaurants, des cafés de la vieille ville.

4 Q. Quel est ce bâtiment qu'on voit à gauche de la photo, c'est un bâtiment

5 assez grand ?

6 R. Avant la guerre, il y avait un casino. Je pense que c'était le casino

7 Knutzen et devant ce casino on avait les locaux du HDZ local, et il y avait

8 aussi le cinéma Oslobodjenje. C'est un peu plus à gauche par rapport à ce

9 commerce que vous voyez sur la photo. Et il y avait aussi un petit salon de

10 coiffure. Là, ce qu'on voit c'est peut-être ce salon de coiffure. L'entrée

11 du casino, c'était juste devant. C'est là aussi que se trouvaient les

12 bureaux du HDZ.

13 Q. Et vous avez décrit le moment où ce policier a tiré sur trois

14 personnes. Pourriez-vous nous dire où cet incident a eu lieu ? Est-ce que

15 cela s'est passé ici à cet endroit ?

16 R. Oui. Cela s'est passé tout près. Si maintenant on tournait à gauche,

17 vous voyez que là, entre ces deux vitrines, il y a un petit sentier qui

18 mène à la rivière Brka et c'est là que cela s'est passé, un peu plus en

19 contrebas, à gauche.

20 Q. Merci.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander la prochaine cote pour la

22 photographie, qui porte notre cote de l'Accusation, 38.106.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'Accusation,

24 P5.

25 M. HANNIS : [interprétation]

Page 427

1 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, Monsieur Gasi, ce qu'on voit sur cette

2 photo ?

3 R. Vous voyez ici maintenant, de façon plus précise, la rue à propos de

4 laquelle vous m'avez posé une question. Vous voyez l'endroit précis où ce

5 policier a tué ces trois personnes. Je ne sais pas si ces personnes ont été

6 tuées sur le coup, mais en tout cas, moi je les ai vues tomber.

7 Q. Ce casino Knutzen que vous aviez mentionné, est-ce qu'on le voit sur

8 cette photo ?

9 R. Non, parce qu'en fait l'angle de vue s'est déplacé. Maintenant on

10 regarde ou on voit la rue qui se trouve entre le bâtiment où se trouvaient

11 le casino et le reste. Si on suivait toute cette route, vous verrez qu'il y

12 a, à un moment donné, au bout, une espèce de mur en béton et il y a une

13 voie d'accès qui conduit à la rivière Brka. Mais il n'est pas possible de

14 le voir ici.

15 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander que le témoin voit la photo

16 suivante. Il s'agit pour nous de la pièce 38.084.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation P6.

18 M. HANNIS : [interprétation]

19 Q. Monsieur Gasi, reconnaissez-vous l'endroit où cette photo a été prise ?

20 R. Oui. C'est l'endroit même que l'on vient de voir à la photo précédence.

21 Sans doute que l'angle de prise de vue est différent, mais c'est de cet

22 incident dont je parlais précédemment.

23 Q. Vous mentionnez un uniforme que portait l'homme qui a un pistolet à la

24 main. Est-ce que c'est bien un uniforme similaire ou semblable à celui que

25 portait le tireur ce jour-là ?

Page 428

1 R. Oui, c'est tout à fait le même.

2 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on présenter au témoin la pièce suivante,

3 38.086.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P7.

5 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Madame.

6 Q. Monsieur Gasi, une fois de plus, je vous demande si c'est cette rue que

7 vous avez décrite, qui passe entre le casino Knutzen, rue où vous avez vu

8 la fusillade des personnes abattues par quelqu'un en uniforme de police.

9 R. Oui. Vous voyez l'espèce de poubelle ou de benne tout au bout. Il y a

10 une espèce de mur en béton, ce n'est pas un mur, une espèce de délimitation

11 en béton entre les deux parties de la rue. Mais cela c'est à cet endroit

12 précis, effectivement.

13 Q. Une dernière photo de cette même série. Il s'agit pour nous de la pièce

14 38 089.

15 M. HANNIS : [interprétation] Quelle sera la cote, Madame la Greffière ?

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P8.

17 M. HANNIS : [interprétation]

18 Q. Est-ce que nous voyons ici le bout de la rue que vous avez décrite

19 auparavant, cette rue qui mène à la rivière Brka?

20 R. On n'est pas au bout, on n'est pas non plus au milieu de la rue.

21 Comment dire ? C'est plutôt vers le milieu de la rue.

22 Q. Ces hommes, ces trois hommes que vous avez vus ce jour-là, le 7 mai, où

23 se trouvaient-ils dans cette rue lorsque vous avez vu qu'on les abattait ?

24 R. Cet homme à droite en train de tirer de l'endroit où il se tient, vous

25 voyez que, à gauche, il y a une fenêtre grillagée. C'est là qu'il leur a

Page 429

1 ordonné de se tenir, face au mur. C'est exactement en cet endroit précis

2 qu'il les a abattus.

3 Q. Je vous remercie.

4 M. HANNIS : [interprétation] Nous en avons terminé de ces photographies.

5 Q. Qu'avez-vous fait, Monsieur Gasi, après avoir été témoin de ces

6 événements qui se déroulaient devant l'appartement de l'ami d'un ami ?

7 R. Je suis resté là jusqu'à 18 heures ou 19 heures, peut-être. La dame qui

8 était avec moi, de mon appartement, de mon immeuble, a réussi à appeler un

9 de ses amis. Il est venu nous chercher à cet appartement. On n'avait pas de

10 liberté de mouvement. Elle avait peur parce que un couvre-feu avait été

11 imposé. Je pense qu'il entrait en vigueur à 20 heures. Personne n'était

12 censé se trouver dans les rues de Brcko passées 8 heures. Je pense que son

13 ami est venu peu de temps auparavant, ou peut-être à 20 heures. Je ne me

14 souviens plus exactement. En tout cas, il commençait à être la nuit. Elle

15 commençait déjà à tomber. Il nous a ramenés à mon immeuble, immeuble que

16 nous n'avons plus quitté. En tout cas, pas jusqu'à l'arrivée des gens de

17 Elektro-Brcko.

18 Q. Quelle est la distance qui sépare le poste de police de ces lieux où il

19 y a eu des exécutions ? Avez-vous une idée approximative de la distance ?

20 R. Une cinquantaine de mètres, peut-être 70, pour être plus précis, à peu

21 près.

22 Q. Entre le 30 avril et le moment de votre arrestation, à savoir, le 27

23 mai, est-ce que vous avez continué de vous rendre au travail ?

24 R. Je vous l'ai déjà dit : Je suis resté dans cet appartement jusqu'au 9

25 ou 10 mai. Je ne me souviens plus exactement. En tout cas, ce matin-là, des

Page 430

1 gens de Elektro-Brcko sont venus, m'ont amené dans leur véhicule. A partir

2 du 9 ou du 10 mai, j'ai passé tout le temps à Elektro-Brcko et j'ai aussi

3 travaillé en ville. Je me servais, pour me déplacer, des véhicules de

4 Elektrodistribucija jusqu'au moment où ils sont venus m'arrêter le 27 mai.

5 Q. Et, au cours de la période allant du 9 ou 10 mai au 27 mai, est-ce que

6 vous dormiez sur votre lieu de travail, à savoir, Elektro-Brcko ?

7 R. Oui, oui. C'est là que je dormais, que je mangeais. Je dormais dans

8 l'entrepôt des pièces techniques avec les autres électriciens qui s'y

9 trouvaient.

10 Q. Pourquoi est-ce que vous avez dormi dans votre lieu de travail ?

11 R. C'est le directeur qui nous a dit que c'était une mission de guerre,

12 c'était une affectation de guerre qui nous avait été donnée. Qu'il fallait

13 être en état d'alerte 24 heures sur 24. Qu'il devait savoir à tout moment,

14 tant qu'étaient en vigueur ces mesures exceptionnelles.

15 Q. Avant votre arrestation, au cours de cette période-là, quand vous

16 alliez en ville pour y travailler, est-ce que vous avez eu l'occasion de

17 voir des cadavres dans la ville de Brcko?

18 R. Le 12 mai 1992, nous avons quitté les bâtiments de Elektrodistribucija

19 et nous nous sommes mis en route en direction du centre de la ville. Il y a

20 l'école élémentaire Jelenka Vockic. En face de l'école élémentaire, il y

21 avait un poste de contrôle installé par la police militaire. C'est la

22 police militaire qui nous a fait nous arrêter. Les policiers militaires ont

23 donné une explication à un des Serbes, un électricien serbe qui était notre

24 chauffeur. Ils ont dit qu'il fallait attendre l'autorisation de quelqu'un

25 de la garnison de la JNA, pour qu'on puisse passer. C'est ce qu'ils nous

Page 431

1 ont dit, en tout cas.

2 Une demi-heure s'est écoulée, à peu près. Après quoi, un véhicule est

3 arrivé, dans lequel se déplaçait avant la guerre, généralement, le

4 commandant de la garnison. Dans ce véhicule, il y avait un capitaine de

5 première classe. Il était de la réserve, mais je le connaissais bien. Il

6 s'appelait Slobodan Mitric, et la voiture était conduite par un soldat. Il

7 est arrivé au poste de contrôle. Ils lui ont parlé. Je l'ai vu depuis la

8 voiture où je me trouvais. Ils se sont approchés du Serbe qui était notre

9 chauffeur pour dire que nous pouvions poursuivre notre chemin jusqu'à

10 l'hôtel Galeb. Lorsque nous sommes arrivés aux abords de l'hôtel, nous

11 avons vu qu'il y avait un parking devant l'hôtel Galeb, ainsi qu'un grand

12 magasin. On était censé de tourner à gauche pour passer par le centre-

13 ville, mais l'homme qui conduisait la voiture -- en fait, à droite de ce

14 parking, il y avait des bennes à ordures, et là j'ai vu des bras, des

15 membres de cadavres qui dépassaient de ces bennes. A côté de ces bennes, il

16 y avait trois ou quatre cadavres qui gisaient. C'étaient des personnes en

17 vêtements civils.

18 Devant l'hôtel Galeb, se trouvaient des hommes assis en tenue militaire

19 vert olive. Ils avaient, sans doute, pris des chaises à l'hôtel et ils

20 étaient assis devant celui-ci. Nous avons tourné à gauche et c'est cette

21 image qui est restée gravée dans mon esprit. Après cela, nous sommes partis

22 en direction du centre médical. Nous étions censés faire des réparations.

23 Je ne sais pas lesquelles exactement, à cet endroit.

24 Q. Cette benne à ordures, elle était grande cette benne d'où vous avez vu

25 dépasser des parties de cadavres ?

Page 432

1 R. C'étaient des conteneurs. C'est là que se trouvaient ces bennes. Ils

2 font trois, quatre au maximum cinq mètres cubes de déchets, d'ordures

3 ménagères. Il y avait aussi des véhicules de la localité. Ce sont les

4 éboueurs qui, en général, vont vider ces conteneurs. On les trouve encore

5 aujourd'hui ces conteneurs, ces bennes dans Brcko.

6 Q. Ces hommes en uniforme, à quelle distance se trouvaient-ils de ces

7 bennes et des cadavres que vous avez vus ?

8 R. Une vingtaine de mètres, je dirais.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je demanderais la cote suivante pour la

10 photographie portant la numérotation de l'Accusation 38.059.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P9.

12 M. HANNIS : [interprétation]

13 Q. Monsieur Gasi, vous venez de parler d'un quartier d'une partie de la

14 ville, la voit-on maintenant à l'écran ?

