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1 Le mardi 22 juin 2004
2 [Audience à huis clos]
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3 [Audience publique]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Okun. Avant de déposer
6 devant ce Tribunal, le règlement de procédure et des preuves exige que vous
7 prononciez une déclaration solennelle en vertu de laquelle vous direz la
8 vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Ce texte vous sera remis par
9 Mme l'Huissière.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.
13 LE TÉMOIN : HERBERT OKUN [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Okun, c'est le représentant de
16 l'Accusation qui va vous interroger.
17 Monsieur Tieger, vous avez la parole.
18 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Interrogatoire principal par M. Tieger:
20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur Okun.
21 R. Bonjour, Monsieur.
22 Q. Monsieur Okun, je souhaiterais fournir d'abord à la Chambre un aperçu
23 général de votre carrière, sans entrer dans les détails. Je souhaiterais
24 simplement évoquer les points-clé de votre carrière. Pourriez-vous les
25 confirmer.
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1 Tout d'abord, vous travailliez pour le service des Affaires étrangères des
2 Nations Unies entre 1955 et 1991. L'un des moments les plus fondamentaux de
3 votre carrière, alors que vous travailliez pour l'ambassade des Etats-Unis,
4 lors de la crise des missiles au début des années 1960. Vous étiez
5 responsable de la traduction des lettres envoyées par Khruschev à Kennedy.
6 C'était lors de la crise à Cuba; est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous étiez conseiller auprès du commandant en chef de l'OTAN en
9 Méditerranée, basé à Naples. Vous deviez faire rapport sur la situation en
10 Yougoslavie à l'époque ?
11 R. Oui, entre 1973 et 1975.
12 Q. A la fin années 1970, vous étiez président de la Conférence SALT II,
13 sur la limitation des armes stratégiques; est-ce exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez également servi en tant qu'ambassadeur des Etats-Unis en
16 République démocratique allemande à Berlin entre 1980 et 1983.
17 R. Oui.
18 Q. Vous étiez adjoint au représentant permanent et ambassadeur des Etats-
19 Unis auprès des Nations Unies entre 1985 et 1989.
20 R. Oui.
21 Q. Vous étiez conseiller spécial, ensuite, adjoint à l'envoyé du
22 secrétaire général des Nations Unies entre 1991 et 1997. Vous vous êtes
23 occupé essentiellement de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine entre 1991
24 et 1993. Ensuite, vous vous êtes occupé du litige entre la Grèce et la
25 Macédoine entre 1993 et 1997.
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1 R. Oui.
2 Q. De septembre 1992 à mai 1993, vous étiez co-président adjoint de la
3 conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie.
4 R. C'est exact.
5 Q. En 1996 et 1997, vous étiez conseiller spécial auprès de la Commission
6 internationale chargée des personnes disparues en Yougoslavie.
7 R. Oui.
8 Q. Au cours des années 1990, vous avez donné des cours à la Faculté de
9 droit d'Yale aux Etats-Unis. Vos cours portaient sur le droit
10 international, les institutions internationales. Vous avez également donné
11 des cours à l'école des Hautes études internationales de l'université John
12 Hopkins, près de Washington.
13 R. Oui, au début de 1992, j'enseignais à Yale. J'y ai enseigné jusqu'à
14 2000 ou 2001. Ensuite, j'ai enseigné à John Hopkins.
15 Q. Je souhaiterais que nous parlions plus précisément de votre expérience
16 dans le domaine des négociations. Je souhaiterais vous parler de votre
17 expérience en matière de négociation de traités, notamment, en ce qui
18 concerne l'Union soviétique.
19 A combien de traités avez-vous participé pour ce qui est des négociations ?
20 R. A trois, de façon importante, à un autre traité, mais dans une moindre
21 mesure. Quatre au total.
22 Q. Avez-vous été impliqué dans la négociation du traité sur la haute mer ?
23 R. Oui, j'étais vice-président de la délégation américaine entre 1971 et
24 1972, chargée de négocier l'accord sur la prévention des incidents en haute
25 mer. Ce traité a été signé en mai 1972 lors de la réunion au sommet entre
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1 le président Nixon et le président Brezhnev.
2 Q. Avez-vous également participé aux négociations SALT I ?
3 R. Oui, mais je n'ai pas joué un rôle important.
4 Q. Comme je l'ai dit plus tôt, vous avez participé à la négociation des
5 accords SALT II, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, je faisais partie de l'équipe qui a négocié le traité SALT II avec
7 l'Union soviétique. Ce traité a été signé lors du sommet auquel j'ai
8 participé et auquel ont participé le président Carter et le président
9 Brezhnev, qui s'est tenu à Vienne en juin 1979.
10 Q. Vous avez également participé aux efforts visant à signer un traité sur
11 l'interdiction des essais, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. J'étais vice-président de la délégation américaine lors des
13 négociations entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Union soviétique, en
14 vue de la négociation d'une interdiction des essais. Ce traité n'a jamais
15 été parachevé.
16 Q. Tout à l'heure, j'ai parlé de votre implication eu égard à l'ex-
17 Yougoslavie au cours de la période allant de 1991 à 1993. Je pense qu'il
18 est important d'entrer plus en détails au sujet de votre participation, de
19 la nature des efforts qui étaient menés à l'époque. Tout d'abord, avez-vous
20 participé à la conférence sur l'Yougoslavie et, le cas échéant, qu'avez-
21 vous fait au juste ?
22 R. La Conférence sur l'Yougoslavie a été organisée par la Communauté
23 européenne lorsqu'elle est devenue active au début du conflit armé qui a
24 éclaté en ex-Yougoslavie à l'été 1991. Cela a commencé en septembre 1991,
25 et s'est terminé en août 1992. Cette conférence a toujours été menée sous
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1 la direction de la présidence de Lord Carrington, l'ancien ministre des
2 Affaires étrangères britanniques. Il s'agissait d'une conférence organisée
3 par la Communauté européenne afin de parvenir à une solution politique à la
4 crise yougoslave compte tenu de la désintégration du pays. Il s'agissait de
5 trouver une solution pacifique à cela. Cette conférence s'est réunie
6 régulièrement. J'ai assisté à plusieurs réunions en tant qu'observateur
7 parfois avec le secrétaire Vance, parfois seul. En notre qualité de
8 représentant du secrétaire général des Nations Unies, nous n'avons joué
9 aucun rôle opérationnel dans la conférence qui était organisée par la
10 Communauté européenne et à laquelle participaient les six républiques
11 yougoslaves et les gouvernements d'ex-Yougoslavie.
12 Cette conférence s'est déroulée entre septembre 1991 et août 1992. Elle
13 s'est tenue dans plusieurs villes. Tout d'abord, à La Haye, à l'automne
14 1991, car les Néerlandais étaient à la présidence de la Communauté
15 européenne entre juillet et décembre. Au cours du premier semestre 1992,
16 cette conférence s'est tenue parfois à Bruxelles, parfois à Lisbonne,
17 parfois à Londres, car les Portugais faisaient partie de la présidence
18 rotative. Après le mois de juillet 1992, le Royaume-Uni a repris la
19 présidence de la Communauté européenne, et la conférence de Londres s'est
20 tenue. Cela a été la dernière conférence organisée par la Communauté
21 européenne sur l'Yougoslavie. Une nouvelle conférence devait être organisée
22 par la suite.
23 Q. Deux petits éclaircissements : tout d'abord, j'ai noté à la page 43 du
24 compte rendu d'audience, que la conférence s'était tenue de façon
25 intermittente à des intervalles réguliers. Je pense que vous avez dit
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1 irréguliers, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, irréguliers.
3 Q. Deuxièmement, vous avez dit que la conférence s'était tenue dans
4 plusieurs villes car cela dépendait du pays qui étaient à la présidence de
5 la Communauté européenne, à l'époque. Est-ce que cette conférence était
6 évoquée dans les médias en fonction de la ville où elle se tenait ?
7 R. Oui, au début on parlait de la Conférence de La Haye. Par la suite, on
8 l'appelait la Conférence de Bruxelles, la Conférence de Londres. C'est un
9 peu confus, mais il s'agissait toujours d'une seule et même conférence qui
10 concernait l'Yougoslavie. Comme vous le savez, la presse aime bien
11 raccourcir les choses et doit le faire.
12 Q. Je veux parler maintenant de la nouvelle conférence qui a été convoquée
13 durant l'été 1992. Je souhaite vous demander si la Conférence de
14 l'Yougoslavie avait proposé un plan qui devait être appliqué en ex-
15 Yougoslavie. Comment s'intitulait ce plan, en termes généraux ?
16 R. Oui, effectivement. Un plan a vu le jour, un plan général qui devait
17 être appliqué aussi aux républiques. Ceci s'est passé au cours de la
18 conférence. Il y avait également toute une série de tentatives secondaires
19 qui visaient à trouver différentes solutions. Les combats étaient en cours
20 tout au long de la conférence, tout d'abord, en Croatie, ensuite, en mars,
21 en Bosnie et Herzégovine. Mais, au cours de l'automne 1991, lorsqu'il y
22 avait des combats intenses en Croatie au mois d'octobre -- je crois qu'il
23 s'agissait du 18 octobre -- Lord Carrington a préparé un plan de paix. Il a
24 jeté les fondements d'un accord. Je crois qu'on pourrait dire qu'il
25 s'agissait d'un divorce à l'amiable -- une séparation à l'amiable de ces
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1 différentes républiques. A cette conférence, cinq des six républiques
2 avaient accepté cela. Nous étions en octobre 1991. Ceci a été accepté par
3 la Slovénie, par la Croatie, par la Bosnie-Herzégovine, par la Macédoine
4 ainsi que par le Monténégro, mais ceci a été rejeté par la Serbie. Par voie
5 de conséquence, ce plan n'a pas abouti.
6 Avec le recul du temps, je crois pouvoir dire, qu'à ce moment-là, les
7 négociateurs sont arrivés très près d'un accord et d'une solution sur le
8 territoire de l'ex-Yougoslavie. C'était une solution assez complète. Il est
9 clair qu'une des parties a rejeté la solution proposée, étant donné que
10 cinq des parties avaient accepté la proposition de Carrington et une l'a
11 rejetée.
