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1 Le lundi 16 février 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer
6 l'affaire.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T,
8 l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
10 Je souhaite vous dire bonjour à tous. La Chambre précise qu'elle n'a pas pu
11 rendre une décision au sujet de l'ajournement de l'interrogatoire de M.
12 Deronjic, mais souhaite vous rendre une décision à cet égard ce matin.
13 Etant donné que mon écran ne s'est pas encore réveillé, je crois que
14 l'ordinateur est difficile à activer ce matin. Nous allons néanmoins
15 commencer.
16 Monsieur L'Huissier, pourriez-vous faire entrer M. Deronjic dans le
17 prétoire, s'il vous plaît.
18 Monsieur Stewart.
19 M. STEWART : [interprétation] Avant qu'il n'entre dans la salle d'audience,
20 je souhaite tout d'abord aborder ce problème. La Défense pose ou demande à
21 avoir une pause entre la fin de l'interrogatoire principal de M. Deronjic
22 et le contre-interrogatoire. Sans élaborer là-dessus, je crois que la
23 Chambre connaît toutes les pressions qui sont exercées sur nous, l'équipe
24 de la Défense a été dans cette situation au début du procès. En ce qui
25 concerne M. Deronjic, je vais vous dire de but en blanc de quoi il s'agit.
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1 Il ne s'agit pas d'une pause importante mais nous suggérons deux
2 alternatives possibles. La première consiste à procéder de la manière
3 suivante. D'après les échanges avec M. Harmon, il semble que
4 l'interrogatoire principal de M. Deronjic va se terminer tard dans la
5 matinée aujourd'hui, ce qui est, évidemment, une estimation approximative.
6 Cela dépendra évidemment pour beaucoup de M. Harmon et de la Chambre, ce
7 qui semble être le cas.
8 A supposer que les choses évolueront ainsi, nous souhaitons vous demander
9 dans la première alternative que la Chambre ne siège pas demain et que nous
10 reprenions mercredi, ce qui nous accorderait ces 36 heures qui nous
11 permettrait de nous préparer et préparer le témoin, M. Deronjic. L'autre
12 possibilité qui pourrait peut-être agréer à tout le monde consisterait, or,
13 nous comprenons que
14 M. Treanor serait disponible, en tout cas, c'était le cas la semaine
15 dernière que M. Treanor serait disponible pour témoigner assez rapidement.
16 A ce moment-là, nous pourrions entendre de témoin-là en entendre M.
17 Deronjic après car en aucun cas, nous allons, de toute façon, contre-
18 interroger M. Treanor avant les vacances de Pâques. Voici les deux
19 alternatives que nous vous proposons.
20 L'avantage à la première est que ceci signifiera que nous ne perdrons pas
21 de temps cette semaine. Au plan pratique, les conséquences seront peut-être
22 exactement les mêmes car dans cet intervalle de 18 jours, bien que vous
23 soyez préoccupés par les temps et les délais, je crois que nous avançons
24 suffisamment bien et je crois que nous allons pouvoir présenter de part et
25 d'autre tous ces éléments de preuve dans cette période de 18 jours. Nous
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1 aurons terminer la présentation des preuves dans le calendrier qui avait
2 été prévu, à savoir, 18 jours. En résumé, voici ce que nous proposons sans
3 pour autant indiquer les difficultés et les autres complexités que nous
4 pourrions rencontrer. Je souhaite illustrer ceci par les exemples suivants.
5 M. Deronjic a témoigné entre le 19 et le 22 dans le cadre de l'affaire
6 Blagojevic. Cela a duré quatre jours. Nous avons quatre jours de contre-
7 interrogatoire que nous avons reçu sous la forme du compte rendu
8 d'audience.
9 Nous avons ce contre-interrogatoire consigné dans le compte rendu
10 d'audience qui a duré quatre jours et qui a été mis à notre disposition
11 officiellement après le début de ce procès-ci. Par conséquent, nous avons
12 de nouveaux éléments de preuve à explorer eu égard à ces déclarations de M.
13 Deronjic. Il ne s'agit peut-être pas de choses extraordinaires mais je
14 crois qu'en matière de fond, il risque d'y avoir des choses importantes eu
15 égard au résumé du témoin, résumés qui ont été modifiés. Je crois que je
16 n'exagère l'importance de ceci mais d'un point de vue tout à fait pratique,
17 je crois que Messieurs les Juges, vous comprendrez qu'il serait plus
18 approprié de siéger le matin. Nous pouvons compris la semaine dernière
19 qu'il était plus approprié de siéger le matin et cela ne créé aucune
20 difficulté pour M. Krajisnik car il doit être de retour au quartier
21 pénitentiaire pour des raisons pratiques à 15 heures. Ensuite, nous avons
22 une heure trois quarts avec notre client, alors que notre client est dans
23 le prétoire pendant cinq heures, hormis le fait que nous avons une équipe
24 qui doit travailler. Nous sommes des êtres humains et nous ne pouvons pas
25 accomplir des tâches surhumaines. Je crois que c'est ainsi que nous pouvons
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1 parler de notre client. Il a beaucoup de pression exercée sur nous parce
2 que nous avons été contraint de temps, de communication avec notre client
3 qui constitue des éléments importants.
4 La même chose, je crois, peut s'appliquer aujourd'hui lorsque la Chambre
5 siège l'après-midi, c'est un petit peu plus facile parce qu'à ce moment-là,
6 nous avons deux heures le matin, ce qui nous permet de travailler. Je pense
7 que vous connaissez tout ceci suffisamment bien et nous avons déjà aborder
8 cette question au sujet le matin ou l'après-midi. Quelques fois, nous
9 travaillons le week-end et nous voyons, nous comparons nos notes avec les
10 équipes de la Défense ce matin. Il est vrai, Monsieur le Président, comme
11 vous pouvez le constater, nous avons essayé de nous en tenir à ce
12 programme, à cette liste de comparution des témoins. Simplement, nous
13 n'avons pas demandé de pause ces 15 derniers jours. Nous avons pu préparer
14 ces témoins et nous sommes tout à fait en ligne avec ce qui avait été
15 proposé mais nous ne pouvons pas en dire davantage. Je crois qu'en toute
16 équité, eu égard à M. Krajisnik et de façon à pouvoir rassembler tous ces
17 éléments qui sont très importants, il y a des centaines, des centaines de
18 pages d'interview de M. Deronjic, ce qui nous prendra un certain temps.
19 Nous avons besoin d'analyser tout ceci à la lumière de l'interrogatoire
20 principal de M. Deronjic.
21 Monsieur le Président, je souhaite ne pas trop aborder les difficultés dans
22 la pratique, mais je crois que vous comprenez fort bien qu'il s'agit là de
23 questions tout à fait normales. Nous proposons, par conséquent, de
24 compléter ce programme de présentation des preuves pendant cette période de
25 18 jours de toute façon. Si la Chambre peut siéger cinq ou six heures
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1 demain, cela nous permettra d'être prêt cet après-midi, et cela nous laisse
2 le temps entre cet après-midi et mercredi après-midi, ce qui est un temps
3 précieux pour nous et nous permettra de revoir tous ces éléments et nous
4 donnera, nous accordera le temps nécessaire pour préparer le
5 contre-interrogatoire de M. Deronjic. Sans pour autant que ce soit une
6 vraie promesse, nous avons également besoin d'un temps de préparation
7 supplémentaire. Nous avons besoin de peaufiner le contre-interrogatoire un
8 petit peu, gagner un petit peu de temps.
9 Voici ce que nous proposons, c'est que la Chambre ne siège pas demain. Si
10 le programme de l'interrogatoire principal change de façon radicale, à ce
11 moment-là, nous changerions notre point de vue. Je pense que
12 l'interrogatoire principal de M. Deronjic va durer en tout cas aujourd'hui
13 juste pendant un certain temps, et quasiment toute la journée
14 d'aujourd'hui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela pourrait être un investissement
16 intéressant.
17 Ecoutez, Monsieur Harmon, si nous ne siégeons pas demain, et si vous
18 commencez l'interrogatoire principal de M. Treanor demain, ceci changerait
19 évidemment l'ordre de présentation des éléments de preuve, ainsi que le
20 contre-interrogatoire de M. Deronjic. La Chambre souhaite tout d'abord
21 entendre votre point de vue.
22 M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
23 Juges, notre position est la suivante. Monsieur Deronjic est un témoin qui
24 a été mis sur la liste le 22 octobre de cette année. Le 12 décembre de
25 l'année dernière, on l'a placé sur la liste de comparution des témoins. On
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1 savait à quel moment il allait être cité à la barre. Nous avons fourni les
2 déclarations à la Défense il y a fort longtemps, eu égard à la citation à
3 la barre de
4 M. Treanor, ceci ne sera pas possible, car pour l'heure, nous sommes en
5 train de préparer les pièces à conviction. Ce monsieur a un nombre
6 important de pièces à conviction, et nous ne pouvons pas encore l'entendre.
7 Pour ce qui est de l'ajournement et d'une journée, je crois que notre
8 position est neutre à cet égard, et je m'en remets à la Chambre. Je crois
9 que c'est à eux d'en décider. Pour ce qui est de la deuxième alternative
10 proposée par l'équipe de la Défense, nous nous opposons à cela.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il serait possible, ou est-ce
12 que les parties pourraient informer la Chambre ou éclairer la Chambre
13 davantage quels seraient les jours, ou quels sont les éléments de preuve
14 présentés quel jour. S'il y a un jour où nous ne siégeons pas, est-ce que
15 nous arriverons à terminer dans les délais, puisque nous avons 18 jours
16 pour terminer ce témoignage, pour que la Chambre soit rassurée, à savoir,
17 s'il y a un retard pris dans une journée, que cela ne perturbe pas trop
18 notre calendrier. Nous avons également des statistiques à fournir sur le
19 déroulement de ces dernières journées. Nous allons donc y réfléchir. Nous
20 aimerions que les parties s'entretiennent là-dessus, autrement dit s'il y a
21 un jour de pause, le contre-interrogatoire devra durer un temps limité. En
22 tout cas, nous aimerions être informé du temps que durera le
23 contre-interrogatoire dans ce cas-là. Il nous faut en fait, analyser les 15
24 jours qui se présentent à nous.
25 M. STEWART : [interprétation] Ecoutez, j'accepte ce que vous dites si le
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1 Procureur le dit. C'est ce que nous disons également eu égard à M.
2 Deronjic. Si le Procureur dit qu'ils ne peuvent pas entendre M. Treanor à
3 ce stade de la procédure, nous comprenons fort bien, mais nous sommes assez
4 surpris, car lorsque le Président a demandé la semaine dernière, si M.
5 Treanor pouvait être prêt pour le lendemain, la réponse a été de dire oui.
6 S'il pouvait être prêt la semaine dernière, pour le lendemain, je pense que
7 le Procureur peut-être a fait preuve d'une assurance peut-être trop
8 marquée.
9 Pour ce qui est de M. Hasanovic, lorsqu'il ne pouvait voyager, nous étions
10 dans l'incertitude. Dès que le Procureur connaît la position de M.
11 Hasanovic, nous ne savons pas s'il peut quitter les Etats-Unis. En tout
12 cas, nous pourrions nous organiser à ce moment-là sur les dix prochains
13 jours.
14 M. HARMON : [interprétation] Nous continuons à suivre la situation, à
15 savoir, si M. Hasanovic peut voyager ou non. Dès que nous avons les
16 informations, nous allons les communiquer à la Chambre, ainsi qu'au conseil
17 de la Défense.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai pris en compte la
19 défense de M. Stewart, et je dois ajouter qu'à l'époque, nous avons dit que
20 M. Deronjic devait déposer son témoignage. Le calendrier qui avait été fixé
21 à ce moment-là, ne permet pas de solutionner le problème du contre-
22 interrogatoire, étudié par la Défense. Si vous en êtes d'accord, nous
23 pouvons terminer le contre-interrogatoire. Ensuite, dans d'autres cas, ne
24 pas procéder ainsi de façon à gagner du temps.
25 Monsieur l'Huissier, pourriez-vous s'il vous plaît faire entrer M. Deronjic
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1 dans le prétoire ?
2 Je souhaiterais ajouter que la Chambre apprécie que les deux parties, à
3 notre sens, fassent de leur mieux pour travailler de la manière la plus
4 efficace possible. C'est comme dans le sport, on peut toujours faire mieux.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Deronjic.
7 Je pense que M.Deronjic nous a dit bonjour, "dobro jutro" dans sa langue.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Bonjour, Monsieur le
9 Président et Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Monsieur Deronjic, veuillez vous
11 asseoir. Puis-je vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la
12 déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre
13 déposition. Au début de votre déposition, je vous ai également parlé de
14 votre obligation de dire la vérité dans votre témoignage. Aucune raison ne
15 pourrait justifier que vous ne vous teniez pas à cette obligation, à
16 savoir, de dire la vérité.
17 Monsieur Harmon, vous avez la parole.
18 LE TÉMOIN : MIROSLAV DERONJIC [Reprise]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
21 Juges.
22 Interrogatoire principal par M. Harmon : [Suite]
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Deronjic.
24 R. Bonjour, Monsieur Harmon.
25 M. HARMON : [interprétation] Pourrait-on présenter à
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1 M. Deronjic les deux registres qu'il avait sous les yeux hier, ainsi que la
2 pièce de l'accusation numéro 51, s'il vous plaît ?
3 Q. Monsieur Deronjic, vendredi, à la fin de votre témoignage, nous nous en
4 sommes arrêtés, alors que nous parlions du rapport d'évaluation émis par le
5 général Kukanjac dont la zone de responsabilité était la 2e Région
6 militaire. Ce rapport est daté du 20 mars 1992. J'ai attiré votre attention
7 sur certains éléments figurant dans ce rapport, notamment au chapitre
8 numéro 5, "Unité de volontaires dans la zone de la 2e Région militaire." Je
9 vous renvoie cette page. Est-ce que vous pouvez la retrouver dans le
10 rapport qui se trouve sous vos yeux, Monsieur Deronjic ?
11 R. Oui, Monsieur Harmon.
12 Q. Nous avons parlé de l'armement des Serbes de Bosnie par la JNA. Je
13 souhaiterais attirer votre attention sur l'alinéa 5 (F). Pourriez-vous
14 formuler vos commentaires à ce sujet ? Dans ce passage, on peut lire que :
15 "La JNA a distribué un certain nombre de pièces d'armement ainsi que le --"
16 Quels sont vos commentaires à cet égard, Monsieur Deronjic.
17 R. Dans mes déclarations précédentes, j'ai dit que les Serbes, à partir du
18 printemps 1991, avaient commencé à s'armer et qu'ils utilisaient diverses
19 sources pour obtenir ces armes, notamment, la JNA. Il ressort de ce rapport
20 que la JNA a donné un chiffre, à savoir, le nombre de pièces d'armement
21 distribués aux Serbes en Bosnie-Herzégovine ou dans cette zone militaire.
22 On peut lire le chiffre de 50 550 pièces d'armement et on peut voir
23 clairement que le SDS a participé à cela, du moins, certains membres du
24 SDS. J'ai déjà parlé de cela. Le nombre d'armes distribuées par le SDS
25 jusqu'à ce moment s'élevait à 17 296 pièces d'armement. Voici mon
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1 interprétation de ce passage.
2 Q. Afin de corriger le compte rendu d'audience, il est indiqué à la ligne
3 trois, 50 500 pièces. Pourriez-vous me dire combien de pièces d'armement la
4 JNA a-t-elle distribuées ?
5 R. Il est indiqué ici : "A distribué 51 900 pièces d'armement."
6 Q. Il est également question de la 2e Région militaire dans ce rapport. Je
7 souhaiterais attirer votre attention sur le paragraphe 5(E) qui a trait à
8 la 4e Région militaire, une autre région militaire de la JNA. Le passage
9 qui m'intéresse à cet égard dans le paragraphe 5(E) est entre parenthèses.
10 On peut lire, je cite : "A été créé précédemment par le 4e Corps."
11 R. Oui, j'ai lu ce paragraphe, en effet.
12 Q. Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de ce paragraphe et
13 notamment eu égard au fait de savoir si les observations exposées dans ce
14 rapport selon lesquelles les unités de volontaires ont été créées par le 4e
15 Corps de la JNA sont exacts ?
16 R. Oui. Je peux vous donner mon interprétation à la lumière des événements
17 survenus en 1991 et 1992. Le fait que l'armée ait subi un certain nombre de
18 changements est bien connu, le fait que sa composition a été adoptée en
19 fonction de la situation sur le terrain, tout le monde le sait. En janvier
20 1991, des changements sont déjà intervenus au sein de l'armée populaire
21 yougoslave, c'est-à-dire, que les régions militaires ont changé ainsi que
22 les zones de responsabilité des unités militaires. Tout cela a été modifié
23 en fonction de l'évolution de la situation politique. Tout le monde sait
24 également que les membres des deux autres groupes ethniques en Bosnie-
25 Herzégovine n'ont pas répondu aux convocations de la JNA ou plutôt aux
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1 appels à la mobilisation de la JNA. La formation et la dotation en effectif
2 de la JNA étaient menées sur la base du volontariat, donc en se fondant sur
3 les personnes qui ont répondu à l'appel à la mobilisation. Je n'ai pas
4 participé à tout cela. Je n'ai pas d'information plus précise à cet égard.
5 Toujours est-il que tout cela s'est fait le truchement des volontaires qui
6 se sont présentés à ces unités. C'est ce que je comprends du paragraphe en
7 question.
8 Q. Je souhaiterais, à présent, attirer votre attention sur l'extrait du
9 rapport, le titre figure sur la même page à la lettre G. On peut lire dans
10 ce paragraphe : "Certains dirigeants au sein du SDS, à tous les niveaux,
11 utilisent diverses filières pour obtenir des armes de la JNA et de la
12 Serbie. De cette manière, ils combattent pour la prédominance, ce qui créé
13 le mécontentement au sein de la population et des dissensions au sein de la
14 population également." Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard,
15 M. Deronjic ?
16 R. Oui, Monsieur Harmon. Il est vrai qu'en 1991, de nombreuses personnes,
17 y compris moi-même, ont participé à l'armement des Serbes. Ce paragraphe
18 concerne le fait que de nombreuses pressions ont été exercées sur la JNA
19 pour armer les Serbes. J'ai pu voir sur différents documents qu'ils étaient
20 sur le terrain et que les armes étaient distribuées à la population serbe.
21 Q. Ce rapport que vous avez sous les yeux, le rapport du général Kukanjac,
22 quand l'avez-vous vu pour la première fois ?
23 R. J'ai vu ce rapport pour la première fois il y a cinq ou six jours
24 lorsque vous me l'avez montré, Monsieur Harmon.
25 Q. Avant cela, vous aviez communiqué au bureau du Procureur de nombreuses
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1 informations au sujet de l'armement des Serbes, n'est-ce pas ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Monsieur Deronjic, sur la base de votre connaissance des événements, de
4 votre rôle personnel dans les efforts d'armement menés par les Serbes,
5 pourriez-vous me dire pourquoi les Serbes étaient armés, recevaient des
6 armes ?
7 R. Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre question, je vous prie ? J'ai
8 appuyé sur le bouton du volume et je ne vous ai pas bien entendu.
9 Q. Est-ce que vous m'entendez à présent, Monsieur Deronjic ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que le volume est bien réglé à présent ?
12 R. Un instant, je vous prie.
13 Q. Je vais faire un test, Monsieur Deronjic. Est-ce que tout va bien à
14 présent ?
15 R. Oui, je pense que cela va aller.
16 Q. Monsieur Deronjic, sur la base de votre participation personnelle dans
17 l'armement des Serbes de Bosnie et sur la base de vos contacts avec
18 d'autres personnes à ce sujet, pourriez-vous nous dire pourquoi les Serbes
19 ont ainsi obtenu des armes ? Pourquoi se sont-il armés ?
