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1 Le mercredi 15 décembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 53.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez appeler
6 l'affaire, je vous prie.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire
8 IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière
10 d'audience.
11 Nous sommes ici pour entendre toutes présentations de la part des parties,
12 et je pense à une application éventuelle à l'Article 15 bis (D).
13 Vendredi dernier, le 10 décembre, les deux Juges, qui ont continué à siéger
14 après que M. le Juge El Mahdi se soit retiré de cette affaire, ont invité
15 l'accusé à informer la Chambre de première instance s'il donnait son aval
16 ou non à ce que cette affaire continue à être entendue avec un Juge
17 suppléant afin d'inclure cette information dans le rapport du Président.
18 J'ai envoyé mon rapport au Président. Je suppose qu'il a été déposé ce
19 matin et que, par conséquent, il peut maintenant être accessible aux
20 parties.
21 Lorsque la Défense a informé la Chambre, hier après-midi, du fait que le
22 consentement n'avait pas été octroyé, la Défense a demandé qu'une audience
23 puisse avoir lieu pour que des présentations orales soient faites. La
24 Défense, en fait, et les deux parties sont tout à fait en droit de
25 présenter ce qu'elles souhaiteront et ce, en amont de toute décision prise
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1 par les Juges qui continuent à
2 siéger.
3 Je sais pertinemment que la Défense a demandé qu'une audience ait
4 lieu demain matin. Les deux Juges, à savoir les deux Juges qui restent, ont
5 accepté cela. Mais étant donné qu'il n'y avait pas de prétoire disponible
6 et que les Juges n'étaient pas disposés à surseoir à cette audience, nous
7 avons prévu de le faire cet après-midi.
8 Lorsque j'ai indiqué et j'ai mis en exergue le fait que les parties
9 pouvaient présenter leur argumentation, cela était dit au vu de l'Article
10 15 (D) qui indique que les deux Juges qui continuent à siéger doivent
11 déterminer s'il va dans l'intérêt de la justice que les deux parties
12 puissent présenter cela en appel. J'aimerais inviter les parties à nous
13 indiquer tout élément nouveau. Bien entendu, la procédure en appel à une
14 certaine importance et il faut savoir que nous prendrons en considération
15 tout ce qui aura été dit avant que la décision ne soit prise par les deux
16 Juges qui restent.
17 J'aimerais savoir quelle est la partie qui souhaite intervenir en
18 premier ? Peut-être que la Défense le fera puisqu'elle est la partie la
19 plus intéressée en ce moment. Maître Stewart, poursuivez je vous prie.
20 M. STEWART : [interprétation] Très bien. Je n'ai absolument aucune
21 objection à intervenir en premier. Je comprends très bien les antécédents
22 de la procédure et je dirais que la position de
23 M. Krajisnik a été maintenant présentée de façon très claire. Nous avons
24 reçu un courrier électronique de la part de la Chambre de première instance
25 qui indiquait que cette décision les surprenait un tant soit peu, mais
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1 qu'elle était compréhensible. Bien entendu, cela est tout à fait
2 compréhensible et nous serions, il faut savoir en fait que, à la fin de la
3 présentation de nos arguments, la position de M. Krajisnik ne sera plus
4 considérée comme surprenante.
5 Voilà ce que j'aimerais dire à propos de la position de
6 M. Krajisnik, par notre intermédiaire et au vu des circonstances
7 particulières, il n'indique pas qu'il doit y avoir un nouveau procès ou une
8 poursuite de l'ancien procès. Cela pourrait être la position à l'avenir si
9 des circonstances identiques se présentaient. Mais l'avenir, c'est l'avenir,
10 il se peut, en fait, qu'aucune des mesures ne sera appropriée. Mais pour le
11 moment, Monsieur le Président, nous ne sommes pas en train de dire qu'il va
12 dans l'intérêt de la justice de n'avoir, ni un nouveau procès, ni de
13 poursuivre l'ancien procès. Il faut savoir que M. Krajisnik a indiqué son
14 point de vue de façon très claire. Il n'accepte pas, il ne donne pas son
15 assentiment pour que soit poursuivi ce procès, parce que, en fait, il
16 souhaiterait que l'affaire puisse être réentendue.
17 Bien entendu, il y a un manque de logique; mais puisque cela
18 correspond à son souhait et puisque nous avions indiqué qu'il fallait qu'il
19 y ait un nouveau procès, je pense que son consentement doit être perçu au
20 titre de l'Article 15(C). Sinon, il y aura un manque de logique dans la
21 position.
22 Alors, pour ce qui est des questions, j'aimerais, en fait,
23 paraphraser le 15 bis (D), j'aimerais dire qu'au vu de la position du point
24 de vue de M. Krajisnik, qui pense qu'une nouvelle audience ou une poursuite
25 desservira au mieux les intérêts de la justice. Parce que le 15 bis (D)
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1 stipule précisément que la décision doit être prise par les deux Juges qui
2 continuent à siéger, et il faut savoir si une poursuite de l'ancien procès
3 desservira au mieux les intérêts de la justice. Il faut savoir quelle sera
4 la solution qui desservira au mieux les intérêts de la justice.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, nous comprenons tout à
6 fait cela. Si vous prenez la version française du 15 bis (D), vous voyez
7 qu'il est indiqué qu'il faut savoir si leur décision sert mieux l'intérêt
8 de la justice.
9 M. STEWART : [interprétation] Je regarde de temps à autre la version
10 française lorsqu'il y a quelques ambiguïtés, mais je dois vous avouez que
11 je préfère de loin la version anglaise et --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est indiqué, en français, "sert
13 mieux".
14 M. STEWART : [interprétation] Je comprends mieux maintenant la grammaire en
15 question et je vous remercie. Il n'y a pas de problèmes. L'anglais est,
16 tout à fait, conforme à la version française.
17 Monsieur le Président, pour aller un peu vite en besogne, je vous
18 dirais que nous pensons que notre point de vue est tout à fait pris en
19 considération par la jurisprudence. Il n'y a aucune présomption du fait que
20 vous allez, bien entendu, décider de la meilleure solution à retenir. Il
21 n'y a pas, en fait, de présomption juridique.
22 Il faut savoir que la structure de l'Article 15 est qu'il n'y a pas
23 de poursuite sans le consentement de l'accusé, et puis, il y a, bien
24 entendu, une disposition spéciale qui prévoit une poursuite contraignante
25 obligatoire si nos arguments sont rejetés.
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1 Il faut savoir que bien qu'il n'y ait pas présomption, bien entendu,
2 cela exige une décision positive de la part des Juges.
3 En fait, ce que nous indiquons, c'est qu'à moins qu'il n'y ait des raisons
4 qui visent le contraire, un défendeur, notamment un défendeur qui se trouve
5 dans la position de M. Krajisnik et qui fait face à des chefs
6 d'inculpations si graves et se sont les chefs d'inculpation les plus graves,
7 puisqu'il y a génocide et puis toute une série de crimes très graves, donc
8 cela fait partie des chefs d'inculpations les plus sérieux. M. Krajisnik
9 est un homme âgé de 60 ans. Il a maintenant 60 ans. Il a, ses 60 ans, il
10 les a eu récemment, mais il faut savoir que s'il est déclaré coupable pour
11 tous les chefs d'inculpations, il risque l'emprisonnement à vie. Je pense
12 que, manifestement, cela doit être considéré comme un risque.
13 La prémisse, le point de départ est qu'il devrait avoir, dans la
14 mesure du possible, une assurance lorsque son procès commencera, que les
15 trois Juges pourront entendre tous les moyens de preuve présentés pendant
16 la durée du procès et ce, de façon équitable. Il se peut que cela soit
17 considéré comme une légère différence par rapport à la présomption, mais
18 nous indiquons, et c'est une déclaration de principe, que, dans la mesure
19 du possible, et nous opérons de plein pied dans la réalité, nous pensons
20 que M. Krajisnik devrait pouvoir bénéficier d'un procès avec la présence de
21 tous les Juges tout le temps.
22 L'importance de la présence des Juges pendant toute la durée du
23 procès est reconnue, avalisée et découle, en fait, d'autres dispositions de
24 l'Article 15 bis qui ne visent pas le cœur du problème, mais je pense, par
25 exemple, à l'Article 15 bis (A) qui envisage des absences à court terme du
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1 procès. Vous avez également l'Article 15 bis (F) qui autorise une Chambre
2 de première instance à étudier des questions de routine en l'absence de
3 l'un des membres de la Chambre de première instance.
4 Cela est tout à fait conforme avec ce principe et avalise également
5 ce principe essentiel.
6 Et puis, il y a également un autre principe important qui se trouve
7 dans le Règlement et qui est clair. Il s'agit de l'égalité des Juges. Nous
8 avons le Président de la Chambre de première instance,
9 M. Orie qui, bien entendu, préside et dirige l'audience, mais les trois
10 Juges sont placés sur un pied d'égalité. Lorsqu'il s'agit de prendre une
11 décision à propos de M. Krajisnik. Il est en droit de pouvoir bénéficier de
12 cette égalité et de faire l'objet de l'égalité de leur vote. En principe,
13 il pourrait être acquitté à une majorité de 2 : 1 au sein de la Chambre de
14 première instance. Donc il est absolument essentiel que, dans la mesure du
15 possible, nous ne pouvons que gérer le possible et non pas l'impossible,
16 mais il est absolument essentiel disais-je, qu'aucun Juge ne soit considéré
17 comme étant mieux à même de le faire que tout autre Juge. Par exemple, si
18 un Juge s'incline devant un autre, parce que cet autre a une meilleure
19 connaissance de cette affaire. Cela est un élément d'ordre pratique. Tous
20 les Juges de ce Tribunal sont des esprits indépendants, sinon ils ne
21 seraient pas ici d'ailleurs.
22 Monsieur le Président, Monsieur le Juge, nous remarquons que
23 l'Article 15 bis envisage des solutions de compromis, parce que nous
24 n'opérons pas dans un monde irréel. Quoi qu'il en soit, ce que nous
25 indiquons va de pair avec un principe, car nous pensons que ce compromis
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1 doit être véritablement minimaliste parce qu'il s'agit d'opérer un
2 équilibre. C'est un exercice d'équilibre, car vous avez cette frontière
3 ténue entre la poursuite de l'ancien procès ou un nouveau procès.
4 Je pense que ce que j'ai indiqué, j'ai indiqué que M. Krajisnik avait le
5 droit de voir tous les Juges siéger. Je l'ai déjà résumé. Je pense que cela
6 est tout à fait conforme avec des éléments essentiels d'une procédure,
7 d'une affaire, d'un procès. Comme dans beaucoup de tribunaux, il faut dans
8 un premier temps, qu'il y ait des audiences avec présence de témoins. Nous
9 avons l'Article 92 bis ainsi que l'Article 89(F), qui ont trait à des
10 exceptions, qui sont particulièrement limités et qui sont utilisés
11 conformément aux règlements de procédure et conformément à la jurisprudence.
12 Je pense notamment, par exemple, à l'Article 92 bis qui représente des
13 exceptions importantes. Parfois, cela n'est pas véritablement important par
14 rapport aux actes et à la conduite de l'accusé.
