Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 8 mars 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, je salue toutes les personnes

6 ici présentes ainsi que les personnes qui se trouvent à l'extérieur du

7 prétoire.

8 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez annoncer l'affaire.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, bonjour.

10 Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons bientôt inviter la

12 Défense à citer son témoin suivant. Il y a quelques questions d'ordre

13 pratique à régler, la première c'est que la Défense avait demandé un

14 certain délai pour ce qui est de la question des pièces Savkic. Nous

15 aimerions parler des pièces concernant ce témoin, il s'agit des pièces

16 P1055, 1056, 1057, 1059, 1060, 1065 et 1066.

17 Le 2 mars, la Chambre avait demandé à la Défense de déposer des conclusions

18 écrites courtes ou encore de s'adresser à la Chambre dans un délai

19 n'excédant pas dans cinq minutes. Nous n'avons pas reçu de conclusion

20 écrite. Nous allons donner à la Défense l'occasion d'intervenir.

21 M. JOSSE : [interprétation] J'aimerais le faire demain, si vous voulez

22 bien. Me Stewart a consulté nos collègues de l'Accusation. Au fond, ceci

23 concerne surtout des difficultés de calendrier --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, ce sera fait demain.

25 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a quelques autres questions que

27 nous pourrions aborder. Quelquefois nous ne rendons pas de décision, mais

28 c'est plutôt une déclaration que nous faisons, d'abord, pour ce qui est des

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1 instructions demandées par la Défense. La Défense a déposé une requête le 2

2 mars 2005 [comme interprété] dans laquelle elle a demandé l'aide de la

3 Chambre pour qu'un témoin à décharge obtienne un passeport. La Chambre sait

4 qu'il n'est pas habituel que le Tribunal demande l'obtention de passeport

5 aux autorités locales, et surtout parce que ceci risquerait d'attirer trop

6 l'attention de ces personnes qui risquent de devenir des témoins ou en tant

7 que témoins potentiels. Mais, si la Défense a une demande différente plus

8 précise, nous sommes prêts à l'entendre, mais nous ne faisons pas de

9 différence s'agissant du traitement que nous réservons au témoin à charge

10 ou à décharge à cet égard.

11 La Défense a demandé aussi des instructions à la Chambre pour ce qui est

12 d'ajouter des témoins à sa liste, c'est autorisé par la Chambre sachant

13 bien sûr que les délais imposés par la présentation des moyens à décharge

14 restent les mêmes.

15 Question suivante : je m'adresse à la Défense car il est possible que

16 l'accusé lui-même dépose. S'il décide de le faire, la Chambre relève qu'en

17 application de l'article 65 ter et du résumé qu'il prévoit la Défense a

18 l'intention de parler du parcours personnel de l'accusé pendant

19 l'interrogatoire du témoin. Pour tirer le meilleure partie de sa déposition

20 en application de l'article 89(F) du Règlement de procédure et de preuve,

21 la Chambre invite la Défense à déposer des conclusions écrites dans

22 lesquelles on pourrait trouver sans que ceux-ci s'y limitent : on pourrait

23 présenter le cursus, le parcours professionnel, le contexte familiale du

24 témoin, les lieux de résidence, les intérêts personnels, le début de sa

25 carrière professionnel. La Chambre suggère que les éléments de sa carrière

26 relatifs à l'acte d'accusation ne soient pas mentionnés par écrit, mais la

27 Défense pourrait parler des circonstances dans lesquelles l'accusé a été

28 arrêté en avril 2000. Aux fins de ces conclusions écrites, la Défense peut

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1 aussi inclure des coordonnés ou des données sur le parcours personnel de

2 l'accusé avant et après la période couverte par l'acte d'accusation.

3 La Chambre aimerait insister sur le point suivant, le fait d'avoir ces

4 éléments par écrit n'empêche pas les Juges ou la partie adverse de poser

5 des questions. La Chambre demande que ceci soit déposé deux semaines avant

6 le début de la déposition du témoin.

7 Nous avons reçu un courriel de la Défense le 2 mars 2006. La Défense disait

8 qu'elle préférait qu'il y ait une suspension des audiences le vendredi 21

9 et le mardi 24 avril, ces dates représentant les fêtes de pâques

10 orthodoxes.

11 La Chambre est tout à fait sensible aux pratiques religieuses de l'accusé,

12 celles des témoins et du personnel du Tribunal; cependant, ici nous ne

13 sommes pas en mesure de répondre à la demande formulée par la Défense parce

14 que nous avons en l'espèce un calendrier qui ne nous donne aucune marge de

15 manœuvre pour ce qui est du choix des journées d'audience. De plus, la

16 Chambre doit respecter les congés prévus par les Nations Unies, jours au

17 cours desquels il ne peut pas y avoir d'audience parce que le personnel

18 n'est pas présent. Si on avait deux jours de suspension supplémentaire, la

19 Chambre ne pourrait pas entendre tous les éléments très pertinents qui sont

20 prévus dans les temps prévus également.

21 Cependant, puisque le calendrier des audiences n'a pas encore été

22 arrêté pour ce qui est du mois d'avril, la Chambre est prête à voir avec

23 d'autres Chambres de première instance et avec le Greffe s'il serait

24 possible d'avoir une audience le matin du vendredi 21 avril et dans

25 l'après-midi le lundi 24, de cette façon l'accusé aurait le plus de temps

26 possible sans interruption pour célébrer cette fête religieuse. La Chambre

27 demande à la Défense si elle voudrait que la Chambre fasse ce genre de

28 demande.

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1 La Chambre voudrait maintenant s'adresser aux deux parties en ce qui

2 concerne les éléments des sources et les éléments photographiques. La

3 Chambre a demandé à consulter ces pièces pour voir et pour mieux comprendre

4 et soupeser les éléments de preuve qui lui ont été soumis. Elle l'a fait

5 pour le témoin à charge et à décharge. Ainsi la Chambre a demandé un

6 complément d'information en ce qui concerne la mort de Husein Hotic

7 mentionné par le témoin Pasic en décembre 2005 et aussi elle a demandé à

8 voir les journaux de bord ou les journaux intimes de Prstojevic en juin

9 2005.

10 Pour ce qui est des sources, les paragraphes 337 à 349 du rapport Nielsen

11 parlent du projet de rapport annuel du MUP Republika Srpska de 1992, ce qui

12 a été produit par le ministère des Affaires intérieures, le ministère de

13 l'intérieur de la Republika Srpska en janvier 1993. Le paragraphe 347 fait

14 référence, je cite : "A une foison de rapports internes et externes

15 concernant les affaires intérieures et la sécurité, documents qui ont été

16 produits," il y a notamment quelques 150 numéros et là je cite, une fois de

17 plus, ce document ou cette source : "Le Bulletin des journaux -- le

18 bulletin des événements quotidiens" Donc, plus de 90 documents reçus par le

19 premier ministre et plus de 80 documents reçus par le président et les

20 membres de la présidence. M. Nielsen est venu déposé et dans son analyse il

21 a dit que des rapports de ces hauts fonctionnaires de l'Etat ne contenaient

22 pas de référence aux faits qu'on avait fait une

23 "razzia" [phon], qu'on avait rassemblé les femmes et les enfants dans des

24 opérations de nettoyage, et que ces bulletins quotidiens de l'année 1992

25 contiennent "très peu de mention" évoquant des installations de détention

26 et des opérations de nettoyage de razzia. Ce témoignage se trouve aux pages

27 du compte rendu d'audience 13 954 et 13 955.

28 J'ai fait une erreur. Est-ce que j'ai dit "45" ? Non, je répète les

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1 pages du compte rendu d'audience 13 954 et 13 955.

2 De l'avis de la Chambre, il est probable que les sources dont s'est servi

3 M. Nielsen permettraient à la Chambre d'avoir une meilleure compréhension

4 des mécanismes par lesquels il fallait faire rapport aux supérieurs. Ceci

5 donnerait aussi à la Chambre des données plus objectives pour vérifier les

6 conclusions de M. Nielsen. Est-ce que l'Accusation dispose des documents

7 suivants, par ordre de priorité ? Nous le précisons s'il faut faire des

8 recherches : tout d'abord il y a ce jeu de plus de 90 document reçus par le

9 président et les membres de la présidence; deuxièmement, il y a un ensemble

10 de plus de 80 dits documents qu'a reçu le premier ministre; troisième

11 série, ce sont à peu près 150 numéros de ce bulletin des événements

12 quotidiens. Nous pouvons recevoir une réponse orale de l'Accusation,

13 qu'elle nous fournira dès que j'aurai terminé cette déclaration ou elle

14 peut le faire par courriel qu'elle adressera au personnel de la Chambre

15 avant le début du week-end, avant vendredi soir 10 mars 2006.