20 R. Oui. J'ai bien compris votre question. Je dois dire que pour ce qui est
21 de ma participation à l'armement, la Yougoslavie faisait face à de nombreux
22 dangers. Nous avions connaissance d'un certain nombre d'affaires, y compris
23 l'armement de la population. A l'époque, il y avait une affaire impliquant
24 M. Spegelj dans l'armement de la population croate en Croatie. Il
25 s'agissait de fait de notoriété publique. Cela a été diffusé par les médias
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1 à l'époque. Je ne sais pas si ces informations étaient véridiques mais, en
2 tout cas, voilà ce que j'ai appris par les médias à l'époque. Toutefois, je
3 dois vous rappeler que la population se souvenait d'événements tragiques
4 survenus lors de la Deuxième Guerre mondiale. Je dois reconnaître que les
5 Serbes n'étaient pas les seules victimes. Tout le monde a souffert de la
6 Deuxième Guerre mondiale. Je dois dire que tout le monde avait peur d'un
7 conflit potentiel, y compris les membres des autres communautés ethniques.
8 Pour autant que je le sache, les autres communautés ethniques s'armaient,
9 elles aussi.
10 Il est vrai que les Serbes s'armaient, car ils craignaient la possibilité
11 que dans le cadre de l'éclatement de la Yougoslavie, certains événements
12 survenus dans le passé, pourraient se reproduire. Je suis convaincu que
13 cette crainte est la raison pour laquelle la population s'est armée. De
14 nombreuses pressions ont été exercées sur eu, pour qu'ils le fassent,
15 d'ailleurs. A mon sens, c'est la raison pour laquelle ils se sont armés.
16 Peut-être que je ne l'ai pas interprété de la meilleure manière possible,
17 mais toujours est-il que cette crise en Yougoslavie, alors, je m'en
18 contribuais à cette ambiance de peur, au sein de la population en
19 Yougoslavie. En outre, des pressions étaient exercées sur la population,
20 car ils n'avaient pas tout à fait confiance dans l'armée populaire
21 yougoslave en raison de son caractère pluriethnique et en raison de sa
22 nature. Il s'agissait finalement d'une armée à caractère idéologique.
23 Personne ne savait comment l'armée allait se comporter dans le cadre de
24 l'éclatement du pays. Voilà les raisons que j'ai identifiées à l'époque.
25 Q. Monsieur Deronjic, vous avez participé aux efforts d'armement entrepris
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1 au mois d'avril, et au début de l'année 1991. D'après le rapport que vous
2 avez sous les yeux, Monsieur Deronjic, les efforts de l'armée ont continué.
3 Ce rapport est daté du 20 mars 1992. Savez-vous pourquoi les efforts de
4 l'armée ont continué avec une telle intensité, après le mois d'avril 1991 ?
5 R. Oui, j'ai mon opinion à ce sujet. Comme je l'ai déjà dit, la crise en
6 Yougoslavie, et notamment la crise en Bosnie-Herzégovine, était entrée dans
7 sa phase finale à l'automne 1991, et au début de l'année 1992. Au cours de
8 cette période, la Republika Srpska a été créée, ses institutions ont été
9 créées à cette époque. J'ai déjà parlé du fait que la JNA, à ce moment-là,
10 était déjà en faveur des Serbes. Elle soutenait leurs projets, si bien que
11 l'armement des Serbes peut être directement lié à la création de la
12 Republika Srpska. Je présume qu'il y a eu beaucoup d'activités militaires
13 entreprises à cet égard.
14 Q. Merci, Monsieur Deronjic. J'en ai terminé avec la pièce 51. A présent,
15 je souhaiterais que nous examinerions une autre pièce à conviction,
16 Monsieur Deronjic. Il s'agit de la pièce à conviction suivante, sur la
17 liste.
18 M. HARMON : [aucune interprétation]
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P52.
20 M. HARMON : [interprétation] Avant de montrer cette pièce au témoin,
21 permettez-moi de poser la question suivante.
22 Q. Monsieur Deronjic, vendredi, vous avez indiqué qu'un certain Rajko
23 Dukic, qui selon vous c'était une personnalité éminente au sein du SDS,
24 pour ce qui est du financement, vous nous avez déclaré avoir entendu
25 certaines rumeurs. Je souhaiterais que vous examiniez ce document, Monsieur
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1 Deronjic. L'avez-vous déjà vu ?
2 R. Non, je n'ai jamais vu ce document auparavant.
3 Q. D'après vos déclarations précédentes, M. Dukic était le propriétaire de
4 la mine "bauxite" qui occupait une place importante du point de vue
5 économique en Bosnie. Ce M. Dukic était également membre du conseil
6 exécutif du SDS, et l'un de ses fondateurs, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, c'est exact. Permettez-moi de corriger les interprètes. Il ne
8 s'agit pas de M. Djukic, mais de M. Dukic.
9 Q. C'est moi qui dois m'excusez, j'ai mal prononcé son nom.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, permettez-moi de vous
11 interrompre. Je constate que l'annexe à la pièce P52 est rédigée dans une
12 langue qui n'est pas une langue officielle du Tribunal. Est-ce que cela
13 cause des problèmes à la Défense ? Je vois que ce document est rédigé en
14 allemand.
15 M. HARMON : [interprétation] J'ai communiqué ce document à la Défense
16 vendredi soir.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le sais. Je parle un peu
18 allemand, il est vrai.
19 M. STEWART : [interprétation] La Défense aussi. Nous pouvons un peu
20 comprendre de quoi il retourne.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stewart. Vous pouvez
22 poursuivre, Monsieur Harmon.
23 M. HARMON : [interprétation]
24 Q. Monsieur Deronjic, ce document est daté du 15 décembre 1992. Il est
25 adressé au président Karadzic. Une copie de ce même document a été envoyée
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1 à Krajisnik, le président de l'assemblée. Monsieur Deronjic, je vous
2 renvoie au deux premiers paragraphes de ce document. Est-ce que ceci
3 correspond aux rumeurs selon lesquelles
4 M. Dukic était l'une des personnes qui finançait le parti ?
5 R. Oui, Monsieur Harmon. Il ressort manifestement de ce document que des
6 paiements ont été effectués. Le dernier paiement indiqué ici, s'élève à 100
7 000 marks allemands. Ce rapport concerne ce versement. Au point 2, nous
8 pouvons voir qu'un rapport a été joint en annexe; un rapport concernant
9 l'assistance globale fournie au SDS pour la période allant du mois de mai
10 au mois de novembre. Le montant est d'environ 3 millions 50 000 marks
11 allemands. On peut voir dans ce document que les rumeurs sont fondées.
12 Q. Monsieur Deronjic, je souhaiterais que vous examiniez à présent la
13 pièce à conviction de l'Accusation, numéro 35. Je demanderais à ce qu'elle
14 soit placée sur l'écran, je vous prie.
15 Monsieur Deronjic, en attendant que cette pièce à conviction apparaisse sur
16 votre écran, pourriez-vous nous dire la chose suivante. A la fin du mois de
17 mars, au début du mois d'avril, est-ce que les Serbes en Bosnie orientale
18 ont commencé à prendre le pouvoir dans les municipalités voisines de la
19 municipalité de Bratunac ?
20 R. Effectivement, Monsieur Harmon. Si j'ai bonne souvenance, cela a
21 commencé vers le 1er avril à Bijeljina, me semble-t-il.
22 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, dans la pièce à
23 conviction de l'Accusation numéro 35, cela se trouve en haut à droite.
24 Q. Ces prises de pouvoir se sont-elles poursuivies dans les municipalités
25 près desquelles vous vous trouviez après les événements de Bijeljina ?
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1 R. Oui. Après Bijeljina, je pense que les événements qui se sont produits
2 dans cette localité sont bien connus de tous. Le conflit s'est propagé vers
3 Zvornik. Des unités de même nature ont participé à ces événements. Je songe
4 en tout premier lieu d'unités d'Arkan. Zeljko Raznatovic, dit Arkan, il y
5 avait au nombre de ces unités certaines qui étaient composées de
6 volontaires et qui ont bel et bien pris part à la prise du pouvoir par les
7 Serbes. Cela dit, la situation est quelque peu compliquée que cela. Je peux
8 vous en toucher un mot.
9 Ces conflits qui faisaient rage dans la région de la Podrinje.
10 Q. De quelles municipalités s'agit-il, Monsieur Deronjic ? Je souhaite
11 surtout savoir dans quelle municipalité la prise de pouvoir a eu lieu avant
12 que ces événements ne se reproduisent à Bratunac.
13 R. Je peux essayer d'énumérer les municipalités. Alors il s'agissait de
14 Bijeljina, de Zvornik, de Srebrenica, de Visegrad. Ce sont les
15 municipalités de la région de Podrinje. Selon ce que j'ai pu lire dans les
16 journaux, étaient également concernées les municipalités de Banja Luka
17 ainsi que d'autres dont je ne me souviens pas maintenant.
18 M. HARMON : [interprétation] A droite, en bas de la carte, on trouve la
19 municipalité de Visegrad, Monsieur le Président. La municipalité de
20 Srebrenica se trouve directement au dehors. Les municipalités désignées par
21 le témoin commencent tout en haut : Bijeljina, ensuite Zvornik, nous
22 passons par Bratunac pour en arriver à Srebrenica et à Visegrad à droite.
23 Q. Monsieur Deronjic, avez-vous pu déceler une logique ne fuse que
24 grossière concernant les forces qui ont été déployées pour prendre le
25 pouvoir dans ces municipalités que vous avez indiquées ?
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1 R. Oui, Monsieur Harmon. Il y avait un fil conducteur. Il y avait une
2 certaine ligne de conduite dans le chef de ceux qui ont participé à ces
3 événements. On retrouvait à peu près la même chose dans le cas de chaque
4 municipalité.
5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait que cela
6 soit clair. On a demandé au témoin de faire la liste des municipalités où
7 il savait que ces événements s'étaient produits. Il a parlé de Bijeljina,
8 Zvornik, Srebrenica, Visegrad, municipalités dans la région de Podrinje.
9 Puis, il a dit : "Pour autant que je sache, selon ce que j'ai pu lire dans
10 la presse, les conflits, les combats concernaient également Banja Luka et
11 un certain nombre d'autres municipalités."
12 On parle ici de municipalités, voir de probabilité, M. Deronjic a pu avoir
13 eu vent d'événements dans certaines municipalités qui ne concernait pas son
14 lieu de résidence, qui ne concernait absolument pas Bratunac. Si ce sont
15 des informations provenant des médias, il faudrait le dire clairement dans
16 un premier temps parce que la source de l'information importe. Ce type de
17 questions doit faire l'objet de quelques éclaircissements.
18 M. HARMON : [interprétation] Je vais préciser, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
20 M. HARMON : [interprétation]
21 Q. Monsieur Deronjic, est-ce que vous avez eu des contacts avec des
22 personnes de la municipalité de Bijeljina, de la municipalité de Zvornik,
23 de la municipalité de Srebrenica et de la municipalité de Visegrad ? Est-ce
24 que cela vous a permis d'en apprendre davantage sur la façon dont le
25 pouvoir a été pris, les forces qui ont été déployées pour prendre le
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1 pouvoir dans ces municipalités ?
2 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question
3 extrêmement directive.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais elle fait suite à la réponse
5 qui a déjà été apportée à la page 11, ligne numéro 17. Monsieur Harmon,
6 poursuivez.
7 M. STEWART : [interprétation] Ligne 17, Monsieur le Président, ligne 17 --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 11.
9 M. STEWART : [interprétation] Page, ligne 17.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin fait la liste de
11 municipalités. Visiblement, il avait d'autres connaissances. Il avait
12 certaines connaissances.
13 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement. C'est du moins ce que les
14 apparences suggèrent. Monsieur le Président, ceci n'a pas encore été établi
15 et c'est précisément l'objet de mon intervention. Il est important de
16 clarifier les choses, sans pour autant se lancer dans des questions
17 compliquées ou voir directives comme celle que nous venons d'entendre.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.
19 Monsieur Deronjic, vous avez dit que vous aviez eu vent d'événements à
20 Bijeljina, à Zvornik, à Srebrenica, à Visegrad parce que vous avez répondu
21 à la question concernant la prise de pouvoir. Est-ce que vous pourriez nous
22 en dire un peu plus. Comment est-ce que vous avez appris ces informations ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Concernant certaines municipalités, j'ai pu
24 avoir des informations de source directe, par exemple, dans le cas de la
25 municipalité de Bijeljina. Là, j'étais présent, j'étais dans la région
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1 lorsque les volontaires ont fait leur apparition. Dans la municipalité de
2 Bratunac, j'ai directement participé aux événements et pour la municipalité
3 de Zvornik, je ne me suis pas rendu sur place lorsque les événements se
4 sont produits. Cela dit, des membres de la cellule de Crise, par exemple,
5 étaient là et ont relié les informations. J'ai pu apprendre ce qui s'était
6 passé à Zvornik. J'ai également appris directement que l'accès à la
7 municipalité, à la ville de Zvornik était interdit.
8 Pour Bijeljina et les événements qui se sont produits par après, j'en ai
9 été informé par des personnes qui avaient joué un rôle significatif dans la
10 région.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous avez dit que certaines
12 personnes de la cellule de Crise se sont rendues là-bas, est-ce que vous
13 parlez de personnes appartenant à la cellule de Crise de Bratunac ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je parlais de la
15 cellule de Crise du peuple serbe à Bratunac.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, veuillez poursuivre.
17 M. HARMON : [interprétation]
18 Q. Monsieur Deronjic, étant donné les contacts que vous aviez et les
19 informations que vous avez pu recueillir, est-ce que vous avez décelé une
20 ligne de conduite, un fil rouge concernant les forces déployées pour
21 prendre le pouvoir dans ces municipalités ?
22 R. Effectivement, Monsieur Harmon. J'étais sur le point d'ailleurs de vous
23 en parler. Il s'agissait d'événements particulièrement complexes et assez
24 spectaculaires à l'époque. Au cours des premiers jours, je n'ai pas pu
25 prendre la mesure de la situation. Je n'ai pas pu analyser les choses de
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1 manière correcte à être posées mais pendant la guerre et grâce aux contacts
2 que j'avais, j'ai pu discuté des événements d'avril 1992 assez souvent
3 d'ailleurs. Maintenant, j'ai des idées assez claires. Je crois pouvoir dire
4 ce qui s'est passé dans la région de Podrinje à l'époque. Lorsque je dis
5 que j'ai les idées assez claires, je n'essaie pas d'avancer que j'ai une
6 réponse complète, que j'ai une vue d'ensemble exhaustive des événements
7 mais j'ai certaines informations.
8 L'arrivée de ces unités, unités de volontaires dit-on, y compris d'ailleurs
9 les unités d'Arkan dans une zone où il n'y avait pas de conflit, du moins
10 pas de conflit armé ouvert, évidemment, s'ils sont venus, ce n'est pas pour
11 rien. Ils étaient animés d'un certain objectif. Au cours des premiers
12 jours, un grand nombre de personnes, un grand nombre de Musulmans ont
13 trouvé la mort s'agissant de la participation de la JNA aux événements
14 survenus au cours de cette période, je dirais que le moins que l'on puisse
15 dire est que la JNA n'a pas essayé d'empêcher les affrontements.
16 Personnellement, j'ai vu -- j'ai pu assisté aux agissements de la JNA à
17 Bratunac. J'ai également reçu des informations selon lesquelles à Zvornik,
18 par exemple, la JNA avait clairement pris partie pour les Serbes.
19 Le commandant qui est arrivé à Bratunac, c'est ce que j'ai appris un peu
20 plus tard, M. Reljic a joué un rôle dans les événements survenus à
21 Bijeljina également. Je ne sais pas exactement ce qu'il y a fait. Je sais
22 que des unités de la JNA avaient également rallié les Serbes, ou avaient
23 pris partie pour ceux-ci.
24 Pour ce qui est de l'arrivée des volontaires, je pense que leur but était
25 de provoquer un conflit. Il s'agissait d'intimider la population, de semer
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1 la terreur, et dans une certaine mesure, cette attitude visait également
2 des Serbes, des Serbes considérés comme des traîtres, qui n'étaient pas
3 jugés suffisamment loyaux. Il s'agissait de modifier profondément la
4 structure ethnique de la zone, configuration ethnique de la zone. En
5 conséquence de ces événements, beaucoup de gens sont partis, beaucoup
6 d'autres ont été tués. En tout cas, c'est ce fameux fil rouge, cette
7 logique systématique que j'ai pu déceler dans les événements.
8 Q. Monsieur Deronjic, j'aimerais à présent attirer à votre attention sur
9 l'arrivée de volontaires dans votre municipalité. J'aimerais que l'on se
10 resitue à la date du 14, du 15 avril 1992. Pourriez-vous dire à cette
11 Chambre, ce qu'il s'est passé lorsque sont arrivés des volontaires, lorsque
12 des unités de volontaires ont fait leur apparition dans la municipalité de
13 Bratunac.
14 R. Oui. Le 17 avril, des volontaires sont arrivés dans la municipalité de
15 Bratunac. C'était tôt, c'était le matin.
16 Q. Avant de parler de leur arrivée, j'aimerais évoquer la situation telle
17 qu'elle se présentait juste avant, quelques jours avant. Vous vous êtes
18 rendu à un endroit particulier. Vous avez observé des volontaires. C'est la
19 première fois que vous les voyiez d'ailleurs. Est-ce que vous pourriez en
20 dire un peu plus à la Chambre ? Quelles sont les circonstances qui
21 entouraient ces événements ?
22 R. Excusez-moi, je pensais que votre question ne concernait que Bratunac.
23 Messieurs les Juges, j'ai vu les volontaires pour la première fois vers le
24 14 avril 1992, à Bajina Basta. Il s'agit d'une municipalité voisine de la
25 municipalité de Srebrenica. Elle jouxte également en partie la municipalité
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1 de Bratunac. Sur l'invitation de M. Goran Zekic, déjà mentionné, je me suis
2 rendu à Bajina Basta flanqué d'un ami. On m'avait demandé en fait de me
3 rendre à la Défense territoriale de la municipalité de Bajina Basta.
4 J'ai facilement trouvé le bâtiment, parce que ce n'est pas une localité
5 bien grande. Je suis entré dans la cour du bâtiment en question, et on m'a
6 emmené au bureau de M. Zekic. Il s'y trouvait déjà en compagnie du chef
7 d'état major de la Défense territoriale de Bajina Basta, M. Bijelic [phon].
8 Il y avait également un monsieur répondant au nom de Miodrag Jokic, vice-
9 président de la section de Srebrenica du SDS. J'ai vu un grand nombre de
10 volontaires dans la cour de ce bâtiment. Ils portaient des uniformes.
11 Visiblement, ils se préparaient à l'une ou l'autre opération militaire.
12 J'ai demandé à M. Zekic de quoi il s'agissait exactement. Il m'a fait
13 savoir qu'il s'agissait de membres d'une unité qui était arrivée à
14 Srebrenica, pour y accomplir une mission bien particulière. Ils étaient
15 déjà arrivés à Skelani. Ces volontaires étaient armés. Ils avaient revêtu
16 l'uniforme. Ils se trouvaient là dans la cour du bâtiment de la Défense
17 territoriale. Ils attendaient. Ils attendaient de partir vers Skelani.
18 C'est une ville faisant partie de la municipalité de Srebrenica.
19 Peu après, cette unité s'est mise en marche en passant par le centre de
20 Bajina Basta. Ils se sont mis en marche vers Skelani. Skelani se trouve à
21 peu près à deux kilomètres de Bajina Basta. Il suffit de traverser la
22 rivière la Drina. J'étais en arrière de la colonne de volontaires, parce
23 que Zekic m'avait demandé de me joindre à eux, pour que l'on puisse
24 poursuivre simplement la réunion à Skelani.
25 J'ai traversé le pont, toujours au sein de la colonne de volontaires qui
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1 traversait librement Bajina Basta. Même la police les a aidés à canaliser
2 le trafic, arrêter les véhicules pour ne pas déranger la colonne. Nous
3 sommes arrivés sur les lieux. Nous avons bel et bien traversé ce fameux
4 pont. Nous nous sommes rendus de l'autre côté de la rivière. Tous ces gens
5 étaient armés, mais personne ne semblait vouloir causer de problème. Les
6 policiers leur ont permis de se rendre à Skelani sans le moindre problème.
7 Je suis resté dans cette localité pendant un petit temps. Goran Zekic s'est
8 rendu au commissariat de police et dans la nouvelle mairie. Il est revenu
9 après environ dix minutes. Je me trouvais toujours sur le parking du
10 bâtiment. J'étais vêtu d'habit civil. J'avais un véhicule civil. Il m'a
11 demandé si je voulais me joindre à eux, parce qu'ils se rendaient à
12 Srebrenica. J'ai dit que je n'étais pas prêt à faire ce genre de chose. Je
13 voulais retourner à Bratunac. Une fois de plus, je lui ai posé la question
14 de savoir de quoi il s'agissait, ce qui allait se passer au cours des
15 journées à venir. Il m'a dit qu'il m'en parlerait. Il s'est contenté en
16 fait de me donner l'information suivante. Il m'a dit que c'était des
17 membres d'une unité qui était arrivée à Srebrenica.