15 R. Oui, vous voyez le centre culturel, la salle des Partizan, et une

16 partie de l'hôtel Galeb. Là où se trouvait la flèche, ce n'est pas le

17 parking. Il était plutôt en contrebas devant l'hôtel Galeb, mais on ne le

18 voit pas sur cette photo. On voit ici ce centre culturel ou maison de la

19 culture. Si on descendait, vous verrez qu'il y en a un autre parking devant

20 l'hôtel Galeb, mais on ne le voit pas sur cette photo. On ne voit qu'une

21 partie de l'hôtel Galeb, la salle des sports des Partizan. L'hôtel Galeb

22 ai-je dit la maison de la culture, si on va vers la droite, voilà. Voilà la

23 maison de la culture ici. La flèche l'indique maintenant.

24 Q. Dans le coin inférieur droit, on voit un bâtiment blanc. Le connaissez-

25 vous ?

Page 433

1 R. Je pense que c'est l'hôtel Galeb. Je ne sais pas comment elle s'appelle

2 aujourd'hui de nos jours, mais avant la guerre il s'appelait l'hôtel Galeb.

3 Q. Cette salle des sports des Partizan, si on longe cette rue, on y arrive

4 tout de suite après.

5 R. Oui. Tout à fait. Le voilà. C'est celui que la flèche indique

6 maintenant.

7 Q. Merci. Vous étiez chargé de faire des travaux du 10 au 27 mai. Est-ce

8 que vous vous souvenez d'une journée où vous étiez tout en haut d'un poteau

9 très haut, et vous avez vu quelque chose d'inhabituel dans les champs, ou

10 dans un champ, plus exactement, non loin de cette usine où ferme Bimeks ?

11 R. Ce n'était pas un poteau. C'était un pilonne qui faisait à peu près une

12 vingtaine de mètres. On était censé remplacer un des éléments pour

13 l'isolement sur un de ces pilonnes. Cela se trouve sur le polygone de tirs

14 de l'armée, c'est au milieu. Il y a aussi un petit ruisseau non loin de ce

15 poteau faisant partie du transformateur du groupe électrogène. J'avais été

16 chargé de grimper du haut. J'ai vu un camion de marque TAM, de couleur

17 blanche de Bimeks. Il était garé devant une espèce de trou et des gens

18 étaient en train de décharger des corps humains qu'ils jetaient dans cette

19 fosse.

20 Q. Pourriez-vous nous dire, tout d'abord, ce que représentait Bimeks à

21 Brcko à l'époque ? Qu'est-ce que c'était ?

22 R. C'était un abattoir, mais aussi une usine de transformation de viande.

23 On abattait les porcs, les vaches et puis on transformait ces produits. On

24 ne les distribuait pas seulement à Brcko, dans toute la Bosnie, aussi dans

25 toute la Yougoslavie.

Page 434

1 Q. Ceci se passait à quelle distance de l'endroit où vous étiez au haut de

2 ce pilonne ? Auriez-vous une idée approximative de la distance ?

3 R. Cent à 150 mètres maximum.

4 Q. De là, où vous étiez, avez-vous pu déterminer ce que portaient les

5 cadavres en guise de vêtements ?

6 R. Oui. Oui. Je l'ai vu.

7 Q. Quels étaient ces vêtements ?

8 R. C'étaient tous des civils.

9 Q. Avez-vous pu déterminer ce que portaient les hommes qui sortaient les

10 cadavres qu'ils jetaient dans cette fosse ? Quel genre de vêtements

11 portaient-ils ?

12 R. Ils étaient en tenue de camouflage, l'uniforme de la JNA vert olive.

13 Q. Vous souvenez-vous du nombre de soldats qui déchargeaient ces corps ?

14 R. Moi. J'en ai vu deux.

15 Q. Mise à part ces deux hommes qui déchargeaient le camion, y avait-il

16 d'autres personnes aux alentours ?

17 R. Je n'ai vu personne d'autre.

18 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres véhicules, d'autres engins autour de

19 cette fosse ?

20 R. Il y avait un bulldozer, un engin de terrassement.

21 M. HANNIS : [interprétation] Pourrais-je obtenir une cote pour la

22 photographie suivante pour nous. Il s'agissait de la photo 38.081.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P10.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Monsieur Gasi, reconnaissez-vous l'endroit qui est représenté sur cette

Page 435

1 photographie ?

2 R. Oui, je le reconnais. Je sais exactement où ceci se trouve.

3 Q. Pouvez-vous dire aux Juges quel est cet endroit ?

4 R. Quand on se rend à pied vers Elektrodistribucija, quand vous allez vers

5 Bijeljina, il y a une station à essence qui s'appelle Mistrafovici. Plutôt

6 que de tourner à droite, vous tournez vers la ferme à bétails. Et 300

7 mètres plus loin, il y a une clôture qui entoure une entreprise qui était

8 supposée être transférée de cette zone à ailleurs. Ceci était l'enceinte du

9 centre de tir de la JNA, et ceci se trouve juste derrière cette clôture.

10 Q. Est-ce que cette fosse se trouve dans l'endroit que vous avez décrit

11 quand vous étiez perché sur votre pilonne ?

12 R. Non, ceci n'est pas le même endroit. Cette fosse se trouvait à une

13 centaine de mètres de l'endroit illustré sur la photographie.

14 Q. Pouvez-vous dire aux Juges ce qui vous permet de faire la distinction ?

15 R. J'avais déjà vu ces photographies, et si vous regardez sur la gauche,

16 la gauche de l'excavatrice, vous voyez déjà cette clôture et cet éclairage.

17 C'est le seul endroit où l'on trouve ce genre d'enceinte ou de clôture et

18 d'éclairage. C'est pour cela que j'ai reconnu qu'il s'agissait ici du

19 centre de tirs de la JNA. J'ai déjà vu un agrandissement de cette

20 photographie. Je ne sais plus si c'était lors de ma déclaration, de ma

21 déposition ou à un autre moment. De toute façon, j'ai vu cette photo

22 agrandie, peut-être d'un angle différent. C'est pour cela que j'ai pu la

23 reconnaître.

24 Q. Dans cette photo, est-ce que vous voyez une partie du camion Bimeks que

25 vous décriviez ou un camion qui ressemble à celui que vous décriviez ?

Page 436

1 R. C'est le même type de camions que l'on voit dans le coin supérieur

2 droit, c'est-à-dire, TAM blanc qui portait inscription dessus "Bimeks."

3 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on avoir la pièce suivante, s'il vous

4 plaît.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, puis-je poser une

6 question ? Pouvez-vous demander au témoin, peut-être, à examiner une partie

7 de la photographie qui vient d'être agrandie, où il y a l'éclairage, pour

8 indiquer où exactement il voit la clôture. J'ai mal à suivre.

9 M. HANNIS : [interprétation]

10 Q. Pouvez-vous faire ceci --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous agrandir la photographie ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Nous allons essayer de le faire.

13 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous avez entendu la question ? Pouvez-vous

14 indiquer où se trouve la clôture sur la photographie ?

15 R. Oui. Si vous regardez cette photographie de près, vous pouvez voir une

16 clôture qui est couverte de végétation, mais vous la voyez néanmoins. Peut-

17 être qu'on pourrait avoir une distance de 100 ou 200 mètres, à chaque

18 intervalle de 100 ou de 200 mètres, il y a un poteau de réverbère. C'est

19 mon entreprise qui les a installés.

20 Q. Pouvez-vous nous dire quel type de clôture il s'agit ? Est-ce qu'il

21 s'agit d'une clôture métallique ?

22 R. Il s'agit d'une clôture métallique qui a été faite sur commande. Je

23 crois qu'il y a une base de béton sur laquelle la clôture a été montée et

24 assemblée. A tous les 100 à 200 mètres, il y avait un réverbère d'installé.

25 Ces réverbères font, en fait, partie de la construction de la clôture.

Page 437

1 Elles sont intégrées.

2 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons une copie

3 papier de la photographie. Je ne sais pas si les choses apparaîtront plus

4 clairement sur une copie papier.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci beaucoup. La Greffière nous a

6 soumis une copie du même document. Nous venons de l'examiner et ce ne sera

7 pas nécessaire. Alors si nous voulons jeter un coup d'œil à la copie

8 papier, nous le demanderons simplement à la Greffière. Ceci nous évitera de

9 refaire encore une photocopie en couleur de la pièce originale. Alors,

10 veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

11 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, est-ce

12 que l'on peut donner une cote à la pièce suivante et la montrer au témoin,

13 s'il vous plaît.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P10, référence à

15 l'Accusation 38.082.

16 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que ce ne serait pas le

17 numéro 11 ?

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, P11. Je vous demande de m'excuser.

19 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

20 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous voir cette photographie et nous dire ce

21 qu'elle représente ?

22 R. C'est une photographie du même endroit. Tout est pareil. Peut-être que

23 l'angle de prise de vue est différente mais le lieu représenté est le même.

24 Q. Pouvez-vous voir la clôture plus clairement sur cette photographie ?

25 R. Oui. Je la voyais déjà bien sur la photographie précédente mais on la

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1 voit très clairement sur cette photographie-ci. Oui, il s'agit de la même

2 clôture.

3 Q. Merci.

4 M. HANNIS : [interprétation] Nous pouvons enlever cette pièce et je vais

5 passer à un autre sujet.

6 Q. Monsieur Gasi, vous nous avez dit que vous avez été arrêté le 27 mai

7 1992. Pouvez-vous nous dire où on vous a arrêté et qui vous a arrêté ?

8 R. Le 27 mai, vers 9 heures du matin environ, une camionnette rouge s'est

9 arrêtée devant la grille d'Elektrodistribucija. Deux officiers de police

10 sont sortis de la camionnette. Je les connaissais tous les deux. Ils

11 portaient leurs uniformes de police. L'un était Dragan Pantelic, et l'autre

12 c'était Radivoje Knezevic. Ils sont entrés là où j'étais ou dans le lieu où

13 le directeur dormait. Ensuite, ils m'ont approché. Ils m'ont appelé par mon

14 nom. Ils m'ont dit que j'étais obligé de les suivre. Le directeur leur a

15 demandé où il m'emmenait. Ils ont répondu : Cela ne vous regarde pas. Si

16 quelqu'un demande, dites leur simplement que la police l'a emmené.

17 Ensuite, ils m'ont poussé. Ils m'ont forcé à entrer à l'arrière de la

18 camionnette. Ils m'ont conduit en ville au poste de police qui s'appelle le

19 SUP.

20 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.

21 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi. Peut-on demander au témoin

22 d'examiner la pièce suivante. Il s'agit de la cote 38.095.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P12.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous dire à la Cour ce que l'on aperçoit sur la

Page 439

1 photographie P12 ?

2 R. Il s'agit du SUP, du poste de police à Brcko. C'est l'entrée qui

3 apparaît ici.

4 Q. Combien de temps vous a-t-on gardé au poste de police après que les

5 deux hommes vous y aient emmené ?

6 R. Ils m'ont poussé dans une pièce qui se trouve sur la droite de ce

7 bâtiment. Il n'y avait pas de lumière. Ils m'ont simplement fait entrer

8 dans la pièce. Plus tard, j'ai remarqué qu'il y avait deux personnes qui

9 étaient déjà dans cette pièce. J'y suis resté pendant 40 minutes à une

10 heure. Ils ne m'ont pas frappé. Personne ne m'a fait quoi que ce soit. Plus

11 tard, on est venu me chercher et on m'a fait sortir de cette pièce.

12 Q. Connaissiez-vous les deux autres personnes qui se trouvaient dans cette

13 pièce ?

14 R. Oui, je les connaissais bien. Je ne les ai pas reconnues immédiatement,

15 mais je les connaissais.

16 Q. Sans les nommer, pouvez-vous dire quelle était l'appartenance ethnique

17 de ces deux personnes ?