16 La Chambre demande aussi que lui soit fourni des preuves photographiques

17 concernant la destruction de certains biens au cours de la présentation des

18 moyens à charge comme à décharge la Chambre a été saisie d'éléments de

19 preuve relatifs à la destruction de biens pendant et après l'attaque et la

20 prise de contrôle de villes, de villages et de municipalités. Nous avons

21 entendu des témoins. Nous avons au vu des documents sous diverses formes et

22 des photographies, notamment, celles que nous a soumis un expert à propos

23 de la destruction de biens culturels. Ces éléments de preuve concernaient

24 des municipalités reprises dans l'acte d'accusation, de façon générale, les

25 témoins de l'acte d'accusation qu'ils ont présenté ou des municipalités qui

26 n'étaient pas reprises dans l'acte d'accusation. Ce furent souvent des

27 témoins à charge. La Chambre conclut que, si une image vient à l'appui

28 d'une déposition verbale, elle est souvent mieux à même de l'apprécier. On

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1 parle de maisons qui ont été détruites, notamment, dans le village d'un

2 témoin. La Chambre aimera avoir une impression visuelle de cette

3 destruction et demande donc aux parties de fournir à titre d'exemple, des

4 photographies à partir donc, de 1992, montrant qu'il y a effectivement

5 destruction de tel ou tel bien évoqué lors de la déposition d'un témoin.

6 Pour ce qui est des municipalités reprises dans l'acte d'accusation, la

7 Chambre demande à l'Accusation de fournir un échantillon représentatif,

8 deux photographies, et là, ce n'est pas la même chose que je complais.

9 Donc, nous ne parlons pas ici de toutes les photographies. Un échantillon

10 représentatif, deux photographies, ventilés par municipalité avec une

11 indication très nette de sujet ou de l'objet de la photographie, la date

12 aussi, devant être en 1992, date précise à laquelle a été prise cette

13 photographie. La Défense est invitée également à présenter des échantillons

14 photographiques pour les municipalités reprises dans l'acte d'accusation

15 ainsi que celles qui ne le sont pas. Dans la mesure où ces éléments ont été

16 évoqués au moment de la présentation des éléments de preuve, mais nous

17 obligeons l'Accusation à fournir des photographies qu'elle procéderait,

18 alors que la Défense n'a besoin de le faire que si elle le souhaite. La

19 Chambre demande aux parties de présenter ces éléments au prétoire au plus

20 tard, le 31 mars.

21 Dernière chose que nous allons y évoquer. Nous nous adressons à la Défense

22 en ce qui concerne une séquence, un extrait vidéo relatif à l'attaque d'un

23 convoi de la JNA à Tuzla, le 15 mai 1992. Le témoin Moncillo Micic en a

24 parlé le 13 décembre 2005. A la page du compte rendu d'audience 19 455, la

25 Défense a demandé si l'Accusation avait communiqué les éléments pertinents

26 à la Défense. Nous avons eu une réunion d'intendance, le 23 février, page

27 du compte rendu d'audience 20 843 [comme interprété]. Ce jour-là,

28 l'Accusation a confirmé qu'elle était bien en possession de ces séquences

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1 vidéo. Le 28 février, elle a répondu à la Chambre et elle a confirmé qu'il

2 y avait bien eu communication de tous ces éléments à la Défense. La Chambre

3 s'enquiert. Elle voudra savoir si la Défense a eu le temps d'examiner ces

4 éléments et si, le cas échéant, elle souhaite les verser au dossier.

5 Voilà ce que nous voulions demander avant d'inviter la Défense à

6 citer le témoin suivant.

7 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

8 Je voudrais tout particulièrement attirer l'attention de la Défense à

9 l'invitation que je lui ai présentée. Pourrait-elle nous dire -- or, nous

10 savons qu'il faut toujours un certain temps et plus vite aussi prend --

11 mieux sait -- est-ce que vous seriez d'accord pour qu'il ait audience le

12 vendredi matin, le vendredi saint et puis, qu'on reprenne lundi après-

13 midi ? On sait bien que le vendredi après-midi, ce n'est pas une date bien

14 favorite ?

15 M. STEWART : [interprétation] Vous avez soulevé trois ou quatre

16 points dont je pourrais aborder rapidement. Tout d'abord, pour ce qui est

17 des dates d'audience, merci de faire cette offre, mais nous avons eu des

18 consultations avec l'accusé, mais ce genre de modifications lui importe

19 peu. Nous n'allons pas demander à ce que des efforts soient entrepris dans

20 ce sens, ni par la Chambre, ni par le personnel.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait bien que vous

22 compreniez que l'accusé le comprenne aussi, nous ne maîtrisons aucunement

23 les décisions prises par les Nations Unies pour ce qui est du fait de fêter

24 Pâques catholiques ou orthodoxes. Evidemment, si d'autres choix avaient été

25 faits, nous aurions dû les appliquer.

26 M. STEWART : [interprétation] Oui, j'ai expliqué à M. Krajisnik ces

27 décisions, elles étaient prises à un autre échelon et dans des

28 circonstances différentes.

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1 Deuxième point, là une fois de plus, nous vous remercions. Nous

2 comprenons que vous êtes prêt à faire l'impossible pour ce qui est de

3 l'obtention d'un passeport. J'espère que cette question n'aura pas à se

4 poser. Nous allons revenir sur cette question, ce soir, pour faire le

5 point, et merci, Messieurs les Juges. S'il y a un élément précis, nous vous

6 demandons l'autorisation de vous poser la question sans tarder.

7 Pour ce qui est de la séquence vidéo, un membre de notre équipe,

8 manifestement, quelqu'un qui parle le B/C/S a vu cette séquence. Il

9 faudrait que je lui en parle.

10 Point suivant, vous avez parlé de ces parties, la déposition de M.

11 Krajisnik qu'on pourrait faire en application du 89(F), ce que vous

12 proposez concorde a pratiquement 100 % à ce que nous avions en tête. Donc,

13 pas de problème et c'est effectivement une façon des plus raisonnables

14 d'aborder ce volet de sa déposition à venir. Je pense que c'était pour ce

15 qui est des points pratiques, en train tout cas, si vous voulez une réponse

16 immédiate de ma part.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on verra pour le 21 et le 24

18 avril. Ce que vous dites, ce n'est pas à ce point important. La Chambre

19 pourra se sentir libre de suivre d'autres idées présentées par d'autres

20 personnes.

21 M. STEWART : [interprétation] Il y a eu quelques interruptions. J'en

22 suis conscient. Je voulais simplement le dire pour que ce soit acté, pour

23 que les gens comprennent. Le témoin qui devait venir a d'abord été empêché

24 par le temps exécrable qui régnait en Europe de l'est. Les conditions

25 atmosphériques étaient vraiment atroces. Puis, malheureusement, lorsqu'il a

26 pu s'approcher de l'aéroport, tout d'un coup, des circonstances

27 personnelles ont fait qu'il a été empêché. Il était vraiment déraisonnable

28 de lui demander de se déplacer. Donc, voilà, les circonstances se sont

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1 multipliées et c'est malheureux et regrettable que ce témoin n'ait pas pu

2 venir mais cela n'a été la faute de personne.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me suis interrogé. Vous savez

4 que nous avons un horaire très serré. Voici l'arrivée très tardive d'un

5 témoin. Bien sûr, on sait qu'il ne neige pas tous les jours. Ces

6 circonstances personnes n'interviennent pas tous les jours. Bien sûr, on

7 prend des risques, on vit un peu sur le fil du rasoir. Mais peut-être que

8 la Défense pourrait se donner -- marcher un peu plus confortable. Je ne

9 sais pas combien de temps vous est nécessaire pour inviter un témoin.

10 M. STEWART : [interprétation] Je vous le garantis. C'est un fait, nous

11 faisons l'impossible pour faire en sorte que le témoin soit ici le plus

12 vite possible mais nous avons des restrictions, tout à fait, naturelles

13 d'une part, parce qu'on doit voir avec ce témoin combien de temps il peut

14 rester éloigner de chez lui. Puis, il y a ces négociations toujours très

15 utiles avec la Section des Victimes et des Témoins. Donc, nous appliquons

16 la politique qui veut que le témoin arrive le plus vite possible. Je l'ai

17 dit dès hier à la Chambre.

