Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 29 septembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer le

6 numéro de l'affaire au rôle, je vous prie.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre

8 Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière. Bonjour tout

10 le monde.

11 La Chambre a réfléchi à la meilleure façon pour suivre l'audition du témoin

12 que nous entendons en ce moment et qui doit quitter La Haye jeudi matin.

13 Nous avons consulté les parties pour voir s'il y aurait une possibilité de

14 continuer à travailler cet après-midi. Apparemment, compte tenu du temps

15 limité de préparation et de la communication assez tardive de plusieurs

16 documents, ce ne serait pas une très bonne idée de contraindre la Défense à

17 travailler cet après-midi, nous l'admettons tout à fait. Par conséquent, il

18 est fort probable qu'une fois que la Défense aura entamé le

19 contre-interrogatoire de ce témoin, nous nous interromprons et que le

20 témoin devra être rappelé à la barre ultérieurement. La Chambre essaie au

21 maximum d'éviter ce genre de situations, mais, dans les conditions

22 actuelles, il ne semble pas y avoir d'autres possibilités.

23 J'ai, également, informé les parties que, mardi prochain, nous commencerons

24 nos travaux un peu plus tard, ce qui signifie à 11 heures à peu près. La

25 première heure et demie n'aura pas lieu. Ensuite, nous aurons une seule

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1 pause.

2 Monsieur Harmon, êtes-vous prêt à continuer l'interrogatoire principal ?

3 M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour. Bonjour,

4 conseil de la Défense.

5 M. STEWART : [interprétation] J'aimerais simplement dire une chose,

6 Monsieur le Président. Nous remercions la Chambre de ne pas avoir insisté

7 pour une séance de l'après-midi car il serait irréaliste d'avoir prévu une

8 telle séance, et nous apprécions grandement votre décision.

9 Monsieur le Président, j'aimerais simplement dire qu'il y a ce problème du

10 CD qui a été égaré. Vous vous souviendrez que ce problème a déjà été

11 évoqué. Nous avons remis un CD à la section chargée de la Diffusion des CD;

12 malheureusement, ce CD semble avoir été égaré pour des raisons tout à fait

13 concrètes. Apparemment, il est tombé d'un chariot pendant son transport ou

14 quelque chose comme cela, cela s'est passé au pire moment qui soit. En tout

15 cas, j'ai parlé au responsable de l'Unité de Détention hier. Je me suis

16 expliqué avec lui : des excuses ont été présentées en bonne et due forme.

17 Il m'a été dit que ce genre de choses ne devrait pas arriver. Aujourd'hui,

18 le problème est résolu. Apparemment, ce genre de problème ne se répétera

19 pas. C'était réellement un accident, le problème est résolu. Je tenais à

20 vous l'annoncer.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est bon d'apprendre que c'était un

22 accident, et non pas le résultat d'une erreur systématique. J'aimerais, à

23 présent, que l'on fasse entrer le témoin dans le prétoire.

24 M. HARMON : [interprétation] A l'intention des Juges, j'indique que nous

25 allons examiner le document 31 052.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Harmon.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kljuic.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à tous.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci n'est peut-être pas indispensable,

6 mais je vous rappelle tout de même que vous êtes toujours lié par la

7 déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

8 déposition.

9 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais que l'on remette au témoin le

12 classeur des écoutes téléphoniques. Je demande à Mme l'Huissière d'aider M.

13 Kljuic à trouver l'intercalaire 31 052, à savoir, l'écoute téléphonique du

14 13 février 1992.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dès que vous vous aurez retrouvé,

16 Monsieur Kljuic, je vous demanderais de le faire savoir à M. Harmon qui

17 pourra commencer à vous poser des questions.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez commencer.

19 Interrogatoire principal par M. Harmon : [Suite]

20 Q. [interprétation] Merci, Monsieur Kljuic. Ceci est une écoute

21 téléphonique du 13 février 1992 où M. Lukic et Radovan Karadzic ont été

22 identifiés. Je vous demanderais d'abord, rapidement, de nous dire qui est

23 ce M. Lukic si vous voulez bien.

24 R. C'est un expert en droit qui représentait le SDS aux pourparlers

25 internationaux portant sur la création de la Bosnie-Herzégovine.

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1 Q. J'aimerais appeler votre attention et celle des Juges de la Chambre sur

2 un paragraphe que l'on trouve en page 1 de la traduction anglaise, deuxième

3 intervention de Karadzic à partir du bas. Je cite, si vous voulez bien, ce

4 que dit M. Karadzic.

5 "Ils veulent baisser nos prix au maximum de façon à réussir, afin de

6 baisser leur prix également pour remporter le succès. Mais, nous ne pouvons

7 pas faire de concessions. Nous avons dit que nous avions fait toutes les

8 concessions possibles. Notre optimum, c'est la Grande Serbie; sinon, la

9 Grande Serbie, alors une Yougoslavie fédérale. Si cela n'est pas possible,

10 il n'y aura rien d'autre car il n'y a pas d'autres concessions possibles."

11 Pouvez-vous commenter ces propos de M. Karadzic ?

12 R. Ils sont très clairs et conformes à leurs menaces proclamées

13 publiquement et confidentiellement. Ils ne s'intéressaient pas du tout à

14 une Bosnie-Herzégovine indépendante, souveraine, dans laquelle les trois

15 peuples constitutifs auraient l'égalité. Ce qu'ils voulaient, c'était la

16 réalisation de leur projet de Grande Serbie, et ce projet ne pouvait pas

17 être réalisé; il souhaitait créer une Yougoslavie fédérale. Toutefois,

18 puisque cette conversation se tient après la sécession de la Slovénie et de

19 la Croatie, il n'y a plus de Yougoslavie fédérale identique à ce qu'elle

20 était en 1995 et 1990. Il y a une Yougoslavie fédérale qui est, en fait,

21 une Yougoslavie croupion avec la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le

22 Monténégro, et la Macédoine et rien d'autre. De cette façon, le peuple non-

23 Serbe n'aurait eu absolument aucune chance d'exister dans cette structure.

24 Nous avons ici trois points qui sont exprimés très clairement. Le

25 premier, c'est la Grande Serbie; le deuxième, c'est la Yougoslavie fédérale

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1 en l'absence de Croatie et de Slovénie; et le troisième, c'est ce qui a été

2 fait plus tard.

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la clarté

4 des points exprimés dans cette transcription qui permet de se poser la

5 question de savoir si tous ces problèmes ont vraiment été bien explorés par

6 le témoin; 90 % de la réponse fournie par le témoin découle, en fait, de ce

7 qu'on peut lire dans le texte. On peut se demander si, réellement, le

8 témoin a des connaissances personnelles au sujet des thèmes qui sont

9 abordés ici.

10 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sans

11 arrêt interrompu dans mon interrogatoire. Je ne pourrais pas en terminer

12 dans les délais impartis. Il m'appartient, je suppose, de définir les

13 partis de ces écoutes téléphoniques que je considère importantes et de

14 poser des questions au témoin que je juge les plus intéressantes, à moins

15 qu'une objection ne soit soulevée et que j'estime que cette objection qui

16 vient d'être soulevée n'est pas raisonnable. Je pense qu'elle nous fait

17 perdre du temps et je demande l'autorisation de mener mon interrogatoire de

18 la façon que je juge la plus appropriée.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, il y a tout de

20 même quelque chose de valable dans ce que vient de dire

21 Me Stewart. En même temps, je vous laisse toute latitude d'interroger le

22 témoin comme vous le souhaitez. Mais, je vous demanderais de ne pas perdre

23 de vue que le témoin est censé nous dire autre chose que ce qui figure dans

24 le texte. Il devrait ajouter quelque chose à ce que les juges savent déjà.

25 Je vous prie de bien vouloir procéder.

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1 M. HARMON : [interprétation] Merci.

2 Q. J'aimerais appeler, M. Kljuic, votre attention sur un autre

3 passage de cette écoute téléphonique.

4 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit d'un passage que l'on trouve,

5 Messieurs les Juges, en page 3 de la version anglaise, quatrième

6 intervention de Karadzic à partir du bas.

7 Q. M. Kljuic, je lis ce passage. Je cite :

8 "M. Lucic : Et le professeur vient de voir le document que vous avez

9 établi, et il n'est pas très satisfait du fait que la Bosnie est présentée

10 dans ses frontières actuelles.

11 M. Karadzic : Non, j'aimerais -- nous pouvons peut-être avoir un petit peu

12 --

13 M. Lukic : Et bien, il pense que peut-être ceci aurait dû être passé sous

14 silence. Mais voilà.

15 M. Karadzic : C'est exact. Il a raison. Il a tout à fait raison parce que

16 nous pourrions avoir quelques modifications avec les Croates.

17 M. Lukic : Oui, oui.

18 M. Karadzic : C'est exact. C'est exact. Je pensais que nous devions

19 répondre aux exigences générales. Ils n'arrêtent pas de nous demander --

20 M. Lukic : De la conserver ?

21 M. Karadzic : Oui, oui."

22 Pouvez-vous nous dire, puisque cette écoute date du 13 février -- pourriez-

23 vous nous dire, au sujet de ce passage particulier, je parle des mots,

24 "nous pourrions avoir quelques modifications avec les Croates", quelle est

25 votre interprétation de ces mots ?

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1 R. Il ne voulait absolument pas que la Bosnie-Herzégovine

2 reste dans sa structure de l'époque. Lukic d'ailleurs en parle ici, à un

3 moment, et il dit que la Bosnie-Herzégovine resterait ce qu'elle est. Ils

4 ont cherché toutes sortes de moyens pour diviser la Bosnie-Herzégovine. Une

5 division possible consistait à conclure un accord historique avec les

6 représentants des Musulmans, mais les pourparlers qu'ils menaient à cette

7 fin étaient menés avec des représentants politiques qui n'étaient pas

8 mandatés pour représenter cette population musulmane. Les efforts faits

9 dans ce sens ont échoué.

10 Karadzic et ses hommes ont passé des jours et des jours à établir un

11 contact avec moi pour aller dans le sens de cet objectif, c'est-à-dire,

12 définir un mode de division de la Bosnie-Herzégovine. Ayant échoué avec

13 moi, ils ont tenté de le faire avec d'autres représentants des Croates, en

14 particulier. Il faut dire aussi que, le 2 février 1992, j'ai démissionné de

15 mon poste du HDZ en raison précisément des divergences qu'il y avait au

16 sein de ce parti au sujet de la meilleure façon de diviser la Bosnie-

17 Herzégovine. J'étais le représentant qui défendait l'idée d'une Bosnie-

18 Herzégovine indépendante. Il y en avait d'autres qui souhaitaient une

19 division de la Bosnie-Herzégovine et, ensuite et avant, il y a eu diverses

20 propositions faites par Boban et par Karadzic.

21 Q. En quelques mots, qui est ce Boban dont vous venez de parler ?

22 R. Sur le plan légal, Boban était mon vice-président au sein du parti et

23 mon représentant au parlement, mais il avait de très bonnes relations à

24 Zagreb. Il y a eu un changement de la politique de Zagreb vis-à-vis de la

25 Bosnie-Herzégovine et, à partir de ce moment, puisqu'il représentait un

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1 courant très séparatiste au sein du HDZ, qui considérait qu'il ne fallait

2 pas que la Bosnie-Herzégovine soit un Etat, mais qu'une partie de la

3 Bosnie-Herzégovine dans laquelle, d'ailleurs, on trouvait que le village

4 natal de Boban devait être réunie avec la Croatie.

5 Q. Passons à l'écoute téléphonique suivante : KID 31 205, datant du 21

6 avril 1992.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Kljuic, je vous demanderais de nous

8 dire quand vous estimez avoir suffisamment pris connaissance du texte.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis prêt.

10 M. HARMON : [interprétation]

11 Q. M. Kljuic, il est fait référence en première page de cette écoute

12 téléphonique à un "quartier général à Vraca." Pouvez-vous nous dire d'abord

13 ce qu'est Vraca ?

14 R. C'est un quartier qui se trouve sur la rive gauche de la

15 Miljacka, à cinq minutes à peine du centre-ville, donc un peu en

16 périphérie, mais tout de même tout près du centre. C'est un quartier connu

17 parce qu'il habitait l'école de police, à l'époque, de la Yougoslavie, à

18 cinq minutes de Marin Dvor.

19 Q. J'aimerais appeler votre attention sur deux passages. D'abord, le

20 premier, vers le bas de la page dans la version anglaise, je cite :

21 "M. Krajisnik : C'est Momcilo Krajisnik à l'appareil. Qu'est-ce qui

22 passe chez vous ?

23 M. Ninkovic : Et bien, Karisik pourrait t'expliquer beaucoup mieux ce

24 qui se passe ici."

25 Ensuite, au bas de la page 2 de la version anglaise, on a :

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1 "M. Krajisnik : Dites-moi ce qui se passe chez vous. Je suis ici, et

2 ici c'est le chaos le plus total.

3 M. Karisik : Et bien, il y a beaucoup de tirs. Les membres de la

4 Défense territoriale ont engagé l'action."

5 D'abord, est-ce que vous savez qui est M. Karisik ?

6 R. Karisik est mentionné assez souvent comme l'un des -- c'est un homme

7 qui était policier avant la guerre, et qui le restera après la guerre. Je

8 ne sais pas exactement quel était son poste au sein de la police serbe.

9 Q. Très bien. En quelques mots, Monsieur Kljuic, le 21 avril, que se

10 passait-il à Sarajevo ?

11 R. L'école de police était un élément tout à fait stratégique, puisqu'il

12 se trouvait sur les hauteurs de la ville d'où on pouvait voir une grande

13 partie de la ville. Il y avait des enfants qui suivaient les cours de cette

14 école, des jeunes gens, des jeunes élèves. Ces enfants ont été placés en

15 détention et emmenés à Pale.

16 Q. Y avait-il des combats à Sarajevo le 21 avril 1992 ?

17 R. Il y en avait tous les jours. Il y avait encore ce qu'on peut qualifier

18 de tir sporadique, à ce moment-là. Ce n'était pas encore des combats

19 déclarés. Les combats ouverts ne commenceront que le 2 mai. Mais il y avait

20 déjà des coups de feu tirés dans les rues de plusieurs quartiers de la

21 ville.

22 Q. Très bien. J'aimerais maintenant que nous passions à l'écoute

23 téléphonique suivante : KID 31 422, en date du 27 mai 1992, conversation

24 entre le général Boskovic et un général inconnu.

25 R. Je suis prêt.

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1 Q. Connaissez-vous le général Boskovic ?

2 R. Je le connais depuis de nombreuses années. Entre 1960 et 1964, par

3 hasard nous avons été voisins de Pale. En 1992, il est arrivé en raison de

4 ses compétences, en provenance de Belgrade, et moi, à ce moment-là, j'étais

5 membre de la présidence. Pendant tout le mois de mai, j'ai participé à des

6 pourparlers sous l'égide de la FORPRONU et la direction du général

7 Mackenzie. C'étaient les différents partis politiques de la République de

8 Bosnie-Herzégovine qui menaient des pourparlers avec les rebelles serbes et

9 les représentants de l'armée populaire yougoslave. Ces débats avaient pour

10 thème l'évacuation des soldats hors des casernes. Il y avait un certain

11 nombre de casernes dans ce secteur, qui contenaient des armes en grand

12 nombre. Ces pourparlers ont duré pas mal de temps. Ils ont échoués, et

13 Milosevic a décidé d'envoyer le général Boskovic depuis Belgrade pour

14 tenter de régler la situation. Avant cela, d'autres généraux, notamment,

15 Simonovic, avaient participé aux pourparlers, mais le général Boskovic est

16 arrivé sur les lieux au moment dont je parle pour discuter avec les

17 soldats. Ils lui ont demandé de sortir les armes et l'équipement des

18 casernes. Nous n'étions pas autorisé à le faire, mais les soldats, eux, ont

19 pu quitter la caserne.

20 Q. En traduction anglaise, je cite un passage : (Le général Boskovic au

21 téléphone.)

22 "M. Boskovic : Allo.

23 Voix d'homme non-identifié : Allo, général.

24 M. Boskovic : Allo.

25 Voix d'homme non-identifié : Vous êtes en ligne. Karadzic est également en

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1 ligne avec le général."

2 Ici nous sommes en présence d'une conversation où le général Boskovic

3 parle, alors qu'il se trouve à Sarajevo, et son interlocuteur est un

4 général qui est au côté de Karadzic. C'est bien ce que l'on peut conclure

5 de ce que nous venons d'entendre ?

6 R. Oui, mais ni vous, ni moi, nous ne savons qui est l'autre général.

7 Q. Exact. J'aimerais, maintenant, appeler votre attention sur la page 2 de

8 la version anglaise. Je lis un autre passage de cette écoute téléphonique,

9 je cite :

10 "Voix d'homme non-identifié : Oui, Nidjo.

11 M. Boskovic : Je viens d'arriver, Cadjo, Jankovic et moi, nous venons de

12 revenir des pourparlers. Ils n'ont pas changé d'avis. La moitié des armes

13 selon les spécifications doit, d'après ce qu'ils disent, être sortie de ces

14 deux casernes, ou il faut que toutes les armes soient rassemblées dans une

15 caserne pour garantir la sécurité de leur conservation. Puisque le général

16 Mladic n'est pas d'accord avec ces options --

17 Voix d'homme non-identifié : Il ne peut pas. Mladic n'est pas le chef là-

18 bas.

19 M. Boskovic : Je vais vous dire --

20 Voix d'homme non-identifié : Appelle celui-là. Appelle Krajisnik.

21 M. Boskovic : Mon général, je viens vous voir maintenant.

22 Voix d'homme non-identifié : Oui.

23 M. Boskovic : Je vais venir vous voir, et je vous parlerais de tout cela.

24 Donc Krajisnik a donné sa version la dernière fois. Il ne cédera pas. Il ne

25 faut pas leur donner un seul char de plus.

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1 Voix d'homme non-identifié : Et bien, faites comme cela.

2 M. Boskovic : Oui.

3 Voix d'homme non-identifié : Si Krajisnik n'est pas d'accord, alors Mladic

4 ne sera pas d'accord, et personne ne signera ces contrats, les accords que

5 nous avons signés.

6 M. Boskovic : Oui.

7 Voix d'homme non-identifié : Et bien, qu'est-ce qui nous reste ?

8 M. Boskovic : Ils nous le dirons --

9 Voix d'homme non-identifié : Dites aux parents que nous ne pouvons pas

10 sortir les enfants de là-bas."

11 J'aimerais appeler votre attention sur ce passage et vous demander quelles

12 sont vos observations au sujet du pouvoir exercé par M. Krajisnik à partir

13 de ce passage.

14 R. D'abord, il y a deux éléments en jeux ici. L'intérêt de Milosevic à

15 Belgrade par rapport au fait que les soldats sortent des casernes, cela est

16 la première chose, et l'intérêt qu'ont Krajisnik et Mladic de ne pas voir

17 les armes rester dans les casernes à la disposition de la population

18 locale. J'ai participé à ces pourparlers au quotidien, et je peux vous dire

19 que nous avions simplement demandé que les soldats soient autorisés à

20 quitter les casernes en toute sécurité, et laisser dans ces casernes la

21 moitié des armes qu'elles contenaient, puisque l'armée était jusqu'à là une

22 armée mixte. Ils ont dit que la moitié des armes devrait être remise à

23 nous, et que l'autre moitié devrait être remise aux forces serbes, mais ils

24 n'ont pas accepté cela.

25 Le général Boskovic est venu représenter Milosevic. Il est venu de

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1 Belgrade, et il avait pour tâche primordiale de sauver les soldats. Il

2 n'avait aucun intérêt aux armes ou à qui ces armes pouvaient être données.

3 Il a dit, de façon très générale : "Les Bosniens peuvent les emporter, mais

4 donnez-moi les soldats." Cependant, à Lukavica, c'est-à-dire, à l'endroit

5 où se trouvait à l'époque le QG militaire, il n'a pas pu obtenir l'appui du

6 général Mladic.

7 On peut constater la gravité de la situation dans le fait que le

8 général Boskovic dormait dans les locaux de la présidence où je me trouvais

9 moi-même. Il ne pouvait pas se permettre de passer la nuit à Lukavica.

10 Q. Monsieur Kljuic, qu'est-ce que cela nous apprend au sujet du pouvoir

11 exercé par M. Krajisnik, en l'absence de M. Karadzic ?

12 R. Il est certain que Karadzic a délégué son autorité à M. Krajisnik,

13 parce que c'était quelque chose qui était déjà défini dans les structures

14 au moment de leur création. Mais M. Krajisnik, je dois dire n'a pas

15 participé à ces pourparlers.

16 Q. J'aimerais maintenant que nous prenions une autre écoute téléphonique,

17 KID 31 425 --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer à cette nouvelle écoute,

19 j'aimerais demander un éclaircissement à M. Harmon.

20 Regardons la page 1 de l'écoute que nous venons d'examiner. Je crois avoir

21 entendu le témoin nous dire que Karadzic, ou vous Monsieur Harmon nous dire

22 que Karadzic parlait à un homme non-identifié. Suis-je en droit de

23 comprendre cela ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me posez la question à moi ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme la conversation interceptée l'indique et

2 comme l'a dit M. Harmon.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Puis-je vous poser la question

4 suivante, lorsque l'homme non-identifié dit : "Karadzic est également avec

5 le général." Nous savons que ce sont deux généraux qui ont cette

6 conversation. N'est-il exact de dire que, si quelqu'un est avec moi, et que

7 vous dites : "Il est en ligne," à ce moment-là, vous dites : "Karadzic est

8 avec moi," et vous ne dites pas "le général" ou "les généraux" ou

9 "plusieurs généraux".

10 M. STEWART : [interprétation] Je souhaite faire un commentaire à cet égard.

11 Ce compte rendu d'audience est quelque peu déconcertant. J'apprécie les

12 questions que vous posez, Monsieur le Président. Entre parenthèses nous

13 avons le général Boskovic est au téléphone et, ensuite, ce passage qui

14 n'est pas entre parenthèses, Karadzic est en présence du général. Ceci

15 laisse planer le doute. On ne sait pas si ceci est une illustration exacte

16 de la conversation en question. Je crois qu'il s'agit là d'un exemple où

17 nous pourrions entendre la conversation téléphonique en question, de façon

18 à pouvoir nous en assurer.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Je crois que c'est une bonne

20 suggestion. Nous allons entendre cette conversation téléphonique

21 interceptée.

22 M. HARMON : [interprétation] Je serai, tout à fait, disposé à le faire. Je

23 vais essayer de le retrouver.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons poursuivre, et nous en

25 reviendrons par la suite. Vous savez qu'il est important de comprendre qui

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1 parle, s'il s'agit en fait d'un homme ou de plusieurs hommes.

2 M. HARMON : [interprétation] Je vais essayer de vous retrouver le passage.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, nous allons l'entendre un peu

4 plus tard.

5 M. HARMON : [interprétation]

6 Q. Passons à la conversation interceptée suivante, 31 425. Est-ce que vous

7 avez ce document sous les yeux, Monsieur Kljuic ?

8 R. Oui.

9 Q. Ceci est daté du 27 mai 1992, il s'agit d'une conversation entre M.

10 Krajisnik et Radivoje Grkovic. Il n'y a que deux extraits sur lesquels je

11 souhaite porter votre attention, Monsieur Kljuic. La première se trouve à

12 la page 1, vers le haut de la version anglaise, de la page de la version

13 anglaise.

14 "M. Grkovic : Oui.

15 Voix de femme non-identifiée : Bonjour.

16 M. Grkovic : Oui.

17 Voix de femme non-identifiée : Est-ce que c'est Nedzarici ?

18 M. Grkovic : Oui. Que puis-je faire pour vous ?

19 Voix de femme non-identifiée : Bonsoir, j'appelle du bureau de M.

20 Krajisnik. Pourriez-vous attendre un moment, s'il vous plaît. Pardonnez-

21 moi. Qui est en ligne ?

