Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 13 juillet 2005

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 37.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous prie

  7   d'appeler l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges. Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   Monsieur Harmon, êtes-vous prêt à continuer et à poursuivre

 12   l'interrogatoire de M. Brown ?

 13   M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, y a-t-il des questions

 15   que vous aimeriez soulever avant que je ne rappelle

 16   M. Brown qu'il est encore lié par la déclaration solennelle qu'il a

 17   prononcée au tout début de son témoignage ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président. Je

 20   voulais simplement vous dire que lors d'un entretien avec M. Harmon, il m'a

 21   dit estimer pouvoir terminer l'interrogatoire principal avant la première

 22   pause et eu égard à cette nouvelle, dépendamment de l'heure à laquelle M.

 23   Harmon termine, je proposerais de prendre la pause au moment où il termine

 24   son interrogatoire principale et c'est à ce moment-là que je pourrais

 25   profiter de la pause pour m'organiser, si vous voulez, afin de pouvoir être


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  1   en état d'alerte pour pouvoir préparer le combat.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement, si cela ne nous force de

  3   prendre une pause supplémentaire, ça va. Je n'ai absolument rien contre.

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

  6   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  7   vais maintenant faire référence au classeur numéro 3.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. HARMON : [interprétation] Je vais faire référence, également, au

 10   classeur numéro 1, mais cela seulement avant la fin du contre-

 11   interrogatoire.

 12   LE TÉMOIN : EWAN BROWN [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Interrogatoire principal par M. Harmon : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Monsieur Brown, est-ce que vous avez le classeur

 16   numéro 3 sous les yeux ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je vous demanderais de faire attention et de ménager des pauses entre

 19   les questions et les réponses.

 20   Maintenant, j'aimerais vous référer à quatre pièces qui font

 21   référence au massacre qui a eu lieu sur le mont Vlasic. Il s'agit d'abord

 22   de l'intercalaire 84.

 23   Monsieur Brown, il s'agit d'un rapport extraordinaire daté

 24   du 21, le mois est illisible, 1992. Il s'agit d'un rapport extraordinaire

 25   qui émane du commandement de la 22e Brigade de l'infanterie légère et il


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  1   est envoyé au commandement du 1er Corps de la Krajina. L'auteur de ce

  2   rapport est Bosko Peulic, nous avons déjà vu son nom auparavant dans

  3   d'autres documents, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, effectivement. C'est l'officier, le commandant qui commandait

  5   cette brigade, nous l'avons mentionné hier et il était le commandant de la

  6   brigade qui a effectué les opérations sur le mont Vlasic.

  7   Q.  Dans la traduction traduite, il n'y a pas de tampon, alors qu'en B/C/S,

  8   l'original porte bien un tampon et on voit que le rapport a été rédigé à 8

  9   heures. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre brièvement de quoi

 10   il s'agirait ?

 11   R.  Je crois que le rapport parle pour lui-même. Il s'agit d'un rapport qui

 12   fait état de meurtres. Le 21, un convoi de réfugiés passait par la zone

 13   sous le contrôle du Colonel Peulic, la police et le poste de sécurité

 14   publique escortaient le convoi. Le convoi s'est arrêté à Koricanske Stijene

 15   qui est un endroit qui se trouve tout juste à côté du mont Vlasic et dans

 16   ce rapport, on peut lire que des meurtres ont eu lieu et que des personnes

 17   ont été poussées, elles sont tombées dans le canyon, c'est-à-dire, après

 18   les avoir tuées, elles ont été lancées dans ce canyon. Il dit que sa

 19   brigade n'a absolument rien à voir avec ces meurtres. Il s'agit "d'un

 20   génocide contre les civils." Il dit que sa police n'a absolument rien à

 21   voir avec cela et il nous dit que des mesures seront entreprises et le

 22   poste de sécurité publique en a été informé et sera informé, d'ailleurs,

 23   plus longuement pour prendre des mesures nécessaires.

 24   Q.  Monsieur Brown, pourriez-vous, je vous prie, prendre l'intercalaire

 25   85 ? De quoi s'agit-il ?


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  1   R.  Ce document a été rédigé le lendemain; il s'agit d'un rapport de combat

  2   émanant du 1er Corps de la Krajina envoyé à l'état-major. Ici, on peut voir

  3   qu'on fait état, à la page 2, au

  4   paragraphe 4, on parle de la situation sur le terrain et on mentionne cet

  5   incident qu'on a vu dans le rapport précédent, c'est-à-dire, qu'un convoi

  6   de réfugiés avait été escorté en direction de Travnik, un groupe de

  7   policiers de Prijedor et de Sanski Most ont fait sortir environ 100

  8   Musulmans et les ont tués de diverses façons, et ensuite, les ont jetés

  9   dans le ravin. C'est une information qui provient du colonel Peulic et

 10   c'est une information qui a été envoyée à l'état-major de la VRS dans le

 11   cadre d'un combat régulier.

 12   Q.  Si on examine la traduction en langue anglaise, à la deuxième page, il

 13   semblerait que le 22 août, à 14 heures, l'état-major a effectivement reçu

 14   ce rapport ?

 15   R.  Oui, effectivement, il semblerait qu'on y lise ces chiffres-là.

 16   Q.  Un peu plus tôt, dans votre témoignage hier, vous avez dit que les

 17   corps envoyaient des rapports à l'état-major et des fois, une par jour; à

 18   d'autres reprises, plusieurs fois par jour, le même jour, dans le cadre

 19   d'une même journée; est-ce exact ?

 20   R.  Oui, c'est exact. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un rapport de

 21   combat régulier; c'étaient des rapports assez fréquents.

 22   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, passer maintenant à l'intercalaire 83 ? Il

 23   s'agit d'un document qui semble être envoyé le même jour; il émane, encore

 24   une fois, du 1er Corps de la Krajina, envoyé à l'état-major de l'armée.

 25   Pourriez-vous nous expliquer ce que représente ce rapport ?


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  1   R.  Encore une fois, il s'agit d'un rapport de combat. Je crois que celui-

  2   ci a été envoyé un peu plus tard dans la journée. Il semblerait qu'ils

  3   aient envoyé deux rapports de combat ce jour-là. A la page 2, au paragraphe

  4   3, encore une fois, on parle de la situation sur le terrain, et encore une

  5   fois, on fait référence à "ce massacre qui a été engendré contre les civils

  6   - hommes musulmans - personnes qui ont été tuées le 21 août, entre 18

  7   heures 30 et 19 heures." Encore une fois, on fait référence au fait qu'un

  8   groupe de policiers escorté d'un convoi de réfugiés, en direction de

  9   Travnik et on y fait référence au massacre qui a eu lieu à Koricanske

 10   Stijene, dans le ravin de Lomiska [phon]. Cela fait référence également aux

 11   combats de rapports précédents qu'on a déjà vus; le rapport initial du

 12   colonel Peulic qui avait déjà envoyé un rapport le jour précédent et ce

 13   rapport-ci fait référence à cet autre rapport.

 14   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, prendre l'intercalaire 97. Monsieur Brown,

 15   il semblerait que ce rapport est un rapport de combat qui parle du moral

 16   des troupes préparées par le général Talic. Encore une fois, il semblerait

 17   que ce document soit destiné à l'état-major de la VRS. Dans ce rapport, on

 18   voit qu'on fait référence au meurtre dont on a déjà fait état quelques

 19   jours plus tôt, ce rapport qui a été rédigé par le général Talic quelques

 20   jours avant.

 21   Prenez la page 3 et la page 4, les deux paragraphes du haut. Pourriez-vous

 22   expliquer aux Juges de la Chambre comment vous interprétez ces deux

 23   paragraphes du haut ?

 24   R.  Le paragraphe 4 ou plutôt, la page 4, paragraphe du haut, dans ce

 25   paragraphe, nous pouvons lire, encore une fois, qu'on fait référence au


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  1   massacre de Skender Vakuf. Il semblerait qu'il y a plus de 150 hommes qui

  2   ont été tués et je crois qu'il y a une coquille ici. Je crois qu'on fait

  3   référence à Simo Drljaca, alors qu'ici, on voit Stevo, mais c'est Simo

  4   Drljaca qui était le chef de la police; on voit son nom ici. Dans le

  5   deuxième paragraphe, on voit que cette action a causé une indignation parmi

  6   les soldats et les citoyens. "Cette tache sombre qui existe n'avait pas

  7   d'appui et ils étaient heureux de voir que la communauté internationale

  8   n'avait pas encore découvert l'incident." Ce document parle de cela.

  9   Q.  Monsieur Brown, je souhaiterais vous référez à votre rapport --

 10   M. HARMON : [interprétation] C'est le volume 1, Monsieur le Président,

 11   Messieurs les Juges.

 12   Q.  Vous avez ce document sous les yeux, n'est-ce pas, Monsieur Brown ?

 13   R.  Oui, effectivement.

 14   M. HARMON : [interprétation] Je souhaiterais maintenant vous demander,

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de vous référer à la page 88 et

 16   89, le paragraphe 2.80 qui commence au bas de la

 17   page 280.

 18   Q.  Monsieur Brown, dans votre rapport, vous dites, au

 19   paragraphe 2.80 que : "A partir du mois d'avril 1992 et plus tard, des

 20   rapports réguliers concernant des meurtres de civils ont été rédigés dans

 21   ces rapports d'armée." Il y a un très grand nombre d'endroits dans vos

 22   notes de bas de page, dans votre rapport -- c'est-à-dire, à la page 400

 23   jusqu'à -- plutôt, les notes en bas de page --

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr de quoi M. Harmon parle.

 25   M. HARMON : [interprétation]


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  1   Q.  -- 400, 412 et on décrit un certain nombre d'incidents où le personnel,

  2   où les soldats avaient été impliqués dans le meurtre de civils. J'aimerais

  3   vous demander, Monsieur Brown, à la lecture, après avoir examiné ces

  4   documents, pourriez-vous informer les Juges de la Chambre quelle était

  5   votre évaluation concernant l'attitude de l'armée vis-à-vis du meurtre ou

  6   des meurtres de civils ?

  7   R.  Il s'agit de références de combat de rapports journaliers, on parle de

  8   villages, d'endroits où des civils avaient été capturés ou ils étaient

  9   prisonniers. Ce sont ces documents que j'ai pu examiner, lire. Il y a

 10   d'autres commentaires d'ordre plus général concernant le meurtre des

 11   civils, sans nécessairement parler d'endroits particuliers. Je crois que

 12   j'en parle, également.

 13   J'ai mentionné hier qu'il y a eu un incident à Kotor Varos où eux-mêmes

 14   parlent de ces meurtres comme étant un massacre dans le rapport de combat;

 15   il s'agirait de personnes tuées dans le cadre de combat. Je n'ai pas vu

 16   d'exemples à l'extérieur de la municipalité de Kljuc, à Vicici où on ait

 17   porté plainte, où on ait enquêté de façon criminelle pour voir ce qui s'est

 18   passé.

 19   Je crois que l'armée, à la lecture de la documentation, n'a pas donné suite

 20   aux incidents, eux-mêmes, parlent de ces incidents dans leur propre

 21   document comme étant des incidents sérieux. Mais rien n'a été fait au

 22   pénal. Je vois que dans ce rapport dont on a fait état tout à l'heure, on

 23   dit que heureusement que la communauté internationale n'a pas découvert cet

 24   incident, par exemple. Même s'ils ont eu connaissance des meurtres, même

 25   s'ils avaient une opinion critique vis-à-vis de ces meurtres, même s'ils en


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  1   font état dans leurs rapports, ils n'ont toujours rien fait pour poursuivre

  2   les auteurs de ces crimes.

  3   Q.  Monsieur Brown, je souhaiterais attirer votre attention à deux notes en

  4   bas de page : la note 408 qui fait référence à un rapport de combat

  5   régulier du 1er Corps de la Krajina qui parle du fait "qu'un groupe de cinq

  6   hommes de la 6e Brigade légère d'infanterie de Sanski Most a tué sept non-

  7   Serbes, parmi lesquels il y avait trois femmes" et on peut lire

  8   essentiellement que -- des mesures ont été entreprises pour poursuivre les

  9   auteurs de ces crimes. Pourriez-vous en faire un commentaire ?

 10   R.  Encore une fois, je peux vous dire que c'est le seul cas où on ait

 11   poussé les choses plus loin, où on ait entrepris des mesures -- c'est le

 12   seul cas. Mais j'ai essayé d'y penser hier soir et je n'ai pas trouvé

 13   d'autres cas où on ait donné suite à ces meurtres. Il me faudrait examiner

 14   mes dossiers, mais je crois que non, effectivement, c'est le seul cas. Je

 15   crois que certaines personnes n'ont peut-être été détenues que pendant une

 16   période très brève, mais rien ne s'en est suivi.

 17   Q.  Dans votre note en bas de page, on peut lire que "Les personnes qui

 18   avaient été impliquées dans ces meurtres ont exprimé le désir de regagner

 19   leur unité. Le procureur du 1er Corps de la Krajina, dans la zone du 1er

 20   Corps de la Krajina a donné aval à leurs demandes et a ordonné la fin de

 21   leur détention. Il a dit qu'il n'y avait aucune raison de les détenir."

 22   Plus tard, il y a eu un acte d'accusation pour les auteurs, mais il n'y a

 23   jamais eu de procès.

 24   R.  Oui, effectivement. C'est ce qui s'est passé à Vicici. Ils ont exprimé

 25   le désir de regagner leurs unités, ce sont des lettres qui avaient été


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  1   écrites au général Talic. Il n'y a pas eu de suite, après cela. Ils n'ont

  2   pas été poursuivis.

  3   Q.  Je souhaiterais attirer votre attention sur l'incident qui est décrit

  4   dans la note en bas de page 412. Il s'agit d'un rapport de la police

  5   militaire de la 6e Brigade de Krajina, en date du

  6   7 décembre 1992, qui décrit des meurtres, massacres qui ont été commis dans

  7   des villages croates, dans un village de Sanski Most croate. Pourriez-vous

  8   nous expliquer ce qui s'est passé ?

  9   R.  Oui, effectivement. Ce sont des personnes qui avaient été détenues

 10   pendant une très courte période de temps pour ces meurtres; ensuite, on les

 11   a libérées, ils ont regagné leurs unités -- je crois que c'était sous le

 12   commandement du commandant Peulic, à Vlasic. Il faudrait retrouver, encore

 13   une fois, peut-être ces documents, mais encore une fois, rien n'est arrivé

 14   à ces personnes.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] Concernant justement cette question, Monsieur

 16   le Président, nous avons un expert militaire devant nous. Il y a des

 17   documents très précis, bien sûr et il me semble que des questions -- et

 18   encore une fois, ce commentaire, je le fais eu égard aux réponses récentes

 19   données et je crois que lorsque le témoin nous dit : "Je crois" -- il

 20   faudrait qu'il se réfère avec plus de précision aux documents précis.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque le témoin dit "Je crois," et

 22   cetera, et cetera, je crois que c'est parce qu'il n'a pas trouver d'autre

 23   information dans d'autres documents, n'est-ce pas, Monsieur Brown ? C'est

 24   ce que vous voulez dire par là ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. J'ai


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  1   travaillé sur cela pendant un an et un petit peu plus, mais cela fait

  2   quelque temps quand même. Je me souviens d'avoir relu des registres et je

  3   n'ai vu aucun exemple de personnes -- je ne peux pas me rappeler d'avoir vu

  4   des exemples de personnes qui, même après avoir subi une enquête

  5   préliminaire, après avoir été détenues pendant une période assez courte --

  6   mais il n'y a pas eu de personnes qui -- s'agissant de ces trois incidents

  7   -- qui ont suivi un procès, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été envoyés en

  8   prison, ils n'ont pas été détenus pour quelque période que ce soit

  9   concernant ces trois incidents.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai peut-être pris un mauvais exemple.

 11   Je crois que vous avez dit : "Je crois qu'ils ont quand même regagné leurs

 12   unités et je crois que c'était sous le commandement du commandant Peulic."

 13   Je crois que vous avez dit : "A Vlasic," si je ne m'abuse, je crois que

 14   vous avez parlé du mont Vlasic, c'est là que l'incident est arrivé.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un autre incident, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] La référence à l'incident qui a eu lieu à --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais avant d'entrer dans les détails, je

 20   crois que lorsque vous commencez vos phrases en disant "Je crois que…" cela

 21   ne veut pas dire que vous n'êtes pas certain, mais votre connaissance, à ce

 22   moment-ci, ne vous permet pas de nous donner une déclaration plus ferme,

 23   plus précise concernant un point sur lequel on vous demande une réponse ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] De mon souvenir et à la lecture des notes en

 25   bas de page, après avoir analysé les documents que j'ai lus à l'époque, je


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  1   n'ai pas vu, dans les documents, que ces personnes ont été poursuives, ont

  2   eu une peine.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas cela que je voulais dire.

  4   Lorsque vous dites : "I believe - Je crois," lorsque vous commencez vos

  5   phrases par le mot "je crois", est-ce que cela veut dire que vous n'êtes

  6   pas tout à fait certain ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de ces personnes qui sont

  8   revenues au mont Vlasic --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] -- effectivement ou qui ont regagné leurs

 11   unités.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais concernant ces décisions au mont Vlasic,

 16   c'est parce que je ne me souviens pas précisément, maintenant, d'autres

 17   détails plus précis.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Vous nous avez dit

 19   que vous ne vous souvenez pas avoir rencontré dans le document plus de

 20   détails concernant ces personnes, les auteurs de ces crimes.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne m'en souviens pas.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, vous auriez pu peut-être

 23   aborder cette question dans le cadre de votre contre-interrogatoire, mais

 24   tout du moins, cela précise le niveau de connaissance de notre témoin.

 25   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.


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  1   Mais je n'ai pas énormément de temps pour mon contre-interrogatoire.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Il est très important qu'on précise les faits

  4   avant qu'il ne soit trop tard.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement.

  6   Le Juge Hanoteau a une question pour vous.

  7   M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur le Témoin, justement, lorsqu'on analyse

  8   cette page de votre rapport, on voit qu'elle se réfère à un certain nombre

  9   de tueries ou de massacres de prisonniers commis par des auteurs très

 10   différents. Ma question - et c'est ce que je retrouve dans votre propos -

 11   est de se demander si l'autorité militaire travaillait, en quelque sorte,

 12   en vase clos. On a l'impression que ces rapports sont établis par et pour

 13   l'autorité militaire sans qu'on se préoccupe de savoir le devenir de ces

 14   rapports, à un tel point qu'on peut se demander finalement pourquoi ces

 15   rapports étaient-ils établis, s'ils étaient destinés à rester aux mains du

 16   quartier général de l'armée. Ma question est la suivante : Est-ce que vous

 17   avez découvert traces de la communication de ces rapports à des autorités

 18   civiles ? Parce que vous dites, dans votre propos, vous dites : "Je n'ai

 19   pas vu que ces gens-là avaient été arrêtés, avaient été condamnés et qu'il

 20   y avait eu des suites judiciaires données à ces incidents." Mais ce n'est

 21   pas à l'armée, elle-même, de procéder à des poursuites; ce n'est pas à

 22   l'armée, elle-même, de châtier des policiers qui avaient commis des crimes

 23   sur des civils. C'était à l'armée de transmettre aux autorités civiles,

 24   peut-être par la voie de leur ministère, du ministère des armées ou de la

 25   Défense, c'était à l'autorité militaire de transmettre aux autorités


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  1   civiles ces rapports qui établissaient des faits criminels pour que des

  2   poursuites soient engagées.

  3   Ma question rejoint celle d'hier : à qui étaient destinés de tels

  4   rapports ? Est-ce qu'ils étaient simplement destinés à l'autorité

  5   militaire, au quartier général qui, finalement, gardait tout cela sans le

  6   communiquer aux autorités compétentes ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que la plupart, peut-être même toutes

  8   les références aux incidents qui figurent ici, ce sont des rapports de

  9   combat réguliers qui ont été envoyés à l'état-major principal de la VRS, de

 10   la même manière que la référence aux tueries du mont Vlasic et aux tueries

 11   de Kotor Varos dont j'ai parlé hier l'a été, a fait l'objet de ces

 12   rapports. Ce sont des références à des rapports qui sont envoyés à l'état-

 13   major principal.

 14   Maintenant, pour ce qui est de la question de savoir si, oui ou non,

 15   l'armée a essayé de poursuivre les civils ou les policiers, je ne suis pas

 16   expert en la matière judiciaire, mais je pense qu'il y a d'autres instances

 17   compétentes de la police ou judiciaires qui l'auraient fait.

 18   Cependant, le général Talic et l'armée avaient un organe chargé de

 19   poursuites, il y avait un système de tribunaux. Je sais que le bureau du

 20   Procureur a obtenu des dossiers de tribunaux militaires et des dossiers

 21   d'affaires traduites devant ces tribunaux. Cela relevait de sa compétence;

 22   ainsi, par exemple, si on prend la tuerie de ces

 23   200 hommes à Kotor Varos, même si on regarde le rapport qui a été envoyé à

 24   l'état-major principal lui-même, dans ce rapport, il est indiqué que les

 25   auteurs du crime sont des militaires. Il s'agit de la Brigade de


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  1   l'infanterie légère de Kotor Varos; c'est ce qui est indiqué dans le

  2   rapport. Or, après avoir examiné les dossiers des tribunaux militaires, je

  3   n'ai pas constaté qu'aucun militaire ait fait l'objet d'une enquête ou ait

  4   fait l'objet de poursuites militaires. Je sais que le chef de la Brigade

  5   légère de Kotor Varos est resté à son poste au moins jusqu'en 1993. Si bien

  6   que cela, c'est un aspect des choses.

  7   Maintenant, pour savoir ce que devenaient ces rapports qui provenaient du

  8   corps d'armée, il est clair qu'ils devaient aller et qu'ils allaient,

  9   d'ailleurs, qu'ils arrivaient à l'état-major principal de la VRS. Comme je

 10   l'ai dit, soit hier, soit avant-hier, nous avons rencontré un certain

 11   nombre d'obstacles dans ce travail parce que même si nous avons demandé à y

 12   avoir accès à de nombreuses reprises, nous n'avons pas pu avoir accès aux

 13   documents de l'état-major principal de la VRS afin de pouvoir examiner ces

 14   documents. Mais il me semble, à la lecture de l'analyse des rapports de

 15   combat et à partir du fait qu'ils font, eux-mêmes, référence à la qualité

 16   des communications, des transmissions dont ils disposaient, étant donné

 17   l'existence de cette chaîne de communication qui fonctionnait, qu'il y a

 18   des exemples d'information, de méthodes alternatives par laquelle les

 19   rapports ont été transmis en haut de la chaîne hiérarchique et pouvaient

 20   être transmis comme, par exemple, la filière de la police, la filière

 21   civile en est aussi une. On fait référence, également, aux médias

 22   internationaux qui ont parlé de ces incidents. Il y a de nombreuses

 23   manières dont ces informations auraient pu arriver jusqu'à d'autres

 24   intervenants dans tout cela. Ici, c'est peut-être une digression, mais

 25   s'agissant du massacre du mont Vlasic, je crois que dans le livre


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  1   "L'Odyssée des Balkans" de David Owen, il nous dit s'être rendu à Banja

  2   Luka à peu près à cette période. Il s'y est rendu, en partie, parce qu'il

  3   circulait des rumeurs au sujet de meurtres qui auraient été commis dans

  4   cette région. Voilà un autre exemple qui nous montre qu'en dépit de ce qui

  5   est affirmé par le 1er Corps de la Krajina, Dieu merci, ce n'est pas arrivé

  6   aux oreilles de la presse internationale; il n'en reste pas moins qu'il y

  7   avait des mécanismes, des moyens qui ont permis de faire connaître ce type

  8   d'incidents.