15 Il s'agit d'une audience orale avec présence de témoins, ce qui permet aux
16 Juges d'avoir la possibilité d'entendre tous les témoins en direct car tous
17 les témoins sont importants. De toute façon, parmi les témoins au titre de
18 l'Article 92 bis, nous avons des témoins qui ne sont considérés -- que ni
19 les Juges ni les parties souhaitent entendre de vive voix.
20 J'ai mentionné également l'Article 15 bis (A). J'ai mentionné cette
21 possibilité à court terme. Cela se limite à l'absence de cinq jours d'un
22 Juge. De toute façon, cela n'est pas automatique, et cela n'est utilisé que
23 lorsque les circonstances le justifient. Nous avons une audience orale avec
24 la possibilité qui est donnée à tous les Juges, et cela d'ailleurs est
25 renforcé et étayé par différentes dispositions de l'Article 15 bis, donc
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1 présence de tous les Juges pendant toute la durée du procès. Nous avons une
2 présence physique des témoins sous réserve de certaines demandes qui sont
3 présentées dans le cas de présentation de moyens de preuve par liaison
4 vidéo. C'est toujours conformément à l'Article 71 bis. Cela représente une
5 exception qui, de temps en temps, est utilisée de façon intelligente. Mais
6 ce n'est pas la procédure de base. La procédure de base est que les témoins
7 viennent présentent leur déposition qui est entendue par tous les Juges,
8 ensuite il y a un contre-interrogatoire.
9 Voilà en quelque sorte la toile de fond.
10 La situation est telle en ce moment, qu'en un mot comme en cent, nous
11 avons essayé de résumer assez rapidement tous ces renseignements. Monsieur
12 le Président, si les chiffres que j'avance ne sont pas entièrement précis,
13 bien que je pense qu'ils le sont, l'imprécision dont il est question n'est
14 pas véritablement si importante. Si nous faisons une ou deux petites
15 erreurs, il se peut que nous soyons corrigés. Cela ne va pas avoir une
16 incidence sur le fond de ce que nous présentons.
17 Alors, vous avez entendu jusqu'à présent 41 témoins de vive voix, en
18 ce sens, qu'ils n'étaient pas considérés au titre de l'Article 92 bis. Ils
19 n'étaient pas considérés de façon partielle au titre de l'Article 92 bis.
20 Il s'agit de témoins de vive voix qui ont pu faire l'objet d'un contre-
21 interrogatoire. Il s'agit de 41 témoins. Un de ces témoins était un témoin
22 expert, M. Treanor. Les autres témoins étaient des témoins qui témoignaient
23 sur les faits. Là, je n'en suis pas absolument sûr du chiffre que j'avance,
24 Monsieur le Président, mais d'après ce que nous avons calculé, 17 de ces
25 témoins présentaient des éléments au titre de l'Article 89(F). Il
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1 s'agissait de raccourcir la présentation des moyens à preuve.
2 Voilà la catégorie des témoins de vive voix.
3 Ensuite, nous avons eu cinq témoins pour lesquels l'interrogatoire
4 principal a été admis aux termes de l'Article 92 bis, mais qui ont fait
5 l'objet de contre-interrogatoire. Ces personnes sont venues ici, et on fait
6 l'objet d'un contre-interrogatoire. C'est la deuxième catégorie de témoins.
7 Nous avons une troisième catégorie de témoins. Nous avons un chiffre
8 de 40, un peu plus de 40 témoins qui, au titre de
9 l'Article 92 bis, sont considérés comme des témoins pour lesquels les
10 moyens de preuve ont été admis, mais sans contre-interrogatoire.
11 Vous avez ces trois catégories de témoins qui, en un sens, ont soit
12 été entendus entièrement ou ont été entendus au titre de l'Article 92 bis,
13 ce qui fait que c'est comme s'ils avaient été entendus puisque leurs moyens
14 de preuve ont été versés au dossier.
15 Il y a une quatrième catégorie de témoins. Il s'agit de plusieurs
16 témoins. Je pense qu'il y en a quelque trois à quatre. Il s'agit de témoins
17 au titre de l'Article 92 bis. Leur témoignage a déjà été admis, mais ils
18 doivent venir pour faire l'objet d'un contre-interrogatoire.
19 Voilà pour ce qui est de ces témoins. Il faut savoir que nous avons -
20 - et c'est un chiffre rond. Nous avons eu exactement 100 journées
21 d'audience d'après les calculs que nous avons faits pour la Défense. Vous
22 connaîtrez, bien entendu, les circonstances du début du procès puisque cela
23 s'est échelonné sur 11 mois. Mais nous avons eu, quoi qu'il en soit, 100
24 journées d'audience.
25 La question suivante qu'il convient de se poser, consiste à aborder
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1 ce que nous voulons, à savoir, un nouveau procès. Qu'est-ce que cela
2 représentera ? Compte tenu des règles et de la procédure établies, il faut
3 savoir qu'il y a quand même une certaine souplesse avec entente des parties
4 et accord des parties. Je dirais d'emblée, Monsieur le Président, que la
5 demande de la Défense ne va pas demander que le procès commence comme si
6 rien ne s'était passé au préalable, hormis l'acte d'accusation, la phase
7 préalable au procès. Nous n'allons pas commencer ou recommencer comme si
8 rien ne s'était passé, comme si aucun témoin n'était jamais venu, comme
9 s'il n'y avait aucune décision qui avait été prise au titre de
10 l'Article 92 bis, hormis celles qui ont été prises avant le début du procès.
11 Ce n'est pas ce que nous suggérons. Ce n'est pas ce que nous proposons.
12 Nous ne pensons pas qu'il serait judicieux d'envisager, de rouvrir tous les
13 aspects du procès. Mais nous continuons à maintenir qu'il faut que nous
14 ayons un nouveau procès par opposition à une poursuite de l'ancien procès.
15 Je vais, un tant soit peu, étoffer ce que j'avance pour que vous
16 compreniez ce que nous proposions, et pour que vous compreniez dans quelle
17 mesure cela sera pratique.
18 Monsieur le Président, voilà ce que pense, ou ce qu'avance la Défense.
19 Dans le cadre de ce nouveau procès, nous n'allons pas nous évertuer à
20 rouvrir le procès. Il ne va pas y avoir renouvellement des demandes, si
21 c'est ainsi qu'il faut le dire du point de vue technique. Je pense, par
22 exemple, à l'Article 92 bis. Pour tous les témoins au titre de l'Article 92
23 pour lesquels vous avez déjà indiqué que les éléments de preuve doivent
24 être admis, nous accepterons cela. D'ailleurs, même s'il s'agit d'un
25 nouveau procès, et nous avons toujours l'Article 15 bis qui envisage la
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1 poursuite du procès, il s'agit toujours de l'affaire du Procureur contre
2 Momcilo Krajisnik.
3 Nous accepterions les témoins au titre de l'Article 92 bis. Nous
4 n'allons pas essayer de faire revenir les témoins au titre de l'Article 92
5 pour lesquels les moyens -- l'interrogatoire principal a été admis, et pour
6 lesquels -- il y en avait cinq, et nous avons été en mesure de les contre-
7 interroger. Nous accepterions que leur déposition soit considérée comme une
8 déposition. Et du point de vue pratique, cela serait notre position vis-à-
9 vis de ces témoins. C'est un peu équivalent au cas de figure que nous
10 aurions si nous acceptions la poursuite de l'ancien procès.
11 Ce qui était essentiel, et j'espère que je n'ai omis aucune catégorie. Je
12 pense aux décisions de l'Article 92 bis. Il y a également cette catégorie
13 plus limitée de témoins dont les éléments de preuve ont été admis, mais qui
14 ne sont pas encore venus ici pour leur contre-interrogatoire. Nous n'allons
15 pas essayer de faire en sorte que soit rouverte l'admission de leur
16 déposition ou de leur déclaration au titre de l'Article 92 bis. Il y aura
17 peut-être des éléments plus secondaires tels que, par exemple, des
18 questions d'expurgation. Ils sont tellement secondaires, qu'ils n'ont
19 aucune incidence.
20 Il faut savoir que le cœur de ce que nous avançons par rapport à
21 cette nouvelle audience, vient ou consiste à avoir une liste relativement
22 limitée de témoins importants. J'ai déjà indiqué que tous les témoins sont
23 importants. Nous savons que nous sommes tous égaux, mais certains sont plus
24 égaux que d'autres. Il en va de même pour les témoins. Peut-être que je
25 pourrais -- et je vais être très circonspect, Monsieur le Président,
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1 lorsque je vais donner ces noms. Je pourrais peut-être vous donner une
2 douzaine de noms. Si vous me le permettez, je vais tout simplement vous
3 donner lecture de leurs noms. Ce sont des noms que vous connaissez,
4 Monsieur le Président. Puis-je le faire ?
5 [Le conseil de la Défense se concerte]
6 M. STEWART : [interprétation] Mes collègues avaient peur que je donne le
7 nom de témoins protégés, mais c'était inutile.
8 Les témoins concernés sont les suivants : M. Deronjic,
9 M. Treanor, M. Kirudja, M. Okun, un témoin protégé, un autre témoin
10 protégé, Kljuic. Je reviendrai tout à l'heure sur les témoins dont le
11 pseudonyme porte la mention KRAJ. Radic, Mandic et Karabeg. Les témoins
12 protégés en question sont les témoins 625, 623 et 583. Je pense que vous
13 savez de quels témoins je veux parler.
14 Messieurs les Juges, s'agissant de M. Deronjic, je souhaiterais vous faire
15 part des suggestions de la Défense car ceci se situe au cœur de notre
16 argumentation. M. Deronjic a déposé pendant cinq jours à peine. Sans entrer
17 dans les détails, la Défense souhaiterait qu'en cas de nouveaux procès, M.
18 Deronjic, vienne de nouveau témoigner devant les trois Juges de la Chambre.
19 M. Treanor a déposé pendant dix jours. Nous pensons qu'il est inutile
20 et déraisonnable que M. Treanor revienne pour témoigner de nouveau pendant
21 dix jours en plus du rapport important qu'il a déjà déposé. Nous suggérons,
22 en revanche, qu'il revienne pendant deux jours maximum. Etant donné que la
23 Défense connaît mieux le dossier qu'à l'époque où elle a procédé au contre-
24 interrogatoire de
25 M. Treanor, elle souhaiterait poser à ce dernier d'autres questions. Je
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1 pense qu'il s'agirait là d'informations utiles pour le nouveau Juge. La
2 différence entre deux jours et dix jours est assez importante. Je pense
3 qu'il serait avantageux pour tout le monde de le faire revenir.
4 En ce qui concerne M. Kirudja, ce dernier a déposé pendant trois jours à
5 peine. S'agissant de M. Kirudja, et cela s'applique à plusieurs témoins,
6 nous sommes d'avis que son témoignage, qu'il s'agisse d'un témoignage au
7 titre de l'Article 92 bis ou non, doit être pris en considération dans le
8 cadre d'un nouveau procès. Nous pensons qu'il devrait revenir. Nous n'avons
9 pas eu suffisamment de temps pour entrer dans les détails. Pour le moment,
10 nous pensons qu'il serait raisonnable qu'il revienne pour un jour maximum.