18 Je suis rentré à Bratunac. M. Zekic est parti avec cette unité dans la
19 direction de Srebrenica. C'était ma première rencontre avec les unités de
20 volontaires. J'ai pu voir ce jour-là, que cette logique que j'ai évoquée,
21 était en train de se propager dans les municipalités, que ce n'était pas un
22 hasard. Les incidents qui se sont produits à Bijeljina ou Zvornik,
23 n'étaient pas des incidents isolés. Il s'agissait d'événements qui
24 s'inscrivaient dans un schéma beaucoup plus large et systématique.
25 Lorsque je suis rentré à Bratunac, je pensais que cette municipalité serait
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1 empêtrée dans les mêmes difficultés, que là aussi apparaîtraient des unités
2 de volontaires.
3 Le 17 avril, effectivement, une unité est arrivée.
4 Q. Monsieur Deronjic, nous allons y arriver dans une minute. Je voudrais
5 vous poser la question suivante. Lorsque vous vous trouviez à Bajina Basta,
6 en compagnie de M. Zekic et de Miodrag Jokic, est-ce que M. Zekic vous a
7 dit qui était responsable de l'arrivée des volontaires à Bajina Basta ? Qui
8 avait pris la décision ?
9 R. Il a dit, mais pas nécessairement dit la vérité. Au contraire, je pense
10 que ce n'était pas vrai. Je lui ai demandé qui avait effectivement fait
11 venir les volontaires. Il m'a dit que c'était Miodrag Jokic. Il avait des
12 liens en Serbie. Il connaissait des gens. Il avait décidé de faire venir
13 ces personnes, ces volontaires. Je pense que ce n'est pas vrai. Goran Zekic
14 aime bien faire des blagues de ce genre. D'ailleurs, lorsqu'il m'a dit
15 cela, il était en train de rire. Je pense qu'il y avait des contacts entre
16 lui et quelqu'un qui était responsable de cette unité qui a pris la
17 décision. Il est possible qu'il ait aussi dit la vérité, mais franchement
18 je n'ai pas vérifié.
19 Q. Vous avez parlé de quelque chose, j'en ai pris note. Vous avez dit que
20 même la police donnait un coup de main en réglant la circulation pour que
21 la colonne puisse passer sans encombre. La police a aidé les paramilitaires
22 qui étaient en mouvement, qui faisaient mouvement en Serbie et en Bosnie,
23 passaient de la Serbie à la Bosnie. Très rapidement, est-ce que vous
24 pourriez nous dire ce que faisait exactement la police pour aider les
25 volontaires lorsqu'ils se déplaçaient ?
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1 R. Oui. Il y a peut-être eu un problème de traduction. J'ai entendu que
2 l'armée avait donné un coup de main. Puis, la deuxième fois, j'ai entendu
3 que c'était la police. C'est peut-être moi qui m'y suis trompé mais j'ai
4 seulement parlé de l'assistance fournie par la police.
5 Q. Oui. C'est la question que je vous pose à propos de la police en
6 Serbie. Qu'est-ce que la police a fait pour aider les mouvements de troupes
7 des unités de volontaires ?
8 R. La police réglait la circulation. Il y avait un code de la route un peu
9 particulier qui était en vigueur à l'époque, c'est évident. Lorsque nous
10 avons quitté le bâtiment de la Défense territoriale, le quartier général de
11 la Défense territoriale qui se trouvait tout au centre la ville, toutes les
12 rues par lesquelles nous sommes passés avaient été bloquées par la police.
13 Il y avait une voiture de police. Il y avait une voiture de police en tête
14 de la colonne de volontaires. Je ne sais pas s'il y en avait une autre en
15 queue mais on pouvait très clairement voir les armes que portaient les
16 personnes qui avaient pris place dans les véhicules. Certaines, d'ailleurs,
17 on voyait d'ailleurs parfois le canon dépassé de la fenêtre, passait par la
18 fenêtre. Ce code de la route un peu particulier était tel que même les feux
19 rouges, les feux de circulation avaient été coordonnés pour faciliter le
20 passage. On voyait un feu orange clignotant qui nous indiquait que nous
21 pouvions passer tout en restant prudent.
22 Il y avait un certain nombre de personnes qui observaient ce qui se
23 passait, qui se trouvaient sur les trottoirs. C'était assez incroyable dans
24 ces circonstances. C'est la première fois que j'avais vu ce genre de
25 choses. Cela semblait être vraiment extraordinaire. Je pensais que si l'on
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1 voulait se livrer à ce genre d'activités, il fallait le faire dans le plus
2 grand secret. Là, cela se faisait au grand jour. Les policiers étaient tout
3 à fait au courant des mouvements de ces unités de volontaires.
4 On a également pu voir des unités de la police des frontières qui se
5 trouvaient sur le pont. Ces gens n'arrêtaient personne, ne vérifiaient
6 aucun papier.
7 Ils ne contrôlaient personne, de quelque côté du pont que ce fut. C'est ce
8 que je voulais dire lorsque j'ai dit que la police avait participé en
9 quelque sorte à ces événements.
10 Q. Combien de volontaires se sont rendus en Bosnie lorsque vous étiez là ?
11 R. Je ne sais pas exactement. Je pense qu'il devait y avoir une dizaine de
12 véhicules ici si on tient compte du fait que trois à quatre personnes
13 avaient pris place dans chaque véhicule. Il s'agit sûrement de 30 à 40
14 volontaires qui se sont rendus à Skelani à ce moment-là.
15 Q. Est-ce que ces volontaires portaient des insignes ou des badges sur
16 leurs uniformes ?
17 R. Je n'en ai pas remarqué à ce moment-là. Je n'ai peut-être pas
18 suffisamment fait attention mais je n'ai pas remarqué d'insigne
19 particulier.
20 Q. Monsieur Deronjic, je voudrais parler maintenant d'une autre journée et
21 d'un autre sujet mais nous reviendrons bientôt sur cette question de
22 volontaires.
23 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais prendre la pièce à conviction
24 suivante sur la liste. Les deux pièces à conviction suivantes, les montrer
25 à M. Deronjic. Alors les cotes de ces pièces à conviction, la première
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1 étant ERN L0001243.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P53 et pièce à
3 conviction P54, traduction anglaise porte le numéro ERN L0039963.
4 M. HARMON : [interprétation]
5 Q. Monsieur Deronjic, j'attire votre attention tout d'abord sur la pièce à
6 conviction P53. Il s'agit d'un document daté du 16 avril 1992. Il provient
7 du ministère de la Défense nationale de la république serbe de Bosnie-
8 Herzégovine et référence 1/92. Pourriez-vous prendre connaissance de ce
9 document ?
10 R. J'ai déjà lu ce document mais accordez-moi un instant.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Serait-il possible de zoomer sur le
12 document parce que mes yeux flanchent quelque peu.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai lu le document, merci.
14 M. HARMON : [interprétation]
15 Q. Très bien. Prenons la première partie de cette pièce à conviction. A la
16 première page, il apparaît que le document a été diffusé dans toutes les
17 municipalités serbes. Avez-vous reçu un tel document dans la municipalité
18 de Bratunac ?
19 R. Oui. Je me souviens d'un document. Je ne sais pas si c'était le même
20 que celui-ci mais il s'agissait d'une décision où il était question du
21 risque immédiat, risque très proche de guerre, un message de guerre
22 imminente, menace de guerre imminente. Il y a également l'ordre de
23 mobilisation générale. J'ai eu l'occasion d'en prendre connaissance en
24 avril. Je ne sais pas si c'est le même document mais celui que j'ai reçu
25 était fort semblable.
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1 Q. Dans ce fameux document, il est dit que lors d'une session, celle du 15
2 avril 1992, la présidence a pris une décision. Je vous invite à prendre
3 cette décision qui se trouve en page 2. Monsieur, dans cette décision, on
4 dit qu'il existe une menace imminente de guerre qu'on ait connu, on est en
5 état de guerre imminente. Ensuite, la mobilisation générale est proclamée,
6 mobilisation de la Défense territoriale s'entend et sur tout le territoire
7 de la Republika Srpska. Toutes les personnes appelées sous les drapeaux
8 doivent se mettre à la disposition des états majors municipaux de la
9 Défense territoriale, et ce, sur tout le territoire de la Republika Srpska.
10 Ce document, cela paraît en page 1, est daté du 16 avril 1992. Monsieur,
11 lorsque vous avez reçu ce document, est-ce que vous avez pris l'une ou
12 l'autre décision au sein de la cellule de Crise ?
13 R. Oui, effectivement.
14 Q. J'en arrive à la pièce à conviction P54, la pièce à conviction
15 suivante, Monsieur, je vous invite à l'examiner.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.
17 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais faire un
18 commentaire sur la pièce à conviction précédente. Vous l'avez vous-même
19 indiqué, c'est quasiment illisible à l'écran. Lorsqu'on effectue un zoom
20 sur le document, on perd la vue d'ensemble. Nous n'avions pas de copie
21 papier de cette pièce à conviction, et elle ne se trouvait pas non plus sur
22 le CD-ROM qui nous a été remis. Lorsque l'on se prépare, il est bon de
23 disposer d'une copie papier. C'est extrêmement difficile de suivre le débat
24 lorsque l'on se fonde uniquement sur ce qui apparaît à l'écran, surtout
25 lorsque c'est illisible.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.
2 M. HARMON : [interprétation] On m'a informé que ce document figurait sur la
3 liste à la date du 12 février. Ce document est identifié par le numéro
4 15007, création de la Défense territoriale.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que c'est sur la liste,
6 effectivement.
7 M. STEWART : [interprétation] Je n'ai pas dit que ce n'était pas sur la
8 liste, là n'est pas la question.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que c'était sur le CD.
10 Est-ce que l'on pourrait revoir l'image ? Je souhaiterais également voir
11 l'entête du document, l'entête de la deuxième page. Est-ce que l'on
12 pourrait revoir ce document, Monsieur Harmon ?
13 M. HARMON : [interprétation] Je souhaiterais travailler de la manière la
14 plus efficace et utile possible, afin d'aider la Chambre de première
15 instance, pour ce qui est de la communication des pièces à conviction en
16 version papier. Nous pouvons prendre les mesures nécessaires. Je vous
17 communiquerai volontiers des versions papier. J'essaierai simplement de
18 m'adapter à la technologie moderne.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le fait est que nous devrions être en
20 mesure de pouvoir examiner tous les éléments de preuve, y compris les
21 preuves documentaires. Si nous passons de la page 1 à la page 2 au bas de
22 la page, nous pouvons perdre de vue le contexte. Peut-être pourrions-nous
23 passer davantage de temps pour examiner les autres parties du document, ou
24 bien en recevoir des versions papier, du moment que nous pouvons voir de
25 quoi il retourne.
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1 Nous allons à présent voir la partie située en haut du document. Je pense
2 que nous l'avons déjà vue. Si ce document n'est pas sur le CD, je ne peux
3 pas le vérifier. Dans ce cas là, des versions papier doivent être
4 communiquées à la Défense et aux Juges de la Chambre. Est-ce que nous
5 pourrions poursuivre ? Maître Stewart, vous avez dit que vous souhaitiez
6 faire une observation et non pas une objection.
7 M. STEWART : [interprétation] Il s'agissait d'une objection implicite. Il
8 s'agit plutôt d'une demande pour ce qui est de la manière de procéder à
9 l'avenir.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ainsi que je l'avais compris. Je
11 pense que nous pouvons poursuivre. Monsieur Harmon, allez-y.
12 M. HARMON : [interprétation] Merci.
13 Q. Monsieur Deronjic, nous allons aller de l'avant. Je vous ai demandé si
14 la cellule de Crise de Bratunac avait pris des mesures, suite à cette
15 décision. Est-ce que vous pourriez nous répondre par un simple oui ou non ?
16 R. Oui.
17 M. HARMON : [interprétation] Je souhaiterais que nous examinions la
18 première page de la version en anglais d'un document composé de deux pages.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Tel qu'il apparaît à présent, ce
20 texte est illisible. Il faut le séparer en deux. Si nous examinons des
21 demi-pages, ce serait peut-être plus facile, ou peut-être trois parties. Je
22 pense que c'est mieux à présent.
23 M. HARMON : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que la vue diminue avec l'âge.
25 Il semblerait que nous ayons tous les trois des problèmes à lire ce
Page 1027
1 document. Pourrions-nous voir la deuxième partie de cette page, s'il vous
2 plaît ? Peut-être qu'à présent, nous pourrions passer à la page suivante.
3 Nous avons déjà lu ce passage. Si vous souhaitez poser des questions,
4 allez-y.
5 M. HARMON : [interprétation] Je souhaiterais que nous examinions le
6 document bref.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mes yeux sont déjà fatigués. Est-ce que
8 vous pourriez le diviser en deux, s'il vous plaît ? Très bien, la partie
9 suivante à présent. Vous avez la parole, Monsieur Harmon, vous pouvez
10 poursuivre.
11 M. HARMON : [interprétation]
12 Q. Monsieur Deronjic, il s'agit de la pièce P54, un extrait du procès-
13 verbal de la cellule de Crise, ou plutôt, je me reprends. Est-ce que la
14 pièce P54 est une ordonnance émise suite à l'ordonnance précédente qui vous
15 a été montrée ?
16 R. Je dois vous répondre avec certaines réserves, je pense que oui. Il y a
17 discordance au niveau des dates. On peut lire ici, lors d'une réunion tenue
18 le 15 avril 1992, il est question d'une réunion de la cellule de Crise de
19 la municipalité de Bratunac. En fait, il s'agit du 16. Je dois dire que
20 raison de l'absence de cohérence dans la communication avec les dirigeants,
21 nous avons adapté nos activités en fonction des informations apprises dans
22 les médias. Je peux vous dire que la Défense territoriale de la Republika
23 Srpska a été créée le 15 avril 1992. Dû les rapports à ce sujet le 15
24 avril, nous avons décidé, c'est mentionné ici, que suite à la décision
25 émanant de la présidence de la République du peuple serbe de Bosnie-
Page 1028
1 Herzégovine concernant la mobilisation générale, nous avons adopté nos
2 propres décisions à Bratunac au sujet de la mobilisation.
3 Je pense qu'il y a une petite erreur au niveau des dates, et c'est ainsi
4 que cela s'explique.
5 Q. Dans la version en B/C/S, on peut voir une signature apposée au bas du
6 document. De qui s'agit-il ? Qui a signé ce document ?
7 R. Il s'agit de ma propre signature, Monsieur Harmon.
8 Q. Monsieur Deronjic, permettez-moi de vous poser quelques questions
9 supplémentaires au sujet de ce document. Qu'avez-vous fait après avoir émis
10 cet ordre ? Est-ce que la population a effectivement été mobilisée ?
11 R. Non, il n'y a pas de mobilisation au sens classique du terme. Des
12 unités militaires n'ont pas été formées. Il s'agissait davantage d'une
13 déclaration conformément à la décision de l'institution républicaine. A
14 l'époque, les Musulmans étaient présents au sein des instances dirigeantes
15 de Bratunac. Nous partagions le pouvoir à l'époque. Juste avant ces
16 événements, nous avons eu une réunion conjointe à l'assemblée. Il était
17 impossible d'organiser la mobilisation de la population et de déployer les
18 gens dans des casernes militaires, car ces casernes n'existaient pas. Il
19 s'agissait davantage d'une proclamation indiquant qu'en cas de besoin, les
20 gens étaient contraints de se présenter et de répondre à l'appel sous les
21 drapeaux.
22 Q. Monsieur Deronjic, je souhaiterais vous présenter la pièce suivante. Il
23 s'agit d'une vue aérienne.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P55, pièce à
25 conviction de l'Accusation.
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1 M. HARMON : [interprétation] Pourrait-on présenter au témoin un exemplaire
2 de la pièce P55 ?
3 Q. Monsieur Deronjic, vous n'avez pas vu cette pièce à conviction au
4 préalable, mais il s'agit d'une vue aérienne. Ici, on peut voir certains
5 endroits mentionnés dans votre témoignage à propos d'autres événements
6 survenus à Bratunac. Je vous invite à examiner ces documents. Est-ce que
7 vous pourriez confirmer l'exactitude du positionnement des endroits situés
8 sur la carte indiquée.
9 R. Oui. Les bâtiments et les routes sont correctement indiqués. Je présume
10 que "ancienne école" correspond à Stara Skola en B/C/S.
11 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il serait
12 judicieux de prendre notre pause avant d'aborder un domaine différent.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, de combien de temps
14 auriez-vous encore besoin pour finir votre interrogatoire principal ?
15 M. HARMON : [interprétation] J'avance aussi rapidement que possible,
16 Monsieur le Président. Nous avons un certain nombre de problèmes dans ce
17 prétoire d'objections soulevées, ce qui nous a un peu retardé. Je pense que
18 j'en aurai terminé tard dans la matinée ou demain matin au plus tard.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez indiqué que l'ensemble
20 de la déposition de M. Deronjic durerait dix heures, n'est-ce pas ?
21 M. HARMON : [interprétation] C'est exact.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'essaie de garder en tête
23 les délais. Pour ce qui est des questions qui ne sont pas en rapport avec
24 le déposition de M. Deronjic, qui ont été soulevées, je dois insister sur
25 le fait que nous avons eu des problèmes avec l'ordinateur donc il faudrait
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1 y remédier. Nous allons reprendre nos travaux à 10 heures 50.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
3 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, poursuivez, je vous
5 prie.
6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie, s'il
7 vous plaît, au début de la pause, simplement pour vous mettre à jour, j'ai
8 remis à M. Harmon un calendrier provisoire sur lequel, après les
9 indications que vous nous avez donné ce matin, Monsieur le Président, je
10 souhaite reparler de cette proposition que nous avons faite ce matin. Si
11 l'interrogatoire principal de
12 M. Deronjic n'est pas terminé aujourd'hui, nous souhaiterions, à ce moment-
13 là, que se soit terminé mercredi matin. M. Harmon a dit demain matin, mais
14 il serait tout de seul demain matin si c'est le cas parce qu'il n'y aura
15 personne d'autres, mais le problème qui se pose, c'est que, si nous
16 revenons pour une heure au milieu de la journée, nous perdons ce gain de
17 temps parce qu'il faut faire revenir M. Krajisnik du quartier pénitencier
18 et nous aurons une interruption au milieu de la journée.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas -- vous avez accepté que
20 vous n'avez pas entendu la dernière partie de cette interrogatoire.
21 M. STEWART : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Je pense que ce ne
22 serait pas pratique, d'après ce que je vois pour M. Harmon, cela ne causera
23 pas de problèmes particuliers.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Deronjic, assoyez-vous, je vous
25 prie, et M. Harmon.
Page 1031
1 M. HARMON : [interprétation] Je crois que les écrans seront de meilleur
2 qualité maintenant. Nous voyons mieux que précédemment, mais si nous
3 appuyons sur le bouton où est indiqué éteindre "officiers de police" cela
4 fonctionne mieux. Nous allons voir comment cela fonctionne quoi qu'il en
5 soit ce matin. Je crois qu'au niveau des documents ce sera certainement de
6 meilleure qualité ce matin. Puis-je poursuivre, Monsieur le Président?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
8 M. HARMON : [interprétation] Monsieur Deronjic, je vais maintenant attirer
9 votre attention à la date du 17 avril 1992, le matin, et je souhaite que
10 vous disiez aux Juges ce qui s'est passé très précisément ce matin-là.
