Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 10 novembre 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs.

6 Monsieur le Greffier, je vous prie d'appeler l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

8 numéro IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

10 Je demanderais maintenant à Me Josse s'il est prêt à poursuivre

11 l'interrogatoire principal du témoin d'hier.

12 M. JOSSE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je suis tout à fait

13 prêt.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez faire entrer le

15 témoin, je vous prie, dans la salle d'audience.

16 Il serait peut-être pratique que les parties informent

17 Mme l'Huissière si des questions de procédure doivent être soulevées afin

18 de ne pas attendre.

19 Monsieur Tieger, je ne sais pas si vous avez entendu, mais il serait peut-

20 être bien d'informer Mme l'Huissière si vous voulez soulever des questions

21 de procédure car sinon, à ce moment-là -- le témoin est déjà dans la salle

22 d'audience. Bien. Nous allons procéder à son audition.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Vous savez,

25 Monsieur, si vous le mettez sur le dessus de votre tête, je crois que vous

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1 entendrez mieux.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, je souhaiterais vous

4 rappeler que vous êtes encore lié par la même déclaration solennelle que

5 vous avez prononcée au tout début de votre déposition. Me Josse va

6 continuer l'interrogatoire principal.

7 Veuillez poursuivre, Maître Josse.

8 LE TÉMOIN : MILOS MILINCIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Josse: [suite]

11 Q. [interprétation] Monsieur Milincic, avant la fin de la journée d'hier,

12 je vous ai posé un certain nombre de questions concernant M. Krajisnik.

13 Pourriez-vous nous dire, est-ce qu'il était populaire en 1992 dans la

14 Republika Srpska, M. Krajisnik ?

15 R. Je peux vous donner mon opinion personnelle sans pour autant qu'elle

16 soit vraiment appuyée par une statistique ou par des chiffres.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous n'avons pas

18 d'interprétation en anglais sur le canal 4.

19 L'INTERPRÈTE : Est-ce que vous m'entendez maintenant ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très bien. Je vous entends

21 maintenant. Mais nous n'avons rien au compte rendu d'audience,

22 malheureusement.

23 Monsieur Milincic, je vous prierais de répéter votre réponse puisque nous

24 n'avons pas reçu d'interprétation. Me Josse vous a demandé de nous donner

25 votre évaluation quant à la popularité de

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1 M. Krajisnik en 1992, dans la Republika Srpska.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, je n'ai pas de données statistiques à

3 vous présenter. Mais selon une opinion personnelle, d'après ce que j'ai pu

4 conclure lors des fêtes, des rassemblements, de par ce que j'ai pu entendre

5 dire des amis et des gens comme cela, dans la rue, c'étaient les premières

6 élections multipartites, à l'époque. Il était tout à fait inhabituel

7 d'avoir des élections multipartites. La télévision retransmettait les

8 événements. On disait que le pouvoir est allé entre les mains du SDS, le

9 gouvernement entre les mains des Croates et la Présidence se trouvait entre

10 les mains des Musulmans. On s'attendait à ce qu'il y ait des tensions. Mais

11 on disait que M. Krajisnik était particulièrement habile, il était très

12 patient, il était impliqué. Particulièrement, il s'est impliqué pour

13 essayer de faire en sorte que le tout se calme et sa participation, cette

14 façon de procéder, a beaucoup joué pour sa popularité. Il était très bien

15 vu à l'époque. C'est une opinion personnelle, tout du moins.

16 M. JOSSE : [interprétation]

17 Q. Dites-nous si la municipalité de Srbac n'a jamais reçu des ordres

18 émanant de M. Krajisnik ?

19 R. Je ne sais pas à quels ordres vous pensez. Je ne sais pas ce que je

20 pourrais vous dire là-dessus. Je ne me souviens pas si quelque ordre que ce

21 soit est parvenu au président de la république de Srbac sans que ces ordres

22 ne soient réglementés par les lois. Les lois existaient, effectivement.

23 C'étaient les lois de

24 l'ex-Yougoslavie et de Bosnie-Herzégovine, mais nous nous servions de ces

25 lois-là. Je ne peux pas vous dire s'il y a eu quelque chose improvisé comme

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1 cela, de nouveau. Je n'ai pas ce genre de données.

2 Q. Je souhaiterais maintenant passer à un autre sujet avec votre

3 permission. Je souhaiterais savoir si vous n'avez jamais été présent -- je

4 vais reformuler ma question, plutôt.

5 Dites-nous si le nom de Mirzet Karabeg de Sanski Most vous dit quelque

6 chose ?

7 R. Oui. Effectivement, cela me dit quelque chose et c'est lié, d'ailleurs,

8 à la raison pour laquelle je suis ici. Il s'agit d'un homme qui, je crois,

9 si je ne m'abuse, était de Sanski Most, il était dans le comité exécutif.

10 Je ne sais pas s'il était le président du comité exécutif ou député, je ne

11 sais pas.

12 Q. Oui, vous avez raison, effectivement. A un moment donné, il était

13 président du comité exécutif, oui.

14 Est-ce que vous n'avez jamais pris part à une réunion de la région de

15 Bosanska Krajina au mois de mars 1991 ? Avez-vous participé à une réunion

16 qui a eu lieu à Banja Luka ?

17 R. Oui. C'était dans le Palais des Bannes de Banjski Dvori. C'était, je

18 crois, en 1991, peut-être au mois de décembre, mais je ne suis pas tout à

19 fait sûr du mois.

20 Q. Je vous parle d'une réunion qui a eu lieu au mois de

21 mars 1991.

22 R. Oui, c'est tout à fait possible.

23 Q. Vous souvenez-vous s'il y a eu une réunion organisée par la région lors

24 de laquelle M. Karabeg était présent ?

25 R. Effectivement, nous avions des réunions de ce type à Banja Luka. Les

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1 présidents des municipalités se réunissaient. Lors d'une de ces réunions à

2 Banski Dvori, au Palais des Bannes, avant d'adopter l'ordre du jour, un

3 homme s'est levé. C'est ainsi que je l'ai remarqué puisqu'il s'est levé.

4 Maintenant, plusieurs années plus tard, je peux encore dire que je me

5 souviens que ses propos différaient des propos des autres personnes

6 présentes et qu'il avait quitté immédiatement la salle, tout de suite, même

7 avant le début de la réunion. Il était accompagné d'un autre homme.

8 Il a quitté l'assemblée en disant qu'il s'attendait à ce qu'on débatte

9 d'autres sujets à l'ordre du jour et il avait dit que l'ordre du jour

10 différait énormément de l'ordre du jour tel que prévu. Il avait dit qu'il

11 était arrivé là tout à fait par hasard. Il a exprimé son désir de partir,

12 de ne pas être présent et de ne pas participer à cette réunion et il est

13 parti, il est sorti.

14 Par la suite, j'ai su de qui il s'agissait, c'était un homme de Sanski Most

15 et je crois qu'il était, en vérité, originaire de Prijedor. Il était

16 accompagné de ces deux autres hommes et ils ne sont pas restés. Les autres

17 participants lui ont dit : Attendez, attendez de voir comment les choses se

18 passent. Ne partez pas. L'ordre du jour n'a pas encore été adopté. Avant

19 d'adopter l'ordre du jour, on en discute pendant deux heures ou trois.

20 Ensuite, les gens lui ont dit : La réunion se calmera, restez. Eux, ils

21 sont partis avant que l'ordre du jour ne soit adopté, avant même que la

22 session ne commence et il n'a pas pris part aux débats, bien sûr.

23 Q. Est-ce que vous avez appris quel était le nom de cette personne de

24 Sanski Most ?

25 R. J'ai demandé qui est cet homme qui est parti et pourquoi a-t-il

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1 réagi de la sorte ? Les personnes qui étaient restées derrière ont commencé

2 à reprocher à certaines personnes en leur disant : Pourquoi est-ce que vous

3 ne l'avez pas gardé ? Pourquoi est-ce que vous ne lui avez pas expliqué ?

4 Il n'était pas nécessaire qu'il s'en aille. S'il est venu par hasard, il

5 aurait dû rester. J'ai simplement entendu dire qu'il s'agissait d'un homme

6 de Sanski Most, originaire de Prijedor, mais je n'avais pas appris son nom

7 à ce moment-là. Plus tard, lorsque j'ai été convoqué pour venir ici, j'ai

8 su qu'il s'agissait d'un homme qui répond au nom et prénom que vous avez

9 dits tout à l'heure.

10 Vous me demandez si je me souviens de l'événement. Je vous ai dit que

11 oui, mais je ne me souviens pas de son nom et de son prénom. J'ai seulement

12 su plus tard qu'il s'agissait de Karabeg de Sanski Most, originaire de

13 Prijedor.

14 Q. Comment est-ce que vous avez appris qu'il s'agissait de Karabeg de

15 Sanski Most ?

16 R. C'est quelqu'un qui me l'a dit. Je ne me souviens pas. Je sais que dans

17 le cadre de ma préparation pour venir déposer devant ce Tribunal, j'ai su

18 quel était son nom, et c'est ainsi que je me suis renseigné et que l'on m'a

19 dit qu'il s'agissait de cet homme-là. Je vais certainement oublier son nom

20 dans quelques jours, bien sûr, car je viens de l'apprendre.

21 Q. Maintenant, parlons de la réunion que vous avez décrite. Dites-nous si

22 lors de cette réunion-là ou lors d'une quelconque autre réunion de la

23 région de la Bosanska Krajina, dites-nous si vous vous souvenez d'un juge

24 d'un tribunal correctionnel de Srbac. Vous souvenez-vous si un juge avait

25 été présent ?

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1 R. Pour être tout à fait honnête, lorsque les représentants de la Défense

2 de M. Krajisnik m'ont demandé si j'avais été présent à cette réunion, je

3 leur ai dit que oui. Ensuite, ils m'ont dit : Vous souvenez-vous qu'un

4 homme avait parlé et qu'il avait quitté la session ? J'ai dit que oui.

5 Ensuite, on m'a dit : Est-ce que vous connaissez son nom ? J'avais dit que

6 non. Ensuite, j'ai été étonné d'apprendre qu'on aurait dit, lors de cette

7 séance, on aurait parlé d'étouffer les médias non-serbes et que le

8 président du tribunal de Srbac aurait proposé une série de taxes ou

9 d'impositions avec lesquelles il tenterait d'étouffer tous les médias non-

10 serbes.

11 Il est évident qu'en tant qu'homme de Srbac, le seul homme de Srbac

12 qui soit présent à cette réunion, et comme effectivement personne n'a

13 jamais participé à ce genre de réunion du tribunal de Srbac, et il y avait

14 une femme qui était présidente du tribunal correctionnel de Srbac. C'est

15 une femme qui s'appelle Biljana Lalovic.

16 Si vous parlez du président du tribunal correctionnel de Srbac, c'est

17 Biljana Lalovic, mais elle n'a jamais été présente aux réunions. Si

18 maintenant vous me parlez par contre du président du tribunal municipal,

19 c'était une personne qui est maintenant député national et qui, à l'époque,

20 était avocat. Il s'appelle Ljubomir Sandic. Il appartenait à l'autre bloc à

21 l'époque, au bloc des socialistes.

22 Cette personne n'a jamais, en tant qu'homme, en tant que

23 professionnel, déclaré de choses semblables, même si sa vie en dépendait.

24 Il ne s'est jamais présenté aux réunions, aux sessions, ni Ljubomir, ni

25 Biljana. Ces deux personnes ne sont jamais venues. C'est encore moins

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1 probable qu'ils aient fait des déclarations puisqu'on parle de Srbac. Srbac

2 n'était pas animé plus haut que zéro lorsqu'on parle de ces tensions

3 nationales, si vous me comprenez.

4 Les Serbes, y compris les Musulmans et les Croates dont j'ai parlé hier.

5 Troisièmement, état donné que Srbac se trouve à la frontière même de

6 la Croatie, il était absolument impossible que Srbac puisse étouffer les

7 autres médias. Ils n'avaient pas de moyens, ni financiers, ni autres. Nous

8 écoutions les médias croates eu égard à la position, à la situation sur le

9 terrain, eu égard à la position dans laquelle nous nous trouvions, puisque

10 nous étions à la frontière. Alors, nous écoutions la télévision croate. Il

11 est tout à fait possible qu'on ait entendu parler de quelque chose. On

12 aurait peut-être parlé de Srbac. Mais en fait, si on faisait une enquête

13 aujourd'hui à Srbac, si on essayait de faire un sondage, les gens diraient

14 tous à Srbac que ces déclarations, telles que vous l'avez mentionné, ces

15 déclarations, qui seraient faites par le président du tribunal

16 correctionnel ou autre, n'ont jamais eu lieu, car ces derniers, ils n'ont

17 jamais participé aux sessions de l'assemblée municipale.

18 Q. Le dernier sujet --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser une question en

20 guise de précision. Vous venez de poser une question au témoin. Est-ce que

21 cela a un lien avec les autres éléments de preuve présentés déjà

22 préalablement ?

23 M. JOSSE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous --

25 M. JOSSE : [interprétation] Je peux vous donner la page au compte rendu

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1 d'audience.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pourriez-vous me donner la date ?

3 Est-ce que c'est Karabeg -- enfin, j'ai les dates. Mais si vous cherchez le

4 mot "court" ou "tribunal," vous trouverez énormément de tribunaux, y

5 compris celui-ci.

6 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que M. Tieger est mieux organisé que

7 moi, comme d'habitude.

8 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président, ce n'est pas cela

9 que je voulais dire. Mais en fait, pour être tout à fait juste envers M.

10 Josse, il y a eu un échange entre eux et nous, rapide, concernant cette

11 question et il ne s'agit pas --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Posez-la au témoin.

13 M. TIEGER : [interprétation] -- d'une question qui n'a pas été soulevée

14 dans le cadre de 65 ter.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

16 M. TIEGER : [interprétation] Si je comprends bien, c'est une question que

17 la Défense voulait poser et voulait m'informer que ces questions seraient

18 soulevées dans le cadre d'un interrogatoire principal. J'ai tout à fait

19 accepté qu'il y ait eu probablement un malentendu eu égard à l'Article 65

20 ter, mais je ne crois pas que j'essayerai de poser des questions lors du

21 contre-interrogatoire pour ce qui est de ceci, en fait, pour essayer de

22 résoudre cette question. Je voulais simplement vous informer de ce que je

23 pense.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

25 M. JOSSE : [interprétation] Si je puis, je pourrais vous donner la page.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites. Dans le système LiveNote, les

2 pages sont plutôt caractérisées par les dates et non pas par les numéros.

3 Si vous cherchez le mot "court" ou tribunal, ce n'est pas tout à fait utile

4 puisqu'on parle d'énormément de tribunaux. Très souvent, on retrouve le mot

5 tribunal, et le mot "juge" ne peut certainement pas non plus nous aider

6 lors de la recherche.

7 M. JOSSE : [interprétation] Qu'en est-il du tribunal correctionnel ?

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous dites qu'il s'agit du "tribunal

9 correctionnel," à ce moment-là, peut-être que nous allons pouvoir retrouver

10 le passage. Bien. Veuillez poursuivre, je vous prie.

11 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends tout à fait

12 ce que vient de dire mon éminent confrère, M. Tieger.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pour la date, est-ce que c'était

14 le 25 mai ou ne le savez-vous peut-être pas ? Je vais le retrouver.

15 M. JOSSE : [interprétation] J'ai seulement la page du transcript, Monsieur

16 le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais procéder à une

18 recherche et je trouverai certainement ce passage.

19 M. JOSSE : [interprétation]

20 Q. Le dernier sujet qui m'intéresse, Monsieur Milincic, a trait au conseil

21 principal du SDS. Est-ce que vous avez pris part aux réunions du conseil

22 principal en 1991 ?

23 R. Oui.

24 Q. A combien de réunions avez-vous participé ?

25 R. Sept ou huit, si l'on pense qu'il y a une réunion par mois, ou il peut

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1 arriver qu'il y ait une réunion tous les 45 jours. Je ne suis pas allé plus

2 souvent. C'est-à-dire que je suis sûrement allé à huit réunions en 1991.

3 Q. Qu'en est-il de 1992 ?

4 R. Les activités avaient déjà cessé au sein du parti et nous nous étions

5 tourné vers les problèmes de notre municipalité.

6 Q. En 1991, vous avez pris part aux réunions, comme vous nous l'avez dit,

7 est-ce que vous pouvez nous dire si M. Krajisnik a été présent lors de ces

8 réunions ?

9 R. Lors des réunions du SDS à l'hôtel Holiday Inn, le 12 ou le 14 juillet

10 1991 - cela, je l'ai dit hier - M. Krajisnik a soit été accepté en tant que

11 membre du parti, soit est devenu membre du conseil principal ou du comité

12 principal, l'un ou l'autre, lorsqu'il a participé à la réunion du SDS. Il y

13 a eu d'autres réunions au cours de cette même année, et généralement, il ne

14 restait pas jusqu'à la fin ou il arrivait en retard parce qu'il avait

15 d'autres engagements. Mais je ne me souviens pas très clairement de ce

16 qu'il en est. C'est très difficile pour moi d'affirmer quoi que ce soit

17 avec certitude sur ce point. Tout ceci s'est déroulé il y a très longtemps.

18 Puis pour moi, cela n'avait pas une très grande importance à l'époque.

19 Q. Avez-vous participé à une réunion à l'Holiday Inn au mois de décembre ?

20 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 M. TIEGER : [interprétation] S'agissant de la question précédente, il est

23 possible que cela ait fait l'objet d'un malentendu. Mais maintenant, je

24 vois clairement, et c'est clair aussi pour les Juges, je pense. Je vois

25 clairement quels sont les éléments que la Défense souhaite vous présenter

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1 et je suis un petit peu éberlué. Éberlué de voir que cela ne figure nulle

2 part dans le document 65 ter, ni d'ailleurs dans les autres séries de

3 questions qui ont été posées par la Défense; c'est complètement nouveau.