11 En ce qui concerne M. Okun, ce dernier a déposé pendant trois jours et
12 demi. Nous le plaçons dans la même catégorie que M. Kirudja. Nous pensons
13 que deux jours au plus seraient nécessaires pour lui.
14 En ce qui concerne le témoin 625, comme M. Deronjic, la Défense
15 souhaiterait qu'il revienne et dépose à nouveau, fournisse un nouveau
16 témoignage dans son intégralité.
17 En ce qui concerne le témoin protégé 623, il a déposé pendant quatre jours.
18 La Défense souhaiterait qu'il revienne pour une journée afin d'être contre-
19 interrogé par la Défense. Messieurs les Juges, lorsque nous disons qu'il
20 revienne pour le contre-interrogatoire, nous n'excluons pas la possibilité
21 que l'Accusation souhaite également lui poser des questions supplémentaires
22 dans le cadre de l'interrogatoire principal. Nous ne savons pas quelle est
23 la position de l'Accusation à ce sujet. Nous n'anticipons pas quelle sera
24 la position de la Défense, et nous n'avons pas de position en ce qui
25 concerne d'éventuelles objections de notre part à cela. Nous ne faisons que
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1 présenter la position de la Défense à ce stade.
2 En ce qui concerne M. Kljuic, ce dernier reviendra de toute façon.
3 Puisqu'il reviendra, de toute façon, nous souhaiterions l'entendre. Le
4 nouveau Juge devrait l'entendre également. Que ce soit dans le cadre de la
5 poursuite du procès ou dans le cadre d'un nouveau procès, M. Kljuic doit
6 revenir. Nous pensons que son témoignage doit être pris en considération,
7 qu'il doit faire l'objet d'un nouveau contre-interrogatoire. Il a déjà
8 fourni certains éléments qui ont été débattus lorsqu'il est venu déposer
9 plus tôt.
10 En ce qui concerne le témoin 583, il a déposé pendant trois jours. La
11 Défense souhaite attendre avant de faire connaître sa position à ce sujet.
12 Nous n'avons pas de demande particulière en ce qui nous concerne pour le
13 moment. Nous n'avons pas pris de décision à ce sujet. Pour être tout à fait
14 honnêtes, nous n'avons pas eu énormément de temps pour examiner en détail
15 son témoignage. Nous réservons notre position en ce qui nous concerne.
16 Pour ce qui est de M. Radic, il a témoigné pendant trois jours à peine. La
17 Défense souhaiterait qu'il revienne. Comme dans tous les cas, ceci
18 permettra au nouveau Juge d'entendre ce témoin, ne serait-ce que pendant
19 une journée.
20 En ce qui concerne M. Bjelobrk, je ne peux pas assurer qu'il reviendra, car
21 je suis conscient que les Juges réservent leur position en ce qui concerne
22 M. Bjelobrk. La position de la Défense est qu'il reste encore quelques
23 points litigieux entre la Défense et l'Accusation à ce sujet. Mais nous
24 sommes d'avis qu'il serait justifié de faire revenir M. Bjelobrk. En ce qui
25 concerne
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1 M. Bjelobrk, nous souhaiterions le placer dans la même catégorie que M.
2 Kljuic, à savoir, accepter son témoignage, et le faire revenir de manière à
3 ce que le nouveau Juge puisse l'entendre.
4 En ce qui concerne M. Mandic, tout en réservant notre position à son égard,
5 comme pour tous les autres témoins, nous ne voulons pas, et nous ne
6 souhaitons pas exclure la possibilité que nous présentions une demande
7 visant à le faire revenir quoi qu'il arrive. Pour le moment, nous n'avons
8 pas de telles intentions en ce qui concerne
9 M. Mandic. Nous réservons notre position à ce sujet. Peut-être que nous
10 souhaiterons finalement le faire revenir. Car il y a énormément d'éléments
11 qui ont été présentés par le truchement de M. Mandic, je ne souhaite pas
12 rentrer dans des détails douloureux, mais il n'est pas impossible que nous
13 demandions à ce qu'il revienne. Nous réservons notre position au sujet de
14 M. Mandic.
15 En ce qui concerne M. Karabeg, je pense que j'en ai déjà parlé. Ou tout du
16 moins, j'avais l'intention de le faire. Il a témoigné pendant deux jours,
17 sa déposition s'est prolongée finalement pendant trois jours, donc au total
18 cela a duré deux ou trois jours. Je ne connais pas très bien les détails,
19 mais il a présenté certains journaux, et il est question qu'il fasse
20 l'objet d'un contre-interrogatoire qui ne durera pas plus de quelques
21 heures.
22 Voici les témoins principaux que je souhaitais mentionner dans le cadre de
23 l'audience d'aujourd'hui. Dans certains cas, il y a une approche variable.
24 Parfois, nous avons réservé notre position, parfois, nous avons réservé
25 notre position tout en indiquant qu'il existait une forte possibilité que
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1 nous présentions une requête visant à faire revenir tel ou tel témoin.
2 Parfois, nous avons exprimé notre souhait de faire revenir certains
3 témoins.
4 En tout état de cause, nos propositions doivent faire l'objet de
5 discussions entre les parties. Voici, en principe, l'approche adoptée par
6 la Défense. Notre avis sur la question, telle que nous le présentons
7 aujourd'hui, nous avons exprimé également notre position en ce qui concerne
8 les témoins 92 bis.
9 En ce qui concerne le retour de M. Deronjic et d'un autre témoin, et la
10 possibilité d'entendre de nouveau l'intégralité de leurs dépositions, en ce
11 qui concerne la position que nous avons exprimée au sujet des autres
12 témoins, telle que je l'ai résumée, nous pensons qu'il faudra environ une
13 quinzaine de journées d'audience dans le cadre d'un nouveau procès, par
14 opposition à la poursuite du procès actuel, qui serait nécessaire pour
15 cela. Je pense qu'il y avait deux témoins pour lesquels la Défense souhaite
16 qu'ils reviennent et déposent de nouveau dans leur intégralité, et je pense
17 qu'il serait le temps qu'il nous faudrait dans le cadre d'un nouveau
18 procès. Je vous ai parlé de ce qu'il en était pour les témoins concernant
19 le contexte -- les témoins de faits, il s'agit là d'éléments importants de
20 l'affaire. Si nous mettons de côté ces témoins-là, il reste finalement très
21 peu de témoins fondamentaux. Nous vous présentons en temps voulu notre
22 position concernant l'importance de certains de ces témoins. Toujours est-
23 il, qu'il convient d'établir une distinction réelle entre un nouveau procès
24 et la poursuite du procès actuel.
25 Si nous poursuivons la procédure actuelle, le nouveau Juge sera face à une
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1 tâche énorme qui consistera à lire l'intégralité du dossier de façon à être
2 suffisamment familiarisé avec celui-ci et à se trouver à une pied d'égalité
3 avec les deux autres Juges afin d'apporter sa contribution de façon égale
4 et équitable. Bien entendu, il n'y a pas de différence intellectuelle entre
5 les différentes Juges, mais un Juge est un être humain, après tout, qui
6 doit en quelque sorte rattraper le temps perdu pour être à niveau avec les
7 deux autres Juges. Bien entendu, ceci n'est pas très différent des tâches
8 qui incombent à un nouveau juge où dans le cadre d'un nouveau procès. Nous
9 estimons que les Juges Orie et Canivell ont l'intention de rester dans
10 cette affaire.
11 M. le Juge Orie a indiqué vendredi dernier son point de vue et selon lequel
12 le nouveau juge aurait besoin davantage de temps si le procès actuel devait
13 se poursuivre s'il y avait un nouveau procès. Si je peux accepter ce point
14 de vue aux fins de mon argumentation, la Défense n'est pas tout à fait
15 d'accord avec cela. A notre avis, il est peu probable qu'il y ait des
16 différences importantes en terme de sommes de travail et de calendrier.
17 Mais ceci peut-être débattu.
18 Si le président de la Chambre est correcte, ou a eu raison de faire cette
19 observation, à savoir que cette différence de 15 jours que nous avons
20 calculé entre un nouveau procès et la poursuite du procès actuel, beaucoup
21 de ce temps-là pourrait être éliminé ou épargné si nous continuions avec
22 cette affaire, car, en fait, le président a indiqué qu'il s'attendait à ce
23 que l'on poursuive le procès actuel -- ou à ce que l'on reprenne deux ou
24 trois semaines plus tard que si l'on commençait un nouveau procès, ce qui
25 correspondrait à ces 15 jours de différence. Si nous partons de ce
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1 postulat, la Défense n'est pas d'accord avec cela. Nous pensons que ceci
2 constitue une différence importante.
3 Nous avons indiqué notre souhait de citer à nouveau à comparaître certains
4 témoins si le procès actuel devait se poursuivre. Nous pourrons présenter
5 en temps voulu notre argumentation plus détaillée à ce sujet. Nous sommes
6 d'avis que
7 M. Treanor devrait revenir pour quelques jours, que M. Bjelobrk doit
8 revenir de toute façon, et il se pourrait que nous demandions -- que nous
9 présentions des requêtes au sujet de Deronjic et du témoin 625, à savoir
10 que ces témoins devraient au moins revenir pour un nouveau contre-
11 interrogatoire, ce qui est différent de la procédure qui serait adoptée
12 dans le cas d'un nouveau procès où il devrait revenir et déposer de nouveau
13 en totalité.
14 Nous pensons qu'il n'y a pas de précédent applicable dans la jurisprudence
15 de ce Tribunal ou d'autres Tribunaux, comme celui d'Arusha, ce qui nous
16 permet d'interpréter différemment et de façon plus raisonnable l'Article 15
17 bis. Les options qui s'offrent à nous en vertu de cet article sont claires.
18 Il est difficile de présenter des arguments à ce sujet sans mentionner le
19 procès engagé contre
20 M. Milosevic, dont tout le monde parle. Dans l'affaire Milosevic, bien
21 entendu, nous savons que dans des circonstances tout à fait malheureuses,
22 l'un des juges de la Chambre a quitté l'affaire. C'est que nous regrettons
23 tous. Il y a eu un remplacement et nous savons qu'un juge écossais a
24 rejoint cette Chambre. Mais il s'agit d'un cas tout à fait particulier.
25 L'accusé n'a exprimé aucun point de vue concernant son attitude générale
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1 envers le Tribunal et la procédure. Il était peu probable qu'il exprime son
2 point de vue par rapport aux règlements. Il ne l'a pas fait. Donc, aucune
3 des parties, aucun des amicus curiae n'a demandé à ce qu'il y ait un
4 nouveau procès. Les amicus curiae ont dit qu'il ne devrait pas y avoir un
5 nouveau procès en raison du mauvais état de santé de M. Milosevic. Ils ne
6 sont pas allés au-delà de cet argument. Lorsque tout cela s'est produit,
7 bien entendu, le procès se tenait déjà depuis quelque temps. La Chambre de
8 première instance, ou les Juges restant dans cette affaire, n'ont pas fait
9 valoir aux dispositions de l'Article 15(D) pour demander un nouveau procès.
