Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 3071

1 Le vendredi 28 mai 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 14.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer le

6 nom de l'affaire, mais pas avant que je salue toutes les personnes dans le

7 prétoire, s'il vous plaît.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-00-

9 39-T, l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai remarqué, Maître Stewart, que Mme

11 Loukas n'est pas là ce matin. Est-ce qu'elle n'avait pas tarder à arriver

12 ou --

13 M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'elle travaille à l'Article 92 bis

14 ce matin, et nous rejoindrons plus tard dans la matinée.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

16 Hier, j'ai précisé aux parties que je leur permettrais de faire quelques

17 remarques supplémentaires ce matin, sur la question de la présentation des

18 documents en vertu de l'Article 92 bis, et du Témoin Babic, en particulier.

19 Je crois que, ce qui attire tout particulièrement mon attention, ce sont

20 les 1 100 pages du procès Milosevic.

21 Avez-vous besoin de faire des remarques complémentaires, Monsieur Tieger ?

22 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas énormément

23 d'éléments à ajouter. J'annonce, avec tout le respect que je dois à la

24 Chambre, que je vais présenter dans le détail cette question cet après-midi

25 lorsque nous retrouvons en début d'après-midi de façon à ce que nous

Page 3072

1 puissions en parler avec davantage de collégialité. Je voulais simplement

2 insister le fait que certaines mesures ont été prises pour essayer de

3 diminuer les problèmes qui sont dus à cette quantité de matériel, alors que

4 la requête est toujours en instance. Peut-être que nous pourrions utiliser

5 cette occasion cet après-midi pour essayer de comprendre quels sont les

6 éléments importants qu'il faut traiter en la matière.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous préférez retarder la

8 discussion de ce point et en parler cet après-midi. Il s'agit ici d'un

9 point de procédure extrêmement important et, dans la mesure du possible,

10 nous aimerions pouvoir en parler en audience publique. Cela est le premier

11 point.

12 Il y a un autre point également qui est le suivant : je ne sais pas si nous

13 arriverons jusqu'à ce point, mais M. Babic est censé commencer son

14 témoignage mardi prochain, et si nous prenons une décision tard dans

15 l'après-midi --

16 Je ne sais pas si nous allons surseoir à cette décision jusqu'à cette

17 après-midi, mais, quand bien même la décision sera prise et si elle sera

18 quelque peu modifiée, nous pourrons, évidemment, envisager ceci.

19 Monsieur Stewart, aimeriez-vous --

20 M. STEWART : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président. Nous

21 cautionnons tout à fait des commentaires que vous avez faits et le fait

22 qu'il faille traiter ces questions de procédure en audience publique. Cela

23 n'enlève rien au fait que M. Krajisnik doit pourvoir entendre ce débat, il

24 ne sera pas là cette après-midi.

25 Nous avons pu réfléchir depuis hier après-midi. J'ai pu en parler avec

Page 3073

1 l'équipe de la Défense. Comme point de départ, il est important de regarder

2 ces éléments-là à la lumière des juridictions nationales. Si nous avons des

3 documents écrits, s'il y a des éléments de preuve qui ont été présentés au

4 cours des procédures antérieures et aussi des affirmations sous serment ont

5 été faites, et si vous souhaitez les verser ou les présenter dans ce

6 procès, en particulier, il y a une façon de procéder. S'il s'agit de

7 passage court, on peut demander au témoin de regarder le passage en

8 question et de confirmer qu'il s'agit bien là que c'est ainsi qu'il va

9 répondre à la Chambre de première instance. Ceci présente un avantage

10 certain, à mes yeux. Ceci présente un avantage car ceci permet d'éviter la

11 procédure 92 bis dans sa totalité, car c'est ainsi que nous voyons les

12 choses. A ce moment-là, cela se transforme en témoignage direct au sens

13 large du terme du témoin en question.

14 Néanmoins, cela pose une question d'ordre tout à fait pratique dans ce

15 Tribunal, car ceci n'est quelque chose qu'il s'applique à des témoignages

16 extrêmement courts car il y a cet obstacle auquel nous devons faire face.

17 Il existe ce compte rendu d'audience, et ce compte rendu d'audience n'est

18 pas disponible en B/C/S. Par conséquence, le Témoin M. Babic n'a pas à sa

19 disposition le compte rendu d'audience en B/C/S où nous pouvons

20 sélectionner quelques passages et les faire traduire.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je vais vous

22 interrompre, permettez-moi. Mais il pourrait écouter le témoignage

23 précédent, et il pourrait écouter les cassettes en B/C/S dans l'affaire

24 Milosevic. Ceci pourrait être une solution proposée.

25 Monsieur Tieger, je vois que vous êtes debout.

Page 3074

1 M. STEWART : [interprétation] Je ne souhaite pas empêcher Me Tieger de

2 parler ou les Juges de la Chambre, mais je pense qu'il serait préférable

3 que je puisse terminer ce que je suis en train de dire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, procédez.

5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons réfléchi à

6 ce point-là. La réelle difficulté qui se pose -- nous ne représentons pas

7 M. Babic, mais pour toutes personnes dans ce cas -- il s'agit d'un problème

8 secondaire. Nous savons, d'après notre expérience, que ces cassettes ne

9 sont pas fiables. Cela est le premier point. Il est très difficile

10 d'utiliser ce matériel-là et ces cassettes sont très, très peu fiables.

11 Cela c'est le premier point. Cela prend beaucoup de temps et c'est

12 impossible pour M. Krajisnik d'écouter tout ceci. Ces cassettes sont

13 volumineuses, mais même pour M. Babic, il serait difficile d'entendre tout

14 ceci sur les cassettes audio. C'est beaucoup trop long. C'est beaucoup trop

15 difficile à gérer pour quelqu'un comme cela.

16 Pour ce qui est des passages très courts, cela ne pose aucun problème car,

17 si cela ne représente quelques paragraphes avec un maximum de 20 lignes, le

18 conseil peut les lire, ces paragraphes peuvent être traduits, et le témoin

19 peut confirmer ces propos. Cela est beaucoup plus simple que de reparler de

20 la même chose et de reposer les questions et les réponses. Pour autant que

21 le passage en question ne représente pas une question directrice, par

22 exemple, dans le cas de M. Babic, nous n'aimerions pas que tout ceci lui

23 soit versé sur un plateau d'argent et qu'on lui demande simplement de

24 confirmer par derrière. Ceci fonctionne assez bien si les éléments

25 présentés ne sont pas trop importants.

Page 3075

1 En revanche, lorsqu'il s'agit d'éléments de preuve plus importants

2 représentant quelques 20 pages, à ce moment-là, et, évidemment, il faut en

3 être averti suffisamment longtemps à l'avance, surtout pour le cas de M.

4 Babic, si on parle d'éléments de preuve qui sont très importants, cela

5 requiert du temps. Il est difficile de faire ressortir ceci dans le cadre

6 d'un témoignage oral d'un interrogatoire principal car le témoin, à ce

7 moment-là, a besoin d'entendre le compte rendu et de le confirmer. Cela

8 peut prendre du temps. Il peut s'agir d'éléments clés, bien sûr, qu'ils

9 peuvent être présentés dans le contre-interrogatoire, clé dans le sens où

10 ceci peut être versé au dossier, mais ce sera beaucoup plus facile de le

11 gérer ainsi. Il se peut qu'à ce moment-là, la charge de tout ceci repose

12 sur les épaules des interprètes plutôt que de toutes les personnes dans le

13 prétoire. Il s'agit d'un équilibre de nos ressources.

14 Etant si ces documents ne peuvent pas être traité de façon que je viens

15 d'évoquer, à ce moment-là, il faudra en revenir au 92 bis qui est

16 l'application la plus traditionnelle. Je souhaite simplement rappeler aux

17 Juges que cela nous a pris du temps, et c'est un euphémisme que j'utilise

18 ici. Il nous a fallu beaucoup de temps pour simplement parcourir tous les

19 documents.

20 Nous avons adopté une position assez stricte eu égard aux documents

21 présentés dans l'affaire Babic. J'espère que les Juges comprendront qu'il

22 ne s'agit pas d'une attitude que la Défense souhaite adopter de façon

23 générale, eu égard aux documents présentés dans le cadre du 92 bis. Le

24 Tribunal a déjà eu l'occasion de traiter un nombre important de documents

25 dans le cas de l'affaire Babic, et peut-être que les Juges savent quelles

Page 3076

1 difficultés auront à faire face la Défense en vertu de l'Article 92 bis.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je crois que là il

3 s'agit d'une question, bien sûr, qui en découle car il faut du temps pour

4 préparer tout ceci. C'est une coïncidence que de constater que la Chambre -

5 en tout cas, c'est ainsi que vous l'avez présenté - doit être confronté à

6 un problème similaire aux vôtres. Je crois que votre position est

7 suffisamment claire à cet égard.

8 M. STEWART : [interprétation] Oui. Oui. Tout à fait. Non, je n'ai pas

9 l'impression d'être un tout petit peu -- je dois dire et j'ai peut-être

10 l'air un petit arrogant si je vous dis que bienvenue dans le monde réel.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Stewart --

12 M. STEWART : [interprétation] Je ne vais pas l'intention d'embarrasser le

13 Tribunal, mais je crois que nous sommes actuellement dans la réalité.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, vous avez saisi

15 l'occasion de renforcer votre position et --

16 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je justifie mes honoraires.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tout cas, j'ai bien compris votre

18 message.

19 M. STEWART : [interprétation] Nous espérons bien.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez réitéré votre position, c'est

21 tout à fait clair. Peut-être que cela n'a pas été entendu dans tous les

22 sens du terme --

23 M. STEWART : [interprétation] Je crois que nous sommes tous de grands

24 garçons et de grandes filles également. Nous voyons de l'autre côté du

25 prétoire, combien il est difficile pour qu'une proposition de ce type, quel

Page 3077

1 que soit le bien fondé pour l'avenir, soit adoptée à ce stade de la

2 procédure pour la semaine prochaine. Nous comprenons, fort bien, les

3 intérêts de ceci, de la position dans laquelle nous nous trouvons. M.

4 Tieger, je pense, a également ceci à l'esprit.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous

6 souhaitez faire une autre observation ?

7 M. TIEGER : [interprétation] Très rapidement, Monsieur le Président. Je

8 crois que nous sommes arrivés à un changement important eu égard

9 l'application du 92 bis. J'ai voulu aborder la question de l'objet initial

10 du 92 bis, à savoir qu'il s'agissait, au départ, de permettre à cette

11 institution d'utiliser les éléments présentés dans d'autres affaires

12 précédemment. En particulier, un corpus de documents importants qui avaient

13 été présentés dans d'autres affaires, de façon à ne pas utiliser de façon

14 inefficace le temps des Juges et de la Chambre. Je sais que ceci est peut-

15 être une arme à double tranchant, mais j'en parle simplement parce qu'il

16 est important de savoir comment nous allons procéder.

17 Je note que certaines solutions ont été proposées ce matin en vue de gagner

18 du temps et d'être plus créatif. Ces solutions n'ont pas pu être mises en

19 place avant, et il est très difficile de les appliquer maintenant.

20 Les Juges de la Chambre comprennent fort bien que cela est difficile, car

21 M. Babic doit venir témoigner bientôt. Tout le monde sait, y compris moi-

22 même, que ceci ne peut pas être changé. J'aimerais simplement que ceci soit

23 clair. A la lumière de tout ceci, je crois que les solutions que nous avons

24 à notre disposition sont assez limitées. Je crois que toute autre

25 proposition, à savoir, la non utilisation conventionnelle du 92 bis semble

Page 3078

1 difficile. C'est la raison pour laquelle je souhaitais traiter de cette

2 question avec une certaine collégialité, cet après-midi.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que ceci apparaît, tout à fait,

4 clairement à la Chambre et aux Juges, Monsieur Tieger. Je vous remercie

5 pour vos observations. Je crois que nous allons, maintenant, pouvoir

6 poursuivre et entendre le témoignage de M. Kirudja.

7 Madame l'Huissière --

8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur, Madame les

9 Juges, je souhaite poser une question. A quel moment pensez-vous pouvoir

10 traiter la question de la correspondance, s'il vous plaît, avec Mme Del

11 Ponte ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai parcouru cette correspondance

13 hier. J'ai, également, vérifié ce qu'a dit la Chambre à ce propos en

14 audience publique et je crois, qu'à ce moment-là, nous avons dit que nous

15 avions lu cette correspondance et qu'à ce moment-là il suffisait que Babic

16 sache que la Chambre de première instance en était informée. Aucune mesure

17 ne s'est avérée nécessaire, aucune décision non plus. A ce moment-là, la

18 Chambre de première instance a considéré que cette question devait être

19 réglée entre les parties plutôt qu'avec les Juges. Néanmoins, nous avons

20 beaucoup apprécié le fait d'en avoir été informés.

21 Je pense que vous n'avez jamais obtenu de réponse à votre dernière lettre.

22 C'est la raison pour laquelle vous soulevez ce point. Je pense qu'aucune

23 autre correspondance ne figure ici.

24 M. STEWART : [interprétation] Je dois dire, Monsieur le Président, je n'ai

25 même pas eu la courtoisie d'avoir une réponse, ce qui me surprends de la

Page 3079

1 part de Mme Del Ponte. Mais, par définition, je n'ai eu aucune réponse que

2 l'on pourrait qualifier ainsi. Tout ceci a simplement été ignoré.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'attendez-vous de la Chambre de

4 première instance ? Vous souhaitez que l'on prie instamment l'Accusation de

5 répondre à votre lettre, qu'attendez-vous de nous ? Quelle serait une

6 réaction appropriée de la Chambre de première instance ?

7 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je

8 crois que la question que vous venez de poser est, effectivement, la bonne.

9 Je crois, qu'au sens large du terme, qu'il s'agit là du rôle du Tribunal,

10 qui a un rôle de supervision. Mme Carla Del Ponte est une représentante de

11 ce Tribunal, l'Accusation et la Défense ont des responsabilités à l'égard

12 du Tribunal. Evidemment, nous avons une responsabilité importante à l'égard

13 de la société en général.

14 Nous savons qu'une déclaration de cette nature, comme cela semble être le

15 cas n'émane pas de l'équipe de M. Harmon, mais du bureau du Procureur. Par

16 conséquent, ceci tombe directement sous la responsabilité de Mme Del Ponte.

17 Je ne sais pas à quel moment cette lettre a été rédigée. Je crois que ceci

18 a dû être fait au mois de juillet, mais cette lettre indiquait que M.

19 Krajisnik avait pris des mesures pour retarder son procès, alors qu'il est

20 en prison depuis un certain temps. Tout ceci a été diffusé dans les médias.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous répétez le contenu de la

22 correspondance plutôt que de répondre à ma question.

23 M. STEWART : [interprétation] Je le fais, tout à fait, en connaissance de

24 cause. C'est quelque chose qui doit être entendu en audience publique. Je

25 ne suis pas en train de semer la pagaille, mais je souhaite, simplement,

Page 3080

1 que ceci soit retranscrit au compte rendu d'audience.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, si vous souhaitez que le

3 contenu de cette lettre soit enregistré au compte rendu d'audience, c'est à

4 moi d'en décider, non pas vous. Je pourrais vous poser la question, si vous

5 souhaitez le faire. Je préférais que le contenu de cette correspondance

6 soit résumé, c'est vous qui décidez vous-même et vous ne répondez pas à ma

7 question.

8 M. STEWART : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, je me propose

9 de répondre à votre question. Simplement, je vous présente quelques

10 éléments. Je souhaite être, tout à fait, clair en public, c'est tout.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la réponse à votre question. En

12 trois lignes, cette lettre précisait que M. Krajisnik avait fait tout son

13 possible pour retarder le début de la procédure. Vous avez vérifié ces

14 dires. M. Harmon a nié que ceci émanait de son équipe. Vous avez vérifié

15 vous-même avec le journaliste, et le journaliste a dit que ceci émanait du

16 bureau du Procureur, et vous souhaitez que la lumière soit faite sur ceci.

17 M. STEWART : [interprétation] Ecoutez, je demande, effectivement, au

18 Tribunal de s'exprimer là-dessus. Mme Del Ponte devrait répondre à ceci,

19 surtout qu'il a été avancé que ceci émanait du bureau du Procureur. Ceci

20 doit être justifié. Si Mme Del Ponte du bureau du Procureur dit que c'est

21 exact, à ce moment-là, il faut le justifier. Si c'est justifié, à ce

22 moment-là, j'accepterai cela sans aucune difficulté.

23 Si, néanmoins, ceci n'est pas justifié, nous estimons que cette lettre doit

24 être retirée, car cela constitue une injustice grossière, si cela n'est pas

25 fondé. Si cette déclaration n'émane pas du bureau du Procureur ni de

Page 3081

1 l'équipe de M. Harmon ni du bureau du Procureur, évidemment, cela est entre

2 les mains d'un journaliste qui est en train de faire le rapport et s'il

3 déclare que cela vient du bureau du Procureur et cela est diffusé dans les

4 médias. Cela n'est pas juste à l'égard de M. Krajisnik, et ceci doit être

5 corrigé. Cela devrait être justifié ou retiré. J'inviterais Mme Del Ponte à

6 le faire, à agir ainsi et à nous donner une réponse d'ordre général et de

7 façon à ce que nous pouvions traiter de cette question à l'égard des

8 médias, par une réponse de façon générale à ce qui a été avancé par le

9 bureau du Procureur.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

11 M. HARMON : [interprétation] Ecoutez, la réponse tout à fait courte. Je

12 réponds à Me Stewart. Mme Del Ponte a répondu à Me Stewart en confirmant

13 que la position que j'avais adoptée, dans ma lettre envoyée à Me Stewart,

14 correspondait à sa position.

15 Je trouve qu'il est très difficile, en général, je ne traite pas de la

16 question des médias. Je comprends très bien qu'une personnalité publique

17 comme Mme Del Ponte, qui entend parler de différentes questions dans la

18 presse tous les jours, certaines de ces questions sont véridiques et

19 d'autres non, et qui doit répondre à chaque affirmation qui est faite par

20 les médias. Je crois qu'à ce moment-là, elle n'aurait plus le temps de

21 remplir ses responsabilités quotidiennes.

22 Egalement, si ma mémoire est exacte, cet article est paru dans le Guardian,

23 ce n'était pas une citation exacte, et ces commentaires n'étaient pas

24 attribués à quelqu'un armé de feuilles. Il s'agissait d'une observation

25 générale, constatant qu'il s'agissant d'une source inconnue émanant du

Page 3082

1 bureau du Procureur. Je crois que cette question doit rester en latent. Mme

2 Del Ponte a répondue à M. Stewart lorsqu'elle a adoptée cette position, et

3 ceci a été indiqué dans ma correspondance à Me Stewart.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous diriez que Mme Del Ponte a pris

5 cette position dans sa déclaration que ce qui est apparu dans le Guardian

6 n'est pas une illustration fidèle de la position du bureau du Procureur, et

7 qu'il n'était pas utile d'y consacrer davantage de temps. A ce stade, je

8 crois qu'il vaudrait mieux davantage insister sur le fait que s'il y a une

9 erreur ici, qu'il ne s'agit pas d'une erreur grave commise par le bureau du

10 Procureur. Est-ce là votre position ?

11 M. STEWART : [interprétation] Non, pas tout à fait, Monsieur le Président,

12 car Mme Del Ponte n'a pas pris position, et je cite ce que vous venez de

13 dire. Mme Del Ponte a pris position et a déclaré que ce qui avait été dit

14 dans le Guardian n'est pas une illustration fidèle du bureau du Procureur.

15 Ceci ne correspond, absolument, pas à la position adoptée par Mme Del

16 Ponte. Nous estimons qu'elle fait fi de ses responsabilités. Elle abdique

17 ses responsabilités. Elle a refusé de prendre une position en la matière.

18 Elle n'a pas nié l'exactitude du rapport dans le sens où ceci émanait du

19 bureau du Procureur. La phrase utilisée : "C'est d'après l'Accusation."

20 Notre point de départ est le suivant, après le premier jour du procès,

21 c'était le lendemain, lorsqu'un journaliste a dit : "D'après l'Accusation,"

22 il est naturel d'entendre qu'il s'agit du bureau du Procureur. M. Harmon a

23 répondu très rapidement. Je lui suis gré de cela, j'accepte ce qui a été

24 dit, qu'il ne s'agissait pas de quelque chose qui émanait de l'équipe de M.