4 Tout le long de la procédure, nous avons exprimé notre préoccupation sur ce

5 point. Enfin, inutile pour moi d'insister lourdement. Je pense que c'est

6 très clair. Je ne sais pas très bien quel recours je pourrais vous suggérer

7 à ce stade, mais en tout cas, cela ne va pas. Ce n'est pas acceptable. Il

8 est nécessaire de se pencher sur cette question. Je ne suis pas préparé, et

9 ce n'est pas acceptable.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse -- enfin, avant de vous

11 donner la possibilité de vous exprimer, Monsieur Josse, je me tourne vers

12 vous, Monsieur Tieger. Vous nous dites que vous ne savez pas quel recours

13 vous pourriez nous suggérer. Mais avez-vous des options que vous pourriez

14 envisager ?

15 M. TIEGER : [interprétation] Les options qui s'offrent à nous manifestement,

16 Monsieur le Président, elles seraient les suivantes : on pourrait permettre

17 l'interrogatoire principal de se dérouler, puis reporter le contre-

18 interrogatoire sur ce point ou reporter le contre-interrogatoire dans sa

19 totalité. Vous pourriez décider d'exclure ces moyens de preuves, les moyens

20 de preuve dont nous n'avons pas été notifiés précédemment et suffisamment à

21 l'avance. Enfin, je n'insiste pas sur une option ou une autre. Je suis

22 simplement en train de penser à haute voix, de vous dire les alternatifs

23 qui s'offrent à nous. Je ne veux pas vous engager à prendre des mesures qui

24 soient plus draconiennes que cela n'est nécessaire. Mais il faut que

25 j'insiste malgré tout, j'y suis tenu. Ces résumés 65 ter ont un rôle. Il

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1 faut reconnaître le rôle de ces résumés et les respecter.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

3 Maître Josse, avant de vous laisser poursuivre, j'aimerais entendre

4 votre réponse aux préoccupations exprimées par M. Tieger.

5 M. JOSSE : [interprétation] Avec tout le respect que j'ai pour lui, je

6 n'accepte pas ses critiques entièrement. Pour la question précédente, il

7 avait tout à fait raison. Il n'avait aucune manière de savoir que j'allais

8 interroger le témoin au sujet de M. Karabeg, à moins d'avoir été prévenu à

9 l'avance. Mais s'agissant de ce que je vais maintenant demander au témoin -

10 -

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez parler de la dernière

12 question au sujet de la réunion à la fin de l'année ?

13 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Il sait tout à fait où je veux en venir.

14 C'est la question centrale, l'une des questions centrale en l'espèce.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela figure dans le résumé 65

16 ter ?

17 M. JOSSE : [interprétation] On y parle du fait que le témoin est membre de

18 --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous savons qu'il est membre. Il en

20 a déjà parlé.

21 M. JOSSE : [interprétation] Ce fait figure dans le résumé 65 ter.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous estimez que le

23 résumé 65 ter est suffisamment circonstancier, si tout ce qui s'est passé

24 pendant que quelqu'un a été membre d'une institution, tout cela peut

25 éventuellement être évoqué pendant l'interrogatoire du témoin ?

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1 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais l'événement dont je vais parler est

2 un événement qui occupe une place tellement centrale ici --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. JOSSE : [interprétation] -- qu'il n'est pas nécessaire de le faire

5 figurer dans le résumé 65 ter. C'est vraiment ma prise de position

6 essentielle sur ce point.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre seraient tentés

9 de prendre l'initiative, si cela est clair pour tout le monde et si, selon

10 la Chambre, le simple fait de mentionner l'appartenance à une institution

11 quelconque n'est pas suffisant pour un résumé 65 ter. Ce qu'on pourrait

12 faire, c'est essayer de voir ce que sait le témoin au sujet d'une question

13 dont tout le monde est d'accord pour dire qu'elle est essentielle en

14 l'espèce. On pourrait poser un certain nombre de questions à ce témoin,

15 puis voir si vous-mêmes, vous avez des questions supplémentaires à lui

16 poser, Maître Josse.

17 Monsieur Milincic, si on parle des réunions du comité principal du SDS,

18 vous souvenez-vous d'autres réunions auxquelles vous auriez participé au

19 cours de l'année 1991 ?

20 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas reçu d'interprétation.

22 L'INTERPRÈTE : Il s'agissait uniquement des réunions du comité principal.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous dites "il s'agissait de la

24 seule réunion," est-ce que vous voulez dire que c'était la réunion de

25 juillet ou est-ce qu'il y a une autre réunion ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Me Josse m'a demandé si j'avais participé à

2 une réunion en décembre, j'ai dit oui.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette réponse n'apparaît pas au compte

4 rendu d'audience. Je l'ai certes vue -- j'ai certes vu la question qui s'y

5 rapporte, mais pas votre réponse. Donc, voilà, vous avez participé à une

6 réunion en décembre. Pouvez-vous nous dire où a eu lieu ladite réunion ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit oui, même si je n'en suis pas sûr,

8 mais je ne veux pas ici ergoter. Mais en tant que membre du SDS et de la

9 présidence de Srbac, j'essayais de participer à autant de réunions que

10 possible, même si je ne me souviens pas avec précision. En tout cas, oui,

11 il y avait des réunions à l'Holiday Inn de Sarajevo.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que par hasard vous vous

13 souviendriez de la date ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'était au début de

16 décembre ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'était en décembre, en hiver,

18 parce qu'on avait une longue distance à parcourir, donc, généralement, on

19 avait des difficultés de transport et tout cela.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pouvez-vous nous dire qui était

21 présent lors de cette réunion ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les membres du comité principal. Je crois

23 qu'il y en avait 45. Le président du parti, M. Karadzic, sans doute, des

24 membres du gouvernement, mais qui exactement, combien -- à l'époque on

25 avait encore un gouvernement conjoint avec les autorités au niveau de la

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1 Bosnie-Herzégovine, donc je ne sais pas qui était là exactement. Je sais

2 que la réunion était présidée par

3 M. Karadzic. J'en suis certain. Mais, en dehors de cela, je ne peux pas me

4 prononcer avec beaucoup de certitude. Je sais que j'ai participé à des

5 réunions, mais pour le reste, je sais qu'on avait le quorum, donc cela veut

6 dire qu'il y avait 45 ou 40 personnes qui étaient là, enfin au moins 38,

7 puisqu'on avait le quorum. On ne partait jamais d'une réunion sans qu'un

8 certain travail ait été accompli. Il y avait une séance de travail.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Précédemment, vous avez dit que lors de

10 la réunion de juillet, M. Krajisnik était devenu membre du parti ou du

11 comité principal. Cela correspond également à ce que vous avez dit hier.

12 Donc, quand vous nous dites que les membres du comité principal étaient

13 présents, on ne peut pas déterminer, enfin, vous n'arrivez pas à vous

14 souvenir si M. Krajisnik en était, puisque vous ne savez pas s'il était

15 membre du comité principal ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas, mais j'aurais plutôt

17 tendance à dire qu'il l'était plutôt que le contraire. Mais je ne suis pas

18 sûr. C'est logique, vous voulez des faits. Mais il est possible qu'il avait

19 été membre, mais je n'avais aucune raison de graver cela dans mon esprit,

20 de me souvenir des présences. Je sais que j'y suis allé, mais en dehors de

21 cela…

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous souvenez-vous de ce qui s'est

23 produit au cours de cette réunion ? Sur quoi ont porté les débats ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut m'aider là, parce que je ne peux pas

25 répondre comme cela. Lors de ces réunions, on parlait de beaucoup de

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1 choses; des semailles, des récoltes, de la politique, enfin, des médias. On

2 parlait d'un grand nombre de sujets. Si bien que ce serait bien que vous me

3 précisiez le sujet qui vous intéresse plus particulièrement, parce qu'en

4 évoquer toute une série, un vaste éventail de sujets, les gens ont parlé de

5 beaucoup de choses, diverses décisions, est-ce qu'on pouvait avoir une

6 influence sur telle ou telle décision, encore des décrets, trouver des

7 emplois. Il y avait tout ce qui avait trait à la vie des entreprises, par

8 exemple, lorsqu'une entreprise était en difficulté.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'avant ces réunions on vous

10 remettait un ordre du jour ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vraisemblablement, mais on ne recevait

12 ces ordres du jour que très rarement. J'imagine qu'on les recevait une fois

13 qu'on arrivait à la réunion. Mais, je ne me souviens pas avoir reçu

14 d'exemplaire de l'ordre du jour à l'avance.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, l'ordre du jour était très

16 probablement distribué pendant la réunion même. Est-ce qu'il y a d'autres

17 documents qui étaient distribués pendant la réunion ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr. Je ne m'en souviens pas.

19 Je ne voudrais pas me lancer dans des conjectures.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si on ne parle pas exclusivement de

23 cette réunion, mais de manière générale, de ces réunions, est-ce qu'au

24 cours de ces réunions, en général, on procédait à la distribution des

25 documents qui émanaient des organes centraux du parti ? Est-ce que c'était

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1 quelque chose d'habituel, une telle distribution ? Je ne suis pas en train

2 de vous parler de la réunion de décembre --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il arrivait parfois que cela se passe comme

4 cela, mais nous n'avions pas de règle bien définie. On débattait de toute

5 sorte de sujets. Si bien que ce qui se passait généralement, c'est que soit

6 avant ou après ces séances de travail, il y avait une sorte de réunion de

7 brainstorming au niveau de la municipalité. On parlait de ces questions

8 avec le président du parti. Comme je l'ai dit, comme Srbac c'était sans

9 doute la région qui avait le moindre de problème du point de vue économique

10 ou du point de vue ethnique, j'étais la personne la moins amenée à poser

11 des questions. Il n'y avait rien que j'avais à faire.

12 S'il y avait des documents qu'on recevait, je laissais au parti le

13 soin de s'en occuper.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ma question, elle, consistait à

15 vous demander s'il vous arrivait habituellement de recevoir ce type de

16 documents, si c'était habituel. Vous avez plutôt répondu en m'expliquant ce

17 que vous faisiez desdits documents. Mais je voudrais savoir si c'était

18 quelque chose d'habituel ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, quand je les recevais. Quand je recevais

20 quelque chose qui était adressé à la municipalité de Srbac, je m'en

21 munissais, bien entendu. Je ramenais cela à Srbac. Mais je ne sais pas si

22 tous les documents, toutes les pièces étaient identiques. Je ne sais pas.

23 Mais s'agissant de Srbac, on me remettait ces documents et je les

24 transmettais à la structure du parti, aux communautés locales, aux communes

25 locales, aux comités municipaux, et cetera. C'était toute l'organisation,

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1 la politique du parti. Mais, Srbac était un petit peu à part sur ce point.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit tout particulièrement que

3 vous ignorez si les pièces étaient les mêmes, étaient identiques. Qu'est-ce

4 que vous voulez dire par là ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais ce qui vous intéresse; c'est la

6 variante A et B. J'en ai entendu parler. Mais, j'affirme en toute

7 conscience, en toute responsabilité, et je suis prêt à faire face à toutes

8 les conséquences que cela pourrait avoir, j'affirme que Srbac n'a jamais

9 participé à aucune de ces variantes. Nous n'avons jamais reçu de

10 documentation au sujet des Variantes A, B ou C. J'en ai entendu parler

11 quand je me suis entretenu avec les avocats. Ils ont mentionné les

12 Variantes A, B, C. Ils m'ont demandé si j'avais vu cela, si j'en avais

13 entendu parler, entendu parler du nettoyage ethnique et de tout cela. Mais

14 le fait est que j'avais besoin d'emmener des Croates et des Musulmans à

15 Srbac pour calmer la situation entre les Serbes. S'agissant de ces

16 Variantes A et B, si cela avait trait au nettoyage ethnique ou autre chose,

17 je n'ai rien eu à voir avec tout cela. Je suis devant le Tribunal. Je sais

18 ce qui vous intéresse, je sais ce que vous cherchez. J'en ai entendu

19 parler, mais j'affirme en toute responsabilité en tant que président du SDS

20 de Srbac et membre du comité principal, que je n'ai jamais mis les yeux sur

21 ces documents. Peut-être qu'on me les a cachés. Je ne sais pas, peut-être

22 qu'il y a quelqu'un dans la municipalité qui a reçu ces documents. Je

23 l'ignore peut-être. Mais en tout cas, personnellement, je n'ai jamais rien

24 vu de tel à Srbac. Voilà ma réponse.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est pour cette raison que

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1 vous avez dit que vous n'étiez pas sûr que tous les documents étaient

2 identiques ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous connaissance du fait que des

5 documents auraient été distribués à une municipalité sous une forme

6 différente ou sous une variante différente, une version différente, par

7 rapport aux documents remis à une autre municipalité, donc différence entre

8 les documents ? Vous comprenez ce que je veux vous dire ? Est-ce que vous

9 avez connaissance que jamais cela se soit produit, à savoir que s'agissant

10 d'un même sujet, on ait distribué des documents différents en fonction de

11 municipalités ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai très bien compris. Je vois très bien

13 ce que vous voulez me demander, mais je ne suis pas en mesure de le

14 confirmer.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Hanoteau a une question pour

16 vous.

17 M. LE JUGE HANOTEAU : Simplement dans le même cadre d'interrogation : est-

18 ce que vous pouvez dire que dans ce type de réunion, les municipalités

19 recevaient des espèces d'instructions générales valables pour toutes les

20 municipalités ? Est-ce que cela est arrivé ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des discussions, des craintes qui

22 étaient formulées, des suppositions : Qu'est-ce qui va se passer s'il y a

23 la guerre ? Est-ce qu'on va être protégé ? De quelle manière ? Comment on

24 va se procurer des ravitaillements ? Comment on va organiser notre

25 défense ? Donc, c'était des espèces de discussions préliminaires. Mais,

Page 18435

1 étant donné qu'on n'était pas menacé à Srbac -- je n'ai pas participé à

2 rien de tout cela.

3 M. LE JUGE HANOTEAU : Excusez-moi, Monsieur. Répondez à ma question. Est-ce

4 que dans ce type de réunion, vous pouviez recevoir du "Main Board", de

5 l'organisme central, des sortes de circulaires applicables à toutes les

6 municipalités ? En quelque sorte, des instructions que les municipalités,

7 que toutes les municipalités devaient appliquer ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens vraiment pas de cela. Je

9 suis très intéressé à vérifier si ce genre de chose existe au sein des

10 archives du SDS à Srbac. Je ne me souviens vraiment pas de cela. Je crois

11 que j'ai reçu cela, ces documents, et je crois qu'on a débattu lors des

12 comités exécutifs de la municipalité de Srbac.

13 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez reçu de tels documents qui s'adressaient à

14 toutes les municipalités ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que certaines questions statutaires

16 concernant les statuts du parti, je les ai distribuées, mais ce genre de

17 document-là, de ce type-là, avait un tel poids, je ne les ai jamais reçus.

18 Mais j'ai dit que j'étais intéressé de savoir si de tel document existe.

19 Maintenant, si on en avait débattu à l'époque, je pourrais vous en parler

20 maintenant, mais je n'ai pas connaissance de cela. Voilà, je peux peut-être

21 vous expliquer les choses de cette façon-ci : si jamais j'avais reçu ce

22 document, cela n'aurait absolument aucun effet puisqu'on aurait rien pu

23 faire, étant donné que ce document serait tombé dans l'oubli. Mais ce

24 document n'existe pas.

25 M. LE JUGE HANOTEAU : Je suis désolé, mais votre réponse ne me satisfait

Page 18436

1 pas. Alors, nous allons continuer, Monsieur, sans nous presser. Je voudrais

2 que ma question vous apparaisse, en tout cas, comme étant bien claire.

3 Dans ce type de réunion, est-ce que l'organisme central, le "Main

4 Board" distribuait des instructions à tous les représentants des

5 municipalités pour que ces instructions soient appliquées ? Je ne parle pas

6 des Variantes A ou des Variantes B. D'une manière générale, sur quelque

7 sujet que ce soit, est-ce que le "Main Board" pouvait distribuer des

8 instructions à appliquer par chacune des municipalités ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis vraiment désolé, mais je ne peux pas

10 le confirmer. Si j'avais reçu des documents de ce type, des documents

11 universels, si vous voulez, indépendamment du contenu, tous ces documents

12 que je recevais, je les faisais parvenir, je les transmettais au conseil

13 exécutif ainsi qu'à l'administration.

14 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vous remercie.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

16 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai terminé de mon contre-interrogatoire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui, on a bien exploré ce sujet.

18 Monsieur Tieger, êtes-vous prêt à procéder au contre-interrogatoire du

19 témoin ?

20 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Mais est-ce que vous pourriez m'accorder

21 une minute pour m'organiser un petit peu.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 Monsieur Tieger, je ne veux pas dire que vous n'avez pas l'air

24 organisé parce que ce serait une insulte. Vous êtes généralement très bien

25 organisé. Mais est-ce que vous êtes suffisamment organisé pour commencer ?

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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

3 Contre-interrogatoire par M. Tieger :

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Milincic. L'autre jour, M. le Juge

5 Hanoteau vous a interrogé au sujet de ce que vous avez entendu dire sur les

6 événements se déroulant dans les municipalités environnantes, sur les

7 tensions, les actes de violence. Il vous a demandé ce que vous aviez

8 entendu dire sur ce qui se passait. Vous avez expliqué au Juge Hanoteau que

9 vous avez entendu toutes sortes de choses être dites au sujet des autres

10 municipalités. Vous nous avez dit, je cite : "Au milieu de tous ces actes

11 extrêmement regrettables, de tout ce mal qui se déployait, je crois que

12 Srbac a réussi à garder tout cela à un niveau extrêmement limité."

13 J'aimerais qu'on revienne un petit peu en détail sur ce point. Qu'avez-vous

14 entendu dire sur ce qui se passait dans les municipalités de la Krajina, et

15 en particulier, sur ce qui était en train d'advenir des Croates et des

16 Musulmans dans les municipalités environnantes, les municipalités de la

17 Krajina, au cours du printemps et de l'été 1992 ?

18 R. Je crains de ne pas avoir grand-chose à dire. Je vous ai dit que ma

19 mission essentielle c'était Srbac, et s'agissant des rumeurs, j'ai entendu

20 des rumeurs extrêmement étranges, extrêmement bizarres au sujet de moi-

21 même, à mes dépends. J'ai étudié la littérature et la psychologie, et je

22 connais très bien la fonction remplie par les rumeurs. Je me souviens qu'un

23 Allemand, à très juste titre, a déclaré --

24 Q. Monsieur Milincic, excusez-moi. Je ne suis pas en train de vous

25 interroger au sujet de vos études. Je ne suis pas en train de vous demander

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1 ce que vous avez entendu raconter sur vous. Ce que je vous demande, c'est

2 ce que vous avez entendu dire au sujet de ce qui était en train d'arriver

3 aux Musulmans et aux Croates dans les municipalités de la Krajina au cours

4 du printemps et de l'été 1992.