18 R. L'une de ces deux personnes était Musulmane, de confession musulmane,

19 et l'autre était un Serbe d'appartenance ethnique mixte. C'était un Serbe

20 local qui avait déjà été accusé de quelques méfaits, un petit criminel.

21 J'ai discuté un petit peu avec ces deux personnes.

22 Q. Quand on vous a pris et qu'on vous a retiré de cette pièce, qui vous a

23 pris ?

24 R. Un Serbe local que je connaissais qui portait un uniforme de la JNA

25 sans le béret. Il est venu à la porte, a frappé à la porte et a dit :

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1 "Gasi, suis-moi." Il s'appelait Pera. C'est ce qu'on l'appelait du moins.

2 C'est le nom qu'on lui donnait. Lui, il avait ma carte d'identité dans la

3 main, et il y avait un autre homme avec lui qui portait une tenue de

4 camouflage. Il avait un accent serbe. Cet homme-là a dit : "Est-ce qu'on

5 doit l'attacher ?" Et l'autre a dit : "Non, c'est un type bien, ne fais pas

6 ça." Alors, on m'a mis dans un pick-up et on a quitté le SUP et le

7 bâtiment. J'ai demandé à Pera : "Pera, où allons-nous et où est-ce que vous

8 m'emmenez ?" Il m'a répondu : "Nous t'emmenons au port à Luka." C'est où

9 ils m'ont emmené et Pera portait un pistolet automatique.

10 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de famille de Pera ?

11 R. Je crois que c'est quelque chose comme Bozic. Je ne me souviens pas

12 exactement de son nom de famille, mais je connais le type. Je le connais

13 bien.

14 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Microphone, s'il vous plaît.

15 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce suivante,

16 s'il vous plaît, qui porte la cote 68.093.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P13.

18 M. HANNIS : [interprétation]

19 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous nous dire quel est ce bâtiment ?

20 R. C'est l'hôtel Posavina. Vous pouvez voir aussi le coin de l'ancien

21 bâtiment de la municipalité. C'est une rue qui mène vers l'ancien cinéma

22 Radnik. En tout état de cause, ceci est l'hôtel Posavina, à Brcko.

23 Q. Par rapport au poste de police, est-ce que ce bâtiment en est très

24 éloigné ?

25 R. C'est à environ 50 à 70 mètres, peut-être même à 100 mètres d'après mon

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1 estimation. Cela dépend vraiment de l'angle, du point de vue.

2 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on avoir la pièce suivante, qui porte la

3 cote 38.072.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce de l'Accusation P14.

5 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

6 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous dire au Tribunal ce qui est représenté sur

7 cette photo ?

8 R. Des hangars. Ce sont les hangars du port de Brcko du port fluvial de

9 Brcko sur la rivière Save. Ce sont des hangars, des entrepôts.

10 Q. Quel est le nom de cet endroit ?

11 R. Brcko avait un port qui s'appelait Luka. Luka en fait, veut dire port.

12 M. HANNIS : [interprétation] Pouvons-nous avoir la pièce suivante, s'il

13 vous plaît, qui porte la cote 38.083 ?

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de l'Accusation P15.

15 M. HANNIS : [interprétation]

16 Q. Est-ce que vous reconnaissez ceci, Monsieur ?

17 R. Oui. Ceci est l'entrée, l'entrée vers la zone nommée Luka.

18 Q. Combien de temps avez-vous resté à Luka, après y avoir été amené le 27

19 mai ?

20 R. Jusqu'au 7 juillet 1992, exactement.

21 M. HANNIS : [interprétation] Pouvons-nous avoir la pièce suivante, 38.090.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P16.

23 M. HANNIS : [interprétation]

24 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous nous dire ce qui est représenté sur cette

25 photo ?

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1 R. C'est une photo des hangars où je me trouvais. Le premier était vide

2 quand je suis arrivé. J'étais dans le deuxième hangar, un petit peu plus à

3 droite. Le premier que vous avez montré il y a un petit moment, était

4 complètement vide. J'ai été mis dans les deux, en fait.

5 Q. Quand vous êtes arrivé à Luka, où vous a-t-on amené ?

6 R. De l'autre côté de la route, il y a des bâtiments préfabriqués, où se

7 trouvent les bureaux administratifs pour les ouvriers qui travaillaient à

8 Luka avant la guerre. Un policier du poste de police de Brcko m'y a amené.

9 Il y avait un type qui s'appelait Pudic qui m'attendait. Il m'a frappé avec

10 un pistolet, il m'a frappé à la tête. Il m'a amené dans le premier bureau

11 sur la droite. Quand je suis rentré dans le bureau, il y avait quatre

12 personnes qui étaient là, en plus de Pudic qui était derrière moi. Il m'a

13 poussé pour entrer dans le bureau. J'ai dit : "Bonjour." Un homme avec une

14 barbe s'est levé. Il tenait quelque chose qui ressemblait à un tuyau de

15 pompier avec lequel il voulait me frapper. Ensuite, il a changé d'avis. Il

16 m'a dit : ?Est-ce que tu peux me saluer à la manière serbe ?? J'ai dit :

17 "Oui, je peux.? J'ai répondu : "Que Dieu vous aide, mes frères.? Il m'a

18 répondu : "La même chose pour toi, et tu peux aller te faire foutre.? Je me

19 suis assis sur le banc, et l'un d'eux m'a demandé : ?Où étais-tu en 1992 ?"

20 Je ne sais pas pourquoi il me demandait cette question. Dans ce même

21 bureau, sur la gauche, il y avait un type qui était assis, qui était un ami

22 du club d'aviron. C'était un officier d'active de la JNA, qui était un

23 militaire, qui était en poste à Split. Il portait également un uniforme, il

24 s'est tourné vers moi et il m'a dit, plutôt il a dit aux autres : ?Ne le

25 maltraitez pas. Ne maltraitez pas cet homme. Je le connais bien. Il est

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1 originaire de Brcko. C'est un athlète yougoslave très connu." Quand il leur

2 a dit cela, les autres se sont calmés. L'un d'eux a dit à Pudic: "Pudic,

3 amenez-le vers le premier hangar et ne le touchez plus. Pudic m'a amené

4 vers le premier hangar que vous voyez devant vous, qui était vide. Quand il

5 m'a mis dans le hangar, derrière la porte, il y avait une chaise. Il m'a

6 dit : ?Assieds-toi sur cette chaise et ne bouge plus.? Je me suis assis sur

7 cette chaise. J'ai attendu. Quelques 40 minutes plus tard, Pudic est

8 réapparu. Il a dit la chose suivante : ?Bien. Va de l'autre côté du

9 hangar.?

10 Ces hangars ont une séparation au milieu, une séparation métallique percée

11 d'une porte. Je suis passé vers par cette porte. Il y avait des gens de

12 l'autre côté qui étaient allongés à même le sol, sur le sol. Certains

13 étaient allongés sur du carton. Des deux côtés du hangar, il y avait des

14 gens qui étaient prostrés sur le sol.

15 Q. Puis-je vous arrêter, Monsieur Gasi. Vous avez mentionné Pudic qui vous

16 a frappé quand vous êtes arrivé dans ces bureaux. Est-ce que vous

17 connaissez son prénom ?

18 R. Je ne me souviens pas exactement, mais je sais qu'il s'appelait Pudic,

19 son nom de famille était Pudic. Avant la guerre, il faisait partie de la

20 force de police. Il me semble qu'il appartient encore à ce même poste de

21 police. Je peux me tromper en vous donnant certains des noms, mais je

22 connais ces hommes très bien.

23 Q. Est-ce qu'il portait un uniforme à cette occasion ?

24 R. Il portait un uniforme de police. Il ne portait pas un uniforme de la

25 JNA. Il portait un uniforme bleu de la police, comme ceux que les policiers

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1 portaient avant la guerre. Voilà l'uniforme qu'il portait.

2 Q. Pouvez-vous nous dire quel était le nom de l'officier de la JNA qui se

3 trouvait dans les bureaux ?

4 R. Je peux vous le dire. Si la Chambre de première instance est d'accord,

5 je préfère ne pas citer son nom. Si le Tribunal insiste, je peux vous

6 répondre. Je préfère ne pas le donner, parce que je connais cet homme très

7 bien, je connais son nom.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il est important pour

9 l'Accusation d'entendre ce nom.

10 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel,

11 s'il vous plaît ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On va passer à huis clos partiel,

13 s'il vous plaît.

14 [Audience à huis clos partiel]

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23 [Audience publique]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gasi, nous allons prendre une

25 pause. Nous allons faire une pause pendant 15 minutes, et nous allons

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1 reprendre à 17 heures 50.

2 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

3 --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gasi, pendant la pause, notre

5 attention a été attirée sur la qualité du son. Si vous avez d'autres

6 problèmes, n'hésitez pas à nous le dire. Je ne pense pas que cela deviendra

7 parfait, mais je voulais juste vous indiquer que nous sommes tout à fait

8 conscients de la situation.

9 J'aimerais indiquer aux parties que les cinq dernières minutes de

10 l'audience d'aujourd'hui feront l'objet de quelques questions de procédure

11 qui ne sont pas très importantes d'ailleurs.

12 Mais, je vous en prie, Monsieur Hannis, poursuivez.

13 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 J'aimerais vous demander de prendre la prochaine pièce à conviction, P17,

15 si telle est la cote qui lui sera attribuée, pour 38.092.

16 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la photo que

17 vous voyez à l'écran maintenant ?

18 R. Vous pouvez voir le bâtiment qui se trouve à la droite. C'est là où se

19 trouvaient les officiers lorsque je me suis rendu à l'interrogatoire -- aux

20 interrogations et, de l'autre côté, il s'agit du hangar où je me trouvais.

21 Q. Le bureau où vous avez été amené la première fois lorsque vous êtes

22 arrivé à Luka, est-ce qu'il figure sur cette photo ?

23 R. Oui, vous pouvez le voir.

24 Q. De quel côté se trouve-t-il ?

25 R. Vous pouvez voir deux fenêtres sur la droite de la photo et puis

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1 ensuite, si vous continuez, vous pouvez voir une entrée qui se trouve à la

2 droite. Il s'agit de la porte. C'est la première partie du bureau et, si

3 vous continuez en ligne droite, je pense qu'il y a encore deux autres

4 entrées.

5 Q. Vous nous avez dit que lorsque vous avez été amené dans ce bureau,

6 Pudic vous a frappé, et il y avait cet officier de la JNA. Et quelles

7 étaient les autres personnes qui se trouvaient dans le bureau lorsque vous

8 y êtes entré et est-ce que ces personnes portaient un uniforme ?

9 R. Dans le bureau, sur la droite, il y avait deux hommes à l'intérieur qui

10 étaient assis sur des chaises. Ils portaient des uniformes de camouflage.

11 L'un d'entre eux portait la barbe et il avait un insigne cocarde sur la

12 gauche, c'était un insigne en métal, un insigne métallique qu'il portait.

13 Lorsque je suis entré dans le bureau, il y avait deux autres hommes assis à

14 l'intérieur; l'un se trouvait assis en face de moi directement, c'était un

15 homme plus jeune. C'était un lieutenant. Il ne portait pas d'uniforme de

16 camouflage, mais il portait un uniforme couleur vert olive. Et l'autre

17 homme portait également un uniforme vert olive. Et comme je vous l'ai dit,

18 il y avait également ce capitaine que je connaissais personnellement et qui

19 se trouvait assis sur la gauche.

20 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu'est cet insigne cocarde ? De quoi cela a

21 l'air et qu'est-ce que cela représente pour vous ?

