Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 27 septembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

6 présentes. Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T,

8 l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

10 Avant de reprendre, j'ai utilisé le terme "quasi insurmontable" la semaine

11 dernière. Parfois, si on ne se déplace pas en direction des montagnes, les

12 montagnes viennent à vous. Il y a des fortes chances pour que nous n'ayons

13 pas d'audience la semaine du 11 octobre, et ce, avec l'accord des deux

14 parties, il y a 90 % de chance que ceci soit le cas.

15 Monsieur Harmon, l'Accusation, êtes-vous prêt à appeler le témoin suivant ?

16 M. HARMON : [interprétation] Le témoin suivant est M. Stjepan Kljuic.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

18 M. STEWART : [interprétation] Avant que le témoin n'entre dans le prétoire,

19 je souhaite simplement dire quelque chose à propos de la manière dont nous

20 procédons, en particulier, avec ce témoin-ci. Je souhaite faire une demande

21 d'ordre général. Une déclaration 89(F) a été préparée pour M. Kljuic, mais

22 la Défense a un sujet de préoccupation à cet égard car l'objet du 89(F),

23 dans le cas de cette affaire, va être utilisé mal à propos, car, à

24 l'origine, ceci avait un sens par rapport à ce témoin fasse une longue

25 déclaration et c'était inévitable qu'une partie de la déclaration soit

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1 contestée. Cela prendrait beaucoup de temps de procéder à l'examen des

2 passages qui seraient contestés au cours de l'interrogatoire principal.

3 Ensuite, il y aurait des passages assez conséquents qui seraient traités en

4 dehors des audiences devant le prétoire. Ceci serait un petit peu tronqué

5 pour le public qui écouterait l'audience, tel est l'objet de ma demande.

6 Il semble que nous avancions assez rapidement en direction de quelque

7 chose de tout à fait différent. Autrement dit, la procédure est utilisée

8 d'une façon tout à fait autre, évidemment, aux fins de gagner du temps,

9 mais peut-être que nous allons trop loin. Car l'idée, à l'origine, n'était

10 pas d'aller au-delà de ces points qui ne sont pas contestés et commencer à

11 utiliser la procédure 89(F) comme quelque chose qui correspondrait à

12 quelque chose qui a été évoqué la semaine dernière, comme quelque chose qui

13 correspondrait au 92 bis comme étant une manière de présenter des éléments

14 contestés ou peut-être les éléments que nous jugeons les plus importants.

15 Autrement dit, de traiter les régions ou les domaines les plus importants

16 sans, pour autant, les aborder au cours de l'interrogatoire principal. Je

17 souhaite avancer aux Juges de la Chambre qu'au cours des dernières

18 semaines, il y a peut-être un écart très conséquent entre ce que dit un

19 témoin et la signature qu'il appose à la fin de sa déclaration, et les

20 questions qui lui sont posées au cours de l'interrogatoire principal. Nous

21 estimons, Monsieur le Président, que ceci est quelque chose qui a été

22 clairement démontré ces derniers temps. Nous avons pu démontrer que cela

23 constitue un risque si on suppose ou si on estime que ce qu'un témoin dit

24 dans sa déclaration illustre la déposition qu'il va faire.

25 C'est un commentaire d'ordre général que je souhaite faire à propos

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1 de ce témoin en particulier. Nous souhaitons inviter la Chambre qu'elle

2 s'assure que cette procédure 89(F), qui a été ainsi consignée, soit

3 utilisée à bon escient et que cela ne déborde dans cet autre domaine que je

4 viens d'évoquer.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stewart. Je souhaite

6 simplement clarifier un point. Vous avez, parfaitement, expliqué l'objet du

7 89(F) et des résumés des déclarations. Les résumés ne sont pas versés au

8 dossier. Il s'agit là simplement d'éléments qui permettent au public

9 d'avoir les éléments de renseignements importants. Si le témoin devait

10 faire une déposition qui s'écarte de sa déclaration préalable, l'Accusation

11 pourrait décider, soit d'exclure certaines parties, en particulier, les

12 points contestés des déclarations 89(F), et pourrait également indiquer que

13 le témoin a fait une déclaration, et que ce témoin va faire une déposition

14 et évoquer le sujet, plutôt que de parler du contenu, de façon à ce que le

15 public puisse suivre la procédure.

16 Ce qui m'amène à évoquer un autre point. En tout cas, aux yeux de la

17 Chambre, et ayant lu certains de ces résumés en vertu du 89(F), la Chambre

18 de première instance estime que les résumés à l'attention du public

19 pourraient être beaucoup plus courts et moins détaillés. Je crois que les

20 détails doivent être abordés au cours de l'interrogatoire principal. C'est

21 à ce moment-là qu'il faut traiter ces questions-là avec davantage

22 d'attention. Si le 89(F) n'est pas contesté, c'est la déclaration qui est

23 versée au dossier, en tout cas les passages pertinents qui sont versés au

24 dossier. Je crois qu'il faut être très clair là-dessus. La Chambre de

25 première instance est d'accord avec vous. Il faut garder clairement à

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1 l'esprit la déclaration, son utilité. Si la déclaration diffère du

2 témoignage auquel s'attend l'Accusation, on ne doit, évidemment, pas

3 confondre les deux. Le résumé est destiné à un objectif bien précis, c'est-

4 à-dire que le public doit être en mesure de suivre la procédure.

5 Monsieur Harmon, je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose à

6 ce que je viens de dire.

7 M. HARMON : [interprétation] Je souhaite simplement entendre le témoin dès

8 que possible.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends fort bien ce souci que

10 vous avez exprimé, bien sûr.

11 M. STEWART : [interprétation] Très brièvement, je souhaite clarifier ou en

12 tout cas comprendre quelle est la distinction entre les deux. Nous sommes,

13 tout à fait, d'accord avec ce que vous venez de dire nous endossons tout

14 cela. Pour ce qui est du 89(F), d'une certaine façon, les sujets de

15 préoccupation de la Défense ne sont pas très différents des autres

16 personnes présentes dans le prétoire. Autrement dit, le public doit rester

17 informé. Il ne s'agit pas simplement d'une question ou d'un différend entre

18 la Défense et l'Accusation.

19 Ce qui est important du point de vue de la Défense, c'est de dire ce

20 qui suit : il est tout à fait clair pour nous quels éléments de la

21 déclaration préalable l'Accusation n'a pas l'intention de présenter au

22 témoin le résumé 89(F), et plus le résumé est court, plus ceci s'applique.

23 Le 89(F) nous donne quelques indications à cet égard. Le résumé 89(F) est

24 peu pertinent, si vous voulez, et ne sert pas d'outil de travail à la

25 Défense. Ce qui est important, c'est cette distinction que je viens

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1 d'évoquer. Nous avons quelques indications assez claires sur la question.

2 Nous aimerions savoir quelles parties de la déclaration préalable

3 l'Accusation n'a pas l'intention de soulever avec le témoin, de façon à ce

4 que nous puissions nous préparer en temps et en heure, de façon à ce que

5 nous puissions également présenter nos arguments.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ferons, particulièrement, attention

7 à l'égard du témoin qui va être entendu maintenant, au point que vous venez

8 de soulever.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kljuic.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, tout le monde.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après votre réponse, je suppose que

13 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez. Avant de faire votre

14 déposition devant ce Tribunal, les Règles de procédure et de preuve exigent

15 que vous fassiez une déclaration solennelle que vous allez dire la vérité,

16 toute la vérité, et rien que la vérité. Mme l'Huissière va vous remettre le

17 texte de cette déclaration, que je vous demande de bien vouloir lire, s'il

18 vous plaît.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

24 Monsieur Kljuic, vous allez d'abord être entendu par M. Harmon, conseil de

25 l'Accusation. Monsieur Harmon, veuillez poursuivre.

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1 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bonjour au conseil de la

3 Défense.

4 Interrogatoire principal par M. Harmon :

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kljuic.

6 R. Bonjour.

7 M. HARMON : [interprétation] Si vous voulez bien remettre au témoin les

8 pièces portant les cotes 291, 292, qui constituent le texte de sa

9 déclaration, ainsi que les conversations interceptées et ses commentaires.

10 Q. Monsieur Kljuic, pendant que ces documents vous sont remis, je vais

11 d'abord vous demander des éléments vous concernant. Une fois que ces

12 documents vous auront été distribués, je vais vous interrompre et

13 poursuivre une déclaration plus détaillée des éléments vous concernant.

14 Monsieur Kljuic, vous êtes né à Sarajevo le 19 décembre 1939. Je vais vous

15 demander de confirmer ce que je vais dire au moment voulu.

16 Vous êtes né à Sarajevo le 19 décembre 1939. Vous êtes un Croate de

17 Bosnie, vous avez étudié la littérature à l'université de Sarajevo. Vous

18 étiez journaliste de profession, votre profession était journaliste entre

19 1964 et 1971, pour le journal Oslobodjenje à Sarajevo. Entre 1971 et 1990,

20 vous étiez correspondant pour le journal croate Vjesnik, mais vous faisiez

21 des reportages à partir de Sarajevo, est-ce exact ?

22 R. Oui, tout ceci est exact.

23 Q. Monsieur Kljuic, nous allons revenir à d'autres détails vous

24 concernant, ainsi que votre carrière politique. Vous avez, devant vous, une

25 pièce de l'Accusation qui est une déclaration que vous avez faite le 18

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1 avril 2001, le 23 mai 2001 et le 5 décembre 2002. Vous avez eu l'occasion

2 de relire cette déclaration, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Bien. Hormis une correction que vous avez faite et que vous m'avez

5 signalé au paragraphe 53, qui est la dernière ligne du paragraphe 53, dans

6 la version anglaise de votre déclaration préalable, on peut lire, le

7 dernier terme ne doit pas être "Etat", mais doit être "ville". Non pas

8 "state", mais "town". Il faut lire : "Il avait un pied dans le pays et un

9 pied dans la ville;" est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous confirmez ce qui est dans votre déclaration devant

12 cette Chambre ?

13 R. Oui, tout à fait.

14 Q. Eu égard à la pièce de l'Accusation 292, qui est un classeur comportant

15 des conversations téléphoniques interceptées, je souhaite parcourir ces

16 documents avec vous brièvement. Avant votre témoignage, lors de votre

17 présence à La Haye, avez-vous eu l'occasion de réécouter les bandes ? Vous

18 a-t-on demandé, soit de faire des commentaires à ce propos, ainsi que de

19 reconnaître les voix des orateurs pour autant que cela vous fût possible,

20 fût possible pour vous ?

21 R. J'ai écouté ces conversations téléphoniques enregistrées. Je reconnais

22 les personnes que j'ai pu reconnaître, et j'ai également apporté quelque

23 commentaire.

24 Q. Si vous regardez maintenant le classeur de l'Accusation portant le

25 numéro 292, si vous constaterez qu'il y a une déclaration qui a été signée

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1 par vous et, si vous tournez la page, vous verrez qu'il y a un tableur.

2 R. Pardonnez-moi, mais j'entends le français.

3 Q. Est-ce que vous m'entendez dans votre langue ? Est-ce que vous

4 m'entendez en bosniaque ?

5 R. Oui.

6 Q. Je souhaite aborder avec vous ce document de l'Accusation portant le

7 numéro 292. Nous avons préparé un tableur ici. On dit voir les

8 conversations téléphoniques enregistrées. Vous avez un numéro au regard de

9 chaque conversation, un numéro d'identification, et chaque conversation,

10 par la suite, a un numéro correspondant.

11 L'orateur que vous étiez en mesure de reconnaître se trouve dans la

12 colonne de gauche. Ensuite, une colonne où se trouvent vos commentaires,

13 ainsi que votre signature qui se trouve en première page de ce tableur.

14 Ensuite, vous avez paraphé les autres pages.

15 Est-ce que vous confirmez les commentaires qui figurent sur ce tableur ? Il

16 y a deux autres tableurs qui ressemblent à ceci, qui ont été préparés

17 également. Confirmez-vous les commentaires qui se trouvent dans ce

18 tableur ?

19 R. Ce sont des commentaires que j'ai faits moi-même, effectivement.

20 M. STEWART : [interprétation] A mon sens, ceci est une façon mal déguisée

21 de présenter un nombre très important de textes sous forme écrite, sans

22 pour autant respecter les règles de procédure. Une grande partie du

23 témoignage de ce témoin porte, apparemment, sur ces conversations

24 téléphoniques interceptées. On nous a remis une liste très importante de

25 conversations de ce type et, à propos de ce témoin, nous souhaitons

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1 soulever ces questions. Pourquoi diantre nous a-t-on remis cette liste

2 aussi tardivement. Ces commentaires, je crois que nous les avons reçus au

3 cours du weekend. En tout cas, telles qu'elles sont présentées, ce qui nous

4 rend la tâche impossible de remettre ces textes à M. Krajisnik. Nous avons

5 un commentaire très détaillé ici de différentes conversations téléphoniques

6 interceptées. Forte heureusement, il y a une colonne en B/C/S, mais notre

7 client n'a pas eu l'occasion de lire ces documents. Pourquoi ceci ne nous a

8 pas été remis, alors que M. Kljuic était encore dans son propre pays.

9 Mais pour en revenir à l'essentiel, il s'agit là de quelque chose qui

10 est comme suit : il y a le témoin ou quelqu'un qui prépare une déclaration

11 écrite importante et détaillée et qui vient à la barre et qui dit : "Je

12 confirme mes déclarations," ce qui correspond à une déclaration 92 bis, ou

13 plutôt 89(F). Il ne s'agit pas ici d'un respect des règles de procédure,

14 nonobstant les difficultés pratiques que je viens d'évoquer.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Harmon.

16 M. HARMON : [interprétation] J'ai remis une liste des conversations

17 téléphoniques interceptées, il y a une quinzaine de jours, à la Défense. M.

18 Stewart a eu suffisamment de temps pour lire ces éventuelles conversations

19 téléphoniques, ainsi que -- pardonnez-moi.

20 Par la suite, j'ai remis au témoin, après l'arrivée de

21 M. Kljuic, les commentaires que M. Kljuic a faits à propos de ces

22 conversations téléphoniques. Une fois que M. Kljuic a clairement indiqué

23 sur cette longue liste éventuelle de conversations, il a, ensuite,

24 identifié les conversations importantes, et liste des conversations

25 importantes que j'ai, ensuite, remises à la Défense, liste de 17 pages de

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1 conversations téléphoniques, y compris les commentaires. J'en ai tenu

2 informer la Défense. Malheureusement, je ne me souviens pas de la date. Je

3 leur ai précisé qu'il y avait eu des conversations téléphoniques

4 supplémentaires. J'ai indiqué que

5 M. Kljuic devait les passer en revue, chose qui a été faite.

6 Ensuite, ceci a dû être traduit, ainsi que les commentaires de façon

7 à ce que la Défense puisse les avoir traduits hier après-midi. J'ai remis

8 cette version définitive comportant dix conversations téléphoniques. Je

9 l'ai remis à la Défense hier vers midi hier.

10 Par conséquent, la situation est ceci : le témoin ne sera ici que

11 pendant un court laps de temps. Les conversations téléphoniques peuvent

12 être entendues. On peut reporter son témoignage, mais nous estimons qu'il

13 ne s'agit pas là de la façon la plus efficace de traiter cette question. M.

14 Kljuic a écouté et a entendu les conversations. Il a apporté ses

15 observations. Celles-ci ont été remises à la Défense, il y a quelque

16 quinzaine de jours. La Défense a eu suffisamment de temps pour en tenir

17 informé son client, et nous estimons qu'il s'agit là d'une façon tout à

18 fait efficace de traiter ces questions.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons deux points à aborder. Je

20 crois que la première est celle du temps, et l'autre, à savoir, s'il s'agit

21 ici de quelque chose qui correspond à la déclaration 89 (F).

22 Monsieur Harmon, je ne pense pas pouvoir me tromper lorsque j'ai dit que,

23 d'après 92 bis, et pour ce qui est de l'attitude de l'accusé, ceci

24 s'applique également au 89(F). Conformité à ces deux Articles, il me semble

25 que les conversations téléphoniques interceptées traitent en grande partie,

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1 ou portent sur la conduite de l'accusé à l'époque.

2 Je pense que, dans ce sens, il serait approprié de se conformer à la

3 jurisprudence de ce Tribunal, autrement dit, de ne pas introduire des

4 commentaires par la suite, surtout s'il s'agit d'observation qui se

5 rapporte aux paroles prononcées à ce moment-là, et que l'on voit dans le

6 compte rendu d'audience de M. Krajisnik.

7 M. STEWART : [interprétation] Si vous me permettez --

8 M. HARMON : [interprétation] J'ai l'intention de présenter un certain

9 nombre de conversations téléphoniques, de les entendre dans le prétoire, et

10 M. Krajisnik doit pouvoir les entendre.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.

12 M. STEWART : [interprétation] Il faut faire attention au calendrier. Il a

13 dit quelques semaines. Non, c'est le 10 septembre. Autrement dit, il a y 16

14 jours. C'est le premier avis qui nous a été remis. C'est la première fois

15 que nous avons entendu dire que ce témoin allait témoigner au cours de ce

16 procès. Le 17 septembre, on nous a remis 137 ou 138 conversations

17 téléphoniques interceptées. Le résumé détaillé que nous invoquons

18 aujourd'hui est que nous abordons un rapport avec ce témoin, nous a été

19 fourni samedi. M. Harmon très gentiment m'a téléphoné. Nous avons eu

20 quelques échanges téléphoniques avec beaucoup de courtoisie. Il m'a appelé

21 et il m'a demandé si j'avais quelque objection à ce que ceci soit remis

22 conformément à la demande de la Chambre. J'ai indiqué que je n'avais pas

23 d'objection, mais que je ne les avais pas lus. J'estimais que si, pour une

24 raison ou quelconque, les éléments que l'on connaît devaient être retirés

25 par la Chambre, si la Chambre ou les Juges de la Chambre n'avaient aucune

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1 objection, je ne souhaitais pas ralentir la procédure pour dire : laissez-

2 moi le temps de les lire. Je n'ai pas le temps de les lire auparavant.

3 Ce calendrier est assez différent de ce que M. Harmon avait présenté

4 au départ. Je n'en ai pas approprié que de nous présenter ceci pendant le

5 week-end. Ceci n'a pas donné à M. Krajisnik la possibilité de les lire tout

6 ceci.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. STEWART : [interprétation] Je m'arrête parce que je vois que les Juges

9 se consultent.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

11 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président. Nous ne souhaitons pas

12 réécouter de façon inutile les enregistrements de ces conversations

13 téléphoniques. Si cela s'avérait nécessaire de temps en temps soit, mais ne

14 nous voulons pas que cela soit fait parce que l'on estime que l'on doive le

15 faire. Parce que nous avons également des transcriptions à cette fin, je

16 crois que nous avons laissé entendre qu'elle est la façon de procéder que

17 nous considérons être bonne. Nous estimons que l'emploi du temps devait

18 être quelque peu différent.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

20 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais faire une

21 suggestion.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Harmon.

23 M. HARMON : [interprétation] Voilà de quoi il s'agit. Je vais d'abord faire

24 un commentaire. M. Kljuic doit conclure son témoignage et être à Sarajevo

25 jeudi. Ceci est une conversation que nous aurions pu avoir peut-être après

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1 son témoignage.

2 Ma suggestion, Monsieur le Président, est la suivante : au cas où il

3 y aurait une conversation interceptée que la Défense identifierait comme

4 étant relative au comportement de l'accusé et si M. Kljuic souhaite faire

5 des commentaires concernant la conversation interceptée en question, nous

6 sommes disposés pour notre part de le faire. Nous sommes disposés pour ce

7 qui est de toute conversation interceptée qui ferait l'objet d'objections

8 de la part d'entendre des explications de la part de M. Kljuic et de les

9 entendre viva voce.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 M. STEWART : [interprétation] Oui, mais pour ce qui est de ces 138

12 conversations interceptées, l'Accusation a certainement fait une sélection.

13 Je crois qu'ils ont dû en prendre 17, peut-être 20 ou 30 ou un chiffre de

14 ce genre. Je peux être corrigé pour ce qui est des détails, mais je crois

15 que c'est cet ordre de grandeur.

16 Nous supposons que l'Accusation a choisi ces conversations

17 interceptées parce qu'elle estime qu'elles sont pertinentes pour l'affaire

18 qui nous intéresse. Or, toutes les conversations interceptées font parties

19 de ce qui est considéré comme étant la catégorie des actes et comportements

20 de l'accusé, et il s'agit de conversations où nous devons voir quel est le

21 sujet de la conversation. Nous avons des conversations interceptées au

22 sujet desquelles l'Accusation estimerait qu'elles sont suffisamment

23 pertinentes pour faire l'objet de ce choix ou de cette sélection, en

24 principe, s'agissant de telles conversations interceptées, il faudrait que

25 nous ayons des résumés de fournis. Cela ne signifie pas nécessairement que

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1 nous devrions réécouter toutes les conversations parce que nous avons les

2 transcriptions. Maintenant, pour ce qui est de l'explication apportée par

3 le témoin concernant ce qu'il a compris avoir été dit dans le cadre de ces

4 conversations, c'est une chose que nous pouvons tirer de la transcription

5 de cette conversation interceptée, et ce serait une approche tout à fait

6 différente. Le témoin dirait : "Oui, ce sont là les commentaires que j'ai

7 faits," et cela pourrait être versé au dossier.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous avons certains

9 éléments directeurs, et nous avons fourni des lignes directrices à M.

10 Harmon. La Chambre est, bien entendu, préoccupée par cette façon de se

11 préparer, mais ne blâme pas l'Accusation parce que la Chambre est

12 consciente de ce fait, tout comme la Défense, à savoir, les limites de

13 temps qui sont aussi imposées à l'Accusation.

14 Nous allons continuer, partant de ce que nous avons déjà entendu de

15 la part des deux parties, et nous allons décider par la suite si un délai

16 complémentaire ou des moyens complémentaires s'avèreraient nécessaire par

17 la suite. Mais voyons d'abord comment les choses vont se dérouler partant

18 de la ligne directrice émanant de la Chambre à l'intention de M. Harmon.

19 Nous allons voir s'il est nécessaire par la suite de trouver quelque remède

20 juridique que ce soit dans une phase ultérieure.

21 M. HARMON : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, allez-y.

23 M. HARMON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

24 Q. Monsieur Kljuic, nous allons continuer avec votre témoignage. Je me

25 permettrais d'abord de relever quelques points ou quelques éléments de

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1 votre carrière politique, et je vous demanderais de confirmer ce que vous

2 nous avez déclaré.