18 S'agissant des prochains témoins, nous avons fait un choix délibéré

19 et conscient. Nous avons donné des instructions pour que ce témoin arrive

20 plus tôt davantage que plus tard, effectivement, pour avoir les effets que

21 vous escomptez, que vous souhaitez.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je voulais simplement vous dire

23 que, s'il y avait des raisons impérieuses qui vous empêchent de faire venir

24 un témoin à temps, s'il y a des retards, il ne faudrait pas que le prétoire

25 reste vide et qu'il n'y est pas présentation des moyens.

26 M. STEWART : [interprétation] Si l'on tient compte des circonstances, mais

27 vraiment là on atteint des conditions recordes. Donc, évidemment, nous ne

28 pouvions pas les prévoir, mais nous -- et nous prendrons compte de vos

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1 considérations.

2 [Le conseil de la Défense se concerte]

3 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, Me Stewart vient de

5 nous exposer la situation --

6 Oui, Maître Stewart.

7 M. STEWART : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, je voulais juste

8 recueillir l'avis de mon collègue.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que vous souhaiteriez ajouter

10 quelque chose.

11 M. STEWART : [interprétation] Non. J'ai entendu mon nom et quand j'entends

12 mon nom, je me mets debout. C'est un réflexe pavlovien.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr. Monsieur Harmon, si vous

14 le souhaitez, vous pourrez répondre oralement quant à la possibilité de se

15 procurer les documents du rapport Nielsen, mais vous avez aussi la

16 possibilité de nous répondre par courriel, de répondre à notre personnel

17 d'ici vendredi soir.

18 M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je me suis

19 renseigné par courriel pour voir si le document était accessible mais je

20 peux vous répondre aujourd'hui avant la fin de la journée. M. LE JUGE ORIE

21 : [interprétation] Je pense que nous avons épuisé tous les points

22 pratiques. La Chambre propose donc que la Défense cite son témoin suivant.

23 Maître Josse.

24 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander, Monsieur le

25 Président, un petit peu de temps pour aborder la question du témoin qui n'a

26 pas pu se rendre ici ? De toute évidence, tous nos préparatifs se sont

27 trouvés entravés vu la situation. J'ai eu des contacts par e-mail par M.

28 Harmon hier, M. Stewart lui a parlé. L'Accusation a informé la Défense du

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1 fait qu'elle n'allait pas pouvoir être en mesure de contre-interroger le

2 témoin. Alors, je vous demanderais une pause de 40 minutes. Le témoin est

3 maintenant à l'intérieur du bâtiment, je lui ai promis de le revoir, et par

4 la suite, je vais commencer mon interrogatoire.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pensez que vous allez

6 pouvoir terminer l'interrogatoire aujourd'hui ?

7 M. JOSSE : [interprétation] Je pense que c'est possible.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons faire une

9 pause tout de suite, 40 minutes de suspension.

10 --- L'audience est suspendue à 9 heures 34.

11 --- L'audience est reprise à 10 heures 25.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse.

13 Maître Stewart.

14 M. STEWART : [interprétation] La réponse est "oui", Monsieur le Président,

15 donc, nous allons présenter cela comme pièce à conviction.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, il n'y a pas lieu de

17 verser cette vidéo par entremise d'un témoin, si vous ne vous y opposez

18 pas.

19 M. HARMON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Stewart, si vous

21 proposez le versement, on aura une cote et la Chambre sera prête à accepter

22 cette pièce au dossier.

23 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous êtes prêt à citer

25 votre témoin, M. Poplasen ?

26 M. JOSSE : [interprétation] Oui, très bien. Je vous remercie de nous avoir

27 accordé un peu de temps.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous faire entrer le témoin, s'il

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1 vous plaît, Madame l'Huissière.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A en juger d'après votre réponse, j'ai

6 entendu votre "dobro jutro", je comprends que vous m'entendez dans une

7 langue que vous comprenez, Monsieur Poplasen.

8 Monsieur Poplasen, je suppose que vous êtes M. Poplasen.

9 Avant que vous ne commenciez à déposer devant cette Chambre, d'après notre

10 Règlement de procédure et de preuve vous êtes tenu de prononcer une

11 déclaration solennelle disant que vous direz la vérité, toute la vérité et

12 rien que la vérité. Vous aurez maintenant le texte de cette déclaration.

13 Mme l'Huissière vous donnera le texte. Pouvez-vous prononcer le texte s'il

14 vous plaît.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN : NIKOLA POPLASEN [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Poplasen. Je

20 vous en prie, asseyez-vous.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Poplasen, tout d'abord des

23 questions vont vous être posées par Me Josse qui est le défenseur.

24 Maître Josse, vous avez la parole.

25 Interrogatoire principal par M. Josse :

26 Q. [interprétation] Votre nom est Nikola Poplasen. Vous avez un diplôme de

27 sciences politiques obtenu à la faculté des Sciences politiques de

28 l'université de Sarajevo en 1969. Par la suite, vous avez fait des études

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1 de troisième cycle et enfin vous avez soutenu votre thèse de troisième

2 cycle. Vous êtes universitaire à l'académie des sciences politiques de

3 l'université de Sarajevo. Vous avez publié plusieurs livres. Serait-ce un

4 résumé bref de votre parcours professionnel avant la guerre ?

5 R. Sauf que ce n'est pas en 1969 que j'ai eu mon diplôme, c'est en 1974.

6 Cela aurait été trop tôt en 1969.

7 Q. Je vous remercie. Après la guerre, vous avez poursuivi votre carrière

8 universitaire mais cette fois-ci c'était à Banja Luka. Est-ce

9 exact également ?

10 R. Voire aussi pendant la guerre. A partir de 1993 jusqu'à aujourd'hui.

11 Q. Dans sa majeure partie votre déposition concernera vos activités

12 politiques avant la guerre, pendant la guerre, donc pour le moment je

13 laisse cela de côté. Mais il est exact n'est-ce pas qu'après la guerre en

14 1998, vous êtes devenu le président de la République serbe jusqu'à ce que

15 le haut représentant ne vous révoque de ce poste-là, le haut représentant

16 de l'époque ?

17 R. Oui, oui, lors des élections régulières en 1998.

18 Q. Vous avez été élu au scrutin, vous avez été élu aux élections, vous

19 êtes devenu président de cette manière-là ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Initialement vous étiez membre de la Ligue des communistes; est-ce

22 exact ? --

23 R. C'est exact.

24 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que pratiquement tous les académiciens

25 universitaires dans le domaine des sciences politiques étaient membres de

26 cette Ligue des Communistes ?

27 R. Pour ce qui est de la population majeure, sa majeure partie, les gens

28 étaient membres de la ligue, lorsque j'ai étudié les statistiques 11

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1 millions de personnes sont passées par les rangs de la Ligue des

2 Communistes. Donc, ceci comprend toutes les personnes qui sont devenues

3 membres, qui sont sorties, enfin qui sont passées par la Ligue des

4 Communistes et c'est une spécificité d'un pays socialiste. Si on voulait

5 commencer sa vie active, avoir un poste ou s'affirmer, bien, devenir membre

6 était une condition préalable le plus souvent.

7 Q. A un moment donné avant les élections de 1990, vous êtes sorti de la

8 Ligue des Communistes ?

9 R. Quelques années avant cela.

10 Q. Vous ne vous êtes pas présenté candidat aux élections de 1990; c'est

11 exact ?

12 R. Non. Je ne l'ai pas été. J'étais membre d'aucuns partis politiques, je

13 n'ai pas pris un -- ces élections. Tout simplement je n'étais membre

14 d'aucuns partis.