22 R. Il s'agit -- je le sais -- je l'ai appris dans mes cours d'histoire,

23 c'est l'insigne que les Chetniks serbes portaient pendant la Première et la

24 Deuxième guerre mondiale. Cet insigne a été porté plus tard par les

25 personnes qui appartenaient au Parti radical serbe.

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1 Q. Avant la pause, je pense que vous nous avez dit qu'au départ ils vous

2 ont placé dans le premier hangar puis, par la suite, ils vous ont déplacé

3 vers le deuxième hangar où se trouvaient d'autres personnes. Pourriez-vous

4 nous dire combien de personnes se trouvaient dans le deuxième hangar ?

5 R. Le premier jour, lorsque je suis arrivé, il y avait environ quelques

6 200 personnes et, pendant tout le temps où je suis resté dans ce hangar,

7 pendant les dix à onze jours où j'y suis resté, je les ai comptés moi-même.

8 Parfois, je comptais 100 personnes, 120, parfois 170 hommes. Parfois, un

9 groupe partait. Ils allaient travailler quelque part et puis ils ne

10 revenaient pas. D'autres cinq à six personnes arrivaient pendant la

11 journée. Je les ajoutais au nombre de personnes qu'il y avait déjà. Il y

12 avait toujours quelques 100, 120, 170, parfois jusqu'à 200 personnes qui se

13 trouvaient là. Parfois, je les ai comptées et parfois, d'autres fois, je ne

14 les ai pas comptées.

15 Q. Pourriez-vous dire au Tribunal quelles étaient les conditions qui

16 prévalaient dans le hangar où vous avez été gardé avec ces autres

17 personnes ?

18 R. Toutes ces personnes étaient allongées sur des cartons. Certains

19 étaient allongés à même le sol, certains sur leurs propres vêtements. Moi,

20 je me suis allongé sur des boites en carton. La plupart du temps -- lorsque

21 je suis entré dans le hangar, la plupart des personnes étaient assises ou

22 allongées.

23 Q. Quelle était approximativement la taille de ce hangar où vous vous

24 trouviez avec ces personnes ?

25 R. Je ne sais pas. Je sais que j'ai parcouru ce hangar en long et en large

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1 bien des fois. Peut-être qu'il avait 35 à 40 mètres de largeur sur 70

2 mètres de longueur. Il y avait des portes qui séparaient les deux hangars.

3 J'ai marché un peu partout et je pense qu'il s'agissait de 35 à 40 mètres

4 de large sur 50 mètres de long.

5 Q. Pourriez-vous nous parler des personnes qui s'y trouvaient ? Est-ce

6 qu'il s'agissait d'hommes, de femmes, d'enfants ?

7 R. Il s'agissait d'hommes. Il y avait seulement une femme, et son fils

8 était avec elle. C'était une femme qui souffrait d'un handicap mental. Elle

9 venait de Brcko. Je la connaissais d'avant la guerre et, lorsque je suis

10 arrivé dans le hangar, elle s'y trouvait, le 27 mai. Je pense que deux

11 jours après, elle a été libérée avec son fils. Je ne sais pas où elle a été

12 emmenée. Je ne sais pas si elle a survécu ou non. Je ne suis pas en mesure

13 de vous le dire mais je peux vous dire que, lorsque je suis arrivé dans le

14 hangar, elle s'y trouvait pendant un à deux jours, et c'est la seule femme

15 que j'ai vue dans le hangar.

16 Q. Avez-vous vu d'autres femmes à Luka et non dans le hangar, mais à

17 Luka ?

18 R. L'une des femmes venait du bâtiment où se trouvaient les officiers.

19 Elle venait très souvent accompagnée de soldats. Elle entrait dans le

20 hangar. Je ne sais pas pourquoi elle le faisait. Une fois, ils l'ont

21 emmenée pour voir si elle connaissait des gens, mais je la connaissais. Je

22 l'avais déjà vue auparavant. Même, plus tard, j'ai eu la possibilité de lui

23 parler. Elle disait qu'elle dormait dans ces bureaux, ces bureaux étaient

24 fermés. Elle a mentionné quelques cinq à six autres femmes.

25 A une autre reprise, il y a une autre femme qui est arrivée dans le hangar

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1 avec Kole, avec Simeunovic et Jelisic. Je pense qu'elle y est arrivée ou

2 qu'elle est venue deux fois avec lui pendant tout le temps que je m'y suis

3 trouvé.

4 Q. La première femme dont vous avez parlé, non pas celle qui s'appelle

5 Monika, mais l'autre, quelle était l'appartenance ethnique de cette

6 personne ?

7 R. Je la connaissais très bien parce que son ex-mari faisait de l'aviron

8 avec moi à l'un des clubs. Je la connaissais. Elle était croate. Elle

9 s'appelait Ruzica, et je pense qu'elle vivait à Gunja de l'autre côté du

10 pont de la rivière ou du fleuve Save.

11 Q. Et les hommes qui se trouvaient dans le hangar avec vous, est-ce que

12 vous savez quelle était leur appartenance ethnique ?

13 R. A l'époque où je m'y trouvais, je pense que 90 % des personnes étaient

14 Musulmans. Il y avait également quelques Croates et il y avait des gens

15 comme moi. Ils nous appelaient des Siptars puisque j'étais d'origine

16 albanaise. Peu importe que je fusse né là-bas, j'appartenais à ce groupe de

17 Siptars. Puis, il y avait également trois ou quatre personnes qui étaient

18 d'origine kosovar, comme moi. La plupart des personnes qui s'y trouvaient

19 étaient Musulmans. Il y avait également quelques Albanais et des Siptars

20 comme ils nous appellent.

21 Q. Est-ce que le mot "Siptars" est un mot péjoratif pour désigner les

22 Albanais ?

23 R. Oui, c'est le mot qu'ils utilisaient. Toutefois, en langue albanaise,

24 l'Albanie s'appelle Shqiptrie. Je suppose qu'ils ont converti ce terme

25 historique en un terme péjoratif.

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1 Q. Les hommes qui se trouvaient là, étaient-ils des soldats ou est-ce

2 qu'ils portaient l'uniforme ?

3 R. Toutes les personnes que j'ai vues à cette époque-là à Luka portaient

4 des vêtements civils. Il y avait un ou deux hommes qui portaient des

5 pyjamas également. Je ne sais pas comment il se fait qu'ils portaient des

6 pyjamas, mais le fait est qu'il y avait quelques hommes qui portaient des

7 pyjamas.

8 Q. Est-ce que vous connaissiez certaines de ces personnes ou beaucoup

9 parmi ces personnes ?

10 R. Oui, quasiment la plupart de ces personnes.

11 Q. D'où venaient-elles ?

12 R. Quasiment la plupart de ces hommes venaient de Brcko.

13 Q. Quel était l'âge de ces hommes qui se trouvaient dans le hangar ?

14 R. La femme, qui était la seule femme lorsque j'y suis arrivé, la femme

15 qui se trouvait avec son fils qui avait entre 15 et 17 ans. Il y avait un

16 autre jeune homme qui était avec son père, et je pense qu'il avait environ

17 15 ans. Les autres hommes avaient des âges compris entre 20 ans et allant

18 jusqu'à 70, voir 75 ans. Alors, il y avait des hommes plus âgés. Il y en

19 avait quelques quatre à cinq. La plupart, étant des personnes qui avaient

20 la quarantaine, la cinquantaine ou la trentaine. Certains avaient 25 ans ou

21 20 ans.

22 Q. Pendant le temps où vous vous êtes trouvé là, à partir du moment de

23 votre arrestation, combien de jours avez-vous passé dans cet endroit ?

24 R. Si je ne m'abuse, je pense que j'ai passé dix à onze jours.

25 Q. Est-ce que vous vous souvenez du jour de votre libération ?

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1 R. Oui, je m'en souviens très, très bien. C'était le 7 juin 1992.

2 Q. Pendant que vous y trouviez, est-ce que vous et les autres hommes qui

3 se trouvaient dans le hangar avez eu la possibilité de quitter le hangar et

4 de se déplacer librement ?

5 R. Je n'ai pas entendu la traduction, mais je crois avoir compris votre

6 question.

7 L'INTERPRÈTE : Monsieur Hannis, pourriez-vous brancher votre micro ?

8 M. HANNIS : [interprétation] Je m'excuse. Je vais répéter la question.

9 Q. Est-ce que vous-même ou les autres hommes avez eu la possibilité de

10 quitter le hangar et de vous déplacer librement dans Luka ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce que vous étiez enfermés dans les hangars ?

13 R. Nous nous trouvions dans le hangar. Seul le premier hangar avait une

14 porte métallique qui était ouverte, entrouverte, entre 50 et 70 centimètres

15 d'ouverture. Vous pouviez toujours aller respirer dehors. Mais pour les

16 personnes qui se trouvaient dans le deuxième hangar, si vous vouliez sortir

17 et avoir une bouffée d'air, il fallait, dans un premier temps, se rendre

18 dans le premier hangar et, ensuite, essayer de se faufiler par cette

19 ouverture. A l'extérieur de la porte, il y avait un homme, un soldat, qui

20 portait un uniforme de la JNA. A chaque fois que nous devions sortir, nous

21 devions lui demander si nous pouvions nous rendre aux toilettes ou aller

22 boire un peu d'eau. Il nous laissait partir pendant deux à trois minutes.

23 De toute façon, il vérifiait tout le temps combien de temps nous restions

24 dans les toilettes ou les salles de bain. Il y avait deux toilettes et deux

25 salles de bain. Nous mangions à l'intérieur, nous buvions à l'intérieur.

Page 454

1 Nous dormions à l'intérieur.

2 Q. Est-ce que le soldat qui montait la garde auprès de vous était armé ?

3 R. Oui. Ils étaient toujours armés. Ils avaient toujours des armes

4 automatiques ou des fusils semi-automatiques.

5 Q. Est-ce que vous connaissiez certains de ces hommes qui portaient

6 l'uniforme de la JNA et qui portaient des armes ? Est-ce qu'il s'agissait

7 de Serbes locaux ?

8 R. Certains étaient des locaux. Nous avons pu établir un contact avec la

9 plupart de ces hommes. Ils entraient dans le hangar, nous leur parlions.

10 J'en connaissais certains. Certains étaient des Serbes de Brcko. Parfois,

11 lorsqu'il y avait un changement de service, parfois, ils venaient de

12 Bijeljina ou des villages avoisinants Bijeljina. Parfois, s'ils étaient

13 sympathiques, nous arrivions quand même à établir un certain contact avec

14 eux.

15 Q. En sus des hommes à uniforme de la JNA qui montaient la garde, est-ce

16 qu'il y a d'autres hommes en uniforme qui sont venus dans le camp pendant

17 la période où vous vous y êtes trouvé ?

18 R. Oui. Des gens venaient en uniformes de camouflage. Il y avait

19 différents membres d'armées différentes qui arrivaient. Vous aviez des

20 personnes qui venaient du SUP de la Serbie. Il y avait des gens qui avaient

21 des uniformes de camouflage et qui portaient les insignes du groupe

22 d'Arkan. Vous aviez Ranko Cesic qui portait un uniforme de camouflage de la

23 JNA. Goran Jelisic venait également. Un soir, il y en a quelques cinq à six

24 qui sont arrivés dans le camp. C'était après minuit. C'était peut-être deux

25 heures du matin, en fait. Ils portaient des uniformes de camouflage, ils

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1 avaient des lampes électriques. Ils ont commencé à nous passer à tabac, à

2 nous donner des coups de pied, à nous dire de nous lever. Nous avons dû

3 chanter des chansons serbes et ils nous disaient : "Chantez plus fort,

4 chantez plus fort, aussi fort que vous le pouvez." Cela a duré quelques 40

5 minutes. Ils nous disaient : "Chantez plus fort." Ils nous tapaient, ils

6 nous frappaient pendant tout ce temps-là. Vous ne pouviez pas voir de qui

7 il s'agissait parce qu'ils dirigeaient leurs lampes électriques vers nos

8 visages.