5 R. J'ai entendu des choses semblables au sujet des Musulmans, des Croates

6 et des Serbes, au sujet du conflit qui avait déjà commencé ou qui allait

7 commencer dans différentes municipalités, dans différentes régions, avec

8 d'abord des provocations, des agressions contre des familles, des coupures

9 d'électricité, un porc tué qu'on avait placé ensuite devant la maison d'un

10 Musulman. Enfin, c'est ce qu'on racontait. C'étaient les rumeurs. Il y

11 avait les menaces par téléphone, quand le téléphone fonctionnait encore.

12 Voilà ce qu'on racontait. C'est la peur qui se répandait à ce moment-là.

13 Q. Essayons d'être tout à fait clairs. Est-ce que vous voulez que les

14 Juges de la Chambre comprennent qu'en 1992, tout ce que vous saviez des

15 événements et de ce qui se passait aux Musulmans et aux Croates dans les

16 municipalités de Krajina, c'est qu'il y avait des pénuries d'électricité,

17 qu'un cochon avait été tué et jeté devant la maison de quelqu'un et qu'il y

18 avait quelques provocations dirigées envers certaines familles et certaines

19 attaques sur certaines familles ? Est-ce que c'est ce que vous voulez que

20 les Juges croient que vous saviez à l'époque des événements qui s'étaient

21 déroulés en 1992 et des choses qui étaient arrivées aux Musulmans et aux

22 Croates dans la Krajina ?

23 R. Oui, c'est tout, et peut-être certains détails. Je n'étais ni

24 responsable, ni capable de résoudre ces autres problèmes.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, personne ne vous a

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1 demandé de nous parler de choses qui étaient de votre responsabilité. La

2 question était simplement de savoir si vous saviez à l'époque que certaines

3 choses se passaient. Est-ce que vous avez entendu parler de certains

4 événements ? Est-ce que vous saviez ce qui s'était passé, ce qui était

5 arrivé aux Croates et aux Musulmans dans la Krajina ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous devriez comprendre qu'il ne s'agit pas de

7 choses officielles, d'événements connus de tous. Si l'information que vous

8 souhaitez obtenir, vous voulez que je vous la dise, ce n'était pas quelque

9 chose qui était connu de tous. Je pouvais, bien sûr, lire les journaux,

10 regarder la télévision, mais les informations étaient plutôt biaisées. Des

11 fois, je recevais une information qui me parvenait six mois plus tard après

12 l'événement. J'entendais dire que certaines personnes ont été licenciées

13 indûment ou que quelqu'un s'était fait tué. Je recueillais des données

14 concernant les Serbes plutôt. J'étais intéressé par ce qui arrivait aux

15 Serbes. Mais il était inévitable d'entendre dire qu'il y avait, bien sûr,

16 des choses qui arrivaient aux Croates et aux Musulmans. Il y avait

17 Komarica, par exemple. Il était une personne très ouverte. Il était Croate

18 et il parlait beaucoup. C'était un homme énergique et il parlait du statut

19 des Croates dans la Krajina, par exemple. Nous voulions que cette question

20 soit résolue de la meilleure façon que ce soit.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, on ne vous demande

22 pas de donner un très grand nombre d'informations. Si vous nous dites : "Je

23 ne pouvais pas ignorer et j'entendais ce qui arrivait aux Croates et aux

24 Musulmans," M. Tieger veut simplement savoir ce que vos saviez, ce que vous

25 aviez entendu dire. Que vous soyez responsable ou non, ce n'est important.

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1 Que vous ayez pu faire quelque chose ou non, ce n'est pas cela qui nous

2 intéresse. Il ne nous intéresse pas de savoir si vous saviez énormément de

3 choses ou non. M. Tieger veut simplement vous demander de nous dire si vous

4 savez ce qui c'était passé. Vous venez de nous donner un très grand nombre

5 de phrases en ne répondant pas directement à la question. Je vous prierais

6 de vous concentrer plutôt et de répondre strictement aux questions qui vous

7 sont posées par M. Tieger.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà dit. Vous savez qu'il s'agit d'un

9 milieu mixte, et il est certain qu'il y aura une confrontation entre les

10 Serbes et les Musulmans. Quant au sort réservé aux personnes, cela

11 dépendait des cas. Des fois, les victimes étaient des Musulmans, d'autres

12 fois, des Croates et d'autres fois des Serbes. Je vous prierais vraiment

13 d'arrêter d'insister là-dessus. Je crains de pouvoir vous donner trop

14 d'éléments trop vagues. Vous voulez que je vous donne une réponse noir ou

15 blanc. Je ne peux pas vous le dire. Je ne le sais pas, et vous insistez.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, de nouveau, si on

17 vous demande de nous dire ce que vous savez des événements qui étaient

18 arrivés aux Croates et Musulmans, à ce moment-là, on pourra vous demander

19 plus tard de savoir ce qui s'est passé avec les Serbes. Peut-être, à un

20 autre moment, on vous demandera si vous avez des connaissances de ce qui

21 était arrivé aux Serbes. Mais il n'est pas nécessaire d'introduire les

22 Serbes immédiatement. On vous pose une question sur les Croates et les

23 Musulmans. Je vous poserai des questions plus tard sur les Serbes moi-même.

24 Maintenant, essayez de répondre à la question de M. Tieger.

25 Vous dites qu'il y a certains endroits où des Musulmans avaient été

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1 victimes. Victimes de quoi, d'après ce que vous avez entendu dire, s'il

2 vous plaît ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Victimes de violence. N'essayez pas de

4 demander ce que la violence veut dire. Les gens se faisaient passer à

5 tabac, ils se faisaient expulser de leurs demeures. Je souhaiterais que

6 vous me posiez des questions sur l'année 1995. Les choses seront peut-être

7 un peu plus claires à ce moment-là. Je vais pouvoir, à ce moment-là, vous

8 donner des détails, vous dire des choses qui pourront préciser tout ce dont

9 je viens de vous dire. Il y a eu la chute de la Région autonome de la

10 Krajina. Les Serbes voulaient fuir la Région autonome de la Krajina --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, je vais devoir vous

12 arrêter ici. Ne dites pas à M. Tieger ce qu'il doit vous demander. Il faut

13 être tout à fait clair. Vous avez entendu parler de violence. Vous nous

14 demandez : "Ne me posez pas de questions sur la violence." Est-ce que vous

15 avez entendu dire, par exemple, que certaines personnes avaient été tuées ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu des histoires. J'ai entendu dire

17 toutes sortes de choses, mais rien d'officiel nulle part.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je l'ai dit un peu plus tôt, je ne

19 veux pas savoir si vous saviez de façon officielle ce qui était arrivé ou

20 non. Mais est-ce que vous avez entendu dire, par exemple, que des Croates

21 et des Musulmans avaient été tués ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne peux pas vous donner de réponse

23 trop directe. Je ne peux pas faire de lien concret. Je ne peux pas vous

24 dire à tel et tel endroit, telle et telle personne a été tuée. Ce n'est

25 qu'à ce moment-là que je pourrais être tout à fait précis.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic --

2 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de nouveau, la seule chose que je

4 vous demande, c'est si vous aviez entendu dire que les Musulmans et les

5 Croates avaient perdu la vie, qu'ils avaient été tués. Je ne vous demande

6 pas de savoir si vous pouvez me dire où, comment, pourquoi et combien de

7 personnes il y avait.

8 On veut savoir si vous en aviez entendu parler.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui. Je sais. Mais j'essaie

10 d'établir un lieu, un endroit. Oui, j'avais entendu des histoires, oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais personne ne vous demande, Monsieur,

12 de nous donner des lieux. Est-ce que vous avez entendu, par exemple, parler

13 des membres de la population civile, si des civils avaient été encerclés,

14 détenus ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais entendu dire que des personnes

16 faisaient l'objet de mauvais traitements. Je ne connais pas les détails.

17 Est-ce la prison, est-ce des obligations de travail, est-ce des

18 liquidations, je ne sais pas.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, veuillez poursuivre.

20 Monsieur Milincic, je vous prierais de répondre aux questions que

21 l'on vous pose. Je comprends que vous voulez dépeindre une image complète

22 de ce que vous savez, mais cette Chambre de première instance a entendu un

23 très grand nombre d'éléments de preuve. S'il y a quelque chose de très

24 important que vous souhaiteriez ajouter, s'il y a des éléments que vous

25 voulez ajouter et dire d'autre chose à la suite de plusieurs questions, si

Page 18443

1 vous avez l'impression que vous n'avez pas pu répondre à toutes les

2 questions que l'on vous a posées ou que vous voulez ajouter quelque chose,

3 vous me le demanderez et je vous accorderai la permission de le faire. Pour

4 l'instant, essayez de vous en tenir aux questions.

5 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

6 M. TIEGER : [interprétation]

7 Q. Monsieur Milincic, est-ce que j'ai bien compris que vous nous aviez dit

8 que l'une des raisons pour lesquelles vous n'avez pas pu répondre à ma

9 question c'est parce que vous étiez plutôt isolé à Prnjavor et vous n'étiez

10 préoccupé que par Prnjavor ?

11 M. JOSSE : [interprétation] Non, non, Srbac.

12 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Oui, effectivement, Srbac.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Srbac.

14 M. TIEGER : [interprétation] Merci.

15 R. Après tant d'années, vous savez, il m'est bien difficile de répondre.

16 Oui, Srbac --

17 Q. Oui, bien sûr, je sais.

18 R. Oui, oui, c'est Srbac qui m'intéressait, pas autre chose.

19 Q. Je voulais simplement savoir si je vous ai bien compris lorsque vous

20 nous avez dit que vous ne pouviez pas répondre à ma question précédente de

21 façon complète parce que vous étiez concentré sur les événements de Srbac

22 et que vous étiez plutôt isolé à Srbac.

23 R. Puis-je faire un commentaire, je vous prie ?

24 Q. Non, je ne suis pas intéressé à vos commentaires, Monsieur. Je

25 souhaiterais que vous répondiez à ma question.

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1 R. Oui, oui, j'ai dit que j'étais préoccupé par Srbac. Mais nous gardions

2 nos problèmes pour nous, et la façon dont nous procédions à la résolution

3 de nos problèmes entre nous, c'est-à-dire je parle des municipalités

4 maintenant. J'avais peur que si tout va bien, si je n'ai pas ce genre de

5 problèmes, si tout va bien, entre guillemets, et que si je n'ai pas de

6 problèmes de violence nationale, que ces problèmes allaient survenir. Mais

7 malheureusement, c'est arrivé justement, parce qu'on a essayé d'introduire

8 Srbac dans la zone de guerre, de le ramener, de l'aspirer. C'est pour cela

9 que j'ai caché, que nous voulions cacher les problèmes que nous avions. Je

10 sais que cela a l'air un peu bizarre, mais c'était comme cela.

11 Q. Mais vous aviez eu des contacts avec des représentants serbes des

12 autres municipalités en 1992; n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Même si vous ne l'avez pas évoqué dans le cadre de votre interrogatoire

15 principal, vous avez pris part à un très grand nombre de réunions, c'est-à-

16 dire, vous étiez un membre de l'assemblée de la Région autonome de la

17 Krajina; n'est-ce pas ?

18 R. Oui, pendant que la guerre a duré, donc quelques mois.

19 Q. Lorsque la cellule de Crise de la Région autonome de la Krajina avait

20 été formée, les présidents des municipalités étaient également devenus

21 membres et vous avez pris part à ces réunions-là également; n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Donc, vous aviez la possibilité d'apprendre des dirigeants de la région

24 et des dirigeants d'autres municipalités ce qui arrivaient aux personnes,

25 telles les Musulmans et les Croates, pour ce qui est de l'ensemble de la

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1 région de la Krajina en 1992; n'est-ce pas ?

2 R. Est-ce que vous pensez que lors d'une telle réunion les gens allaient

3 ouvertement dire ce qui se passait ? Je ne disposais pas de ce type

4 d'information. On n'a pas fourni ce type d'information lors des réunions de

5 la cellule de Crise de la Région autonome de la Krajina.

6 Q. Est-ce que vous pensez que l'on discuterait ouvertement de ces sujets ?

7 Penchons-nous sur certaines de ces réunions. Tout d'abord, hier, j'ai

8 remarqué que sur la liste des candidats du SDS à Srbac, vous étiez le

9 numéro 2, et Vojo Kupresanin était le numéro 4.

10 R. Oui.

11 Q. Vous connaissiez Vojo Kupresanin ?

12 R. Oui.

13 Q. Il est devenu président de l'assemblée de la Région autonome de la

14 Krajina ?

15 R. Oui.

16 Q. Quel était son poste ?

17 R. Oui.

18 Q. Au cours de 1992 et de 1993, vous avez régulièrement eu l'occasion de

19 rencontrer M. Kupresanin ?

20 R. Oui.

21 Q. J'aimerais que l'on se penche rapidement sur certains des propos tenus

22 par M. Kupresanin lors de ces réunions. D'abord, on pourrait commencer par

23 certains propos tenus lors de la 24e Session de l'assemblée des Serbes de

24 Bosnie qui s'est tenue en janvier 1993. Il me semble que cela figure à

25 l'intercalaire numéro 3.

Page 18446

1 Dans la version en anglais, c'est à la page 64 qu'on voit le début de

2 l'intervention de M. Kupresanin. Dans la version en B/C/S, c'est à la page

3 18, numéro ERN 02149922. Donc, il y a deux éléments qui vous permettent

4 d'identifier la page où on peut lire les propos tenus par M. Kupresanin. Il

5 y a la page 18, mais il y a aussi l'autre référence que je vous ai donnée,

6 02149922. Je vois que vous êtes en train de lire quelque chose; vous avez

7 trouvé le passage concerné ?

8 R. Oui.

9 Q. J'aimerais vous demander de vous reporter plus particulièrement à ce

10 qu'il nous dit à la page 19 dans la version en B/C/S, troisième paragraphe.

11 Pour l'anglais, c'est en bas de la

12 page 65 que cela débute. M. Kupresanin déclare, après une longue

13 discussion, il dit : "Nous disons que la guerre n'était pas nécessaire en

14 Bosnie-Herzégovine. La guerre en Bosnie-Herzégovine était nécessaire.

15 Actuellement, si on devait compter la population, maintenant, il y aurait

16 plus d'un million de Musulmans en

17 Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine serait une république serbe, pour

18 l'essentiel. Est-ce que la guerre est nécessaire en Serbie ? C'est horrible

19 à dire, mais la guerre serait nécessaire en Serbie. Si la Serbie n'entre

20 pas dans la guerre maintenant, dans trois à cinq ans, les Albanais et les

21 Musulmans prendront légalement le contrôle du pouvoir à Belgrade, ainsi

22 qu'avec l'opposition serbe. Cette guerre était nécessaire pour le peuple

23 serbe."

24 Monsieur Milincic, est-ce que M. Kupresanin dans cette enceinte, devant

25 tous ces délégués, a reconnu cette réduction du nombre d'habitants

Page 18447

1 musulmans en Bosnie-Herzégovine, cette réduction du nombre d'habitants qui

2 a été le résultat d'expulsions et de transferts forcés et massifs ? Est-ce

3 que cela n'est pas à quoi il fait référence ici ?

4 R. Oui. Ce sont des faits.

5 Q. Ce n'est pas la première fois que vous avez vu cela parce que vous

6 étiez présent lors de cette séance de travail, n'est-ce

7 pas ? Si on avance un petit peu dans le document, cela vous rafraîchira

8 peut-être la mémoire, vous vous souviendrez peut-être que vous étiez

9 présent.

10 R. Oui.

11 Q. Vous étiez présent, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, oui. Mais j'étais en train d'essayer de voir ce que j'ai dit.

13 Q. On reviendra là-dessus. Je vous donnerai l'occasion d'en parler, mais

14 j'aimerais qu'on revienne à M. Kupresanin. Pour ce faire, j'aimerais qu'on

15 reparle de la 17e Session de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui a eu lieu

16 en juillet 1992.

17 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit d'une pièce à laquelle nous avons

18 fait référence à de très nombreuses reprises; la meilleure chose à faire,

19 étant donné que nous n'avons pas ici les passages concernés, ce serait de

20 répéter lentement ce qui figure dans ce document parce que c'est un

21 document qu'on a très fréquemment évoqué dans ce prétoire avec un témoin

22 très récemment -- je ne vais pas donner son nom. Mais je pense que je

23 pourrais utiliser la solution qui constituerait à identifier le passage,

24 j'imagine que cela ne va pas gêner la Défense.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

Page 18448

1 M. JOSSE : [interprétation] Voyons voir comment cela se présente.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

3 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Monsieur Milincic, si cela s'avère nécessaire, je peux vous fournir des

5 passages de cette session, mais je pense que vous serez en mesure de

6 comprendre l'essentiel de ce qui a été dit en écoutant la traduction dans

7 vos écouteurs.

8 Comme vous pouvez le dire, d'après la date du 17 juillet 1992, cette 17e

9 Session, elle a eu lieu en plein été et après le début du conflit.

10 M. Kupresanin était présent lors de cette réunion et juste avant qu'il

11 n'intervienne, M. Nedic a parlé. Il a dit, je cite : "Je suis contre la

12 résolution de la situation en Bosnie-Herzégovine dans la hâte. Nous devons

13 reconnaître que les Musulmans ont été placés ici comme des gens dont nous

14 devons être les exécuteurs, que nous devons être les bourreaux, plutôt. Je

15 ne veux pas que les Serbes soient des bourreaux, mais je suis opposé à ce

16 que nous cédions notre Etat, notre pays, notre territoire."

17 M. Kupresanin était le président de séance, ensuite, nous avons le Dr

18 Karadzic qui intervient. Puis, il évoque la façon dont il voit la mentalité

19 orientale qui est due à l'Islam; ensuite, il évoque ses préoccupations, le

20 fait que les Serbes ne pourront pas égaler le taux de fécondité des

21 Musulmans, étant donné "qu'en cinq ou six ans, les Musulmans

22 représenteraient 51 % de la population à l'intérieur de la Bosnie." Il dit

23 ensuite : "Il y a du vrai dans ce que dit M. Kupresanin," je crois que

24 c'est M. Nedic : "Même si personne n'est prêt à le dire ouvertement, ce

25 conflit a été mis en œuvre pour éliminer les Musulmans."