22 M. Grkovic : C'est Grkovic, le commandant du Bataillon de Nedzarici."

23 Un peu plus loin, si nous passons à la page 2 de la version anglaise,

24 je vais vous lire un autre passage qui est lié au premier.

25 "M. Krajisnik : Bonsoir.

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1 M. Grkovic : Comment allez-vous, Monsieur le Président ?

2 M. Krajisnik : Je vais bien. Qui est en ligne ?

3 M. Grkovic : Grkovic, c'est Radivoye Grkovic, le commandant du

4 »Bataillon de Nedzarici.

5 M. Krajisnik : Écoutez, Grkovic.

6 M. Grkovic : Oui.

7 M. Krajisnik : Quelle est la situation, comment vont les choses à

8 Halilovici ? Est-ce que vous pouvez donner --

9 M. Grkovic : Vous savez je ne peux vous donner beaucoup d'éléments

10 d'information au téléphone, puisqu'il est sur écoute.

11 M. Krajisnik : Oui je sais. Dites-moi.

12 M. Grkovic : D'après les derniers éléments qui m'ont été communiqués

13 par le commandant de la brigade, il y a 66 véhicules --

14 M. Krajisnik : Les casernes sont-elles attaquées ?

15 M. Grkovic : Ces casernes étaient censées être évacuées ce soir.

16 Malheureusement, cela devait être aujourd'hui, mais --

17 M. Krajisnik : Évacuées ? Mais ces casernes sont-elles attaquées ?

18 M. Grkovic : En ce moment ? Non. Non, en ce moment, elles ne sont pas

19 attaquées.

20 M. Krajisnik : Plus tard.

21 M. Grkovic : Elles ne sont pas attaquées.

22 M. Krajisnik : Non ?

23 M. Grkovic : Qui aurait envie d'attaquer ces casernes, alors qu'elles

24 sont vides.

25 M. Krajisnik : Elles ne sont pas vides.

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1 M. Grkovic : Qu'est-ce que vous voulez dire par là, elles ne sont pas

2 vides ?

3 M. Krajisnik : Il y reste un nombre important de pièces d'artillerie,

4 et d'autre chose.

5 M. Grkovic : J'étais en contact avec leur commandant au quotidien.

6 M. Krajisnik : D'accord. Je vais vous dire."

7 C'est là où je termine la lecture de cet extrait. Tout d'abord,

8 Nedzarici, s'il vous plaît, s'agit-il d'un village dans la périphérie de

9 Sarajevo, dans la zone urbaine de Sarajevo ?

10 R. Oui, cela se situe dans la nouvelle zone urbaine de Sarajevo.

11 Q. Lorsqu'il évoque le nom de Halilovici, cela fait-il également partie de

12 la nouvelle ville de Sarajevo ?

13 R. C'est de Nedzarici, c'est sur la droite, à partir de Nedzarici. C'est à

14 cet endroit là que se trouvait la caserne. C'est une région qui est

15 également très proche de Nedzarici. C'est à un kilomètre environ à vol

16 d'oiseau.

17 Q. Eu égard à cette conversation interceptée en question, je souhaite

18 recueillir vos commentaires, sur la position de

19 M. Krajisnik. Etait-il tenu informé de tout ce qui s'est passé sur le

20 terrain ?

21 R. Bien évidemment, cet homme demandait à avoir des informations sur le

22 terrain. Ce qui s'est passé au niveau des casernes. Les soldats ont été

23 évacués de ces casernes, cela a fait l'objet d'un accord signé par les

24 commissions sous l'égide du général MacKenzie. Alors qu'à Belgrade, les

25 gens tentaient de sauver les gens par l'intermédiaire du général Boskovic,

Page 6293

1 les gens de la région, les Serbes de la région, en particulier, les

2 officiers d'un rang peu élevé n'avaient pas le droit de quitter la caserne.

3 Il fallait que les armes soient laissées dans la caserne de façon à les

4 mettre à disposition de la Défense territoriale. Ceci était dans leur

5 l'intérêt car ils imaginaient que la Défense territoriale pouvait obtenir

6 des armes, et que l'équilibre des forces changerait sur le terrain. Cela

7 permettait de renforcer les moyens de défense de la Défense territoriale.

8 Q. Nous allons, maintenant, passer à une autre conversation téléphonique

9 interceptée, Monsieur Kljuic. Cela se trouve au numéro KID 30 289. Il

10 s'agit d'une conversation téléphonique, datée du 8 juillet 1991, six

11 intercalaires plus loin, 30 289.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit du sixième intercalaire. C'est

13 six intercalaires plus loin.

14 M. HARMON : [interprétation] Je vais attirer l'attention des Juges de la

15 Chambre sur les extraits où nous trouvons les trois premiers intervenants.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'avez-vous trouvé, Madame l'Huissière ?

17 M. HARMON : [interprétation]

18 Q. Je vais vous lire le premier extrait qui nous concerne ici, la

19 conversation téléphonique interceptée car je souhaite attirer votre

20 attention là-dessus, Monsieur Kljuic. A partir de haut, une conversation

21 datée du 8 juillet 1991 entre Karadzic et Vidomir Zepinic.

22 "M. Karadzic : Nous allons nous retrouver tous les matins. Faites en sorte

23 que vous trouvez une solution. J'étais avec Izetbegovic et Zulfikarpasic,

24 hier soir, et je leur ai dit ouvertement que nous allions constituer un

25 gouvernement parallèle. Nous allons constituer une police parallèle. S'ils

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1 excluent notre peuple et notre gouvernement, ils devront payer néanmoins.

2 Nous ne pouvons pas exclure tous nos gens qui sont armés. Nous mettrons en

3 place un état parallèle si vous continuez à nous malmener de la sorte. Il a

4 simplement déclaré -- il m'a regardé, et il m'a fait un clin d'œil car il

5 savait que nous allions le faire. Il n'allait pas nous arrêter. Ils ont

6 commencé à vraiment nous emmerder, et nous allons faire tout ceci en

7 l'espace d'une semaine. Il y aura une guerre, et tout ceci sera terminé

8 d'un trait.

9 M. Zepinic : Après ce passage-là, rien n'a été consigné.

10 M. Karadzic : Nous allons tout finir en une seule fois. Nous allons,

11 maintenant, signer un document très important avec les Musulmans. Mais je

12 ne signerai pas ce document avant que tout ceci, que tout ceci soit

13 terminé. C'est épouvantable. Je vais m'assurer que personne n'osera jamais

14 proposer quelque chose en privé qui ne sera pas confirmé, corroboré par le

15 parti."

16 Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires là-dessus, des propos de

17 M. Karadzic, s'il vous plaît ? Il s'agit du mois de juillet 1991.

18 R. Il s'agit là d'une époque où il n'y avait pas d'incidents en Bosnie-

19 Herzégovine, mais il y avait des incidents en Croatie. La guerre faisait

20 rage. Il y avait beaucoup de victimes. C'est à ce moment-là que Karadzic a,

21 en premier lieu, essayé de conclure un accord avec les Musulmans. Il

22 voulait que les Musulmans se retirent des parties belligérantes qui se

23 battaient pour avoir une Bosnie-Herzégovine indépendante. Il souhaitait

24 parvenir à un accord séparé, un accord historique entre les Serbes et les

25 Musulmans. Ce faisant, bien qu'ils aient nié, ceci aurait été un accord

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1 contre les Croates car, s'il y avait eu un accord au plan politique, les

2 Croates n'auraient eu aucune voie de recours et n'auraient pas pu survivre.

3 Si un tel accord historique avait été signé, on aurait donné à la Croatie

4 une province, la province occidentale d'Herzégovine qui aurait été annexée.

5 Les préparatifs avaient porté là-dessus pendant très longtemps. Ensuite, il

6 y a eu des débats ou des discussions avec Zulfikarpasic. Hormis cela, il y

7 avait également une solution qui avait été faite par le président de

8 l'assemblée concernant la Yougoslavie tronquée parce que Karadzic

9 souhaitait démembré le système de défense en Bosnie-Herzégovine. Il ne

10 souhaitait pas que la Bosnie-Herzégovine soit un état. Cela est tout à fait

11 clair, ils ne souhaitaient pas que la Bosnie-Herzégovine soit organisée

12 conformément à des principes démocratiques.

13 Nous étions toujours en faveur du système belge ou suisse. Lorsque

14 Izetbegovic n'a pas donné son accord, il s'est rapproché de quelqu'un qui

15 s'appelait Zulfikarpasic. Mais celui-ci n'exerçait aucune influence

16 politique. Par conséquent, il n'a pas pu mener à bien son projet. Pendant

17 que la guerre faisait rage en Croatie, ils ont pu observer ce qui se

18 passait en Croatie, et ils ont commencé à menacer les Musulmans et à leur

19 dire, il va vous arriver la même chose, sachant, par conséquent, de

20 parvenir à un accord pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise.

21 Toutes formes de négociations étaient accompagnées de ces ultimatums lancés

22 par Karadzic, c'est ce que l'on peut constater dans cette conversation

23 téléphonique. Il déclare : "Nous allons mettre en place notre propre armée,

24 notre propre Etat, notre propre gouvernement, notre propre service de

25 police."

Page 6296

1 Q. Ce premier extrait que je vous ai lu : "Faites en sorte qu'il y aura la

2 guerre et ainsi tout sera fini." Vous avez évoqué, lundi, les menaces qui

3 étaient proférées à l'encontre des Bosniens, car la menace de la guerre

4 planait toujours sur leurs têtes. Est-ce cohérent avec l'attitude que vous

5 avez décrite lundi ?

6 R. Ils n'ont jamais proposé un débat sur l'organisation démocratique du

7 pays, de la Bosnie-Herzégovine. Il ressortait de ces discussions qu'ils

8 n'acceptaient jamais de parler des questions qui étaient d'un intérêt

9 général. Tout ce qu'ils disaient, c'est qu'il y aurait la guerre, et que la

10 guerre était imminente. Etant donné qu'ils avaient les moyens de mener

11 cette guerre, qu'ils étaient soutenus par Milosevic, ils étaient tout à

12 fait certains de gagner la guerre. Ils ne pouvaient jamais gagner la

13 guerre. Ils pouvaient commettre des crimes, annexer des territoires, tuer

14 des gens, annexer des biens, détruire des villes, choses qu'ils ont faites.

15 Vous savez, à Sarajevo, ils ont même bombardé des maternités et des écoles

16 maternelles. Ils pouvaient faire tout cela, mais ils ne pouvaient pas

17 détruire l'Etat de Bosnie-Herzégovine. C'est une entité historique qui a

18 beaucoup souffert, qui survivra. Cela est certain. Mais ce sera un état

19 multiethnique, car c'est un modus vivendi en Bosnie-Herzégovine. Mais ces

20 sujets-là n'étaient jamais abordés au cours de leurs discussions, car la

21 question des institutions n'était pas abordée, ni celle du fonctionnement

22 du système. Il ne souhaitait pas mettre en place un nouveau système

23 juridique. Ce serait l'étape suivante.

24 Q. Je vais maintenant passer à une autre conversation téléphonique

25 interceptée à intercalaire 77

Page 6297

1 M. HARMON : [interprétation] Daté du 3 septembre 1991, Conseils, c'est une

2 conversation entre Deronjic et Krajisnik.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il s'agit de la

4 déclaration -- des déclarations qui ont un caractère général, je vous

5 demande, s'il vous plaît, de vous consacrer à des choses plus pertinentes.

6 Merci.

7 M. HARMON : [interprétation] Oui, je vais le faire. Merci.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je ne sais pas s'il

9 s'agit de la conversation téléphonique suivante, qui se termine par un 511.

10 J'essaie de retrouver cette conversation téléphonique. Il s'agit de la

11 conversation, datée du 3 septembre 1991, entre Deronjic [comme interprété]

12 et Krajisnik. Effectivement, le document se termine par le numéro 511.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document se termine par le numéro

14 511.

15 M. HARMON : [interprétation] Merci.

16 M. STEWART : [interprétation] Au compte rendu d'audience, nous avons le 3

17 septembre, mais, en fait, s'il s'agit, en réalité -- je crois que M. Harmon

18 a dit le 23.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous remercie. Ceci a été

20 corrigé.

21 M. HARMON : [interprétation]

22 Q. Je souhaite attirer votre attention sur un extrait qui se trouve

23 à la page 1, Monsieur Kljuic, de la conversation téléphonique interceptée,

24 au milieu de la version anglaise. Il s'agit là du passage :

25 "M. Krajisnik : "Quoi de neuf ?

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1 M. Karadzic : Et bien, nos gens sont incapables de faire quoi que se soit.

2 Alija est en train de s'y mobiliser, en train de mettre en place une armée

3 et de favoriser une extension illimitée des forces de réserve.

4 M. Krajisnik : Protection, n'est-ce pas ?

5 M. Karadzic : La mobilisation des réservistes, nous devrions l'appeler

6 urgemment et nous deux, nous devions nous réunir autour d'une table et lui

7 dire qu'il s'agit-là d'une guerre civile."

8 Je souhaiterais précis au niveau de la question que je vais vous poser.

9 Monsieur Kljuic, pourriez-vous me dire ce que ceci nous dit à propos des

10 rapports étroits entre M. Krajisnik et M. Karadzic, et de leur niveau de

11 collaboration ? C'est déjà un sujet à propos duquel vous avez témoigné

12 lundi.

13 R. Oui, c'est tout à fait clair. Ils partageaient les mêmes points de vue,

14 et ils étaient en contact au quotidien. Cela n'a rien d'inhabituel. Ils ne

15 disent pas qu'ils étaient en train de mobiliser les réservistes de la

16 police. Après que la JNA avait pris les armes de la Défense territoriale,

17 l'Etat de Bosnie-Herzégovine ne pouvait que mobiliser 60 000 officiers de

18 police de réserve, ce qui signifie que les Croates et les Musulmans

19 auraient 40 000 pistolets ou armes à leur disposition, et les Serbes en

20 auraient 20 000, ce qui permettait de rétablir l'équilibre sur le terrain.

21 Il y avait au total 60 000 fusils, et le territoire n'aurait pas pu être

22 conquis de la sorte. C'est la seule façon de résister à cette agression.

23 Néanmoins, il y a un acte de sabotage commis le 30 mars, et c'est

24 alors que les forces de police ont été démantelées. Il est tout à fait

25 clair que Karadzic et Krajisnik craignaient les forces de police et les

Page 6299

1 réservistes. Ils craignaient leur mobilisation car cela aurait diminué

2 leurs chances de réussir une frappe rapide sur un territoire très

3 important.

4 Q. Je vais, maintenant, me tourner vers la conversation téléphonique

5 suivante. Il s'agit du numéro 36 130, une conversation datée du 13 octobre

6 1991, une conversation entre Radovan Karadzic et Momo. Je crois que vous

7 avez reconnu la voix de Momo, et vous avez dit qu'il s'agissait de Momcilo

8 Mandic. Je vais lire cet extrait.

9 R. Oui.

10 Q. Pourriez-vous me dire qui était M. Mandic ?

11 R. Mandic était un des dirigeants des forces de police conjointes en

12 Bosnie-Herzégovine avant la guerre et, pendant la guerre, il occupait le

13 poste de ministre de la Justice au sein du gouvernement de la Republika

14 Srpska, si je ne me trompe pas. Mais comme c'est un officier de police, il

15 a toujours participé aux opérations policières. Je vais, maintenant, vous

16 lire un extrait de ce passage en question, à la page 2 dans la version

17 anglaise, commençant par une partie des propos de M. Karadzic lorsqu'il

18 dit, au milieu de la page :

19 "M. Karadzic : Parce qu'il s'agit-là d'un mécanisme utilisé pour nous

20 manipuler, et les membres serbes du parlement en ont assez de toutes ces

21 tentatives de proclamation d'indépendance, Alija Izetbegovic a reconnu

22 devant nous -- "

23 M. Mandic : J'ai entendu.

24 M. Karadzic : -- que la souveraineté correspond à l'indépendance.

25 M. Mandic : Oui.

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1 Karadzic : Et c'est la manière dont la Croatie l'entend. Et nous savons ce

2 qu'il va se passer ici. Ceci n'a rien avoir avec la décision de Karadzic ou

3 de toute autre personne. Nous savons exactement ce qu'il va se passer. Il

4 n'y a pas de --

5 M. Mandic : C'est tout à fait certain. Et cela est clair pour les gens à

6 Belgrade.

7 M. Karadzic : Dans deux jours, Sarajevo n'existera plus, et il y aura 500

8 000 morts et, en un mois, les Musulmans seront complètement annihilés en

9 Bosnie-Herzégovine. Le nombre de Serbes aura beaucoup diminué, et les seuls

10 qui en tireront un bénéfice seront les Croates parce qu'ils garderont leurs

11 municipalités."

12 Il s'agit là de propos, daté du 13 octobre 1991, et ceci s'est

13 produit peu de temps avant être prononcé par M. Karadzic. Nous avons vu ce

14 vidéoclip, où il disait que la nation bosnienne allait disparaître; est-ce

15 exact ?

16 R. Oui. Pour tout le mal qui a été fait, cela s'est passé très, très tôt.

17 Il s'agit de cette obsession qu'ils avaient à propos de l'agression qui

18 détruirait entièrement cet Etat. Je dois dire -- ou plutôt, je dirais qu'il

19 s'agit d'une conversation passée sur écoute, mais ce sont des propos qu'ils

20 tenaient, notamment, lorsque l'on parlait en bilatérale avec lui. Il disait

21 : "Nous allons vous détruire, nous allons vous tuer." Le but était, en

22 fait, d'inculquer la peur parce qu'ils disent : "Voyez la route ou la voie

23 qui va être prise -- la voie qui a été prise par la Croatie."

24 L'autre homme dit : "Et bien, les gens de Belgrade savent ce que vous

25 entendez." Ce que j'indique, c'est ce qui a été dit tout le temps en

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1 Bosnie. Il ne s'agissait pas du tout d'une nouvelle idée. Il ne s'agissait

2 pas d'un programme séparé. Cela faisait partie d'un programme général du

3 plan de Milosevic, qui avait été encodé sous le nom de Ram. Vous pouvez

4 imaginer comment les négociations étaient menées à bien dans le contexte de

5 cette situation avec Karadzic et la direction serbe qui avait été placée

6 dans ce contexte.

7 Q. J'aimerais, maintenant, qu'on aborde la prochaine conversation sur

8 écoute suivante.

9 Monsieur Kljuic, il s'agit de quelque chose que vous trouverez trois

10 intercalaires plus loin. Il s'agit de la conversation placée sur écoute, 3

11 186, en date du 1er mars 1992. C'est une conversation entre Radovan Karadzic

12 et Rajko Djukic, c'est une conversation assez brève. J'aimerais vous

13 demander de la consulter rapidement.

14 J'aimerais attirer votre attention sur un extrait qui se trouve à la page 1

15 de la version anglaise. Il s'agit d'une conversation entre Radovan Karadzic

16 et Rajko Djukic :

17 "M. Karadzic : Fais en sorte qu'il se prépare et que tout soit

18 préparé, il le devrait tout fermer ce soir.

19 M. Djukic : Hm-hm.

20 M. Karadzic : Toutes les sorties.

21 M. Djukic : Il n'y a aucune autre solution mon ami.

22 M. Karadzic : Fais en sorte qu'il ferme toutes les sorties."

23 Très rapidement, Monsieur Kljuic, est-ce que vous pourriez nous dire

24 ce dont il est question dans cet extrait de la conversation placée sur

25 écoute ?

Page 6302

1 R. Rajko Djukic était un fonctionnaire à haut rang du SDS. Pendant cette

2 période il s'occupait, en fait, du blocus. A deux reprises, ils ont imposé

3 un blocus sur Sarajevo. Le but était, en fait, de voir s'il pouvait en

4 quelque sorte diviser la ville.

5 Vous, vous souvenez peut-être que je vous avais parlé d'un quartier

6 de la ville qui s'appelait Pofalici. Il s'agissait d'un quartier

7 extrêmement important du point de vue stratégique, du quartier le plus

8 important, parce qu'en fait, si cela était séparé, si toute la vieille

9 ville, tout l'endroit où le quartier de la ville se trouvait, toutes les

10 institutions, toute l'organisation aurait été complètement isolée. Lorsque

11 Karadzic dit que toutes les sorties et toutes les entrées doivent être

12 fermées, cela correspond à une menace parce que Sarajevo est une ville qui

13 se trouve dans une vallée au fond d'une cuvette. Lorsque vous fermez les

14 entrées de la ville, toutes les entrées et toutes les sorties de la ville,

15 le danger est qu'il n'y a plus de vivres, il n'y a plus d'eau, cela était,

16 en fait, censé provoquer un choc psychologique dans le cadre de l'échange.

17 Il s'agit, en fait, d'une idée de troque, et ce, afin qu'ils abandonnent

18 lors des négociations, l'idée de l'indépendance.

19 Cela a été fait de telle façon. Cela a été fait le même jour où les

20 résultats du référendum ont été annoncés publiquement; donc il s'agissait

21 de la réponse, de la réaction de Karadzic au fait que plus de 64 % des

22 citoyens s'était prononcé en faveur de l'indépendance. C'est un processus

23 qui a été réitéré au cours des journées suivantes.

24 Q. Nous allons prendre la conversation passée sur écoute suivante.

25 Monsieur Kljuic, il s'agit du numéro KID 31 208, il s'agit d'une

Page 6303

1 conversation entre Vojislav Seselj et Branislav Gavrilovic, conversation

2 qui a eu lieu en avril 1992.

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous pourriez identifier Vojislav Seselj, aux fins du compte

5 rendu d'audience ? Pourriez-vous nous dire qui il était, ainsi que le rôle

6 qu'il a joué lors des événements en Bosnie ? Mais faites-le très

7 brièvement.

8 R. Vojislav Seselj était membre des Jeunesses communistes, il a eu des

9 problèmes politiques à Sarajevo. Il a d'ailleurs même été arrêté à une

10 occasion, et il s'est rendu à Belgrade où il est devenu l'un des chefs de

11 fil des nationalistes. Il a absolument refusé le droit des citoyens de

12 Bosnie-Herzégovine, qui voulaient forger leur propre Etat. Il était

13 président du Parti radical, et je pense d'ailleurs qu'il a sûrement encore

14 cette position aujourd'hui. Il a eu de nombreuses formations paramilitaires

15 qu'il a envoyées au champ de bataille en Bosnie, notamment, à Sarajevo. Les

16 plus grands crimes à Sarajevo ont été commis par ce qu'on appelait "les

17 Aigles blancs."

18 Q. Est-ce que les Aigles blancs étaient l'une de ces formations

19 paramilitaires ? Ou savez-vous quels étaient les liens qu'il avait avec les

20 Aigles blancs ?

21 R. Je vous en prie, à cette époque là, quatre formations paramilitaires

22 étaient connues. Il y avait un certain Jovic, il y avait Arkan, il y avait

23 Seselj, il y avait le capitaine Dragan.

24 Q. Je vais vous donner lecture d'un extrait de cette conversation passée

25 sur écoute, et je me suis trompé d'ailleurs parce que je vous ai posé une

Page 6304

1 question, en fait, mais la base de cette question était incorrecte.

2 Pour ce qui est de la conversation passée sur écoute, je vais commencer par

3 le bas de la page.

4 "M. Seselj : Écoutez, je viens juste d'appeler Pale, je ne peux pas trouver

5 Radovan, et personne ne peut le trouver.

6 M. Gavrilovic : Ouais.

7 M. Seselj : Oui, mais j'ai laissé un message. Je leur ai dit que s'ils ne

8 pouvaient pas faire sortir nos hommes. Nous allons retirer tous nos hommes

9 des lignes de front, et nous ne les déploierons plus jamais là-bas.