11 R. Très brièvement, Monsieur Harmon, Monsieur le Président, messieurs les
12 Juges. Ce matin-là, des personnes armées se sont présentées à l'hôtel
13 Fontana et, à l'époque, il me semblait qu'il s'agissait d'une personne --
14 d'une trentaine de personnes environ. J'étais chez moi à la maison et un
15 message m'est parvenu, précisant que je devais me rendre à l'hôtel Fontana
16 le plus rapidement possible, afin de prendre -- d'assister à une réunion,
17 car des soldats étaient arrivés. Je me suis rendu et alors que je pénétrais
18 dans l'hôtel, je me suis rendu compte que Goran Zekic et M. Jokic, que j'ai
19 mentionné un peu plus tôt, qui était le président du SDS, de Srebrenica et
20 M. Sorak de Srebrenica était également présent. Hormis, ces personnes-là,
21 je me souviens avoir vu trois hommes en uniforme qui se trouvaient là
22 également. De l'autre côté de la table, il y avait des représentants des
23 Musulmans de Srebrenica et, pour autant que je m'en souvienne, Ljubisav
24 Simic, président de l'assemblée municipale, était également présent, ils
25 quittaient la réunion, à ce moment-là.
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1 Lorsque je suis arrivé, j'ai remarqué que l'hôtel avait été barricadé et
2 ces personnes en uniforme empêchaient que les gens n'entrent et ne sortent.
3 Je me suis rendu compte que c'étaient les mêmes que ceux que j'avais
4 remarqué à Bajina Basta, quelques jours plutôt. Je suis entré dans l'hôtel
5 et j'ai demandé quel était l'objet de cette réunion, et M. Zekic m'a dit
6 qu'à cette réunion, concernant les représentants, ces Musulmans de
7 Srebrenica étaient présents. Un des volontaires, qui était là au nom du
8 commandant de l'unité, a dit qu'ils avaient donné un ultimatum aux
9 représentants musulmans de Bratunac. Ceux-ci devaient abandonner le
10 contrôle de la ville, à savoir, le poste de Police, et ils devaient quitter
11 la ville à midi dernier délai et devaient remettre toutes les institutions
12 à ces personnes. Ils voulaient que Ljubisav Simic leur remettre une liste
13 des extrémistes comme ils les appelaient. M. Simic s'est mis en colère. Il
14 a dit qu'il ne souhaitait pas participer à cela. Il a quitté la réunion. Il
15 a dit qu'il n'avait pas de liste. Je crois que j'ai déjà cité ces propos,
16 lors d'un entretien. Je suis resté à cette réunion, je suis resté peu de
17 temps et on m'a dit que les dirigeants musulmans souhaitaient me rencontrer
18 puisqu'ils étaient au poste de Sécurité publique de Bratunac et ils
19 souhaitaient me rencontrer à cet endroit-là. C'est un des garçons de café
20 qui m'a délivré ce message. Ce message lui était parvenu par téléphone.
21 Je me suis rendu au poste de Police, au poste de Sécurité publique à
22 Bratunac où j'ai trouvé le président de la municipalité. M. Dubicic, le
23 président du conseil municipal de Bratunac du SDA, Dzevad Gusic, le chef de
24 la police Hodzic, c'est son nom de famille - je ne me souviens pas de son
25 prénom - et deux autres individus, des enseignants du secondaire. L'un
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1 d'entre eux était membre du SDA, municipale, Numo Pleho. Il voulait savoir
2 qui étaient les gens qui se trouvaient à l'hôtel Fontana. Je leur ai
3 répondu que je ne les avais jamais vu auparavant, que je ne savais pas de
4 qui il s'agissait, et ils m'ont demandé si je pouvais garantir leurs
5 sécurités. J'ai répondu que non car je ne savais pas qui était ces gens-là.
6 C'est simplement, je vous donne en substance la conversation que nous avons
7 eue. Ils m'ont demandé si j'étais à même d'organiser leur départ de
8 Bratunac. Ils voulaient savoir si je pouvais mettre un véhicule à leur
9 disposition car ils souhaitaient se rendre à Konjevic, qui est un village
10 musulman, dans la direction de Tuzla, car il semblait qu'il y avait des
11 problèmes de ce côté-là. Ils voulaient s'y rendre pour pouvoir calmer la
12 situation là-bas et je leur ai dit que cela ne devait pas prendre -- poser
13 de difficultés particulières, qu'ils devaient prendre le véhicule de la
14 police. J'ai parlé des difficultés qu'il y avait à Kravica, qui est une
15 ville à majorité serbe. Ils ont mentionné le nom de ce village et je leur
16 ai dit qu'il ne devrait pas y avoir de difficultés à cet endroit-là car je
17 leur avais donné mon accord pour qu'ils s'y rendent.
18 J'ai supposé qu'ils souhaitaient quitter Bratunac, ce qui s'est avéré
19 exact. Par conséquent, ils ont pris ce véhicule de la police et se sont
20 dirigés vers Tuzla. J'ai appris, par la suite, qu'ils ont quitté la
21 municipalité le jour même. Le poste de Police était vide. J'ai remarqué que
22 la plupart des officiers musulmans avaient quitté le poste de police. Je
23 suppose qu'ils avaient reçu des renseignements de leur commandant. Il ne
24 restait que deux ou trois officiers serbes qui étaient assis sur les
25 marches du bâtiment. Il était déjà midi à ce moment-là, et je crois que
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1 l'unité qui s'était regroupée à l'hôtel Fontana avait commencé à se diriger
2 vers le poste de police. Ils sont arrivés à l'entrée au seuil du poste de
3 police. Je les ai arrêtés. Je leur ai dit qu'ils ne devaient pas se servir
4 de leurs armes et que le chef de la police avait quitté les lieux, et que
5 le poste de police était, à proprement parlé, vide.
6 Ils sont entrés dans les lieux. Ils y sont restés une demie heure environ.
7 Ils ont ensuite pris les véhicules qui se trouvaient là et sont partis en
8 compagnie de Goran Zekic en direction de Srebrenica. Ils sont partis en
9 colonne. Je n'avais pas le temps de retourner à l'hôtel Fontana, puisqu'ils
10 étaient déjà partis en direction de Srebrenica. C'est comme cela que les
11 choses se sont passées ce jour-la. Je vous ai raconté brièvement les faits,
12 ce qui me semblait, en tout cas, être les éléments essentiels de cette
13 journée.
14 Q. Monsieur Deronjic, les personnes qui se trouvaient à l'intérieur et
15 celles qui se trouvaient à l'extérieur de l'hôtel Fontana, pensez-vous que
16 ces hommes étaient les personnes qui étaient des volontaires et qui
17 accompagnaient M. Zekic et Jokic à Skelani ?
18 R. C'est une conclusion à laquelle je suis arrivé, mais je n'ai reconnu
19 personne à l'hôtel Fontana. Je ne les ai pas vus précédemment à Bajina
20 Basta, mais il ressemblait beaucoup à ces personnes que j'avais vues là. En
21 tout cas, en matière d'uniforme et d'armes ils se ressemblaient. Je ne peux
22 pas vous dire à 100 % qu'il s'agissait des mêmes individus, mais je crois
23 que certains d'entre eux étaient les mêmes.
24 Q. Lorsque vous parlez d'armes, est-ce que toutes ces personnes portaient
25 des armes, et pourriez-vous dire quel type d'armes ils portaient ?
Page 1035
1 R. Oui, ils étaient tous armés et ils portaient tous des armes des fusils
2 automatiques, en général, utilisés par l'infanterie, tout ce que j'ai pu
3 apercevoir.
4 Q. Lorsque vous êtes allé rencontrer les dirigeants musulmans de Bosnie de
5 la municipalité de Bratunac, il vous a demandé qui sont ces gens, et vous
6 avez répondu je ne sais. Pourquoi avez-vous répondu je ne sais pas ?
7 R. Très honnêtement, je ne savais pas de qui il s'agissait. Je ne les
8 avais jamais vus auparavant. Je n'avais jamais vu aucun d'entre eux
9 auparavant. Je ne savais pas si c'était des personnes qui étaient à Bajina
10 Basta précédemment. J'ai appris par la suite que l'un d'entre eux était un
11 des dirigeants qui s'était trouvé à Bajina Basta la veille, mais je ne les
12 avais jamais vus avant cette date-là. Je n'avais jamais été en contact
13 avec ces gens-là. Goran Zekic n'a pas eu le temps de me dire qui étaient
14 ces gens-là, car j'ai dû me rendre au poste de police. La seule chose que
15 j'aurais pu imaginer, c'est qu'il s'agissait de volontaires qui étaient
16 venus de Serbie, et qu'ils avaient reçu pour mission l'ordre d'expulser les
17 Musulmans de Bratunac. Mais je ne pouvais pas le dire, parce que je ne
18 savais pas de qui il s'agissait.
19 Q. Monsieur Deronjic, quand les Serbes de Bosnie ont-ils pris le pouvoir
20 dans la municipalité de Bratunac ?
21 R. Immédiatement après cet événement, toutes les institutions de Bratunac
22 ont été dissoutes à proprement parler, car le président de la municipalité,
23 le président du conseil exécutif, le chef de la police, c'est que d'autres
24 postes au niveau de l'administration du système judiciaire entre les mains
25 des Musulmans autrefois. Il n'en restait que des Serbes. Nous avons pris le
Page 1036
1 pouvoir, de facto si vous voulez, vers la fin du mois d'avril 1992. A ce
2 moment-là, nous avions déjà créé la cellule de Crise dans la municipalité
3 de Bratunac, la cellule de Crise municipale, ce qui signifie que nous
4 travaillons comme la cellule de Crise qui avait été créée par les Serbes au
5 mois d'octobre. Plus tard ce mois-là, nous avons créé la cellule de Crise
6 municipale de Bratunac, car entre-temps nous avons eu le temps de mettre
7 sur pied les différents organes, comme la police, et cetera. Les chefs de
8 ces organes sont devenus les membres de la cellule de Crise municipale.
9 Q. Monsieur Deronjic, ces volontaires qui ont pris part à la prise de
10 contrôle de Bratunac le 17 avril, ces gens sont-il restés à Bratunac ou
11 ont-ils quitté Bratunac ?
12 R. Ils ne sont pas restés à Bratunac. Ils se sont rendus à Srebrenica. Ils
13 sont restés à Srebrenica et ont poursuivi leurs activités. Un conflit
14 devait éclater entre les Serbes et les Musulmans à Srebrenica. Mais il y a
15 eu beaucoup d'assassinats. Ces personnes venaient dans les véhicules de
16 police à Bratunac pendant la nuit.
17 Q. Je souhaite vous poser une question, Monsieur Deronjic : Que pouvez-
18 vous dire aux Juges à propos des activités de ces gens, de ces volontaires
19 à Bratunac après la prise de contrôle le 17 avril ? Comment ces gens se
20 sont-ils comportés ?
21 R. J'étais sur le point de vous en parler. Ils venaient à Bratunac la nuit
22 surtout. Ils semaient la terreur, la panique. Ils conduisaient leurs
23 véhicules très rapidement. Ils tiraient des coups de feu et faisaient des
24 sirènes. Ils entraient dans la ville pendant la nuit et ont commencé à
25 piller les biens des uns et des autres. Ils se sont saisis des biens de
Page 1037
1 certains Musulmans. Ici je pense à leurs véhicules en particulier, car il y
2 a des gens qui commençaient à s'en plaindre. Ils ont tué je ne sais pas
3 exactement, je ne me souviens de la date exacte, ils ont tué à cette
4 époque-là plusieurs Musulmans à Bratunac. Il y avait une famille qui a été
5 assassinée. Deux ou trois frères, il me semble, ont été tués à cette
6 époque-là et deux autres personnes à Zljevice, qui étaient dans la
7 périphérie. C'est un incident dont on a eu connaissance par la suite. Par
8 conséquent, ils semaient la panique dans la ville. Ils ont arrêté des gens.
9 Ils ont pillé leurs biens personnels, et c'est, en tout cas, un exemple
10 assez parlant de leurs activités à cette époque-là.
11 Q. Les Serbes de Bosnie étaient-ils également terrorisés par ces gens-là ?
12 R. Oui. Beaucoup d'exemples de ce type. Je n'en ai pas parlé dans le
13 détail, mais il y avait également des nombreux cas de harcèlement des
14 Serbes, y compris des arrestations, et les membres de la cellule de Crise
15 en faisaient partie au cours de cette période.
16 Q. Qu'est-il advenu de ce groupe de volontaires ?
17 R. Trois jours après leur arrivée à Bratunac, le 20 avril 1992, très
18 exactement, les Musulmans, à savoir, leurs forces armées, c'est ce que je
19 sais d'après un certain nombre de rapports. Je n'ai pas une connaissance
20 directe de ces faits. Sous le commandement de Naser Oric, ils ont organisé
21 une embuscade à Potocari. La plupart des volontaires ont été tués dans
22 cette embuscade. Potocari est à cinq kilomètres du centre de Bratunac. Cela
23 fait partie au plan du découpage municipal de la même ville.
24 Q. Avez-vous vu ces volontaires à l'œuvre, autrement dit, en train de
25 voler des voitures ? Pourriez-vous en parlez, s'il vous plaît, à la
Page 1038
1 Chambre ?
2 R. J'ai eu l'occasion de les voir à l'œuvre. Il s'agit de petites villes
3 après tout, et des renseignements m'avaient été donnés par un certain
4 nombre de personnes que je connaissais assez bien. On m'a dit qu'ils se
5 livraient au pillage de biens techniques à Srebrenica. Je crois que cela
6 eut été plus difficile à faire à Bratunac à l'époque, mais Srebrenica a été
7 pillée et les biens ont été emmenés à Bratunac, de l'autre côté du pont,
8 qui reliait cette région à la Serbie.
9 Q. Après que le premier groupe de volontaires a été tué par les forces de
10 Naser Oric, que s'est-il passé ?
11 R. Il s'est produit deux choses qui étaient importants pour la suite des
12 événements. L'unité de la JNA est arrivée dans la région. Je n'avais jamais
13 vu cette unité auparavant et, à ce moment-là, je ne savais pas qui était --
14 qui constituait cette unité. C'était une unité armée. Il y avait une
15 vingtaine de troupes et cinq à six véhicules blindés. Le capitaine Suljic
16 les commandait. Je crois qu'ils sont arrivés à Bratunac le 21 ou le 22. Je
17 ne suis pas tout à fait sûr de la date, mais c'était immédiatement après
18 l'assassinat des volontaires à Potocari.
19 Q. Monsieur Deronjic --
20 R. Le capitaine Reljic.
21 Q. -- Monsieur Deronjic, avant de parler de l'arrivée de la JNA, je
22 souhaite vous poser cette question. Qu'est-il advenu des Corps des
23 volontaires qui ont été tués ? Est-ce qu'un autre groupe de volontaires est
24 arrivé après cela ?
25 R. Je voulais établir un lien entre les deux événements. Nous avons réussi
Page 1039
1 à rapatrier les corps sur le territoire de la municipalité de Bratunac,
2 afin de pouvoir remettre ces corps à leur famille. Nous avons tenté de
3 négocier avec les personnes qui se trouvaient Potocari. Le président, M.
4 Simic, a joué un rôle important dans cette négociation, ainsi que d'autres
5 personnes de la police, y compris un Musulman qui nous a beaucoup aidé dans
6 la matière.
7 M. Reljic était arrivé entre-temps et il a rejoint le groupe de
8 négociateurs car il souhaitait que ces corps soient rapatriés. A ce moment-
9 là, je ne me souviens pas de la date exacte - il devait s'agir du 23 ou du
10 24 - un groupe important de volontaires est arrivé en Serbie. Je pense
11 qu'il devait s'agir s'une centaine d'hommes armés environ. Ils m'ont
12 demandé de venir à Ljubovija pour aller négocier avec eux. Je me suis rendu
13 à Ljubovija et je peux témoigner à ces propos.
14 Q. S'il vous plaît, Monsieur Deronjic, lorsque les Corps des volontaires,
15 qui avaient été tués, ont été remis à leur famille, les corps, ont-ils été
16 remis à leur famille ?
17 R. Oui, plusieurs corps. Je ne me souviens pas du nombre exact car nous
18 n'avons pas réussi à les identifier tous. Lorsque nous les avons trouvés,
19 ils ont été, après les négociations avec Naser Oric, emmenés à Bratunac.
20 Les familles ont été informées par l'intermédiaire des médias, je crois.
21 Q. Monsieur Deronjic, d'autres -- je crois que, si la Défense ou la
22 Chambre souhaitent avoir des détails supplémentaires à cet égard, ils
23 peuvent se tourner vers votre témoignage. Je souhaite vous demander --
24 poser cette question, Monsieur Deronjic : un autre groupe de volontaires
25 est-il arrivé à Bratunac ?
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1 R. Oui. J'ai déjà indiqué qu'un groupe important de volontaires est arrivé
2 à Ljubovija. Je m'y suis rendu. Je voulais empêcher qu'il n'entre dans la
3 région. M. Milutin Milosevic, le chef de Bratunac, m'accompagnait. Nous ne
4 voulions pas qu'ils entrent dans Bratunac et nous le leur avons dit.
5 Néanmoins, une grande partie de ce groupe est entrée dans la ville de
6 Bratunac, à leur propre initiative. Un peu plus tard, ils sont restés
7 jusqu'à la mi-mai. Ils ont insisté pour qu'ils puissent tous entrés à
8 Bratunac car ils avaient avancé le prétexte de faire rapatrier tous ces
9 corps. Nous savions que là n'était pas leur mission. Nous nous sommes
10 entretenus avec un ou deux de leurs représentants et, dans les jours qui
11 ont suivi, un petit groupe de volontaires a réussi à pénétrer dans la ville
12 où ils sont restés jusqu'à la mi-mai.
13 Q. Pourquoi ne vouliez-vous pas que les volontaires entrent dans Bratunac
14 après le 17 avril ?
15 R. A ce moment-là, j'étais à même de comprendre ce qu'ils étaient en train
16 de faire. Nous n'avions aucune -- nous ne pouvions exercer aucune influence
17 sur eux. Lorsque nous sommes allés les rencontrer, moi-même et M. Reljic,
18 nous avons estimé qu'il ne fallait pas les laisser entrer car une centaine
19 d'hommes armés étaient un danger pour nous, car ces éléments étaient
20 incontrôlés, et nous savions que nous ne pouvions plus contrôler les
21 événements s'ils étaient là. C'est pour cela que nous ne souhaitions pas
22 qu'ils entrent dans la ville.
23 Q. A votre avis, combien de volontaires armés de ce plus petit groupe, à
24 votre avis, sont arrivés dans la ville de Bratunac ?
25 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Il ne s'agit pas de M. Reljic, mais de M.
Page 1041
1 Zekic.
2 R. Une vingtaine environ, je pense. Il ne s'agissait pas d'un groupe
3 régulier. Leur nombre pouvait varié. Ils n'avaient pas un système de
4 contrôle et de commandement très organisé. Parfois, certains hommes
5 partaient dans une autre région. Mais je sais qu'il y avait, en général, en
6 permanence, une vingtaine d'hommes.
7 M. HARMON : [interprétation]
8 Q. Ce nouveau groupe de volontaires, qui étaient arrivés à Bratunac,
9 comment se sont-ils comportés à Bratunac ?
10 R. Je dois dire, sans doute, à cause de la présence de l'armée, ils
11 étaient peut-être moins agressifs que le premier groupe. Néanmoins, le
12 pillage et le harcèlement des Musulmans se sont poursuivis. Nous avons
13 essayé de gérer cette situation au mieux, avec l'aide de la police, mais il
14 n'y a pas eu d'assassinat au cours de cette période lorsque le deuxième
15 groupe de volontaires est arrivé. En tout cas, je ne me souviens pas
16 d'événement de la sorte.
17 Q. Quel genre de gens étaient -- quel genre de profile avaient ces
18 volontaires ?
19 R. Je vais parler très franchement. Il s'agissait principalement de
20 criminels et plus tard, j'ai eu l'occasion de vérifier un certain nombre de
21 choses. La plupart de ces gens étaient des criminels, un grand nombre même
22 avaient été relâchés des prisons. On souhaitait qu'ils intègrent ces
23 groupes de volontaires. Plus tard, j'ai appris à connaître certains de ces
24 volontaires. Je crois qu'il s'agissait pour la plupart des criminels. Cela
25 semblait assez évident d'après leur conduite.
Page 1042
1 Q. Qui dirigeait ce groupe de volontaires ?
2 R. Le groupe de volontaires était dirigé par une personne que l'on avait
3 surnommé Peki. C'est comme cela qu'on savait qui il était. J'ai appris par
4 la suite que son nom était Predrag Cubrilo, et qu'il venait d'un village de
5 Vojvodine.
6 Q. Pourriez-vous citer les noms d'autres membres de ce groupe de
7 volontaires ?