Page 18449

1 Une fois encore, Monsieur Milincic, ceci a été dit lors d'une réunion des

2 dirigeants serbes de Bosnie, dirigeants des républiques, des régions, des

3 municipalités. Est-ce qu'ici, encore une fois, Monsieur, il ne s'agit pas

4 de la reconnaissance express de ce qui était en train d'advenir des

5 Musulmans en Bosnie-Herzégovine au cours des mois de mai, juin, juillet

6 1992 ?

7 R. Je suis en train de lire ceci et de vous écouter et peu à peu, ma

8 mémoire se rafraîchit. Mais à Srbac, nous n'en avons pas tenu compte. Nous

9 avons tout simplement effacé tout cela. Ce que vous me dites, c'est peut-

10 être les faits, c'est peut-être la réalité, mais si vous me demandez de me

11 souvenir de ce qui a été dit, ce qui a été déclaré il y a 12 ans, c'est

12 impossible. Je maintiens ce que j'ai dit précédemment, à savoir que tout ce

13 qui a suivi, les discours incendiaires et tout ce qui s'est passé

14 concrètement, j'avais gardé les pieds sur terre et j'ai fait en sorte que

15 la vie continue normalement à Srbac.

16 Plus tard, l'assemblée a arrêté de fonctionner et tout le monde a dû se

17 prendre en main soi-même.

18 Q. Je vais revenir à Srbac après la pause. Mais n'est-il pas exact de

19 dire, rétrospectivement, Monsieur Milincic, plutôt que d'avoir fermement

20 les deux pieds sur terre à Srbac, on peut plutôt dire qu'à Srbac, vous

21 étiez plutôt là, en train de vous voiler la face, de vous fermer les yeux

22 et les oreilles et de tenter d'ignorer ou d'ignorer tout ce qui était en

23 train d'arriver aux Musulmans et aux Croates de la Krajina ?

24 R. Mais qu'est-ce qu'on aurait pu faire d'autre ? A Srbac, je veux dire.

25 M. TIEGER : [interprétation] Je passe à un autre sujet --

Page 18450

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pause est proche. Nous allons faire

2 une pause jusqu'à 16 heures 10.

3 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.

4 --- L'audience est reprise à 16 heures 16.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

6 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Q. Hier, Monsieur Milincic, vous nous avez parlé du meurtre de M. Halid

8 Hadziselimovic. Vous aviez apporté des documents que vous aviez trouvés à

9 Srbac, que vous êtes allé chercher à Srbac. Si je vous ai bien compris,

10 vous vouliez attirer l'attention des Juges de la Chambre pour montrer ce

11 qui s'était réellement passé à Srbac, pour qu'il n'y ait pas de mauvaise

12 interprétation des événements; est-ce que c'est exact ?

13 R. Oui.

14 Q. En réalité, vous vouliez, en parlant de cet incident, démontrer aux

15 Juges de la Chambre qu'une personne d'appartenance ethnique musulmane, bien

16 connue dans la ville, avait été tuée et que les autorités serbes avaient

17 réagi en inculpant l'auteur du crime, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez apporté avec vous certains documents à l'appui. Je sais que

20 concernant certaines municipalités ou certains documents de municipalités,

21 des documents qui n'étaient pas dans un ordre précis, que vous aviez

22 seulement apporté quelques documents du journal officiel de Srbac et

23 certaines décisions qui avaient été prises par la cellule de Crise et

24 l'assemblée municipale; est-ce exact ?

25 R. Oui. Oui, j'ai apporté certains documents. Il y a une multitude de

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1 documents que je n'ai pas apportés avec moi.

2 Q. Pour ce qui est des documents que vous avez apportés avec vous, plus

3 particulièrement les documents concernant le meurtre de

4 M. Hadziselimovic, les Juges de la Chambre vous ont demandé de quelle façon

5 est-ce que vous saviez de quel meurtre il s'agissait à la lecture de ces

6 documents, car ce n'était pas tout à fait clair, et vous avez dit aux Juges

7 de la Chambre que ce document faisait référence au meurtre de

8 Hadziselimovic et vous leur avez expliqué qu'il était très important d'être

9 précis et qu'il était très important d'apporter des documents précis et

10 clairs devant ce Tribunal; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. En réalité, Monsieur Milincic, nous avons trouvé d'autres documents

13 supplémentaires, relatifs aux documents que vous nous avez apportés, et je

14 souhaiterais qu'on examine tous ces documents, qu'on les parcoure avec vous

15 ainsi qu'en la présence des Juges de la Chambre.

16 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

17 souhaiterais qu'on passe à l'intercalaire 15; c'est un jugement du tribunal

18 militaire de Banja Luka relatif à Ljubomir Stankovic. Avec votre

19 permission, Monsieur le Président, outre ces documents, je souhaiterais

20 montrer au témoin l'intercalaire 12 des documents qu'il a emmenés avec lui

21 et qui ont été montrés hier, qu'on a examinés hier. Je souhaite que le

22 témoin puisse disposer de ces documents afin de pouvoir s'y référer.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit des documents

24 traduits de l'intercalaire 12 ? J'ai reçu certains documents en anglais. Je

25 ne sais pas s'il s'agit des traductions de ce document.

Page 18452

1 M. TIEGER : [interprétation] Non. Je crois qu'il s'agit d'autre chose, je

2 crois qu'il s'agit de traductions qui avaient trait à un autre témoin de la

3 Défense.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je crois que ce n'est pas cela.

5 J'ai reçu un document et je n'ai pas l'intercalaire 12, mais j'ai des

6 écrits. C'est un document sur lequel on pouvait lire numéro "44" manuscrit

7 à la main, écrit à la main, "44."

8 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'aurais

9 dû faire référence en évoquant le numéro de pièce qui est le numéro 100.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai un document sous les yeux. Je crois

11 qu'il s'agit d'une traduction et on peut apercevoir le numéro 56 rédigé à

12 la main.

13 Monsieur le Greffier, nous avons obtenu ce document, n'est-ce pas ? C'est

14 ce que vous nous avez remis ?

15 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le document qui émane de

17 l'Accusation. Bien. D'abord, écoutons ce que le témoin et

18 M. Tieger nous diront et nous verrons, par la suite.

19 M. TIEGER : [interprétation] Je viens de comprendre, Monsieur le Président.

20 Il s'agit des documents supplémentaires qui vont peut-être être évoqués

21 dans le cadre de ce contre-interrogatoire, mais il n'est pas nécessaire de

22 leur attribuer des cotes séparées.

23 S'agissant de l'intercalaire numéro 15, est-ce qu'on attribue une

24 cote à ce document, Monsieur le Président ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas encore.

Page 18453

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote P987, et pour ce

2 qui est du document en langue anglaise, ce document portera la cote P987.1.

3 M. TIEGER : [interprétation]

4 Q. Puisque nous avons deux documents distincts sous les yeux, nous

5 devrions peut-être les parcourir assez lentement, d'abord, identifiant de

6 quoi il s'agit, identifiant les documents un par un. Vous avez apporté

7 certains documents avec vous hier, n'est-ce pas ? Il s'agit de la pièce de

8 la Défense 100. Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un jugement de

9 Ljubomir Stankovic. Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un jugement en

10 date du 12 [comme interprété] avril 1995, et le numéro jugement en question

11 était 23/92. Est-ce exact ? Je suis en train de comparer le document à ce

12 que vous avez dit hier dans le cadre de votre déposition, n'est-ce pas, le

13 numéro 23/92 ?

14 R. Oui, oui. Je le vois. Effectivement, c'est cela. Oui, c'est ce qui est

15 écrit sur le document, oui. Je vois de quoi il s'agit. Je vois l'objet de

16 ce jugement, si vous voulez. C'est le poste de police de Srbac qui m'a

17 remis ce document en croyant, bien sûr, qu'il s'agissait du meurtre de

18 Halid Hadziselimovic, et non pas d'une autre personne. Mais je vois qu'on y

19 fait référence au meurtre d'une autre personne également.

20 Q. Bien. Parcourons ce document lentement, je vous prie. D'abord, je crois

21 que nous pouvons nous mettre d'accord sur le fait que la pièce de

22 l'Accusation 987, le document qui est un document du bureau du tribunal

23 militaire de Banja Luka, en fait, ce document fait référence à la même

24 chose. C'est un jugement du 20 avril 1995. Encore une fois, le numéro de

25 référence est le même, IK 23/92. Donc, les documents que vous avez amenés

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1 avec vous, vous seriez d'accord avec moi pour dire que les documents que

2 vous avez apportés font référence à ce jugement-là ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. Il est exact de dire, n'est-ce pas, comme vous nous l'avez dit hier,

5 qu'il s'agit en l'occurrence d'un jugement de M. Stankovic dans les deux

6 cas. Mais l'histoire des crimes de M. Stankovic et la façon dont il a été

7 de son procès est différent quelque peu de ce que vous nous avez décrit

8 hier. Prenons d'abord la page 3 du document en langue anglaise. Il s'agira

9 de la page 2 du document en B/C/S. En fait, en bas de la page 1, Monsieur

10 le Président. Excusez-moi. On peut y lire, et je cite, vers 18 heures 30,

11 le 7 août 1992,

12 M. Stankovic, après avoir eu une brève dispute avec Hasima Huskic, une dame

13 de 60 ans, il l'a tuée à bout portant avec sa mitraillette légère, avec

14 l'intention de la tuer, et elle est décédée à la suite de ce tir. Quinze

15 minutes plus tard, en marchant dans la rue, il a tiré sur Hamza Bojadzic,

16 qui était assis devant chez lui, et il l'a blessé, Hamza Bojadzic,

17 grièvement.

18 Quinze minutes plus tard, il est entré dans la cour de Kasib Alagic et il a

19 tiré sur Reuf Alagic avec la même arme et l'a ainsi tué. Le même jour, dans

20 la même cour, il a utilisé la même arme pour tirer sur la mère de M. Alagic

21 et il l'a blessée grièvement.

22 Monsieur Milincic, tout ceci est survenu dans la municipalité de Srbac,

23 n'est-ce pas ? Vous devez sûrement vous rappeler de cet incident; quatre

24 personnes se sont faites tirer dessus, deux d'entre eux sont mortes. Vous

25 vous souvenez certainement de cet événement, n'est-ce pas ?

Page 18455

1 R. Je me souviens qu'effectivement il s'agissait d'un membre de l'armée,

2 une personne assez problématique. Un procès avait été intenté contre lui et

3 il a été jugé par le tribunal militaire. J'avais vraiment l'impression

4 qu'il s'agissait là du meurtre de Halid Hadziselimovic, mais je n'avais pas

5 tous les détails. L'armée et la police s'étaient chargées du tout. Il

6 s'agit de faits ici. Je ne nie pas que les choses se sont déroulées comme

7 on peut les lire ici.

8 Q. Bien. Allons-y étape par étape. D'abord, dites-nous s'il s'agissait

9 d'un événement important survenu à Srbac, un événement qui aurait

10 certainement attiré votre attention sur les événements. Il s'agit d'une

11 petite municipalité de 20 000 personnes et ce que vous ne croyez pas qu'on

12 aurait attiré l'attention du président de la municipalité sur le meurtre de

13 ces personnes et cet incident ?

14 R. Il s'agit d'un événement important, l'événement important qui était

15 remis entre les mains de la police et de l'armée. Le président de la

16 municipalité étant une personne civile. Il nous est arrivé de voir des

17 maris tués, des femmes, dans la même municipalité.

18 Q. Ma seule question, Monsieur Milincic, est de savoir si, à l'époque où

19 l'incident est survenu, si vous en aviez connaissance ?

20 R. Lorsque l'événement est survenu, on m'en a informé. J'ai demandé pour

21 que les organes compétents fassent tout pour que ces personnes soient

22 enfermées pour qu'elles ne soient pas en liberté pour causer d'autres

23 torts.

24 Q. Bien. Vous étiez impliqué d'une certaine façon. Vous avez demandé, bien

25 spécifiquement, que quelque chose soit fait concernant M. Stankovic ?

Page 18456

1 R. Je ne peux rien ordonner. J'ai demandé à ces personnes, les personnes

2 de la police et de l'armée, de s'occuper de cette question le plus tôt

3 possible, de poursuivre ces personnes en justice, de les faire venir devant

4 l'unité de la police. Puisqu'il arrivait assez souvent que les personnes

5 rentraient à la maison avec des armes, tout en ayant des armes en

6 permission, et ils faisaient toute sorte de choses avec leurs armes. Donc,

7 je voulais m'assurer que quelque chose soit fait.

8 Q. Bien. Je voudrais simplement savoir, Monsieur Milincic, j'essaie de

9 savoir si vous aviez connaissance de cette histoire ou non ?

10 A la page 7 de ce jugement - en B/C/S c'est la page 4 - à la page 7,

11 en anglais, nous pouvons lire que M. Stankovic a essayé de soulever un

12 certain nombre d'éléments de défense. Il a essayé d'expliquer la raison

13 pour ces meurtres, pour laquelle il avait tué ces deux personnes et blessés

14 grièvement les deux autres. L'une des raisons évoquée, et en guise de

15 défense, vous, Monsieur Milincic, vous pouvez voir que l'une des raisons

16 évoquée par cette personne était que son état d'esprit était encore affecté

17 par un autre incident. Il avait dit avant la guerre Hadziselimovic avait

18 essayé de le tuer, Hadziselimovic, et que rien n'était arrivé. Bien. On

19 peut dire qu'aucune procédure n'avait été intentée contre

20 M. Hadziselimovic puisqu'il est décédé.

21 Monsieur Milincic, M. Hadziselimovic avait été tué par

22 M. Stankovic avant cet incident, n'est-ce pas, et c'était au mois de mai

23 1992 ?

24 R. Ne me demandez pas, je vous prie, de parler au nom de Stankovic. Je

25 suis ni son conseil de la défense, je suis ni son procureur. Je vous dis

Page 18457

1 que le tribunal militaire et l'armée ne s'ont pas du tout obligés de

2 renseigner un simple civil sur ces meurtres.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, vous êtes en train de

4 dire à M. Tieger ce qu'il doit vous demander ou non. Vous êtes en train de

5 faire un discours. Vous nous dites, vous nous apprenez quelles sont les

6 obligations d'un tribunal militaire, et cetera. La question était bien

7 simple. Il s'agissait de savoir s'il est exact de dire que M.

8 Hadziselimovic avait été tué avant l'incident en question par M. Stankovic

9 au mois de mai 1992. Vous pouvez soit nous répondre que, oui, vous avez

10 connaissance de ces faits, et vous nous direz à ce moment-là si vous savez

11 quand il a été tué, s'il a effectivement tué par M. Stankovic, et ou si

12 c'était quelque chose dont vous avez eu connaissance. Si vous ne le savez

13 pas, vous pouvez dire à M.Tieger que vous ignorez tous les détails. Vous

14 pouvez simplement lui répondre comme cela.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le sais vraiment pas. Je ne connais

16 pas les détails, je ne connais pas la chronologie de tous ces événements.

17 Je l'ignore, j'ignore tout cela. Je n'avais vraiment pas l'intention de

18 faire de discours ici, mais je suis un peu bouleversé. Je me sens coupable

19 de quelque chose pour lequel je ne suis pas coupable. On dirait que l'on me

20 tient responsable d'un meurtre d'une personne, d'un truand. Voilà, vous

21 savez, c'est un homme qui était armé. Je n'étais que président de la

22 municipalité. C'est tout.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, mais personne ne vous

24 accuse de rien. On ne vous accuse pas d'être responsable de ce meurtre. Si

25 vous vous sentez coupable, la seule raison pour laquelle vous pourriez vous

Page 18458

1 sentir coupable avec peut-être raison, c'est que vous avez apporté des

2 documents; si vous les aviez lus, vous auriez su que ces documents ne

3 contiennent pas ce que vous prétendez qu'ils contiennent. Maintenant, vous

4 nous dites que vous vous êtes servi de ces documents pour se tenir certains

5 propos alors qu'on apprend à l'instant que vous n'aviez pas de connaissance

6 approfondie pour utiliser ces documents à l'appui de vos dires.

7 Si effectivement vous avez quelque raison que ce soit de vous sentir

8 coupable, c'est que vous êtes en train de jouer un rôle de messager plutôt

9 que de jouer votre rôle de témoin. Voilà.

10 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

11 Si le témoin a quelque doute que ce soit quant à la question, il

12 devrait le dire.

13 M. TIEGER : [interprétation]

14 Q. Si je comprends bien dans votre réponse, Monsieur Milincic, vous saviez

15 que M. Stankovic avait tué M. Hadziselimovic, vous saviez que M. Stankovic

16 avait également tué M. Zukanovic - plutôt,

17 Mme Zukanovic, excusez-moi - M. Bojadzic, M. Alagic, et qu'il avait blessé

18 M. Alagic, et qu'il avait tué et blessé deux personnes en 1992. Donc, vous

19 avez connaissance de ces incidents ? Vous saviez qu'ils s'étaient déroulés

20 et vous nous avez dit que vous vouliez vous assurer que M. Stankovic soit

21 accusé de ces faits, qu'un procès lui soit intenté contre lui, mais vous ne

22 pouvez pas vous rappeler de la chronologie; est-ce que c'est exact ?

23 R. Oui. Très bien. Vous avez très bien résumé ce que j'ai dit.

24 Q. Vous deviez certainement avoir été particulièrement étonné -- ou

25 plutôt, permettez-moi de vous poser la question de cette façon-ci : est-ce

Page 18459

1 que vous acceptez ce que je viens de dire, qui est une conclusion de ce que

2 je viens de lire dans le dossier de Banja Luka en date du 21 octobre 1993,

3 à la page 3, donc de ce document du tribunal militaire de Banja Luka, que

4 l'incident impliquant

5 M. Hadziselimovic et M. Stankovic s'est déroulé à la fin du mois de mai

6 1992 ? En fait, j'examine un autre document. Vous pouvez également le

7 consulter, mais je voudrais simplement vous demander si vous accepteriez ou

8 si vous seriez d'accord pour dire que l'incident s'est déroulé vers la fin

9 du mois de mai 1992 ?