  9   Voici, à la fois, les limites que je rencontre dans la réponse à

 10   votre question, mais cela permet, également, d'insister sur l'existence de

 11   ces voies de communication qui existaient.

 12   M. LE JUGE HANOTEAU : Si on prend la note 412 de la page 89. On voit

 13   effectivement que vous faites allusion -- c'est à la page 90, la suite de

 14   la note 412. Vous faites allusion à un rapport du bureau du procureur

 15   militaire pour un crime commis, je pense, sur des civils. C'était cela ma

 16   question : si vous avez rapporté cela pour cette affaire-là, est-ce que

 17   cela veut dire que vous n'avez pas trouvé de traces de transmission de ces

 18   rapports aux autres procureurs militaires pour les autres affaires que vous

 19   citez ? Je ne sais pas si je suis clair. Pourquoi avez-vous le rapport

 20   émanant de l'office du procureur militaire et pourquoi ne l'avez-vous pas

 21   pour les autres cas ? Est-ce que c'est parce que cela n'existait pas ou

 22   parce que vous n'avez pas eu accès aux documents ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, quand j'ai passé en revue

 24  les documents des procureurs militaires, je n'ai pas vu, je n'ai pas trouvé,

 25   quand j'ai examiné ces documents, je n'ai pas vu d'éléments indiquant que


Page 16379

  1   dans les autres affaires, des personnes aient fait l'objet de poursuites

  2   dans le cadre du système judiciaire militaire.

  3   M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez eu accédé aux archives de ces procureurs

  4   militaires ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, j'ai eu accès aux dossiers

  6   du procureur militaire du 1er Corps de la Krajina. Il y a un travail qui a

  7   été accompli, par la suite, par les membres du bureau du Procureur, pour

  8   les bureaux du procureur de l'état-major général dans son ensemble et de

  9   l'armée. J'ai examiné, c'est indéniable, les dossiers, les archives du

 10   procureur militaire du

 11   1er Corps de la Krajina. Si je peux revenir en arrière un petit peu, la

 12   raison pour laquelle nous avons examiné ces documents, c'est que dans les

 13   archives du 1er Corps de la Krajina, nous avions trouvé un rapport qui

 14   semblait faire comprendre, qui semblait indiquer qu'il y avait eu des

 15   enquêtes menées, qu'on avait tenté d'enquêter sur le massacre de l'école de

 16   Velagici, à Kljuc et il me semblait que le

 17   1er Corps de la Krajina de la VRS avait diligenté une enquête au sujet du

 18   massacre de civils dans cette école. J'ai estimé qu'il fallait aller plus

 19   avant, qu'il fallait étudier la question plus avant parce que s'il y avait

 20   une référence faite à ce genre de choses, peut-être y en avait-il d'autres.

 21   Nous avons fait une demande afin de pouvoir examiner la totalité des

 22   documents du corps d'armée et des tribunaux militaires. Dans ce cas

 23   particulier, la personne concernée a été poursuivie pour crime de guerre.

 24   Ce qui a suscité mon intérêt parce que je me suis dit que si cela s'était

 25   déroulé une fois, il y en avait peut-être beaucoup d'autres et c'est


Page 16380

  1   pourquoi nous sommes allés examiner les archives, les dossiers militaires

  2   du bureau du procureur militaire de Banja Luka.

  3   Mais quand j'ai examiné le document, j'ai vu que c'était le seul cas dans

  4   lequel il y avait poursuite pour crimes de guerre -- enfin, où on avait

  5   entamé des poursuites parce que quand on a suivi ce qui s'était passé dans

  6  cette affaire, on a vu que cela s'est terminé un petit peu dans une impasse.

  7   Rien ne s'est passé après 1993. Il est possible qu'il y ait eu, de nouveau,

  8   quelque chose après la fin de la guerre ou vers la fin de la guerre. Mais

  9   c'est le seul cas.

 10   Pour les autres exemples, s'agissant des incidents ayant un rapport avec le

 11   1er Corps de la Krajina, je n'ai pas vu d'autres exemples où ces incidents

 12   aient donné lieu à des poursuites, sauf peut-être à ce dont je parle à

 13   Skrljevita [phon] et à Carakovo. Cela a été mentionné, d'ailleurs, par M.

 14   Harmon, me semble-t-il. Ce que j'ai constaté dans les dossiers des

 15   tribunaux militaires et je précise que je ne suis pas un expert en matière

 16   de tribunaux militaires, mais j'ai remarqué qu'il y avait des exemples dans

 17   lesquels les Serbes étaient poursuivis pour des crimes et pour des attaques

 18   contre d'autres Serbes, mais rien pour les incidents dont j'ai parlé.

 19   M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.

 20   Peut-être simplement une question à laquelle vous ne pouvez peut-être pas

 21   répondre, d'ailleurs. La place de ces tribunaux militaires dans les

 22   institutions civiles, quelle était-elle ? Est-ce qu'ils dépendaient

 23   uniquement de l'autorité militaire ? Ou est-ce que qu'ils relevaient d'un

 24   ministère de la justice ou d'un autre ? Ces procureurs militaires

 25   relevaient-ils uniquement de l'autorité militaire ou de l'autorité civile ?


Page 16381

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je préférerais que vous posiez la question à

  2   quelqu'un qui est un petit peu plus versé dans la chose judiciaire. Cela

  3   sort de mon domaine de compétence.

  4   M. LE JUGE HANOTEAU : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.

  5   M. HARMON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Brown, comment faites-vous le lien entre l'absence de toute

  7   sanction, de poursuite que vous avez mis en évidence pour les crimes qui,

  8   pourtant, figurent dans ces rapports militaires ? Comment faites-vous le

  9   lien entre cela et d'une part et les mises en garde qui sont contenues dans

 10   certains de ces documents, mises en garde sur le respect nécessaire des

 11   conventions de Genève.

 12   R.  Ce qui me frappe, c'est que lorsque l'on rappelle qu'il faut respecter

 13   les conventions de Genève, cela n'a pas été suivi des faits. Cela me semble

 14   un petit peu vide de sens, si on regarde l'application de ces règlements.

 15   Et pas d'ailleurs uniquement pour ce qui est des meurtres simplement, parce

 16   qu'on parle de personnes qui sont placées dans des camps de détention

 17   lorsqu'ils ont rien à y faire. On parle de personnes qui sont expulsées. Ce

 18   qui me frappe, c'est ce qui a un contraste manifeste entre le fait que,

 19   dans les documents, on parle de la nécessité de respecter les conventions

 20   de Genève mais que, d'autre part, tous ces événements se déroulent, toutes

 21   ces activités se déroulent, et pendant un certain temps. Je ne peux en

 22   arriver qu'à une seule conclusion, c'est que ces conventions de Genève

 23   n'étaient absolument pas respectées, mais que, dans les documents quand on

 24   en parlait, c'étaient des propos qui étaient complètement vides de sens.

 25   Q.  Monsieur Brown, il ne me reste que peu de temps, et je voudrais aborder


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  1   encore deux sujets en votre compagnie. D'abord, le transfert ou l'expulsion

  2   des populations qui se trouvaient dans la zone de responsabilité du 1er

  3   Corps de la Krajina. Quand vous avez analysé les documents que vous aviez

  4   sous les yeux, est-ce que vous avez pu vous faire une idée de l'attitude de

  5   l'armée s'agissant des transferts, s'agissant des expulsions, et est-ce que

  6   vous avez pu vous faire une idée également de la participation de l'armée à

  7   ces activités ?

  8   M. HARMON : [interprétation] Je signale aux Juges de la Chambre, que c'est

  9   à partir de la page 110 que M. Brown commence à traiter de ce sujet et ceci

 10   jusqu'à la page 122.

 11   Q.  Nous allons examiner un certain nombre de documents à ce sujet dans

 12   quelques instants, Monsieur Brown, inutile de nous donner tout de suite ces

 13   documents. Je voudrais avoir, tout d'abord, votre point de vue général à

 14   partir de l'examen des documents sur la participation de l'armée à ces

 15   expulsions et à ces transferts et sur son attitude ?

 16   R.  D'après les documents que j'ai examinés, on voit que l'armée, en

 17   premier lieu, était tout à fait au courant de ce qui se passait. D'autre

 18   part, il y a des références qui sont faites dans ces documents au fait

 19   qu'ils ont contribué à tout ce processus et qu'ils ont agi avec la police

 20   et en coordination avec les organes civils pour contribuer à ce processus.

 21   Je me souviens spontanément d'un document dans lequel l'armée encourage

 22   tout ce qui est en train de se passer, ce processus et dit que les

 23   autorités civiles doivent même faire des efforts supplémentaires pour y

 24   contribuer.

 25   Q.  Monsieur Brown, pouvez-vous nous expliquer ce que vous, vous entendez


Page 16383

  1   par "réinstallation" "transfert" dans ces documents ?

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Auparavant, le témoin nous dit comme cela

  3   spontanément : "Je me souviens d'un document." Peut-être serait-il bon de -

  4   -

  5   M. HARMON : [interprétation] Nous allons examiner ce document dans quelques

  6   minutes. Je pense qu'il est inutile de se lancer dans un débat sur ce

  7   point, parce que je regarde l'horloge et le temps file.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, d'accord.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Monsieur Harmon.

 10   M. HARMON : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Brown, je vous ai posé la question suivante : dans les

 12   documents que vous avez examinés, on fait référence très souvent à la

 13   réinstallation des populations. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce que cela

 14   signifie quand on parle de cela, de réinstallation ?

 15   R.  Bien, cela représentait l'expulsion forcée ou le déplacement forcé de

 16   certaines personnes de zones qu'ils souhaitaient contrôler, ou le fait

 17   qu'ils savaient pertinemment qu'il y avait des gens qui, parce qu'ils

 18   avaient peur ou pour d'autres raisons, s'en allaient et ne reviendraient

 19   jamais.

 20   Q.  Maintenant, nous allons examiner un certain nombre de documents sur

 21   lesquels je souhaiterais obtenir le bénéfice de vos observations.

 22   Commençons par l'intercalaire numéro 88. Je vais donner à tout le monde le

 23   temps de se munir de leurs classeurs. L'intercalaire 88, c'est un document

 24   qui est en date du 1er juin. C'est-à-dire à peu près trois semaines après

 25   l'annonce des objectifs stratégiques, c'est un document qui vient du 1er


Page 16384

  1   Corps de la Krajina, de son commandement, qui est signé par le colonel

  2   Vukelic. Un rapport relatif à la situation actuelle politique et en matière

  3   de sécurité.

  4   J'aimerais vous renvoyer au troisième paragraphe du rapport. Je vais donner

  5   très vite lecture de ce paragraphe. On parle de : "Groupes qui sont

  6   désarmés chaque jour en particulier dans la ville." Ensuite, il est dit, je

  7   cite : "Une partie de la population musulmane et croate est en train de

  8   s'en aller, et la région de la Krajina de Bosnie a pris une décision

  9   destinée à faciliter ces départs à condition que les Serbes de Bosnie

 10   centrale et de lieux situés où la population est à majorité musulmane et

 11   croate soit également autorisée à partir. Ceux qui partent n'auront pas

 12   l'autorisation de revenir."

 13   Pourriez-vous nous faire part de vos observations sur ce point ? Nous avons

 14   beaucoup de documents à examiner, donc soyez bref.

 15   R.  Ceci nous montre qu'ils savaient que les gens partaient. Ceci nous

 16   montre qu'ils savaient que la région de la Krajina a pris des décisions.

 17   Cela est la question de la coopération qui est mise en évidence ici. Ils

 18   savaient ce qui se passait. D'autre part, ils savent, c'est manifeste, que

 19   les Musulmans et les Croates s'en vont et que les Serbes viennent

 20   s'installer sur le territoire de la RS apparemment, et il y a aussi la

 21   question de savoir que ceux qui vont partir n'auront pas l'autorisation de

 22   revenir, ce qui indique que ce départ est définitif.

 23   Q.  Maintenant, j'aimerais que nous passions à l'intercalaire 87.

 24   R.  Est-ce que je peux faire une observation sur une autre partie du

 25   document ?


Page 16385

  1   Q.  Oui.

  2   R.  Passons à la page 2, en haut de la page. Ce document il a été établi

  3   quelques jours seulement après l'attaque contre Prijedor, ici, on insiste

  4   sur ce qui se passe dans la totalité du corps, mais aussi sur ce qui se

  5   passe à Prijedor. Dans le paragraphe du haut, en fait -- non, c'est tout en

  6   bas de la page 1, je cite : "Les combats les plus violents ont eu lieu dans

  7   la zone d'Hambarine, Prijedor et Kozarac. Les troupes placées sous le

  8   commandement de la zone de Prijedor ont nettoyé Hambarine et Kozarac et ont

  9   complètement détruit une unité de la ZNG qui est constituée de : chemises

 10   noires, de mercenaires étrangers et de légionnaires. Les hommes ont arrêté

 11   plus de 2 000 Bérets verts qui se trouvent maintenant à Omarska. Cent

 12   trente-cinq d'entre eux sont maintenant à la prison de Stara Gradiska…" -

 13   Stara Gradiska, c'était une prison de la JNA - "il y a environ 5 000

 14   personnes qui sont dans le village de Trnopolje.

 15   "Toutes les troupes de la RS de Bosnie-Herzégovine ont fait preuve

 16   d'un niveau de préparation au combat très élevé et les hommes de la 343e

 17   Brigade motorisée ont particulièrement brillé. Les hommes et les officiers

 18   ont été félicités par écrit par le commandant du corps pour leur

 19   détermination et leur courage et l'habilité dont ils ont fait preuve. Ceci

 20   montre la manière dont il faut agir pour défendre la République serbe de

 21   Bosnie-Herzégovine," ici, on parle d'un certain nombre de membres de

 22   l'armée qui ont été tués pendant les combats.

 23   Ceci nous indique qu'au niveau du corps, on savait pertinemment que

 24   ces zones étaient attaquées et on félicite cette unité qui y a pris part --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Brown, à l'écran, on vous


Page 16386

  1   implore de bien vouloir ralentir.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas uniquement les interprètes

  4   qui se plaignent mais aussi les sténotypistes.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

  6   Ici, on parle aussi de 7 000 personnes "Les Bérets verts qui sont à Omarska

  7   et Trnopolje."

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Peut-être qu'il y a un problème, mais je vois

  9   que 2 000 et pas 7 000.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est 7 000 au total.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] D'accord, au total.

 12   M. HARMON : [interprétation]

 13   Q.  Je vais bientôt manquer de temps et j'aimerais encore examiner avec

 14   vous 15 documents.

 15   Passons au document suivant qui a été établi le lendemain du premier

 16   document que nous venons d'examiner, c'est-à-dire le document de

 17   l'intercalaire 87, un document qui vient du 1er Corps de la Krajina qui est

 18   en date du 2 juin 1992 et qui vient du général Talic en personne. C'est un

 19   rapport de combat régulier.

 20   A la fin du paragraphe 2, il est dit, je cite : "Dans la zone de Derventa,

 21   il y a toujours des tirs d'artillerie occasionnels parce que les

 22   extrémistes musulmans n'ont pas déposé les armes. Pendant ce temps la

 23   population musulmane de la zone du village de Lisnja est en phase

 24   d'expulsion."

 25   Pouvez-vous nous faire part de vos observations ?


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  1   R.  C'est évident, on fait référence ici au village de Lisnja, village

  2   musulman qui se trouvait dans la municipalité de Prnjavor.

  3   Q.  Passons maintenant à l'intercalaire 72. Un document qui a été établi

  4   quelques jours seulement après le document envoyé par le général Talic à

  5   l'état-major principal. C'est un document qui date du 4 juin 1992, qui

  6   vient de la cellule de Crise de la municipalité de Sanski Most et ce sont

  7   les conclusions de cette cellule de Crise. J'aimerais vous renvoyer au

  8   premier paragraphe, c'est la première conclusion en fait, où on peut lire

  9   que : "Mirko Vrucinic, Nedeljko Rasula et le colonel Nedjo Anicic seront

 10   chargés de résoudre la question des prisonniers et de leur répartition par

 11   catégorie ainsi que de leur déportation ou expulsion vers Manjaca." Les

 12   catégories sont les suivantes : première catégorie, hommes politiques;

 13   deuxième catégorie, extrémistes nationalistes; troisième catégorie,

 14   personnes indésirables dans la municipalité de Sanski Most. Je poursuis la

 15  lecture : "A cet égard, parler avec le colonel Stevilovic du 1er Corps de la

 16   Krajina."

 17   Monsieur Brown, nous avons ici un document où il est question d'expulsion,

 18   "deportation" en anglais. Ma première question est la suivante : on parle

 19   de Manjaca, qu'est-ce que c'est "Manjaca" ? Veuillez le préciser pour le

 20   compte rendu d'audience.

 21   R.  Il s'agissait d'un camp de détention militaire qui se trouvait dans la

 22   municipalité de Banja Luka.

 23   Q.  On parle ici de l'expulsion de personnes qui, si on regarde les

 24   catégories, sont des civils, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, oui, cela semble être le cas.


Page 16388

  1   Q.  Pouvez-vous nous faire des observations supplémentaires au sujet de ce

  2   document et de la relation que cela a avec l'armée ?

  3   R.  Vu l'examen d'autres documents, je sais que des personnes ont été

  4   transférées de Sanski Most vers le camp de Manjaca. Je signale que le

  5   colonel Stevilovic est le chef de la sécurité du Corps d'armée, c'est un

  6   subordonné du général Talic.

  7   Q.  Ces personnes qui ont été transférées de Sanski Most à Manjaca, est-ce

  8   qu'elles l'ont été avec l'assistance de l'armée ?

  9   R.  Je crois que ces personnes ont été transférées et transportées avec

 10   l'assistance de la police qui les a escortées jusqu'au camp. Je signale par

 11   ailleurs que certaines personnes sont décédées pendant ce transfert. Ceci

 12   ressort des documents que j'ai étudiés.

 13   Q.  Passons maintenant, je vous prie, à l'intercalaire numéro 90. Nous

 14   avons un document du général Talic qui a été établi à peu près un mois

 15   après l'annonce des objectifs stratégiques. C'est un document en date du 14

 16   juin 1992. Un document adressé à l'état-major principal : "Etat du moral

 17   des troupes au combat dans les unités du 1er Corps de la Krajina."

 18   Avant de passer au passage qui a trait aux expulsions, j'aimerais, tout

 19   d'abord, que nous examinions le paragraphe numéro 1. Cinq lignes à partir

 20   du bas du paragraphe, le général Talic dit, je cite : "Que la totalité de

 21   la zone de responsabilité est contrôlée, un contrôle total y est appliqué."

 22   Il parle n'est-ce pas ici de la zone de responsabilité qui est la sienne,

 23   celle de son corps d'armée ?

 24   R.  Oui, effectivement.

 25   Q.  Bien. On va pouvoir maintenant passer à la page numéro 3, le paragraphe


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  1   qui se situe au-dessus de la rubrique numéro 3 en caractère gras. Je vais

  2   donner lecture de ce paragraphe. "La situation la plus difficile, c'est

  3   celle des réfugiés musulmans et croates dans la zone de responsabilité de

  4   la Krajina, c'est la question de leur sécurité et de leur approvisionnement

  5   en vivre. La tentative de les expulser vers la Bosnie centrale a échoué à

  6   cause des difficultés de transport et de leur résistance qui a été la leur

  7   à l'idée de quitter leurs lieux de résidence."

  8   Vos observations, Monsieur Brown.

  9   R.  Ceci nous indique qu'on savait que les personnes étaient expulsées et

 10   il s'inquiète des questions logistiques qui sont impliquées par toute cette

 11   procédure et des problèmes que cela implique parce que certains doivent

 12   rester sur place, ce qui peut donner lieu à des représailles, alors que

 13   l'ennemi arrive. Il semble être au courant de ces expulsions, mais la seule

 14   raison pour laquelle il estime que c'est un problème, ce n'est pas parce

 15   que les gens sont expulsés, mais c'est parce que cela représente des

 16   problèmes, des difficultés logistiques.

 17   Q.  A présent, je vais vous demander d'examiner l'intercalaire 94. Il

 18   s'agit du rapport du 1er Corps de la Krajina en date du 28 juillet, il est

 19   adressé à l'état-major principal de l'armée. Je voudrais attirer votre

 20   attention, tout d'abord, sur le troisième paragraphe de ce document où il

 21   est dit : "Dans la ville de Banja Luka et d'autres grandes villes, il y a

 22   une demande accrue et l'organisation de départs de la population musulmane

 23   et croate. Nous considérons que les autorités municipales et régionales

 24   devraient fournir davantage d'efforts dans ce sens."

 25   Qui est ce "nous," tout d'abord ? Est-ce que d'après vous il s'agit du 1er


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  1   Corps de la Krajina ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que cela évoque pour vous ?

  4   R.  A première vue, il dit qu'il sait qu'on demande de plus en plus

  5   d'organiser les départs des non-Serbes et il a dit que les autorités

  6   régionales devraient travailler de façon plus intense pour rendre cela

  7   possible. Il ne dit pas que ceci ne devrait pas se produire. Il ne dit pas

  8   à première vue évidemment, qu'il n'est pas d'accord avec ce qui est en

  9   train de se produire. J'ai l'impression qu'il encourage même ces départs,

 10   qu'il encourage la continuation, la poursuite de ces départs.

 11   Q.  Pendant cette période, le général Talic qui était à la tête du Corps de

 12   la Krajina, faisait partie de l'état-major de la RAK, n'est-ce pas, de la

 13   cellule de Crise de la RAK ?

 14   R.  Je ne sais pas si la cellule de Crise de la RAK à l'époque fonctionnait

 15   encore au moment où le document a été élaboré. Mais il y a certainement des

 16  personnes qui en savent plus. Il était certainement un commandant important,

 17   il y avait cinq commandants de Corps d'armée. Lui, il était le commandant

 18   du Corps d'armée le plus importants de la VRS, donc c'était une figure

 19   militaire extrêmement importante.

 20   Q.  Je voudrais parler de cela très brièvement. Je voudrais vous demander

 21   de vous référer à la deuxième page du document. Là, on y fait discussion à

 22   quelqu'un de qui on a parlé. On parle, au paragraphe 5, du lieutenant

 23   Veljko Milankovic; on dit que c'est un combattant excellent, mais qu'il est

 24   impliqué dans des affaires assez louches. Est-ce que vous voyez cela ?