12 Q. Monsieur l'Ambassadeur, la Chambre de première instance a entendu un
13 certain nombre de choses sur la commission Badinter. Peut-être que vous
14 pourriez nous en parler brièvement, comment ceci avait un rapport avec la
15 conférence sur l'Yougoslavie et quel rôle ceci a joué.
16 R. La commission Badinter a été constituée, auparavant connue sous le nom
17 de commission d'Arbitrage, a également été créée par la Communauté
18 européenne au cours de l'été ou au début de l'automne 1991. Il s'agissait
19 de trouver des solutions à des questions juridiques assez graves qui
20 découlaient du démantèlement ou qui étaient à l'origine du démantèlement de
21 l'ex-Yougoslavie. Le président de cette commission était M. Badinter,
22 l'ancien garde de SO [phon]. Il y avait également des juges qui étaient des
23 juges de la Cour suprême, des pays de la Communauté européenne. C'étaient
24 des juges qui étaient des juges représentant ici leur pays et très
25 importants.
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1 Au cours de son existence, un certain nombre de décisions importantes ont
2 été prises, ont joué un rôle important, puisqu'ils ont aidé les
3 négociateurs européens. Ceci a permis de comprendre toutes les dimensions
4 de ce problème yougoslave.
5 Si vous voulez, je peux vous donner des exemples, mais je ne souhaite pas
6 ici abuser du temps de la Chambre de première instance.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, il ne s'agit pas d'une question de
8 temps, mais les parties sont un petit peu limitées dans le temps de parole
9 qu'ils ont. Si la Chambre souhaite poser des questions, elle le fera
10 certainement.
11 Je vous en prie, poursuivez.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous-même et le secrétaire Vance, vous avez
14 précisé que vous n'avez pas joué un rôle officiel dans la Conférence sur
15 l'Yougoslavie. Pourriez-vous nous dire de façon générale, s'il vous plaît,
16 quels efforts ainsi que le secrétaire Vance, vous avez déployé et au nom de
17 qui, s'il vous plaît, à ce moment-là ?
18 R. Oui. Notre rôle, hormis notre présence, et je dois dire que j'ai eu des
19 rapports étroits avec Lord Carrington. Lui et le secrétaire Vance étaient
20 des ministres des Affaires étrangères chacun respectivement; ils se
21 connaissaient fort bien. Ils avaient confiance l'un dans l'autre et ils ont
22 coopéré à 100 %. Notre rôle était différent. Il s'agissait de savoir et de
23 comprendre ce qu'il se passait en Croatie. Nous avons essayé d'établir les
24 faits là-dessus. Lorsqu'il nous est apparu clairement que les efforts
25 déployés par la Communauté européenne pour obtenir un cessez-le-feu avait
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1 échoué très souvent, nous avons, à ce moment-là, décidé de mettre en place
2 une opération du maintien de la paix pour que les hostilités cessent en
3 Croatie. Car, comme je vous l'ai précisé un peu plus tôt, Monsieur Tieger,
4 la Communauté européenne couvrait toutes les activités des combats en
5 Croatie. Il ne s'agissait pas seulement d'être présent lors de la
6 Conférence sur l'Yougoslavie.
7 Par exemple, il y avait des centaines d'observateurs de la Communauté
8 européenne sur le terrain faisant partie de commission de la MCCE des
9 moniteurs de la Communauté européenne sur le terrain. Toutes ces personnes
10 étaient déployées sur l'ensemble du territoire en Croatie. Ils essayaient
11 de découvrir des éléments d'information, et ont, de façon unilatérale,
12 préparer un bon nombre de cessez-le-feu dont l'existence était éphémère car
13 ces cessez-le-feu étaient violés dès que l'encre avait séché sur le
14 document. Ceci était assez grave. On se souvient du siège de Vukovar, une
15 ville de plusieurs milliers d'habitants, 80 000 habitants, qui a été
16 complètement détruite.
17 Le secrétaire et moi-même, on nous avait enjoints de procéder, ou en tout
18 cas, d'œuvrer dans ce sens et d'arrêter des combats en Croatie. Ceci est
19 apparu clairement, la position d'une opération de maintien de la paix des
20 Nations Unies, si les parties en étaient d'accord, nous feraient parvenir à
21 cet objectif, à savoir, la fin des hostilités en Croatie. Nous oeuvrions
22 dans ce sens-là.
23 Q. Au cours de vos efforts, Monsieur l'Ambassadeur, vous et le secrétaire
24 Vance, vous avez rencontré les différent dirigeants en ex-Yougoslavie ?
25 R. Oui, effectivement, c'est le cas.
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1 Q. Qu'avez-vous fait pour essayer d'obtenir un cessez-le-feu et pour
2 mettre en place une opération du maintien de la paix ?
3 R. Nos efforts ont abouti le 2 janvier 1992, lorsque nous avons signé
4 l'accord valant mise en place d'un cessez-le-feu, accord auquel nous étions
5 parvenus à Genève le 23 novembre 1991.
6 Le 2 janvier 1992, le secrétaire Vance a rassemblé le général Raseta de la
7 JNA, l'armée populaire yougoslave et le ministère de la Défense Gojko Susak
8 de la République de Croatie. Il les a fait venir pour signer ce qui
9 correspondait à un accord sur la cessation des hostilités. C'était chose
10 faite. Cela a marché. L'accord a tenu. Après le 2 janvier, il n'y a plus eu
11 de combat en Croatie jusqu'à ce que les combats reprennent un an plus tard.
12 Bien sûr, il y avait quelques actes de violence de façon éparse en Croatie,
13 mais l'opération du maintien de la paix a été mise en place le mois
14 suivant, au mois de février 1992, et a été validé par le conseil de
15 sécurité de l'ONU. Ce qui a permis à la force du maintien des Nations Unies
16 appelée FORPRONU d'aller sur le terrain.
17 Q. Monsieur l'Ambassadeur, après la signature de cet accord, la cessation
18 des hostilités, les efforts déployés par le secrétaire Vance et vous-même
19 par rapport à l'ex-Yougoslavie, ces efforts se sont-ils poursuivis ?
20 R. Ces efforts se sont poursuivis. Mais notre attention, de façon
21 générale, après le mois de janvier, s'est tournée vers deux régions, deux
22 éléments, en particulier. Il s'agissait de s'assurer de la cessation des
23 hostilités. Il y a eu plusieurs des dizaines de cessez-le-feu proposés par
24 la Communauté européenne, comme je vous l'ai dit. Ces cessez-le-feu
25 n'étaient jamais impliqués. Il s'agissait d'observer également ce qui se
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1 passait.
2 L'autre élément qui était important, c'était la situation qui s'aggravait
3 en Bosnie-Herzégovine et qui était un sujet de préoccupation pendant de
4 toute cette période. Mais toute personne, qui était liée à ces évènements,
5 qui avait un lien avec ces évènements en Yougoslavie, avait les yeux
6 tournés sur la Bosnie-Herzégovine car tout le monde savait que c'était,
7 indéniablement, le cas que, si les violences reprenaient, on savait
8 qu'elles reprendraient en Bosnie-Herzégovine.
9 Q. Ce qui inquiétait tout un chacun était la crainte que ce qui s'était
10 produit en Croatie se reproduirait en Bosnie-
11 Herzégovine ?
12 R. Oui. De façon générale, c'était cela.
13 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît, très rapidement, ce
14 que vous avez appris au cours des efforts que vous avez déployés pour
15 obtenir ce cessez-le-feu en Croatie ? Tout d'abord, saviez-vous que des
16 efforts avaient été déployés pour déplacer des personnes, ou transférer des
17 personnes par la force en Croatie afin que le territoire puisse être
18 revendiqué par un autre groupe ethnique ?
19 R. Oui, certainement. C'était, tout à fait, le cas. Nous avons vu cela de
20 nos propres yeux, très souvent.
21 Simplement pour vous donner un exemple, le secrétaire Vance et moi-même,
22 ainsi que d'autres membres de notre équipe, nous étions à Vukovar un jour
23 après que cette ville soit tombé aux mains des forces serbes. Le lendemain,
24 au 1er novembre 1991, nous étions sur place. Il se trouve que c'était une
25 tentative qui a échoué. Il s'agissait d'empêcher les Serbes de Croatie et
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1 la JNA de tuer les prisonniers qui étaient détenus dans l'hôpital de
2 Vukovar. Ceci a été évoqué dans la presse et a été rapporté devant ce
3 Tribunal.
4 Avant cela, nous avions visité des camps de réfugiés, ainsi que des camps
5 de personnes déplacées. Ils étaient là en centaines, il y avait des
6 milliers de Croates, dans ce cas, les Croates avaient été déplacés de la
7 Slavonie orientale par la JNA et par les forces irrégulières serbes. Nous
8 avons pu leur parler. Nous savions qui étaient les gens de la JNA et nous
9 savions qui étaient les forces paramilitaires serbes. On a vu les hommes
10 d'Arkan. Nous ne les avons pas rencontrés. Une proposition avait été faite
11 à cet égard, une offre que nous avons refusée. Nous ne souhaitions pas
12 rencontrer les hommes d'Arkan. Nous avons vraiment vu, de nos propres yeux,
13 le mode opératoire pratiqué par les Serbes en Croatie.
14 Q. Je sais que vous avez beaucoup témoigné sur ce sujet. Simplement,
15 rapidement, saviez-vous qui ou quel parti politique avait le contrôle de la
16 JNA ?
17 R. Oui, c'était le Président Milosevic.
18 Q. Vous avez dit un peu plus tôt, Monsieur l'Ambassadeur, que la
19 conférence sur l'Yougoslavie, que vous avez décrite, a été suivie par
20 d'autres conférences sur l'Yougoslavie. Pourriez-vous nous dire quel était
21 l'objet de ceci ?