3 Monsieur Kljuic, vous avez regagné les rangs du Parti démocratique croate

4 de Bosnie en Bosnie-Herzégovine en mars 1990, et vous avez été secrétaire

5 politique de ce parti jusqu'à septembre 1990. Entre le 7 septembre 1990, et

6 le 2 février 1992, vous avez été président de ce HDZ pour la Bosnie-

7 Herzégovine.

8 Après les élections pluripartites de 1990, vous êtes devenu membre de la

9 présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine et membre de

10 cette présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. En cette qualité-

11 là, vous avez exercé vos fonctions jusqu'au 6 novembre 1992. Vous avez, une

12 fois de plus, été nommé à la présidence de la Bosnie-Herzégovine, et vous

13 avez exercé ces fonctions depuis le 10 octobre 1993, jusqu'au mois

14 d'octobre 1996.

15 En date du 6 juin 1994, vous avez créé, vous avez fondé un parti

16 républicain de la Bosnie-Herzégovine, un parti qui s'est employé en faveur

17 d'une Bosnie pluriethnique, une Bosnie séculaire, une Bosnie démocratique,

18 et vous avez également été favorable au retour des réfugiés. Entre avril

19 1992 et octobre 1993, vous avez été président de cette commission d'Etat

20 chargé de la collecte des informations portant sur les crimes de guerre, et

21 vous êtes resté membre de cet organe ou de cette institution jusqu'à la fin

22 de 1993.

23 En ce moment-ci, vous exercez les fonctions de conseiller aux affaires

24 étrangères au sein de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

25 Est-ce là un résumé exact des fonctions qui ont été les vôtres et qui sont

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1 celles que vous occupez à présent ?

2 R. Oui, tout à fait.

3 Q. J'aimerais, à présent, Monsieur Kljuic, que nous nous concentrions sur

4 ce que vous avez su et les connaissances que vous avez eues avec les

5 individus au sein de la direction des Serbes de Bosnie, et j'aimerais que

6 vous disiez à la Chambre ce que vous savez nous dire au sujet d'une

7 personne, au sujet des contacts que vous avez eus avec.

8 Je vais commencer, tout d'abord, par Radovan Karadzic. J'aimerais que vous

9 décriviez à l'intention de la Chambre comment vous avez fait connaissance

10 de M. Karadzic, combien de temps vous l'avez connu, et quels ont été les

11 contacts que vous avez eus.

12 R. Le Dr Radovan Karadzic est une personne que je connais depuis 25 ou 30

13 ans. J'ai été, à l'époque, un journaliste qui a beaucoup écrit au sujet de

14 thèmes culturels. Il a été membre de l'association des écrivains. On a été

15 membres de la direction de ce club de foot de Sarajevo où il a exercé en

16 tant que psychologue. Avec la création de partis politiques avec des

17 qualificatifs nationaux, nos contacts et notre coopération ont été

18 quotidiens jusqu'au début avril 1992.

19 Q. Pouvez-vous dire à l'intention de la Chambre quels ont été les contacts

20 que vous avez eus avec Mme Biljana Plavsic. Comment l'avez-vous connue ?

21 R. Je l'ai très bien connue. Pendant plus de 30 ans, j'ai été très bon ami

22 avec le frère de Mme Biljana Plavsic. Elle, je l'ai connue, bien avant la

23 guerre. Nous nous sommes connus à Dubrovnik où nous passions nos vacances.

24 Avant ces élections de 1990, les contacts avec Biljana Plavsic étaient

25 plutôt fréquents parce que son frère avait insisté sur cette relation

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1 proche aux fins de nous faire prendre des positions conjointes entre le SDS

2 et le HDZ, des positions concertées. Mis à part ceci, au sein de la

3 présidence, nous étions assis l'un à côté de l'autre. En terme pratique,

4 nous nous voyions tous les jours.

5 Q. S'agissant de Nikola Koljevic maintenant, pourriez-vous nous dire ce

6 que vous savez à son sujet ?

7 R. Lui aussi je le connaissais depuis un bon nombre d'années étant donné

8 que c'était une personne qui avait des études de Shakespeare, et son frère

9 Sveto a également enseigné à la faculté de philosophie de Sarajevo. Tout

10 ceux-ci, c'étaient des personnes avec qui j'ai pris part à bon nombre de

11 manifestations culturelles. Bien entendu, l'intensité de ces contacts n'a

12 fait que croître lorsqu'il y a eu les préparatifs de ces premières

13 élections pluripartites de 1990.

14 Q. M. Koljevic a également été membre de cette présidence, n'est-ce pas?

15 R. Oui. Nous passions bon nombre de jours ensemble parce que nous avons

16 travaillé ensemble dans certains organes créés par la présidence, à savoir,

17 le comité chargé de la Politique étrangère.

18 Q. Pour finir, j'aimerais attirer votre attention sur Momcilo Krajisnik.

19 Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure vous avez connu M. Krajisnik ?

20 R. J'ai fait la connaissance de M. Krajisnik en 1990, à l'occasion de

21 cette campagne électorale. Par la suite, lorsqu'il est devenu président du

22 parlement, nous avons eu toute une série de contacts. D'autant plus qu'en

23 ma qualité de membre de la présidence, j'avais assisté à chacune des

24 sessions du parlement. Mis à part cela, lorsqu'il y a eu des négociations

25 importantes entre ces parties, le SDS avait surtout délégué Krajisnik et

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1 Karadzic. Pour ma part, en ce temps-là, j'avais été le plus éminent des

2 représentants du HDZ.

3 En sus, je me suis entretenu avec M. Krajisnik à plusieurs reprises

4 lorsqu'il y a eu des négociations entre le SDS et le HDZ au niveau

5 officiel. Ce que je tiens à dire, c'est que cette vie politique de la

6 Bosnie-Herzégovine depuis 1990, depuis le début de 1990 jusqu'au début de

7 1992, avait été une vie politique des plus condensées, avec une

8 concentration de contenu très importante. Je ne sais vous énumérer le

9 nombre de réunions, mais nous nous sommes bien connus sur le plan

10 politique. Cela, c'est une chose tout à fait indubitable.

11 Q. Passons à présent à la direction en Serbie. J'aimerais que vous nous

12 disiez quelque chose au sujet de Slobodan Milosevic.

13 R. Il est évident que M. Slobodan Milosevic avait été le réalisateur d'un

14 projet conçu au sein de milieux intellectuels de l'Académie serbe des

15 sciences et des arts. Il a été le premier et le seul vrai leader que, d'une

16 manière ou d'une autre, tout un chacun devait écouter.

17 Pour ce qui est de mes contacts politiques avec Slobodan Milosevic, je

18 tiens à préciser que j'ai fait une déclaration à l'occasion de mon

19 témoignage dans son procès à lui. Le sujet de ces conversations se résumait

20 en ces efforts déployés aux fins de partager la Bosnie-Herzégovine. Ce

21 n'est pas en moi qu'il a, à son grand regret, trouvé de partenaire ou

22 d'interlocuteur à ce sujet. Nous n'en avons pas parlé, il n'y a pas eu

23 d'accord.

24 Q. Serait-il juste de dire que vous avez eu un grand nombre de contacts

25 avec M. Milosevic et que, c'est partant de ces rencontres-là, que vous avez

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1 pu déterminer quels avaient été ses points de vue à l'égard de la Bosnie-

2 Herzégovine ?

3 R. Je ne peux pas dire que nous en avons eu beaucoup de ces contacts, mais

4 nous avons eu des conversations officielles. Dans le cadre de ces

5 conversations officielles, nous avons eu des entretiens à part.

6 Pour ce qui est des points de vue de M. Milosevic au sujet de la Bosnie-

7 Herzégovine, il n'a pas dissimulé ses points de vue. Bien au contraire, il

8 a essayé de trouver en moi un partenaire pour partager ses points de vue,

9 tout comme cela a été tenté par M. Karadzic. Cependant, j'ai été homme à

10 prôner l'intégralité, la sauvegarde de l'intégralité de la Bosnie-

11 Herzégovine, et je n'ai pas accepté ce genre de chose. C'est précisément la

12 raison pour laquelle j'ai divergé des positions par rapport aux positions

13 prises par Zagreb à titre officiel en début 1990. Je vais dire les choses

14 clairement. J'ai été l'un des premiers à publier le programme national des

15 Croates en Bosnie-Herzégovine et, à mes yeux, la chose la plus importante

16 consistait à faire en sorte que la Bosnie-Herzégovine demeure un Etat

17 souverain, une république souveraine, et qu'elle bénéficie du même statut

18 que les autres républiques de l'ex-Yougoslavie, ce que la commission

19 Badinter a constaté elle-même, aussi bien.

20 Q. Monsieur Kljuic --

21 R. Laissez-moi dire encore une phrase et finir. J'avais recherché à faire

22 en sorte que soit mise en place une égalité en droit pour les Croates de la

23 Bosnie-Herzégovine.

24 Q. Monsieur Kljuic, je voudrais maintenant que nous parlions de la

25 direction des Serbes de Bosnie. Pourriez-vous identifier, voir citer, les

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1 responsables les plus éminents de ces Serbes de Bosnie ?

2 R. Quoique ce cercle de personnes officiellement fût plus grand, je dirais

3 que l'autorité et les pouvoirs les plus grands revenaient aux personnes

4 suivantes ou plutôt, à nos yeux, les personnes pertinentes, c'était

5 Karadzic et Krajisnik. Pour ce qui est de Biljana Plavsic et de Koljevic,

6 ils avaient exercé des fonctions éminentes au sein de l'Etat. Pour ce qui

7 est de la stratégie de la réalisation du programme telle que tracée, on ne

8 leur demandait pas trop leur avis. Il y avait d'autres personnes telles que

9 Maksimovic, Buha, Ostojic et autres qui ont été traités comme étant des

10 membres de la direction restreinte du SDS. Ils pouvaient exercer leur

11 influence au niveau de certaines régions, mais ils n'avaient pas

12 d'influence à exercer pour ce qui est des décisions essentielles afférentes

13 à la stratégie et à la politique.

14 Q. Maintenant --

15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que M.

16 Harmon pose moins de questions journalistiques. "Pourriez-vous nous dire

17 quel avait été les responsables principaux des Serbes de Bosnie dans cette

18 constellation du pouvoir," je ne pense pas que cela soit une façon

19 appropriée d'interroger un témoin. Je crois qu'il y a des façons bien plus

20 neutres de poser des questions. J'aimerais que nous parlions, par exemple,

21 de : "Responsables les plus éminents des Serbes de Bosnie.". Cette

22 "constellation du pouvoir", si nous voyons les textes, je crois que c'est

23 M. Harmon qui s'est exprimé de la sorte, ce n'est pas les propos du témoin.

24 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la façon

25 de poser la question est tout à fait approprié. Je peux poser la question

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1 de façon différente, certes. Je peux parler des leaders les plus importants

2 de la Republika Srpska. J'estime que ma question a été posée de façon, tout

3 à fait, appropriée. Je voudrais que vous m'autorisiez à continuer à

4 interroger M. Kljuic.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne trouve pas que la forme de

7 la question a été inappropriée. Vous pouvez continuer, M. Harmon.

8 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Kljuic, avez-vous eu l'opportunité de voir M. Krajisnik et M.

10 Karadzic travailler et coopérer l'un avec l'autre ?

11 R. Cela n'a pas un secret du tout. Non seulement ils étaient les

12 responsables les plus éminents, mais ils étaient les meilleurs amis du

13 monde. Je crois que dans cette direction serbe de Bosnie, la seule

14 véritable amitié en place était celle qui existait entre Krajisnik et

15 Karadzic.

16 Q. Je vais vous demander de nous décrire les relations personnelles, pour

17 autant que vous le sachiez, qui étaient celles qui existaient entre M.

18 Krajisnik et M. Karadzic ?

19 R. Je viens de vous dire qu'ils étaient les seuls amis sincères. Cela a

20 été déterminé par leur position la plus éminente.

21 Si nous nous entretenions, par exemple, avec le SDS et qu'il y avait

22 Koljevic, Plavsic, cela ne signifiait pas que l'accord obtenu était final.

23 Mais une fois qu'on s'était entretenu avec M. Krajisnik et M. Karadzic et,

24 lorsque nous avions arrêté une décision, cela avait été une décision

25 fermement arrêtée.

Page 6082

1 Q. A présent, pour ce qui de la position des fonctions véritables

2 exercées par M. Krajisnik avant le début de la guerre, nous dirons qu'il a

3 été président de l'assemblée du parlement. Ce que je voudrais vous demander

4 c'est ce qui suit : avait-il la compétence d'une personne qui exerçait des

5 fonctions législatives, ou avait-il des attributions qui allaient au-delà

6 de ce cadre ? Je parle des attributions qui étaient les siennes au sein du

7 SDS et des structures gouvernementales.

8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le

9 témoin ne réponde à cette question, je voudrais qu'une chose soit vraiment

10 précisée avec clarté. Le témoin, ici présent, n'est pas venu fournir un

11 témoignage d'expert. Il y a des éléments de preuve publics, il y a des

12 questions constitutionnelles et des questions légales ou des questions de

13 droit dont nous pouvons parler, mais ce témoin n'est pas venu nous parler

14 de cela. Il n'est pas venu témoigner à ce sujet là. S'agissant des autres

15 domaines, le témoin peut nous parler de ce qu'il a su, quelles sont ses

16 connaissances personnelles, et là je ne vais pas faire d'objection en

17 principe. Ce que je souhaite toutefois dire, s'agissant des autres

18 domaines, c'est qu'il convient de faire une différence très nette. Je crois

19 que, là, la différence s'estompe.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous convie de vous en tenir le

21 plus près possible des faits, parce que le type de connaissance de ce

22 témoin est de nature à ne pas laisser entendre de façon claire, ce qui

23 consisterait en un témoignage d'expert, ce qui serait un témoignage de

24 témoin de faits.

25 Veuillez continuer.

Page 6083

1 M. HARMON : [interprétation]

2 Q. Monsieur Kljuic, vous nous avez parlé des contacts que vous avez eus au

3 quotidien avec les dirigeants des Serbes de Bosnie et autres personnalités

4 importantes au sein du parti du SDS. Vous avez collaboré de façon très

5 proche avec M. Krajisnik. Vous avez pu voir quelles avaient été ses

6 relations avec M. Karadzic. Vous avez eu, également, l'occasion de

7 remarquer quel était le comportement des personnalités politiques des

8 Serbes de Bosnie, non seulement au niveau national, mais aussi bien au

9 niveau municipal.

10 Ma question est la suivante : partant de ces faits, partant de ce que

11 vous savez au sujet de M. Krajisnik, étant donné que vous avez eu des

12 contacts avec les dirigeants des Serbes de Bosnie, y compris les membres de

13 la présidence de la République même, pouvez-vous nous dire si les

14 attributions, les compétences qui étaient celles de M. Krajisnik pour ce

15 qui est du parti du SDS, allaient au-delà des attributions dont serait

16 investi un président de parlement ?

17 R. Je dois vous dire que, pour la première fois au bout de 50 ans,

18 on voyait apparaître en Bosnie un pluralisme politique. Qu'il y a eu

19 plusieurs partis politiques de créés. Nous n'avions pas d'expérience en la

20 matière. Très souvent, il y avait interférence entre les fonctions

21 officielles de l'Etat, et les fonctions qui étaient celles d'un

22 représentant du parti. Je dirais qu'à aucun endroit l'on ne faisait la

23 distinction.

24 Je dois vous dire qu'en sa qualité de président du parlement, M.

25 Krajisnik était très adroit. Il savait manipuler, il savait obstruer

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1 certaines choses qui avaient déjà été décidées même. Pour ce qui est des

2 relations au sein de la direction du SDS, tout citoyen de la

3 Bosnie-Herzégovine pourra vous dire que Krajisnik et Karadzic avaient été

4 le niveau le plus élevé et que tous les autres étaient une sorte de décor.

5 C'était l'emballage pour faire joli.

6 Q. Est-ce que son autorité -- est-ce que les pouvoirs qu'il avait

7 excédaient les pouvoirs du législateur ? Est-ce qu'ils allaient au-delà du

8 législateur ?

9 R. Lors des négociations politiques, il était, de façon considérable, au

10 dessus de la position que tenait l'administration de l'Etat.

11 Q. Est-ce que vous savez de quelle façon le pouvoir qu'il détenait était

12 perçu au sein des cercles des Serbes de Bosnie, parmi les dirigeants des

13 Serbes de Bosnie qui étaient les dirigeants qui se trouvaient à la tête de

14 diverses municipalités ?

15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, cette question-ci, à

16 savoir de "quelle façon son pouvoir au sein des cercles politiques des

17 Serbes de Bosnie avait été perçu par les Serbes de Bosnie qui étaient les

18 dirigeants du SDS et des municipalités," je crois que cette question n'est

19 pas une question appropriée à poser à ce témoin. Si ce témoin a quelques

20 connaissances qu'il peut fournir en tant qu'élément de preuve au Tribunal

21 concernant ces faits et concernant laisser à savoir quels étaient les

22 pouvoirs que détenait M. Krajisnik par rapport aux municipalités, et quels

23 étaient ses liens avec ces municipalités, à ce moment-là, il peut donner ce

24 genre de renseignements, il peut témoigner là dessus. Mais à lui poser une

25 question, ou simplement à savoir de quelle façon les personnes de la

Page 6085

1 municipalité percevaient le pouvoir de

2 M. Krajisnik, en fait, c'est déjà un concept assez vague, à ce moment-là

3 j'estime que cette question n'est pas appropriée.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce n'était pas là la question. La

5 question était à savoir s'il savait de quelle façon son pouvoir était

6 perçu, je crois que le témoin peut nous répondre par un oui, ou par un non.

7 S'il nous répond par un oui, à ce moment-là,

8 M. Harmon posera d'autres questions supplémentaires.

9 Si on demande au témoin la question, à savoir de quelle façon les autres

10 percevaient le pouvoir de M. Krajisnik, la Chambre s'attend à ce que M.

11 Harmon, à ce moment-là, explore plus en profondeur ce que le témoin veut

12 dire par là. Quelles étaient les personnes qui percevaient ceci, et cetera.

13 M. STEWART : [interprétation] Effectivement. Monsieur le Président,

14 l'introduction "est-ce que vous savez" le fait de lui demander est-ce que

15 vous savez, à ce moment-là, est autre chose. Mais la question est

16 exactement la même, que l'on demande au témoin s'il avait connaissance ou

17 non, c'est la même chose.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande à Me Harmon de poursuivre.

19 Votre objection est rejetée.

20 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, en fait, vous n'avez

21 pas du tout saisi mon objection.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai ajouté d'autre chose qui se

23 rapportait à la connaissance de ce témoin. Objection rejetée, veuillez

24 poursuivre Monsieur Harmon.

25 M. HARMON : [interprétation]

Page 6086

1 Q. Monsieur Kljuic, pouvez-vous répondre à la question que je vous ai

2 posée, il y a quelques instants ?

3 R. Oui, certainement. Je sais quelle était la façon dont les députés

4 municipaux percevaient M. Krajisnik, ainsi que les citoyens de diverses

5 municipalités.

6 Q. Quelle était cette perception ? Comment le voyait-on ?

7 R. On l'estimait énormément. M. Krajisnik avait une autorité considérable.

8 Outre les tâches qu'il avait au sein d'une entreprise la plus importante en

9 Yougoslavie, qui s'appelait Ergoinvest, il était considéré comme étant un

10 excellent hôte. Il aimait bien également travailler sur sa ferme, et c'est

11 ainsi qu'on avait une image de lui comme étant un vrai représentant du

12 peuple yougoslave.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quel est, selon

14 vous, ce respect que lui montraient les personnes ? Pouvez-vous nous donner

15 des exemples ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on était sur le terrain, lorsque

17 certains incidents survenaient, moi, en tant que président d'une grande

18 majeure partie des Croates de Bosnie-Herzégovine, je peux vous dire que, si

19 je voulais neutraliser un certain incident qui s'est déroulé sur un

20 territoire particulier, par exemple, entre les Serbes et les Croates, à ce

21 moment-là, je m'entretenais avec Karadzic. Il fait un signe de la main. Il

22 disait : "Bon, tout ira bien," mais il ne prenait jamais note de rien. Il

23 ne prenait jamais rien par écrit.

24 Par contre, lorsque j'entrais en contact avec M. Krajisnik et je lui

25 demandais de résoudre une situation, s'il était prêt à résoudre la

Page 6087

1 situation ou accepter de résoudre la situation, je peux vous garantir que

2 le problème était résolu.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, cela ne répond toujours pas à

4 ma question. Comment saviez-vous que c'était une personne qui était

5 particulièrement bien respectée par les citoyens ou par les représentants

6 inférieurs de la municipalité ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, j'ai été journaliste pendant

8 plusieurs années, et il y avait un certain comportement que les gens

9 avaient vers les médias; Karadzic était une sorte de porte-parole de cette

10 politique, de ce programme. Il aimait bien s'entretenir avec les

11 journalistes. Il aimait se vanter, il aimait menacer, alors que M.

12 Krajisnik était une toute autre personne. Il était très sérieux. Il avait

13 beaucoup de retenue. Il ne donnait jamais des déclarations qui pourraient

14 irriter quelqu'un et, en même temps, il mettait en place le programme.

15 C'est ceci que l'on pouvait voir au parlement.

16 Par exemple, si quelque chose est à l'ordre du jour, et que quelque chose

17 était adopté, une déclaration était adoptée et que c'était très important

18 pour l'Etat, et vous devez savoir que le parlement était très important,

19 que le travail du parlement était important dans le sens où on avait

20 énormément de réunions. Il fallait procéder à la transition du communisme

21 au capitalisme, donc il fallait refaire les lois, et cetera. Si une

22 décision ne convenait pas au SDS, le président du parlement ou de

23 l'assemblée municipale permettait aux représentants du SDS de prendre la

24 parole, et c'est à ce moment-là que l'assemblée perdait tout sens. La

25 session pouvait durer plusieurs jours et, à la fin, on n'avait pas de

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1 quorum.

2 Pour ce qui est du programme du SDS et pour ce qui est des citoyens qui, à

3 l'époque, étaient membres du SDS ou qui étaient sympathisants du SDS, je

4 peux vous dire que pour eux et sur eux, M. Krajisnik avait une autorité

5 énorme, c'est-à-dire qu'on avait une estime extrêmement grande pour lui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez toujours pas complètement

7 répondu à ma question. Mais je vous prie de poursuivre, Monsieur Harmon.