 25   R.  Oui.


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  1   Q.  Il s'agit, apparemment, d'un très bon combattant, un bon soldat, mais

  2   qu'est-ce que vous pensez de ce qui est dit ici, à savoir qu'en dépit du

  3   fait qu'il s'agit d'un bon combattant, il est impliqué dans des affaires

  4   louche et il a aussi un casier judiciaire, puisque vous en avez parlé ?

  5   Est-ce que vous savez quel est le rapport entre le fait d'être un bon

  6   soldat et en même temps, d'être impliqué dans des affaires louches quand il

  7   s'agit de décider s'il peut rester ou non au sein de la VRS ?

  8   R.  Je dirais que pour lui, il était plus important de savoir qu'il s'agit

  9   d'un excellent combattant, d'un très bon soldat qui pouvait aider le corps

 10   d'armée que de savoir qu'il était impliqué dans ces affaires pas vraiment

 11   très claires et il a décidé de le garder au sein de son corps d'armée. Je

 12   sais qu'on l'a même envoyé à Knin par la suite et qu'il a été blessé, et

 13   cetera; je sais qu'il a été félicité même par le Général Talic.

 14   Q.  Monsieur Brown, dans le rapport que vous avez analysé concernant les

 15   départs des personnes de différentes municipalités, est-ce qu'il y avait

 16   des documents émanant du corps d'armée où on parlait -- là, je vous demande

 17   d'examiner les paragraphes -- le document qui figure à l'intercalaire 93.

 18   R.  Oui, il y avait des documents qui en parlaient de façon plus précise et

 19   d'autres qui n'étaient pas vraiment des documents exclusivement militaires,

 20   mais qui parlaient aussi du nombre de personnes qui partaient, et cetera.

 21   Q.  Essayez d'examiner le premier paragraphe de ce document, le document à

 22   l'intercalaire 93.

 23   R.  Oui, c'est un exemple. "Les Croates de Kotor Varos dans les trois

 24   villages annoncent des départs en masse entre la période allant du 15 au 25

 25   juillet et à peu près, 1 000 personnes sont parties de la municipalité ou


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  1   ont été déplacées."

  2   Q.  Monsieur, je voudrais, à présent, vous demander d'examiner la pièce qui

  3   figure à l'intercalaire 86 et je vous demanderais de me dire ce que cela

  4   évoque pour vous. Il s'agit d'un rapport émanant du Ministère des Affaires

  5   intérieures à Sarajevo de la République serbe de Bosnie et il est adressé à

  6   la présidence et au premier ministre, c'est-à-dire aux dirigeants

  7   politiques. C'est un rapport concernant le travail du ministère de

  8   l'Intérieur en date du 17 juillet et il s'agit, en réalité, du compte rendu

  9   d'une réunion qui a eu lieu à Belgrade, le 11 juillet, concernant la

 10   situation en Bosnie.

 11   Au niveau de la troisième page de ce document, en haut de la page, il est

 12   écrit : "L'armée, la cellule de Crise de la Présidence de Guerre ont

 13   demandé que l'armée encercle ou capture autant de civils que possible et

 14   qu'ils laissent les camps non définis aux organes des Affaires intérieures.

 15   Les conditions, dans certains camps, ne sont pas bonnes. Il n'y a pas de

 16   nourriture. Les individus, parfois, à l'intérieur de ces camps, ne

 17   respectent pas un certain nombre de normes, et cetera, et cetera."

 18   Pourriez-vous me dire ce que cela vous inspire, surtout par rapport au

 19   document militaire que vous avez vu par rapport à l'attitude de l'armée

 20   concernant ces expulsions et ces transferts.

 21   R.  J'ai pu voir quelle était la situation, ce qui s'est passé, l'armée a

 22   conduit certaines opérations, on a encerclé des gens, on les a amenés dans

 23   des camps de détention; parfois, on les a placés même dans les camps de

 24   détention et c'était l'armée qui était à la tête de ces camps. Parfois, on

 25   les a déplacés dans d'autres camps et parfois, on a tout simplement expulsé


Page 16393

  1   ces gens de façon organisée, ils ont fait organiser leur départ du

  2   territoire. Je pense que ceci reflète, effectivement, ce qui figure dans un

  3   certain nombre de ces documents, le document que j'ai pu examiner.

  4   Q.  Dans les documents que nous avons examinés ensemble, tout à l'heure, on

  5   parle, par exemple, du rassemblement d'un millier de civils, n'est-ce pas ?

  6   Le rapport que nous avons vu, les civils venant de trois municipalités; là,

  7   on a même donné le nombre de civils, ils étaient au nombre de mille, à peu

  8   près. Ensuite, on les a envoyés dans des camps, et cetera.

  9   R.  Oui. Puis, il y a un autre exemple où 7 000 Bérets verts, comme ils

 10   disent, ont été placés à Omarska et à Trnopolje.

 11   Q.  A présent, nous allons parler des camps et je vais vous demander

 12   d'examiner deux documents. Il s'agit des intercalaires 91

 13   et 92. Nous allons commencer par l'intercalaire 91. Ce document parle de la

 14   municipalité de Kotor Varos.

 15   M. HARMON : [interprétation] Pour les Juges de la Chambre, nous avons

 16   examiné ces documents, quand nous avons parlé de Kotor Varos. Il s'agissait

 17   de l'intercalaire 68. Il s'agit du compte rendu de la réunion de la cellule

 18   de Crise de Kotor Varos, en date du 7 juillet, à laquelle a participé le

 19   Colonel Peulic. Il y a deux documents qui parlent de cette municipalité. Un

 20   de ces documents, c'est le document qui figure à l'intercalaire 91 et il

 21   précède, en date, le document qui figure à l'intercalaire 68, mais l'autre

 22   document est postérieur à ce document.

 23   Q.  Comme vous pouvez le voir dans ces documents, Monsieur Brown, on y voit

 24   les extraits du compte rendu de la 47e Session de travail de la cellule de

 25   Crise qui a eu lieu le 29 juin. On y fait référence, au niveau du


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  1   paragraphe 2, on dit : "Tous ceux qui souhaitent quitter Kotor Varos

  2   doivent faire une déclaration auprès du tribunal d'instance laissant leurs

  3   biens immeubles à la communauté sociale et politique."

  4   Ensuite, en bas du deuxième tiret, on voit : "Ljuboje Gavric doit

  5   participer au travail de la cellule de Crise, prendre la responsabilité de

  6   l'organisation du transfert de la population."

  7   Monsieur Brown, qu'est-ce qui s'est passé à Kotor Varos, le

  8   29 juin ?

  9   R.  Je voudrais revenir sur ce document que le Général Talic a envoyé le 9

 10   et le 10 juin concernant la directive, l'instruction demandant de commencer

 11   les opérations dans les corridors et ceci a été envoyé aux autres unités

 12   aussi où il leur a demandé de prendre le contrôle de ce territoire. A Kotor

 13   Varos, les opérations militaires ont été conduites à partir du 11 juin et

 14   ils ont effectivement pris le contrôle de Kotor Varos. Il y a un certain

 15   nombre de régions qu'ils n'ont pas réussi à contrôler parfaitement,

 16   complètement, Vicici, par exemple. Mais ce document a été écrit 19 jours

 17   plus tard. J'ai vu d'autres documents concernant les déclarations au sujet

 18   des biens appartenant à la population, meubles et immeubles. J'en ai parlé

 19   aussi dans mon rapport. Apparemment, M. Gavric a la responsabilité

 20   d'organiser ce transfert de la population.

 21   Un petit peu plus loin, il y a un document que nous avons déjà vu où on dit

 22   que 1 000 personnes ont été déplacées entre le

 23   15 juillet et le 25 juillet.

 24   Q.  Monsieur Brown, nous allons examiner le document du

 25   25 juillet et on voit les conclusions de la présidence de Guerre. Au niveau


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  1   du deuxième paragraphe, il est écrit : "Ljuboje Gavric doit écrire un

  2   rapport et le soumettre à la présidence" --

  3   M. HARMON : [interprétation] Je dois dire, Monsieur le Président, que ceci

  4   paraît faire référence à la présidence de Guerre de la municipalité de

  5   Kotor Varos.

  6   Q.  "Un rapport détaillé concernant le déplacement de la population où il

  7   faut donner les informations suivantes : le nombre de convois qui ont été

  8   organisés à ce jour; le nombre de personnes qui ont été déplacées; la

  9   composition de personnes qui ont été déplacées; qui a effectué les

 10   transports et dans quelles conditions et un rapport financier avec la

 11   documentation appropriée concernant les dépenses et d'autres détails

 12   importants."

 13   Monsieur Brown, pourriez-vous, à nouveau, nous faire part de vos

 14   commentaires au sujet de ces deux commentaires, puisque nous devons boucler

 15   l'interrogatoire principal dans 15 minutes; pourriez-vous me donner votre

 16   commentaire ?

 17   R.  Ceci parle pour soi; dans ces documents, on trouve les informations

 18   qu'on trouve dans d'autres documents. Il s'agit du transfert de la

 19   population et la cellule de Crise a demandé à

 20   M. Gavric de lui fournir des informations, des détails concernant les

 21   mesures prises.

 22   Q.  Maintenant, nous allons parler des camps, Monsieur Brown. Ceci se

 23   trouve dans votre rapport à partir de l'intercalaire 97 jusqu'à

 24   l'intercalaire 110. Je voudrais vous demander, tout d'abord, de m'écouter,

 25   puisque je vais vous lire une partie de votre rapport 2.106 où vous dites


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  1   ce qui suit : "Il est évident qu'il existe une coordination et une

  2   coopération importante entre les militaires, la police et les organes

  3   civils, quand il s'agissait de créer les camps et de déplacer les détenus

  4   entre différents camps et lieux de détention. Il est aussi clair que les

  5   militaires ont lourdement participé dans beaucoup d'aspects d'organisation

  6   de la vie des camps dans la Bosanska Krajina, même s'ils ne les géraient

  7   pas concrètement."

  8   Monsieur Brown, pouvez-vous me dire quelles étaient ces formes de

  9   coopération entre les militaires et la police quand il s'agissait de gérer

 10   ces camps, de préparer les camps de détention où ont été détenus les non

 11   civils ? Pourriez-vous nous dire quelles étaient les formes de coopération

 12   qui existaient entre ces deux organes ?

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense que M. Brown devrait, tout d'abord,

 14   identifier ces documents.

 15   M. HARMON : [interprétation] Je vais parler des documents qui sont

 16   identifiés dans ce rapport, de toute façon; je vais parler des documents

 17   qui figurent dans les rapports. J'ai encore 15 minutes. Je voudrais pouvoir

 18   finir conformément à la demande formulée par les Juges de la Chambre et je

 19   pense que cette objection vraiment n'a pas lieu d'être. Si je dois faire

 20   cela, je vais dépenser beaucoup plus de temps, je vais avoir besoin de

 21   beaucoup de temps. Si vous voulez, je peux attirer votre attention sur les

 22   parties précises du rapport où il fait référence aux différents documents.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce n'est pas --

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Je n'ai pas de question au sujet du rapport.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez demandé à


Page 16397

  1   M. Harmon d'attirer l'attention de l'expert sur un certain nombre de

  2   documents. Vous voulez lui demander d'identifier ces documents lui-même ?

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] M. Harmon dirige beaucoup trop ce témoin et

  4   ce n'est vraiment pas acceptable.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un fait, Maître Loukas, qu'il ne

  6   serait pas très pratique de procéder de la sorte. Dans ce rapport, on voit

  7   exactement quels sont les documents sur lesquels l'expert s'est appuyé et

  8   cela ne gêne aucunement les Juges de la Chambre de voir M. Harmon guider,

  9   entre guillemets, le témoin à travers ces documents présentés dans ce

 10   rapport.

 11   Monsieur Harmon, vous pouvez continuer.

 12   Mme LOUKAS : [interprétation] Puisqu'il y a, effectivement, Monsieur le

 13   Président, des situations où on a produit une liste de pièces au témoin,

 14   quand il s'agissait de documents qui ne figuraient pas dans son rapport et

 15   je pense qu'il est extrêmement important de savoir exactement de quels

 16   documents on parle, où est-ce que ces documents se trouvent dans le

 17   rapport.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

 19   M. HARMON : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Brown, je voudrais, tout d'abord, voir quelles sont ces

 21   différentes façons dont la police et les militaires coopéraient, quand il

 22   s'agissait de placer en détention les civils non-Serbes dans la zone de

 23   responsabilité du 1er Corps de la Krajina ?

 24   R.  Dans les rapports, ces zones sont clairement identifiées et dans les

 25   pages que vous avez mentionnées : il s'agissait de transporter la


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  1   population jusqu'aux camps et depuis les camps; d'assurer la sécurité des

  2   camps; je sais, par exemple, qu'à Omarska, ce sont les militaires qui

  3   faisaient cela; mais parfois, dans certains documents, on voit qu'il

  4   s'agissait de gardes mixtes composées de la police et des militaires,

  5   surtout quand il s'agissait, d'ailleurs, des enquêtes, les interrogatoires

  6   étaient souvent menés par la police; ensuite, le transport jusqu'aux camps,

  7   entre les camps; le document que nous avons vu au sujet de Sanski Most

  8   portait sur la catégorisation et sur la coordination. Il s'agissait aussi

  9   d'assurer le convoi militaire qui traversait ces zones.

 10   Q.  Vous avez parlé de cela dans de nombreux paragraphes, vous avez énuméré

 11   des documents qui font état de cette coopération, n'est-ce pas, Monsieur

 12   Brown ?

 13   R.  Oui, oui, j'ai cité ces documents, à chaque fois, dans les paragraphes

 14   que vous avez mentionnés.

 15   M. HARMON : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas nécessaire de

 16   demander à M. Brown de nous identifier tous ces documents, puisqu'il ne me

 17   reste encore qu'une dizaine de minutes. Je voudrais attirer l'attention des

 18   Juges et du conseil de la Défense sur les paragraphes qui traitent de cela

 19   et qui identifiaient ces documents.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez le verser en tant

 21   que document de contexte ?

 22   M. HARMON : [interprétation] Oui, je vais le faire. Mais je voudrais

 23   attirer votre attention sur le rapport de l'expert qui cite ces documents.

 24   J'ai demandé le versement au dossier d'un certain nombre de ces documents;

 25   M. Brown parle d'autres documents dans le paragraphe 2.107 de son rapport.


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  1   J'ai demandé le versement aussi des documents qui démontrent qu'il existait

  2   bien une coordination au niveau de la sécurité. Il a identifié ces

  3   documents au niveau du paragraphe 2.109 de son rapport. Ensuite, nous avons

  4   aussi parlé du traitement des prisonniers de concert avec la police --

  5   entre la police et l'armée; ces documents sont référencés dans le

  6   paragraphe 2.110. La coopération, en ce qui concerne le transfert des

  7   prisonniers, est référencé au niveau du point 2.11 [comme interprété] de

  8   son rapport. Nous avons aussi versé déjà des documents à ce sujet. En ce

  9   qui concerne la sécurité des camps, ils ont été identifiés dans les

 10   documents qui sont référencés dans le point 2.116 de son rapport. En ce qui

 11   concerne le transfert des prisonniers entre différents camps, ceci est

 12   référencé dans le paragraphe 2.131 du rapport du témoin expert.

 13   Je vais continuer, puisque je voudrais, à présent --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   M. HARMON : [interprétation] -- demander le versement ou présenter un

 16   certain nombre de documents supplémentaires qui confirment ce que M. Brown

 17   vient de dire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer.

 19   M. HARMON : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Brown, est-ce que le document que vous avez revu montre que

 21   les militaires savaient qu'il y avait des civils, des non-combattants qui

 22   se trouvaient dans ces camps qu'ils gardaient ?

 23   R.  Oui, effectivement, on trouve de telles informations, dans ce document.

 24   Q.  Je voudrais vous montrer, à présent, le document qui figure à

 25   l'intercalaire 97. Il s'agit d'un document émanant du général Talic, en


Page 16400

  1   date du 3 septembre 1992, adressé à l'état-major principal de l'armée et on

  2   parle du moral des troupes qui règne au sein du 1er Corps de la Krajina au

  3   cours de l'année 1992.

  4   Q.  Si nous examinons la page 3, où on parle de : "L'effet de la situation

  5   politique et de sécurité qui existe sur le territoire sur le moral des

  6   combattants." C'est un document dont nous avons déjà parlé. Dans le dernier

  7   paragraphe de ce document, il est écrit : "Il existe encore des tensions à

  8   Kotor Varos, Kljuc, Sanski Most et Prijedor parce qu'un grand nombre de

  9   citoyens arrêtés, pour lesquels nous n'avons pas de preuves de comportement

 10   illégal ou criminel, se trouvent dans ces municipalités sans preuve qu'ils

 11   aient participé à la rébellion armée."

 12   Monsieur Brown, pourriez-vous nous donner votre commentaire à ce sujet.

 13   R.  Ceci montre que le général Talic, au moins à cette date-là, sait qu'il

 14   y a un grand nombre de citoyens de ces régions qui n'ont rien à voir avec

 15   la rébellion armée.

 16   Pour le compte rendu d'audience, je voudrais ajouter que dans la prochaine

 17   phrase, il est écrit : "La CSB, tout particulièrement la CSB de Prijedor,

 18   ne partage pas ce point de vue."

 19   Donc qu'il pense ou non que la CSB partage ce point de vue, il est clair

 20   que le général Talic sait, et il est dit ici qu'il y a un grand nombre de

 21   gens de la région où ces forces ont conduit des opérations il y a juste

 22   quelques semaines qui ont été arrêtés, et pour un grand nombre d'entre eux,

 23   il n'y a absolument pas de preuve qu'ils aient participé à la rébellion

 24   armée.

 25   Q.  Monsieur Brown, à nouveau, au sujet de votre rapport, la page 109 dudit


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  1   rapport, paragraphe 2 133. Je vais vous lire une partie du texte et je vais

  2   vous demander votre commentaire. "La participation du 1er Corps de la

  3   Krajina dans le transfert définitif de ceux qui se sont trouvés dans les

  4   centres de détention est important pour comprendre à quoi servait ces

  5   installations. Le fait que les militaires aient participé aux déplacements

  6   de la population et à leur transfert en dehors de la RSBiH alors que l'on

  7   sait que, parmi eux, il y en avait qui n'avait pas commis de crimes est une

  8   indication qui montre que ces centres n'étaient pas seulement les localités

  9   qui servaient à traiter ces gens pour trouver s'ils étaient coupable d'un

 10   quelconque crime ou pour les protéger puisqu'ils se trouvaient dans les

 11   zones de combat."

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît, Monsieur

 13   Harmon.

 14   M. HARMON : [interprétation]

 15   Q.  "La participation à la fois des militaires, de la police et des

 16   autorités civiles à la création et à la gestion des nombreuses

 17   installations et le fait qu'un grand nombre des détenus ont été transférés

 18   entre différents camps, montrent à quel point cette coopération et cette

 19   planification ont été effectives."

 20   Ensuite, "Nombreux d'entre eux n'ont pas été relâchés ou ont été

 21   envoyés dans des pays tiers."

 22   Ensuite, vous finissez le paragraphe sur la page 110 en disant : "Ces camps

 23   s'inscrivaient, au fond, dans la politique de séparation à laquelle ont

 24   participé les militaires."

 25   Pourriez-vous nous expliquer ce que vous vouliez dire par là.


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  1   R.  Bien, j'ai dit que ces camps faisaient partie de cette politique de

  2   séparation. Il y avait une certaine coopération, coordination, entre ceux

  3   qui géraient ces camps et ceux qui les ont créés. De nombreuses personnes

  4   qui ont fini dans ces camps n'ont pas été vérifiées pour être sûr qu'ils

  5   avaient participé à la rébellion armée, ensuite ils n'ont pas été relâchés,

  6   ils n'ont pas été renvoyés chez eux. Ils étaient nombreux qui étaient

  7   civils et sans aucune preuve de la participation à une telle rébellion. On

  8   les a, tout de même, chassés. Je sais qu'à Manjaca, quand Manjaca a été

  9   fermé au mois de décembre 1992, en dépit de l'instruction du mois d'août

 10   1992, indiquant qu'un grand nombre de personnes à Manjaca étaient des

 11   civils, ils ont tout simplement été renvoyés par des autocars au mois de

 12   décembre 1992, à la frontière croate, d'après les documents émanant du 1er

 13   Corps de la Krajina. Ce sont des gens qui sont devenus, par la suite, des

 14   réfugiés en Croatie. Ceci m'amène à conclure que ces camps s'inscrivaient

 15   dans cette politique de séparation.

 16   Je voudrais aussi ajouter quelque chose : à l'époque, parfois il n'est pas

 17   tellement important de lire ce qui se trouve vraiment dans le document,

 18   mais ce qui manque dans ce document. Dans ce document, on ne trouve pas de

 19   mots demande de réconciliation disant que ces gens devraient rentrer chez

 20   eux, devraient être sortis des camps de détention puisqu'ils ne méritaient

 21   pas d'y être, qu'il fallait les ramener chez eux immédiatement. C'est cela

 22   qui manque. Cela brille par l'absence justement dans ce document. Ce que

 23   j'ai vu, c'est que, bien au contraire, ces gens, à partir du moment où le

 24   camp de Manjaca a été fermé, ils ont été placés dans les bus, transportés

 25   par les militaires jusqu'à la frontière et ils sont devenus des réfugiés


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  1   par la suite.

  2   Q.  Je souhaiterais maintenant que l'on examine deux documents concernant

  3   la participation de l'armée et le transport de ces personnes vers les

  4   frontières de divers pays. Prenez, je vous prie, l'intercalaire 98.

  5   Monsieur Brown il s'agit bien d'un document en date du 18 juillet 1992

  6   émanant du poste de sécurité publique de Prijedor destiné au service de

  7   Sécurité de Banja Luka. Pourriez-vous, je vous prie, indiquer aux Juges de

  8   la Chambre ce que représente ce document, c'est-à-dire il est à l'appui de

  9   votre thèse, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. C'est un exemple parfait par lequel on peut voir que la police de

 11   Prijedor informe le colonel Arsic, en fait, il a pris des arrangements avec

 12   le colonel Arsic qui était le commandant de la garnison de Prijedor. Le

 13   commandant avait participé à l'attaque de Hambarine et de Kozarac au mois

 14   de mai, et le colonel Peulic qui couvrait la zone limitrophe de Vlasic et

 15   Travnik avait pris un arrangement pour transporter des femmes et des

 16   enfants à bord de cinq différents autocars de Prijedor, c'est-à-dire du

 17   centre de réception de Trnopolje et il les informait qu'ils allaient passer

 18   par cette zone et qu'il y aurait une patrouille policière. Ce document

 19   m'indique qu'il y a eu une coordination et qu'une connaissance existait, à

 20   savoir que des personnes allaient passer par une zone contrôlée par les

 21   militaires.