22 R. Ceci a vu le jour lors d'une conférence qui s'est tenue à Londres à la
23 fin du mois d'août 1992, comme je viens de vous le dire. Cette conférence
24 avait été convoquée par le gouvernement britannique, en qualité de
25 président de la Communauté européenne. Il était clair pour tout le monde, à
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1 ce moment-là, que la conférence sur l'Yougoslavie n'avait pas réussie à
2 négocier une solution pacifique. Non seulement les combats n'avaient pas
3 cessé, mais les combats s'étaient intensifiés. Même si on entendait moins
4 de coups de feu en Croatie, les combats reprenaient en Bosnie. Il y avait
5 une conférence parallèle, présidée par le président Cutileiro, qui avait
6 échoué. On estimait, à ce moment-là, qu'il fallait œuvrer davantage dans ce
7 sens. Il était important d'organiser une conférence avec la co-présidence
8 des Nations Unies et de la Communauté européenne. Comme je l'ai précisé ce
9 matin, le secrétaire Vance et moi-même, nous agissions au nom des Nations
10 Unies et du secrétariat général et du conseil de Sécurité des Nations
11 Unies. En général, c'était tous deux. Quelquefois, il y avait d'autres
12 représentants aussi. Nous étions, évidemment, tous les deux en présence du
13 secrétaire Vance.
14 Aussitôt la Conférence de Londres terminée, cette conférence, organisée
15 conjointement par la Communauté européenne et les Nations Unies, s'est
16 réunie à Genève en septembre. Cette conférence a été intitulée :
17 "Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, CIEY." Cette conférence
18 était présidée par le secrétaire Vance des Nations Unies. J'étais co-
19 président adjoint et Lord Carrington s'est retiré et a été remplacé par
20 Lord Owen. Lord Owen était co-président et représentait la Communauté
21 européenne, assisté de l'ambassadeur Peter Hall, qui était son adjoint.
22 Le rôle de cette conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie était de
23 reprendre les travaux de Lord Carrington, pour autant que cela soit
24 possible, sur toutes les questions concernant le démantèlement de
25 l'Yougoslavie et, plus particulièrement, il était important de mettre en
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1 place un plan de paix, un plan sur lequel tout le monde pourrait tomber
2 d'accord, un plan de paix pour la Bosnie-Herzégovine.
3 Q. Monsieur l'Ambassadeur, comment la conférence a-t-elle pu réaliser cet
4 objectif ?
5 R. Il s'agissait de négocier avec les partis. Ceci s'est passé de façon
6 continue. La conférence siégeait souvent, à l'inverse de la Conférence sur
7 l'Yougoslavie, il y avait parfois des absences de plusieurs semaines avant
8 que la conférence ne puisse être reconvoquée. Il y avait, à cette
9 conférence, le secrétaire Vance, Lord Owen et moi-même. Nous nous
10 réunissions très souvent, nous étions à Sarajevo, à Banja Luka. Nous étions
11 très souvent en Yougoslavie pour rencontrer les différents partis. Nous
12 avons vraiment travaillé, de façon très intense.
13 Comme vous pouvez l'imaginer, nous ne rentrions pas chez nous. Nous avons
14 vécu à Genève pour être plus prêts du terrain pendant toute cette période
15 de 1992 jusqu'au mois de février 1993. Nous travaillons 24 heures sur 24 à
16 cause de l'intensité des combats en Bosnie.
17 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ou
18 parler un petit peu, de la manière dont cette conférence sur l'ex-
19 Yougoslavie a travaillé, et à quelles conclusions sont arrivés les membres
20 de cette conférence ?
21 R. Le point culminant a été la présentation par les partis d'un plan, qui
22 a été appelé le plan de Genève, ou le plan Vance-Owen. Il s'agissait de
23 terminer la guerre, de mettre fin à la guerre en Bosnie, ce, au mois de
24 janvier 1993. Ceci avait été évoqué à maintes reprises, évidemment, elle
25 faisait l'objet de nos discussions pendant tous les mois qui ont précédés
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1 cette date, et ont été présentés aux parties en janvier 1993.
2 Q. Avant rentrer dans les détails de ces débats et de ces pourparlers, je
3 vais vous demander si ces pourparlers se sont poursuivis et si des échanges
4 ont eu lieu entre les représentants de cette Conférence internationale sur
5 l'ex-Yougoslavie et les parties, et quelles ont été les conclusions de ces
6 négociations, après que cette présentation a été faite.
7 R. Oui. Bien sûr, après la présentation de ce plan, certains
8 l'acceptaient. D'autres rejetaient certains éléments. C'était un plan assez
9 complexe à certains égards. La conférence s'est tenue, au mois de février,
10 à New York, de façon à être plus près des Nations Unis, et des
11 décisionnaires à Washington. Les pourparlers se sont poursuivis, certains
12 changements ont été adoptés, certains amendements ont été apportés.
13 Pour finir, au printemps de l'année 1993, la situation était comme
14 suit, les Croates de Bosnie avaient accepté à 100 % le plan Vance-Owen. Ils
15 avaient accepté le plan initial qui avait été rédigé à Genève. Le
16 gouvernement de Bosnie, la partie musulmane a accepté ce plan en mars 1993,
17 à la fin du mois de mars. Ils ont émis quelques réserves, mais ne s'y
18 opposaient pas.
19 A ce moment-là, au mois d'avril, la seule partie qui n'avait pas
20 accepté ce plan était les Serbes de Bosnie. Nous avons, à ce moment-là,
21 déployé de nouveaux efforts car nous souhaitions qu'ils signent cet accord.
22 C'est le 2 mai 1993 qu'ils ont, effectivement, signé cet accord à Athènes,
23 en Grèce. Le gouvernement grec a convoqué cette conférence et le Dr
24 Karadzic a signé au nom des Serbes de Bosnie et à condition que ce document
25 soit avalisé par l'assemblée serbe de Bosnie. Il est vrai, qu'il a fait
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1 montre d'un certain nombre de réticences. Ensuite, au mois de mai, vers la
2 mi-mai, l'assemblée serbe de Bosnie a rejeté dans sa totalité le plan
3 Vance-Owen, les choses se sont terminées ainsi.
4 Tout au long de cette période, les combats se poursuivaient en Bosnie, car
5 il n'y a jamais eu de cessation des hostilités, nous n'y sommes jamais
6 parvenus. Les négociateurs, malgré un nombre d'heures incalculables de
7 travail et malgré les efforts déployés par un certain nombre de
8 gouvernements, n'ont jamais réussi à empêcher les Serbes de bombarder
9 Sarajevo. Les bombardements se sont poursuivis au cours de toute cette
10 période. Il est vrai qu'au cours de cette conférence, nous étions tous très
11 focalisés là-dessus, ceci faisait l'objet de tous nos efforts comme vous
12 pouvez le comprendre.
13 Q. Monsieur l'Ambassadeur, d'après tous les efforts que vous avez
14 déployés, de la manière dont vous l'avez décrit, vous dites avoir rencontré
15 les dirigeants des différents partis, à différentes époques. Avez-vous eu
16 l'occasion de rencontrer les dirigeants des Serbes de Bosnie ?
17 R. Oui, bien entendu. C'était, tout à fait, nécessaire de rencontrer les
18 dirigeants des différentes parties belligérantes en présence. Nous avons
19 rencontré les Serbes de Bosnie, nous avons rencontré les Serbes de Croatie
20 et le gouvernement bosniaque qui était Musulman. Nous avons rencontré les
21 Serbes de Bosnie avant le début des combats. Notre première réunion avec le
22 Dr Karadzic, par exemple, le secrétaire Vance et moi-même était en mois de
23 décembre 1991, lorsque les combats se poursuivaient en Croatie, à ce
24 moment-là, il n'y avait pas de combats en Bosnie. Nous avons rencontré le
25 Dr Karadzic en décembre 1991 à la suggestion de M. Milosevic car il
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1 s'inquiétait de l'avenir et craignait ce qui pouvait se produire en Bosnie.
2 Il est vrai que ses craintes ont été vérifiées et que ceci a évolué de
3 façon tragique. Il était important d'entendre l'autre partie dans ce cas,
4 l'autre partie puisque nous nous adressions à d'autres parties en Bosnie.
5 On nous a demandé : "Si on voulait parler avec les Serbes de Bosnie." Nous
6 avons répondu par l'affirmatif. En l'espace d'une heure, on nous a fait
7 entré dans le bureau de Dr Karadzic, à Belgrade.
8 Q. Monsieur l'Ambassadeur, j'ai un certain nombre de questions concernant
9 cette réunion, en particulier. Avant d'y venir, j'aimerais vous demander
10 rapidement si vous avez eu l'occasion de rencontrer M. Krajisnik à
11 plusieurs reprises au cours de vos efforts?
12 R. Oui, nous avons rencontré M. Krajisnik, pas aussi souvent que le Dr
13 Karadzic, mais au moment le plus difficile après le mois de janvier 1991
14 lorsque le plan de paix était devant nous. Nous y avons consacré de longues
15 heures.
16 Nous connaissions le président Karadzic au cours de cette période,
17 bien sûr, nous le connaissions de nom, nous le connaissions de réputation
18 parce que c'était un homme important, c'était un dirigeant serbe de Bosnie
19 important.
20 Q. Je souhaite, ensuite, parler du journal que vous avez rédigé. Vous en
21 avez rédigé plusieurs. Je suppose que vous n'avez pas fait le décompte du
22 nombre de fois où vous avez rencontré les dirigeants serbes de Bosnie, par
23 exemple, M. Krajisnik, en particulier, mais je vais vous demander si vous
24 êtes d'accord avec moi si je vous dis que vous les avez rencontrés 50 à 60
25 à peu près, les dirigeants serbes de Bosnie.
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1 M. STEWART : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, je me
2 demande simplement si M. Tieger est satisfait de sa réponse précédente.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Janvier 1991 est un souci ici, si on
4 parle du plan de paix. J'étais sur le point de relire ceci et j'étais sur
5 le point de demander à M. Tieger de procéder à une vérification de cette
6 réponse car on peut lire ici : "Au moment difficile, en janvier 1991
7 lorsque le plan de paix était mis en place."
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci beaucoup. Bien évidemment, il doit
9 s'agir du mois de janvier 1993.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Simplement, nous allons vérifier.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est janvier 1993. Pardonnez-moi pour ce
12 lapsus, s'il vous plaît.
13 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bien, Monsieur
14 l'Ambassadeur.
15 M. STEWART : [interprétation]
16 Q. Je souhaite vous demander, Monsieur l'Ambassadeur, si vous acceptez
17 l'idée suivante, lorsque vous faites le décompte du nombre de réunions avec
18 les représentants serbes de Bosnie, il y en avait 50 ou 60. Il y en avait,
19 peut-être, 25 au cours desquelles M. Krajisnik était présent ?