8 R. C'est difficile. Je connaissais le prénom de certains d'entre eux, leur
9 nom, non. Je connaissais surtout leur surnom. Je me souviens du nom de
10 Zoran Kosijer. Je me souviens de ce nom-là. Ensuite, il y avait une fille,
11 Dragica Mastikosa. Elle a été tuée par la suite. La plupart d'entre eux
12 avaient des surnoms comme Makedonac, Niski, Tihi, des surnoms comme Rambo.
13 C'était le type de surnoms qu'ils avaient.
14 Q. Etant donné votre inquiétude ainsi que d'autres dans la municipalité de
15 Bratunac eu égard la présence de ces paramilitaires, est-ce que la cellule
16 de Crise a pris des décisions vis-à-vis de ces groupes de volontaires ?
17 Vous pouvez répondre par oui ou par non, Monsieur Deronjic.
18 R. Oui. Nous avons pris un certain nombre de mesures.
19 M. HARMON : [interprétation] Les deux pièces suivantes, je vais vous donner
20 le numéro de la pièce. Le premier sera, celui qui est daté du 1er mai 1992,
21 en haut à gauche de la première page.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce portant la cote
23 P56, et le document suivant, P57.
24 M. HARMON : [interprétation] Pendant la pause, je fais faire des
25 photocopies de ces documents et je vous les ai fait distribuer. J'espère,
Page 1043
1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous avez reçu un
2 exemplaire de ce document.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous remercie. Nous apprécions
4 cela, beaucoup.
5 M. HARMON : [interprétation]
6 Q. Monsieur Deronjic, je vous demande de bien vouloir regarder, s'il vous
7 plaît, les documents P56 et P57.
8 R. Oui. Je connais bien ces décisions prises par la cellule de Crise.
9 Q. Tout d'abord, Monsieur Deronjic, je souhaite que nous regardions le
10 document P56 dans la version B/C/S. En bas de ce document, il semble qu'il
11 y ait une signature. Est-ce que vous reconnaissez cette signature ?
12 R. Il s'agit de la signature du secrétaire de la cellule de Crise. Dans
13 certains cas, nous étions d'accord que lorsqu'une décision avait été tapée,
14 le secrétaire signait ce document. C'était Zoran Tesic. C'est celui qui
15 était secrétaire à l'époque. C'est lui qui a signé ce document en question.
16 Q. Pour ce qui est du document P57, quelle est la signature qui figure en
17 bas de ce document ?
18 R. C'est ma signature, ma propre signature.
19 Q. Prenons, si vous le voulez bien, la pièce à conviction P56. Pourriez-
20 vous éclairer notre lanterne à propos de cette pièce ? Pourquoi cette
21 décision a-t-elle été promulguée ?
22 R. Monsieur Harmon, je serai le plus bref possible. Cette décision
23 interdisant toute activité des formations paramilitaires sur le territoire
24 de la municipalité de Bratunac, fut adoptée le 1er mai. La raison étant que
25 le comportement des unités de volontaires et les affrontements incessants
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1 entre ceux-ci et la police, déjà constituée en tant que police serbe de
2 Bratunac, le commissaire, M. Milosevic, nous avait informé des événements
3 qui s'étaient produits. Il nous a prié d'adopter cette décision qui lui
4 permettait de sanctionner ce genre de comportements dont le chef des
5 volontaires. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes exécutés, d'où
6 cette décision reprise dans ce document dont je parle dans un autre
7 document. Il y a aussi un autre document où nous disposons que les plus
8 extrémistes parmi ces volontaires devaient être arrêtés et expulsés de la
9 municipalité.
10 Le deuxième document, est une décision permettant aux forces de police de
11 désarmer ces groupes illégaux qui avaient fait leur apparition. Au cours de
12 cette période, dans d'autres lieux de la municipalité, nous avons constaté
13 que des individus inconnus avaient traversé la Drina armés. Ces décisions
14 concernaient toutes ces personnes.
15 Q. Monsieur, vous avez mentionné, je vous ai interrompu, vous avez parlé,
16 disais-je, de l'arrivée d'unités de la JNA à Bratunac. Pourriez-vous nous
17 dire quand est arrivée la première unité de la JNA sur le territoire de la
18 municipalité de Bratunac ?
19 R. Je serais bien incapable de vous donner une date exacte, mais c'était
20 juste après que les volontaires aient été tués à Potocari. C'était le 21,
21 voire le 22 avril 1992.
22 Q. Quelle était cette unité ?
23 R. C'était une petite unité de la JNA, une unité blindée comprenant cinq
24 ou six véhicules blindés.
25 Q. Combien y avait-il d'hommes dans cette unité ?
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1 R. Il y avait l'équipage des véhicules blindés ainsi que des policiers
2 vêtus d'uniformes de la police militaire. Il y avait, selon mes
3 estimations, une vingtaine de personnes.
4 Q. Vous avez parlé d'unités blindées. De quel type de véhicules blindés
5 s'agissait-il ?
6 R. Il me semble qu'il y avait quatre véhicules blindés de transport de
7 troupes, ainsi qu'un tank, un blindé, un char. Il y avait aussi un plus
8 petit véhicule blindé, véhicule blindé de combat me semble-t-il.
9 Q. Qui commandait cette unité ?
10 R. M. Reljic me semble-t-il, mais je ne m'en souviens pas très bien.
11 Q. Quel était son grade ?
12 R. Capitaine.
13 Q. Savez-vous d'où venait cette unité militaire de la JNA ?
14 R. Elle provenait de Sekovici, d'une unité stationnée dans cette
15 municipalité-là, où se trouve le QG de la Brigade mécanisée blindée,
16 commandée par un individu dont j'ai oublié le nom, M. Tacic, mais je ne me
17 souviens plus de son prénom.
18 Q. Lorsque le capitaine Reljic est arrivé avec cette unité de la JNA,
19 qu'a-t-il fait dans la municipalité de Bratunac ?
20 R. D'abord, ils ont proclamé la loi martiale, ensuite ils ont adopté un
21 plan visant à désarmer les Musulmans, les extrémistes, comme ils disaient,
22 et ce surtout le territoire de la municipalité de Bratunac. Ils parlaient
23 des colonies musulmanes, de localités musulmanes. Le plan a été adopté à
24 l'occasion d'une réunion tenue avec la cellule de Crise, une réunion qui
25 s'est à Bratunac dans le bâtiment où ils étaient stationnés. Lors d'une
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1 réunion de la cellule de Crise, ils nous ont parlés de ce projet qu'ils
2 nourrissaient. Ils ont procédé à certaines vérifications, et ils ont
3 commencé le désarmement des Musulmans, parfois, à l'insu de la cellule de
4 Crise. Voilà, ce qu'ils ont commencé par faire -- ce qu'a commencé par
5 faire le capitaine Reljic à Bratunac.
6 Q. Vous dites dans votre déposition qu'ils ont proclamé la loi martiale,
7 comment ?
8 R. Le capitaine Reljic a imprimé des affiches, il les a faits coller un
9 peu partout à Bratunac pour informer la population. J'ai eu l'occasion
10 évidemment de lire ces affiches, il disait que la loi martiale avait été
11 proclamée, et que le capitaine était à présent chargé de la ville. Il a
12 signé capitaine Reljic, et cetera, et cetera. Il a dit qu'il était
13 responsable de la ville de Bratunac, de la municipalité.
14 Q. Après le 17, lorsque les dirigeants musulmans sont partis de Bratunac,
15 beaucoup de Musulmans dans les localités, qui étaient majoritairement
16 musulmanes ont décidé de rester dans la municipalité de Bratunac. Est-ce
17 que je me trompe ?
18 R. Non, absolument pas. Pour la plupart, ils quittaient le territoire de
19 la municipalité de Bratunac avant du moins le conflit à Bijeljina et à
20 Zvornik. Par contre, dans les villages qui étaient rattachés à la
21 municipalité de Bratunac, nous trouvons encore beaucoup de Musulmans, les
22 gens plutôt restaient, ont décidé de ne pas partir.
23 Q. Quel était, selon les dires du capitaine Reljic, l'objet de cette
24 compagne de désarmement ?
25 R. Je l'ai déjà dit. Il voulait désarmer les Musulmans. Lors d'une réunion
Page 1047
1 à laquelle n'a pas participé la cellule de Crise, il a discuté des
2 modalités. Il a pris le contrôle de la municipalité et, à partir de ce
3 moment-là, il a donné des ordres à la Défense territoriale, notamment, aux
4 fins de la mobilisation de soldats. Il a dit qu'il fallait désarmer les
5 villages musulmans. Fin avril déjà, des activités de désarmement avaient
6 été réalisées, on avait recueilli des armes dans les villages musulmans.
7 Mais, lors d'une réunion qui s'est tenue par après, une réunion de la
8 cellule de Crise, il a vraiment soumis sa décision. Nous en avons discuté,
9 nous pensions qu'il n'était pas vraiment nécessaire de se lancer dans ce
10 genre de chose. Il nous a dit qu'il s'agissait de récolter des armes dans
11 les villages musulmans et de les entreposer dans un dépôt rattaché au
12 commissariat de Bratunac. En tout, c'est ce qu'il a dit, que c'était cela
13 l'objectif.
14 Q. Est-ce que vous avez participé aux actions visant à désarmer les
15 villages musulmans ?
16 R. Oui. Je me suis joint à une Unité de la Défense territoriale, qui
17 partait ce jour-là, qui s'en allait. J'y suis allé, en tant que soldat,
18 parce que, moi aussi, j'étais mobilisé, et j'ai participé aux désarmements.
19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom du village.
20 M. HARMON : [interprétation]
21 Q. Pourriez-vous répéter le nom du village dans lequel vous vous êtes
22 rendu car les interprètes ne l'ont pas saisi ?
23 R. Podcaus.
24 Q. Pourriez-vous nous décrire le modus operandi, les modalités de cette
25 compagne de désarmement dans le village auquel vous vous êtes rendu ?
Page 1048
1 R. Avant le levé du soleil, les Unités de la Défense territoriale de
2 Bratunac ont reçu des ordres à cet effet. A ce moment-là, elles étaient
3 composées exclusivement de Serbes. Ils ont reçu l'ordre d'occuper le
4 village -- ou plutôt de l'en cercler sans s'en approcher trop, de rester à
5 distance et, au moment au le commandant Reljic en donnait l'ordre, tous les
6 soldats devaient tirer un coup en l'air pour faire savoir aux Musulmans,
7 résidant dans le village, qu'ils étaient encerclés. C'est tout ce qu'on
8 nous avait dit.
9 Après, la police pénétrerait dans le village avec l'armée, avec des
10 véhicules blindés et, par des hauts parleurs, on exigerait de la population
11 qu'elle remette ses armes légales ou illégales. Même si quelqu'un avait un
12 fusil de chasse de toute légalité, avec un permis, cette personne devait
13 quand même remettre cette arme. C'étaient les modalités qui avaient été
14 arrêtées. Les villageois ont belle et bien répondu, je n'étais pas présent
15 dans le village, je n'ai pas pu voir de mes yeux combien de personnes ont
16 remis leurs armes et se sont exécutées.
17 Q. Est-ce que la JNA a essayé de rassurer les personnes qui avaient remis
18 leurs armes, avaient déposé les armes, a essayé de leur donner des
19 garanties ?
20 R. Je ne sais pas, pas vraiment. Je pense que M. Reljic leur a donné des
21 reçus. Je n'étais pas présent, je ne me trouvais pas dans le village. Je
22 pense qu'effectivement, il a signé des reçus pour chaque armée confisquée.
23 Q. Monsieur --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, je me permets d'intervenir.
25 Je ne sais pas si j'ai bien compris votre réponse précédente. Vous avez dit
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1 que les villageois avaient reçu l'ordre de déposer leurs armes, de les
2 rendre, qu'elles soient détenues légalement ou illégalement. Est-ce que cet
3 ordre s'appliquait à tous les villageois ou une partie d'entre eux ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela s'appliquait à tous les villageois,
5 mais, Monsieur le Juge, je me permets de souligner que nous parlons ici du
6 village exclusivement musulman. Il n'y avait que des Musulmans dans ce
7 village.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, mais, dans votre
9 réponse, vous parliez des villages. J'avais cru lire sur le compte rendu
10 d'audience que vous parliez de villageois. Dans ce village, si je vous ai
11 bien compris, il n'y avait que des Musulmans, il n'y avait pas le moindre
12 Serbe, le moindre Croate, le moindre non-Musulman ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y avait peut-être, dans certains cas,
14 un villageois qui n'était pas Musulman, mais ce n'était pas le cas dans
15 celui où je me suis rendu.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.
17 M. HARMON : [interprétation]
18 Q. Quels étaient les villages musulmans censés être désarmés ? Est-ce que
19 vous pourriez nous dire ou faire la liste de ces villages ?
20 R. Je me souviens où je me suis rendu. Je me souviens également de
21 Glogova. Le désarmement a eu lieu à la même époque jusqu'au mois de mai en
22 fait. Je me souviens, dans le village Lolici, quelque chose comme cela;
23 Konjevic Polje. Je n'en suis pas sûr, je n'étais pas là et ce sont les
24 villages dont je me souviens, et là j'en suis sûr.
25 Q. Y avait-il un village connu sous le nom de Voljevica. Je me trompe
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1 peut-être dans la prononciation ?
2 R. Je vois de quelle localité vous parlez. Je ne sais pas si Voljevica a
3 également fait l'objet de cette compagne de désarmement, si c'était un
4 village qui faisait partie des villages visés par ces actions. Si je m'en
5 souviens plus tard, je vous le dirais.
6 Q. Combien du temps cette compagne a-t-elle duré ? Quand s'est-elle
7 terminée ?
8 R. Elle s'est terminée au début du mois de mai. Je ne me souviens pas de
9 la date exacte.
10 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le village de Glogova, de
11 l'assaut contre ce village le 9 mai.
12 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais ici demander l'aide de l'Huissier.
13 Veuillez disposez la pièce à conviction suivante. Il s'agit d'une pièce à
14 conviction de quatre pages. Ce sont des chiffres issus de recensements de
15 1991. C'est une pièce à conviction quelque peu difficile à manier, composée
16 de pages multiples. Le mieux sera peut-être de prendre deux des pages
17 ensemble. On pourrait le disposer ainsi sur le rétroprojecteur. Je pourrais
18 attirer votre attention sur certaines des parties de ce document.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P58.
20 M. HARMON : [interprétation] Pourrions-nous retourner à ceci ? Je pense que
21 là cela se lit assez bien.
22 Pour la visibilité du document, j'ai surligné certaines parties. Est-ce que
23 vous voyez correctement le document, Messieurs les Juges ? Mon écran est un
24 peu faible.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Visible, visible, c'est beaucoup dire,
Page 1051
1 disons que c'est acceptable.
2 M. HARMON : [interprétation] Comme vous le voyez, c'est surligné en jaune.
3 Il s'agit de chiffres relatifs ou issus de recensements en 1991. Vous voyez
4 que l'on a surligné également la population musulmane. Tout à gauche, dans
5 la colonne de gauche, nous trouvons le nom des villages -- des villes qui
6 nous intéressent. En prenant Bratunac, vous voyez le nombre de Musulmans
7 qui y résidaient au moment du recensement. Dans la colonne suivante, nous
8 avons le nombre de Serbes. On arrive à Glogova, qui va retenir notre
9 attention dans le cadre de ce témoignage. Vous trouvez le nombre de
10 Musulmans, 1 901 Musulmans, qui vivaient à Glogova; 1 Croate; 6 Serbes; 4
11 Yougoslaves; et une personne ayant une autre appartenance ethnique.
12 Nous allons également parler de la localité de Suha. Monsieur l'Huissier,
13 pourriez-vous faire glisser le document un peu plus haut ? Suha. J'ai
14 surligné la ligne afférente. Nous allons parler, au cours de cette
15 déposition, de deux localités supplémentaires. Alors, Suha et Voljevica.
16 Là je ne vois pas. 849 Musulmans; 127 Serbes, pour Suha. Si nous passons à
17 Voljevica, nous remarquons qu'y résidaient 1 375 Musulmans et 2 Serbes.
18 Un point de référence, Monsieur le Président, nous indique quelques
19 chiffres intéressants relatifs à la démographie de ces localités. Pièce à
20 conviction suivant. Pourrais-je avoir le numéro de la cote ?
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P59.
22 M. HARMON : [interprétation] Il faudrait zoomer sur une partie du document,
23 l'agrandir. Nous voyons ici la répartition de la population par
24 appartenance ethnique : vert pour les Musulmans, Serbes en mauve. C'est un
25 graphique qui se fonde sur les chiffres de 1991. Je vous invite à prendre
Page 1052
1 la municipalité de Bratunac et, juste en haut -- juste au-dessus du grand
2 cercle, vous voyez la localité de Suha.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous agrandir quelque peu
4 l'image ?
5 M. HARMON : [interprétation] Messieurs les Juges, nous voyons ici la
6 répartition de la population. Ceci se base sur les chiffres de 1991.
7 J'attire votre attention sur Bratunac, là où se trouve la flèche, juste en
8 haut, Suha. Je recommence. La flèche désigne Bratunac. Nous avons la
9 localité musulmane de Suha, en haut; à gauche, la localité musulmane de
10 Glogova; et nous allons également évoquer la localité musulmane de
11 Voljevica.
12 J'aimerais que l'on attribue également une cote, aux fins d'identification
13 provisoire à la pièce à conviction suivante.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P60.
15 M. HARMON : [interprétation] Veuillez la placer sur le rétroprojecteur.
16 Finalement, je n'en ai pas besoin sur le rétroprojecteur. Pourrions-nous
17 simplement en donner un exemplaire au témoin. Il s'agit également d'une
18 carte à l'échelle en cent millième, une carte qui nous permet de localiser
19 les différents villages dont nous parlons. Bratunac, alors désignée par le
20 curseur. Je passe à Suha, Glogova. Il suffit de suivre le curseur, et,
21 enfin, Monsieur le Président, Voljevica.
22 Monsieur l'Huissier, pourriez-vous, finalement, placer la pièce à
23 conviction sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Prenez-la mienne.
24 Q. Monsieur Deronjic, nous attendons que l'Huissier ait disposé la carte
25 sur le rétroprojecteur. J'aimerais que vous répondiez à la question
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1 suivante, mais prenez connaissance de la carte.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur Harmon, je
3 constate que cette carte est à l'échelle d'un cent millième. La carte n'a
4 pas été agrandie, ni réduite parce que cela modifie directement l'échelle,
5 évidemment, et perturbe un peu la lecture.
6 M. HARMON : [interprétation] Je peux vous fournir la carte complète si vous
7 en souhaitez un exemplaire.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, ce n'est pas cela que je
9 demande. J'ai la carte. J'ai la carte complète, mais souvent, lorsque l'on
10 agrandit ou que l'on réduit une carte, l'échelle n'est plus correcte, n'est
11 plus représentative.
12 M. HARMON : [interprétation] Vous avez mille fois raison, mais c'est une
13 carte à l'échelle d'un cent millième.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 M. HARMON : [interprétation] Cette partie de la carte a été, effectivement,
16 agrandi parce qu'elle n'est pas particulièrement lisible.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette partie de la carte n'est pas
18 nécessairement à l'échelle 1:100 000.
19 M. HARMON : [interprétation] Tout à fait.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez -- quelle est
21 l'échelle, en fait ?
22 M. HARMON : [interprétation] Peut-être je vais vérifier, et je vous
23 donnerai l'information.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci.
25 M. HARMON : [interprétation]
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1 Q. Nous allons nous concentrer en l'espace de quelques minutes sur le
2 village de Glogova. En principe, il y a un pointeur. Voilà, l'Huissier vous
3 donne le pointeur.
4 M. HARMON : [interprétation] Vous voyez que la carte est sous le
5 rétroprojecteur à votre gauche. Ce que je voudrais que vous fassiez, c'est
6 que vous vous leviez, vous vous dirigez ensuite vers la carte qui se trouve
7 sur le rétroprojecteur, ensuite je vais vous poser quelques questions sur
8 le village de Glogova.
9 Q. Est-ce que vous pourriez d'abord dire à la Chambre quelle était
10 l'importance stratégique du village de Glogova ? Utilisez le pointeur pour
11 illustrer votre propos.
