Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 6 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le Témoin est introduit dans le prétoire]

5 L'audience est ouverte à 14 heures 18.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, je veux vous

7 demander d'annoncer l'affaire inscrite au rôle.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire

9 IT-00-39-T. Le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Je salue

11 toutes les personnes présentes dans le prétoire. J'ai été informé du fait

12 que Me Stewart ne serait pas parmi nous cette après-midi.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Il

14 viendra après la première pause. Mais il avait d'autres engagements

15 auparavant.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Madame Karagianakis,

17 poursuivez votre interrogatoire principal, mais tout d'abord, je dois vous

18 rappeler, Madame le témoin 224, que vous êtes toujours sous le coup de la

19 déclaration solennelle que vous avez prononcée hier.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez Madame.

22 TÉMOIN : Témoin KRAJ-224 (Reprise)

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Interrogatoire principal par Mme Karagianakis :

25 Q. [interprétation] Un récapitulatif pour reprendre le fil de votre

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1 déposition. Puis-je vous poser quelques questions. Vous nous parliez de la

2 journée du 4 mai au cours de laquelle, vous avez été emmené à Luka. Vous

3 vous êtes trouvée dans un bureau, et un policier vous a dit que vous alliez

4 être interrogée. Que s'est-il ensuite passé, Madame ?

5 R. On nous a offert des rafraîchissements, du café, cette personne essayait

6 de nous convaincre que cela n'allait être qu'une formalité, qu'il n'y avait

7 aucune raison de se faire du souci. Il a essayé de nous détendre.

8 Cependant, un peu du temps s'est écoulé, et déjà un homme a fait irruption

9 dans le bureau. Il était en colère, il s'est emparé du policier qui était

10 assis dans le bureau, et puis il l'a vraiment par la force, fait sortir du

11 bureau. Le policier a essayé de résister, il a essayé de lui expliquer

12 qu'il était responsable pour nous, qu'il devait rester dans le bureau, mais

13 l'homme n'en a pas tenu compte. Il a tiré quelques coups en l'air, puis est

14 rentré seul sans le policier dans le bureau.

15 Q. Est-ce que vous aviez déjà vu cet homme auparavant ?

16 R. Non.

17 Q. Quels étaient ses vêtements ?

18 R. Il était en tenu militaire, en uniforme.

19 Q. Pourriez-vous nous décrire cet uniforme ?

20 R. Une espèce d'uniforme de camouflage avec des feuilles de couleur vert

21 olive.

22 Q. Avez-vous par la suite appris l'identité de cet homme ?

23 R. Oui.

24 Q. Comment s'appelait-il ?

25 R. Ranko Cesic.

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1 Q. Fort bien. Qu'a-t-il fait ce Ranko Cesis ?

2 R. Lorsqu'il est revenu dans le bureau, il a commencé à crier si fort que

3 toute la pièce en tremblait. On voyait les veines gonflées à son coup. Il

4 a commencé à vraiment cracher de rage, il a commencé à nous insulter en

5 évoquant nos mères, et les accusant de balija.

6 Q. Je vous interromps un instant, qu'est-ce que cela veut dire "balija" ?

7 R. Cela a été la première fois que j'ai entendu ce mot, jamais je n'avais

8 entendu prononcer ce terme de balija. Pour moi, c'est un terme péjoratif

9 qu'on utilise pour désigner les Musulmans.

10 Q. Très bien. A-t-il dit quelque chose d'autre ?

11 R. Il nous a couverts d'insultes. Il a dit qu'il haïssait tous les

12 Musulmans, chacun des mots, qu'il a prononcé, était une injure. Il a saisi

13 le médecin qui était devant lui, a commencé à le frapper à la tête, d'abord

14 à l'aide d'une boite, ensuite à l'aide d'une crosse de fusil. Toute la

15 pièce en retentissait, cet homme hurlait, et l'homme est tombé par terre,

16 ensuite, il a commencé à le rouer de coups de ses bottes. Il l'a frappé

17 quand le médecin a cessé de bouger, il s'est emparé de Mustafa et de Rasko.

18 Il les a roués de coups de pied tous les deux également sans arrêter de les

19 insulter. Il était vraiment hors de lui, à ce point qu'il les a frappés

20 jusqu'au moment où ils sont tombés. Il était en sueur. Il a commencé à se

21 fatiguer à cause des coups qu'il donnait.

22 Il a ensuite donné l'ordre à ces deux hommes qui étaient par terre de se

23 lever. Moi, je n'avais jamais vu ce genre de terreur. Nous en étions

24 paralysés, tout ce temps que nous étions.

25 Peu à peu, les gens se sont relevés, certains en trébuchant, et en

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1 retombant. Il les rouait de coups une fois de plus, quand cela se passait,

2 au bout du compte, tout le monde s'est retrouvé debout.

3 Là-dessus, il a donné l'ordre à un de nos employés, celui qui était le plus

4 fort parmi nous, de me frapper avec ce qu'on appelle un boxeur.

5 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

6 R. Quand je dis boxeur, c'est une espèce de coup de poing américain. Il

7 lui a dit de me donner des coups de poings, et que si les coups n'étaient

8 pas assez dur, c'est lui qui lui donnerait des coups. L'homme n'a pas

9 réfléchi, il m'a donné des coups avec ce coup de poing américain, et il ne

10 m'a pas frappé suffisamment fort. Moi, je suis tombée finalement entre deux

11 chaises. Je suis restée au sol un certain temps, là-dessus, il m'a donné

12 l'ordre de me relever, et deux ou trois fois, il a donné l'ordre à ce même

13 homme, de me donner des coups de poings avec ce coup de poing américain. Je

14 suis chaque fois tombée derrière le bureau.

15 Puis, il a donné l'ordre à tout le monde de se frapper les uns les autres à

16 coup de poing. Les gens étaient couverts de sang, étaient ensanglantés,

17 pourtant ils devaient se frapper les uns les autres pour qu'il ait le temps

18 lui, de se reposer.

19 Q. Vous dites des gens se frappaient les uns les autres. De quels gens

20 parlez-vous ?

21 R. De ceux qui avaient été emmenés depuis l'hôpital.

22 Q. Est-ce qu'après un certain temps, quelqu'un d'autre est entré dans le

23 bureau ?

24 R. Oui. Peu de temps après, Cesic est sorti de la pièce. Il a ramené un

25 homme. Nous avons entendu un coup de feu tiré à l'extérieur. Cet homme

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1 qu'il a fait entré, était terrifié, terrorisé. Il était couvert de sang, il

2 tremblait. Il le suppliait, il était en pleur. Au moment où il a emmené cet

3 homme dans la pièce, il lui donnait des coups de crosse de fusil, c'était

4 vraiment une scène horrible, épouvantable.

5 L'homme le suppliait d'arrêter de lui donner des coups, il a dit qu'il

6 ferait n'importe quoi, il ferait tout ce qu'il voulait, mais Cesic était

7 comme fou. L'homme s'est arrêté de pleurer, je pense qu'en fait, chacun des

8 os de son corps était brisé, c'était vraiment épouvantable, insoutenable.

9 C'était des coups insupportables.

10 Q. Reprenez-vous, Madame, s'il vous plaît.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin, voulez-vous que nous

12 interrompions quelques instants, si ce que vous ressentez, est à ce point

13 dur, qu'il vous est impossible de poursuivre, n'hésitez pas à nous le dire.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant pour que je me calme, s'il vous

15 plaît. Merci.

16 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Pourrions-nous faire une pause de cinq

17 minutes, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Madame le Témoin 224,

19 voulez-vous que nous fassions une pause de quelques minutes ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Donnez-moi cinq minutes, cela me

21 permettra d'aller me rafraîchir un peu.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Il faudra d'abord baisser les

23 stores. Une pause de cinq minute.

24 --- L'audience est suspendue à 14 heures 31.

25 --- L'audience est reprise à 14 heures 45.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une personne qui vient de la section des

2 victimes et témoins va être autorisée à accompagner le témoin au cours de

3 sa déposition. Les parties veulent faire des observations ?

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Non pas de la part de la Défense, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je vais demander à ce qu'on

7 fasse entrer le témoin.

8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin 224, les Juges

10 comprennent parfaitement que c'est une expérience très pénible pour vous,

11 de faire cette déposition, nous en sommes conscients. N'ayez pas honte de

12 vos pleurs, si vous avez besoin d'un peu de temps supplémentaire, dites-le

13 nous, nous comprendrons parfaitement.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Me permettez-vous de dire quelque chose

15 Monsieur le Président ?

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie Madame.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. J'ai consacré toute ma vie à

18 travailler, à vivre pour aider les autres et tout d'un coup je me trouvais

19 face à quelque chose d'inconcevable, ce fut un choc horrible. Je ressens

20 encore la douleur aujourd'hui, ce fut quelque chose de tout à fait

21 éprouvant. Le fait d'en reparler me le fait revivre, cependant, je veux

22 poursuivre ma déposition je veux dire la vérité, rien que la vérité, je

23 veux vous la communiquer, et je veux que les fautifs soient punis, que les

24 coupables soient punis, c'est ma seule raison.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin 224, les Juges que vous

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1 avez devant vous, essaient de veiller à ce que se manifeste la vérité. Ils

2 comprennent vos émotions.

3 Madame le Procureur veuillez poursuivre.

4 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

5 Q. Quand ces coups ont cessé où êtes-vous allée ?

6 R. Il nous a tous fait sortir en nous poussant. Il s'est contenté de nous

7 pousser dehors, il était derrière nous. Moi je sentais qu'on me poussait

8 par la porte. J'ai regardé à gauche et à droite, il y avait plusieurs

9 soldats qui ont continué à nous pousser en direction du hangar, vers le mur

10 qui se trouvait près de la porte. J'ai regardé à côté de moi, il y avait

11 quelques personnes, mais à ce moment-là, je n'ai pas pu tous les voir

12 toutes ces personnes. On m'a poussé vers un mur du hangar, et j'étais la

13 première à me trouver le long de ce mur près de la porte.

14 Q. Vous dites qu'il y avait quelques personnes près de la porte du hangar.

15 Vous souvenez-vous du nombre de ces personnes ?

16 R. Oui on nous a donné l'ordre de nous appuyer contre ce mur. On devait

17 pousser avec les jambes, j'ai relevé la tête et j'ai vu qu'il y avait une

18 colonne, une file dont je n'ai pas vu la fin. Il y avait des gens qui

19 étaient debout le long du mur, face au mur. Les mains au mur également.

20 Q. Savez-vous combien de personnes il y avait ?

21 R. C'était une longue file, peut-être qu'il y avait 50 personnes, d'après

22 ce que j'ai vu au moment où je m'approchais de cet endroit, et quand je

23 regardais du côté latéral j'ai vu cette file, très longue file de

24 personnes. Il m'était impossible devoir la fin.

25 Q. Quels étaient les vêtements que portaient les personnes se trouvant

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1 dans cette file ?

2 R. C'était des civils, ils portaient des vêtements civils.

3 Q. Voulez-vous nous dire ce qui s'était passé ensuite ?

4 R. Derrière moi, il y avait des soldats qui s'entretenaient, je n'ai pas

5 entendu ce qu'ils disaient, mais j'ai entendu dire par ces soldats qu'il

6 fallait que nous nous mettions en file, et on a donné l'ordre de tirer. Je

7 ne sais pas pourquoi à ce moment-là, je me suis tourné vers la file, et

8 c'est à ce moment-là que j'ai vu qu'il y avait à peu près 50 personnes dans

9 cette file.

10 Mais je le répète, je ne sais pas pourquoi j'ai tourné la tête, je me suis

11 tourné, à ce moment-là quelqu'un a dit quelque chose il m'a dit "pourquoi

12 est-ce que tu te retournes ?" Je ne savais pas que c'était à moi qu'il

13 s'adressait, c'est seulement au moment où j'ai senti quelqu'un qui

14 s'approchait de moi, me prenait par la main pour me sortir de cette file,

15 que j'ai compris. Ils m'ont fait passer le long de ces soldats, cet homme

16 qui m'avait saisi la main, et au moment où je passais devant ces soldats,

17 j'ai entendu qu'on donnait l'ordre de tirer. J'ai entendu une détonation

18 horrible, j'ai entendu que plusieurs fusils tiraient, on sentait l'odeur de

19 la poudre dans l'air. Mes yeux ont brûlé, mon visage aussi on sentait la

20 poudre. Il y avait cette fumée qui était très irritante pour les yeux.

21 Je n'osais plus me retourner, parce que ce soldat me tenait toujours la

22 main. Je n'ai pas bougé mais inconsciemment, même s'il m'était interdit de

23 me tourner, inconsciemment je voulais savoir ce qui se passait derrière

24 moi, était-il vraiment possible que toutes ces personnes aient été tuées.

25 Je voulais au moins entendre le bruit que faisaient les corps qui tombaient

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1 à terre. J'ai bien entendu ce bruit, j'ai entendu les corps qui tombaient.

2 J'ai entendu les gémissements des gens qui tombaient, et on entendait ces

3 bruits sourds d'une cinquantaine de corps qui tombaient sur le béton.

4 Puis, on m'a ramené dans cette pièce où je m'étais trouvée auparavant. Une

5 fois dans la pièce, je n'ai plus revue le soldat. Mais j'ai entendu la voix

6 de Branko Cesic qui criait et qui me poussait dans cette pièce. Je me suis

7 trouvée seule avec lui dans cette pièce, il a placé une chaise contre le

8 mur, il m'a donné l'ordre de m'asseoir, il a placé une autre chaise devant

9 moi, et il a braqué son fusil automatique vers moi, il avait pratiquement

10 le canon sur moi, je sentais l'odeur de la poudre, de la fumée et j'ai vu,

11 il a tiré et j'ai vu la balle entrer dans le mur, et il m'a dit que c'était

12 un peu pour jouer sur mes nerfs. Il m'a demandé comment allait mon travail,

13 ce que je faisais et comment je m'y prenais pour tuer leurs enfants serbes.

14 J'étais absolument abasourdie, je ne sais pas d'où, il tenait cette idée,

15 pourquoi il me disait cela.

16 C'est alors qu'il m'a posé des questions à propos de mon mari. Il a posé

17 beaucoup de questions à propos de lui, et il m'a demandé ce que je faisais.

18 Il m'a dit je veux juste m'amuser un peu avec toi, avant de savoir ce que

19 je vais faire de toi. Puis, il m'a donné l'ordre je ne sais pas combien de

20 temps cela a duré, c'était peut-être quelques secondes mais cela m'a semblé

21 une éternité, ce moment.

22 Ensuite il m'a fait sortir. Je marchais devant lui. Il y avait un véhicule,

23 une espèce de camionnette ou de camion à l'extérieur. Il m'a forcée à

24 monter et m'a installée sur le siège du passager. Il s'est mis au volant,

25 et le véhicule est parti.

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1 Je me suis rendue compte qu'il y avait deux bergers allemands, de très

2 grands chiens, je sentais leur respiration dans le cou. Ils étaient

3 derrière moi, ils étaient tout près de moi. Je sentais leur salive, leur

4 bave, qui me tombait sur les épaules.

5 Nous avons fait demi-tour. Nous sommes arrivés près de l'entrée du hangar,

6 il a donné l'ordre aux gardes d'ouvrir son hangar, ce qu'ils ont fait. Il a

7 viré à droite pour aller vers le hangar. Pour moi, c'était un moment

8 épouvantable. A quelque part, j'avais honte et j'avais peur. Mes sentiments

9 étaient très confus. Je ne savais pas où tourner la tête tellement j'avais

10 peur. Du fait de la peur, j'avais les yeux fixés où qui erraient le long

11 des murs.

12 Je regardais par la vitre et j'ai vu que des gens étaient alignés, les

13 mains au mur et tout autour du hangar. Lui a contourné le hangar très

14 lentement, et il énumérait quelque chose à voix basse. Je ne sais pas ce

15 qu'il se disait. J'étais tout à fait effrayée, perturbée par les chiens qui

16 grognaient. Pendant qu'on contournait le hangar, il roulait très lentement,

17 et j'ai pu voir tout ce qui se passait. J'ai vu beaucoup de gens tout

18 autour.

19 A mon avis, il y avait peut-être une centaine de personnes, des civils,

20 enfin, c'est une estimation que j'ai faite en dépit de la peur qui s'était

21 emparée de moi. Les personnes étaient en vêtements civils différents, que

22 ce soit des jeans, ces chemises, des

23 "T-shirts". Je suis vraiment convaincue et sûre que c'étaient des civils.

24 Je ne me souviens pas avoir vu des soldats à l'intérieur. Je ne peux pas

25 vous dire avec certitude.

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1 Un cercle a été formé. En très peu de temps, nous sommes sortis parce qu'il

2 avait tourné vers le portail qui avait été ouvert très rapidement par les

3 gardes, sans doute, le connaissaient-ils bien. Il a commencé à se diriger

4 vers le pont. Il faisait déjà nuit. C'est seulement à ce moment-là que je

5 m'en suis rendue compte d'ailleurs que la nuit était déjà tombée.