15 Q. Vous n'avez jamais été membre du SDS, on l'apprendra par la suite ?

16 R. C'est vrai. Je n'ai jamais été membre du Parti démocrate serbe.

17 Q. Un grand nombre de témoins sont venus déposer devant cette Chambre et

18 ils ont parlé des peurs, des préoccupations qui ont été celles des Serbes à

19 l'issu des élections et pendant la période qui a précédé la guerre. Je ne

20 vais pas vous inviter à aborder ce sujet-là. Mais il est exact, n'est-ce

21 pas, qu'en 1991, on vous a invité à devenir membre du conseil politique du

22 SDS ?

23 R. Oui, d'un point de vue social et psychologique pendant les deux ou

24 trois années qui ont précédé, donc en 1999 -- avant 99, 90, il faut savoir

25 que la situation était tendue de manière générale en ex-Yougoslavie. On

26 sentait les tensions entre les groupes sociaux très différents d'après leur

27 appartenance religieuse et ethnique. Vers la fin des années 80, sur la

28 scène politique de l'ex-Yougoslavie on a vu s'affirmer fortement ce qu'on a

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1 appelé des partis nationaux. Avant cela en République de Croatie on a créée

2 le Parti démocratique serbe, puis, en Bosnie-Herzégovine on a créé le Parti

3 de l'Action démocratique qui pour l'essentiel défendait les intérêts des

4 Musulmans, puis, l'Union démocratique croate qui défendait les intérêts

5 croates et en tant que réaction à tout cela c'est le SDS qui a vu le jour.

6 Le Parti démocratique serbe qui a été très populaire. Il a présenté

7 quelques idées nationales clairement articulées. Il a pris part aux

8 élections de 1990 et il a remporté la majorité des voix serbes. Une

9 majorité nette. Ce parti a commencé à agir sur tout le territoire et il a

10 créé un organe consultatif qui au départ s'appelait le Conseil du SDS. Plus

11 tard, lorsque ce parti a créé d'autres organes supplémentaires chargés de

12 la Culture, la Science, et cetera. Bien, à partir de ce moment-là, ce

13 conseil n'était plus un conseil au sens général, mais il est devenu conseil

14 politique, et à ce moment-là, le président de ce Conseil politique du SDS

15 était le

16 Pr Nikola Koljevic, qui, par ailleurs, est quelqu'un que je connaissais

17 très bien. C'était un ami personnel de nombreuses années avant ces

18 événements, et il s'est adressé à moi, qui n'était pas membre du SDS, et il

19 m'a demandé de prendre part aux travaux du conseil et de faire part

20 librement de mes conseils et de mes analyses pour apporter ma contribution

21 à une meilleure qualité des travaux du conseil. C'est ce que j'ai accepté,

22 et vers la fin de la première moitié de l'année 1991, j'ai été nommé membre

23 du conseil politique et, par la suite, j'ai participé à ses activités, à

24 son travail.

25 Q. Vous nous avez parlé de la création du SDS. A votre avis, le SDS était-

26 ce un parti politique au sens habituel du terme ou comme on les entend

27 habituellement, ou est-ce que vous perceviez le SDS comme quelque chose de

28 différent ?

Page 20914

1 R. Il faudrait ici que je vous expose quelques affirmations un peu plus

2 générales si cela peut aider la Chambre au sujet de la question que vous

3 venez de me poser. En fait, personnellement, pour ce qui est de mes

4 convictions personnelles et de la manière dont je percevais les événements

5 de la fin des années 80, je voyais clairement à ce moment-là que, dans

6 toute la Yougoslavie, des événements dramatiques allaient se produire, et

7 je pensais que, très probablement, en Yougoslavie ainsi qu'à l'étranger, il

8 y avait de quoi attiser la décomposition de cet Etat. Les énergies du

9 peuple convergeaient vers ces partis nationaux à ce moment-là. D'autres

10 formes de regroupements d'organisations, des gens se sont trouvés un peu

11 écartés par les médias, par les discours prononcés par les représentants de

12 la communauté internationale, dans les discours des nouveaux dirigeants

13 politiques. Tout permettait de penser qu'il allait y avoir une nouvelle

14 fois des conflits interethniques.

15 D'autre part, vous aviez un groupe d'hommes politiques assez importants,

16 des hommes politiques issus de la Ligue des Communistes qui avaient une

17 attitude dogmatique, assez rigide. Ils estimaient qu'ils allaient pouvoir

18 préserver la Yougoslavie telle qu'elle a existé jusqu'à ce moment-là. Je ne

19 sais pas comme les appeler, je les appellerais forces dogmatiques ou

20 communistes, et ces forces voulaient s'appuyer sur certaines normes

21 internationales pour préserver la Yougoslavie, ils s'appuyaient aussi sur

22 le fait que la Yougoslavie était le seul sujet international reconnu, à ce

23 moment-là, et qu'elle avait une armée plutôt puissante; cependant, cette

24 armée était censée préserver les frontières extérieures de l'ex-

25 Yougoslavie, ce qui était prévu par la constitution de l'ex-Yougoslavie.

26 Mais ce que ces forces ont perdu de vue c'est que parmi les dirigeants

27 civils de cette Yougoslavie-là, mais aussi parmi les dirigeants des

28 Républiques constitutives de la Fédération, donc, Slovénie, Croatie,

Page 20915

1 Bosnie, Macédoine, et cetera, bien, qu'il y a eu là déjà des souhaits qui

2 se sont manifestés ou des besoins de décomposer cette Yougoslavie. Les

3 dirigeants civils de la Yougoslavie et des différentes républiques, en

4 l'occurrence de la Bosnie-Herzégovine, en réalité, ils ont cherché d'autres

5 solutions, des solutions qui allaient permettre de reconfigurer

6 politiquement cette espace ex-yougoslave. Donc, une des solutions était

7 s'appuyer sur des raisons nationales est clairement -- c'est ce qui a créé

8 des problèmes significatifs. Donc, lorsque j'ai dit qu'il y avait des

9 raisons nationales, cela veut dire que, là où il y avait majorité nette

10 d'un peuple, ce territoire n'allait pas probablement connaître des

11 problèmes majeurs, bains de sang, des drames, et cetera, mais que les

12 conflits et les bains de sang étaient tout à fait probables là où la

13 population était mixte. Je suis convaincu, personnellement, que vu la

14 situation, les Serbes - et lorsque j'ai dit "les Serbes", j'entends avant

15 tout les dirigeants politiques serbes, mais je pense aussi à la population

16 serbe - qu'il aurait fallu éduquer, former. Ces chefs de file politique et

17 l'élite au sens général du terme, enfin, culturel, devaient les instruire.

18 Donc, dans ces circonstances-là, ce que j'ai cru, c'est que les Serbes

19 allaient articuler leurs positions dans cet Etat qui s'appelait la

20 Yougoslavie, de telle façon qu'un bain de sang soit évité, à tout prix, et

21 qu'il n'y ait pas de conflits directs avec les représentants des autres

22 nationaux et d'autres confessions parce qu'il faut savoir que les Serbes

23 sont, dans leur majorité, orthodoxes.

24 Donc, je m'attendais à ce qu'on reconstitue d'une certaine manière

25 cette Yougoslavie-là, mais que les élites de tous les groupes et de tous

26 les peuples, avant tout, que tous les groupes confessionnaux soient

27 d'accord pour se faire. Le SDS, je pense, a présenté une partie de cette

28 orientation-là, donc, le Parti serbe le plus important de Bosnie-

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1 Herzégovine. Avant tout, le SDS a formulé une exigence qui était fondée. Il

2 souhaitait trouver des moyens d'assurer une vie sur un pied d'égalité avec

3 les Croates et les Musulmans. Donc, des modalités permettant qu'aucun

4 peuple, ni d'un point juridique, mais ni d'un point de vue économique ou

5 religieux ou autre ne soit inférieur aux autres.

6 J'ai apprécié cette idée. Donc, on s'attendait nécessairement à ce

7 qu'il y ait des changements, mais, en même temps, je pensais qu'il fallait

8 suivre cette option politique qui allait nous permettre d'éviter un bain de

9 sang et des destructions et qu'on arrive par la voie du compromis, une

10 égalité entre les différents protagonistes. C'était l'idée défendue par le

11 SDS et au sein du conseil politique, à plusieurs reprises, nous avons

12 discuté des modalités d'organisation pour la Bosnie-Herzégovine future, les

13 modalités d'organisation du peuple serbe.

14 Vous m'avez posé la question au sujet de l'année 1991. En fait, là,

15 la Yougoslavie existait encore et je pensais qu'un débat qui portait sur

16 les intérêts serbes, sur le peuple serbe devait englober les intérêts de

17 tous les Serbes vivant sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Donc, le

18 peuple serbe dans sa totalité. Donc, il fallait qu'il y ait un dialogue,

19 une confrontation entre les idées présentées par d'autres peuples, donc,

20 Croates, Musulmans, Monténégrins, Slovènes, tous. Donc, c'était la raison

21 clé pour laquelle j'ai pris part aux travaux de ce conseil politique et du

22 SDS. Comme je n'étais pas membre du parti politique. Je n'étais pas tenu

23 par des normes du programme du parti politique en tant que tel et je

24 n'étais pas tenu de respecter des consignes de discipline du parti.