10 Donc, cette question n'a jamais été soulevée dans aucun procès.
11 La situation ici est bien différente. M. Milosevic avait été emmené à
12 La Haye le 21 juin 2001. Son procès avait commencé le 12 février 2002. La
13 présentation des moyens à chargé, c'était amené le 27 février 2004, et peu
14 de temps après, le Juge May avait annoncé qu'il se retirait. L'audience
15 consacrée à l'Article 15 bis du règlement dans cette affaire, que j'ai
16 résumé, a eu lieu le 25 mars 2004. D'après nos informations et d'après nos
17 calculs, il y a eu entre 290 et 300 journées d'audience dans l'affaire
18 Milosevic, où il y avait eu autant de journées d'audience à ce stade, et la
19 présentation des moyens à charge avait duré -- avait commencé depuis des
20 semaines.
21 Tout ce que nous souhaitons dire, c'est qu'il s'agit d'un cas de
22 figure bien différent.
23 J'en arrive presque à la fin de mes arguments, et je vous remercie encore
24 une fois de m'avoir donné la possibilité de les présenter. Il y a bien la
25 question des témoins. C'est un facteur crucial. Nous ne faisons pas valoir
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1 que ceci n'est pas pertinent dans "l'intérêt de la justice". Il y a de
2 nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte en matière de pertinence.
3 En principe, chaque témoin qui doit revenir déposer à La Haye est un
4 facteur important, et il convient d'accorder le poids qui convient à sa
5 déposition. Mais on ne peut pas mettre dans la même catégorie l'intérêt
6 limité ou relatif que présentent les témoignages des témoins et les
7 intérêts de
8 M. Krajisnik. Il faut garder à l'esprit, selon nous, que l'intérêt de M.
9 Krajisnik, qui est celui que l'on juge en l'espèce, est bien plus important
10 que l'intérêt d'un témoin, quel qu'il soit. En tout état de cause, il en
11 résulte que les témoins ne subiraient pas de préjudice dans le cadre d'un
12 nouveau procès, ce qui n'est pas le cas de
13 M. Krajisnik, qui avait une poursuite de ce procès. Car le nombre de
14 témoins qui reviendrait serait très limité.
15 Dans cette catégorie, nous pouvons mentionner au moins un témoin,
16 dans la catégorie des témoins qui sont en détention de toute façon. Dans
17 son cas particulier, les désagréments seraient très limités.
18 D'autres ont exprimé leurs souhaits sincères d'aider à découvrir la
19 vérité, et pour ce témoin, il n'y a pas de difficultés particulières au-
20 delà des désagréments normaux que présenterait le fait de revenir. Je ne
21 dis pas que cela ne posera pas des problèmes à certaines personnes, mais
22 pour d'autres, je suis sûr qu'ils seraient ravis de revenir à La Haye
23 pendant quelques jours, s'agissant des témoins qui ne sont pas
24 fondamentalement réticents à témoigner, qui ont exprimé leur désire de nous
25 aider à rechercher la vérité.
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1 Je souhaite ajouter qu'une liaison satellite aux termes de l'Article 72 bis
2 est toujours une possibilité en cas du désagrément important. Donc, ce que
3 je souhaitais dire est que les désagréments que cela occasionnerait pour
4 certains témoins en principe sont inévitables, mais que ceci ne doit pas
5 faire perdre de vue les intérêts de M. Krajisnik. Nous pensons que rien
6 n'indique que les témoins en l'espèce auraient des problèmes de
7 disponibilité insurmontables. Je ne veux pas parler des témoins que
8 personne ne peut convaincre de venir témoigner, ou que personne ne peut
9 contacter. Il s'agit d'un autre problème qui dépasse largement le cadre de
10 cette procédure. En ce qui concerne les témoins que nous avons identifiés,
11 nous n'avons pas relevé de problèmes significatifs ou insurmontables en ce
12 qui concerne leur disponibilité. En tout état de cause, un nouveau procès
13 dans les conditions que nous avons suggérées par opposition à la poursuite
14 du procès actuel ne semble pas présenter de difficultés supplémentaires
15 insurmontables.
16 En ce qui concerne la question du calendrier, nous avons déjà fait valoir
17 qu'il n'y a pas de différence significative dans le calendrier si la
18 Chambre devait adopter la proposition de la Défense, même s'il y a quelques
19 points de détail qui sont différents. Il ne s'agit, malgré tout, pas d'une
20 différence massive.
21 Du point de vue de M. Krajisnik - et nous en avons déjà parlé
22 précédemment - ce dernier est en détention, bien sûr, et en principe, selon
23 lui, le plus vite ce procès sera terminé, mieux ce sera. Mais
24 M. Krajisnik souhaite qu'il y ait un nouveau procès, que l'affaire soit
25 réentendue, sans que cela ait des conséquences marquantes en termes de
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1 calendrier, mais s'il devait y en avoir, il en est conscient. Il les
2 accepte. Même si nous sommes persuadés que la Chambre de première instance
3 garde toujours à l'esprit les intérêts de M. Krajisnik, il est inutile pour
4 elle qu'elle donne à
5 M. Krajisnik des sujets de préoccupation supplémentaires, alors que lui-
6 même est prêt à accepter la position de la Chambre.
7 En ce qui concerne l'intérêt plus large du public au sujet du
8 calendrier, nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un facteur fondamental. La
9 question de la fin de ce procès n'a pas un effet limité, et je pense qu'il
10 serait peut-être même préférable que les parties prennent le temps de
11 décider de cette question tranquillement, vu l'expérience que nous avons eu
12 précédemment dans l'affaire. Cela nous permettra de limiter les disparités.
13 Les différends en termes de calendrier entre un nouveau procès et la
14 poursuite de ce procès doivent être mis en équilibre. Il ne faut pas que
15 cela se fasse au détriment des intérêts de l'accusé, qui est déjà en
16 détention depuis quatre ans et demi, et qui, de toute façon, passera
17 inévitablement au moins six années entre le moment de son arrestation et le
18 jugement qui sera rendu en espèce. Donc, les implications en matière de
19 calendrier ne doivent pas être considérées au début qui montre les intérêts
20 et les préférences de M. Krajisnik. Ce n'est pas lui certes qui tranche
21 cette question, mais ses préférences doivent être prises en considération.
22 En ce qui concerne la stratégie d'achèvement du Tribunal, nous avons
23 eu un échange bref à ce sujet, il y a quelques semaines. Cette stratégie
24 s'inscrit dans le cadre général dans lequel le Tribunal doit terminer ses
25 activités à une date fixée. Nous sommes reconnaissants à la Chambre de nous
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1 avoir confirmé que ces questions s'inscrivaient simplement dans un cadre
2 général et n'avaient pas d'incidence sur les décisions judiciaires qui
3 seront prises dans cette affaire. Nous apprécions cette confirmation. Pour
4 dire les choses différemment, la stratégie d'achèvement et les questions y
5 afférentes peuvent, en principe, être conçues pour accommoder des décisions
6 judiciaires que la Chambre doit prendre et pas le contraire. Sinon, comme
7 on dit en anglais, c'est le chien qui se mord la queue.
8 En ce qui concerne les ressources, nous ne disons pas que la question
9 des ressources n'est jamais pertinente, et dans un monde parfait, tout
10 pourrait être fait sans limite de dépenses. Mais si nous vivions dans un
11 monde parfait, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Bien entendu, le temps
12 c'est de l'argent. Mais nous pensons que, sans perdre de vue la question
13 des ressources, il faut garder cela en perspective. Si l'on demande ce qui
14 permettrait le plus probablement de parvenir à une décision juste dans
15 cette affaire, juste et équitable, il convient de voir si les implications
16 en matière de ressources sont disproportionnées et pourraient avoir une
17 incidence sur les conclusions de l'affaire. Mais de toute façon, il ne faut
18 pas que cela déséquilibre sérieusement l'intérêt de la justice.
19 La difficulté, et j'en viens à mes dernières observations à ce sujet,
20 la difficulté principale que nous avons rencontrée tout au long de notre
21 préparation au procès du côté de la Défense, c'est la question du temps.
22 Nous pensons que la Défense a commencé cette affaire sous des pressions
23 énormes. Comme vous le savez fort bien, nous n'avons pas été en mesure de
24 terminer nos préparatifs préalables au procès lorsque le procès a commencé
25 le 3 février 2004. Ceci a été reconnu.
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1 Nous avons interrogé des témoins importants alors que nous
2 connaissions mal le dossier. Nous avons fait de notre mieux pour faire
3 notre travail, mais nous n'étions pas suffisamment familiarisés avec
4 certaines des questions du dossier. C'est l'une des raisons pour lesquelles
5 nous sommes en faveur d'un nouveau procès et pour lesquelles nous
6 souhaitons faire revenir quelques témoins qui, selon nous, sont
7 particulièrement importants, et ceci nous permettrait de compenser ce
8 manque de préparations préalables.
9 Je souhaiterais dire que si une procédure similaire existait pour les
10 conseils similaire à la procédure prévue pour le nouveau Juge, ce nouveau
11 Juge devra en cas de poursuite du procès, prouver qu'il s'est suffisamment
12 familiarisé avec le dossier de l'affaire. Ceci aurait pu se faire pour les
13 conseils de la Défense qui auraient pu devoir signer une espèce de
14 certificat garantissant qu'ils étaient suffisamment prêts à défendre M.
15 Krajisnik. Je doute que j'aurais signé ce certificat aujourd'hui. Je pense
16 que j'y aurais réfléchi à deux fois.
17 Je pense que Me Loukas aurait été encore moins enthousiaste pour ce
18 faire.
19 Enfin, j'espère que les Juges comprendront bien que je ne dis pas
20 cela dans un esprit hostile. Nous nous trouvons dans une situation tout à
21 fait particulière. Si on y réfléchit, le fait que les procédures conçues
22 par les Nations Unies, ces procédures sont telles qu'un Juge peut commencer
23 un procès alors que l'on sait que ce procès se poursuivra au-delà de la fin
24 de son mandat, et s'il n'est pas réélu, ce qui constitue un risque tout à
25 fait sérieux et bien connu, car les élections sont toujours quelque chose
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1 d'imprévisible, il convient de trouver une solution pour l'affaire et c'est
2 tout à fait insatisfaisant. Ce n'est pas dans l'intérêt de la justice selon
3 nous. Mais bien entendu, ceci ne concerne peu ceux qui préparent le budget
4 à New York, à La Haye, ou ailleurs. Toujours est-il, qu'il s'agit d'une
5 situation très difficile et insatisfaisante. Nous respectons le fait que le
6 Juge El Mahdi se soit récusé dans cette affaire étant donné la situation
7 dans laquelle il se serait trouvé en novembre prochain. Mais cela reste
8 insatisfaisant. Selon la Défense, M. Krajisnik a exprimé clairement la
9 préférence selon laquelle il aurait souhaité que nous terminions le procès
10 avec la même composition de cette Chambre, et nous pensons qu'il serait
11 dans l'intérêt de la justice d'envisager un nouveau procès. La Défense est
12 prête à se lancer dans ce nouveau procès et accepte les ajustements que
13 cela nécessiterait dans les conditions que nous avons mentionnées.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stewart.