10 M. Gavrilovic : Très bien."

11 Est-ce que vous pouvez nous fournir une explication de cela ?

12 R. De toute évidence, parmi toutes les formations paramilitaires, Seselj

13 en avait le plus grand nombre. Toutefois, il s'agit de l'un de ces groupes

14 qui avait pénétré dans le centre de la ville, et qui se trouvait encerclé.

15 En ce qui concerne Karadzic et en ce qui concerne surtout les liens qu'il

16 avait Seselj, il n'était pas entièrement sincère. Karadzic était tout

17 simplement intéressé par Seselj dans la mesure où il pouvait, en fait, lui

18 fournir des paramilitaires qui pouvaient exécuter les crimes.

19 D'après ce dialogue, nous pouvons voir que Karadzic ne se fait pas trop de

20 soucis à propos du fait que les hommes de Seselj ont été encerclés, se

21 trouvent assiégés, mais, en fait, il travaillait conjointement dans le

22 cadre de ce projet, mais nous pouvons dire qu'ils étaient en quelque sorte

23 rivaux. Il y avait une certaine rivalité qui les opposait parce que les

24 deux hommes, en fait, avaient des visées quant à la direction de peuple

25 serbe. Karadzic pensait qu'une fois que le travail était accompli, une fois

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1 que tous les territoires serbes étaient -- ou auraient été unis, il serait

2 la personne qui unirait ce peuple serbe. Son ambition était de devenir le

3 dirigeant de tous les Serbes.

4 Alors que Seselj dit -- lui dit : à moins que vous ne sauviez mes

5 hommes, je ne vais plus vous fournir d'autres soldats. Cela aurait été un

6 grand handicap, et surtout un groupe problème pour Karadzic et pour sa

7 politique.

8 Q. J'aimerais vous demander de prendre la conversation KID, numéro 31 272,

9 qui se trouve deux intercalaires plus loin. Il s'agit d'une conversation

10 passée sur écoute le 5 mai 1992. Il s'agit d'une conversation entre de

11 nombreuses personnes, notamment, Momo Mandic, Brane Kvesic, Bruno Stojic et

12 Mico Stanisic.

13 R. Kvesic.

14 Q. Très bien. Est-ce que vous pourriez consulter rapidement cette

15 conversation qui est très longue d'ailleurs ?

16 R. Oui, j'ai déjà lu ce document, je connais toutes les personnes en

17 question.

18 Q. Monsieur Kljuic, j'aimerais attirer votre attention sur certains

19 extraits. Je vous demanderais de prendre la page 4 de la version anglaise.

20 Il s'agit d'une conversation entre M. Kvesic et

21 M. Mandic. Est-ce que vous pourriez identifier de qui il s'agit ?

22 R. Branko Kvesic était le chef des services secrets de la Bosnie-

23 Herzégovine. En d'autres termes, c'était l'un des assistants du ministre de

24 l'Intérieur. Il s'agissait d'un Croate de l'Herzégovine occidentale.

25 Q. Vous avez Kvesic qui dit :

Page 6306

1 "M. Kvesic : Vous vous trouvez à Pale, n'est-ce pas ?

2 M. Mandic : Non, nous n'y sommes pas, nous sommes venus dans la ville.

3 M. Kvesic : Oui, oui.

4 M. Mandic : Nous sommes arrivés et nous avons nettoyé Grbavica.

5 M. Kvesic : Ah, bon.

6 M. Mandic : Oui, nous avons tenu Ilidza, Dobrinja et Nedzarici, et ce,

7 jusqu'au campus universitaire.

8 M. Kvesic : Oui, ils en ont parlé à la télé. Est-ce qu'il s'agit de

9 mensonges ?

10 Est-ce qu'il s'agit d'une description de la bataille à Sarajevo, Monsieur

11 Kljuic. Il s'agit du 5 mai 1992.

12 R. Oui, oui. Vous avez Mandic qui présente son rapport et qui dit que

13 Grbavica a été entièrement nettoyé, et vous avez de grands crimes qui ont

14 été commis à Grbavica, qui était auparavant d'ailleurs, un quartier

15 multiethnique. Ensuite, ils ont assumé le contrôle de l'école à Vraca, que

16 nous avions mentionné il y a un moment. Il s'agit de l'école de formation

17 de la police dont ils se sont emparés. Ils disent qu'ils sont en mesure de

18 contrôler tout le terrain à partir d'un pont qui se trouvait situé de façon

19 assez centrale. Il s'agissait d'une zone à forte densité de population.

20 Lorsque Momo Mandic dit qu'ils ont nettoyé Grbavica, cela signifie, en

21 fait, qu'ils ont pris beaucoup de personnes. Certaines ont été tuées.

22 D'autres ont fait l'objet d'échange. C'est ainsi que Grbavica, à cette

23 époque, ils en parlent pendant la conversation en mai, en fait, il y a eu

24 un nettoyage ethnique qui a été opéré. Il se vante de cela.

25 Q. Est-ce que vous pourriez prendre la page 5 de la traduction de la

Page 6307

1 version anglaise, à la fin. Vous avez un dialogue entre Mandic et Kvesic.

2 "M. Mandic : Ils maintiennent le siège contre les Turcs. Nous allons

3 les affamer un peu.

4 M. Kvesic : Ah, oui.

5 M. Mandic : Nous leur donnerons tout ce qu'on peut leur donner

6 jusqu'à Vratnik. Tout."

7 Ensuite, on voit les deux se mettent à rire.

8 Est-ce que vous pourriez nous fournir une petite explication à ce sujet ?

9 R. Pour toutes les personnes sensées qui lisent cette conversation, ces

10 personnes seront assez frappées par la brutalité de la conversation compte

11 tenu du fait qu'il s'agit de policiers qui avaient un poste assez important

12 en Bosnie-Herzégovine. L'identification des Musulmans qui sont traités de

13 Turcs faisait partie de la propagande serbe. Vous voyez sur l'une des

14 photos de Mladic qui entre dans Srebrenica et qui dit : "Nous avons

15 maintenant pris notre revanche par rapport aux Turcs."

16 Toutefois, à l'époque à Sarajevo, il y avait quand même quelque 150 000

17 personnes qui n'étaient pas Musulmanes. Par ailleurs, ils nous disent

18 qu'ils vont nous donner la zone de la Flamme éternelle jusqu'à Vratnik, en

19 fait, il s'agit de la vieille ville. Il s'agit exclusivement de la vieille

20 ville. Je peux dire que je suis très fier de ce quartier de la ville parce

21 que vous avez par kilomètre carré deux églises orthodoxes, cinq mosquées,

22 deux églises catholiques et une synagogue. C'est vraiment du cœur de cette

23 ville multiethnique de Sarajevo qui a 500 années d'âge. Ils disent, en

24 fait, qu'ils vont nous laisser cela, et ils commencent à rire de façon très

25 arrogante.

Page 6308

1 Si vous prenez cette conversation sans savoir, bien entendu, qui sont

2 les personnes qui parlent, vous pouvez imaginer ce qu'était le projet, et

3 quels étaient les protagonistes de ce projet.

4 Q. Est-ce que vous pouvez prendre la page 7. Il s'agit d'une

5 conversation entre Momcilo Mandic et Bruno Stojic. Avant de passer à cet

6 extrait, est-ce vous pourriez identifier Bruno Stojic. De qui s'agissait-

7 il ?

8 R. Bruno Stojic était l'un des assistants du ministre de

9 l'Intérieur. A toutes fins utiles, il était le responsable du département

10 financier de la force de police. Ensuite, il est devenu ministre de la

11 Défense de ce que l'on a appelé l'Etat d'Herceg-Bosna.

12 Q. C'était un Croate de Bosnie, n'est-ce pas ?

13 R. C'était un Croate de Bosnie comme Brane Kvesic.

14 Q. Je vais vous lire le passage :

15 "M. Mandic : Où est-ce que tu te trouves mon frère croate ?"

16 Ensuite, ils rient.

17 "M. Stojic : Qu'est-ce que tu fais, espèce de con, fils de pute ?

18 M. Mandic : Nous voulons construire un nouveau Sarajevo.

19 M. Stojic : Un nouveau Sarajevo ?

20 M. Mandic : Oui. On n'aime pas ces synagogues et ces mosquées. On va

21 changer l'architecture et tout."

22 Est-ce que vous pourriez nous fournir vos observations à ce sujet ?

23 R. Pour toutes les personnes qui veulent apprendre la vérité, je dirais

24 que cette déclaration est suffisante, j'entends la déclaration de Momo

25 Mandic. Ainsi, cela illustre la quintessence même de ce fascisme. Il

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1 s'agissait de personnes qui voulaient changer l'architecture de Sarajevo.

2 L'architecture de Sarajevo -- je vous ai expliqué il y a un petit moment de

3 cela, ce que vous pouvez trouver au cœur de la vieille ville --

4 l'architecture, disais-je, ne peut pas être changée parce qu'elle est

5 constituée de la trame même de la population. Vous pouvez essayer de la

6 détruire. Vous pouvez essayer d'y faire des dégâts, mais vous ne pouvez pas

7 l'anéantir.

8 Mais la brutalité et les simplifications dont se vante Mandic qui

9 parle de ce programme sont très révélatrices de l'état d'esprit des

10 personnes dont il s'agit.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous inviterais à maîtriser un peu

12 mieux les réponses et les questions qui sont posées au témoin. Poursuivez,

13 je vous prie.

14 M. HARMON : [interprétation]

15 Q. Monsieur Kljuic, j'aimerais attirer votre attention sur un autre

16 extrait de cette conversation téléphonique. Il s'agit de la page 10 de la

17 version anglaise, trois lignes avant la fin. Il s'agit d'une conversation,

18 la conversation qui continue entre Stojic et Mandic. Mandic dit, et je cite

19 : "Nous ne voulons pas la Neretva, nous voulons la rive gauche de la

20 Neretva."

21 Il s'agit du 5 mai, et nous avons vu dans la pièce à conviction 47 quels

22 étaient les objectifs stratégiques du peuple serbe qui ont été annoncés à

23 l'assemblée du peuple serbe, le 12 mai. Vous avez témoigné et indiqué que

24 les objectifs stratégiques étaient connus bien avant le 12 mai. Est-ce que

25 cela confirme ou plutôt est-ce que cette remarque de M. Mandic confirme

Page 6310

1 votre témoignage préalable à cet égard ?

2 R. M. Mandic confirme justement les frontières qui avaient été envisagées

3 pour la Grande Serbie en faisant allusion à la rive gauche du fleuve

4 Neretva.

5 Q. J'aimerais vous demander de prendre deux autres extraits. En fait, il

6 s'agit d'une nouvelle conversation. Il s'agit de Bruno Stojic et de Mico

7 Stanisic. Est-ce que dans un premier temps vous êtes en mesure d'identifier

8 Mico Stanisic ?

9 M. HARMON : [interprétation] Je vais vous demander de prendre la page 13,

10 dans le milieu de la page 13, ainsi que le haut de la page 15.

11 Q. Est-ce que vous pouvez identifier M. Stanisic, Mico Stanisic ?

12 R. Il s'agit également d'un officier de police de très haut niveau. Avant

13 la guerre, il avait un rôle assez important au sein de la police à Ilidza.

14 Q. Très bien. Pour ce qui est de la page 13, vous avez vers le milieu de

15 cette page, Mico Stanisic qui commence par dire :

16 "M. Stanisic : Bonjour.

17 M. Stojic : Où vous trouvez-vous, Monsieur le ministre ?

18 M. Stanisic : Où est ce que tu es ?

19 M. Stojic : Qu'est-ce qui passe ? Est-ce que t'as perdu la tête ? Est-ce

20 que vous avez perdu tous la tête ?

21 M. Stanisic : Ben merde, qu'est-ce que tu peux faire ?

22 M. Stojic : Comment est-ce que vous pouvez vous battre contre nous,

23 maintenant ?

24 M. Stanisic : Nous battre contre qui ?

25 M. Stojic : Qu'est-ce qui passe ?

Page 6311

1 M. Stanisic : Mais non, on ne se bat pas contre vous.

2 M. Stojic : Pas vous et pas Momo, mais Karadzic et le reste se

3 battent contre nous.

4 M. Stanisic : Ecoute, on va essayer de conclure un accord."

5 Si vous passez maintenant à la page 15, la conversation continue. En

6 haut de la page 15, vous voyez que Stanisic dit :

7 "M. Stanisic : Nous allons vous donner tout ce qui se trouve ici,

8 Visoko, Vares, Kakanj.

9 M. Stojic : Qui êtes-vous pour nous donner quoi que se soit ?

10 M. Stanisic : On vous donnera également Zenica.

11 M. Stojic : Ecoutez, je vais vous dire maintenant.

12 M. Stanisic : On va vous donner Zenica également.

13 M. Stojic : Cela, c'est la Banovina autonome de la Croatie de 1939.

14 On a besoin de ce qui nous appartient. Putain, ne nous donnez pas cela."

15 Est-ce que vous pourriez nous fournir une explication à propos de cette

16 conversation et à propos de cette demande d'accord ?

17 R. Premièrement, lorsque vous prenez cette conversation, hormis le fait

18 qu'ils se vantent tous les deux, et j'entends Stanisic et Mandic, ils se

19 vantent de ce qu'ils ont fait à Sarajevo, on voit *que Bruno Stojic est

20 plus sérieux que Brane Kvesic, et qu'il les critique pour ce qui se

21 passait. Il faut savoir qu'à l'époque, la JNA contrôlait Mostar, et qu'ils

22 avaient le général Perisic, et qu'ils tiraient sur les territoires croates.

23 Hormis les histoires à propos de Neretva et les frontières que les Serbes

24 se proposaient d'avoir, alors que cela n'était pas accepté par ces deux

25 Croates, la conversation porte sur la raison des tirs dirigés contre nous,

Page 6312

1 comme ils le disent. Bruno Stojic dit : "Pourquoi est-ce vous nous tirez

2 dessus ?" En fait, il faut savoir que nous ne nous battons pas, c'était

3 seulement les Musulmans de la Défense territoriale qui était multiethnique,

4 à l'époque, qui se trouvaient engagés dans ces batailles. Puisqu'ils ne

5 disposaient pas de la compétence nécessaire, ces deux policiers serbes de

6 haut niveau, ils voulaient, en fait, conclure un accord ou faire en sorte

7 qu'il y a un accord entre les Serbes de Bosnie et les Croates de Bosnie

8 pour pouvoir véritablement se concentrer sur Sarajevo.

9 Excusez-moi. Cette occasion d'ailleurs, Bruno Stojic est en train de

10 présenter une requête de la Croatie qui remonte à 1939. Il s'agissait de la

11 Banovina de la Croatie, il s'agit d'une division administrative du royaume

12 de Yougoslavie qui d'ailleurs n'a jamais vu le jour, n'a jamais été mise en

13 vigueur en fait dans la pratique.

14 Q. Je vous remercie, Monsieur Kljuic. Nous avons une conversation placée

15 sur écoute que nous -- il s'agit en fait de quelque chose de très court. Je

16 ne sais pas, je pense que c'est assez court.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du KID 31 423 ?

18 M. HARMON : [interprétation] C'est exact. C'est à propos de cela que les

19 questions ont été posées.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harmon, je ne sais pas

21 combien de temps cela va vous prendre. Est-ce que vous pourriez nous dire

22 de combien de temps vous allez avoir besoin ?

23 M. HARMON : [interprétation] Non, j'en ai presque terminé. Je voulais juste

24 verser au dossier quelques pièces à conviction qui ont été présentées hier.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pas d'autres questions. Je

Page 6313

1 pense qu'il serait, en effet, judicieux d'essayer de terminer avant la

2 première pause.

3 M. HARMON : [interprétation] Bien entendu. Si cela suscite des questions --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Nous prendrons notre

5 pause, à ce moment-là.

6 M. HARMON : [interprétation] Je vais essayer de coordonner tout cela pour

7 m'assurer que la conversation placée sur écoute soit prête.

8 Monsieur le Président, il s'agit de la conversation placée sur écoute

9 31 422 et non pas 423. Je pense avoir dit 423, en d'autres termes 31 423,

10 et aux fins du compte rendu d'audience, il faudrait rectifier cela et

11 remplacer cela par le 31 422.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, de toute façon, elles datent

13 toutes du 27 mai.

14 M. HARMON : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mes questions --

16 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit, en fait, du général Boskovic ? Nous

17 pouvons écouter cela maintenant.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, c'est moi qui ai fait une

19 erreur.

20 [Diffusion de cassette audio]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Voix d'homme non-identifié : Oui.

23 Voix d'homme non-identifié : Bonjour.

24 Voix d'homme non-identifié : Bonjour, Nidjo.

25 Voix d'homme non-identifié : Pardon ?

Page 6314

1 Voix d'homme non-identifié : Est-ce que Nidjo est là ?

2 Voix d'homme non-identifié : Oui, oui, il est là.

3 Voix d'homme non-identifié : Son patron veut lui parler, c'est pour

4 cela que j'appelle. Donnez-lui le téléphone.

5 Voix d'homme non-identifié : Le voilà.

6 M. Boskovic : Allô.

7 Voix d'homme non-identifié : Allô, mon général.

8 M. Boskovic : Allô.

9 Voix d'homme non-identifié : Vous êtes en ligne. Karadzic est

10 également en ligne avec le général.

11 M. Boskovic : Hm-hm.

12 Voix d'homme non-identifié : Vous êtes en ligne.

13 M. Boskovic : Faites en sorte que le général puisse prendre le

14 téléphone.

15 Voix d'homme non-identifié : Vous savez, celui-là n'est pas ici.

16 M. Boskovic : Non, je ne suis pas trop longtemps.

17 Voix d'homme non-identifié : D'accord.

18 M. Boskovic : Dites-lui de décrocher le combiné.

19 Voix d'homme non-identifié : Oui, oui.

20 M. Boskovic : Alors, ça va.

21 Voix d'homme non-identifié : Allô.

22 M. Boskovic : Allô, Général.

23 Voix d'homme non-identifié : Oui, Nidjo.

24 M. Boskovic : Je viens d'arriver. Cadjo, Jankovic et moi-même

25 revenons de la négociation. Ils n'ont pas changé d'avis, et la moitié des

Page 6315

1 armes, d'après ce qui a été dit, en fait, ils nous ont dit qu'il fallait

2 prendre ces deux casernes, ou faire en sorte que les armes restent dans la

3 caserne. Ils nous ont garanti de pouvoir le faire en toute sécurité. Etant

4 donné que le général Mladic n'est pas d'accord avec cette option.

5 Voix d'homme non-identifié : Bien, il ne peut pas. Mladic, ce n'est

6 pas le patron.

7 M. Boskovic : Laissez-moi vous dire --

8 Voix d'homme non-identifié : Alors, appelle cette personne. Appelle

9 Krajisnik.

10 M. Boskovic : Général, j'arrive pour vous voir.

11 Voix d'homme non-identifié : Oui ?

12 M. Boskovic : J'arrive et, de toute façon, Krajisnik s'en est tenu à

13 sa version, il ne va pas donner un char de plus.

14 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

15 M. Boskovic : [aucune interprétation]

16 Voix d'homme non-identifié : Bon, alors, si Krajisnik n'est pas

17 d'accord, si Mladic n'est pas d'accord, personne ne va signer l'accord que

18 nous voulons signer.

19 M. Boskovic : Oui.

20 Voix d'homme non-identifié : Alors, qu'est-ce qu'on va faire ?

21 M. Boskovic : Et bien, ils nous ont dit, en fait, qu'est-ce que l'on

22 va faire --

23 Voix d'homme non-identifié : Et bien, il faudra dire aux parents

24 qu'ils ne peuvent pas sortir leurs enfants.

25 M. Boskovic : Parce que, de toute façon, nous sommes des partenaires

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1 à parts égales dans cette négociation. Ils nous ont dit que l'armée a

2 conclu l'accord et non pas la Republika Srpska.

3 Voix d'homme non-identifié : Et bien, il ne s'agit pas de leurs

4 armes. Ce sont nos armes.

5 M. Boskovic : Oui, mais je me trouve dans les casernes, et ils nous

6 ont dit qu'il s'agissait de vos unités, de vos forces armées.

7 Voix d'homme non-identifié : Oui, c'est vrai, c'est vrai. Cela nous

8 appartient.

9 M. Boskovic : Toutefois, Mladic nous a dit que c'était leur

10 territoire maintenant, et qu'il n'était d'accord. Il m'a dit ce matin qu'il

11 accepterait que cela soit transféré à nouveau.

12 Voix d'homme non-identifié : Je vais vous poser encore une fois une

13 question. Est-ce qu'il va donner la moitié des armes ?

14 M. Boskovic : D'accord.

15 Voix d'homme non-identifié : Parce que, sinon, nous allons laisser

16 les armes, et nous allons faire sortir les enfants.

17 M. Boskovic : Je vais venir le voir ce soir.

18 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

19 M. Boskovic : [aucune interprétation]

20 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

21 M. Boskovic : [aucune interprétation]

22 Voix d'homme non-identifié : Izetbegovic vient de m'appeler.

23 M. Boskovic : Qu'est-ce qu'il a dit ?

24 Voix d'homme non-identifié : Il a dit qu'il fallait que l'on reste

25 juste à ce que vous ayez fini le travail.

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1 M. Boskovic : Et qu'ensuite, c'est moi qui serais sacrifié. Alors, je

2 veux être bien sacrifié. Je serai sacrifié, mais seulement pour la justice,

3 la vérité, l'honnêteté. [aucune interprétation]

4 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

5 M. Boskovic : [aucune interprétation]

6 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

7 M. Boskovic : [aucune interprétation]

8 Voix d'homme non-identifié : [aucune interprétation]

9 M. Boskovic : [aucune interprétation]"

10 Très bien, merci.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, est-ce que la première

12 personne, dont l'identité n'est pas connu, n'est pas la même personne que

13 celle dont il s'agit à la fin de la page 1 ? Vous avez un homme non-

14 identifié qui apparaît en haut de la page 2 ? Parce que c'est tout à fait

15 illogique si la personne dit "allô." Vous avez la quatrième entrée à la

16 page 2 qui, en fait, serait le même homme non-identifié que celui dont il

17 est question à la fin de la deuxième moitié de la page 1.

18 M. HARMON : [interprétation] Oui. J'ai écouté cela avec beaucoup

19 d'attention, et je peux envisager un certain nombre de possibilités.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne faisais qu'attirer votre attention

21 sur cette possibilité. J'aimerais vous demander si vous pouvez considérer -

22 -

23 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais des pièces à

24 conviction d'hier que j'aimerais verser pour que nous puissions avoir

25 toutes les pièces à conviction. Il y avait l'extrait vidéo de Mme Plavsic

Page 6318

1 qui embrassait Arkan. Nous aimerions que cela soit versé au dossier. Est-ce

2 que nous pourrions avoir un numéro de pièce à conviction ?

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction

4 P300.

5 M. HARMON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions verser au dossier

6 également le CD qui contient toutes les conversations placées sur écoute

7 qui se trouve également dans le classeur comme pièce à conviction.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction

9 P292.A.

10 M. HARMON : [interprétation] Hier, nous avons essayé d'écouter une partie

11 de la 34e session de l'assemblée serbe et j'ai fini, en fait, par vous

12 donner lecture du compte rendu de cette séance. J'ai la vidéo, et

13 j'aimerais pouvoir verser cela au dossier ainsi que le compte rendu de la

14 34e session de l'assemblée des Serbes de Bosnie.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La vidéo se voit attribué le numéro

16 P301, ainsi que le P301.A pour le compte rendu.

17 M. HARMON : [interprétation] Nous en avons ainsi terminé.

18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

19 M. HARMON : [interprétation] Je disais, Monsieur le Président, que j'en ai

20 terminé avec mon interrogatoire principal de M. Kljuic.

21 Monsieur Kljuic, j'aimerais vous remercie infiniment de votre patience et

22 de votre coopération.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, je vous prie.