25 Harmon, mais que cela émanait de l'équipe de Mme Carla Del Ponte. Elle a

Page 3083

1 refusé de prendre position, elle a refusé de dire, elle a refusé de

2 confirmer, que ceci était venu ou émanait de quelqu'un sous sa

3 responsabilité ou de son bureau. Elle a refusé de confirmer ou d'infirmer.

4 M. Harmon, il est vrai, a répondu très rapidement à ma lettre. Mme Del

5 Ponte n'a absolument pas répondu rapidement à ma première lettre, et ce

6 n'est pas satisfaisant. Je crois que cela est très discourtois. Je crois

7 que c'est très discourtois. Mme Del Ponte a, tout simplement, ignoré ma

8 dernière lettre, qui avait, clairement, indiqué un certain nombre de

9 points. Nous avons beaucoup de travail et nous ne sommes pas, du tout,

10 impressionné par le fait que Mme Del Ponte était très occupée. Cela était

11 très discourtois de sa part que de ne pas répondre. Je vais mettre un terme

12 pour parler d'autres choses. Ceci vient du bureau du Procureur, cela a été

13 rendu public et, si le bureau du Procureur dit que c'est exact, il faut

14 qu'il en apporte la preuve. Si tel n'est pas le cas, ceci doit être retiré.

15 C'est la seule solution raisonnable et professionnelle. Je n'ai aucune

16 intention de critiquer les représentants du bureau du Procureur que je vois

17 dans le prétoire ici aujourd'hui car, manifestement, la chose ne vient pas

18 d'eux. Mme Del Ponte assume la responsabilité du travail des personnes qui

19 sont la cause de cette déclaration à la presse, c'est à elle d'assumer.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Cela est très clair. Nous

21 allons réfléchir au rôle que pourrait jouer la Chambre à cet égard. Nous

22 verrons s'il est, éventuellement, envisageable que la Chambre fasse

23 connaître son point de vue, ou plutôt que la Chambre prenne,

24 éventuellement, la position de dire qu'elle ne considère pas que le contenu

25 de cet article correspond à ce qu'elle-même estime être le résultat de son

Page 3084

1 expérience.

2 Je ne sais pas si la Chambre va s'adresser à l'Accusation, c'est une des

3 questions à laquelle il convient de réfléchir. Je ne sais pas si la Chambre

4 s'adressera à l'Accusation, en estimant que tout cela vient d'un membre du

5 bureau du Procureur. Ce que je veux dire, c'est que vous avez reçu

6 confirmation du journaliste, mais il n'y a pas eu une contradiction très

7 claire de la part du journaliste. La chose doit faire l'objet de recherche

8 auprès du bureau du Procureur. Cela exigera un travail important, mais

9 nous ne souhaitons pas perdre trop de temps à cela. Je sais que vous ne

10 serez pas forcément d'accord, c'est évident. Mais la Chambre réfléchira

11 pour voir qu'elles sont les meilleures mesures à prendre pour faire la

12 clarté sur toutes ces questions. Nous y réfléchirons et nous vous en

13 informerons.

14 Ce point étant réglé pour le moment, j'aimerais que nous poursuivions

15 l'audition de M. Kirudja.

16 Madame l'Huissier, pourriez-vous, je vous prie, faire entrer le témoin dans

17 le prétoire.

18 Monsieur Harmon, s'agissant de la déposition de M. Kirudja, nous avons

19 constaté qu'un grand nombre de noms y étaient cité, et la Chambre a bien

20 compris que des soldats avaient été envoyés par un certain état. Je ne cite

21 ceci qu'à titre d'exemple, et je vous demande de ne pas surestimer

22 l'intelligence des juges, mais de ne pas la sous-estimer non plus.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kirudja, vous pouvez vous

25 asseoir, et je vous présente nos excuses pour ces trois quarts d'heure

Page 3085

1 d'attente. Nous avons démarré un peu tard pour des raisons logistiques et

2 nous avons, ensuite, consacré quelque temps à débattre d'un point de

3 procédure. Nous sommes désolés.

4 Je me permets de vous rappeler que vous êtes toujours lié par la

5 déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition

6 hier.

7 LE TÉMOIN : CHARLES KIRUDJA [Reprise]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, c'est à vous.

10 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

11 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Bonjour, conseil de la

12 Défense.

13 Interrogatoire principal par M. Harmon : [Suite]

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kirudja.

15 R. Bonjour.

16 Q. Monsieur Kirudja, j'aimerais appeler votre attention sur certains des

17 éléments que l'on trouve dans la pièce à conviction de l'accusation 120,

18 qui est votre déclaration préalable, notamment, aux paragraphes 64 à 68.

19 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais que l'on remette un exemplaire de

20 cette pièce 120 au témoin.

21 R. Paragraphe 64 ?

22 Q. Paragraphes 64 à 68. Je me propose de résumer le contenu de ces

23 paragraphes. Il y est question d'une réunion à laquelle vous avez participé

24 avec des représentants militaires danois, le 26 mai, en présence du maire

25 de Dvor, M. Borojevic. Lors de cette réunion, il a demandé que 5 000

Page 3086

1 Musulmans de Bosanski Novi puissent transiter dans le secteur nord.

2 Au sujet de cette réunion, pouvez-vous me dire rapidement dans quelle

3 condition elle a été organisée ?

4 R. La date est celle du 26 mai, comme je l'ai dit hier. Notre mandat était

5 ceci : dans une zone protégée des Nations Unies, avec les objectifs que

6 j'ai évoqués hier en rapport avec le plan Vance. Je me trouvais à Dvor et

7 j'étais chargé de mettre en œuvre ces objectifs prioritaires. Dans ces

8 conditions, bien entendu, j'ai décidé de mieux connaître les effectifs à

9 notre disposition, à savoir, la police militaire et les soldats déployés

10 sur place, mais de mieux connaître également les autorités locales.

11 Je me trouvais à cet endroit, et l'objet de mes préoccupations ne faisait

12 pas partie des sujets qui ont été discutés à cette réunion. M. le Maire, M.

13 Borojevic, s'exprime. Il présente ses demandes, et je mets mon ordre du

14 jour de côté pour me concentrer sur ce qu'il dit quand, tout d'un coup, ce

15 qu'il dit me frappe comme étant tout à fait inhabituel -- comme ressortant

16 de l'ordinaire.

17 Q. De quoi s'agissait-il ?

18 R. Il me demandait : "De lui apporter notre aide pour le déplacement de

19 5 000 personnes," 5 000 personnes qui ne devaient pas partir du secteur

20 sous sa responsabilité, mais de Bosanski Novi, qui était de l'autre côté de

21 la frontière internationale. Ce qui était assez étonnant, c'est qu'il

22 souhaitait que nous fassions ce que nous pouvions pour filmer ces personnes

23 en train de passer par le centre de transition, l'UNPA. Selon lui, nous

24 avions pour responsabilité d'agir de la sorte, alors que ces personnes ne

25 devaient pas rester dans cette zone protégée des Nations Unies, qui était

Page 3087

1 sous notre charge. En fait, ce qu'il souhaitait, c'est que nous

2 manifestions notre bonne volonté par rapport à toutes ces personnes en

3 accomplissant un geste humanitaire qui devait être connu du monde entier.

4 Q. Monsieur Kirudja, quelle est la conclusion que vous avez tirée quant à

5 la viabilité de cette frontière internationale séparant la Bosnie de la

6 Croatie dans le secteur de Dvor et de Bosanski Novi ?

7 R. A ce moment-là, la frontière, en tant que telle, n'était pas mon centre

8 de préoccupation principal. Mon centre de préoccupation, c'était l'objet de

9 sa requête et le fait que ces personnes ne se trouvaient pas sur la

10 frontière même, mais de l'autre côté de la frontière. Ce qui m'a un peu

11 surpris c'est que le maire de Dvor présentait une requête au nom d'une

12 autre juridiction. Il demandait que ces personnes traversent la frontière,

13 si l'on peut s'exprimer ainsi, pour entrer dans notre secteur. Tout cela

14 m'a frappé comme étant une demande assez étonnante, pour dire le moins.

15 Q. Avez-vous, ensuite, tiré une quelconque conclusion quant au fait de

16 savoir si cette frontière internationale était respectée par les habitants

17 du secteur nord et de Bosanski Novi ?

18 R. Oui. [imperceptible] de la réunion, il est apparu clairement que cette

19 partie de la frontière internationale, qui était contrôlée des deux côtés

20 par les Serbes n'était rien de plus et rien de moins qu'une frontière. Ce

21 que je veux dire par là, c'est qu'à partir de la municipalité de Bosanski

22 Novi, en passant par Bosanski Krupa -- et là, je parle de mon secteur --

23 j'ai en tête la carte que je vous ai montrée hier. Lorsqu'on va vers

24 l'ouest, vers Bosanska Dubica, les deux côtés étaient sous le contrôle des

25 Serbes. Il y avait des routes et des ponts entre les deux parties en

Page 3088

1 présence et, pour la population serbe, ceci ne constituait pas réellement

2 une frontière. Sur la gauche de la frontière, dans la municipalité où la

3 majorité de la population était musulmane, à savoir, la municipalité de

4 Velika Kladusa, quand on va vers Bihac, je parle de ce secteur qui se

5 trouvait là. Là, c'était, effectivement, une frontière, mais pas à

6 l'endroit dont nous sommes en train de parler.

7 Q. Paragraphe 66, de votre déclaration écrite, vous y déclarez que le

8 maire a déclaré que Bosanski Novi était désormais, et je vous cite : "Une

9 partie d'une nouvelle réalité revêtant la forme de la République serbe de

10 Bosnie-Herzégovine." Pouvez-vous commenter ces propos ?

11 R. C'est une synthèse de ce qui a été dit au cours de la conversation, et

12 c'est au fils de cette conversation que j'ai commencé à mieux comprendre

13 les raisons pour lesquelles le maire de Dvor demandait que soit effectué ce

14 déplacement massif de population. J'ai posé toute une série de questions

15 qui ont culminé sur cette déclaration. Pourquoi le maire de Dvor relayait

16 auprès de moi quelconque qui relevait, en fait, des autorités de Bosanski

17 Novi ? Vous êtes tous les deux serbes et vous présentez des aspirations des

18 Musulmans. Je me souviens très bien avoir dit précisément : je vous ai

19 toujours très bien compris lorsque vous vous exprimiez très passionnément

20 au sujet des aspirations des Serbes. Mais ici, il s'agit de Musulmans dont

21 vous me dites qu'ils veulent partir de leur plein gré et qu'ils veulent

22 traverser ici. Pourquoi ces personnes souhaiteraient-elles partir de leur

23 plein gré si la situation est totalement pacifique de l'autre côté de la

24 frontière, comme vous semblez le dire ? Lorsque vous parlez de cet effort

25 magnanime de la part des Serbes de manifester leurs préoccupations

Page 3089

1 humanitaires, pourquoi est-ce que ces personnes souhaiteraient partir ? A

2 cela, on m'a répondu : Bosanski Novi fait désormais partie d'une nouvelle

3 réalité.

4 Mais même avant d'en arriver là, je me souviens que notre réunion se tenait

5 dans une pièce qui était tout près du bureau du maire de Dvor et, à un

6 moment, il m'a dit : "Si vous ne me croyez pas, le maire est là et il peut

7 vous parler en personne." A ce moment-là, j'ai décliné son offre. Je

8 n'étais pas encore prêt à entendre parler en détail de cette nouvelle

9 réalité. Il a vu que j'avais quelques difficultés à comprendre ses

10 demandes. Cette demande, je le répète, se situait dans le contexte de cette

11 nouvelle réalité dont il m'a dit que le maire me l'expliquerait plus tard.

12 Q. Votre déclaration, aux paragraphes 64 à 68, est tout à fait détaillée.

13 Je ne vais pas vous interroger davantage au sujet de cette réunion. Les

14 Juges auront sans doute des questions à vous poser à ce sujet, Monsieur

15 Kirudja, à moins que ce ne soit le cas du côté de la Défense.

16 M. HARMON : [interprétation] Mais j'aimerais maintenant que l'on soumette

17 au témoin la prochaine pièce à conviction, la pièce à conviction 126. C'est

18 bien cela ?

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P125.

20 M. HARMON : [interprétation]

21 Q. Je vous demanderais d'examiner rapidement ce document, sans faire le

22 moindre commentaire, Monsieur Kirudja, s'il vous plaît.

23 Monsieur Kirudja, vous avez examiné ce document, cette pièce P125, et je

24 vous demande si vous en êtes l'auteur ?

25 R. Oui, ce document est écrit de ma main et il comporte ma signature.

Page 3090

1 Q. Je vois le sigle CAC à côté de votre nom à la fin du document. Que

2 signifie-t-il ?

3 R. C'est mon titre, coordinateur aux affaires civiles.

4 Q. J'aimerais appeler votre attention sur les trois lignes que l'on trouve

5 au bas de la première page dont je vais donner lecture. Je cite : "Il

6 serait apprécié que l'HCR apporte son aide pour obtenir des renseignements

7 précis et de première main au sujet de cette histoire." L'histoire étant

8 l'allégation selon laquelle 5 000 Musulmans s'apprêtaient à quitter

9 Bosanski Novi de plein gré. Pourquoi demandez-vous au HCR de recueillir des

10 informations précises au sujet de cette histoire ?

11 R. Je dirais d'abord que -- comment se situe dans le contexte de ce dont

12 j'ai parlé hier lorsque j'ai parlé des responsabilités diverses que l'on

13 peut trouver au sein d'un élément aussi complexe qu'une mission des Nations

14 Unies qui, bien sûr, est un élément très composite. J'ai rendu compte au

15 directeur des affaires civiles et vous verrez à la fin de la deuxième de ce

16 document que cette personne était le DCA, c'est-à-dire, le directeur aux

17 affaires civiles de la FORPRONU. Nous étions mandatés pour assumer la

18 responsabilité qui pouvait exister à l'intérieur de la zone protégée par

19 les Nations Unies. Comme vous le constaterez, il est tout à fait clair que,

20 dans ce document, on traite de réfugiés qui sont hors des frontières de la

21 zone protégée par les Nations Unies. Dès lors que cette question a été

22 soumise à mon attention, je n'ai pas pu utiliser les ressources de la

23 FORPRONU pour agir de l'autre côté de la frontière afin de vérifier la

24 véracité de ce qui m'avait été dit, car nous n'avions pas mandat pour ce

25 faire. Tous les moyens à notre disposition étaient définis pour servir à

Page 3091

1 l'intérieur de la zone protégée des Nations Unies, et s'il s'agissait d'un

2 transfert de réfugiés dans notre secteur, mais en provenance de Bosanski

3 Novi.

4 La seule organisation qui aurait pu avoir mandat pour se rendre sur place

5 et vérifier tout cela était l'HCR. C'est la raison de ce mémoire -- de sa

6 rédaction, à savoir, préparer le terrain pour que nous puissions disposer

7 de renseignements précis et que nous puissions prendre des mesures

8 nécessaires.

9 Q. J'aimerais à présent votre attention sur ce que l'on trouve à la

10 deuxième de ce document, Monsieur Kirudja. Deuxième ligne à partir du haut,

11 je vous donne lecture des mots qui sont écrits, je cite : "Nous avons des

12 indications selon lesquelles cette histoire peut avoir d'autres

13 ramifications politique." Que vouliez-vous dire par là ?

14 R. Si je me souviens bien -- ou plutôt si vous vous souvenez de ce que

15 j'ai déjà dit, vous vous rappellerez que la Croix rouge internationale et

16 la FORPRONU étaient censées de filmer ces personnes en transit sans que ces

17 personnes demeurent -- restent dans le secteur. La seule façon d'agir dans

18 cette situation était de faire intervenir les autorités croates, qui

19 contrôlaient une partie de la frontière au nord, parce qu'il y avait deux

20 routes qui constituaient des corridors dans ce secteur, un corridor qui

21 passait par Vojnic et allait à Karlovac, et l'autre corridor qui passait

22 par Glina pour aller jusqu'à Sisak.

23 Les ramifications politiques venaient du fait que ces personnes

24 s'apprêtaient à circuler en provenance d'une juridiction internationale

25 située en Bosnie, en passant par une zone des Nations Unies -- zone

Page 3092

1 protégée par les Nations Unies pour se rendre sur territoire croate. Les

2 implications politiques de tout cela sont tout à fait manifestes.

3 Q. Monsieur Kirudja, j'aimerais appeler votre attention sur la pièce à

4 conviction suivante. Pièce P125.

5 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

6 est question dans cette pièce du contenu des paragraphes 69 à 76 de la

7 pièce à conviction 120 de l'Accusation.

8 R. Quels paragraphes ?

9 Q. Paragraphes 69 à 76 de votre déclaration au préalable, Monsieur

10 Kirudja, et je vais résumer rapidement. Dans ces paragraphes, il est

11 question, de façon assez détaillée, d'une réunion qui a eu lieu le

12 lendemain du jour dont nous parlions jusqu'à présent à Tapusko, le 27 mai,

13 et lors de cette réunion, le maire de Bosanski Novi, Radomir Pasic, est

14 présent et accompagné d'une délégation. Il vient s'en être annoncé et

15 s'efforce de vous convaincre qu'il convient d'autoriser ces 5 000 Musulmans

16 de Bosanski Novi à transiter par votre secteur.

17 Voilà en gros ce que l'on trouve des les paragraphes en question, mais,

18 Monsieur Kirudja, je vous demande si vous avez bien sous les yeux en ce

19 moment la pièce à conviction 125 de l'Accusation.

20 R. Je ne vois pas le numéro, mais je vois devant sur l'écran un mémorandum

21 que je reconnais.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La cote précédente était P125.

23 M. HARMON : [interprétation] Aide humanitaire, je m'excuse.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre désormais à présent

25 qu'il s'agit de la pièce P126, n'est-ce pas ?

Page 3093

1 M. HARMON : [interprétation] Oui. Oui. Excusez-moi. P126, en effet.

2 Q. Monsieur Kirudja, je vous demanderais d'examiner la pièce P126 de

3 l'Accusation, avant que je ne vous pose quelques questions au sujet de ce

4 document.

5 Monsieur Kirudja, en première page de ce document, en haut nous lisons les

6 mots, "formulaire destiné au message de la FORPRONU". Reconnaissez-vous

7 cette pièce à conviction et y trouvent-on vos initiales ?

8 R. Oui. Là, encore c'est mon écriture et ma signature.

9 Q. Page suivante, en haut de la page nous lisons, "transmission par fax"

10 et, en bas de la page, nous trouvons le mot "sincerely" et les mots, "Jens

11 Brosted", manuscrit, n'est-ce pas ? Vous reconnaissez ce document ?

12 R. Oui.

13 Q. Troisième page, nous trouvons, en haut de la page, la mention : "Jens

14 Brosted, rapport au sujet d'une réunion relative à

15 5 000 habitants musulmans de Bosanski Novi au QG, zone protégée par les

16 Nations Unies secteur nord, le 28 mai 1992." Vous voyez cela ?R. Oui.

17 Q. Puisque je parle du titre que je lis à ce niveau de la page,

18 j'ajouterais qu'il y ait question d'une rencontre en date du 28 mai 1992.

19 Cette date est-elle exacte ou erronée ?

20 R. Selon mon journal personnel, la date exacte était celle du 27 mai.

21 Q. Monsieur Kirudkja, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre qui est

22 Jens Brosted ?

23 R. Jens Brosted était l'officier qui a été envoyé à ma demande à mon QG

24 par l'HCR et vous vous souviendrez que mon QG se trouvait à Tapusko. Il est

25 arrivé bien avant la rencontre de Dvor et, de cette époque assez précoce,

Page 3094

1 notre mandat comportait à un élément important d'attention à accorder aux

2 réfugiés afin de préparer leur retour volontaire. J'ai déjà allé à Zagreb

3 pour demander avec insistance que l'on m'apporte l'aide d'une personne, et

4 c'est Jens Brosted qui avait été envoyé auprès de moi à cette fin.

5 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant que nous en revenions à votre

6 déposition écrite, pièce à conviction de l'Accusation P120, et je parlerais

7 de ce que l'on trouve au paragraphe 70 de ce document. Je rappelle encore

8 une fois que je ne rentrerais pas dans le détail de la réunion car elle est

9 décrite de façon très approfondie dans le texte de votre déclaration

10 écrite.