15 Monsieur Harmon.
16 M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je
17 serais beaucoup plus bref que Me Stewart.
18 Dans un premier temps, j'aimerais vous dire que lorsqu'on lit tout
19 simplement le règlement, il est implicite qu'un Juge suppléant peut
20 véritablement se familiariser avec le dossier d'une affaire et peut se
21 mettre dans la situation qui permettra à l'accusé d'être assuré qu'un
22 troisième Juge suppléant aura eu la possibilité d'entendre tous les
23 éléments de preuve et de lire tous les éléments de preuve qui ont été
24 présentés jusqu'à présent au cours des 100 jours de procès.
25 Il y a un précédent -- en fait, il y a deux précédents dont je suis
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1 conscient, précédent en vertu duquel un Juge suppléant est arrivé dans une
2 affaire. Le premier, je ne vais pas développer cette question, est
3 l'affaire Milosevic. Me Stewart en a parlé. Le deuxième cas est l'affaire
4 Blaskic où M. le Juge Fouad Riad a été, du fait d'un problème médical, en
5 incapacité de siéger et n'a pas pu entendre tous les moyens à charge et il
6 a fallu donc qu'un Juge suppléant,
7 M. le Juge Rodrigues, se familiarise, et il s'était familiarisé avec bon
8 nombre d'éléments de preuve dans cette affaire, et il a pu siéger
9 d'ailleurs avec grand brio lors de cette affaire. Toutes les parties de
10 l'affaire ont été satisfaites que le Juge Rodrigues a véritablement pu
11 comprendre tous les moyens de preuve et a eu la possibilité d'écouter, de
12 délibérer de ces moyens de preuve.
13 J'aimerais maintenant vous parler du sous-alinéa D. Il s'agit du
14 point de vue de l'Accusation, et ce, en des termes très clairs et très peu
15 équivoques, car, je pense qu'il va dans l'intérêt de la justice de nommer
16 un Juge suppléant. Un Juge suppléant peut, dans un premier temps, se mettre
17 dans la position qui lui permet de connaître l'affaire qu'il va entendre,
18 de connaître tous les éléments, et peut, bien entendu, se familiariser avec
19 le dossier écrit, toutes les pièces à conviction, les enregistrements vidéo
20 de chacun des témoins qui ont déjà déposé dans cette affaire. Si le Juge
21 souhaite, par exemple, entendre un témoin, l'un des témoins, prenons par
22 exemple, le cas de M. Kirudja, l'un des témoins qui a été cité par la
23 Défense, les cassettes vidéo sont à sa disposition pour pouvoir écouter et
24 observer. Qui plus est, si le Juge suppléant souhaite poser une question à
25 l'un de ces témoins, le Juge suppléant est en mesure de le faire lorsque le
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1 témoin sera cité à nouveau.
2 En fin de compte, Monsieur le Président, l'Accusation a énormément
3 confiance en l'intégrité du Juge suppléant. Je suis tout à fait sûr et
4 certain que tous les intérêts de la justice auront été desservis si un Juge
5 suppléant est nommé dans cette affaire.
6 J'aimerais maintenant aborder certains des éléments soulevés par Me
7 Stewart. Me Stewart vous a présenté un ensemble d'arguments qui semblent
8 suggérer que commencer un nouveau procès poserait moins de problèmes.
9 Alors, en dépit de tout le respect que je dois à Me Stewart, je pense que
10 nous avons déjà passé un certain temps dans le cadre de ce procès. Si nous
11 devions tout recommencer, cela déclencherait un certain nombre de requêtes
12 écrites, réponses, dupliques. Cela demanderait à la Chambre de première
13 instance un effort considérable pour prendre des décisions écrites. Très
14 franchement, je pense que les questions qui ont fait l'objet de litige
15 doivent conserver le statut qu'elles ont pour le moment.
16 Puis, Monsieur le Président, lorsque nous discutons des désagréments
17 ou des agréments que cela pourrait poser ou provoquer pour les témoins, et
18 Me Stewart accepte qu'il s'agisse d'un facteur pertinent, j'aimerais,
19 d'ailleurs, reprendre la liste des témoins que Me Stewart souhaite appeler
20 à nouveau à la barre du fait des circonstances fâcheuses provoquées par la
21 récusation de M. le Juge El Mahdi. Me Stewart demande essentiellement
22 d'avoir la possibilité de contre-interroger une deuxième fois ces témoins
23 alors qu'il a eu la possibilité qu'il lui a tout à fait été donnée de leur
24 faire subir un contre-interrogatoire.
25 Je pense, Monsieur le Président, que dans l'intérêt de la justice,
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1 justement, il faudrait voir s'il est judicieux ou peu judicieux de faire
2 revenir ces personnes dont certaines, d'ailleurs, ont répondu à des
3 injonctions de comparution; certains d'autres sont des diplomates; d'autres
4 pour lesquels il a été assez difficile pour dire le moins d'obtenir leur
5 participation. Il n'y a aucune assurance que ces témoins vont revenir ou
6 pourraient revenir. Je peux, par exemple, Monsieur le Président, Monsieur
7 le Juge, vous parlez d'un témoin qui n'est pas identifié sur cette liste.
8 Je ne suis pas en train de dire que c'est l'un des témoins auquel pensait
9 Me Stewart, mais je pense, par exemple, au cas de M. Biscevic, dont le
10 contre-interrogatoire n'a pas eu lieu ou a été tronqué. M. Biscevic, du
11 fait d'un mauvais état de santé, n'a pas pu ou ne pourrait pas revenir ici.
12 De toute évidence, nous avons surmonté la difficulté grâce à une liaison
13 satellite, et ce, à raison de frais considérables pour le Tribunal.
14 Il n'y a aucune assurance que certains des témoins accepteraient d'être
15 cité à nouveau. Il y a un risque, et je pense que la Chambre de première
16 instance doit le prendre en considération, il faut savoir qu'en matière de
17 Juge suppléant, le Juge suppléant pourra écouter les dossiers de l'affaire,
18 pourra analyser ces dossiers, dossiers qu'il aura à sa disposition. Il aura
19 ainsi la possibilité d'évaluer les dépositions des témoins.
20 J'ai mentionné, en fait, les précédents et les normes qui sont importantes,
21 qui existent d'ailleurs, et qui permettent de faire en sorte qu'un procès
22 équitable puisse exister. Je vais très rapidement aborder la question des
23 frais. Il faut savoir qu'une grande considération a été accordée à M.
24 Krajisnik pendant la longue période préalable au procès, et ce Tribunal,
25 ainsi que les parties, ont véritablement déployé des efforts herculéens
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1 pour le prendre en considération. Je crois, Monsieur le Président, que dans
2 ce cas d'espèce, les intérêts de la justice exigent qu'un Juge suppléant
3 soit nommé et que nous puissions poursuivre avec une certification en bonne
4 et due forme de la part de ce Juge qui nous indiquera, qui ou elle, est
5 tout à fait en mesure de siéger dans cette affaire.
6 Monsieur le Président, j'aimerais aborder un autre précédent. Cela m'a été
7 indiqué récemment, une petite minute, je vous prie, car il y a un autre
8 précédent. Il s'agit de l'affaire Stakic. En pleine affaire Stakic, un Juge
9 est tombé malade et a été remplacé également. Donc, il existe trois
10 précédents, et je pense que ces trois précédents correspondent à des
11 situations où les accusés ou l'accusé a continué à pouvoir bénéficier d'un
12 procès juste et équitable au vu des circonstances particulièrement
13 fâcheuses qui ont fait qu'un Juge a dû être récusé.
14 Voilà ce que nous voulons indiquer, Monsieur le Président. Je vous
15 remercie.
16 M. STEWART : [interprétation] Brièvement, je vais être très, très bref, et
17 puisque l'Accusation a entendu ce que nous avions à dire.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.
19 M. STEWART : [interprétation] A propos des précédents, il s'agissait de
20 l'affaire Stakic qui a été mentionnée. Alors, M. Stakic avait accepté.
21 Alors nous ne voulons pas développer trop cela, mais nous avons dit qu'il
22 n'y avait pas de précédents utiles. Tous ces cas sont différents. Bien sûr
23 que nous avons commencé par dire que cette procédure est tout à fait
24 disponible au vu de cette article. Cela est écrit noir sur blanc. Nous
25 sommes d'accord avec cela. Mais nous continuons à nous rallier à ce que
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1 nous avons dit, à savoir, les cas précédents sont assez différents de ce
2 cas d'espèce, mais Monsieur le Président, Monsieur le Juge, il vous
3 appartiendra d'en décider de façon indépendante, car je pense que les cas
4 précédents ne nous permettent pas de mieux comprendre la situation, en tout
5 cas, pas mieux que ce que nous avons dans l'Article 15 bis, ce que nous
6 avons dit il y a à peu près une demi-heure.
7 Par ailleurs, M. Harmon parle de décisions écrites à propos d'un
8 certain nombre de questions. Alors nous suggérons, en fait, il faudrait
9 être un peu plus précis. Mais si tel est le cas, nous aimerions avoir une
10 indication précise de ce dont il s'agit.
11 Puis, Monsieur le Président, pour adopter un style télégraphique, M.
12 Harmon nous dit que nous attendons d'avoir une deuxième possibilité pour
13 pouvoir procéder à des contre-interrogatoires. Cela est vrai, mais ce n'est
14 pas seulement cela. Car pour ce qui est de deux témoins, je pense notamment
15 à M. Deronjic et au Témoin 625, ce n'est pas que nous voulons avoir la
16 possibilité de les contre-interroger, mais nous aimerions que le nouveau
17 Juge puisse avoir la possibilité d'entendre l'intégralité de ce qu'ils
18 auront à dire. Au vu des circonstances particulières dans lesquelles ces
19 personnes se trouvent, il ne s'agit pas de témoins secondaires, Monsieur le
20 Président.
21 La jurisprudence du Tribunal ainsi que la jurisprudence du Tribunal
22 international du Rwanda accordent une importance particulière au fait que
23 les Juges doivent pouvoir entendre les témoins au moment où ils donnent
24 leurs témoignages. Il s'agit de les entendre lorsqu'ils présentent leurs
25 dépositions, et non pas de travailler à partir de comptes rendus. Bien
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1 entendu, se familiariser à partir des dossiers c'est une deuxième solution,
2 mais il faut savoir que cela a été accepté comme règle. Un Juge de ce
3 Tribunal doit pouvoir se familiariser avec le dossier, et cela est conforme
4 aux Règlements. Mais il ne s'agit que d'une deuxième solution, c'est loin
5 d'être la première solution.
6 Dans le cas de M. Biscevic, vous savez pertinemment que la Défense
7 n'était pas transportée d'enthousiasme par le point de vue de M. Biscevic,
8 mais quoi qu'il en soit, la Chambre de première instance a décidé de
9 traiter sa déposition de façon tronquée, ce qui est beaucoup moins
10 satisfaisant pour la Défense et pour l'Accusation d'ailleurs. L'Accusation
11 a voulu que cela soit réglé de façon tronquée, mais nous ne le voulions
12 pas, mais cela a été assez facilement réglé. Il a déposé par le biais d'une
13 liaison satellite. Cela n'a pas été un problème. En dépit du fait que la
14 Défense ne voulait pas que cela soit le résultat, cela a été assez
15 facilement réglé.