24 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, nous savons que vous

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1 devez partir demain matin. Nous savons également, et c'est une information

2 qui nous a été fournie par la section des Victimes et des Témoins, nous

3 savons, disais-je, qu'il est très probable que nous ne soyons pas en mesure

4 de terminer aujourd'hui et que vous seriez disposé à revenir à La Haye pour

5 terminer votre déposition. Est-ce bien exact ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre disponibilité

8 qui dépasse ces quelques jours.

9 Nous allons dans un premier temps avoir une pause jusqu'à 11 heures,

10 puis Me Stewart de la Chambre souhaiterait que vous commenciez votre

11 contre-interrogatoire. Nous verrons où cela nous mènera. Nous allons avoir

12 notre pause jusqu'à 11 heures.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, on m'a dit que, dans le

16 texte en B/C/S de l'écoute téléphonique KID 31 422, il y a une troisième

17 personne non-identifiée qui s'exprime à peu près dans l'extrait que je vous

18 ai signalé. Nous sommes en présence d'une personne non-identifiée numéro 1,

19 d'une personne non-identifiée numéro 2, mais il y a également une autre

20 personne non-identifiée à laquelle je n'affecte aucun numéro, et qui semble

21 se trouvait avec le général, si cela peut vous aider --

22 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je me permettrais de

23 vous dire que je pense que vous avez 100 % raison. Mme Cmeric, qui est tout

24 de même quelqu'un d'assez sûre sur ces problèmes, nous dit qu'elle est de

25 votre avis.

Page 6320

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. STEWART : [interprétation] Ce qu'elle nous dit correspond tout à fait à

3 ce que vous venez de dire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien. Etes-vous prêt à entamer le

5 contre-interrogatoire ?

6 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, veuillez faire

8 entrer M. Kljuic dans le prétoire.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que

11 cela fera la moindre différence pour le témoin s'agissant de ses projets de

12 voyage, mais il serait sans doute utile que vous lui fassiez savoir que

13 nous ne pourrons pas terminer son audition aujourd'hui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il en est tout à fait

15 conscient.

16 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, vous répondrez

19 maintenant aux questions que vous posera Me Stewart, Conseil de la Défense,

20 dans le cadre du contre-interrogatoire.

21 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Contre-interrogatoire par M. Stewart :

23 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, on vous a posé un certain nombre de

24 questions au cours de l'interrogatoire principal. On vous a demandé de

25 commenter certains contacts que vous avez eus avec diverses personnes.

Page 6321

1 Commençons, si vous le voulez bien, par

2 M. Karadzic, ou le Dr Radovan Karadzic. Vous avez dit que vous le

3 connaissiez depuis 25 à 30 ans, puis vous avez ajouté qu'à l'époque où les

4 partis politiques nationaux ont vu le jour, vous aviez des contacts avec

5 lui pratiquement tous les jours. Nous parlons de la période où se créaient

6 les partis politiques nationaux, c'est-à-dire, de l'année 1990, deuxième

7 semestre 1990, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Depuis 1990 jusqu'à avril 1992, vous dites que vous avez eu des

10 contacts pratiquement au quotidien avec lui dans cette période, n'est-ce

11 pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Ceci est-il également vrai de la première partie de cette période,

14 c'est-à-dire, de la période qui va du deuxième semestre 1990 au début

15 1991 ? Est-ce que la régularité de vos contacts avec le

16 Dr Karadzic est à peu près la même dans la deuxième partie de cette période

17 et dans la première, c'est-à-dire, en 1992 et 1991 ?

18 R. Au début, nous avions des rapports beaucoup plus amicaux, car nous

19 étions tous favorables à un changement de régime et à l'introduction de la

20 démocratie pour remplacer le communisme. Mais lorsque les débats se sont

21 concentrés davantage sur la structure à venir de la Bosnie-Herzégovine, les

22 contacts sont devenus plus fréquents, mais dans un cadre beaucoup plus

23 officiel.

24 Q. Bien, parlons, si vous le voulez bien, de la première partie de cette

25 période, c'est-à-dire, depuis la fin de 1990 jusqu'à, disons, le mois

Page 6322

1 d'avril 1991. Quelle était la nature des contacts que vous aviez avec le Dr

2 Karadzic à ce moment-là ? J'emploie le mot anglais "contact", n'est-ce pas

3 ? Quelle était la nature de vos contacts avec lui et la fréquence de ces

4 contacts ?

5 R. Cette période est celle de la campagne électorale. Dans cette période,

6 les trois partis nationaux partageaient les mêmes idées. Il y avait, bien

7 sûr, à discuter de l'organisation des élections, de la tenue de ces

8 élections dans la pratique, et cetera. La question se posait également de

9 déterminer précisément comment les gens seraient représentés, comment la

10 population serait représentée au sein de la présidence de la Bosnie-

11 Herzégovine.

12 Sous le régime socialiste, il y avait deux Serbes, deux Croates et

13 deux Musulmans au sein de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Il y avait

14 une personne qui représentait ce qu'il est convenu d'appeler les autres

15 groupes ethniques, c'est-à-dire, ceux qui se prononçaient comme Yougoslaves

16 au niveau du recensement. Il y avait aussi des minorités ethniques, des

17 gens qui n'avaient pas une identité bien précise.

18 Q. Monsieur Kljuic, je pense pouvoir me permettre de vous dire que je n'ai

19 pas l'impression que ce que vous êtes en train de dire ait le moindre

20 rapport avec le problème des rencontres qui faisaient l'objet de ma

21 question.

22 Donc, je vous inviterais, avant tout, si vous le voulez bien, à me

23 parler de la nature et de la fréquence des contacts que vous avez eus avec

24 le Dr Karadzic, avant de présenter des commentaires secondaires ou des

25 commentaires de contexte destinés à nous aider à comprendre votre réponse.

Page 6323

1 Veuillez, je vous prie, commencer par vous concentrer sur ma question

2 : fréquence et nature de vos contacts avec le Dr Karadzic dans cette

3 période ?

4 R. Bien. Nos contacts étaient tout à fait corrects. Nous avons eu un

5 certain nombre de rencontres, car le débat était très animé sur le plan

6 public, sur un certain nombre de questions. Nous nous réunissions aussi

7 souvent que possible dans cette période, aussi souvent que nécessaire

8 également compte tenu de l'importance de l'intensité du débat politique de

9 l'époque. Si nous avions un problème d'intérêt commun à discuter, M.

10 Izetbegovic, M. Karadzic et moi-même, nous rencontrions tous les deux

11 jours, par exemple. S'il n'y avait pas de question importante à discuter,

12 ou particulièrement intéressante à discuter, nous nous voyions moins

13 fréquemment. Mais après les élections de novembre 1990, compte tenu du fait

14 qu'un accord avait été conclu sur la structure du gouvernement, et sur la

15 représentation des divers groupes ethniques, nos réunions de travail ont

16 été assez fréquentes. Donc nous étions plus souvent en contact l'un avec

17 l'autre.

18 Q. Monsieur Kljuic, vous participez à ces rencontres, pas nous, voyez-

19 vous. Donc des mots comme "fréquent," "aussi souvent que nécessaire," pour

20 nous, constituent un problème, voyez-vous. J'ai besoin de dire aux Juges de

21 la Chambre, avec la plus grande clarté possible, ce que signifient les mots

22 que vous prononcez. Donc, oublions, si vous le voulez bien, la campagne

23 électorale. Ne nous inquiétons pas de cette campagne. Je vous parle de la

24 période postérieure aux élections de novembre 1990, disons, six mois plus

25 tard. Prenons cette période de six mois, parce que j'aimerais que les Juges

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1 de la Chambre puissent avoir une idée de la fréquence de vos rencontres

2 avec le Dr Karadzic, et de la nature des rencontres que vous avez eues avec

3 le Dr Karadzic dans cette période. Est-ce que vous le rencontriez en

4 passant, par hasard ? Est-ce que vos rencontres étaient en tête-à-tête ?

5 Est-ce que vous le rencontriez en présence de nombreuses autres personnes ?

6 Veuillez nous le dire d'une façon un peu plus claire ?

7 R. Il y avait des rencontres officielles entre les dirigeants des trois

8 partis nationalistes à l'époque. Ces rencontres se faisaient très souvent.

9 Nous étions assez souvent également ensemble à des meetings publics. Nous

10 avions les amis en commun, par exemple, le juriste du Dr Karadzic, le Dr

11 Karadzic et moi-même, avions des tête-à-tête assez fréquent.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, on vous a demandé très

13 précisément de définir plus exactement ce que vous entendez par

14 "fréquemment." Vous parlez de "rencontres officielles entre les dirigeants

15 des partis. Ces rencontres avaient lieu très souvent," dites-vous, "très

16 fréquemment." Est-ce qu'elles avaient lieu une fois par semaine, une fois

17 par mois, deux fois par jour ?

18 Pouvez-vous nous donner la fréquence moyenne et précise de ces rencontres ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moins trois fois par semaine pendant les

20 six premiers mois.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, j'ai un peu perdu le fil. Vous

22 parlez de "rencontres officielles." Est-ce que vous parlez de rencontres

23 avec les juristes du Dr Karadzic ou quoi ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé du juriste du Dr Karadzic que j'ai

25 rencontré avec lui en privé pour des dîners. C'est arrivé, cela aussi.

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1 Mais, en ce moment, je parle des rencontres officielles.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle était la fréquence de ces

3 rencontres officielles ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit, deux ou trois fois par semaine pour

5 des raisons tout à fait pratiques.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, qu'en est-il de vos

7 rencontres en privé, comme pour un dîner, par exemple ? Quelle était leur

8 fréquence ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne se passait pas souvent, dirais-je,

10 mais Sarajevo est une petite ville. A cette époque-là, il n'y avait aucun

11 problème à aller dans un hôtel pour le rencontrer. D'ailleurs, je ne

12 rencontrais pas que le Dr Karadzic dans ce genre d'endroit. Je rencontrais

13 bien d'autres personnes aussi.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Je comprends ce que

15 vous venez de dire. Mais vous dites pas très souvent, c'est-à-dire, une

16 fois par mois, une fois tous les deux mois ? En moyenne ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant les six premiers mois, cela s'est

18 passé assez souvent. C'est seulement après que la guerre a évolué en

19 Croatie que nos relations se sont un peu refroidies.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je vous ai posé la question

21 suivante : au cours des six premiers mois après les élections, quelle était

22 la fréquence de vos rencontres en privé pour un dîner avec le Dr Karadzic ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se passait plus rarement. Peut-être une

24 fois par mois ou une fois par quinzaine, mais des rencontres officielles,

25 nous en avions souvent.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, nous arrivons à la

2 troisième catégorie de contacts qui se limitent à un simple échange de

3 quelques mots lorsque vous vous rencontrez en passant. Quelle a été la

4 fréquence de ce genre de contacts ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce genre de rencontres, il y en a eu plus que

6 des dîners, parce que le Dr Karadzic était également un écrivain et nous

7 nous rencontrions au théâtre lors de réunions d'écrivains. Le Dr Karadzic -

8 -

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question portait sur la fréquence de

10 ces contacts. Avaient-ils lieu une fois par semaine, une fois toutes les

11 deux semaines ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec le respect que je vous dois, Monsieur le

13 Président, je ne peux pas répondre à cette question. Cela dépendait des

14 circonstances. Quelquefois c'était une fois par semaine, quelquefois pas du

15 tout. Mais il ne fait aucun doute que ces contacts étaient fréquents.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui, oui, tout a fait. Mais

17 écoutez, je vous ai imposé ce genre d'exercice pour vous faire comprendre

18 très clairement qu'il importe que vous écoutiez attentivement les questions

19 qui vous sont posées pour avoir une idée de la réponse que vous devez

20 apporter à ces questions. Là, il était question de la nature des contacts,

21 et nous venons à l'instant de déterminer trois types de contact de nature

22 différente. S'il y a un quatrième type de contact, veuillez nous le dire,

23 je vous prie. La fréquence peut avoir une grande importance, mais ce n'est

24 pas l'objet de la question que je vous posais, il y a un instant, dont le

25 contexte, c'est que le Dr Karadzic était un écrivain. Pour l'instant, c'est

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1 le contexte, mais cela n'est pas le sujet central de la question.

2 J'aimerais, maintenant, redonner la parole à Me Stewart, et s'il souhaite

3 obtenir une réponse de vous, il formulera sans doute sa question de façon

4 très efficace pour l'obtenir. Je vous invite encore une fois à écouter très

5 attentivement la question qui vous est posée.

6 Veuillez procéder, Maître Stewart.

7 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q.

8 Monsieur Kljuic, j'aimerais encore une fois simplement vous demander, si

9 vous le pouvez, de vous efforcer d'éviter des expressions comme "fréquent"

10 ou "très fréquent" ou "pas très fréquent" sans expliquer plus en détail ce

11 que vous voulez dire par là, car je vous demande des renseignements précis.

12 Est-ce que nous pouvons partir du principe que la dernière catégorie,

13 c'est-à-dire la rencontre dans un théâtre au cours d'une réunion littéraire

14 ou d'une rencontre d'écrivains, que ce genre de rencontres avait lieu,

15 disons, un peu par hasard, et que, de toute façon, c'étaient des contacts

16 mondains au cours de telles rencontres. Vous pouviez sans doute lui dire

17 bonjour en passant ou échanger quelques mots sur le temps qu'il fait ou ce

18 genre de chose. Est-ce que j'ai bien résumé ce qui concerne cette catégorie

19 de contacts ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez dit, il y a quelques instants, que vous aviez des

22 rencontres en tête-à-tête avec M. Karadzic, ce qui me permet de penser que

23 ce que voulez dire par là ce sont des rencontres auxquelles vous êtes seul

24 en présence de M. Karadzic, donc uniquement lui et vous. Est-il exact que

25 dans cette période, les six mois dont nous parlons, de novembre 1990 à

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1 avril 1991, vous avez eu au moins quelques rencontres de ce genre, donc en

2 tête-à-tête, avec

3 M. Karadzic ?

4 R. Oui.

5 Q. Du mieux que vous pouvez, je vous demanderais de nous dire dans cette

6 période de six mois, quel a été le nombre de ce genre de rencontres ? Bien

7 sûr, je ne vous demande pas une exactitude à 100 %, mais pourriez-vous nous

8 donner une idée du nombre de ces rencontres ?

9 R. J'ai eu quatre ou cinq rencontres très ouvertes et très confiantes avec

10 M. Karadzic où lui et moi étions seul en présente l'un de l'autre.

11 Q. Pourriez-vous être plus précis sur la date quand a eu lieu la première

12 de ces rencontres après les élections de novembre 1990.

13 R. C'était en décembre, cela, c'est sûr. Cette réunion était centrée sur

14 le débat qui se déroulait quant à la division du pouvoir. Pour comprendre

15 la nature de ce problème, il importe de se rendre compte qu'après les

16 élections, les trois partis nationaux --

17 Q. Monsieur Kljuic, j'aimerais d'emblée, et suivant les incitations qui

18 m'ont été faites par M. le Président, j'aimerais vous dire très exactement

19 ce que j'attends de vous dans la réponse à ma question. Il est possible

20 qu'un jour j'ai besoin de savoir quel était le contexte dans lequel se

21 situait ces réunions, au quel cas je vous interrogerais pour vous demander

22 quel est le contexte, mais essayons de prendre les choses une par une. Ici,

23 je vous demande la date, j'aimerais que vous me fournissiez une date dans

24 votre réponse. Si j'ai besoin de connaître le thème de votre rencontre, je

25 vous poserais une autre question à cette fin. Suivons le processus qui a

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1 été indiqué par le président de la Chambre et je pense que nous réussirons

2 très bien, Monsieur Kljuic.

3 Votre première rencontre avec le Dr Karadzic, la question que j'aimerais

4 vous poser à ce sujet est la suivante : disons que ce qui m'intéresse

5 c'est, lorsque vous avez rencontré le Dr Karadzic, à ce moment-là, est-ce

6 que vous avez emporté avec vous un carnet ? Est-ce que vous avez pris des

7 notes au cours de la rencontre ? Est-ce que vous teniez une sorte de

8 journal personnel ? Est-ce que vous aviez un suivi noir sur blanc de ce qui

9 se disait pendant ces rencontres ?

10 R. Je n'ai pas tenu de journal personnel, mais j'ai pris des notes sur un

11 certain nombre de choses. J'ai noté les points de vue du SDS, donc les

12 positions adoptées par M. Karadzic, les positions du SDA également, donc

13 les positions d'Alija Izetbegovic, parce qu'il était tout à fait important

14 pour moi de pouvoir rappeler ce que nos partenaires souhaitaient et ce

15 qu'ils exigeaient de nous lors de mes rencontres avec les dirigeants de mon

16 parti.

17 Q. Monsieur Kljuic, je vous remercie. Je pense que nous comprenons assez

18 facilement quel était le but que vous poursuiviez en tenant de tels

19 carnets. Est-ce que vous avez conservé ces notes dans un carnet précis ?

20 R. Non, je les écrivais sur des morceaux de papier que j'avais sur moi

21 quand j'en avais besoin.

22 Q. Parlons maintenant des réunions ou des rencontres qui ont eu lieu plus

23 tard. Mais je parle toujours des quatre ou cinq rencontres que vous avez

24 eues avec le Dr Karadzic dans cette période. Je suppose que nous pouvons

25 partir du principe qu'à chacune de ces quatre ou cinq rencontres avec lui,

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1 vous avez pris des notes d'une façon ou d'une autre selon ce que vous venez

2 de dire ?

3 R. Oui, il est permis de dire les choses comme cela.

4 Q. Est-ce que vous avez conservé ces notes jusqu'au jour d'aujourd'hui ?

5 R. Je suis en train d'écrire un livre sur la Bosnie, et je me sers d'un

6 grand nombre de documents, entre autres, les notes que j'ai prises à

7 l'époque.

8 Q. Ces notes sont physiquement situées à Sarajevo, n'est-ce pas, en ce

9 moment ?

10 R. Oui, elles sont dans mon appartement.

11 Q. Monsieur Kljuic, est-ce que vous auriez, c'est ma première question, la

12 moindre objection à revenir à La Haye pour témoigner une nouvelle fois

13 devant ce Tribunal avec ces notes ?

14 R. Non. C'est mon droit en tant qu'auteur. Ce sont mes positions qui sont

15 exprimées dans ces notes. Je peux répéter ici ce que j'ai déjà dit en

16 public. J'ai annoté, j'ai mis noir sur blanc ce que Karadzic disait. J'ai

17 mis noir sur blanc ce qu'il souhaitait. Ensuite, j'ai rapporté ces

18 informations à une rencontre du HDZ.

19 Q. En ce moment, je vous demande simplement, et la question me paraît

20 simple, je pense que vous pouvez y répondre très simplement, si vous n'avez

21 pas la moindre objection à revenir devant ce Tribunal avec ces notes dans

22 votre poche. Maintenant, j'ajoute une autre question : est-ce que vous

23 seriez d'accord de transmettre des photocopies de ces notes avant votre

24 retour dans ce prétoire en les envoyant au Tribunal de La Haye ?

25 R. D'abord, vous ne m'avez pas bien compris. J'ai dit que je ne vous

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1 fournirais pas ces notes. Ce sont des éléments que je tiens à publier dans

2 l'ouvrage que je suis en train d'écrire.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il me semble que c'était bien la

4 question. Je suis d'accord avec vous, Maître Stewart. Vous demandiez à M.

5 Kljuic s'il avait la moindre objection, et il a répondu "non". Mais, à

6 partir de ce qui suit, il semble que le "non" portait sur sa non-volonté de

7 revenir ici avec ses notes sur lui.

8 M. Kljuic vient de le confirmer.

9 M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait clair, Monsieur le

10 Président. Je dois dire que je n'avais pas bien compris, mais c'était ma

11 faute, sans aucun doute. Je n'avais pas compris la deuxième moitié de sa

12 réponse comme étant une dénégation. Apparemment, nous venons de le

13 constater.

14 Q. Monsieur Kljuic, pouvez-vous être très clair là-dessus. Vous dites que

15 vous avez une objection et vous dites que c'est simplement une expression

16 de votre volonté que vous refuserez d'apporter ces documents à La Haye si

17 on vous le demande, n'est-ce pas ?

18 R. Pourquoi est-ce que je vous remettrais ces notes ?

19 Q. Veuillez répondre à ma question, Monsieur Kljuic, je vous prie. Je veux

20 que cela soit très clair. Je ne peux pas répondre aux questions qui vous

21 sont posées à votre place avec tout le respect que je vous dois. Répondez à

22 ma question, je vous prie.

23 Est-il exact que vous êtes en train de dire que vous refuserez à

24 moins que la contrainte ne soit exercée à votre encontre que vous refuserez

25 de transmettre ces documents au Tribunal de La Haye et de les apporter avec

Page 6332

1 vous lorsque vous reviendrez ? Prenez un instant de réflexion, Monsieur

2 Kljuic. J'aimerais que votre réponse là-dessus soit très claire.

3 R. Ce sont des notes et, comme tous les autres documents, ce sont des

4 documents qui me servent dans mon travail de rédaction de l'ouvrage que je

5 suis en train d'écrire. Je ne souhaiterais les donner à personne avant la

6 publication du livre. C'est le droit de n'importe quel auteur, et par

7 ailleurs, je ne pense pas que d'autres témoins --

8 Q. Mais je tiens à ce que la réponse soit claire, Monsieur Kljuic. A moins

9 qu'on ne vous soumette à une certaine contrainte, vous nous dites que vous

10 refuserez d'apporter ces documents avec vous; c'est bien cela ?

11 R. Je ne vois pas pourquoi on devrait me contraindre à fournir ces notes.

12 Ces notes sont ma propriété privée.

13 Q. Monsieur Kljuic, ceci est une autre question. Je pense que nous avons

14 compris votre réponse.

15 Monsieur Kljuic, vous êtes en train de dire non, à moins qu'on ne m'y

16 force, ce qui est un problème tout à fait différent, je n'apporterai pas

17 ces documents à La Haye. Je pars du principe que telle est votre position.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde. Je me permettrai

19 d'intervenir, Maître Stewart.

20 Monsieur Kljuic, vous dites que vous ne souhaitez pas, et pour expliquer

21 pourquoi vous ne le souhaitez pas, vous vous fondez avant tout sur le fait

22 que vous êtes en train de préparer un livre à la publication. Alors, dois-

23 je comprendre que vous êtes en train de dire que votre position en tant

24 qu'écrivain serait compromise si vous deviez communiquer ces notes, et que

25 c'est cela que vous craignez ? Parce que dans ce cas, nous pourrions voir

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1 si une autre solution ne pourrait pas être trouvée.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, j'ai vécu dans un régime

3 communiste où n'importe qui pouvait pénétrer chez vous et confisquer ce qui

4 vous appartenait. Je ne pense pas que cela puisse se passer aujourd'hui.

5 Mais la deuxième chose, c'est que ce genre de notes ne sont pas des

6 documents qui peuvent intéresser l'Accusation. Ce ne sont pas des documents

7 qui comportent des dates, et cetera, et cetera. J'ai été journaliste de

8 nombreuses années. Ces notes ne sont que la mise noir sur blanc de mes

9 observations personnelles de choses qui sont l'expression de ma pensée

10 personnelle. Je ne vois pas qui pourrait utiliser ces notes.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kljuic. La situation est

12 la suivante : Les journaux intimes ou carnets de notes ont déjà servi à la

13 Chambre à mieux comprendre les événements de l'époque. Nous avons eu devant

14 nous un certain nombre de témoins qui étaient prêts à nous communiquer

15 leurs notes ou leurs journaux personnels et, bien sûr, la façon dont ces

16 documents sont utilisés peut faire l'objet d'un débat ultérieur qui vous

17 permettrait peut-être de mieux comprendre la situation; cela c'est

18 possible. Lorsque vous dites que ces notes n'ont aucune utilité pour

19 l'Accusation, cela revient à dire que vous ne souhaitez pas en communiquer

20 l'original, mais vous pourriez peut-être en transmettre des copies pour que

21 l'Accusation en dispose également. Les parties doivent être sur un pied

22 d'égalité dans ces procès. Tout document qui peut intéresser les parties

23 doit être communiqué mutuellement entre elles, notamment, compte tenu des

24 questions qui vous ont déjà été posées au sujet de ces notes.