8 M. HARMON : [interprétation]

9 Q. Monsieur Kljuic, permettez-moi maintenant d'entrer dans votre

10 évaluation qu'est l'autorité qu'avait M. Krajisnik pendant la guerre et

11 après la guerre. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner votre évaluation

12 concernant l'autorité qu'il avait pendant ces deux périodes ?

13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, de nouveau, va-t-on

14 essayer de soutirer à ce témoin des faits ou non ? Car il s'agit d'une

15 répétition maintenant de questions posées. Le témoin, tel M. Kljuic, ce

16 témoin-ci n'est pas amener à répondre aux questions factuelles. Il faudrait

17 des questions, à savoir, des questions factuelles.

18 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais simplement

19 explorer ce domaine. Je voulais savoir quelle était la base de son

20 évaluation.

21 M. STEWART : [interprétation] Il faudrait peut-être qu'il pose d'autres

22 questions car j'interromprais Me Harmon jusqu'à ce qu'il ne cesse de poser

23 des questions dans cette forme-ci. Il faudrait éviter les questions

24 générales et poser des questions spécifiques immédiatement.

25 M. HARMON : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, qu'il s'agit

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1 de la façon adéquate de poser ces questions. Je vous demande de me

2 permettre de poursuivre l'interrogatoire de ce témoin.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, à chaque fois qu'une

4 évaluation fait l'objet d'une question, une évaluation qui est la vôtre,

5 pourriez-vous nous dire sur la base de quoi votre opinion est basée

6 exactement ?

7 Vous pourrez maintenant répondre à la question, mais je vous prierais

8 de ne pas oublier que l'on vous demande de donner votre propre évaluation

9 de l'autorité qu'avait M. Krajisnik pendant la guerre. Ne nous dites pas

10 simplement, il avait beaucoup d'autorité, mais dites-nous plutôt sur la

11 base de quoi vous venez à cette conclusion.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous savez, chaque

13 personne en Bosnie-Herzégovine qui était impliquée dans la vie politique,

14 savait quels étaient ses autorités et ses pouvoirs. Je ne sais pas comment

15 les choses se sont déroulées pendant la guerre puisque nous étions dans des

16 camps opposés. Mais après la guerre, M. Krajisnik était le premier Serbe,

17 qui était membre du parlement après la guerre. De plus, il a fait partie

18 des négociations de Dayton. Après le retrait de Karadzic, on pourrait dire

19 qu'il avait un appui plébiscitaire de l'élite politique serbe. Il était une

20 personne proéminente de la vie politique à cette époque-là.

21 Maintenant, si vous voulez savoir quel était son pouvoir, si le

22 Procureur me permet, je voudrais vous donner un exemple d'une réunion que

23 nous avons eue. J'étais un politicien indépendant. J'avais une orientation

24 pro bosnienne et, du côté serbe, j'ai toujours été accusé de collaborer

25 avec des Musulmans, et cela s'était rendu à Zagreb.

Page 6090

1 Un jour, justement, le président Tudjman m'a demandé : pourquoi est-ce que

2 tu ne collabores pas avec les Serbes ? C'était sans doute parce que, déjà,

3 il avait eu quelques contacts avec Milosevic. Il me semble qu'ils étaient

4 en contact téléphonique permanent à cette époque.

5 J'ai demandé que les dirigeants serbes et croates en Bosnie-Herzégovine se

6 réunissent. Du côté serbe, il y avait le Pr Koljevic. Krajisnik était

7 présent, Karadzic également. La réunion a eu lieu dans le cabinet de

8 Krajisnik dans l'assemblée ou à l'assemblée. Juste à côté de moi, il y

9 avait le ministre Jerko Doko, et mon vice-président, Ivko Stanic. C'était

10 un moment des plus importants car nous pouvions voir le rapport de force,

11 notamment. Nous, qui voulions une Bosnie-Herzégovine indépendante, nous

12 voulions reconnaître les frontières de la Serbie et du Monténégro car, si

13 nous acceptions cela, la Bosnie restait sans contestation puisqu'elle

14 n'avait pas de prétentions territoriales envers personne. D'autre part, le

15 SDA et M. Izetbegovic, nous voulions reconnaître la Serbie, le Monténégro

16 et la Croatie. Maintenant, moi, en tant que président du HDZ, j'ai reconnu

17 la Serbie, le Monténégro, et la Croatie.

18 C'est à ce moment-là que les dirigeants des Serbes et des Croates

19 s'étaient rencontrés. C'était une réunion particulièrement importante, et

20 c'est lors de cette réunion que je leur ai proposé, puisqu'ils disaient

21 tous que j'étais leur ami puisque j'étais très prêt de tous, ils m'avaient

22 dit qu'il leur était très important que moi, en tant que personne née à

23 Sarajevo, puisque j'avais d'autres représentants ruraux, on m'avait dit que

24 j'étais une personne avec laquelle il était assez facile de négocier.

25 Lorsque je leur ai demandé d'accepter les frontières de la Croatie, de la

Page 6091

1 Serbie et du Monténégro, ces trois messieurs se sont levés, et ils ont dit

2 que ceci est inacceptable. C'est ainsi que j'ai reçu l'argument le plus

3 fort. J'ai compris qu'ils ne souhaitaient pas que la Bosnie-Herzégovine

4 soit résolue de façon pacifique et qu'ils ne souhaitaient pas accepter une

5 entité Bosnie-Herzégovine. Je pourrais vous d'autres détails politiques

6 car, vous savez, je ne parle pas de Plavsic, de Buha, de Maksimovic, je ne

7 parle pas de ces gens-là qui étaient devant moi. Nous -- c'était le premier

8 échelon du SDS, ce qui témoignait de la force des personnes qui étaient

9 présentes à cette réunion.

10 En d'autres mots, dans la vie, on avait formé des opinions des

11 personnes. Vous savez, après une période communiste qui a duré pendant 45

12 ans, pour la première fois, on avait la chance ou la possibilité de

13 rencontrer de nouvelles personnes qui étaient des dirigeants. Il y avait

14 des journalistes qui racontaient quelles étaient les passe-temps de

15 certaines personnes, de quelle façon les personnes passaient leur temps

16 libre, et c'est ainsi qu'on a pu avoir une idée de ces personnes, de qu'ils

17 étaient, et c'est ainsi que

18 M. Krajisnik était perçu comme une personne d'autorité, peut-être parce

19 qu'il ne disait jamais rien de déplacer, il était assez retiré, il n'était

20 pas extravagant comme Karadzic. Karadzic voulait toujours être au centre de

21 l'attention. Il donnait toute sorte de promesses, il menaçait également,

22 lorsque Krajisnik était une personne retenue et sérieuse.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette réunion, Monsieur le Témoin, a eu

24 lieu quand exactement ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette réunion a eu lieu à l'automne 1991, car

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1 --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

3 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Témoin, je souhaiterais attirer

4 votre attention sur une période pendant la guerre et sur la période qui a

5 suivi la guerre. J'aimerais que l'on passe une cassette audio. C'est une

6 pièce qui était trouvé dans le classeur 292, et il s'agit des conversations

7 interceptées. Cette conversation interceptée porte la cote -- ou plutôt,

8 cette conversation interceptée a été retranscrite et elle figure à

9 l'intercalaire 31423. L'huissière pourrait peut-être nous aider, démontrer

10 ceci à M. Kljuic.

11 R. Je ne l'ai pas sur le moniteur.

12 Q. Il faudrait peut-être trouver la page appropriée. De nouveau, je

13 répète, il s'agit du numéro 31423. C'est le transcript bosnien, pourrait-on

14 placer ce transcript devant le témoin ?

15 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit d'un document qui se trouve dans le

16 classeur 292. Monsieur le Président, il y a plusieurs intercalaires dans ce

17 classeur.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mon dernier numéro est 31272, si je ne

19 m'abuse.

20 M. HARMON : [interprétation] Il faudrait trouver ceci au numéro

21 d'identification KID 31423, qui se trouve vers le milieu de l'intercalaire.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les numéros ne correspondent

23 pas --

24 M. STEWART : [interprétation] C'est un peu une façon assez vieillotte

25 d'identifier ces numéros. Vous savez, il faudrait peut-être donner la date,

Page 6093

1 donner une date pour être particulièrement utile, puisque certains d'entre

2 nous travaillons pour la plupart du temps avec des dates.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis certain que M. Harmon nous

4 trouvera bien un indice qui nous aidera à trouver la conversation

5 particulière.

6 M. HARMON : [interprétation] C'est daté du 27 mai 1992. Il s'agit d'une

7 conversation qui a eu lieu entre Ratko Mladic et M. Krajisnik. Je

8 demanderais que l'on passe cette conversation interceptée, je vous prie.

9 Pouvait-on accorder quelques instants, s'il vous plaît ? Merci.

10 [L'Accusation et la (gérante d'affaire se concerte]

11 Il semblerait que nous ayons un problème technique. C'est notre logiciel,

12 le Sanction, qui nous cause quelques soucis.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, vous

14 efforcer d'obtenir votre logiciel Sanction, ou de faire en sorte qu'il soit

15 réparé ?

16 M. HARMON : [interprétation] Je vois que la pause est prévue dans dix

17 minutes. Pourrait-on peut-être prendre la pause immédiatement, et c'est

18 ainsi que nous essayerons de faire en sorte que le logiciel, le Sanction,

19 doit ramené sur nos moniteurs après la pause ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Nous allons prendre

21 une pause à ce moment-ci, et nous reprendrons nos travaux à 11 heures moins

22 quart.

23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

24 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je souhaiterais

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1 informer les parties d'une conclusion à laquelle la Chambre de première

2 instance est arrivée, c'est-à-dire que nous attendons à ce que l'Accusation

3 explore la base factuelle de ce lorsqu'on demande au témoin de fournir une

4 évaluation. Il faudra s'assurer qu'il nous donne la base factuelle pour

5 laquelle il émet cette hypothèse.

6 La Chambre ne s'attend pas à ce que le témoin formule des conclusions

7 auxquelles il vient de parvenir aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle

8 la séquence serait la suivante : d'abord il faut établir les faits,

9 ensuite, évaluation et, ensuite, l'évaluation des faits. Ce qui est

10 vraiment important c'est l'évaluation factuelle de l'opinion présentée par

11 le témoin.

12 Maître Harmon, je vous écoute. Est-ce que les problèmes techniques ont été

13 résolus pendant la pause ?

14 M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Miraculeusement,

15 les choses se sont résolues. Maintenant, nous allons pouvoir procéder.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Madame l'Huissière, je vous prie

17 de faire entrer M. Kljuic dans le prétoire.

18 M. HARMON : [interprétation] De nouveau, Monsieur le Président, je souhaite

19 répéter que nous allons écouter la conversation interceptée qui porte la

20 cote d'identification KID 31423.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous l'avons sous les yeux.

23 M. HARMON : [interprétation]

24 Q. Monsieur Kljuic, vous devriez avoir sous les yeux une copie de la

25 conversation interceptée que vous allez entendre. C'est une conversation

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1 interceptée qui a eu lieu entre Ratko Mladic et Momcilo Krajisnik qui date

2 du 27 mai 1992. Je prierais la cabine technique de nous faire passer la

3 cassette.

4 [Diffusion de cassette audio]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Mladic Ratko : Allo ?

7 L'intervenante non-identifiée : Allo.

8 Mladic Ratko : Bonjour. Ici Mladic.

9 L'intervenante non-identifiée : Bonjour.

10 Mladic Ratko: Est-ce que Momir est là ?

11 L'intervenante non-identifiée : Oui. Un instant, je vous prie. Mladic

12 Ratko: Vite. Dépêchez-vous, c'est urgent.

13 L'intervenante non-identifiée : Oui, immédiatement. Un instant, je

14 vous prie. Ce ne sera pas très long. Allo ?

15 Mladic Ratko : Oui.

16 L'intervenante non-identifiée : Voilà. Le président arrive. Un

17 instant, je vous prie.

18 Krajisnik Momcilo: Bonjour.

19 Mladic Ratko : Bonjour, Monsieur le Président.

20 Krajisnik Momcilo : Bonjour.

21 Mladic Ratko : Comment allez-vous ?

22 Krajisnik Momcilo: Bien. Est-ce que vous avez bien dormi ?

23 Mladic Ratko: Oui, j'ai bien dormi. Voici ce que j'ai à vous dire :

24 la situation autour de l'aéroport a été respectée. Il faut dire cela

25 au média. Il y a quelques coups de feu, mais nous ne ripostons pas.

Page 6096

1 Krajisnik Momcilo: Je vais immédiatement dire.

2 Mladic Ratko : Momir est allé sur place ?

3 Krajisnik Momcilo: Oui.

4 Mladic Ratko : Il va travailler avec Boskovic et les autres.

5 Krajisnik Momcilo : Très bien, j'entends.

6 Mladic Ratko : Je vais procéder selon le plan et je vais voir comment

7 les choses vont évoluer.

8 Krajisnik Momcilo : Très bien.

9 Mladic Ratko: Nous allons nous entretenir là-dessus un peu plus tard.

10 Krajisnik Momcilo : Très bien.

11 Mladic Ratko : J'ai dit à Tolimir qu'il faut descendre sur le front,

12 et les choses ne vont pas très bien ici. La situation est assez

13 précaire.

14 Krajisnik : --

15 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que la conversation est beaucoup

16 trop rapide, et qu'il est absolument impossible d'interpréter à ce rythme-

17 ci.

18 [aucune interprétation]

19 Mladic Ratko : -- "Ils m'ont dit que le ministère de l'Intérieur

20 devait prendre le contrôle.

21 Krajisnik Momcilo: D'accord. Ça marche.

22 Mladic Ratko: Le ministère et le pouvoir judiciaire doivent remplir

23 son rôle.

24 Krajisnik Momcilo: Toutes les personnes qui ont des généraux comme

25 vous ont de la chance.

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1 Mladic Ratko : Je vais vous poser la question : qu'est-ce que vous

2 pensez si je devais faire un entretien et appeler les jeunes retraités.

3 Krajisnik Momcilo : C'est une très bonne idée pour la défense du

4 pays.

5 Mladic Ratko : Très bien, bonne idée.

6 Krajisnik Momcilo : Très bien.

7 Mladic Ratko : Cela marche.

8 Krajisnik Momcilo : Il y aura quelqu'un là haut qui va vous rejoindre

9 comme prévu à Sokolac.

10 Mladic Ratko : Très bien, excellent. Mais laissez-le venir à ce

11 centre.

12 Krajisnik Momcilo : Il sait où se rendre. Vous serez au même endroit,

13 il sera à Sokolac.

14 Mladic Ratko : Très bien.

15 Krajisnik Momcilo : Vous savez, cela marche.

16 Mladic Ratko : Cela marche.

17 Krajisnik Momcilo : Au revoir.

18 Mladic Ratko : Au revoir."

19 M. HARMON : [interprétation]

20 Q. Monsieur Kljuic, le 20 mai [comme interprété], s'il vous plaît,

21 pourriez-vous nous dire à quoi correspond cette conversation téléphonique ?

22 Quel était le contexte de l'enregistrement de cette conversation ?

23 R. Cela porte sur la subordination de l'armée et des instances politiques

24 aux Serbes de Bosnie. Il apparaît clairement également que le général

25 Mladic agissait conformément à des instructions politiques qui lui avaient

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1 été données. Par exemple, il y a eu des vols de voiture et du pillage qui a

2 été mené. Ceci est assez caractéristique dans la première phase de cette

3 attaque.

4 Pour finir, c'est un fait qu'il y a eu un plan d'ordre général

5 décomposé en plusieurs étapes, et le matin, Mladic devait prendre ses

6 consignes pour la journée.

7 Q. Eu égard au pouvoir et à l'autorité de M. Krajisnik, comment

8 interprétez-vous cette conversation interceptée que nous venons

9 d'entendre ?

10 R. Bien que M. Krajisnik ait été officiellement le président de

11 l'assemblée des Serbes de Bosnie à l'époque, il est tout à fait clair qu'il

12 exerçait une influence très grande au quotidien.

13 Q. Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, la conversation où il dit : "Je

14 vais m'arrêter pour prendre de nouvelles instructions, de nouvelles

15 consignes," quel est, d'après vous, le sens de ceci, et comment ceci nous

16 permet-il d'expliquer le type d'autorité qu'exerçait M. Krajisnik ?

17 R. L'autorité qu'il exerçait n'était pas simplement officielle, et n'était

18 pas simplement liée à son poste car on peut supposer que le président de

19 l'assemblée s'occuperait de questions judiciaires. Mais il est tout à fait

20 clair que les événements sont évolués de telle sorte qu'il était devenu

21 nécessaire pour les dirigeants serbes de Bosnie de contrôler toutes les

22 activités, y compris les activités militaires.

23 Q. Dans cette conversation interceptée, je cite :

24 "M. Krajisnik, nous avons consolidé ce Trovrh." Qu'est-ce que cela

25 représente, s'il vous plaît, "cela aussi est une excellente nouvelle" ? Que

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1 signifie "Trovrh" ici ?

2 R. Tout d'abord, Ivan Sedlo est une ville importante entre Mostar et

3 Sarajevo. Depuis Ivan Sedlo, on peut contrôler la circulation sur la route.

4 Trovrh constitue un des points en hauteur dans la région de Sarajevo, et

5 constitue un point névralgique et, bien sûr, était important sur le plan

6 militaire.

7 Q. Votre opinion, quant à la connaissance du terrain de

8 M. Krajisnik, quelle est, d'après vous et d'après ce qu'on lit ici, sa

9 connaissance du terrain ?

10 R. Bien évidemment, c'est quelqu'un qui était bien informé, car si le

11 commandant en chef de l'armée serbe lui rendait des comptes, lui demandait

12 des consignes, des instructions, en tout cas, très souvent, même si cela

13 n'était pas de façon quotidienne.

14 Q. Merci. J'en ai terminé avec cette conversation interceptée.

15 Je souhaite maintenant vous poser la question suivante : vous avez parlé du

16 pouvoir et de l'autorité de M. Krajisnik. Vous avez été en contact avec lui

17 après la guerre -- après la fin de la guerre.

18 Pourriez-vous, de façon très succincte, s'il vous plaît, nous donner votre

19 opinion sur le pouvoir et l'autorité qu'exerçait, en réalité, M. Krajisnik,

20 et quels sont les faits sur lesquels vous fondez votre opinion, s'il vous

21 plaît ?

22 M. STEWART : [interprétation] De quelle période s'agit-il, s'il vous plaît,

23 et sur quoi porte la question, ceci pourrait nous être utile car M. Harmon

24 a évoqué le fait que M. Kljuic a été en contact avec M. Krajisnik après la

25 guerre. D'après la manière dont la question a été posée, nous ne savons pas

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1 exactement de quelle date il s'agit, du pouvoir et de l'autorité.

2 M. HARMON : [interprétation] La fin de la guerre.

3 M. STEWART : [interprétation] Maintenant, cela est clair.

4 M. HARMON : [interprétation] Merci beaucoup.

5 Q. Monsieur Kljuic, je vais vous demander, maintenant, s'il vous plaît, de

6 répondre à la question. Après la guerre, quels pouvoirs et autorités

7 exerçaient M. Krajisnik après la guerre, et pouvez-vous nous dire sur quoi

8 se fondent vos conclusions, s'il vous plaît ?

9 R. Je n'ai pas été en contact avec M. Krajisnik pendant la guerre car je

10 n'ai jamais fait partie de la délégation de Bosnie-Herzégovine pendant la

11 guerre. Je n'ai jamais pris part aux négociations de Genève ou de Dayton.

12 Je sais, néanmoins, que M. Krajisnik a participé et a fait partie de la

13 délégation serbe.

14 Après la guerre en 1996, j'ai quitté la présidence et j'étais député au

15 parlement pendant quatre ans, alors que M. Krajisnik a été élu au sein de

16 la présidence de Bosnie-Herzégovine, mais il n'a jamais voulu entrer dans

17 le bâtiment de la présidence. C'est la raison pour laquelle la première

18 réunion de la présidence a été tenue dans un restaurant. Plus tard, toutes

19 les séances par la suite ont été tenues dans le musée national.

20 Il est intéressant de constater que M. Krajisnik était le seul des quatre

21 membres de la présidence qui ne souhaitait pas pénétrer dans ce bâtiment,

22 bien que toute personne ayant été élue savait qu'il devait travailler dans

23 ce bâtiment.

24 Après la signature des accords de Dayton, Karadzic ne pouvait pas

25 occuper un poste politique car il avait été éliminé ou, en tout cas, les

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1 Américains l'avaient éliminé de la vie politique. C'était une des

2 conditions des accords de Dayton. M. Krajisnik est devenu officiellement

3 dirigeant des Serbes de Bosnie.

4 Sa position après la guerre et après cette agression n'était pas

5 différente de la position qui était la sienne avant le début de la guerre,

6 avant le conflit ou, en tout cas, au moment où l'indépendance de la Bosnie,

7 l'égalité entre les différentes nations, le retour des réfugiés,

8 l'indemnisation des victimes. Pour ce qui est de tous ces points-là, sa

9 position n'avait pas changé.

10 Q. Compte tenu de vos observations et de vos conclusions à propos du parti

11 SDS en tant que tel, et eu égard à vos contacts avec les dirigeants

12 politiques et les membres du SDS, êtes-vous en mesure de dire, à la

13 Chambre, comment ce parti fonctionnait ?

14 R. Il s'agissait plutôt d'une structure militaire que d'une structure

15 politique, car c'était une organisation non démocratique qui ne

16 reconnaissait pas les principes du dialogue politique. Au lieu de cela, il

17 s'était fixé un objectif que d'autres ne pouvaient pas accepter, à savoir,

18 dans la vie politique, la liberté d'un groupe politique est limitée par la

19 liberté d'autres groupes politiques semblables. Lorsque nous sommes arrivés

20 au pouvoir, il était essentiel de changer le régime politique, de passer du

21 socialisme à une forme de démocratie. Toutes les questions polémiques

22 devaient faire l'objet d'un accord au sein du parlement. Néanmoins, ceci ne

23 s'est pas passé ainsi en raison de l'ultimatum qui avait été imposé par les

24 Serbes de Bosnie à d'autres nations, à d'autres peuples, mais imposé à tous

25 les citoyens qui n'étaient pas en faveur de leur politique.