16 Voilà mes observations en style télégraphique. Je vous remercie de
17 m'avoir donné cette possibilité.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Souhaitez-vous répondre, Monsieur
19 Harmon ?
20 M. HARMON : [interprétation] Non.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre que M. Krajisnik
23 souhaiterait s'adresser à la Chambre de première instance. Avant de lui
24 donner cette possibilité, je pense que M. le Juge Canivell a attiré mon
25 attention sur quelques éléments. J'aimerais poser quelques questions.
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1 Maître Stewart, vous avez attiré notre attention sur les conséquences pour
2 ce qui est du calendrier; nous décidions de poursuivre le procès ou d'avoir
3 un nouveau procès. Lorsque j'ai procédé, je vous ai donné une estimation
4 assez approximative. De façon pratique, lorsque j'ai indiqué ce que cela
5 signifierait de recommencer ou de poursuivre, voilà ce à quoi je pensais
6 qu'un nouveau début consisterait à réentendre l'affaire depuis le début.
7 C'est pour cela que je me suis exprimé comme je l'ai fait. J'aimerais vous
8 poser une question : est-ce que vous savez que les choses seraient assez
9 différentes si un nombre important d'éléments de preuve et de dépositions
10 au titre de l'Article 92 bis, mais je pense également au témoin de vive
11 voix que vous considérez comme n'étant pas les témoins importants. Est-ce
12 que j'aurais eu une façon différente de voir les choses ?
13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai indiqué de façon
14 très claire, que je suis tout à fait disposé à accepter une explication de
15 vos remarques parce que, en fait, j'avais indiqué que, ce que j'adoptais ou
16 ce que j'avançais, je l'avançais par rapport à ce que vous aviez indiqué.
17 Ce que je dirais tout simplement, Monsieur le Président, c'est que, dans la
18 pratique, la Défense indique qu'il ne va pas y avoir de véritable
19 différence pour ce qui est du temps nécessaire pour ce qui est de la date
20 de départ, quelle que soit la procédure adoptée. Parce que, si, comme nous
21 croyons le comprendre, il vous appartient à vous, Monsieur le Président et
22 à Monsieur le Juge Canivell de poursuivre, il faut savoir que la seule
23 façon juste et efficace de procéder serait de faire en sorte que, dans le
24 cadre d'un nouveau procès où vous siégeriez et où un nouveau Juge siègerait,
25 il faudrait que ce nouveau Juge puisse se familiariser avec l'affaire. Ce
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1 n'est pas la procédure de certification technique que nous aurons s'il
2 s'agit d'un nouveau procès, mais si le nouveau Juge est sur un pied
3 d'égalité avec les autres Juges qui connaissent l'affaire depuis un certain
4 temps, je pense, en fait, qu'il y aura un certain temps de préparation qui
5 lui sera nécessaire de toute façon. Ce que nous indiquons, c'est qu'il n'y
6 a pas de véritable différence entre la date de départ et le temps
7 nécessaire, pour ce qui est des Juges. Le corollaire de ce que je dis,
8 c'est que j'accepte l'observation que vous venez de faire.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser, Monsieur
10 Harmon. Vous avez parlé de la jurisprudence de ce Tribunal et vous avez
11 parlé de trois précédents. Il y avait une différence entre ce que vous avez
12 dit et ce qu'a dit Me Stewart puisqu'il a inclus la jurisprudence du
13 Tribunal international de Rwanda, et vous considérez, en fait, la
14 jurisprudence de cette institution ou la jurisprudence créée par la Chambre
15 d'appel, qui est commune d'ailleurs aux deux institutions. Nous avons, par
16 exemple, l'affaire Butare ou plutôt, le Président, dans l'affaire Karemera,
17 avec la Chambre d'appel qui n'a pas accepté la décision des deux autres
18 Juges qui devaient continuer à entendre cette affaire. Alors je ne sais pas
19 si vous souhaitez faire référence à cela ou si vous considérez que cela ne
20 représente pas un précédent utile ?
21 M. HARMON : [interprétation] Il faudrait que je lise cette affaire, ce que
22 je n'ai pas fait. Donc je ne peux pas, pour le moment, vous donner mon
23 point de vue.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors --
25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stewart.
2 M. STEWART : [interprétation] Je ne voudrais surtout pas surcharger la
3 Chambre de première instance avec trop de choses, mais nous avons parlé de
4 deux affaires. Je vais peut-être vous donner les références. Vous avez
5 Karemera. Alors il s'agissait de l'affaire Karemera.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. L'autre était Butare. L'affaire est
7 appelée l'affaire Butare, bien qu'il ne s'agisse pas du nom d'un des
8 accusés.
9 M. STEWART : [interprétation] L'affaire à laquelle nous pensons est peut-
10 être différente. Il s'agit de l'affaire Rutaganda qui était entendue par la
11 Chambre d'appel. En fait, c'était assez différent. Il s'agissait de la
12 Chambre d'appel qui a présenté des observations à propos de l'importance
13 que cela représente pour les Juges à entendre les témoins lorsqu'ils
14 viennent présenter leur déposition.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'à cela ne tienne, mais ce que j'ai
16 pour le moment, c'est une décision de la Chambre d'appel du 24 septembre
17 2003, c'est l'affaire que l'on appelle en général l'affaire Butare. Il
18 s'agit de l'affaire -- numéro -- en fait, il y avait de nombreux accusés.
19 Les premiers accusés mentionnés sont Pauline Nyiramasuhuko avec la
20 déclaration du Juge Shahabuddeen qui est placée en annexe.
21 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse, je n'ai pas cela. Le problème et
22 ce handicap viennent du fait que le site Web du Tribunal international pour
23 le Rwanda a été fermé il y a quelques jours de cela aux fins de rénovation.
24 Je m'excuse. Je ne connais pas cette affaire.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Qu'en est-il de ma question ? Vous
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1 nous avez dit que vous ne connaissiez pas cette jurisprudence. J'aimerais
2 vous poser une autre question Monsieur Harmon. Vous avez plus ou moins
3 exprimé l'éventualité que si l'affaire était poursuivie, le nouveau Juge
4 pourrait demander à entendre ou réentendre un témoin. Il se peut que cette
5 demande ne soit pas acceptée par les deux autres Juges. Est-ce que cela
6 fait une différence pour vous ? Est-ce que vous avez un point de vue
7 particulier à exprimer à propos du point de vue qui sera adoptée par un
8 nouveau Juge ?
9 M. HARMON : [interprétation] Je suppose que les Juges vont coopérer. S'il
10 s'agit d'une question importante, de toute évidence, il faudra entendre le
11 nouveau Juge et accepter ce qu'il dit s'il a quelque chose à dire à propos
12 d'une partie importante de la déposition d'un témoin. Il me semble que ce
13 nouveau Juge devrait pouvoir avoir la possibilité d'entendre la réponse à
14 sa question de la part du témoin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Stewart, vous avez insisté
16 sur le fait qu'il est important de se faire une idée du comportement du
17 témoin, outre le fait que l'on puisse lire sa déposition. Mais, il faut
18 savoir que cela a été un problème dans certaine des affaires que vous avez
19 mentionné. M. Harmon a indiqué qu'un nouveau Juge pourrait observer le
20 comportement d'un témoin par le biais d'un enregistrement vidéo de la
21 déposition. Vous ne vous êtes pas exprimé à ce sujet.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, nous acceptons cela. Si à propos d'un
23 témoin, d'un témoin important le nouveau Juge veut passer un certain temps,
24 ce que l'on appelle du temps réel, puisqu'il sera en face de sa vidéo pour
25 la regarder, s'il passe l'équivalent de plusieurs jours, je pense que cela
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1 nous permettra de trouver une solution au problème. Car nous croyons
2 comprendre que quelque 90% à 95% des dépositions se trouvent filmées par la
3 vidéo, apparemment pas 100%. Il faut savoir que l'intégralité des
4 dépositions n'est pas enregistrée. De toute façon, cela est filmé, cela
5 dépend peut-être de l'angle où se trouve le témoin dans le prétoire. Mais,
6 de toute façon, ce n'est pas la même chose, Monsieur le Président, ce n'est
7 pas la même chose que lorsque l'on fait une déposition par liaison
8 satellite. En principe, c'est la même chose, mais le fait est que ce n'est
9 pas la même chose. Un procès où vous avez des témoins qui parlent de vive
10 voix, ce n'est pas la même chose. Une requête doit être présentée lorsque
11 l'on veut avoir des dépositions par liaison satellite. Cela doit être
12 justifié et cela peut-être octroyé. Donc, ce n'est pas la même chose,
13 Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que je crois comprendre, il
15 n'y a pas une seule cassette vidéo de cette affaire, mais il y en a
16 plusieurs.
17 M. STEWART : [interprétation] C'est ce que je comprends également, Monsieur
18 le Président. J'ai posé la question de façon précise parce que je voulais
19 savoir exactement comment fonctionnait cela. C'est la meilleure information
20 que je détiens. Mais vous avez, Messieurs les Juges, une plus longue
21 expérience de ce Tribunal.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais, en dernier lieu, faire une
23 déclaration brève. Maître Stewart, vous avez abordé deux questions, la
24 stratégie d'achèvement, et puis après, vous avez évoqué la question des
25 ressources. Bien entendu, il y a un lien. J'aimerais préciser quelque chose
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1 à votre égard. Au vu de la situation actuelle, personne n'a jamais cherché
2 à me conseiller ou personne ne m'a jamais suggéré comment régler le
3 problème actuel. D'ailleurs, on m'a encore moins parlé de cela dans le
4 contexte de la stratégie d'achèvement. Alors bien entendu, je n'ai pas
5 parlé de la situation actuelle avec de nombreuses personnes. Je dirais que
6 cela a été une véritable surprise pour la majorité de mes collègues,
7 lorsque la nouvelle a été apprise vendredi dernier. Bien entendu, cette
8 question a été discutée avec le personnel, ce qui est tout à fait normal.
9 Mais je n'aurais jamais donné la possibilité à quiconque de me fournir un
10 conseil ou de me suggérer des solutions, parce que la première chose que je
11 leur dirais, est qu'une décision sera rendue lorsque tous les arguments
12 auront été entendus et lorsque tous les aspects du problème auront été
13 examinés avec beaucoup de prudence. Par conséquent, qu'il s'agisse d'une
14 poursuite du procès ou d'un nouveau procès, c'est une question qui est
15 encore tout à fait ouverte, qui n'a pas été tranchée en ce qui me concerne.
16 J'espère que cela vous conviendra. Bien entendu, il y a la question de la
17 stratégie d'achèvement. Comme vous l'avez indiqué, la question des
18 ressources n'est pas exactement la même chose, bien que ces deux thèmes ne
19 soient pas entièrement dissociés.