25 Je comprends vos réticences quant à l'usage qui pourrait être fait de

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1 ces notes puisque vous préparez la publication d'un ouvrage. Par ailleurs,

2 ces notes, je ne sais pas quel est leur importance, bien sûr, leur

3 importance du point de vue du volume, mais elles pourraient nous aider à

4 découvrir la vérité. Il est certain que tout ce qui est écrit à l'époque

5 nous permet d'obtenir des détails ou de mieux définir la situation puisque

6 cela nous donne les observations de l'auteur des notes en question. Cela

7 peut nous aider de nous remémorer les choses dont vous avez consignées le

8 déroulement à l'époque sous forme, comme disent les français, d'aide-

9 mémoire.

10 Par conséquent, Me Stewart et les Juges de la Chambre, et je pense

11 que l'Accusation sera du même avis, s'intéressent à ces notes uniquement,

12 car elles leur permettraient de ne pas oublier certaines choses, et

13 d'arriver plus facilement à la vérité. Voilà les explications que je

14 voulais vous apporter.

15 Par conséquent, je pense que vous pourriez réexaminer la question, et

16 après la prochaine pause, nous répondre de façon définitive sur votre

17 volonté ou non-volonté d'apporter avec vous ces notes lorsque vous

18 reviendrez à La Haye, sous forme de copies, bien entendu. Je viens de

19 m'expliquer plus en détail pour que vous sachiez exactement de quoi il

20 retourne.

21 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le mot

22 "aide-mémoire" existe également en français. Nous avons emprunté à la

23 richesse de la langue française en la matière.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous répondre à

25 ce que je viens de dire ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie, ce sont des notes privées.

2 Elles n'ont aucun statut officiel. Si vous le souhaitez, je peux vous

3 relater un détail concernant un moment où j'ai pris des notes lors d'une

4 rencontre en tête à tête avec M. Karadzic. Vous voulez que je le fasse ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais non. En ce moment, je ne vous

6 demande aucun détail complémentaire au sujet de vos rencontres en tête à

7 tête avec M. Karadzic. Cela fera peut-être l'objet des questions qui vous

8 seront posées plus tard par Me Stewart. Je vous parlais de façon générale.

9 Je vous disais que, même si ces notes n'ont aucun statut officiel, elles

10 peuvent être utiles, même s'il s'agit de notes privées. Bien entendu, il

11 n'est pas question que vous divulguiez des éléments de votre vie privée,

12 mais s'il y a quelque chose que vous souhaitez ne pas voir divulgué dans

13 ces notes, vous pouvez le faire savoir. Là, nous parlons de transmettre ces

14 notes dans les conditions qui viennent d'être évoquées. Peut-être, si vous

15 le souhaitez -- mais les transmettre volontairement ou pas.

16 Réfléchissez-y. Je ne vous demande pas une réponse immédiate. Ce que

17 j'aimerais que vous compreniez bien, c'est qu'il ne s'agit en aucun cas de

18 faire intrusion dans votre vie privée. Il n'est pas question de transformer

19 ces notes en un document officiel, mais il est question de ne pas laisser

20 de côté des documents qui peuvent aider à découvrir la vérité.

21 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

22 pensais aussi, avec les nombreux commentaires entendus ce matin en tête,

23 que j'aurais peut-être une observation complémentaire à faire. Monsieur le

24 Président, vous parlez de contrainte éventuelle. Je tiens à signaler,

25 Monsieur le Président, qu'aucun de nous n'a encore évoqué cette

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1 possibilité, au stade actuel.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, bien sûr. De telles conditions

3 seraient un peu contraires à ce que j'appellerais la procédure habituelle.

4 Cela, c'est tout à fait clair. Mais si j'écris un journal intime et que,

5 dans ce journal intime, il y a des questions d'ordre personnel qui n'ont

6 aucun intérêt pour un procès comme celui-ci, je peux le dire, et ces

7 éléments ne sont pas rendus publics. Dans ce cas, si j'obtiens cette

8 assurance, je peux fournir mon journal personnel; sinon, bien sûr, j'ai

9 quelques réserves à le fournir.

10 M. STEWART : [interprétation] Je pense que c'est la pratique en vigueur

11 dans tous les systèmes judiciaires, que les éléments de la vie intime

12 soient retirés d'un document tel que celui-ci.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. STEWART : [interprétation]

15 Q. Monsieur Kljuic, je ne vais pas continuer cette discussion plus avant

16 parce que, dans les circonstances actuelles, elle est un petit peu

17 abstraite, puisque nous n'avons pas vu ces notes.

18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais,

19 également, dire suite à la discussion qui vient d'avoir lieu, que nous nous

20 réservons le droit d'explorer plus avant le contenu de ces notes au sujet

21 des rencontres et discussions entre les deux hommes avant de déterminer de

22 quelle façon nous nous en servirons.

23 Q. Monsieur Kljuic, revenons à ce dont nous parlions il y a quelques

24 instants. Ce qui m'intéressait principalement à ce moment-là, c'était de

25 déterminer la fréquence et la nature des rencontres que vous aviez eues,

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1 plutôt que de rentrer dans le détail des sujets dont vous avez discuté.

2 Le Dr Karadzic et vous, vous vous êtes rencontrés. Nous parlons de la

3 période qui s'achève en avril 1991. J'aimerais, s'il vous plaît, si cela ne

4 vous dérange pas, que vous vous en teniez à cette période de six mois,

5 disons, d'avril à octobre 1991. Dans cette période, soyez aussi précis que

6 vous le pouvez, je vous y invite une nouvelle fois, Monsieur Kljuic,

7 pourriez-vous aider les Juges de la Chambre, en nous disant quelle était la

8 nature et la fréquence de vos rencontres -- de vos contacts avec le Dr

9 Karadzic dans ces six mois ?

10 R. Dans cette période, nous assistons au début de l'agression contre

11 la Croatie et la situation se complique. Les rencontres avec lui ne sont

12 plus aussi chaleureuses qu'elles l'étaient précédemment.

13 Q. Monsieur Kljuic, veuillez répondre à la question que je vous ai posée,

14 après quoi nous verrons les éléments qui peuvent en découler.

15 M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je pense

16 que M. Kljuic a répondu à la question. La question portait sur la nature et

17 la fréquence de ses contacts. Il y avait, en fait, deux questions en une,

18 et M. Kljuic est tout à fait habilité à répondre en parlant de la nature de

19 ses rencontres qu'il situe dans le contexte dans lequel elles se situaient,

20 parce que c'était précisément ce qu'on lui demandait.

21 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'était pas le cas.

22 Lorsque le témoin parle du début de l'agression, cela n'a vraiment aucune

23 utilité.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, votre question était

25 divisée en deux parties. Il y avait une première partie et une deuxième

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1 partie. Si vous demandez au témoin de répondre en deux parties, je crois

2 que vous obtiendrez les réponses que vous souhaitez, car il est difficile

3 de comprendre exactement la façon dont le témoin vous a répondu.

4 M. STEWART : [interprétation] Ce n'est pas difficile à comprendre.

5 Simplement, je n'ai pas obtenu de réponse. Mais je vais faire que vous

6 dites, Monsieur le Président.

7 Q. Monsieur Kljuic, combien de fois, et laissons de côté les rencontres

8 mondaines qui se produisaient de temps en temps et dont vous avez parlé, je

9 veux parler de la catégorie des rencontres au théâtre, dans des réunions

10 littéraires, et cetera, laissons cela complètement de côté. Mais en dehors

11 de cela, combien de fois dites-vous avoir eu des contacts avec le Dr

12 Karadzic pendant cette période de six mois qui va d'avril 1991 à octobre

13 1991 ?

14 R. Très souvent, mais pas aussi souvent qu'avant. Nos discussions étaient

15 strictement politiques à ce moment-là. Elles étaient politiques parce que

16 les évènements de Croatie étaient en train de se dérouler, et il se passait

17 aussi des choses en Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Lorsque vous parlez de --

19 R. Et --

20 Q. Lorsque vous parlez de "discussions", vous parlez de quelque chose

21 qu'il est permis de décrire comme des rencontres que vous aviez avec le Dr

22 Karadzic, lui et vous assis autour d'une table, par exemple. Est-ce qu'on

23 peut décrire les choses comme cela ?

24 R. En partie, parce qu'il y a eu des rencontres au parlement, des

25 rencontres du gouvernement, de la direction de l'assemblée, des rencontres

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1 entre les trois partis politiques, et je tiens à vous dire, Maître Stewart,

2 que je suis quelqu'un qui s'exprime très clairement. Je suis professeur et

3 je suis journaliste. Je suis très surpris de voir que vous m'interrompez

4 sans cesse, alors que je m'efforce de vous parler de la nature de mes

5 rencontres avec lui dans cette deuxième période de six mois.

6 Pendant ces six mois, ni Radovan Karadzic, ni le SDS, ni Milosevic

7 n'avaient clairement défini leurs projets, et n'avaient commencé à les

8 mettre en œuvre. C'est seulement lorsque le conflit a commencé --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, je me permets de vous

10 interrompre encore une fois. Me Stewart aimerait connaître la fréquence de

11 vos rencontres avec M. Karadzic dans cette période. Que vous soyez surpris

12 que M. Stewart vous interrompe, comme je viens de l'entendre, ne soyez pas

13 surpris, parce que c'est dû, en fait, au fait que vous décrivez

14 l'atmosphère de ces réunions, plutôt que la nature de ces réunions. Vous

15 dites que ces réunions n'avaient plus la même chaleur, hors ce n'est ce qui

16 nous intéresse en ce moment. Me Stewart voudrait savoir combien de fois, au

17 cours de cette deuxième période de six mois, vous avez rencontré le Dr

18 Karadzic, lors de rencontres où vous vous parliez vraiment l'un à l'autre,

19 ce qui se fait en général en s'asseyant ensemble autour d'une table, mais

20 ce n'est pas indispensable.

21 Pourriez-vous nous dire, dans cette période de six mois, est-ce que vous

22 avez eu 20 rencontres par mois ? Dix rencontres par mois ? Quel était le

23 nombre approximatif de ces rencontres ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours des six premiers mois, comme je l'ai

25 dit, nous rencontrions trois fois par semaine.

Page 6340

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je viens de vous interroger au sujet de

2 la deuxième période de six mois.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit quatre ou cinq conversations

4 avec lui, je veux dire des conversations en tête-à-tête, lui et moi, seul,

5 sans la présence de personne d'autre. Dans cette deuxième période de six

6 mois, nous nous sommes rencontrés une fois tous les 10 jours. Nous avons eu

7 des conversations, lui et moi, seuls, sans la participation d'un tiers

8 quelconque.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les réponses aux questions sont, à

10 présent, claires.

11 Maître Stewart, veuillez poursuivre.

12 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur Kljuic, au cours de cette deuxième période de six mois, deux

14 réunions dont vous dites que le Dr Karadzic a participé. Y a-t-il eu

15 d'autres réunions auxquelles vous ayez assisté, vous-même et le Dr Karadzic

16 en présence d'autres personnes ?

17 R. Oui, il y en a une.

18 Q. Si nous laissons de côté les réunions de l'assemblée, combien de

19 rencontres dites-vous avoir eues avec lui au cours de cette période de six

20 mois. Des rencontres où vous étiez présent, le Dr Karadzic était présent,

21 mais il y avait également d'autres personnes ?

22 R. Quatre ou cinq peut-être. Il a avait des rencontres entre les

23 dirigeants de tous les partis politiques qui étaient représentés au

24 parlement. Il y a eu des discussions portant sur les relations

25 interethniques au sein de l'armée population yougoslave, sur les aspects

Page 6341

1 constitutionnels de la création de la Bosnie-Herzégovine, et cetera.

2 Q. Dans le même ordre d'idée, je ne vous demande pas de rentrer dans les

3 aspects plus généraux de la question, mais de répondre précisément à ma

4 question. Est-ce que vous avez pris des notes au cours de ces rencontres,

5 des rencontres qui se sont déroulées dans cette période, c'est-à-dire des

6 rencontres en tête-à-tête entre vous et le Dr Karadzic, ainsi que des

7 rencontres avec participation d'autres personnes ?

8 R. Non, je n'ai pas pris de notes. Mais j'ai mis sur le papier les

9 positions fondamentales du Dr Karadzic, mais également des représentants

10 des partis politiques, parce que c'était mon devoir, il fallait que je sois

11 capable de rendre compte de ce qui s'était dit à ces réunions devant la

12 direction du HDZ.

13 Q. Vous dites que vous n'avez pas pris de notes, mais est-ce que cela

14 signifie qu'il y a eu un changement par rapport à la période des six

15 premiers mois ? Est-ce qu'il y a eu un changement entre les six premiers

16 mois et la deuxième série, la deuxième période de six mois, s'agissant de

17 la prise de note de votre part ?

18 R. Non, j'ai simplement noté les éléments les plus importants qui étaient

19 caractéristiques et qui décrivaient bien l'ambiance générale de l'époque.

20 Par ailleurs, je ne suis pas sténotypiste ou, en tout cas, je ne suis pas

21 dactylo, je ne sais pas prendre des notes. C'était simplement les éléments

22 principaux.

23 Q. Je ne souhaite pas, en fait, parler en détails de vos notes. Vous dites

24 avoir pris quelques notes au cours de ces réunions, ces autres réunions où

25 il y avait d'autres personnes présentes, et pas simplement vous et le Dr

Page 6342

1 Karadzic ?

2 R. Oui.

3 Q. Ensuite, nous allons aborder les six prochains mois. Nous parlons

4 maintenant du mois d'octobre 1991 à avril 1992. En premier lieu, combien,

5 si réunions de ce type il y a eu, y a-t-il eu de réunions en tête-à-tête

6 avec le Dr Karadzic au cours de ces six mois ?

7 R. Une seule.

8 Q. Vous pourriez nous donner la date de cette réunion ?

9 R. Non, je ne peux vous donner de date exacte, car je ne me souviens pas.

10 Cela a eu lieu dans les locaux du SDS.

11 Q. Sur six mois, vous pourriez le placer dans ces six mois ?

12 R. Oui, cela devait être vers la fin du mois de novembre, au début du mois

13 de décembre. Sur l'insistance du Dr Karadzic, et par l'intermédiaire d'un

14 de mes représentants, Pasko Vukoje. Si besoin est, il peut venir témoigner

15 et dire que la réunion a, effectivement, eu lieu.

16 Q. Je ne vous ai pas posé cette question là, donc je vous en prie,

17 répondez simplement à la question.

18 Monsieur Kljuic, combien de réunion d'un autre type, autrement dit

19 des réunions auxquelles assistaient M. Karadzic et d'autres personnes ont-

20 elles eu lieu, entre cette même période, autrement dit entre le mois

21 d'octobre 1991 et le mois d'avril 1992 ?

22 R. Il y a eu plusieurs réunions de ce type.

23 Q. Lorsque vous entendez plusieurs, c'est un terme assez élastique.

24 Pourriez-vous être plus précis, s'il vous plaît ? Ce que vous entendez par

25 le terme "plusieurs" ?

Page 6343

1 R. Oui, tout à fait, entre 10 et 15 au cours de cette période de six mois.

2 Q. Votre prise de notes, ou ce que vous avez consigné par écrit, est-ce

3 votre manière de prendre des notes était identique à la manière dont vous

4 avez pris les notes pendant les six mois précédents, encore les six mois

5 précédents ?

6 R. Non, car les réunions se ressemblaient toutes. Karadzic lançait le même

7 ultimatum à différentes reprises. Donc il s'agissait plus ou moins de la

8 même chose à chaque fois.

9 Q. Est-ce que vous êtes en train de dire Monsieur Kljuic, que vous n'avez

10 pas changé votre manière de prendre des notes, ou est-ce qu'il s'agit

11 simplement de dire que vous avez pris moins de notes, puisque M. Karadzic

12 réitérait toujours la même chose.

13 R. Oui, c'est exactement cela.

14 Q. Au cours de cette même période, cette période de six mois, je souhaite,

15 maintenant, aborder cette période là de la façon la plus précise et la plus

16 succincte possible. Je veux vous poser une question concernant Mme Plavsic.

17 Nous allons prendre cette même période de six mois, allant du mois de

18 novembre 1991 à avril 1992. Avez-vous jamais eu une réunion en tête-à-tête

19 avec Mme Plavsic ?

20 R. J'ai, effectivement, eu une réunion avec elle en présence de son frère.

21 Nous étions amis depuis longtemps. Il ne s'agissait d'une réunion

22 politique, c'était une réunion que nous avions en privé. Nous étions assis

23 côte à côte au sein de la présidence, et nous voyions au quotidien.

24 Q. Je vais essayer de court-circuiter votre réponse. Laissons de côté

25 maintenant les réunions au cours desquelles, si de telles réunions avaient,

Page 6344

1 effectivement, lieu, au cours desquelles il n'y avait pas de débat

2 politique. S'il s'agit là d'une situation réaliste, je ne sais pas. Au

3 cours de cette période, allant de novembre 1990 à avril 1992, n'avez-vous

4 jamais eu une réunion en tête-à-tête avec Mme Biljana Plavsic ?

5 R. Non.

6 Q. De même M. Koljevic, encore une fois, si on laisse de côté

7 l'éventualité d'une réunion au cours de laquelle, il n'y aura pas de débat

8 politique, pour autant que cela soit possible. Avez-vous jamais eu des

9 réunions en tête-à-tête avec M. Koljevic au cours de cette même période,

10 allant du mois de novembre 1990 au mois d'avril 1992 ?

11 R. Oui, car le Pr Koljevic était le président du conseil chargé de la

12 Politique étrangère de la Présidence, de même que Mme --

13 Q. Monsieur Kljuic, pardonnez-moi si je vous interromps. Vous avez répondu

14 oui, cela me suffit. Ensuite, je peux vous poser d'autres questions.

15 M. HARMON : [interprétation] Je crois qu'il est tout à fait approprié, je

16 crois que c'est normal que le témoin ait envie de fournir une explication

17 supplémentaire et d'expliquer les raisons pour lesquelles ces réunions

18 s'étaient tenues.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le témoin pense qu'il manque quelque

20 chose. D'après nous, nous voyons les choses un petit peu différemment.

21 Etant donné la situation actuelle, s'il y a quelque chose qui va au-delà de

22 la question, et vous jugez qu'il s'agit de quelque chose de

23 particulièrement important, vous pouvez vous adresser à moi. Il est fort

24 possible que la question suivante, pose la question sur l'élément sur

25 lequel vous avez souhaité répondre. Attendez que Me Stewart vous pose la

Page 6345

1 question, et si vous l'impression, -- vous avez le sentiment que

2 l'impression que vous donnez n'est pas la bonne, à ce moment-là vous pouvez

3 vous adresser à moi, et on vous permettra de fournir des éléments

4 supplémentaires.

5 M. STEWART : [interprétation] Je suis bien sûr, Monsieur le Président, à

6 100 % d'accord avec ce que vous dites. Toute réponse qui pourrait induire

7 en erreur ou qui manquerait de précision, à ce moment-là, il est nécessaire

8 d'ajouter quelque chose. Mais je suis tout à fait fidèle à ce que vous

9 m'avez demandé de faire, autrement dit, de restreindre mes questions à

10 l'essentiel. C'est à moi de décider des questions que je vais poser, ce

11 n'est pas au témoin de m'orienter dans ce sens.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous sommes tout à fait

13 d'accords. Nous savons tous que l'obtention des réponses, ou, en tout cas,

14 de faire concorder les réponses aux questions, n'a pas toujours été chose

15 aisée au cours de ces deux derniers jours d'audience. Néanmoins, comme les

16 parties le savent, en général, je permets à l'une ou l'autre partie

17 d'élaborer sur certains points. Les parties sont suffisamment sages et ne

18 s'opposent pas à ce que de telles réponses soient données, mais je crois

19 que nous sommes ici dans un cas un petit peu particulier. C'est comme le

20 début d'un match de football, si vous voulez. Je joue le rôle d'arbitre.

21 M. HARMON : [interprétation] Je comprends fort bien. La question était de

22 dire : avez-vous eu de telles réunions avec M. Koljevic ? Et le témoin a

23 répondu, en disant "oui" parce que c'était le président du conseil chargé

24 de la Politique étrangère. Je crois qu'il s'agit d'une réponse tout à fait

25 appropriée, et c'est tout à fait normal qu'il puisse élaborer là-dessus.

Page 6346

1 Monsieur le Président, cela fait trois jours que je suis dans ce prétoire,

2 et je ne souhaite pas que le témoin se sente intimidé et ne se sente obligé

3 que de donner une réponse très courte fournissant peu d'éléments

4 d'information. Je crois qu'il ne faut pas restreindre M. Kljuic. Il faut

5 lui permettre d'élaborer sur un certain nombre de points.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, nous allons essayer de

7 ne pas consacrer trop de temps à ces questions de procédure. Vous avez sans

8 doute remarqué que la Chambre de première instance appuie votre manière de

9 poser les questions.

10 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En revanche, si cela devient trop

12 rigide, il s'avèrera que cela ne répond pas à l'objectif souhaité. Si on

13 peut simplement rajouter une ligne, il est préférable de laisser le témoin

14 rajouter une ligne que de revenir en arrière et de commencer un débat sur

15 des questions de procédure. Gardez à l'esprit ceci : il faut être rigide,

16 mais en même temps flexible, un peu souple.

17 Je vais demander au témoin d'écouter les questions très attentivement

18 et de répondre à ces questions. Quelquefois, vous pouvez élaborer sur

19 certains points, points que la Chambre de première instance a déjà entendus

20 à cinq ou six reprises déjà, par exemple, la position du peuple, et cetera,

21 éléments que la Chambre de première instance connaît bien.

22 Veuillez poursuivre, Maître Stewart.

23 M. STEWART : [interprétation]

24 Q. Monsieur Kljuic, j'essaie de revenir à l'endroit où nous nous en sommes

25 restés. Vous avez eu des réunions avec M. Koljevic. Vous avez eu des

Page 6347

1 réunions en tête-à-tête avec M. Koljevic. Je crois que je vous ai posé une

2 question concernant les six premiers mois. Autrement dit, entre le mois de

3 novembre 1990 et le mois d'avril 1991, combien de réunions en tête-à-tête

4 s'il y a eu, avez-vous eues avec M. Koljevic ?

5 R. En premier lieu, oui, nous nous sommes réunis. Cela ne fait aucun

6 doute. Nous étions membres de la présidence. Nos bureaux étaient l'un à

7 côté de l'autre. M. Koljevic était le président du conseil chargé de la

8 politique étrangère de la présidence dont j'étais membre. Nous avons rédigé

9 des textes concernant la politique étrangère de Bosnie-Herzégovine. Je dois

10 dire que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises au sein de la

11 présidence, et en tant que représentants officiels du SDS.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de fois ?

13 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit,

14 effectivement, de ma question.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez maintenant expliqué tout

16 ceci. Je vous prie, instamment, s'il vous plaît, on vous a posé la question

17 à plusieurs reprises : dites-nous combien de fois, cinq ou six fois ou sept

18 fois, avez-vous rencontré M. Koljevic ? Combien de fois avez-vous eu ces

19 réunions en tête-à-tête avec M. Koljevic au cours de ces six premiers

20 mois ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cinq réunions officielles.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Stewart.