20 R. Je ne les ai jamais comptées, mais c'est à peu près dans cet ordre
21 d'idée. Bien sûr, les réunions étaient plus au moins longues 30 à 40
22 minutes, trois, quatre ou cinq heures, cela dépendait. Nous avons eu
23 plusieurs réunions.
24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez, brièvement, parlé de votre
25 expérience en tant que négociateur. Je vais vous demander est-ce important
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1 lorsque vous négociez ainsi pour que des personnes qui négocient ainsi
2 évaluent la situation et évaluent la situation politique de leurs
3 interlocuteurs ?
4 R. Oui, oui, bien sûr, c'est même un élément fondamental ici.
5 Q. S'agit-il d'une compétence que des personnes, qui occupent ce genre de
6 fonction et ce niveau de responsabilité dans de telles négociations,
7 tentent de développer et de rendre perceptible au fil des ans ?
8 R. Oui, c'est quelque chose qu'on apprend sur le terrain. Il est vrai
9 qu'il faut connaître le contenu de la proposition, mais il faut savoir à
10 qui l'on s'adresse, il faut savoir qui représente ces personnes ? Il faut
11 connaître leur niveau d'autorité, c'est très important et on juge ces
12 interlocuteurs face à face. On peut les juger ainsi, on sait également ce
13 que d'autres disent sur eux, on sait ce qu'ils ont fait. Oui, c'est comme
14 cela que l'on agit. C'est important de savoir qui est qui.
15 Q. Vous avez rencontré M. Krajisnik à plus de 25 reprises dans un contexte
16 de négociations très sérieuses que vous nous avez décrites. Je vous
17 prierais de donner à la Chambre votre évaluation de son importance. De
18 l'importance qu'il avait et de l'autorité qu'il avait en tant que dirigeant
19 des Serbes de Bosnie.
20 R. Le président Krajisnik était l'un des deux représentants les plus
21 importants à des Serbes de Bosnie, et l'autre était bien sûr, le Dr
22 Karadzic. Il était le président de l'assemblée, il était membre du SDS, le
23 parti politique des Serbes de Bosnie. Il était sur le comité exécutif. Il
24 était également membre du conseil de sécurité. C'était quelque chose qui
25 nous était connue. C'était de connaissance publique. Il était
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1 incontestable. Karadzic évoquait son nom fréquemment lorsqu'il ne se
2 trouvait pas dans la même pièce.
3 Il est également important de dire que nous nous sommes rencontrés plus
4 souvent au début avec le Dr Karadzic. Nous avons rencontré plus souvent le
5 Dr Karadzic et Nikola Koljevic, les deux parlent un anglais excellent. M.
6 Krajisnik, au moment où j'avais des rapports avec lui, en 1992 et 1993,
7 d'après ce que j'ai pu conclure, ne parlait pas anglais. Il s'agissait
8 d'une certaine barrière mais il était incontestable que, lorsqu'il se
9 trouvait dans la pièce, lorsqu'il était à l'extérieur de la pièce, il était
10 néanmoins présent.
11 Pour vous citer un exemple, au moment le plus critique, au mois d'avril
12 1993, lorsque les Serbes de Bosnie où le seul parti qui n'avait pas ratifié
13 le plan Vance-Owen, n'avait pas ratifié, d'énormes pressions avaient été
14 faites sur les Serbes de Bosnie, pour qu'ils signent ce plan. Le président
15 Milosevic a appelé M. Vance depuis Belgrade, Vance se trouvait à New York,
16 à ce moment-là, et j'étais bien sûr en ligne avec eux, au téléphone et ces
17 paroles, les paroles qu'il venait de dire après les salutations,
18 c'étaient : "Je viens de parler avec Karadzic et Krajisnik, et il a dit
19 qu'ils ont accepté." Il n'a même pas mentionné, il n'a pas du tout
20 mentionné Biljana Plavsic, à ce moment-là.
21 C'était incontestable qu'il s'agissait de quelqu'un de très important. M.
22 Krajisnik, pendant les réunions, était un participant important. C'était
23 absolument clair. Il n'y avait aucun doute dans notre esprit concernant
24 l'importance de M. Krajisnik. Pour ce qui est du triumvirat, Karadzic,
25 Krajisnik et Koljevic, je dirais qu'il y avait également un duumvirat
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1 consistant de Krajisnik et de Karadzic, car Koljevic jouait un rôle de plus
2 en plus amoindri. On pouvait voir qu'il perdait de l'importance en tant que
3 négociateur, en tant que personne qui ait rencontré les homologues et qui
4 ait parlé avec ces interlocutoires de façon constante, je pouvais voir que
5 Koljevic perdait de l'importance et Plavsic également.
6 Q. Ambassadeur, vous avez parlé de duumvirat, consistant du Dr Karadzic et
7 de M. Krajisnik. Vous est-il arrivé de les voir ensemble, de les voir
8 discuter. Est-ce que vous savez quels étaient les points de vue qu'ils
9 partageaient ?
10 R. Oui, bien sûr. C'étaient des personnes bien différentes. Le Dr Karadzic
11 est une personne émotive, volubile qui parlait énormément. Il exagère
12 souvent, il fait des déclarations outrageusement étonnantes, alors que M.
13 Krajisnik, lors d'une des réunions que j'avais avec lui, était plutôt
14 réservé. C'était plutôt un homme sérieux. Ils avaient des contacts faciles,
15 je ne pouvais jamais constater d'animosité entre eux. Je n'aurais même pas
16 pensé qu'il en existait, mais, pour ce qui est du comportement des deux
17 personnes, c'était deux personnes bien distinctes. Ce sont deux types de
18 personne bien différents. Karadzic est une personne très intelligente, mais
19 il était plutôt, de façon décousue, il était beaucoup plus extravagant,
20 alors que M. Krajisnik était beaucoup plus réservé, plus posé.
21 Q. Ambassadeur, dites-nous si les deux, interagissaient ensemble en tant
22 que personne, en tant qu'égal à égal. C'étaient deux personnes du même
23 niveau, ils se respectaient ?
24 R. Oui, tout à fait. Il était tout à fait clair que le Dr Karadzic
25 traitait M. Krajisnik en tant qu'égal.
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1 Q. Y avait-il des points de vue divergeant dans leurs points de vue ?
2 R. Non, les deux maintenaient les objectifs des dirigeants des Serbes de
3 Bosnie. Ils s'en parlaient, ouvertement et en privé, ils disaient
4 clairement ce qu'ils voulaient, ce dont ils avaient besoin. Il y avait,
5 bien sûr, des différences sur certains points dont les deux insistaient. Je
6 pourrais citer quelques exemples.
7 M. Krajisnik insistait plutôt plus, que le Dr Karadzic sur Sarajevo, et
8 l'importance de partager la ville en deux sections, section serbe et
9 section musulmane. Cela ne nous avait pas surpris puisque nous savions
10 qu'il était né à Sarajevo, qu'il avait grandi à Sarajevo, il représentait
11 Sarajevo au parlement, alors que Karadzic était né au Monténégro. Il y
12 avait habité à Sarajevo, mais c'était un Monténégrin et il était fier
13 d'être Monténégrin. Il l'a mentionné fréquemment. C'était peut-être une
14 différence concernant l'emphase que l'on mettait sur un point, mais il n'y
15 avait pas vraiment de différence qualitative, si vous voulez.
16 Karadzic parlait, en fait, énormément du génocide mené contre les
17 Serbes. Il était très rare d'avoir une conversation, à quel que moment que
18 ce soit, concernant quelque sujet que ce soit, sans que le Dr Karadzic n'en
19 parle pas dans la première minute ou dans les trente premières secondes, de
20 parler du génocide qui avait été commis contre les Serbes pendant la
21 Deuxième guerre mondiale. Il aimait bien insister là-dessus.
22 Pour ce qui est de leur opinion, le Dr Karadzic et M. Krajisnik étaient les
23 personnes qui partageaient les objectifs des Serbes de Bosnie, qui avaient
24 les mêmes objectifs politiques.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, il serait peut-être bon
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1 de penser à la pause très bientôt.
2 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions peut-
3 être la prendre présentement.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous prendrons une courte
5 pause et nous reviendrons à 12 heures 45.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.
9 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Ambassadeur, juste avant la pause, vous nous aviez dit que M. Karadzic
11 et M. Krajisnik étaient en faveur des objectifs politiques serbes de
12 Bosnie. Pourriez-vous nous dire quels étaient ces buts de guerre, ces
13 objectifs politiques ?
14 R. Excusez-moi, mais le moniteur ne fonctionne pas.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière va faire en sorte qu'il
16 se présente devant vous. Est-ce que vous avez la transcription sous les
17 yeux, Monsieur ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci.
19 Les trois parties impliquées dans le conflit avaient des buts. Le but des
20 Serbes de Bosnie était assez clair, et dit publiquement, il y en avait six,
21 en fait. Il y avait six objectifs principaux.
22 C'est d'avoir leur propre État, la Republika Srpska. Deuxième objectif,
23 l'État devait avoir une frontière continue avec la Serbie, et non pas une
24 frontière interrompue. Troisièmement, l'objectif était d'avoir une
25 république qui était ethniquement pure, par le biais du nettoyage ethnique.
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1 Quatrièmement, d'avoir des liens spéciaux avec l'Yougoslavie ou avec la
2 Serbie. Le cinquième objectif consistait à diviser la ville de Sarajevo en
3 deux parties : en une partie serbe et une partie musulmane. Le sixième
4 objectif est d'avoir le pouvoir de veto sur le pouvoir résiduel qui
5 existerait en Bosnie-Herzégovine car, en 1992, il était devenu clair qu'il
6 existerait un État bosnien. Ils voulaient avoir le pouvoir décisionnaire.
7 C'était les six objectifs dont on a parlé.
8 Mais les autres parties avaient également leurs objectifs de guerre.
9 Q. Ambassadeur, vous avez fait référence, à plusieurs reprises, à votre
10 journal. Est-ce que vous avez gardé -- est-ce que vous avez pris des notes,
11 lors des réunions qui ont eu lieu, lors de la Conférence sur l'Yougoslavie
12 ou la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie ? Pourriez-vous nous
13 dire quel était le but de tenir des notes, de tenir un procès-verbal, plus
14 ou moins, qui était le vôtre ?