Page 6102

1 Plus tard, ceci a été confirmé. Tous les Serbes n'étaient pas en faveur de

2 Karadzic, ne le soutenaient pas. Lorsqu'un référendum portant sur

3 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine a été organisé le 22 mars 1991, un

4 nombre très important de Serbes, peut-être même un tiers de la population

5 serbe, voire même davantage si le référendum ne s'appliquait pas à

6 l'ensemble du territoire, soutenaient, en fait, l'indépendance de la

7 Bosnie-Herzégovine. Les institutions les plus importantes de Bosnie-

8 Herzégovine travaillaient contre leurs propres intérêts. Ce que j'entends

9 par là, c'est que nous voulions parvenir à un accord politique avec les

10 autres républiques, ce qui était tout à fait normal. La Bosnie-Herzégovine

11 devait avoir le même statut.

12 Q. Je vous demande, s'il vous plaît, de porter votre attention sur la

13 question que je vous ai posée. La question est comme suit : pourriez-vous

14 décrire à la Chambre, s'il vous plaît, à la lumière de votre expérience et

15 de votre vécu, comment le SDS fonctionnait, si vous êtes en mesure de

16 répondre à cette question, bien sûr ?

17 R. Je l'ai dit très clairement. La discipline militaire s'imposait et, à

18 l'intérieur du parti, il n'y avait aucune forme de dialogue politique. Ils

19 avaient leur propre programme. Ce programme faisait partie du programme

20 général de Milosevic. Aux fins de procéder au démantèlement de la

21 Yougoslavie, on s'est adressé en premier lieu aux Serbes en Croatie et en

22 Slovénie orientale à Knin. La Bosnie-Herzégovine est quelque chose qu'ils

23 allaient aborder plus tard.

24 Q. Monsieur Kljuic, vous allez au-delà de la question que je vous ai

25 posée. Je vous demande de vous concentrer sur la question. Pour ce qui est

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1 des politiques du SDS, quel rôle a joué M. Krajisnik et comment a-t-il fait

2 appliquer ces politiques ? Pourriez-vous nous donner votre opinion sur

3 cette question-là ? Pourriez-vous nous dire également sur quoi vous vous

4 fondez en nous donnant votre opinion ?

5 R. Très bien. J'ai dit que le SDS et les politiques du SDS n'étaient pas

6 en faveur du pluralisme politique. Ils sous-tendaient le programme de

7 Milosevic. Les Serbes qui n'acceptaient pas cette politique-là ont été

8 déclarés traîtres. En Bosnie-Herzégovine, il y avait un nombre très

9 important de Serbes qui n'étaient pas en faveur de cette politique comme

10 nous avons pu le constater par la suite au niveau du parlement.

11 Par exemple, lorsque nous avons demandé l'indépendance, les Serbes du

12 SDS ont quitté la séance. Mais les Serbes d'autres partis politiques, du

13 parti communiste et des partis réformateurs sont restés, ils n'ont pas

14 quitté la séance, et un certain nombre de parlementaires serbes ont voté en

15 faveur de l'indépendance.

16 La politique du SDS était double. D'une part, il y avait le programme

17 général de Milosevic et, pendant un certain temps, avant la préparation du

18 conflit, ils ont mené des pourparlers et ont, soit disant, recherché la

19 consultation, la négociation aux fins de parler de l'avenir de la Bosnie-

20 Herzégovine, tout en essayant de donner l'impression à l'opinion publique

21 qu'ils souhaitaient trouver une solution à la question de la Bosnie-

22 Herzégovine. Alors que, dans toutes les institutions, le gouvernement,

23 l'assemblée, nous avons débattu de questions générales et eux préparaient,

24 en secret, l'armement des Serbes et préparaient des documents portant le

25 nom première étape, deuxième étape, et cetera, qui, clairement, indiquaient

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1 qu'ils n'étaient pas sincères.

2 M. STEWART : [interprétation] Je crois que nous étions très loin de la

3 réponse que sollicitait la question posée par M. Harmon.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la raison pour laquelle --

5 M. HARMON : [interprétation] Maître Stewart, je crois que nous avons choisi

6 le même moment, car nous perdons patience.

7 Q. Je vous demande de bien vouloir écouter ma question très attentivement,

8 s'il vous plaît, et de porter votre attention sur la question que je vous

9 pose, aux fins d'y répondre. Ceci serait très utile, car ceci nous

10 permettrait de procéder à l'interrogatoire principal de façon très

11 efficace. Je n'ai que très peu de temps pour vous poser mes questions. La

12 question que je vous ai posée : quel rôle, si vous pouvez répondre à cette

13 question, quel rôle a joué M. Krajisnik au sein du SDS, et comment a-t-il

14 fait appliquer la politique du SDS ?

15 R. Il a joué un rôle prépondérant.

16 Q. Pourriez-vous expliquer ceci, s'il vous plaît ?

17 R. Voyez-vous, il dirigeait l'assemblée, ou le parlement. C'était le

18 président du parlement de Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, il avait la

19 majorité des voix, à 72 %, 72 % des députés faisaient partie du SDS. Il

20 avait le contrôle sur un bon nombre de choses, même des questions

21 secondaires. Tous ces parlementaires votaient toujours de la même façon.

22 Q. Quel rôle a joué M. Krajisnik dans ce processus, si vous pouvez

23 répondre à la question bien sûr, si vous le savez ?

24 R. Vous parlez du rôle qu'il a joué dans le processus de destruction de la

25 Bosnie-Herzégovine ?

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1 Q. Non, le rôle qu'il a joué et comment il a fait appliquer la politique

2 du SDS.

3 R. J'ai déjà dit qu'il a joué un rôle prépondérant, étant donné que

4 Karadzic était un homme plus en vue. Karadzic a davantage pris part aux

5 négociations, négociations qui ont eu lieu sur le territoire de la Bosnie-

6 Herzégovine, à l'époque. Pour ce qui est de la structure du parti, M.

7 Krajisnik n'avait pas de concurrent. Chaque citoyen de Bosnie-Herzégovine

8 savait cela.

9 Q. Dans une de vos réponses, vous avez précisé -- vous avez utilisé le mot

10 "traître", je souhaite attirer votre attention, s'il vous plaît, là-dessus,

11 et vous demander dans quel contexte vous utilisez ce terme. Nous parlons de

12 la politique du SDS, comment cette politique a été mise en œuvre, je

13 souhaite attirer votre attention, ainsi que celle de la Chambre, sur les

14 commentaires faits par M. Karadzic, datés de la huitième séance de

15 l'assemblée serbe de Bosnie. On peut trouver ceci à la pièce 65,

16 intercalaire 93, classeur numéro 8. Je vais citer M. Karadzic, et je vais,

17 ensuite, recueillir vos observations sur cette citation.

18 Je cite, c'est M. Karadzic qui parle : "Néanmoins, une fois que le

19 parti a adopté une politique, toutes autres éléments constituent une

20 trahison. Tout élément en dehors de la politique qui a été adoptée

21 correspond à une trahison. Si on aide l'ennemi, ceci ne pas être toléré et,

22 si on permet à l'ennemi de s'en sortir et on sème la confusion parmi les

23 citoyens tout en étant membre de ce parti et de l'assemblée, et des organes

24 du parti, ceci ne peut pas être toléré, et je ne le tolérerai pas. Je

25 l'indiquerai à tout le monde et à tout un chacun, cet homme est un traître.

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1 C'est ce que je ferai à l'avenir."

2 En premier lieu, Monsieur Kljuic, avez-vous des commentaires à faire

3 concernant les propos de M. Karadzic, propos datés du 2 février 1992, lors

4 de la deuxième séance de l'assemblée ?

5 R. Bien sûr, étant donné qu'un nombre important de Serbes, en tout cas, la

6 majorité des citoyens n'étaient pas d'accord avec la politique agressive de

7 Karadzic, et ils ne pouvaient pas accepter non plus d'être contraints à

8 accepter une division imposée de la Bosnie-Herzégovine, parce que ceci ne

9 pouvait être effectué que par le crime et par la violence. Karadzic, pour

10 s'assurer de la protection de ce parti, autrement dit, il souhaitait que

11 son parti soit intouchable eu égard à cela, a demandé que ce programme

12 soit, uniformément, appliqué. Certains membres serbes n'ont jamais accepté

13 ceci. Ils sont restés à Sarajevo pendant toute la durée du conflit, parce

14 que ce programme cautionne des objectifs militaires sans autre forme de

15 solution. Au moment des négociations, les négociations portaient surtout

16 sur l'avenir de la Yougoslavie, les dirigeants de Bosnie-Herzégovine

17 acceptaient de rester au sein de la Yougoslavie si la Croatie et la

18 Slovénie feraient de même. Ces deux républiques n'étaient pas disposées à

19 rester à l'intérieur de la Yougoslavie.

20 Q. Monsieur Kljuc, je vous posais seulement une question et vous demandais

21 de faire des commentaires et des observations eu égard à la situation que

22 je vous ai lue, séance de l'assemblée serbe de Bosnie. Je crois que nous

23 dépassons ce champ-là maintenant. Je vais poursuivre mon interrogatoire.

24 Vous avez parlé de quelques Serbes qui sont restés au sein du gouvernement.

25 Après que les Serbes de Bosnie aient quitté la séance de l'assemblée,

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1 quelle était l'attitude des Serbes de Bosnie, y compris M. Krajisnik, par

2 exemple, à l'égard des gens qui n'adhéraient pas à la politique du SDS ? Il

3 s'agit de Serbes, bien entendu.

4 R. On les a pris pour des traîtres. Lorsqu'on traite quelqu'un de traître,

5 cela signifie que la personne sera condamnée à l'isolement, et la personne

6 devra subir un certain nombre de conséquences. Puisqu'on les a étiquetés

7 comme étant des citoyens irresponsables. Ceci pourra avoir des conséquences

8 importantes pour lui-même et sa famille.

9 Q. Est-ce que M. Krajisnik était de cet avis également ? Autrement dit,

10 toute personne qui n'adopterait pas la politique mise en œuvre par le parti

11 SDS serait un traître ?

12 R. Oui, certainement.

13 Q. Nous allons, maintenant, entendre la conversation interceptée suivante.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite que vous établissiez le fait

15 pour la question qui vient d'être posée.

16 Q. Monsieur Kljuic, avez-vous eu l'occasion d'observer M. Krajisnik et de

17 voir comment il se comportait avec des personnes qui n'étaient pas membres

18 du SDS ? Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quel était son

19 comportement, ainsi que son attitude vis-à-vis des gens qui n'étaient pas

20 membres du parti ?

21 R. Lui, comme Karadzic, condamnait ces personnes-là, et estimait qu'ils

22 s'agissaient de traîtres, traîtres à la serbité.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous faire

24 quelques observations à caractère factuel concernant le comportement de M.

25 Karadzic, puisque nous avons cité un passage d'un discours prononcé par M.

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1 Karadzic ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein de la présidence, et au sein du

3 parlement et au sein du gouvernement, certains représentants serbes sont

4 restés à leur poste. Ils se plaignaient sans cesse du fait que Karadzic et

5 Krajisnik les menaçaient, les accusaient prétendument de trahison, et

6 agissant contre les intérêts serbes. Ceci représentait un nombre important

7 de personnes, par exemple. Après que les membres du SDS aient quitté la

8 séance parlementaire, il y avait Miodrag Simovic qui était premier ministre

9 adjoint, qui est resté quelque temps avant de quitter le gouvernement,

10 c'était des Serbes au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Le

11 ministre de la Justice, Ranko Nikolic qui est resté tout au long de la

12 guerre à Sarajevo et même après la guerre. Il est resté à Sarajevo. M.

13 Kovac, ministre de la Culture qui est également resté tout au long de la

14 guerre. Il était par la suite ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à Paris. Il

15 y avait quelques Serbes qui sont restés également au sein du parlement.

16 Il y avait deux Serbes qui ont remplacé Mme Plavsic et M. Koljevic et

17 plus tard M. Kecmanovic. Ces personnes sont restées au sein de la

18 présidence, je les voyais au quotidien. Il s'agissait de Mirko Pejanovic,

19 et Tatjana Lujic. Les deux étaient des professeurs à l'université. Il y

20 avait également un Serbe, Lazovic, qui était porte-parole. Toutes ces

21 personnes se plaignaient sans cesse de menace qu'elles recevaient à leur

22 encontre, venant de Pale. Ces menaces déclaraient qu'elles devaient quitter

23 leur poste, car ils ne représentaient le peuple serbe. Certaines personnes

24 de ces personnes que j'ai citées ont pris part aux négociations à Genève.

25 Lazovic a pris part aux négociations de Dayton, sur les accords de Dayton

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1 également. Toutes les fois que Milosevic venait, il leur disait je cite :

2 "Je ne veux pas voir ces personnes, ce ne sont pas des Serbes, ce sont les

3 Serbes d'Izetbegovic."

4 Cette phrase, autrement dit : "Toute personne qui n'était pas

5 d'accord avec son programme était un traître," avait deux objectifs.

6 Premièrement, il était important que le programme politique soit mis en

7 œuvre de facto, et il était important de pouvoir étiqueter toute personne,

8 qui n'était pas en faveur de ce programme politique, d'avoir le nom de

9 traître.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons entendu une citation de M.

11 Karadzic. Dans votre réponse, vous dites que les menaces venaient de Pale.

12 Ensuite, vous avez donné un autre exemple, vous avez décrit comment

13 Milosevic traitait ces personnes là. La question néanmoins qui vous avait

14 été posée, portait sur

15 M. Krajisnik. Ces personnes vous ont-elles dit qu'elles étaient menacées

16 par Pale, qu'elles étaient menacées par les dirigeants du SDS, de

17 Milosevic, de Karadzic, à quel moment et je vous prie de fournir des

18 explications à quel moment ces personnes ont-elles très précisément

19 mentionné le nom de M. Krajisnik ? Car la question porte là-dessus.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je ne peux pas dire que cela est le cas

21 dans le concret parce qu'en disant "Pale", cela signifiait les directions

22 des Serbes de Bosnie. Ce que je sais pour sûr, c'est qu'il y avait des gens

23 qui avaient des contacts avec Pale, notamment, avec M. Krajisnik et avec

24 les gens à Sarajevo.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.

Page 6110

1 M. HARMON : [interprétation] Nous allons passer à présent à la pièce à

2 conviction suivante, il s'agit d'une conversation interceptée datée du 26

3 juin, qui figure dans le registre sous le KID 31472. C'est à peu près au

4 deux tiers du classeur.

5 Messieurs les Juges, une fois que vous aurez retrouvé cette conversation,

6 je vais demander à ce que l'on nous la passe dans les écouteurs.

7 Est-ce qu'on peut nous la faire passer, s'il vous plaît.

8 Je crois qu'il y a des problèmes techniques. Nous allons y revenir dans

9 quelques minutes, une fois que les problèmes techniques seront surmontés.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

11 M. HARMON : [interprétation]

12 Q. Monsieur Kljuic, nous allons revenir à cette conversation interceptée,

13 tout à l'heure. Je voudrais à présent attirer votre attention sur un autre

14 sujet.

15 Les Juges de la Chambre ont entendu bon nombre de témoignages, et il

16 ne serait point nécessaire de reprendre ces témoignages, notamment, ceux

17 portant sur les contacts et la coopération qui avait été mise en place

18 avant les élections pluripartites. Les Juges de la Chambre ont également

19 entendu bon nombre d'éléments de preuve pour ce qui est de la façon dont

20 les structures du gouvernement ont été mises en place après les élections.

21 M. Krajisnik est devenu, à ce moment-là, président du parlement, mais ce

22 que je voudrais à présent dire, et ce sur quoi j'aimerais attirer votre

23 attention, c'est ce qui a constitué les plates-formes du SDS, du HDZ et du

24 SDA, concernant le statut de la Bosnie-Herzégovine dans cette Yougoslavie

25 qui se désintégrait.

Page 6111

1 D'abord, Monsieur Kljuic, pouvez-vous je vous prie quelles avaient

2 été ces positions-là ?

3 R. Entendons-nous bien. Au bout de 45 ans de système à parti unique, il

4 est apparu pour la première fois des partis politiques dont certains

5 avaient un qualificatif national, un préfixe national, mais il y avait

6 aussi d'autres partis, le Parti libéral, le Parti réformiste, et des partis

7 à orientation post communiste. Tous ces programmes avaient été acceptables.

8 Le problème est survenu, lorsqu'il s'agissait de mettre en œuvre ces

9 programmes. La plate-forme du SDS, datant du début 1990, avait été une

10 plate-forme très démocratique. Mais c'est une des conséquences, l'une des

11 séquelles du système communiste. Les gens ont été habitués en Yougoslavie à

12 dire une chose et à faire autre chose.

13 Le problème est survenu lors des pourparlers portant sur l'avenir de cet

14 Etat qui nous était commun. La plupart -- la majorité de ce qui a constitué

15 la partie occidentale de l'ex-Yougoslavie avait exigé une réforme de la

16 Yougoslavie, pour créer une espèce de confédération où les autorités

17 centrales seraient constituées de cinq éléments, à savoir, l'armée, la

18 police, la douane, la diplomatie et le segment monétaire. Milosevic n'a pas

19 apprécié cela, cela ne lui a pas plu. Il y a eu, par la suite, des

20 entretiens qui, en raison des efforts déployés par Milosevic, pour ce qui

21 était d'établir une espèce d'hégémonie au niveau de la Yougoslavie, et

22 c'est suite à cela que les conflits se sont augmentés de plus en plus

23 grands. Les Slovènes et les Croates, quoique n'ayant pas au départ un

24 programme d'indépendance, après l'échec de ces entretiens, ont fini par

25 demander l'indépendance. La Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas rester dans

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1 cette Yougoslavie tronquée parce que ce serait pratiquement une Grande

2 Serbie. Là, le SDS énonce un ultimatum, soit on fait partie de la

3 Yougoslavie, soit il y a partage de la Bosnie-Herzégovine.

4 Etant donné qu'en vertu de la constitution de la Yougoslavie -- la

5 Bosnie-Herzégovine se trouvait sur pied d'égalité, tout comme les autres

6 républiques, nous nous sommes entretenus, nous avions proposé de ne pas

7 rester en Yougoslavie, mais de mettre en place -- de créer une Bosnie-

8 Herzégovine où toutes les nations en présence ne seraient guère en péril,

9 qui se trouvaient sur un pied d'égalité. J'appartenais à un parti, le Parti

10 croate, où les Croates étaient les moins nombreux. Nous étions

11 minoritaires. Au lieu de rechercher un compromis au niveau du parlement et

12 de trouver des modalités de défense des intérêts nationaux, nous avons

13 recouru à un modèle belge, où les trois nations en présence seraient

14 représentés dans une chambre, qui serait la chambre des peuples, des

15 nations qui auraient droit d'embargo sur toute loi ou toute décision qui

16 mettrait en péril l'égalité en droit de telle ou telles nations. Toutefois,

17 le SDS n'a pas accepté. Une fois, Karadzic a déclaré soit qu'on agréerait

18 ce qui avait été exprimé comme étant la volonté du peuple serbe, soit on

19 allait résoudre le problème de façon, enfin, par les moyens militaires. La

20 volonté du peuple serbe n'avait pas constitué une catégorie

21 constitutionnelle, et sans mentionner le fait que le peuple serbe, en tout

22 entier, n'était pas établi.

23 Vous savez que dans cette Bosnie-Herzégovine, la situation évolue sur

24 deux segments. Il y a le segment public, ce qui se passe au niveau des

25 contacts politiques, et l'autre volet ou l'autre plan, c'est ce Milosevic

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1 avait tracé avec l'armée population yougoslave et un groupe de

2 nationalistes originaux de Serbie parce qu'à l'occasion de la

3 reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine en date du 4 avril,

4 la JNA a submergé le territoire. Ils s'étaient retirés de Slovénie. Il y a

5 eu des formations paramilitaires chetniks d'Arkan, de Seselj et autres, et

6 une population serbe bien armée par les soins de l'armée populaire

7 yougoslave de la JNA.

8 M. HARMON : [interprétation]

9 Q. Je vais revenir à la question que j'ai posée. Pouvez-vous, je vous

10 prie, dire à l'intention de la Chambre -- ou affiner vos propos pour nous

11 indiquer quelles avaient été les positions du SDS concernant le statut

12 futur de la Bosnie-Herzégovine ? Les Juges ont entendu bon nombre de

13 données historiques à ce sujet. Ils ont entendu parler de tous ces éléments

14 que vous nous décrivez. Ce qui m'intéresserait et ce que je voudrais que

15 vous indiquiez aux Juges de la Chambre, c'est quelle avait été la position

16 du SDS quant au statut de la Bosnie-Herzégovine.

17 R. La Bosnie-Herzégovine devait à tout prix rester, faire partie de la

18 Yougoslavie ou ne plus exister du tout.

19 Q. Quelles avaient été les positions prises par le HDZ et le SDA ?

20 R. Bien entendu, nous étions favorables à une Bosnie-Herzégovine

21 indépendante, mais je vous demande : quel est le citoyen de quelque pays

22 que ce soit au monde qui au bout d'une période prolongée ne souhaiterait

23 pas avoir ou aboutir à l'indépendance de son propre pays ?

24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous nous demandons,

25 effectivement, dans quelle mesure ce témoignage est utile. S'il est un fait

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1 qui est clair depuis longtemps, parmi d'autres, c'est celui au terme duquel

2 le SDS avait souhaité voir la Bosnie-Herzégovine rester au sein de la

3 Yougoslavie. En sus de tout ce à quoi il nous faut vaquer dans cette

4 affaire, il me semble que le témoin est sollicité pour nous parler de

5 choses qui ne sont pas litigieuses et qui sont notoirement connues. Nous

6 n'aurions pas d'objection à formuler si pour telle ou telles autres

7 raisons, il importerait de voir le témoin mentionner cela dans son

8 témoignage. Mais je demanderais à M. Harmon de parcourir rapidement les

9 sujets qui nous sont aussi bien connus.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, la Chambre a entendu

11 bon nombre d'éléments de preuve pour ce qui est des positions prises par le

12 SDS, à savoir, le fait qu'ils avaient souhaité voir la Bosnie-Herzégovine

13 demeurer en Yougoslavie dans son ensemble, et que le SDA et le HDZ avaient

14 préféré voir la Bosnie-Herzégovine devenir indépendante. S'il y a quoi que

15 ce soit de nouveau que ce témoin pourrait nous communiquer, posez-lui la

16 question de le savoir, et j'entends par là, non seulement les positions,

17 mais des explications concernant ces positions, parce qu'il y avait cette

18 peur de voir quelqu'un devenir minoritaire dans une Bosnie-Herzégovine

19 indépendante, et la chose nous a été extensivement expliquée.