9 J'ai eu de la chance. Je n'ai pas été trop passé à tabac. J'ai dû chanter

10 toutefois.

11 Il y avait des personnes qui portaient différents types d'uniformes.

12 C'étaient des personnes différentes. Il y en avait qui portaient des

13 uniformes verts olive. D'autres qui portaient des uniformes plus sombres.

14 Certains avaient des anciens uniformes de la JNA, d'autres qui portaient de

15 nouveaux uniformes de la JNA. Ils sont tous venus à un moment donné.

16 Q. Pendant que vous vous êtes trouvé au camp de Luka, est-ce que vous avez

17 pu comprendre qui commandait le camp de Luka ? Est-ce qu'il y avait une

18 personne, un homme qui commandait ce camp ?

19 R. Le deuxième jour, Kosta, Kole, Simeunovic, un Serbe local qui portait

20 un uniforme de police, un uniforme de police bleu, est venu dans le hangar.

21 Il s'est présenté, il s'est présenté auprès des personnes qui venaient

22 d'arriver. Les autres hommes qui se trouvaient déjà là, nous en ont parlé,

23 il a dit : "Je m'appelle Kosta, Kole, la plupart d'entre vous me connaisse

24 de Brcko. Je suis le commandant du camp de Luka. Lorsque vous serez

25 interrogé, je serai présent." Ensuite, il nous a dit ce que nous étions

Page 456

1 censés faire pendant la journée. D'ailleurs, cela s'est passé le deuxième

2 jour de mon séjour à Luka.

3 Q. Est-ce que vous le connaissiez auparavant ?

4 R. Oui, je le connaissais.

5 Q. Je pense qu'un peu plus tôt, vous avez parlé d'une deuxième femme du

6 nom de Monika qui se trouvait dans le camp ? Qui était Monika ?

7 R. C'était sa belle-sœur, la belle-sœur de Kosta.

8 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de Monika, Kole et de Kosta ?

9 R. Je ne peux pas vous dire pour Kosta. Il est probablement Serbe. Son

10 père est Serbe. Sa mère est peut-être Croate. Je ne sais pas si elle est

11 Croate ou Serbe. Pour ce qui est de Monika, je n'en sais rien. Je ne sais

12 pas qui est son père et je ne sais pas, en fait, ce qu'elle a déclaré comme

13 appartenance ethnique. Mais toujours est-il qu'elle était là.

14 Q. Quel était son rôle au camp de Luka ? Qu'a-t-elle fait à Luka ?

15 R. Comme je vous l'ai déjà dit au préalable, elle est venue à une ou deux

16 reprises. A chaque fois, elle se trouvait en compagnie de Goran. Elle

17 portait des vêtements civils. Elle portait une jupe courte, une jupe d'été.

18 Elle n'était pas en uniforme. Elle l'a accompagné une fois lorsqu'elle est

19 venue avec lui, il était très en colère et il criait et il agitait son

20 fusil dans le camp et elle était à côté de lui. Il y avait un jeune homme

21 qui s'appelait Admir Didic. Ils l'ont emmené. Il portait un pyjama. Il

22 était ensanglanté. Elle lui a dit : "Est-ce que tu as soif ?" Je ne sais

23 pas ce qu'il lui a répondu. Je n'ai pas entendu sa réponse. Mais toujours

24 est-il qu'elle a commencé à lui verser du Coca-cola à partir d'une

25 bouteille d'un litre et demie. Lorsqu'elle lui a versé cela sur la tête,

Page 457

1 elle l'a frappé sur la tête avec la bouteille. La bouteille s'est brisée et

2 il est tombé. Je ne sais pas. Goran ensuite a dit : "J'en ai tué 98. Allez

3 vous faire foutre les balijas. Je vais en tuer encore 98." Ensuite, Kosta

4 est arrivé et a essayé de calmer le jeu. Entre-temps, il marchait, il

5 donnait des coups de pied aux gens, il agitait son fusil. Tous les trois

6 sont partis. Voilà ce qui s'est passé.

7 Q. Je m'excuse de vous interrompre mais vous parlez de Goran. Quel était

8 son nom de famille ?

9 R. Jelisic.

10 Q. Quelle était son appartenance ethnique ?

11 R. C'était un Serbe. C'est ce qu'il disait.

12 Q. Est-ce qu'il portait un uniforme ? Est-ce qu'il appartenait à une unité

13 donnée ?

14 R. Lorsqu'il est arrivé ce jour-là au hangar, il portait un uniforme de

15 camouflage de la JNA. Je n'y ai pas vu d'autres insignes. Il ne portait pas

16 de couvre-chef.

17 Q. Quel type d'uniforme de camouflage portait-il ?

18 R. D'après les uniformes que je connais, je pense qu'il s'agissait de

19 l'uniforme de camouflage de la JNA. Je n'en connais pas d'autres ou je ne

20 connais pas les autres mais c'est ceux dont il s'agissait.

21 Q. Est-ce qu'il avait un surnom qui était connu des prisonniers dans le

22 camp ?

23 R. Oui. Ils l'appelaient "Adolf," et lui-même, cette fois-là lorsqu'il est

24 arrivé dans le hangar a dit : "Goran Jelisic, Adolf." La première fois

25 qu'il est venu dans le hangar, il a dit la même chose.

Page 458

1 Q. Vous avez dit, il y a quelques minutes, qu'il avait dit qu'il avait tué

2 98 hommes et qu'il en tuerait encore 98. Est-ce que les prisonniers avec

3 lesquels vous avez parlé, vous avaient dit qu'il avait tué d'autres

4 personnes avant que vous n'arriviez à Luka ?

5 R. Il était très dangereux de parler de ces choses entre prisonniers à

6 Luka, à l'époque. En fait, trois hommes de Elektrodistribucija, un fils et

7 son père et un autre de mes collègues qui faisait également le même genre

8 de travail, m'a dit qu'il était présent. Je ne sais pas quand. Il a dit que

9 Goran avait commis des meurtres à Luka. C'est ce que j'ai entendu de la

10 part de ces trois personnes. Toutefois, personne n'osait dire autre chose à

11 Luka. Lorsque nous parlions, il fallait attendre la tombée de la nuit pour

12 que la personne qui était allongée à côté de vous ne vous voie pas. Tout ce

13 qui se disait était, en fait, toujours chuchoté dans le hangar.

14 Q. J'aimerais vous montrer plutôt la photo suivante, 38.101. Je suppose

15 que nous allons lui donner le numéro d'une pièce à conviction. Est-ce que

16 vous pourriez la montrer au témoin ?

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P18.

18 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

19 Q. Monsieur Gasi, avez-vous la photo sur votre écran et pourriez-vous nous

20 dire ce que représente cette photo ?

21 R. Oui, je sais très bien ce dont il s'agit. Vous pouvez voir le trou qui

22 se trouvait juste en face du hangar où je me trouvais.

23 Q. Et lorsque vous parlez de ce "trou," de cette bouche d'égouts, est-ce

24 que vous pouvez nous indiquer de quoi vous parlez ?

25 R. Vous venez juste de le montrer avec la flèche.

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1 Q. Cela se trouve dans le coin inférieur à gauche. Il y a une grille qui

2 recouvre ce trou ?

3 R. Oui. C'est une bouche d'égouts pour l'écoulement des eaux de pluie.

4 Tout à côté de cet endroit, si vous allez le long du fleuve de la Save, en

5 fait, il y a un gros tuyau qui relie tous les influents de la ville et les

6 canalisations d'eau de la ville.

7 Q. Est-ce que certains détenus qui se trouvaient dans le hangar vous ont

8 relaté quelque chose de spécial à propos de cette grille ?

9 R. Je vais vous en donner le nom. Smajo Delic m'a dit à l'époque qu'il

10 était présent lorsque Jelisic a demandé à trois, à quatre hommes de se

11 mettre le long de ce trou, il leur a marché sur la tête et il leur a tiré

12 sur la tête. Il m'a dit qu'il avait survécu à cette exécution. Je ne sais

13 pas comment. C'est deux hommes, le père et le fils, Abid et Osman se

14 trouvaient également à Luka. Osman m'a dit, à l'endroit où se trouve la

15 flèche maintenant - et je vous dis en fait ce que j'ai entendu et il m'a

16 dit - quasiment 80 personnes ont été tuées et, en fait, ils ont été chargés

17 dans un camion TAM de la JNA et camion TAM 5000-D. Il les a aidé à charger

18 les corps de ces personnes. Je ne sais pas où ces corps ont été emmenés. Il

19 ne me l'a pas dit. Mais quoiqu'il en soit, il m'a dit qu'il avait compté 80

20 personnes qui avaient été tuées ce jour-là. C'est ce que j'ai entendu et je

21 ne sais pas si cela est vrai ou non.

22 Q. Monsieur Gasi, puis-je poser une question ? Est-ce que vous avez vu des

23 personnes où une personne être tuée pendant le moment où vous vous êtes

24 trouvé à Luka ?

25 R. Oui.

Page 460

1 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer aux Juges comment est-ce que cela s'est

2 passé et quand est-ce que cela s'est passé ?

3 R. Si vous déplacez la flèche vers la droite, voyez que les bureaux se

4 trouvent sur la droite, à la droite de cette bouche d'égouts. Le hangar a

5 été fermé un moment. Ce jour-là, nous ne pouvions pas sortir. Tout était

6 calme. Tout à coup, nous avons entendu un bruit à l'extérieur. Comme

7 j'étais assis à l'intérieur du hangar, j'ai entendu des personnes qui vous

8 vociféraient, qui criaient et qui disaient : "Allez. Sortez."

9 Comme j'étais près de la porte, j'ai regardé vers cette direction et à

10 partir des bureaux où j'avais été interrogé, j'ai vu quatre civils sortir.

11 Ranko Cesic les a suivi et leur a tiré dessus en leur tirant dessus dans le

12 dos. Deux sont tombés par terre. Je ne sais pas s'il les a tué de suite,

13 quoiqu'il soit, j'ai entendu quelque cinq à six coups de feu. Puis, j'ai vu

14 un Serbe local de Brcko qui était à côté du bureau, appuyé contre le mur.

15 Il observait la scène. Il s'appelle Miso Cajevic. Il est entré dans le

16 hangar deux fois pendant que je m'y trouvais. Ces deux hommes portaient des

17 uniformes de camouflage à ce moment-là.

18 Q. Lorsque ces tirs se sont produits, est-ce qu'il y avait d'autres

19 personnes avec ces deux hommes ?

20 R. Il y avait un homme en uniforme de police qui répondait au nom de

21 Pudic, il me semble. Je ne sais pas s'ils ont tiré ou non, je n'en sais

22 rien. Je n'ai vu que Ranko leur tirer dessus dans le dos.

23 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais indiquer

24 que M. Cesic a plaidé coupable pour cet incident auparavant. Est-ce que

25 nous pourrions avoir la prochaine photographie que l'on pourrait montrer au

Page 461

1 témoin. Il s'agit de la photo 38.108 et je souhaiterais qu'on lui donne une

2 cote.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P19.

4 M. HANNIS : [interprétation]

5 Q. Reconnaissez-vous cette personne ?

6 R. Oui. Il s'agit de Ranko Cesic, c'est un de mes voisins.

7 Q. Est-ce qu'il habitait dans le même immeuble que vous ?

8 R. Oui. Nous habitions le même immeuble.

9 Q. Quelle est son appartenance ethnique ?

10 R. C'est un Serbe.

11 Q. Parlons, si vous voulez bien, de M. Jelisic.

12 M. HANNIS : [interprétation] Je demande que soit présenté la photo suivante

13 qui porte la cote 38.109.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation P20.