6 Nous étions en route vers le pont. Il a arrêté le véhicule et il m'a dit

7 qu'il avait envie de jouer avec moi, que maintenant il savait ce qu'il

8 voulait faire avec moi. Ce qu'il voulait faire, en premier lieu, m'a-t-il

9 dit, c'était me violer. Il a sorti un poignard qu'il avait placé dans la

10 bottine. C'était un grand poignard avec une lame acérée. J'avais les têtes

11 de chien juste au-dessous de moi. J'étais vraiment paniquée. J'ai pris la

12 poignée de la portière d'une main et, de l'autre, c'est lui qu'il l'a pris

13 tout simplement et l'a tirée vers lui. Il a commencé à me déshabiller, à

14 m'ôter la jupe. Il a commencé, lui, à ouvrir sa braguette. Il a vu que

15 j'étais pétrifiée. Il m'a dit que je devais commencer à bouger [comme

16 interprété] et que, si je ne le faisais pas, il allait se servir de ce

17 poignard.

18 Q. Pourriez-vous nous dire en une phrase, Madame, ce qui s'est passé

19 ensuite ? Est-ce qu'il s'est servi du couteau ou --

20 R. Oui, il m'a violée. Pendant qu'il le faisait, il a dit que c'était un

21 véritable plaisir d'avoir encore une balija de plus à violer, quelque chose

22 de ce genre.

23 Q. Que s'est-il passé une fois le viol terminé ?

24 R. Il a refermé sa braguette et il m'a dit : "Maintenant, on va aller vers

25 le pont. Là, je vais t'égorger et te jeter dans la rivière."

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1 Au moment où il prononçait ces mots, il y a eu de la lumière qui venait de

2 l'arrière, sans doute, des phares qui venaient de l'arrière et qui ont

3 éclairé l'arrière du véhicule. Un véhicule s'est arrêté, un homme en est

4 sorti. Je ne connaissais pas cet homme. Il a dit : "Ranko, sors." Ranko n'a

5 pas réagi sur-le-champ. Il s'est contenté de regarder par la portière et il

6 m'a dit : "Il faut sortir, il faut parler." Cet homme a essayé de

7 convaincre Ranko de sortir de la voiture pour qu'ils puissent parler.

8 Ranko est sorti. Ils ont commencé à discuter normalement, la conversation a

9 commencé à s'animer et c'est plutôt devenu une querelle ou une dispute. Ils

10 n'ont cessé de parler de plus en plus fort. J'ai entendu que l'autre lui

11 disait : "Pourquoi est-ce que tu l'as fait sortir cette prisonnière sans

12 permission ?" Il lui a dit qu'il n'avait pas l'autorisation de le faire,

13 qu'il lui fallait l'autorisation pour faire ce genre de chose. C'est à peu

14 près à cela que se résumait cette conversation.

15 Le chauffeur de l'autre véhicule a dit à cette autre personne de sortir.

16 Ils se trouvaient trois à parler. Ils se sont un peu bousculés. La

17 conversation était très musclée, mais l'homme, qui était le chauffeur, a

18 quitté son -- est parti pour laisser son compagnon à discuter avec Ranko.

19 Dans la conversation, ils ont mentionné Ranko Cesic. C'était la première

20 fois que j'entendais ce nom, et c'est comme cela que j'ai appris qui

21 c'était.

22 Le chauffeur de l'autre véhicule est venu de mon côté. Il m'a dit poliment

23 -- d'abord, il s'est présenté. Il m'a dit : "Madame, je m'appelle Dragan.

24 N'ayez pas peur, rien ne va vous arriver. Venez dans ma voiture. Je vais

25 vous emmener." Je suis allée dans sa voiture. Dragan s'est rassis, et il

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1 est parti directement vers le SUP.

2 En d'autres termes, ces deux hommes, l'homme qui était avec Dragan, et

3 Ranko Cesic, sont restés sur place. Dragan et moi, nous nous sommes

4 retrouvés devant le SUP.

5 Dragan a garé la voiture. Il y avait beaucoup de soldats devant le SUP en

6 tenue militaire. Il y avait toutes sortes d'uniformes. Ils déambulaient,

7 ils se déplaçaient et ils ne restaient pas immobiles. Ils faisaient des

8 allées et venues. Ils étaient très nombreux, ces soldats, une cinquantaine

9 je dirais.

10 Mais Dragan est sorti de la voiture et est venu de mon côté. Il m'a pris la

11 main et il m'a tenue la main pour franchir ce passage. Nous sommes montés à

12 l'étage et nous sommes allés à droite vers un bureau. Il m'a faite entrer

13 dans le bureau, nous étions seuls.

14 Dragan a essayé de me calmer un peu. Il m'a dit que maintenant j'étais en

15 bonne main, que rien n'arriverait, et qu'il voulait simplement procéder à

16 un interrogatoire officiel, que je ne devais pas avoir peur. Il a même

17 demandé à quelqu'un de m'apporter du café. Il m'a offert une cigarette pour

18 que je me calme. Cela a duré un certain temps parce que, vraiment, je

19 tremblais comme une feuille. Il m'a fallu longtemps pour me calmer, et il

20 voulait me poser des questions. Il m'a fallu un certain temps pour

21 reprendre mes esprits.

22 Peut-être qu'une demi-heure s'est écoulée. J'étais un peu plus calme. Il a

23 commencé à me poser des questions, fort poliment, à propos de ma famille.

24 J'y ai répondu du mieux que je pouvais. J'ai dit ce que je savais des

25 membres de ma famille, où ils se trouvaient, où ils habitaient. Il a dit

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1 que l'interrogatoire principal, c'était Dragan Veselic, le chef du SUP, qui

2 allait le mener, et qu'on attendait qu'il ait terminé ce qu'il faisait.

3 Nous avons attendu un certain temps. Peu du temps s'est écoulé, Dragan m'a

4 emmenée au troisième étage. Il était à mes côtés. Là il y avait une espèce

5 de salle de conférence, il y avait à l'intérieur une table ronde avec des

6 chaises autour, et il y avait à peu près quatre soldats à l'intérieur de

7 cette pièce. Un des ces soldats était près de la porte, l'autre au bout de

8 la pièce, et un se déplaçait entre la table et les fenêtres.

9 A mon entrée, ils ont placé une chaise près de la porte que je m'assoie.

10 L'homme, qui se déplaçait, s'est assis en face en moi. Il m'a dit :

11 "Regarde moi bien, est-ce que tu me connais ?" Il a répété cela à deux

12 reprises : "Regarde-moi, regarde-moi bien." Alors, cet homme était rasé de

13 près, il avait des cheveux court, il avait -- il portait un uniforme de

14 soldat, et je l'ai regardé pendant un moment, et je lui ai dit que je ne le

15 connaissais pas. Il m'a dit (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 Il a commencé à m'interroger. Il m'a posé des questions sur ma famille, aux

19 règles générales. Il m'a posé des questions sur mes amis, sur des amis

20 communs que nous avions avant la guerre. Il s'agissait d'amis avec qui

21 j'avais des contacts, des amis qui avaient fait des mariages mixtes, qui

22 étaient de toute confession.

23 Toutefois, je lui ai dit que je ne savais pas où étaient ces personnes, et

24 je ne savais véritablement pas où ils se trouvaient car, depuis le début,

25 j'étais dans l'hôpital. Je ne savais pas ce qui s'était passé à l'extérieur

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1 de l'hôpital, dans la ville. Il m'a donné un ultimatum, il m'a dit : "Tu as

2 une minute pour répondre, sinon, je vais te tuer." Je lui ai dit :

3 "Monsieur, vous pouvez me tuer, mais je ne peux pas répondre à des

4 questions pour lesquelles je ne connais pas les réponses." C'est ainsi que

5 j'ai terminé.

6 Après cela, il y a eu une conversation stricte, beaucoup plus stricte. Le

7 temps de la conversation a évolué. Après un certain temps, il s'est un peu

8 radouci et il m'a demandé ce que je voulais faire. Je lui ai dit que je

9 souhaitais rentrer ou repartir vers mon lieu du travail d'où on m'avait

10 enlevée. Il a dit : "Très bien." Il dit aux autres --

11 Q. Puis-je vous interrompre et vous poser une question ? Le Dragan

12 Veselic, que vous connaissiez avant la guerre, quelle était son apparence ?

13 R. Oui. Il avait une moustache, il avait une barbe, il avait des cheveux

14 légèrement bouclés, longs. Il était grand, maigre, aux yeux marron. Je sais

15 même qu'il était végétarien de l'époque où nous nous connaissions, mais

16 c'est pour cela qu'il était très, très maigre en fait. Il était grand, et

17 je connaissais très, très bien son visage d'avant la guerre. C'est pour

18 cela qu'avec les changements, l'uniforme, son visage rasé de près, et la

19 moustache également qui avait été rasée, avec ses cheveux coupés courts, du

20 fait de tous ces changements, je ne l'ai pas reconnu.

21 Q. Très bien. Est-ce qu'il vous a ramené à l'hôpital ?

22 R. Oui. J'ai été accompagné par deux soldats qui m'ont emmené en voiture.

23 Q. Etes-vous resté à l'hôpital le lendemain ?

24 R. Oui. J'avais -- lorsque j'ai quitté le SUP, c'était quasiment l'aube.

25 D'ailleurs, j'ai même demandé à l'un des soldats quelle heure il était. Il

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1 m'a dit qu'il était quasiment -- ou qu'il était presque -- qu'il était

2 environ 4 heures du matin. C'était déjà l'aube, ils m'ont ramenée à

3 l'hôpital, ils ne se sont pas parlés, ils m'ont ramené à la porte, et ils

4 m'y ont laissée. Je suis entrée dans l'hôpital jusqu'à mon lieu du travail.

5 Lorsque je suis arrivé sur mon lieu du travail, un de mes collègues s'y

6 trouvait.

7 Q. Est-ce que vous pouvez-vous interrompre parce que j'aimerais vous

8 demander si vous êtes restée à l'hôpital pendant toute cette journée ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous avez été emmenée à ressortir de l'hôpital ?

11 R. Cela s'est passé dans l'après-midi, lorsque Dragan Zivkovic est venu --

12 est revenu à l'hôpital, là où je me trouvais, il m'a appelée. Il a dit :

13 "Où se trouve telle et telle personne ?" J'ai répondu. J'ai pensé que,

14 lorsqu'ils m'avaient ramenée, les interrogatoires étaient terminés, et que

15 s'en était terminé, mais lorsqu'il est revenu la deuxième fois, il m'a

16 ramenée au même endroit, et c'est là que j'ai compris que ce n'était que le

17 début de ce processus.

18 Je suis allée avec lui. Nous sommes descendus en direction du service des

19 dialyses, dans le couloir. Nous nous sommes arrêtés, nous avons attendu. Il

20 y avait deux infirmières et, une fois de plus, j'ai revu le même docteur,

21 qui avait été emmené avec moi le premier soir. Je lui ai dit -- ou plutôt

22 ils nous ont dits que nous devions passer par les portes du service dialyse

23 et venir vers eux. Il y avait un soldat, nous les avons suivis.

24 Alors qu'ils nous accompagnaient, pour la première fois, j'ai vu une grande

25 quantité d'armes dans la salle de dialyse. Egalement, vers l'entrée, je

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1 pouvais voir que la cour de l'hôpital était littéralement remplie d'armes.

2 Vous ne pouviez plus voir, en fait, la cour du fait du nombre d'armes.

3 Ils nous ont dit de nous asseoir à l'arrière d'un véhicule. Je me souviens

4 que Kosta était le conducteur parce que je me souviens -- je me souviens

5 que Kosta était le mari d'une des infirmières qui travaillait dans l'un des

6 services de l'hôpital. Il y avait également Dragan Zivkovic, qui était le

7 mari de l'une des infirmières qui travaillait dans le service de dialyse.

8 Je les connaissais, en tant que maris des infirmières, qui travaillaient

9 avec nous.

10 Il y a eu une conversation qui a eu lieu. Je me souviens maintenant, en

11 fait, que j'avais vu le personnel hospitalier, qui n'était pas venu pour

12 assurer la relève. Ce personnel était d'appartenance serbe. Je pouvais les

13 voir dans les couloirs, alors qu'elles n'étaient pas venues au travail.

14 Elles avaient toutes des uniformes très bien repassés et, en fait, on

15 aurait des mannequins, elles étaient maquillées, elles étaient très, très

16 bien habillées. Elles marchaient le long des couloirs et c'est la première

17 fois que je les ai vues au travail.

18 Q. Est-ce que l'on vous a ramené au camp de Luka ?

19 R. Oui. Ils nous ont conduits par la ville et Kosta, le mari de l'une de

20 nous collègues, nous a dit à quel point il était désolé, qu'il n'aimait pas

21 ce qui se passait, qu'il n'était pas du tout partisan de ce qui se passait,

22 mais qu'il se contentait de faire son devoir, et qu'il n'était que le

23 conducteur, qu'il ne voulait pas du tout se mêler de ce qui se passait.

24 C'était un peu comme s'il essayait de se justifier pendant cette

25 conversation et, ce faisant, il nous a ramenés à Luka dans la même salle.

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1 Q. Qui se trouvait dans la salle, dans cette pièce, lorsque vous êtes

2 entré dans la pièce ?

3 R. Ils nous ont dit d'entrer dans la pièce, nous sommes entrés dans cette

4 pièce. Dans un coin, il y avait des personnes, qui portaient un uniforme de

5 police bleu ciel. Il y avait un jeune homme qui était assis dans ce coin,

6 il était très jeune, il avait peut-être 25 ans. Il y avait une autre

7 personne, une très jeune fille, qui était assise dans le coin, et, à côté,

8 il y avait trois ou quatre policiers qui se tenaient debout près d'eux.

9 Ils nous ont emmenés dans la pièce, et ils nous ont placés devant le bureau

10 de Goran Jelisic. Nous étions debout devant son bureau. Goran Jelisic s'est

11 présenté, il nous a dit : "Je m'appelle Goran Jelisic, je suis également

12 connu sous le nom d'Adolf Hitler des Serbes. J'ai reçu le feu vert, je peux

13 faire ce que me semble parce que les Musulmans ont de nombreux enfants et

14 mon devoir consiste à détester les Musulmans et à les supprimer, les

15 Musulmans. Mon devoir consiste à haïr les balijas." Il a dit qu'il ne

16 pouvait pas les soutenir et qu'il était absolument irrité par les balijas.

17 Goran Jelisic, ensuite, a parlé de façon un peu moins percutante, mais, au

18 fur et à mesure de la conversation, il avait l'air de plus en plus irrité.

19 Il vociférait, il hurlait tout en parlant. Il a dit beaucoup de choses. Je

20 ne peux pas vous relater tout ce qu'il a dit. Je ne me souviens pas du

21 tout. Je ne me souviens que de certaines choses, mais, de toute façon, ce

22 dont il parlait, c'était de sa haine des Musulmans et de son devoir qui

23 consistait à supprimer les Musulmans parce qu'ils étaient beaucoup trop

24 nombreux.

25 Il nous a également dit : "Ne comptez surtout pas sur la Croix rouge. Ne

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1 comptez pas, non plus, sur les organisations internationales, elles ne vont

2 pas vous aider." Il nous a dit qu'il était notre Dieu et notre Seigneur et

3 que tout ce qui se passerait serait le fruit et le résultat de sa décision.

4 Il nous a dit : "Abandonnez tout espoir parce que votre destin est placé

5 entre mes mains."

6 Lorsqu'il a dit cela, pour la première fois, je me suis rendue compte que

7 ce qu'il disait correspondait à la vérité, qu'il avait, en d'autres termes,

8 le feu vert pour faire ce que lui semblait parce que, dans sa façon de

9 parler, il était si sûr de lui-même. J'étais absolument convaincu que ce

10 qu'il disait était tout à fait la vérité. Je me suis rendue compte que nous

11 avions bouclé la bouche en quelque sorte et que nous allions, en fait,

12 connaître notre fin, notre mort.

13 Il nous a donné des ordres. Il voulait véritablement prouver à quel point

14 il était puissant et combien il avait de l'influence. Il a ordonné qu'un

15 prisonnier soit amené du hangar. Il nous a demandé de regarder. Ils ont

16 donné l'ordre d'amener un homme. Cet homme est arrivé. Ils l'ont poussé

17 vers le milieu de la pièce, la pièce qui était très petite d'ailleurs,

18 trois mètres sur quatre. Il a donné l'ordre aux autres policiers de se

19 lever, de former un cercle autour de cet homme. Il s'est levé lui-même. Il

20 vociférait, il criait des insultes. J'avais les yeux rivés aux soldats,

21 mais je voulais quand même voir ce qui se passait.