20 M. HARMON : [interprétation] Je suis conscient du fait, Monsieur le Juge,

21 que l'on ait parlé longuement de ces sujets. Mais il s'agit là d'une

22 fondation ou d'une base qui nous permet d'aboutir à d'autres sujets. J'ai

23 été interrompu par M. Stewart.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pourriez répéter cela parce qu'il

25 nous a fallu quand même deux pages de transcription pour y aboutir.

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1 M. HARMON : [interprétation] Fort bien.

2 Q. Monsieur le Témoin, partant des conversations et des observations que

3 vous vous êtes faites, Monsieur Kljuic, ce qui est de M. Karadzic et de M.

4 Krajisnik et des autres responsables des Serbes de Bosnie, pouvez-vous nous

5 indiquer s'ils vous ont expliqué ce qu'il adviendrait au cas où il n'y

6 aurait pas une solution de trouvée concernant la situation en Bosnie-

7 Herzégovine ? Que vous ont-ils dit ?

8 R. C'était connu de tout à chacun, ils n'ont pas dissimulé la chose.

9 Karadzic l'a d'ailleurs dit publiquement au parlement. Si la volonté du

10 peuple serbe venait à ne pas être respectée, et cela n'avait pas de

11 caractère afférent au droit constitutionnel ou au droit international --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous

13 interrompre une fois de plus. La question a été de savoir que vous a-t-on

14 dit dans les conversations que vous avez eues vous-même avec ces messieurs.

15 Si M. Harmon avait été intéressé par les déclarations publiques de qui que

16 ce soit, il vous aurait posé la question dans ce sens.

17 Mais écoutez attentivement. Il s'agit de vos conversations à vous,

18 celles que vous avez eues avec M. Karadzic, M. Krajisnik et les autres

19 responsables des Serbes de Bosnie. Vous ont-ils décrit ce qu'il

20 adviendrait ? Je vous demande de vous concentrer sur la question. Il s'agit

21 de vos conversations avec vous, et de ce qu'ils vous ont dit, et non pas de

22 ce qui a été notoirement connu.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont dit cela dans nos conversations,

24 si les choses ne se passent pas ainsi, il adviendra cela. Cela n'avait rien

25 de secret. C'étaient des positions qui étaient publiques et notoirement

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1 connues. Cela n'avait rien de secret.

2 M. HARMON : [interprétation]

3 Q. Vous avez parfaitement conscience, Monsieur Kljuic, des positions

4 qui ont été celles de M. Krajisnik concernant la Bosnie. Vous êtes certes

5 conscient des conséquences qui découleraient de la non-adoption de ces

6 positions-là. Que vous a dit M. Krajisnik quant à ce qu'il adviendrait de

7 la Bosnie-Herzégovine si la position des Serbes n'était pas acceptée ?

8 R. Ces positions ne divergeaient pas de celles de Karadzic, mais,

9 dans la conversation que nous avons eue au parlement dans les bureaux de M.

10 Krajisnik, il a dit que le peuple serbe n'accepterait jamais cela, qu'il

11 n'accepterait jamais la Bosnie-Herzégovine indépendante, alors que seule la

12 Bosnie-Herzégovine pouvait constituer une solution avec des garanties

13 constitutionnelles pour ce qui est de l'égalité des droits de tout à

14 chacun.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, ceci ne constitue

16 toujours pas une réponse à la question qui a été posée. La question n'a pas

17 été celle de savoir si M. Krajisnik acceptait ces positions, mais ce qu'il

18 a dit concernant ce qu'il adviendrait au cas où les positions serbes

19 n'étaient pas acceptées. A-t-il dit : "Bien, nous allons continuer à vivre

20 heureux pour le reste de nos jours ensemble;" ou a-t-il dit : "Nous allons

21 devenir membres de l'Union européenne;" ou a-t-il dit : "Je vais prier en

22 vue d'un avenir meilleur" ? Enfin, la question, c'est : que disait-il ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils disaient qu'il fallait accepter leurs

24 positions, et ces positions étaient une sorte d'ultimatum.

25 M. HARMON : [interprétation]

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1 Q. Quel ultimatum vous a-t-on fait ?

2 R. Soit on allait rester en Yougoslavie, soit une partie de la Bosnie

3 partirait, à savoir, l'Herzégovine occidentale serait annexée à la Croatie,

4 le reste ferait partie de la Yougoslavie. C'est ce qui a été présent dans

5 les positions qu'ils ont avancées au quotidien.

6 Q. La guerre a-t-elle était été considérée comme constituant une option

7 pour ce qui est de la solution du problème du contexte Yougoslave ?

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je fais objection pour

9 cause de question directrice posée au témoin.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question peut être posée au témoin,

11 votre objection est rejetée.

12 La question peut être posée, Monsieur Harmon, comme suit : "Est-ce

13 que la conséquence de la non acceptation des Serbes pourraient impliquer

14 une guerre ?"

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela faisait partie de l'ultimatum parce que,

16 suivant leur plan, il fallait séparer le peuple serbe des deux autres

17 peuples. Ceux qui connaissaient la Bosnie-Herzégovine savaient pertinemment

18 bien que cela n'était pas possible. Cette thèse n'a, d'ailleurs, pas été

19 acceptée par la totalité des Serbes.

20 Ayant réalisé tous les préparatifs en vue de l'agression, ils ont, dans le

21 courrant même des négociations les plus intenses, créé des incidents pour

22 voir dans quelle mesure nous étions prêts à résister. Durant les mois de

23 février et mars 1992, il est survenu plusieurs grands incidents à Sarajevo

24 à des points névralgiques.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois vous interrompre une fois de

Page 6118

1 plus. La question est celle de savoir si, dans le courrant de vos

2 conversations, il a, à quelque moment que ce soit, fait état de la guerre

3 en guise d'option. Vous nous avez expliqué que cela avait été plus ou moins

4 implicitement entendu pour ce qui était de leur plan. Mais la question

5 était claire, ont-ils dit : "Nous allons faire la guerre;" ou ont-ils dit :

6 "Ceci va se produire, ceci va arriver, cette partie va rejoindre cette

7 entité ou plutôt que l'autre" ? Vos conclusions -- ou votre opinion a-t-

8 elle été celle de voir la guerre en tant qu'élément inévitable pour ce qui

9 est de l'accomplissement de ces plans ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ces plans ne pouvaient

11 se réaliser que militairement, et non pas par des moyens politiques. Ils ne

12 l'ont pas caché. Ils ont fait deux tentatives, deux tests à des endroits

13 stratégiques où il fallait couper la partie supérieure de la ville de la

14 partie inférieure. Or, dans la partie supérieure, il y avait toutes les

15 instances de l'Etat. Là où nous avons été coupé du reste, nous ne pouvions

16 pas subsister. Ils n'ont pas dissimulé ou rendu secrète cette option

17 militaire.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons si j'ai bien compris votre

19 témoignage. Votre conclusion a été celle de ne pas pouvoir le faire sans la

20 guerre et vous avez trouvé confirmation de tout cela dans une réponse -- ou

21 plutôt, dans l'observation que vous avez fait des évènements. Est-ce que

22 j'ai bien compris ? Je vois que vous hochez affirmativement de la tête,

23 mais pour les besoins du compte rendu d'audience, il faut que vous

24 prononciez votre réponse.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander de continuer,

2 Monsieur Harmon.

3 M. HARMON : [interprétation]

4 Q. Je me propose de vous donner lecture d'une session du parlement de

5 Bosnie-Herzégovine de mars 1992. Mais laissez-moi trouver d'abord le numéro

6 de la pièce à conviction. Il s'agit de la pièce 65, classeur 9,

7 intercalaire 107. Nous sommes au mois de mars avant la guerre, je me

8 propose de vous lire ce qu'a dit M. Karadzic. Il est en train de présenter

9 un rapport à l'intention du parlement des Serbes de Bosnie concernant la

10 conférence qui s'est tenue à Bruxelles. Il dit ce qui suit :

11 "Heureusement, fort heureusement, l'Europe a compris qu'il fallait une

12 conférence sur la Bosnie-Herzégovine, et que rien de ce qui se ferait

13 contre la volonté d'un groupe, d'une communauté ethnique ne pourrait

14 connaître de succès en Bosnie-Herzégovine, à savoir qu'une action de ce

15 type ne ferait que conduire à des processus incontrôlés et au chaos, ce qui

16 aurait pour résultante une guerre civile sanglante avec des centaines et

17 des milliers de morts, et des centaines de villes détruites. Nous en

18 viendront à suivre une situation où nous aurions trois Bosnie-Herzégovine,

19 mais avec une guerre terrible et avec une population nettement inférieure,

20 avec des territoires homogènes sur le plan ethnique parce que l'élimination

21 forcée et l'élimination par le sang de certaines minorités nationales d'une

22 région vers une autre se passerait -- se produirait, dans le cas d'une

23 guerre, à une échelle bien plus grande."

24 C'est ce que dit M. Karadzic en prenant la parole le 11 mars. Pouvez-vous

25 nous faire un commentaire s'agissant de cette citation, dont je viens de

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1 vous donner lecture, et placer cela dans le contexte de ce que vous ont dit

2 M. Karadzic et M. Krajisnik avant le début même de la guerre ?

3 R. Ceci a constitué une position des plus claire de la direction du SDS.

4 Toutefois, cela ne se fonde pas sur des droits constitutionnels. D'autre

5 part, ils n'auraient jamais parlé de la sorte s'ils n'avaient pas, d'ores

6 et déjà, préparé une puissance militaire. Il faut connaître le contexte

7 dans lequel tout ceci se passait.

8 Une fois que l'armée populaire yougoslave s'était retirée de Slovénie

9 et de Croatie, tous ses effectifs sont arrivés en Bosnie-Herzégovine. En

10 Bosnie-Herzégovine, nous avions la concentration la plus grande des

11 effectifs militaires en Europe. C'est dans ces circonstances-là qu'on était

12 censé négocier. D'autre part, la question de la survie de la Bosnie-

13 Herzégovine ne devait pas être remise en question. C'était un Etat qui

14 existait depuis plus de 1 000 ans. Quand bien même cet Etat n'aurait pas

15 bénéficié de l'indépendance dans l'Empire autrichien et dans l'Empire

16 ottoman, elle avait constitué un corpus separatum, à savoir, une unité

17 administrative distincte.

18 D'autre part, la phrase utilisée -- ou la phraséologie utilisée par

19 Karadzic : "Au cas où il n'y aurait pas de Yougoslavie, il n'y aurait pas

20 de Bosnie non plus," n'est pas vraie parce que la Bosnie-Herzégovine avait

21 été un Etat ancien qui, pendant les 300 années écoulées, avait eu des

22 frontières en place, et elle a existé au sein de la Yougoslavie quand

23 celle-ci avait été une monarchie démocratique pendant des années, ou quand

24 cela est devenu même une monarchie au pouvoir absolue.

25 Cette déclaration illustre le message que Karadzic avait adressé

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1 avant la guerre. Pour comprendre ce message et le poids de ce message, il

2 faut que vous ayez conscience des actes, que vous vous familiarisiez avec

3 les actes qui ont précédé ces évènements, et précédé le message en

4 question.

5 Q. Fort bien. A l'occasion des négociations, négociations où vous

6 efforciez de résoudre le statu de la Bosnie-Herzégovine en discutant avec

7 le Parti du SDS, à savoir la direction des Serbes de Bosnie. Par exemple,

8 vous avez mentionné M. Karadzic, qui a fait un discours au mois d'octobre

9 devant le parlement des Serbes de Bosnie. Nous allons écouter ce discours.

10 Nous allons l'écouter et, ensuite, je vous poserai plusieurs questions

11 supplémentaires à ce sujet.

12 Attendez que je m'organise un peu ici.

13 M. HARMON : [interprétation] Il serait peut-être bon de faire une pause

14 parce que nous avons, semble-t-il, d'autres difficultés.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

16 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, l'équipe technique nous

18 propose de venir dans le prétoire pour vous donner un coup de main parce

19 qu'ils estiment qu'il ne devrait pas y avoir de véritable problème. Bien

20 entendu, ils sont à même de suivre ce qui se passe sur leur écran.

21 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous avons

22 tout de même besoin de faire une pause.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, nous avons besoin d'une pause. Je

24 suis en train de me demander si nous faisons la pause habituelle de 20

25 minutes à présent.

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1 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être pourrais-je

2 faire une suggestion ? En attendant que soit résolu le problème du film, on

3 vient de me dire qu'on peut nous faire passer l'enregistrement de tout à

4 l'heure, cela nous donnerait un peu plus de temps et cela nous permettrait

5 d'avoir des coupures dans nos activités, mais, étant donné ces difficultés

6 techniques --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de faire cette pause de 20

8 minutes à présent. Nous allons faire une pause jusqu'à midi vingt et,

9 ensuite, nous allons enchaîner jusqu'à 13 heures 45 sans interruption

10 aucune. S'il vous plaît, veillez à ce que l'on fasse un programme

11 alternatif pour ce qui est de la phase suivante des opérations techniques à

12 venir.

13 Pause de 20 minutes maintenant.

14 --- L'audience est suspendue à 11 heures 58.

15 --- L'audience est reprise à 12 heures 23.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, je vous prie de

17 faire entrer le témoin dans le prétoire.

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, j'espère que le

20 problème technique a été résolu. J'espère que c'est le dernier de la

21 journée.

22 M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous l'espérons

23 également.

24 Q. Monsieur Kljuic, juste avant la pause, nous parlions de la position

25 qu'avait adopté les Serbes de Bosnie concernant le statut de la Bosnie-

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1 Herzégovine. Je vous pose là un certain nombre de questions concernant la

2 position qui avait été adoptée par les Serbes de Bosnie -- par le Parti des

3 Serbes de Bosnie. Je voulais savoir si leur position n'avait pas été

4 acceptée. Je vais vous également donner lecture d'une citation émanant d'un

5 discours du Dr Radovan Karadzic du 11 mars 1992, et je souhaiterais

6 maintenant vous présenter une vidéo. Il s'agit d'un discours qui avait été

7 prononcé par le Dr Karadzic au mois d'octobre devant l'assemblée.

8 Pourriez-vous, je vous prie, passer cette séquence vidéo. J'espère qu'elle

9 sera audible également.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

12 "On nous demande ce qu'il adviendra, ce que nous ferons si nous

13 arrivons dans une situation qui est analogue à celle de la Croatie et de la

14 Slovénie. Je crois que, dans la situation, l'enfer sera mille fois pire. Je

15 me dois d'adresser un message à tous les députés.

16 Messieurs, je vous affirme d'abord, si vous adoptiez une décision

17 parce que vous n'avez pas la possibilité de prendre une décision parce que

18 constitutionnellement, nous avons la possibilité de vous en empêcher, et ce

19 serait une honte pour M. Izetbegovic, ce serait une honte pour le

20 parlement, pour notre peuple, nos peuples en Europe, notamment, vous,

21 Musulmans et Croates, qui avez voulu faire respecté cette idée. Pour ce qui

22 est de respecter la souveraineté et l'égalité en droit du peuple serbe en

23 Bosnie-Herzégovine, je vous demande une fois de plus, je ne vous menace

24 pas, je vous prie de prendre au sérieux l'interprétation de la volonté

25 politique du peuple serbe qui est représenté ici par le peuple démocratique

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1 serbe, et qui est représenté par les Serbes des autres partis.

2 Je vous demande de prendre au sérieux et de comprendre que qu'est-ce que

3 vous faites n'est pas bien. C'est une voie vers laquelle vous conduisez la

4 Bosnie-Herzégovine qui est l'autoroute de l'enfer et de la souffrance telle

5 qu'en Croatie et Slovénie. Ne pensez pas que vous allez conduire la Bosnie-

6 Herzégovine vers l'enfer, et peut-être le peuple musulman sera-t-il

7 condamné à la disparition. Parce que s'il y a une guerre, il ne saura se

8 défendre.

9 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, pour le compte rendu

11 d'audience, le texte est normalement traduit, alors que, maintenant, il ne

12 l'avait pas été puisque nous pouvions lire le texte sur nos moniteurs. Mais

13 d'autre part, il a déjà été traduit.

14 A ce moment-ci, il nous faut trouver la traduction du passage qui

15 vient d'être présenté afin qu'il puisse faire partie du compte rendu

16 d'audience.

17 M. HARMON : [interprétation]

18 Q. Monsieur Kljuic, M. Krajisnik était-il présent lors du discours

19 présenté ?

20 R. Oui, parce que c'est lui qui était le président de la session de

21 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque ce discours avait été prononcé ?

23 R. Oui.

24 Q. Quelle était la réaction à ce discours ?

25 R. La réaction de qui vous voulez savoir ?

Page 6125

1 Q. Quelle a été votre réaction ? Quelle était la réaction des partis non-

2 Serbes au sein de la législation ?

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une

4 question qui est légèrement ambiguë. Est-ce que M. Harmon veut savoir

5 quelle était la réaction immédiate à ce moment-là ? Veut-il savoir quelle

6 était la réaction qui a été fournie par la suite ? C'est un peu trop

7 général pour l'instant.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'une partie de la réaction

9 était audible, pas visible, mais bien audible. Monsieur Harmon, M. Stewart

10 aimerait savoir de quelle position il s'agit. Posez-lui la question, et

11 ensuite, vous essaierez d'approfondir.

12 M. HARMON : [interprétation]

13 Q. Monsieur Kljuic, quelle était la réaction après ce discours dans les

14 communautés non-Serbes, donc au parlement et à l'extérieur du parlement ?

15 R. Cette déclaration a découvert les vraies intentions de Karadzic et ce

16 discours a également causé une consternation auprès de tous les Serbes, et

17 non pas seulement auprès des Serbes, mais également auprès de tous les

18 citoyens qui ne pouvaient certainement pas s'attendre à la possibilité ou

19 l'annonce de tel mal. Cette réaction à la vue de ce qui venait de se passer

20 en Slovénie et en Croatie était complètement normal. L'Union européenne

21 nous a demandé si nous voulions l'indépendance. Je vous demande de nouveau

22 : y a-t-il un citoyen qui ne souhaite pas que son pays soit indépendant ?

23 La Yougoslavie a été compromis par l'hégémonie des Serbes et plus

24 particulièrement par Milosevic. Ceci était visible dans toutes les

25 institutions du système, plus particulièrement, au sein de la diplomatie,

Page 6126

1 des médias, de la police et de l'armée. Les gens qui avaient un sens de

2 l'égalité ne voulaient plus rester au sein de cette Yougoslavie de ce type.

3 Q. De quoi avez-vous été informé après avoir négocié avec les dirigeants

4 serbes de Bosnie, après avoir eu des contacts quotidiens avec eux ? De quoi

5 vous a-t-on informé ? De quoi vous a-t-on dit concernant les régions de la

6 Bosnie-Herzégovine qui étaient demandées par les Serbes, que les Serbes

7 voulaient annexer, qui les intéressaient ?

8 R. Les Serbes avaient des demandes qui sortaient à l'extérieur de tout

9 cadre de principes. Ils faisaient référence à toutes sortes d'époques

10 historiques et affirmaient que certains territoires leur appartenaient,

11 même quand ces territoires n'avaient pas été peuplés par une population

12 serbe à quelque moment que ce soit dans l'histoire. Ce concept avait été

13 connu sous le concept de la Grande Serbie qui comprenait un territoire qui

14 s'étendait jusqu'en Croatie, en passant par Zadar, Karlovac, qui se trouve

15 à 50 kilomètres de Zagreb et Virovitica en Slovénie, qui se trouve

16 également en Croatie.

17 Il est certain que lors que toutes les négociations avec les représentants

18 croates, ceux de Zagreb et ceux à Sarajevo, ils donnaient la liberté à

19 l'Herzégovine de l'ouest qui est peuplé exclusivement de Croates car, au

20 sein de la structure d'un nouvel Etat croate, le lobby d'Herzégovine avait

21 une grande influence. Leur revendication territoriale était tout à fait

22 impossible à réaliser. Ce n'était pas naturel, non plus, de faire cette

23 revendication territoriale. Auprès des médias, ils prenaient la parole et

24 considéraient que ce genre d'ultimatum était tout à fait normal. Ils

25 faisaient ce genre de revendications territoriales.

Page 6127

1 Q. Maintenant, s'agissant de revendications territoriales, nous allons

2 vous présenter une carte. Pourrait-on montrer la carte au témoin, je vous

3 prie.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P293.

5 M. HARMON : [interprétation]

6 Q. Monsieur Kljuic, vous avez sous les yeux, un exemplaire d'une carte qui

7 représente la distribution ethnique en Bosnie-Herzégovine. Vous nous avez

8 dit que ces revendications territoriales, qui avaient été faites concernant

9 au sein de la Bosnie-Herzégovine, avaient été rudement impossibles. Dites-

10 nous d'abord : de quelle façon est-ce que ces revendications territoriales

11 lors des négociations ont-elles affecté la distribution du peuple au sein

12 de la Bosnie-Herzégovine ?

13 R. Ici nous sommes confrontés à deux choses, d'abord la carte nous montre

14 certains territoires, mais ceci n'est pas une image réelle car une grande

15 partie de ces territoires était presque -- n'était soit pas du tout habitée

16 ou partiellement habitée. Les Serbes avaient la majorité auprès de 31

17 municipalités, des 110 municipalités qui se trouvaient en Bosnie-

18 Herzégovine. Dans certaines municipalités, il avait une certaine majorité,

19 mais tout ceci se trouvait au deçà de leur revendication, c'est-à-dire, ils

20 ont démontré qu'ils voulaient régner sur des territoires où ils n'étaient

21 pas majoritaires. Ils n'étaient pas représentants de façon majoritaire, et

22 ceci s'est présenté à Brcko qui était peuplé de 45 % de Musulmans, 25 % de

23 Croates, alors qu'il n'y avait que 20 % de Serbes. Mais, lors de toute leur

24 proposition et revendication, ils demandaient à ce que Brcko leur soit

25 annexé.