15 M. HANNIS : [interprétation]

16 Q. Reconnaissez-vous cet homme ?

17 R. Oui. C'est Goran Jelisic, surnommé Adolf.

18 Q. Merci.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'attire votre attention sur ce fait, si

20 vous demandez, si vous posez une question, vous dites que vous allez poser

21 une question à propos de M. Jelisic et puis vous appelez la photo suivante.

22 Ceci n'aide pas la Chambre pour ce qui est identification. Ce n'est pas la

23 meilleure façon de procéder.

24 M. HANNIS : [interprétation] Message reçu, Monsieur le Président. Je m'en

25 souviendrai.

Page 462

1 Q. Monsieur Gasi, est-ce qu'il y avait aussi un soldat ou un officer au

2 camp qui s'appelait commandant Vojkan ?

3 R. Lui aussi, il est venu deux ou trois fois ce commandant. Vojkan

4 Djukanovic, il était en tenue de camouflage de la JNA, et lui aussi

5 arborait un grade d'un commandant de la JNA. Il est venu quelques fois et

6 il a fait quelques discours également.

7 Q. Savez-vous s'il avait une fonction quelconque au camp ? Si c'est le

8 cas, quelle était-elle ?

9 R. D'après ce qu'il nous a dit la première fois qu'il est venu, parce

10 qu'il est entré dans le hangar, il nous a demandé de nous approcher de lui

11 parce qu'il voulait nous dire quelque chose. Il nous a dit que le

12 commandant du camp de Luka, c'était lui, et qu'il allait essayer de sauver

13 le plus de vie possible. C'est sur quoi, il s'est tourné vers certains

14 qu'il avait sauvés auparavant. Il leur a dit ceci : "Vous le savez, n'est-

15 ce pas, je vous ai sauvé lorsque vous étiez interrogé ?" Il a dit :

16 "Maintenant, les choses ont changé, les temps ont changé. On va mieux

17 s'organiser. Vous allez désormais être plus en sécurité ici. La situation

18 s'est améliorée à Luka. Elle n'est plus ce qu'elle était auparavant."

19 Puis, il a invité d'autres hommes dont il se souvenait même du nom, se

20 porter garant de cela. Il a prononcé toutes ces paroles, après quoi, un

21 groupe est entré dans le hangar, nous emmenant du sucre, des biscuits, sans

22 doute des cigarettes. Ils ont jeté tout cela aux détenus. Le même jour,

23 ceux qui étaient venus donner du sucre en morceaux, des cigarettes et des

24 biscuits, ceux qui avaient réussi à attraper tout cela, se sont vus emmener

25 par ceux qui les avaient emmenés. Ces hommes ont été tabassés quand ils

Page 463

1 sont revenus au hangar, ils étaient couverts d'ecchymoses. Voilà ce qui se

2 passait pratiquement tous les jours au camp de Luka.

3 Q. Vous souvenez-vous d'un jour où l'un des détenus a subi des sévices de

4 la part d'un homme qui s'est dit être un Chetnik de Bijeljina ?

5 R. Oui. Ibrahim Levic, il dormait à côté de moi sur une boite en carton,

6 tout comme moi. Un homme s'est présenté comme étant Enver, un Chetnik, a-t-

7 il dit. Il a fait irruption dans le hangar. Il avait un poignard. Il a dit

8 à cet homme : "Lève-toi." Il l'a saisi au cou et il lui a gravé une croix

9 au front. Il l'a roué de coups aussi. Cet homme s'est écroulé. Il était

10 ensanglanté.

11 Voici ce que Enver a dit le jour où il est entré dans le hangar.

12 Q. Vous avez parlé des coups tirés par Ranko Cesic pendant votre séjour au

13 camp de Luka. Est-ce qu'il vous est arrivé pendant cette détention de voir

14 des cadavres à l'extérieur du hangar ?

15 R. Un jour, nous avons été emmenés. On nous a fait sortir. Nous étions

16 quatre ou cinq du hangar. On était censé faire quelque chose. Ils nous ont

17 emmené vers ce passage qui se trouve entre les hangars. Trois hommes sont

18 arrivés, l'un était en tenue de camouflage, les deux autres, c'étaient des

19 gardes qui portaient l'uniforme de réserve de la JNA. Derrière le hangar,

20 il y a deux voies ferrées. Il y avait des wagons qui s'y trouvaient. Nous

21 avons été emmenés vers un espace dégagé où il y avait du gravier par terre.

22 Ils nous ont dit d'aller un peu vers la gauche, vers la rivière Save, vers

23 un groupe de corps qui se trouvaient par terre, sur le gravier. Ils sont

24 restés en arrière. L'un d'entre eux nous a dit : "Tirez-les par les jambes

25 et par les bras vers la rivière. Jetez-les dans la rivière."

Page 464

1 C'est ce que nous avons commencé à faire. Je pense qu'un voisin et moi,

2 nous avons réussi à jeter quatre corps dans la rivière.

3 Q. Parlons de ces corps, combien y en avait-il, à peu près, à cet

4 endroit ?

5 R. Je n'ai pas fait le décompte, mais il devait en avoir de 15 à 20.

6 Q. Est-ce que c'étaient des corps d'hommes, de femmes, d'enfants ?

7 R. Je ne peux pas le dire avec certitude. Je ne sais pas s'il y avait des

8 femmes parmi ces corps ou pas, mais je suis sûr qu'il n'y avait pas

9 d'enfants. J'aurais bien reconnu le corps d'un enfant. Je suis sûr que les

10 quatre corps que moi j'ai jetés dans la rivière, c'étaient des corps

11 d'hommes. Il se peut qu'il y ait aussi dans ce tas de corps, des corps de

12 femmes. Je ne sais pas. Ce dont je suis sûr, c'est dans ce tas, il n'y

13 avait pas de corps d'enfants.

14 Q. Quel était le type de vêtements que portaient ces personnes sans vie ?

15 R. Je n'ai pas vu un seul uniforme. C'étaient tous des vêtements civils.

16 Q. Avez-vous pu constater qu'il y avait des blessures, des traces de

17 blessures sur ces corps ?

18 R. Oui. Il y avait des taches de sang dans le dos, des trous dans la nuque

19 sur un corps, je l'ai vu. Il y avait une oreille qui manquait sur un des

20 corps. C'était le cas du premier corps que j'ai jeté dans la rivière. Si je

21 me souviens bien, il y a même un de ces corps où l'homme a ouvert les yeux.

22 Je ne sais pas s'il était encore en vie. En tout cas, nous l'avons jeté lui

23 aussi dans la rivière.

24 Q. Pourriez-vous mieux décrire le type d'orifices, de trous que vous avez

25 pu constater sur ces corps ?

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1 R. Il y avait des taches de sang visibles sur les vêtements que portaient

2 ces corps. J'ai vu que la partie droite d'une tête était très endommagée.

3 Une partie de l'oreille manquait. La plupart de ces cadavres, la plupart de

4 ces corps avaient reçu des blessures par armes à feu dans la tête ou dans

5 le dos. C'est ce que je peux dire à propos de ceux que j'ai pu mieux voir.

6 Q. Pour ce qui est de ces corps que vous avez pu voir, est-ce que vous

7 auriez reconnu l'un d'entre eux aux traits du visage ou aux vêtements qu'il

8 portait ?

9 R. Oui, oui. Je ne suis pas tout à fait sûr, mais je crois avoir reconnu

10 un jeune homme qui faisait partie de mon club. Il portait un T-shirt de

11 sport. Lui aussi, il a reçu une balle dans le dos, près des omoplates. Il

12 avait un T-shirt jaune couvert de taches de sang. Il portait un jean et des

13 chaussures de sport. Je ne l'ai pas retourné, parce que ce n'est pas moi

14 qui l'ai emmené vers la rivière. Cependant, je regardais ce corps dans le

15 tas et j'ai cru le reconnaître du dos. Il y avait un autre homme de ma

16 compagnie. Je crois avoir reconnu cet homme aussi aux chaussures qu'il

17 portait, aux vêtements qu'il portait. Je crois avoir reconnu son veston de

18 cuir qu'il portait toujours pour aller au travail. Je ne suis pas à 100 %

19 sûr de tout cela. Je ne peux pas vous jurer que c'était bien ces gens-là,

20 mais c'est l'avis que j'avais. Je pense bien les avoir reconnus, ces deux-

21 là en tout cas.

22 Q. Quelle est l'appartenance ethnique de ces personnes, de ces deux

23 personnes que vous pensez avoir reconnues?

24 R. C'étaient des Musulmans.

25 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, me permettez-vous de

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1 revenir à l'examen de la pièce P14 qu'on a déjà montrée au témoin. Je

2 voudrais que ceci soit affiché à l'écran ou que ce soit placé devant

3 l'écran qu'il a devant lui.

4 Q. Est-ce que vous voyez maintenant cette image ?

5 L'INTERPRÈTE : Signe négatif du témoin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, le système d'affichage

7 électronique n'a pas encore affiché cette pièce.

8 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'elle est maintenant à l'écran.

9 Q. Nous avons déjà montré cette photo. Est-ce que celle-ci vous permet de

10 nous montrer d'où vous êtes sorti lorsque vous êtes sorti du hangar, et

11 montrez-nous l'endroit, si vous le pouvez, où vous avez jeté ces corps dans

12 la rivière.

13 R. Si vous indiquez grâce au pointeur le premier hangar, voici la porte

14 d'où nous sommes sortis, déplacez ce pointeur, la flèche, en longeant ce

15 bâtiment, voilà, au bout, à la fin de cet ensemble de hangars, il y a un

16 passage. Je pense qu'on voit là, les voies ferrées, les rails. Si vous

17 traversez cet endroit, c'est là que se trouvaient ces deux voies ferrées.

18 Je m'en souviens. Je les vois encore. A peu près où se trouve la flèche,

19 descendez vers la gauche, il y avait une partie couverte de gravier. Ici,

20 un sentier, ici, précisément. Voilà, vous l'avez bien trouvé. Les cadavres

21 se trouvaient là à peu près, et nous, nous avons dû descendre vers la rive.

22 C'était un espace dégagé. Il n'y avait pas de végétation, à l'époque.

23 C'était tout à fait dégagé. On voyait même l'autre rive, qui se trouve dans

24 la Croatie. Nous nous sommes approchés de la rivière et nous avons jeté des

25 cadavres dans la rivière, un après l'autre, en allant chercher chacun des

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1 cadavres dans le tas.

2 Q. Est-ce que vous avez pu jeter tous ces corps dans la rivière ou est-ce

3 qu'il s'est passé quelque chose qui vous en a empêché ?

4 R. Non, moi je n'y suis pas parvenu, parce qu'on a commencé à tirer du

5 côté croate. Je ne sais pas s'ils tiraient sur nous. En tout cas, nous

6 avons entendu le bruit que faisaient les balles, lorsqu'elles frappaient

7 les wagons. Les gens ont commencé à courir vers ces wagons. Les soldats se

8 cachaient déjà derrière ces wagons. Quelqu'un a commencé à crier : Espèce

9 d'enfoiré, nous allons tous vous tuer.? Ils ont commencé à armer leurs

10 fusils.

11 Et puis, un autre soldat a dit au premier : "Arrêtes de dire des foutaises.

12 Laissez-les tranquilles.?

13 Là-dessus, nous sommes retournés vers le hangar, et ce soldat nous a dit :

14 "Fermez-la, ne parlez pas de ce que vous avez vu ni de ce que vous avez

15 fait.?