11 Mais j'aimerais appeler votre attention sur les éléments suivants du

12 paragraphe 70 où vous dites, je cite : "J'ai demandé pour quelles raisons

13 un être humain souhaiterait quitter la sécurité de son domicile si tout

14 était caractérisé par une situation pacifique et ordonnée telle qu'elle

15 avait été présentée."

16 Pasic a répondu : "J'admets que les Musulmans ont subi des pressions de la

17 part des forces armées serbes irrégulières." Par là, il implique les forces

18 régulières de maintien du droit et l'ordre n'avoir rien avoir avec cela,

19 seulement des Musulmans destinés à les convaincre d'évacuer la région où

20 ils habitaient.

21 Vous a-t-il expliqué qui était exactement ces forces et régulières ?

22 R. Non. Il a fait état de cela dans ce que je rapporte dans ce paragraphe

23 de ma déposition. La réunion a durée trois heures, et à plusieurs reprises

24 au cours de ces trois heures, il a utilisé pratiquement les mêmes mots pour

25 faire référence à cela. Le fait qu'il y avait une nouvelle réalité, et que

Page 3095

1 la situation était caractérisée par cette nouvelle réalité, a été répété à

2 d'autres nombreuses reprises.

3 En entendant ces mots répétitifs, j'ai eu une réaction intuitive. Je me

4 suis dit, mais qui sont ces personnes ? Pourquoi sont-elles parties ? Il

5 m'a expliqué qu'elle était la nouvelle réalité, tout ce qui figure dans ma

6 déclaration écrite. Il m'a parlé des dates limites fixées pour le

7 désarmement des Musulmans. Il m'a parlé de la date limite fixée pour que

8 les Musulmans prêtent allégeance par rapport à cette nouvelle réalité. Je

9 me souviens avoir dire à ce moment-là, mais je ne vois pas pourquoi un être

10 humain souhaiterais de son plein gré quitter la sécurité de son domicile si

11 dans la région la paix règne et que vous faites ce que vous venez de

12 décrire, à savoir, des efforts magnanimes dans le domaine humanitaire.

13 Pourquoi est-ce que toutes ces personnes voudraient partir dans ces

14 conditions ? Pouvez-vous me l'expliquer ? Pourquoi toutes ces personnes

15 auront tout d'un coup le désir de quitter leurs maisons ? Pour tenir compte

16 de ce qui était impliqué dans ma question, il a parlé d'irréguliers serbes.

17 Rappelez-vous qu'il y avait des représentants de l'armée et de la police à

18 cette réunion ? Tout le monde était présent, et personne parmi les

19 personnes représentées à la réunion ne souhaitait se lever pour dire c'est

20 nous qui contraignons ces Musulmans à partir. Il a été question de forces

21 irrégulières.

22 Q. Très bien. J'aimerais -- et vous ne l'avez pas cru ?

23 R. Non.

24 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions du contenu du paragraphe 71 de

25 votre déposition écrite. A la fin de ce paragraphe, en page 18, on trouve

Page 3096

1 un passage que je m'apprête à citer. Je cite : "finalement, il est devenu

2 clair que ces personnes avaient été contraintes de quitter Bosanski Novi,

3 parce qu'au départ elles avaient refusé de signer un acte d'allégeance vis-

4 à-vis de la République serbe de Bosnie-Herzégovine nouvellement créée, et

5 que ce refus a ensuite été renforcé par le refus d'abandonner les armes

6 qu'ils utilisaient pour se défendre contre les Serbes."

7 A votre avis, quelle était la signification du fait que ces personnes

8 allaient être évacuées en passant par votre secteur, alors qu'elles avaient

9 refusé de signer un acte d'allégeance vis-à-vis de la nouvelle République

10 serbe de Bosnie-Herzégovine ?

11 R. Une grande partie des mots que vous trouvez dans ce paragraphe ne sont

12 pas des mots prononcés par moi. C'est un résumé des mots qui étaient

13 utilisés par les délégués présents à la réunion. Le fait que ces personnes

14 avaient refusé de signer un acte d'allégeance, ce ne sont pas des mots que

15 j'ai prononcés.

16 M. Pasic m'a expliqué la chose, en raison de l'incrédulité dont j'avais

17 fait preuve quelques instants auparavant au sujet du fait que je me posais

18 des questions quant à l'aspect volontaire du départ de toutes ces

19 personnes. A ce stade de mon propos, il m'explique que ces personnes

20 avaient refusé de désarmer et que, par conséquent, je résume l'explication

21 qu'il m'a donnée au sujet du comportement jugé inacceptable de ces

22 personnes. C'est M. Pasic qui répond à mon incrédulité quant à l'aspect

23 volontaire du désir de ces personnes de quitter la région, ce qui d'une

24 certaine manière abonde dans mon sens, personnellement, que ces personnes

25 ne partent pas de leur plein gré. Il dit : d'accord, d'accord.

Page 3097

1 Mais elles partent parce qu'elles n'ont pas voulu signer l'acte

2 d'allégeance, et elles cessaient de combattre contre les représentants de

3 la République serbe de Bosnie-Herzégovine. C'est censé être une explication

4 à mon intention puisque un délai avait être accordé entre le 6 et le 8 mai,

5 avec date limite placée au 9 mai pour le désarmement de ces personnes. M.

6 Pasic m'explique que ce désarmement n'a pas eu lieu. Je me souviens qu'il

7 m'a parlé du nombre de fusils et de diverses armes qui existaient encore

8 dans la région entre les mains de ces personnes, et que ces personnes

9 refusaient d'abandonner. Il m'a dit que, par ailleurs, ces personnes

10 refusent de combattre pour notre gouvernement, à savoir, pour le

11 gouvernement d'Izetbegovic. Pourquoi est-ce que ces personnes possèdent des

12 armes et refusent de combattre pour leur pays ? J'en ai tiré une

13 conclusion. J'en ai tiré la conclusion que ces personnes voulaient utiliser

14 leurs armes pour assurer leur propre défense parce que, si elles ne veulent

15 pas abandonner leurs armes, si elles ne veulent pas se battre pour le pays

16 où elles vivent, la seule conclusion que l'on peut tirer, c'est qu'elle

17 souhaite utiliser ces armes pour la défense personnelle. C'est cela qui

18 posait un problème.

19 Q. J'aimerais qu'on revienne au rapport de M. Brosted, dernière page, la

20 page qui porte le numéro 5/5 en bas. Dans ce rapport, M. Brosted parle de

21 cette réunion. Je lis un des derniers paragraphes de la page, je cite :

22 "Nous avons rencontré des pierres d'achoppement, les principales étant que

23 l'HCR des Nations Unies s'emploie à protéger les personnes déplacées et les

24 réfugiés, et non pas à créer des réfugiés."

25 R. De quoi parlez-vous exactement ?

Page 3098

1 Q. Il s'agit du rapport dont nous avons déjà parlé, dernière page, dernier

2 paragraphe entier, qui commence par : "J'ai été informé par la très faible

3 probabilité," et cetera.

4 R. Oui.

5 Q. La cinquième ligne : "Les principales pierres d'achoppement étaient

6 identifiées. Il s'agit du fait que l'HCR des Nations Unies s'emploie à

7 aider, à protéger des réfugiés et des personnes déplacées, et non pas à

8 faire de nouveaux réfugiés, et que le plan Vance reposait sur le principe

9 fondamental selon lequel la composition ethnique des communautés ne devrait

10 pas être modifiée."

11 Si l'on intéresse à cette partie-là des sujets évoqués dans la réunion,

12 est-ce que c'est le message qui a été transmis au maire Pasic et sa

13 délégation ?

14 R. Oui. Pas par moi, mais par Jens Brosted.

15 Q. Quelle a été la réaction de la délégation des Serbes de Bosnie ?

16 R. Quand j'ai entendu toutes les explications qui m'ont été données suite

17 à mes questions, j'ai dit à M. Pasic que, premièrement, nous comprenions

18 qu'ils s'efforçaient de déplacer 5 000 personnes, et de leur faire quitter

19 leurs foyers contre leur gré. Je lui ai dit que nous, en tant que

20 représentants des Nations Unies, ne pouvions absolument pas contribuer à

21 faire des réfugiés des personnes en les chassant de leurs foyers. Je lui ai

22 dit cela en termes bien sentis. Je lui ai également dit que c'était

23 contraire à notre mission, que j'ai expliqué hier, puisque selon les termes

24 du plan Vance, nous devrions faire en sorte de permettre à ceux qui étaient

25 déjà partis de revenir. L'idée n'était pas de faire en sorte que de

Page 3099

1 nouvelles personnes quittent leurs foyers en termes du plan Vance.

2 Quand il m'a entendu, je pense qu'il n'a eu plus aucun doute à mon sujet,

3 et il m'a dit : "Il est certain que vous ne faites pas preuve d'un esprit

4 de coopération. Qui est votre patron, qu'on puisse adresser directement à

5 lui ?"

6 Q. J'aimerais que, sur la même page de ce rapport, vous rapportiez à six

7 lignes à partir du bas de la page, une phrase que je vais citer en partie,

8 je cite : "Le CAC à dit très clairement et sans détour que nous devions

9 cesser de prétendre que ceux qui partaient le faisaient de leur plein gré."

10 Est-ce, à ce moment-là, que M. Pasic ou d'autres membres de sa délégation

11 vous ont dit que vous ne faisiez pas preuve d'un esprit de coopération ?

12 R. Non. Cette réunion se déroulait dans une atmosphère très courtoise. On

13 n'était pas en train de s'invectiver. Au cours de la plupart de cette

14 réunion, je l'ai écouté. C'est une réunion qui a durée trois heures. Quand

15 il a répété sans cesse des choses que j'avais déjà entendues, je disais :

16 "Ecoutez, M. le Maire, j'ai bien entendu. Il est clair que ces gens ne s'en

17 vont pas de leur plein gré. Vous le reconnaissez vous-même. Je voulais

18 qu'il arrête de ressasser sans cesse des éléments qu'il avait déjà

19 présentés au sujet desquels nous avions posé des questions, auxquelles il

20 avait répondu." Nous en avons conclu que ces personnes ne partaient pas

21 volontairement, et il a répondu que oui. C'est ce que je voulais dire. Nous

22 savons très bien qu'ils ne partent pas de leur plein gré. Voilà.

23 Q. Merci. Je souhaiterais que nous passions maintenant à la pièce

24 suivante. Il s'agira de la pièce de l'Accusation P127.

25 Monsieur Kirudja, nous avons ici une pièce qui est un document qui vous est

Page 3100

1 adressé. Nous voyons que ce document porte la date du 5 juin 1992. C'est un

2 document qui vient de M. Brosted. Objet du document : 5 000 Musulmans en

3 provenance de Bosanski Novi. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

4 R. Oui.

5 Q. A l'intention des Juges et pour votre information, ce rapport, vous

6 l'avez reçu le 9 juin. Nous allons présenter une pièce qui en attesterait.

7 Auparavant, je voulais présenter cette pièce à cause de ce que vous nous

8 avez dit précédemment. Pour résumé, il s'agit d'une pièce d'un document

9 venant de M. Brosted, qui relate un entretien avec deux Musulmans de

10 Bosnie, en Bosanski Novi, qui avaient été interrogés à Zagreb. Est-il

11 clair, Monsieur Kirudja, que, dans ce document, M. Brosted essaie

12 d'élaborer sur ces informations qu'il a reçues de sources indépendantes ?

13 R. Oui.

14 Q. Je vais donner lecture de certains extraits de ce document, à commencer

15 par le paragraphe numéro 3, première page. Je cite : "Le CH a confirmé que

16 le désarmement des villages musulmans avait eu lieu. Il se trouvait dans le

17 village de Suhaca, et il avait été le premier à rendre les armes. Une fois

18 qu'ils ont rendu leurs armes, des membres des forces territoriales serbes

19 sont arrivés avec des membres de la police de la Krajina et ils leur ont

20 dit de quitter leur maison. Les maisons ont été fouillées pendant que les

21 habitants du village attendaient dans un champ pendant cinq à six heures.

22 Après la fouille, on leur a permit de rentrer chez eux. On leur a dit que

23 tout irait bien. Cependant, quelques jours plus tard, les premiers

24 pilonnages ont débuté. Une grenade a atterri dans son jardin. Le pilonnage

25 était réalisé au moyen de canons et de mortiers situés dans des villages

Page 3101

1 serbes environnants."

2 "Paragraphe 4. Notre informateur n'avait connaissance d'aucun accord de

3 désarmement. Il n'avait participé à aucune dénonciation, même symbolique,

4 de cet accord. Il a insisté sur le fait qu'aucun Serbe n'avait été tué dans

5 la région. Les villages serbes n'avaient pas été désarmés. Au contraire, on

6 voyait des hélicoptères arrivés de Banja Luka avec du ravitaillement de

7 Banja Luka et de Knin.

8 "Paragraphe 5. Le 23 mai 1992, les villages de Donji Agici, Gornji Agici et

9 Hozici ont été incendiés. Le dimanche, 24 mai, un convoi a été constitué à

10 partir des habitants de six villages. Les gens de ces villages ont senti

11 qu'ils devaient fuir parce que leur village était en train d'être détruit.

12 Dans son village, Suhaca, les incendies ont commencé à être allumés à la

13 limite du village, ceci pour effrayer la population. CH a également vu

14 qu'Hozici était en flammes. Il avait entendu des informations au sujet de

15 la destruction d'autres villages et il pensait que ce processus allait se

16 poursuivre.

17 "Paragraphe 6. Le convoi était constitué de deux groupes. Il ne savait pas

18 jusqu'où était allé le premier. Le principal convoi s'est arrêté à Blagaj.

19 Il a été intercepté par des personnes qui portaient des uniformes

20 militaires serbes (comme ceux de la JNA) et des groupes paramilitaires

21 serbes. Sur la base des symboles qu'ils ont vu sur leurs uniformes, ils en

22 ont déduit qu'il s'agissait d'hommes qui étaient sous le contrôle du Parti

23 démocratique serbe et du maire Pajic. Les Serbes de Blagaj avait souhaité

24 mobiliser, à la fois, les femmes et les hommes. Apparemment, le convoi

25 avait également reçu la promesse de pouvoir passer librement, ceci afin de

Page 3102

1 'nettoyer la zone'."

2 Monsieur Kirudja, ce rapport que vous avez reçu plus tard, le 9 mai, fait

3 la lumière, n'est-ce pas, sur ce qui se passait en Bosnie ?

4 R. Oui. Vous voyez que ce rapport m'est adressé par M. Jens Brosted afin

5 que nous puissions étayer les conclusions qui étaient les nôtres, suite à

6 ce que nous racontaient les autorités serbes elles-mêmes. On voyait que les

7 réfugiés se déplaçaient. On nous affirmait qu'ils partaient volontairement,

8 mais nous ne le croyions pas. Maintenant, nous voyons des éléments qui

9 attestaient de ce fait, le fait que les gens ne partaient pas

10 volontairement.

11 Q. J'aimerais que nous passions maintenant au paragraphe 8 de cette pièce

12 à conviction dont je vais donner lecture. Je cite : "J'ai mentionné les

13 deux noms qui nous ont été donnés comme étant ceux des porte-parole du

14 groupe. On fait référence aux rapports 29.5 et 92 -- du 29/05/92,

15 paragraphe 9.

16 "On pensait qu'ils étaient emprisonnés ou gardés en tant qu'otages dans

17 l'école de Blagaj."

18 Ces deux noms qui vous avaient été donnés précédemment, si vous vous

19 rapportez au premier rapport de M. Brosted, au paragraphe 9, étaient Sifet

20 Barjaktarevic, ainsi qu'un autre nom.

21 R. Je ne vois pas trop de quoi vous parlez.

22 Q. Regardez, s'il vous plaît, la pièce 126.

23 R. Je n'ai pas la pièce précédente.

24 Q. Je souhaiterais que l'on vous la remette.

25 R. D'accord.

Page 3103

1 Q. Paragraphe 9 du rapport de M. Brosted. Page 5/5. On voit deux noms,

2 celui de Sifet Barjaktarevic et Fikret Hamzagic.

3 R. Oui. Ces noms, ils figuraient déjà dans mes notes et ils se trouvent

4 aussi au paragraphe 70 de ma déclaration préalable. Ils nous ont été donnés

5 par Pasic lui-même, qui nous avait dit que c'étaient les personnes à qui

6 nous pouvions nous adresser pour confirmer que les Musulmans partaient

7 volontairement. Voilà dans quel contexte on nous avait donné ces noms.

8 Q. Dans le rapport qui constitue la pièce 127 du dossier, au paragraphe 8,

9 on parle de ces deux hommes dont on croit savoir que ce sont des otages,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est ce que l'on peut lire dans ce rapport.

12 Q. J'en ai terminé de l'examen de cette pièce.

13 M. HARMON : [interprétation] A quelle heure allons-nous faire la pause,

14 Monsieur le Président; 10 heures 30 ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien que nous ayons commencé tard.

16 Nous avons deux pauses. Généralement, nous devons nous interrompre au bout

17 d'une heure trente, mais comme nous avons commencé avec du retard, si vous

18 souhaitez qu'on s'arrête maintenant, on le peut. Si vous souhaitez utiliser

19 les dix minutes à venir, vous pouvez le faire.

20 M. HARMON : [interprétation] En fait, je pourrais maintenant examiner la

21 pièce suivante et j'aimerais qu'on la remettre au témoin. Il s'agit de la

22 pièce à conviction de l'Accusation P128.

23 Q. Monsieur Kirudja, nous avons, ici, une pièce qui porte la date du 6

24 juin 1992 et qui vient de C. Thornberry, qui est directeur chargé des

25 affaires civiles FORPRONU Belgrade. Ce document vous est adressé. L'objet

Page 3104

1 de ce document, c'est le rapport de situation du 5 juin. Reconnaissez-vous

2 ce document ?

3 R. Oui. Je le reconnais.

4 Q. Je vais vous donner lecture du paragraphe que l'on voit ici. Je cite :

5 "Veuillez immédiatement procéder à une enquête en coordination avec la

6 CIVPOL et veuillez nous donner des informations rapidement sur les éléments

7 suivants : le sitrep du 5 juin nous indique que l'une des patrouilles Dan -

8 -" ici on fait référence aux patrouilles danoises, n'est-ce pas, Monsieur

9 Kirudja ?

10 R. Oui.

11 Q. "-- ont observé 100 femmes et enfants que l'on amenait au stade avec

12 leurs vêtements sur la tête et ils portaient des sacs en plastique, dix

13 personnes armées gardaient le stade. La CIVPOL va fournir des instructions

14 à ses hommes." Est-ce que vous connaissez ce M. Thornberry et ce qu'il

15 faisait exactement ?

16 R. Oui. C'était mon patron. C'était le directeur des affaires civiles.

17 Ceci nous montre qu'il s'agit pour moi d'informer Belgrade de ce qui se

18 passe. On a été à Belgrade parce que le siège de Sarajevo n'était plus

19 tenable, on était en train de se replier sur Belgrade. Il était à Belgrade

20 d'où il lisait les rapports de situation, certains éléments ont attirés son

21 attention, et il me demande de procéder à des investigations

22 supplémentaires pour voir ce qu'il en est de tout cela. Comme vous voyez à

23 gauche de cette pièce, que je remets toutes ces informations au chef de la

24 police dans mon secteur afin que l'unité chargée de la police civile puisse

25 nous dire de quoi il s'agit et ce qu'on est en train de faire.

Page 3105

1 Q. Le chef de la police civile ne pouvait pas venir lui-même en Bosnie

2 pour procéder à une enquête, n'est-ce pas, c'est ce que vous nous avez dit

3 précédemment ?

4 R. Oui. Oui. C'était un dilemme auquel nous étions confrontés, de

5 l'extérieur, cela paraît un peu étrange tout cela. Parfois il faut arriver

6 à faire des choses sans avoir l'air de les faire. Là, il nous dit, allez

7 enquêter mais surtout n'allez pas où votre mandat ne vous autorise pas à

8 aller. Voilà, l'essence de ce qu'il nous disait.

9 Q. D'accord.

10 M. HARMON : [interprétation] Le moment est peut-être venu pour faire la

11 pause puisque la pièce suivante, c'est la réponse de M. Kirudja à ce fax.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Nous allons maintenant faire

13 une pause jusqu'à 10 heures 55.