22 Il le passait à tabac de façon si violente. Les coups de pied étaient si

23 brutaux, si violents. L'homme hurlait. Je pouvais voir, en fait, ses

24 jambes. C'était un civil. Il avait des chaussures de sport aux pieds. Il le

25 passait à tabac, de façon véritablement animale. Ils étaient absolument

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1 sanguinaires. Nous pouvions entendre les cris de ce pauvre homme.

2 Je ne peux pas répéter. Je suis sûr qu'à ce moment-là, quelque chose s'est

3 passé en moi, à cause de toute la crainte, de la terreur que j'avais. Je ne

4 trouve pas les mots, en fait. Je ne trouve pas les mots pour expliquer

5 comment je me suis senti, à ce moment-là. J'avais un sentiment de honte.

6 Mais je dois dire que je crois véritablement que j'ai uriné de peur et j'ai

7 honte de l'admettre.

8 Ils ont véritablement tapé cet homme et frappé cet homme jusqu'au moment où

9 il s'est écoulé par terre et ils ont commencé à marcher chez lui. Ils lui

10 ont donné des coups de crosses de fusil.

11 Q. Très bien.

12 R. A un moment, plus personne ne l'a entendu, ni crier, ni demander qu'ils

13 s'arrêtent.

14 Q. Lorsque ce passage à tabac s'est terminé, que s'est-il passé ? Où êtes-

15 vous allé ?

16 R. Ils ont traîné la victime à l'extérieur. Il a donné l'ordre que la

17 victime soit traînée à l'extérieur. Le reste, nous, nous sommes restés dans

18 la pièce. Après cela, il nous a dit : "Voilà, une illustration de ce qui

19 pourrait vous arriver." Ensuite, ils ont donné l'ordre que l'on nous emmène

20 dans une pièce où nous pourrions rester un moment.

21 Q. Ils vous ont emmené dans cette pièce ?

22 R. Oui, c'était un petit bureau qui se trouvait en diagonale par rapport à

23 la porte du hangar. C'était une petite pièce. Nous pouvions seulement nous

24 asseoir. Il n'y avait pas de place pour s'étirer. Nous nous sommes

25 rassemblés dans cette pièce. Nous y sommes restés. Nous avons essayé, tant

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1 bien que mal, de nous calmer, de reprendre nos esprits et nous espérions

2 que c'était la fin de cette torture. Toutefois --

3 Q. Vous étiez dans cette pièce avec deux femmes et un homme ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que ces personnes étaient Musulmanes ?

6 R. Oui, ces personnes avaient été amenées de l'hôpital. Nous quatre, nous

7 avions été emmenés depuis l'hôpital. Ils nous ont mis ensemble dans cette

8 pièce.

9 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez été sortie de cette pièce ?

10 R. Je ne peux pas vous dire quand est-ce que cela s'est produit. Quoiqu'il

11 en soit, peu de temps après, la porte a été ouverte à nouveau. Un soldat a

12 pénétré dans la pièce. Il m'a donné un coup de pied avec son brodequin.

13 J'étais assise tout près de la porte. Il portait une immense lampe

14 électrique. Je n'avais jamais vu une lampe électrique aussi grande

15 auparavant. Il me l'a mise dans les yeux. Il l'a tenue pendant un moment.

16 Il a dit : "Suis-moi." J'ai été complètement aveuglée par la lumière. J'ai

17 dû toucher, tâtonner les murs pour voir où j'allais. Il marchait derrière

18 moi. Il me poussait dans le dos et il m'a ramenée dans la pièce où se

19 trouvait Goran Jelisic, dans la pièce où nous avions été auparavant.

20 Il m'a ramenée dans cette pièce. J'étais en face de Goran Jelisic. Cette

21 fois-ci, j'étais toute seule. Les trois autres étaient restés dans l'autre

22 pièce. Dans un premier temps, il m'a dit qu'il détestait les femmes

23 musulmanes, que les femmes musulmanes étaient sales, qu'il ne voulait

24 surtout pas toucher une femme musulmane. Ensuite, il m'a encore insultée et

25 il a ordonné aux autres d'emmener une autre infirmière. Il a répété les

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1 mêmes mots lorsque cette infirmière est arrivée. Il a dit beaucoup de

2 choses sur les femmes, ce dont je me souviens, c'est qu'il a dit qu'il

3 haïssait toutes les femmes musulmanes.

4 Une troisième infirmière a été emmenée et le médecin ensuite. Ils nous ont

5 emmenés dans la pièce l'un après l'autre. A chaque fois, nous étions soumis

6 à ce même genre d'insultes. Il nous appelait des balijas. Il nous a dit

7 qu'il allait nous montrer un autre exemple. Il a donné l'ordre qu'une autre

8 personne soit amenée. Cette personne a été placée au centre de la pièce.

9 Une fois de plus, il a demandé aux autres de former un cercle autour de

10 cette personne et la même scène s'est répétée avec ce passage à tabac, ces

11 cris, ces appels aux secours.

12 Q. Très bien. Pourriez-vous interrompre, Témoin ? Après le deuxième

13 passage à tabac, est-ce qu'il vous a ramenés dans la pièce où il vous avait

14 emmenés la première fois ?

15 R. Oui, ils m'ont ramenée dans cette pièce.

16 Q. Y êtes-vous restée pendant un certain temps ?

17 R. Oui, nous n'avons même pas eu le temps de reprendre nos esprits.

18 C'était tellement pénible. Nous étions dans un tel état de choc de toute

19 façon. Il était très, très, difficile de reprendre nos esprits. Nous avons

20 essayé de nous consoler les uns les autres tant bien que mal.

21 Puis, après un moment, un soldat est venu à nouveau. A nouveau, il m'a

22 frappée ou m'a donné des coups de pied avec ses brodequins à nouveau. Il a

23 dirigé sa lampe électrique dans mes yeux à nouveau. Il m'a demandé de

24 sortir. Une fois de plus, j'ai essayé de m'orienter. J'ai cru qu'il allait

25 m'emmener dans la même pièce pour que j'assiste à un autre passage à tabac.

Page 606

1 A un moment, j'ai été entraînée vers une autre salle. Soudainement, je me

2 suis trouvée dans une pièce tout à fait différente. Là, j'ai vu qu'il y

3 avait un autre bureau avec une lampe sur ce bureau. La pièce était plongée

4 dans la pénombre. J'ai vu une femme allongée par terre, une femme qui était

5 nue. Puis, il y avait un soldat sur elle qui était en train s'habiller. Il

6 y avait deux autres soldats qui étaient debout à côté, j'ai vu cette scène.

7 Ils m'ont poussée derrière le bureau. Au moment où ils m'ont poussée, je

8 suis tombée derrière le bureau. Deux des soldats, que je ne pouvais pas

9 véritablement bien voir -- alors j'ai commencé à me défendre physiquement.

10 J'ai essayé de les repousser.

11 Q. Est-ce que je peux vous interrompre un moment. Vous avez été violée

12 dans cette salle par deux personnes.

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner les noms de ces deux personnes ?

15 R. Zuco, Makivija Stojanovic, et pour ce qui est du troisième homme, alors

16 qu'il était sur le point de me violer, quelqu'un est entré dans la pièce et

17 a dit : "Action, action, vite, vite." Ils ont dû partir précipitamment. Ils

18 ont refermé leurs braguettes très rapidement. Moi, je suis restée par

19 terre, épuisée, désespérée.

20 Puis, puisque j'étais en état de marché, je me suis traînée le long du

21 couloir vers ma chambre. Lorsque je suis arrivée dans cette chambre -- et

22 avant de lire, je m'excuse parce que j'ai oublié de dire ce qui s'était

23 passé, parce que j'entendais les cris d'une femme. Au moment où je suis

24 entrée dans ma pièce, j'ai vu le Dr Mufti qui pleurait, qui pleurait comme

25 un enfant. Les trois infirmières pleuraient, et il a voulu nous consoler.

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1 Il s'est excusé de n'avoir été d'aucun secours. Il était très, très, très

2 mal à l'aise. Il ne savait pas ce qui s'était passé. Pendant cette

3 conversation, il a essayé de nous apporter un réconfort.

4 Il a enlevé sa chemise, et son corps était recouvert d'ecchymoses. Son

5 corps était bleu et noir. Il avait véritablement été passé à tabac de façon

6 très, très, très brutale. Il nous a dit que lorsqu'il bougeait tout son

7 corps lui faisait mal.

8 Puis, il nous a dit que la première nuit, lorsque nous avions été emmenées,

9 Ranko Cesic avait tué un autre homme, et qu'il avait vu cette scène de ses

10 propres yeux. Il avait vu lorsque cela s'était produit.

11 Q. Vous êtes encore restée un certain temps dans cette pièce, n'est-ce pas

12 ?

13 R. Oui, nous y sommes restées jusqu'au matin, mais nous n'avons pas pu

14 dormir un seul instant, parce que la porte, à un moment, s'est ouverte, et

15 ils ont commencé à faire sortir les gens du hangar et aller faire mettre en

16 rangs, par trois ou quatre. On entendait de loin la voix de Jelisic qui

17 hurlait un certain nombre de choses, qui criait et qui leur ordonnait de

18 chanter des chants serbes. Il déambulait un peu partout en pointant son

19 arme, qui était un pistolet, sur ces gens. Il hurlait, il voulait vérifier

20 si chacun de ces hommes chantaient bien ce qu'ils avaient reçu l'ordre de

21 chanter. Il agitait ses armes dans tous les sens. Il a probablement tiré

22 des coups de feu de son pistolet. Je ne peux pas affirmer avec certitude

23 qu'il a tué quiconque parce que je ne l'ai pas vu. Il y avait un garde qui

24 nous surveillait pendant tout ce temps-là, mais de temps en temps, nous

25 pouvions jeter un coup d'œil en cachette.

Page 608

1 Ensuite, il est revenu dans le hangar. D'autres soldats sont arrivés dans

2 le hangar. Il y a eu encore des coups, des hurlements, des pleurs, des

3 gémissements, des demandes à l'aide. Chaque fois qu'il faisait sortir des

4 gens pour s'occuper d'eux devant le hangar. Tout cela a duré toute la nuit,

5 pas une minute de sommeil. Ça s'est poursuivi pratiquement jusqu'à l'aube.

6 Q. Est-ce que ce genre de passages à tabac s'est poursuivi au cours des

7 soirées que vous avez passée en détention à Luka ?

8 R. Oui.

9 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous décrire, en dehors des nuits où les

10 passages à tabac avaient lieu, ce qui se passait pendant la journée

11 régulièrement ?

12 R. Oui, la première chose qui se passait le matin, c'est qu'on recevait

13 l'ordre d'aller nettoyer les toilettes et d'aller faire le ménage dans

14 leurs bureaux, c'est-à-dire dans toutes ces pièces où s'était passé un

15 certain nombre de choses. Il fallait laver le sang. Il fallait aussi vider

16 les cendriers pleins de mégots de cigarettes, et nettoyer, enlever les

17 bouteilles également. Voilà les ordres que nous recevions.

18 Quand tout cela était terminé, nous recevions l'ordre d'aller dans une

19 petite cuisine qui se trouvait en face des pièces où nous étions gardées en

20 détention. Il fallait que nous allions dans cette petite cuisine pour leur

21 servir à manger, à ces soldats.

22 Q. Vous avez dit que vous faisiez le ménage dans les bureaux. Avez-vous

23 remarqué quelque chose de particulier au moment où vous faisiez le ménage

24 dans ces bureaux ?

25 R. Oui. C'est ce que nous faisions tous les jours à ce moment-là. Quand

Page 609

1 nous faisions le ménage, ma collègue qui travaillait avec moi, enlevait les

2 bouteilles hors de la pièce et, moi, je nettoyais le sang. Un jour, je

3 mettais de l'ordre sur un des bureaux. J'ai remarqué un certain nombre de

4 papiers qui se trouvaient sur ce bureau auxquels je n'ai d'abord pas prêté

5 particulièrement attention. Mais ensuite, mon regard a été attiré par le

6 fait qu'il s'agissait d'une liste. J'ai vu que c'étaient les noms des gens

7 qui étaient promis à la liquidation. Quand j'ai vu cela, quand j'ai lu ce

8 titre, cet intitulé, je n'ai pas pu m'empêcher de continuer à lire le

9 reste. J'étais terrorisée, j'avais peur, mais j'ai tout de même regardé.

10 Il y avait une feuille sur la porte et une autre feuille au sommet de la

11 pile de papiers qui se trouvaient sur la table. Le premier, je n'ai pas pu

12 le lire en détail. Le deuxième, je l'ai lu de façon un peu plus détaillée.

13 J'ai compris très vite qu'il s'agissait d'une liste très soigneusement

14 établie, avec des numéros et un certain nombre de noms. Il y avait les noms

15 d'un certain nombre de Croates catholiques, et la majorité des noms étaient

16 des noms de Musulmans. Je ne me rappelle aucun de ces noms parce que je

17 regardais seulement. Il me serait difficile de vous dire que je me rappelle

18 les noms qui figuraient sur cette liste aujourd'hui. Mais lorsque j'ai lu

19 ces noms, je me souviens que j'ai reconnu la plupart de ces noms. C'étaient

20 les noms de personnes que je connaissais et pour l'essentiel, il s'agissait

21 de gens qui avaient une bonne formation universitaire ou de gros moyens

22 financiers. C'est la conclusion que j'ai pu tirer à la lecture de la

23 première page de ce document où figuraient des noms des gens que je

24 connaissais.

25 Puis, le nombre de noms qui figuraient au total sur cette liste était

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1 d'environ une cinquantaine.

2 Je ne voulais pas faire trop l'ordre sur le bureau ce jour-là, ni nettoyer

3 la poussière parce qu'on aurait pu voir que j'avais vu cette liste et que

4 je l'avais lue. Je ne voulais pas être soupçonnée d'avoir lu cette liste à

5 ce moment-là.

6 Q. Savez-vous si les personnes, dont les noms figuraient sur cette liste,

7 étaient des hommes ou des femmes ?

8 R. La majorité des noms était des noms d'hommes. Je ne me souviens même

9 pas d'avoir vu un nom de femme ou d'enfant sur cette liste.

10 Q. Est-ce qu'ensuite, vous êtes tombée malade pendant deux ou trois jours

11 et est-ce que vous avez dû rester dans la pièce où vous étiez gardé en

12 détention ?

13 R. Oui. J'ai eu des problèmes au niveau des organes urinaires. J'ai eu une

14 forte fièvre. Je ne pouvais pas bouger et pendant deux jours, je ne sais

15 même pas si je n'avais que de la fièvre. Je ne sais pas si je n'étais pas

16 tombé dans le coma. Je n'ai aucun souvenir. Mais je n'ai pas pu bouger. Je

17 ne sais pas ce qui s'est passé autour de moi à ce moment-là.

18 Q. Par la suite, avez-vous continué à être régulièrement violé par des

19 soldats qui venaient sur place ?

20 R. Oui, une de mes collègues, une autre infirmière m'a donné des

21 médicaments mais moi, je ne me souviens de rien. Cela a duré deux jours et

22 le troisième jour, en raison de cela, je me suis sentie un peu mieux. J'ai

23 repris mes esprits mais j'ai tout de même l'impression que c'est au cours

24 de ces deux jours, pendant la nuit, pendant une nuit que mes cheveux sont

25 devenus blancs. J'ai perdu pas mal de poids également mais la même chose

Page 611

1 s'est répétée par la suite.

2 Q. Avez-vous été à nouveau violée par Makivija Stojanovic ?

3 R. Oui. Un après-midi, j'ai reçu l'ordre d'aller dans le bureau et c'était

4 la porte d'à côté --

5 Q. Il suffit que vous répondiez par oui ou par non. Vous n'avez pas besoin

6 de rentrer dans les détails.

7 R. Oui.

8 Q. Une fois que vous vous êtes remise de vos problèmes de santé, est-ce

9 que vous avez continué à faire le ménage ?

10 R. Oui. C'était terrible. Ils nous forçaient à faire le ménage sans aucun

11 moyen pour se faire. Il fallait nettoyer à mains nues, leurs toilettes et

12 la seule chose qu'on avait reçue, c'était un petit balai. C'était terrible,

13 c'était dégoûtant. Mais ils nous ont contraint à nettoyer les toilettes à

14 mains nues. Monika était responsable de cela. C'est elle qui supervisait

15 notre travail.

16 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez, à quelque moment que ce soit, pu

17 quitter le camp de Luka pendant cette période ?

18 R. Ensuite, nous faisions la cuisine pour les soldats et une fois que nous

19 avions fini de distribuer la nourriture aux soldats, une voiture arrivait à

20 bord de laquelle se trouvaient deux soldats et ont nous a dit qu'il fallait

21 que nous allions faire le ménage dans une maison appartenant à des Serbes

22 dont les propriétaires allaient revenir. Moi-même et une de mes collègues,

23 nous allions l'après-midi nettoyer des maisons qui avaient été abandonnées

24 et qui étaient en complet désordre. Il fallait remettre de l'ordre dans ces

25 maisons pour que les propriétaires puissent à nouveau y vivre.