25 Souvent, j'ai pris la parole publiquement pour m'exprimer par la voix des

26 médias. J'ai rédigé des commentaires dans le journal Javnost, qui sortait à

27 ce moment-là, mais aussi dans d'autres publications, que ce soit en Serbie

28 ou en Bosnie-Herzégovine, soit en Yougoslavie.

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1 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas arrête le

2 témoin parce que, de toute façon, j'allais lui poser des questions sur ce

3 sujet dans la suite de mes questions. Donc, il a déjà répondu par avance à

4 ces questions-là.

5 Q. Monsieur Poplasen, vous avez presque entièrement expliqué pourquoi vous

6 n'avez pas rejoint le SDS, disons, en 1991 ? Donc, précisément pour cette

7 année-là, donc, sans tenir compte de ce qui s'est passé par la suite, donc,

8 sans tenir compte du recul qu'on a aujourd'hui, pouvez-vous nous dire

9 quelles ont été les raisons en 1991 qui vous ont incité, vous, à ne pas

10 joindre le SDS ?

11 R. Excusez-moi, mais vraiment je ne vois vraiment pas de logique à votre

12 question. Je ne la trouve pas très logique s'engager dans un parti

13 politique, s'engager sur la scène publique, et cela n'est possible que si

14 on a une vision de l'avenir, un engagement politique sous-entend qu'on a un

15 objectif, un but qu'on veut atteindre. L'objectif se situe toujours à

16 l'avenir, donc, de ce point de vue-là, on aborde les différentes questions

17 concrètes qui se posent et on voit si le fait de s'engager au sein d'un

18 parti politique nous permet de nous rapprocher de l'objectif qu'on veut

19 atteindre.

20 A l'époque, j'ai pensé que les Serbes dans leur totalité devaient

21 avoir pour objectif de vivre en paix, sans conflit avec les représentants

22 des autres groupes sociaux. Je pensais qu'ils allaient pouvoir le réaliser

23 s'ils établissaient des liens au sein de leur groupe donc, serbe. L'ex-

24 Yougoslavie s'y prêtait comme cadre, mais non seulement un cadre propice

25 pour que les Serbes puissent le réaliser, mais aussi les Musulmans qui

26 étaient éparpillés de part la Yougoslavie, les Albanais, les Croates, ils

27 étaient dans le même cas. Enfin, les Slovènes, peut-être, le moins d'entre

28 tous. Donc, il a fallu que je mesure les "pour" et les "contre". Je me suis

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1 demandé si le Parti démocratique serbe répondait à cette orientation qui

2 était la mienne et, avec le temps, avec l'évolution des choses en 1991,

3 1992, et cetera, il s'est avéré que le SDS changeait un peu d'attitude,

4 acceptait certaines choses, puis les rejetait par la suite, semblait

5 vouloir que tous les Serbes vivent dans un même Etat, puis, par la suite,

6 ne le voulait plus. Il faut savoir que le SDS a reconnu -- a accepté la

7 reconnaissance illégale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat souverain.

8 Donc, il y a eu des situations où le SDS, ses dirigeants ont accepté

9 cette violence juridique qui est commise contre l'ex-Yougoslavie ou la

10 République de Bosnie qui faisait partie de l'ex-Yougoslavie, donc,

11 s'écartaient de ces principes. Mais, il faut dire aussi que, si l'on

12 compare le SDS aux autres partis politiques, que c'est lui qui a le mieux

13 défendu les intérêts du peuple serbe et j'ai décidé, conformément à cela,

14 de coopérer avec le SDS sur différents projets, mais pas en tout point et à

15 tout moment. Je n'ai pas pu accepter inconditionnellement tous les

16 documents du SDS et toutes les décisions du SDS. Donc, je n'étais pas tout

17 à fait d'accord avec ce parti même si parmi les partis de taille qui

18 fonctionnaient à ce moment-là, c'était le parti qui m'a été le plus proche.

19 Q. Ce conseil politique, vous nous avez déjà dit à son sujet que vous et

20 d'autres personnes, vous avez développé des débats théoriques au sein de ce

21 conseil; était-ce son premier objectif? Etait-ce son rôle principal ?

22 R. On devrait plutôt dire que c'était des débats théoriques et politiques,

23 mais c'était cela effectivement le rôle du conseil, de ce Conseil au sein

24 du SDS. Il y avait d'autres organes du SDS qui étaient censés prendre des

25 décisions. Le conseil, lui, n'était pas censé prendre des décisions. Vous

26 aviez la présidence du SDS, le conseil exécutif qui était également un

27 organe. Il y avait le président du parti et il leur appartenait à eux de

28 voir s'ils souhaitaient venir participer aux réunions du conseil et, dans

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1 un deuxième temps, de voir s'ils allaient accepter les propositions

2 avancées par le conseil. Ce sont les dirigeants du SDS qui ont décidé. Le

3 conseil n'avait pas moyen d'imposer ses conseils. On ne faisait même pas de

4 rapport si ce n'est qu'il y avait l'habitude à l'époque que s'il y avait un

5 membre de l'équipe dirigeante du SDS qui était présent à nos réunions, bien

6 on pouvait leur adresser des questions; généralement il répondait à ces

7 questions, ils apportaient leur commentaires. Mais, par la suite, à l'issue

8 des réunions, il n'y avait aucun feedback. On ne savait pas du tout ce qui

9 est advenu de nos propositions, suggestions, conseils, et cetera, de ce que

10 l'on exprimait -- formulait lors de nos réunions.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je souhaite poser une

12 question pour préciser un point, si vous m'y autorisez -- si vous me le

13 permettez.

14 Vous avez dit que le SDS a accepté la reconnaissance illégale de la Bosnie-

15 Herzégovine en tant que sujet international. Est-ce que vous pouvez me dire

16 sur quoi vous vous fondez lorsque vous dites cela, le SDS a dit à un moment

17 qu'il accepterait la reconnaissance illégale de la Bosnie-Herzégovine en

18 tant qu'Etat internationalement reconnu ? A quel moment le SDS a-t-il fait

19 cela ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, la Bosnie-Herzégovine a demandé

21 d'être reconnue. Elle l'a demandé de manière anticonstitutionnelle sans

22 qu'il y ait eu l'aval du peuple serbe ou de ses représentants --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, je comprends de quoi

24 vous parler lorsque vous dites "reconnaissance illégale." Mais vous avez

25 dit que le SDS l'a accepté -- qu'il ait accepté cette reconnaissance

26 illégale. A quel moment, où l'a-t-il fait savoir, par quels moyens ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout de suite après la reconnaissance qui est

28 intervenue, les représentants du SDS et les membres des instances

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1 dirigeantes de l'Etat, mais qui étaient membres du SDS, sont allés négocier

2 avec les représentants des peuples croates et musulmans, et les médiateurs

3 internationaux, alors que, dans cet entretien, on présupposait -- on

4 supposait comme acquis que la reconnaissance était là dès le mois de mai.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais vous vous référez maintenant à

6 ce qu'on appelle généralement les négociations du plan Cutileiro ? C'est à

7 cela que vous pensez ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Le SDS a accepté le plan Cutileiro.

9 Il l'a accepté et les représentants du peuple musulman,

10 M. Alija Izetbegovic l'a reconnu également, mais il a retiré sa signature

11 par la suite et quelques jours par la suite --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Monsieur Poplasen, la seule

13 chose que je vous demande lorsque vous avez dit : "Que le SDS a accepté la

14 reconnaissance illégale," vous avez -- vous aviez quoi à l'esprit

15 précisément ? Est-ce la position adoptée par le SDS aux négociations qui

16 ont donné lieu à la signature ou à la rédaction du plan Cutileiro ? La

17 Chambre sait qui l'a signé, qui a retiré sa signature et nous avons entendu

18 beaucoup d'éléments là-dessus. Est-ce que vous vous référiez à ces

19 négociations-là lorsque vous avez dit que : "Le SDS a accepté la

20 reconnaissance illégale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat

21 internationalement reconnu" ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, après le plan

23 Cutileiro, dans votre question, vous avez demandé quelle a été l'attitude,

24 le comportement du SDS, mais d'après le comportement le SDS, il a été

25 évident que le rejet du plan Cutileiro - et à mon avis ce plan aurait

26 correspondu aux intérêts des trois groupes principaux de Bosnie-Herzégovine

27 et que ce rejet allait mener au pire. Nous voyons que le SDS acceptait

28 cette idée politique et juridique, donc, qu'il se lançait dans ces

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1 négociations. Certes, en essayant de modifier telle ou telle chose, en

2 essayant d'apporter une nouvelle solution, mais le SDS s'est engagé dans ce

3 processus de négociations permettant de voir qu'il reconnaissait la

4 situation, et qu'il renonçait à des liens plus étroits avec le reste du

5 corpus serbe. Donc, ceci montrait que le SDS renonçait à ses positions

6 telles qu'il les a défendues avant le plan Cutileiro. Je ne me souviens pas

7 qu'il y ait eu une réunion au sens strict du terme des organes du SDS où

8 ils auraient dit on accepte, on reconnaît la Bosnie-Herzégovine, mais

9 d'après leur comportement, il est évident qu'il reconnaissait cette Bosnie-

10 Herzégovine qui a été constituée contrairement à la loi.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai toujours du mal à comprendre.