10 R. Oui.

11 Q. Cela correspond à votre mémoire des événements, cela correspond à la

12 date ou au mois approximatif auquel M. Hadziselimovic a été tué ?

13 R. Je vous ai donné l'information dont je disposais hier liée à M.

14 Hadziselimovic.

15 Q. Mais, Monsieur Milincic, voilà la question que je me pose : comment

16 est-ce possible que vous ayez oublié que quelques mois après avoir tué

17 peut-être l'homme le plus notable, ou certainement selon vous, une des

18 personnes particulièrement appréciée dans la communauté musulmane de Srbac,

19 comment est-ce possible que M. Stankovic peut se livrer à une série de

20 meurtres et que vous ne vous en souveniez pas ? En d'autres mots, qu'il

21 était en liberté après avoir tué

22 M. Hadziselimovic, et qu'il ait tué d'autres Musulmans. Comment cela se

23 fait-il que vous ayez oublié ou omis ? Comment est-ce que cela a pu

24 échapper votre mémoire ?

25 R. A Srbac, nous avions énormément de tragédies. Il y avait énormément de

Page 18460

1 tragédies à Srbac, et j'étais persuadé que l'histoire avec Stankovic était

2 terminée, que cela s'était soldé en le fait qu'il ait été arrêté, mais

3 j'apprends maintenant qu'en fait, il se trouve en liberté. Mais je n'avais

4 pas fait le lien entre les deux, pas intentionnellement. Je ne me souvenais

5 simplement pas de tout cela. Stankovic n'était pas mon problème principal.

6 Je ne pouvais rien faire en tant que président d'une municipalité, en tant

7 qu'un civil. C'était entre les mains de la police et de l'armée toute cette

8 histoire.

9 Vous savez, un président d'une municipalité ne peut rien faire si

10 l'armée remet quelqu'un en liberté. Je dois vraiment vous dire que j'avais

11 vraiment oublié, simplement oublié. C'est un oubli de ma part de la

12 chronologie. Je ne connaissais pas les autres personnes, les victimes, les

13 personnes qui ont été tuées et des personnes grièvement blessées, puisque

14 je ne le connaissais pas. Mon seul crime est d'avoir connu M.

15 Hadziselimovic, et c'est la raison pour laquelle je vous ai parlé de lui.

16 Je parle pour les personnes de Srbac et pour toutes les personnes qui sont

17 en train de m'écouter présentement, tous ces Bosniens de Srbac. Vous savez,

18 je pourrais éventuellement vous tromper, mais je ne peux pas les tromper,

19 eux. Je suis vraiment désolé de faire cette digression.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de faire un

21 témoignage devant ce Tribunal, Monsieur. Voilà mon commentaire. C'est ce

22 que vous devriez savoir. Vous devriez vous concentrer sur votre témoignage

23 devant ce Tribunal. Il s'agit d'une audience publique. Effectivement, tout

24 le monde peut suivre l'audience. Mais, vous avez une responsabilité

25 principale.

Page 18461

1 Monsieur le Juge Hanoteau.

2 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous venez de dire : [en anglais] "There were a lot

3 of tragedies in Srbac." [en français] J'avais compris, hier, que vous aviez

4 dit que Srbac avait échappé aux tragédies.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] A Srbac, nous avions enterré deux combattants

6 sans tête; c'était notre tragédie. Il y avait eu également un meurtre d'un

7 criminel qui était d'une excellente famille. Il y avait des Serbes qui

8 s'entretuaient entre eux. Nous avions un certain nombre d'attaques de

9 familles serbes par d'autres Serbes. Il y a des personnes dont on a arraché

10 les ongles, des personnes qui avaient été passées à tabac terriblement,

11 dont on essayait d'obtenir de l'argent. Il y avait également des Musulmans

12 qui maltraitaient d'autres Musulmans et des Serbes. A Srbac, nous avions

13 essayé de garder la paix. Il y avait des points de contrôle, mais il y

14 avait d'autres armées qui passaient par là, des unités appartenant à

15 d'autres brigades et qui causaient des problèmes sur leur passage.

16 Je ne me souviens vraiment pas de tous les problèmes, mais on avait

17 des problèmes. On avait des drames de façon quotidienne. Il nous a fallu

18 résoudre tous ces drames régulièrement. Il nous a fallu collaborer avec la

19 police et avec les autorités militaires, avec la police militaire. Vous

20 savez, cet événement, je n'essaie pas de le minimiser, mais la guerre a été

21 longue. Nous étions épuisés, et Srbac avait un grand nombre de malheurs

22 également. C'est ainsi que les choses étaient. Mais peut-être qu'il y avait

23 moins de tragédies à Srbac qu'ailleurs effectivement.

24 M. LE JUGE HANOTEAU : Je comprends tout cela. J'entends tout cela. Mais

25 j'avais l'impression que depuis hier, vous vouliez nous dire que vous aviez

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1 vécu dans une commune tranquille où il s'était passé peu de choses, que

2 vous ne vouliez pas savoir ce qui s'était passé à côté parce qu'à Srbac,

3 vous aviez la chance d'avoir pu éviter tous ces drames. Puis, je vous

4 entends maintenant et j'ai l'impression qu'il y a eu autant de drames

5 qu'ailleurs. Alors, je ne comprends plus ce témoignage. Je suis un peu

6 perdu et je vous demande, avec beaucoup d'insistance, que vous nous disiez

7 simplement, comme responsable d'une commune, qu'est-ce qui s'est passé

8 réellement.

9 Vous n'êtes pas là pour jouer au chat et à la souris. Nous vous

10 demandons qu'est-ce qui s'est passé à Srbac. Ne pouvez-vous pas, d'une

11 manière chronologique, avec le recul du temps, nous dire ce qui s'est passé

12 réellement ? Je vous rappelle que vous êtes devant un Tribunal, que ce

13 Tribunal cherche à comprendre, que les Juge cherchent à comprendre et que

14 nous voulons vous entendre dire ou rapporter la réalité telle que vous

15 l'avez vécue. Point à la ligne. Merci.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

17 M. LE JUGE HANOTEAU : Nous attendons cette réponse depuis - pour moi en

18 tout cas - depuis hier.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, Srbac, c'était une

20 municipalité qui comptait 22 000 habitants environ. Il y avait plus de 90 %

21 de Serbes au sein de cette population. Je vous ai expliqué combien il y

22 avait de familles musulmanes, combien de Croates et combien d'autres.

23 Quand la guerre a débuté, il n'y avait pas autant de tension, à cause

24 des chiffres, à cause de la répartition démographique. Notre objectif, cela

25 a été d'empêcher les accidents entre les trois peuples. Cependant, on a vu

Page 18463

1 arriver des réfugiés de Slavonie occidentale, de Croatie, de Mrkonjic Grad.

2 Ils sont tous venus à Srbac. Quand Mrkonjic Grad est tombé, on a désigné

3 Srbac comme étant le lieu où plusieurs milliers de réfugiés devaient être

4 hébergés, chez les particuliers, dans des écoles, et cetera.

5 Beaucoup de Croates et beaucoup de Serbes qui allaient à Derventa en

6 passant par la Serbie ont dû passer par chez nous. Cela a causé beaucoup de

7 perturbations. Beaucoup de gens sont passés par Srbac pendant la nuit. On

8 ignorait qui étaient ces gens. Il était possible que des accidents arrivent.

9 Mais j'affirme que nous avons fait du mieux que nous pouvions pour empêcher

10 que ce type d'accident n'arrive. Pour empêcher ce type d'acte de meurtre,

11 de vol, d'assassinat complètement incontrôlé.

12 Lorsque les soldats revenaient en permission, avec leurs armes, là

13 aussi c'était une autre histoire et un problème particulier. Les gens se

14 sentaient plus à l'aise, ils commençaient à boire un peu et à tirer avec

15 leurs armes au hasard. Parfois, ces armes servaient à mettre en jeu des

16 Serbes, qui eux aussi ont été tués dans ce type d'incident. Les gens de

17 Kobas en ont été victimes.

18 La situation était extrêmement préoccupante, était extrêmement

19 précaire. Même si on souhaitait véritablement résoudre la situation, on

20 risquait de provoquer ceux qui étaient au front et qui, à ce moment-là,

21 pourraient venir vous reprocher vos actes. Mais vu les circonstances, vu la

22 position géographique de la municipalité, je peux encore affirmer que nous

23 avons rencontré beaucoup moins de problèmes à Srbac que dans d'autres

24 municipalités.

25 Je ne sais pas si ma réponse peut vous satisfaire. J'essaie

Page 18464

1 simplement de vous dépeindre la situation de manière brève et vous

2 expliquer ce que c'était la vie à Srbac à l'époque. C'est pourquoi nos

3 efforts ont été reconnus par tous ceux qui connaissent ce conflit, le

4 conflit qui a fait rage dans la région, en dépit de toutes les victimes qui

5 sont tombées. Maintenant, quand le Procureur m'interroge au sujet des

6 événements de Banja Luka et des discours qui ont été faits, je ne sais pas,

7 moi. Je ne savais rien de tout cela. Je suis retourné à Srbac pour

8 m'occuper des problèmes de Srbac. Je voulais assurer la protection de ma

9 municipalité pour qu'elle soit épargnée par les risques. Quand 22 000

10 réfugiés, croates comme musulmans, ont dû passer par Srbac pour se rendre

11 en Croatie, cela aussi, il faut le mentionner, parce qu'on avait de bonnes

12 relations avec la Croatie. A ce moment-là, la situation était

13 particulièrement tendue. Il y avait le risque de voir une confrontation

14 entre les réfugiés serbes qui étaient à Srbac et tous ceux, les Musulmans

15 et les Croates, qui battaient retraite vers la Croatie.

16 Dans cela, nous avons joué un rôle. M. Komarica nous en a su gré

17 d'ailleurs, ainsi que les médias croates. Les Croates, en général, ils nous

18 ont été reconnaissants. Ce que je dis là ne va pas peut-être plaire à tout

19 le monde, mais voilà comment était la situation.

20 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.

21 M. TIEGER : [interprétation]

22 Q. Essayons d'en finir avec l'histoire concernant M. Stankovic avant de

23 passer à autre chose. Deux Musulmans ont été tués, deux ont été blessés par

24 arme à feu le 7 août. Mais tout cela ne marquait pas la fin des agissements

25 de M. Stankovic. Car comme on peut lire dans son jugement, Monsieur

Page 18465

1 Milincic, il s'est passé qu'il a été remis en liberté. En septembre 1994 --

2 je vois que vous haussez les épaules en disant, qu'est-ce qu'on peut y

3 faire, en semblant dire cela, mais on va en parler un peu plus tard

4 justement.

5 En septembre 1994, de nouveau il a abattu deux personnes. Là, il

6 s'agissait de deux enfants serbes qui étaient aussi de Srbac. Cet incident,

7 vous le connaissez aussi, n'est-ce pas ?

8 R. J'en ai été informé par écrit. Le matin, j'ai reçu un rapport sur ce

9 qui c'était passé. Puis, je me suis dit, "Est-ce que quelqu'un peut faire

10 quelque chose pour mettre un terme aux agissements de cet homme, à toutes

11 ces agressions, cette violence dont il est responsable ?" Il est très

12 regrettable que le président d'une municipalité ait dû lancer un appel de

13 ce type.

14 Q. Vous haussiez des épaules quand je vous ai posé la question, comme si

15 vous vouliez me dire, "Qu'est-ce que j'aurais pu faire, moi ? Qu'est-ce que

16 je pouvais faire si les autorités militaires avaient remis en liberté cet

17 homme ?" Est-ce que c'est cela que vous étiez en train de me dire en

18 haussant les épaules ? Maintenant, vous chuchotez. Vous chuchotez "oui,"

19 c'est cela ?

20 R. Oui. Oui, c'est exact.

21 Q. Essayons de récapituler ce qu'il en est de cette affaire Stankovic. En

22 mai 1992, il a assassiné M. Hadziselimovic. En août 1992, il a assassiné

23 Hazim Zukanovic --

24 R. Je crois que c'était Hasima, et c'était une dame.

25 Q. Et Reuf Alagic, et il a grièvement blessé par balle Hamza Bojadzic et

Page 18466

1 Sabra Alagic, la mère de Reuf. En septembre 1994, quand il a été une fois

2 de plus élargi, il a abattu deux enfants serbes. Et là, enfin, on l'a mis

3 derrière les barreaux jusqu'en 2002 à peu près. Tout cela, c'est bien exact,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Vous venez de me rappeler de ces deux enfants serbes. J'avais

6 complètement oublié, malheureusement. Ce que vous dites c'est vrai.

7 Malheureusement, ce détail, je l'avais oublié.

8 Q. Pourtant, Monsieur Milincic, vous êtes venu ici dans ce prétoire et

9 vous avez montré aux Juges de la Chambre une documentation extrêmement

10 partiale au sujet de M. Stankovic. Pourquoi faire ? Pour essayer de

11 convaincre les Juges, ces Juges, qu'à Srbac, et sans doute dans d'autres

12 régions de la Republika Srpska, pour les convaincre que si jamais il y

13 avait attaque de Musulmans par des Serbes, le système judiciaire ne

14 manquerait pas de réagir. Cela, ce que vous avez fait, Monsieur Milincic,

15 c'était quelque chose d'inacceptable.

16 R. Le système n'était pas efficace, cela c'est vrai. Je vous ai amené des

17 preuves et j'ai essayé de vous montrer comment les instances civiles se

18 trouvaient impuissantes face à tous ces problèmes qui accompagnent

19 inévitablement toute situation de guerre.

20 Je n'ai pas essayé de vous induire en erreur. Mes documents ne sont pas

21 complets, c'est tout. Vous les avez complétés. Mon intention est de vous

22 montrer qu'après ces meurtres, des personnes ont été jugées. Quant à

23 l'efficacité du système, cela, c'est autre chose. Les autorités civiles

24 n'avaient pas les moyens de les contrôler à Srbac.

25 Q. Excusez-moi.

Page 18467

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense que tout cela

2 est clair maintenant quand vous dites vous avez amené des documents pour

3 nous dire que tout a été fait pour poursuivre les auteurs d'actes

4 répréhensibles -- or, maintenant, ce que vous nous dites c'est que vous

5 vouliez montrer que les autorités civiles n'étaient pas responsables des

6 manquements des autorités judiciaires. Cela, c'est quelque chose un peu

7 différent de ce que vous avez au début.

8 Continuez, Monsieur Tieger.

9 M. JOSSE : [interprétation] Je ne veux pas venir à la rescousse de M.

10 Tieger.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 M. JOSSE : [interprétation] Mais il a prononcé une allégation très grave à

13 l'encontre du témoin.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. JOSSE : [interprétation] Je suis d'accord avec lui. Le témoin doit

16 répondre à la question. Je crois que M. Tieger revient de nouveau à la

17 charge. Je me lève au sujet de la dernière question --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y a --

19 M. JOSSE : [interprétation] -- qui contient deux questions. Il est en train

20 de dire au témoin qu'il est venu ici pour dissimuler la vérité. Il ne faut

21 pas tourner autour du pot ici. Il faut être très juste envers mon éminent

22 confrère. Ce n'est pas ce qu'il essaie de faire.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'à plusieurs reprises, le

24 témoin nous a dit qu'il était venu ici pour dire la vérité. Malheureusement,

25 nous avons dû constater que ce n'était pas toujours une vérité pleine et

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1 entière. Parallèlement, il nous revient de constater qu'aujourd'hui encore,

2 les motifs qu'il nous donne pour avoir amené les documents en question, ces

3 motifs, en fait, sont un petit peu différents en réalité que ceux qu'il

4 nous a présentés hier. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous les Juges

5 de la Chambre, nous n'avons pas besoin de nous attarder plus avant sur

6 cette question.

7 Allez-y, Monsieur Tieger.

8 M. TIEGER : [interprétation] Merci.

9 Q. Monsieur Milincic, en fait, la raison pour laquelle vous avez, de

10 manière déterminée, entrepris d'obtenir des documents partiaux, des

11 documents destinés à prouver un certain nombre de choses aux Juges de la

12 Chambre, la raison pour laquelle vous avez fait cela, c'est parce que vous

13 estimez que les actions qui ont été entreprises en 1992 par les Serbes de

14 Bosnie, au niveau de leurs autorités politiques et militaires, étaient des

15 actions qui s'imposaient, qui étaient appropriées pour défendre le peuple

16 serbe. Est-ce que ce n'est pas là la raison qui explique votre façon de

17 procéder ?

18 R. On parle de Srbac ou on parle de manière générale ? Je ne comprends pas

19 bien où vous voulez en venir.

20 Q. Je vais mettre les choses de manière un petit peu différente maintenant.

21 Vous ne contestez nullement l'utilisation d'agissements ou d'actes illégaux

22 si vous estimez que ces actes étaient au service de la défense du peuple

23 serbe, et en fait, vous avez même préconisé des actes illégaux dans le

24 cadre de la défense du peuple serbe.

25 R. Je ne vois pas ce que vous voulez dire quand vous parlez "d'activités

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1 illégales pour défendre le peuple serbe." Une fois encore, je le répète, je

2 ne comprends pas bien. De quelles activités s'agit-il ? Activités en

3 relation avec la défense du peuple serbe, je ne vois pas très bien de quoi

4 vous parlez.

5 Q. Bien. Réfléchissons à l'élément suivant : prenons en otage les

6 représentants des forces de maintien de la paix des Nations Unies pour les

7 utiliser comme monnaie d'échange dans le cadre des négociations. Cela c'est

8 complètement illégal comme activité, n'est-ce pas ? Mais c'est quelque

9 chose que vous avez préconisé pourtant ?

10 R. Peut-être quand on est désespéré on peut dire beaucoup de choses, on

11 peut dire n'importe quoi peut-être, mais il y a des limites

12 jusqu'auxquelles on peut aller pour se défendre. Je me souviens de

13 l'arrestation d'un représentant des Nations Unies. Sur le coup, parmi tout

14 le monde, toute la population, et cetera, on pensait que c'était la chose à

15 faire. Cela paraissait la bonne chose à faire. Mais cela s'est révélé

16 finalement peu sage ultérieurement.