12 R. Le village de Glogova se trouve sur la route qui relie Bratunac à
13 Kravica. Kravica je le mentionne que la Chambre comprenne bien, c'est une
14 région qui comprend -- où se trouve toute une série de villages serbes.
15 Juste après Glogova, dans la direction de Konjevic Polje, il y a un
16 carrefour. L'une des routes mène à Pale, l'autre à Sarajevo, une autre
17 encore à Zvornik. Glogova se trouve à mi chemin, à quelques 7 kilomètres de
18 Bratunac, à mi chemin de Kravica. Il s'agit de la seule et unique région
19 serbe située sur le territoire de la municipalité de Bratunac. C'est une
20 région d'une taille assez respectable, et de nombreuses personnes y
21 résident. Cela se trouve le village de Glogova, se trouve sur une
22 élévation, il domine la route. Il est assez élevé si l'on tient compte de
23 la topographie générale de la région. De part et d'autre de cette route
24 essentielle, on trouve le village de Glogova. C'est une route qui mène au
25 reste de la Bosnie-Herzégovine.
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1 Q. Je vous en prie, rasseyez-vous. Je vous remercie de ces explications.
2 Excusez-moi, je reprends le compte rendu de votre témoignage. On dit :
3 "Glogova se trouve à mi chemin, environ à 7 kilomètres de Bratunac, donc
4 c'est à mi chemin par rapport à Kravica. C'est la seule région serbe dans
5 la municipalité de Bratunac, ce qui est déjà significatif, qu'est-ce qui
6 est respectable." Vous dites que Kravica est la seule région serbe de la
7 municipalité de Bratunac. Est-ce que je me trompe ?
8 R. Bon, je n'ai peut-être pas été suffisamment clair. J'ai songé à
9 Kravica, mais c'est vrai que ma réponse était quelque peu ambivalente.
10 Q. Pour résumer vos propos, Monsieur Deronjic : Entre Bratunac et les
11 localités serbes de Kravica, Glogova, un village à prédominance musulmane,
12 était situé, n'est-ce pas ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Votre conclusion, selon laquelle Glogova revêtait une importance
15 stratégique, y êtes-vous parvenu de votre propre chef s'agissant de ce
16 qu'il fallait faire à Glogova ?
17 R. Oui. J'ai décidé que la population du village de Glogova devait être
18 réinstallée par la force dans une autre région.
19 Q. Monsieur Deronjic, nous allons rentrer dans les détails de cette
20 attaque, mais avant cela, permettez-moi d'attirer votre attention sur une
21 réunion qui a eu lieu entre vous et Goran Zekic, le 4 ou le 5 mai à l'hôtel
22 Fontana. Vous souvenez-vous de cette réunion ?
23 R. Oui, je m'en souviens. Je me souviens en détail de ma conversation avec
24 M. Zekic.
25 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges quel était l'objet de cette réunion
Page 1056
1 et qu'est-ce qui s'y est passé.
2 R. J'ai rencontré par hasard M. Zekic, et c'était-là la première occasion
3 que nous avions d'être seul après les événements de survenus à Bratunac et
4 Skelani dans lesquels étaient impliqués les volontaires. Je souhaitais
5 savoir et je souhaitais entendre de sa bouche ce qu'il savait au sujet de
6 l'arrivée des volontaires à Bratunac. Quelles étaient leurs intentions, qui
7 était leur commandant, et ainsi de suite. Je voulais obtenir des
8 informations qui étaient importantes pour moi.
9 En raison des événements survenus à Srebrenica, je n'avais vu Goran Zekic
10 avant cela. Je l'avais vu en passant. Je l'avais croisé, mais je n'avais
11 pas eu la possibilité d'être seul avec lui. Il m'était impossible de me
12 déplacer dans la région, car Potocari était contrôlé par les Musulmans.
13 Lorsque nous nous sommes rencontrés, je lui ai posé la question suivante :
14 Quel est le rôle des volontaires ? Quel est le rôle de l'armée à Bratunac
15 et Srebrenica ? Qu'est-ce qui se passe dans toutes ces municipalités
16 surtout dans la région de Podrinje, là où le conflit avait déjà commencé ?
17 Je voulais savoir s'il avait davantage d'informations au sujet de ces
18 événements, et ce qu'il pouvait m'en dire.
19 Il m'a fourni un certain nombre d'informations. Il m'a dit, en substance,
20 qu'il serait sage de ma part de rester à l'écart de l'armée, de n'avoir
21 aucune influence sur l'armée. Il savait que j'avais des problèmes avec
22 l'armée et les volontaires, et ces conseils étaient de garder mes distances
23 par rapport à eux. Je voulais savoir sous les ordres de qui ils étaient
24 placés. Il m'a répondu par une phrase. Je m'en souviens encore aujourd'hui.
25 Il m'a dit que tout cela faisait suite à un accord et que l'arrivée de
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1 l'armée à Bratunac faisait suite à un accord conclu entre les dirigeants
2 serbes et les dirigeants de la Republika Srpska.
3 Voici l'essence de ma conversation avec M. Zekic à l'hôtel Fontana le 4 mai
4 1992.
5 Q. Cet accord qui vous a été décrit par M. Zekic, est-ce que quelque chose
6 qui l'aurait pu inventer ?
7 R. Absolument pas. Non. Ceci aurait été impossible. Il lui aurait été
8 impossible d'exercer le moindre contrôle sur les forces en Serbie, la
9 Défense territoriale, et la police, qui a aidé à organiser l'arrivée des
10 volontaires. Il n'avait aucune compétence dans ce domaine. Cela avait dû
11 être conclu à un niveau bien plus élevé. De même, pour ce qui est de
12 l'arrivée des volontaires, de leurs activités, je pense que cela n'avait
13 rien à voir avec l'accord que Zekic avait conclu avec ces gens. Tout cela a
14 été convenu à un niveau très élevé. Ces activités n'auraient pas pu être
15 menées à bien suite aux ordres que Zekic aurait pu donner.
16 Q. Lorsque M. Zekic parlait d'un accord conclu entre les dirigeants serbes
17 et les dirigeants de la Republika Srpska, avez-vous conclu quoi que ce soit
18 au sujet des personnes intéressées ? De qui voulait-il parler au juste ?
19 R. Je dois dire que son opinion confirmait ce que je pensais déjà. Les
20 activités d'une telle ampleur, établies en fonction d'une logique bien
21 déterminée, ne pouvaient pas être un phénomène isolé dans la région. Tout
22 cela avait dû être coordonné à un niveau très élevé, lorsqu'il m'a dit
23 cela, je sais qu'il voulait parler des hautes instances dirigeantes de la
24 Republika Srpska qui avaient déjà été créées, qui fonctionnaient déjà. Il
25 voulait parler également des dirigeants de la Serbie, je pense qu'il
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1 voulait parler des dirigeants les plus hauts placés en Serbie à l'époque.
2 Q. Qui étaient les plus hauts dirigeants en Republika Srpska à l'époque ?
3 Je souhaiterais terminer ma question, s'il vous plaît. Monsieur Deronjic, à
4 l'époque, qui étaient les personnes les plus hautes placées en Republika
5 Srpska lorsque vous avez eu cette conversation avec M. Zekic ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.
7 M. STEWART : [interprétation] M. Harmon a déjà présenté un certain nombre
8 d'éléments de preuve s'agissant de l'identité des personnes les plus hauts
9 placés en Republika Srpska à l'époque. Nous avons l'information à ce sujet.
10 Ce qu'il essayait de faire est tout à fait clair. Il essaie d'obtenir, de
11 la part de ce témoin, les liens qu'il lui manque pour établir ses thèses.
12 Mais je m'oppose à la formulation de sa question. Lorsque M. Zekic a dit
13 qu'un accord avait été conclu entre les dirigeants serbes et les dirigeants
14 de la Republika Srpska, lorsqu'il demande au témoin s'il était parvenu à de
15 quelconques conclusions s'agissant de l'identité des personnes concernées,
16 je n'ai pas soulevé d'objection, à ce moment-là, mais je m'oppose à la
17 formulation. Savez-vous à qui il voulait penser ? Là on demande au témoin
18 son avis si le témoin ne le sait à qui M. Zekic pensait. Il est inutile de
19 lui poser une telle question.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Deronjic, vous avez déclaré que
21 vous pensez que M. Zekic faisait référence aux dirigeants les plus hauts
22 placés en Serbie, à ce moment-là. Vous avez également déclaré que vous
23 saviez qu'il voulait parler des plus hautes instances de la Republika
24 Srpska, qui avaient déjà été créées. Vous avez fait des suppositions, vous
25 avez dit qu'à votre avis, il faisait référence aux hautes instances
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1 dirigeantes de la Serbie et de la Republika Srpska. Est-ce que vous pouvez
2 nous dire ce que vous savez et ce que vous avez supposé à partir de ce que
3 M. Zekic vous a dit. Comment êtes-vous parvenu à de telles conclusions.
4 M. STEWART : [interprétation] Nous ne sommes pas tout à fait sûr du fait
5 qu'il a dit qu'il savait tout cela. Il a supposé tout cela.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ses suppositions avaient trait aux
7 instances de la République de Serbie, ce qui apparaît dans le compte rendu
8 d'audience, huit lignes plus haut environ, il faisait référence aux plus
9 hautes autorités de Serbie. Mais je vais vérifier cela.
10 M. STEWART : [interprétation] Je souhaiterais simplement vérifier cela. Je
11 ne dis pas que c'est une erreur, mais il s'agit d'une question très
12 importante. Je veux être tout à fait certain.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais vous donner les
14 références dans le compte rendu d'audience.
15 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de -- un instant, s'il vous
17 plaît. Il s'agit de la page 55 du compte rendu d'audience, ligne 5, cela
18 commence à la ligne 4. On peut lire : "Je sais lorsqu'il m'a dit cela, j'ai
19 compris qu'il faisait référence aux plus hautes instances dirigeantes de la
20 Republika Srpska qui avaient été déjà créées."
21 Deux lignes plus bas, on peut dire : "On suppose qu'il faisait référence
22 aux dirigeants les plus hauts placés en Serbie à cette époque."
23 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Quelle
24 page --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la page 55.
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1 M. STEWART : [interprétation] Page 55.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ligne 7. Ce qu'il savait figure à la
3 ligne 5.
4 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, je ne comprends pas ce qui se
5 passe car nous examinons un passage qui correspond à la page 55. Cela ne
6 correspond pas du tout à ce que vous venez de lire. Ce que nous pourrons
7 lire ne correspond pas à ce que vous avez lu.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, il s'agit d'analyser le
9 problème. Comme vous l'avez remarqué au début de cette audience, mon
10 ordinateur ne fonctionnait pas, si bien que la pagination est sans doute
11 différente. Je vous présente mes excuses.
12 M. STEWART : [interprétation] Je comprend.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais dû préciser qu'il s'agissait de
14 ma propre pagination.
15 M. STEWART : [interprétation] C'est, évidemment --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, si vous examinez le passage qui se
17 lit comme suit - en fait, je suis là au milieu de la page 57 - vous devez
18 revenir deux pages plutôt par rapport au compte rendu d'audience qui
19 s'affiche sur votre écran -- deux pages, deux pages et demies.
20 M. STEWART : [interprétation] Il est peu pratique d'avoir des paginations
21 différentes.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous lire le passage en
23 question
24 M. STEWART : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais lire l'intégralité de la
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1 réponse. Je cite : "Je dois dire que son opinion confirmait ce que je
2 pensais déjà."
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, est-ce que nous pourrions simplement
4 retrouver d'abord le passage en question.
5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
6 M. STEWART : [interprétation] Je pense que nous gagnerons ainsi du temps.
7 Après cela, nous pourrons aller de l'avant très rapidement.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
9 M. STEWART : [interprétation] Est-ce que vous pourriez relire le début du
10 passage en question, s'il vous plaît ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figure à la page 61, ou plutôt 61,
12 ligne 1.
13 M. STEWART : [interprétation] Sur notre écran ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En tout cas, sur l'écran du Greffe.
15 M. STEWART : [interprétation] Cela, nous aide beaucoup. Très bien, page 61,
16 ligne 1.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 61, oui.
18 M. STEWART : [interprétation] Oui. "Lorsqu'il m'a dit cela, j'ai compris
19 qu'il faisait référence aux plus hautes instances de la région de la
20 Republika Srpska, qui avaient déjà été créées, et qui fonctionnaient déjà
21 en tant qu'état réel."
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 M. STEWART : [interprétation] Aux dirigeants de la Serbie. J'ai supposé
24 qu'il faisait référence aux personnes les plus hauts placés en Serbie à
25 l'époque."
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En partie, cela se fonde sur ses
2 connaissances directes et, en partie sur des ouï-dire et des suppositions.
3 Votre question portait sur le fait de savoir si le témoin savait cela, oui,
4 s'il avait fait des suppositions. Dans ma question, j'ai fait distinction
5 très claire entre les deux. En partie, il y a des informations qu'il
6 connaît, et il y a d'autres informations qui ne sont en fait que des
7 suppositions.
8 M. STEWART : [interprétation] Oui, il avait connaissance d'informations au
9 sujet des institutions plus que des personnes.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons aller de l'avant.
11 Monsieur Deronjic, maintenant, que tout cela a été précisé, pourriez-vous
12 nous dire ce qui vous a poussé à conclure qu'il faisait référence aux
13 institutions de la Republika Srpska, et aux instances des dirigeants
14 serbes ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi
16 d'expliquer les choses du mieux possible. Personnellement, j'ai pu conclure
17 au cours de cette période que les activités des volontaires et de l'armée
18 sur le terrain, avaient lieu conformément à un certain plan. J'ai pu
19 constaté quel était le comportement des institutions d'état en Serbie dans
20 le cadre du processus d'armement de la population, notamment lorsque les
21 volontaires sont arrivés dans la région. J'étais personnellement présent à
22 Bajina Basta lorsque tout cela s'est produit. Le comportement des
23 institutions locales --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. Ma
25 première question était la suivante. Est-ce sur la base des propos qu'il
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1 vous a tenus, que vous avez compris qu'il faisait référence à ces
2 instances, ou bien sur la base d'informations que vous avez obtenues en
3 dehors de cette conversation ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit, je ne saurais citer avec
5 exactitude ces propos, mais il m'a dit qu'un accord avait été conclu entre
6 les plus hautes instances de la Republika Srpska et celles de Serbie, eu
7 égard aux opérations menées dans la région. Sur la base de cela, j'ai
8 supposé qu'il faisait référence aux plus hautes instances dirigeantes. Il
9 ne faisait pas référence aux institutions au niveau inférieur. Moi-même,
10 j'étais situé à un niveau inférieur d'hiérarchie. Personnellement, j'ai pu
11 conclure que tout cela s'inscrivait dans un plan qui avait été convenu au
12 plus haut niveau. Je n'ai pas d'information précise qui pourrait confirmer
13 cela, hormis, ce que j'ai pu constaté par moi-même le 11 mai, lorsque j'ai
14 relaté les événements survenus à Glogova au plus hautes instances
15 dirigeantes de la Republika Srpska. Je n'ai pas été arrêté ni critiqué pour
16 cela. Au contraire, on m'a félicité pour ce qui s'était passé à Glogova et
17 pour le rôle que j'avais joué dans ces événements. Tout cela a confirmé
18 pour moi que cela s'inscrivait dans le plan mentionné par Goran Zekic.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Harmon, vous
20 pouvez poursuivre.
21 M. HARMON : [interprétation]
22 Q. Monsieur Deronjic, nous allons poursuivre.
23 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous allons
24 continuer jusqu'à 11 heures 25 ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais à l'esprit. Si
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1 vous pensez qu'il est plus judicieux de faire la pause plus tôt, nous
2 pourrions également reprendre plus tôt.
3 M. HARMON : [interprétation] Oui, cela nous conviendrait.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause
5 de 15 minutes, et nous reprendrons à une heure moins 25.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin n'est pas encore entré dans le
9 prétoire.
10 Nous allons attendre pour reprendre nos travaux.
11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Deronjic, veuillez vous
13 asseoir.
14 Monsieur Harmon, vous avez la parole.
15 M. HARMON : [interprétation]
16 Q. Monsieur Deronjic, avez-vous conclu quoi que ce soit par rapport à ce
17 que vous aviez vu de ce qui se passait dans les autres municipalités, les
18 municipalités avoisinantes et la municipalité de Bratunac ?
19 R. Oui. J'en ai conclu que tout cela était organisé et, comme je l'ai déjà
20 dit, j'en ai conclu que les hautes instances dirigeantes avaient participé
21 à l'organisation de ces activités sur le terrain.
22 Q. Monsieur Deronjic, après votre réunion avec M. Zekic, réunion qui s'est
23 tenue le 4 ou le 5 à l'hôtel Fontana, avez-vous eu l'occasion de rencontrer
24 le capitaine Reljic de la JNA ?
25 R. Oui.
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1 Q. Que s'est-il passé lors de cette rencontre avec le capitaine Reljic ?
2 R. Après m'être entretenu avec M. Zekic, j'ai cherché à retrouver le
3 commandant de cette unité à Bratunac, M. Reljic, afin de lui parler ou
4 d'évoquer avec lui ce que je pensais à propos de Glogova. Je voulais lui
5 faire part de mon idée de réinstaller par la force cette population de
6 Glogova et de Bratunac. J'ai parlé avec
7 M. Reljic de tout cela. Je lui ai parlé de mon opinion concernant
8 l'évolution de la guerre dans notre région et j'ai suggéré que ces
9 opérations soient menées dans les jours à venir. Il m'a dit qu'il devait
10 consulter ces supérieurs hiérarchiques et que nous parviendrions
11 ultérieurement à un accord. Voilà l'essence de ma rencontre avec M. Reljic.
12 Je souhaiterais simplement souligner le fait que mes rapports avec lui, à
13 ce moment-là, étaient un peu meilleurs qu'au moment où il était arrivé à
14 Bratunac.
15 Q. Vous venez de dire que ces opérations devaient avoir lieu dans les
16 jours à venir. A quelles opérations faites-vous références ?
17 R. Je pense que je l'ai déjà mentionné. Je voulais parler du transfert par
18 la force de la population du village de Glogova.
19 Q. A l'issu de votre réunion avec le capitaine Reljic, avez-vous eu une
20 réunion avec une personne du nom de Predrag Spasojevic ?
21 R. Oui.
22 Q. Qui est ce Predrag Spasojevic ? Pouvez-vous nous le dire ?
23 R. Predrag Spasojevic était membre des services de la Sûreté de l'état en
24 Serbie. Il est arrivé en Bratunac à la fin du mois d'avril. Il m'a montré
25 sa carte d'identité, sa carte d'appartenance de cette unité et il m'a dit
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1 qu'il allait surveiller les événements à Bratunac, que c'était là sa
2 mission, c'est ce qu'il m'a dit.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre pour
4 quelques instants. J'essaie de comprendre votre déposition du mieux
5 possible. J'ai une question supplémentaire par rapport à l'une des
6 questions que vous avez fournies. Vous avez déclaré que votre décision,
7 visant à démarrer une opération consistant à transférer par la force la
8 population de Glogova, a été expliquée à M. Reljic, et que vous lui avez
9 expliqué quelle était l'évolution de la guerre dans votre région, à ce
10 moment-là. J'ai compris que vous vouliez dire par là que l'évolution du
11 conflit dans la région vous a poussé à envisager la possibilité de recourir
12 au transfert par la force de la population de Glogova. Est-ce que je vous
13 ai bien compris ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, mon intention était de
15 transférer la population de Glogova, le reste de la population de Bratunac
16 et des localités avoisinantes, notamment, en raison de la guerre, et de
17 l'évolution de la guerre dans la région.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez être plus
19 précis ? Que s'est-il passé, lors du conflit, qui vous a poussé à conclure
20 qu'il fallait transférer par la force ces populations ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Au cours de cette
22 période, il y avait des conflits armés dans les municipalités avoisinantes.
23 Je peux parler de Zvornik et de Srebrenica avant tout. En effet, j'ai pu
24 suivre la situation directement là-bas, directement et par les personnes
25 qui s'étaient rendues sur place et qui m'ont transmis des informations.
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1 Bratunac se trouve entre ces deux municipalités. Les événements survenus à
2 Srebrenica, le 20 avril date, à laquelle les volontaires ont été tués, ont
3 conduit à un conflit ouvert. Il y a eu des combats à Srebrenica, il y a eu
4 des victimes dans la ville et dans les villages avoisinants. Des Serbes et
5 des Musulmans ont ainsi péri.