23 M. STEWART : [interprétation]

24 Q. Vous avez qualifié votre réponse, et vous avez introduit l'adjectif

25 "officielle". Je vous avais demandé de ne pas tenir compte ici des réunions

Page 6348

1 officieuses au cours desquelles il n'y avait pas de débats politiques. Le

2 nombre de réunions que vous venez de décrire comme étant des réunions

3 officielles, il s'agit du nombre de réunions que vous avez eues en tête-à-

4 tête avec M. Koljevic; est-ce exact ? Dans leur totalité.

5 R. Oui.

6 Q. Merci. Au cours de cette période de six mois, allant du mois de

7 novembre 1990 au mois d'avril 1991, combien de réunions de ce type avez-

8 vous eues avec le Pr Koljevic, réunions auxquelles a participé, à ce

9 moment-là, d'autres personnes ?

10 R. Plusieurs réunions de ce type, car nous étions, tous les trois, membres

11 de la délégation auprès de la présidence de la Bosnie-Herzégovine. Il

12 tenait des réunions avec tous les autres dirigeants des autres républiques

13 yougoslaves.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, on vous a demandé de

15 qualifier votre réponse. Plusieurs, il peut s'agir de deux, de dix, ou de

16 20. Combien environ si vous vous en souvenez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas un

18 statisticien. Nous avions eu cinq réunions officielles en présence des

19 représentants des autres républiques.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire, nous donner un

21 chiffre, et nous dire environ combien. Si vous ne le pouvez pas, dites-le

22 nous.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons eu cinq réunions officielles car la

24 Bosnie-Herzégovine a tenu cinq réunions officielles en présence des

25 représentants des autres républiques. M. Izetbegovic, M. Koljevic et moi-

Page 6349

1 même, nous faisions partie de cette délégation. Nous avons voyagé ensemble.

2 Nous nous sommes rendus à Belgrade, à Zagreb, à Titograd. Ensuite, eux sont

3 venus nous voir.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hormis ces réunions que vous venez

5 d'évoquer qui sont au nombre de cinq, y en a-t-il eu d'autres ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait différentes réunions, réunions que

7 je qualifierais d'opérationnel. Nous nous retrouvions, membres de la

8 présidence, assez régulièrement, fréquemment.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de fois vous retrouviez-vous ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous nous rendions à notre travail tous les

11 jours sur une période de six mois tous les jours.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites "très fréquemment",

13 combien de fois en moyenne ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être pas tous les jours, mais, de façon

15 très fréquente, car les membres de la présidence devaient accueillir

16 différents ambassadeurs, des délégations de l'Union européenne, des

17 délégations de l'OTAN, des médiateurs américains, et cetera.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Trois fois par semaine ? Est-ce que cela

19 serait une évaluation juste ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Officielle.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Maître Stewart.

22 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Monsieur Kljuic, ceci va nous aider. Je vous donne des éléments

24 contextuels. J'essaie autant que faire se peut de mettre de côté les

25 réunions qui ne constituaient pas à proprement parler des réunions. Si,

Page 6350

1 vous et le Pr Koljevic, vous vous êtes retrouvés à la même réunion, par

2 exemple, si un homme politique ou un dignitaire ou quelqu'un est en visite

3 officielle en ville, et vous êtes là en même temps que lui, il s'agit d'un

4 dîner, d'un cocktail et que votre rencontre avec le Pr Koljevic est

5 accidentel, autrement dit, vous vous rencontrés par hasard, ma question ne

6 porte pas sur ce type de rencontres-là. Je comprends fort bien la manière

7 dont vous travaillez. Je comprends tout à fait que vous ayez de multiples

8 occasions de rencontrer le Pr Koljevic.

9 La question que je vous pose est très précise. Elle porte sur deux

10 types de réunions. La première, je vous pose une question très précise par

11 rapport à quelqu'un; je vous demande si vous avez eu des réunions en tête-

12 à-tête avec cette personne; et le deuxième type de réunion concerne les

13 réunions où cette personne, toujours la même, est présente, ou d'autres.

14 Peut-être une personne ou d'autres personnes étaient présentes également,

15 réunions au cours desquelles il y a eu un débat, et réunions au cours de

16 laquelle vous avez participé au débat. Est-ce bien clair ? Est-ce que je

17 définis clairement le type de réunions ou pas ?

18 R. Oui, tout à fait.

19 Q. Merci. Nous pouvons appelé ce types de réunion, type de réunion A et

20 type de réunion B. Type de réunion A, c'est tête-à-tête, et type de réunion

21 B, c'est l'autre type de réunion. Ce sont des éléments textuels que

22 j'essaie de vous présenter.

23 Nous allons, maintenant, parler de la prochaine période de six mois,

24 qui va du mois d'avril 1991 au mois d'octobre 1991, ensuite, d'octobre 1991

25 à avril 1992. La seule réponse que j'attends de vous, c'est que vous me

Page 6351

1 donniez un numéro correspondant au type 1 et un numéro correspondant au

2 type 2, portant sur la période d'avril 1991 à octobre 1991. Alors, pouvez-

3 vous me donner un chiffre pour le premier type de réunion en tête-à-tête ?

4 M. HARMON : [interprétation] Est-ce que nous parlons des réunions en

5 présence de M. Koljevic ?

6 M. STEWART : [interprétation] Merci, beaucoup pour -- nous parlons ici de

7 M. Koljevic, pour éviter bien sûr tout malentendu, si malentendu il y

8 aurait pu y avoir.

9 R. Entre 10 et 15 réunions de type A.

10 Q. Dans le type B, combien de personnes ?

11 R. Il y a eu un certain nombre de réunions de ce type, car nous tenions

12 nos sessions assez souvent, deux à trois fois par semaine. Il y avait

13 beaucoup d'échange diplomatique, car au sein de la présidence nous étions

14 responsables de certains secteurs.

15 Q. Essayez d'avancer un chiffre, s'il vous plaît. Le chiffre ne sera pas

16 peut-être à 100 % exact, mais essayez de nous donner un chiffre comme vous

17 l'avez fait pour le premier type.

18 M. HARMON : [interprétation] Il a répondu : "Deux ou trois fois par

19 semaine." Ceci correspond à un chiffre.

20 M. STEWART : [interprétation] Je demande à M. Harmon de bien vouloir

21 me laisser poser cette question et de poursuivre car --

22 Je vais poser ma question différemment.

23 Q. Monsieur Kljuic, est-ce que vous dites qu'au cours de cette période de

24 six mois, il y avait quelques 50 à 70 réunions ?

25 R. Non.

Page 6352

1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, quid, que dois-je

2 faire ?

3 Q. Monsieur Kljuic, vous ne dites pas cela. Il ne s'agit pas de réunion

4 deux à trois fois par semaine. Il ne s'agit pas ici d'un simple calcul

5 mathématique. Au cours de cette période de six mois, nous parlons ici de la

6 période allant du mois d'avril 1991 au mois d'octobre 1991, un type 2,

7 combien de réunions dites-vous avoir eues en présence du Pr Koljevic,

8 réunion au cours de laquelle au moins une autre personne étai présente ?

9 R. Peut-être entre 20 et 30 réunions de ce type.

10 Je dois dire que je ne comprends pas pourquoi vous insistez tellement

11 sur les chiffres, car il s'agit de statistique. Il est important de

12 comprendre quels sont les liens entre tout ceci et on peut obtenir cet

13 élément d'information différemment.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, cela concerne M.

15 Stewart. S'il souhaite avoir les chiffres, cela le concerne. S'il souhaite

16 poser la question sur des liens qui existent entre tous ces éléments ou des

17 liens que vous entreteniez, c'est à lui de poser la question par la suite.

18 Le chiffre ici qui vous a été demandé n'est pas obligatoirement non

19 pertinent.

20 Poursuivez, Maître Stewart.

21 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Kljuic, nous allons parler des six prochains mois allant du

23 mois d'octobre 1991 au mois d'avril 1992. Le

24 Pr Koljevic, combien avez-vous eu avec le Pr Koljevic, réunions de type 1,

25 à savoir, en tête-à-tête ?

Page 6353

1 R. Peut-être une seule réunion au cours de cette période.

2 Q. Combien de réunions avez-vous eues en présence de

3 M. Koljevic et en présence d'au moins une autre personne au cours de cette

4 période correspondant au type de réunion numéro 2 ?

5 R. Entre 10 et 20.

6 Q. M. Krajisnik. Nous allons procéder de la même façon. Entre le mois de

7 novembre 1990 jusqu'au mois d'avril 1991, avez-vous eu des réunions en

8 tête-à-tête avec M. Krajisnik ?

9 R. Non.

10 Q. Le type de réunion numéro 1 correspond à zéro. Le type de réunion

11 numéro 2, réunion au cours de laquelle M. Krajisnik et vous-même, en

12 présence d'au moins une autre personne, combien de réunions de ce type, y

13 a-t-il eues au cours des six mois allant du mois de novembre 1990 au mois

14 d'avril 1991 ?

15 R. Il y a un certain nombre de réunions de ce type car

16 M. Krajisnik était le président de l'assemblée, et la présidence proposait

17 toujours un ordre du jour, ou proposait des points à l'ordre du jour que la

18 présidence voulait voir aborder au cours de la séance de l'assemblée. Au

19 cours de cette période, j'ai participé à certaines réunions en présence de

20 M. Krajisnik, lorsque les dirigeants du HDZ, SDA, SDS étaient présents, et

21 le HDZ et le SDS ont alors entamé des réunions bilatérales.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous citer un chiffre,

23 s'il vous plaît. Un chiffre approximatif ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit entre 10 et 20. Nous avions eu au

25 cours de cette période de six mois, 10 à 20 réunions.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, cela ne figure pas au compte rendu

2 d'audience. Vous dites qu'il y a eu certain nombre de réunions de ce type,

3 mais j'entends fort bien vous dites en avoir dénombré entre 10 et 20.

4 Poursuivez, Maître Stewart.

5 M. STEWART : [interprétation]

6 Q. Au cours de la période suivante, la période de six mois allant du mois

7 d'avril 1991 au mois d'octobre 1991, vous dites avoir eu des réunions en

8 tête-à-tête, type de réunion numéro 1, en présence de M. Krajisnik ?

9 R. Non.

10 Q. Pour ce qui est du type de réunion numéro 2, les réunions en présence

11 de vous-même, de M. Krajisnik, et d'au moins une autre personne ?

12 R. Il y a peut-être 20, voire même davantage réunions de ce type; séance

13 parlementaire, réunion de la présidence, réunion au niveau gouvernemental.

14 Q. Vous dites -- je sais que c'est difficile d'établir une distinction

15 très nette, mais je vous demandais de ne pas faire intervenir ici les

16 séances parlementaires. Je parle ici des séances de l'assemblée. Donc des

17 réunions de ce type, de type numéro 2, entre le mois d'avril 1991 et le

18 mois d'octobre 1991 ?

19 R. Bien, il est difficile d'exclure les séances parlementaires car --

20 Q. Monsieur Kljuic, avec tout le respect que je vous dois, je peux exclure

21 ces séances, car je les ai exclues de la question que je vous ai posée. Si

22 vous auriez l'amabilité d'exclure les séances parlementaires et de répondre

23 à ma question, combien de réunions y a-t-il eu, réunions du type B, numéro

24 2, qui, d'après vous, se sont tenues au cours de cette période de six mois,

25 allant du mois d'avril 1991 au mois d'octobre 1991 ?

Page 6355

1 R. Je dois dire que M. Krajisnik m'intéressait en tant que président de

2 l'assemblée. C'était un des principaux dirigeants du SDS. Toutes les fois

3 que nous étions en contact, tel était le thème que nous abordions. Si cela

4 vous intéresse, nous n'étions pas très proches, pas très si intimes.

5 J'étais beaucoup plus proche de

6 Mme Plavsic, et de M. Koljevic que de M. Krajisnik, si c'est cela que vous

7 voulez entendre. Mais à ce moment-là, j'étais un membre de --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, encore une fois, ce que

9 Maître Stewart cherche à savoir, c'est combien de réunions de ce type

10 environ étaient des réunions tenues à l'assemblée, autrement dit des

11 réunions officielles ?

12 M. STEWART : [interprétation] Ou ce qui revient au même.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi poser la question.

14 Vous dites qu'il y a eu 20 réunions de ce type, voire même davantage.

15 Combien de réunions de ce type correspondaient à des réunions officielles,

16 des réunions ou des séances de l'assemblée, l'assemblée qui se réunit pour

17 des réunions officielles ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] On peut diviser ce chiffre -- on peut répartir

19 ce chiffre, 50 % correspondait à des séances à l'assemblée, et 50 % des

20 réunions étaient tenues en dehors du bâtiment de l'assemblée.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous en prie.

22 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Je dois dire qu'il y a un effet Larsen assez épouvantable. Bien

24 entendu que je peux poursuivre, mais je ne sais pas si les autres ont

25 également ce problème. Je vous serais extrêmement reconnaissant si le

Page 6356

1 problème pourrait être réglé. Je ne sais pas si cela touche d'autres

2 personnes ici.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas d'effet Larsen ou

4 d'écho.

5 M. STEWART : [interprétation] J'en ai un, et je viens de me brancher dans

6 une autre console. Je l'ai encore. Cela va et cela vient.

7 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, cela m'est arrivé par

8 le passé. Je pense que cela a à voir avec un petit bouton que vous devez

9 appuyer, ou que vous devez déplacer vers le haut. Je ne suis pas un expert,

10 mais je pense que c'est un problème que l'on peut régler assez rapidement.

11 Je pense qu'il y a un petit bouton en haut.

12 M. STEWART : [interprétation] Je suis reconnaissant à M. Harmon pour son

13 aide. Quand M. Harmon et moi-même commençons à nous donner des conseils en

14 matière technique, je pense que cela signifie que nous avons tous un

15 problème.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous entendez mieux

17 maintenant ?

18 M. STEWART : [interprétation] Et bien, il faudrait peut-être que je parle

19 pour voir. Oui, oui, effectivement. Je pense que le problème semble être

20 réglé.

21 Un petit moment, Monsieur le Président, je vous prie.

22 Q. D'une façon ou d'une autre, nous sommes maintenant parvenus à la

23 conclusion suivant laquelle pendant cette période de six mois allant du

24 mois d'octobre 1991 au mois d'avril 1992 -- un petit moment, je vous prie.

25 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. J'ai un

Page 6357

1 peu perdu le fil, et je ne sais plus si j'avais posé des questions à propos

2 de la dernière période semestrielle. Est-ce qu'il s'agit du mois d'octobre

3 1991 à avril 1992.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que la dernière question que

5 vous avez posée portait sur le mois d'avril -- sur la période allant

6 d'avril 1991 à octobre 1991, ce que vous trouverez à la page 66, à ligne

7 16.

8 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

9 C'était justement le souci que j'avais. Je ne voulais pas reposer les mêmes

10 questions.

11 Q. Donc, pour ce qui est de cette période de six mois allant d'avril 1991

12 à octobre 1991, pour ce qui est des réunions de type B, et si nous faisons

13 abstraction de l'assemblée, pour ce qui est des réunions que vous avez eues

14 avec M. Krajisnik, et où étaient présente au moins une autre personne, ces

15 réunions s'élèvent à 10 réunions, à peu près ? Est-ce bien exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Si nous passons maintenant à la période suivante, à savoir la période

18 comprise entre le mois d'octobre 1991 à avril 1992, avez-vous eu des

19 réunions en tête-à-tête avec M. Krajisnik ?

20 R. Pas en dehors des institutions. Mais à l'assemblée, j'ai eu des

21 contacts personnels avec M. Krajisnik.

22 Q. Monsieur Kljuic, essayons, dans la mesure du possible, de ne pas être

23 ambigus. Ce que j'avais cru comprendre par une réunion en tête-à-tête, je

24 vais maintenant préciser ce dont il s'agit, il s'agit d'une réunion au

25 cours de laquelle M. Krajisnik et vous-même, seuls M. Krajisnik et vous-

Page 6358

1 même avez eu des discussions sérieuses qui portaient sur des questions

2 politiques pris au sens large du terme. Est-ce qu'il s'agit d'une

3 description qui est assez claire pour préciser le type de réunion auquel je

4 fais allusion ? Est-ce que vous comprenez cette description de façon

5 claire ?

6 R. Votre description est tout à fait claire, mais vous ne comprenez pas

7 comment nous vivions et comment nous travaillions. Donc, cinq minutes à

8 l'assemblée à un moment ou une période où l'atmosphère était si tendu,

9 alors que l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine était véritablement en

10 jeu, peuvent donner des résultats beaucoup plus importants qu'une réunion

11 de 12 heures ou vous avez force eau minérale et café.

12 Q. Monsieur Kljuic, je ne voudrais pas avoir un débat avec vous sur ce que

13 je comprends, ce que je ne comprends pas. J'aimerais confirmer, dans un

14 premier temps, si ma description vous permet de comprendre ce que

15 j'entends. J'aimerais parler de réunions en

16 tête-à-tête avec M. Krajisnik et vous-même. Est-ce que vous avez eu ce

17 genre de réunions pendant la période comprise entre le mois d'octobre 1991

18 et le mois d'avril 1992 ?

19 R. Il y a eu des réunions qui ont été organisées par l'entremise des

20 secrétaires. Il s'agit des réunions où nous étions assis à une table, mais

21 nous n'avons pas eu ce genre de réunions. Nous n'avons pas eu ce genre de

22 réunions en tête-à-tête au sein des institutions.

23 Mais vous devez me comprendre. Krajisnik n'était pas mon homologue.

24 L'homologue de M. Krajisnik au HDZ était Mariofil Ljubic, qui avait une

25 position moins élevée.

Page 6359

1 Q. Qui était exactement Mariofil Ljubic ?

2 R. Le vice-président du parlement. C'était un Croate.

3 Q. Pour essayer de résumer un tant soit peu, lorsque vous dites que

4 l'homologue de M. Krajisnik était Mariofil Ljubic, ce que vous entendez en

5 fait, c'est que M. Ljubic était l'homologue de

6 M. Krajisnik.

7 R. Au sein de l'assemblée, c'était la deuxième personne la plus

8 importante. Ce n'était pas son homologue, parce que M. Krajisnik avait une

9 fonction beaucoup plus importante.

10 Q. J'essaie juste de préciser. Il y a peut-être une question de

11 traduction. Lorsque vous dites en anglais -- lorsqu'en anglais vous

12 utilisez le mot "partner" qui a été traduit par "homologue" en français, il

13 s'agissait de personnes qui appartenaient à des partis différents.

14 J'essaie, en quelque sorte, de -- je vais procéder de façon différente.

15 Monsieur Kljuic, vous semblez avoir dit que lorsque vous aviez une réunion,

16 la personne que vous rencontriez, la personne avec qui vous vous réunissiez

17 aurait dû être --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer d'écourter cela. Est-ce

19 que vous aviez l'intention de dire que si vous deviez vous réunir avec des

20 représentants d'un autre parti, vous vous seriez réuni avec les dirigeants

21 des partis, à savoir Izetbegovic et Karadzic ?

22 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

23 problème que nous avons, c'est que -- ah oui. Où est-ce que cela se

24 trouve ? Je me souviens que le témoin a, effectivement, fait référence à

25 Izetbegovic et Karadzic, et je ne le retrouve pas.

Page 6360

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin vient de le confirmer, et je

2 lui ai posé la question. Poursuivez.

3 M. STEWART : [interprétation] Le voilà élucidé parce que je pense cela a

4 été omis du compte rendu d'audience. Je suis sûr que cela sera réinséré. Je

5 me souviens très bien que cela avait été dit, et je ne le voyais pas à

6 l'écran.

7 Q. Ce que vous nous dites en un mot commençant, c'est pour étayer la

8 question de M. le Président, que la personne adéquate avec qui vous deviez

9 vous réunir, les personnes qui correspondaient à votre fonction étaient

10 Izetbegovic et Karadzic et que pour votre collègue, M. Ljubic, M. Ljubic

11 était censé se réunir avec M. Krajisnik.

12 R. Ce qui était en jeu, c'était les problèmes auxquels nous devions faire

13 face au sein du parlement. Nous avions M. Krajisnik qui était le président

14 et qui était Serbe. Vous aviez le Croate Mario Ljubic qui était vice-

15 président. Ils étudiaient les problèmes afférents à la procédure

16 parlementaire, à la teneur du travail parlementaire, à la fonction du

17 parlement, et ce, afin de créer une nouvelle société.

18 Pour ce qui est des réunions au cours desquelles des décisions ont été

19 prises ou des accords pouvaient être conclus, dans ce cas d'espèce, il

20 s'agissait de M. Izetbegovic, M. Karadzic et moi-même. Toutefois, il y a eu

21 également des réunions combinées, des réunions mixtes auxquelles

22 participaient quatre à cinq personnes émanant des différents partis.

23 Q. Pour être clair, M. Kljuic, le type B de réunions, la catégorie B des

24 réunions, il s'agit des réunions où vous êtes présent, M. Krajisnik, et au

25 moins une autre personne est présente. Pendant cette période de six mois,

Page 6361

1 du mois d'octobre 1991 au mois d'avril 1992, pendant cette période de

2 temps, combien de réunions de ce type ont eu lieu ? Je fais abstraction des

3 réunions de l'assemblée.

4 R. Il y en a eu plus de dix.

5 Q. Juste plus que dix. Pouvez-vous être un peu plus clair, est-ce que vous

6 pourriez dire, il y en a eu environ 10 ou 12 ? Est-ce que c'est ce que vous

7 nous dites ?

8 R. Entre dix et douze.

9 Q. Merci.

10 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est

11 bientôt midi 30. Je ne sais pas si cela convient à la Chambre de première

12 instance.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons avoir une pause jusqu'à

14 12 heures 50.

15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, pourriez-vous faire

18 venir le témoin dans le prétoire.

19 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

20 Maître Stewart, la Chambre a réfléchi à ce qui s'est produit, alors si cela

21 peut vous être utile, plutôt que de tout reprendre depuis le départ et

22 avoir les mêmes problèmes, je pense que la meilleure solution consisterait

23 peut-être à reprendre la réponse afin de développer cela un peu. Je fais

24 allusion en fait à la question des 20. Est-ce que le chiffre de 20 était un

25 chiffre qui incluait toutes les réunions ? Si vous reprenez cette question

Page 6362

1 et essayez de retrouver -- ce serait peut-être mieux que d'essayer de

2 reprendre tout depuis le point de départ. C'est une suggestion que je vous

3 présente parce que nous nous trouvons tous confrontés au même problème.

4 Maître Stewart, poursuivez, je vous prie.

5 M. STEWART : [interprétation] Je m'efforcerai de faire de mon mieux,

6 Monsieur le Président.

7 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, vous avez dit lors de votre

8 déposition dans cette affaire, il s'agit de la page 18 du compte rendu

9 d'audience de lundi du 27 septembre, vous avez dit que vous avez rencontré

10 M. Krajisnik en 1990 pendant la campagne électorale et, plus tard,

11 lorsqu'il a été président du parlement : "Nous avons eu toute une série de

12 contacts, d'autant plus qu'en tant que membre de la présidence, je

13 participais à toutes les sessions parlementaires et, qui plus est, lors de

14 toutes les grandes négociations entre les parties, le SDS était, en règle

15 générale, représenté par Karadzic et Krajisnik alors qu'à l'époque, j'étais

16 un représentant important du HDZ. Hormis cela, je me suis entretenu avec M.

17 Krajisnik plusieurs fois lors de conversations officielles ou de

18 pourparlers officiels entre le HDZ et SDS."

19 Monsieur Kljuic, nous pouvons confirmer, cela me semble logique, mais je

20 voudrais tout simplement confirmer que lorsque vous dites que vous vous

21 êtes entretenu avec M. Krajisnik plusieurs fois dans le cadre de

22 conversations officielles, cela s'est toujours fait en compagnie d'une

23 autre personne au moins, et dans la pratique, je suppose, de plusieurs

24 personnes ?