14 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

15 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, la Chambre souhaiterait

17 intervenir brièvement au sujet des questions de procédure sans pour autant

18 vouloir ouvrir un débat, mais il n'est pas nécessaire que nous intervenions

19 tout de suite. Peut-être à la fin de cette session ou au début de la

20 prochaine, si M. Tieger peut venir, à moins que vous ne puissiez lui

21 relayer mes propos. Cela dépend de vous. Est-ce que vous souhaitez le faire

22 venir ?

23 M. HARMON : [interprétation] Je vais emmener M. Tieger ici.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Nous ne d'aborderons ce sujet

25 tout de suite.

Page 3106

1 Il y avait une autre question qui se posait, c'était celle de la

2 correspondance. A ce sujet, je voudrais dire la chose suivante et il

3 s'agira du dernier mot de la Chambre au sujet de cette question, la

4 question a été débattue et est consignée au compte rendu d'audience.

5 La Chambre souhaite adopter la position suivante : quelles qu'ont été les

6 raisons du retard dans l'ouverture du procès, quelles qu'aient été les

7 véritables raisons, la Chambre n'a remarqué aucun effort de la part de la

8 Défense et je parle, ici, de l'équipe de la Défense qui travaille depuis

9 fin juillet, la Chambre n'a remarqué aucun effort de la Défense pour

10 retarder le début du procès qui aille à l'encontre des responsabilités et

11 des fonctions professionnelles des conseils de la Défense. En conséquence,

12 la Chambre n'estime pas que ce qui a été dit, dans cet article de journal,

13 reflète la réalité de la situation.

14 Monsieur Harmon.

15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je suis dans une

16 situation très difficile car vous venez de dire que c'est votre dernier

17 mot, le dernier mot de la Chambre, et si on me dit que je ne peux pas

18 prononcer une parole supplémentaire, bien entendu, il faut que je m'en

19 tienne à votre instruction --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous connaissez l'expression nitus

21 finiri aparta, qui signifie, qu'à un certain moment, il faut bien mettre un

22 terme à une discussion. La Défense a établi que la Défense ne s'en prend

23 pas à l'Accusation, mais la Défense semble avoir un certain nombre de

24 choses à reprocher au Procureur. Ce qui, je pense que c'est apparu

25 clairement dans ce que je viens de dire, ce qui ne concerne pas la Chambre

Page 3107

1 de première instance et n'a aucun impact sur notre procès, c'est simplement

2 une impression qui est donnée à ceux qui nous regardent de l'extérieur. La

3 Chambre vient de s'exprimer au sujet de ce qui a été écrit dans cet article

4 et elle estime que ce qui figure dans cet article ne correspond à ce

5 qu'elle, elle a vu depuis juillet dernier. Au contraire. Ici, nous avons

6 bien choisi nos mots, parce qu'il y a certaines circonstances dans

7 lesquelles un retard de la procédure n'est pas une marque d'un manque de

8 professionnalisme, ne s'oppose pas aux fonctions de la Défense.

9 A plusieurs reprises dans d'autres affaires, on m'a demandé de reporter le

10 début du procès, il n'y a rien de répréhensible à cela. Mais ce qui figure

11 dans cet article est complètement différent. La Chambre a exprimé, de

12 manière très claire, sa position, à savoir qu'elle n'a jamais rien vu de

13 tel dans le comportement de l'équipe de la Défense.

14 Si vous souhaitez vous prononcer plus avant à ce sujet, nous serons prêts à

15 recevoir des écritures.

16 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, c'est ce que je vais

17 faire. Je vais écrire à la Chambre afin de dire très clairement que, même

18 si je comprends ce qui vient d'être dit par la Chambre de première

19 instance, malheureusement, je pense qu'on ne traite pas du fond de nos

20 griefs et de nos doléances.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous entends bien. Bien entendu,

22 la Chambre de première instance s'est interrogée sur ce qui relevait de sa

23 compétence ou pas. Je ne sais pas, si nous nous prononcions sur le

24 comportement de Mme Del Ponte s'agissant de ses relations avec l'extérieur,

25 je ne sais pas si cela relève vraiment de la compétence de la Chambre de

Page 3108

1 première instance. Si vous avez des choses à dire, écrivez nous.

2 M. STEWART : [interprétation] Je le ferai.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas vous promettre que nous

4 rendrons des décisions conformes à vos demandes, mais en tout cas, nous

5 vous répondrons.

6 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je sais que je peux m'attendre à cette

7 courtoisie de la part du Tribunal, de la part de la Chambre. Je n'ai aucun

8 doute à ce sujet.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons l'interrogatoire de M.

10 Kirudja.

11 Monsieur Kirudja, veuillez nous excuser d'avoir dû écouter ces débats qui

12 concernent uniquement la procédure. Monsieur Harmon.

13 M. HARMON : [interprétation]

14 Q. Monsieur Kirudja, nous en étions à la pièce 128, un mémo de Cedric

15 Thornberry, qui est en date du 6 juin 1992.

16 Monsieur Kirudja, c'est la pièce 129 maintenant que nous allons regarder

17 qui est un rapport du 8 juin 1992 qui porte votre paraphe et qui est

18 accompagné d'un mémoire en date du 8 juin 1992, dont le sujet est "Un

19 rapport d'enquête sur les personnes déplacées, observées à Bosanski Novi."

20 A la fin, on voit également votre nom qui a été dactylographié et ce qui

21 semble être votre paraphe, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. C'est exact.

23 Q. Est-ce qu'il s'agit de votre réponse à la demande que vous avez faite à

24 M. Thornberry de mener une enquête ?

25 R. Oui.

Page 3109

1 Q. Je souhaiterais attirer votre attention sur une partie de ce mémo, est-

2 ce que, ici, vous résumez des informations que vous aviez, précédemment,

3 envoyées à vos supérieurs, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Maintenant, j'aimerais donner lecture du dernier paragraphe de votre

6 mémorandum, je cite : "Le 27 mai, le maire de Bosanski Novi est venu voir

7 le CAC à Tapusko, le responsable des affaires civiles à Tapusko, il a pris

8 l'initiative de cette visite. Il était accompagné d'un membre du comité

9 exécutif, de son comité exécutif, M. Rade Palije. M. Jens Brosted le

10 représentant du HCR des Nations Unies a, également, participé à cette

11 réunion à l'invitation du CAC. A partir de cette réunion, nous en avons

12 conclu que le maire avait des collaborateurs au sein de la 'République

13 serbe de Bosnie-Herzégovine,' et qu'il intervenait ou agissait en leurs

14 noms ou dans le cadre de la défense de leurs intérêts."

15 Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous faire vos observations au sujet de ce

16 paragraphe ?

17 R. Oui. Il s'agit d'un mémo, le mémo d'une organisation qui veut

18 absolument préserver son mandat et qui refuse de -- ne veut pas sortir de

19 ses compétences. Ce mémo a pour objectif principal de préciser cela,

20 d'insister sur ce fait.

21 De plus, je réponds ici à mes supérieurs qui m'ont demandé de faire une

22 enquête sur des événements au sujet desquels je les ai, déjà, informé.

23 Entendu, on ne répond pas à son supérieur, vous n'avez pas lu ce que je

24 vous ai envoyé ? En fait, il faut que je dise, dans ce mémo, qu'il n'y à là

25 rien de nouveau et que tout ce qui a été fait a été fait dans le cadre de

Page 3110

1 notre mandat et de nos prérogatives. Ce paragraphe fait référence à notre

2 compétence, à notre mandat au sein de la zone de protection des Nations

3 Unies. Le maire auquel il fait référence ici, ce n'est pas le maire de

4 Bosanski Novi, c'est le maire de Dvor. Nous avions des contacts avec le

5 maire de Dvor. J'ai un mandat qui le concerne. Il faut que je dise à mon

6 chef ce que nous avons fait avec le maire de Dvor, ce qui s'est passé avec

7 le maire de Dvor, et il nous semble que ce maire "collabore" avec le maire

8 qui se trouve de l'autre côté. Voilà.

9 Q. Très bien. Je souhaite maintenant que nous regardions le document

10 suivant.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je vous ai bien compris, vous dites :

12 "Les maires ont collaboré." A ce moment-là, vous ne faisiez pas allusion au

13 maire de Bosanski Novi, mais au maire de Dvor.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exactement ce que j'ai dit à mon

15 supérieur, car j'ai parlé du maire et des contacts avec le maire de

16 Bosanski Novi et de quoi il en retournait.

17 M. HARMON : [interprétation] Cette pièce, Messieurs les Juges, fait

18 référence au paragraphe 77, de la déclaration écrite de M. Kirudja.

19 Q. Monsieur Kirudja, je vous demande de bien vouloir regarder la pièce

20 P113. Il s'agit là d'un message de la FORPRONU, daté du 6 juin, envoyé par

21 le responsable des affaires civiles du secteur nord. Il y a un nom ici qui

22 est indiqué, P. Raffone, en bas du document, Paolo Raffone, ainsi qu'une

23 note qui est datée du 6 juin, objet "Les réfugiés musulmans éventuels de

24 Bosnie-Herzégovine." Ici également, on voit le nom de Paolo Raffone,

25 responsable des affaires civiles, et "Distribué par M. Charles Kirudja." On

Page 3111

1 voit vos initiales. Il s'agit bien de votre nom. Vous connaissez ce

2 document ?

3 R. Oui, tout à fait. C'est mon nom.

4 Q. En premier lieu, je souhaite savoir qui est M. Raffone. Quel poste

5 occupait-il ?

6 R. C'était un des responsables des affaires civiles dont j'étais le

7 supérieur hiérarchique. Nous devions accomplir un certain nombre de tâches

8 dans le cadre de notre mandat. Il devait, le cas échéant, rédiger les

9 rapports lorsque cela s'avérait nécessaire.

10 Q. Pourriez-vous nous décrire ses responsabilités dans le secteur nord ?

11 R. Je lui avais demandé de regarder la partie de notre mandat qui concerne

12 les réfugiés, les personnes déplacées. Notre mandat couvrait un certain

13 nombre de choses, comme je l'ai dit hier.

14 Q. Pour résumer cette note, cette note parle d'une conversation

15 téléphonique entre M. Raffone et le maire de Banja Luka, M. Kupresanin,

16 est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Si je regarde le deuxième paragraphe maintenant de cette note, je vais

19 vous lire les deux premiers paragraphes.

20 "Le 1er juin 1992, le maire de Banja Luka, M. Kupresanin, a appelé le

21 responsable des affaires civiles du secteur nord. Il a fait part de

22 certains renseignements à propos du flux des réfugiés musulmans qui

23 venaient de sa région et qui se dirigeaient vers la Croatie en traversant

24 les points de passage à Dvor et Karlovac. D'après les éléments du maire, on

25 peut résumer comme suit ces renseignements :

Page 3112

1 "Les maires de Bosanski Novi, de Prijedor, de Kljuc, de Dubica, de Sanski

2 Most et celui de Banja Luka ont eu des contacts informels à propos de la

3 situation sur la population musulmane de la région."

4 Ce texte se poursuit en disant, quatre paragraphes plus bas, je cite : "Le

5 maire estime qu'il y a quelques 15 000 personnes qui ont, déjà, quitté leur

6 lieu de résidence habituel et qui se dirigent vers Dvor et quelques 15 000

7 autres qui suivront peut-être d'ici peu de temps."

8 Monsieur Kirudja, quelle est la signification de ce document ?

9 R. Je crois que l'on comprend très bien la signification de ce document

10 dès la première phrase. Il s'agit là de contact téléphonique quotidien. Il

11 est daté du mois de juin. La première réunion qui s'est tenue à propos de

12 la question des réfugiés s'est tenue le 26 mai. Autrement dit, cette

13 question avait été portée à notre attention et, étant donné, que nous

14 avions été alertés de cette question, un représentant, peut-être moins

15 compétent, aurait laissé tomber le sujet. Lui, en revanche, de façon

16 consciencieuse, a, clairement, couché tous ces éléments sur le papier la

17 teneur de sa conversation avec le maire, M. Kupresanin. Ce que nous

18 pouvions mettre en lumière étaient les éléments suivants : cette question

19 est quelque chose qui va se poursuivre et qui va prendre de l'ampleur. Il

20 ne s'agit pas simplement de quelque chose qui sera localisé à Bosanski

21 Novi. Cela va s'étendre sur une région plus importante, dans le deuxième

22 paragraphe, c'est l'impression que l'on.

23 Deuxièmement, il ne s'agit pas simplement de ces 15 000 dont on a parlé au

24 premier chef. On nous a envoyé, par télex, l'information suivante : ce

25 chiffre pourrait doubler et tripler et pourrait même doubler par la suite

Page 3113

1 et être accompagné de 15 000 autres personnes. Voici les éléments qui nous

2 ont été transmis par téléphone, et nous devions rester vigilants eu égard à

3 cette situation. C'était à nous de nous orienter, en fonction de cela, dans

4 les régions protégées des Nations Unies.

5 Q. Monsieur Kirudja, vu vos contacts précédents avec le maire de Bosanski

6 Novi, étiez-vous préoccupé par le sort des 30 000 Musulmans dans les

7 municipalités dont les noms figurent au deuxième paragraphe ? Etiez-vous

8 préoccupé par leur sort ? Le fait que ces gens-là quittaient leur

9 domicile ?

10 R. Comme je vous l'ai dit, à partir de ce moment-là, nous avons été

11 alertés par cette situation, et nous avons commencé à rester vigilants. Les

12 seuls éléments que nous avions étaient les éléments qui nous avaient été

13 communiqués par Bosanski Novi. Rien ne nous permettait de comprendre que

14 ceci allait être le cas dans les autres régions au-delà de Bosanski Novi et

15 les villages qu'il a nommés dans sa présentation, en particulier, Blagaj.

16 Deuxièmement, les éléments qui nous ont permis de confirmer ceci nous sont

17 parvenus de la bouche de M. Brosted, qui a, clairement, indiqué la

18 situation. Je répète, nous n'avions pas une vision complète de la

19 situation. Je dis simplement qu'à partir de ce moment-là, nous avons été

20 vigilants. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait,

21 effectivement.

22 Q. Vous, ainsi que vos collaborateurs, vous avez essayé de mieux

23 comprendre les éléments qui vous avaient été communiqués.

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Je pense que ce mémo a, ensuite, été envoyé aux responsables des

Page 3114

1 affaires civiles du secteur nord, et que ceci vous est parvenu par

2 l'intermédiaire de cette chaîne de commandement.

3 R. Oui, ceci a été envoyé à mon directeur.

4 Q. Très bien. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez entendu parler

5 de ces 30 000 Musulmans de différentes municipalités qui devaient traverser

6 le secteur nord ?

7 R. Comme il est clairement indiqué par ce texte, ceci a été communiqué à

8 mon quartier général. Il ne s'agit pas simplement de questions

9 humanitaires, cela pouvait occasionner un certain nombre de problèmes

10 politiques, parce qu'il y avait 30 000 personnes qui essayaient de

11 transiter par ce territoire. Souvenez-vous qu'ils n'étaient pas censés être

12 là. Ils n'étaient pas censés passer d'une juridiction à une autre. Ils

13 n'étaient pas censés, du reste, se diriger vers une troisième région. Les

14 complications qui pouvaient en découler, est quelque chose qui a été porté

15 à notre attention. J'étais le premier représentant sur place, et en tant

16 que représentant sur place, c'était la première question qui me venait à

17 l'esprit, qu'est-ce que nous pourrions faire ?

18 Q. Je vais maintenant vous montrer la pièce suivante, qui est datée du 6

19 juin, et qui porte le numéro 130 -- pièce de l'accusation 131.

20 Monsieur Kirudja, cette pièce est une pièce qui comporte deux pages. C'est

21 un message envoyé par la FORPRONU qui est daté du 6 juin des affaires

22 civiles du secteur nord envoyé à la FORPRONU à Belgrade et l'HCR à Zagreb.

23 Il y a votre nom qui figure en bas ici, il semble qu'il y ait, également,

24 vos initiales en bas de page. A la page suivante, nous avons un mémo qui

25 est daté du 6 juin, objet "Personnes déplacées de Bosanski Novi qui ont été

Page 3115

1 mentionnées dans le 'sitrep' militaire du jour précédent." Reconnaissez-

2 vous ces documents ?

3 R. Oui, tout à fait.

4 Q. Je vais vous demander de regarder la deuxième page de ce document. Je

5 vais vous lire un extrait, le premier paragraphe, sous le titre, à partir

6 du début : "Le représentant de DANCON/HQ à Kostajnica a informé le CAC…" à

7 savoir, vous-même, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. "…par téléphone, qu'à 19 heures, le sitrep a rendu compte des éléments

10 suivants, 350 personnes déplacées ont été rassemblées dans un terrain de

11 football à Bosanski Novi. Ces 350 personnes ont été mises dans des autocars

12 et emmenées vers une destination inconnue. Ils ne sont plus au stade de

13 football. DANCON ne savait, absolument, pas qui avait demandé à ces

14 personnes de monter dans des autocars. A aucun moment n'ont-t-ils traversé

15 le fleuve Una pour se rendre dans une zone protégée des Nations Unies, ni à

16 Dvor ou dans les régions voisines."

17 Monsieur Kirudja, d'abord, que signifiait ceci ?

18 R. Encore une fois, nous constatons que les réfugiés affluent en plus

19 grand nombre et provoquent ainsi différentes réponses des différents

20 organes de cette organisation, que ce soit la police, l'armée et les

21 organisations non gouvernementales. Un officier de l'armée de son

22 contingent le remarque, remarque qu'il y avait des réfugiés, il m'en

23 informe car il ne s'agit pas d'une question militaire. L'armée ne savait

24 pas que nous avions eu une réunion à ce propos et sur le transit de ces

25 personnes.

Page 3116

1 On constate que cette mission a différentes ramifications, et que tout ceci

2 est en train d'arriver vers nous. Lorsque ces différents rapports sont

3 envoyés dans différents canaux de communication, ceux-ci provoquent des

4 réponses différentes à Zagreb. Par exemple, ils renvoient un commentaire

5 tout en sachant que lorsqu'ils se réunissent le matin, chaque QG comme nous

6 l'appelons se réunit, ils analysent tous les éléments d'information qui

7 leur ont été présentés, et ils établissent l'ordre du jour pour la journée.

8 S'ils constatent que 350 personnes ont été rassemblées dans un terrain de

9 football, à ce moment-là, le directeur va demander : "Qui et pourquoi nous

10 a-t-on parlé de cela ? Quelle est l'équipe qui parle de cela ?" On essaye

11 de comprendre pourquoi ceci nous est parvenu. Le mandat sera peut-être

12 limité aux zones protégées par les Nations Unies, mais, en fait, c'est

13 quelque chose qui se passe de l'autre côté de la frontière, et c'est cela

14 qui a une incidence forte, et c'est cela qui est important.

15 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce porte sur

16 la déclaration écrite au paragraphes 82 et 83.

17 Q. D'après votre déclaration : "C'est la première fois qu'un groupe

18 important de personnes avait été identifié par les missions de

19 reconnaissance de cette organisation. Il semble qu'il s'agissait d'éléments

20 concrets ici, qui indiquaient clairement qu'il y avait un rassemblement de

21 personnes."

22 Vous avez reçu ce rapport le 6 juin. Y avait-il des réfugiés musulmans, des

23 réfugiés non-serbes qui traversaient la frontière en petits groupes ?

24 R. Oui, quasiment les tous les jours.

25 Q. Ces personnes ont-elles été débriefées par des membres de votre équipe,

Page 3117

1 ou par des organisations non gouvernementales, ou des personnes qui se

2 trouvaient dans votre zone de responsabilité ?

3 R. Oui.

4 Q. Ce rapport, celui-ci qui émane de DANCON, et les rapports que vous

5 receviez des différentes organisations non gouvernementales, des entretiens

6 avec les réfugiés, des réfugiés non-serbes qui entraient dans le secteur

7 nord, est-ce que ceci vous a permis de comprendre mieux la situation qui

8 prévalait en Bosnie ?

9 R. Oui, mais par étapes successives. Le processus était lent. Nous étions

10 très ouverts à la question, nous arrivions à comprendre, petit à petit, ce

11 qui se passait. Au mois de juin, nous n'avions pas une vision très claire

12 de la situation encore.

13 Q. Monsieur Kirudja, nous allons mettre de côté cette pièce, et passer au

14 document suivant, 137.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P132.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous apprécions beaucoup que

17 vous fassiez cela dans l'intérêt de gagner du temps.