6 Srebrenica est rattaché à la municipalité de Bratunac en raison du nombre
7 de Musulmans qui résidaient dans cette municipalité. Nous étions inquiets à
8 Bratunac car il s'agissait d'un nombre important. Le transfert de la
9 population de Bratunac et de Srebrenica et de Zvornik devait également être
10 pris en considération. Nous avons pu également constater des attaques
11 menées contre des villages serbes à Srebrenica. Je veux parler ici des
12 villages de Studenac, Gniona et Bljeceva, et d'autres villages qui ont été
13 incendiés, en partie ou en totalité. Quelques dix Serbes ont été tués dans
14 ce village au cours de cette période. Le conflit, qui faisait rage autour
15 de Bratunac et à Bratunac même, avait de plus en plus des conséquences pour
16 nous. Il était impossible de contrôler totalement la situation car il y
17 avait des personnes armées dans le village serbe et dans le village
18 musulman.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous comprends pas très bien. Vous
20 dites que la guerre était en train d'évoluer et des volontaires ont été
21 tués. Si j'ai bien compris votre déposition, ces volontaires étaient
22 arrivés dans la région et avaient tué des gens et avaient procédé à des
23 pillages. Certains de ces volontaires ont été tués. Est-ce que vous
24 pourriez me donner votre impression générale par rapport à l'évolution du
25 conflit pour ce qui est du nombre de pertes ? Quelle est votre impression ?
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1 Combien de Serbes, selon vous, ont été tués ? Pourriez-vous donner un
2 chiffre approximatif ? Vous avez parlé d'une dizaine de Serbes, au total.
3 Pourriez-vous nous dire combien de Musulmans ont été tués premièrement et,
4 deuxièmement, combien de villages musulmans ont été pris par rapport au
5 nombre de villages serbes attaqués ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nombre de pertes, en nombres, jusqu'au 9
7 mai, est quelque chose que je ne sais pas. Je vous ai parlé de ces trois
8 villages à propos desquels j'ai des renseignements. Je sais qu'à
9 Srebrenica, il y avait quatre ou cinq Serbes de la région qui ont été tués
10 au cours de cette période. D'après mon souvenir, le nombre de Musulmans
11 tués à Srebrenica était quasi identique. Nous avons les renseignements là-
12 dessus parce que les gens parlaient. C'étaient des informations de première
13 main, non de seconde main. J'ai parlé du massacre de cinq personnes à
14 Bratunac. Ceci s'est produit après l'entrée des volontaires dans la ville.
15 Aucun village musulman n'a été occupé par des forces serbes à Bratunac ou à
16 Srebrenica, ce qui signifie que Goran Zekic, à Srebrenica, contrôlait la
17 ville, ainsi que de différentes institutions, mais il n'avait pas pris le
18 contrôle des villages voisins.
19 Pour ce qui est de Bratunac, la première mesure entreprise, à savoir,
20 d'occuper les villages Musulmans, la première mesure a été prise, le 9 mai,
21 et par là, j'entends les événements de Gniona. C'est à ce moment-là que la
22 population a été transférée de force de Glogova.
23 On dit que trois villages avaient été attaqués au cours de cette période
24 par les forces musulmanes. Il s'agit du village de Gniona, le 6 mai;
25 Studenac. Certaines personnes ont été tuées et d'autres ont été
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1 transférées. Les villages ont été incendiés. Bljeceva une partie du village
2 a été attaquée. C'était une population mixte habitée à 50 % par les Serbes.
3 Trois personnes ont été tuées, deux hommes et une femme. Je peux vous en
4 parler.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les trois personnes qui ont été tuées,
6 s'agissait-il de Serbes ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les trois Serbes ont été tués à Bljeceva, deux
8 femmes et un homme âgé. Son nom de famille était Jonanovic.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des Musulmans, ont-ils été tués dans ce
10 village ? Vous avez dit que c'était un village à composition ethnique
11 mixte.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si des Musulmans ont été tués.
13 Je n'ai pas d'information à cet égard, Monsieur le Président, Messieurs les
14 Juges.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous comprenez que d'après
16 votre réponse, il s'agit d'un nombre d'hommes tués dans les villages
17 voisins de la municipalité voisine de Srebrenica. Vous avez dit dans
18 l'ordre de cinq, cinq environ, et certains ont été transférés de force.
19 Vous avez dit cinq et ensuite, vous avez dit qu'il y a eu le transfert
20 forcé de la population de Glogova ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que nous avons voulu évacuer la
22 population, parce que la guerre faisait rage autour de nous. C'est ce que
23 j'ai précisé dans l'exposé des faits. Il s'agissait de déplacer la
24 population par la force, de l'évacuer de Bratunac et de ces environs,
25 surtout de Glogova, de façon à pouvoir assurer le contrôle de l'ensemble de
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1 la municipalité de Bratunac. Il s'agissait d'adopter les mesures prises par
2 le gouvernement et d'assurer la protection de la population dans la région.
3 Il y avait beaucoup de civils dans la région.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez, Monsieur
5 Harmon.
6 M. HARMON : [interprétation]
7 Q. Monsieur Deronjic, vous avez parlé de Predrag Spasojevic. Vous avez dit
8 que c'était un homme qui faisait partie des services de Sécurité serbe. Ma
9 question, Monsieur Deronjic, pourquoi l'avez-vous rencontré ?
10 R. A cette époque-là, j'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs
11 reprises. A partir du moment où il est venu dans la municipalité de
12 Bratunac, il s'est présenté à moi. J'avais remarqué que c'est lui qui
13 devait remplir des missions à caractère policier, puisqu'il se rendait
14 souvent au poste de police. Je savais qu'il était membre de certaines
15 unités des services de Sûreté de l'état serbe. Je souhaitais qu'il m'envoie
16 un signal, à savoir, de vider par la force, le village de Glogova n'allait
17 pas à l'encontre des plans élaborés par ses supérieurs hiérarchiques. Par
18 là, j'entends les dirigeants des services de Sûreté de l'état de Serbie.
19 C'est la raison pour laquelle j'ai parlé avec lui.
20 Q. Avez-vous évoqué votre plan avec lui ?
21 R. Oui. Nous en avons parlé. Je souhaite simplement ajouter qu'il m'a dit
22 qu'il pensait être certain que ses supérieurs hiérarchiques estimaient que
23 mon plan était approprié, que ceci permettrait d'asseoir la présence
24 militaire des Serbes à Bratunac.
25 Q. Quelle a été votre impression après cette conversation avec M.
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1 Spasojevic ? Est-ce que vous étiez conforté dans vos conclusions ?
2 R. Oui, bien sûr. Je voulais savoir si ce que j'allais faire n'allait pas
3 à l'encontre des plans élaborés par les Serbes, y compris la Serbie et la
4 Republika Srpska.
5 Q. Par la suite, Monsieur Deronjic, vous êtes-vous entretenu avec le
6 capitaine Reljic de la JNA ?
7 R. Oui. A un moment, nous avons été convoqués ou invités à une réunion. Je
8 crois qu'il devait s'agir du 7. On nous a demandé de voir la ville de
9 Glogova d'un point de vue panoramique. Nous nous sommes rendus au village
10 de Magasici où je suis né.
11 Q. Qui est "nous" ?
12 R. M. Reljic et moi-même. Je crois qu'il n'y avait personne d'autre avec
13 nous. Nous nous sommes rendus à Magasici qui est le village où je suis né,
14 situé sur les hauteurs et près de Glogova. De là, nous pouvions très bien
15 apercevoir Glogova. Nous avons bien regardé le village depuis cet endroit.
16 Lorsque nous sommes rentrés à Bratunac, nous sommes tombés d'accord pour
17 lancer l'opération d'ici quelques jours.
18 Q. Qui était responsable de l'organisation de cette attaque, à savoir, qui
19 était chargé des détails de cette opération ?
20 R. Je n'ai demandé ceci à personne. La partie militaire était gérée par M.
21 Reljic, par la JNA.
22 Q. Monsieur Deronjic, le 8 mai, qu'est-il advenu de Goran Zekic ?
23 R. Goran Zekic a été tué le 8 mai, dans une embuscade qui avait été
24 préparée par des Musulmans à Potocari. Son corps a été rapatrié à Bratunac
25 dans l'après-midi de cette journée-là.
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1 Q. Quel effet a eu la mort de Goran Zekic sur la population serbe de la
2 municipalité de Bratunac ?
3 R. Je crois que ceci a eu des conséquences sur la population serbe de
4 Srebrenica. Au cours de cette journée et le soir, toute la population serbe
5 de Srebrenica a quitté la ville. Mes deux sœurs y habitaient. Mes deux
6 sœurs ont quitté Srebrenica au cours de cette nuit-là, en présence de leur
7 famille. Les gens ont fui en direction de Bratunac et de Serbie. Ils ont
8 complètement abandonné la région.
9 Pour ce qui est de la ville de Bratunac, lorsque le corps de Goran Zekic a
10 été rapatrié, un nombre très important de personnes s'était rassemblé
11 devant l'hôtel de ville, lorsqu'on a apporté le corps de Goran Zekic.
12 J'étais présent moi-même également.
13 Q. Quand a été organisé l'enterrement de Goran Zekic ?
14 R. Le 9 mai.
15 Q. Le soir du jour où il a été tué, le 8 mai, la cellule de Crise, s'est-
16 elle réunie ?
17 R. Oui, c'est exact. Nous avons organisé une réunion de la cellule de
18 Crise.
19 Q. Qui a organisé cette réunion de la cellule de Crise ?
20 R. Cette réunion de la cellule de Crise, hormis les membres de la cellule
21 de Crise, était -- comme suit --il y avait cinq ou six membres présents. M.
22 Reljic représentait l'unité de la JNA. Il y avait également M. Spasojevic,
23 l'homme qui était un représentant de service de Sûreté de l'état. Il y
24 avait également le chef de la police et le commandant de la TO de Bratunac.
25 La Défense territoriale de Bratunac était un organe indépendant, à ce
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1 moment-là.
2 Q. Y avait-il quelqu'un qui représentait la Défense territoriale de
3 Kravica, à cette réunion ?
4 R. Oui. Le commandant d'une unité de la Défense territoriale de Kravica,
5 Jaso Nunic [phon]. Il a été tué peu de temps après, au mois de mai, je
6 crois.
7 Q. Pourriez-vous nous répéter le nom de famille de la personne de Kravica
8 que vous venez de nommer, s'il vous plaît ?
9 R. Raso Milosevic.
10 Q. Monsieur Deronjic, pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui s'est passé
11 lors de cette réunion ?
12 R. Oui. La réunion a eu lieu en deux parties. Dans la première partie,
13 nous avons analysé les différents événements qui s'étaient produits à
14 Srebrenica et la mort de Goran Zekic, ce qui nous a beaucoup surpris.
15 C'était effectivement un événement tragique. Nous avons consacré beaucoup
16 de temps à ce sujet-là, puisqu'il s'agissait d'un dirigeant très en vue, à
17 l'époque. Sa famille en avait été informée, son père était présent lors de
18 la réunion. Nous avons essayé d'organiser son enterrement. Nous avons
19 préparé la journée du lendemain. Pendant la deuxième partie de cette
20 réunion, nous avons traité de la question militaire, des opérations
21 militaires, y compris l'attaque de Glogova. C'est à ce moment-là, que nous
22 avons décidé que le transfert forcé de la population de Glogova devait
23 avoir lieu le lendemain matin.
24 Q. Pendant cette réunion, avez-vous abordé la question de l'incendie des
25 maisons musulmanes ?
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1 R. Oui. Nous en avons parlé également. Nous ne savions pas si nous devions
2 incendier le village tout entier ou simplement une partie du village. Bien
3 évidemment, certaines personnes étaient tout à fait contre cela. Je tiens à
4 préciser cela. J'ai proposé que certains bâtiments dans le village de
5 Glogova soient incendiés en guise de mise en garde. J'ai proposé que
6 certains bâtiments seulement soient incendiés, mais qu'il fallait laisser
7 les autres bâtiments intacts. Autrement dit, il ne fallait pas incendier le
8 village tout entier.
9 Q. Quelle décision a été prise à la fin de cette réunion eu égard à
10 l'attaque de Glogova ?
11 R. A ce moment-là, nous avons décidé que des véhicules devaient être
12 emmenés dans le village de Glogova selon la manière dont la situation
13 allait évoluer. Je parle ici des camions qui devaient transférer la
14 population toute entière du village de Glogova dans la municipalité de
15 Kladanj. La municipalité était sous contrôle musulman. Il s'agissait,
16 enfin, de la municipalité la plus proche. Nous avons également décidé que,
17 si les habitants ne posaient aucune résistance, il fallait les évacuer
18 tous. Dans le cas où ils opposaient une certaine résistance, quelque chose
19 qui était difficile à prévoir, les objectifs restaient inchangés, et cet
20 objectif devrait être réalisé par le combat. Il était difficile de savoir
21 si nous devions nous battre à Glogova ou non.
22 Q. Le village de Glogova avait été désarmé, d'après votre témoignage,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Au cours de cette réunion tenue par la cellule de Crise, le capitaine
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1 Reljic a dit que lui et son unité, prendraient part à cette opération
2 contre le village de Glogova, n'est-ce pas ?
3 R. Je voulais que M. Reljic nous donne une réponse franche avant chaque
4 opération militaire, avant chaque décision. Nous voulions savoir s'il
5 prenait part à ce type d'opération ainsi que les unités de la JNA. Il
6 répondait par l'affirmative. Il a répondu que oui, il allait prendre part à
7 cette opération.
8 Q. Quelle autre unité a pris part à cette opération contre Glogova ?
9 R. La TO de Bratunac a pris part à cette opération ainsi que la police, la
10 police de Bratunac, pour autant qu'il y ait encore des officiers de police
11 au poste de police, un certain nombre de volontaires, certains habitants de
12 Srebrenica. Car, après la chute de Srebrenica, après que Srebrenica ait été
13 contrôlé par les Musulmans, une partie de l'unité était venue à Bratunac,
14 et eux prendraient part à l'opération contre Glogova également.
15 Q. Monsieur Deronjic, après avoir proposé vos conclusions à l'issue de
16 cette réunion, est-ce que vous-même ainsi que d'autres personnes vous êtes
17 rendus dans les régions voisines de Glogova afin de prendre position, des
18 positions militaires j'entends, autour de ce village ?
19 R. Oui. Vous avez dit vous ainsi que d'autres membres de la cellule de
20 Crise, non. Je me suis rendu seul, en présence de l'unité de la Défense
21 territoriale. Cela étant dit, c'était également ma propre unité, celle que
22 je commandais d'après la tâche qui m'avait été assignée en tant de guerre.
23 Cette unité avait pour mission de s'interposer entre Glogova et la
24 municipalité de Bratunac, ainsi qu'un certain nombre de villages musulmans
25 à Srebrenica, Potocari en particulier. C'était entre 11 heures et minuit
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1 que nous avons déployé nos positions sur les hauteurs, entre Glogova et la
2 région encore détenue par les Musulmans dans la région de Srebrenica. Ceci
3 englobait également les municipalités de Bratunac et les autres que nous
4 avions dans le dos. Ces municipalités faisaient partie de la municipalité
5 de Bratunac.
6 Q. Je vais repartir un petit peu en arrière, et parler de la réunion tenue
7 par la cellule de Crise la nuit du 8. Avez-vous abordé la question des
8 attaques sur des villages ou des localités musulmanes après l'attaque de
9 Glogova. Si oui, quelles localités musulmanes aviez-vous pris pour cible ?
10 R. Oui. Nous avons adopté une décision, à savoir, s'il n'y avait pas de
11 combat ou de résistance à Glogova, et si l'opération se terminait sans
12 perte en hommes, nous allions poursuivre cette opération et assurer le
13 transfert forcé de la population musulmane à Bratunac, en particulier les
14 régions de Suha et Voljevica, les banlieues de la ville. Nous sommes
15 également tombés d'accord sur le fait que ces personnes devaient être
16 encerclées. Ceci était plus difficile, non pas à cause de leur nombre, mais
17 parce que nous devions les appeler par l'intermédiaire de haut-parleur. On
18 devait leur annoncer qu'il devait quitter Bratunac, Serbes de Croatie,
19 rassembler et être évacués de la région.
20 Q. Monsieur Deronjic, je vais parler maintenant, nous allons revenir un
21 petit peu en arrière parler des premières heures du matin du 9 mai.
22 Pourriez-vous dire aux Juges lorsque l'attaque a démarré, pourriez-vous
23 décrire cette attaque ?
24 R. L'attaque a été lancée à 6 heures du matin, donc aux premières heures
25 du matin. Peut-être pas exactement à 6 heures, mais aux premières heures du
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1 matin, quoiqu'il en soit. Je me trouvais sur les hauteurs, et je voyais
2 bien ce qui se passait. Je voyais la route qui menait à Bratunac et je
3 voyais nos forces entrées dans Bratunac. Pour ce qui est de l'entrée même
4 dans le village, elle s'est faite par le nord pour autant que je pouvais
5 voir. Le village avait déjà été encerclé par nos unités de la TO, et de
6 l'endroit où je me trouvais, je pouvais voir que l'armée avait pénétré dans
7 le village. Ils étaient rentrés avec leurs véhicules blindés de transport
8 de troupes et leurs chars. C'est à ce moment-là que certains bâtiments ont
9 été incendiés. J'ai pu le voir. Ceci a commencé du côté sud. C'est ainsi
10 que les événements se sont déroulés à Glogova.
11 Q. De l'endroit où vous vous trouviez, est-ce que vous surveillez les
12 événements à Glogova ?
13 R. Oui, j'avais un poste d'observation tout à fait adéquat. Je pouvais
14 suivre l'opération toute entière. Je ne voyais pas à l'œil nu les soldats,
15 l'armée, mais je pouvais voir les coups de feu. Je pouvais voir que l'on
16 tirait des coups de feu et que des maisons brûlaient. On a vu de la fumée
17 épaisse monter de toute part.
18 Q. Avez-vous reçu au cours de cette matinée-là un certain nombre de
19 renseignements à propos de la résistance des villageois.
20 R. Oui, le commandant de l'unité à laquelle j'appartenais était M. Miloje
21 Bozic. C'était un officier de réserve et c'était un commandant de la TO. Il
22 avait un portable Motorola, un outil de communication. A un moment donné,
23 je lui ai pris son portable et je souhaitais entendre la voix du commandant
24 pour voir si tout allait bien. Il s'agit d'un walkie-talkie. Je voulais
25 savoir si tout allait bien, car on entendait encore des fusillades, mais on
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1 m'a dit, à ce moment-là, que la population n'avait opposé aucune
2 résistance, et que l'opération se déroulait comme prévu, et que pour
3 l'instant nous n'avions subi aucune perte. C'est en tout cas en substance
4 ce que l'on m'a rapporté.
5 Q. A un moment donné avez-vous quitté votre position pour rentrer dans le
6 village, ou êtes-vous dirigé vers le village de Glogova ?
7 R. Oui, j'ai pris une route secondaire qui me permettait d'arriver dans le
8 village de Glogova en empruntant une autre route. Je me suis dirigé vers
9 l'ouest et je suis rentré par le côté ouest du village. Je ne suis pas
10 entré dans le village directement parce que la route goudronnée menait
11 directement au village. Nous sommes restés avec un groupe de soldats. On
12 nous avait dit que tout était terminé, que la population avait été
13 rassemblée au centre du village, et que nous n'avions plus aucun rôle à
14 jouer à cet endroit-là parce que les gens allaient être transportés ou
15 transférés.
16 En direction de Bratunac, je suis passé devant le village de Glogova. Au
17 centre du village, je voyais bien que l'armée était présente. J'ai vu
18 l'équipe blindée de transport de troupes et le char qui était au centre du
19 village. J'ai vu la police et j'ai également vu les véhicules qui devaient
20 transporter la population en direction de Kladanj. Un véhicule partait déjà
21 et il y avait peut-être d'autres véhicules que je n'avais pas vus. Je ne
22 suis pas resté sur place. Je me suis rendu directement à Bratunac pour être
23 présent à l'enterrement de M. Zekic.
24 Q. Monsieur Deronjic, lorsque vous êtes descendu dans le village, avez-
25 vous personnellement ordonné que certaines maisons musulmanes soient
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1 brûlées; et si oui, pouvez-vous décrire aux Juges comment cela s'est passé.