 22   Q.  Concernant la destination du convoi, est-ce bien Skender Vakuf ?

 23   R.  Skender Vakuf se trouve tout près de Vlasic, c'était à la frontière de

 24   la Bosnie centrale et du territoire de la RS. C'est près de la zone où

 25   Koricanske Stijene se trouve et où ce massacre de Koricanske Stijene a eu


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  1   lieu. C'est dans la même zone géographique approximativement.

  2   Q.  Il s'agit d'un groupe de personnes qui se rendaient de Prijedor et qui

  3   étaient transférées à l'extérieur de la Republika Srpska.

  4   R.  Oui, ce sont les femmes et les enfants du camp de Trnopolje.

  5   Q.  Je vous prie de prendre l'intercalaire 99, c'est un document qui a été

  6   rédigé cinq mois plus tard. Notamment, le 16 décembre 1992, c'est un

  7   rapport de combat régulier du 1er Corps de la Krajina, lorsqu'on lit le

  8   paragraphe 3 de ce document, je vous demanderais de nous faire un

  9   commentaire sur le paragraphe 3.

 10   R.  Oui. C'est le camp de Manjaca qui a été fermé. On voit ici que : "Mille

 11   et un prisonniers ont été relâchés aujourd'hui du camp de Manjaca, et ils

 12   sont escortés en direction de la Republika Srpska." On dit ici, dans ce

 13   document que : "Quatre cent treize personnes restent encore derrière et

 14   doivent être libérées vendredi, le 18 décembre 1992."

 15   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, prendre le dernier document qui se trouve

 16   dans ce classeur; c'est l'intercalaire 100. Monsieur Brown, est-il exact de

 17   dire qu'il s'agit d'un rapport qui a été rédigé au mois de mai 1993, c'est

 18   le ministère de l'Intérieur, service de Sécurité de Banja Luka, ce document

 19   émane donc d'eux. Avez-vous avez pu passer en revue ce document dans les

 20   municipalités qui se trouvaient dans la zone de responsabilité du 1er Corps

 21   de la Krajina ?

 22   R.  Oui, brièvement.

 23   Q.  Pourriez-vous nous donner vos commentaires concernant ce document ? A

 24   la page 2, on voit, pour les municipalités de Kljuc, par exemple, Prijedor,

 25   Sanski Most à la page suivante; à la page 4, Mrkonjic Grad, Srbac, Jajce,


Page 16405

  1   Sipovo; à la page 5, Prnjavor, Krupa Laktasi, Krupa Na Uni, Novi Grad aussi

  2   -- j'ai oublié de le dire, c'est ce qui se trouve à la page 2.

  3   R.  Oui, il semblerait qu'un très grand nombre de non-Serbes avaient quitté

  4   cette municipalité.

  5   Q.  Lorsque vous parlez de non-Serbes, de qui vous parlez ?

  6   R.  Des Musulmans et des Croates.

  7   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire, Monsieur Brown, par là ?

  8   R.  Il semblerait qu'un très grand nombre de non-Serbes avaient quitté

  9   cette municipalité. A la lecture de ce document, nous pouvons voir ce que

 10   cette séparation veut dire.

 11   M. HARMON : [interprétation] Je n'ai plus d'autre questions.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Brown.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie Monsieur Harmon.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 15   Je vous remercie, Monsieur Harmon. Pour ce qui est du document 98, vous

 16   avez attiré notre attention sur le fait que nous pouvons voir qu'il y a

 17   deux originaux, l'un qui est une traduction. Je présume que la traduction

 18   en langue anglaise fait référence aux premiers originaux présentés; ils ont

 19   l'air pareil, enfin on dirait qu'ils sont pareils, mais ils ne sont pas

 20   tout à fait pareils. Je souhaiterais attirer votre attention que dans la

 21   traduction, il semblerait que l'on fait référence au fait "qu'il n'y a pas

 22   eu d'électricité," en fait c'est quelque chose que l'on peut voir écrit à

 23   la main, alors que dans l'autre original, on ne voit pas cela. Donc ni

 24   l'un, ni l'autre ne corresponde tout à fait exactement à la traduction. Je

 25   vous demanderais d'examiner cela et de nous dire ce qui peut être fait.


Page 16406

  1   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  2   souhaiterais informer les Juges de la Chambre qu'hier nous avons eu un

  3   problème de traduction à l'intercalaire 32, il s'agit du PV de la 21e

  4   Session de la présidence. Le nom de M. Krajisnik est manquant comme étant

  5   l'une des personnes présentes à cette réunion. Nous avons maintenant la

  6   traduction corrigée.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois effectivement que c'est quelque

  8   chose qui figure dans le transcript car j'ai demandé à ce que cela soit

  9   corrigé, j'ai également fait une correction manuscrite dans l'original qui

 10   a été remis à Mme la Greffière. Donc il n'est nullement nécessaire de

 11   distribuer ces exemplaires aux parties et à nous.

 12   Nous allons maintenant prendre une pause et nous reprendrons nos travaux

 13   dans 25 minutes, à 16 heures 35.

 14   --- L'audience est suspendue à 16 heures 09.

 15   --- L'audience est reprise à 16 heures 44.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, je vois que vous avez

 17   deux pupitres. Je crois que vous êtes prête à entamer votre contre-

 18   interrogatoire. Veuillez commencer. Merci.

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai remarqué

 20   que M. Harmon avait installé deux pupitres et j'ai trouvé que l'idée était

 21   absolument formidable. C'est la raison pour laquelle j'ai deux micros,

 22   également.

 23   Contre-interrogatoire par Mme Loukas :

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 25   R.  Bonjour.


Page 16407

  1   Q.  Monsieur Brown, d'abord, je voudrais vous poser la question suivante :

  2   le premier jour de votre déposition, vous avez dit avoir choisi les

  3   documents que vous avez passés en revue afin de préparer votre rapport,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Qui a choisi les documents qui figurent sur la liste des pièces qu'on

  7   nous a remise lundi; il y avait, également, des documents supplémentaires,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Je ne sais pas qui les a choisis, mais M. Harmon m'a montré ces

 10   documents peut-être il y a une semaine ou peut-être même moins, lorsque je

 11   l'ai rencontré avant de venir témoigner.

 12   Q.  A votre connaissance, ce serait le bureau du Procureur qui aurait

 13   choisi ces documents et qui vous les aurait remis ?

 14   R.  Je crois que oui.

 15   Q.  Vous n'avez pas participé au processus de sélection de documents.

 16   R.  Non. Ces documents m'ont été donnés.

 17   Q.  Maintenant, Monsieur Brown, s'agissant de l'acte d'accusation en

 18   l'espèce, je présume que vous avez pris connaissance de l'acte d'accusation

 19   qui figure contre M. Krajisnik ?

 20   R.  Non, malheureusement, je ne le connais pas très bien. J'ai dû le lire,

 21   lorsque j'ai travaillé dans l'affaire, il y a quelques années -- j'ai dû le

 22   lire une fois, lorsque j'ai travaillé pour le bureau du Procureur, mais je

 23   ne l'ai pas relu depuis.

 24   Q.  Dans le cadre de la rédaction de votre rapport, vous avez pris

 25   connaissance de l'acte d'accusation contre M. Brdjanin et


Page 16408

  1   M. Talic, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, j'ai pris connaissance de ces actes d'accusation, effectivement.

  3   Q.  Concernant la rédaction des actes d'accusation et je parle, maintenant,

  4   de l'acte d'accusation de M. Brdjanin et M. Talic, on vous a demandé

  5   d'émettre vos commentaires dans le cadre du processus de la rédaction de

  6   l'acte d'accusation; est-ce exact ?

  7   R.  Oui, c'est cela.

  8   Q.  Je présume qu'on vous a posé des questions semblables, le même genre de

  9   questions qu'on vous a posé, lorsqu'on vous a demandé de prêter votre

 10   concours lors de la rédaction de l'acte d'accusation contre M. Krajisnik ?

 11   R.  Si je me souviens bien, je crois que l'équipe m'a posé des questions

 12   dans le cadre de leur travail. Je ne sais pas s'ils se sont servis de ce

 13   que j'ai dit pour rédiger leur acte d'accusation, je ne le sais pas tout à

 14   fait. Mais à l'époque, je ne travaillais pas directement pour l'équipe qui

 15   traitait de cette affaire-là; je travaillais pour le bureau du Procureur

 16   dans une autre équipe.

 17   Q.  Mais vous avez collaboré avec les membres du bureau du Procureur et

 18   vous avez travaillé au sein de ce bureau à partir de 1998 et ce, jusqu'en

 19   2004, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  C'est pendant cette période-là que vous avez rédigé le rapport qui a

 22   été produit ici, devant la Chambre et qui a été montré aux Juges de la

 23   Chambre.

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Combien de temps vous a-t-il fallu pour rédiger ce rapport ?


Page 16409

  1   R.  Environ, 24 mois, mais je dois dire que je n'ai pas travaillé sur ce

  2   document à temps plein. Je crois qu'on m'a demandé de me pencher là-dessus,

  3   en 2000; c'est Mme Korner qui a fait cette demande et le rapport a été

  4   terminé en juillet 2002, mais ce n'est pas la seule chose que je faisais

  5   pendant cette période.

  6   Q.  Au cours du récolement fait par M. Harmon et dans le cadre de votre

  7   préparation afin de venir témoigner ici, devant la Chambre de première

  8   instance, pourriez-vous indiquer aux Juges de la Chambre combien de temps

  9   le récolement a-t-il duré ?

 10   R.  En tout, cela a pris, environ, une semaine. Lorsque je dis "en tout,"

 11   c'est-à-dire que je revenais après le travail pendant une heure, je prenais

 12   des pauses, c'est-à-dire que je quittais mon travail pour venir ici, pour

 13   parler avec le bureau du Procureur pendant une heure, je retournais au

 14   travail; ce n'était pas un processus continu. Lorsque je parle d'une

 15   semaine, environ, je ne parle pas d'une semaine à temps plein.

 16   Q.  Combien de temps vous a-t-il fallu en heures ?

 17   R.  Il me faudrait réfléchir là-dessus. Je crois qu'en tout, j'ai dû

 18   travailler un week-end, peut-être pendant six heures,

 19   sept heures. Ensuite, il y a eu des périodes au cours de la semaine où cela

 20   a pu faire une heure ou deux, mais sur une période de quatre ou cinq jours.

 21   Q.  Au cours de ce processus, on vous a montré des documents que le bureau

 22   du Procureur avait sélectionnés; est-ce exact ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  Lorsque vous avez passé en revue ces documents, le nombre de documents

 25   que vous avez examinés, sont des documents auxquels vous avez pu apporter


Page 16410

  1   plusieurs interprétations. Ce que je veux dire par là, avez-vous

  2   l'impression d'avoir présenté un point de vue qui n'est pas un point de vue

  3   qui correspond strictement à la thèse de l'Accusation en l'espèce ?

  4   M. HARMON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je crois

  5   qu'il est tout à fait inapproprié de poser cette question au témoin. Le

  6   témoin nous a expliqué qu'il n'a pas énormément passé d'heures avec le

  7   bureau du Procureur.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait, d'abord, établir quelle est

  9   la thèse de l'Accusation. Si je comprends bien, il y a plus que ce qui

 10   figure dans l'acte d'accusation, pour ce qui est de leur thèse. Outre cela

 11   -- plutôt, je crois qu'il faudrait, d'abord, établir ce fait.

 12   Je présume que ce que vous voulez soulever comme question, c'est que vous

 13   voulez poser sans doute la question au témoin, à savoir, s'il s'est senti

 14   libre de prendre des libertés, c'est-à-dire, s'il s'est permis d'avoir des

 15   points de vue divergents des membres du bureau du Procureur.

 16   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Je suis intéressée par sa propre

 17   évaluation.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être vous --

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Son objectivité face à son rapport.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. On pourrait peut-être

 21   demander au témoin de donner son point de vue sur ce qui semble être la

 22   question, c'est-à-dire, quelle est votre évaluation, Monsieur, quant à --

 23   c'est-à-dire, je voudrais savoir si vous savez quels sont les points de vue

 24   de l'Accusation, puisque ce n'est pas nécessairement peut-être le cas, je

 25   voudrais demander au témoin s'il pourrait nous dire s'il s'est senti libre


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  1   d'avoir des points de vue différents du bureau du Procureur.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord, je dois vous

  3   dire que je ne sais pas quelle est la thèse de l'Accusation en l'espèce. Je

  4   ne travaille plus ici, je ne travaille plus pour le bureau du Procureur et

  5   je n'ai pas travaillé depuis longtemps dans cette affaire en particulier.

  6   Pour ce qui est de mon objectivité, de façon générale, oui, j'ai

  7   effectivement travaillé pour le bureau du Procureur, c'est vrai. J'ai,

  8   également, pour vous citer un exemple, j'ai travaillé de très près avec les

  9   juristes dans l'affaire Brdjanin et Talic, par exemple. Je dois vous dire

 10   que de par ma formation, en tant qu'officier du Renseignement, je suis un

 11   analyste, j'ai été analyste toute ma vie. J'essaie de faire de mon mieux,

 12   du meilleur de mes connaissances pour garder un point de vue objectif,

 13   lorsque j'examine des documents. J'essaie toujours de placer les documents

 14   dans leur contexte. J'ai travaillé au sein d'une équipe d'analyse qui ne

 15   faisait pas partie nécessairement du bureau du Procureur. C'est la raison

 16   pour laquelle je dois dire que j'ai toujours essayé d'être le plus objectif

 17   possible, lorsque j'examine des documents et dans mon rapport, également,

 18   j'ai essayé de garder un point de vue particulièrement objectif. J'exprime

 19   des points de vue qui pourraient ne pas nécessairement aider la thèse de

 20   l'Accusation; je parle, également, de la question de l'armement chez les

 21   Musulmans ou je parle, également, de cas dans lesquels, par exemple, les

 22   Croates ont mené des opérations militaires dans le corridor de Posavina

 23   afin de prendre le contrôle de cette zone, de s'emparer de cette zone.

 24   J'essaie, du meilleur de mes connaissances, d'être le plus objectif

 25   possible.


Page 16412

  1   Mme LOUKAS : [interprétation]

  2   Q.  Maintenant, bien sûr --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, je souhaiterais demander

  4   au témoin d'élaborer encore un petit peu plus sur cette question.

  5   Lorsque nous parlons d'objectivité, il est effectivement vrai de dire

  6   que chaque personne essaie d'être la plus objective possible, bien sûr,

  7   lorsqu'elle se trouve particulièrement dans une situation où il faut être

  8   objectif. Mais laissez-moi vous donner un exemple.

  9   Très souvent, on vous a demandé de nous dire dans le texte, de nous montrer

 10   les endroits où le mot "objectif" apparaît. Cela a été, également, inclus

 11   dans une question, plus particulièrement, si on a parlé d'objectif

 12   stratégique, on vous a demandé d'établir un lien. Est-ce qu'il ne vous est

 13   jamais arrivé que vous pensiez, je vois le mot "objectif," mais pourquoi

 14   outre le moment précis, ne vous est-il jamais arrivé de dire, pourquoi

 15   n'ai-je pas pensé au fait que le mot "objectif" faisait référence aux

 16   objectifs stratégiques ? Lorsqu'on parle d'objectifs militaires directs, on

 17   rencontre ces mots très souvent. Ne vous est-il jamais arrivé de vous poser

 18   la question, à savoir, pourquoi vous avez interprété le mot "objectif" de

 19   cette façon-là ? J'essaie simplement d'expliquer ce que Mme Loukas voulait

 20   sans doute vous poser comme question.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument, cela m'est venu à l'esprit et

 22   je me suis dit que cela pouvait avoir une raison plutôt limitée. Mais

 23   lorsque j'ai examiné ces documents, non pas seulement ces documents-là,

 24   mais lorsque j'ai examiné d'autres documents dans les directives, par

 25   exemple, lorsque je me suis référé à d'autres références que j'ai vu dans


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  1   les documents militaires, il me semblait que le mot objectif n'était pas

  2   une question très précise, une petite question qu'avait abordée le général

  3   Talic. Le général Talic est le commandant de corps d'armée. Le général

  4   Talic occupait un grade très important; c'était l'un des commandants les

  5   plus hauts gradés de la VRS. Lorsqu'un tel commandant parle d'objectifs,

  6   normalement, le mot objectif a beaucoup de poids. On ne parle pas

  7   simplement de petits objectifs. C'est dans ce contexte-là, à l'appui

  8   d'autres documents que j'ai pu examiner, semblaient m'indiquer que le mot

  9   voulait dire beaucoup plus que simplement ce qu'il aurait pu avoir à la

 10   première phase de la lecture de ce document.

 11   Par exemple, dans le document du 21 mai, le général Talic parle des

 12   objectifs en nous parlant de buts et c'est, bien sûr, cette phrase-là qui a

 13   pu m'indiquer que peut-être ces mots avaient plus de poids que --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne voulais pas savoir si vous

 15   aviez pensé à cela, mais je voulais savoir si, simplement, il vous est venu

 16   à l'esprit que vous pourriez peut-être avoir quelques doutes, est-ce que

 17   vous vous êtes posé la question, à savoir : est-ce que vous pouviez

 18   interpréter ces objectifs-là comme étant des objectifs stratégiques, en

 19   faisant référence, bien sûr, aux objectifs stratégiques plutôt que de

 20   penser aux objectifs militaires, mais sans y apporter une connotation

 21   militaire ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais eu plus de doute, si cela avait été

 23   la seule référence.

 24   Un autre exemple, pour oublier un instant les objectifs, vous m'avez

 25   demandé si j'avais des doutes. J'ai eu des doutes quand j'ai examiné


Page 16414

  1   certains documents sur l'existence des poursuites pour crimes de guerre

  2   contre quelqu'un, à Vicici. Si on regardait les documents, il apparaissait,

  3   effectivement -- il semblait y avoir eu poursuite au pénal pour tuerie de

  4   non-Serbes. A ce moment-là, cela allait à l'encontre de la théorie selon

  5   laquelle il n'y avait eu aucune poursuite. Quand j'ai trouvé ce document,

  6   effectivement, cela a suscité mon intérêt immédiatement; je me suis dit que

  7   les choses n'étaient pas, ni aussi noires, ni aussi blanches qu'on pouvait

  8   le penser.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont mené à plus d'enquêtes. Je ne sais pas

 11   si cet exemple est pertinent.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous répondez quand même à ma question.

 13   J'imagine que pour vous, Me Loukas, cet intérêt dont le témoin nous parle,

 14   puisqu'il a utilisé le terme de "sonnette d'alarme" qui a résonné pour lui,

 15   peut être interprété de différentes manières.

 16   Mme LOUKAS : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il dit que c'est alarmant pour

 18   l'Accusation. Mais cela pourrait être interprété également comme quelque

 19   chose représentant un intérêt particulier pour lui.

 20   Mme LOUKAS : [interprétation]

 21   Q.  Vous nous dites que vous étiez dans une autre section, n'est-ce pas,

 22   Monsieur le Témoin ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Mais vous avez participé aux séances de récolement, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.


Page 16415

  1   Q.  Vous avez même interrogé ce témoin.

  2   R.  Oui, dans un certain nombre de cas.

  3   Q.  Combien de fois ?

  4   R.  Une douzaine de fois peut-être.

  5   Q.  Quelle règle avez-vous mis en œuvre, avez-vous édicté pour vous-même,

  6   pour votre propre travail, règles destinées à tenir compte du fait que

  7   d'une part, vous travailliez pour le bureau du Procureur mais que d'autre

  8   part, on vous demandait de produire un rapport objectif ? Quelles règles

  9   vous êtes-vous fixé pour être sûr de mener à bien une recherche tout à fait

 10   impartiale ?

 11   R.  J'ai eu le sentiment qu'il était essentiel pour moi de lire autant de

 12   documents que possible, c'est la première chose; lire les documents dans

 13   leur entièreté, intégralité; essayer de rassembler tous les documents qui

 14   traitaient d'un même sujet pour voir ce qui pouvait ressortir d'une telle

 15   analyse; et demander à certains de mes collaborateurs de m'aider,

 16   d'examiner ce que je faisais moi-même; puis, j'ai essayé de m'appuyer sur

 17   mon expérience d'analyste militaire, une expérience de plusieurs années

 18   afin d'être aussi objectif que possible et de faire de mon mieux pour

 19   passer en revue ces documents de la manière la plus objective qui soit.

 20   Q.  Un axiome qui prévaut pour toute recherche, c'est qu'il faut avoir

 21   l'esprit ouvert quand on examine les documents et les extraits de documents

 22   qui font apparaître des informations qui ne vont pas forcément dans le sens

 23   des hypothèses que l'on a formulées au départ ?

 24   R.  Oui, oui, effectivement; c'est exact.

 25   Mais permettez-moi d'ajouter une chose. C'est qu'il faut bien


Page 16416

  1   déterminer les limites dans lesquelles on travaille. J'ai précisément

  2   exprimé et expliqué quelles étaient les limites de mon rapport. Cela était

  3   très clair.

  4   Q.  Justement, j'allais en parler de ces limites, Monsieur Brown. Tout

  5   d'abord comme vous l'avez déclaré au tout début du rapport, il ne s'agit

  6   pas là d'un processus exhaustif. Ceci, on peut le voir à la page 4 de votre

  7   rapport. On voit qu'il s'agit d'une analyse d'un certain nombre de

  8   documents venant de la police, de l'armée et d'autres sources, des

  9   documents qui ont été choisis, qui ont été sélectionnés. En deuxième lieu,

 10   il ne s'agit pas d'une étude exhaustive de tous les événements qui se sont

 11   déroulés dans la Krajina de Bosnie en 1991 et 1992 ?

 12   R.  J'ajouterais une chose, une autre limite, c'est que je ne parle pas la

 13   langue.

 14   Q.  Oui, effectivement, cela c'est un point très important quand on se

 15   livre à l'analyse de documents ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Je crois qu'il y a au sein de votre service d'autres personnes qui

 18   parlent la langue en question, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Par exemple, M. Treanor.

 21   R.  Oui, effectivement, M. Treanor parle la langue.

 22   Q.  Vous ne prétendez pas être un expert en matière de questions

 23   politiques, cela c'est le domaine de M. Treanor, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, oui, c'est son domaine.

 25   Q.  Vous ne vous présentez pas vous-même comme un expert politique ?


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  1   R.  Non. Effectivement, je ne me présente pas comme un expert politique.

  2   Q.  Vous ne prétendez pas être un expert pour ce qui est du fonctionnement

  3   interne du SDS, n'est-ce pas ?

  4   R.  Non, je ne prétends pas être un expert s'agissant du fonctionnement

  5   interne du SDS.

  6   Q.  Vous ne prétendez pas, non plus, être un expert pour ce qui est des

  7   cellules de Crise, cela c'est le domaine de Mme Hanson, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, effectivement, c'est son domaine de spécialisation, bien que je me

  9   sois intéressé aussi aux cellules de Crise pour la municipalité de

 10   Prijedor, et j'ai examiné un certain nombre de documents dans la Krajina

 11   qui font apparaître que les cellules de Crise s'occupent de questions

 12   relatives à la défense. Mais pour ce qui est de ma spécialisation, je ne me

 13   présente pas comme un expert en matière de cellules de Crise, en matière de

 14   mise en place des cellules de Crise.