15 R. Je prenais des notes car je voulais savoir ce qui s'est passé. Je
16 voulais garder une trace de ce qui s'est passé. Cela est quelque chose de
17 très courant dans les cercles diplomatiques. M. Vance le fait également.
18 Mais je le faisais, car je voulais savoir exactement ce qui a été dit. Ils
19 nous arrivaient très souvent de nous trouver dans cinq villes différentes
20 et d'avoir plusieurs réunions par jour. Ce n'était pas, bien sûr,
21 inhabituel d'avoir des journées de 12 à 15 heures. Nous voulions faire en
22 sorte qu'une guerre s'arrête. Nous voulions arrêter cette guerre pour que
23 les gens innocents ne perdent leurs vies.
24 Il était très important de voir qui a dit quoi à qui. C'était la raison
25 pour laquelle je tenais un journal et je prenais des notes. Comme j'ai dit,
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1 le secrétaire Vance le faisait également. J'ai commencé en 1991, au mois
2 d'octobre 1991, et ces notes se trouvent, ici, sur cette chaise. Elles sont
3 très longues, je dois le dire. J'ai commencé à prendre des notes lors de
4 cette première réunion. Je n'ai jamais permis que ces notes soient
5 transcrites ou pour qu'elles deviennent propriété publique. Ces notes sont
6 restées sous clé en ma possession. Bien sûr, je m'en suis servi. A chaque
7 fois que j'ai dû m'en servir, je les ai consultées, je les ai relues de
8 temps en temps. Mais pour ce qui me concerne, ces notes ne sont pas passées
9 par d'autres mains que d'être transférées directement au Tribunal.
10 Q. Est-ce que c'est l'original de vos notes qui a été versé au dossier et
11 qui a été envoyé au Tribunal, et qui avait servi comme élément de preuve
12 lors de l'affaire Milosevic ?
13 R. Oui. C'est ce que l'on m'a dit, que c'était l'original. Effectivement,
14 ce sont mes notes qui s'y trouvent.
15 Q. Monsieur l'ambassadeur, vous nous avez dit que vous n'avez jamais
16 permis que ces notes soient publiées. Est-ce qu'on vous l'a demandé à
17 plusieurs reprises ?
18 R. Oui, bien sûr. Il n'est pas poli de prendre des notes. Lorsque j'avais
19 rencontré une personne et lorsque je parlais avec une seule personne, je
20 n'ai pas voulu prendre des notes en parlant à ces personnes, mais j'en
21 prenais plus tard. Certains journalistes savaient que je prenais des notes.
22 Ce n'était pas un secret. On m'a approché à plusieurs reprises pour me
23 demander si je voulais publier ou divulguer ces notes, mais je n'ai jamais
24 voulu.
25 Q. Vous avez toujours refusé de rendre ces notes publiques ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Toujours s'agissant de votre journal, est-il exact de dire que vous ne
3 vouliez pas prendre procès-verbal sténographique des propos dits lors de la
4 réunion ?
5 R. Oui. Je ne suis pas un sténographe. Je n'ai pas voulu prendre
6 textuellement chaque mot qui était dit lors des réunions. Ces notes étaient
7 conçues pour que l'essentiel y figure. Il n'est pas nécessaire d'ajouter
8 que lorsqu'on négocie avec quelqu'un, il y a plusieurs choses dites. Il est
9 très souvent courant d'entendre des propos répétés à plusieurs reprises. A
10 ce moment-là, il n'était pas nécessaire de prendre tout textuellement. Je
11 pouvais indiquer, par exemple, "et cetera, et cetera." A ce moment-là, je
12 savais que c'était quelque chose que nous avions déjà entendu auparavant.
13 Tout ce qui a été mis entre guillemets était quelque chose qui avait été
14 dit à ce moment-là. C'était des choses que je transcrivais textuellement.
15 Je ne mets jamais des guillemets si je n'ai pas retranscrit des propos de
16 quelqu'un. Je crois qu'à ce moment-là, ce sont des notes très précises des
17 réunions auxquelles j'ai assisté.
18 Q. Concernant les parties de votre journal qui ne sont pas entre
19 guillemets, vous avez essayé de paraphraser ce que vous entendiez ?
20 R. Oui, bien sûr. C'est toujours comme cela. J'écris les mêmes propos.
21 J'écris, par exemple, M. X a dit telle et telle chose est inacceptable. Je
22 n'ai pas cherché de synonyme. Par exemple, si M. X avait dit que c'est
23 "inacceptable", je ne cherchais pas de synonyme. Je transcrivais
24 textuellement ce que la personne avait dit.
25 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que
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1 l'on verse au dossier les notes de l'ambassadeur Okun, prises lors de la
2 Conférence sur l'Yougoslavie et de la Conférence internationale sur l'ex-
3 Yougoslavie.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
6 pièce P210. Ce document sera versé au dossier.
7 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, on m'informe que pour
8 des questions pratiques, il est peut-être mieux de les identifier de façon
9 séparée, d'identifier ceci comme des documents distincts. Un classeur qui
10 contiendrait les notes concernant la conférence sur l'Yougoslavie, un autre
11 sur la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois dans ce classeur : "La mission
13 Vance en Yougoslavie." Ensuite, nous voyons qu'il s'agit du 11 octobre
14 1991, et cela continu jusqu'au 6 mai 1992, et c'est séparé en sept parties.
15 Il y a sept journaux.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je vous aider ? Si vous souhaitez, je
17 veux vous expliquer comment peut être classé les choses.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Entre le mois d'octobre 1991 et le mois de mai
20 1992, j'ai libellé le tout comme étant la "Mission Vance," 1, 2, 3, 4, 5,
21 et cetera, puisque, de toute façon, c'était ainsi. C'était la Conférence
22 Vance. Au début de la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, au
23 mois de septembre 1992, plutôt que de poursuivre avec le titre "Mission
24 Vance", qui aurait été théoriquement possible, j'ai décidé de changer le
25 titre. Je les ai libellées ICFY 1, 2, 3, 4, 5. C'est en ordre
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1 chronologique.
2 Entre le mois de mai 1992 et le mois de septembre 1992, le fait qu'il ne
3 s'est rien passé, cela ne veut pas dire qu'il ne s'est absolument rien
4 passé, que nous n'avons pas fait d'effort de notre part, mais simplement
5 que les activités n'ont pas été aussi intenses. Lorsque nous nous sommes
6 rendus à Genève, il était tout à fait clair que nous allions prendre part
7 aux négociations qui avaient encore lieu au niveau le plus élevé. J'ai cru
8 qu'il était utile et essentiel de recommencer de nouveau.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons, dans notre classeur, la
10 première série jusqu'au mois de mai 1992. Est-ce que c'est ainsi que vous
11 aimeriez que les choses se passent ?
12 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il est
13 utile, que cela ne porte pas confusion de désigner tout l'ensemble de ces
14 documents et de les placer sous une cote. Je crois que cela ne porte pas à
15 confusion.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons procéder de la
17 sorte.
18 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation]
20 Q. Ambassadeur, je vous demanderais de porter votre attention sur
21 certaines entrées que vous avez faites au journal. Vous avez dit un peu
22 plus tôt que votre première réunion qui a eu lieu avec le Dr Karadzic a eu
23 lieu le 2 décembre 1991. Je pourrais peut-être attirer votre attention sur
24 cette date et sur cette réunion.
25 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais également
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1 dire que les notes de cette réunion sont assimilées dans notre logiciel
2 Sanction.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger. J'ai le
4 2 décembre. Est-ce qu'il y a une page en particulier que vous vouliez que
5 je regarde ?
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Ambassadeur, cette réunion a eu lieu après la réunion qui a eu lieu
8 avec M. Milosevic, si je comprends bien ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Est-il exact de dire qu'il vous a encouragé de rencontrer le Dr
11 Karadzic ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Ambassadeur, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques
14 entrées faites le 2 décembre. D'abord, à la page que vous avez indiquée
15 comme étant la page 45, vous avez vous-même indiqué cela au coin supérieur
16 droit. Il y a une entrée dont on voit l'abréviation "RK." Je présume qu'il
17 s'agit du Dr Karadzic. Je vous demanderais de nous dire ce que cette entrée
18 signifie.
19 R. Au dessus de "RK," vous pouvez voir "HSO," c'est moi-même. Je venais
20 tout juste de dire ou de parler de la formule de Rome, de l'importance de
21 la reconnaissance du démembrement de la République serbe. J'ai évoqué les
22 questions qui se sont passées en Bosnie. Vous pouvez voir ce qu'il suit :
23 il dit qu'il s'agit de quelque chose de très délicat. Il a dit : "Nous
24 avons un rôle spécial et nous devons diriger en Bosnie-Herzégovine." Nous
25 voulons dire que les Serbes de Bosnie avaient un rôle particulier, et que
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1 leur rôle était de diriger la Bosnie.
2 Il a poursuit pour dire que les Serbes en Bosnie-Herzégovine ne se sentait
3 pas en sécurité sans avoir un État fédéral, plus particulièrement, depuis
4 le vote qu'il avait appelé illégal, le vote du 15 octobre qui a eu lieu au
5 parlement bosnien à Sarajevo, vote en faveur de l'indépendance. Il venait
6 de dire clairement que le vote n'avait pas été accepté par les dirigeants
7 serbes de Bosnie.
8 Il poursuit avec le génocide de la Deuxième guerre mondiale. Il avait dit à
9 ce moment-là que la population serbe a été réduite au cours de la Deuxième
10 guerre mondiale, et il a dit qu'avant la Deuxième guerre mondiale, les
11 Serbes représentaient 44 % de la population bosnienne, alors que le
12 recensement de 1981 et de 1991 n'a compté que 31 %.
13 Il a poursuivi pour dire que les Serbes de Bosnie n'avaient pas un taux de
14 natalité très fort, et que le nombre diminuait.