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1 Q. Quelles étaient ces maisons ?

2 R. Je les connaissais. Puis, j'ai vu des photographies et j'ai vu

3 l'ameublement et d'autres détails plus infimes mais j'en ai déduit qu'il

4 s'agissait de maisons dont les propriétaires étaient Musulmans.

5 Q. Les soldats vous ont-ils dit quoi que ce soit pendant que vous faisiez

6 le ménage dans ces maisons musulmanes ?

7 R. Oui. Ils nous ont dit qu'il fallait que nous fassions le ménage dans

8 ces maisons parce que, désormais, elles leur appartenaient et que chacune

9 de leur famille pouvait, en fait, posséder dix maisons parce que maintenant

10 ils s'étaient enrichis mais qu'il fallait tout de même mettre de l'ordre

11 dans tout ce qu'il y avait dans ces maisons, qu'elles leur appartenaient

12 désormais et qu'elles étaient nettoyées et remises en ordre pour que leur

13 famille puisse s'y installer.

14 Q. Une fois que vous avez fini de faire le ménage dans ces maisons qui se

15 trouvaient hors du camp de Luka, on vous a ramenée au camp de Luka, n'est-

16 ce pas ?

17 R. Oui. Un peu plus tard dans l'après-midi, les deux mêmes soldats que

18 ceux qui nous y avaient amenés sont revenus et alors que la voiture

19 circulait, alors que nous étions en route, nous avons franchi le pont et

20 nous avons regardé rapidement vers la rivière qui s'appelle la Save. J'ai

21 vu quatre ou cinq cadavres qui flottaient sur l'eau. Il est possible qu'il

22 y en ait plus, mais je n'ai pas regardé longtemps. J'ai simplement vu des

23 parties de troncs humains et puis les membres supérieurs, les bras. J'ai vu

24 les corps qui flottaient sur la rivière.

25 Ensuite, on nous a ramené dans le camp de Luka, dans la même pièce.

Page 613

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Karagiannakis, il est prêt de 15

2 heures 45. Je vous demanderais de nous dire à quel moment la pause peut

3 être faite.

4 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Le moment est opportun pour la pause,

5 Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je demanderais d'abord que

7 l'on fasse sortir le témoin du prétoire. Les stores doivent être descendus.

8 Je déclare, à présent, que nous aurons une pause de 20 minutes.

9 [problèmes techniques -- aucune interprétation]

10 --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.

11 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je vous

13 souhaite la bienvenue dans ce prétoire, Maître Stewart.

14 Madame Karagiannakis, vous pourriez procéder.

15 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation]

16 Q. Madame le Témoin, je vais vous poser une autre série de questions, il

17 vous suffira de répondre par oui ou par non, je vous prie.

18 Est-ce que les événements, qui se produisaient jour et nuit, et que vous

19 venez de décrire à l'attention des Juges de cette Chambre, se sont

20 poursuivis jusqu'au 19 mai 1992 ?

21 R. Oui.

22 Q. Ce jour-là, deux hommes sont-ils arrivés à bord d'un véhicule dans le

23 camp de Luka ?

24 R. Le 19 mai, une voiture est arrivée, s'est garée entre le hangar et la

25 pièce où nous nous trouvions. Le chauffeur était Dragan Veselic et à côté

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1 de lui se trouvait un homme, qui portait un uniforme militaire. C'était un

2 gradé parce qu'il avait des insignes de grade sur ses épaulettes. Je crois

3 qu'il s'agissait d'un signe de grade, pour autant que je m'y connaisse,

4 dans ce genre de chose.

5 Dragan Veselic a commencé à discuter avec certains de ses policiers, et le

6 militaire, dont j'ai parlé, est sorti de la voiture, et l'une de mes

7 collègues est allée parler avec lui dans le couloir. A ce moment-là, je

8 suis allée dans le couloir, et on nous a demandé

9 -- on lui a demandé de pénétrer dans la pièce de façon que nous puissions

10 parler ensemble.

11 L'homme est entré sans problème, et nous nous tenions debout dans le

12 couloir. Nous avons parlé de la situation dans le camp, nous lui avons

13 expliqué la situation, nous lui avons raconté les choses horribles qui se

14 passaient, nous lui avons dit que c'était insupportable que nous ne

15 pouvions plus vivre tout cela, que tout de même il s'agissait d'une armée

16 et de soldats, et que nous avions des droits.

17 Nous lui avons dit que ce qui se passait ne correspondait à aucune règle,

18 que tout le monde dans le camp pouvait faire ce qu'il voulait. Nous avons

19 demandé d'être traités d'une façon plus équitable, et nous lui avons dit :

20 "Veuillez, je vous prie, à ce qu'ils se comportent correctement parce que

21 ils pourraient tout simplement prendre leurs armes et nous abattre. Nous ne

22 pouvons plus supporter ce genre de chose plus longtemps. Cela nous détruit

23 physiquement et moralement." A ce moment-là, cet homme ---

24 Q. Puis-je vous interrompre ici. Est-ce que vous avez porté plainte pour

25 les viols que vous avez fait subir cet homme ?

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1 R. Oui.

2 Q. Avez-vous donné les noms des hommes qui vous ont violé ?

3 R. Oui, j'ai dit, à ce moment-là, qu'il s'agissait d'hommes de Serbie.

4 J'ai parlé du nom de Zuco et de Makivija Stojanovic. Je me souviens de ces

5 deux noms. J'ai oublié de parler de Ranko. Je ne sais pas si je l'ai fait

6 parce que j'avais peur, mais je sais que, dans la conversation, j'ai

7 mentionné les deux noms que je viens de citer. J'ai dit qu'il s'agissait de

8 soldats serbes, et je pouvais dire qu'il s'agissait de soldats serbes à

9 cause de leur accent, de la façon dont ils parlaient, parce que je ne

10 connaissais pas leur nom, je savais simplement, à l'époque, ce que je

11 savais.

12 Q. Après le moment où les crimes ont été commis ou ces passages à tabac,

13 ces meurtres, est-ce que les passages à tabac, les meurtres et les viols se

14 sont arrêtés dans le camp de Luka ? Une réponse, par oui ou par non,

15 suffit.

16 R. La situation s'est totalement modifiée, s'agissant de ce qu'on nous

17 faisait vivre. Il a donné l'ordre que personne d'autre que lui ne pénètre

18 dans la pièce où nous nous trouvions, et que personne ne nous fasse du mal.

19 Il a rempli sa promesse de sorte qu'à partir de ce moment-là, plus personne

20 ne nous a ennuyé.

21 Q. Je vais maintenant une série de questions pour lesquelles une réponse,

22 par oui ou par non, devrait suffire. Vous a-t-on à quelque moment que ce

23 soit demander à participer à une enquête, suite à la plainte que vous avez

24 déposée au sujet du crime commis par cet homme ?

25 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire --

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1 Q. Un policier est-il venu vous voir à quelque moment que ce soit après

2 vous avez parlé de ce crime ? Un policier est-il venu vous voir pour

3 enquêter au sujet du crime que vous aviez dénoncé ?

4 R. Nous étions dans cette pièce, et nous faisions des travaux tout à fait

5 ordinaires. Bien entendu, nous faisions le ménage tous les jours, et nous

6 avions à manger aux soldats. A partir de ce moment-là, je n'ai plus entendu

7 la voix de Jelisic, quant à Kostic --

8 Q. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair, Madame. Savez-vous si

9 Makivija Stojanovic ou Zuco ont été punis à quelque moment que ce soit pour

10 ce qu'ils ont fait ?

11 R. J'en doute.

12 Q. Après le 19 mai, Jelisic a-t-il été remplacé par un homme répondant au

13 nom de Kosta ?

14 R. D'après ce que j'ai pu constater, à partir des ordres que nous

15 recevions, parce que c'est Kosta qui nous donnait des ordres, c'est lui qui

16 était le plus souvent présent sur les lieux, et on a plus entendu la voix

17 de Jelisic, ou ses cris ou ses hurlements. Un certain jour, je ne peux pas

18 vous dire quel jour exactement, mais un certain jour il est arrivé à la

19 porte, et il a tellement hurlé en demandant de pénétrer à l'intérieur, que

20 je suppose que les gardes ne l'ont pas autorisé à le faire.

21 Une autre fois, la même chose s'est reproduite. Je ne sais pas si ce jour-

22 là il a sauté par-dessus la barrière, mais, en tout cas, il a couru vers

23 l'endroit où nous nous trouvions et, par la fenêtre. il a fait irruption

24 dans la pièce où nous nous trouvions. Il a dit --donnez-moi seulement une

25 minute, je n'ai besoin que d'une minute pour étrangler ces deux serpents.

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1 Il s'est passé un moment avant que les gardes arrivent, il devenait de plus

2 en plus furieux. Il se retenait à la table et deux ou trois gardes sont

3 arrivés à ce moment-là. Ils l'ont tiré par les jambes pour le forcer à

4 sortir parce qu'il leur opposait une résistance. Il y a eu une petite

5 bataille et, finalement, ils ont réussi à le faire sortir.

6 Q. Fort bien. Entre le 19 mai et la fin du mois de mai, est-ce qu'on

7 s'attendait encore à ce que vous fassiez le ménage et à ce que vous faisiez

8 à manger dans le camp ?

9 R. Oui.

10 Q. Finalement, vous avez été relâchée à la fin du mois de mai, n'est-ce

11 pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Kosta vous a fourni un laissez-passer, qui vous permettait en principe

14 de circuler librement dans la ville de Brcko, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Une fois que vous avez été libérée, on vous a emmenée dans une maison

17 qui se trouvait à côté du SUP de Brcko, et c'est là que vous êtes restée ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous y êtes restée jusqu'au 15 septembre, date à laquelle vous avez

20 pris contact avec la Croix rouge et quitté la ville de Brcko, n'est-ce pas

21 ?

22 R. Oui.

23 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant vous demander ce qui suit, entre le

24 moment où vous avez été relâchée du camp et la date du 15 septembre. Avez-

25 vous remarqué quelque chose de particulier au sujet de ce qu'il était

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1 advenu du MOS de Brcko -- au sujet de ce qui était advenu de la mosquée de

2 Brcko ?

3 R. Voyez-vous, nous étions dans cette pièce où nous ne trouvions, nous ne

4 recevions pas à manger. Contrainte par la faim, nous avons dû aller

5 chercher à manger. Nous nous sommes efforcés de nous rassembler, nous, les

6 femmes, et, par groupe de quatre ou cinq, nous nous rendions vers ma maison

7 pour essayer de trouver quelque choser à manger parce que manger était un

8 problème. Nous n'y allions tous les jours, mais, chaque fois que nous y

9 allions, nous rapportions quelque chose. Un peu plus tard, quand nous

10 étions de nouveau forcés, par la faim et par la nécessité de survire, nous

11 retournions dans ma maison pour essayer d'y trouver des vivres.

12 Un jour, nous étions en train de revenir après être allées dans ma maison,

13 et nous avons vu que la mosquée, qui était en face du centre de Santé,

14 était en feu. Les flammes étaient très grandes, la mosquée était encore en

15 feu et les flammes traversaient même la rue. Nous ne pouvions pas passer

16 parce que la chaleur était très intense, et il y avait toutes ces flammes.

17 Alors, nous nous sommes arrêtées.

18 Un groupe de civils s'est formé et, autour de la mosquée, nous avons vu des

19 soldats qui circulaient tout autour de la mosquée pour voir ce qui se

20 passait. Ils faisaient des commentaires, ils disaient qu'ils étaient

21 heureux que la mosquée ait disparue, qu'elle était une épine dans leurs

22 yeux, que cela les ennuyait de la regarder. Ils riaient, ils étaient très

23 heureux de voir que la mosquée avait été détruite.

24 Par la suite, lorsque la mosquée s'est trouvée réduite en ruine, ils ont

25 replanté de l'herbe, et je crois que c'est un "parking," qui a été

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1 construit à cet endroit. Voilà le genre de commentaires qu'ils faisaient.

2 Après un moment assez court, nous ne sommes calmées, le feu a diminué en

3 intensité et nous avons poursuivi notre route. Nous sommes passées devant

4 la mosquée de belija jamija, qui était également détruite. Il n'y avait

5 plus de flammes, mais on sentait encore l'odeur de la poussière qui volait

6 au-dessus de la mosquée. A ce moment-là, nous sommes rentrées à la maison.

7 Q. Une question à ce sujet, alors que vous approchiez de la mosquée qui se

8 trouve non loin du centre de Santé, avez-vous entendu quelque chose de

9 particulier ?

10 R. D'abord, un bruit d'explosion.

11 Q. Fort bien.

12 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges, je demande un huis clos partiel, pour la dernière partie de mon

14 interrogatoire.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous besoin d'un huis clos complet

16 ou d'un huis clos partiel ?

17 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Un huis clos partiel me suffira. J'ai

18 l'intention d'afficher des noms de personnes à l'écran, et d'interroger le

19 témoin à ce sujet. Je demanderais simplement que les images, issues du

20 système informatique Sanction, ne soient pas vues dans la galerie du public

21 ou à l'extérieur.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande à la régie de ne pas montrer

23 les images qui seront affichées sur les écrans dans le prétoire, à

24 l'extérieur du prétoire, de façon à ce que le public ne puisse pas voir ce

25 qui se passe dans le prétoire.

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1 Il y a évidemment un risque que les personnes présentes dans la galerie du

2 public voient les images de vos écrans par la vitre. Il faut prendre les

3 dispositions nécessaires pour cela ne soit pas possible.

4 Si vous ne pouvez pas utiliser vos ordinateurs portables avec une

5 efficacité suffisante, je regarde ce qui se passe, je ne vois pas depuis la

6 place que j'occupe s'il y a du public dans la galerie du public ou, en tout

7 cas, dans la partie droite; de l'autre côté, il n'y a personne.

8 Je vois que des gens se déplacent dans la galerie du public. Il serait

9 peut-être préférable qu'ils occupent les sièges du centre de la galerie.

10 Monsieur l'Huissier, en tout cas, je vous demande, veuillez voir à ce que

11 personne dans la galerie du public n'occupe un siège à partir duquel il

12 peut voir les écrans du prétoire. Quant aux techniciens de la régie, on

13 leur demande de ne pas montrer les images qui seront vues sur les écrans du

14 prétoire, à l'extérieur du prétoire.

15 Je demanderais un huis clos partiel.

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9 [Audience publique]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin, les conseils de la

11 Défense vont maintenant vous interroger. C'est, en occurrence, Me Loukas

12 qui va vous poser des questions.

13 Maître, vous avez la parole.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Contre-interrogatoire par Mme Loukas :

16 Q. Bonjour, Madame le Témoin 224. Je tiens à vous rassurer tout de suite,

17 je ne vais pas utiliser votre nom et je ne vais pas donner d'éléments

18 susceptibles de révéler votre identité. Est-ce que ceci vous convient ?

19 R. Oui.

20 Q. S'il m'arrive de dire quelque chose que vous ne comprenez pas ou s'il

21 vous faut un certain temps pour reprendre vos esprits, dites-le-moi. Vous

22 êtes d'accord ?

23 R. D'accord.

24 Q. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. J'espère que vous

25 pouvez répondre brièvement à ces quelques questions. Dans l'essentiel, je

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1 vais simplement me contenter de vous demander la confirmation de choses que

2 vous avez déjà dites. Me comprenez-vous ?

3 R. Oui.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions-nous,

5 rapidement, passer à huis clos partiel ? Je voudrais poser une question en

6 rapport avec des mesures de protection.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

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22 [Audience publique]

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant de revenir en audience publique --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes déjà en audience publique.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Sans doute, est-il préférable de revenir à

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1 huis clos partiel parce que je voulais vous soumettre une question.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Revenons à huis clos partiel, oui,

3 plutôt que le huis clos complet.

4 [Audience à huis clos partiel]

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25 [Audience publique]

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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 Q. Témoin 224, comme je vous l'avais indiqué avant que nous ne passions à

3 huis clos partiel, je vais être extrêmement prudente et faire en sorte que

4 rien ne soit dit qui pourrait divulguer votre identité. Si je vous pose une

5 question qui nécessite cela, n'hésitez pas à me le dire pour que nous

6 puissions passer immédiatement à huis clos partiel. Comprenez-vous ce que

7 je suis en train de vous dire ?

8 R. Oui.

9 Q. Quand je vous l'ai indiqué au préalable je n'ai pas beaucoup de

10 questions à vous poser, et la plupart de mes questions consisteront à faire

11 en sorte que vous confirmiez ce que vous avez déjà dit lors d'occasion

12 précédente. Je pense que vous compreniez cela ?

13 R. Je comprends.

14 Q. Témoin 224, vous avez donné des moyens de preuve, vous avez déjà déposé

15 auprès de ce Tribunal. Est-ce que bien exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Les preuves, que vous avez apportées auparavant, ont fait l'objet d'une

18 déclaration solennelle, ce qui est également le cas aujourd'hui.