16 Q. Sur ces entrefaites, êtes vous retourné rentrer dans le hangar ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous nous avez dit que le premier jour, à votre arrivée, M. Pudic vous

19 avait frappé à la tête. Est-ce que vous vous avez subi des sévices

20 physiques, au cours des dix, onze jours que vous avez passés cette fois-là

21 à Luka, mise à part la première fois ?

22 R. Il ne m'avait pas vraiment frappé à la tête. En fait, il avait raté son

23 coup. Il m'a touché à l'oreille. Ce jour-là, effectivement, j'étais passé à

24 tabac un peu plus tard.

25 Q. Pourriez-vous dire aux Juges dans quelles circonstances cela s'est

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1 passé et qui est l'auteur de ce passage à tabac.

2 R. J'ai été autorisé à passer dans le deuxième hangar, une ou deux heures

3 plus tard.

4 A ce moment-là, quelqu'un est venu en tenue de camouflage avec l'insigne

5 des Ordres arcanes. Il s'appelait Zivan. Il avait des cheveux longs, en

6 queue de cheval. Il est entré, il s'est avancé vers le milieu du hangar, il

7 était suivi de deux hommes en uniforme de réserve de la JNA. Lui, il était

8 le seul en tenue de camouflage. Cet homme a dit "Où est-ce qu'il est, ce

9 Siptar qui est arrivé plus tôt ?" Je me suis levé. Il m'a dit de

10 m'approcher.

11 Au moment où je m'approchais de lui, il avait le bras dans le dos. J'étais

12 à peu près à un mètre de lui et il m'a dit : "Allez, viens, approche-toi.?

13 C'est ce que j'ai fait. Là-dessus, il a bougé son bras droit. Il a jouté,

14 il avait une espèce de clé anglaise qui devait faire à peu près deux kilos.

15 Il m'a frappé à l'épaule droite puis il a voulu me frapper à la tête, mais

16 il a raté son coup. Puis, il a essayé de me frapper de nouveau à la tête,

17 mais, là aussi il a raté son coup, puis il m'a touché à l'autre épaule,

18 dans la nuque. La deuxième fois qu'il m'a frappé, je me suis écroulé sur le

19 sol en béton. Il me semble avoir entendu l'un d'entre eux dire : "Mais il a

20 l'air d'un costaud, ce type. Il faut le frapper deux fois pour le mettre à

21 terre.? J'ai été roué de quelques coups de pieds à la tête et dans la

22 poitrine.

23 Q. Avez-vous eu des séquelles à la suite de ce passage à tabac ?

24 R. Non. J'ai souffert une espèce de bruit que j'avais dans la tête, un

25 bourdonnement. Et j'avais aussi des douleurs dans la partie supérieure de

Page 469

1 la tête. Lorsque je suis arrivé au centre de réfugiés, plus tard, ils ont

2 fait des radios pour voir si j'avais un problème, s'il y avait une

3 fracture, mais il n'y avait pas de fracture. Mais j'ai eu des douleurs.

4 Mais maintenant j'entends correctement et je vois correctement.

5 Q. On dit que vous avez été frappé avec ce que l'interprète a interprété

6 comme étant une clé anglaise. Pourriez-vous nous décrire cet objet ? A quoi

7 sert-il ?

8 R. Oui. C'est une espèce de clé qu'on utilise pour rejoindre deux lances

9 d'incendie. C'est ce qu'utilise un pompier lorsqu'il essaye de relier deux

10 parties d'une lance. C'est une espèce de clé en forme de "C." C'est un

11 objet métallique dont se servent les pompiers.

12 Q. Je vous remercie. Pendant le temps que vous avez passé à Luka, est-ce

13 qu'on vous amenait dans les bureaux pour y subir des interrogatoires ?

14 R. Le lendemain matin, Kosta est venu. J'ai quitté le hangar pour aller

15 dans ce bureau qui se trouve à gauche. Au moment d'entrer dans le bureau,

16 s'y trouvait un inspecteur de police, Petar Kaurinovic, surnommé Pero.

17 Zoran était avec lui. Il était membre de la police scientifique et

18 technique dans la police de Brcko, avant la guerre. Il y avait aussi un

19 homme que je connaissais, Petar Zaric, qui faisait partie, comme ces deux

20 hommes, d'une unité de police de réserve. Je n'ai pas été frappé, je me

21 suis assis …

22 Q. Pardonnez-moi de vous interrompre. Vous avez décrit Kosta et ces

23 policiers dont vous avez parlé : Y avait-il, au moment de l'interrogatoire,

24 d'autres personnes présentes ?

25 R. Dans cette pièce-là, il n'y avait que ces trois hommes, dans la pièce

Page 470

1 où j'étais. Il y avait un autre bureau que je pouvais entrevoir par la

2 porte entrouverte, mais les gens qui s'y trouvaient n'étaient pas présents

3 dans la pièce où moi j'ai subi l'interrogatoire.

4 Q. Quelles sont les questions qu'ils vous ont posées.

5 R. Etant donné que ces trois hommes me connaissaient déjà, Petar m'a dit :

6 "Avant de commencer, Isak, je peux te dire ceci : "Ton père, tes frères,

7 tes neveux sont déjà passés par ici, mais j'ai veillé à ce qu'ils soient en

8 sécurité. Maintenant, ils sont chez eux. Ils sont rentrés à la maison. Ne

9 t'en fais pas pour eux."

10 Q. Mais quelles sont, après avoir dit cela, les questions qu'ils vous ont

11 posées à vous, vous concernant ?

12 R. Ils m'ont d'abord demandé ceci : "Isak, est-ce que tu as des armes ?"

13 C'est la question que m'a posée Petar.

14 Q. Qu'avez-vous répondu ?

15 R. J'ai dit que je n'en avais pas. Il a rétorqué : "Tu avais un port

16 d'armes pour un pistolet." J'ai dit que : "Oui, mais que des gens de la

17 caserne étaient venus, me l'avaient pris et m'avaient donné un accusé de

18 réception." Il a dit : "Ah bien, c'est bien que tu ais ce reçu. Cela va

19 peut-être te sauver la vie à l'avenir."

20 Q. Vous ont-ils posé des questions à propos d'autres Musulmans de Brcko ?

21 R. Oui. Ils m'ont demandé si je connaissais des extrémistes musulmans du

22 SDA, des Bérets verts. J'ai dit : "Pero, je ne connais aucun extrémiste

23 musulman. Je ne connais que les gens qui étaient avec moi dans le SDA. Si

24 je peux t'aider autrement, je le ferais volontiers. Pose-moi des questions,

25 j'essaierai d'y répondre."

Page 471

1 En fin de compte, il m'a demandé si j'avais voté en faveur d'une Bosnie-

2 Herzégovine indépendante au moment du référendum ? Je lui ai répondu : "Par

3 l'affirmative." Il m'a dit : "Et bien, c'est la plus grosse erreur que tu

4 as faite dans ta vie." Je lui ai dit : "Et bien, si c'est la pire erreur

5 que j'ai faite dans ma vie, tue-moi. J'ai bien voté et c'est comme cela que

6 les choses sont."

7 Là-dessus, il m'a dit : "Non, non, on ne va te tuer. On ne tue pas les

8 gens. Je ne suis pas ici pour te tuer, toi." Et ce genre de chose.

9 Puis il m'a demandé si j'avais subi des mauvais traitements. J'ai dit :

10 "Que non." Il m'a demandé : "Pourquoi j'étais couvert d'ecchymoses à la

11 tête ?" Je lui ai dit : "Que j'avais glissé sur le sol de béton." Il m'a

12 dit simplement : "Dis si des gens t'ont infligé des mauvais traitements. On

13 te connaît. On sait qui tu es. On va t'aider." J'ai dit : "Et bien, si tu

14 me connais, essaie de me faire sortir d'ici. Je ne veux pas y être."

15 Q. Pourquoi avez-vous dit que vous n'aviez pas été frappé, alors que

16 c'était des coups qui étaient à l'origine de vos blessures ?

17 R. Quelques fois il faut mieux se taire. Après l'interrogatoire, j'ai dû

18 retourner au hangar, et je ne savais vraiment pas qui allait succéder à

19 Petar.

20 Q. Avant de rentrer dans le hangar, après cet interrogatoire, est-ce que

21 vous avez eu l'occasion de parler à quelqu'un d'autre dans la zone des

22 bureaux ?

23 R. Pas à ce moment-là. Quand ils m'ont dit que je pouvais partir, il a dit

24 qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire pour que je ne reste pas trop

25 longtemps. Là je suis sorti et je suis rentré au hangar.

Page 472

1 Q. Que vous a-t-il dit ? Qui allait-il voir pour vous aider ?

2 R. C'est Petar qui a dit cela au moment où je quittais la pièce, ce

3 bureau-là ?

4 Q. Est-ce que peu de temps après cet interrogatoire vous avez parlé à un

5 lieutenant de la JNA à proximité de la salle de bain ?

6 R. Oui. Une fois lorsqu'ils m'ont autorisé à aller aux toilettes, lorsque

7 je suis entré dans la salle de bain, lorsque le garde qui se trouvait

8 poster devant le hangar m'a autorisé à sortir, j'ai entendu que quelqu'un

9 venait après moi. Je suis resté un peu plus longtemps à l'intérieur, et

10 c'est à ce moment-là que j'ai vu le lieutenant que j'avais vu le premier

11 jour, lorsque je suis arrivé à Luka. Dès le moment où j'ai vu son regard,

12 ses yeux, il m'a semblé être une bonne personne. Il m'a dit dans le couloir

13 : "Pour l'amour de Dieu. J'ai entendu ton interrogatoire. J'ai entendu où

14 se trouvait ta femme. Est-ce que tu veux que je l'appelle ? Est-ce que tu

15 as le numéro de téléphone à Belgrade où elle se trouve ?" Je lui ai dit :

16 "Oui, je vais te le donner."

17 Je lui ai donné. Je lui ai donné en fait la carte de visite de mon ami que

18 j'avais dans ma poche. Et voilà.

19 Et à une autre occasion, peut-être un ou deux jours plus tard, j'ai eu, une

20 fois de plus, la possibilité de rencontrer cet homme. Il m'a dit qu'il les

21 avait appelé, qui leur avait dit où je me trouvais. D'ailleurs, c'est lui

22 qui m'a donné deux cachets pour les maux d'estomac dont je souffrais. Je

23 souffrais également de diarrhée, -- Voilà comment les choses se sont

24 passées.

25 Q. [aucune interprétation]

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1 R. Il y avait une personne sympathique, comme je vous l'ai dit.

2 Q. Est-ce que vous l'avez vu à nouveau après la deuxième fois lorsqu'il

3 vous a dit qu'il avait téléphoné et lorsqu'il vous a donné les cachets ?

4 R. Non. Je ne l'ai plus jamais vu lorsque je me trouvais à Luka.

5 D'ailleurs, je ne l'ai plus revu jusqu'à aujourd'hui.

6 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que c'est le

7 moment opportun pour mettre un terme à l'audience.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, parce que cela nous

9 laissera encore cinq minutes.

10 Monsieur Gasi, nous devons nous interrompre pour aujourd'hui et nous vous

11 attendrons demain à nouveau à 14 heures 15. J'aimerais vous demander de ne

12 parler à personne à partir de maintenant, de ne parler à personne du

13 témoignage d'aujourd'hui. Ne parlez non plus à personne à propos du

14 témoignage que vous allez nous donner demain. Vous ne pouvez parler à

15 aucune des parties, à aucune personne tierce de votre déposition.

16 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous auriez l'amabilité d'escorter M. Gasi

17 hors du prétoire.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela me laisse quelques minutes pour

21 demander l'attention des parties à propos de quelques questions de

22 procédure.