15 Il a poursuivi pour dire qu'Izetbegovic, Alija Izetbegovic, le président de
16 Bosnie, voulait une République islamique et il a cité quelques exemples. Il
17 a dit : "Voilà, il est allé en Libye, un État arabe radical. Il ne s'est
18 pas rendu en Tunisie." Ensuite, il a dit que personne ne pouvait changer
19 l'attitude du peuple serbe qui voulait rester dans l'État fédéral, qui plus
20 tard avait été appelé un État composite. M. Karadzic, c'est lui qui a
21 utilisé le terme de "État composite". Il l'a employé très fréquemment ces
22 mots.
23 Karadzic poursuit en disant que c'est Tito qui a causé le plus de problèmes
24 au peuple serbe de Bosnie. J'ai écrit : "Tito nous a fait du tort," voulant
25 dire qu'il a fait du mal au peuple serbe de Bosnie. Il a changé des
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1 frontières. Il a ensuite dit : "Nous voulons la paix," et il a voulu que
2 l'on procède au changement.
3 Q. Ambassadeur, vous avez parlé de la préoccupation de
4 Dr Karadzic à mentionner le mot génocide. Vous avez dit qu'il mentionnait
5 ce terme assez souvent. Que voulait-il atteindre en vous parlant de
6 génocide de peuple serbe pendant la Deuxième guerre mondiale à vous et au
7 secrétaire Vance ?
8 R. Vous devriez poser cette question au Dr Karadzic réellement. Je
9 présume, si je puis vous donner ma propre opinion, qu'il a d'abord essayé
10 d'obtenir de la sympathie. Deuxièmement, il voulait nous informer sur le
11 génocide qui a eu lieu contre les Serbes. Nous avions connaissance de ce
12 génocide, bien sûr, bien avant de rencontrer le Dr Karadzic. Je m'étais
13 rendu en Yougoslavie pour la première fois en 1957, et je n'avais pas
14 besoin de Dr Karadzic pour m'informer en détail de ce qui s'est passé.
15 Je crois, premièrement, qu'il voulait arracher de la sympathie;
16 deuxièmement, il voulait nous informer; troisièmement, comme j'ai mentionné
17 un peu plus tôt, c'était un homme assez émotif, et je crois que c'était une
18 préoccupation. C'est quelque chose qui le préoccupait énormément. Il a dit
19 si souvent, même avant que les combats ne commencent, qu'une fois je lui ai
20 dit lors d'une réunion privée, je lui ai dit : "Docteur Karadzic, si vous
21 continuez à parler du génocide des Serbes, à ce point-là, vous allez vous-
22 même commettre un génocide." Je ne croyais vraiment pas que cela
23 surviendrait. Comme je l'ai dit, c'était avant le début des hostilités.
24 Mais l'intensité de ses propos, l'insistance de ses propos, l'insistance du
25 fait qu'il a parlé de génocide dans ce point là était très remarquable.
Page 4166
1 Je n'ai pas consigné les propos de cette réunion dans un journal parce
2 qu'il n'agissait que d'une conversation entre nous deux. Plus tard je l'ai
3 mentionné à un journaliste qui, à son tour, a cité ces propos dans un
4 livre. C'était une obsession pour le
5 Dr Karadzic.
6 Q. Monsieur l'Ambassadeur, l'une des questions clé lors de ces
7 négociations portait sur la surface de territoire au sein de la Bosnie-
8 Herzégovine revendiquée par les Serbes de Bosnie ?
9 R. Oui, cela revenait constamment. Ils disaient, "nous représentons 35 %
10 de la population, mais nous ne disposons que de
11 65 % du territoire." C'était la formule qu'ils utilisaient ; 35 % de la
12 population, 65 % du territoire. Nous l'avons entendu dans la bouche de
13 Milosevic, de Karadzic, de Koljevic, de M. Krajisnik, Buha. C'est quelque
14 chose qui revenait régulièrement sur le tapis. Cela s'inscrivait dans le
15 cadre de leur revendication aux fins d'obtenir davantage de territoire pour
16 créer la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine qui était un État
17 autoproclamé de manière unilatérale.
18 Q. Est-ce que le génocide perpétré contre les Serbe au cours de la Deuxième
19 guerre mondiale a été évoqué dans le contexte des revendications
20 territoriales des Serbes de Bosnie ?
21 R. Oui. Ils disaient qu'en raison de génocide, les Serbes n'avaient pas
22 autant de territoire en 1992 qu'en 1941, une date à laquelle l'Allemagne a
23 envahi l'Yougoslavie, et que la justice historique exigeait que les anciens
24 territoires occupaient par les Serbes de Bosnie leur soient rendus.
25 Je pense que cela a été mentionné dans la déclaration des objectifs
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1 politiques serbes en date du 12 mai 1992. Je pense qu'ils y ont fait
2 référence plus tard. Ils ont dit que le pourcentage de Serbes en Bosnie
3 était plus élevé en 1941 qu'en 1992, et que cela devait être pris en
4 considération dans la répartition des territoires.
5 Il s'agissait d'un point de débat.
6 Q. Est-ce que --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander des
8 éclaircissements ? Au début de votre dernière réponse, vous dites qu'en
9 1941, les Serbes avaient davantage de territoires que maintenant. Dans la
10 deuxième partie de votre réponse, vous dites qu'il y avait plus de Serbes
11 en 1941. D'abord, vous parlez du territoire et, ensuite, vous parlez de la
12 population. Est-ce que vous souhaitiez dire par là qu'il a été question de
13 ces deux points dans les débats ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Les Serbes de Bosnie affirmaient que ces
15 deux affirmations étaient exactes, mais en ce qui concerne la Deuxième
16 guerre mondiale et les événements de 1992, ils ont mis l'accent sur le
17 pourcentage plus que sur les questions de territoire.
18 Pourrait-on me montrer la déclaration des Serbes de Bosnie, en date du 12
19 mai 1992, concernant leurs objectifs politiques, s'il vous plaît ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, allez-vous aborder cela
21 un peu plus tard ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. S'il est plus aisé
23 de le faire maintenant, cela ne sera pas difficile.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez garder cela à l'esprit. Nous y
25 reviendrons lorsque M. Tieger évoquera cela dans son interrogatoire.
Page 4168
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ai-je bien répondu à votre question, Monsieur
2 le Président ?
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.
4 M. TIEGER : [interprétation]
5 Q. Monsieur l'Ambassadeur, eu égard à votre réponse précédente concernant
6 le génocide perpétré au cours de la Deuxième guerre mondiale, est-ce que
7 cela signifie que M. Karadzic, M. Krajisnik et les autres dirigeants serbes
8 de Bosnie revendiquaient une partie du territoire de Bosnie-Herzégovine où
9 les non-Serbes constituent une majorité et les Serbes une minorité ?
10 R. Oui, tout à fait. Ils nous ont expliqué cela en des termes sans
11 ambiguïté. Ils ont beaucoup insisté sur le secteur qu'ils appelaient le
12 secteur du Mont Ozren, au sud de Doboj, en Bosnie centrale du nord. Le
13 docteur Karadzic et d'autres ont répété la nécessité de prendre le contrôle
14 de la région d'Ozren, qui n'était pas composée en majorité de Serbes, mais
15 parce qu'il s'agissait d'une région, traditionnellement, serbe. Des églises
16 orthodoxes se trouvaient dans ce secteur. Des enfants serbes de Bosnie
17 avaient été tués à cet endroit au cours de la Deuxième guerre mondiale. Si
18 bien, qu'il revendiquait, au plan historique, ce territoire, territoire qui
19 n'était plus, majoritairement, composé de Serbes. Le fait que cela avait
20 été le cas un moment donné était très présent à l'esprit des dirigeants
21 serbes de Bosnie. Pour eux, cela justifiait une revendication territoriale
22 de ce secteur dans les années 1990.
23 Q. Dans vos notes, il est, également, question d'un commentaire fait par
24 le Dr Karadzic disant que : "Les Musulmans souhaitent conquérir l'ensemble
25 de la Bosnie-Herzégovine, grâce à un taux de natalité élevé." Est-ce que le
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1 taux de natalité élevé parmi la population musulmane est un thème
2 spécifique à cette réunion, ou un thème récurrent ?
3 Q. Pourquoi a-t-on parlé du taux de natalité des Musulmans ? Pourquoi ce
4 point précis a-t-il été soulevé et pourquoi le Dr Karadzic et les autres
5 dirigeants serbes de Bosnie vous ont-il parlé de cela ?
6 R. Les dirigeants serbes de Bosnie affirmaient constamment qu'ils avaient
7 besoin de leur propre Republika Srpska avec leurs propres instances
8 dirigeantes, et ce afin d'échapper à la domination des Musulmans de Bosnie
9 dans le cadre d'un État centralisé fonctionnant sur le principe un homme,
10 un vote. Les dirigeants serbes de Bosnie, le Dr Karadzic et d'autres,
11 affirmaient qu'Izetbegovic voulait une République islamique et que, par
12 conséquent, les Serbes de Bosnie risquaient d'être victimes d'un autre
13 génocide. Il s'agissait d'un point évoqué constamment cette question du
14 fort taux de natalité des Musulmans.
15 Q. Est-ce que le nombre de Musulmans habitant sur des territoires tenus ou
16 placés sous le contrôle des Serbes de Bosnie représentait une question
17 importante et récurrente pour les dirigeants serbes de Bosnie ?
18 R. Non. Ils n'insistaient pas énormément là-dessus, car ils savaient ce
19 qu'ils faisaient. Ils expulsaient les Musulmans de ce territoire. Ils
20 avaient connaissance de cela. Ils étaient responsables de cela. Leur
21 objectif était de créer une Republika Srpska aussi ethniquement pure que
22 possible. Il s'agissait là de l'un de leurs six objectifs. Ce n'était pas
23 du tout secret, mais ils n'insistaient pas trop ouvertement là-dessus non
24 plus.
25 Q. A la page suivante, qui porte le numéro 46 dans vos notes manuscrites,
Page 4170
1 il est dit : "Si des modifications sont apportées, des modifications
2 seront, également, apportées pour les Serbes de Bosnie-Herzégovine."