18 Q. Monsieur Kirudja, je vous demande de bien vouloir vérifier ce document

19 pendant quelques instants. Ce document est daté du 9 juin 1992 et émane des

20 affaires civiles, secteur nord, envoyé à la FORPRONU à Belgrade. La

21 première page de cette pièce est un message envoyé par le FORPRONU, qui

22 semble être apposé de vos initiales en bas de document. S'agit-il bien de

23 vos initiales en bas de ce document ?

24 R. Non.

25 Q. Ces initiales correspondent à quoi ?

Page 3118

1 R. En fait, il s'agit des initiales de Paolo Raffone en première page, et

2 à la page suivante.

3 Q. La page suivante est une note. Je vois que M. Raffone semble avoir

4 signé en votre nom.

5 R. Oui.

6 Q. Ensuite, à la dernière page de cette pièce, on voit quelque chose que

7 nous avons déjà vue. Il s'agit de l'interview à Zagreb avec deux réfugiés

8 musulmans de Bosanski Novi. Est-ce exact ?

9 R. Oui.

10 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons ici --

11 Q. Monsieur Kirudja, si vous voulez bien regarder la note, il s'agit là

12 d'une note qui indique vous avez reçu le rapport de

13 M. Brosted à propos de l'interview avec les deux réfugiés le 9 juin. Est-ce

14 exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Nous avons présenté cette pièce simplement, Monsieur le Président, pour

17 indiquer qu'il y avait un flux d'informations et ce flux d'informations

18 était distribué et diffusait tout le long de la chaîne de commandement.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien que la Chambre aurait pu comprendre

20 cela d'après le témoignage de M. Kirudja.

21 M. HARMON : [interprétation] Oui. J'essaie simplement de vous présenter

22 ceci dans un ordre chronologique --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons beaucoup insisté là-

24 dessus sur la communication entre les agences des Nations Unies et le

25 terrain, et de façon à pouvoir mieux expliquer la situation aux Juges de la

Page 3119

1 Chambre.

2 M. HARMON : [interprétation] Très bien. La pièce suivante, s'il vous plaît.

3 Paragraphe qui reprend le paragraphe 87 de votre déclaration écrite. Il

4 s'agit là du document suivant, pièce portant le numéro P133.

5 Q. Monsieur Kirudja, sur ce document nous avons la première page, un

6 message de la FORPRONU. En haut du document, nous voyons qu'il y a vos

7 initiales ainsi que votre nom en bas du document. En annexe, il y a un mémo

8 qui est également daté du 16 juin 1992, l'objet étant "Désastre humanitaire

9 en puissance Bihac le long de la frontière bosniaque," et votre nom figure

10 ici en bas du document. Il semble que ce soit vos initiales en haut du

11 document. Est-ce exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Je souhaite maintenant attirer votre attention sur le mémo. Je souhaite

14 lire les deux premiers paragraphes ici.

15 Au paragraphe 1 : "La situation au plan humanitaire Bihac se détériore très

16 rapidement. Nous avons tenu une réunion le 1er juin 1992, à Bihac à la

17 demande des observateurs des Nations Unies et du maire de Bihac était une

18 tentative pour essayer d'alerter la communauté internationale à un désastre

19 humanitaire en puissance. Des éléments armés tentaient de semer la terreur

20 sur la population des deux côtés de cette frontière. Toute une série de

21 tueries et de mouvements en masse des personnes de la population, et de

22 représailles absolument épouvantables ont été rapportées par la FORPRONU.

23 "La seule source indépendante nous permettant d'avoir des informations

24 fiables sont les observateurs des Nations Unies et la région. Le CICR et

25 l'HCR ont, de façon provisoire, suspendu leurs activités dans la région."

Page 3120

1 Pouvez-vous nous dire pourquoi au deuxième paragraphe, "l'HCR ainsi que la

2 Croix rouge ont suspendu leurs activités dans la région de façon

3 provisoire ?"

4 R. Oui.

5 Q. Pourquoi cela ?

6 R. A Bihac nous avons un bureau. D'après l'explication détaillée qui est

7 fournie ici, Bihac est un endroit où nous devions nous rendre pour des

8 questions militaires quasiment toutes les semaines. A ce moment-là, nous

9 devions établir notre présence sur les lieux en présence des observateurs

10 militaires, les UNMO. Nous avons été présents dès le départ à Bihac au

11 moment où la situation s'est détériorée, ce qui signifie qu'il ne s'agit

12 pas simplement de Bihac mais de l'ensemble du corridor en Bosnie pour voir

13 même de là.

14 Au mois de mai ou aux environs de cette date-là, les seuls ONG qui se

15 trouvaient à ce moment-là en Bosnie même avant les mandats des Nations

16 Unies étaient le CICR et l'HCR. Après la détérioration de la situation, un

17 des délégués du CICR, Philip Morris, a été tué, et à ce moment-là, le CICR

18 s'est retiré. L'HCR des Nations Unies a suivi. Par conséquent, nous

19 n'avions pas les sources d'informations habituelles que nous obtenions de

20 leur part de façon générale.

21 Q. Je vais maintenant attirer votre attention à ce même mémo, au

22 paragraphe 9, que je vais vous lire : "Il y a différents récits qui

23 deviennent de Bihac et des opstinas voisines de Velika Kladusa, Cazin,

24 Bosanski Novi et Bosnaski Krupa décrivent un tableau assez lugubre

25 semblable à celui de Sarajevo et Mostar. Nous craignons que derrière la

Page 3121

1 frontière, les montagnes et les forêts, des atrocités inénarrables sont en

2 train d'être commises. Ce message est envoyé dans l'espoir qu'un message

3 d'alerte puisse être envoyé aux autorités de façon à ce qu'elles puissent

4 commencer à traiter de cette question avant qu'il ne soit trop tard pour

5 les personnes complètement désespérées de cette région. Une telle action

6 pourrait débuter par une opération d'aide dans la région de Bihac et le

7 retour de la Croix rouge et du HCR des Nations Unies dans la région."

8 Simplement pour notre sens de l'orientation, est-il exact de dire que la

9 municipalité de Bosanski Most se trouve en dessous de Bosanski Novi ? Est-

10 ce exact sur la carte ?

11 R. En partie, puisqu'il avance également en direction de Prijedor, empiète

12 un petit sur Prijedor aussi.

13 Q. Qu'entendez-vous par là lorsque vous dites au paragraphe 9, Monsieur

14 Kirudja, de ces éléments que vous avez également décrits dans votre

15 déclaration ?

16 R. Il s'agit d'un mémo qui couvre l'ensemble de la situation. Je sais que

17 vous voulez que nous regardions certaines régions. A l'époque, cela n'était

18 pas le cas. Nous concentrions notre attention sur le mandat au sens large

19 au plan politique et humanitaire.

20 Nous devions couvrir tous les territoires dans cette région de Bihac, celle

21 que j'ai décrite hier. Il y avait des Musulmans dans la poche de Bihac face

22 aux Serbes dans la zone protégée. Dans cette partie-là de la frontière que

23 j'ai évoquée hier, il n'y avait, à proprement parler, pas de frontière

24 parce que les Serbes contrôlaient les deux côtés. Ce mémo tente de couvrir

25 la situation et d'essayer de comprendre ce qui se passe. Nous voulions que

Page 3122

1 les Nations Unies soient tenues informer de la situation à Bihac parce que

2 c'était une zone de sécurité comme Gorazde et Srebrenica et Mostar.

3 L'intention de ce mémo; que nous devions porter à l'attention de la

4 communauté internationale afin qu'elle prenne des mesures nécessaires pour

5 essayer de trouver une solution. Nous voulions les alerter d'une évolution

6 possible de la situation pour cette poche en question. La poche de Bihac ne

7 voulait en retour du CICR et du HCR des Nations Unies, mais je ne sais pas

8 à quel moment ceci s'est produit une fois que ce mémo a été rédigé. Ils

9 sont revenus.

10 Q. Très bien. J'en ai terminé avec cette pièce. Je vous demande maintenant

11 de bien vouloir passer à la pièce suivante P134.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je me permettrait de

13 vous suggérer, à moins que la Défense ait des questions à poser au sujet du

14 nom qui figure au bas d'un document, au sujet du nom de la personne qui

15 aurait parafé un document, bien sûr, si la chose est contestée et que le

16 nom est déclaré faux, nous entendrons la Défense plutôt que de passer

17 rapidement et d'une manière assez routinière sur la question.

18 M. HARMON : [interprétation] Je serais plus que satisfait de garder la

19 silence pour, fondamentalement, confirmer l'authenticité du document --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'authenticité du nom qui se trouve sous

21 les initiales, et cetera, et cetera, c'est cela qui peut être considéré

22 d'un point de vue d'authenticité de façon différente par la Défense.

23 M. STEWART : [interprétation] M. Harmon peut tout à fait garder le silence

24 s'agissant du document, car je n'ai pas d'objection sur ces points.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

Page 3123

1 M. HARMON : [interprétation]

2 Q. Monsieur Kirudja, ceci est un document datant du 20 juin qui traite

3 d'une réunion tenue à Velika Kadusa en Bosnie-Herzégovine en présence du

4 représentant de 850 personnes déplacées, originaires de Sanski Most en

5 Bosnie-Herzégovine. Il y a quelques instants, vous nous avez dit où se

6 trouvait Sanski Most, et je m'apprête à vous lire le passage suivant. Je

7 cite :

8 "Le secrétaire de la Croix rouge de Velika Kladusa, M. Hajrudin

9 Muhamedagic, a convoqué une réunion en présence du représentant de 850

10 personnes déplacées, arrivées de Sanski Most, Bosnie-Herzégovine, le 12

11 juin 1992. Cette réunion s'est tenue le 19 juillet 1992, au siège de la

12 Croix rouge locale. Le responsable des affaires civiles du secteur nord

13 ainsi que le chef du poste de UN CIVPOL de Slunj étaient invités à cette

14 réunion. Le représentant du groupe de personnes déplacées originaires de

15 Sanski Most a demandé que son nom reste anonyme. Le rapport qui suit est

16 exclusivement fondé sur ses déclarations.

17 "Le témoin de cette évacuation forcée est resté en état d'arrestation dans

18 la salle de sports de Sanski Most pendant 16 jours en compagnie de son

19 fils. Des personnes dont l'âge variait entre 16 et 60 ans se trouvaient

20 également à cet endroit. Il a déclaré que, tous les jours, les personnes

21 maintenues à cet endroit, se comptaient afin de s'assurer que personne ne

22 manquait. Il a compté quelques 250 personnes manquantes depuis son arrivée.

23 On leur a demandé de sortir, a-t-il dit, et elles ne sont jamais revenues.

24 Les gardiens de cet endroit agissaient sous la direction d'un homme qui est

25 le commandant de la cellule de Crise serbe de Banja Luka, M. Davidovic.

Page 3124

1 Pendant toutes ces journées, la radio locale a annoncé que 230 extrémistes

2 Bérets verts étaient emprisonnés dans le camp de concentration de Banja

3 Luka, a-t-il ajouté. Ce camp porte pour nom Manjaca et il se trouve à

4 quelques 30 kilomètres de Banja Luka. Dans ce camp, se trouvent également

5 des prisonniers de guerre dangereux ('extrémistes'), certains médecins et

6 membres du SDA, a-t-il expliqué. Le 11 juin 1992, quelques 1 000 personnes

7 sont arrivées dans la salle de sports.

8 "Le même jour, les autorités (les gardes de M. Davidovic) ont organisé dix

9 autobus et, sous la menace de canons lourds, ont forcé certaines de ces

10 personnes, qui étaient détenues dans la salle de sports, à monter à bord

11 des autobus. Il a compté quelques 800 personnes. Les autobus ont pris le

12 chemin de Bosanska Krupa. A cet endroit, sous la menace de canons lourds,

13 toutes les personnes ont été forcées de descendre des autobus et de se

14 mettre en rang. Nous avons tous dû traverser un pont en marchant entre les

15 mines. De l'autre côté se trouvaient les Bérets verts et quelques

16 représentants des autorités locales qui nous attendaient. Des moyens de

17 transport ont été organisés à notre intention.

18 "Le 12 juin 1992, le groupe est arrivé à Velika Kladusa. La Croix rouge

19 locale a apporté son aide aux membres du groupe. La Croix rouge a compté

20 850 personnes; femmes, enfants et hommes âgés de plus de 60 ans. Toutes ces

21 personnes sont musulmanes."

22 Je saute un paragraphe et je reprends la lecture au paragraphe suivant. Je

23 cite : "Le représentant des 850 personnes de Sanski Most a déclaré qu'ils

24 auraient tous beaucoup aimé avoir la possibilité de retourner à leur

25 domicile". Je ne lirai pas le reste du paragraphe.

Page 3125

1 Monsieur Kirudja, ce rapport raconte d'événements qui se déroulaient dans

2 une autre région de la Bosnie, à savoir, dans les environs de Sanski Most.

3 Quelle a été votre réaction à ce document ? A votre avis, quelle était

4 l'importance de cette pièce à conviction ?

5 R. Elle est importante à plusieurs titres. Je commencerai par évoquer

6 l'identité de l'organisme auquel ce document est adressé, à savoir, le

7 CICR. Ce document n'était pas envoyé à mon quartier général. J'ai déjà dit,

8 lorsque j'ai parlé du mémorandum précédent, que le CICR et l'HCR

9 s'efforçaient de revenir sur place. J'ai déjà dit que nous avions été

10 satisfaits de leur retour et que j'avais rencontré, à plusieurs reprises,

11 le représentant auquel ce document est adressé. La raison pour laquelle ce

12 document lui est adressé a également trait à quelque chose que j'ai déjà

13 dit. Nous nous efforcions de comprendre ce qui se passait dans cette région

14 et quelle était l'ampleur des événements qui s'y déroulaient. C'est la

15 première fois que l'on parle de cela. Jusqu'à présent, nous parlions de

16 personnes déplacées ou des réfugiés. Ici, on parle de personnes portées

17 disparues. Les chiffres sont très importants; 200 personnes portées

18 disparues. Compte tenu de l'organisation que nous représentions et des

19 responsabilités du CICR, ce chiffre est vraiment important. Il appelle

20 également notre attention sur la situation globale parce que nous nous

21 trouvons à Velika Kladusa où la rencontre se tient. Un deuxième groupe

22 d'observateurs des Nations Unies se trouve à cet endroit pour nous aider.

23 C'est un endroit tout proche de la frontière de la zone protégée par les

24 Nations Unies.

25 L'importance de ce document, c'est que nous sommes ici en présence de

Page 3126

1 disparition de personnes et pas seulement de réfugiés. Nous espérons que

2 ces personnes n'ont pas été tuées, mais nous ne savons pas exactement

3 quelle est l'ampleur du problème. Je m'adresse au CICR de façon à ouvrir

4 une nouvelle voie permettant, éventuellement, de comprendre toute la

5 réalité des événements.

6 Q. Monsieur Kirudja, ce document évoque un commandant de la cellule de

7 Crise serbe de Banja Luka qui contraint environ 800 à 850 Musulmans à

8 monter à bord d'autobus en guise de leur déplacement forcé vers Velika

9 Kladusa. Qu'est-ce que ceci vous apprend au sujet des événements qui se

10 déroulent en Bosnie ?

11 R. Nous commençons à voir que Bosanski Novi n'est pas le seul endroit où

12 il se passe des choses. Ce n'est pas le seul endroit où des personnes sont

13 déplacées. Nous nous rendons compte, peu à peu, que le phénomène est

14 beaucoup plus important.

15 Q. Quel est le ton que l'on voit dans ce document ?

16 R. Vous voyez les mots utilisés ? Les mots du troisième paragraphe, "camp

17 de concentration". C'est très significatif. Cela commence à attirer notre

18 attention. Nous commençons à dire que Manjaca existe, que des personnes

19 sont portées disparues. Nous essayons de comprendre et de nous rapprocher

20 peu à peu de la réalité pour nous faire une idée plus globale de la

21 situation. A ce stade, nous commençons uniquement à entériner une nouvelle

22 dimension du phénomène.

23 Q. Ce document vous a-t-il appris quelque chose au sujet de l'identité de

24 ceux qui contraignaient les Musulmans à quitter leur maison ?

25 R. Ce qui est écrit ici représente l'état de nos informations à l'époque.

Page 3127

1 Q. Qui, selon vous, était l'auteur de ces actes ?

2 R. Vous avez la Croix rouge. Il n'y a pas de représentants nommés ici,

3 mais la Croix rouge est représentée par des responsables humanitaires et, à

4 ce moment-là, nous n'avions en face de nous un responsable particulier.

5 Nous recevions des rapports d'un certain nombre d'organisations non

6 gouvernementales et humanitaires également. Vous verrez que j'en tire peu à

7 peu la conclusion de l'identité du responsable, mais dans la période

8 antérieure, ces noms ne n'étaient pas connus, je ne pouvais pas me faire

9 d'opinion.

10 Q. Ce document d'information a contribué aux conclusions que vous avez

11 tiré ensuite ?

12 R. Oui.

13 Q. C'est bien cela ?

14 R. Vous verrez que dans le second rapport, ou dans un rapport ultérieur,

15 la situation est dépeinte de façon plus globale.

16 Q. Voyons maintenant la pièce suivante, un document de deux pages. Cela

17 devrait être la pièce P135.

18 Monsieur Kirudja, cette pièce à conviction compte deux pages. Elle provient

19 du Bataillon danois, conseiller aux affaires civiles, objet : Réfugiés.

20 J'aimerais lire un passage tiré de la deuxième page de ce document. A

21 partir du numéro trois, que l'on voit à peu près au milieu de la page.

22 Malheureusement, j'ai quelques difficultés à lire le premier mot, pouvez-

23 vous, peut-être, m'aider ?

24 R. Le premier mot est 21 heures, 2100 heures. Il y a la date également.

25 Q. Je vous remercie de votre aide. "Les militaires d'E-coy ont observés 15

Page 3128

1 personnes regroupées sur le terrain de sport de Bosanski Novi. Ces 15

2 personnes étaient gardées par des hommes en uniforme de camouflage. Les

3 hommes, encerclant le stade, agitaient des drapeaux blancs et lançaient des

4 SOS afin d'attirer l'attention des représentants du Bataillon danois."

5 Trois lignes plus bas, je reprends la lecture. Je cite : "Le Bataillon

6 danois est inquiet du sort des personnes regroupées dans le stade."

7 Quelle est l'importance de ce document ?

8 R. A ce moment-là, nous voyons que sur le terrain de football, il y a sans

9 cesse des personnes présentes. La compagnie nous apprend que c'est la

10 première fois que ces observations sont faites. Elle s'inquiète des SOS qui

11 sont lancés à partir du terrain de sport, parce que si vous êtes là tout

12 près sur un relief, et que vous observez ce qui se passe à partir d'un

13 poste d'observation, de l'autre côté de la Una, vous voyez un terrain

14 découvert et, avec des jumelles, vous pouvez très bien voir le terrain de

15 sport. Ces observateurs voient, sans le moindre obstacle, qu'il y a des

16 gens regroupés sur le terrain de sport. Ils traduisent cette observation

17 visuelle par la pensée que quelque chose va se passer à cet endroit, et ils

18 constatent les gestes des personnes qui indiquent qu'elles souhaitent être

19 vues. Parce que nous sommes dans un secteur protégé par les Nations Unies,

20 je suis prié de faire quelque chose, parce que ces personnes semblent être

21 menacées.

22 Q. Voyons la pièce suivante, pièce à conviction de l'Accusation 136.

23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous me

24 confirmer un point au sujet de la pièce 135 ? Nous pensons que la date est

25 celle du 20 juin 1992, mais elle est très illisible. Je vais demander si le

Page 3129

1 témoin pouvait confirmer cela.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Il y a d'abord l'heure,

3 exprimée de façon militaire. Nous avons, d'abord, confirmation de l'heure

4 et ensuite, la date. Les militaires écrivent toujours la date et l'heure en

5 même temps. Je suis sûr que je peux vous lire cela sans difficulté.

6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, M. Kirudja a formulé

7 un réponse très utile, mais je vous posais la question à vous et pas au

8 témoin.