23 Tout d'abord pour ce qui est de l'utilisation de ce pointeur, de cette

24 flèche à l'écran. Si vous vous servez de cette flèche, je suppose que c'est

25 l'assistante du bureau du Procureur qui la commande à distance. Si vous

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1 vous en servez au moment de poser des questions, cela ne semble pas poser

2 de problème pour autant que ce soit à l'appui de la question que vous

3 posez. Si vous demandez au témoin, ce qu'est le bâtiment blanc dans un coin

4 de l'image, pas de problème si la flèche se dirige à cet endroit.

5 Par ailleurs, il ne faut pas se servir de ce pointeur pour guider le

6 témoin. On a demandé au témoin de préciser où se trouvait cette clôture et

7 déjà la flèche se trouvait à l'endroit possible où s'était trouvée cette

8 clôture. Elle s'était toujours trouvée au moins cinq fois. Ce n'est pas une

9 bonne façon de procéder.

10 Cela s'est passé cet après-midi lorsque le témoin répondait à une question

11 où il décrit une partie du village, décrit l'emplacement de l'hôtel

12 Posavina si je me souviens bien, cela n'a pas joué un rôle crucial dans sa

13 déposition, comment dire, on nous fait une petite visite guidée de tous les

14 points marquants de ce village. Inutile de répéter que le témoin indique

15 l'endroit où se trouve tel hôtel, immeuble ou bâtiment. Mais s'il y a une

16 pertinence à ce qui est dit à ce moment-là, c'est difficile pour la Chambre

17 de première instance maintenant, mais aussi pour une Chambre d'appel

18 éventuelle plus tard au cas une partie interjette appel à un changement

19 rendu en première instance. Il est pratiquement impossible de revenir sur

20 ce témoignage pour le suivre si on se sert de ce genre de dispositifs. Il

21 faut qu'on demande au témoin de savoir comment expliquer un endroit où est

22 utilisé le pointeur, et puis on va lui demander un bref descriptif pour que

23 le témoin dise où se trouve le pointeur ou la flèche, de dire dans le coin

24 supérieur gauche, c'est un bâtiment rouge. Sinon on est perdu à la

25 relecture.

Page 475

1 C'était simplement des instructions concernant l'utilisation de la flèche

2 ou du pointeur.

3 La Chambre s'inquiète quelque peu d'autre chose; de la façon, pour être

4 plus précis, dont elle reçoit ces photographies qui lui sont soumises. Bien

5 sûr, la déposition du témoin n'est pas terminée,

6 disons, en guise d'exemple, que nous allons examiner les pièces P6, P7 et

7 P8. La Chambre s'entend dire qu'on est d'abord à Brcko; puis que c'est

8 Goran Jelisic qui tire sur les hommes musulmans. Au cours de la déposition

9 de ce prétoire, rien n'a encore été dit à propos de l'identité de celui qui

10 tire. Rien n'a encore été dit à propos de l'appartenance ethnique des

11 victimes, pas plus qu'il n'a été dit s'il s'agissait d'un homme ou de

12 plusieurs.

13 Pareil pour la pièce P9, par exemple. On dit qu'il s'agit de la salle des

14 sports. Au cours de la déposition du témoin, trois bâtiments ont été

15 précisés de façon nette. Il y avait la salle des sports, l'hôtel et la

16 maison de la culture. Je ne dirais pas que la Chambre est guidée. De toute

17 façon, elle n'aime pas recevoir ce genre d'information, pensez à une autre

18 méthode de présentation. Je crois que ce serait de loin préférable.

19 Oui. Monsieur Harmon.

20 M. HARMON : [interprétation] Vous savez, nous sommes ici dans les premiers

21 états d'un long périple. Je vous remercie de nous donner ces indications.

22 Nous allons essayer de trouver une solution à ces questions de la façon la

23 plus claire possible. D'ailleurs, j'en ai parlé aux avocats de la Défense

24 pendant la pause. J'ai fait plusieurs suggestions qui risquent d'être

25 bénéfiques au travail de la Chambre. En effet, je suis parvenu aux mêmes

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1 conclusions que vous et d'autres avez tirées. Maintenant, si on déplace

2 cette flèche, ce ne sera pas utile pour vous, Chambre de première instance,

3 maintenant ou plus tard, pas plus que pour une Chambre d'appel.

4 S'il s'agit disons de bâtiments, c'est uniquement pour vous guider, pour

5 vous orienter, que nous les présentons dans le cadre d'une déposition. Nous

6 allons peut-être donner une cote préalable et nous allons assortir la

7 photographie d'une légende. Par exemple, la salle des sports pourrait être

8 le numéro 1; l'hôtel pourrait être le numéro 2; et en fin de déposition,

9 vous auriez une annexe, la légende disant que le numéro 1, c'est la salle

10 des sports des Partizan; numéro 2, c'est l'hôtel. Le témoin pourrait vous

11 dire ce que représente le numéro 1, le numéro 2, et ainsi de suite. C'est

12 un système déjà utilisé dans d'autres procès qui s'est avéré précieux. Quoi

13 qu'il en soit, si vous déclarez ceci recevable, la Défense et nous, nous

14 allons nous réunir pour trouver la meilleure façon d'agir. Nous en

15 parlerons avec le Juriste de la Chambre; le Juriste hors classe, et nous

16 verrons si ceux-ci reçoivent votre approbation, et c'est la méthode que

17 nous retiendrons pour le reste du procès.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ferons preuve de souplesse. Je vous

19 remercie de discuter avec la Défense. Je vais me tourner vers elle pour

20 voir si elle est d'accord avec la solution que vous faites ou pas, parce

21 que c'est essentiel. Prenons un exemple, si une photographie montre une

22 ville, si l'un des bâtiments se voit annoter d'un numéro; on peut demander

23 à un témoin s'il reconnaît un bâtiment ou tel ou tel événement a eu lieu,

24 il sera peut-être enclin à choisir le bâtiment numéroté qui serait le seul

25 numéroté de la photographie.

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1 Il faut procéder de telle façon que les deux parties se sentent à l'aise,

2 pour qu'il n'y soit pas préjudice porté à l'une ou l'autre des parties. Je

3 me félicite de votre collaboration future à cet égard.

4 Vous aviez -- un commentaire à faire, Monsieur Hannis.

5 M. HANNIS : [interprétation] Il y a une question en rapport avec les pièces

6 6, 7, 8 qui décrit Goran Jelesic qui tire sur certaines personnes.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. On voit la photo de Goran

9 Jelisic. Ce témoin décrit des incidents de tirs, où il se trouvait dans cet

10 appartement, il voyait cette rue. Nous ne savons pas si le policier qu'il

11 voyait en tenue bleue était Goran Jelisic. Nous savons que c'est la même

12 rue, le même immeuble.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoi qu'il en soit, nous, nous voyons

14 une photo assortie du texte ou de la légende Goran Jelisic qui tire sur les

15 hommes. Ce qui veut dire que nous recevons un complément d'informations qui

16 ne vient pas du témoin lui-même. On la reçoit gratuitement en même temps

17 que la photo. C'est là notre objection.

18 M. HANNIS : [interprétation] Je comprends.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devrez trouver sans doute une

20 solution technique, parce que si vous voulez nous faire passer ces

21 informations, ces renseignements, faites-les d'une autre façon. La Défense,

22 a-t-elle quelque chose à dire ?

23 M. STEWART : [interprétation] Tout à fait d'accord à ce qui vient d'être

24 dit jusqu'à présent. Nous avons le sentiment qu'il suffit d'avoir, si vous

25 voulez, simplement une numérotation de la photo pour faire la différence

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1 entre celle-là et d'autres. Je pense qu'il faut faire preuve d'économie.

2 C'est le principe "directory",

3 [phon] mais ici, au fond nous sommes d'accord sur le principe qui vient

4 d'être évoqué.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais évoquer quelque chose qui découle

7 de l'intervention de ce témoin. Cela n'a pas posé pour le moment de gros

8 problèmes, puisque cela a déjà été indiqué. Des éléments de preuve

9 supplémentaires sont présentés par le truchement de ce témoin qui auraient

10 été présentés par le truchement d'autres. Nous ne sommes pas sous l'effet

11 de la surprise. En principe, si on élargit le champ de la déposition d'un

12 témoin pour dépasser la portée du résumé visé par le 65 ter qui précise

13 effectivement quelle sera la portée de ces dépositions, il est essentiel

14 que nous soyons avisés de façon suffisante pour savoir si ou pas on a

15 étoffé ce résumé initial.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois l'avoir déjà dit. Si la portée

17 de l'élément de preuve est modifiée, il faut le dire. Ici, c'était

18 simplement des extraits prélevés de résumé d'autres témoins. Il faudrait

19 dire que ce serait ajouté. Il faudrait vous en aviser. Oui, Monsieur

20 Harmon.

21 M. HARMON : [interprétation] Nous sommes conscients du problème. Nous

22 l'avons réglé dès aujourd'hui, eu égard à notre témoin. J'ai signé un

23 mémorandum adressé au conseil de la Défense qui précise quels sont les

24 renseignements, les éléments de preuve que nous avons reçus au moment de la

25 préparation du témoin, qui se trouve en dehors de la portée du 65 ter. Au

Page 479

1 moment du déjeuner, j'ai signé un document. Je ne sais pas si les avocats

2 de la Défense l'ont déjà reçu. Votre Juriste devrait avoir reçu une copie à

3 votre intention.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et bien, c'est un point de départ. Il

5 faudra peaufiner et affiner nos procédures au fil du procès.

6 Maître Stewart.

7 M. STEWART : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, un instant. Si vous avez

9 besoin de plus de deux ou trois minutes, il faut nous le dire. Vous savez

10 que les interprètes travaillent d'arrache-pied; quelques minutes seraient

11 autorisées. Si vous voulez parler davantage, il faudrait le dire.

12 M. STEWART : [interprétation] Je serai bref.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois me tourner vers les interprètes.

14 M. STEWART : [interprétation] Bien entendu. Cela ne sera pas long. Je pense

15 qu'il serait utile et raisonnable que l'Accusation nous dise si des témoins

16 ont déjà déposé dans tel ou tel procès, et quelles sont les dates de leur

17 comparution. Par exemple, parlons de ce témoin. Il a déjà déposé dans le

18 procès Milosevic, je pense vers le mois de septembre. Ce serait utile

19 d'avoir la date exacte. De cette façon, il est possible de retrouver sa

20 déposition. Je ne vais pas parler de la responsabilité ou les personnes qui

21 doivent nous fournir les comptes rendu d'audience. Nous allons tirer ceci

22 au clair plus tard. Nous allons du moins essayer de le faire. Je n'ai

23 qu'une autre chose à ajouter, vous le savez, Messieurs les Juges, certaines

24 des difficultés auxquelles nous sommes en butte, pourraient être résolues

25 si on avait simplement une copie de toutes les déclarations de

Page 480

1 l'application du 65 ter, qui vont déposer au cours des quatre premières

2 semaines du procès. Ils ne sont pas nombreux. Je suppose que l'Accusation

3 est au courant. M. Harmon nous a beaucoup aidé et nous en a parlé au cours

4 de la réunion du 65 ter la semaine dernière, il nous a parlé de sources

5 éventuelles. En ce premier temps du procès, il serait utile d'avoir un

6 premier lot, un petit lot du résumé visé par le 65 ter.

7 M. HARMON : [interprétation] Cela ne posera pas de problème.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En l'absence d'autres questions,

9 l'audience est levée. Elle reprendra demain à 14 heures 15 dans le même

10 prétoire.

11 ---L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le jeudi 5 février

12 2004, à 14 heures 15.

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