3 R. Oui. Il s'agit d'une question territoriale. En fait, il évoque les
4 frontières, et ce qu'il voulait dire par là, c'est que s'il s'avérait que
5 des modifications étaient apportées aux frontières extérieures de la
6 Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire, les frontières de la république, telles
7 qu'elles existaient en 1992 ou, de manière interne, dans ce cas, il
8 faudrait effectuer des changements qui conviendraient et qui seraient
9 acceptables par les dirigeants serbes de Bosnie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, excusez-moi de vous
11 interrompre. Je souhaiterais obtenir un éclaircissement supplémentaire au
12 sujet de votre réponse précédente, Monsieur le Témoin.
13 On vous a posé une question au sujet du nombre de Musulmans qui vivaient
14 sur des territoires tenus ou placés sous le contrôle des Serbes de Bosnie.
15 On vous a demandé si cette question était, fréquemment, mentionnée par les
16 dirigeants serbes de Bosnie. Je pense que la question vous a été posée au
17 sujet des notes prises dans votre journal concernant la République
18 islamique et le taux de natalité. Il s'agit d'une entrée en date du mois de
19 décembre 1991.
20 Dans votre réponse, vous avez dit que : "Ils n'insistaient pas trop là-
21 dessus, car ils savaient ce qu'ils faisaient. Ils expulsaient les Musulmans
22 de ce territoire. Ils le savaient."
23 En disant cela, à quelle période pensiez-vous ? Au mois de décembre 1991,
24 ou à la période qui a suivie et au cours de laquelle ils auraient pu
25 insister sur cette question ? Est-ce que vous pourriez nous donner une idée
Page 4171
1 du cadre temporelle que vous aviez à l'esprit ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vous remercie d'attirer mon attention
3 là-dessus. Je voulais parler de la période qui a suivie. La question du
4 taux de natalité est une question générale. Dans les recensements effectués
5 en 1981 et en 1991, on pouvait voir que les Musulmans de Bosnie
6 représentaient environ 44 % de la population de Bosnie-Herzégovine. Les
7 Serbes de Bosnie en représentaient 31 ou 32 %. Mais le Dr Karadzic
8 affirmait que les Musulmans espéraient que le taux des Musulmans de Bosnie
9 augmenterait en raison de leur fort taux de natalité.
10 J'ai cru comprendre que la question posée ensuite par M. Tieger faisait
11 référence au nombre de Musulmans de Bosnie qui vivaient sur les territoires
12 revendiqués par les Serbes de Bosnie en vu de la création de la Republika
13 Srpska. C'est pour cela que j'ai répondu comme je l'ai fait. La réponse que
14 vous avez mentionnée se fondait sur le fait que j'ai cru comprendre que M.
15 Tieger parlait de la situation en Republika Srpska.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Un petit peu plus tard, c'est
17 exact. Vous parliez de la période qui a suivi.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre, Monsieur
20 Tieger.
21 Q. Monsieur l'Ambassadeur, à la page 46 dont nous étions en train de
22 parler, on peut lire, "Si des modifications sont apportées, il faudra,
23 également, apporter des modifications pour les Serbes de Bosnie-
24 Herzégovine." Je pense que vous avez indiqué qu'il s'agissait de
25 modifications concernant le statut juridique de la Bosnie-Herzégovine,
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1 n'est-ce pas ?
2 R. Oui, il s'agit d'une question qui concerne essentiellement le statut
3 juridique de ce territoire.
4 Q. Est-ce que M. Karadzic, à ce moment-là, du moins d'après ce que vous et
5 de ce que le secrétaire Vance avaient compris de ses propos au moment de la
6 conversation, est-ce que le Dr Karadzic s'inquiétait de la possibilité que
7 la Bosnie-Herzégovine puisse devenir une république indépendante ?
8 R. Oui, cela ne fait aucun doute. Il s'agissait là de l'essence du
9 problème. Ce n'était pas la seule question en jeu à ce point. Il parlait du
10 territoire, il s'inquiétait de la reconnaissance éventuelle de la Bosnie-
11 Herzégovine, car celle-ci avait déjà proclamé son indépendance. C'est-à-
12 dire que le gouvernement musulman, avec le soutien des Croates de Bosnie,
13 avait déclaré leur indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Si bien que le 2
14 décembre 1991, date à laquelle cette réunion a eu lieu, tout le monde
15 savait que la Bosnie demanderait la reconnaissance de sa déclaration
16 d'indépendance.
17 Q. Lorsque le Dr Karadzic a fait référence à ce qui figure dans votre
18 journal, c'est-à-dire : "Nous devons, également, apporter des changements
19 pour les Serbes de Bosnie-Herzégovine." Est-ce qu'il s'agissait d'une
20 référence aux modifications territoriales au sein de la Bosnie-Herzégovine
21 ?
22 R. Je pense qu'il est exact de déduire cela.
23 Q. Je souhaiterais vous renvoyer à la page 49, il s'agit de l'entrée en
24 date du 2 décembre 1991. Cette page porte le numéro ERN RO163611, à droite
25 de la page. On peut voir une autre entrée dans votre journal, à côté du
Page 4173
1 sigle "RK", la troisième entrée en dessous à côté de cette entrée figure un
2 astérisque, on peut lire : "Reliez les municipalités serbes à
3 l'Yougoslavie, sinon, la guerre éclatera."
4 Est-ce que vous pourrez nous expliquer cela ?
5 R. Il s'agit d'une lourde de conséquences, et c'est la raison pour
6 laquelle j'appose un astérisque à côté de ce passage. Cela se passe de
7 commentaires. Le Dr Karadzic disait que si les municipalités serbes
8 n'étaient pas reliées d'une manière ou d'une autre au plan juridique à
9 l'Yougoslavie, un conflit s'ensuivrait. Il s'agit d'une déclaration très
10 grave. C'est pour cela que je l'ai noté sur le papier et que j'ai apposé un
11 astérisque à côté. Dans la même conversation quelques minutes plus tôt, il
12 avait affirmé que la guerre serait un désastre. Quelques minutes après
13 avoir dit cela, il a déclaré au secrétaire Vance et à moi-même que si les
14 municipalités serbes de Bosnie-Herzégovine qu'il n'a pas défini, de façon
15 très précise, bien entendu, si ces municipalités serbes n'étaient pas
16 reliées à l'Yougoslavie, un conflit s'ensuivrait.
17 Q. Monsieur l'Ambassadeur, le secrétaire Vance et vous-même avez-vous
18 compris, à cette occasion, d'après les propos de M. Karadzic, que si les
19 Serbes de Bosnie n'obtenaient pas ce qu'ils voulaient ils s'efforceraient
20 de parvenir à leurs fins par la
21 guerre ?
22 R. C'est exactement ce qu'il a dit, c'est ce qu'il nous a dit très
23 clairement.
24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, puis-je vous demander, à présent, de consulter
25 les entrées en date du 16 avril 1992, les quatre derniers chiffres du
Page 4174
1 numéro ERN sont 3810. Le numéro ERN complet est 39063810 [comme
2 interprété].
3 R. Quelle page vous intéresse Monsieur Tieger ?
4 Q. La page 69, il s'agit de la page 69, le numéro ERN est 31606789 et là
5 il s'agit de la réunion avec M. Karadzic et M. Koljevic qui s'est déroulée
6 entre 12 heures 05 et 12 heures 55 ?
7 R. Oui, j'ai trouvé le passage en question.
8 Q. A droite de la page que vous avez annotée se trouvent deux astérisques,
9 je souhaiterais attirer votre attention sur le milieu de la page. Pourriez-
10 vous nous dire ce qui est consigné ici et pourquoi vous l'avez noté ?
11 R. C'est Nikola Koljevic qui parle ici, il a dit c'est ce que j'ai noté,
12 "Aujourd'hui Karadzic et moi-même se sont mis d'accord sur le fait que nous
13 devions diviser Sarajevo," ce qui signifie que "Les Serbes devaient prendre
14 des mesures en vu du partage de Sarajevo en une partie musulmane et une
15 partie serbe." Les dirigeants serbes de Bosnie nous ont répété cela à de
16 nombreuses reprises.
17 Comme je l'ai déjà dit un peu plus tôt, cela constituait l'un de leurs six
18 objectifs de guerre. Je veux parler de la division de Sarajevo.
19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je souhaiterais attirer votre attention sur les
20 entrées suivantes, ce qui figure aux pages 70 et 71. Il s'agit des numéros
21 ERN RO1673811 [comme interprété].
22 La première entrée dont je souhaiterais que nous parlions, figure sur le
23 côté gauche de la page, il semblerait que ce soit le Dr Karadzic qui parle
24 car vous avez indiqué KARA. On peut lire : "Sara" -- il s'agit, sans doute,
25 de Sarajevo -- "est la question la plus importante. Il y a des combats car
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1 les gens ne savent pas où ils vont vivre, Kupres, Bosanski Brod," et
2 cetera.
3 Tout d'abord, pourriez-vous nous expliquer l'importance de cette entrée ?
4 R. Il s'agit du 16 avril 1992, à un stade peu avancé du conflit et au
5 lendemain du début des pilonnages contre Sarajevo. Le Dr Karadzic nous dit
6 que la situation à Sarajevo est urgente, et il affirme qu'il y avait des
7 combats car les gens ne savent pas où ils vont vivre. Suggérant, par là,
8 que les gens ne veulent pas vivre ensemble, mais qu'ils ne savent pas où
9 ils vont vivre. Des combats font rage, car ils essayent de déterminer où
10 ils vont pouvoir vivre par la suite. La même situation peut être constatée
11 à Kupres, Bosanski Brod, et cetera.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, puis-je attirer votre
13 attention sur le fait que nous n'avons pas la bonne page à l'écran. Je
14 pense qu'il devrait s'agir de la page suivante. Vous avez parlé des pages
15 70 et 71 et du numéro ERN dont les quatre derniers chiffres sont 3811,
16 alors que nous avons les numéros ERN dont les quatre chiffres sont 3810 à
17 notre écran.
18 M. STEWART : [interprétation] Pourquoi faut-il placer un tel document à
19 l'écran puisqu'on ne peut pas le déchiffrer ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je peux lire ce document
21 plus ou moins.