 15   Q.  Au paragraphe 1.104 de votre rapport, vous dites que : "L'idée de votre

 16   rapport ce n'est pas d'analyser le fonctionnement des cellules de Crise."

 17   Vous maintenez cela. Vous n'êtes pas un expert en matière de cellules de

 18   Crise. Vous dites également que : "Il est possible que vous soyez amené à

 19   faire des commentaires de nature générale sur ces cellules de Crise."

 20   Vous ne prétendez pas non plus être un expert pour ce qui est du système

 21   judiciaire militaire, n'est-ce pas ?

 22   R.  J'ai passé en revue un certain nombre de documents ayant trait au

 23   système judiciaire militaire, mais ce n'est pas un domaine sur lequel je me

 24   suis penché très longuement. Donc, je ne dirais pas non plus que je sois un

 25   expert en la matière.


Page 16418

  1   Q.  Je crois qu'à la page 50 du compte rendu de ce jour, vous avez dit que

  2   : "Vous n'étiez pas un expert en matière judiciaire militaire."

  3   R.  En tout cas pas un expert en matière judiciaire, cela c'est sûr.

  4   Q.  Maintenant, s'agissant des archives des tribunaux militaires, on ne

  5   peut pas dire que vous ayez mené à bien une enquête et un examen exhaustif

  6   de tout ce qui y figure, n'est-ce pas ?

  7   R.  J'ai procédé à l'analyse de certains dossiers venant des tribunaux du

  8  1er Corps de la Krajina en 1992, mais non, effectivement, je n'ai pas mené à

  9   bien une étude exhaustive de tous les documents.

 10   Q.  Vous n'avez pas dépassé la date de 1992, n'est-ce pas ?

 11   R.  Dans ce rapport, non.

 12   Q.  S'agissant des archives des tribunaux militaires, des dossiers des

 13   tribunaux militaires, ce n'est pas exhaustif, n'est-ce pas ?

 14   R.  Quoi, qu'est-ce qui n'est pas exhaustif ? Les archives ou ce que j'en

 15   connais ?

 16   Q.  Ce que vous en connaissez.

 17   R.  J'ai examiné les archives, les dossiers des tribunaux pour 1993. Je les

 18   ai étudiés.

 19   Q.  Excusez-moi, mais je croyais que vous aviez dit que vous n'aviez pas

 20   dépassé la période de 1992 ? En fait, vous nous dites que vous vous

 21   intéressez aussi aux documents de 1993 ?

 22   R.  Oui. J'ai examiné les documents pour 1993 dans les registres dont je

 23   disposais, les documents émanant des tribunaux.

 24   Q.  Mais ce n'était pas la totalité des documents. Ce n'était pas exhaustif

 25   votre analyse. Vous n'avez pas pu examiner tous les documents contenus dans


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  1   les archives militaires, les archives des tribunaux militaires ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  En tout cas, vous n'avez pas dépassé la période de 1993 ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Bien.

  6   R.  Mais je connais le dossier de l'école de Velagici parce que nous avons

  7   obtenu des dossiers concernant cet incident qui vont plus loin, qui vont

  8   jusqu'en 1995 ou même en 1996. Mais non, effectivement, je n'ai pas procédé

  9   à une analyse exhaustive de toutes les archives des tribunaux.

 10   Q.  Vous nous dites que vous connaissez un exemple de dossiers au-delà de

 11   1993, de la période de 1993, mais c'est le seul exemple ?

 12   On ne peut pas dire que vous ayez mené à bien une analyse exhaustive de

 13   tous les documents pertinents ?

 14   R.  Je l'ai déjà dit; j'ai déjà mis en évidence ce fait. Il ne s'agit pas

 15   d'une analyse exhaustive de tous les documents, de tous les dossiers de

 16   toutes les archives. Je pense que j'y serais encore si j'avais dû faire

 17   cela.

 18   Q.  Est-ce que le Procureur vous a demandé de mettre en exergue des

 19   documents qui pourraient relever de l'Article 68 ?

 20   R.  Nous avions l'obligation continuelle de signaler ces documents ?

 21   Q.  Est-ce que vous avez présenté à l'Accusation des documents qui

 22   entraient dans ce cadre ?

 23  R.  Oui. Pour l'affaire Brdjanin et Talic, je m'en souviens. Cela c'est sûr.

 24   Q.  Mais pour l'affaire qui nous intéresse ici ?

 25   R.  Je sais que la collection du 1er Corps de la Krajina a été transmise


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  1   dans sa totalité et de nombreux documents qui ont été considérés comme des

  2   documents relevant de l'Article 68 dans l'affaire Brdjanin, beaucoup de ces

  3   documents ont été transmis à d'autres affaires. Mais je ne sais pas si je

  4   suis vraiment la personne idoine, la personne à qui il faut poser cette

  5   question.

  6   Q.  Mais je vous pose la question suivante : je vous interroge au sujet de

  7   l'espèce. L'Accusation vous a-t-elle demandé de chercher des documents

  8   relevant de l'Article 68 ? Je vous interroge, je vous pose cette question

  9   pour ce qui est de notre affaire, de l'affaire Krajisnik ?

 10   R.  Cette obligation, elle était continue et constante et valait pour

 11   toutes les affaires. Elle ne portait pas forcément sur une affaire en

 12   particulier. Nous étions tout à fait bien informés sur ce point. Nous

 13   savions que c'était une obligation permanente qui était la nôtre,

 14   l'obligation de nous conformer à l'Article 68.

 15   Q.  Mais ce que je vous demande c'est si cela a été le cas dans le cadre de

 16   votre préparation à ce témoignage ici ?

 17   R.  Non. Non, cela n'a pas été évoqué lors de mes conversations plus

 18   récentes avec le bureau du Procureur.

 19   Q.  Passons maintenant à l'évaluation de votre travail, travail d'expert

 20   impartial et objectif. J'imagine qu'en préparant ce rapport, vous avez eu

 21   toujours à l'esprit la chose suivante : à savoir que, pour une Chambre de

 22   première instance, cela ne présente pas beaucoup d'intérêt d'avoir affaire

 23   à un expert qui a essayé de faire cadrer tous les documents possibles dans

 24   une hypothèse préalablement définie. Est-ce que vous voyez ce que je veux

 25   dire ?


Page 16421

  1   R.  Vous me demandez de vous dire si c'est l'opinion de la Chambre de

  2   première instance ?

  3   Q.  Est-ce que vous comprenez que cela ne sert à rien pour la Chambre de

  4   première instance d'avoir affaire à un expert qui essaie de faire cadrer,

  5   de faire entrer tous les documents dans le cadre d'une hypothèse

  6   prédéfinie.

  7   M. HARMON : [interprétation] Objection. Cette question n'est pas

  8   appropriée. Je pense, d'ailleurs, que cette question n'est pas appropriée

  9   non plus envers la Chambre de première instance.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Je suis prête à retirer cette question.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, continuez.

 13   Mme LOUKAS : [interprétation]

 14   Q.  Maintenant, s'agissant du travail que vous avez accompli sur le texte,

 15   les notes de bas de page. Pour vous, quelle doit être la relation existante

 16   entre une note de bas de page et ce qui figure dans le texte ?

 17   R.  Il est manifeste que cela illustre ce qui figure dans le corps du texte

 18   ou cela doit donner un exemple de ce qui est dit dans le corps du texte.

 19   Q.  Il est absolument essentiel que cela reflète précisément ce qui figure

 20   dans la note de bas de page, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, effectivement. Il faut que cela illustre ce qui est dit dans le

 22   corps du texte.

 23   Q.  Cela, c'est une évidence dans le cadre des recherches scientifiques,

 24   universitaires ?

 25   R.  Oui, c'est exact.


Page 16422

  1   Q.  C'est une des caractéristiques de l'établissement de n'importe quel

  2   rapport, c'est de ne pas faire preuve de sélectivité dans le choix des

  3   citations ?

  4   R.  Qu'entendez-vous par là, je vous prie ? Vous voulez parler de prendre

  5   une référence individuelle et de faire une observation à ce sujet ?

  6   Q.  Oui. Oui, sans faire référence à d'autres aspects du document.

  7   R.  Il faut essayer d'être aussi objectif que possible. Il est manifeste

  8   que les notes de bas de page sont là pour donner des références

  9   supplémentaires. Parfois les notes de bas de page deviennent un petit peu

 10   trop volumineuses si on essaie de tout mettre dans les notes de bas de

 11   page. Il faut essayer d'être aussi objectif que possible dans l'utilisation

 12   des notes de bas de page.

 13   Q.  Il faut savoir que très souvent, on ne lit pas les notes de bas de

 14   page. On lit le texte lui-même, le corps du texte, donc il faut que le

 15   texte soit aussi précis que possible, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. Il faut essayer d'avoir un texte qui est aussi exact que possible.

 17   Manifestement, dans un rapport de ce type, on ne peut pas mentionner tous

 18   les textes dans les notes de bas de page, sinon cela deviendrait

 19   impossible.

 20   Q.  Le document serait beaucoup trop volumineux. Donc il faut essayer

 21   d'être aussi exact que possible.

 22   Q.  Passons à certaines des notes de bas de page. En premier lieu, la note

 23   de bas de page numéro 1.

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] C'est triste et malheureux, j'avais une

 25   liasse de documents correspondant à la note de bas de page numéro 1 à


Page 16423

  1   distribuer, j'avais…

  2   Je peux m'en passer. Il devait y avoir normalement une liasse mais

  3   bon, peu importe.

  4   Q.  Passons à la note de bas de page numéro 1. Page 12, de votre

  5   rapport, vous dites que : "Sur la base d'informations disponibles, on peut

  6   en conclure que les trois partis principaux nationaux en Bosnie-

  7   Herzégovine, le HDZ, le SDA et le SDS, ont pratiquement créé les conditions

  8   préalables nécessaires sur le plan politique, économique et militaire afin

  9   de se lancer dans un conflit armé les opposant mutuellement."

 10   A la fin de ce paragraphe, vous nous renvoyez à la note de bas de page

 11   numéro 1. Cette note de bas de page numéro 1, si on l'examine, on voit

 12   qu'il y a d'autres informations. En fait, cette note de bas de page fait

 13   référence de manière expresse au fait que le transfert du conflit armé

 14   depuis la Croatie, on fait référence à : "La mise en place de la Herceg-

 15   Bosna et de formations armées sur le territoire de l'Herzégovine

 16   occidentale : la Posavina, Odzak, Bosanski Brod, Doboj, Kupres, et la

 17   vallée de la rivière Lasva, Travnik, Busovaca, Vitez, et cetera."

 18   Pourquoi avez-vous omis de citer cela dans votre document ?

 19   R.  Avant de répondre à votre question, j'aimerais pouvoir consulter le

 20   document.

 21   Q.  Je peux vous fournir mon exemplaire, cela ne me gêne pas, mais pour une

 22   raison inconnue, mes exemplaires surnuméraires ont disparu.

 23   R.  Merci.

 24   M. HARMON : [interprétation] Maître Loukas, quand vous citez des extraits

 25   de ce document, pouvez-vous nous donner la page ?


Page 16424

  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, ça y est, j'ai trouvé le document, c'est

  2   la page 6. Je peux demander à ce qu'on procède à la distribution.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous rendre votre exemplaire.

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci beaucoup.

  5   R.  Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

  6   Q.  Ma question était la suivante, je cite : "A la page 12 de votre

  7   rapport, vous indiquez" - j'ai donné lecture de la citation que vous faites

  8   dans votre rapport - "vous renvoyez à la note de bas de page numéro 1, dans

  9   ce document où il y a d'autres informations, puisque dans ce document qui

 10   figure à la note de bas de page au numéro 1, on fait référence au transfert

 11   ou du conflit armé à partir de la Croatie, à "La mise en place de la

 12   Herceg-Bosna, aux formations armées sur le territoire de la Herzégovine

 13   occidentale : à Posavina, Odzak, Bosanski Brod, Doboj, Kupres et la vallée

 14   de la Lasva, Travnik, Busovaca, Vitez."

 15   Pourquoi n'avez-vous pas mentionné cela dans cette citation qui est

 16   faite tout au début de votre rapport ?

 17   R.  Ce que j'essaie de mettre évidence avec ce document et en utilisant cet

 18   extrait que j'ai cité, c'est que tout simplement, au début 1992, déjà, la

 19   JNA savait très bien qu'en Bosnie, les trois partis nationaux principaux

 20   avaient, comme ils l'admettent eux-mêmes, mis en place les politiques ou

 21   les conditions préalables et nécessaires sur le plan politique, économique

 22   et militaire pour se lancer dans un conflit. Il faut savoir qu'ils avaient,

 23   également -- on retrouve cela dans les documents. On fait référence au SDS,

 24   au SDA, et cetera. Dans ses propres documents, la JNA nous montre qu'elle

 25   est tout à fait au courant des problèmes ethniques qui sont en train de se


Page 16425

  1   développer en Bosnie.

  2   Si j'indiquais ce que vous venez de citer au sujet de la Croatie, il

  3   faudrait, également, que je prenne aussi l'extrait qui a trait au SDA et

  4   aussi au SDS parce que tout cela figure à la page 7 du même document.

  5   Q.  Oui, mais quand même, il est très important, dès le début, de montrer

  6   que ce qui s'est passé en Croatie, cela a eu un impact réel, un impact

  7   essentiel sur ce qui se passe en Bosnie.

  8   R.  Mais cela, je crois que je l'ai dit. Dans mon rapport, j'ai dit que ces

  9   événements de Croatie avaient un impact.

 10   Q.  Oublions cela pour l'instant et passons à la note de bas de page 5.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoi qu'il en soit, Maître Loukas, je ne

 12   comprends pas très bien. Vous demandez au témoin pourquoi dans son rapport,

 13   il n'a pas mentionné ce qui figure à la page 6 du document, c'est-à-dire,

 14   quelque chose qui concerne le HDZ, les préparations militaires. Or, si j'en

 15   crois ce que je lis dans ce qui est cité dans le rapport, dans la citation,

 16   l'expert nous dit que les trois partis se sont livrés à ce genre de

 17   manœuvre. Est-ce que vous voudriez que l'expert nous parle des trois partis

 18   individuellement en nous disant que -- puisque je cite : "Chacun de ces

 19   partis, conformément à son programme politique, a notamment procédé à une

 20   organisation militaire, à l'élaboration de plans, d'objectifs et de

 21   tactiques pour mener à bien un conflit armé." Est-ce que vous attendriez de

 22   l'expert qu'il insiste sur toutes les activités du HDZ dans ce domaine

 23   ainsi que toutes les autres parties ou est-ce que vous ne seriez pas prêt à

 24   accepter qu'ici, il s'est contenté de citer une évaluation globale en

 25   disant que tout le monde a fait la même chose, les trois partis ont fait la


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  1   même chose ou est-ce que je ne comprends ce que vous voulez dire ?

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Cela redeviendra peut-être plus clair quand

  3   je parlerai de la note de bas de page suivante

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Alors, je --

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Tout cela s'accumule. C'est un processus

  6   cumulatif.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

  8   M. HARMON : [interprétation] La question qui a été posée au sujet du

  9   rapport de M. Brown, quand on lui a demandé pourquoi il n'avait pas parlé

 10   de la Croatie, de l'impact de ce qui se passait en Croatie, on y trouve la

 11   réponse deux paragraphes plus loin dans le rapport du témoin. Il le

 12   mentionne expressément.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Harmon a déjà dit qu'il en avait

 14   parlé dans son rapport et je crois qu'il ne convient pas que vous

 15   complétiez ainsi, vous-même, la déposition du témoin en ajoutant quoi que

 16   ce soit à la réponse déjà donnée à la question de Me Loukas.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation]

 18   Q.  Passons, je vous prie, à la note de bas de page numéro 5. Pour ce qui

 19   est de cette note numéro 5, vous parlez de l'armement et vous dites, je

 20   cite : "A titre d'exemple, le rapport sur la situation est-elle dans la

 21   zone de responsabilité de la deuxième région militaire de la JNA, en date

 22   du 20 mars 1992, fait état de la distribution de 51 900 armes à des unités

 23   de volontaires qui n'appartenaient pas à la JNA."

 24   Si on regarde la note de bas de page 5.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous souhaitez demander le versement


Page 16427

  1   au dossier de la page 6 du précédent document, il faut demander une cote.

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une cote, je vous prie.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction D46.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  6   Mme LOUKAS : [interprétation]

  7   Q.  Si nous passons à la note de bas de page numéro 5, je vais vous donner

  8   un exemplaire de cette note et j'ai des exemplaires pour les autres parties

  9   présentes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous

 11   attribuer une cote, s'il vous plaît ? D47, n'est-ce

 12   pas ?

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, D47, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation]

 16   Q.  Au niveau de la note de bas de page numéro 5, vous avez dit qu'on a

 17   distribué les armes. Mais si vous examinez la page 3, on y parle de

 18   l'organisation des paramilitaires en Bosnie-Herzégovine et il est dit que

 19   "Des informations fiables ainsi que des déclarations transmises à la télé

 20   de dirigeants du MUP de Bosnie-Herzégovine indiquent que le groupe ethnique

 21   de cette république sont bien armés par des partis et les Musulmans

 22   disposent d'à peu près,

 23   60 000 hommes, les Croates de 35 000 et les Serbes de 25 000."

 24   Dans votre note de bas de page, vous avez dit que 51 900 pièces

 25   d'armes ont été distribuées aux unités de volontaires, mais vous n'avez pas


Page 16428

  1   mentionné ce qui figure à la page 3 concernant l'armement des Musulmans,

  2   des Croates et des Serbes avec les chiffres correspondants.

  3   R.  Oui, effectivement, puisque je n'ai pas voulu vraiment attirer

  4   l'attention sur cela, dans cette portion-là du texte. Il y a d'autres

  5   portions du texte où on en parle. Je n'ai pas de doute que les Croates et

  6   les Musulmans se sont armés et la JNA l'indique aussi. Dans ce document,

  7   j'ai voulu attirer l'attention sur les volontaires et le fait qu'ils

  8   étaient aidés par la JNA et en partie, par le SDS.

  9   Q.  En ce qui concerne le vrai contexte, si vous parlez de l'armement des

 10   volontaires serbes et si dans les mêmes documents, on cite des chiffres

 11   quant à l'armement des Musulmans et des Croates, il serait certainement

 12   approprié d'inclure ces chiffres aussi, quand on parle des chiffres précis

 13   tel que vous les avez indiqués dans la note de bas de page numéro 5.

 14   R.  Je ne suis pas d'accord. Je parle de volontaires serbes, dans ce

 15   paragraphe, le paragraphe 1.7 et c'est pour cela que je fais référence à

 16   ces chiffres précis.

 17   Q.  Vous ne considérez pas qu'il serait approprié de donner tout le

 18   contexte de l'armement des Musulmans et des Croates, alors que vous parlez

 19   de l'armement des Serbes.

 20   R.  Dans le document, j'ai dit qu'il y a eu de l'armement dans les régions

 21   musulmanes; j'ai aussi parlé des forces croates qui ont pris le contrôle

 22   d'un certain nombre de municipalités au niveau du corridor de Posavina et

 23   que ceci a causé des difficultés à la JNA. Je ne pense pas que je me dérobe

 24   de dire cela. Je ne dirais pas que je ne suis pas d'accord, mais je

 25   n'attire pas l'attention dans ce paragraphe, je ne mets pas en lumière


Page 16429

  1   cette information. Dans le paragraphe 1.7, je parle des volontaires serbes

  2   et ceci figure au niveau du paragraphe 5. C'est de cela que nous parlons.

  3   Q.  Mais si vous avez parlé de l'armement de ces volontaires serbes, il

  4   faudrait aussi parler, dans ce même paragraphe, n'est-ce pas de l'armement

  5   des Musulmans et des Croates ?

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, attirer

  7   mon attention sur ces chiffres exacts ? Là où vous dites qu'il y a des

  8   chiffres.

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, page 3, paragraphe 4.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, on voit des chiffres.

 11   Mais c'est le nombre d'hommes et pas d'armes. Quand on parle des Musulmans,

 12   par exemple, on parle du nombre d'hommes.

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Mais si on place la phrase dans le

 14   contexte, on peut lire : "Des informations fiables et des informations

 15   transmises à la télé contre les dirigeants du MUP de Bosnie-Herzégovine se

 16   sont prononcés à la télé, indiquent que des groupes ethniques, tous les

 17   groupes ethniques de cette république ont été armés, bien armés par leur

 18   partis respectifs."

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Mais ensuite, nous avons

 20  les chiffres; 20 000 Serbes, n'est-ce pas ? Si la JNA a distribué les armes,

 21   elle les a distribuées aux volontaires serbes, n'est-ce pas ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce sont des volontaires serbes,

 23   effectivement.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire trois armes distribuées à

 25   chaque Serbe.


Page 16430

  1   J'ai du mal à accepter cela. Si vous parlez des chiffres, ce n'est

  2   pas forcément les armes et là, on mélange tout. J'aimerais bien voir ces

  3   chiffres placés dans le contexte, puisque je ne vois pas de chiffres

  4   d'armes distribuées, mais en revanche, je vois bien les effectifs, les

  5   chiffres, quant aux militaires; ce que j'ai du mal à le placer dans le

  6   contexte d'ailleurs, à lier entre eux. Mais peut-être que le témoin ou vous

  7   avez d'autres informations.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Il y est dit : "Les groupes ethniques de

  9   cette république sont bien armés par leurs partis respectifs." Ceci est

 10   bien une référence faite aux hommes qui sont bien armés, aux effectifs qui

 11   sont bien armés.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas forcément -- enfin, oui, on parle

 13   des hommes, des effectifs bien armés, mais je ne comparerais pas forcément

 14   le nombre des armes distribuées au nombre de ces effectifs. Vous pouvez

 15   avoir un mortier pour dix personnes et de l'autre côté, si vous parlez de

 16   fusils, la situation peut être toute autre. C'est très difficile de

 17   comparer cela. Peut-être que vous allez pouvoir réussir à me convaincre que

 18   j'ai tort. Mais si vous parlez des 51 900 armes, vous devriez aussi dire

 19   qu'il y a

 20   60 000 humains. C'est juste pour mieux vous comprendre, Maître Loukas.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] La situation est telle que --

 22   mais je vais poser la question au témoin.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 24   Mme LOUKAS : [interprétation]

 25   Q.  La JNA a aussi distribué des armes aux autres groupes ethniques, n'est-


Page 16431

  1   ce pas ?

  2   R.  Je n'ai pas vu d'éléments qui indiqueraient cela. Si vous avez

  3   connaissance d'un quelconque document qui indique cela, je veux bien faire

  4   un commentaire à ce sujet. Mais je n'en ai pas vu. Ce que j'ai vu, c'est

  5   que la JNA donnait des armes aux Serbes de Bosnie et aux membres du SDS. Je

  6   l'ai vu dans le document relevant du

  7   17e Corps. Je l'ai vu aussi dans le document relevant du 1er Corps d'armée.