12 D'après les dépositions que nous avons entendues et d'après les éléments

13 que nous avons entendus, il semblerait que le plan Cutileiro a échoué et

14 qu'à partir de ce moment-là, l'une des conséquences majeures a été que le

15 SDS a avancé avant tout -- reposait sur l'idée d'avoir la République serbe

16 en tant que forme politique d'organisation du gouvernement, et cetera. Vous

17 dites leur comportement le montre. Mais la Chambre a entendu beaucoup

18 d'éléments qui semblent nous montrer qu'on a surtout cherché à faire de la

19 République serbe - sinon un Etat, alors au moins une entité qui serait

20 autonome - dans sa prise de décisions sur le plan de la gouvernance, de la

21 justice, de la défense. Donc, pourriez-vous nous dire en quoi le

22 comportement du SDS a été tel qu'il donnait l'impression que la Bosnie-

23 Herzégovine était acceptée et qu'il acceptait la Bosnie-Herzégovine en tant

24 qu'Etat souverain sur le plan international ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer d'être simple. La majorité du

26 peuple serbe soutenait de SDS en Bosnie-Herzégovine. Il y avait aussi la

27 présence du SDS dans la République de la Krajina serbe au sein de la

28 République de Croatie. Il y avait aussi un SDS en Serbie qui n'est certes

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1 pas aussi de pouvoir -- autant de pouvoir que cela. Mais le SDS de Bosnie-

2 Herzégovine était soutenu par tous les Serbes, toutes les personnes serbes,

3 même ceux qui étaient membres du SDS en Serbie. Voilà ce qu'il fallait

4 faire. Il fallait essayer de faire du lobbying pour qu'il y est une

5 réunion, une espèce de congrès où les représentants serbes de tous les

6 endroits de la République serbe de Krajina, qui s'appelait à l'époque

7 d'ailleurs la République serbe de Bosnie-Herzégovine, avec aussi les Serbes

8 de Monténégro et de Serbie tous se réunir pour essayer de trouver une

9 solution. C'est cela que -- c'est à cette idée-là que le SDS a renoncé.

10 C'est à cela que je faisais référence.

11 Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le Parti démocratique

12 serbe essayait de renforcer la Republika Srpska. On parlait de façon du

13 point de vue militaire ou économique. Cela ne permettait absolument pas de

14 se rapprocher de la République de la Krajina serbe, de Serbie ou de

15 Monténégro parce que, du point de vue -- il faut raisonner que d'une seule

16 façon, et c'était vraiment la grande différence entre les deux positions

17 entre le SDS et le Parti radical serbe. Donc, j'en ai conclu --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez continuer.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Suite à cela, j'en ai conclu que toutes les

20 positions politiques et le SDS étaient concentrés sur la Bosnie-Herzégovine

21 en tant qu'Etat souverain, reconnu internationalement.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, si je vous ai bien compris, c'est

23 tout en renonçant à la possibilité d'être uni au sein d'un seul Etat, tous

24 les Serbes réunis en un seul Etat, il y a au renoncement à cela. Vous vous

25 êtes rendu compte que le SDS acceptait la Bosnie-Herzégovine en tant

26 qu'Etat souverain, reconnu internationalement.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est à peu près cela.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

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1 Monsieur Josse, vous pouvez continuer.

2 M. JOSSE : [interprétation]

3 Q. Je vous ai parlé -- je vous ai posé des questions sur le conseil

4 politique. Vous avez fait référence à la direction du SDS. Avant de passer

5 à cela, peut-on dire que vous avez assisté à peu près à 50 % des réunions

6 du conseil politique alors que vous étiez membre de cet organe ?

7 R. Oui, à peu près, sans doute, je n'ai pas un bon compte, je n'ai pas

8 fait des notes à ce propos. Oui, je pense que j'ai à peu près assisté à

9 moins 50 % des réunions, au moins. Le conseil se réunissait

10 hebdomadairement, donc, assez souvent. Bien sûr, je n'ai parfois pas pu

11 assister à certaines réunions, mais j'ai assisté à de nombreuses réunions.

12 Q. Vous dites que la direction assistait à la réunion de façon assez

13 intermittente. Première question : puis-je vous poser des questions sur

14 Radovan Karadzic ? Quelle était la fréquence avec laquelle il assistait aux

15 réunions ? Est-ce que vous pouvez nous aider sur ce point ?

16 R. On ne peut pas dire que sa participation était régulière. Il venait

17 quand il le pouvait, j'imagine. Radovan Karadzic assistait assez

18 régulièrement, plus ou moins, le Pr Koljevic aussi, lui, il présidait les

19 réunions, Mme Plavsic aussi était présente.

20 M. Krajisnik était présent aussi à plusieurs de ces réunions, je ne sais

21 pas combien. Il y avait aussi des membres du conseil exécutif. Je n'ai pas

22 fait très attention quant à savoir qui était là et quel était leur rôle, je

23 me concentrais plutôt sur ce qui était dit lors de ces réunions.

24 Q. Pouvez-vous faire des commentaires sur les contributions apportées par

25 le Dr Karadzic lors de ces réunions ?

26 R. Il n'était pas très actif lors des réunions. Il suivait les débats. Il

27 ne soulevait pas de point très spécifique. Je me souviens juste de sa

28 réaction quand on disait que quelque chose s'était passé, il disait que la

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1 direction du parti allait s'occuper de ces points alors cela n'allait pas

2 plus loin. Il ne clarifiait pas exactement ce qu'il avait en tête. Ses

3 interventions étaient courtes et c'était surtout pour dire qu'il était

4 informé en effet de la chose ou il nous donnait ses informations quand il

5 les avait. Il pouvait nous dire par exemple que la direction du parti avait

6 pris les mesures nécessaires. Il n'était peut-être pas vraiment en

7 confiance dans le conseil politique parce que dans le conseil politique il

8 y avait des personnes qui n'étaient pas membre du SDS, donc, c'est peut-

9 être pour cela qu'il était aussi concis lors de ses prises de paroles,

10 c'est pour cela qu'il ne rentrait pas dans les détails sans doute.

11 Q. Même question, maintenant pour Krajina, s'il vous plaît.

12 R. Si je me souviens bien, M. Krajisnik était présent à plusieurs

13 réunions, et je me souviens de lui exactement comme je le vois aujourd'hui.

14 Il prenait des notes la plupart du temps lors de ces réunions. Entre les

15 réunions, puisqu'à l'époque il était déjà le speaker du parlement de

16 Bosnie-Herzégovine, le speaker de l'assemblée, donc après les réunions, à

17 la fin des réunions, je me souviens que les sessions parlementaires étaient

18 diffusées en direct à la télévision et parfois je lui ai posé des

19 questions. Il a répondu en disant qu'il était difficile d'être sûr de la

20 qualité de tous les peuples, et qu'on était uniquement un des peuples, et

21 donc cela dit, il nous disait toujours qu'il gardait à l'esprit l'intérêt

22 des Serbes avant tout.

23 J'avais l'impression qu'il était très occupé, c'est pour cela que je ne

24 l'ai pas harcelé avec des questions. Je ne le connaissais pas,

25 personnellement, et c'est pour cela que je ne le rencontrais pas en dehors

26 de ces réunions du conseil. Ces échanges se tenaient parfois pendant les

27 pauses ou alors après les réunions.