Page 6128

1 Dans certaines zones, comme Foca et Prijedor, où les Musulmans étaient

2 majoritaires, les Serbes ont fait des revendications similaires. Pour ce

3 qui est des territoires dans la Republika Srpska, ceci nous montre que les

4 ethnies étaient tellement mélangées, et mixtes en Bosnie-Herzégovine, que

5 cette division était impossible. Même si on avait accordé un an aux

6 familles pour qu'ils procèdent à leur déménagement, cela n'aurait pas été

7 sans de grands sacrifices.

8 Q. La position des Serbes de Bosnie, concernant l'avenir de la Bosnie-

9 Herzégovine, n'avait pas été acceptée. Nous avons vu ce que

10 M. Karadzic présageait lors de la 10e session de l'assemblée. Je vous ai

11 donné une citation de son discours. M. Karadzic exprimait, au mois

12 d'octobre, lors de l'assemblée des Serbes de Bosnie, lors d'une session de

13 cette assemblée.

14 Je voudrais que vous nous disiez, Monsieur Kljuic, que vous a dit M.

15 Krajisnik à vous, personnellement, concernant ce que

16 M. Karadzic vous a dit ? Qu'est-il se passé si la position des Serbes de

17 Bosnie n'avait pas été acceptée ? Vous nous avez parlé d'ultimatum, je

18 souhaiterais que vous nous parliez de ces ultimatums.

19 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il

20 s'agit d'une question qui est particulièrement directrice, et c'est tout à

21 fait inapproprié. M. Harmon a demandé au témoin de relater à la Chambre ce

22 que M. Krajisnik lui a dit, ainsi que ce que M. Karadzic lui a dit. Il

23 aurait mieux fallu diviser cette question en deux parties. Mais de dire au

24 témoin : "Vous nous avez parlé d'ultimatum," ensuite, d'introduire le mot

25 "ultimatum" dans sa question est inadéquate. Même si le témoin s'était

Page 6129

1 référé à certains ultimatums au cours de son témoignage, je crois qu'il

2 s'agit ici d'une question qui est particulièrement directrice, que

3 d'introduire le mot "ultimatum" et de rappeler le témoin de ce mot-là, il

4 ne faudrait pas pouvoir le prononcer de telles paroles dans la question.

5 M. HARMON : [interprétation] Je lui pose une question à savoir quel

6 était l'ultimatum qu'il a reçu, c'est très précis.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question se rapporte à ce que

8 le témoin a dit précédemment, concernant les ultimatums, sinon, si on

9 n'avait pas prononcé ce mot, le risque que l'on courrait c'est que le

10 témoin nous dise autre chose, nous parle d'un autre événement. C'est la

11 raison pour laquelle M. Harmon a précisé cette question en introduisant ce

12 mot.

13 Vous pouvez poursuivre, Maître Harmon.

14 M. HARMON : [interprétation]

15 Q. Monsieur le Témoin, vous pouvez répondre à la question. Si vous le

16 souhaitez, je peux vous la répéter.

17 R. Il n'est pas du tout secret de dire que l'on nous donnait des

18 ultimatums. C'est ainsi que ce n'est pas du tout un secret que les

19 dirigeants serbes n'ont pas dit que : "Si vous n'accepterez pas la volonté

20 du peuple serbe, alors que ce sont les dirigeants du SDS qui avaient

21 formulé cette volonté, cette attention, c'est à ce moment-là qu'ils nous

22 ont dit que la guerre éclaterait." C'était leur réponse à chaque discussion

23 que nous avions concernant une résolution pacifique de la crise en Bosnie.

24 Mais de toute réponse, il n'aurait jamais dû être donné. Je veux dire par

25 là, nous vivions dans un Etat relativement bien organisé.

Page 6130

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous êtes en train

2 de donner des commentaires concernant cette situation, alors qu'on vous

3 demande de répondre à une question. La question était la suivante : lorsque

4 vous dites qu'ils se sont exprimés en donnant des ultimatums, que vous a-t-

5 on dit, à ce moment-là, à vous, personnellement ? Je ne veux pas savoir si

6 une crise existait ou non, devait exister ou non, mais je voulais

7 simplement savoir que vous ont-ils dit, personnellement. Qu'est-ce que vous

8 les avez entendu dire ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement ce que je viens de vous dire, c'est

10 que, si nous ne respections pas la volonté du peuple serbe, une guerre

11 éclaterait. Je crois vous dire que cette nuit-là, il y avait une nuit

12 particulièrement difficile, lorsque Karadzic a prononcé ce discours à

13 l'assemblée, une atmosphère très pénible s'est installée. Nous avons essayé

14 de discuter cette atmosphère pénible, nous avons essayé de discuter entre

15 nous dans cette salle dans laquelle le discours a été prononcé.

16 La situation était tellement délicate, que l'assemblée s'est

17 poursuivie le lendemain matin à 4 heures et demi du matin. Nous avions

18 passé la nuit. L'assemblée a essayé de trouver un compromis et a parlé

19 entre nous.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au début de votre réponse, vous

21 nous dites justement ce que je vous ai dit un peu plus tôt : "Si vous ne

22 vous pliez à la volonté du peuple serbe, une guerre éclaterait."

23 Vous avez expliqué un peu plus tôt, que ce n'était pas des propos

24 utilisés dans la conversation, mais que ce sont -- c'est bien quelque chose

25 que vous avez conclue. Vous êtes arrivé à cette conclusion -- d'après ce

Page 6131

1 qu'ils ont dit, vous êtes arrivé à la conclusion qu'une guerre serait

2 inévitable. Maintenant, la question est la suivante : lorsqu'ils vous ont

3 parlé d'ultimatum, que vous ont-ils dit précisément ? Il semblerait que

4 cela ne correspond pas tout à fait avec votre réponse précédente.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prierais de me comprendre. Ces

6 contacts étaient fréquents. Nous étions maintenant dans la salle, dans

7 laquelle s'est tenue cette assemblée, et nous avions passé sept heures,

8 pendant toute la nuit, à discuter de ce qui venait de se passer. Nous

9 avions essayé de sauver la situation. Il ne dissimulait jamais leurs

10 intentions. Ils n'avaient qu'une seule solution, un seul ultimatum, c'est-

11 à-dire les choses se passeront comme nous le souhaitons, ou il n'y aura

12 plus de Bosnie-Herzégovine. Il n'y avait pas du tout de tentative de

13 discussion diplomatique. Il s'agissait d'un discours ouvert, très concret,

14 comme sur un marché.

15 Q. Lorsque vous parliez des sujets avec M. Krajisnik, ou avec M. Karadzic,

16 des sujets tels que l'avenir de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous

17 aviez compris que, lorsque M. Karadzic vous parlait, il réaffirmait les

18 positions du Parti du SDS, et lorsque M. Krajisnik vous entretenait sur ce

19 même sujet, est-ce que vous aviez l'impression qu'il parlait au nom du SDS,

20 et qu'il vous répétait les positions du SDS ?

21 R. Bien sûr, qu'ils représentaient, qu'ils disaient quelles étaient les

22 positions du SDS, avec la seule différence que Karadzic était beaucoup plus

23 agressif, il était égocentrique, et qu'il était plus ouvert, alors que M.

24 Krajisnik était beaucoup plus posé et beaucoup plus calme lorsqu'il parlait

25 de ce genre de sujet.

Page 6132

1 Q. Lors du discours prononcé par M. Karadzic le 11 mars, et je vais vous

2 citer maintenant la dernière phrase de ce discours : "Il faut comprendre

3 qu'un déplacement sanglant par la force d'une minorité de ces régions vers

4 une autre région peut être mené à une échelle très large, et cela sera mené

5 dans un cadre d'une guerre civile."

6 Est-ce que M. Karadzic, M. Krajisnik également, ont-ils parlé dans leurs

7 conversations que vous avez eues avec eux de l'intention du peuple non-

8 serbe qui habitaient en Bosnie ? Est-ce qu'ils vous ont dit ce que les

9 Serbes voulaient ?

10 R. Ils préavisaient leur avenir. Ils disaient qu'ils n'auraient pas un

11 avenir très brillant, et que les choses allaient mal tourner.

12 Q. Permettez-moi de répéter ma question. Lors des discussions que vous

13 avez eues avec M. Karadzic et M. Krajisnik, est-ce que ces derniers vous

14 ont dit ce qui allait advenir des non-Serbes qui vivaient en Bosnie-

15 Herzégovine sur les territoires qui étaient convoités par les Serbes ? Vous

16 ont-ils informé de ce qui allait advenir de ces gens ?

17 R. Oui, tout à fait. Il ne le dissimulait pas non plus. Ils disaient que

18 d'une façon ou d'une autre, ces gens allaient devoir quitter ces

19 territoires.

20 Q. Lorsque vous dites que : "D'une façon ou d'une autre, ils allaient

21 devoir quitter ce territoire," pourriez-vous expliquer à la Chambre ce que

22 vous voulez dire par là ?

23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, M. Harmon a commencé à

24 poser ses questions en mettant l'emphase sur ce qui a été dit, mais, par la

25 suite, il a bifurqué -- a commencé à poser une autre question. Je considère

Page 6133

1 que ce n'est pas posé de la façon adéquate.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de préciser cette question

3 --

4 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé. Si je

5 puis --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais poser la question au témoin.

7 Monsieur, vous avez dit qu'ils prévoyaient, ou qu'ils disaient que ces gens

8 -- ces habitants allaient devoir quitter ces territoires "d'une façon ou

9 d'une autre". Maintenant, est-ce que c'est quelque chose que vous êtes en

10 train de nous citer, c'est eux qui ont prononcé les mots "d'une façon ou

11 d'une autre," ou est-ce un résumé de ce qu'ils ont dit ? J'aimerais

12 simplement savoir ce qui en est.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'était leur message.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne veux pas savoir quel était le

15 message. Ma question était plutôt la suivante : est-ce que c'était des

16 propos que vous nous citez, des propos qu'ils ont employés et que vous êtes

17 en train de nous citer, en disant "d'une façon ou d'une autre," ou ont-ils

18 expliqué que ce qu'allait se passer ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils les ont dit qu'ils allaient devoir

20 quitter les territoires, et c'est moi qui ajoutais "d'une façon ou d'une

21 autre" car j'ai vu les Serbes nettoyer la partie du territoire en Croatie

22 qu'ils ont prise.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est peut-être quelque chose qui

24 s'est passé par la suite, mais pas à ce moment-là, si je comprends bien. Ce

25 n'est pas ce que vous avez entendu lors de cette conversation. Ce n'est pas

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1 leurs propos.

2 Ils ont dit que ces gens allaient devoir quitter les territoires. De

3 quelle façon est-ce que vous ayez compris ce message ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'était pas -- je ne

5 voulais pas interpréter quelle était leur volonté, ce qu'ils voulaient.

6 Mais nous savions qu'une partie des Croates et des Musulmans qui vivaient

7 dans les municipalités dans lesquelles les Serbes étaient majoritaires,

8 déjà dans la deuxième partie de l'année 1992, ces gens avaient commencé à

9 fuir ces régions. Ces menaces étaient quotidiennes, au travail, à l'école,

10 dans les magasins, car les tensions avaient été augmentées de façon

11 intentionnelle pour démontrer qu'il y avait une tension pour que les

12 incidents justement arrivent.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous êtes en train de nous

14 dire ce qui s'est passé dans les conversations, dans les écoles, au

15 travail, dans les magasins.

16 Je voudrais savoir que vous nous disiez, lorsque vous dites que le

17 message vous a été donné, que ce n'est pas eux qui ont employé les mots

18 qu'ils avaient devoir quitter "d'une façon ou d'une autre," j'aimerais

19 savoir sur la base de quoi est-ce que vous aviez compris qu'il s'agissait

20 d'un message qui voulait dire que quoiqu'il arrive, il faudrait absolument

21 que ces personnes quittent ces territoires ? J'aimerais simplement savoir

22 qu'est-ce qui vous a poussé à tirer cette conclusion ? Est-ce que c'était

23 la façon dont les choses ont été dites ? Est-ce que c'est d'autres

24 expériences vécues ? De quelle façon est-ce que vous pouvez dire que c'est

25 ce qui vous a été dit ? J'aimerais savoir que vous nous disiez pourquoi

Page 6135

1 est-ce que vous aviez compris ceci comme un message qui voulait dire que

2 quoiqu'il arrive, ces derniers allaient devoir quitter le territoire ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] En augmentant les tensions de la sorte

4 en Bosnie-Herzégovine, il y ait formation d'un groupe de gens

5 particulièrement agressifs, surtout dans les régions ou les Serbes

6 dominaient, et ils ont commencé à préparer l'exode pour les autres. Par

7 exemple, dans les hôpitaux, dans les infirmeries, dans les écoles, les non-

8 Serbes qui occupaient des postes importants ont été remplacés par des

9 Serbes. C'est à ce moment-là qu'ils ont saisi le pouvoir officieusement. On

10 n'avait pas besoin de donner des renseignements supplémentaires à cet égard

11 aux personnes qui étaient touchées par cela. On n'avait pas besoin de

12 comprendre comment les choses allaient évoluer, lorsque le pouvoir était

13 saisi officieusement comme cela.

14 M. HARMON : [interprétation]

15 Q. Monsieur Kljuic, je vais essayer de remettre les choses en

16 contexte, vos observations quant aux conversations avec

17 M. Krajisnik et M. Karadzic que les non-Serbes devaient quitter d'une façon

18 ou d'une autre le territoire.

19 Que s'est-il passé en Croatie pour la population non-serbe avant

20 l'éclatement de la guerre en Bosnie-Herzégovine ? Ces événements, ont-ils

21 eu un quelconque incident sur la manière dont vous avez compris les propos

22 de M. Karadzic et de M. Krajisnik sur le départ des non-Serbes d'une façon

23 ou d'une autre ?

24 R. Tout tournait autour de cela et, malheureusement, c'est ainsi que nous

25 avons tragiquement vécu des évènements. Ils soutenaient en public tout ce

Page 6136

1 qui se passait à Knin, Vukovar, et Dubrovnik.

2 Q. Lorsque vous dites "ils" --

3 R. Le SDS, l'ensemble des dirigeants du SDS.

4 Q. Que s'est-il passé en Croatie avec les personnes vivant sur les

5 territoires convoités par les Serbes de Croatie ?

6 R. Je crois que vous avez suffisamment d'éléments présents devant ce

7 Tribunal. Comme tout -- comme chacun sait, il y a eu des crimes, des viols,

8 des massacres, des transferts forcés, des expulsions, et ceci était

9 toujours accompagné de personnes recherchant les gains matériels, à savoir,

10 l'appropriation de biens d'autrui.

11 Q. Y a-t-il eu un nettoyage technique en Croatie, d'après vous ?

12 R. Non seulement ceci a véritablement existé, mais c'était le seul et

13 unique objectif de cette politique.

14 Q. Au cours de vos conversations avec les dirigeants serbes de Bosnie, y

15 compris M. Krajisnik et M. Karadzic, ont-ils évoqué les événements de

16 Croatie avec vous ?

17 R. Bien sûr.

18 Q. Par rapport à ce qu'il s'était passé en Croatie ?

19 R. J'ai fait une allocution devant l'assemblée de Bosnie-Herzégovine lors

20 d'une séance présidée par M. Krajisnik. Au cours de cette allocution, j'ai

21 clairement indiqué que nous devions prendre nos distances tous autant que

22 nous étions des crimes et du nettoyage ethnique qui avait lieu en Croatie.

23 Certains députés du SDS riaient. J'ai dit qu'ils ne devraient pas

24 être en train de se gausser de la sorte. Ils ne devraient pas prendre des

25 allures triomphantes devant cette souffrance, et j'étais horrifié moi-même

Page 6137

1 par les souffrances vécues dans certaines villes serbes et je parlais de

2 Cacak, de Valjevo, et autres.

3 Je ne pouvais pas le comprendre. Je ne pouvais pas comprendre comment ils

4 ne pouvaient pas voir un minimum d'empathie pour les victimes. Ceux-ci les

5 caractériseraient encore à l'avenir et c'est toujours le cas aujourd'hui.

6 Vous savez, en Bosnie, les gens ont énormément souffert. Mais personne ne

7 connaîtra l'étendue de ces souffrances, car dans bon nombre de cas, les

8 victimes ont toutes été tuées. Mais je dois dire, Monsieur le Président,

9 Messieurs les Juges, qu'il y avait des gens en Bosnie-Herzégovine qui

10 auront clairement dit haut et fort : "Ne faites pas ceci. Ne commettez pas

11 ceci. Ce sera un crime pour toujours." Néanmoins, ce sentiment de puissance

12 qui était manifeste dans les médias, la police et l'armée leur donnait un

13 faux sentiment de supériorité et on ne pouvait pas les arrêter.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous a demandé ce qu'ils vous ont

15 dit. Vous répondez maintenant en donnant des éléments qui n'ont rien à voir

16 avec la question posée. Au début, j'attendais votre réponse, parce que vous

17 avez parlé du discours que vous avez fait vous-même et comment ils ont

18 répondu, mais il ne s'agit toujours pas de la réponse attendue. Ensuite,

19 vous avez commencé à dire que cela n'était pas vrai. Vous avez parlé de la

20 souffrance de ces peuples. Bien sûr, ce Tribunal prête une attention toute

21 particulière à ces aspects là des affaires dont est saisi ce Tribunal.

22 Je vous demande en conséquence de prêter particulièrement attention à

23 la question qui vous est posée, s'il vous plaît.

24 Monsieur Harmon, poursuivez.

25 M. HARMON : [interprétation]

Page 6138

1 Q. Nous avons parlé de la question des ultimatums. Vous nous avez dit

2 qu'au cours de vos échanges que vous avez eus au quotidien avec les

3 représentants serbes de Bosnie, au cours de ces échanges avec M. Krajisnik

4 et M. Karadzic, ils ont dit que le peuple non-serbes devraient partir d'une

5 façon ou d'une autre et que cette solution n'a pas été acceptée [comme

6 interprété].

7 Je vous ai posé une question à propos du contexte, que s'était-il passé en

8 Croatie avant cela, et vous avez déclaré, il y avait eu un nettoyage

9 ethnique en Croatie --

10 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, --

11 M. HARMON : [interprétation] J'essaie de résumer, Me Stewart, de façon à ce

12 que je puisse arriver à ma question et vous pourrez soulever une objection

13 par la suite --

14 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, un résumé très précis

15 est essentiel ici, et l'objection que je souhaite soulever porte sur

16 l'élément suivant : j'estimais que le but de tout ceci était de comprendre

17 ce que ces hommes avaient effectivement dit. M. Harmon a déjà dit dans son

18 résumé, ils ont dit que les non-Serbes devraient partir d'une manière ou

19 d'une autre, ce qui est exactement l'objet de cet argumentaire. C'est

20 frustrant pour tout le monde. Je crois qu'il s'agit là de l'endroit où nous

21 en venons. D'estimer qu'il s'agit là de l'inclure dans le résumé, c'est

22 d'arriver à la conclusion à laquelle chacun tente de parvenir.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses peuvent changer. Vous

24 insistez beaucoup que ceci a été dit, car il s'agit d'une situation

25 différente.

Page 6139

1 M. STEWART : [interprétation] Ceci est très différent, Monsieur le

2 Président. Cela est injuste, Monsieur le Président, car j'ai présenté cette

3 phrase parce qu'il s'agit justement d'un point complètement différent.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit qu'au cours de vos

5 conversations, conversations fréquentes, que la population non-serbe devait

6 quitter ces territoires revendiqués par les Serbes. Les événements de

7 Croatie sont une des raisons pour lesquelles vous avez estimé qu'il

8 s'agissait d'un ultimatum ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce

10 n'était pas un secret, si M. Karadzic l'a dit en public six mois avant le

11 conflit devant l'assemblée. J'ai compris ceci après que les événements

12 aient eu lieu en Croatie et compte tenu du comportement des dirigeants

13 serbes tout au long de la guerre.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais à ce moment là précis, vous ne

15 pouviez pas comprendre ces observations à la lumière de ce qu'il s'est

16 passé par la suite, n'est-ce pas ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais compte tenu du comportement au

18 quotidien des dirigeants serbes, j'ai pensé que les choses se produiraient

19 de la même façon en Bosnie.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, vous dites que ce qui

21 s'est passé en Croatie, et d'après les termes utilisés par M. Karadzic lui-

22 même, lorsqu'il disait qu'il devait partir, d'après vous, ceci avait un

23 sens bien particulier; est-ce exact ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsqu'un peu plus tôt, dans une des

Page 6140

1 réponses que vous avez donnée, vous avez indiqué que des gens fuyaient la

2 Croatie. Vous évoquiez à ce moment-là la deuxième moitié de l'année 1992.

3 Est-ce bien le sens exact de vos propos ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] En Croatie, tout ceci a eu lieu en 1991.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous parlez des événements de

6 Croatie et vous-même avez fait référence à la Croatie. Vous vouliez, par

7 conséquent, indiquer la deuxième moitié de l'année 1991 et non pas la

8 deuxième moitié de l'année 1992.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. C'est exact.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est dans ce contexte là qu'il faut

11 placer votre interprétation des propos que vous avez entendus que les non-

12 Serbes devaient quitter le territoire, ce qui a été évoqué par les

13 dirigeants serbes de Bosnie.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais, de surcroît, membre de la présidence

15 de l'Etat. J'étais président du parti. Par conséquent, des éléments

16 d'information parvenaient non seulement au niveau du parti, mais au niveau

17 de l'Etat, des renseignements sur le terrain. Je recevais des informations

18 de la part des Croates, émanant des régions où les Serbes étaient

19 majoritaires.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, veuillez poursuivre, Monsieur

21 Harmon.

22 M. HARMON : [interprétation]

23 Q. Monsieur Kljuic, au cours de vos conversations avec

24 M. Krajisnik, lorsqu'il abordait avec vous la question des conséquences

25 qu'aurait la position serbe, si elle était appliquée sur l'avenir de la

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1 Bosnie n'était pas acceptée, est-ce que vous-même, vous lui avez expliqué

2 que de telles conséquences ne seraient pas acceptables ?

3 R. Bien évidemment. Moi-même et d'autres personnes, nous avons clairement

4 indiqués que la manière dont agissait le SDS était une attitude

5 insoutenable dans les circonstances normales et pacifiques.

6 Q. Est-ce que M. Krajisnik connaissait les conséquences, et que cela

7 aboutirait à la guerre si le peuple serbe de Bosnie essayait d'asseoir sa

8 position en s'imposant en Bosnie ?