  8   Mais dans le document, je n'ai pas vu d'informations indiquant que la JNA

  9   avait fourni les armes aux membres d'autres groupes ethniques. Ce n'est pas

 10   que je veuille dire qu'ils n'ont pas eu d'armes, je veux tout simplement

 11   vous dire que je n'ai pas vu de documents qui corroboraient cette thèse.

 12   Q.  Vous n'avez pas vu de documents écrits qui corroboraient cette thèse, à

 13   savoir qu'on a distribué les armes à la population au sens plus large du

 14   terme, pas seulement aux Serbes.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par la JNA, n'est-ce pas, Maître

 16   Loukas ?

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, par la JNA, effectivement.

 18   R.  Non, je n'ai pas vu cela. Peut-être que là, je ne suis pas parfaitement

 19   dans le domaine de mon expertise. Je sais qu'il y a eu des incidents où des

 20   individus ont forcé les portes de dépôts d'armes pour s'en emparer,

 21   s'emparer des armes. Cela a été fait aussi bien par les Serbes que par les

 22   Musulmans et les Croates en Bosnie centrale. Mais je n'ai pas de documents

 23   qui indiqueraient que la JNA a distribué des armes aux membres du HDZ ou

 24   SDA ou qui que ce soit d'autres. En revanche, j'ai bien vu des documents

 25   qui montrent qu'ils ont distribué les armes aux membres du SDS.


Page 16432

  1   Q.  Très bien. Pour l'instant, nous n'allons plus parler des notes de bas

  2   de page. Nous allons parler de quelque chose d'autre. On va parler de la

  3   Défense populaire. Quelle importance attachez-vous aux concepts de la

  4   Défense populaire généralisée, vous en tant qu'analyste militaire ?

  5   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

  6   Q.  Quand il s'agit d'analyser la situation militaire qui prévalait en

  7   Bosnie pendant la période que vous avez couverte dans votre rapport, dans

  8   la région de la Krajina.

  9   R.  J'ai dit que je savais que c'était une doctrine. La doctrine de la

 10   Défense populaire généralisée était une doctrine que la Yougoslavie avait

 11   adoptée et à laquelle avait adhéré la JNA et la TO et cela voulait dire que

 12   tout un état, toute la population était mobilisée pour défendre son pays,

 13   c'est ce que voulait dire cette "Défense populaire généralisée." Tous les

 14   individus de l'état, toute la population avaient un rôle à jouer dans la

 15   défense du pays, pour défendre les frontières de la Yougoslavie; la Défense

 16   territoriale, à

 17   partir du moment où elle était mobilisée, devait aider la JNA pour donner

 18   encore plus d'éléments, pour appuyer l'armée. Mais aussi, elle avait un

 19   autre rôle, à savoir, la défense des installations-clés des municipalités

 20   des différentes régions. Il y avait aussi des organes civils qui aussi

 21   devaient participer à la défense de l'état. C'est comme cela que je

 22   comprends ce concept, le concept de "la Défense populaire généralisée."

 23   Q.  Pour comprendre cette guerre et la période que vous avez couverte dans

 24   votre rapport, il est aussi important de comprendre la nature de cette

 25   doctrine militaire, n'est-ce pas ?


Page 16433

  1   R.  Oui, cela vous donne le contexte, évidemment. Mais ce n'est pas cela

  2   vraiment qui est au cœur de mon rapport, ce n'était pas mon sujet. En 1992,

  3   la situation a vraiment changé et la Défense populaire généralisée a été

  4   mise en place à cause de la guerre en Croatie. Mais en ce qui concerne la

  5   JNA, c'est important, effectivement, de comprendre ce contexte, pour

  6   comprendre le fonctionnement de la JNA. C'est tout.

  7   Q.  Mais le concept de la Défense populaire généralisée est un concept qui

  8   devait être pris en compte par les trois partis en conflit, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je pense que ce concept, le concept de la Défense populaire

 10   généralisée, était une doctrine qui existait en Yougoslavie et je ne suis

 11   pas vraiment sûr que je suis d'accord avec vous pour dire que tous les

 12   partis aux conflit devaient tenir compte de cela. Cette doctrine a existé

 13   et vivait du temps de la Yougoslavie et pendant un certain temps,

 14   effectivement. Mais à partir du moment où vous avez eu le conflit en

 15   Croatie et ensuite, le conflit en Bosnie, je ne pense pas que ce concept,

 16   le concept de la Défense populaire généralisée s'appliquait encore. Je ne

 17   vois pas exactement de quoi vous parlez, quand vous dites qu'il fallait que

 18   les trois partis en conflit tiennent compte de ce concept.

 19   Q.  Nous allons approcher cela d'un autre angle. Le concept de la Défense

 20   populaire généralisée est un concept qui faisait en sorte que tout le

 21   peuple de la Yougoslavie devait être prêt à se défendre d'une attaque

 22   extérieure, tout d'abord, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Par rapport à ce système, à ce concept, il existait des rapports entre

 25   l'armée, la production militaire, l'industrie militaire, l'armement, le


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  1   dépôt d'armes, d'uniformes, réserves en nourriture, et cetera. Il fallait

  2   faire en sorte, en vertu de cette doctrine, que tout cela soit distribué de

  3   façon égale dans le pays.

  4   R.  Oui, oui. C'est ce que je pense. Effectivement, l'industrie militaire

  5   était une industrie extrêmement importante et je pense que la production

  6   militaire, l'industrie militaire était distribuée dans différentes

  7   localités à travers le pays.

  8   Q.  Chaque municipalité était obligée de disposer des ses propres unités de

  9   la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, oui, je pense que tel était le cas, effectivement.

 11   Q.  Chaque municipalité avait un plan opérationnel visant à utiliser les

 12   effectifs ou à les déployer en temps de guerre.

 13   R.  Oui, je pense que oui. Je ne suis pas vraiment un expert, pour ce qui

 14   est de détail de cette doctrine et surtout, à un niveau plus bas, plus

 15   basique. Mais effectivement, je sais que la Défense territoriale faisait

 16   partie de ce concept, du concept de la Défense populaire généralisée. Je

 17   suppose aussi qu'il existait des plans.

 18   Q.  En ce qui concerne les dirigeants au niveau municipal, dans le cadre de

 19   cette doctrine de la Défense populaire généralisée, est-ce qu'il existait,

 20   est-ce qu'il devait y avoir une certaine coordination entre ces différents

 21   organes, en cas de guerre ?

 22   R.  Oui, j'ai lui effectivement des documents concernant la Défense

 23   territoriale à un niveau de base par rapport à ce concept, au concept de la

 24   Défense populaire généralisée et je pense que tout ceci devait normalement

 25   être utilisé dans le cadre d'une mobilisation et normalement, il devait y


Page 16435

  1   avoir un certain niveau de coordination.

  2   Q.  Chaque municipalité avait son conseil de Défense nationale ?

  3   R.  Oui, je crois que oui.

  4   Q.  A partir du moment où le démantèlement de l'ex-Yougoslavie a commencé,

  5   prenons en exemple une unité opérationnelle en Croatie, le 5e Corps d'armée

  6   s'est retiré depuis la Croatie de la Bosnie, n'est-ce pas ?

  7   R.  D'après les documents que j'ai lus, le 5e Corps d'armée a été mobilisé

  8   au mois de septembre 1991 dans le cadre d'une opération de grande envergure

  9   menée par la JNA en Croatie. Ils ont, ensuite, déployé leurs forces depuis

 10   la Bosnie, puisque ce corps avait été basé en Bosnie à l'époque. Ils ont

 11   mené les opérations dans la Slovénie occidentale au mois de septembre 1991

 12   et ensuite, ils ont négocié un cessez-le-feu en Bosnie, vers la fin de

 13   l'année 1991.

 14   Une portion de ce corps d'armée est restée en Slovénie occidentale

 15   pendant cette période-là, à savoir, au mois de

 16   décembre 1991 et janvier 1992 et s'est retirée complètement de la Croatie

 17   de façon définitive, je crois, au mois de juin 1992.

 18   Le 5e Corps d'armée a été déployé en septembre, en Croatie; il y  a

 19   eu des opérations de combat qu'il a mené là-bas jusqu'au mois de décembre.

 20   Ensuite, il y a eu un cessez-le-feu sous les auspices des Nations Unies.

 21   Une partie du 5e Corps d'armée de la JNA est restée dans la Slovénie

 22   occidentale sur ce territoire qu'ils avaient pris et occupé et ils y sont

 23   restés jusqu'au moment où ils se sont complètement retirés au mois de juin

 24   1992.

 25   Q.  D'après le système yougoslave, une partie de la zone de responsabilité


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  1   du 5e Corps d'armée se trouvait en Croatie et une autre partie en Bosnie ?

  2   R.  Cette question de la zone de responsabilité du 5e Corps d'armée est une

  3   question bien complexe -- enfin elle est assez claire, mais complexe. Le 5e

  4   Corps d'armée faisait partie du

  5   2e district militaire. Le 2e District militaire a été créé suite au retrait

  6   des forces de la JNA de la Croatie. Quand vous dites que la zone de

  7   responsabilité du 5e Corps d'armée en Yougoslavie comprenait la Croatie, ce

  8   n'est pas exactement le cas.

  9   Ce corps a été déployé en Croatie, suite au déploiement de la JNA, au mois

 10   de septembre 1991. Mais en temps de paix, d'après le document, la zone de

 11   responsabilité du 5e Corps d'armée de la JNA se trouvait exclusivement en

 12   Bosnie, pas en temps de Yougoslavie [comme interprété], en temps de paix,

 13   sa zone de responsabilité ne se trouvait pas aussi en Croatie. Il a été

 14   étendu sur la Croatie en 1991 parce qu'ils ont reçu l'ordre de mener des

 15   opérations de combat là-bas en 1991; cet ordre a été donné à ce corps

 16   d'armée par le secrétariat fédéral de la Défense nationale à Belgrade.

 17   Q.  Mais là, nous parlons du temps de guerre et du concept de la Défense

 18   populaire généralisée.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas.

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Pardon ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est six heures moins dix et je

 22   regarde l'heure. Comment nous allons procéder ?

 23   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vois, Monsieur le Président. Votre

 24   suggestion serait...?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous allons travailler,


Page 16437

  1   aujourd'hui, jusqu'à 7 heures 30 et ensuite, vous pourrez continuer

  2   demain ?

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous savez qu'on a aussi du temps

  5   demain aussi.

  6   Mme LOUKAS : [interprétation] Certainement.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous pensez que demain, vous

  8   allez avoir suffisamment de temps pour examiner ce témoin, nous pourrions

  9   peut-être nous arrêter à sept heures, mais peut-être que vous préférez

 10   quand même continuer aujourd'hui.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense qu'il serait plus prudent de

 12   continuer jusqu'à sept heures 30, aujourd'hui, puisque ce témoin a déposé

 13   assez longuement pour le Procureur.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] Si on s'en tient la règle de 60 %, cela

 16   voudrait dire que j'ai encore pas mal de temps pour le contre-

 17   interrogatoire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé la question, c'est tout.

 19   En même temps, j'ai consulté mes collègues, Me Loukas. Cela fait dix

 20   minutes, maintenant, que nous débattons de la question de la Défense

 21   populaire généralisée. Je les ai consultés. Je ne sais pas quel argument

 22   vous souhaitez déduire de cela et quelle est la pertinence, d'après vous,

 23   en l'espèce pour cela.

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si cela nous sert


Page 16438

  1   vraiment de continuer. Vous savez, si, à un moment donné, vous fermez

  2   toutes les portes et vous n'avez pas d'électricité, vous ne voyez plus rien

  3   du tout et je ne vois vraiment pas dans quelle mesure et comment ceci

  4   pourrait nous être utile. Mais si vous avez un argument à déduire de tout

  5   cela, nous serions très contents de le connaître.

  6   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de m'expliquer,

  8   mais je pense que je vous ai passé un message assez clair.

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agit d'un message

 10   assez clair.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   Mme LOUKAS : [interprétation] Je ne veux pas parler encore longuement de ce

 13   concept, mais je pense qu'il est important que les Juges de la Chambre

 14   soient au courant du contexte dans lequel se place ce concept de la Défense

 15   populaire généralisée et c'est un point-clé de la doctrine militaire de

 16   l'ex-Yougoslavie, et les trois communautés partageaient, à l'époque, cette

 17   doctrine, ensuite, il y a eu le conflit dans l'ex-Yougoslavie et évidemment

 18   qu'il y avait une influence de ces doctrines sur ces parties au conflit. Si

 19   vous examinez la question de la coordination et de la coopération, vous

 20   allez voir que ceci faisait partie du système qui existait, ce n'est pas

 21   quelque chose qui est venu de nulle part, cela faisait partie du système

 22   qui existait auparavant, avant le conflit.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est parfaitement clair. Si vous aviez

 24   vécu pendant un moment ensemble au sein de cette Yougoslavie, les Serbes,

 25   les Musulmans et les Croates, évidemment vous seriez tout à fait au courant


Page 16439

  1   de ce concept. C'est un concept qui était commun à toutes les nations, à

  2   tous les peuples, notamment aux trois que vous avez mentionnés. Vous savez,

  3   nous ne sommes pas un jury et vous n'avez pas besoin de nous faire des

  4   leçons d'histoire et de nous donner une leçon comme si nous étions à

  5   l'école.

  6   Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout simplement --

  8   Mme LOUKAS : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- enfin il ne nous appartient pas à

 10   discuter de la façon dont vous allez présenter votre défense, mais j'ai

 11   voulu vous passer un message tout simplement. Si j'ai bien compris vous

 12   avez envie de poser encore davantage de questions à ce sujet. Bien, vous

 13   faites comme vous voulez, Maître Loukas.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Non, non, je ne vais pas passer beaucoup trop

 15   de temps là-dessus. J'ai très bien compris le message. Je pense qu'il était

 16   très important de connaître le contexte par rapport à ce qui s'est passé

 17   par la suite.

 18   Q.  Pour en finir de ce concept de la Défense populaire généralisée,

 19   c'était quelque chose qui était enseigné même à l'école, enfin à l'école

 20   secondaire ?

 21   R.  Je ne sais pas.

 22   Q.  Il y avait même des entraînements pour apprendre aux élèves à manier

 23   les armes. Est-ce que vous le saviez ?

 24   R.  A l'école secondaire ? Des entraînements pour se servir des armes ? De

 25   quoi vous parlez exactement ?


Page 16440

  1   Q.  Bien, dans le cadre de cette Défense populaire généralisée cela faisait

  2   partie du concept, oui, ces entraînements.

  3   R.  Je sais qu'ils avaient une armée de recrues et que le peuple devait

  4   servir au sein de cette armée. C'était obligatoire et qu'effectivement ils

  5   étaient formés à utiliser des armes.

  6   Q.  En ce qui concerne la situation militaire dans l'ex-Yougoslavie tous

  7   les membres des unités de réserve, les Serbes, les Musulmans et les

  8   Croates, ils avaient tous accès aux uniformes.

  9   R.  Je ne suis pas au courant de cela.

 10   Q.  Et aux armes ?

 11   R.  Est-ce que vous pourriez être plus précise ? Qu'est-ce que cela veut

 12   dire, ils pouvaient "potentiellement avoir accès aux armes."

 13   Q.  Dans le cadre de ce concept de la Défense populaire généralisée, les

 14   gens devaient pouvoir être mobilisés rapidement, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, mais "avoir potentiellement accès aux armes" ne veut pas dire --

 16   ou peut vouloir dire plein de choses. Vous savez, moi, dans mon armée, je

 17   fais partie de la réserve, mais cela ne veut pas dire que j'ai une arme. A

 18   partir du moment où je suis mobilisé, ou si j'étais mobilisé, j'imagine que

 19   j'en aurais une. Quand vous dites que : "Les gens pouvaient avoir des

 20   armes," je sais que des gens gardaient leurs armes, les armes de la JNA

 21   dans des endroits sûrs. Ils ne le gardaient pas dans leur chambre à

 22   coucher.

 23   Q.  Vous ne pouvez pas vraiment nous dire ce qui s'est passé dans la région

 24   où il y avait une majorité musulmane importante, des régions que vous

 25   n'avez pas forcément incluses dans votre rapport.


Page 16441

  1   R.  Non, cela ne faisait pas partie de mon rapport.

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vois l'heure, je pense que le temps est

  3   approprié pour prendre une pause.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Puis, si nous continuions

  5   jusqu'à 7 heures 30,  même si vous voulez continuer jusqu'à 7 heures 10,

  6   cela nous va.

  7   Mme LOUKAS : [interprétation] Je voudrais vérifier mes documents et je vous

  8   dirai de combien de temps j'ai encore besoin, je passe à un autre sujet de

  9   toute façon après la pause.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause, et

 11   reprendrons nos travaux à 18 heures 20.

 12   --- L'audience est suspendue à 17 heures 58.

 13   --- L'audience est reprise à 18 heures 27.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, veuillez continuer, je

 15   vous prie.

 16   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Monsieur Brown, je souhaiterais vous ramener à une partie de votre

 18   rapport qui parle de la 16e Session de l'assemblée du peuple serbe en

 19   Bosnie-Herzégovine, c'est à la page 24 de votre rapport. Dans le cadre de

 20   l'interrogatoire principal, lorsqu'on vous a posé une question concernant

 21   cette session de l'assemblée, vous nous avez cité plusieurs passages. Vous

 22   avez également fait des commentaires dans votre texte, dans votre rapport,

 23   et hier lorsque l'on a abordé ces sujets, lorsque M. Harmon vous a posé un

 24   certain nombre de questions sur ce sujet, vous lui avez répondu.

 25   Je vous demanderais de vous référer à l'intercalaire 44. Est-ce que


Page 16442

  1   vous l'avez sous les yeux ?

  2   R.  Oui, certainement. Vous parlez du PV de la session ?

  3   Q.  Oui. C'est le PV de la 16e Session de l'assemblée du peuple serbe qui a

  4   eu lieu le 12 mai à Banja Luka.

  5   R.  Oui, effectivement, j'ai ces notes sous les yeux.

  6   Q.  Maintenant, concernant cette session de l'assemblée, je souhaiterais

  7   vous posez un certain nombre de questions. J'espère que vous allez pouvoir

  8   me répondre de façon exhaustive. Si l'on prend la page 7, on voit le Dr

  9   Nikola Koljevic lire quelque chose, c'est-à-dire en haut de la page, où

 10   nous retrouvons ses propos.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Nous pouvons lire que la Conférence de Lisbonne a été suspendue la

 13   veille.

 14   R.  Oui, effectivement, je vois cela à la page 6.

 15   Q.  Monsieur Brown, concernant les négociations politiques qui avaient eu

 16   lieu à l'époque, vous êtes au courant de quelque chose des négociations que

 17   l'on a appelé le plan Cutileiro ?

 18   R.  Je savais que ces négociations avaient lieu et que Jose Cutileiro

 19   présidait ces négociations, mais je ne suis pas un expert, je ne pourrais

 20   pas vous parler du plan Cutileiro, je ne peux pas vous parler du processus

 21   politique qui en a suivi, mais je sais que des négociations avaient eu lieu

 22   qui impliquaient la Communauté européenne et d'autres intervenants

 23   également. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, donc je ne pourrai pas

 24   vous en parler plus longuement.

 25   Q.  Très bien. Vous avez expliqué à la Chambre de première instance que


Page 16443

  1   vous n'êtes pas un expert traitant du plan Cutileiro, mais vous savez de

  2   façon générale que des négociations avaient lieu autour de cette idée, le

  3   plan Cutileiro ?

  4   R.  Oui. Je crois qu'il vous faudrait peut-être poser des questions aux

  5   experts, mais je sais effectivement que des négociations entourant le plan

  6   Cutileiro avaient lieu.

  7   Q.  Très bien. Maintenant s'agissant du 30 et 31 mars 1992, les trois

  8   parties nationales, c'est-à-dire les Musulmans, les Croates et les Serbes

  9   avaient adopté une décision de principe quant à un nouvel ordre

 10   constitutionnel pour la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non. Je n'ai pas connaissance de ce détail précis, non.

 12   Q.  Vous n'êtes pas au courant du processus qui a eu lieu entre le 17 mars

 13   et le 31 mars, vous ne savez pas quels étaient les sujets discutés dans le

 14   cadre du plan Cutileiro ?

 15   R.  Je ne connais pas les détails, mais je sais que des négociations ont eu

 16   lieu et il y a eu quelques accords préliminaires. Je crois que, plus tard,

 17   le côté musulman qui avait donné d'abord l'impression qu'ils allaient

 18   donner leur accord pour le plan, ne l'avaient pas fait plus tard.

 19   Q.  Mais effectivement, il y avait eu un accord sur les principes, mais M.

 20   Izetbegovic a changé d'opinion ?

 21   M. HARMON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le témoin a

 22   dit qu'il ne connaissait pas les détails de ce plan ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, ce n'est pas très clair.

 24   Je n'arrive pas à comprendre si vous voulez savoir si ce témoin en

 25   particulier avait connaissance de tous les détails du plan Cutileiro, ou


Page 16444

  1   vous voulez savoir simplement s'il a connaissance que tel plan a été

  2   présenté ?

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Non, je voulais simplement savoir si ce

  4   témoin avait connaissance de cela.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il vous a déjà répondu que

  6   oui, il avait connaissance de l'existence d'un tel plan présenté, et

  7   cetera. Mais je comprends que vous vouliez qu'il vous en dise un peu plus.

  8   Je comprends ce que vous vouliez.

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

 10   Q.  Vous savez que selon cet accord un groupe de travail a été mis sur pied

 11   pour définir les territoires des trois communautés qui se trouvaient au

 12   sein de la Bosnie-Herzégovine ?

 13   R.  Je savais que cela faisait partie du plan, cette tentative d'essayer

 14   d'établir des groupes de travail en vue de cet accord, mais je ne connais

 15   pas les détails.

 16   Q.  Est-ce que vous savez, ou êtes-vous au courant qu'une partie de

 17   l'accord constituait à ce que les cartes devraient être refaites sur la

 18   base nationale, économique, géographique et sur le principe historique,

 19   religieux, culturel, éducationnel, en se basant sur le critère de

 20   communication et de transport ?

 21   R.  Non, je ne le savais pas.

 22   Q.  Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas en mesure de nous dire si les six

 23   objectifs stratégiques correspondent au plan Cutileiro ?

 24   R.  Non, je ne suis pas en mesure de le dire, puisque je n'avais pas lu, je

 25   n'ai pas lu le plan Cutileiro, je n'ai pas étudié le plan Cutileiro en


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  1   détail; je ne peux pas faire de comparaison. Je ne me trouve pas compétent

  2   pour être, ni en accord, ni en désaccord.

  3   Q.  A la page 7, de toute façon, dans votre rapport, vous dites que M.

  4   Koljevic parle du fait que la conférence de Lisbonne avait été suspendue un

  5   jour avant cette session de l'assemblée.