19 R. Oui.

20 Q. A cette occasion, vous avez présenté votre témoignage en respectant la

21 vérité, et vous avez présenté votre témoignage avec exactitude ?

22 R. Oui.

23 Q. A un moment de la procédure, dans le cadre de laquelle vous avez

24 présenté un témoignage, vous souvenez-vous qu'un juge vous a posé des

25 questions ?

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1 R. Je pense me souvenir que des questions ont été posées pour un Juge.

2 Q. Voilà ce que je vais faire. Je vais vous donner lecture lentement de la

3 question qui vous a été posée par le Juge. Ensuite, je vous demanderais de

4 confirmer si vous vous souvenez de cette question. Comprenez-vous ?

5 R. Oui.

6 Q. Le Juge en question est le Juge Riad, et voici ce qu'il vous a dit, il

7 vous a dit : "Bonjour, je m'excuse de ne pas vous appeler par votre nom, et

8 de n'utiliser qu'une lettre pour que personne ne vous reconnaître." Vous

9 souvenez-vous de cela ?

10 R. Oui.

11 Q. Il vous a dit, ensuite : "J'essaie de comprendre un peu mieux certaines

12 parties de votre déposition. Vous avez mentionné que Jelisic avait déclaré

13 être l'homme responsable pour tout ce qui se produisait."

14 Ensuite, il a dit : "Je vais essayer de citer exactement, à savoir qu'il

15 était la personne qui contrôlait la situation, et que rien ne pouvait être

16 fait sans sa permission."

17 Le Juge a indiqué que cela était sa déclaration, mais quels étaient les

18 faits sur le terrain ? Est-ce que les faits corroboraient cette

19 déclaration, ou est-ce qu'il s'agissait tout simplement de quelqu'un qui se

20 vantait d'un pouvoir qui n'était pas, en fait, fort et puissant que cela.

21 Vous souvenez-vous que cette question vous a été posée ?

22 R. Pourriez-vous répéter la dernière partie de la déclaration, et je n'ai

23 pas véritablement suivi votre question.

24 Q. C'est la question du Juge, dont je vous ai donné lecture que vous

25 n'avez pas saisi ?

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1 R. Non, c'est vous que je n'ai pas été en mesure de saisir. Lorsque vous

2 avez lu le document, je n'ai pas véritablement suivi ce que vous lisiez.

3 Q. Je vois. Est-ce que vous voulez que je lise beaucoup plus lentement.

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous voulez que je commence depuis le début ?

6 R. Non, pas depuis le début, juste lorsque vous avez commencé à lire à

7 propos de la déclaration de Jelisic, lorsque vous avez cité, en fait, les

8 paroles prononcées par Jelisic. Ou si cela vous est plus facile, vous

9 pourriez peut-être lire depuis le début.

10 Q. Il sera plus facile que je lise -- ou que je relise la question du

11 Juge, et je vais vous en donner une lecture plus lente.

12 R. Oui.

13 Q. "Bonjour Témoin K, je m'excuse de ne pas vous appeler par votre nom, de

14 n'utiliser qu'une lettre de telle sorte que personne ne puisse vous

15 reconnaître."

16 Vous avez déjà indiqué vos souvenirs de cette déclaration faite par le

17 Juge, c'est bien exact, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Je vais lire par passage. Ensuite, il a dit : "Je vais -- je

20 souhaiterais -- ou j'essaie de comprendre un peu mieux certaines parties de

21 votre témoignage."

22 Vous comprenez cette phrase que je viens de vous lire 0?

23 R. Oui.

24 Q. Puis le Juge a poursuivi et il a dit : "Vous avez indiqué que Jelisic

25 avait déclaré qu'il était l'homme responsable de tout ce qui se passait."

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1 Comprenez-vous cette phrase du Juge ?

2 R. Oui.

3 Q. Le Juge a dit : "Je vais essayer de citer cela exactement, et le Juge a

4 cité."

5 Vous comprenez ?

6 R. Oui.

7 Q. Voilà la citation, dont je vais vous donner lecture maintenant. Je cite

8 : "Qu'il était la personne qui contrôlait la situation et que rien ne

9 pouvait être fait sans sa permission."

10 Vous comprenez cette phrase, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Le Juge vous a posé une question, et il a dit : "Il s'agit que c'est de

13 sa déclaration, mais, en fait, quels étaient véritablement les faits sur le

14 terrain ?"

15 Est-ce que vous comprenez cette phrase ?

16 R. Oui.

17 Q. Il a poursuivi, et a dit : "Est-ce que les faits corroboraient cette

18 déclaration, ou est-ce qu'il s'agissait tout simplement d'une personne qui

19 se vantait de son pouvoir, pouvoir qui, en fait, n'était pas si important."

20 Comprenez-vous ce dernier élément de la question posée par le Juge ?

21 R. Oui.

22 Q. Alors, voilà ce que je me propose de faire. Je vais vous donner lecture

23 de la réponse que vous avez fournie à cette occasion. Vous comprenez ce que

24 nous allons faire maintenant ?

25 R. Oui.

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1 Q. Voilà qu'elle fut votre réponse : "Je pense qu'il ne s'agissait pas du

2 tout de vantardise, c'est ainsi que je voyais les choses également."

3 Est-ce que vous suivez la réponse que vous avez apportée jusqu'à présent ?

4 R. Oui.

5 Q. "J'ai essayé de faire en sorte d'être capable de voir ce qui se

6 passait. Il aimait tuer il aimait prouver sa force, prouver qu'il était

7 Dieu, en d'autre terme, qu'il était notre Juge, que c'est lui qui décidait

8 de notre destin."

9 Est-ce que vous comprenez cette partie de votre réponse ?

10 R. Oui.

11 Q. "Qu'il avait toute la force et toute la responsable ou qu'il assumait

12 toute la responsabilité de tout ce qui se passait dans ce camp."

13 R. Oui.

14 Q. "Qu'il assumait la responsable de tout ce qui se passait dans ce camp."

15 R. Oui, jusqu'au 19 mai.

16 Q. J'aimerais vous poser une question dans un premier temps. Cette

17 question vous a été posée et, bien entendu, vous vous souvenez de la

18 question qui vous a été posée par le Juge. Est-ce bien exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous avez donné votre réponse et vous avez apporté une réponse

21 correspondant à la vérité, à cette occasion. Est-ce bien exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez dit la vérité lorsque vous avez répondu à la question qui

24 vous a été posée par le Juge.

25 R. Oui.

Page 639

1 Q. Lorsque le Juge vous a posé une question afférente à M. Jelisic, vous

2 avez apporté votre réponse à cette question et votre réponse correspondait

3 à la vérité.

4 R. Oui.

5 Q. Témoin 224, j'aimerais maintenant que nous considérions la déclaration

6 que vous avez faite à ce sujet, déclaration que vous avez faite par écrit.

7 Je pense qu'un exemplaire a été fourni.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, je suppose que les

9 numéros du paragraphe ont été ajoutés par la Défense.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Nous avons pensé que cela serait plus

11 facile puisqu'il s'agit d'une très longue déclaration.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis d'accord. C'était juste à titre

13 d'information.

14 Mme LOUKAS : [interprétation]

15 Q. Dans un premier temps, Témoin 224, et à propos de cette déclaration

16 écrite, je suppose que cette déclaration a été prise, cette déclaration au

17 préalable a été déposée pendant deux jours. Est-ce bien exact ?

18 R. Qu'entendez-vous par deux jours ?

19 Q. Les dates de l'entretien qui étaient le 10 et le 11 novembre 1998.

20 R. Oui.

21 Q. Bien entendu, quelqu'un prenait des notes de ce que vous indiquiez ?

22 R. Oui.

23 Q. Bien entendu, lorsque vous avez fait cette déclaration au préalable,

24 vous saviez que le Procureur souhaitait votre témoignage pour pouvoir mener

25 à bien une enquête sur cette question ?

Page 640

1 R. Oui.

2 Q. Ce afin de trouver les gens responsables ?

3 R. Oui.

4 Q. Je suppose, et corrigez-moi si je m'abuse, mais je pense, en fait, que

5 ce fut la première fois que vous avez eu la possibilité de faire une

6 déclaration.

7 R. En novembre 1998.

8 Q. C'est exact, oui. Ce fut la première fois que vous avez eu la

9 possibilité de présenter une déclaration au Procureur du Tribunal pénal

10 international pour l'ex-Yougoslavie. C'est exact, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. Oui.

12 Q. Bien entendu, après ce qui vous est arrivé, vous savez qu'il est

13 important de dire la vérité. C'est exact, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez présenté une déclaration détaillée.

16 R. Oui.

17 Q. Cette déclaration a été recueillie pendant deux jours et cela a pris

18 plusieurs heures. Est-ce bien exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous souvenez-vous du nombre d'heures que cela a pris ?

21 R. Cela a duré sept heures chaque jour.

22 Q. Cette déclaration a été recueillie pendant environ 14 heures. Est-ce

23 exact ?

24 R. Oui, environ.

25 Q. Bien sûr, vous avez déclaré toute la vérité à propos de tout ce que

Page 641

1 vous saviez. Est-ce bien exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Des notes précises ont été consignées et ont été prises de votre

4 déclaration ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez eu la possibilité de corriger ou de rectifier, au fur et à

7 mesure que les notes ont été écrites. Est-ce bien exact ?

8 R. Je ne suis pas si sûre que cela des corrections. D'ailleurs, je ne sais

9 pas si j'ai très bien compris votre question.

10 Q. Vous avez eu la possibilité de lire l'intégralité de votre déclaration

11 lorsqu'elle a été terminée ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, j'aimerais vous demander

14 de préciser car je vois quelles sont les langues qui ont été utilisées sur

15 la page de garde. Est-ce que vous pourriez demander au témoin ce qu'elle a

16 lu ?

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

18 Q. Vous remarquerez que -- je sais que vous comprenez l'anglais. Est-ce

19 bien exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Sur la page de couverture de la déclaration, il est indiqué 95 %

22 anglais, 5 % bosnien. Vous le voyez cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans quelle langue a été menée à bien cet entretien ?

25 R. En anglais.

Page 642

1 Q. L'entretien a essentiellement été mené à bien en anglais. Est-ce bien

2 exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Avez-vous une connaissance suffisante de l'anglais pour le lire et

5 l'écrire ?

6 R. Oui.

7 Q. C'est la raison pour laquelle, n'est-ce pas, vous avez décidé de faire

8 votre déclaration au préalable en anglais ?

9 R. C'était spontané.

10 Q. Vous avez parlé anglais pendant l'entretien ?

11 R. Oui.

12 Q. Quand vous avez lu la déclaration au préalable, l'avez-vous lu aussi

13 bien en anglais qu'en B/C/S ?

14 R. En bosnien.

15 Q. Ce qui s'est passé, finalement, c'est que vous avez fait 95 % de votre

16 déclaration au préalable en anglais, mais, lorsque vous l'avez relu, à la

17 fin, c'est la version en B/C/S que vous avez lue, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Bien entendu, vous savez bien lire, écrire et parler en B/C/S ?

20 R. Oui.

21 Q. Avant de signer votre déclaration préalable, on vous a demandé, n'est-

22 ce pas, si tout ce qui figurait dans cette déclaration correspondait à la

23 vérité ?

24 R. Mais vous pensez à la version anglaise ou aux deux versions de ma

25 déclaration ? Vous pouvez répéter votre question.

Page 643

1 Q. Je répète ma question. Cela ne pose aucun problème. Je vous demande si

2 on vous a demandé de confirmer que tout ce qui était dit dans les deux

3 versions, anglaise et B/C/S, était conforme à la vérité. Autrement dit,

4 lorsque vous avez signé votre déclaration préalable en anglais et lorsque

5 vous avez signé votre déclaration préalable en B/C/S, on vous a, bien

6 entendu, demandé si tout ce qui figurait dans ces deux déclarations était

7 conforme à la vérité.

8 R. Oui.

9 Q. Bien sûr, on vous a demandé de signer les deux versions de votre

10 déclaration, la version en anglais et la version en B/C/S. A ce moment-là,

11 on vous a demandé si vous souhaitiez y ajouter quelque chose. Vous êtes

12 bien d'accord là-dessus, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Bien entendu, lorsque vous avez signé votre déclaration, le moment où

15 vous avez signé votre déclaration était beaucoup plus rapproché des

16 événements que vous relatiez que la date d'aujourd'hui, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Fort bien. Bien entendu, les enquêteurs qui vous interrogeaient étaient

19 aux petits soins pour vous.

20 R. Oui.

21 Q. Ce qu'ils ont fait, c'est faire en sorte que votre récit se retrouve

22 dans votre déclaration préalable comme vous l'aviez émis personnellement.

23 R. Oui.

24 Q. Revenons, si vous le voulez, à cette déclaration préalable que vous

25 avez faite. Il y a un certain nombre de points sur lesquels j'aimerais

Page 644

1 revenir avec vous.

2 J'aimerais que nous parlions du paragraphe 12 de votre déclaration

3 préalable. L'avez-vous sous les yeux ?

4 R. Oui.

5 Q. Ce paragraphe 12 se trouve à la page 3 de votre déclaration préalable.

6 Vous l'avez bien sous les yeux, n'est-ce pas, Madame le Témoin 224 ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez sous les yeux --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un détail pour que nous évitions tout

10 mal entendu, la pagination, en version anglaise et en version B/C/S' n'est

11 pas la même. En tout cas, pour la page 3, parce que la page de couverture

12 ne comporte aucun numéro dans la version B/C/S, alors qu'elle en comporte

13 un dans la version anglaise.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez bien compris le problème de

16 pagination et de numérotation des paragraphes.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, tout à fait. Merci, Monsieur le

18 Président.

19 Q. Madame le Témoin, en tout cas, nous sommes actuellement sur le

20 paragraphe 12, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. J'aimerais vous demander de confirmer quelque chose qui figure dans

23 votre déclaration préalable et qui n'a fait l'objet d'aucune question de la

24 part du Procureur au cours de son interrogatoire principal. J'aimerais vous

25 demander une confirmation au sujet d'une phrase particulière. Vous me

Page 645

1 comprenez ?

2 R. Oui.

3 Q. Fort bien. Au paragraphe 12, nous lisons la première phrase comme suit,

4 je cite : "Le lendemain, des soldats serbes blessés ont commencé à

5 arriver." Vous voyez cette phrase ?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Bien entendu, ceci est conforme à la vérité.

8 R. Oui.

9 Q. Il y a un autre point que j'aimerais revoir avec vous, dans votre

10 déclaration préalable.

11 Nous en sommes là, n'est-ce pas ? "Le lendemain, des soldats serbes blessés

12 ont commencé à arriver." Maintenant, j'aimerais revoir avec vous le

13 paragraphe 88, de votre déclaration préalable.

14 Madame le Témoin, est-ce que vous avez actuellement le paragraphe 88 sous

15 les yeux ?

16 R. Oui.

17 Q. Avez-vous pu relire ce paragraphe particulier, je veux parler du

18 paragraphe 88.

19 R. Oui.

20 Q. Ce paragraphe, bien entendu, porte sur la période qui suit le moment où

21 vous avez été malade, dont vous avez parlé dans votre déposition il y a

22 quelques instants, n'est-ce pas ?

23 R. Vous pouvez répéter votre question, je vous prie.

24 Q. Un peu plus tôt au cours de la journée aujourd'hui, vous avez témoigné,

25 en disant qu'à un certain moment vous étiez tombée gravement malade et qu'y

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1 compris vous aviez eu des accès de délire pendant un jour ou deux. Vous

2 vous souvenez d'avoir dit cela aujourd'hui ?

3 R. Oui.

4 Q. Bien entendu, une fois que vous vous êtes rétablie, vous avez poursuivi

5 votre déposition, en disant que vous aviez eu à accomplir des tâches de

6 ménage. Vous vous souvenez de cela, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Dans le paragraphe, dont nous parlons actuellement, ce paragraphe 88,

9 de votre déclaration préalable, vous dites que deux soldats vous

10 escortaient lorsque vous quittiez le camp de Luka pour aller travailler.

11 Vous êtes d'accord avec cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous ajoutez que vous ne connaissiez pas ces soldats -- vous avez

14 ajouté que vous ne connaissiez pas ces soldats et vous dites également,

15 dans votre déclaration préalable, que parfois il s'agissait de soldats que

16 vous aviez déjà vus et parfois d'autres soldats. Vous vous souvenez de

17 cela ?

18 R. Donnez-moi un moment pour que je lise encore ce passage. Vous pensez

19 aux gens qui nous escortaient pour aller travailler ?

20 Q. Pas de problème. C'est un très bonne idée de lire y compris d'ailleurs

21 les paragraphes 86 et 87, de façon à situer le paragraphe 88 dans son

22 contexte.