28 Q. Je voudrais clarifier une chose. Vous ne connaissiez pas

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1 M. Krajisnik avant 1991. C'est cela, n'est-ce pas ?

2 R. Je ne peux pas être très précis, ce qui est certain c'est qu'avant 1990

3 je ne le connaissais pas. Il se peut qu'au cours de l'année 90 je l'ai

4 rencontré parce que j'avais l'habitude de promener souvent et de parler à

5 M. Koljevic, ensuite, on se rendait au bureau de conseil principal du SDS,

6 et là, on rencontrait les membres du conseil. J'ai peut-être rencontré M.

7 Krajisnik, à ce moment-là, je n'en suis pas certain. J'ai rencontré des

8 centaines et des centaines de gens depuis. J'ai tendance à ne pas avoir des

9 souvenirs précis sur les dates et les noms. En tout cas, on ne s'est pas

10 rencontré avant 90, c'est sûr.

11 En 1991, au travers du conseil politique, et surtout des activités

12 politiques de M. Krajisnik, c'est vrai que là on l'a plus remarqué. On a

13 plus remarqué sa personnalité. Je ne sais pas s'il connaissait ma

14 personnalité à moi puisque je n'étais pas une personne publique. A ce

15 moment-là, j'ai appris à le connaître surtout quand les opérations de

16 guerre ont commencé puisque-là on s'est quand même rencontré plus souvent à

17 la fois, formellement et informellement.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Poplasen, j'aimerais poser une

19 question pour éclaircir un peu les choses.

20 Quand vous avez parlé du rôle de Karadzic au sein de conseil

21 politique, vous avez dit, il nous disait : "Que la direction du parti avait

22 pris les bonnes mesures ou les mesures appropriées." Alors, j'aimerais

23 avoir votre opinion sur la direction du parti.

24 Pour vous c'était qui exactement la direction du parti ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] La présidence du parti et le conseil exécutif.

26 C'était cela la direction du parti. Ils se rencontraient souvent. En tout

27 cas, c'est ce qu'on savait. Le Parti démocratique serbe était au pouvoir à

28 l'époque, et devait prendre des décisions au sein des organes de l'Etat.

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1 Pour ce qui est des points importants, on sait que les discussions ont lieu

2 d'abord au sein des partis avant que les représentants des gouvernements

3 qui soient membres du parti puissent prendre des décisions. Donc, pour moi,

4 la direction du parti, c'étaient les membres des organes de l'Etat qui

5 traitaient de ces affaires, évitement des conflits, essayez de faire

6 avancer un petit peu les réformes constitutionnels qui permettraient

7 d'éviter que la situation n'empire. Il faut aussi prendre en compte le fait

8 qu'il y avait des discussions qui avaient lieu au sein, enfin, au niveau de

9 la Yougoslavie en tant que telle et que nous espérions tous que la

10 Yougoslavie continuerait à exister.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez répondu à ma question.

12 Monsieur Josse, vous pouvez continuer.

13 M. JOSSE : [interprétation]

14 Q. Vous avez écrit un article en 1991 dans Oslobodjenje. Dans cet article,

15 vous avez énoncé votre soutien à l'idée de la formation d'un conseil du

16 peuple qui servirait de deuxième chambre législative au sein de la

17 république; c'est bien cela ?

18 R. Oui, tout à fait. Il y avait beaucoup de tensions à ce moment-là. On

19 faisait tous des efforts pour essayer de trouver une solution. J'avais

20 l'impression que le premier problème à résoudre c'était le problème de la

21 constitution. C'est pour cela que j'avais suggéré l'établissement d'un

22 conseil du peuple qui serait une deuxième chambre en République de Bosnie-

23 Herzégovine où là, les représentants des trois nations constitutives de cet

24 Etat seraient représentés de façon égalitaire donc, les Serbes, les Croates

25 et les Musulmans. Au sein de ce conseil, on arriverait à préserver les

26 intérêts nationaux. A mon avis, cela aurait aussi permis d'éviter que l'une

27 des nations soit mise en minorité par rapport aux autres. J'avais

28 l'impression que c'était la meilleure solution pour arriver à négocier des

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1 compromis, qu'il y ait un organe avec une autorité certaine qui, sans

2 cesse, nous rappellerait que la solution ne pouvait absolument pas être le

3 bain de sang ou le conflit. Cet article a été publié dans un quotidien. A

4 l'époque, c'était un quotidien qui était très largement diffusé et de

5 nombreux lecteurs d'ailleurs ont écrit ensuite à la rédaction pour

6 reprendre ce qui avait été dit dans mon article. Si je me souviens bien,

7 d'ailleurs, il y a une lettre. C'était un dernier appel à l'aide par un

8 personnage assoiffé dans le désert. Donc, c'était une lettre qui était

9 publiée dans Oslobodjenje, personne qui visiblement soutenait mon

10 initiative et qui par la suite est devenu un officiel de l'Union

11 démocratique croate en Bosnie-Herzégovine. Bon, malheureusement, les choses

12 ont vraiment empiré.

13 Malheureusement, après le bain de sang, la destruction, suite aux

14 accords de Dayton, on a bien vu que la meilleure solution c'était

15 l'établissement de ce conseil du peuple qui a été établi d'ailleurs.

16 Q. Merci --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, vous nous parlez

18 d'un article ici, mais il serait bon que nous puissions le lire cet

19 article, pour savoir exactement ce qui est contenu. Mais il a quelque chose

20 que je ne comprends pas très bien dans ce que vous venez de dire.

21 Vous avez dit : Que les Musulmans, les Serbes et les Croates seraient

22 représentés également de façon égalitaire au sein de ce conseil du peuple.

23 Il me semble que c'est comme cela que vous l'appelez, le conseil du peuple.

24 Ce qui éviterait qu'une des nations puisse prendre le pas sur les autres.

25 Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire. Si chaque nation

26 avait un tiers des voix, quand même si les Musulmans, les Croates

27 s'unissaient, ils arriveraient à prendre le pas sur les Serbes même au sein

28 de ce nouvel organe. Ou, alors, j'ai mal compris, mais, évidemment, je pose

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1 cette question. Alors, je n'ai pas lu cet article.

2 M. JOSSE : [interprétation] Oui, j'aimerais lire l'article. Ici, nous ne

3 l'avons pas malheureusement.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

5 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais le témoin --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, il y a toutes sortes de

7 détails. Il faudra savoir si le conseil de rédaction du quotidien était

8 d'avis avec cette idée, et cetera. Enfin, cela ne me parait pas très

9 important. Ce que je voudrais savoir c'est si chacun avait un tiers des

10 voix, comment est-ce qu'on pourrait éviter que deux nations ne s'allient

11 pour prendre le pas sur la troisième ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai d'être concis. C'est pour cela que je ne

13 vais entrer dans les détails. Mais ce qui était implicite c'est qu'il y

14 aurait une Chambre, les députés, là où l'influence est prise à la majorité

15 qualifiée, majorité serbe, c'est peut-être. Alors, c'est dans le conseil du

16 peuple que les décisions seraient prises, soit au consensus, soit par la

17 majorité simple, mais chaque peuple votant séparément. Vous avez raisons :

18 L'une des dispositions qui devait réglementer la procédure de

19 fonctionnement du conseil du peuple, c'est que les décisions seraient

20 prises soit au consensus, soit par la majorité serbe avec majorité et des

21 votes, mais avec chaque personne ayant leur propre et non pas chaque groupe

22 ayant une voix. C'est ainsi qu'on éviterait que l'une des nations se voie

23 dépasser par les deux autres.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais, alors, imaginons que les

25 Musulmans, voix majoritaires votent contre une proposition. Là, il n'y

26 aurait pas consensus. Il n'y aurait pas de majorité de voix de chaque

27 peuple individuellement. Si j'ai bien compris, c'est comme cela qu'on

28 aurait pu fonctionner.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On aurait pu fonctionner de la sorte, en

2 effet. Mais une erreur est arrivée et cet pour cela qu'il y a eu la guerre.