  6   R.  Oui, il semble le citer dans le texte, à la page 6.

  7   Q.  La référence concernant Lisbonne est une référence au plan Cutileiro et

  8   est une référence aux négociations entourant ce plan.

  9   R.  Il faudrait poser cette question aux experts, qu'il s'agisse du plan

 10   Cutileiro ou d'un autre accord, mais effectivement, cela fait partie du

 11   processus de négociations.

 12   Q.  Passons, maintenant, au discours de M. Karadzic qui débute à la page 8.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, pour votre

 14   information, le texte en anglais porte une numérotation légèrement

 15   différente; en B/C/S, bien sûr, la pagination commence au moment où la

 16   vraie réunion a eu lieu. Si vous voulez suivre, c'est à la page 3, je

 17   crois, en B/C/S. Voilà, effectivement. C'est un texte qui commence à la

 18   page 3, en B/C/S.

 19   Veuillez continuer, je vous prie.

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Au début du discours de M. Karadzic, il parle de ce qui s'était passé

 22   avec le HDZ et le SDA. Plus loin, il explique ce qui s'était passé au

 23   parlement. Il n'y a pas eu de vote. Est-ce que vous avez étudié les

 24   sessions de l'assemblée, pour ce qui est de ce qui s'était passé au niveau

 25   politique ?


Page 16446

  1   R.  Non. Comme je l'ai dit, ce n'était pas quelque chose que j'ai étudié

  2   pour rédiger mon rapport. Je crois qu'il faudrait demander à d'autres

  3   personnes qu'ils l'ont examiné plus en détail. Je n'ai pas examiné plus

  4   particulièrement cela. Je sais que des sessions de l'assemblée ont eu lieu,

  5   mais ce n'est pas un domaine que j'ai étudié de façon significative, il

  6   faudrait peut-être plutôt poser la question à M. Treanor qui a examiné le

  7   sujet en détail.

  8   Q.  Vous savez que l'analyse de la 16e Session de l'assemblée -- votre

  9   analyse n'est pas fondée sur d'autres analyses des autres sessions de

 10   l'assemblée; est-ce exact ?

 11   R.  Non, pas du tout. Puisque j'ai examiné certain nombre de sessions de

 12   l'assemblée, lorsque j'ai rédigé mon rapport. J'ai passé en revue ces

 13   documents. J'ai dit, il y a quelques jours, la raison pour laquelle je me

 14   suis concentré plutôt sur la 16e Session de l'assemblée, c'est parce que

 15   c'est lors de cette session qu'on a établi l'armée de façon judiciaire.

 16   Lorsque j'ai regardé cela, j'ai vu quelques références dans la

 17   documentation militaire, des références aux objectifs, aux buts et on fait

 18   référence, également, aux opérations du 1er Corps de la Krajina, les

 19   opérations qu'elle lançait, je voulais voir si cela correspondait aux

 20   objectifs militaires et plutôt politiques que j'ai retrouvés à l'examen de

 21   certains documents.

 22   Q.  Votre analyse de la 16e Session de l'assemblée n'est pas basée sur des

 23   détails. Vous avez dit que vous avez passé en revue un certain nombre de

 24   sessions de l'assemblée dans le cadre de la rédaction de votre rapport. Il

 25   est, néanmoins, exact de dire, n'est-ce pas, que vous avez analysé de façon


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  1   très détaillée la session de l'assemblée entourant les événements qui ont

  2   mené à la session de l'assemblée du 12 mai.

  3   R.  Oui, c'est cela, exactement. Je n'ai pas fait une analyse très

  4   détaillée et exhaustive de cette session de l'assemblée, mais je l'ai

  5   passée en revue.

  6   Q.  Passons, maintenant, à la page 9 de la session de l'assemblée, M.

  7   Karadzic est le conférencier; il parle de négociations au début de la page

  8   9, puis, il dit : "Ils ont accepté notre proposition sur la conférence de

  9   Bosnie-Herzégovine, reconnaissant que le peuple serbe n'accepterait pas la

 10   Bosnie d'Alija Izetbegovic si facilement et c'est ainsi que nous en sommes

 11   arrivés à la conférence de Bosnie-Herzégovine sous les auspices de la

 12   communauté européenne. C'est lors de cette conférence que nous avons gagné

 13   du terrain et nous avons obtenu un succès politique énorme, gagnant ainsi

 14   l'approbation de la communauté internationale et dans ce cas-ci, de la

 15   communauté européenne, pour une Bosnie-Herzégovine divisée en trois

 16   parties, contrairement à une Bosnie-Herzégovine unitaire, une Bosnie-

 17   Herzégovine plus complexe consistant en trois nations constitutives dont

 18   les relations seront plus fortes ou moins fortes."

 19   Est-ce que vous voyez cela ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Karadzic est encore en train de parler des négociations qui sont en

 22   cours, n'est-ce pas ?

 23   R.  Il semble donner son point de vue sur ces négociations, effectivement.

 24   Q.  Un peu plus bas, il dit : "Nous avons choisi une solution pacifiste,

 25   politique et nous avons accepté l'arbitrage des politiques de la communauté


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  1   européenne qui ne favorise pas les Serbes en ce moment, nous avons accepté

  2   de perdre une ou deux choses afin d'éviter la guerre."

  3   Est-ce que vous voyez cette partie-là de son discours ?

  4   Q.  Oui.

  5   Q.  Karadzic fait, également, référence au fait qu'il y a eu une

  6   mobilisation, un appel à la mobilisation, un peu plus bas, vers la fin de

  7   la page 9. Voyez-vous ce passage, M. Izetbegovic a fait un appel à la

  8   mobilisation ?

  9   R.  Pourriez-vous me donner la ligne, je vous prie ?

 10   Q.  En bas de la page 9. Je cite le passage : "Pour Izetbegovic, même cette

 11   alliance, même ce soutien n'était pas suffisant et le jour du Ramadan de

 12   Bajram, il a fait un appel à la mobilisation."

 13   R.  Oui, effectivement. Je le vois maintenant.

 14   Q.  Savez-vous quelle était la date de cet appel à la mobilisation ?

 15   R.  Il me faudrait vérifier, mais je crois que c'était, soit vers le 6, le

 16   7 ou le 8 mai. Je crois que c'est cela, n'est-ce pas ?

 17   Q.  J'essaie de vous poser des questions, Monsieur Brown, je veux savoir

 18   quelles sont vos connaissances. Je ne peux pas vous répondre.

 19   R.  Je sais que la raison pour laquelle cet appel à la mobilisation a été

 20   faite, cela était eu égard aux activités qui avaient eu lieu un peu plus

 21   tôt à Bijeljina et Zvornik et je crois que c'est après les incidents de

 22   Bijeljina et de Zvornik qu'il a lancé cet appel à la mobilisation.

 23   Q.  Un peu plus loin, dans le discours de M. Karadzic toujours, il dit :

 24   "Nous n'avons rien contre la communauté nationale croate en Bosnie-

 25   Herzégovine et qu'elle établisse un état ou qu'elle reste dans un même état


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  1   avec les Musulmans. Mais nous nous objectons à une guerre cruelle menée par

  2   les paramilitaires croates, les forces régulières de l'état croate à

  3   Posavina, la vallée de la rivière Sava, les forces croates qui ont envahi

  4   les Serbes en Bosnie-Herzégovine  en commettant des génocides et en

  5   expulsant les Serbes de leurs maisons pour essayer d'obtenir une meilleure

  6   position de négociation, c'est-à-dire, de limiter les frontières de leur

  7   état en

  8   Bosnie-Herzégovine."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, vous êtes en train de

 10   lire

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- une autre version. Vous êtes en train

 13   de donner lecture d'une version différente de la traduction en langue

 14   anglaise de la 16e Session. J'ai remarqué que votre page 9 n'est pas la

 15   même que la nôtre, lorsque vous en donnez lecture. Je vois que vous vous

 16   servez de mots différents.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] C'est intéressant, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je présume que vous êtes en train de

 19   lire, n'est-ce pas ?

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président. Je

 21   vous donne lecture d'un texte --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas observé d'énormes

 23   différences, mais j'ai, néanmoins, vu quelques écarts.

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] J'ai imprimé la version qui est liée avec les

 25   notes en bas de page de M. Brown. C'est cela que je suis en train de lire.


Page 16450

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivons, mais je voulais

  2   simplement que vous sachiez que nous n'avons pas exactement les mêmes mots

  3   dans notre version.

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur, si nous passons, maintenant, plus loin. En bas de la page 12

  6   - je ne sais pas si je cite votre texte à vous et je souhaiterais le

  7   comparer à l'intercalaire 44 -

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais attirer votre attention sur

  9   une différence. Vous avez lu : "C'est donc de dire de limiter les

 10   frontières de l'état de Bosnie-Herzégovine," alors que dans ma traduction à

 11   moi, je dois lire : "D'établir les frontières de l'état de Bosnie-

 12   Herzégovine." Je crois que nous travaillons à partir de versions

 13   différentes. Jusqu'à présent, il n'y a pas vraiment d'écarts très

 14   importants, mais je voulais, néanmoins, vous le souligner.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

 16   J'ai reçu la version qui se trouve à l'intercalaire 44, cet après-midi,

 17   lorsque M. Brown a commencé à déposer, je l'ai reçu et j'ai reçu une copie

 18   de ce qui figure dans sa note en bas de page.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Donc --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voulais simplement souligner le fait

 22   qu'il y a quelques légers écarts.

 23   Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, merci.

 24   Q.  Si nous passons à ce qui a été dit un peu plus loin, dans son discours,

 25   nous nous retrouvons à la page 13, pour ce qui est de ma version à moi. Il


Page 16451

  1   semblerait qu'il s'agisse du bas de la page 12 de la version de

  2   l'intercalaire 44. C'est le paragraphe qui commence par : "Nous avons tout

  3   fait pour éviter la guerre et lorsque la guerre a éclaté, nous avons tout

  4   fait pour que la paix soit établie et que la guerre cesse afin de pouvoir

  5   établir une solution politique possible." Voyez-vous ce passage ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Puis, plus tard, nous pouvons voir que : "Le cessez-le-feu a chaque

  8   fois été enfreint par les forces musulmanes, à Sarajevo et par les forces

  9   croates, à Posavina où la guerre n'avait jamais cessé ainsi que dans la

 10   vallée de la Neretva où nous estimons que le but croate était la conquête

 11   du territoire et de l'établissement de la situation sur le terrain et des

 12   frontières qui, selon eux, tôt ou tard, sera reconnu, alors que les

 13   Musulmans enfreignent la paix et le cessez-le-feu pour mettre des bâtons

 14   dans les roues pour la conférence de Bosnie-Herzégovine."

 15   Maintenant, pour parler du discours, il est exact de dire, n'est-ce pas,

 16   que les forces croates étaient à Posavina à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 17   R.  Les forces croates étant -- qu'est-ce que vous voulez dire par "forces

 18   croates," exactement, je vous prie, les forces de l'Etat croate ou est-ce

 19   que c'était les forces croates en Bosnie-Herzégovine ou de la Bosnie-

 20   Herzégovine ? Je savais que les municipalités autour de la région de

 21   Posavina étaient sous le contrôle des Croates et qu'ils avaient pris le

 22   contrôle de cette zone. J'en fais référence, d'ailleurs, dans mon rapport.

 23   Q.  Passons à la fin de ce paragraphe; ici, il est dit "qu'il vaudrait

 24   mieux trouver une solution politique à cette situation, que le mieux, ce

 25   serait de pouvoir établir une trêve immédiatement, pour établir les


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  1   frontières. Même si nous enregistrons des pertes dans le sens proposé par

  2   la Communauté européenne et si nous trouvons un accord avec les trois

  3   communautés." Est-ce que vous voyez ce passage ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ici, M. Karadzic parle d'un accord négocié ?

  6   R.  A priori, oui. Il semble le dire. Mais quand il parle de "solution

  7   politique," "de solution pacifique," ce que vous avez cité, il faut savoir

  8   que cette session a eu lieu le 12 mai, il y avait déjà eu des prises de

  9   contrôle, des opérations de combat dès le mois d'avril et que dans tout ce

 10   document, on voit des références -- d'ailleurs, à la guerre -- M.

 11   Krajisnik, lui-même, dit : "On est en guerre."

 12   Q.  Mais est-ce qu'il ne s'agit pas simplement d'enfoncer des portes

 13   ouvertes, de dire ce qui est ? Question, en effet, que je vous pose. A

 14   quelle date la guerre a-t-elle commencé ? Quelle est la date qui est

 15   acceptée de tous, du début de la guerre ?

 16   R.  Je ne suis pas sûr de cette date.

 17   Q.  Vraiment ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Comment pouvez-vous analyser des documents militaires, si vous ignorez

 20   la date dont il est convenu de dire que c'est celle du début de la guerre ?

 21   R.  Je ne suis pas sûr qu'il y a une date convenue, s'agissant du début de

 22   la guerre. Il y a eu des activités, des actions en mars, en avril, puis, en

 23   mai.

 24   Q.  Dans tout ce que vous avez lu, dans tous ces documents, il n'y a pas de

 25   date ou de période qui semble correspondre au début de la guerre ?


Page 16453

  1   R.  Il y a une différence, bien entendu, entre une période et une date.

  2   Q.  Mais je suis tout à fait prête à vous écouter, à ce que vous me

  3   donniez, soit une date, soit une période pour le début de cette guerre.

  4   R.  Je dirais qu'à la fin mars et début avril, on a connu une période au

  5   cours de laquelle il y a eu début d'opérations de combat qui ont été

  6   lancées à ce moment-là.

  7   Q.  Bien. Passons, maintenant, à la page 15 de ce procès-verbal de la

  8   session de l'Assemblée, après la proclamation des objectifs stratégiques.

  9   Cela se trouve à la page 14, dans l'autre version, la version qui se trouve

 10   dans le classeur. Il est dit par M. Karadzic : "Nous devons mettre un terme

 11   à la mégalomanie serbe qui consiste à placer autant d'ennemis que possible

 12   dans autant de zones que possible, surtout sur autant de territoires que

 13   possible, aussi bien dans les monts, dans les collines, dans les ruisseaux,

 14   qu'ils soient fertiles ou non. Ceci peut être comparé à un ballon qu'on

 15   gonfle afin qu'il soit aussi grand que possible, mais plus il gonfle, plus

 16   la membrane qui le compose s'affine et plus le risque est grand de le voir

 17   exploser."

 18   Est-ce que, pour vous, on peut interpréter cette phrase de la manière

 19   suivante : M. Karadzic parle des négociations, il en a parlé, il parle de

 20   négociations qui se poursuivent et de la poursuite de ces négociations. En

 21   fait, ce qu'il essaie de faire, c'est de maintenir le cadre de tous les

 22   événements qui sont en train de se dérouler dans un contexte de

 23   négociations ?

 24   R.  C'est une interprétation possible, mais je ne suis pas d'accord avec

 25   cette interprétation.


Page 16454

  1   Q.  Passons maintenant à la page 16 dans votre version, celle où il y a des

  2   notes de bas de page, et dans la version que nous avons dans le classeur,

  3   cela se trouve fort heureusement aussi à la page 16. Il y a ici un passage

  4   où il dit : "Nous ne voulons pas avoir un Etat avec un grand nombre de

  5   personnes qui sont contre cet Etat, mais c'est une possibilité qu'ils

  6   craignent. Deuxièmement, nous avons montré que l'on peut tracer des

  7   frontières bilatéralement et nous voulions que la ligne de délimitation

  8   soit placée aussi profondément que possible, aussi loin que possible pour

  9   qu'il ne puisse plus y avoir de retour possible."

 10   Quand il parle du tracé de frontières qui est fait de manière bilatérale,

 11   cela se place manifestement dans le cadre d'un accord entre les deux

 12   parties, n'est-ce pas ?

 13   R.  Ce n'est pas clair, on ne voit pas très bien de quoi il parle ici. Il

 14   est possible qu'il soit en train de parler de ce qui a été débattu lors des

 15   négociations et dans le cadre du plan Cutileiro. Mais il est aussi possible

 16   qu'il soit en train d'évoquer quelque chose qui se passe plutôt au niveau

 17   local. Il me semble que précédemment il fait référence à Kupres, où il y

 18   avait une ligne de démarcation, mais quand on lit ce passage, on ne

 19   comprend pas très clairement ce qu'il veut dire.

 20   Q.  Pour vous, qu'est-ce que cela veut dire "bilatéral ?"

 21   R.  Accord entre deux parties.

 22   [Le conseil de la Défense se concerte]

 23   Mme LOUKAS : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce qu'il est possible que cela s'inscrive dans le processus de

 25   négociations avec les Croates ?


Page 16455

  1   R.  C'est possible, mais ce n'est pas très clair. Si on lit cette phrase on

  2   ne peut pas le savoir. Ce n'est pas très clair.

  3   Q.  Vous dites que le mot "bilatéral," pour ce qui vous concerne vous

  4   personnellement ne rend pas la phrase plus claire.

  5   R.  Non, je ne parle pas du mot "bilatéral" en tant que tel. Ce qui n'est

  6   pas clair, c'est de savoir s'il est en train de parler d'accords conclus

  7   bilatéralement avec les Croates dans le cadre de négociations plus

  8   générales ou s'il est en train de parler de quelque chose qu'il évoque

  9   précédemment. Je cite : "Prenez, par exemple, Kupres. Quand nous leur avons

 10   dit que nous prendrions leurs intérêts en compte puisque Kupres est plus

 11   important pour eux que pour nous. On pourrait se mettre d'accord pour que

 12   la frontière courre le long de la route et on pourrait trouver un accord

 13   d'abord avec les armées locales sur le terrain et, ensuite, au niveau de la

 14   république."

 15   Ici il fait référence à des accords qui pourraient être trouvés en dehors

 16   du plan Cutileiro, alors savoir si dans le passage que vous m'avez cité,

 17   c'est le cas ou non, on ne peut pas vraiment le savoir. Pour moi, ce n'est

 18   pas clair.

 19   Q.  Est-ce qu'il ne dit pas que, je cite : "Nous avons montré que les

 20   frontières peuvent être tracées bilatéralement" ?

 21   R.  Je ne peux que répéter ce que je vous ai déjà dit, il est dit que c'est

 22   possible de le faire, mais on ne voit pas vraiment dans quel contexte il

 23   s'inscrit quand il tient ces propos. On pourrait en déduire que lorsque

 24   cela leur convient, lorsque cela convient aux deux parties, ils sont

 25   d'accord pour que la route de Kupres soit la nouvelle frontière au niveau


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  1   local. Ou on pourrait dire qu'il parle d'un accord bilatéral conclu dans un

  2   autre rang de forum. Mais il est manifeste qu'il est en train de parler

  3   d'accords bilatéraux, étant donné que le contexte est un contexte croate,

  4   j'imagine que c'est un accord conclu avec les Croates.

  5   Q.  Quoi qu'il en soit, il n'est pas en train de parler du tracé d'une

  6   frontière qui se fait de manière unilatérale. Il parle d'un processus qui

  7   se fait de manière bilatérale dans ce contexte ?

  8   R.  Il est en train de dire ici, je cite : "Nous avons montré que les

  9   frontières peuvent être tracées bilatéralement," mais on ne comprend pas

 10   très bien ce qu'il veut dire exactement ici.

 11   Q.  En tout cas vous, vous ne le comprenez pas très bien ?

 12   R.  Effectivement, je ne le comprends pas très bien. Je trouve que ce n'est

 13   pas très clair.

 14   Q.  D'accord. Nous allons pouvoir maintenant passer à autre chose, à un

 15   autre passage du procès-verbal de cette session, page 17 dans la version

 16   avec notes de bas de page, ce qui correspond dans notre version, celle qui

 17   figure dans le classeur, à la page 16. Il y a un député, un certain Beli

 18   qui est mentionné ici, qui intervient, c'est au bas de la page, il parle de

 19   communications, au bout de 10 lignes, il dit : "Jusqu'à présent nous

 20   n'avons pas été en mesure de communiquer avec qui que ce soit, à

 21   l'exception de notre région de Semberija et de Majevica."

 22   Il est très clair, n'est-ce pas, que sur le terrain au moment où la guerre

 23   s'est déclarée, les communications étaient problématiques et difficiles ?

 24   R.  Pouvez-vous préciser, il s'agit de communications entre qui ? Au sein

 25   de l'armée, avec le SDS, la police ?


Page 16457

  1   Q.  Vous nous avez parlé l'autre jour de cela en explicitant le rapport sur

  2   l'état de préparation au combat. Vous nous avez parlé des communications,

  3   vous en souvenez-vous ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Dans une grande mesure, vous faites reposer vos suppositions sur la

  6   communication, sur l'état des communications, sur le rapport sur l'état de

  7   préparation au combat qui date de 1993 ?

  8   R.  Je ne dirais pas dans une grande mesure, mais c'était effectivement un

  9   rapport dont je me suis servi.

 10   Q.  Sur quels autres éléments appuyez-vous cette conclusion ?

 11   R.  Sur le fonctionnement ou la façon dont cela fonctionne plutôt au sein

 12   du 1er Corps de la Krajina, des références à des sessions de la présidence,

 13   des éléments figurant dans des documents militaires, parlant de réunions,

 14   des références faites dans les sessions de l'assemblée, les sessions de

 15   l'assemblée elles-mêmes qui indiquent que ces sessions sont un canal de

 16   communication, et les informations de la presse internationale. Voici ce

 17   que j'ai utilisé pour traiter de la question des communications.

 18   Q.  Mais quelle était sur le terrain la situation des communications en

 19   matière de téléphone ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

 20   R.  De quelle période parlez-vous ?

 21   Q.  Je parle de la période de votre rapport.

 22   R.  Dans le rapport sur l'état de préparation au combat, il est indiqué que

 23   les militaires ont dû utiliser le système des PTT, et qu'ils l'ont utilisé

 24   avec quelques problèmes; certains centraux ne fonctionnaient pas et les

 25   militaires ont dû utiliser une certaine partie de leurs équipements. Il y a


Page 16458

  1   eu des difficultés, certes. Elles sont mises en évidence dans le rapport

  2   sur l'état de préparation au combat, mais on en est néanmoins arrivé à la

  3   conclusion qu'à cette époque les systèmes de communication étaient très

  4   bons et qu'on avait utilisé le système des PTT.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais intervenir pour poser une

  6   question que je pose aussi bien à vous Maître Loukas, qu'à  M. Harmon ainsi

  7   qu'à vous, Monsieur le Témoin peut-être aussi. On parle de "communication."