9 R. Oui, bien sûr.

10 Q. Sur quoi vous fondez-vous lorsque vous parvenez à une telle

11 conclusion ?

12 R. Je dois, en premier lieu, vous parler des liens qui existaient entre

13 Karadzic et Krajisnik. Karadzic était plus agressif, plus flamboyant, et il

14 parlait plus en détail de leurs objectifs, alors que Krajisnik ne parlait

15 pas beaucoup.

16 Néanmoins, à l'occasion, Karadzic nous a dit à tous -- et il s'adressait au

17 noyau dur du SDA, du HDZ, et du SDS, il a dit : "Faites bien attention. Les

18 Serbes ont l'intention de mettre en application ce qu'ils ont dit, et au

19 fond, la communauté internationale, au bout du compte, soutiendra le parti

20 le plus fort."

21 Q. Est-ce ceci a été dit en présence de M. Krajisnik à cette occasion-là

22 ou à une autre occasion ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez dit qu'au cours du débat sur l'avenir de la Bosnie-

25 Herzégovine, vous avez dit que les Serbes avaient une position, et que les

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1 Croates et les Bosniens avaient une position différente, et que les Croates

2 et les Bosniens étaient en faveur de la souveraineté. Au cours de ces

3 débats, et en parallèle à ces débats, il y a eu des échanges avec le SDS

4 auxquels a participé

5 M. Krajisnik. Quelles mesures ont été prises par les Serbes de Bosnie pour

6 faire en sorte que leur position serait la position qui serait, au bout du

7 compte, adoptée ?

8 R. Il y avait, en parallèle, les négociations politiques entre les

9 différentes institutions, la présidence, le parlement, le gouvernement. Il

10 s'agissait-là de discussions bilatérales, voire trilatérales, entre les

11 différents représentants des partis politiques. Il y avait, en parallèle,

12 on préparait une agression qui était contrôlée par Belgrade avec l'aide de

13 la JNA, de la police, des médias, et des différents établissements

14 financiers. Plus tard, il y a eu, on a vu, la création de formations

15 paramilitaires qui se sont joints à eux.

16 Le but des négociations était de les décrire comme étant des gens qui

17 recherchaient une solution pacifique, alors que les préparatifs au plan

18 technique aux fins de préparer cette agression -- le slogan, en tout cas,

19 on leur demandait d'être toujours le plus arrogant possible, qui est

20 quelque chose que l'on voit souvent au niveau des hauts dirigeants en ex-

21 Yougoslavie. Pour ce qui est des évènements de Croatie, on a pu constater

22 que les chances de survie de la Yougoslavie diminuaient de jour en jour.

23 Notre point de départ était la transformation de la Yougoslavie, ou

24 une Yougoslavie reformée. Cela était notre point de départ, mais à cause de

25 ces différentes menaces, nous avons souhaité au lieu de cela, avoir une

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1 Bosnie-Herzégovine indépendante. C'était la volonté politique exprimée par

2 le parti, le HDZ, et cetera. On a constaté ce qui sera démontré par le

3 référendum par la suite.

4 Q. Il y avait des négociations portant sur l'avenir de la Bosnie-

5 Herzégovine, négociations entre le HDZ, le SDA, et le SDS. Les Serbes

6 étaient en train de s'armer en même temps ?

7 R. Oui.

8 Q. Qui fournissait des armes aux Serbes à l'époque qui a précédé la

9 destruction et le démembrement de la Bosnie ?

10 R. C'était, pour l'essentiel, l'armée, mais ils avaient d'autres sources

11 d'approvisionnement aussi.

12 Q. Vous parlez de la JNA. Pourriez-vous nous donner un exemple concret,

13 quelque chose qui aurait été porté à votre connaissance concernant

14 l'armement des Serbes ? Le Tribunal dispose d'un élément très important sur

15 ce sujet, mais y a-t-il un exemple concret que vous pourriez donner à la

16 Chambre ?

17 R. Oui, je connaissais un homme du nom de Vlado Stopjic. Vlado, c'est un

18 nom intéressant, car les gens de confession orthodoxe et catholique ont ce

19 prénom. C'était un homme très capable. C'était un homme d'affaires. Il

20 avait une usine de jus de fruits, et une grande maison à Lukavica, qui se

21 trouve dans la banlieue de Sarajevo, habitée surtout par des Serbes.

22 Un matin devant sa maison, il a vu un Zolja, un lance-roquettes à main, un

23 Zolja. Il a vu trois ou quatre caisses de munitions d'armes emballées dans

24 des caisses vertes. Il y avait des inscriptions de la JNA qui était portées

25 dessus, ce qui indiquait qu'il s'agissait de caisses de la JNA, et

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1 différents noms de code. Ceci a eu lieu quelques mois avant l'agression. Il

2 a trouvé un Serbe en Croatie. Ils ont échangé leurs biens. C'était un homme

3 intelligent.

4 Mais le fait que les armes étaient fournies par l'armée n'est pas contesté.

5 Ceci a été attesté par un entretien donné par le général Kukanjac à la

6 télévision serbe en Bosnie. Il a exprimé son mécontentement, car il avait

7 été oublié après sa retraite. Il a dit : "tout ceci ne se serait pas passé

8 si je ne leur avait pas fourni des armes."

9 Q. Le général Kukanjac, pourriez-vous nous dire qui était cet homme, et à

10 quel échelon était-il, Kukanjac ?

11 R. C'était le commandant de l'armée sur quasiment tout le territoire de la

12 Bosnie-Herzégovine. Son quartier général était à Sarajevo, et il commandait

13 la 81e en 1991, et ensuite en 1992, lorsqu'il a été remplacé par Mladic.

14 Q. Je vais me tourner vers un document que vous connaissez bien les

15 Variantes A et B. Je ne vais pas vous montrer ce document. Je sais que vous

16 avez déjà vu ce document, mais je souhaite vous poser une question à cet

17 égard. J'aimerais citer un extrait des paroles de M. Karadzic lors de 50e

18 session de l'assemblée serbe de Bosnie, les 15 et 16 avril 1995, où il est

19 fait référence aux Variantes A et B. J'aimerais recueillir vos

20 commentaires ?

21 "Au moment où la guerre a commencé dans la municipalité, où nous étions

22 majoritaire, nous avions le pouvoir au niveau de la municipalité. Nous

23 tenions ce pouvoir, nous contrôlions tout. Dans les municipalités où nous

24 étions minoritaires, nous avons mis en place un gouvernement dans l'ombre,

25 en secret. Des conseils municipaux, des assemblées municipales, des

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1 présidences de comité exécutif, vous vous souviendrez certainement des

2 Variantes A et B. Dans la Variante B, là où nous étions minoritaire, 20 %,

3 15 %, nous avions mis en place un gouvernement ainsi qu'une brigade, une

4 unité quelle que soit sa taille. Il y avait un détachement et à sa tête un

5 commandant."

6 Il s'agit là d'une citation de la pièce 65, classeur numéro 12,

7 intercalaire numéro 128.

8 Monsieur Kljuic, je vous demande, s'il vous plaît, de nous faire part

9 de vos observations sur les Variantes A et B. Ces deux documents, et ce que

10 cela vous suggère, comment quel est votre point de vue sur cela, compte

11 tenu du fait qu'il y avait des négociations en cours sur l'avenir de la

12 Bosnie-Herzégovine.

13 M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'il faut ici établir davantage de

14 fondement, lorsqu'il dit qu'il a entendu et qu'il connaît certainement les

15 Variantes A et B de ce document. Au cours de sa préparation, il a

16 certainement dû les lire. Je souhaite que l'on puisse établir un lien entre

17 ce témoin et ces documents.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut évidemment comprendre si le

19 témoin avait une quelconque connaissance de ces documents, et comment il

20 interprète ces documents, à la lumière de son expérience.

21 M. HARMON : [interprétation]

22 Q. Monsieur Kljuic, avez-vous vu les documents portant mention aux

23 Variantes A et B ?

24 R. Oui, avant l'agression.

25 Q. Comment avez-vous interprété ce document ?

Page 6146

1 M. STEWART : [interprétation] Non, cela n'est pas satisfaisant. Nous ne

2 savons pas s'il a vu les Variantes A et B hier parce que l'Accusation lui a

3 montré, ou s'il a vu ces documents en 1990.

4 M. HARMON : [interprétation] Il a vu ces documents avant l'agression.

5 M. STEWART : [interprétation] Pardonnez-moi ceci m'a échappé. Néanmoins, je

6 crois qu'il faut être plus précis car nous avons différents éléments qui

7 ont déjà été proposés à propos des Variantes A et B. Il est très important

8 d'être précis en la matière.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur le

10 Témoin.

11 M. HARMON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions montrer au témoin

12 les Variantes A et B, ceci se trouve à la pièce 65, classeur numéro 12,

13 intercalaire numéro 66.

14 Q. Entre temps, Monsieur Kljuic, vous avez vu ce document; comment

15 interprétez-vous ce document ? A un moment où des négociations étaient en

16 cours pour essayer de trouver une solution à la question de la Bosnie.

17 R. C'était le jeu du SDS, à deux niveaux. D'une part, ils négociaient et,

18 dans les coulisses, ils préparaient une agression, ils armaient les civils

19 serbes,

20 Ce n'est un secret pour personne, que de dire que les documents,

21 comportant ces Variantes A et B, étaient connus de tous, même avant la

22 guerre. Je crois que cela a été rédigé à la fin de l'année 1991. Fin

23 février 1992, nous avons eu ce document présenté lors de l'assemblée de la

24 présidence. Il y avait à ce moment-là des institutions parallèles, il y

25 avait des agences chargées du renseignement qui sont restées loyales envers

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1 le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Ceci pouvait difficilement être

2 resté dissimulé. Nous connaissions tous l'existence de ce plan, de ces

3 Variantes A et B. Comment ceci a été préparé, c'était particulièrement

4 clair dans le cadre de Brcko parce que c'était la Variante B qui a été

5 appliquée. Ils ont pris le contrôle d'une grande partie de la ville, ils

6 ont chassé un certain nombre de Bosniens et de Croates.

7 Q. S'agissant des instructions datées du 19 décembre 1991, c'est ce qui

8 est dit, mais qu'est-il advenu encore le 19 décembre 1991 et qui a eu de

9 l'importance ?

10 R. Ce soir-là, nous avons eu une réunion de la présidence, une réunion

11 très importante, où il s'agissait de proroger le mandat du président parce

12 qu'en vertu de notre constitution, parmi les sept membres sur pied

13 d'égalité de la présidence, il était élu un membre qui était là pour

14 présider. Présider, on pouvait le faire pendant un an.

15 M. Izetbegovic avait vu son mandat prendre fin le 19 décembre 1991.

16 Il a eu l'occasion de le prolonger pour une autre année, quoique Karadzic

17 ait essayé d'organiser une petite diversion dans la matinée, cela n'a pas

18 marché pour ce qui me concernait. A la réunion, --

19 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?

20 R. Ne m'interrompez pas. Pour ce qui est de cette déstabilisation de la

21 Bosnie-Herzégovine, il importait beaucoup de relever Izetbegovic de ses

22 fonctions. Karadzic m'a proposé d'être le président de la Bosnie-

23 Herzégovine. Je lui ai demandé : "Mais comment ?" Il m'a dit : "Fort bien,

24 deux Serbes et deux Croates, cela nous donne quatre voix et peut-être

25 Fikret Abdic votera-t-il pour nous aussi."

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1 Sur un plan formel, cela pouvait, effectivement, se faire, si j'avais

2 été une personnalité différente, j'aurais accepté ce poste de président. A

3 l'époque, j'avais divergé avec Zagreb, notamment pour ce qui était de la

4 politique à l'égard de la Bosnie-Herzégovine. Cela c'est d'un.

5 De deux, en m'élisant au poste de président, il fallait faire une

6 rotation du président du gouvernement et du président du parlement. Vous

7 savez, vous ne nierez pas qu'à ces trois postes-clés, il y avait des

8 représentants des peuples en présence différents, cela aurait, peut-être,

9 engendré une crise du pouvoir. Je ne sais pas s'ils auraient accepté de

10 mettre quelqu'un d'autre à la place de Krajisnik à la présidence du

11 parlement, ou quelqu'un d'autre à la présidence du gouvernement à la place

12 de Jure Pelivan. Peut-être en me nommant, moi qui n'avais pas d'influence

13 grande ou importante sur les masses populaires, si ce n'est le fait d'avoir

14 été respecté en ma qualité de citoyen, mais je n'avais pas l'influence

15 nécessaire pour commander -- pour donner des ordres à l'armée et à la

16 police au lendemain. Ensuite, officiellement, la Bosnie-Herzégovine n'avait

17 pas d'arme à elle, il se créera, par la suite, un système d'armement et des

18 fonds afflueront de l'extérieur avec des armes, je n'en savais trop rien.

19 En fin de compte cette nuit-là, il fallait que nous placions notre exigence

20 portant sur le déroulement d'un référendum sur l'indépendance. Pendant que

21 nous étions en train de parler de tout cela, ils ont, au matin, publié un

22 document avec une Variante A et une Variante B, et ils l'ont distribué.

23 Q. Fort bien. J'aimerais, à présent, attirer votre attention sur quelques

24 autres événements qui se sont déroulés, Monsieur Kljuic, et que vous avez

25 interprétés en tant qu'événements visant à préparer la guerre pendant que

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1 des négociations étaient encore en cours pour ce qui concernait la solution

2 de la crise en Bosnie, discussions qui se déroulaient entre différents

3 partis politiques.

4 Est-ce que les Serbes de Bosnie ont créé des structures

5 gouvernementales parallèles ? Est-ce qu'ils ont créé un parlement à eux ?

6 R. Oui.

7 Q. Que nous diriez-vous au sujet du SDK ? Est-ce que des démarches ont été

8 faites dans ce sens-là ? Est-ce qu'en même temps qu'il y a eu des

9 pourparlers concernant la Bosnie, y a-t-il eu d'autres mesures de prises,

10 en même temps ?

11 R. Messieurs les Juges, peut-être ne le saviez-vous pas, mais dans ce

12 système socialiste, le flux de tous les fonctionnements financiers, tous

13 les paiements financiers se faisaient par le biais d'un établissement qui

14 s'appelait SDK. Cela permettait d'exercer un contrôle financier à l'égard

15 ou vis-à-vis du flux financier, des flux financiers. Dans les instructions

16 figurant dans ces Variantes A et B, il s'agissait de prendre possession de

17 ces moyens financiers et de les conserver sur les secteurs où les Serbes se

18 trouvaient être majoritaires. Ce qui importe le plus encore, c'est que les

19 réserves de nourriture, de vivres et les réserves d'armes en Bosnie-

20 Herzégovine, cela ne s'est pas fait par hasard, étaient situées sur des

21 territoires exclusivement serbes. Dans le cadre de ces préparatifs, ils

22 avaient prélevé sur des biens communs tout ce qu'ils pouvaient prélever,

23 non seulement pour des questions de profit personnel, mais pour empêcher

24 les autres d'agir. Dans le courant du processus tout entier, cette avidité

25 matérielle, ce pillage a été l'un des principes de l'exercice de leur

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1 pouvoir.

2 Par la suite, ils relâcheront certaines personnes par la suite des

3 interventions de la communauté internationale, voire suite à des accords.

4 Tous les gens qui ont pu quitté, qui ont été autorisé à quitter ont été

5 contraints à abandonner, à céder tous leurs biens aux autorités serbes à

6 l'Etat ou para-Etat serbe.

7 Q. Passons à un autre sujet. C'est un sujet que nous avons légèrement

8 touché auparavant, à savoir, à la question de savoir s'il était possible de

9 partager la Bosnie sur des principes ethniques, à savoir, était-il possible

10 de séparer les territoires en territoires serbes, croates et musulmans.

11 Vous nous avez dit que cela n'a pas été possible. Avez-vous eu des

12 discussions avec M. Krajisnik et avez-vous transmis cette opinion à M.

13 Krajisnik ?

14 R. Il y a eu plusieurs entretiens de ce type, et il y a eu des

15 conversations capitales où nous étions en tête-à-tête, face à face dans son

16 bureau du parlement de la Bosnie-Herzégovine. Nous étions en train de

17 proposer une solution pacifique. Le rejet de cette solution pacifique

18 n'avait qu'une alternative, à savoir, la guerre.

19 Je me dois de vous dire que la tragédie des Serbes de Bosnie est

20 celle de dire ou de voir qu'ils avaient eu des partenaires intéressés par

21 la paix parce que, mis à part eux, eux-mêmes, personne en Bosnie-

22 Herzégovine n'avait souhaité faire la guerre. D'autre part, la structure de

23 la Bosnie-Herzégovine ne saurait être vue de façon grossièrement

24 schématisée par un partage entre Serbes, Bosniens et Croates. Il y avait un

25 grand nombre de personnes qui n'avaient pas d'identité ethnique clairement

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1 définie, qui n'avaient pas de volonté de se prononcer ainsi. Il y avait un

2 certain nombre d'athées qui n'avaient pas considéré que l'appartenance à

3 une nation devait constituer quelque chose d'important. Ce qui était

4 important, c'est que nous avions des couples, des mariages mixtes tant sur

5 le plan ethnique que sur le plan religieux. Les enfants émanant de couples

6 de cette nature ne pouvaient se définir en faveur d'une identité plutôt que

7 d'une autre. C'est ce que l'on peut constater pour le mieux si l'on se

8 penche sur leurs prénoms. Les enfants issus de ces couples ou de ces

9 mariages mixtes prenaient des prénoms neutres qui ne symbolisaient pas une

10 appartenance ethnique quelconque.

11 D'autre part encore, ce brassage de la population était tel que, dans

12 une tour d'habitation, vous aviez, par exemple, 80 familles musulmanes, 50

13 familles serbes, 20 catholiques, deux familles juives. Personne n'acceptait

14 de quitter Sarajevo pour aller dans un village quelconque qui serait un

15 village de son groupe ethnique à lui. En sus, les parties civilistes qui

16 avaient bénéficié de 18 % des votes

17 --

18 Q. Monsieur Kljuic, il me faut vous interrompre parce que ma question

19 était la suivante : avez-vous indiqué à M. Krajisnik qu'il n'était pas

20 possible de partager la Bosnie sur des fondements ethniques ?

21 R. Pas seulement à Krajisnik, je l'ai dit à beaucoup de gens. Je l'ai dit

22 à plusieurs reprises. C'était inconcevable.

23 Q. Quelle avait été la réaction de M. Krajisnik suite à cela ?

24 R. Je vous ai dit de quelle façon procédait Krajisnik et de quelle façon

25 procédait Karadzic. Krajisnik n'avait pas besoin d'en dire long puisque

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1 Karadzic disait ce que les deux pensaient. Karadzic, en sa qualité de

2 leader, était là pour menacer, et M. Krajisnik, lui, n'a jamais menacé

3 personne. Après la tenue du discours de Karadzic, en sa qualité de

4 président, M. Krajisnik ne l'a pas interrompu, et il n'a pas dit : "Ce

5 qu'il a dit n'est pas normal, n'est pas bien," ou quoi que ce soit de ce

6 genre.

7 Q. Une fois de plus, quand vous avez dit à M. Krajisnik que la Bosnie ne

8 pouvait être divisée ou partagée suivant des lignes ethniques, quelle a été

9 sa réaction ?

10 R. Karadzic a dit que : "Ils allaient faire ce qu'ils allaient faire, et

11 que la communauté internationale allait reconnaître le droit du plus fort."

12 Or, lui, il est resté silencieux, il n'a rien dit.

13 Q. A combien de reprises avez-vous prévenu Krajisnik et Karadzic et de

14 l'impossibilité de partager la Bosnie suivant des lignes ethniques ?

15 R. Ce n'est plus une question de comprendre ou de ne pas comprendre. Il

16 n'est point nécessaire de le dire une fois ou cent fois, ce sont des choses

17 si évidentes, si grosses qu'elles ne peuvent ne pas être comprises. Nous

18 avons tenu des réunions au niveau de différentes institutions, le

19 parlement, le gouvernement et ainsi de suite. Nous voulions débattre des

20 questions en suspens, des questions litigieuses. Il n'en demeure pas moins

21 que ces questions ne pouvaient pas être résolues par des moyens

22 parlementaires en raison des ultimatums qu'ils formulaient.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, la question était

24 celle de savoir à combien de reprises, l'avez-vous dit 10 fois, 50 fois ou

25 100 fois ? Cela a été, en termes simples, la question qui vous a été posée.

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1 Vous ai-je compris comme il se devait si j'ai compris que vous l'avez dit

2 fréquemment et que je crois vous auriez dit quelque chose du genre, une

3 centaine de fois ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Plusieurs fois. Je n'ai pas compté, mais cela

5 était un impératif de notre vie quotidienne, leur indiquer : n'allez pas

6 recourir à la force, n'allez pas à la guerre, nous allons souffrir tous.

7 M. STEWART : [interprétation] Peut-être devais-je intervenir, Monsieur le

8 Président. Je ne pense pas avoir besoin de plus de cinq minutes. J'ai

9 l'intention, enfin, je pense avoir besoin de le dire parce qu'il convient

10 de tenir compte du temps imparti.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

12 M. HARMON : [interprétation] J'avais l'intention de vous faire entendre une

13 conversation interceptée qui dure 6 minutes et 49 secondes.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez poser des questions ?

15 M. HARMON : [interprétation] Oui, c'est la conversation interceptée que

16 nous avions voulu faire entendre ce matin, et que n'avons pas pu vous faire

17 entendre.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis un peu hésitant parce que si

19 nous pouvons entendre cela à présent, cela nous montrerait qu'il n'y a pas

20 de problèmes techniques, du moins pas à ce sujet-là. Si les interprètes et

21 les cabines techniques sont d'accord, sans pour autant perdre de vue le

22 fait que nous avons entamé notre dernière audience avant l'heure prévue, il

23 s'agit de voir si les cassettes nous laissent suffisamment de place pour le

24 faire.

25 Essayez d'être le plus concret possible.

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1 M. HARMON : [interprétation] Fort bien. Je vais passer la conversation

2 interceptée dans ce contexte.

3 Q. Nous avons été interrompu en raison de problèmes techniques, nous avons

4 parlé des leaders, des chefs des Serbes de Bosnie pour ce qui était des

5 Serbes qui ne souscrivaient à ce qui constituait la politique du SDS. Là,

6 j'aimerais qu'on nous fasse passer la conversation interceptée.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, les interprètes seront sollicités

8 de le dire en anglais.