9 Je comprends le témoin, M. Kirudja, essaye d'apporter son aide à la

10 Chambre.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kirudja, vous avez parlé du

12 paragraphe 3, vous avez cité la date et l'heure. Est-ce en haut du

13 document ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Aux deux endroits.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Aux deux endroits ?

16 M. HARMON : [interprétation] Le document est assez difficile à lire.

17 Document suivant, Monsieur le Président. Nous pourrions peut-être --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il y a un lien entre les deux

19 documents, Monsieur Harmon, en effet.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veillez procéder.

22 M. HARMON : [interprétation] Passons à la pièce 136.

23 Q. Il y a un lien entre ce document et le document suivant, n'est-ce pas,

24 Monsieur Kirudja ?

25 R. Oui.

Page 3130

1 Q. Ce document porte bien la date du 22 juin, et si nous regardons la

2 deuxième page de ce document, de ce mémo. Je m'apprête à donner lecture

3 d'un passage qu'on trouve sur cette page, je cite : "La Compagnie danoise

4 informe les affaires civiles qu'un nouveau groupe de 15 personnes environ

5 est, apparemment, détenu sur le terrain de football, sous la garde d'hommes

6 en uniforme de camouflage. Les gens agitent des drapeaux blancs et lancent

7 des SOS en direction d'une patrouille de la Compagnie danoise qui passe par

8 là."

9 Un peu plus loin, nous trouvons les mots suivants, je cite : "Veuillez

10 trouver ci-joint une lettre adressée au maire de Bosanski Novi par le

11 représentant du HCR ici à Tapusko. Cette lettre et, notamment, le cinquième

12 paragraphe de cette lettre a pour but de renforcer un message qui lui a

13 déjà été transmis de façon répétée sous forme verbale à lui et à ses

14 collègues de Dvor."

15 Passons maintenant au document suivant, Monsieur Kirudja. Il s'agit d'une

16 lettre émanant de M. Brosted. Quel rôle a été le votre dans la rédaction de

17 cette lettre, si vous en avez eu un ?

18 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant de répondre à cette

19 question, je vous invite à regarder la page de garde de ce document. Vous

20 verrez qu'en haut de la page, on lit la date du 22 juin 1992, heure, 10

21 heures 20 du matin. Cela a un lien avec le moment ou j'ai commencé à prêter

22 attention à ce que contenait le document suivant, celui dont nous venons de

23 terminer la discussion. Ceci confirme mon interprétation que les évènements

24 se passaient la nuit. 10 heures 20, c'est l'heure de la rédaction du

25 document. Le matin, lorsque je rentre dans mon bureau, je concentre mon

Page 3131

1 attention sur ce document où il est question de SOS en page suivante.

2 Oui, répondant à la question du Procureur quant au rôle que j'aurais pu

3 jouer dans la rédaction de cette lettre, je réponds oui. J'ai joué un rôle

4 important dans la rédaction de cette lettre pour la raison que j'ai, déjà,

5 évoquée. Lorsque j'ai reçu cet appel téléphonique, et lorsque j'ai appris

6 que ces personnes étaient en danger, ou étaient, peut-être, en danger, je

7 me suis efforcé d'informer mon quartier général de l'existence d'un

8 problème durable, dans un domaine où la responsabilité du maire était

9 engagée par rapport aux évènements. Nous étions réunis avec nos collègues

10 du HCR et du CICR. Nous avons pris note des éléments d'information relative

11 à la situation à ce moment-là. Le maire connaissait notre position. Nous

12 avions, déjà, dit clairement et à plusieurs reprises, à Monsieur le maire,

13 qu'une évacuation forcée de personnes qui, par conséquent, seraient

14 chassées de leurs domiciles étaient quelque chose à quoi nous n'allions pas

15 participer. Il avait compris, mais il semblait incapable ou, en tout cas,

16 peu désireux d'agir autrement que ce qu'il avait l'intention de faire, d'où

17 la rédaction de cette lettre, qui ne pouvait pas venir de moi, étant donné

18 que le sujet relevait de la responsabilité du HCR. C'est l'HCR qui a écrit

19 cette lettre, après consultation avec moi et avec mon aide.

20 Q. Ce premier paragraphe de la lettre adressée à M. Pasic, maire de

21 Bosanski Novi, rend compte de votre inquiétude. Je cite : "Je souhaite vous

22 assurer que depuis notre réunion nous nous sommes efforcés de suivre de

23 près la situation et que nous ressentons des préoccupations importantes

24 s'agissant du bien-être d'un grand nombre de Musulmans de votre

25 population."

Page 3132

1 R. Exact.

2 Q. Très bien. J'aimerais appeler votre attention sur le troisième

3 paragraphe de la lettre qui se lit comme suit: "Comme vous vous en

4 souviendrez, durant notre réunion vous avez cité le nom de M. Sifet

5 Barjaktarovic et Fikret Hamzagic en tant que porte-parole du groupe et vous

6 avez organisé une réunion destinée à vous entretenir avec eux. Par la

7 présente, je tiens à m'enquérir des dispositions prises pour organiser

8 cette rencontre. Si possible, nous aimerions, également, participer à cette

9 rencontre avec M. Sifet Barjaktarovic et les représentants de la Croix

10 rouge Merhamet local. J'apprécierais que vous contactiez ces deux hommes en

11 notre nom pour leur demander de proposer une date pour la tenue de cette

12 réunion. Nous proposons qu'elle se tienne à Dvor."

13 Monsieur Kirudja, est-ce que vous n'avez jamais rencontré ou est-ce que M.

14 Brosted n'a jamais rencontré M. Barjaktarevic ou M. Hamzagic ?

15 R. Pas que je me souvienne.

16 Q. Est-ce que vous avez jamais rencontré un Musulman bosnien de Bosanski

17 Novi en qualité de représentant des Musulmans de cette région ?

18 R. Beaucoup plus tard, lors d'une réunion qui a eu lieu le 19 août mais

19 pas à ce moment-là.

20 Q. Fort bien. Maintenant je passe au paragraphe suivant, qui se lit comme

21 suit, je cite : "J'aimerais, également, souligner l'importance que l'HCR,

22 en tant qu'organisation humanitaire internationale, accorde à la protection

23 de ces personnes dans leur région natale étant donné qu'il s'agit, là, de

24 droits fondamentaux de la personne humaine qui doivent être respectés et

25 qu'il convient d'éviter la création d'un nouveau flux de réfugiés. Je suis

Page 3133

1 certain que vous prendrez toute la mesure de vos responsabilités en tant

2 que chef du gouvernement local de ce point de vue."

3 Vous nous avez expliqué, un peu plus tôt, les raisons pour lesquelles votre

4 organisation au sein de la communauté internationale avait pris cette

5 position, mais ce qui m'intéresse, c'est la réaction de M. Pasic ou

6 d'autres autorités serbes à ce message qui leur est adressé. Commençons par

7 M. Pasic. Quelle a été sa réaction à ce message ?

8 R. Je n'ai jamais pu lire de réaction de sa part par écrit, il ne m'a pas

9 répondu par courrier. D'ailleurs, je ne pensais pas que je recevrais une

10 lettre. Ce que je souhaitais, c'était qu'il sache et que la chose lui soit

11 dite dans des termes, tout à fait, clairs que nous étions désormais au

12 courant de la situation. Je cite : "Vous êtes responsable de ce qui se

13 passe et de ce qu'il advient de ces personnes parce que leur départ n'a

14 rien de volontaire et n'a rien d'humanitaire," nous ne souhaitions laisser

15 aucune ambiguïté quant au fait que nous avions compris de quoi il

16 retournait et nous voulions qu'il comprenne bien ce que nous pensions. En

17 fait, c'est la présence permanente de ces personnes comme le montrait le

18 SOS qui était lancé. Il y avait permanence et c'est cela ce qui nous

19 inquiétait. C'est cela qui a fait l'objet de notre message. Notre lettre

20 avait pour but principal de lever toute possibilité pour lui de penser que

21 nous n'avions pas compris.

22 Q. Paragraphe suivant de la lettre de Brosted, elle se lit comme suit :

23 "S'agissant du transfert massif de population qui est proposé, je suis sûr

24 que je n'ai pas besoin de vous rappeler que depuis la Seconde guerre

25 mondiale, les transferts massifs et contraints de population sur des bases

Page 3134

1 purement ethniques ou raciales sont déclarées crime conte l'humanité au

2 terme du droit international. Vous savez probablement aussi que les 26 et

3 27 novembre, les parties en conflit dans l'ex-Yougoslavie sont convenues de

4 se réunir dans une conférence convoquée à l'initiative du comité

5 international de la Croix rouge, CICR, afin d'appliquer les dispositions du

6 droit humanitaire international dans le cadre de ce conflit. Je vous fais

7 confiance pour convenir avec moi de l'importance de vos responsabilités

8 s'agissant de veiller à ce que toutes ces obligations internationales

9 soient respectées dans le territoire sous votre juridiction."

10 Quelle réaction avez-vous reçue de M. Pasic suite à cette admonition si

11 vous en avez reçue ?

12 R. La même réponse que précédemment. Je n'ai aucune réaction, d'ailleurs,

13 je ne m'attendais pas à en recevoir. Lorsque je dis "Je," je sais bien que

14 la lettre n'était pas écrite par moi mais nous avions pris cette décision

15 collectivement même si la lettre était signée par la personne habilitée à

16 signer, c'est-à-dire, le représentant du HCR.

17 Q. Est-ce que vous avez jamais eu le moindre élément, au cours de vos

18 enquêtes, qui vous ait montré que M. Pasic ou des personnes exerçant un

19 pouvoir quelconque aient, effectivement, essayer d'obtenir que les

20 Musulmans restent à Bosanski Novi ?

21 R. C'est là précisément que ce situe le problème. Ce que nous avons

22 acquis, c'est l'impression qu'il y avait beaucoup de mauvaise volonté ou

23 d'incapacité à s'écarter du projet initial qui consistait à les expulser

24 par la force.

25 Q. Dans une partie de cette pièce à conviction, de ce mémo, il y a, dans

Page 3135

1 ce message, un cinquième paragraphe et vous dites que le message en

2 question avait été, à plusieurs reprises, transmis oralement au maire et à

3 ses collègues de Dvor. Est-ce que vous parlez de cette admonition qui lui a

4 été adressée à lui et à ses collègues par vous ou par vous et vos collègues

5 d'autres organisations internationales qui travaillaient avec vous ?

6 R. En effet.

7 Q. Y a-t-il le moindre doute dans votre esprit quant au fait que ce

8 message a bien été reçu par M. Pasic et ses collègues ?

9 R. Si j'avais le moindre doute, ce doute a été levé lorsqu'ils ont, très

10 brutalement, parlé d'absence de coopération de notre part en s'adressant à

11 mon chef. Plus aucun doute n'était permis à ce moment-là.

12 Q. Revenons sur le dernier paragraphe de ce document : "Veuillez me

13 permettre d'intégrer à cette lettre un exemplaire d'un fichier de travail

14 du HCR. Durant notre réunion, nous avons discuté de la possibilité

15 d'apporter une aide internationale aux personnes déplacées dans votre

16 municipalité, par conséquent, je joins à la présente un questionnaire

17 destiné à apprécier les besoins d'aide des personnes déplacées dans votre

18 municipalité."

19 Quel était l'objet de ce paragraphe, et quelle a été la réponse que vous

20 avez reçue à ce paragraphe ?

21 R. C'était très important car nous voulions parler aux autorités serbes

22 mais aussi à la population. A notre avis, de l'avis des Nations Unies, nos

23 clients étaient les gens qui se trouvaient dans la nécessité. Une fois que

24 nous avons pris la position qui a été la nôtre, à savoir que nous n'allions

25 pas donner notre accord aux déplacements de toutes ces personnes, mais

Page 3136

1 étant donné que ces personnes étaient déjà déplacées, nous avons voulu les

2 aider et montrer que nous étions prêts à leur fournir notre aide et que

3 nous ne les abandonnions pas. Nous voulions aider ces personnes déplacées

4 sur place, nous voulions, en fait, lever l'accusation qui avait été faite

5 précédemment selon laquelle nous aidions les Musulmans ou, apparemment,

6 nous n'apportions notre aide qu'à une seule partie, sans aider la partie

7 serbe. C'est ce qui figure ici, c'est ce que nous disons, nous disons que

8 nous demeurons prêts à aider toute personne ayant un problème et à aider

9 les autorités serbes compte tenu du problème que leur posent les personnes

10 déplacées dans leur territoire. Nous disions vouloir envoyer de l'aide

11 humanitaire à ces autorités, pas pour que les personnes soient déplacées,

12 mais pour qu'on puisse s'en occuper, indépendamment des raisons qui avaient

13 provoqué leur déplacement.

14 Q. Je veux maintenant que nous revenions brièvement au paragraphe

15 précédent, ce paragraphe dont j'ai déjà donné lecture, ce paragraphe

16 d'admonition au sujet de l'illégalité des transferts massifs et forcés de

17 population pour raison d'appartenance ethnique. Cette lettre est adressée

18 au maire de Bosanski Novi, mais vous aviez des contacts avec des

19 représentants de la municipalité, vous et vos collègues, vous aviez

20 également des contacts avec d'autres représentants serbes de la

21 municipalité et également avec les représentants serbes des municipalités

22 de Bosanska Krupa, Sanski Most, Prijedor, Banja Luka et toutes les

23 municipalités dont les noms sont cités au paragraphe que j'ai lu dans ce

24 document. Quelle est l'admonition que l'on trouve dans ce paragraphe à

25 l'égard de ces responsables d'autres municipalités ? Est-ce que

Page 3137

1 l'admonition leur est aussi adressée ?

2 R. Non, parce qu'il faut que je dise quelque chose pour clarifier la

3 situation avant tout. Nous avions des contacts avec les autorités des

4 municipalités dont vous venez de citer les noms, mais pas au mois de juin.

5 Au mois de juin, nous n'avions de contacts directs qu'avec les autorités de

6 Bosanski Novi. Dans la pièce qui a été examinée il y a quelques instants,

7 il est question de contacts indirects que nous avions au sujet de la

8 situation de Sanski Most par le biais du CICR et le truchement d'une

9 réunion à Velika Kladusa. Si l'on parle de contacts directs, il n'y en

10 avait pas avec les autorités de Bosanska Krupa, Sanski Most, Prijedor,

11 Kljuc, puisque ceux-ci n'ont existé qu'à partir d'août.

12 Q. Fort bien. Y a-t-il le moindre doute dans votre esprit, Monsieur

13 Kirudja, quant au fait que cet avertissement ou cet admonition était connue

14 des représentants de ces autres municipalités, qu'ils l'avaient bien

15 comprise ?

16 R. Je ne sais pas ce que M. Pasic a pu faire lorsqu'il a reçu cette

17 lettre. Je ne sais pas s'il l'a jetée à la poubelle, ce qu'il en a fait

18 après l'avoir lue. Cela, je ne sais pas.

19 Q. Fort bien. Passons maintenant à la pièce suivante, P137.

20 Monsieur Kirudja, cette pièce P137 est en date du 29 juin 1992. C'est un

21 document qui vient de M. Mik Magnusson et qui vous est adressé à vous.

22 Commençons par dire qui est ce M. Magnusson ?

23 R. M. Magnusson était l'un de mes supérieurs. C'était un des assistants de

24 M. Thornberry, au bureau des affaires civiles. S'il m'écrit pour me dire de

25 mener une enquête, je pars du principe que cela vient du bureau de mon

Page 3138

1 chef, et mon chef aurait, de toute possibilité, pu écrire cette lettre.

2 Q. L'objet de cette lettre est le suivant : "Rapports sur les prisonniers

3 politiques à Bosanski Novi". Je donne lecture de la lettre : "Cher Charles,

4 veuillez faire emploi de vos bons offices pour fournir des informations au

5 sujet d'environ un millier d'hommes dont on dit qu'ils sont jeunes et qui

6 sont détenus au stade de football de Bosanski Novi. Apparemment, des

7 familles ont été réunies de force dans cette région, étaient emmenées en

8 train à Doboj. Les femmes et les enfants étaient séparés des hommes et

9 rapatriés en Croatie. Les hommes ont, ensuite, été renvoyés ou ramenés à

10 Bosanski Novi où ils se trouvent, d'après nos sources, et ils sont détenus

11 dans un stade de football où ils ne reçoivent pas de nourriture. Veuillez,

12 s'il vous plaît, demander à la CIVPOL ou aux observateurs militaires ou

13 patrouilles qui se trouvent dans la zone Dvor na Uni du secteur nord de

14 faire ces trois kilomètres supplémentaires pour voir dans quelle situation

15 se trouvent ces 1 000 hommes, d'après nos informations, et voir ce qu'il

16 advient d'eux."

17 Qu'avez-vous fait à la réception de cette lettre, Monsieur Kirudja ?

18 R. Cette lettre était encourageante parce que cette question qui nous

19 préoccupait depuis très longtemps dans le secteur nord depuis des mois

20 finissait par apparaître sur les écrans radar de nos chefs à Zagreb. Cette

21 question prenait une dimension supplémentaire. M. Magnusson me dit

22 également la chose suivante : "Vous pouvez aller voir de plus près ce qui

23 se passe sans que l'on vous reproche de sortir de vos prérogatives." C'est

24 ainsi que j'ai interprété cette lettre.

25 Ceci m'a permis de voir qu'ils soutenaient notre activité, et je voyais ce

Page 3139

1 qu'ils savaient également. Ce qu'il a fallu que je fasse, c'est que je leur

2 donne des informations supplémentaires au moyen des rapports journaliers

3 qu'on leur envoyait, mais qui n'ont pas été peut-être systématiquement lus.

4 Je voulais dresser un tableau exhaustif de la situation afin de leur donner

5 une idée de l'ampleur du phénomène tel qu'il commençait à nous apparaître.

6 Q. Est-ce que, avec cette lettre, il vous était maintenant possible

7 d'envoyer vos collaborateurs en Bosnie ?

8 R. Pas vraiment, parce que vous voyez qu'il fait preuve de beaucoup de

9 prudence. Il parle des observateurs militaires et il dit que, cela, on peut

10 le faire. Les observateurs militaires sont un peu à la limite de la zone du

11 conflit, à l'extérieur de par leur mandat. Bien entendu, on pouvait les

12 envoyer et leur demander de faire cela, aux observateurs militaires.

13 M. STEWART : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait nous dire ce que

14 signifie SLOCA. C'est un nouveau sigle qui apparaît. Apparemment, il s'agit

15 du poste de M. Magnusson.

16 M. HARMON : [interprétation] Oui, effectivement.

17 Q. Quand on voit dans l'entête, le nom de M. Magnusson, à côté il y a la

18 mention, SLOCA Zagreb. Est-ce que vous voyez ce que je veux dire au dessus

19 de la date ?

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente ? SLOCA, qu'est-ce que

22 cela veut dire ?

23 R. Quand nous avons commencé à nous déployer à Zagreb, c'est ce sigle qui

24 a été utilisé pour désigner cette partie de notre bureau. Rappelez-vous,

25 nous n'avons pas de QG à cet endroit. On a appelé cela SLOCA. J'essaie

Page 3140

1 désespérément de me souvenir ce que cela signifie. En tout cas, cela

2 désignait le bureau où il se trouvait.

3 M. HARMON : [interprétation] Bon, il est possible que nous n'arriverons

4 jamais à faire la lumière sur ce mystère, le mystère de la signification de

5 ce sigle.

6 M. STEWART : [interprétation] Je pense que nous allons du principe que si

7 M. Kirudja ne s'en souvient pas, ce n'est pas si grave.

8 M. HARMON : [interprétation]

9 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un officier de liaison de rang supérieur ?

10 R. Oui. Oui, oui, c'est cela. Oui, c'est cela. Vous avez raison. Cela veut

11 sans doute dire officier de liaison supérieur en Croatie. CA représentant

12 la Croatie.

13 M. HARMON : [interprétation] Apparemment, c'est mon assistant qu'il faut

14 remercier pour avoir dépister ce mystère.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais comme le dit le conseil de la

16 Défense, en fait, nous avons très vite oublié ce que cela signifiait nous-

17 mêmes.

18 M. HARMON : [interprétation]

19 Q. Ce document est en date du 29 juin. Maintenant, passons au document

20 suivant, la pièce 138, qui est aussi en date du 29 juin.

21 Monsieur Kirudja, ici on voit, je pense, votre première réponse à la

22 demande de M. Magnusson.