20 J'aimerais juste conférer à Mme la Greffière d'audience.
21 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons remarqué que nous n'avons
24 peut-être pas tous vu les mêmes documents. Je souhaiterais que les parties
25 disposent de 40 minutes supplémentaires pour échanger les documents qu'ils
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1 ont éventuellement à leur disposition et pour que la Chambre lise une
2 décision éventuelle. Par conséquent, j'invite Me Stewart à donner davantage
3 de détails sur cette affaire qu'il a mentionnée. Ensuite, les parties
4 auront la possibilité de faire des observations supplémentaires dans ces 40
5 minutes. Nous reprendrons à 17 heures et nous aurons une session assez
6 brève.
7 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, si je devais mettre à
8 votre disposition l'intégralité du dossier de l'affaire que j'ai mentionné
9 qui est assez long, il me faudrait aller chercher des exemplaires et donner
10 les références.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout à fait.
12 M. STEWART : [interprétation] Je souhaiterais faire cela si vous me
13 l'autorisez.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Absolument. Je suppose que l'Accusation
15 se verra remettre une copie également.
16 M. STEWART : [interprétation] Bien entendu. Nous avons suffisamment
17 d'exemplaires pour tout le monde.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Apparemment, Me Stewart
19 n'était pas si familier avec l'affaire en appel.
20 M. STEWART : [interprétation] Non, je ne pense en avoir entendu parler
21 auparavant.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est comme cela que vous
23 l'interprétez, Maître Stewart.
24 M. STEWART : [interprétation] Oui, telle est ma position.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, en ce qui concerne la
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1 Chambre d'appel, je pense qu'il s'agit de l'affaire Karemera que l'on
2 appelle généralement l'affaire Butare. Il s'agit d'une affaire que j'ai
3 mentionnée plutôt et qui, je pense, pourrait présenter un intérêt pour tout
4 le monde.
5 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie. Il s'agit ici du paragraphe
6 21 notamment. Nous avons remis des extraits du paragraphe 21, c'est le
7 paragraphe sur lequel je souhaitais attirer votre attention. Donc, toujours
8 dans Karemera, paragraphe 60. Il s'agit également d'un point intéressant
9 concernant le comportement des témoins.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
11 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous suspendons l'audience
13 jusqu'à 17 heures.
14 --- L'audience est suspendue à 16 heures 22.
15 --- L'audience est reprise à 17 heures 02.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, j'ai remarqué que
17 l'affaire Rutaganda ne relève pas de l'Article 15 bis, mais donne des
18 indications générales dans son paragraphe 21 concernant les observations
19 que vous avez faites.
20 M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait exact.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, est-ce que vous
22 souhaitez présenter des arguments supplémentaires ?
23 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais
24 faire des remarques très brèves sur cette affaire. L'Accusation nous a
25 beaucoup aidé, et je souhaite les remercier. Deux ou trois personnes nous
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1 ont aidés à obtenir des exemplaires rapidement. Nous avons même été noyés
2 sous les documents, et je remercie tout le monde.
3 Il semble qu'aux paragraphes 22 à 24, il soit question de cela. Monsieur le
4 Président, j'ai une copie de ce jugement. Ceci est largement en rapport
5 avec des questions évoquées lors de cette audience. Au paragraphe 25, on
6 peut lire, je cite : "Il est préférable que les témoignages de vive voix
7 soient entendus par chacun des Juges. Mais il ne s'agit pas d'une exigence
8 absolue." On peut lire que : "des exceptions peuvent être faites." La
9 Chambre d'appel parle d'une exception particulière. Je cite : "Les
10 exceptions peuvent même être en rapport avec des témoignages dans lesquels
11 il s'agit d'évaluer le comportement du témoin, différentes manières pouvant
12 permettre à un nouveau juge de surmonter tous désavantages -- tout
13 inconvénient éventuel."
14 Ensuite, on peut lire : "Les appelants n'ont pas contesté la
15 procédure visée à l'Article 15(A) ou 15(B). En vertu de ces dispositions,
16 un témoin peut être entendu par deux Juges. Le fait que la procédure soit
17 disponible pour une période courte n'est pas pertinent pour le principe
18 impliqué."
19 Notre observation est la suivante : oui, c'est exact, et nous admettons
20 que, techniquement parlant, aux termes de l'Article 15 bis (A), si un Juge
21 est absent pendant une période courte, au sens strict de l'Article, un
22 témoin peut être entendu pendant cette période de cinq jours, et il peut
23 s'agir également d'un témoin très important. Mais comme nous l'avons
24 mentionné plutôt, l'application de l'Article 15 bis (A) relève du pouvoir
25 discrétionnaire de la Chambre. Toutefois, on peut s'attendre, en temps
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1 normal, qu'un témoin important dont le comportement est fondamental puisse
2 amener la Chambre de première instance à décider, s'agissant de l'Article
3 15 bis (A), qu'il n'était pas possible d'entendre ce témoin en l'absence
4 d'un Juge, même pour une période de temps courte.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stewart, j'ai déclaré que
6 votre interprétation de l'Article 15 bis s'attache, essentiellement, à
7 confirmer l'importance de la présence des trois Juges, plutôt qu'aux
8 exceptions prévues dans cet article.
9 M. STEWART : [interprétation] C'est tout à fait exact, et s'agissant du
10 paragraphe 25, c'est, après tout, ce que la Chambre d'appel a décidé dans
11 cette affaire particulière. Cela s'inscrit dans leur raisonnement, mais
12 lorsque l'on s'attache précisément à ce qui est dit ici, nous pensons que
13 l'existence de cette procédure prévue à l'Article 15 bis (A) n'affaiblit
14 pas, de quelque manière que ce soit, la préférence pour un témoignage de
15 vive voix qui serait entendu par chacun des Juges de la Chambre. Ceci
16 correspond tout à fait à ce que le Président citait un peu plus tôt, au
17 sujet de nos arguments.
18 Au paragraphe 30, nous n'avons pas de point particulier à soulever
19 s'agissant des paragraphes suivants qui semblent correspondre à nos
20 arguments.
21 Au paragraphe 30, on peut lire, je cite : "La position adoptée par
22 les appelants en l'espèce est que la possibilité d'évaluer la crédibilité
23 sur un point de comportement est essentiel à un procès équitable, comme
24 l'exige le Statut." Ceci a constitué une lacune dans cette affaire. "En
25 l'absence d'enregistrements vidéo, il n'est pas possible pour le Juge
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1 suppléant de procéder à une telle évaluation." Sous réserve de ce qui suit,
2 cet argument est exact. Mais ensuite, la question devient confuse, du fait
3 qu'il n'y avait pas d'enregistrements vidéo, au paragraphe 31, cette
4 question n'a pas été examinée en appel. En l'absence d'enregistrements
5 vidéo, ceci a rendu la situation plus compliquée. Ce que nous souhaitons
6 observer à cet égard est que les points qui sont soulevés dans ce que je
7 viens de mentionner sont en rapport avec les arguments que nous avons
8 présentés cet après-midi. A la dernière ligne du paragraphe 33, on peut
9 voir qu'il est fait mention du fait que : "Les enregistrements vidéo n'ont
10 pas été examinés, car ils n'existaient pas et ne faisaient pas partie du
11 dossier de l'affaire…" ceci est tout à fait logique "…cela ne signifie pas
12 que le Juge ne s'est pas familiarisé avec le dossier de l'affaire. Par
13 conséquent, ceci ne l'empêche pas de faire partie de la Chambre connaissant
14 de l'affaire. Il peut décider de joindre la Chambre et d'apprécier les
15 questions de comportement de la manière suivante." Le texte se poursuit.
16 Nous ne contestons pas cela. La Chambre de première instance recomposée
17 peut citer de nouveau des témoins à comparaître, afin de permettre au Juges
18 suppléant d'évaluer leur comportement sur des points particuliers, et de
19 voir leurs réactions sur ces points particuliers. Ensuite, il est indiqué
20 que tout témoignage, y compris les témoignages qui se font lorsque les
21 témoins sont de nouveau cités à comparaître, le nouveau Juge entend ces
22 témoignages en tant que membre d'une Chambre de première instance
23 recomposée ou reconstituée, et que le poids à accorder à ce témoignage
24 relève de la compétence de l'ensemble de la Chambre de première instance.
25 Ensuite, au paragraphe 35, les dernières lignes, on peut lire, je
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1 cite : "La Chambre de première instance recomposée peut, par le biais d'un
2 requête ou d'office, examiner des questions de crédibilité que le Juge
3 suppléant peut examiner lui aussi à la lumière du comportement du témoin.
4 Selon nous, au paragraphe 34, ceci confirme ce que nous avons dit. La
5 Défense demande un nouveau procès, notamment parce que si le nouveau Juge
6 dit : "Et bien, je voudrais vraiment voir ce témoin," tout d'abord, il y
7 aurait une discussion, ce qui serait tout à fait approprié. Il y aurait une
8 discussion entre les trois Juges, et ensuite les deux Juges qui ont assisté
9 à l'intégralité du procès pourraient déclarer : oui, nous avons entendu ce
10 témoin, et voilà ce que nous en pensons. Parlons-en. Nous suggérons que,
11 dans ce cas précis, les Juges sont des Juges et fondent leurs décisions sur
12 ce qu'ils ont entendu de la part des témoins. Il faut attribuer de
13 l'importance à la position de la Défense qui considère que ce témoin est un
14 témoin important, et qu'elle souhaiterait que tous les Juges entendent et
15 voient ce témoin.
16 Cette initiative peut, bien sûr, provenir de la Chambre, car il
17 appartient à la Chambre de décider si elle fait ou non reciter un témoin à
18 comparaître. La différence qui se pose lorsque nous avons un nouveau procès
19 est que le point de départ est qu'un témoin est cité à comparaître, nous
20 avons mentionné de nombreux points que nous serions prêts à accepter, qu'il
21 s'agisse d'une concession ou non, nous accepterions certaines
22 modifications, et nous pourrions ne pas demander le rappel de certains
23 témoins. Mais s'agissant du petit nombre de témoins que j'ai mentionné,
24 nous pensons qu'il n'appartient pas à la Chambre de décider si le nouveau
25 Juge souhaite entendre le témoin afin d'évaluer son comportement et qu'il
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1 n'appartient pas à la Chambre de première instance de décider s'il doit
2 être de nouveau cité à comparaître. Nous pensons que ces témoins doivent
3 être rappelés pour témoigner dans le cadre d'un nouveau procès.
4 Au paragraphe 36 de ce même jugement, on peut lire : "La Chambre
5 d'appel a examiné la question de savoir si un nouveau procès, par
6 opposition à une poursuite du procès actuel, pouvait être facilité par
7 recours à l'Article 92 bis (D) qui prévoit la présentation de
8 transcriptions de témoignage. Il est noté, cependant, que la procédure ne
9 s'applique pas au sujet des actes et des comportements de l'accusé, et donc
10 ne peuvent pas être adéquats.
11 L'inquiétude des appelants s'agissant des questions de comportement
12 suggère fortement que certains, ou l'ensemble des 23 témoins qui ont
13 témoignés l'ont fait à propos des actes et des comportements de l'accusé."