22 M. STEWART : [interprétation] Le problème résolu. J'essaie simplement de me
23 familiariser avec les différents boutons. Je remercie Mme Philpott qui a
24 fait en sorte que je puisse, à présent, lire le document à l'écran.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
Page 4176
1 M. TIEGER : [interprétation] Apparemment, des problèmes se posent au sujet
2 de cette entrée. Nous pouvons placer ce document sur le rétroprojecteur,
3 mais je pense que tout le monde dispose de copies.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. L'important est de poursuivre les
5 débats. L'important est que le public puisse suivre tout cela. Je
6 demanderais à ce que cette page soit placée sur le rétroprojecteur.
7 M. STEWART : [interprétation] Il s'agissait d'une préoccupation à propos de
8 notre parka [phon]. Nous n'avons que des copies papier parce que nous, nous
9 avons les copies papier, mais ce qui nous intéressait, c'était de faire en
10 sorte que tout se passe bien en dehors du prétoire.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être pourriez-vous vous
12 intéresser à cela, M. Tieger. Si nous examinons l'écran, l'image est plus
13 ou moins claire, peut-être que la régie technique pourrait nous aider. Mme
14 Philpott m'informe, Mme Philpott qui nous aide tous, m'informe que ce
15 logiciel Sanction est utilisé de façon à ce que le public puisse suivre les
16 débats. Si nous utilisons le rétroprojecteur, nous ne pouvons pas utiliser
17 en même temps le logiciel Sanction. Il faut choisir l'un ou l'autre.
18 Si nous plaçons ce document sur le rétroprojecteur, nous allons voir ce qui
19 se passe et si les techniciens peuvent nous aider.
20 Veuillez poursuivre.
21 Pour le moment, nous allons placer les pages 70 à 71 sur le
22 rétroprojecteur. Ensuite, nous utiliserons le logiciel Sanction.
23 Poursuivez, je vous prie.
24 M. TIEGER : [interprétation]
25 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez évoqué les remarques du Dr Karadzic à
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1 la page 70 de votre journal. Vous avez indiqué certains endroits, ici,
2 certaines localités. Vous avez marqué les localités au cours des combats.
3 Est-ce qu'au cours de cette discussion entre vous, il parle des régions où
4 des frontières qui ne sont pas définies, et est-ce qu'il poursuit en
5 parlant très clairement des Serbes de Bosnie qui vont cesser les combats
6 dès que ces frontières seront délimitées et dès que le territoire sera
7 clairement délimité ?
8 R. Oui, je vois très bien. Je vois bien. Le secrétaire Vance lui a dit :
9 "Vous nous dites que vous souhaitez avoir un État serbe séparé," et M.
10 Karadzic précise que les Serbes de Bosnie souhaitent un État constitutif et
11 non pas un État centralisé, à savoir, deux à trois états à l'intérieur de
12 la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire, une entité serbe de Bosnie, une entité
13 croate de Bosnie et une entité musulmane de Bosnie sous le couvert d'un
14 État de Bosnie, un État bosniaque. Il précise que c'est ce que souhaite les
15 Serbes. Ces entités constitutives doivent pouvoir s'autogérer dans bon
16 nombre de domaines, et poursuit en disant que le conflit a éclaté là où, au
17 niveau de la carte, les choses sont peu définies.
18 La guerre fait rage le long des frontières internes et non définies. Les
19 combats ont lieu car il n'y a pas de positions communes ou d'accord entre
20 les parties sur la définition de ces frontières, la séparation entre ces
21 trois groupes ethniques.
22 Il faut se souvenir ou se rappeler la date de ces débats. Il s'agit du 16
23 avril et les parties, à cette date-là, parlaient encore du plan Cutileiro
24 et de la carte du mois de mars 1992. Quelques mois plus tard, cette carte
25 avait été acceptée par les trois parties. Je devrais dire, c'était un
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1 projet de cartes. Le gouvernement bosniaque, à la fin du mois de mars 1992,
2 s'était retiré et n'acceptait plus cette carte comme il l'avait fait à
3 l'origine. Dans l'esprit du Dr Karadzic, il revendiquait des entités
4 clairement définies sur la base de la composition ethnique à l'intérieur de
5 la Bosnie-Herzégovine, et il disait : "Nous n'allons plus nous battre une
6 fois que cette carte sera clairement définie."
7 Q. Monsieur l'Ambassadeur, le Dr Karadzic vous disait-il à vous ainsi
8 qu'au secrétaire Vance qu'une fois que les Serbes de Bosnie obtiendraient
9 le territoire qu'ils souhaitaient obtenir, les combats cesseraient ?
10 R. Oui. C'est, effectivement, ce que l'on pouvait déduire de cette
11 affirmation. La question était de savoir de qui allait recevoir quoi. Il ne
12 s'agissait pas de dire : "Nous allons cesser les combats une fois que la
13 carte aura été définie. Cela va sans dire que nous n'allons plus nous
14 battre une fois que la répartition du territoire aura été faite." Bien sûr,
15 le terme de carte est un raccourci pour signifier ceci.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je demande à avoir cinq minutes, s'il vous
17 plaît, pour traiter des questions pratiques. Je crois qu'à ce moment-là,
18 nous devons en terminer pour aujourd'hui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais simplement demander à Mme la
20 Greffière, lui poser la question.
21 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, si vous souhaitez avoir
23 cinq minutes pour des questions pratiques, il vous reste une minute; à
24 moins que la Défense ait quelque chose à évoquer.
25 M. STEWART : [interprétation] C'est la raison pour laquelle nous avons
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1 précisé dans une note que nous avons remise à l'Accusation que nous aurions
2 cinq minutes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas été informé.
4 M. STEWART : [interprétation] Concernant cette demande, plutôt que de
5 perdre du temps, j'ai simplement remis une note à l'Accusation qui a été
6 reconnue à 20 % apparemment, et accepté à 20 % à concurrence par
7 l'Accusation.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les questions simplement pratiques,
9 est-ce que nous avons besoin de la présence de M. l'Ambassadeur ?
10 M. STEWART : [interprétation] Il ne s'agit pas de choses extrêmement
11 confidentiels. Simplement, ce n'est pas nécessaire et il est préférable que
12 le témoin puisse s'en aller.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. l'Ambassadeur, comme vous avez
14 certainement dû le comprendre, nous allons lever l'audience d'ici cinq
15 minutes, et demain, nous allons avoir l'audience en fin d'après-midi, à
16 partir de 14 heures 15. Habituellement, nous poursuivons jusqu'à 19 heures.
17 Je vous invite à revenir demain, s'il vous plaît, à 14 heures 15. En même
18 temps, je dois vous dire ou vous enjoindre de ne parler à personne de votre
19 témoignage devant cette Chambre.
20 Je vais, ensuite, demander à Mme l'Huissière de vous raccompagner pour que
21 vous puissiez quitter le prétoire.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 [Le témoin se retire]
24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je peux tout à fait
25 commencer, mais c'est simplement ennuyeux pour le témoin. Il ne s'agit pas
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1 de choses extrêmement confidentielles, mais –-
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, commencez. Etant donné
3 que nous avons demandé cinq minutes supplémentaires, on demande aux
4 interprètes de nous accorder cinq minutes ce que les interprètes acceptent.
5 M. STEWART : [interprétation] Il s'agit simplement de la traduction, des
6 traduction en B/C/S de certaines parties du journal de M. Okun. On nous a
7 remis toute une série, En tout cas, une, je dois dire, d'e-mail -- de
8 messages électroniques, avec des pièces jointes, et des traductions en
9 B/C/S au cours des derniers jours. Quand je dis au cours des derniers
10 jours, hier soir à 11 heures ce matin, ce qui est assez tard.
11 Je sais que nous devons tous travailler beaucoup, mais simplement deux
12 choses. La première, je me demande si, Monsieur le Président, vous pourriez
13 clairement nous indiquer les éléments qui sont importants, si jamais nous
14 avons des problèmes de sécurité. Est-ce que M. Krajisnik peut rester ici
15 dans le bâtiment le temps qu'il nous faut pour que Mme Cmeric puisse
16 imprimer les documents ? Il est difficile pour nous d'imprimer les
17 documents à l'extérieur, et qu'il n'y a pas de documents résiduels, de
18 façon à ce que M. Krajisnik puisse emmener ces documents au quartier
19 pénitentiaire cette après-midi. Cela est le premier point.
20 Avec tout le respect que je vous dois, bien sûr, deuxièmement, on nous a
21 demandé –- nous aimerions savoir si d'autres traductions nous seront
22 communiquées au fil des jours ou dans les prochains heures de façon à ce
23 que nous puissions régler le problème ?
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous pouvons commencer par
25 la deuxième question et, ensuite, nous répondrons à la première.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Non, nous n'avons pas prévu de vous envoyer
2 d'autres traductions, mais je vais vérifier tout de suite dès que nous
3 aurons fait la pause. Je vais m'assurer que vous avez tout reçu.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, la deuxième question portait sur
5 le fait d'imprimer, pardonnez un instant –-
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la première question,
8 vous avez parlé de la photocopie ou du fait qu'il vous fallait imprimer,
9 vous avez besoin d'imprimante ?
10 M. STEWART : [interprétation] Non, non, il s'agit d'imprimer le document.
11 Mme Cmeric qui travaille très, très rapidement dans ce domaine aura besoin
12 certainement de 10 à 15 minutes. Nous vous demandons simplement quel que
13 soit la personne qui s'occupe de ce genre de chose, que M. Krajisnik puisse
14 rester dans le bâtiment de façon pour emporter ces éléments car vous savez
15 certainement que, si nous devons remettre les documents au quartier
16 pénitentiaire, cela ne marchera pas.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme la Greffière est déjà au téléphone,
18 et il est vrai qu'une crevaison de pneus aurait la même incidence, à
19 savoir, un retard de 10 à 15 minutes. Si nous gardons M. Krajisnik encore
20 10 à 15 minutes dans le bâtiment, de façon à ce que l'on puisse vous
21 remettre les photocopies, bon –-
22 M. STEWART : [interprétation] Le temps qu'il vous faut bien sûr, mais –-
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est chose impossible, j'aimerais en
24 être informé avant que M. Krajisnik ne quitte ce bâtiment.
25 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup. Ceci est fort utile.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions à
2 soulever, nous allons lever l'audience et reprendre demain à 14 heures 15
3 dans le même prétoire.
4 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 22 juin
5 2003, à 14 heures 15.
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