2 R. Oui. A deux reprises j'ai donné l'autorisation pour que certaines
3 maisons soient brûlées. Lorsque nous sommes arrivés aux abords du village,
4 un certain nombre de troupes sont entrés vérifier s'il y avait des
5 habitants encore dans ces maisons. Quatre ou cinq ont été ainsi vérifiées.
6 Les soldats nous ont dit que ces maisons étaient vides. Ils voulaient
7 savoir s'ils devaient incendier ces maisons ou non. J'ai répondu que oui.
8 Lorsque je me suis rendu à Kravica, j'ai croisé une unité de la TO de
9 Jezestica. C'est un village en hauteur. Je connaissais leur commandant et
10 j'ai ordonné que certaines maisons de la région soient incendiées, et
11 effectivement ce qu'ils ont fait.
12 Q. Après l'opération lancée contre le village de Glogova, cette opération
13 militaire, restait-il encore des Musulmans dans le village après cela ?
14 R. Non, je dois dire qu'une partie de la population s'est cachée pendant
15 la nuit. Ils étaient au courant de notre opération et un grand nombre de
16 personnes ont pu se mettre à l'abri. Par la suite, elles sont revenues et
17 un certain nombre de Serbes ont été tués au cours de cela, y compris Rasa
18 Milosevic, qui a été tué au cours d'une embuscade organisée à la suite de
19 cela. Quoiqu'il en soit, la population a été déplacée en grande partie par
20 nous, et je sais au jour d'aujourd'hui que dix véhicules, y compris des
21 autocars et des camions, ont quitté la région et ont transporté un grand
22 nombre d'habitants y compris des hommes et des femmes.
23 Q. Un nombre très important de maisons musulmanes ont-elles été tués suite
24 à cette opération ?
25 R. C'est exact.
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1 Q. Soixante-cinq villageois musulmans ont été tués au cours de cette
2 opération ?
3 R. Oui, je suis d'accord avec votre opinion. Je n'ai jamais vérifié le
4 chiffre, mais je n'ai aucune raison d'en douter.
5 Q. Qu'en est-il advenu de la mosquée dans ce village ?
6 R. Ce jour-là dans l'après-midi, je crois que la mosquée était dynamitée à
7 l'aide d'explosifs.
8 Q. Monsieur Deronjic, où vous êtes-vous rendu ? Vous avez commencé par
9 nous dire où vous êtes passé le 9 mai. Où vous êtes-vous rendu après cela ?
10 R. Je suis rentré à Bratunac après avoir reçu l'ordre en vertu de quoi
11 notre présence n'était plus nécessaire. Nous étions des membres de l'unité
12 de la TO et notre présence n'était plus reprise à Glogova. J'ai suivi le
13 cortège et la dépouille de Goran Zekic. Je me suis rendu à l'hôtel Fontana.
14 J'ai déjà dit que sa famille était déjà à Bratunac. Il y a beaucoup de gens
15 sur place. Nous avons dit au revoir à Zoran Zekic devant l'hôtel Fontana.
16 Il a été conduit à Ljubovija en Serbie, là où il a été enterré. C'était le
17 souhait de sa famille. Je suivais la colonne allant à Ljubovija et j'ai
18 assisté à la messe d'enterrement à l'église. Je me suis également rendu au
19 cimetière où M. Zekic a été enterré.
20 Q. Après l'attaque de Glogova, pourriez-vous dire aux Juges, s'il vous
21 plaît, ce qui est arrivé aux localités, au village musulman de Suha et
22 Voljevica ?
23 R. Au cours de la matinée, j'ai constaté que l'armée de la police, bien,
24 agissait conformément à l'accord que nous avions trouvé au sein de la
25 cellule de Crise. Autrement dit, on évacuait les populations de ces
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1 localités. Je ne sais pas si cela s'est produit exactement comme ça, mais
2 je n'ai pas constaté une participation de la Défense territoriale dans ces
3 agissements. Ce sont surtout les policiers et les soldats qui se sont
4 chargés d'appeler les personnes à sortir et à se rendre à la gare de bus de
5 Bratunac ou dans le stade. Je ne sais pas s'il y avait un autre lieu
6 concerné, peut-être, à Voljevica mais je n'étais pas là. En fait, ces gens
7 devaient se rendre dans ces endroits pour être transportés, pour être
8 transférés à Kladanj. Cette opération a duré toute la journée.
9 Dans l'après-midi, j'ai quitté Bratunac pour me rendre à Pale.
10 Q. Est-ce que les résidents musulmans de Suha et Voljevica avait le choix
11 dans cette affaire ?
12 R. Je dois souligner que je n'ai pas participé à ces événements même si
13 certaines personnes sont venues me trouver dans la matinée parce qu'elles
14 avaient eu vent de cet appel qui avait été lancée pour quitter Bratunac.
15 J'ai vu des déclarations qui ont été faites à ce sujet au bureau du
16 Procureur. Les gens sont venus me trouver mais je n'avais pas grand-chose à
17 leur offrir. Je leur ai même dit que je préférais moi-même quitter
18 Bratunac. J'ai vu personne ne se faire arrêter ou être escortée en dehors
19 de Bratunac. Etant donné de ce qui se passait, étant donné que la peur
20 régnait, que la panique régnait, un grand nombre de personnes ont décidé de
21 répondre par l'affirmative à ces appels, se sont rassemblées en ces
22 différents endroits pour quitter Bratunac.
23 Q. Je veux bien comprendre cette évacuation et le contexte dans lequel
24 elle s'est déroulée. Dans la nuit du 8 mai, une décision a été prise
25 consistant à lancer une attaque contre Glogova. Si cette attaque
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1 réussissait et bien on évacuerait par la force les populations de Suha et
2 Voljevica. Ma question est la suivante : Est-ce que les Musulmans de Suha
3 et de Voljevica avaient le choix ? Avaient-ils la possibilité de dire :
4 Non, je souhaite rester chez moi. Je veux rester dans la localité ?
5 R. Je ne peux pas dire qu'ils en avaient la possibilité. Ce n'était pas
6 réaliste. Ils ne pouvaient pas rester à Bratunac. Personne à Bratunac
7 n'aurait pu garantir leur sécurité s'ils avaient décidé de rester.
8 Q. Vous avez dit que les personnes vivants dans ces localités étaient
9 censées se rassembler dans certains endroits bien précis. Quels endroits
10 s'agissait-il exactement ?
11 R. Une petite observation. Dans la traduction, j'ai entendu le mot
12 "municipalité", or, il s'agit de "localité".
13 Q. J'ai parlé de "communities" en anglais, de localités. Je pense que cela
14 revient à la même chose. Où ces personnes étaient-elles se rassembler ?
15 R. Il s'agissait notamment du stade de Bratunac. Il y avait également un
16 plateau, une estrade, un endroit quelque peu surélevé juste en face de la
17 gare de bus.
18 Q. Avant de vous rendre à Pale, est-ce que vous avez entendu parler du
19 sort qui était réservé aux hommes ?
20 R. Oui, j'ai reçu des informations. On m'a dit que des volontaires se
21 trouvaient dans le stade et qu'ils avaient dépouillés dans un premier
22 temps, les personnes qui s'étaient rassemblées. Ensuite, ils avaient séparé
23 un groupe d'hommes, des femmes et des enfants. M. Djukanovic, le président
24 du conseil exécutif et moi-même, nous nous sommes rendus sur place pour
25 voir de quoi il s'agissait exactement.
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1 Q. Qu'est-ce que vous avez pu observer ?
2 R. Lorsque je me suis rendu au stade, j'étais tout proche. J'ai été
3 accueilli par des volontaires. Ils m'attendaient et à la droite du stade,
4 le long du mur, je voyais que des hommes avaient été alignés. Ils faisaient
5 face au mur. J'ai demandé ce qu'il se passait, pourquoi ces hommes étaient
6 là et on m'a fait savoir qu'ils avaient été pris par l'armée. En fait, ils
7 avaient reçu l'ordre de les placer en détention pour les échanger contre
8 des Serbes qui avaient été fait prisonniers dans d'autres régions de la
9 Bosnie-Herzégovine. J'ai soulevé des objections. M. Djukanovic m'emboîtait
10 le pas, mais ceci a suscité une réaction plutôt forte de la part de ces
11 volontaires qui étaient armés.
12 Sur le chemin du retour, Djukanovic et moi-même, nous sommes arrêtés au
13 commissariat. Nous avons rencontré le commissaire adjoint ou le commandant
14 adjoint, je ne sais plus exactement, mais il s'appelle Luka Bogdanovic.
15 Nous lui avons fait part de nos inquiétudes. Nous lui avons dit ce qui
16 était en train de se passer au stade. Nous lui avons demandé d'essayer de
17 faire quelque chose. Il a dit que tous ses hommes étaient partis, qu'ils
18 étaient sur le terrain mais qu'il allait lancer un appel pour que certains
19 se rendent sur place. Mais sur place ou dans le commissariat, à l'exception
20 de l'un ou l'autre fonctionnaire de police, il ne disposait de personne.
21 Peu après, on m'a appelé pour que je me rende à Pale et lorsque j'ai dû
22 aller à la mairie d'abord, et puis, je suis parti pour Pale.
23 Q. Pourquoi vous êtes-vous rendu à Pale ?
24 R. Je suis bien incapable de le dire avec exactitude. J'avais été
25 convoqué. J'étais censé me rendre à Pale, mais je ne sais pas si cette
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1 convocation était passée par la police ou par le SDS. On m'a dit, si j'ai
2 bonne mémoire, que je devrais me rendre à une réunion. C'est ce que j'ai
3 fait. Je me suis mis en route pour Pale dans une voiture de police et
4 j'étais escorté par un fonctionnaire de police.
5 Q. Pale était la capitale de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Est-ce que vous avez assisté à cette réunion à Pale ?
8 R. Oui, Monsieur Harmon. J'ai assisté à cette réunion. Je suis arrivé. La
9 réunion avait déjà commencé.
10 Q. Est-ce que vous pourriez décrire la salle où il y a eu lieu cette
11 réunion ?
12 R. J'essaie de m'en souvenir, mais il s'agissait d'une grande salle, une
13 salle de conférence dans un bâtiment dont je ne me souviens plus. Etaient
14 présentes une cinquantaine d'individus de plusieurs municipalités. C'est en
15 tout cas ce que j'ai cru constater à l'époque. Il y avait M. Mladic, Ratko
16 Mladic. Il y avait M. Radovan Karadzic, M. Ostojic aussi, d'autres aussi
17 certainement, mais je ne m'en souviens plus. En tout cas, Ces trois-là
18 étaient bel et bien présents.
19 Q. Vous avez parlé d'une cinquantaine de participants. Quels étaient les
20 postes de ces participants ? Quels postes occupaient-ils ?
21 R. Je connaissais certaines des personnes présentes dans la salle, mais
22 pas toutes. On trouvait surtout des présidents de conseils municipaux. Il y
23 avait, étant donné à l'époque, des présidents de cellules de Crise. Brano
24 Grujic, par exemple, de Zvornik était là. Lui, je le connaissais. Je
25 connaissais certaines personnes personnellement.
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1 Q. Quelles étaient ces personnes que vous connaissiez mieux ?
2 R. Je ne m'en souviens pas, et je souhaite éviter toute erreur, toute
3 méprise. J'ai vu Brano Grujic. Lui, je le connaissais. Je n'ai pas envie de
4 m'aventurer à donner des noms dont je ne suis pas sûr. Il y avait d'autres
5 personnes, des présidents de conseils municipaux. J'ai vu des gens de
6 Visegrad, me semble-t-il. J'ai aussi vu M. Miro Stanic de Srbinje. Je n'en
7 suis pas sûr à 100 %. Je pense qu'ils étaient là.
8 Q. M. Karadzic, M. Ostojic et Ratko Mladic étaient présents dans cette
9 réunion. Où étaient-ils assis par rapport aux autres participants ?
10 R. Tout d'abord, permettez-moi de dire qu'à l'entrée de la salle de
11 conférence, si j'ai bonne mémoire, on trouvait une table. Elle était située
12 à droite de l'entrée. Ces personnes étaient assises à cette table, de telle
13 sorte qu'elles faisaient face au groupe et présidaient la réunion.
14 Q. M. Ostojic, avez-vous dit, s'agit-il de M. Velibor Ostojic ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Vous avez parlé de son rôle dans le SDS lors d'une déposition
17 précédente.
18 S'agissant de l'endroit où étaient assis M. Karadzic, Ostojic et Mladic,
19 est-ce que l'on trouvait des cartes dans la salle ? Est-ce que les cartes
20 avaient été disposées ?
21 R. Oui. On trouvait une carte de la Bosnie-Herzégovine, me semble-t-il,
22 qui avait été apposée au mur derrière cette table. Je n'ai pas vraiment
23 fait attention. C'était peut-être une carte de la Yougoslavie. En tout état
24 de cause, la réunion avait été convoquée pour parler de la Bosnie-
25 Herzégovine.
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1 Q. Quel était l'objet de cette réunion, étant donné ce que vous avez pu
2 observer dès votre arrivée ?
3 R. Je ne puis vous faire part que de mon impression personnelle. Cela dit,
4 cette impression personnelle a été confirmée, notamment lorsque j'ai pris
5 la parole et lorsque j'ai fait mon rapport. L'objectif de cette réunion
6 était d'entendre des rapports de responsables locaux, des présidents de
7 conseils municipaux, des présidents de cellules de Crise. Ce sont les gens
8 les plus importants sur le terrain. Tous faisaient rapport sur la situation
9 militaire sur le terrain. Je ne suis pas resté longtemps à la réunion. J'ai
10 demandé à pouvoir faire mon rapport le plus vite possible. Je ne voulais
11 pas attendre mon tour, étant donné la gravité de la situation à Bratunac.
12 Je souhaitais rentrer à Bratunac dans la soirée. Tous savaient à quel point
13 la situation était risquée.
14 Le chauffeur m'a accompagné dans la réunion. Il s'appelle Vidoje Radojevic.
15 Il était fonctionnaire de police, et c'était mon chauffeur. Nous étions
16 assis l'un à côté de l'autre. J'ai eu l'occasion de faire mon rapport. Je
17 ne sais pas si on m'a permis de le faire directement ou si j'ai dû attendre
18 mon tour ou si c'était mon tour finalement.
19 Q. De quel rapport s'agissait-il ?
20 R. Le rapport sur la situation dans le parti.
21 Q. Qu'est-ce que vous avez dit exactement dans votre rapport qu'ont
22 entendu MM. Karadzic, Ostojic et Mladic ?
23 R. Je n'ai pas parlé longtemps. Je les ai informés de la réunion. Il avait
24 été question de la situation. Je les ai informés des événements à Glogova.
25 Je leur ai dit que la veille, le 9 mai, nous avions transféré de force la
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1 population de Glogova. Je leur ai dit que le village avait été incendié, en
2 tout cas, pour la plus grande partie. Je les ai informés de ce que les
3 habitants du village qui se trouvaient sur place lorsque nous étions
4 arrivés, avaient été transférés vers Kladovo. Je leur ai aussi dit, pour
5 autant que je m'en souvienne, que l'opération était toujours en cours à
6 Bratunac, que les Musulmans étaient priés de quitter la région, de quitter
7 la ville de Bratunac et les localités avoisinantes.
8 Q. Comment ont réagi les personnes qui participaient à cette réunion
9 lorsque vous avez fait votre rapport ?
10 R. J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans ma déposition. Lorsque j'ai
11 terminé mon rapport, j'ai été applaudi par les participants qui étaient
12 assis dans cette salle de conférence. Je ne parle pas de ceux qui
13 présidaient la réunion, je parle des simples participants. Eux, m'ont
14 applaudi.
15 Q. Est-ce que ceux qui présidaient la réunion ont fait des remarques suite
16 à votre rapport ?
17 R. M. Mladic a été le premier à intervenir. Il m'a demandé d'indiquer sur
18 la carte où se trouvait le village de Glogova. C'était la première fois que
19 je voyais M. Mladic. Il était intéressé par les unités militaires présentes
20 à Bratunac, par leur commandant. Je lui ai dit ce que je savais. Ensuite,
21 M. Ostojic a ajouté quelque chose. Il m'a dit en substance, qu'à présent,
22 on pouvait peindre en bleu la municipalité de Bratunac.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde la montre, Monsieur Harmon --
24 M. HARMON : [interprétation] J'ai encore l'une ou l'autre question, et puis
25 j'en aurai terminé.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons déjà raccourci la pause. S'il
2 ne vous faut plus que quelques minutes, je vous en prie, poursuivez.
3 M. HARMON : [interprétation]
4 Q. Les cartes comportaient plusieurs couleurs. A quoi correspondaient ces
5 couleurs ?
6 R. Les couleurs représentaient la composition ethnique du territoire. En
7 vert, les municipalités ou les localités. Je n'ai pas vraiment fait
8 attention. En tout cas, certaines zones de la carte étaient en vert,
9 d'autres en bleu. Je ne sais pas si les Croates étaient présentés sur la
10 carte. Il n'y en avait pas tellement finalement dans la région, donc je
11 n'ai pas remarqué.
12 Q. A quel groupe de population correspondait le vert, que représentait le
13 bleu ?
14 R. Le vert pour les Musulmans, le bleu pour les Serbes.
15 M. HARMON : [interprétation] Je n'ai plus de questions à ce stade. Je serai
16 très bref lors de l'interrogatoire de M. Deronjic la prochaine fois qu'il
17 comparaîtra.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que signifie "bref" dans ce cas-ci ?
19 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que j'en aurai
20 terminé en 30 minutes.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à
22 M. Deronjic de quitter le prétoire. Monsieur l'Huissier, je sais que cela
23 ne dépend pas uniquement de vous, mais …
24 Monsieur Deronjic, en principe nous poursuivrons mercredi, mercredi après-
25 midi. Une décision définitive n'est toujours pas tombée. Nous pourrions
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1 éventuellement continuer demain, ou alors mercredi, mais je dirais que ce
2 sera plutôt mercredi. Une fois de plus, je vous rappelle que vous ne devez
3 pas parler avec personne ni avec les parties, ni avec quelle que personne
4 que ce soit détenue ou non, de votre déposition passée et à venir.
5 Vous pouvez quitter la salle.
6 [Le témoin se retire]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je viens de le dire, il est plutôt
8 probable que nous poursuivions mercredi. Etant donné, c'est assez
9 surprenant pour la Chambre que l'Accusation nous dit qu'elle n'est pas
10 prête. Que ce soit clair, être prêt un jour et ne plus l'être le lendemain,
11 cela appelle quelques explications que la Chambre n'a toujours pas
12 entendues. Nous n'allons pas perdre de temps là-dessus aujourd'hui. Ce
13 revirement dans le chef de l'accusation, ne laisse pas nous surprendre.
14 Nous aurions aimé en être avertis un peu plus tôt, en tout cas avant
15 l'audience.
16 Visiblement, c'est un fait accompli. La Chambre est d'accord avec la
17 Défense, pour dire qu'il serait peu judicieux d'appeler à la barre M.
18 Deronjic pour une demi-heure. Il faudra en effet faire venir M. Krajisnik
19 pour une demi-heure. Ce qui n'est pas très logique.
20 Dans les circonstances actuelles, si les parties pouvaient se mettre
21 d'accord sur un horaire, sur une fourchette de temps, ce serait une bonne
22 chose. Je ne vous demande pas d'être extrêmement précis. Je pense que les
23 parties en ont déjà discuté. Tout ce que je vous propose, c'est de
24 poursuivre mercredi après-midi à 14 heures 15, dans la salle numéro 3.
25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous
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1 avons proposé un horaire extrêmement simple. Nous en avons parlé tout au
2 début de la première pause.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je ne vais empiéter davantage
4 sur le temps des interprètes. Vous avez donné quelque chose à l'Accusation.
5 Nous verrons si l'Accusation est d'accord avec votre proposition. Je pense
6 que la chose est assez simple. Nous verrons bien ce que vous déciderez
7 entre vous. Si vous faites une proposition à deux, une proposition
8 acceptable aux yeux de la Chambre, il est assez difficile d'en disconvenir.
9 Nous poursuivrons mercredi à 14 heures 15.
10 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le mercredi 18 février
13 2004, à 14 heures 15.
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