23 R. Oui, c'est exact. C'est ce que j'ai dit précédemment. J'ai essayé de

24 leur renvoyer aux différents rapports que nous lui avions envoyés et

25 qu'apparemment il n'avait pas consultés. J'ai essayé de lui dire où il

Page 3141

1 pourrait les trouver.

2 Q. Fort bien.

3 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, le moment serait peut-

4 être bien choisi pour faire la deuxième pause. On m'a signalé que,

5 normalement, on fait la pause à 12 heures 30.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, c'est vrai. Nous allons

7 faire une pause jusqu'à treize heures moins dix.

8 Monsieur Harmon, pouvez-vous nous dire de combien de temps environ vous

9 avez encore besoin pour poursuivre et finir l'interrogatoire de ce témoin.

10 M. HARMON : [interprétation] Je ne pense pas pouvoir en finir aujourd'hui.

11 Initialement, nous pensions avoir besoin de six heures. Je pense que --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je me renseigne, c'est tout.

13 M. HARMON : [interprétation] Je pense que mardi matin je terminerai

14 l'interrogatoire de M. Kirudja.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci soulève la question de savoir

16 si M. Kirudja va rester pendant le week-end de la pentecôte à La Haye. Est-

17 ce que vous pouvez le faire ? Est-ce que vous êtes disponible ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les Nations Unies m'a

19 mis à votre disposition, et ceci sans aucune condition.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mieux vaut de ne pas tenir ce genre de

21 propos, parce qu'on pourrait abuser de votre bonne volonté.

22 Pause jusqu'à treize heures moins dix.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, veuillez continuer.

Page 3142

1 M. HARMON : [interprétation] Je souhaiterais qu'on présente au témoin la

2 pièce suivante, la pièce P139.

3 Q. Monsieur Kirudja, cette pièce a une feuille de garde, une page de garde

4 en date du 4 juillet 1992. Il y a une note qui a été rédigée par vous-même

5 en date un 3 juillet. Je vais en lire certains extraits, pour le compte

6 rendu d'audience.

7 Premièrement, s'agissant de ce document, c'est une réponse à la demande qui

8 vous avez été faite précédemment par M. Magnusson ?

9 R. Oui, il s'agit en partie d'une réponse à cette demande. Ensuite, il y a

10 une demande qui est exprimée dans ce mémo, aussi.

11 Q. Premier paragraphe, vous dites la chose suivante : "Le stade de

12 football de Bosanski Novi est facilement visible de la ville de Dvor, dans

13 la zone de protection des Nations Unies." Au premier paragraphe, vous avez

14 insisté sur les points suivants, je vais maintenant lire le deuxième

15 paragraphe, pour voir ce dont il s'agit."Nous pensons que les détenus qui

16 sont sur le stade de football ne représente que la partie émergée de

17 l'iceberg, qui reflète une action concernée de la part des autorités

18 locales serbes de Bosnie-Herzégovine, pour essayer de mettre en place une

19 république serbe de Bosnie-Herzégovine sans Musulmans. Dans le cadre de ce

20 processus, les maires, la milicija, et la TDF de Bosanski Novi agissent de

21 concert avec leurs homologues, non seulement au sein de la zone protégée

22 des Nations Unies à Dvor et Kostajnica, mais également avec Bosanski

23 Dubica, Banja Luka, Prijedor, Sanski Most, et Kljuc. Les Serbes semblent

24 être engagés dans un processus mené avec détermination pour désarmer manu

25 militari les Musulmans lorsqu'ils représentent une minorité assiégée et

Page 3143

1 limitée en nombre comme, par exemple, à Bosanski Novi, ou lorsqu'ils

2 encerclent, dans sa totalité, une ville comme, par exemple, Bihac."

3 Dans le passage du document dont je viens de donner lecture, il semble que

4 cette conclusion n'est pas seulement votre conclusion à vous, mais qu'elle

5 soit partagée par d'autres. Si je dis cela, Monsieur Kirudja, c'est parce

6 que vous dites "nous" quand vous écrivez ce rapport. A qui fait référence

7 ce "nous" ?

8 R. En préparant ce rapport, je fais la synthèse de toutes les informations

9 dont nous disposons. C'est-à-dire, les informations dont disposent les

10 organisations non gouvernementales, le CICR, l'HCR des Nations Unies, ainsi

11 que les différents représentants de la FORPRONU. Je résume, ici, l'ensemble

12 des informations qui nous ont été communiquées, et comme vous l'avez déjà

13 dit pour la précédente pièce, j'ai signalé à M. Magnusson l'existence de

14 mémoires qui avaient été rédigés précédemment, et qui aurait dû le mettre

15 en possession de toutes ces informations, en juillet, de cette année. Ces

16 informations dont nous disposions à ce moment-là, nous avaient,

17 inévitablement, amené à la conclusion exprimée dans le paragraphe où se

18 trouve, notamment, les mots au milieu du paragraphe, "Les Serbes semblent

19 être engagés dans un processus mené avec détermination, processus de

20 désarmement par la force des Musulmans, là où ils sont, manifestement, une

21 minorité en petit nombre et assiégés comme à Bosanski Novi, ou lorsqu'ils

22 se trouvent dans une ville totalement encerclée comme, par exemple, Bihac."

23 Voici les informations que je résume.

24 Q. A la première phrase de ce paragraphe, vous dites : "Nous pensons que

25 les détenus du stade de football ne représentent que la partie émergée d'un

Page 3144

1 iceberg qui reflète l'action concertée des autorités locales serbes de

2 Bosnie-Herzégovine, qui s'efforce d'établir une république serbe de Bosnie-

3 Herzégovine sans Musulmans." Quand vous dites "nous" ici, que représente ce

4 "nous" ?

5 R. Il s'agit de l'unité du secteur nord dans sa totalité. Je parle au nom

6 de cette unité.

7 Q. Nous restons au même paragraphe, et je reprends ma lecture. Je cite :

8 "Apparemment, le terrain de football est un lieu de détention où des

9 groupes de Musulmans sont maintenus pendant que l'on fouille leur maisons.

10 Les hommes sont ensuite isolés du reste pour être transportés vers des

11 camps de concentration.

12 "Le représentant du HCR des Nations Unies et le chargé des affaires civiles

13 ont réunis des rapports venant de différents Musulmans qui ont trouvé

14 refuge récemment à Dvor et Kostajnica sous la protection de la FORPRONU. Il

15 parle des camps de concentration situés dans les villes suivantes :

16 "Keraterm, situé près d'une gare de chemin de fer à Prijedor, sur la route

17 de Banja Luka. Cent à 200 Musulmans y seraient détenus, dans des conditions

18 extrêmement difficiles.

19 "Trnopolje, situé également près d'une gare de chemin de fer à Prijedor, en

20 direction de Banja Luka, un camp de réfugiés avec des femmes, des enfants,

21 et des hommes âgés.

22 "Omarska, situé dans un village serbe à 100 pour cent. Il s'agirait d'un

23 camp pour les hommes musulmans, les détenteurs du pouvoir musulman, les

24 notables musulmans locaux, avant la prise de contrôle par les Serbes, en

25 particulier, à Prijedor.

Page 3145

1 "Manjaca, à l'extérieur de Banja Luka, un vaste camp où se trouverait des

2 soldats croates faits prisonniers dans les combats de Kostajnica.

3 "Le traitement infligé aux Musulmans et aux autres minorités aux camps

4 serait cruel, avec passages à tabac réguliers, privation d'eau et de

5 nourriture, conditions déplorables d'hébergement, et cetera."

6 Monsieur Kirudja, ces informations et ces conclusions, comment y êtes-vous

7 parvenu ?

8 R. Je vous ai parlé de ce que nous faisions, de la nature de notre

9 travail. Ici, je dis, d'ailleurs, que nous recevons des informations, des

10 rapports, que nous synthétisons ce qui nous vient de nos propres sources,

11 et nous recevons, également, des informations suite aux rencontres faites

12 avec les réfugiés lorsque nous avons essayé de les aider, de les faire

13 sortir du secteur. Nous avons vu, un moment avant la pause, qui parlait de

14 Velika Kladusa, et quelqu'un qui se trouvait à cet endroit, a commencé à

15 nous parler d'un camp de concentration. Il a donné le nom de Manjaca. De

16 même, quand ces 20, 30, 40 personnes ont traversé le secteur nord, avant de

17 les aider à rejoindre leur lieu de destination souhaité, ce qu'on faisait,

18 c'était de rencontrer les gens, de les écouter pour ensuite rassembler

19 cela, parce que nous n'avions aucun document à ce sujet. Grâce à ce qu'ils

20 nous ont raconté, nous avons pu brosser un tableau de la situation. C'est

21 ce qui figure dans ce mémo, et c'est pour cela que nous avons parlé de

22 camps de concentration, parce que ce terme, c'est l'interprète qui nous l'a

23 donné en interprétant les propos de ces gens.

24 Q. Vous utilisez ce terme dans ce mémo qui a été envoyé à vos supérieurs.

25 Est-ce que cela a entraîné une réaction ?

Page 3146

1 R. Je peux dire que ce mémo a été un tournant, il a suscité de nombreuses

2 réactions, aussi bien chez mes supérieurs qu'ailleurs, commençons par la

3 première réaction. Dès réception de ce mémo, le général Satish Nambiar m'a

4 téléphoné en personne à Tapusko parce que ce mémo l'avait troublé, c'était

5 manifeste. Il l'avait particulièrement remarqué l'utilisation du mot "camps

6 de concentration." Au téléphone, il m'a dit -- et je me souviens des termes

7 qu'il a employés -- enfin, il m'a dit, à peu près, il m'a dit : "Vous ne

8 voulez vraiment pas parler de camps concentration." J'ai répondu, oui, oui,

9 c'est comme cela qu'ils les appellent. Il m'a dit : "C'était vraiment des

10 camps de concentration ?" Parce que c'était la chose -- c'est cela qui le

11 tracassait. Je lui ai dit, mais comment on devrait appeler cela ? Il m'a

12 dit, mais est-ce qu'on pourrait pas plutôt de parler de camp de détention

13 avec des détenus ? Ce à quoi, j'ai répondu, bien non, parce que la façon

14 dont les gens sont traités dans ces camps fait que l'on peut les qualifier

15 de camps de concentration, pour reprendre les termes qui ont été utilisés

16 par les personnes concernées.

17 Peu de temps après l'élaboration de ce mémo, on a commencé à trouver et à

18 avoir -- obtenir des informations, des images de ces camps. C'est à ce

19 moment-là, que ce mémorandum a acquis une importance que je n'aurais jamais

20 pu imaginer qu'il puisse prendre. Je ne sais plus combien de semaines après

21 son élaboration il a été communiqué au QG des Nations Unies à New York, et

22 le chef de mission, à ce moment-là, a pris l'avion pour aller -- est venu à

23 Tapusko pour parler de ce mémo.

24 Q. Monsieur Kirudja, autre paragraphe de votre mémo, je cite : "Notre

25 sentiment de frustration découle de notre incapacité à faire quoi que ce

Page 3147

1 soit à l'exception de l'élaboration de rapports et aux faits que nous

2 soyons spectateurs de ce qui se passe, étant donné que la FORPRONU n'a

3 aucune responsabilité opérationnelle de l'autre côté de la frontière. Ces

4 derniers jours, la situation s'est détériorée et elle commence à empiéter

5 sur la zone de protection des Nations Unies. Nous avons vu de plus en plus

6 de personnes désespérées traverser pour chercher refuge auprès de la

7 FORPRONU. Hier, un dénommé Mustafa Ogorinac a traversé la rivière Una à la

8 nage à 5 heures du matin à partir d'un camp situé à Bosanska Dubica. Il se

9 trouve maintenant sous la protection de la FORPRONU ainsi que deux autres

10 personnes. Il semble avoir fait l'objet de mauvais traitements physiques et

11 de sévisses."

12 Pourquoi est-ce que c'est important ce que vous avez écrit ici ?

13 R. Je voulais faire un mémo qui soit autre chose qu'un simple document

14 bureaucratique rédigé par un fonctionnaire, un bureaucrate. Je voulais

15 mettre en évidence les vies, les vies humaines qui étaient en péril ici.

16 Parce qu'ici il fallait dépasser les simples statistiques. C'est pourquoi

17 j'ai mentionné cet exemple. J'ai voulu leur faire savoir que nous voyions

18 des vrais gens, des gens qui souffraient, et que ce n'était pas simplement

19 des chiffres.

20 M. HARMON : [interprétation] J'en ai terminé de cette pièce. Nous allons

21 maintenant passer à la pièce suivante, pièce à conviction de l'Accusation

22 P140.

23 Q. Est-il exact, s'agissant de la précédente pièce, Monsieur Kirudja, qu'à

24 ce moment-là, vous en étiez arrivé à certaines conclusions bien arrêtées

25 sur ce qui se passait en Bosnie ?

Page 3148

1 R. Oui. C'est à peu près à cette période que cela s'est fait,

2 effectivement. Nous commencions à reconnaître, effectivement, ce à quoi

3 nous étions en train d'assister. Nous n'avions pas agi avec précipitation

4 dans notre interprétation des événements. Nous avions passé beaucoup de

5 temps auparavant à essayer de ne pas tirer des conclusions hâtives, de ne

6 pas agir de manière précipitée. Nous essayions de comprendre ce qui se

7 passait. Mais à ce moment-là, effectivement, nous en sommes arrivés à une

8 conclusion bien arrêtée sur ce que nous voyions et sur la manière dont nous

9 pensions devoir interpréter ce que nous voyions.

10 Q. Bien. Cette conclusion, on la trouve exprimée dans la pièce précédente.

11 R. Oui.

12 Q. Passons maintenant à la pièce suivante. C'est la pièce P140, un message

13 de la FORPRONU du 4 juillet 1992, avec un mémo en pièce jointe de M. Paolo

14 Raffone.

15 Monsieur Kirudja, ce mémo, en son premier paragraphe, répète de ce qui a

16 déjà été dit. Je cite : "Le responsable des affaires civiles a été informé

17 par une compagnie du bataillon danois du nombre croissant de personnes

18 cherchant protection dans les camps du bataillon danois le long de la

19 frontière entre Dvor et Dubica."

20 Ici on répète ce que vous avez dit précédemment, à savoir que de plus en

21 plus de gens essayaient de venir dans secteur nord, n'est-ce pas ?

22 Maintenant, j'aimerais que nous passions au quatrième paragraphe. Je cite :

23 "La situation dans la zone se trouvant à l'intérieur des limites de la zone

24 de protection des Nations Unies est extrêmement tendue étant donné -- à

25 cause des actions entreprises par les autorités dans les villages situés le

Page 3149

1 long de la frontière de la Bosnie-Herzégovine sur l'autre rive de la

2 rivière Una. Les officiers des DANCON, les compagnies danoises, ont observé

3 des exécutions dans les rues. On reçoit de plus en plus d'informations au

4 sujet d'expulsions, de persécutions, et de tortures de Musulmans, et ceci

5 est très alarmant."

6 Ce mémo de M. Raffone, deux paragraphes plus loin, on peut y lire la chose

7 suivante. Il s'agit d'une réunion du 1er juillet 1992, à 19 heures 30. Je

8 résume ce qui est dit ici. On nous indique quels sont les participants à

9 cette réunion qui a eu lieu en Bosnie dans le bureau du maire de Bosanska

10 Dubica, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est l'avant-dernier paragraphe sur cette page, première page.

12 Q. Si on tourne la page, on peut lire la chose suivante. Je cite : "Le

13 responsable des affaires civiles a également demandé aux autorités de

14 s'expliquer au sujet des informations relatives à des actes de persécution,

15 à des exécutions sommaires, à des expulsions forcées, à un transfert de

16 masse de Musulmans de leur municipalité vers d'autres parties de la Bosnie-

17 Herzégovine. L'officier du DANCON a expliqué qu'ils étaient en mesure de

18 suivre la situation dans la zone grâce à un équipement sophistiqué et

19 qu'ils avaient des preuves relatives à des exécutions sommaires réalisées

20 dans les rues de Bosanska Dubica. La première réaction des autorités a été

21 de rejeter toutes ces allégations. Au cours de cette réunion, le maire a

22 demandé au chef de la milicija de lui donner des explications au sujet d'un

23 cas précis d'exécutions qui avait été observé dans la rue par la compagnie

24 du bataillon danois. Le chef de la milicija a répondu qu'il y avait,

25 effectivement, eu une exécution dans la rue, mais que l'homme qui avait été

Page 3150

1 tué était un Serbe et non pas un Musulman."

2 Monsieur Kirudja, dans le cadre des efforts que vous-même et d'autres

3 avaient entrepris dans le secteur nord pour essayer de savoir ce qui se

4 trouvait en Bosnie, vous aviez, n'est-ce pas, des contacts avec des

5 responsables serbes, chefs de la police, chefs de municipalités, et cetera,

6 ou autres. Vous-même et vos collaborateurs, vous vous informiez, essayiez

7 de savoir ce qui se passait. Est-ce qu'on vous a jamais répondu de manière

8 sincère et véridique sur ce qui se passait en Bosnie ?

9 R. Une réponse qui correspond à la réalité.

10 Q. Une réponse concise ?

11 R. Nous écoutions tout ce qui nous était relaté et nous avons essayé de

12 collaborer car, lorsque vous avez un conflit de cette nature, la vérité

13 correspond au nombre de pertes en hommes. Ils relatent leur récit et,

14 parfois, ces récits sont très contradictoires, voire diamétralement

15 opposés. L'un et l'autre pensent que la vérité est tout autre. Lorsque ces

16 récits nous parviennent et ces récits différents de part et d'autre sont

17 diamétralement opposés, il est plus facile d'avoir ces différentes

18 déclarations être confrontées l'une à l'autre. Nous essayons de nous

19 rapprocher de la vérité autant que faire se peut.

20 Dans ce cas et dans le cadre du paragraphe que vous venez de lire, ceci a

21 été rendu plus difficile par le fait que les Serbes étaient des côtés de la

22 frontière. Ils étaient à Bosanska Dubica, et ils étaient à Kostajnica, dans

23 la zone protégée des Nations Unies. Si la DANCON et la compagnie de

24 Bataillon danois n'avaient pas été aussi vigilants et ont observé ceci,

25 nous n'aurions peut-être jamais su ce qui s'était passé. Car les Serbes se

Page 3151

1 trouvaient de part et d'autre, et personne n'aurait jugé utile de nous

2 rapporter ces éléments d'information, nous n'aurions rien su si DANCON

3 n'était pas présent dans la région. S'il y avait eu un conflit, les parties

4 au conflit auraient cherché l'une et l'autre à nous faire intervenir, ou en

5 tout cas, porter ceci à notre attention.

6 Par conséquent, je ne sais pas très bien ce que je peux dire à propos de la

7 vérité. C'est, en tout cas, ce qu'ils nous ont dit, et nous avons essayé de

8 confirmer ceci sur le terrain. Lorsqu'on a donné à cette personne ces

9 éléments d'information qui nous ont été rapportés par DANCON, nous avons

10 demandé : "Avez-vous vu cette personne être exécutée ?" A ce moment-là, il

11 donnait une explication différente. Il s'agit d'un Serbe et non d'un

12 Musulman. Si cela avait été le cas, la seule question qu'on puisse poser

13 dans ces cas-là : "Avez-vous le droit de tuer des Serbes également ?"

14 Malheureusement, je n'étais pas là, il ne s'agit que d'une conversation qui

15 a été rapportée.

16 Q. Hormis cet incident isolé qui est décrit dans ce rapport lorsque vous-

17 même et vos collègues, en fait, se sont trouvés confrontés à des

18 représentants serbes de Bosnie à propos de la question du nettoyage

19 ethnique et des allégations portant sur le nettoyage ethnique et de

20 l'expulsion forcée de Musulmans de leur maison et de leur communauté, quel

21 type de réponse avez-vous obtenu ?

22 R. Voyez-vous c'était une réponse toute faite qui nous revenait lorsqu'on

23 posait la question. On nous répondait que : "On ne pouvait pas vivre

24 ensemble. Plus nous trouvions une solution rapidement, mieux cela vaudra,"

25 car les Serbes parlent des actions commises par les Musulmans. Dans le cas

Page 3152

1 de Bosanski Novi, les archives montrent que, lorsqu'on demandait aux

2 Musulmans pourquoi ils prenaient les armes, l'explication qui revenait

3 toujours, c'est qu'ils avaient été induits en erreur par le gouvernement

4 d'Izetbegovic. On finit par comprendre mieux au fil du temps, mois après

5 mois, lorsque vous entendez des réponses toutes faites à ces questions qui

6 sont posées. Si vous essayez d'en savoir davantage, vous allez dans une

7 autre direction. Vous essayez de savoir et de comprendre ce qui s'est

8 passé. Parfois, la réponse sort d'une façon tout à fait inattendue.