14 Ceci, de nouveau, est tout à fait correct en ce qui concerne la
15 procédure elle-même. Nous l'avons mentionné dans nos arguments. Toutefois,
16 nous avons également indiqué, car, après tout, la Défense était libre de
17 renoncer à cette objection, et si la Chambre de première instance considère
18 que ceci est approprié, qu'il n'y aurait aucune raison de pas le faire dans
19 cette affaire, si la Défense renonçait à cette objection, comme nous
20 l'avons indiqué, comme nous l'avons dit à propos de plusieurs témoins dans
21 le cadre de l'Article 92 bis, ceci élimine le problème au sujet de ces
22 témoins. En d'autres termes, nous pourrions avoir davantage recours à
23 l'Article 92 bis et à des transcriptions de témoignage, ou de comptes
24 rendus d'audience jusqu'à présent. Nous avons dit que cela pourrait
25 fonctionner s'agissant de certains témoins.
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1 Le problème particulier mentionné au paragraphe 36 de ce jugement ne
2 s'applique pas si l'on choisit une approche beaucoup plus souple dans le
3 cadre d'un nouveau procès.
4 Il n'y a rien dans cette décision qui contredise l'un quelconque des
5 principes, ou des arguments avancés par la Défense tout à l'heure. Nous
6 acceptons cette position et, sous réserve de nos arguments, nous acceptons
7 que les témoignages de vive voix par chacun des Juges de la Chambre ne
8 constituent pas une exigence contraignante aux termes du Règlement. Ceci
9 correspond à l'esprit du jugement de la Chambre d'appel que nous avons sous
10 les yeux.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stewart.
12 Monsieur Harmon, d'autres arguments ?
13 M. HARMON : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de réitérer mes
14 arguments précédents. A l'examen de cette affaire, ce cas semble
15 correspondre tout à fait aux dispositions prévues à l'Article 15 bis (D);
16 il s'agit, en l'espèce, de savoir, premièrement, s'il est dans l'intérêt de
17 la justice qu'un troisième Juge remplace le Juge précédent à ce stade de
18 l'affaire. Deuxièmement, il s'agit de savoir si un Juge est en mesure de se
19 familiariser avec le dossier de l'affaire. Si après certification, il peut
20 affirmer qu'il connaît le dossier, alors il devrait remplacer le Juge
21 précédent.
22 Dans l'affaire Butare, il y avait des éléments qui n'existent pas
23 dans cette affaire. La manière dont j'interprète cette affaire est la
24 suivante : il n'y avait pas d'enregistrements vidéo, donc la question du
25 comportement des témoins était beaucoup plus difficile et problématique
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1 s'agissant d'évaluer ce point particulier. Toutefois, la substitution a été
2 effectuée, et elle est appropriée. Ce qui est important dans cette décision
3 se trouve au paragraphe 33. Un Juge peut se familiariser avec le dossier de
4 l'affaire, et peut confirmer qu'il est en mesure de rejoindre le reste de
5 la Chambre de première instance.
6 Au paragraphe 34, ceci confirme l'argument de l'Accusation selon laquelle
7 la Chambre de première instance reconstituée peut citer de nouveau des
8 témoins à comparaître. Nous en avons parlé lors de mes arguments. Nous
9 continuerons à adopter cette position devant la Chambre de première
10 instance. Au paragraphe 34, il est dit : "Lorsqu'un enregistrement vidéo
11 est disponible, un Juge absent qui examine cet enregistrement le fait en
12 tant que membre de la Chambre."
13 Dans l'affaire qui nous intéresse, le cas d'espèce, des
14 enregistrements vidéo existent. Il y a un dossier concernant l'ensemble de
15 la procédure. Selon l'Accusation, il est dans l'intérêt de la justice qu'un
16 Juge suppléant soit désigné dans la mesure où il existe suffisamment de
17 matériel permettant à ce Juge d'examiner l'affaire et de procéder à la
18 certification. Nous demandons la désignation d'un Juge suppléant dans
19 l'affaire concernant M. Krajisnik pour le reste de la présentation des
20 moyens à charge et pour la présentation des moyens à décharge.
21 Merci.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Harmon.
23 Vendredi dernier, j'ai déclaré, M. Krajisnik, si vous lisez l'Article
24 15 bis et le comparer avec les autres articles du Règlement pertinents
25 qu'il convient de s'assurer du consentement de l'accusé ou de son non
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1 consentement. Ce qui est le cas ici, puisque la Chambre a été informée du
2 fait que vous n'étiez pas d'accord. Si vous souhaitez ajouter quelque chose
3 à ce stade, je vous invite à ne pas entrer dans un débat avec le conseil,
4 car ceci doit se faire plutôt en dehors du prétoire. Je vous invite à
5 prendre la parole si vous le souhaitez le faire lorsque je parle de la
6 Chambre, je veux parler des deux Juges restant de la Chambre.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
8 tous. Tout d'abord, je souhaite remercier la Chambre de première instance
9 ou plutôt les deux Juges qui restent de cette Chambre de m'autoriser à
10 prendre la parole.
11 Si nous utilisons le jargon économique, je souhaiterais dire qu'il s'agit
12 d'un calcul temporaire, d'un résumé du procès qui s'est déroulé jusqu'à
13 présent. Je souhaite simplement dire quelques mots qui pourraient être
14 utiles pour la poursuite du procès, ou pour son avenir quel qu'il soit.
15 Vous avez entendu les arguments présentés par mon conseil de la Défense, Me
16 Stewart et, bien entendu, il est tout à fait naturel de ma part que je
17 consulte mon conseil. Je souhaite dire que je souscris à ses arguments et
18 je souhaiterais brièvement expliquer quelque chose qui pourrait vous aider
19 à mieux comprendre la raison pourquoi je ne souhaite pas donner mon
20 consentement.
21 J'ai passé beaucoup de temps en prison ici. Il serait normal de ma
22 part que je souhaite mettre fin à cette procédure dès que possible. Car
23 tout retard supplémentaire est contraire à mes intérêts. Mais comme l'a
24 déclaré Me Stewart précédemment, je souhaiterais si cela était possible de
25 quitter la prison dès demain. Malheureusement, le procès doit se
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1 poursuivre, et la raison pour laquelle j'ai choisi de demander un nouveau
2 procès a été expliquée par Me Stewart. Je souhaiterais ajouter quelque
3 chose.
4 J'ai suivi le procès depuis mon propre point de vue, ma propre
5 perspective. De nombreuses choses n'ont pas été clarifiées ici. Certes de
6 nombreux témoins utiles sont venus déposer devant cette Chambre, dans le
7 cadre d'un nouveau procès, ces témoins permettraient de mieux comprendre
8 les événements survenus en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre. Pour cette
9 raison, je pense qu'il serait utile de procéder à un nouveau procès, car
10 cela pourrait se révéler utile pour tout le monde, pour la Défense, pour
11 l'Accusation et pour la Chambre de première instance. Cela permettrait
12 d'accélérer la procédure.
13 Comme l'ouverture du procès a été quelque peu précipitée, la Défense n'a
14 pas été en mesure de se préparer suffisamment. Il y a eu de nombreuses
15 lacunes de notre part. La Défense aurait besoin de davantage de temps pour
16 se préparer. Ceci pourrait se faire si un nouveau procès avait lieu dans
17 lequel les deux Juges de cette Chambre seraient présents, et un troisième
18 Juge serait nommé. Dans ce cas de figure, la Défense aurait amplement le
19 temps de se préparer.
20 Je souhaiterais, à présent, parler d'une autre question, à savoir l'équité
21 du procès. Je souhaite revenir aux propos de M. Harmon. A ce stade,
22 l'Accusation devrait profiter de cette occasion pour modifier l'acte
23 d'accusation et retirer un certain nombre d'allégations que l'on
24 considérait comme corroborées avant que la procédure n'en arrive à ce
25 stade.
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1 Un autre point que je souhaiterais mentionner ici, c'est la chose suivante
2 : au cours de la période à venir, je souhaite participer activement à ce
3 procès. Ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Je respecterai votre
4 souhait selon lequel je ne dois pas réitérer les arguments avancés par mon
5 conseil. Je souhaite toutefois réitérer ma demande de poser certaines
6 questions à des témoins lors de leur déposition ici. Je souhaiterais que
7 vous m'autorisiez à parler de cela un peu plus tard.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Krajisnik. Cette question ne
9 peut pas être évoquée à ce stade, car cela dépasse la portée de la présente
10 audience. Vous parlez, à présent, des modalités de la conduite du procès à
11 venir, qu'il s'agisse d'un nouveau procès ou d'une poursuite du procès
12 actuel. Ce point sera mieux traité en stade ultérieur. Vous pourrez alors
13 parler de votre participation active au procès.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais simplement ajouter quelques
15 mots.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, n'ajoutez rien en ce
17 qui concerne la question de votre participation active au procès, car le
18 moment n'est pas bien choisi pour en parler. Ce qui nous intéresse ici,
19 c'est de savoir si c'est dans l'intérêt de la justice de poursuivre le
20 procès ou de commencer un nouveau procès. Vos propos doivent se limiter à
21 cela.
22 Mais je comprends que vous souscrivez pleinement à la position
23 adoptée en votre nom par M. Stewart. Y a-t-il autre chose que vous
24 souhaiteriez soulever à ce stade ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais simplement ajouter quelques
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1 mots. Je ne souhaite pas discuter ici des différentes raisons pour
2 lesquelles je souhaiterais participer activement au procès. Je souhaiterais
3 simplement dire que dans le cadre d'un nouveau procès, j'aurais davantage
4 la possibilité de le faire.
5 Pour conclure, je souhaiterais dire que dans un nouveau procès,
6 j'aurais de meilleure chance de prouver, d'établir un certain nombre
7 d'événements et de faits que nous n'avons pas pu établir jusqu'à présent.
8 J'ai conscience du fait qu'il appartient à la Chambre et au Tribunal de
9 prendre la décision finale, mais je suis convaincu que quelle que soit
10 votre décision, le procès sera équitable. Je vous demande d'essayer
11 d'examiner et de comprendre les arguments avancés par la Défense en vue de
12 l'ouverture d'un nouveau procès.
13 En outre, je souhaiterais également vous demander de traiter de
14 certaines des questions qui n'ont toujours pas été résolues à ce jour, par
15 exemple, l'utilisation d'un ordinateur portable, et ainsi de suite.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il s'agit là d'une
17 question sur laquelle la Chambre se penchera comme il convient, lorsqu'une
18 décision sera rendue sur la question de savoir si un nouveau procès
19 commencera ou si nous poursuivrons le procès actuel.
20 M. STEWART : [interprétation] Je souhaiterais simplement ajouter
21 qu'en dépit des propos tenus par M. Krajisnik à l'instant, l'Accusation
22 maintient qu'il serait préférable d'avoir un nouveau procès.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien votre
24 position, Maître Stewart.
25 Nous allons lever l'audience, et les deux Juges restants examineront
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1 la question de savoir quelle décision il convient de prendre en vertu de
2 l'Article 15 bis (D).
3 L'audience est levée.
4 --- L'audience est levée sine die à 17 heures 29.
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