9 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit ici de

10 l'intercalaire 31 472.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est cela.

12 M. HARMON : [interprétation] Fort bien.

13 M. STEWART : [interprétation] De quelle date s'agit-il ici, Monsieur Harmon

14 ?

15 M. HARMON : [interprétation] Du 26 juin 1992.

16 [Diffusion de cassette audio]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

18 "Mandic Momcilo: Bonjour

19 Miljana : Bonjour, Monsieur le ministre. Comment allez-vous ?

20 Krajisnik Momcilo : Ça va. Comment vas-tu ?

21 Miljana : Juste un moment, le président a besoin de vous.

22 Mandic Momcilo : Oui.

23 Krajisnik Momcilo : Mandic ?

24 Mandic Momcilo : Oui.

25 Krajisnik Momcilo : Est-ce que tu es un traître comme les autres ?

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1 Mandic Momcilo : Dieu m'en garde. Pardon ?

2 Miljana : Allo, Monsieur le ministre, il y avait eu une coupure.

3 Mandic Momcilo : C'était chez vous.

4 Miljana : C'est possible.

5 Krajisnik Momcilo : Allo ?

6 Mandic Momcilo : Oui, président.

7 Krajisnik Momcilo : Qu'est-ce qui nous a coupé ?

8 Mandic Momcilo : Peut-être quelque chose chez vous.

9 Krajisnik Momcilo : Je crois que je t'ai dit que tu avais trahi et il y a

10 eu une coupure.

11 Mandic Momcilo : Mais Dieu m'en garde. Jamais je ne ferais cela.

12 Krajisnik Momcilo: Bon, dis-moi. Deux choses, je t'ai demandé deux choses,

13 je voulais savoir si Stanisic était là et je voulais voir ce qu'il était

14 advenu de ceci parce qu'on n'a pas respecté ce qui a été convenu.

15 Mandic Momcilo : Oui. J'entends des bruits. J'entends des coups. Oui, c'est

16 quelque chose d'en bas.

17 Krajisnik Momcilo : Est-ce que tu as diffusé ce que je t'ai dit ?

18 Mandic Momcilo : Oui.

19 [aucune interprétation]

20 Krajisnik Momcilo : Est-ce que tu sais qui contacter ?

21 Mandic Momcilo : Oui, Vukovic, le jeune. Un Serbe qui nous critique parce

22 que j'ai ici 400 prisonniers.

23 Krajisnik Momcilo : Qui critique ?

24 Mandic Momcilo : 400.

25 Krajisnik Momcilo : Qui est-ce qui vous critique ?

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1 Mandic Momcilo : C'est ce Vukovic, Filip, le jeune, le Serbe. Il dit que

2 vous nettoyez et que les autres, ils sont pour eux.

3 Krajisnik Momcilo : Filip Vukovic.

4 Mandic Momcilo : Oui.

5 Krajisnik Momcilo : C'est un cadre communiste.

6 Mandic Momcilo : Oui, oui.

7 Krajisnik Momcilo : Qu'est-ce qu'il veut ?

8 Mandic Momcilo : Il est président de cette commission d'échange.

9 Krajisnik Momcilo : De la leur ?

10 Mandic Momcilo : Oui. Il dit que peu de gens les intéressent, que ce qui

11 les intéressent, c'est de la munition et des vivres, et qu'on allait les

12 relâcher vers Vrbanja, qu'ils rejoignent leur propre peuple, qu'il dit que

13 c'est du nettoyage ethnique.

14 [aucune interprétation]

15 Krajisnik Momcilo : Mais c'est lui qui nettoie.

16 Mandic Momcilo : C'est ce qu'il a dit. Je vais lui niquer sa mère.

17 Krajisnik Momcilo : Où est-ce qu'il est ?

18 Mandic Momcilo : Il est là-bas, j'en sais rien.

19 Krajisnik Momcilo : Chez eux ?

20 Mandic Momcilo : Oui.

21 Krajisnik Momcilo : Donc, il est des leurs ?

22 Mandic Momcilo : Oui, oui.

23 Krajisnik Momcilo : Mon Dieu, mais il n'y a que des traîtres.

24 Mandic Momcilo : Oui.

25 Krajisnik Momcilo : Bon, Momo, vois si tu peux l'appeler. J'aimerais qu'on

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1 aide Savic pour son frère.

2 Mandic Momcilo : Dès qu'il y aura un échange, je vais le faire.

3 [aucune interprétation]

4 Krajisnik Momcilo : Bon, Momo. La proposition, vous la présentez et on

5 verra.

6 Mandic Momcilo : C'est convenu.

7 [aucune interprétation]

8 Mandic Momcilo : J'ai ici Skrbo. Qu'est-ce que je dois faire de lui ?

9 Krajisnik Momcilo : Mais n'allez pas faire des opérations sur le terrain.

10 Mandic Momcilo : Voilà des ordres qui sont venus d'un certain Dr Avramovic

11 de Kasindol. Mais jamais personne ne les a contactés. Ils sont en train de

12 chasser les docteurs de là-bas. Ils placent les siens aux fonctions de

13 directeurs.

14 Krajisnik Momcilo : Qui c'est celui-là ?

15 Mandic Momcilo : C'est l'hôpital de Kasindol.

16 Krajisnik Momcilo : Qui sont ces gens-là ?

17 Mandic Momcilo : Ils sont de la communauté locale de Kasindol. Ils

18 remplacent les directeurs --"

19 L'INTERPRÈTE : C'est très difficile à réaliser parce qu'ils parlent

20 en même temps.

21 [aucune interprétation]

22 Krajisnik Momcilo : Je vais tout de suite appeler Prstojevic qu'il envoie

23 quelqu'un à la cellule de Crise d'Ilidza parce que c'est la commune

24 d'Ilidza.

25 Mandic Momcilo : C'est une autre, président.

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1 Krajisnik Momcilo : Je vais le faire tout de suite.

2 Mandic Momcilo : Ils sont en train de faire avec Prstojevic.

3 Krajisnik Momcilo : Mais ce ne sont les mêmes hommes dans la mission de

4 représentation à Ilidza. Ce n'est plus les mêmes.

5 Mandic Momcilo : Mais voilà, les deux médecins sont venus se plaindre,

6 pleurer sur mon épaule.

7 Krajisnik Momcilo : Mais tu leur dis que ce sera réglé.

8 Mandic Momcilo : Oui, cela fait trois jours qu'ils n'ont rien mangé.

9 Krajisnik Momcilo : Qui ?

10 Mandic Momcilo : Ceux de la communauté locale.

11 Krajisnik Momcilo : Qui est-ce qui ne leur donne pas de pain ?

12 Mandic Momcilo : Ils ne leur donnent rien. Cela va directement à l'hôpital

13 de Kansidol.

14 L'INTERPRÈTE : Et ainsi de suite.

15 M. HARMON : [interprétation]

16 Q. Il s'agit d'une conversation interceptée --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, nous n'avons pas reçu

18 l'interprétation en entier de l'interprétation. En fait, elle n'est pas,

19 tout à fait, terminée. Quand je dis, veuillez poursuivre, ce n'est pas pour

20 vous, je m'adresse aux interprètes.

21 Monsieur Harmon, je vous interromps. Vous devez d'abord attendre quelques

22 instants, car nous sommes en train de recevoir dans l'écouteur,

23 l'interprétation en langue anglaise. Les interprètes se sont arrêtés au mot

24 Popovic. Est-ce que c'est exact ? Je demande aux interprètes de terminer

25 l'interprétation de ce passage.

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1 L'INTERPRÈTE : La cabine française précise que la transcription qui

2 leur a été fournie est plus complète que le texte que nous avons entendu

3 dans nos écouteurs. Probablement, y a-t-il eu de [imperceptible] de

4 l'enregistrement audio, et cela n'a pas été fait au niveau des textes qui

5 nous ont été donnés en guise de transcription. Nous parlons du texte en

6 B/C/S, nous n'avons pas encore vérifié pour le texte en anglais.

7 La cabine française précise également que la cabine anglaise est en train

8 de lire la traduction dont elle dispose en langue anglaise, alors que la

9 cabine française n'a pas de version française et a dû traduire directement.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, veuillez poursuivre, je

11 vous prie.

12 M. HARMON : [interprétation]

13 Q. Monsieur Kljuic, il s'agit d'une conversation interceptée, je voulais

14 faire entendre car, lors de votre témoignage précédent, vous avez parlé de

15 l'attitude qu'avait démontré M. Karadzic,

16 M. Krajisnik envers les non-Serbes, Donc envers les non-Serbes qui ne se

17 pliaient au programme du SDS. J'aimerais savoir quels sont vos commentaires

18 et observations concernant cette conversation interceptée.

19 R. Nous pouvons voir ici comment il se comportait envers les gens qui ne

20 partageaient pas leur point de vue. Quoiqu'il y ait une erreur lorsque l'on

21 identifie Philippe Vukovic, il est vrai que c'était un communiste, ce

22 n'était pas un Serbe, par contre, mais il s'agissait d'un Croate, en fait.

23 Nous voyons de par cette conversation, il nous envoyait des femmes et

24 des enfants, ce qui était le résultat du nettoyage ethnique, bien sûr,

25 également, mais, si vous voulez, nous pouvons également voir, de par cette

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1 conversation interceptée, que M. Krajisnik était impliqué dans un bon

2 nombre de problèmes, en commençant par l'échange avec les Musulmans, car ce

3 Karamehmedovic avait été envoyé à Sarajevo, et Sarajevo on demandait

4 certaine personne, tel ce Karamehmedovic, je ne sais plus comment il

5 s'appelait, quel était son prénom.

6 J'ai également une autre observation à fournir, l'hôpital de

7 Kasindol, cet hôpital se trouve dans une localité toute petite, Kasindol

8 avait un problème d'ordre local, il était tout à fait illogique que l'on y

9 envoie le président d'une assemblée.

10 Mais c'est ainsi que les choses se sont déroulées.

11 M. HARMON : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

12 Président, pour aujourd'hui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, cela met un terme à

14 votre déposition d'aujourd'hui, vous pouvez vous allez plutôt revenir

15 demain matin à 9 heures, nous allons poursuivre votre déposition demain

16 matin. Je vais vérifier s'il s'agit du même prétoire ou un autre prétoire.

17 Je vous demanderais de ne pas vous entretenir avec qui que ce soit du

18 témoignage que vous avez fourni ici devant la Chambre aujourd'hui.

19 Je vous demanderais d'écouter attentivement les questions qui vous

20 sont posées. Je vous donne cette consigne pour demain, et je suis tout à

21 fait persuadé que vous avez beaucoup de choses à nous dire, mais vous allez

22 devoir vous en tenir aux questions précises qui vous sont posées.

23 Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Madame l'Huissière, veuillez escorter

24 le témoin hors du prétoire.

25 [Le témoin se retire]

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1 Je vous écoute, Monsieur Stewart.

2 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord je voulais

3 dire la chose suivante. Je demanderais que l'on puisse fournir à M.

4 Krajisnik soit la cassette ou le CD, un disque où la bande audio de ce que

5 l'on vient d'entendre. Il aimerait, en fait, entendre la bande audio de la

6 séance d'aujourd'hui, de l'ensemble de la séance d'aujourd'hui afin qu'il

7 puisse réentendre ce qu'a dit

8 M. Kljuic concernant les conversations interceptées et, en fait, afin qu'il

9 puisse réécouter la teneur de sa déposition.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, Monsieur Stewart,

11 si nous sommes ici pendant la durée de cinq heures, je crois que cela prend

12 cinq heures que l'on transfère l'audience sur un autre moyen médium. Je

13 crois qu'il pourrait peut-être recevoir le document vers 19 heures ce soir.

14 M. STEWART : [interprétation] Bien, 19 heures n'est pas nécessairement

15 l'heure idéale. Je crois que M. Krajisnik doit regagner sa cellule de toute

16 façon, et je ne sais pas s'il voulait passer la soirée à écouter ce qu'il

17 voulait écouter.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous allons essayer de faire du

19 mieux que nous le pouvons, afin de pouvoir lui fournir ce qu'il désire.

20 Nous allons demander au Greffe de lui remettre les documents qu'il désire

21 obtenir.

22 M. STEWART : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

23 La deuxième chose que je voulais vous demander, c'est que nous aimerions

24 savoir si un CD qui a trait au transcript et à l'authentification de

25 transcript, nous aimerions pouvoir brûler le CD afin de pouvoir le

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1 recopier.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, le CD dont on fait état

3 sur la liste, est-ce qu'il a été communiqué à la Défense ?

4 M. HARMON : [interprétation] De quelle liste s'agit-il, je ne sais pas de

5 quoi on parlait exactement.

6 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, il s'agit de quelque

7 chose qui se réfère au 26 octobre.

8 M. HARMON : [interprétation] Je comprends que M. Stewart, je ne sais pas de

9 quelle liste il parle.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, c'est le numéro 2 qui se trouve

11 sur la liste et c'est une "CD des transcripts authentifiés --

12 authentiques."

13 M. STEWART : [interprétation] Je faisais explicitement référence à la liste

14 qui a été -- dont il a été question ce matin. Je suis désolé de ne pas

15 pouvoir identifier plus précisément cette liste.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il s'agit de la liste qui a trait

17 à M. Kljuic.

18 M. HARMON : [interprétation] Nous allons fournir ce document à la Défense

19 cet après-midi.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

21 M. STEWART : [interprétation] Cet après-midi, je vous en remercie.

22 M. HARMON : [interprétation] Nous allons vous fournir cette liste le plus

23 tôt possible.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il s'agit de retranscrire ce

25 CD de brûler ce Cd.

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1 M. STEWART : [interprétation] Très bien. Il n'y a pas de problème.

2 Nous allons fournir cette liste à la Défense.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stewart.

4 M. STEWART : [interprétation] La dernière chose que je voulais dire, il me

5 faudrait faire une demande pour la certification en vertu de l'Article

6 73(B). Je ne voulais pas identifier le témoin. Il n'est pas nécessaire de

7 passer à huis clos partiel, mais je voulais simplement dire la chose

8 suivante, Monsieur le Président.

9 Monsieur le Président, vous avez donné votre décision en audience

10 publique et, dans cette décision vous avez dit que la Chambre doit voir les

11 éléments de preuve originaux avant qu'elle ne formule une opinion. S'il ne

12 s'agit de notre demande, là où nous disons que la Chambre de première

13 instance a erré, c'est lorsque la Chambre de première instance a besoin

14 suffisamment d'éléments de preuve pour qu'elle soit satisfaite, pour

15 pouvoir dire qu'il y a vraiment risque objectif. Vous êtes peut-être en

16 désaccord avec nous lorsque nous parlons d'un appel et, lorsque nous

17 remettrons peut-être ces demandes à la Chambre d'appel, elle serait peut-

18 être d'accord avec nous pour dire -- enfin, nous soumettons

19 respectueusement que ce que vous n'avez fait, c'est que vous ne nous avez

20 pas permis d'examiner les choses pour savoir, après un examen plus

21 approfondi, si l'Accusation a franchi le seuil de risque objectif.

22 Nous avons besoin de faire d'autres recherches, d'autres enquêtes

23 supplémentaires, et il ne faudrait pas nous arrêter de faire cette enquête

24 supplémentaire car, lorsque nous examinons la totalité des éléments de

25 preuve qui sont disponibles, nous aimerions savoir si ce que nous aurions

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1 trouvé en audience publique, si cela interférait avec l'élément de preuve

2 prima facie.

3 Pour nous, c'est très important car nous avons besoin de nous

4 adresser à la Chambre d'appel puisque je sais quelle est votre position.

5 Par définition, vous n'allez pas être d'accord avec ma présentation puisque

6 vous avez déjà rendu votre décision et, pour nous, il est bien difficile de

7 l'accepter. Nous allons devoir nous adresser à la Chambre d'appel, et c'est

8 quelque chose qui sera traité en audience publique. C'est quelque chose de

9 très important, et nous vous demandons de rendre cette certification

10 appropriée.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il s'agit d'une demande orale

12 pour un certificat conformément à l'Article 73(B).

13 M. STEWART : [interprétation] Pour un certificat conformément à l'Article

14 73(B), Monsieur le Président, oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais 73 -- c'est dit que la demande

16 de cette certification doit être dans un délai de sept jours, qui tout du

17 moins suggère qu'il faudra qu'il s'agisse d'une demande écrite. Mais je

18 comprends que vous nous avez déjà brièvement expliqué, et peut-être sur la

19 base que -- sur la base de votre explication, je pourrais peut-être

20 l'accepter.

21 M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'on avait pas le pouvoir, en

22 fait, de rejeter ceci.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur la base de votre explication

24 orale, vous voyez accordé une journée supplémentaire pour déposer une

25 demande écrite pour le certificat, pour la certification.

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1 M. STEWART : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président. Je

2 vous remercie.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, est-il exact de dire

4 que vous souhaitiez prendre la parole ? Il semblerait que -- est-ce que

5 l'on -- est-ce que vous nous entendez ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement ajouter quelque chose

7 concernant ce témoin. C'est lié au document que j'ai reçu. Il s'agit en

8 espèce d'un très petit nombre de témoins que je connais. Je pourrais

9 ajouter à ma défense en pouvoir -- en examinant les documents. Je suis un

10 observateur passif, et je n'ai pas reçu suffisamment de -- grand nombre de

11 -- suffisamment de matériel pour pouvoir examiner et procéder à ma propre

12 défense. Ce témoin a mélangé des dates, les rencontres. J'aimerais pouvoir

13 informer mon conseil pour qu'il puisse poser des questions. Je suis fort

14 mécontent, malheureusement, car l'Accusation a dit qu'il avait remis ces

15 documents à mon conseil de la Défense. Hier, c'était dimanche, donc mon

16 conseil de la Défense ne pouvait plus me contacter. On ne me pouvait pas me

17 contacter hier, et il ne pourra me contacter que cet après-midi. L'heure a

18 été très mauvais que ce témoin témoigne qu'aujourd'hui.

19 J'espère que vous allez comprendre, et je sais que vous devez savoir

20 de quoi je parle, mais je pourrais aider mon conseil de la Défense à

21 préparer ma propre défense. Voyez-vous, je n'ai pas de possibilité

22 technique d'expliquer quelle est la raison pour laquelle je souhaiterais le

23 dire, mais je ne voudrais certainement pas faire quelque chose qui va à

24 l'encontre des vos décisions.

25 Je suis vraiment désolé de voir les choses se dérouler de la suite.

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1 Il y a une confusion totale qui règne pour ce qui est des communications

2 que je peux avoir avec mon conseil à cause de cette difficulté technique.

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne savais pas

4 que M. Krajisnik allait dire quelque chose aujourd'hui, mais je soutiens

5 tout à fait ce qu'il a dit. Justement, j'avais l'intention de passer en

6 revue pendant la soirée les documents, pour pouvoir informer la Chambre de

7 première instance de ce -- des dates auxquels nous avons reçu les

8 documents. Nous sommes extrêmement insatisfaits avec la façon dont ces

9 documents nous ont été communiqués.

10 En fait, M. Krajisnik a bien exprimé de quoi il s'agit. Mais

11 concernant ces conversations interceptées avant le weekend, tout ce que

12 nous savions, ce qu'il y avait 138 conversations interceptées, desquelles

13 une certaine sélection serait faite, mais nous ne savions pas qu'elles

14 seraient. Nous n'avons pu choisir et devenir quelles sont les conversations

15 qui seraient sélectionnées.

16 Nous allons, bien sûr, travailler pendant la soirée, afin de pouvoir aider

17 la Chambre de première instance afin qu'elle puisse nous venir en aide pour

18 ce qui est des difficultés résiduelles qui nous restent.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, c'est que la Chambre a promis,

20 qu'elle allait suivre de très près de quelle façon l'interrogatoire de ce

21 témoin se poursuivra. Bien sûr, cela n'a pas été le témoignage le plus

22 facile jusqu'à présent. Nous allons certainement garder en tête les -- ce

23 qu'a demandé M. Krajisnik, et nous essayerons de trouver un remède à ces

24 difficultés.

25 M. HARMON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le

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1 Président, je voulais dire que toutes les conversations interceptées ont

2 été remises au conseil de Défense au mois de juin de cette année. Ensuite,

3 Monsieur le Président, j'ai identifié, et je vais vous sortir cette date

4 sous peu --

5 M. STEWART : [interprétation] Mais il y en a 2 000.

6 M. HARMON : [interprétation] Oui. Il y a un très grand nombre de

7 conversations interceptées qui ont été remis; 137 conversations étaient

8 interceptées, ont été remises, au 16 septembre, à la Défense.

9 M. STEWART : [interprétation] C'était le 17 septembre.

10 M. HARMON : [interprétation] En fait, nous avons remis 137 conversations

11 interceptées à la Défense. Nous leur avons dit que ces éléments de preuve

12 seront utilisés et, le 25 septembre, j'ai identifié 21 pièces à la Défense,

13 et il nous a fallu traduire les commentaires. Pour ce qui est des dix

14 conversations interceptées, qui font partie de cette liste, subséquemment -

15 - en fait, ces traductions ont été complétées et, de ces dix conversations

16 interceptées, en fait, elles ont été envoyées à la Défense. Je crois que

17 c'était hier après-midi. Voici l'historique des conversations interceptées.

18 Je voulais simplement savoir si les transcripts ont également été remis à

19 la Défense au mois de juin. Je vais m'en informer, mais je crois qu'il est

20 très important de mettre cela sur le compte rendu d'audience.

21 M. STEWART : [interprétation] Je crois que M. Harmon vient de nos présenter

22 les choses de façon adéquate, mais cela va à l'encontre -- contre la

23 présentation de ses propres moyens. Il saute aux accuses ici.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je crois que je comprends que la

25 Défense a certaines difficultés à résoudre tous ses problèmes, et pour ne

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1 pas ajouter une autre difficulté, car je crois que nous n'avons plus

2 d'espace ou de place sur la cassette audio, et nous demanderons à Mme la

3 Greffière de commander pour -- ou de rendre disponible la partie audio de

4 la séance d'aujourd'hui à M. Krajisnik.

5 Maintenant, à savoir s'il y a des conclusions, s'il y a quelque solution

6 particulière qui ne peut être trouvé pour cette situation. Nous le verrons

7 subséquemment. Pour l'instant, nous allons lever la séance, et nous

8 reprenons nos travaux à 9 heures demain matin.

9 --- L'audience est levée à 14 heures 05 et reprendra le mardi 28

10 septembre 2004, à 9 heures.

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