17 Q. Vous parlez d'un acte de ce qu'il fallait faire, d'un acte marqué au

18 coin de la sagesse. Mais, examinons ce que vous avez dit au cours de la 24e

19 Séance de l'assemblée des Serbes de Bosnie de janvier 1993. On a déjà

20 regardé ce document, et je vous ai dit que nous allions y revenir.

21 M. TIEGER : [interprétation] Intercalaire 3, auparavant cela s'est vu

22 attribuer la cote P65, classeur 15, intercalaire 218.

23 On commence la transcription des propos de M. Milincic à la page 68.

24 Le passage qui nous intéresse commence à la page 69 en anglais, page 21 en

25 B/C/S, numéro ERN 02149925.

Page 18470

1 Q. A ce moment-là, vous avez dit : "Nous aussi avons de quoi les

2 faire chanter. Khomeini à l'époque retenait en otage un nombre très limité

3 d'Américains à l'ambassade américaine de Téhéran, et il est arrivé pourtant

4 à secouer l'Amérique avec ce petit nombre d'otages. Bien, nous, on a ces

5 hommes en blanc, et cela pourrait nous servir d'arme. Il faut que nous nous

6 rebellions contre l'histoire. Il y a une certaine sagesse dans cette

7 manière d'agir. Merci."

8 R. A l'époque, cela paraissait logique. Aujourd'hui, je ne dirais plus la

9 même chose. Je ne tiendrais plus de même propos, mais j'ai pensé que

10 c'était la chose à faire pour réagir à ce qui se passait, mais heureusement

11 tout s'est bien terminé.

12 Q. A l'époque, il y a beaucoup de choses qui ont paru la bonne chose à

13 faire pour défendre le peuple serbe du point de vue des dirigeants des

14 Serbes de Bosnie. Il y a beaucoup de choses donc qui paraissaient sages et

15 avisées et qui se sont révélées peu avisées finalement, rétrospectivement.

16 R. Comme je l'ai déjà dit, à l'époque la situation semblait celle que j'ai

17 décrite.

18 Q. En fait, Monsieur Milincic, une des raisons, en tout cas, pour

19 lesquelles vous avez donné une opinion assez positive de

20 M. Krajisnik, de sa personnalité, de l'homme qu'il était quand la Défense

21 vous l'a demandé, la raison pour laquelle vous avez été si positif c'est

22 parce que vous estimez qu'il a le même sentiment que vous; en d'autres

23 termes, il pense que de nombreuses actions sont possibles, sont autorisées,

24 même si elles sont illégales pour défendre le peuple serbe.

25 R. Il faudrait que vous me répétiez votre question, parce que j'aimerais

Page 18471

1 faire preuve de prudence pour y répondre. Je ne suis nullement en train

2 d'essayer de vous provoquer.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, voici le genre de

4 question qui généralement débouche sur un débat plutôt que sur la

5 présentation d'éléments de preuve par un témoin.

6 M. TIEGER : [interprétation] Donc, je vais diviser ma question en plusieurs

7 volets.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

9 M. TIEGER : [interprétation]

10 Q. D'après ce que vous avez répondu aux questions de la Défense, j'ai eu

11 l'impression que vous aviez une bonne opinion, une opinion positive de M.

12 Krajisnik, de sa personnalité. Est-ce que c'est bien le cas ?

13 R. Oui.

14 Q. J'avance, en ce qui me concerne, que la raison qui explique la bonne

15 opinion que vous avez de lui, c'est que vous estimez, vous pensez qu'il

16 partage votre sentiment, votre prise de position que vous avez explicitée

17 au sujet de la défense du peuple serbe, donc ce que vous voulez essayer de

18 faire c'est de tenir des propos qui lui soient favorables devant le

19 Tribunal pour la raison que je viens d'identifier.

20 R. Ce que je sais de M. Krajisnik m'incite à dire qu'à Srbac, je n'ai

21 jamais reçu d'ordre écrit ou oral concernant le nettoyage ethnique. Pour ce

22 qui est du reste --

23 Q. Mais vous êtes allé plus loin. Vous avez été très favorable dans votre

24 jugement de sa personnalité. Pourtant, on vous a interrogé de manière très

25 spécifique. Un exemple concret : Vous venez de nous dire que vous avez

Page 18472

1 préconisé cette opération illégale de prise d'otages. J'avance, quant à

2 moi, que la raison pour laquelle vous venez ici pour témoigner

3 favorablement au sujet de M. Krajisnik, c'est parce que vous savez

4 pertinemment qu'il préconisait le même genre d'acte.

5 R. Je ne peux pas répondre par oui ou par non. Je ne suis pas d'accord

6 avec la façon dont vous avez formulé votre question ni avec votre

7 conclusion.

8 Q. J'aimerais diffuser deux communications interceptées et je vais vous

9 reposer la question à ce moment-là.

10 M. TIEGER : [interprétation] La première communication, on la trouve à

11 l'intercalaire numéro 9, ETRR 012680. Je pense qu'il faudrait que

12 j'obtienne une cote.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que les interprètes

14 disposent de la transcription ? Parce que, sinon, il est impossible de

15 suivre cette conversation. Donc, intercalaire 9, et

16 M. le Greffier va nous donner une cote.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] P988.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P988. Ensuite, je pense que c'est

19 l'audio. Ensuite, P988 --

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Point "A", c'est le transcript en B/C/S,

21 et la traduction, point 1.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout le monde a la transcription des

23 propos. Allez-y.

24 [Diffusion de cassette audio]

25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

Page 18473

1 "M. X : Allô.

2 Momcilo KRAJISNIK : Allô.

3 M. X : Comment ça va ?

4 Momcilo KRAJISNIK : Comme le roi Milan Obrenovic.

5 M. X : Tu es mieux que lui. Tu travailles comme les médecins. Tout le

6 monde occidental est en deuil.

7 Momcilo KRAJISNIK : Oui. Est-ce qu'il y a des nouvelles ?

8 M. X : Voilà. Je pense que c'est la bonne solution, parce que c'est

9 la plus difficile. Les Anglais sont allés voir Milosevic pour le forcer à

10 reconnaître la Bosnie dans le cadre des frontières déterminées par le

11 conseil antifasciste de libération nationale de la Yougoslavie.

12 Momcilo KRAJISNIK : Qui est allé là-bas ?

13 M. X : Les Anglais.

14 Momcilo KRAJISNIK : Qui parmi les Anglais ?

15 M. X : Je ne sais pas. Je viens de recevoir un message de Chicago

16 selon lequel les Anglais sont allés à Belgrade.

17 Momcilo KRAJISNIK : Ah, ah. Pour reconnaître --

18 M. X : Oui, pour reconnaître la Bosnie au sein des frontières

19 déterminées par l'Avnoj.

20 Momcilo KRAJISNIK : Qu'est-ce que veulent les Anglais ?

21 M. X : Ils veulent exercer une pression sur vous. Ils veulent vous

22 isoler et vous démoraliser complètement.

23 Momcilo KRAJISNIK: Ils ne peuvent réussir ni l'un ni l'autre. Nous

24 sommes immunisés.

25 M. X : Je sais, mais, eux, ils ne le savent pas.

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1 Momcilo KRAJISNIK : Je ne sais pas comment le leur expliquer.

2 M. X : Ce n'est pas possible. Ils sont bêtes. C'est une nation

3 idiote. La cervelle anglo-saxonne est très limitée dans ses capacités.

4 Momcilo KRAJISNIK : Alors, vous, qu'est-ce que vous faites, les

5 Serbes à l'ouest ? Pourquoi est-ce que vous ne leur expliquez ce qu'il

6 faudrait faire ?

7 M. X : On ne veut pas leur expliquer comment il vaut faire. Nous,

8 nous vous expliquons. Nous vous disons comment fonctionne la cervelle

9 anglo-saxonne, parce que vous ne la savez pas, et nous, nous la connaissons

10 par cœur.

11 Momcilo KRAJISNIK : D'accord.

12 M. X : Ecoute, ce que vous êtes en train de faire c'est génial, c'est

13 absolument génial. Il n'y a pas d'autre option et il n'arrête pas de vous

14 appeler des barbares.

15 Momcilo KRAJISNIK : Kozirjev ?

16 M. X : Oui. Il dit que vous êtes des barbares parce que vous avez

17 attaché des Casques bleus à des ponts.

18 Momcilo KRAJISNIK : Kozirjev ? On avait reçu des informations sur

19 lesquelles il nous défendait.

20 M. X : Enfin, il ne vous défendait pas. Il ne faut pas croire cela.

21 C'est une saleté. C'est un Juif avant d'être un Slave.

22 Momcilo KRAJISNIK: Je le sais.

23 M. X : Ecoute. C'est dommage de voir qu'il est 2 000 troupes

24 amphibies sur ce navire américain. Les Anglais ont déployés 1 500 hommes

25 dans le cadre de leurs commandos. Les Français aussi déployaient des

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1 commandos. Ils exercent une pression psychologique sur vous. Ils veulent

2 essayer de sortir leurs otages. Vous êtes préparé. Die Welt, le journal

3 allemand, a publié un article où il est dit qu'ils ont appris d'une source

4 inconnue que s'il y a une mission de sauvetage, elle s'effectuera par

5 hélicoptères de nuit.

6 Momcilo KRAJISNIK : Nous avons reçu cette information. Nous en

7 disposons.

8 M. X : D'accord. Donc, vous l'avez.

9 Momcilo KRAJISNIK : Nous savons tout. Ils peuvent continuer. On va se

10 préparer --

11 M. X : Ecoute, il y a autre chose. Quand tu m'as parlé des 2 000 ou 3

12 000, c'est un très beau chiffre si c'est possible. C'est très important,

13 mais c'est très bien, parce qu'à ce moment-là vous les embêter énormément.

14 Ils ne peuvent pas les sauver dans le cadre d'une mission de commandos et

15 ne peuvent pas faire venir les troupes de l'OTAN en Bosnie pour évacuer la

16 FORPRONU, puisque vous détenez 3 000 membres de la FORPRONU en otage. Ni

17 l'une ni l'autre de ces options ne sont envisageables. Tout ce qu'ils

18 peuvent faire c'est d'accepter vos conditions. Il faut négocier tous les

19 territoires, la paix, tout, mais pas les otages. Cette prise d'otage c'est

20 une nouvelle manière de faire la guerre. Ces otages, c'est votre

21 protection. Il ne faut pas croire à leurs promesses. Ils ont déjà menti

22 avant; ils vont mentir encore. En conséquence, les otages constituent une

23 garantie. La parole qu'on peut donner n'est pas une garantie.

24 Momcilo KRAJISNIK : Oui, je comprends. C'est ce qu'on va faire.

25 M. X : Il n'y a pas d'autre choix. Vous êtes dans une situation vous

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1 ne pouvez rien faire d'autre. Si vous les remettez en liberté, ils les

2 regrouperont et les placeront sur le territoire musulman. Ils vous

3 donneront tous les enclaves à l'est, Gorazde, Srebrenica et Zepa, mais

4 lorsqu'ils arriveront sur le territoire musulman, les Musulmans ne

5 cesseront de vous attaquer. Si vous lancez une contre-attaque, ils vous

6 bombarderont parce que vous attaquez la FORPRONU. En conséquence, ils ont

7 choisi une tactique différente, donc il ne faut pas libérer les otages ou

8 les laisser partir où que ce soit, parce que vous n'allez pas les

9 récupérer.

10 Momcilo KRAJISNIK : Qui on ne doit pas libérer ?

11 M. X : Les otages.

12 Momcilo KRAJISNIK : D'accord.

13 M. X : Parce que vous ne pourrez plus les rattraper ensuite et il n'y

14 aura plus personne pour vous défendre face au bombardement.

15 Momcilo KRAJISNIK : Oui, oui.

16 M. X : C'est vraiment le moment de vérité pour vous. Voilà ce que

17 j'en pense.

18 Momcilo KRAJISNIK : Oui. C'est cela.

19 M. X : Comment cela se passe ailleurs ?

20 Momcilo KRAJISNIK : Il y a une grande offensive.

21 M. X : Leurs offensives ?

22 Momcilo KRAJISNIK : Oui.

23 M. X : Où est-ce qu'ils nous attaquent ?

24 Momcilo KRAJISNIK : Sur le mont Ozren, à Bihac, partout.

25 M. X : J'ai entendu que nous avons récupéré ce que nous avions perdu

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1 à Bihac.

2 Momcilo KRAJISNIK : Oui, en partie.

3 M. X : Pas tout ?

4 Momcilo KRAJISNIK : Nous avons récupéré une certaine partie et cela

5 est pas mal.

6 M. X : J'entends dire que le commandant en chef souffre de tension

7 artérielle.

8 Momcilo KRAJISNIK : Qui dit cela ?

9 M. X : Il est à l'Académie militaire de médecine.

10 Momcilo KRAJISNIK : Cela n'est pas vraiment un problème. Non, il est

11 frais comme un pinson.

12 M. X : Frais comme un pinson.

13 Momcilo KRAJISNIK : Oui.

14 M. X : Il vaudrait mieux qu'il aille bien dans sa tête.

15 Momcilo KRAJISNIK : Oui. On est bizarre chez nous. On est tous

16 pareils.

17 M. X : Qui c'est qui rigole là ?

18 Momcilo KRAJISNIK : C'est mon frère. C'est moi et mon frère. On y

19 est, tous les deux.

20 M. X : Ton frère. Je ne savais pas.

21 Momcilo KRAJISNIK : Oui, il s'appelle Mirko. Il est venu me voir. On

22 garde quelque chose et je te parle en même temps.

23 M. X : J'ai vu un lâche de la FORPRONU qui était attaché, les poings

24 liés. Ils lui ont demandé comment ils étaient traités. Il a dit qu'ils

25 étaient très bien traités, qu'on les emmenait dormir la nuit puis on les

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1 remmenait pendant la journée. En fait, il a dit à l'OTAN que les cibles

2 n'étaient pas protégées la nuit et qu'ils pouvaient frapper à ce moment-là.

3 Momcilo KRAJISNIK : Oui, oui, mais demain nous --

4 M. X : Il faut faire des relèves toutes les huit heures. Ce sont des

5 vrais salauds. Ils ont tous les moyens de procéder à des bombardements de

6 nuit.

7 Momcilo KRAJISNIK : Bien. Je pense qu'ils ont vu clairement ce qu'il

8 allait leur arriver, donc il faut qu'ils fassent attention.

9 M. X : Il convient que vous cédiez. Il ne faut pas céder, sinon, vous

10 allez perdre plus tard. Cette fois, il faut être fort jusqu'à la fin. Je ne

11 vois pas d'autre manière de faire face, parce que si on est fort et si on

12 est ferme, et ensuite si on cède, on ne peut plus être pris au sérieux.

13 J'ai entendu Douglas Herd, journaliste, l'interrogé. Il a dit la chose

14 suivante : 'J'ai entendu dire que M. Karadzic avait déclaré qu'il tuerait

15 un soldat des Nations Unies un pour chaque bombe qui tomberait.' Il a

16 répondu à ce qu'avait dit le journaliste, que M. Karadzic avait déjà

17 raconté n'importe quoi précédemment et que finalement ce qu'il disait

18 n'avait pas tellement d'importance. Il ne faut pas faire de déclarations si

19 on n'est pas prêt à faire exactement ce qu'on est en train de dire.

20 Momcilo KRAJISNIK : Je suis tout à fait d'accord.

21 M. X : Dis-leur simplement que ce qu'on va faire.

22 Momcilo KRAJISNIK : Oui.

23 M. X : Il faut vraiment que vous soyez très fort. Je sais que ce

24 n'est pas facile. C'est plus facile d'en parler que de le faire pour vous

25 qui êtes là.

Page 18479

1 Momcilo KRAJISNIK : Même s'il n'y avait que cela, je respecte

2 beaucoup cet homme. Si tu savais ce que c'est, effectivement tu

3 sympathiseras avec nous. On ne peut pas faire la guerre ici à notre place.

4 Nous vous donnons vraiment une très bonne note. Si tu savais simplement ce

5 qui arriverait si ce n'était pas pour notre peuple.

6 M. X : C'est un peu plus facile comme cela, n'est-ce pas.

7 Momcilo KRAJISNIK : De toute façon, oui. Dans ce malheur, c'est une

8 bonne chose que nos gens l'apprennent --

9 M. X : Et nous disons quelque chose qui est important.

10 Momcilo KRAJISNIK : Bien sûr. Nous avons beaucoup de respect pour

11 cela.

12 M. X : Je suis très heureux de cela, parce que vraiment je veux

13 pouvoir aider. Je veux veiller à ce que nous ayons cet état serbe et puis

14 je peux passer à la retraite.

15 Momcilo KRAJISNIK : Oui, il n'y a pas beaucoup de grands Serbes dans

16 ce monde.

17 M. X : Crée un état et puis je peux partir à la retraite.

18 Momcilo KRAJISNIK : Très bien. C'est quand même bien pour nous que

19 nous ayons des gens tellement formidable.

20 M. X : Puisque je suis professeur à l'université, j'irai à Banja Luka

21 et j'y créerai une université.

22 Momcilo KRAJISNIK : Ce sera à Sarajevo aussi.

23 M. X : Oublie Sarajevo.

24 Momcilo KRAJISNIK : Nous voulons que ce soit là où c'est un peu plus

25 difficile pour nous.

Page 18480

1 M. X : Nous allons devoir chasser tous les Mujos, tous les Turcs.

2 Momcilo KRAJISNIK : Non, il n'y a pas de Musulmans ici chez nous.

3 M. X : Oublie cette partie. Tout Sarajevo sera à nous. Oublie cela.

4 Momcilo KRAJISNIK : Pas de division, n'est-ce pas ?

5 M. X : Il y a un avocat qui s'appelle Di Maggio qui est spécialiste

6 en droit international et il faisait une conférence ici. Il parlait du

7 conflit des Balkans et il a dit qu'il y avait des Bosniens, des Serbes et

8 des Croates ici. Alors, je lui ai demandé qui étaient les Bosniens. Il a

9 dit que c'étaient les Musulmans. Je lui ai dit qu'il y avait les Serbes et

10 les Croates et que ceux-là étaient des gens de Bosnie aussi. Il m'a dit que

11 les Serbes avaient les Serbes de l'autre côté de la Drina et que les

12 Croates avaient des Croates sur l'autre rive, mais que les Musulmans, ils

13 ne savaient pas où frapper. Je lui ai répondu qu'ils ne savaient pas où

14 frapper parce qu'ils n'étaient pas une nation. Je lui ai dit qu'ils

15 voulaient imposer une population qui n'était pas une nation qui allait

16 diriger deux autres nations. C'était impossible.