23 R. Oui, j'ai lu ces paragraphes.

24 Q. Merci, Madame le Témoin. A présent, que vous avez relu les paragraphes

25 86, 87 et 88, je suppose que vous comprenez mieux le contexte dans lequel

Page 647

1 se situe votre déposition actuelle, n'est-ce

2 pas ?

3 R. J'ai bien compris la dernière partie de ce que vous me demandez, mais

4 je ne comprends pas ce que vous me demandez dans sa totalité.

5 Q. Fort bien. Tout ce que je vous demande de confirmer pour moi, c'est que

6 ce que vous dites dans ce paragraphe 88 de votre déclaration préalable,

7 correspond bien à ce que vous souhaitiez déclarer, et est conforme à la

8 vérité. C'est tout ce que je vous demande.

9 R. Oui.

10 Q. Ce que vous dites dans ce paragraphe, c'est que vous ne saviez pas d'où

11 venez ces soldats. Vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce pas ? Ces soldats

12 dont il est question au paragraphe 88.

13 R. Oui.

14 Q. Je crois vous avoir également entendu dire au cours de votre déposition

15 d'aujourd'hui, un peu plus tôt dans la journée, qu'un homme était arrivé

16 dans le camp, et qu'à partir du moment où cet homme est venu dans le camp,

17 la situation a changé pratiquement tout de suite. Vous rappelez-vous avoir

18 dit cela dans votre déposition sur le fond ?

19 R. Oui.

20 Q. Par la suite, les meurtres, les viols et les passages à tabac ont

21 cessé. Vous êtes d'accord avec cela ?

22 R. Oui, oui.

23 Q. A présent, s'agissant d'un certain nombre d'autres questions qui

24 figurent dans votre déclaration préalable, j'aimerais que nous les

25 confirmions ensemble.

Page 648

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, si vous êtes sur le point

2 de passer à un autre sujet, puisqu'il est 17 heures 5 -- 17 heures 30.

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, oui, il est 17 heures 30.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions faire une pause -- une

5 pause jusqu'à 17 heures 50.

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Sans problème, Monsieur le Président. Je vais

7 passer à un sujet différent.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande simplement avant le

9 "weekend" parce que je sais que ce n'est pas vu qui a déterminé le rythme

10 du contre-interrogatoire, mais pensez-vous pouvoir finir ce contre-

11 interrogatoire avant le "weekend" ?

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Je dois dire, Monsieur le Président, que pour

13 ce qui me concerne, je ne vois aucune raison pour ne pas terminer mon

14 contre-interrogatoire avant la suspension d'audience.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

16 Mme LOUKAS : [interprétation] --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant la pause, avez-vous dit ? Mais la

18 pause c'est maintenant.

19 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant la suspension d'audience, avant 19

20 heures, je pense que pour autant que les réponses soient courtes, nous en

21 terminerons certainement avant 19 heures.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Suspension jusqu'à 17 heures

23 50.

24 --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

25 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

Page 649

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, vous pouvez poursuivre.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Madame le Témoin, je pense que vous avez toujours les deux versions de

4 votre déclaration, en B/C/S et en anglais, sous les yeux, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vous demanderais de vous rendre au paragraphe 61. Vous avez ce

7 paragraphe 61 sous les yeux ?

8 R. Oui.

9 Q. Je voudrais vous demander de confirmer un point que l'on trouve dans la

10 troisième phrase de ce paragraphe. Il s'agit de Goran Jelisic. Nous lisons

11 ce qui suit, je cite : "Il nous a dit qu'il était responsable du camp et

12 que tout ce que faisait les soldats, il le faisait parce que lui-même

13 l'avait ordonné." Vous voyez ce passage ?

14 R. Oui.

15 Q. Bien sûr, il correspond à la vérité, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. A présent, j'aimerais vous demander de vous rendre au paragraphe 108.

18 Vous avez ce paragraphe 108 sous les yeux, en anglais et en B/C/S ?

19 R. Oui.

20 Q. Dans ce paragraphe, vous dites ce qui suit, je cite : "Pour autant que

21 j'ai pu le constater, Goran Jelisic jouissait d'un pouvoir total dans le

22 camp. Les autres semblaient obéir à ses ordres. Quant à lui, il faisait ce

23 qu'il voulait. Il était celui qui décidait du sort réservé aux prisonniers.

24 Il avait le pouvoir de vie et de mort et aimait que les prisonniers le

25 sachent. Cela faisait partie de la peur qu'il dispensait et de son

Page 650

1 pouvoir."

2 R. Oui.

3 Q. Ceci bien sûr, figure bien dans votre déclaration préalable, n'est-ce

4 pas, Madame le Témoin ?

5 R. Oui.

6 Q. Bien entendu, ceci est conforme à la vérité ?

7 R. Oui.

8 Q. Madame le Témoin, j'aimerais maintenant parler avec vous d'un autre

9 sujet. Je crois que c'est hier que vous avez utilisé le terme "Vojvoda".

10 Vous vous souvenez de cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Si je comprends bien ce mot, il signifie à peu près "Duc", n'est-ce pas

13 ? Est-ce que vous êtes du même avis que moi sur ce point ?

14 R. Oui.

15 Q. Par ailleurs, dans votre déposition orale aujourd'hui, vous avez dit à

16 un certain moment, que les infirmières serbes, je crois que c'est le mot

17 que vous avez utilisé. Je paraphrase en fait vos propos. Vous avez dit que

18 les infirmières serbes n'étaient pas venues, lorsque finalement, elles ont

19 fini par arriver sur leur lieu du travail, elles étaient habillées comme

20 des mannequins, étaient maquillées. Vous vous rappelez avoir dit cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Madame le Témoin, je pense que vous avez toujours les deux versions

23 anglaise et B/C/S de votre déclaration préalable sous les yeux. Si vous

24 regardez ce qui est écrit au paragraphe 3 de votre déclaration préalable,

25 avez-vous ce paragraphe sous les yeux ? A présent, vous avez ce paragraphe

Page 651

1 numéro 3 sous les yeux ?

2 R. Oui.

3 Q. Regardez ce qui est écrit dans la dernière phrase de ce paragraphe dont

4 je vais vous donner lecture. Je cite : "Ce qui était inhabituel, c'est

5 qu'un grand nombre d'infirmières ne sont pas venues au travail ce matin-

6 là." Vous voyez cette phrase ?

7 R. Oui.

8 Q. Dans cette phrase vous ne dites rien de l'appartenance ethnique des

9 infirmières dont vous parlez, n'est-ce pas ?

10 R. Personne ne m'a posé la question.

11 Q. J'aimerais si vous le voulez bien, que nous revenions à une autre

12 question que je vous ai posée un peu plus tôt au cours de mon contre-

13 interrogatoire. Je vous ai dit, je cite : "Avant de signer votre

14 déclaration écrite, on vous a bien demandé si vous aviez quelque chose à

15 ajouter."

16 R. Oui.

17 Q. Il vous a bien fallu 14 heures pour faire cette déclaration préalable ?

18 R. Oui.

19 Q. Bien entendu, vous êtes entrée dans un grand nombre de détails, lorsque

20 vous avez fait cette déclaration préalable ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous aviez le désir de dire la vérité, toute la vérité, sans rien

23 laisser du côté, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez simplement omis de faire état dans votre déclaration

Page 652

1 préalable de l'appartenance ethnique des infirmières qui ne sont pas venues

2 au travail. C'est bien cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Si vous relisez à présent ce qui figure au paragraphe 5 de votre

5 déclaration préalable, l'avez-vous à présent sous les yeux ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous remarquerez que dans la dernière phrase de ce paragraphe, nous

8 lisons ce qui suit, je cite : "Seul la moitié du personnel que l'on

9 attendait pour la relève des équipes, est arrivée." Vous voyez cette

10 phrase ?

11 R. Oui.

12 Q. Là non plus, vous ne dites rien de l'appartenance ethnique de ce

13 personnel. Vous êtes d'accord avec moi ?

14 R. Oui.

15 Q. A présent, parlons des déplacements que vous avez pu faire dans le camp

16 pendant votre séjour dans le camp. Je suppose que lorsque vous circuliez

17 dans le camp, vous étiez accompagnée, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. Il y avait toujours des policiers et des soldats dans l'enceinte

19 du camp. J'étais toujours sous les yeux des soldats, des gardes.

20 Q. Vous étiez toujours sous les yeux des soldats et des gardes ?

21 R. Oui.

22 Q. Lorsque vous sortiez du camp pour aller faire le ménage dans des

23 maisons, vous étiez accompagnée de gardes ?

24 R. Oui.

25 Q. Lorsque vous étiez à l'intérieur du camp, il n'y avait pas un seul

Page 653

1 moment où les gardes vous perdaient de vue. C'est bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous avez dit dans votre déposition orale, avoir vu un document placé

4 sur une table. C'est bien cela, n'est-ce pas ? Je crois vous l'avoir

5 entendu dire aujourd'hui au cours de votre déposition ?

6 R. Oui.

7 Q. Ce document dont vous dites que vous l'avez vu, était-il tapé à la

8 machine, dactylographié ou manuscrit ?

9 R. Manuscrit.

10 Q. Il était manuscrit, c'est cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Je crois vous avoir entendu dire un peu plus tôt, que vous étiez à tout

13 moment sous les yeux des gardes. C'est bien cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Je suppose que ce que vous dites, c'est que vous avez vu ce document

16 pendant à peine quelques petites secondes. C'est bien cela que vous dites,

17 Madame le Témoin ?

18 R. Oui.

19 Q. S'agissant de ce document, il est tout à fait clair, n'est-ce pas,

20 qu'un document manuscrit aurait été un peu difficile à lire pour vous, en à

21 peine quelques petites secondes. C'est bien cela ?

22 R. L'écriture était très lisible, pratiquement comme des lettres

23 manuscrites, dactylographiées. D'ailleurs, je ne dirais pas quelques

24 petites secondes, parce que ce que j'ai fait, c'est voir d'abord rapidement

25 la première page, où j'ai vu qu'il y avait des noms. Quant aux pages deux,

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1 trois, et quatre, je les ai regardées moins longtemps.

2 Q. Je crois vous avoir entendu dire un peu plus tôt dans votre déposition

3 d'aujourd'hui, que vous étiez toujours sous les yeux des gardes. C'est bien

4 cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Lorsque vous étiez à l'intérieur du camp, les gardes ne vous perdaient

7 pas de vue un seul instant. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourtant, vous affirmez que pendant quelques secondes, vous avez eu la

10 possibilité de passer en revue un document de quatre pages. C'est bien

11 cela, puis en manuscrit.

12 R. Oui, parce que le garde qui se trouvait là, était debout à côté de la

13 porte. Il était à l'entrée du bureau. Il n'est pas entré dans le bureau

14 après nous. Il a attendu à la porte.

15 Q. Je croyais vous avoir entendu dire que les gardes ne vous perdaient

16 jamais de vue.

17 R. Oui. Enfin, ils estimaient, puisque nous étions là dans une pièce, et

18 que nous n'avions nulle part ailleurs où allez, qu'ils pouvaient nous

19 laisser à l'intérieur de cette pièce pour que nous fassions le ménage sans

20 avoir à être à côté de nous. Ils nous attendaient à la porte.

21 Q. A présent, vous vous rétractez par rapport à une autre réponse que vous

22 avez faite au cours de votre déposition à un moment antérieur, n'est-ce pas

23 ? Vous vous rétractez par rapport au fait d'avoir dit que les gardes ne

24 vous perdaient jamais de vue ?

25 R. Je ne me rétracte pas, parce qu'il était à la porte.

Page 655

1 Q. Vous vous rétractez par rapport à la réponse que vous avez faite en

2 disant que vous étiez à tout moment sous les yeux des gardes ?

3 R. Je ne me rétracte pas. Il était à la porte. Il y avait à peine deux

4 mètres entre lui et moi. La porte est la largeur du couloir. Il pouvait

5 pratiquement entendre chaque geste que nous faisions en faisant le ménage

6 dans la pièce. Quand on bougeait les bouteilles, pour sortir les

7 bouteilles, il fallait que nous passions devant lui.

8 Q. Vous dites que vous n'étiez pas sous ses yeux lorsque vous avez vu et

9 regardé cette liste. C'est bien ce que vous dites.

10 R. Oui.

11 Q. Vous vous rétractez par rapport à votre réponse antérieure qui

12 consistait à dire que vous étiez toujours sous les yeux des gardes.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, je crois que cette

14 question a été suffisamment traitée.

15 M. LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis d'accord

16 avec vous. Je pense que c'est suffisant.

17 Q. Madame le Témoin, je crois vous avoir entendu dire que vous avez vu ce

18 document pendant quelques petites secondes. A présent, vous dites que

19 c'était un peu plus que quelques petites secondes. C'est bien cela ?

20 R. Oui. C'était bref. Je ne saurais vous dire exactement combien de temps,

21 deux, trois secondes peut-être. Enfin, ma collègue était en train de

22 ramasser les bouteilles, et moi, j'étais partie pour nettoyer la table et

23 vider les cendriers. Tout cela s'est passé un peu par hasard. Le garde

24 était à la porte de la pièce. Il n'était pas dans la pièce. C'est la raison

25 pour laquelle j'ai pu jeter un coup d'œil à ce document. J'ai d'abord vu

Page 656

1 l'intitulé du document, et j'avais un œil sur le document et l'autre sur la

2 porte. Simplement, j'ai eu assez de temps pour voir que sur la liste,

3 figuraient des patronymes de personnes, parce que le bureau que je

4 nettoyais était dans un coin assez éloigné de la pièce. Si le bureau avait

5 été dans la ligne de mire du garde qui se trouvait à la porte de la pièce,

6 il aurait pu me voir, parce que la pièce n'était pas grande. En d'autres

7 termes, nous étions toujours sous ses yeux, parce que la pièce était de

8 petite taille.

9 Q. Très bien. Vous dites que vous étiez sous les yeux des gardes, mais

10 qu'il ne pouvait pas vous voir. C'est bien cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Conviendrez-vous avec moi que ce sont deux propositions

13 contradictoires ?

14 R. Non, absolument pas.

15 M. LOUKAS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

16 Président, Messieurs les Juges.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Loukas.

18 Questions supplémentaires de la part de l'Accusation ?

19 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

20 Questions de la Cour :

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin 224, j'ai quelques

22 questions à vous poser sur des points qui nécessitent, à mon avis, des

23 éclaircissements. Vous nous avez dit avoir vu le nom d'un certain nombre de

24 personnes sur une liste. Etes-vous toujours en possession de cette liste ?

25 Dans le cas contraire, je demanderais qu'on vous la remettre si c'est

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1 possible. Une liste de six pages.

2 Veuillez examiner le nom qui se trouve au regard du numéro 36. Ici même,

3 vous avez parlé de cette personne, mais ne donnez pas son nom ici même.

4 Vous voyez le nom qui se trouve là, numéro 36 ? On indique l'année, l'année

5 étant 1932. Vous avez trouvé l'endroit, Madame ?

6 R. Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que cette personne a été

8 tuée par des soldats. Vous vous en souvenez ?

9 R. La première fois, au premier procès ?

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. En réponse aux questions

11 posées par le bureau du Procureur, à huis clos partiel.

12 Monsieur l'Huissier, veuillez me montrer cette liste. Le numéro 36 porte le

13 numéro ERN 01038129, à cette page-là. C'est la page 2. C'est le numéro 36

14 de cette liste. Ne répétez pas le nom, mais on voit une année qui y figure,

15 l'année 1932. Vous avez retrouvé l'endroit ?

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit aujourd'hui, dans votre

18 déposition, que cette personne a été tuée par des soldats. Vous vous en

19 souvenez ?

20 R. Oui.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous a-t-on dit où les soldats auraient

22 tué cette personne, dans la rue, dans un bâtiment public, à la demeure de

23 cette personne, dans un commerce ? Pourriez-vous nous le dire sans donner

24 trop de détails supplémentaires ?

25 R. Chez lui. Sa sœur a été témoin de l'événement. Il était chez lui. C'est

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1 sa sœur qui m'en a parlé, parce qu'elle avait été témoin de ce qui s'était

2 passé.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de votre réponse.

4 Voyons maintenant, à la même page, le numéro 50, quatrième numéro à partir

5 du bas. On voit l'année 1924.

6 R. Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que cette personne avait

8 été tuée chez elle. Vous avez ajouté qu'on ne savait pas où son corps se

9 trouvait. Comment comprendre ce que vous avez dit ?

10 R. Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que son

12 cadavre, son corps sans vie a été enlevé de chez lui, qu'on n'a plus jamais

13 retrouvé son corps ? Pourriez-vous m'expliquer ceci ? Pourriez-vous me dire

14 comment se sont déroulés les événements ?

15 R. C'est sa famille qui m'en a parlé, sa femme, notamment. Sa famille est

16 toujours à la recherche de son corps. Sa famille ne sait pas où se trouve

17 son corps. Elle veut le retrouver, mais sans succès jusqu'à présent. On ne

18 sait toujours rien du sort réservé à cette personne.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que j'ai bien compris, est-

20 ce qu'il a été tué chez lui ?