  8   Je ne suis pas quelqu'un de langue maternelle anglaise. Je parle un peu

  9   anglais et un peu français aussi. Je sais qu'en français "communiqué" cela

 10   peut aussi être la liaison. Par exemple, si on demande quand on va à

 11   l'hôtel, des chambres communicantes, ce sont des chambres qui sont séparées

 12   par une porte, qui communiquent. Donc quand on parle de communication ici,

 13   je me demande si cela pourrait être ce type de communication. Bien entendu,

 14   nous sommes en train d'interpréter des textes ici, mais je me demande si

 15   quelqu'un pourrait éclairer ma lanterne. Parce que vous commencez, le

 16   témoin vous suit, vous parlez de communication au sens du téléphone, des

 17   télex, et cetera. Or, pour moi, ce n'est pas si évident que cela. Quand on

 18   utilise le terme de "communiqué" en français en effet cela me semble que

 19   cela n'a pas uniquement cette acception, ce sens-là. Je vous pose aussi

 20   cette question, peut-être pourra-t-on se référer à ce qui figure dans

 21   l'original en B/C/S, je me demande si c'est bien dans ce sens qu'il

 22   convient d'interpréter ce mot.

 23   Peut-être pourrait-on demander aux interprètes ce qu'il en est, leur

 24   demander si on peut exclure cette acception du texte original.  Je voudrais

 25   que vous me disiez pour vous si ce verbe "communiquer" dans ce contexte


Page 16459

  1   fait référence uniquement au téléphone, au télex, et cetera.

  2   [Le conseil de la Défense se concerte]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, j'imagine que les

  4   interprètes ont suivi ce que je viens de dire, vous avez, bien entendu,

  5   toute liberté de consulter un membre de votre équipe qui parle la langue

  6   concernée. Pourriez-vous peut-être indiquer aux interprètes la ligne en

  7   question, la ligne où on parle de communication pour nous dire s'il y a la

  8   moindre ambiguïté, s'il s'agit bien de "communications," au sens des télex,

  9   des téléphones, et cetera.

 10   Mme LOUKAS : [interprétation] Tout à fait.

 11   Je serais prête à le faire, j'ai fourni l'exemplaire en B/C/S à mon

 12   assistant, je pourrais y revenir plus tard. Il s'agit de quelque chose que

 13   l'on trouve dans l'intervention de M. Beli à la page 17. Peut-être que le

 14   mieux ce serait que mon assistant puisse trouver la page et ensuite on

 15   pourra en donner lecture pour que ce soit traduit.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est à la page 10 en

 17   B/C/S, la dernière partie de la page.

 18   Mme LOUKAS : [interprétation] Peut-être pourrait-on donner le numéro ERN ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est un numéro ERN qui se termine

 20   par 725.

 21   D'après ce que je peux voir dans l'original, c'est un mot qui commence par

 22   des lettres semblables, "commu" ce sont des lettres semblables à celles que

 23   l'on trouve au début du mot "communications" et du mot "communiquer" en

 24   français et en anglais. Pourrait-on demander à votre assistant de bien

 25   vouloir donner lecture très lentement de cette ligne en cyrillique. Il


Page 16460

  1   s'agit de la septième ligne à partir du bas. C'est le début d'une nouvelle

  2   phrase. Je crois que c'est cela qui nous intéresse, cela se trouve à peu

  3   près au milieu. Veuillez, je vous prie, avoir l'amabilité de donner lecture

  4   de cet extrait très lentement.

  5   M. KARGANOVIC : [interprétation] "Jusqu'à présent, nous n'avons pas

  6   pu communiquer avec qui que ce soit, exception faite de notre région,

  7   Semberija et Majevica. Jusqu'à présent cette coopération a été assez

  8   satisfaisante."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 10   Pourrais-je demander aux interprètes si le terme de "communiquer" ici

 11   doit s'entendre au sens technique, c'est-à-dire qu'il désigne des télex,

 12   des téléphones, et cetera ou si l'on peut l'entendre de manière plus large.

 13   Je suis en train d'écouter la cabine anglaise.

 14   Après avoir écouté les implications de la cabine anglaise, il y a

 15   peut-être une certaine confusion. En tout cas dans la traduction en

 16   anglais, je ne sais pas si "communiquer" en anglais peut avoir un sens plus

 17   large. Là, je me tourne vers vous, Monsieur Harmon ou Maître Loukas, est-ce

 18   que "communiquer" peut avoir un sens plus large que le strict sens

 19   technique communication électronique, communication téléphonique ?

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, cela inclut, bien entendu, ce

 21   type de communication, les formes techniques de communication. 

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, indéniablement. Cela je n'ai

 23   aucun doute à ce sujet. Le problème et la question, c'est de savoir si nous

 24   devons comprendre ce mot comme ayant, dans ce passage, cette acception-là,

 25   cette acception technique.


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  1   Mme LOUKAS : [interprétation] C'est vraiment ambiguë à mon avis. Je

  2   suis tout à fait prête à passer à autre chose. M. Harmon peut s'exprimer

  3   sur ce point.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois que M. Harmon opine

  5   du chef.

  6   M. HARMON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec ce qui

  7   vient d'être dit par la Défense.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine, Monsieur le Témoin, que

  9   vous n'êtes pas en désaccord sur ce point linguistique même si ce n'est pas

 10   votre domaine de spécialisation.

 11   LE TÉMOIN : [hors micro]

 12   Mme LOUKAS : [interprétation] Maintenant cela devient de plus en plus

 13   confus.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire que vous avez posé la

 15   question sur une base qui n'est pas claire à 100 %. Nous ne sommes pas à

 16   100 % sûrs de la base de votre question.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Je veux bien explorer cela.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai voulu tout simplement vous

 19   dire que tout ce paragraphe d'après moi pourrait avoir toute une autre

 20   signification.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Vous savez, cela arrive avec les documents,

 22   quand on analyse des documents, on se rend compte qu'il y a des ambiguïtés,

 23   des différences de sens.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense qu'il est tout simplement

 25   honnête de vous le faire savoir et qu'au moins un des Juges a peut-être


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  1   compris la signification de ce mot d'une façon complètement différente, et

  2   ceci pourra avoir des conséquences. Je ne voudrais pas que vous soyez

  3   surprise par cela. C'est une ligne dans un document, mais elle n'est pas

  4   sans importance.

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Interpréter le mot "communication" en

  6   anglais, en français, anglais américain, australien, écossais, bien, on

  7   pourrait communiquer ces mots de différentes façons et on pourrait trouver

  8   des difficultés en communiquant le mot "communication."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez continuer Maître

 10   Loukas.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci.

 12   Q.  A présent, nous allons passer à un autre aspect de cette session de

 13   travail de l'assemblée. Nous allons parler des propos formulés par M.

 14   Dragan Kalinic, au niveau de la page 22, de votre version qui est annotée

 15   avec les notes de bas de page, et en ce qui concerne l'autre version du

 16   texte.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons le trouver, Maître Loukas.

 18   M. HARMON : [interprétation] Il s'agit de la page 21.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois -- M. Kalinic.

 20   Mme LOUKAS : [interprétation]

 21   Q.  En ce qui concerne la contribution, le propos formulé par M. Kalinic, à

 22   un moment donné, au niveau du 2e paragraphe de son discours, quatre ou cinq

 23   lignes plus bas, il dit --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous signale que

 25   cela se trouve à la page 14.


Page 16463

  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Q.  Il dit : "Je voudrais parler d'un certain nombre de choses que j'ai

  3   entendus ici, d'un certain nombre d'informations et d'idées qui ont circulé

  4   ici et qui pourraient porter à confusion parmi les autres peuples et je

  5   pense qu'il serait peut-être judicieux d'éclaircir ces points ici, dans cet

  6   endroit, pendant qu'il est encore temps. Parmi les points dont l'Assemblée

  7   doit décider, est le point suivant et c'est le point le plus important :

  8   Est-ce que nous avons choisi l'option de la guerre ou l'option de

  9   négociation ?"

 10   En lisant ce qu'a dit M. Kalinic, il est parfaitement clair ou on peut

 11   interpréter cela, n'est-ce pas, en disant que d'après ce qu'il a entendu,

 12   lors de cette session de travail de l'Assemblée, il n'est pas sûr si on

 13   parle de l'option de la guerre ou de l'option de négociation ?

 14   R.  En lisant cette phrase-là, oui, effectivement, il pose la question --

 15   il se pose la question et il a apparemment des doutes, il n'est pas sûr et

 16   il dit quel est sont point de vue et c'est clairement l'option de la

 17   guerre.

 18   Q.  Mais il est assez clair, comme cela peut être le cas lors de toute

 19   session de travail de l'assemblée partout dans le monde où surtout, dans le

 20   cas de la guerre, qu'au cours des débats, il peut y avoir des sessions

 21   houleuses de travail de l'assemblée de parlement. Vous avez les gens qui

 22   sont des va-t-en guerre et d'autres qui sont pour la paix. C'est normal.

 23   R.  Oui, en théorie, oui. Ceci pourrait être le cas, ce qui peut arriver

 24   dans certains parlements. C'est arrivé dans certains parlements, lors de

 25   débats.


Page 16464

  1   Q.  Très bien. Lors de cette session de l'assemblée, parmi les personnes

  2   qui ont parlé, il y avait des gens qui prônaient une paix négociée et

  3   d'autres qui prônaient la solution de la guerre.

  4   R.  Peut-être que vous pourriez avoir un doute quant à

  5   M. Karadzic, mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le cas, puisque

  6   M. Karadzic, lui-même, parle de la guerre. Il dit : "Nous sommes en

  7   guerre;" c'est la phrase qu'il utilise lui-même. Je ne suis pas sûr qu'il y

  8   ait des doutes quant à l'état de guerre.

  9   Q.  Mais on parle encore de négociations, n'est-ce pas ? Il parle encore de

 10   négociations. Et même, il est en train de dessiner des frontières

 11   bilatérales, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, il parle de frontières bilatérales, je pense que nous avons parlé

 13   de cela, mais c'est assez ambigu. Dans son discours, il parlait aussi de

 14   négociations. C'est vrai qu'il en parle. Mais il parle aussi de la guerre,

 15   il dit qu'ils ont pris le contrôle du territoire, qu'ils se sont emparés

 16   d'une portion importante du territoire, qu'ils tiennent Sarajevo, que

 17   Sarajevo est encerclé. Je ne dirais pas que c'est un agneau.

 18   Q.  Je n'ai jamais dit que c'était un agneau, Monsieur Brown. J'ai utilisé

 19   cette image, je vais revenir là-dessus.

 20   [La conseil de la Defense se concerte]

 21   Mme LOUKAS : [interprétation]

 22   Q.  Je vous ai dit : "Partout, lors de toute session de travail

 23   parlementaire, en état de guerre, il peut y avoir des gens qui sont pour la

 24   guerre et d'autres qui sont pour la négociation. Il peut y avoir des loups

 25   et des agneaux."


Page 16465

  1   R.  Oui. En théorie, oui. Lors d'une session de parlement, il peut y avoir

  2   des gens qui sont pour le conflit et des gens qui sont contre le conflit.

  3   Q.  Nous allons passer au discours de M. Kalinic. C'est un petit peu plus

  4   loin dans ce discours. Il parle, à la page 22 de la version dans

  5   l'intercalaire qui se trouve dans le dossier, des mercenaires qui sont

  6   partis de Libye, du Soudan, de l'Iran, et cetera. Est-ce qu'il y a eu des

  7   mercenaires qui ont participé au conflit en Bosnie venant de régions comme

  8   celles qui sont énumérées ici ?

  9   R.  Cela ne relevait pas de mon rapport que d'étudier cela. Cependant, j'ai

 10   entendu dire que plus tard, au cours de la guerre, il y a eu effectivement

 11   des individus venant d'autres états. Cela étant dit, je ne sais pas s'il

 12   s'agissait des états que vous venez de mentionner, puisque cela ne cadre

 13   pas dans le cadre de mon rapport et cela ne relève pas de mon expertise.

 14   Q.  Savez-vous si Osama bin Laden y est allé ?

 15   R.  Je ne saurais répondre à cette question. Je ne sais pas.

 16   Q.  Nous allons parler de M. Vjestica -- et il s'agit de la

 17   page 26 de la version avec les notes de bas de page --

 18   M. HARMON : [interprétation] Page 24.

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Je remercie M. Harmon.

 20   Q.  Je voudrais passer à la page 25 du dossier. Au milieu du paragraphe, il

 21   est dit : "80 % de Serbes ont quitté Bihac. Un grand nombre de Musulmans

 22   aussi ont quitté Bihac et nous avons, là-bas, une situation qui est au bord

 23   de la guerre."

 24   Monsieur Brown, d'après ce que vous savez, est-ce que vous avez des

 25   éléments qui contrediraient cela ?


Page 16466

  1   R.  Je ne sais pas ce qui s'est passé à Bihac à l'époque. Je sais qu'il y

  2   avait des réfugiés serbes qui venaient d'autres régions et il y en a un

  3   certain nombre d'entre eux qui sont venus dans la région de la Krajina. En

  4   ce qui concerne les chiffres concernant Bihac, je ne saurais vous aider.

  5   Q.  Mais il est clair que dans cette période juste avant la guerre, le

  6   peuple des trois communautés a été présent, a participé à cela ?

  7   R.  Je ne sais pas si je peux vraiment répondre de façon détaillée. Je sais

  8   qu'il y avait des Serbes qui étaient venus en Krajina, un grand nombre

  9   d'entre eux est venu de la Slovénie occidentale et de la Croatie. En ce qui

 10   concerne les autres, ceux qui sont arrivés au mois d'avril ou au mois de

 11   mars, je ne pourrais vous aider.

 12   Q.  Mais d'après ces documents, les documents que vous avez examinés, est-

 13   ce qu'il vous est apparu clairement que les Serbes avaient peur à cause de

 14   ce qui s'est passé en Croatie ?

 15   R.  Je ne suis pas vraiment sûr si dans les rapports de la JNA qui existait

 16   à l'époque, s'ils parlaient vraiment de cela. J'imagine, de toute façon,

 17   que les gens qui partaient, quittaient la Slovénie occidentale et

 18   devenaient des réfugiés serbes, j'imagine qu'ils avaient peur. Mais je ne

 19   suis pas vraiment sûr qu'il existe des documents qui parlent de cela. Il y

 20   en a un qui parle des objectifs, de ce qu'ils avaient l'impression qu'on a

 21   fait en Slovénie occidentale, qu'il fallait protéger les Serbes et ils

 22   utilisaient souvent la phrase "protéger les Serbes contre le génocide."

 23   Mais je n'ai pas vraiment vu des déclarations, des interviews, des

 24   déclarations des Serbes, des individus serbes qui avaient peur des

 25   témoignages.


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  1   Q.  Il y a eu la proclamation unilatérale de l'indépendance croate au mois

  2   de juin 1991. Est-ce que vous conviendrez qu'à cette occasion, on a

  3   restauré de vieux symboles des Oustachi, datant de la Deuxième guerre

  4   mondiale ?

  5  R.  Il s'agit de la guerre en Croatie et je n'ai pas étudié cela en détails.

  6   Q.  Mais il y a eu des Serbes qui ont été licenciés ?

  7   R.  Je pense qu'il conviendrait de poser la question à quelqu'un qui a

  8   étudié tout particulièrement la guerre en Croatie.

  9   Q.  Est-ce qu'il y avait des Serbes qui devaient signer les déclarations de

 10   loyauté ?

 11   R.  A nouveau, je ne peux que vous répondre de la même façon.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, si vous continuez comme

 13   cela, normalement, vous ne devrez pas vous attendre à avoir une réponse

 14   positive. Peut-être qu'à tout hasard, la sixième ou la cinquième réponse

 15   pourrait vous indiquer qu'il a quelques informations, mais c'est un témoin

 16   qui est ici en tant que témoin expert.

 17   Mme LOUKAS : [aucune interprétation] Je serais heureuse de passer à

 18   autre chose, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis, si on regarde l'heure --

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, je pourrais

 21   continuer demain.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le matin.

 23   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Très bien.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons la séance jusqu'à demain.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une question. Je

  3   ne sais pas si je peux vous poser cette question, mais je voudrais savoir

  4   si nous allions terminer demain parce que je dois quitter le pays vendredi,

  5   pour deux semaines.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous attendons à ce que Me Loukas

  7   termine son contre-interrogatoire d'ici demain.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Est-ce que nous avons toute la session de

  9   travail demain ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous le dire demain, au début de

 11   l'audience. Je peux vous dire que le bureau du Procureur va interroger le

 12   témoin pendant six heures 45 minutes --

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Sans les questions des Juges ?

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande pardon ?

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] Est-ce que cela inclut les questions des

 16   Juges ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce sont des questions neutres que

 18   nous allons poser. Il ne s'agit pas de questions qui sont posées et qui

 19   sont favorables, soit à la Défense, soit au Procureur.

 20   Si on tient compte du nombre d'heures passées pour le Procureur, vous

 21   disposerez d'à peu près d'un petit peu plus que quatre heures. Cela veut

 22   dire jusqu'à la dernière pause de 45 minutes parce que maintenant vous

 23   venez d'interroger le témoin pendant

 24   1 heure 45 minutes, un petit peu plus d'ailleurs et vous allez pouvoir

 25   l'interroger encore pendant deux heures et 20 minutes, à peu près.


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  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Est-ce que ceci exclut les questions des

  2   Juges ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je --

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] Je marchande ici.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas vraiment calculé combien de

  6   questions nous allions poser au témoin surtout quand nous allons parler de

  7   cette question de communication. Mais je dirais que vous devriez terminer

  8   avant la fin de la session de travail du milieu de demain.

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je faire une

 10   suggestion.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   Mme LOUKAS : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Parce que je ne vois pas comment je pourrais

 15   traiter de tout cela.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, Maître Loukas, je dois

 17   vous dire que je ne parle pas pour moi-même, mais pour tous les Juges.

 18   Depuis le début de votre contre-interrogatoire, je dois dire que la façon

 19   dont vous l'avez menée, cela ne nous encourage pas à vous accorder plus que

 20   60 % habituel.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Vous parlez de quel portion de mon contre-

 22   interrogatoire ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Du début, les 35 premières minutes.

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Concernant les questions que j'ai posées au

 25   témoin au sujet de son indépendance ?


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à beaucoup d'égards.  Mais nous

  2   allons réfléchir au sujet de cela. Je ne voudrais tout simplement pas que

  3   vous soyez surprise demain, si, après évaluation, les Juges décident que

  4   vous devriez vous en tenir à la règle de 60 % et de façon stricte.

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense qu'il est extrêmement important

  6   d'examiner en détail la session de travail de la

  7   16e Session de l'assemblée.

  8   Ensuite --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre contre-interrogatoire ressemble

 10   beaucoup à l'interrogatoire principal. Vous allez attirer l'attention du

 11   témoin sur un certain nombre de thèmes dans le texte, d'éléments dans le

 12   texte qui sont importants pour vous. Vous n'avez pas besoin de lire tout

 13   cela. Vous pourriez, par exemple, dire : je voudrais attirer votre

 14   attention sur les objectifs stratégiques, là où on parle des objectifs

 15   stratégiques en temps de guerre. Ensuite, les Juges pourraient absorber

 16   cette information et voir ce qu'ils pensent. Ce n'est pas pour diminuer

 17   votre rôle, Monsieur Brown. Mais souvent, on lit des portions du texte et

 18   on dit de quoi il s'agit.

 19  Les Juges sont tout à fait capables de lire le texte même, de le comprendre.

 20   Ceci pourrait vous être utile; par exemple, vous pourriez dire : je

 21   voudrais attirer votre attention à la page telle et telle, telle et telle

 22   où on parle des négociations de la paix. Nous, nous nous efforcerions de

 23   suivre et le témoin dirait : oui, oui, c'est exactement ce que j'ai lu et

 24   souvent, on n'a pas besoin d'aller bien plus loin que cela.

 25   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exactement ce


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  1   qui est arrivé, c'est-à-dire que le Procureur a, également, lu des parties

  2   --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Justement, je sais, cela se

  4   ressemble -- vous avez fait un travail qui ressemble à celui du Procureur,

  5   effectivement. Cela peut être réduit, à l'avenir, c'est-à-dire que s'il y a

  6   des parties spécifiques et si vous faisiez une liste, par exemple : je

  7   souhaiterais attirer l'attention du témoin sur ces points-ci, et cetera,

  8   vous pourriez peut-être surligner en jaune et à ce moment-là, nous pouvons

  9   en prendre connaissance --

 10   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, la raison pour

 11   laquelle j'ai adopté cette approche, c'est que M. Harmon a fait la même

 12   chose, c'est-à-dire qu'il a demandé au témoin de faire des commentaires sur

 13   des parties très sélectionnées --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] -- parties choisies. C'est justement ce que

 16   je fais. J'essaie de confronter le témoin avec des parties qui ne

 17   correspondent pas à d'autres parties, c'est-à-dire que si vous dites qu'il

 18   y a un raccourci, on peut faire un travail différent, alors c'est à ce

 19   moment-là que je suis d'accord pour dire que nous devrions, tous les deux,

 20   les deux parties devraient adopter la même approche. Je pourrais, à ce

 21   moment-là, si vous le voulez, remettre la 16e session de l'assemblée avec

 22   des parties surlignées. Mais ce qui est intéressant, c'est de voir la

 23   réaction du témoin. Nous ne devrions peut-être pas avoir cette discussion

 24   devant le témoin, mais c'est un témoin expert et à ce moment-là, c'est très

 25   intéressant de voir ses commentaires et de cette façon-là, nous pouvons


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  1   tester sa crédibilité.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. Ce n'est pas quelqu'un

  3   qui a été présent. Il n'a pas pris part à cette 16e Session de l'assemblée.

  4   A ce moment-là, nous ne pouvons pas vraiment tester sa crédibilité de cette

  5   façon-là, c'est-à-dire que l'expertise n'est pas absente, si vous voulez.

  6   Mais c'est un expert qui nous parle du contexte.

  7   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai peut-être une

  8   autre proposition qui pourrait raccourcir la procédure --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 10   Mme LOUKAS : [interprétation] -- et je remarque que nous abusons du

 11   temps des interprètes --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, on nous a informé qu'il ne

 13   faut pas dépasser 19 heures 30.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le Président. Une

 15   proposition.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Si vous me permettez deux heures, à ce

 18   moment-là, puisque je voulais passer une certaine partie du temps pour

 19   aborder le contre-interrogatoire de M. Brown et je voulais le confronter

 20   avec l'interrogatoire de M. Ackerman dans Brdjanin; c'est peut-être à ce

 21   moment-là que je pourrais proposer le versement au dossier de tous ces

 22   documents.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,

 24   Monsieur Harmon ?

 25   M. HARMON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Mais je


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  1   souhaiterais avoir des copies, à ce moment-là, de ces transcripts. Je

  2   pourrais avoir la possibilité de les examiner, de les lire.

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien. Je ne veux pas parler du contre-

  4   interrogatoire et de l'ensemble du contre-interrogatoire. Mais nous

  5   pourrions peut-être aborder une partie du contre-interrogatoire de cette

  6   façon-là.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous encourage à vous

  8   entendre là-dessus, sur le principe.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 10   Nous reprendrons nos travaux demain matin, à 9 heures.

 11   --- L'audience est levée à 19 heures 38 et reprendra le jeudi 14 juillet

 12   2005, à 9 heures 00.

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