25 R. Oui.

Page 6363

1 Q. Lorsque vous parlez de conversations officielles ou de discussions

2 officielles entre le HDZ et le SDS, je suppose que toutes les réunions, je

3 ne parle pas des réunions en tête-à-tête, je parle des réunions appartenant

4 au type B, toutes ces réunions ne sont pas ce que vous considérez comme des

5 réunions officielles ou des discussions officielles entre le HDZ et le

6 SDS ?

7 R. A ces réunions ou lors de ces réunions officielles, il y avait des

8 pauses. Parfois, tout le monde s'exprimait en même temps --

9 Q. C'est ce qui se semble se passer maintenant. Monsieur Kljuic, pourriez-

10 vous répondre à ma question, je vous prie. Convenez-vous avec moi que,

11 lorsque je pense à la catégorie B des réunions, à savoir, les réunions où

12 il y avait d'autres personnes qui étaient présentes, ainsi que vous-même et

13 M. Krajisnik, toutes ces réunions n'étaient pas des réunions officielles

14 entre le HDZ et le SDS ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Je pense que vous étiez sur le point de parler de pauses. Je vais vous

17 inviter à nous fournir une explication à propos de ces pauses lors de ces

18 réunions.

19 R. Il y avait un certain nombre de questions ouvertes, un certain nombre

20 de problèmes, et des personnes représentant les deux camps s'adressaient à

21 certaines personnes où avec qui, d'après elles, elles pourraient parvenir à

22 un accord. Cela, en fait, ne devait pas en quelque sorte nous faire perdre

23 l'objectif principal des négociations générales, cela est vrai, notamment,

24 de la première phase de la constitution de pouvoir et d'autorité.

25 Q. Monsieur Kljuic, dites-moi si je suis dans l'erreur, mais il semblerait

Page 6364

1 qu'en ce qui concerne ces réunions, il y avait des personnes qui se

2 trouvaient dans la salle, il s'agit de la dynamique normale afférente à une

3 réunion. Il semblerait que toute personne qui participait à la réunion

4 pouvait s'adresser à toute autre personne de la réunion. Est-ce que vous

5 pouvez confirmer que vous nous parlez en fait de quelque chose qui

6 correspond à la dynamique normale d'une réunion de groupe ?

7 R. En principe, oui. Mais, dans la pratique, il faut savoir que tout le

8 monde ne pouvait pas prendre contact avec n'importe qui.

9 M. STEWART : [interprétation] Nous n'allons pas poursuivre cela, Monsieur

10 le Président.

11 Q. Vous avez parlé de M. Milosevic lors de votre déposition. Vous nous

12 avez dit qu'il était évident que Slobodan Milosevic, et cela est la page 18

13 du compte rendu d'audience de lundi, était véritablement le moteur qui

14 exécutait un projet qui avait été mis au point par des cercles

15 intellectuels de l'Académie serbe des sciences. Vous nous parlez d'un

16 projet que l'on connaît communément sous le nom de "Grande Serbie."

17 R. Oui. Toutefois, ce projet de Grande Serbie comportait un aspect

18 pratique qui était connu sous le nom de code de RAM, R-A-M.

19 Q. Est-ce que vous êtes en train de faire une différence entre ce mémoire,

20 ce mémoire qui a été composé par un groupe d'intellectuels ? Est-ce bien

21 exact ?

22 R. Oui. Compte tenu des traditions de la politique serbe du 19e siècle.

23 Q. Etes-vous en train de nous dire qu'il y avait une différence entre la

24 teneur, le contenu de ce mémoire, de ce mémorandum et le plan RAM, ou est-

25 ce que vous nous dites que le plan RAM était tout simplement la suite de ce

Page 6365

1 mémorandum ?

2 R. Non, il n'y avait pas de différence. Toutefois, l'idée de la Grande

3 Serbie ainsi que ce qui se trouvait dans ce mémorandum n'indiquaient pas

4 comment les choses devaient être mis en vigueur, alors que le plan RAM

5 faisait état de la mise en application du projet.

6 Q. Quand avez-vous entendu parler pour la première fois de ce plan RAM ?

7 R. J'en ai entendu parler pour la première fois pendant l'été de 1991.

8 J'avais entendu une conversation secrète entre M. Milosevic et M. Karadzic,

9 c'est une information que j'ai présentée publiquement lors d'une conférence

10 du HDZ.

11 Q. Comment se fait-il que vous ayez pu entendre une conversation secrète

12 entre M. Milosevic et M. Karadzic ?

13 R. Grâce à certains services de la police, grâce au ministère de

14 l'Intérieur ou plutôt le ministre de l'Intérieur m'a parlé de cette

15 cassette qui comportait cet enregistrement. Je me suis contenté de

16 l'écouter, je n'ai pas pu l'avoir.

17 Q. Qu'avez-vous fait ? Vous vous êtes au commissariat de police et cette

18 personne vous a fait écouter l'enregistrement ?

19 R. Non, non. Le ministre me l'a amené dans mon bureau.

20 Q. Est-ce que le contenu, la teneur de ce plan RAM faisait l'objet de la

21 conversation entre M. Milosevic et M. Karadzic ?

22 R. M. Karadzic et M. Milosevic et non pas M. Krajisnik.

23 Q. Si j'ai dit M. Krajisnik, je m'en excuse, cela, d'ailleurs, a été

24 corrigé. Est-ce que la teneur du plan RAM a fait l'objet de la conversation

25 entre M. Milosevic et le Dr Karadzic ?

Page 6366

1 R. Oui. Karadzic a modifié le concept, l'idée du plan RAM qui avait, en

2 fait, un sens tout à fait différent. Il l'a transformé en un nom musulman,

3 RAMO, R-A-M-O. Cela était censé induire en erreur toute personne qui aurait

4 écouté. De toute évidence, il s'agissait de la mise en pratique, de la mise

5 en exécution du projet de la Grande Serbie où il est stipulé précisément

6 qu'ils doivent se rendre auprès du général Uzelac à Banja Luka, qu'ils

7 obtiendraient des armes, et que certaines zones avaient déjà été

8 maîtrisées, et cetera, et cetera. Bien d'autres choses ont été dites. Ce

9 fut la première fois que nous avons pris connaissance de ce type de projet.

10 Q. Pouvez-vous vous souvenir de ce que vous avez appris à propos des

11 caractéristiques essentielles du plan RAM au vu de cette conversation ?

12 R. Bien sûr -- comme je l'ai dit à maintes reprises, les Serbes de Bosnie

13 étaient responsables d'une partie du projet général qui était dirigé par

14 Milosevic. Il s'agissait de la concrétisation de ce qui devait être mise en

15 pratique sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que la

16 subordination et l'utilisation des forces des Serbes croates à Knin, et en

17 Slavonie orientale. Etant donné que Banja Luka était dans une certaine

18 mesure le centre de la région, et que le général Uzelac était le commandant

19 qui avait des compétences larges et une grande autorité, et qui avait

20 également un potentiel matériel très, très important, encore plus

21 important, Karadzic et Milosevic discutaient de la méthode qui pourrait

22 être utilisée par Uzelac pour mettre en exécution cette tâche.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais obtenir une précision. Est-ce

24 que cette conversation qui a été placée sur écoute, est-ce qu'il s'agissait

25 d'une réunion qui avait eu lieu ?

Page 6367

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai écouté la cassette qui était un

2 enregistrement d'une conversation téléphonique entre Karadzic et Milosevic.

3 Voilà ce dont il s'agissait.

4 M. STEWART : [interprétation]

5 Q. Vous avez parlé des caractéristiques dans votre dernière réponse, ce

6 sont des éléments d'information que vous avez obtenus lorsque vous avez

7 écouté l'enregistrement de cette écoute téléphonique ?

8 R. Oui. Bien que nous sachions auparavant qu'il y avait un projet, là,

9 nous avons eu certains faits qui ont été mentionnés. Cela a été très

10 concret et précis.

11 Q. A l'époque, lorsque vous avez entendu cela, quels étaient les éléments

12 saillants ou les caractéristiques principales du plan ?

13 R. Voilà quelles étaient les caractéristiques essentielles : en Croatie,

14 par exemple, il y avait déjà un conflit qui existait, la frontière

15 extérieure occidentale du territoire que Milosevic souhaitait unifier. Les

16 Serbes de la Croatie détenaient déjà ces positions, et cela devait

17 représenter les frontières occidentales d'un état serbe, mais le problème

18 de la Bosnie-Herzégovine n'était toujours pas réglé. Ce qui devait être

19 fait, c'était envisager la préparation et l'armement, ainsi, au moment

20 voulu, au beau moment, les territoires de la Bosnie-Herzégovine auraient pu

21 être pris. Ils auraient été conservés au sein de ce nouvel état qui était

22 prévu par l'opération ou le plan Ram. Il s'agit de 70 % ou de 75 %,

23 environ, de la Bosnie-Herzégovine actuelle. Voilà ce dont il s'agissait.

24 Q. Vous avez parlé de vos contacts politiques avec M. Milosevic. Il

25 s'agit de la page 18 du compte rendu d'audience de lundi, le 27 septembre.

Page 6368

1 Vous avez dit -- je vais vous poser la même -- en premier lieu, avez-vous

2 jamais eu une réunion en tête-à-tête avec M. Milosevic ?

3 R. Etant donné que vous me demandez de répondre à cette question, je

4 n'ai jamais été en présence de Milosevic. Mais lors d'un déjeuner à

5 Belgrade, il m'a pris à l'écart, et il m'a expliqué qu'il était en faveur

6 du départ de l'Herzégovine occidentale qui était habitée majoritairement

7 par les Croates, que ses habitants devaient être déplacés en direction d'un

8 Etat croate. Nous nous sommes vus entre quatre yeux. A ce moment-là, et au

9 cours de ce processus, on tentait de séparer l'Herzégovine occidentale du

10 reste de la Bosnie-Herzégovine. Ceci était très présent à l'esprit de

11 certains Croates à l'époque, c'est-à-dire, qu'ils devaient finalement être

12 intégrés à l'état croate. Néanmoins, cela signifiait qu'il fallait diviser

13 la Bosnie-Herzégovine, et diviser l'état. Moi-même, je n'étais pas partisan

14 de ce point de vue politique. J'étais en faveur de l'intégrité du

15 territoire de la Bosnie-Herzégovine, et j'ai dit à M. Milosevic à cette

16 occasion que je ne comprenais pas -- que nous nous comprenions pas -- et

17 que je ne comprenais pas ce que l'on entendait par "l'Herzégovine

18 occidentale". Ce à quoi il m'a répondu qu'il s'agissait de la rive droite

19 de la Neretva, et que la rive gauche appartenait aux Serbes. C'est

20 exactement ce qu'avait dit Momo Mandic à Bruno Stojic et à Branko Kvesic.

21 Q. Quand a eu lieu ce déjeuner, Monsieur Kljuic ?

22 R. A l'automne de l'année 1991, il était à Belgrade. Mais j'ai rencontré

23 Milosevic brièvement lorsqu'il était à Sarajevo.

24 Q. Lorsque vous dites qu'il était à Belgrade à l'automne de l'année 1991,

25 c'est à ce moment-là que vous avez eu un déjeuner avec lui ?

Page 6369

1 R. C'est exact.

2 Q. Vous dites l'avoir rencontré brièvement à Sarajevo. Pourriez-vous nous

3 dire à quel moment vous l'avez rencontré à Sarajevo ?

4 R. Egalement à l'automne de l'année 1991. Les dirigeants des six

5 républiques se sont rencontrés dans les différentes capitales des

6 différentes républiques. Une de ces réunions a été organisée à Sarajevo, à

7 Stojcevac, et c'est à ce moment-là que je me suis également entretenu avec

8 M. Tudjman. Mais dans l'intervalle, comme ces deux personnes avaient été en

9 contact, je me suis joint à eux et, bien entendu, M. Milosevic m'a salué,

10 m'a encouragé, mais je ne me suis pas mêlé de leur conversation. J'ai

11 écouté ce que M. Tudjman et M. Milosevic étaient en train de dire. C'était

12 un autre intervalle.

13 Q. Lorsque vous avez parlé de votre rencontre à Sarajevo, s'agissait-il

14 d'un événement qui a eu lieu avant ou après le déjeuner à Belgrade ?

15 R. Ce qui s'est passé à Sarajevo est arrivé après. Tout ceci a été très

16 bien documenté, vous pourrez retrouver les dates de toute façon.

17 Q. Monsieur Kljuic, tous les déjeuners ne sont pas répertoriés. Monsieur

18 Kljuic, le document dans lequel on peut retrouver ceci, d'après vous, porte

19 quel titre ?

20 R. Nous avons eu une réunion officielle des différentes délégations de

21 Bosnie-Herzégovine en premier lieu, et M. Milosevic faisait partie de la

22 délégation serbe. Le président de l'assemblée était Trifunovic, et le

23 premier ministre était là aussi. Au sein de la délégation de Bosnie, il y

24 avait les membres de la délégation, il y avait M. Koljevic, et ceci a duré

25 peut-être deux heures, c'est au cours de ce déjeuner en présence de M.

Page 6370

1 Izetbegovic, Koljevic et moi-même, et c'est au cours de ce déjeuner où j'ai

2 été placé à côté de M. Milosevic.

3 Q. Vous n'êtes-vous jamais entretenu au téléphone avec M. Milosevic ?

4 R. Non, mais j'ai été présent lorsque M. Izetbegovic et M. Milosevic

5 avaient eu une conversation entre eux. A cette occasion, M. Izetbegovic a

6 dit : "M. Kljuic est parmi nous, et il nous entend."

7 Q. Vous entendiez la conversation de part et d'autre, c'est exact ?

8 R. Oui, c'était possible. En utilisant le téléphone, on pouvait augmenter

9 le volume.

10 Q. Quand ceci a-t-il eu lieu?

11 R. Egalement pendant l'automne de l'année 1991.

12 Q. Quel sujet ou quel a été le sujet de la conversation de ces échanges

13 téléphoniques ?

14 R. À cause de la guerre en Croatie, il y a eu un changement d'attitude au

15 sein de la population à l'égard de la JNA. Les parents cachaient leurs

16 enfants, et les envoyaient à l'étranger. Ils les faisaient sortir de façon

17 illicite du pays. Autrement dit, les citoyens ne souhaitaient pas que leurs

18 enfants aillent au front en Croatie au sein de la JNA. Ceci est quelque

19 chose qui ne caractérisait pas seulement les Croates et les Musulmans, mais

20 un nombre important de Serbes ne souhaitait pas, non plus, que leurs

21 enfants ou les serbes rejoignent les rangs de la JNA.

22 Autrement dit, au cours de toute cette période, par l'intermédiaire

23 des médias et par d'autre moyen également, on tentait de rallier l'opinion

24 autour de la JNA. Milosevic, à ce moment-là, a dit à M. Izetbegovic : "Vous

25 savez que la JNA est la seule armée officielle qui regroupe toutes nos

Page 6371

1 nationalités et tous les groupes ethniques de notre pays."

2 Q. Hormis la conversation que vous avez eue avec M. Milosevic au cours de

3 ce déjeuner à Belgrade, combien de fois avez-vous eu une conversation avec

4 Milosevic, conversation qui aurait abordé la question de la division de la

5 Bosnie-Herzégovine ?

6 R. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, mais la seule

7 conversation portant sur la division de la Bosnie-Herzégovine avec M.

8 Milosevic est celle que j'ai eue lors de cette réunion à Belgrade. Au

9 moment d'une pause dans le déjeuner, il m'a pris à part et il m'a dit -- ou

10 plutôt, il m'a dit ce que je vous ai déjà dit, autrement dit, il voulait

11 que l'Herzégovine occidentale soit rattachée à la Croatie, et cetera. Plus

12 tard, dans cette division, il a nommé toutes les régions qu'il estimait

13 devoir appartenir aux Croates. Il a ensuite dicté cela.

14 Q. En début de semaine à la page 18, pour les besoins du compte rendu

15 d'audience, le lundi 27 septembre, vous dites, en évoquant M. Milosevic :

16 "Le sujet de nos conversations se sont concentrés sur nos efforts aux fins

17 de diviser la Bosnie-Herzégovine," en fait, lorsque vous avez évoqué ceci,

18 vous ne parlez que d'une seule conversation, celle que vous avez eue à

19 Belgrade au cours du déjeuner.

20 R. C'est un sujet que nous n'avons pas abordé ailleurs. Je n'étais pas le

21 correspondant de M. Milosevic, je n'étais pas son homologue, alors que M.

22 Izetbegovic, M. Tudjman, M. Kiro Gligorov

23 l'étaient. Ils étaient sur un pied d'égalité, c'était leurs homologues.

24 Mais je vais vous expliquer, au cours de ce déjeuner, ce n'était pas une

25 discussion qui a eu lieu pendant le déjeuner. Nous nous sommes retirés dans

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1 une partie de cette salle et nous nous sommes entretenus pendant 15 à 20

2 minutes.

3 Q. Merci, Monsieur Kljuic.

4 Au cours de cette même déposition, à la page du compte rendu

5 d'audience qui suit, vous dites : "A grand regret, M. Milosevic, moi-même,

6 Kljuic, je n'étais pas un bon partenaire pour ce type d'accord." Vous

7 évoquiez, je crois, ici, l'Herzégovine occidentale. D'après ce que vous

8 avez dit, Monsieur Kljuic, est-ce que vous serez d'accord avec moi pour

9 dire vous n'étiez pas la personne avec laquelle M. Milosevic pouvait ou

10 aurait eu des contacts pour parvenir à ce type d'accord, car vous n'étiez

11 pas son homologue ?

12 R. Oui, on pourrait présenter les choses ainsi également. Mais j'ai été

13 l'artisan du programme politique des Croates de Bosnie qui s'opposaient

14 diamétralement à cette idée de division. J'ai été élu lors des élections

15 libres, et j'ai obtenu une quasi-majorité des voix, bien que les Croates

16 aient la liste la moins importante. Mais lors de la convention du parti les

17 23 et 24 mars 1991, j'ai été plébiscité par 258 délégués, députés du peuple

18 croate en Bosnie-Herzégovine, et ce, après un plébiscite.

19 Q. Monsieur Kljuic, vous avez dit ceci à la page 19 du compte rendu

20 d'audience, eu égard à la politique de M. Milosevic : "à propos de la

21 Bosnie-Herzégovine, il ne dissimulait pas ses plans. Il essayait de trouver

22 un partenaire, un associé pour ce genre de choses. Est-ce que l'on peut

23 entendre par ces propos-là, "ce genre de choses," qu'il s'agissait de

24 l'intégration de l'Herzégovine occidentale au reste de la Croatie ?

25 R. Comme vous avez pu le constater plutôt, il y avait trois options

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1 possibles qui intéressaient les Serbes à ce moment-là. Tout d'abord, l'idée

2 d'une grande Serbie; deuxièmement, l'idée d'une Bosnie-Herzégovine entière

3 au sein d'une Yougoslavie à l'exclusion de la Croatie et de la Slovénie; et

4 troisièmement, la guerre, chacun de s'emparer de ce dont il pouvait. Je

5 n'étais pas en faveur de cette idée-là. Autrement dit, je ne souhaitais pas

6 que tous les intérêts croates soient concentrés sur cette seule région

7 d'Herzégovine occidentale.

8 Q. Monsieur Kljuic --

9 R. Permettez-moi de terminer, s'il vous plaît, puisque 17 %, à peine, de

10 la population était Croate en Bosnie-Herzégovine. Si on devait considérer

11 que les Croates allaient se contenter de cette partie là de l'Herzégovine,

12 ils allaient abandonner une partie importante du territoire, autrement dit,

13 73 % de la population.

14 Q. Vous avez énuméré les différentes options possibles à l'époque, et vous

15 serez d'accord pour dire que cette troisième option, comme vous nous l'avez

16 présentée, autrement dit, qu'il y aurait une guerre et chacun s'emparerait

17 de ce qu'il souhaitait, mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que

18 personne ne recherchait un partenaire pour faire la guerre, n'est-ce pas?

19 Vous avouerez qu'il s'agit là de quelque chose d'absurde.

20 R. Oui.

21 Q. Nous allons nous écarter un petit peu de ces différentes options.

22 Soyons bien clairs, lorsque vous dites que

23 M. Milosevic recherchait un partenaire pour "ce genre de choses," est-ce

24 que cela signifiait qu'il fallait diviser la Bosnie-Herzégovine

25 occidentale, qu'il fallait la détacher ?

Page 6374

1 R. Oui, cela aurait répondu aux souhaits de la majorité des Croates de la

2 Herzégovine occidentale. Deuxièmement, si on devait dépecer cette partie-là

3 du territoire, ceci aurait été un obstacle à la construction de l'Etat.

4 Q. Ensuite, Monsieur Kljuic, vous dites dans votre déposition, encore une

5 fois à la page 19, le lundi 27 septembre, on lit comme suit : "M.

6 Milosevic, il essayait de rechercher un partenaire pour ce genre de choses,

7 comme Karadzic." A quel moment le Dr Karadzic

8 a-t-il, pour la première fois, tenté de rechercher en vous un partenaire à

9 ces fins, comme vous l'avez si bien dit ?

10 R. Après l'agression contre la Croatie au mois de mai 1991, Karadzic a

11 dit qu'il était désolé que le conflit ait éclaté, mais que la séparation et

12 le redessinage des frontières étaient les seules conclusions auxquelles

13 souhaitaient arriver les Serbes. Il m'a également dit : "Prends ce qui

14 t'appartient et nous prendrons ce qui nous appartient, et s'il reste

15 quelque chose pour les Musulmans, une petite partie du territoire, peut-

16 être qu'ils s'en satisferont."

17 Q. Vous souvenez-vous à quelle occasion précisément le Dr Karadzic vous a,

18 pour la première fois, fait cette proposition ?

19 R. Le Dr Karadzic n'a jamais caché son point de vue. Il en a fait état

20 très souvent. Si vous souhaitez que je vous cite une occasion en

21 particulier, une conversation que nous avons eue au siège du SDS, par

22 exemple, la conversation pouvait être entendue comme suit --

23 Q. Un instant, s'il vous plaît. La question que je vous ai posée très

24 précisément, je ne sais pas si vous êtes en mesure d'y répondre. La

25 question portait très précisément sur l'élément

Page 6375

1 suivant : je vous demande de vous souvenir de la première fois où

2 M. Karadzic pour la première fois vous a présenté ceci.

3 R. La première fois c'était au mois de mai 1991. Ensuite, il a redit la

4 même chose cinq fois de suite au cours du mois suivant puisqu'on avait

5 ouvert un front du côté de la Croatie.

6 Q. A quel moment pour la première fois vous en a-t-il parlé ? De quelle

7 réunion s'agissait-il et qui était présent ?

8 R. La réunion était une réunion en tête-à-tête. Il n'y avait personne

9 d'autre dans la pièce. Karadzic a dit très clairement que les Serbes

10 prendraient toutes les régions qu'ils estimaient leur appartenir.

11 Q. Quand cette réunion a-t-elle eu lieu ?

12 R. Cette réunion a eu lieu au QG du parti de Karadzic, le SDS.

13 Q. Sur quelle initiative ?

14 R. C'était l'initiative d'un ami commun qui avait des liens de

15 parenté avec un homme d'affaires appelé Ostojic. Il faut comprendre qu'il y

16 a un homme d'affaires qui s'appelait Ostojic et il y avait un ministre qui

17 s'appelait Ostojic également.

18 On lui a demandé d'organiser un débat.

19 Q. Monsieur Kljuic, pardonnez-moi, simplement pour établir la différence

20 entre les deux hommes, pourriez-vous me donner leurs prénoms, s'il-vous

21 plaît. Comment s'appelait l'homme d'affaires Ostojic ? Quel était son

22 prénom ?