17 Momcilo KRAJISNIK : C'est exactement la situation et c'est une

18 catastrophe que les gens ne le sachent pas.

19 M. X : Ce n'est pas une nation. Ce sont des Serbes et des Croates qui

20 se sont convertis à l'Islam, rien de plus. Des renégats.

21 Momcilo KRAJISNIK : Exactement, mais ce ne sont pas de nos gens et

22 nous devrions nous séparer.

23 M. X : Mais regardez, il nous faut effectivement nous séparer. Je

24 suis sûr que nous allons être réunis dans 100 ans, maintenant c'est

25 impossible.

Page 18481

1 Momcilo KRAJISNIK : Avec qui ?

2 M. X : Avec les Turcs.

3 Momcilo KRAJISNIK : Impossible d'être réunis avec eux.

4 M. X : Dans 100 ans nous serons ensemble économiquement. Mais

5 maintenant, ce n'est pas possible.

6 Momcilo KRAJISNIK : Nous ne serons jamais réunis avec eux. Nous

7 allons faire le malheur de nos générations si cette génération se réunit

8 avec eux.

9 M. X : Bien, faisons-le comme cela.

10 Momcilo KRAJISNIK : Alors pourquoi se réunir avec eux ? Qu'est-ce qui fait

11 que ce serait nécessaire ? Seulement s'ils se convertissent à notre

12 religion.

13 M. X : Tout à fait. Ils pourraient redevenir orthodoxes.

14 Momcilo KRAJISNIK : Fort bien.

15 M. X : Qu'en est-il à Orasje ?

16 Momcilo KRAJISNIK : C'est une grande offensive, aujourd'hui et demain.

17 M. X : C'est vrai ? Est-ce qu'on tient le coup ?

18 Momcilo KRAJISNIK : Oui. Je te reparle demain.

19 M. X : Fort bien. A demain. Bonjour à Radovan."

20 [Fin de la diffusion de la cassette audio]

21 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que la conversation interceptée

22 suivante sera courte. C'est une conversation de M. Krajisnik avec Slobodan

23 Stupar le 28 mai 1992, qui se trouve au même intercalaire. Excusez-moi,

24 c'est à l'intercalaire numéro 8, et il nous faudra une cote, Monsieur le

25 Président.

Page 18482

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P989. La transcription

3 portera la cote P989.A, et la traduction 989.A.1.

4 M. TIEGER : [interprétation] C'est une conversation qu'ont M. Stupar et M.

5 Krajisnik. C'est pour un journal télévisé. Page 2, la traduction en anglais,

6 nous avons un commentaire de M. Stupar à propos d'une agence de presse. M.

7 Chirac aurait parlé au président de Serbie.

8 [Diffusion de la cassette audio]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "STUPAR : M. Krajisnik, d'après une agence de presse, M. Chirac a

11 parlé au président de Serbie, M. Milosevic, aujourd'hui. Il lui a demandé

12 de faire valoir son autorité pour parvenir à un accord permettant la

13 libération des soldats de la FORPRONU. Qu'avez-vous comme commentaire eu

14 égard à cette conversation et à la capacité qu'aura le président serbe

15 d'intervenir en tant que médiateur dans la situation actuelle ?

16 Momcilo KRAJISNIK : C'est à aucun prix que demande le président Milosevic,

17 aucune division ne pourrait nous empêcher de respecter le président de

18 notre mère patrie. Mais ici, il y a de sales trucs qui sont en jeu. Toutes

19 ces résolutions que les puissances étrangères veulent imposer sont imposées

20 par les Français. Ce sont les Français qui disent qu'il n'y a pas

21 d'intention de nous aider.

22 Nous regrettons que ce soit des innocents qui soient concernés, mais

23 il faut traiter les Nations Unies de la façon qu'elle mérite. Vous voyez,

24 les Nations Unies se sont rangées du côté de notre ennemi. Un Serbe n'est

25 pas un être inférieur, qu'il soit soldat ou civil. S'il défend son foyer,

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1 sa liberté, et si manifestement il n'est pas agresseur sur son propre

2 territoire. Les Nations Unies et l'OTAN, se sont là les agresseurs qui ont

3 montré leur vrai visage. Toutes ces politiques ont pour objet de s'attaquer

4 aux Serbes. Nous avons supporté ceci afin de réaliser nos objectifs

5 légitimes. Dans le cadre des événements qui sont survenus en Slavonie

6 occidentale et après ce qui s'est passé dans les zones protégées, qui en

7 fait ne sont pas protégées pour les civils, mais aussi à cause des

8 positions des forces armées qui ne cessent d'attaquer notre territoire, les

9 Nations Unies ont perdu la moindre once de respect qu'elles pouvaient avoir

10 auprès des Serbes, pour ce qui est de la confiance qu'on avait.

11 Les Nations Unies, par l'intermédiaire de l'OTAN, ont commis un crime

12 contre notre peuple. Donc, pour qu'il y ait une fin à cette guerre, pour

13 qu'il y ait une paix dans cette zone, c'est la seule solution. Ceux qui

14 nous attaquent ne veulent pas la paix, ils veulent l'escalade du conflit au

15 contraire.

16 Je ne veux pas ici me livrer à des conclusions hâtives parce que tout

17 est possible en diplomatie. Nous allons faire de notre mieux pour être

18 souples et coopérants, mais nous n'allons pas permettre à des médiateurs

19 internationaux de nous placer dans une situation telle que celle qui s'est

20 présentée le 31 décembre. Alors, nous avons accepté un cessez-le-feu qui a

21 été utilisé pour armer l'armée musulmane, alors que rien n'a été fait pour

22 changer la position politique des Américains, qui disent qu'ils veulent

23 simplement entendre les Serbes accepter clairement le plan du Groupe de

24 contact, alors que la solution proposée par ce groupe n'est pas juste,

25 qu'elle est tout à fait unilatérale et qu'il y a une partie au conflit qui

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1 s'y oppose et ne l'accepte pas."

2 [Fin de la diffusion de la cassette audio]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la conversation

4 interceptée précédente, est-ce que nous avons des informations qui nous

5 disent qui est cet interlocuteur ?

6 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas cette information pour le moment,

7 mais je vais essayer de voir ce qu'il en est. Peut-être pourrons-nous avoir

8 un complément d'information.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

10 M. TIEGER : [interprétation] -- cela aiderait.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous en ferez part.

12 M. TIEGER : [interprétation]

13 Q. Monsieur Milincic, je pense que ceci est tout à fait simple. M.

14 Krajisnik et vous, vous partagez certaines opinions. Faire ce qu'il faut

15 faire, même si c'est quelque chose d'illégal, pour défendre les Serbes, et

16 c'est sans doute là une partie de la raison qui vous a poussé à prendre une

17 initiative, celle de nous présenter des documents, mais des documents

18 partiels, afin de l'aider ici dans ce procès; est-ce le cas ?

19 R. J'ai les informations que j'ai. Je vous les ai présentées, pas

20 seulement pour aider Krajisnik, mais pour essayer de faire se manifester la

21 vérité. La vérité, c'est qu'il y avait la municipalité de Srbac et il y

22 avait l'influence de Krajisnik sur les Serbes dans la municipalité de Srbac.

23 C'est tout ce que j'ai essayé de faire. Je voulais que vous compreniez les

24 circonstances dans lesquelles nous nous trouvions, c'est-à-dire que nous

25 étions aussi menacés ou aussi à l'abri les uns que les autres. Je parle des

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1 Musulmans et des Serbes.

2 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'autres questions.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais une petite précision, après

4 votre dernière réponse. Vous avez dit "la vérité, dans la municipalité de

5 Srbac, la situation qui y prévalait et l'influence de Krajisnik sur les

6 Serbes dans la municipalité de Srbac." Là, je vous ai cité. Mais qu'est-ce

7 que vous pensiez lorsque vous aviez parlé de "l'influence qu'exerçait

8 Krajisnik sur les Serbes dans la municipalité de Srbac ?"

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai vu Krajisnik en passant, lorsque

10 ce n'était pas prévu ni planifié pour une commémoration ou une réunion, il

11 avait toujours coutume de me demander comment cela allait. Il m'a demandé

12 d'essayer de maintenir la paix, de la préserver, et de protéger les

13 Musulmans et les Croates, parce que, voici ce qu'il a dit : "S'ils vous

14 menacent, vous n'êtes plus un Serbe." Il n'y a pas eu d'autres influences,

15 je parle d'influences négatives. Jamais il n'a dit quoi que ce soit qui

16 aurait été négatif. Il me disait toujours : "Toi, il est facile de

17 travailler avec toi parce que vous avez toujours eu la vie belle, parce que

18 vous n'avez jamais eu de problème là-bas chez vous."

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

20 Maître Josse, avez-vous des questions supplémentaires ?

21 M. JOSSE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pensez-vous qu'il serait préférable de

23 faire la pause ? On pourrait avoir une pause de 20 minutes. On

24 recommencerait à 6 heures moins cinq.

25 M. JOSSE : [interprétation] Oui, volontiers. Mais auparavant, j'aimerais

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1 m'adresser à vous, Messieurs les Juges, en l'absence du témoin.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

3 Monsieur Milincic, nous allons bientôt faire une pause, lorsque Me Josse

4 aura terminé son intervention pour une question, semble-t-il, de procédure.

5 Veuillez suivre Mme l'Huissière.

6 [Le témoin se retire]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

8 M. JOSSE : [interprétation] Je comprends que c'est à moi de décider de la

9 manière dont je vais présenter ma défense, mais je sais que vous prenez

10 souvent l'initiative, vous êtes tout à fait actif pour ce qui est des

11 éléments de preuve. C'est délibérément que je n'ai pas examiné le dernier

12 intercalaire qui se trouvait dans la liasse des documents que nous avons

13 préparée. C'est un extrait d'un article qui a paru dans un magazine croate.

14 En substance - bien sûr, cela n'a pas été traduit - mais si j'ai bien

15 compris, on parle des relations interethniques entre la municipalité de

16 Srbac et celle qui se trouvait sur l'autre rive de la Sava, vers 1995. Je

17 voulais voir jusqu'où irait mon estimé confrère dans son contre-

18 interrogatoire pour attaquer, disons, le témoin avant de réagir. Vu les

19 questions posées, je serais enclin à utiliser ce document, à en demander le

20 versement dans le cadre à mes questions supplémentaires. Cependant, je ne

21 veux pas trop m'y attarder si vous estimez, Messieurs les Juges, que ceci

22 n'ajoute pas grand-chose à la déposition du témoin.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Impossible de le savoir, bien sûr. Une

24 première chose, nous n'avons pas lu non plus cet article. Il se pourrait

25 fort bien qu'il vienne ajouter quelque chose pour établir un bon rapport

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1 des choses dans le cadre des questions posées en contre-interrogatoire, ou

2 disons un bon équilibre entre l'interrogatoire principal et le contre-

3 interrogatoire. Mais vu la façon dont évolue l'audition de ce témoin, y

4 compris le contre-interrogatoire, je ne vous empêcherai pas de le faire. Je

5 pense que c'est équitable, même si d'habitude une partie qui cite un témoin

6 doit épuiser tous les moyens qui sont à sa disposition dans le cadre de

7 l'interrogatoire principal. Mais je comprends la situation actuelle, les

8 circonstances qui se présentent. Vous avez peut-être dû établir un autre

9 ordre de priorité --

10 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Excusez-moi de vous interrompre --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous estimez que c'est important --

12 M. JOSSE : [interprétation] C'est au vu du contre-interrogatoire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en règle générale, des éléments de

14 preuve ne sont pas à réserver, disons, au cas où il faudrait les utiliser

15 après le contre-interrogatoire. Normalement, ce n'est pas comme cela qu'il

16 faut procéder, parce que le contre-interrogatoire permettrait de voir ce

17 qu'on peut lancer comme argument.

18 M. JOSSE : [interprétation] Je comprends.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous savons bien que ce n'est pas

20 là la démarche que vous avez habituellement, votre stratégie. Puis, nous

21 avons vu comment a évolué la déposition de ce témoin et ce n'est peut-être

22 pas quelque chose qui répond tout à fait à vos attentes au départ. Vous

23 aurez donc le droit de le faire.

24 Mais je vous prodigue un petit conseil : lisez-le attentivement, cet

25 article, avant de poser des questions au témoin à son propos. Il semblerait

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1 en effet -- essayons de voir ce que dit l'accusation, notamment la peine.

2 Une des premières choses qui me viennent à l'esprit, c'est de savoir

3 comment on sait de quel meurtre il s'agit ici. D'autant que si vous avez

4 reçu ces documents récemment, sans doute que l'effet de surprise a joué

5 pour vous aussi. Je vous conseille donc de bien examiner chacune des

6 parties de l'article.

7 Ceci dit, est-ce que M. Krajisnik -- vous allez avoir besoin de plus de

8 temps ? D'habitude, on fait une pause de 20 minutes. Si vous -- dans la

9 mesure du possible, j'aimerais terminer la déposition de ce témoin

10 aujourd'hui. Les Juges ont déjà posé beaucoup de questions au témoin, ce

11 qui veut dire qu'il n'y en a plus peut-être beaucoup à poser.

12 M. JOSSE : [interprétation] Trente minutes, ce serait fort bien.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons essayer de terminer la

14 déposition du témoin aujourd'hui, et nous aurons une pause maintenant de 30

15 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.

17 --- L'audience est reprise à 18 heures 18.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je vous écoute.

19 M. JOSSE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 L'Accusation a choisi de nous faire entendre cette longue conversation

21 interceptée et n'a choisi que de poser une question après. Par contre,

22 j'aurais l'intention de poser un très grand nombre de questions, pour ce

23 qui me concerne, concernant cette conversation interceptée, dans le cadre

24 des questions supplémentaires, avec votre permission, Monsieur le

25 Président.

Page 18489

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. Vous pouvez y aller.

2 Mais il faudrait quand même rester dans les délais prévus, n'est-ce pas ?

3 M. JOSSE : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, faisons entrer le

5 témoin dans le prétoire. Vous n'avez pas d'autres questions à aborder,

6 Maître Josse ?

7 M. JOSSE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Milincic, c'est à Me Josse de

10 vous poser des questions dans le cadre des questions supplémentaires.

11 Nouvel interrogatoire par M. Josse :

12 Q. [interprétation] Monsieur Milincic, je souhaiterais commencer cette

13 section où nous vous faisons écouter un passage de conversation interceptée

14 concernant ce que vous a fait écouter mon éminent confrère, M. Tieger. En

15 fait, je souhaiterais vous poser une question. Vous avez demandé que l'on

16 vous fournisse des documents supplémentaires pour venir en aide à M.

17 Krajisnik ici dans le cadre de ce procès, n'est-ce pas ? Est-ce la vérité ?

18 Est-ce une allégation qui est vraie, selon vous ?

19 R. J'ai cru personnellement qu'il me fallait apporter des documents avec

20 lesquels je pourrais démontrer dans quelles conditions nous nous sommes

21 trouvés à Srbac pendant la guerre. Je voulais simplement, de par ces

22 documents, expliquer que personne n'était épargné, ni les uns ni les

23 autres. C'est ainsi que j'ai essayé d'appuyer cette thèse, en démontrant la

24 façon dont les soldats serbes recevaient des soldes ou des pensions

25 d'invalidité.

Page 18490

1 Je voulais également parler de ces meurtres. J'ai omis de vous parler de

2 deux autres meurtres également, mais le but était de démontrer tous les

3 malheurs qui existaient pendant la guerre. Je n'ai pas essayé de dépeindre

4 une fausse image de la situation. Je n'ai pas essayé de dépeindre une image

5 idyllique de Srbac. Mais nous avions des problèmes pendant la guerre et

6 nous devions résoudre les problèmes que la guerre avait créés à Srbac. En

7 tant que président d'un peuple civil, j'ai été impuissant. J'ai essayé de

8 défendre les intérêts des trois parties. L'évaluation de la population eu

9 égard à la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés, eu égard à

10 l'endroit où nous nous trouvions, nous étions entourés de diverses nations,

11 à ce moment-là. Je voulais démontrer par ceci que Srbac a bien réussi à

12 maintenir l'ordre. Nous regrettons, bien sûr, les victimes, malgré les

13 efforts déployés.

14 Q. Monsieur Milincic, vous avez donné une explication très longue que vous

15 avez déjà fournie à cette Chambre de première instance, mais le Juge vous a

16 donné des instructions. Il vous a demandé de vous concentrer sur la

17 question qui vous est posée. Je vais répéter ma question une dernière fois.

18 Si je vous disais que vous avez activement cherché une documentation

19 partiale, que vous avez ramené un certain nombre de documents partiaux pour

20 venir en aide à M. Krajisnik dans le cadre de ce procès ?

21 R. Oui, j'ai tout à fait bien choisi. Je n'ai pas essayé de venir en aide

22 à M. Krajisnik en présentant des documents partiaux.

23 Q. Si je vous disais que vous et M. Krajisnik, vous partagez le même point

24 de vue concernant une façon illégale de procéder, de faire des choses de

25 façon illégale. Est-ce que vous croyez en l'illégalité de certaines

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1 choses ?

2 R. Non. Je ne crois pas qu'il faut faire quoi que ce soit d'illégal,

3 jamais. Mais je ne crois pas que, sur la base d'une seule phrase prononcée

4 concernant les otages, que nous étions à ce moment-là, que nous soutenions

5 un état sans loi.

6 Q. Est-ce que vous vous souvenez si M. Krajisnik n'a jamais prôné

7 l'illégalité ?