21 R. Oui, c'est sa famille qui m'a dit qu'il avait été tué chez lui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Son corps a été emporté par quelqu'un ?

23 C'est cela ? Où est-ce qu'il a été enterré ? Qu'est-ce qui s'est passé ce

24 jour-là ?

25 R. Ils ne savent pas. Ils ne savent pas ce qu'on a fait du corps.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais étaient-ils présents au moment où

2 il a été tué ?

3 R. Non, ils l'ont appris par d'autres personnes qui, elles, l'avaient vu.

4 C'est comme cela qu'ils l'ont appris.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les membres de sa famille tenaient

6 d'autrui qu'il était tué chez lui.

7 R. Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'ils ne savent pas où le corps a été

9 emporter.

10 R. C'est cela, et ils sont toujours à la recherche de son corps.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de m'avoir fourni ces réponses,

12 Madame.

13 Est-ce que les questions posées par les Juges soulèvent des questions de la

14 part des parties.

15 L'INTERPRÈTE : Réponse négative des deux parties.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci met fin à votre déposition en ce

17 procès, Madame le Témoin 224. Nous savons qu'il est pénible de se remémorer

18 un moment de sa vie qui a été très dur. Nous en sommes parfaitement

19 conscients. Merci d'être venue et d'avoir répondu aux questions posées,

20 tant par l'Accusation que par la Défense, ainsi que par les Juges. Nous

21 espérons que votre retour se fera sans problème.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Merci de m'avoir entendue,

23 de m'avoir écoutée, et merci de ce que vous faites.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

25 Monsieur l'Huissier, je vais vous demander de baisser les stores et

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1 d'accompagner le témoin.

2 [Le témoin se retire]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions maintenant parler des

4 pièces. Ai-je bien compris, Maître Loukas, la Défense demande le versement

5 en dossier de la déclaration préalable du témoin dans ses deux versions,

6 anglais et B/C/S ?

7 Mme LOUKAS : [interprétation] Exact.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ainsi que le compte rendu d'audience du

9 procès différent.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Il serait, sans doute, préférable de leur

11 donner, à chacune, une cote ou je ne sais pas si vous voulez donner une

12 cote collective.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, c'est la Greffière qui décide,

14 c'est ce qu'elle préfère qui prévaut.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] J'accepterais sa décision.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons versé la liasse de documents

17 hier. Je ne sais pas si ceci vous convient comme marche à suivre, Madame la

18 Greffière. Mais si nous voulons changer une semaine.

19 Oui, nous allons essayer à diviser les pièces en l'occurrence parce qu'il

20 faudrait que la déclaration préalable soit versée sous pli scellé, alors

21 que le compte rendu d'audience de nos dépositions antérieurs peut faire

22 l'objet d'un dépôt public. Voilà pourquoi nous aimerions faire la

23 différence. Quelle cote allons-nous donner, Madame la Greffière ?

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le compte rendu d'audience sera la

25 pièce de la Défense D3, la déclaration préalable du témoin sera la pièce

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1 D4, sous pli scellé. Nous aurons la cote D4.1, sous pli scellé pour la

2 traduction en B/C/S.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas demandé s'il y avait des

4 objections de la part du bureau du Procureur, mais de toute façon, vous

5 savez que le Règlement veut vous souleviez une objection chaque fois qu'il

6 y a demande de versements. Je suppose que vous seriez intervenus. Pas

7 d'objections ?

8 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Non, non. Bien sûr, le seul

9 commentaire, c'est qu'effectivement, il fallait que ce soit sous pli

10 scellé, car il n'y a pas eu d'expurgation.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était de toute façon versé sous pli

12 scellé.

13 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une autre question. Nous pourrions

15 aborder la question du versement des pièces de l'Accusation de deux façons.

16 D'abord, attendre que soit demandé le versement du reste des documents pour

17 admettre le tout ou nous pourrions maintenant retirer du lot les documents

18 qui ont été présentés au témoin dans l'attente des documents dont on

19 demandera l'examen plus tard.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Mes les Juges, nous demandons que

21 soient versées les six premières pages dans la version originale, pages qui

22 ont été présentées au témoin, pour ce qui est de cette liste.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il n'y a pas d'objection de la part

24 de la Défense ?

25 L'INTERPRÈTE : Signe négatif de la Défense.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est versé au dossier. Madame la

2 Greffière, pourriez-vous nous donner les cotes -- nous dire quelles sont

3 les cotes qui n'ont pas encore été mentionnées, qui ne sont pas encore dans

4 le compte rendu d'audience.

5 Nous avons déjà donné toutes les cotes. Je voulais simplement préciser que

6 la pièce P29 est une liste de six pages uniquement.

7 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de Mme Karagiannakis.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne reste plus d'une demi-heure

9 d'audience. Nous -- oui, notons que les stores doivent rester baissés. Je

10 crois comprendre que c'est nécessaire pour le témoin suivant, qui est

11 disponible, encore qu'il y a eu une certaine incertitude quant à savoir si

12 nous pouvions commencer cette disposition. Je vois qu'il y a toutes sortes

13 de mouvements, de déplacements, au banc de l'Accusation. Je suppose,

14 Monsieur Hannis, que c'est vous qui allez interroger le témoin suivant ?

15 M. HARMON : [interprétation] Exact.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois, d'après ma liste, qu'il est

17 prévu d'avoir le Témoin 018.

18 M. HARMON : [interprétation] Exact.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec un pseudonyme. Nous avons des

20 mesures de protection qui ont été accordées, qui vont s'appliquer.

21 M. HARMON : [interprétation] Oui. Déformation des traits du visage, ainsi

22 qu'un pseudonyme.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En d'autres termes, il faut garder les

24 stores baissés de façon à ce que le témoin puisse entrer dans le prétoire.

25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je voulais dire bon

2 après-midi, et j'ai presque dit bonsoir. On est en train de relever les

3 stores. Je peux vous dire, d'ores et déjà, que les mesures de protection

4 vous concernant sont en place. En d'autres termes, personne n'est en mesure

5 de voir les traits de votre visage et votre nom ne sera jamais utilisé, pas

6 plus que nous risquons de dévoiler votre identité. Vous serez, pour nous,

7 le Témoin 018.

8 Avant de commencer votre déposition, vous devez, d'après le règlement,

9 prononcé une déclaration solennelle. Voici l'Huissier qui vous remet ce

10 texte, et je vous demande de prononcer la déclaration solennelle.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci Témoin 018. Veuillez vous asseoir.

14 LE TÉMOIN : TÉMOIN KRAJ-018 [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est d'abord M. Hannis qui va vous

17 poser des questions dans le cadre de l'interrogatoire principal.

18 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Je vais demander que soit remis au

19 témoin un feuillet. Je ne sais pas si ce feuillet va recevoir une cote.

20 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la Greffière.

21 M. HANNIS : [interprétation] Quelle sera cette cote ?

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'accusation P30,

23 sous pli scellé.

24 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je relève, Monsieur Hannis, que toutes

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1 les pratiques ne sont pas les mêmes dans toutes les Chambres. Quelques

2 fois, on donne simplement le patronyme et la date de naissance. Je ne sais

3 pas si cela va poser problème à l'avenir, mais vérifiez si ceci risque de

4 poser des problèmes, une zone de confusion à l'avenir.

5 M. HANNIS : [interprétation] J'y veillerai.

6 Interrogatoire principal par M. Hannis :

7 Q. Monsieur ou Témoin 018, veuillez examiner la feuille de papier que vous

8 avez sous les yeux, sans prononcer ce nom qui s'y trouve. Pouvez-vous nous

9 dire si c'est bien le vôtre ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Merci.

12 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander que ceci soit remis au

13 Greffe, et déposer, sous pli scellé.

14 Messieurs les Juges, je précise aux fins du dossier, il s'agit d'un témoin

15 que nous voulions présenter en application de l'Article 92 bis.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas quelle serait la procédure que

18 vous voudriez appliquer, en fait, il ne pourrait déjà être soumis au

19 contre-interrogatoire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est exact, mais par ailleurs si le

21 bureau du Procureur préfère présenter le témoin, parce que vous savez

22 qu'ici il y a oralité des débats, et les gens qui suivent ce procès

23 auraient peine à comprendre la teneur de la déposition de ce témoin, sans

24 avoir lu le résumé qui tombe sur l'application du 92 bis. Pourriez-vous en

25 quelques phrases résumer sa déposition. Je pense que nous préférerions

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1 cette démarche, ce n'est pas tant pour les Juges de la Chambre, mais

2 davantage pour garantir l'oralité des débats, et le caractère public de ce

3 procès.

4 M. STEWART : [interprétation] Nous sommes, tout à fait, favorables à cette

5 démarche. Nous pensons qu'il faut que ce procès soit le plus public

6 possible.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sans nul doute. Mais bien sûr l'Article

8 92 bis a pour volonté aussi de faire une économie de temps. Il faudrait que

9 ce résumé soit succinct, tout en donnant le plus d'informations possible.

10 M. HANNIS : [interprétation] A ce propos j'aimerais vous poser une

11 question.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. HANNIS : [interprétation] J'avais pensé lire une page et demie le

14 résumé de sa déposition, c'était la description de sa déclaration, puisque

15 ce témoin a déjà déposé dans un autre procès.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A l'avenir, je ne sais pas si on devait

17 d'abord présenter ce résumé à la Défense.

18 M. HANNIS : [interprétation] Mais ceci est, en fait, une partie de la

19 déposition faite par ce témoin dans un autre procès. Ceci a été communiqué

20 à la Défense, et je vais peut-être vous donner les numéros de page.

21 M. STEWART : [interprétation] Ceci ne nous préoccupe pas du tout. Je parle

22 de la procédure en règle générale, nous ne demandons pas de recevoir encore

23 plus de documents de ce type. Si effectivement comme cela va être

24 manifestement le cas, le résumé est simplement un extrait de différentes

25 parties qui sont parties intégrantes de la déclaration, ou du compte rendu,

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1 ce serait tout à fait parfait.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, si de tels résumés sont

3 préparés à l'avenir, cela nous permettra de gagner du temps. S'ils sont

4 d'abord communiqués à la Défense qui pourra vérifier si c'est bien un

5 résumé de ce qui a été dit ailleurs, ou autre chose. Mais je suppose que la

6 Défense va prendre un risque.

7 M. HANNIS : [interprétation] Oui, effectivement, s'il y a un résumé préparé

8 au préalable nous aimerions l'avoir. Parfois c'est simplement quelque chose

9 de très succincte, ce n'est pas alors nécessaire, mais nous n'avons pas

10 d'objection trop vive par rapport à la procédure proposée.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Nous allons commencer.

12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à avoir le résumé de ce que va

13 lire le conseil.

14 M. HANNIS : [interprétation] Ceci se trouve dans le compte rendu, en date

15 du 10 décembre 2003. Nous commencerons à la page 30215, et nous terminerons

16 en fait à la page 30217.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous invitons je pense à lire

18 lentement, et à veiller à ce que les interprètes aient à l'avenir une copie

19 de ce résumé.

20 M. HANNIS : [interprétation] Voici comment peut se résumer la déposition de

21 ce témoin.

22 Avant la guerre, ce témoin n'était pas membre du SDA, ni du SDS. Il n'était

23 adhérent d'aucun parti politique. Il n'avait pas d'appartenance politique.

24 Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, on a fait sauter les ponts dans la zone

25 de Brcko, et plusieurs groupes paramilitaires ont commencé à lancer une

Page 667

1 offensive pour Brcko. Ce témoin s'est réfugié dans la cave de sa sœur.

2 Brcko a été prise par les forces serbes, qui ont perquisitionné les

3 maisons. On a fait sortir le témoin et les autres personnes qui se

4 cachaient avec lui de la cave, et la séparation s'est faite en fonction de

5 l'appartenance ethnique. Ce témoin, ainsi que le groupe de personnes, qui

6 se trouvaient, furent emmenés au bâtiment du SUP. Là il a rencontré un

7 capitaine de la JNA qui leur a donné l'ordre d'aller à l'hôtel Posavina.

8 L'homme, qui a donné l'ordre de séparation, était connu sous le nom de

9 Dragan, il avait un accent anglais lorsqu'il parlait. Il était responsable

10 des forces serbes, qui ont fait sortir le témoin de la maison, ils l'ont

11 emmené à l'hôtel. A l'hôtel Posavina, il a vu quatre cadavres par la

12 fenêtre, des corps empilés, portant des vêtements civils, il donnait

13 l'impression d'avoir récemment été tués.

14 A l'intérieur de l'hôtel, un homme répondant au nom de Goran Jelisic, est

15 entré dans la pièce, avec une dame s'appelant Monika. Jelisic a commencé à

16 frapper un homme, quelques 25 hommes étaient détenus dans la pièce, et on

17 les a emmenés sur la terrasse de l'hôtel, on les a placés en file de deux

18 personnes, et Jelisic a commencé à frapper deux de ces hommes. Un homme

19 plus âgé faisait partie du groupe. Lui aussi était roué de coups. Lorsqu'il

20 s'en est plaint on l'a sorti du groupe, et est abattu. Un Croate, qui se

21 trouvait dans le groupe, a été relâché parce que lui se trouvait dans la

22 même maison que le témoin. Là-dessus du fait qu'il était dans la même

23 maison, le témoin et un autre Musulmans ont pu obtenir sa libération et lui

24 le témoin a été envoyé à Park.

25 Alors qu'il se trouvait dans le Park, il était à peu près à une

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1 cinquantaine de mètres, il s'est tourné instinctivement et il a vu Jelisic

2 debout avec une arme de poing à la main. Ensuite, il a entendu une rafale

3 de coups de feu, il a vu des corps qui tombaient. Ensuite, il a été ramené

4 au bâtiment du SUP, et on lui a dit de ne regarder nulle part. Il a entendu

5 cinq ou six coups de feu supplémentaires. Après avoir répondu à quelques

6 questions au SUP, il a été relâché quelques mois plus tard. Il a été arrêté

7 et emmené au camp de Batkovic. Voilà l'essentiel de sa déposition, il peut

8 maintenant subir le contre-interrogatoire.

9 Contre-interrogatoire par M. Stewart :

10 M. STEWART : [interprétation]

11 Q. Lorsque le substitut du Procureur lisait ce résumé à un moment donné

12 vous avez fait un signe négatif de la tête. C'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce qu'il a un élément de ce résumé sur lequel vous n'êtes pas

15 d'accord ?

16 R. Oui.

17 Q. Quel est cet élément de désaccord ?

18 R. Quand j'ai vu les corps, dans cette toilette, il n'y a pas de fenêtres,

19 il n'y a qu'une porte qui débouche sur la cour où gisaient ces corps.

20 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez votre déclaration au préalable sous les

21 yeux ?

22 R. Non.

23 M. STEWART : [interprétation] Pourrait-on la remettre au témoin ?

24 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

25 j'ai remis une version avec les paragraphes numérotés et j'ai une version

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1 en anglais avec les paragraphes numérotés.

2 M. STEWART : [interprétation] Ça serait très utile mais j'ai fait la même

3 chose pour la mienne. J'aimerais voir s'il y a bien concordance et si nous

4 avons bien fait notre travail, il devrait y avoir concordance. Je suis ravi

5 de voir, qu'effectivement, nous nous sommes bien acquittés de notre copie

6 puisque nous arrivons jusqu'au paragraphe 29, là, pas de problèmes,

7 parfaite coïncidence.

8 Q. Monsieur le Témoin, veuillez examiner le paragraphe numéro 3. Vous le

9 voyez ? C'est la première page complète du texte. Vous l'avez trouvée ? En

10 anglais, ça commence par ces termes-ci : "La guerre à Brcko a commencé par

11 le dynamitage des ponts."

12 Est-ce que nous examinons bien le même paragraphe ?

13 R. Oui.

14 Q. Il y a une erreur minuscule puisqu'on parle de la nuit du 31 avril. Il

15 se fait qu'il n'y a pas de 31 avril, quelque soit l'année. C'était sans

16 doute le 30 avril, la nuit du 30 avril au 1er mai, ça tombe sous le sens,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Oui. Ça doit être une copie.

19 Q. Puis, vous parlez du fait qu'on a fait sauter les ponts et puis vous

20 dites : "Qu'une fois arrivée la date du 4 mai 1992, l'offensive serbe était

21 terminée et les forces serbes occupaient Brcko jusqu'à la rivière Brka."

22 Dans le résumé que vient de lire M. Hannis, il parle plus précisément de

23 forces paramilitaires. Est-ce que vous convenez du fait qu'ici on parle de

24 forces paramilitaires serbes ?

25 R. Je peux vous expliquer ce qu'il en est. Le 4 mai, il y a eu 22 types de

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1 militaires qui sont entrés dans Brcko. Il y avait les paramilitaires. Il y

2 avait des volontaires. Il y avait des réservistes de la JNA aussi.