23 R. Je crois qu'il s'appelait Branko. Je n'en suis pas tout à fait sûr.

24 C'était un homme qui était très influent dans les milieux d'affaires. Il a

25 demandé au député croate au parlement, Pasko Vukoje, et ils avaient épousé,

Page 6376

1 tous les deux, deux sœurs ou deux cousines. Je ne suis pas tout à fait sûr

2 du lien de parenté, mais il y avait un lien de parenté. Ils se battaient en

3 Croatie et ils ont dit : "Nous n'allons pas nous battre en Bosnie. Vous,

4 les représentants des Serbes et des Croates, vous devez essayer de parvenir

5 à un accord. Vous êtes en bons termes. Nous devons empêcher la fusillade."

6 J'ai toujours insisté là-dessus.

7 J'ai toujours dit que les dirigeants serbes de Bosnie devaient

8 condamner les crimes qui avaient été commis par la JNA et par les Serbes en

9 Croatie. C'est quelque chose qu'ils n'ont jamais fait.

10 Par ailleurs, Karadzic a dit en public, et il le disait haut et fort,

11 il disait que les Serbes prendraient tout ce qu'ils considéraient leur

12 appartenir. Etant donné que ceci pouvait être entendu dans d'autres pièces

13 également, le député au parlement que j'ai évoqué, lorsqu'il a entendu ce

14 débat très animé, il est parti. A ce moment-là, j'ai dit à Karadzic :

15 "Prenez tout ce que vous pouvez, mais la Bosnie-Herzégovine survivra."

16 Plus tard, les choses se calmaient, ensuite, la discussion reprenait et on

17 repartait sur ce même thème. Mais Karadzic s'en est plaint à Milosevic et a

18 dit que je n'étais pas un bon interlocuteur. Il m'a dit également que

19 j'avais été acheté par les Musulmans, et ils se sont rendus à Zagreb forts

20 de ces accusations.

21 Un jour, le président Tudjman m'a dit : "Stjepan, les Serbes de Bosnie se

22 sont plaints de toi et ils ont dit que tu ne voulais pas t'entretenir avec

23 eux". J'ai répondu que cela n'était pas vrai, et que si cela s'avérait

24 nécessaire, je pouvais m'entretenir avec eux dès le lendemain. J'ai promis

25 à M. Tudjman que nous allions nous rencontrer.

Page 6377

1 Il s'est avéré par la suite que Tudjman et Milosevic avaient quelque chose

2 comme un téléphone rouge. Lorsque je suis arrivé à Sarajevo le lendemain

3 matin, j'ai appelé Karadzic et je lui ai

4 dit : "Est-ce que vous souhaitez que nous nous rencontrions ?" Il a dit :

5 "Oui." C'est à ce moment-là que nous avons organisé cette réunion de

6 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine dans le bureau de

7 M. Krajisnik. A cette réunion a participé la partie croate --

8 Q. Monsieur Kljuic, cette réunion qui est connue de tous, nous allons

9 certainement y revenir, mais nous n'allons pas pouvoir étudier cette

10 question entièrement aujourd'hui.

11 M. STEWART : [interprétation] Il nous reste une dizaine de minutes et nous

12 avons laissé de côté certains points, certains qui ne vous concernent pas

13 directement, Monsieur Kljuic, mais je crois que la question des documents

14 dont il dispose à Sarajevo est quelque chose d'important. Peut-être que

15 nous pourrions aborder cette question et lorsqu'il reviendra à La Haye, de

16 savoir ce qu'il adviendra de ces questions-là.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci est quelque chose qui peut

18 être traité en cinq minutes.

19 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur Kljuic, vous avez clairement indiqué, car votre témoignage est

21 très clair à cet égard, vous avez clairement indiqué au Dr Karadzic que

22 vous n'étiez pas d'accord avec sa proposition. Cela est tout à fait

23 certain, n'est-ce pas ? Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous dites que vous étiez, encore une fois, à la page 19 du compte

Page 6378

1 rendu d'audience de lundi, le 27 septembre. Vous dites avoir été le premier

2 homme à parler en public de ce programme pour la Bosnie-Herzégovine. Vous

3 souhaitiez que la Bosnie-Herzégovine soit un état souverain, autrement dit,

4 que la Bosnie-Herzégovine ait le même statut que les autres républiques en

5 Yougoslavie, ce qui a été confirmé par la commission Badinter.

6 Je souhaite, Monsieur Kljuic, clairement comprendre ceci. Etes-vous

7 d'accord avec ceci lorsque vous dites que : "L'élément le plus important de

8 tout ce programme était la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, que la

9 Bosnie-Herzégovine maintienne ce statut-là" ? Vos discussions ne portaient

10 pas sur le maintien du statu quo, n'est-ce pas ?

11 R. Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par le terme de

12 "statu quo."

13 Q. Autrement dit, il ne s'agissait pas pour vous de vous contenter de la

14 situation telle qu'elle existait, à ce moment-là.

15 R. A quel égard ?

16 Q. Dans la phrase : "La chose la plus importante pour la Bosnie-

17 Herzégovine était sa souveraineté."

18 Il fallait que la Bosnie-Herzégovine ait ce statut. Il était

19 important que ce soit une république souveraine ayant le même statut que

20 les autres républiques en ex-Yougoslavie. S'il y avait un changement très

21 important, la Bosnie-Herzégovine, la Bosnie-Herzégovine deviendrait, à ce

22 moment-là, un Etat séparé, distinct, indépendant, souverain, et que cet

23 Etat quitterait la République fédérale de Yougoslavie, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. En utilisant vos propres termes, si cette république devait être et

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1 continuer à être république souveraine, c'est alors et c'est pourquoi

2 n'est-ce pas, que vous avez considéré qu'il s'agissait d'une république

3 souveraine qu'elle faisait, encore, partie de la Yougoslavie, n'est-ce pas

4 ?

5 R. Toutes les républiques, d'après la constitution de 1974, étaient des

6 républiques qui étaient quasiment des Etats. La Yougoslavie n'a pas été

7 démantelée. Il n'est pas important de savoir qui a procédé au démantèlement

8 de la Yougoslavie, mais, lorsque la Croatie et la Slovénie ont quitté la

9 Yougoslavie, la Yougoslavie ne pouvait plus exister en présence ou avec la

10 Bosnie-Herzégovine.

11 Pourquoi ? Car la Yougoslavie était régie ou gouvernée par une

12 présidence composée de huit membres. Il y avait des représentants de

13 Slovénie, de Croatie, de Bosnie-Herzégovine, de Vojvodine, de Kosovo, de

14 Monténégro et de Macédoine. Au cours de l'année 1990 et au début de l'année

15 1991, Milosevic avait déjà enlevé aux provinces de la Vojvodine et du

16 Kosovo le statut de provinces autonomes. Les représentants de ces pays ou

17 de ces régions, l'un d'entre eux était un Albanais, il a remplacé ces

18 personnes-là. Il avait quatre voix au sein de la présidence, il avait

19 besoin d'une voix de plus pour pouvoir introduire une dictature militaire.

20 Si la Slovénie et la Croatie quittaient la Yougoslavie, il ne restait plus

21 que six voix à la présidence, et Milosevic en avait quatre. Il avait le

22 pouvoir absolu. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvions pas rester à

23 l'intérieur d'une Yougoslavie de ce type.

24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur Kljuic, il est maintenant 2

25 heures moins 20.

Page 6380

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, nous avons

2 abordé, avant la pause, la question de savoir si vous étiez disposé à

3 apporter vos notes, votre carnet de notes lors de votre prochaine venue à

4 La Haye.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Y ayant un petit peu réfléchi, Monsieur

6 le Président, Messieurs les Juges, je ne pense pas qu'il s'agisse là

7 d'éléments qui puissent vous être utiles. C'étaient des observations

8 personnelles, des choses que j'ai consignées dans un carnet de notes. Il y

9 a des pages que j'ai déchirées, que j'ai enlevées, certaines que j'ai mises

10 de côté. Il s'agit d'éléments que j'ai consignés lors de réunions du HDZ ou

11 de réunions de la présidence. Ce qui est particulièrement intéressant en ce

12 m'en concerne, lorsque je dis concernant mon ouvrage à Karadzic que la

13 Bosnie-Herzégovine allait survivre, c'est quelque chose que vous avez déjà

14 entendu. Il y a deux ou trois exemples de ce type. Je n'ai pas classé mes

15 notes. Ce n'est pas du tout un journal à proprement parler. Ce n'est pas

16 arrangé dans l'ordre. Certaines pages n'ont pas de date. Dans certains cas,

17 nous n'avons que les initiales des participants. Par conséquent, je ne

18 comprends pas la valeur de ces documents.

19 Si c'est nécessaire, je vous apporterai deux ou trois échantillons

20 pour vous montrer un petit peu comment j'ai rédigé ceci. Cela a été rédigé

21 rapidement. Ce sont vraiment des notes personnelles. Elles n'ont pas de

22 valeur à proprement parler en tant que documents et ne seraient pas utiles

23 à la Chambre de première instance.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous nous permettez de

25 donner notre point de vue ? Nous ne savons pas si nous partageons la même

Page 6381

1 opinion que vous. Il se peut que les parties en présence, ici, aient peut-

2 être un point de vue différent du vôtre, eu égard à ce qui est pertinent ou

3 ce qui ne l'est pas. Cela peut, peut-être, porter sur un nom ou une

4 expression que nous connaissons. Je vous demande si vous êtes disposé à

5 apporter l'intégralité de vos notes ou une photocopie de ces notes à la

6 Chambre de première instance. Elles ne sont peut-être d'aucune utilité. Si

7 elles ne sont d'aucune utilité, nous ne les utiliserons pas.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai rien à cacher. Tout au long

9 de ma vie, je me suis battu pour mes idées. Je vais vous donner un, ou

10 deux, ou trois exemples de mes notes, des extraits, et vous verrez si cela

11 peut vous être utile. Vous n'arriverez peut-être pas à tous les lire, car

12 cela fait des années que je n'ai pas utilisé une machine à écrire, et mon

13 écriture n'est pas très lisible. Par l'intermédiaire des représentants qui

14 se trouvent à Sarajevo, je vous enverrai, dans une quinzaine de jours, des

15 extraits de ces notes, et vous pourrez en apprécier la valeur.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande, s'il vous plaît,

17 de nous envoyer l'intégralité de vos notes. Je puis vous assurer que, si

18 nous n'arrivons pas à lire votre écriture, évidemment, cela ne nous servira

19 à rien de poursuivre la lecture. Si ces éléments-là ne peuvent pas être

20 compris ou si on considère qu'ils ne sont pas pertinents, évidemment, nous

21 n'irons pas plus loin. Mais, si vous pouvez, s'il vous plaît, remettre ces

22 notes, à ce moment-là, nous serons en mesure de voir ce qu'il en est.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

24 les Juges. Il s'agit de notes qui sont très importantes. Je suis en train

25 d'écrire un ouvrage qui comportera 14 chapitres sur la chute du mur de

Page 6382

1 Berlin. La dernière tête de chapitres, c'est "Le Tribunal de La Haye". Une

2 fois que j'ai terminé, que j'ai classé mes notes, en général, lorsque je

3 consigne mes notes ou que je les regarde, je détruis, ensuite, les notes.

4 Je peux vous donner un certain nombre de chapitres que j'ai tapés à la

5 machine, mais ceci donne déjà mon point de vue dans mon ouvrage. Pour ce

6 qui est des questions concernant les personnes dont j'ai évoqué les noms

7 devant ce Tribunal, il y a des notes qui ont été prises au cours des

8 réunions, des comptes rendus de réunions, de choses que j'ai écrites

9 concernant mon peuple, le HDZ, qui ont été abordées par la présidence. Ce

10 sont des choses où, effectivement, ma position apparaît très clairement. A

11 ce moment-là, je pourrais vous fournir les chapitres correspondants, et ce

12 qui a déjà été publié, bien sûr.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Vous pourriez nous

14 remettre votre interprétation des faits. La Chambre et les parties

15 s'intéressent évidemment à ces sources directes.

16 Serait-il possible, s'il vous plaît, le nombre de pages qui couvrent

17 les années 1991, 1992, pourriez-vous nous dire à peu près à combien de

18 pages cela correspond ?

19 R. [Rire du témoin]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Environ 200 à 300 pages ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y aura environ 364 pages, le livre

22 comportera 360 pages en format A4. À présent, j'en ai à peu près 60 à 80.

23 J'en ai écrit 60 à 80 et ceci est peut-être envoyé chez l'éditeur, mais

24 cela correspond à un quart du livre, tout le reste a été écrit à la main.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande -- ma question porte sur

Page 6383

1 les notes que vous avez rédigées à l'époque.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serais obligé de parcourir toutes ces

3 notes, de les séparer, et voir ce qui a été consigné, pas seulement pour la

4 période qui vous intéresse, mais pour les autres périodes aussi. J'en ferai

5 une photocopie, je ne sais pas si ceci peut vous être utile ou non. J'ai du

6 mal à me retrouver dans mes papiers, c'est bête. Mais, si vous le

7 souhaitez, et ce n'est pas le souhait de l'Accusation et de la Défense, je

8 vous remettrais ces notes.

9 Dès que je rentre à Sarajevo demain, mais je vais en Allemagne par la

10 suite, à la foire du livre à Cologne, parce que mon livre, on va faire la

11 publicité de mon livre lors de cette foire au livre. Il n'y a aucun conflit

12 politique bien sûr ici.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre apprécie énormément le

14 fait que vous soyez prêt à lui remettre vos notes personnelles, et se rend

15 bien compte que vous avez besoin de quelque temps pour préparer cela.

16 Lorsque, moi-même, je prépare quelque chose que je souhaite écrire, au

17 départ tout cela n'est pas très organisé non plus. Mais seriez-vous prêt à

18 autoriser certaines personnes à vous aider à faire des photocopies, par

19 exemple ? Parce que, si vous préparez les choses comme vous nous l'avez

20 expliqué, si vous avez consigné par écrit les positions de telle ou telles

21 parties, et cetera, dans des notes personnelles, et qu'il ne s'agit pas

22 uniquement des feuillets de préparation de la publication de votre ouvrage,

23 je parle plus particulièrement de ces notes personnelles que vous avez

24 prises à l'époque, des faits, nous pourrions demander à la section chargée

25 des Victimes et des Témoins de ce Tribunal de prendre l'angle avec vous,

Page 6384

1 puisqu'il ne serait pas bon que ce soient les parties qui le fassent. Je

2 parle bien de cette section chargée des Victimes et des Témoins, qui

3 pourrait vous aider à organiser la photocopie de ces feuillets, et leur

4 renvoi à La Haye avant votre prochaine comparution. Car, comme vous l'avez

5 compris, le contre-interrogatoire n'est pas terminé, et je comprends bien

6 que, dans la dernière partie de ce contre-interrogatoire, vous êtes devenu

7 un meilleur témoin du point de vue de la personne qui vous interrogeait, ce

8 qui est d'ailleurs très apprécié. Mais je vous propose cette aide pour la

9 photocopie de vos notes personnelles. Nous pourrions nous limiter à 91, 92,

10 pour le moment et nous regarderons ces notes. Les parties aideront la

11 Chambre à procéder à cet examen, et à déterminer s'il serait utile ou pas

12 que nous vous les renvoyons.

13 Si, toutefois, vous pouviez apporter les originaux lorsque vous

14 reviendrez ici, en ayant déjà au préalable transmis des photocopies aux

15 représentants des Victimes et des Témoins, ce serait très bien, n'est-ce

16 pas ? Je vous remercie de votre coopération, Monsieur Kljuic.

17 M. HARMON : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, que

18 ces notes que M. Kljuic fournira à la Chambre ne doivent être mises à la

19 disposition de personne d'autre, hormis les parties. Ceci pourrait rassurer

20 un peu M. Kljuic.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je pense que la

22 première chose que nous ferons sera d'examiner ces notes, de voir si elles

23 sont pertinentes, si elles peuvent être utiles dans le présent procès et

24 si, en temps utile, ceci s'avérait être le cas, certains éléments seront

25 abordés en audience publique. Mais nous verrons aussi si nous pouvons avoir

Page 6385

1 de certains éléments à huis clos. Si vous envoyez ces notes au Tribunal, je

2 considère que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire pour

3 l'instant.

4 M. STEWART : [interprétation] S'agissant de l'acte physique d'envoyer

5 ces notes, elles seront envoyées au Tribunal.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kljuic et les parties

7 recevront instruction d'aider la Chambre à voir quels sont les éventuels

8 éléments pertinents dans ces notes, et tout cela n'aura rien de public. Si

9 des éléments étayent votre déposition, ou qu'à un stade plus avancé du

10 contre-interrogatoire, il est possible de s'y référer. Si vous voulez que

11 cela se passe à huis clos partiel, les choses resteront confidentielles en

12 tout cas pour commencer.

13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ferai

14 observer si vous le permettez que -- mais je demande que l'on me confirme

15 cela si tel est bien le cas, qu'au départ ces documents je pensais qu'ils

16 seraient confidentiels. Après tout nous ne demandons qu'à les voir afin de

17 vérifier s'ils peuvent servir au contre-interrogatoire et les questions,

18 bien sûr, seront posées en audience publique.

19 Monsieur le Président, il y a encore une observation ou deux que je

20 souhaiterais faire rapidement. Mais après le témoin du témoin si vous le

21 voulez bien.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, vous recevez une

23 invitation à comparaître une nouvelle fois devant ce Tribunal pour la suite

24 du contre-interrogatoire. Peut-être que les Juges auront-ils des questions

25 à vous poser également, ensuite, mais je vous demanderais si vous pourriez

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1 nous donner quelques détails au sujet de votre disponibilité dans le temps.

2 Y a-t-il des périodes où vous seriez plus disponibles que d'autre ? Enfin,

3 veuillez en informer la section chargée des Victimes et des Témoins, je

4 vous prie, qui vous accompagnera durant votre séjour à La Haye. Dites-leur

5 s'il y a des périodes où vous êtes absolument non disponible pour qu'au

6 moins le Tribunal et le bureau du Procureur en soient informés ? D'accord.

7 M. STEWART : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

8 Président. Il me vient à l'esprit qu'il y a une question que j'aurais dû

9 évoquer avant le départ du témoin qui est la

10 suivante : je me demande si je pourrais, par le truchement de la Chambre de

11 première instance, demander à M. Kljuic s'il serait prêt

12 -- ou accepterait, en tout cas, de traiter de la question de la façon

13 suivante, à savoir si des questions lui sont transmises pendant qu'il est

14 hors de La Haye. Dans ce laps de temps intermédiaire, il pourrait répondre

15 à ces questions par écrit, de façon à ce que la Chambre n'ait pas les mêmes

16 difficultés, ensuite, que celles qu'elle a eu ici, de façon que les

17 documents puissent être examinés à l'avance et que les choses soient

18 ordonnées lorsqu'il revient à La Haye. Nous pourrions dire très clairement

19 quelles sont les questions que nous souhaitons poser à M. Kljuic, le faire

20 par écrit, bien entendu, et lui demander s'il a des documents qu'il

21 pourrait nous transmettre dans le cadre de ses réponses.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, est-ce que ce

23 serait une bonne idée qu'il y ait communication écrite avec

24 M. Kljuic pour qu'il puisse se concentrer sur les documents qu'on lui

25 demande, et envoyer une copie de ces documents à la Chambre de première

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1 instance, peut-être avant l'envoi de la lettre pourrait-on lui envoyer une

2 copie de la lettre que la Chambre a l'intention d'adresser à M. Kljuic, et

3 lui donner deux ou trois jours pour que la Chambre puisse contrôler ce

4 genre de communication.

5 M. HARMON : [interprétation] Je pense que cela devait se faire bien

6 avant la comparution pendant le procès, de façon à ce que si un problème se

7 pose nous puissions l'évoquer devant la Chambre.

8 M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait ce que je pensais,

9 Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 Monsieur Kljuic, vous avez une question.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord j'aimerais dire que vous ne faites pas

13 erreur sur mon souhait. J'estime que ce sont des documents privés, ils sont

14 d'ailleurs très courts, des notes très brèves. Je pense que vous pourriez

15 les considérer comme une très bonne source d'information, mais ce sont, à

16 mon avis, des notes qui ne concernent que des conversations privées.

17 En deuxième lieu, si vous souhaitez m'envoyer des questions pour

18 gagner du temps, je vous fournirais une réponse par écrit à ces questions.

19 Troisièmement, c'est seulement à la mi-novembre que je pourrais venir

20 à La Haye un jour ou deux. Je ne pourrais pas le faire le mois prochain,

21 mais, à partir de la mi-novembre, je pourrais venir et passer encore deux

22 ou trois jours ici, en tout cas, ou aussi longtemps que vous en avez besoin

23 pour terminer mon audition.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, en général, les parties

25 n'ont le droit d'avoir aucun contact avec vous, puisque votre

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1 interrogatoire a déjà commencé. La Chambre autorise aujourd'hui les

2 parties, si elles ont des questions très précises à vous poser par rapport

3 aux documents que vous en verrez au Tribunal, de vous contacter. La Chambre

4 vous enverra une copie de la lettre qu'elle entend vous adresser et vous

5 demander, si vous répondez à cette lettre, d'envoyer une copie à la Chambre

6 de première instance, de façon à ce que celle-ci sache quel sort de contact

7 vous avez eu avant la fin du contre-interrogatoire.

8 Je vous remercie d'être venu à La Haye pour la première fois. Je vous

9 remercie de votre coopération ainsi, au sujet de ces notes. Nous

10 reviendrons sur ces questions en novembre. Merci.

11 Madame l'Huissière, pourriez-vous escorter le témoin en dehors du

12 prétoire ?

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, il y a une autre

15 question à aborder, je suppose.

16 Maître Stewart, que je remercie également les interprètes.

17 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, simplement ceci. Nous

18 sommes d'accord pour que M. Kljuic envoie par courrier ses documents, et

19 qu'il reçoive la lettre de la Chambre. Je suppose que la Chambre visera

20 opportun de nous la faire connaître également. Nous partons du principe que

21 lorsque ces documents sont arrivés, l'Accusation et la Défense auront la

22 possibilité d'examiner ces documents en même temps que les Juges.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est comme cela que j'avais compris les

24 choses. Les parties aident la Chambre, mais cela ne peut se faire sans --

25 si l'une quelconque des parties n'a pas accès à un document.

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1 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 C'est tout à fait clair. Merci beaucoup.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions,

4 Madame la Greffière, demain matin à 9 heures, nous reprenons nos débats

5 dans ce même prétoire. Je suspends --

6 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il y a

7 une autre question. On me rappelle, et c'est très utile, que notre question

8 doit être évoquée. Merci, Maître Loukas. Nous avons reçu toute l'aide que

9 nous avons pu recevoir, mais nous avons toutes sortes de problèmes avec la

10 transmission des documents entre nous et M. Krajisnik, entre les Nations

11 Unies et nous-même, et cetera. Nous sommes dans une situation, en ce

12 moment, qui est la suivante : nous avons un CD qui contient des documents

13 concernant le témoin de demain, et nous ne savons pas très bien, car il est

14 parfois difficile pour nous de le savoir, si nous avons l'autorisation de

15 les remettre à M. Krajisnik.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas autorisé à

17 recevoir ces documents pour le moment, mais je pense qu'il pourrait lui

18 être remis avec le risque de partir à la poubelle, et cetera. S'il n'y a

19 pas besoin d'autres éléments, je serai à votre disposition pour voir ce qui

20 peut être fait, mais je ne pense pas que ce soit autorisé pour le moment.

21 M. STEWART : [interprétation] C'est la difficulté que nous avons, Monsieur

22 le Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les questions précises se posent, je

24 suis à votre disposition.

25 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

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1 C'est pour le témoin de demain. C'est tout à fait clair.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Suspension jusqu'à demain à 9 heures.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 59 et reprendra le jeudi 30

4 septembre 2004, à 9 heures 00.

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