8 R. Cette conversation interceptée m'a permis d'entendre une histoire qui

9 peut être interprétée de deux façons, alors que les informations qui

10 m'étaient parvenues, qui étaient parvenues à ma municipalité, n'allaient

11 pas dans le sens visant à dire qu'il cherchait le chaos et l'illégalité.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes des Juges d'expérience,

13 Monsieur Josse. Nous serions particulièrement surpris, plus

14 particulièrement après avoir entendu sa déposition depuis le début, je

15 serais surpris qu'il vous dise qu'il est d'accord avec

16 M. Krajisnik pour faire des choses de façon illégale.

17 Le témoin a expliqué ce qu'il a fait dans quelles circonstances, il

18 ait agi d'une certaine façon. Au même moment, nous avons entendu ce qu'il a

19 dit lors des sessions de l'assemblée. Nous sommes en mesure de décider par

20 nous-mêmes. Je crois, dans le cas d'un procès par juriste, ce serait autre

21 chose, mais, à ce moment-là je crois qu'il est inutile de poser cette

22 question telle que vous l'avez posée. C'est tout à fait clair ce que le

23 témoin a fait. Le témoin a peut-être eu peur qu'on se forgerait une image

24 différente de ce qui s'est passé, et peut-être une image mal équilibrée, si

25 vous voulez, des événements. Il était peut-être soucieux de s'assurer que

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1 ce genre d'image ne reste, il avait peur qu'après son témoignage, l'idée

2 que nous aurions de la municipalité serait encore différente, débalancée,

3 sans équilibre. Donc, c'est ainsi qu'il a apporté un certain nombre de

4 documents. Ce n'est pas tout à fait prudent de faire des choses de cette

5 façon, puisque le témoin ne sait pas qu'il est notre point de vue de la

6 chose, mais il l'a fait quand même.

7 J'ai dit à M. Tieger à un moment donné qu'il faudrait poser un

8 certain nombre de questions de façon différente à un moment donné. Il a

9 poursuivi. Je l'ai dit à vous aussi. Je crois que vous comprenez ce que je

10 veux dire.

11 M. JOSSE : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Je

12 souhaite passer à un autre sujet. Je vais peut-être revenir sur cela un peu

13 plus tard, mais pour l'instant je vais passer à autre chose.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

15 M. JOSSE : [interprétation]

16 Q. Monsieur Milincic, le 29 mai 1995, que se passait-il dans la Republika

17 Srpska concernant les forces de l'OTAN, s'agissant de la conversation

18 interceptée ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous pouvez poser une

20 question directrice si vous le souhaitez à cette étape-ci. Il faudrait dire

21 qu'il y avait quand même un certain nombre de problèmes spécifiques, il

22 n'est pas nécessaire de poser des questions non directrices. Je suis sûr

23 que M. Tieger formulerait une objection s'il croit que la question est trop

24 directrice.

25 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

Page 18493

1 Q. Les forces de l'OTAN procédaient à un bombardement de la Republika

2 Srpska, n'est-ce pas, en partie, de toute façon ?

3 R. Oui.

4 Q. Ces bombardements étaient dirigés contre les Serbes, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Les Serbes qui vivaient dans la Republika Srpska étaient

7 particulièrement bouleversés, mécontentes ?

8 R. Oui.

9 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que la conversation qui a eu lieu entre

10 M. Krajisnik et M. X avait justement cette toile de fond comme base ? On

11 parlait justement de cela pour mettre les choses dans son contexte.

12 R. Oui. La teneur de la conversation porte sur cela justement. M. X

13 propose d'une distance. Il se trouve loin et il avait certaines idées de la

14 façon dont nous devrions faire les choses. J'ai toujours essayé d'éviter

15 les conseils provenant de personnes si éloignées, qui n'étaient pas sur

16 place. C'étaient des suggestions. C'était ce qu'il avait dit, nous disant

17 que nous devrions nous sentir en sécurité, et cetera.

18 Q. De quelle façon il vous a été possible de déduire que M. X se trouvait

19 à une distance qui était éloignée ? Qu'est-ce qui vous a permis de croire

20 cela ?

21 R. Il a dit : "Je vais venir et procéder à la création d'une université à

22 Banja Luka." Cela veut dire qu'il n'était pas là. Nous devions essayer de

23 sauver nos vies, nos maisons, nos routes. Il parle d'une période de 100 ans.

24 Il avait peut-être un point de vue quelque peu romantique de la chose.

25 Q. Très bien. Je vous remercie.

Page 18494

1 Monsieur, pourriez-vous, prendre l'intercalaire 14 des documents de

2 la défense.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Avez-vous --

4 M. JOSSE : [aucune interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- terminé avec les questions

6 concernant la conversation interceptée ? J'aurais une question pour vous,

7 Monsieur.

8 Dans la conversation : "J'ai vu un lâche de la FORPRONU avec les mains

9 liées. Ils ont demandé de quelle façon ils seront traités ? On leur a dit :

10 Très bien. Il nous a répondu qu'ils étaient emmenés pour dormir pendant la

11 soirée, qu'ils revenaient le lendemain. En fait, il a dit à l'OTAN que les

12 cibles n'étaient pas protégées pendant la nuit et qu'ils pouvaient

13 attaquer."

14 M. Krajisnik a répondu : "Oui, oui, mais demain -- "

15 Et l'autre personne qui répond : "Regarde, placez-les dans des tours de

16 huit heures. Ils sont mauvais. Ils ont de très bons moyens pour procéder au

17 bombardement pendant la nuit."

18 Maintenant la question que je souhaiterais vous poser est la suivante : ai-

19 je bien compris ce qui a été dit ? Est-ce que "le lâche qui était attaché

20 de la FORPRONU," est-ce que c'étaient des gens qui étaient attachés aux

21 cibles pour qu'on les attaque -- qu'on ne les attaque pas.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai regardé la télé. C'est ce que j'ai

23 entendu à la télé.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais est-il possible de dire que,

25 si j'ai bien compris, certaines personnes avaient été attachées à des

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1 cibles pour éviter que l'on procède au bombardement de ces cibles. Est-ce

2 que c'est exact ? Est-ce que c'est cela que vous avez compris ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je crois que oui. Je crois qu'ils étaient

4 attachés à certaines installations, à certaines cibles, aux installations

5 qu'il fallait protéger.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en attachant les otages de la

7 FORPRONU, en les attachant aux installations, aux objets ? C'est ainsi

8 qu'on allait empêcher le bombardement ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie,

11 Monsieur Josse.

12 M. JOSSE : [interprétation] Intercalaire 14, s'il vous plaît.

13 Q. Il s'agit ici d'un exemplaire d'un article que vous avez amené avec

14 vous, n'est-ce pas; est-ce exact, Monsieur Milincic ? Simplement répondez

15 par oui ou par non, car je vais vous demander de faire quelques

16 commentaires sur certains passages. Est-ce que c'est exact ?

17 R. Oui, c'est moi qui les ai amenés.

18 Q. Très bien, et effectivement, vous avez toujours en votre possession

19 l'original, n'est-ce pas ? C'est un article tiré d'un magazine, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Et --

23 R. Oui, c'est un magazine croate qui s'appelle Arena, et qui est publié à

24 Zagreb, en Croatie.

25 Q. Cet article, comment s'est-il retrouvé entre vos mains ?

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1 R. Certaines personnes me l'ont envoyé depuis la Croatie lorsque le

2 magazine a été publié.

3 Q. Est-ce que vous savez à quel moment ce magazine a été publié ?

4 R. En 1995, je crois. Vers la fin de l'année 1995.

5 Q. De nouveau, nous avons encore ce problème de ne pas avoir la

6 traduction. Je voudrais vous demander brièvement de nous résumer ce que,

7 selon vous, cet article dit.

8 R. En 1995, lorsque la Région autonome de la Krajina est tombée, on a eu

9 une tempête de forces croates armées, et les Serbes essayaient de fuir

10 cette région dans la Republika Srpska. A ce moment-là, comme le dit cet

11 article, il y a eu un retrait des Bosniens et des Croates de ces régions.

12 Ils se sont cachés des Serbes. Ils avaient peur. Ils craignaient des Serbes

13 qui fuyaient et qui allaient se réfugier dans la Republika Srpska.

14 Sur la base de négociations précédentes qui ont eu lieu entre le Dr

15 Nikola Koljevic, le vice-président de la Republika Srpska, et le

16 représentant de la Croix Rouge Internationale, c'était Sommaruga, c'est un

17 accord qui a été formé en 1992, je ne me souviens plus, on avait justement

18 désigné Srbac comme étant l'endroit le plus sécuritaire, à cause de cette

19 sécurité, à cause de ce que j'ai déjà dit, d'agir en tant qu'endroit qui

20 pourrait permettre aux familles de se réfugier et de se retrouver. Car il y

21 avait des familles qui provenaient également de la Croatie, qui passaient

22 par la Republika Srpska en chemin vers la Bosnie-Herzégovine. Nous avions

23 également un grand nombre de familles croates et musulmanes, cette année-

24 là, en passant par plusieurs différentes municipalités, qui passaient par

25 la Save pour aller en Croatie.

Page 18497

1 Maintenant, pour ce qui est de cet article, pendant une période d'un mois

2 et demi ou deux mois, alors que ces événements se sont déroulés en Croatie,

3 donc lorsque l'armée croate a libéré cet espace, lorsque la Région autonome

4 de la Krajina a cessé d'exister et quand un très grand nombre de Serbes ont

5 été chassés de leurs demeures, ils passaient par la Save en Croatie. Les

6 Croates et les Musulmans passaient par la Save en Croatie.

7 C'était assez dramatique, car il y avait environ 20 000 Bosniens et

8 Croates qui provenaient de diverses municipalités de la Krajina en passant

9 par Srbac, passaient ailleurs. Ils passaient par là en venant à bord de

10 différents véhicules, des camions, des automobiles, et cetera. Ils

11 passaient par Srbac pour se retrouver en Croatie.

12 Voilà. Cet article fait état de cette situation. C'est un homme qui,

13 de l'autre rive de la Save, criait, appelait comme cela, en mettant les

14 deux mains à côté de sa bouche, en appelant le maire de la municipalité, en

15 l'appelant à trouver une façon la plus sécuritaire à assurer le passage.

16 Voilà, c'est l'histoire que l'on peut lire dans cet article. Nous pouvons

17 retrouver également des témoignages de certains Croates et Musulmans, des

18 témoignages tragiques, bien sûr. Ils relatent ce qu'il leur est arrivé

19 lorsqu'ils se sont retrouvés en Croatie.

20 Mais ici, dans cet article, on pouvait lire que, Dieu merci, il y

21 avait un tel endroit comme Srbac, Davor, qui permettait aux personnes de se

22 réfugier pendant un certain temps avant que la situation ne soit résolue de

23 façon militaire et politique. Alors, quand les gens sont retournés dans

24 leurs foyers, la municipalité de Srbac avait reçu un très grand nombre de

25 félicitations, de lettres de remerciement, car elle a agi, pendant la

Page 18498

1 guerre, en tant qu'endroit qui pouvait fournir de l'aide. J'insiste peut-

2 être un peu trop là-dessus, mais je suis très heureux. Je me félicite de

3 dire qu'il y a un lycée croate qui vient d'ouvrir il y a un mois à Banja

4 Luka. L'évêque de Banja Luka m'a salué et m'a remercié de tout ce que nous

5 avons fait pendant cette époque difficile, sachant très bien à quel point

6 c'était difficile. Cet article parle de ceci, de ce que je viens de vous

7 dire.

8 Q. On vous y mentionne à plusieurs reprises. Il y est dit que vous avez

9 fait vos études en partie à Zagreb, n'est-ce pas ?

10 R. Là, il y a eu une erreur. J'ai beaucoup d'élèves, d'anciens élèves qui

11 habitent en Croatie. J'ai été diplômé de l'Université de Novi Sad.

12 Q. Il y est question, de manière générale, de votre rôle de président de

13 la municipalité dans le cadre des événements que vous venez de nous

14 relater, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 M. JOSSE : [interprétation] Nous allons demander la traduction de ce

17 document, et je souhaiterais qu'il lui soit attribuer une cote.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D102.

20 M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

22 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser suite à

23 ces questions.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser.

25 Questions de la Cour :

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il m'est apparu à plusieurs reprises en

2 vous écoutant déposer, que Kobas était un village à majorité musulmane;

3 est-ce bien exact ?

4 R. Oui.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il y avait également un bon nombre

6 de Serbes qui y vivaient, peut-être 10 % ?

7 R. Il y a ce qu'on appelle le centre de Kobas, et il y a aussi la

8 périphérie. Les Bosniaques, les Musulmans donc, sont pour l'essentiel au

9 centre. Dans la partie périphérique, on trouve les Serbes. La population

10 est mélangée, mais au centre on trouve, pour l'essentiel, des Musulmans.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les Musulmans et les Serbes

12 qui vivaient précédemment à Kobas vivent encore ensemble dans cette

13 localité ? Parce que je regarde la liste des candidats et je vois que

14 certains candidats, qui pour la plupart ne sont pas des candidats du SDS et

15 du SDA, je vois que ce sont des Serbes qui habitent à Kobas. Par exemple,

16 Mile Majdanac. Je ne sais pas si ce nom vous dit quelque chose.

17 R. Oui, cela me dit quelque chose.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il en est vrai également d'Aleksandar

19 Nikolic ?

20 R. Oui. Il est décédé. Je le connaissais.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et Milanko Dzekic ?

22 R. Oui, je le connais.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ces gens habitent toujours à

24 cet endroit ? J'ai compris, bien entendu, que M. Nikolic était décédé. Est-

25 ce qu'il est mort pendant la guerre ou après ?

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1 R. Pendant la guerre.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les deux autres, ces deux autres

3 messieurs, est-ce qu'ils habitent toujours là ?

4 R. D'après ce que je sais, oui. S'ils sont toujours de ce monde.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Les Musulmans qui vivaient à cet

6 endroit, à Kobas, est-ce que la majorité de ceux qui y vivaient au début de

7 la guerre s'y trouvent toujours ?

8 R. A Kobas ?

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 R. Il y a 69 familles qui ont quitté Kobas pendant la guerre, et des

11 réfugiés serbes de Vozic [phon], près de Doboj, sont venus s'installer chez

12 eux. Après la guerre, tout le monde est rentré chez soi, même s'il y a des

13 jeunes qui ont décidé de ne pas rentrer chez eux, alors que les personnes

14 plus âgées sont rentrées chez elles. Celui qui est responsable de cela dans

15 la municipalité, de la restitution des biens, a perdu son emploi. Une fois

16 que les questions relatives aux biens immobiliers, et cetera, ont été

17 résolus, l'institution en question a fermé ses portes, et la personne qui

18 s'en occupait n'avait plus rien à faire.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que ceux qui

20 avaient perdu leurs maisons, leurs biens, leurs propriétés, ils les ont vus

21 restituer, ou bien ont été dédommagés, ou est qu'il y a des gens qui n'ont

22 pas été dédommagés pleinement pour les biens immobiliers qu'ils ont laissés

23 derrière eux ?

24 R. Pendant longtemps, je n'étais pas dans la municipalité de Srbac, mais

25 d'après les informations que j'ai reçues, beaucoup de gens sont rentrés

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1 chez eux. Ils sont tous rentrés dans leurs maisons. Je ne sais pas s'il y a

2 des maisons qui avaient été endommagées ou pas, mais je crois qu'ils sont

3 tous rentrés chez eux, dans leurs maisons. Je voudrais ajouter qu'on a

4 construit une nouvelle mosquée. Elle n'a pas été restaurée, mais on a

5 construit une nouvelle mosquée.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il faut comprendre que toutes

7 les maisons musulmanes qui étaient encore en état après la guerre sont de

8 nouveau occupées par leurs propriétaires initiaux ?

9 R. Quand je suis parti pour La Haye, auparavant, je suis allé voir le

10 président de la municipalité de Srbac, le président actuel ainsi que le

11 président de l'assemblée. Je leur ai expliqué que j'allais à La Haye et

12 qu'il fallait que j'aie des informations sur ce qui se passait. J'ai

13 demandé à avoir un certain nombre de documents et je me suis interrogé au

14 sujet de Kobas. J'ai demandé si tout se passait bien là-bas, et on m'a

15 répondu que tous les gens étaient rentrés chez eux, qu'il n'y avait plus de

16 problèmes en suspens.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais personnellement vous n'en savez

18 rien. Vous n'avez pas de connaissance personnelle de ce fait ?

19 R. Non.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au cours des deux derniers jours, nous

21 avons appris à prendre beaucoup de prudence quant aux informations que

22 vous-même avez obtenues avant de venir à La Haye.

23 Y a-t-il des questions suite à celles posées par les Juges ? Non.

24 Monsieur Milincic, ceci met donc un terme à votre déposition devant

25 la Chambre. J'aimerais vous remerciez d'être venu à La Haye, d'avoir

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1 répondu aux questions de la Défense, de l'Accusation et des Juges. Nous

2 vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de venir et nous vous souhaitons

3 un bon retour chez vous.

4 Madame l'Huissière, veuillez raccompagner le témoin, M. Milincic.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions de procédure

7 qu'il convienne d'aborder ?

8 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Josse, disposez-vous

10 d'information au sujet du témoin qui devrait normalement comparaître

11 lundi ?

12 M. JOSSE : [interprétation] La situation est fort regrettable.

13 Malheureusement, nous serons informés demain matin, d'après ce qu'on m'a

14 dit. Nous saurons à ce moment-là s'il disposera d'un visa lui permettant

15 d'entrer au Pays-Bas pendant le week-end.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Malheureusement, je ne suis pas en

17 mesure d'encourager mon gouvernement à délivrer des visas parce que je suis

18 complètement indépendant.

19 M. JOSSE : [interprétation] Ce n'est pas la faute de votre gouvernement. Je

20 veux le dire très clairement. Ce n'est pas la faute non plus de la section

21 des Victimes et des Témoins --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vais pas creuser plus pour savoir

23 qui est responsable, parce que cela ressemble un peu à un mea-culpa tout

24 cela.

25 Donc, audience est suspendue jusqu'à lundi, sauf, bien entendu, si nous

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1 recevons des informations selon lesquelles le témoin ne serait pas en

2 mesure de venir à La Haye. À ce moment-là, nous vous ferons passer une

3 consigne quant à savoir s'il y aura audience l'après-midi lundi pour

4 traiter d'autres questions, ou bien si nous attendrons d'avoir un témoin.

5 Pour l'instant, je suspends l'audience jusqu'à lundi 14 novembre, Chambre I,

6 14 heures 15.

7 M. JOSSE : [interprétation] Merci de votre compréhension.

8 --- L'audience est levée à 18 heures 51 et reprendra le lundi

9 14 novembre 2005, à 14 heures 15.

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