3 Parallèlement, les troupes d'actives, les effectifs qui se trouvaient à la

4 garnison de Brcko étaient partis. Ils avaient été placés à peu près à 20

5 kilomètres de la ville. Pendant que Brcko était occupé par toutes ces

6 armées, ils se sont trouvés là et puis ils sont revenus.

7 Q. Quels étaient les effectifs qui se trouvaient normalement cantonnés à

8 la garnison de Brcko ? C'était à peu près 50 hommes, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne comprends pas la question.

10 Q. Je parle de la taille de la garnison, du nombre de soldats qui,

11 normalement, était cantonnée, début 1992 à Brcko, à la garnison de Brcko,

12 ça devait faire 50 hommes à peu près. Vous ne le savez peut-être pas.

13 R. Je dois vous expliquez une chose. A Brcko, la JNA avait une garnison

14 avec des effectifs. Les officiers sont restés et ceux qui étaient venus

15 pour maintenir la paix en ordre, ce sont ces mêmes hommes qui ont commencé

16 à semer le trouble en ville. Puis, ça s'est enchaîné.

17 Q. Je vous interromps, témoin, tout simplement parce que vous ne répondez

18 pas à ma question. Or, c'est ce que je vous demande. Je ne vous demande pas

19 un chiffre exact mais auriez-vous une idée approximative du nombre de

20 soldats qu'il y avait normalement à la garnison de Brcko qui auraient été

21 cantonnés en mars ou en avril 1992 ?

22 R. Mars, avril, il n'y avait que des officiers à la seule exception du

23 mois d'avril, un capitaine est venu de la police militaire ainsi que

24 certains effectifs spéciaux qui l'accompagnaient mais je ne peux pas vous

25 donner de chiffre exact.

Page 671

1 Q. Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, ne le faites pas mais

2 pourriez-vous donner une idée approximative aux Juges ?

3 R. Non.

4 Q. Dix, 20, 100, 1 000 ?

5 R. Mais cela a changé. Il y a eu des fluctuations. Certains sont partis,

6 certains sont venus. Il était très difficile de savoir exactement combien,

7 ils étaient à un moment donné.

8 Q. Au mois d'avril 1992, vous viviez depuis combien de temps à Brcko ?

9 R. Depuis le jour de ma naissance.

10 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la population de Brcko ?

11 R. C'est une population mixte.

12 Q. Mais combien d'habitants en tout y avait-il à Brcko en 1992, à peu

13 près ?

14 R. En 1992, la municipalité de Brcko comptait à peu près 43 000 habitants.

15 Q. L'hypothèse que je vous soumets, la voici : vous devez inévitablement

16 avoir une idée approximative du nombre de soldats qui étaient cantonnés

17 dans une garnison qui se trouvait au centre même de Brcko où vous viviez

18 depuis très longtemps. Essayez de dire aux Juges, du mieux que vous pouvez,

19 quel était le nombre approximatif de ces soldats ?

20 R. Jusqu'à cette époque, la garnison de Brcko avait quelque 1 000 soldats,

21 1 000 appelés et puis, il y avait peut-être entre 50 et 100 officiers. En

22 1991, l'ensemble de la garnison a été redéployé. Les soldats sont partis de

23 la ville mais l'intendance ou là où l'on préparait leurs repas, cela se

24 faisait tous les jours dans la garnison et le repas était emmené par des

25 camions à l'endroit où les soldats se trouvaient.

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1 Q. D'après ce que vous nous dites, il semblerait que la conclusion que

2 l'on peut dégager est qu'il restait un nombre très limité, très réduit

3 d'hommes à la garnison de la JNA de Brcko en avril 1992. D'après ce que

4 vous nous dites, il ne s'agirait que d'officiers. Puisqu'il s'agit d'un

5 nombre très, très limité, je pourrais peut-être me permettre d'avancer le

6 chiffre 2, 20, 24.

7 M. HANNIS : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président mais dans

8 le témoignage, si je m'en souviens, il a dit qu'il y avait entre 50 et 100

9 officiers.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends la question mais il

11 semblerait maintenant qu'il y a une confusion qui règne à propos du nombre

12 d'hommes.

13 M. STEWART : [interprétation] Vous avez dit, en effet, qu'il y avait entre

14 50 et 100 officiers mais il parlait d'une époque différente. Ce que je suis

15 en train de dire au témoin, il ne s'agit pas de mes moyens de preuve et je

16 suggère au témoin qu'il peut tout à fait accepter ce que je suggère ou le

17 refuser. Ce que je dis, c'est qu'il y a un certain nombre d'officiers qui

18 restaient à la garnison de Brcko et ils raient, d'après ce qui est avancé,

19 qu'il y en avait une vingtaine, deux douzaines en quelque sorte. Si vous

20 vous souvenez qu'il y en avait plus ou moins, dites-nous-le ?

21 R. Je peux vous dire que pour cette période, puisque je suis née là,

22 lorsque je me rendais au travail, je passais par là. Je passais également

23 par là lorsque je rentrais du travail. Je peux vous dire qu'en 1990,

24 d'après mes estimations, il y avait quelques mille soldats, et quelque 50

25 ou 70 officiers. En 1991, lorsque le conflit a éclaté avec la Croatie, les

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1 recrues de la garnison ont été déplacées. Je peux vous dire où elles ont

2 été déplacées. Elles se sont rendues à quelques vingt kilomètres de la

3 ville. Cela se trouve sur la route qui va à Banja Luka. Ils se trouvaient à

4 Pelagicevo Obudovac.

5 Pour ce qui est des officiers qui restaient à la garnison, il en restait

6 quelque 20 à 30, je ne sais pas exactement. La cuisine, à savoir, le

7 service de restauration qui était censé préparer les repas pour les

8 soldats, fonctionnait là. Ils avaient le nombre de personnel nécessaire

9 pour s'acquitter de cette tâche. Je ne suis jamais entré. Je n'entrais pas

10 dans le complexe plutôt. Je me suis juste contenté de regarder au-delà,

11 par-dessus la barrière, par-dessus le grillage. Avec l'arrivée des unités

12 spéciales et l'arrivée de la police militaire, là, la situation a changé,

13 nous pourrions parler. Nous parlions des recrues de la JNA, des officiers

14 qui travaillaient avec eux, qui assuraient leur commandement.

15 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait quelque 22 groupes paramilitaires, ou

16 militaires différents qui faisaient partie des forces, qui d'après vous,

17 ont lancé une offensive à Brcko en avril 1992. Vingt-deux est le chiffre

18 que vous avez donné. Est-ce bien exact ?

19 R. Non, pas avril.

20 Q. Non, non. Je voudrais savoir si la question que je vous ai posée est

21 exacte ?

22 R. Non. Cela ne s'est pas passé en avril. Cela s'est passé le 4 mai.

23 Q. Je m'excuse. Vous avez dit au début du mois de mai, fin avril, début

24 mai, c'est vrai. Vous avez parlé des bombardements, des jours suivants.

25 Vous avez mentionné 22 groupes différents. Est-ce bien exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans un premier temps, ce chiffre de 22, est-ce que vous avez pu

3 comptabiliser les différents groupes que vous avez vus pendant cette

4 période ? Est-ce que c'est le résultat de vos calculs ?

5 R. Je vais vous fournir une explication.

6 Q. Non. Est-ce que vous pouvez répondre à ma question d'abord ?

7 R. J'étais,

8 Q. Est-ce qu'à cette époque-là, vous avez comptabilisé les différents

9 groupes qui entraient dans Brcko, qui ont lancé une offensive dans Brcko au

10 début du mois de mai ? Est-ce que vous avez consigné ce genre de

11 renseignement ?

12 R. Non.

13 Q. D'où avez-vous obtenu ce chiffre de 22 ?

14 R. Lorsque on nous a emmenés, j'ai pu voir les différents types

15 d'uniformes. Je les ai tout simplement comptés.

16 Q. Vous avez compté vous-même personnellement 22 types différents

17 d'uniformes. Est-ce bien ce que vous nous dites, Monsieur ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous les avez consignés dans un document. Vous aviez une feuille et un

20 crayon au moment où vous les comptiez ?

21 R. [Inaudible]

22 Q. Je m'excuse, je n'ai pas entendu votre réponse. Vous n'avez peut-être

23 pas répondu ?

24 R. Non.

25 Q. Votre mémoire est telle que sans marquer cela sur un papier, vous

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1 pouvez compter les différents types d'uniformes, et nous donner un chiffre

2 aussi précis que le chiffre de 22 ?

3 R. Non. Je ne suis pas si bête que cela, que je ne sais pas compter.

4 Q. Non, non. Témoin, comprenez ce que j'entends. Je ne souhaiterais

5 surtout pas vous insulter en indiquant que vous ne pouvez pas compter

6 jusqu'à 22. Il s'agit d'un exercice tout à fait différent. Je vais peut-

7 être vous donner la possibilité de nous fournir une explication plus

8 générale. Comment avez-vous obtenu ce chiffre de 22 ? Quelle méthode avez-

9 vous utilisée ?

10 R. Je vous l'ai dit. Il y avait les uniformes. L'uniforme d'un officier de

11 police de réserve est différent de l'uniforme d'un officier de police

12 d'active. Un uniforme d'un soldat d'active est différent d'un uniforme d'un

13 soldat de réserve. Un uniforme d'une unité spéciale est différent de celui

14 qui a été acheté dans la rue, qui a été porté par la personne. Les

15 uniformes des Chetniks avaient des insignes tout à fait différents. Depuis

16 ma maison jusqu'au bâtiment du SUP, j'ai vu tous ces uniformes. J'ai eu la

17 possibilité de les compter. Je parle d'une distance de 500 mètres.

18 Q. La distance d'où à où ?

19 R. Depuis l'endroit où nous avons été rassemblés, jusqu'au bâtiment du SUP

20 où on nous a emmenés.

21 Q. Je m'excuse, pourquoi est-ce que vous nous indiquez cette distance de

22 500 mètres, lorsque je vous ai demandé quelle méthode vous aviez utilisée

23 pour comptabiliser les uniformes ?

24 R. L'opération qui consistait à investir la ville, a commencé le jour de

25 la destruction du pont. C'est ce jour-là que différentes formations ont

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1 commencé à arriver en ville. Ces unités ont été cantonnées dans le complexe

2 de la garnison et dans d'autres endroits. Le 4 mai, l'offensive principale

3 a été lancée pour prendre le contrôle de la ville. Ils sont venus de tous

4 les côtés. Ils sont venus de Bijeljina. Ils sont venus de tous les côtés,

5 hormis du côté du fleuve, ou de la rivière Brka qui va vers Banja Luka. Ils

6 ont capturé la ville le 4 mai, ensuite ils ont arrêté

7 Q. Nous reviendrons peut-être là-dessus dans un moment. Cela n'est pas

8 véritablement une réponse directe à la question que je vous ai posée. Si

9 vous réfléchissez à cette situation, seriez-vous en mesure de nous donner

10 la liste de ces 22 uniformes ?

11 R. Je viens de vous donner quelques exemples d'uniformes. Je vous ai

12 indiqué quelle était l'apparence de ces uniformes.

13 Q. Ma question, maintenant que vous avez un peu plus du temps, est-ce que

14 vous pourriez justement dresser à nouveau votre liste, bien que vous n'ayez

15 pas dressé de liste d'après vous. Est-ce que vous pourriez nous donner une

16 liste avec ces 22 uniformes, si je vous accordais un peu du temps.

17 R. Je peux vous l'expliquer, je peux vous le dire de suite.

18 Q. Il serait extrêmement utile que vous répondiez directement aux

19 questions précises que je vous pose. Répondez par ou par non. Si je vous

20 accordais un peu du temps, est-ce que vous seriez en mesure de dresser

21 cette liste des 22 uniformes ?

22 R. Pourquoi pas ? Je pourrais le faire, tout à fait.

23 Q. Dans ce cas,

24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une question que

25 j'aimerais soulever dans deux minutes, qui n'a rien à voir avec ce dont

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1 nous parlons maintenant. Nous allons avoir un très long week-end jusqu'à

2 mardi. Si je peux me permettre de demander au témoin de dresser cette liste

3 d'ici à mardi pour que je puisse poursuivre mon contre-interrogatoire au

4 moment où nous reprendrons notre audience mardi.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En règle générale, Maître Stewart,

6 lorsqu'on demande au témoin de faire quelque chose hors du prétoire, c'est

7 en général la Chambre de première instance qui demande cela au témoin.

8 M. STEWART : [interprétation] Par votre truchement, Monsieur, puis-je

9 demander au Tribunal -- au témoin, pardon, de dresser cette liste ?

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît,

11 dresser la liste des 22 types d'uniformes militaires, la liste à laquelle

12 vous avez fait allusion. Est-ce que vous pourriez dresser cette liste

13 pendant le week-end afin de la présenter à la Chambre de première instance

14 lorsque nous reprendrons votre contre-interrogatoire ? Seriez-vous en

15 mesure de le faire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, aucun problème. Je peux tout à fait

17 dresser cette liste, et je peux également vous fournir une explication

18 orale afin de vous fournir un descriptif de ces uniformes.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous confierions cela à Me

20 Stewart, s'il a de plus amples explications à vous demander. Mais ceci

21 étant dit, vous êtes maintenant invité à dresser cette liste pendant le

22 week-end.

23 Maître Stewart, avez-vous une question à soulever ?

24 M. STEWART : [interprétation] Oui, cela n'intéresse absolument pas le

25 témoin, mais de toute façon, ce n'est pas un problème. Je voulais dire,

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1 Monsieur le Président, que je ne voulais absolument pas être discourtois à

2 l'égard du témoin ou à l'égard de la Chambre de première instance. C'est

3 ainsi -- c'est juste la façon dont je procède d'habitude.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Il s'agit, en général, des

5 activités hors du prétoire dont je parlais.

6 M. STEWART : [interprétation] Alors, je ne vais pas demander la permission

7 pour chaque question puisque cela ralentirait les choses, mais j'aimerais,

8 en fait, indiquer au témoin que, lorsqu'il dressera cette liste, il ne

9 faudra qu'il consulte personne d'autre. Il doit la dresser lui-même.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande toujours au témoin, avant la

11 fin, avant qu'il ne quitte le prétoire, ce genre de choses.

12 M. STEWART : [interprétation] Je sais que vous pensez précisément à cela.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. STEWART : [interprétation] Ce que j'aimerais soulever, est la question

15 suivante : Il s'agit, en fait, de la procédure. Si, alors, le Tribunal

16 devait siéger en audience publique et non à huis clos partiel, s'il s'agit

17 d'une réunion conformément à l'Article 65 ter, alors nous comprenons cela

18 parfaitement. Entendu, si, lors d'une affaire précédente, des moyens de

19 preuve ont été fournis en audience à huis clos partiel, je pense que -- ce

20 que je vous dis, c'est que cela -- il n'en découle pas automatiquement que

21 cela doit être la même chose. Mais ceci étant dit, M. Krajisnik a le droit

22 d'avoir une audience aussi publique que possible. Voilà le point de vue de

23 la Défense. Lorsqu'il est question de passer à huis clos partiel, je pense

24 qu'il faut, à chaque fois, en présenter la justification.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais par ailleurs, vous savez que

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1 les règles prévoient une prolongation automatique des mesures de

2 protection.

3 M. STEWART : [interprétation] Je comprends tout à fait pour ce qui est des

4 mesures de protection. Cela fait partie d'un mécanisme.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je serai bref. Alors, si vous

6 nous convainquez ou si nous nous convainquons nous-mêmes qu'il faut voir le

7 compte rendu du témoignage et que cela ne lésera personne, et nous avons

8 fait cet effort, il est évident que nous ne devons pas forcément,

9 nécessairement, passer à huis clos partiel, que cela ne découle pas

10 automatiquement des mesures de protection. Je pense que c'est une approche

11 que prendra la Chambre de première instance.

12 M. STEWART : [interprétation] Je suis entièrement d'accord.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous d'autres questions à soulever

14 avant le week-end ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse au témoin. Il est vendredi,

17 19 heures. Nous allons lever l'audience. Mais puisque cette Chambre de

18 première instance ne siégera pas lundi, vous reviendrez ici mardi, mardi à

19 9 heures du matin. Il ne s'agira pas du même prétoire, mais vous serez

20 accompagné au prétoire numéro II où nous siégerons, et vous ne devez pas

21 parler à quiconque. Vous ne devez parler ni aux parties, vous ne devez

22 parler à personne. Justement, lorsque vous allez dresser cette liste de 22

23 uniformes, je vous demanderais de ne compter que sur votre mémoire et de ne

24 consulter personne.

25 L'audience est levée jusqu'à mardi, 10 février à 9 heures dans le prétoire

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1 numéro II.

2 --- L'audience est levée à 19 heures 03.

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