9 Q. Vous n'avez jamais entendu un aveu de la part des représentants serbes

10 de Bosnie qu'en fait ils procédaient à l'expulsion forcée des Musulmans

11 parce qu'ils souhaitaient les faire sortir de leurs communes?

12 R. Dans la déclaration, on disait surtout que : "Il est important de

13 comprendre qu'on ne peut plus vivre ensemble." c'était cela l'aveu. Ceci a

14 été répété à plusieurs reprises.

15 Q. Avez-vous entendu cette phrase : "Nous ne pouvons pas vivre ensemble" ?

16 Est-ce que je comprends votre réponse et est-ce que vous avez entendu cette

17 phrase : "Nous ne pouvons pas vivre ensemble" ? Est-ce que vous avez

18 entendu cette réponse de la part des représentants serbes ?

19 R. Oui.

20 Q. C'était une réponse toute faite qu'ils vous ont répétée maintes et

21 maintes fois à vos collègues, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, plus ou moins.

23 Q. Quelle était leur réponse ? Parce que vous posiez la question aux

24 Musulmans qui rentraient. Est-ce que vous entendiez le même type de réponse

25 fournie par les Musulmans ?

Page 3153

1 R. Nous n'invitions personne à faire un discours. Lorsque nous

2 rencontrions les Musulmans, la condition qui nous empêchait de le faire

3 était justement de parler de ce genre de sujet. En général, les gens

4 étaient en détresse. Les personnes qui sont en détresse s'attendent à ce

5 que vous occupiez des questions pressantes; comment est-ce que je puis être

6 en sécurité, et cetera. Si on ne les soumet pas à des pressions, ils

7 parleront de leur traitement et du traitement qu'ils ont subi, rien

8 d'autre. Nous abordions cette question-là lorsque ce qu'ils disaient

9 n'avait pas beaucoup de sens.

10 M. HARMON : [interprétation] J'en ai terminé avec cette question.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question supplémentaire,

12 Monsieur Harmon.

13 M. HARMON : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Paragraphe 2, il est dit que : "Le

15 président de Dubica a annoncé une décision récente prise par la cellule de

16 Crise et approuvée par le parlement concernant la nécessité de démonter la

17 structure du SDA et de placer tous les membres sous son contrôle."

18 Il s'agit d'une référence très claire aux décisions et accords concernant

19 ces décisions. Y a-t-il d'autres documents en ce sens ? Etes-vous au

20 courant des détails de cette décision et de l'accord qui en découle ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais je puis attirer votre attention sur

22 autre chose, par exemple. Ils ont signé un mémo. Il ne voulait pas le

23 signer en tant que maire de Bosanski Novi, mais en tant que président de la

24 cellule de Crise. C'est à Bosanski Novi, et vous voyez le président de la

25 cellule de Crise de Dubica. Rien n'indique, quand vous êtes à Dubica, que

Page 3154

1 l'ensemble de la région est en crise.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je cherchais quelque chose à propos

3 de la décision en particulier.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas celle-ci.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des documents qui font

6 référence à l'accord portant sur cette décision ? Est-ce que l'Accusation a

7 l'intention de verser ceci ou de présenter ce document ?

8 M. HARMON : [interprétation] Je vais, en tout cas, me renseigner.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. HARMON : [interprétation] Je ne l'ai pas à ma disposition maintenant.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aimerions simplement savoir si un

12 tel document existe et si l'Accusation a l'intention de le présenter.

13 Poursuivez, je vous prie.

14 M. HARMON : [interprétation] Merci.

15 Q. Nous allons passer à la pièce suivante, pièce 141.

16 Cette pièce, Monsieur Kirudja, est également datée du 6 juillet 1992. A la

17 première page, nous voyons, je dirais, une traduction anglaise qui n'est

18 pas très bonne, d'une lettre qui se trouve à la deuxième page, écrit en

19 B/C/S. Cette deuxième page vous a été envoyée. La lettre en B/C/S précise

20 qu'il s'agit de quelque chose qui vient du maire Pasic. Est-ce exact ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Je souhaite maintenant me tourner vers la deuxième page et je vais la

23 lire en B/C/S. Ici, la légende que nous avons dans la version anglaise, la

24 République serbe de Bosnie-Herzégovine, la municipalité de Bosanski Novi,

25 la cellule de Crise. En bas, on peut lire, président de la cellule de

Page 3155

1 Crise. Je vais maintenant lire ce texte en B/C/S en haut ici de la page,

2 "République Srpska de Bosnie-Herzégovine, municipalité de Bosanski Novi,

3 cellule de Crise." Je lis maintenant ce qu'on trouve en bas de la page,

4 "président de la cellule de Crise," et ensuite un nom.

5 Je crois que la traduction appropriée est cellule de Crise, c'est la raison

6 pour laquelle j'ai lu ce texte. Ce n'est pas un comité de Crise.

7 Je vais maintenant tourner mon attention, Monsieur Kirudja, sur le document

8 lui-même. Sur ce document, je vais lire quelques extraits de ce document.

9 Cette lettre écrite par M. Pasic vous est adressée, au siège des affaires

10 civiles à Tapusko, et au siège de la CIVPOL à Tapusko également.

11 "Au cour de ces derniers jours, un certain nombre de citoyens musulmans et

12 d'autres nationalités a demandé la mise en place des cellules de Crise

13 (organes de l'état, secrétariat des affaires sociales, de la finance,

14 secrétariat de la défense du peuple, et les postes de sécurité publique) de

15 la part des permis pour l'abandon volontaire de territoires municipaux dans

16 des zones habitées en République de Croatie, République de Slovénie,

17 Autriche et Slovénie, personnes qui souhaitaient se rendre en direction de

18 ces zones non habitées en République de Croatie. Il y avait 1 233 personnes

19 le 3, 4, et 5 juillet 1992 qui ont fait une demande auprès des organes

20 municipaux, et demandaient qu'en vertu de la législation en vigueur, au

21 moment de leur départ, avaient tout les documents nécessaires.

22 "Tous les citoyens susmentionnés ont indiqué à quel endroit ils avaient

23 l'intention de se rendre, et ont donné une déclaration écrite aux

24 différents services du gouvernement sur le statut de leurs biens

25 immobiliers. Les citoyens qui peuvent faire l'objet d'une mobilisation ont

Page 3156

1 reçu des documents concernant leurs fonctions. Sur la base des documents

2 mentionnés, et conformément à la procédure administrative en vigueur, ils

3 sont autorisés à partir.

4 "Le statut concernant leurs biens immobiliers, c'est la base d'une échange

5 avec des citoyens de nationalité serbe - des réfugiés de Bosanski Novi et

6 de la République de Croatie, de la République de Slovénie, pour les biens

7 qui sont restés dans leurs pays. Moindre nombre de citoyens de nationalité

8 musulmane ou d'autres nationalités ont remis leurs biens tel en cadeau

9 après avoir signés tous les documents officiels requis. Les citoyens

10 musulmans et d'autres nationalités amènent avec eux les biens qu'ils

11 peuvent après en avoir averti les représentants officiels."

12 Ce texte se poursuit, en disant, à l'avant-dernier paragraphe : "Nous vous

13 demandons de bien vouloir concentrer vos efforts sur les départs de ces

14 personnes d'en assurer la protection, et d'assurer leurs saufs conduits de

15 façon à ce qu'ils puissent être amenés à leurs nouveaux lieux de résidence.

16 Nous espérons pouvoir réussir, et je vous prie de croire, et cetera.

17 L'expression de mes sentiments le meilleur, cellule de Crise, président

18 Radomir Pasic."

19 Vous souvenez-vous avoir reçu cette lettre ?

20 R. Oui.

21 Q. Quel était votre réaction à ce moment-là ?

22 R. C'était les derniers éléments des pièces qui nous permettaient de

23 comprendre ce qui effectivement était en train de se passer. Je parle de

24 ces derniers éléments qui nous manquaient. C'était les maillons manquant de

25 la chaîne. C'était quelqu'un que nous avions rencontré à plusieurs

Page 3157

1 reprises. C'était un homme que nous avions déjà évalué. Nous savions que ce

2 qu'il faisait, ce n'était pas quelque chose qu'il voulait faire de lui-

3 même. C'est quelqu'un auquel nous avions adressé une lettre le 20 juin.

4 Notre position avait été clairement expliquée dans cette lettre. Cette

5 lettre reprend ces éléments-là au niveau du premier paragraphe. Il cite

6 également un certain nombre de lois et d'exigences. Il parle du fait que

7 les personnes sont obligées de vendre ou de faire don de leurs biens. Pour

8 finir, ceci nous a fourni des éléments. Nous allons essayer de comprendre

9 comment ces personnes vont être déplacées par les compagnies dont ces noms

10 sont cités.

11 A ce moment-là, l'aspect systématique ne pouvait m'échapper. A ce moment-

12 là, nous avons compris qu'il s'agissait de quelque chose que nous avons

13 compris peu de temps après cette lettre, qu'il s'agissait de nettoyage

14 ethnique.

15 Q. Merci, Monsieur Kirudja.

16 M. HARMON : [interprétation] Je sais que vous m'avez demandé d'accorder 10

17 minutes à M. Tieger, mais --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tieger n'est pas encore dans le

19 prétoire.

20 M. HARMON : [interprétation] J'ai encore un document qui va me prendre un

21 petit plus de temps. Il va nous falloir davantage de temps.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne pas anticipez sur l'heure d'arrivée

23 de M. Tieger, parce que le voilà, justement.

24 Monsieur Kirudja, je crois que nous allons devoir terminer pour

25 aujourd'hui. Nous aimerions vous revoir dans le prétoire mardi prochain à 9

Page 3158

1 heures du matin dans ce même prétoire. Je souhaite vous dire ce qui suit :

2 les mêmes instructions sont valables aujourd'hui que celles que je vous ai

3 donné hier. Autrement dit, je vous demande de ne parler à personne de votre

4 témoignage, ni celui d'hier, ni celui d'aujourd'hui, ni celui de la semaine

5 prochaine.

6 Madame l'Huissière va vous escorter et vous raccompagner.

7 [Le témoin se retire]

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que le témoin a dit "la vérité est la

10 première victime" lorsqu'il a parlé de la vérité.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite faire quelques remarques. Au

12 premier lieu, une décision doit encore être présentée aux parties

13 concernant l'Article 92 bis du document présenté dans le cadre de cet

14 article. Le témoin -- attendez-moi, un instant, s'il vous plaît.

15 Il s'agit du 92 bis (D), requête orale de M. Hidic. Je voulais simplement

16 vérifier, mais nous devons encore vous rendre cette décision, et nous

17 allons vous en faire part bientôt.

18 Je vais maintenant revenir à l'autre point qui nous concerne, à savoir,

19 l'application du 92 bis au témoignage de M. Babic. Je souhaite préciser ce

20 point : la Chambre n'a aucune difficulté en ce qui concerne le 89(F) et

21 l'application de cette article au témoignage de M. Babic. Ceci sera

22 accordé. En revanche, la question porte sur le compte rendu d'audience

23 versé dans le cadre de ce témoignage.

24 La Chambre de première instance reconnaît que notre décision est rendue

25 assez tardivement, eu égard à ce témoin quand, bien même la Défense ne

Page 3159

1 soulèverait aucune objection, les parties ne peuvent pas estimer que la

2 Chambre suivra ou acceptera toujours les demandes avancées par l'une ou

3 l'autre partie.

4 La Chambre de première instance aura l'occasion de parler de ce point

5 brièvement cet après-midi lors d'une réunion qui ne se tiendra pas dans le

6 prétoire. L'objet principal de cette réunion concerne la communication des

7 pièces entre les parties. Sans rendre de décision finale mais simplement

8 une orientation possible, la Chambre ne pense pas qu'elle puisse autoriser

9 une requête demandant le versement au dossier de 1 100 pages. L'utilisation

10 de l'Article 92 bis (D) permet de présenter des éléments de preuve

11 supplémentaires. La première chose qui nous concerne, est la nature

12 publique de ce procès. Nous en avons parlé à plusieurs reprises. Ceci est

13 un premier point. Pour ce qui est de l'Article 92 bis (D), cet article ne

14 doit pas permettre de présenter des éléments de preuve aussi volumineux. A

15 ce moment-là, toutes les parties concernées devront parcourir ces éléments,

16 et ce sera fait de façon assez superficielle.

17 L'objet de cet article, comme je l'ai dit hier, est de rendre ces procès

18 plus efficaces, et il ne s'agit pas simplement de tenir compte de la

19 question du temps. Pour ce qui est du déroulement du procès et l'incidence

20 de l'Article 92 bis, le déroulement du procès en dehors du prétoire et dans

21 le prétoire, lorsque nous rendons une décision à propos de cette requête,

22 sera pris en compte.

23 Par conséquent, la Chambre de première instance précise encore une fois

24 qu'elle souhaiterait, pour des questions de transparence et d'efficience,

25 faire en sorte que ces éléments soient présentés de façon différente,

Page 3160

1 autrement dit présenter simplement certains passages, et non pas l'ensemble

2 des documents, et non pas les 1 100 pages, de façon à ce que nous puissions

3 davantage apprécier les contenus de ceci. Nous demandons à l'Accusation

4 d'œuvrer dans ce sens. Par conséquent, nous souhaiterions que vous émettiez

5 un certain passage du compte rendu d'audience dans l'affaire Milosevic, et

6 que ceci concerne plus particulièrement ou soit plus pertinent eu égard au

7 témoignage de M. Babic et de l'interrogatoire principal. Je pense qu'une

8 description par oral brève concernant chaque passage devrait suffire. Ce

9 qui permettrait, évidemment, de préserver le caractère public de ce procès.

10 Le public pourrait être informé des éléments qui sont discutés ici.

11 Bien sûr, nous devons prendre des décisions concernant d'autres points, à

12 savoir, celui avancé par la Défense. La Défense doit savoir quels éléments

13 seront présentés et quels seront les éléments qui ne seront pas présentés

14 aux fins de présenter leur contre-interrogatoire.

15 Comme je l'ai précisé auparavant, la Chambre ne s'oppose pas à ce que

16 l'interrogatoire principal de M. Babic prenne un peu plus longtemps. Nous

17 avons prévu pour l'instant quatre jours.

18 Pour l'instant, dans le programme de comparution des témoins, l'Accusation

19 tente de faire rentrer dans notre programme de la semaine plus d'heures que

20 nous avons à notre disposition. Par exemple, si je regarde le programme de

21 cette semaine, nous avons au total 15 heures de l'interrogatoire principal

22 des témoins de l'Accusation. Cela signifie que nous aurions 10 heures

23 correspondantes pour le contre-interrogatoire. A moins que certains

24 témoins, évidemment, ne prennent plus de temps au niveau du

25 contre-interrogatoire, ou qu'ils prennent moins; ce qui représente au total

Page 3161

1 25 heures. Si nous n'avons aucune question de procédure à traiter, cela

2 représente, en général, quatre heures dans ce prétoire tous les jours. Pour

3 essayer d'intégrer 25 heures en l'espace de cinq jours, il nous manque,

4 évidemment, cinq heures avec ce calcul-là. J'ai parlé de quatre heures,

5 parce que nous siégions de 9 heures jusqu'à 13 heures 45. Nous perdons 45

6 minutes pour deux pauses. Ce qui signifie que nous avons quatre heures au

7 total. Il n'est pas surprenant de constater qu'à la fin de la semaine, il

8 nous manque un certain nombre d'heures. C'est exactement la difficulté qui

9 se pose à ce niveau-là. Si nous pouvions avoir quelque chose entre huit et

10 10 heures pour l'interrogatoire principal de M. Babic, ce qui représente

11 six, sept heures, voire peut-être, même pour le contre-interrogatoire. Je

12 ne suis pas certain que le contre-interrogatoire de M. Babic, à la lumière

13 des éléments présentés en dehors de témoignages viva voce nous prendrons

14 plus de temps que cela.

15 Nous allons terminer l'interrogatoire principal en entendant

16 M. Kirudja. Comme l'a indiqué M. Harmon, ceci sera terminé mardi matin.

17 Maître Stewart, pour le contre-interrogatoire de M. Kirudja, pourriez-vous

18 nous donner une estimation, s'il vous plaît ?

19 M. STEWART : [interprétation] D'après l'estimation de

20 Me Harmon, qui nous a précisé qu'il allait terminé mardi, je crois que nous

21 aurons besoin de toute la journée de mardi. Au-delà de cela, je ne suis

22 tout à fait sûr. Je crois que mardi est la journée Kirudja.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui signifie que le témoignage de M.

24 Babic ne pourra pas commencer en tout cas, quoi qu'il en soit avant

25 mercredi, au début de la journée de mercredi ou au milieu de matinée

Page 3162

1 mercredi. Dans lequel cas, nous aurions deux jours et demi pour cette

2 semaine-là.

3 Hier, il a été précisé aux parties, que pour différentes raisons, la

4 Chambre de première instance souhaiterait terminer le témoignage de M.

5 Babic. Nous ne savons pas au jour d'aujourd'hui si nous pouvions faire cela

6 le 7 ou même le 8 juin. Nous allons avoir un problème, en tout cas, pour ce

7 qui est du témoignage de M. Babic. Voilà où nous en sommes. Nous avons des

8 problèmes concernant nos programmes pour la semaine, hormis la préparation

9 de l'Accusation, la préparation du témoin. Lorsque j'ai dit que nous

10 pourrions peut-être consacrer davantage de temps à M. Babic dans le cadre

11 de l'interrogatoire principal, nous avons de toute façon des contraintes de

12 temps même si on ne tient pas compte de son témoignage en particulier. Il

13 serait peut-être important de mettre à l'ordre du jour ces différents

14 points cet après-midi, lors de notre réunion, si cela agrée à la Défense et

15 en l'absence de M. Krajisnik.

16 Comme je vous l'ai dit, la Chambre pense que ces différents extraits du

17 compte rendu d'audience doivent avoir un lieu, autant que faire se peut

18 avec le témoignage viva voce du témoin. Si pour finir, il resterait encore

19 des domaines pour lesquels l'Accusation ne pourrait pas établir un lien

20 avec le témoignage viva voce, à ce moment-là, l'Accusation pourrait

21 présenter une requête consolidée aux Juges de la Chambre. A ce moment-là,

22 il faudrait clairement donner et citer tous les numéros des pages du compte

23 rendu d'audience, et non pas 95 à 99 %. Il faudrait véritablement procéder

24 à une sélection dans ce cas-là, et les différentes pages seraient proposées

25 comme versement au dossier, et le lien et la pertinence avec les

Page 3163

1 paragraphes correspondant dans l'acte d'accusation, C'est important pour

2 que les Juges puissent vérifier les éléments présentés en l'application du

3 92 bis (D).

4 Si on peut rappeler aux parties que la Chambre de première instance hésite

5 à autoriser l'application de l'Article 92 (D), pourra ajouter des éléments

6 de preuve supplémentaires lorsqu'un témoin a beaucoup de temps pour

7 témoigner viva voce, et qu'il serait bon d'en faire une règle générale. Il

8 faut essayer d'établir un lien, de le faire entrer dans ce témoignage. Nous

9 avons beaucoup de temps pour ce témoignage viva voce et nous avons beaucoup

10 d'éléments et de documents en application de l'Article 92 bis (D).

11 Voilà ce que je puis vous proposer comme élément pour l'instant. De toute

12 façon, ce n'est un secret pour personne qu'il y a une réunion entre les

13 deux parties cet après-midi. Nous allons nous retrouver au cours de cette

14 réunion. Si vous avez d'autres points d'ordre pratique, il faudra aborder

15 ces questions cet après-midi.

16 La réunion se tiendra dans la pièce 097 et non pas dans le bureau des

17 Juges.

18 Nous avons déjà trois minutes de retard. S'il n'y a pas d'autres points que

19 vous souhaiteriez aborder, nous allons suspendre l'audience jusqu'à 9

20 heures, mardi matin.

21 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mardi 1er juin

22 2004, à 9 heures 00.

23

24

25