3 Il y a eu donc -- il n'apparaissait pas avoir la majorité des voix. C'est

4 vrai, mais s'il y a débat, débat entre personnes raisonnables, normalement

5 le conseil du peuple pouvait ensuite -- aurait pu réintroduire différents

6 points à l'ordre du jour après discussions raisonnables.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le problème quand même, c'est que

8 dans ce système vous auriez pu toujours être en minorité. Bien sûr, même si

9 on a des arguments raisonnables, on peut être sans cesse mis en minorité

10 et, donc, ce système serait remplacé par un système où l'une des nations

11 pouvait bloquer toutes les décisions, en disant il n'y a pas majorité et on

12 arriverait pas -- donc, si une des nations décidait de bloquer le

13 fonctionnement, elle pouvait le faire -- elle aurait pu le faire. J'essaie

14 de comprendre comment vous pensez que cela aurait résolu le problème parce

15 que, suite aux dépositions qu'on a déjà entendues, j'avais l'impression que

16 le problème n'aurait pas pu être résolu facilement par ce type d'organe,

17 mais c'est vrai que cela aurait -- la seule solution était que chacun

18 utilise son bon sens et sa raison et non pas d'utiliser des positions de

19 majorité pour exploiter la situation ou alors de bloquer toujours les

20 décisions en utilisant sans cesse son droit de veto.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez tout à fait

22 expliqué la situation, c'est ce qui passe en ce moment en Bosnie-

23 Herzégovine. Voici, maintenant, la constitution avec laquelle nous devons

24 fonctionner. Il y a toujours un des peuples qui peut suite avec un veto

25 empêcher les autres d'arriver à quoi que ce soit. Il y a une situation

26 spécifique cela dit en Bosnie-Herzégovine, où on a un arbitre qui n'est pas

27 du pays et qui peut arriver à débloquer la situation quand on est ainsi

28 dans une impasse. Mais, évidemment, il ne va pas -- ce représentant ne va

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1 pas rester là à tout jamais et il va bien falloir trouver un mécanisme

2 légal qui permettra aux trois pays de vivre ensemble.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous dites que la situation n'a pas

4 tellement changé en Bosnie-Herzégovine, à part le fait qu'il y a maintenant

5 quand même un représentant extérieur qui peut débloquer la situation quand

6 les prises de décisions sont dans une impasse. Bon, maintenant, j'ai bien

7 compris.

8 Monsieur Josse, vous pouvez continuer, mais cette Chambre aimerait vraiment

9 qu'on se concentre sur ce type d'analyse. Bon, là le témoin a dit : c'est

10 vrai que le problème d'être mis en minorité était un problème de -- a été

11 de contourner le problème en créant un nouvel organe, enfin, je n'avais pas

12 bien compris ce dont il voulait -- voire comment on pouvait éviter donc la

13 mise en minorité en créant un nouvel organe. Donc, voilà le type exact de

14 dilemme que nous aimerions voir explorer, quand on nous dit exactement

15 cela, quand on dit : on avait envisagé de créer un nouvel organe qui aurait

16 pu débloquer la situation.

17 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Vous voyez notre témoin a énormément de

18 connaissances en ce domaine, suite ainsi à sa carrière et à sa profession,

19 mais forcément il va répondre assez longuement.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais, alors, vous aurez dû lui

21 demander : comment est-ce que ce système aurait pu éviter la mise en

22 minorité ? La cela aurait été bien si vous aviez arrêté à ce moment-là

23 parce que cela aurait pu un petit peu dirigé sa réponse parce que bon la

24 mise en minorité on le sait a été évité, mais vous auriez dû être peut-être

25 plus précis dans vos questions.

26 M. JOSSE : [interprétation]

27 Q. Maintenant je voudrais vous poser quelques questions sur vos

28 observations personnelles en ce qui concerne les tensions, donc

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1 l'accumulation des tensions, l'escalade qui a eu lieu. Avez-vous ressenti

2 des signes visibles qui semblaient indiquer que les Musulmans commençaient

3 à s'armer ?

4 R. Le fait que les Musulmans ont commencé à s'armer - c'était su, on en

5 savait, on en parlait beaucoup - et, d'ailleurs ensuite, cela a été

6 confirmé par le côté musulman, cela a été confirmé à la télévision, dans

7 les journaux, mais on le remarquait aussi dans la rue. A partir du début de

8 l'année scolaire, de la rentrée, donc, en septembre et en octobre 1991,

9 dans la cour de la faculté de Science politique, là où je travaillais en

10 tant que vice doyen de l'université, on voyait déjà des gens en uniforme

11 qui se promenaient et souvent ils étaient armés. Ils étaient membres de la

12 soi-disant Ligue patriotique, mais ils ne faisaient pas partie de la

13 police. Ils ne faisaient pas partie d'un corps organisé, mais ils étaient

14 membres d'une force qui n'avait été prévue, ni par la loi, ni par la

15 constitution. Evidemment, cela a fait peur, les gens avaient peur à cause

16 de cela. Cela c'est vu dans la presse d'ailleurs -- quand on voit les

17 dispositions qui ont été votées, par exemple, les personnes qui étaient

18 reconnues à partir d'avril 1991 et avaient participé au Mouvement des

19 musulmans en Bosnie, mouvement visant les armées, ces gens-là allaient

20 avoir double pension, donc, toutes ces personnes qui -- cela maintenant

21 fait partie de la loi. Cela montre bien qu'il y avait -- que le côté

22 musulman de Bosnie-Herzégovine était en train de s'armer. Mais on le

23 ressentait dans la rue. On le voyait dans la rue. On essayait aussi

24 d'empêcher la situation de se détériorer, c'est ce dont on parlait.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous parlez "d'avril", vous

26 pourriez nous dire exactement de quelle année il s'agissait.

27 M. JOSSE : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit "à partir d'avril",

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1 avril de quelle année ? Vous avez dit "à partir -- les gens qui, à partir

2 d'avril, avaient participé au processus selon lequel les Musulmans allaient

3 prendre les armes et ces gens-là allaient recevoir une double pension,

4 double retraite." De quelle année s'agissait-il ?

5 M. JOSSE : [interprétation]

6 Q. Oui, on parle là de "double retraite," mais on parle de quelle année ?

7 R. C'est avril 1991. Il s'agit d'une loi sur les retraites, enfin une loi

8 sur la sécurité sociale qui a été votée dans la Fédération de Bosnie-

9 Herzégovine. Cela a été publié dans un quotidien qui s'appelle Liljan. Je

10 pense que la Défense en a un exemplaire. Donc, dans ce journal, on

11 reprenait cette disposition de loi, et là, il y a mention de la date et de

12 tous les détails s'y référant.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, M. Hanoteau a une

14 question.

15 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez indiqué : "Later it was confirmed by the

16 Muslim side on the television and in the papers -- newspapers."

17 Pouvez-vous clarifier ceci: "Later," cela veut dire quand et à quelle

18 occasion cela a été confirmé par les Musulmans ? Qu'est-ce que vous avez

19 voulu dire par là ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer ce que j'entendais par

21 là. Je n'ai plus un souvenir très détaillé de ces événements; cependant, à

22 plus d'une reprise, j'ai vu des entretiens à la télévision avec des chefs

23 politiques et militaires de l'ABiH, par exemple, avec Sefer Halilovic. Dans

24 le cadre de ces entretiens, il a expliqué que le peuple musulman, en 1990

25 et en 1991, s'était armé, s'était doté d'armes, et que certaines formations

26 avaient été établies, constituées, on s'entendait à un conflit. Il a parlé

27 de sa propre contribution.

28 D'ailleurs, importante à ce phénomène et ce n'est pas un exemple

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1 isolé, il y a beaucoup d'entretiens de ce type qu'on trouve dans les médias

2 électroniques, dans diverses publications qui montrent la même chose, un

3 plan de faits. Ce n'est pas difficile à montrer.

4 M. LE JUGE HANOTEAU : Les interviews et ces publications sont intervenues

5 après la guerre ou pendant la guerre ou juste avant; à quel moment cela se

6 situait-il, s'il vous plaît ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vers la fin de la guerre et après la guerre

8 aussi. Il s'agit là de personnes qui se remémorent les événements.

9 M. LE JUGE HANOTEAU : [interprétation] Merci.

10 M. JOSSE : [interprétation]

11 Q. Monsieur Poplasen, pouvez-vous passer au mois d'avril 1992 ? A un

12 moment donné, vous avez quitté Sarajevo, vous avez fait un déplacement et

13 il vous a été impossible physiquement parlant de rentrer à Sarajevo parce

14 qu'il y avait un barrage routier ou ce genre d'obstacles; est-ce exact ?

15 R. Oui, je n'ai pas pu rentrer. Vous avez tout à fait raison de dire que

16 j'étais en déplacement et lorsque j'ai voulu rentrer à Sarajevo il y avait

17 des barrages aux abords de la ville et il m'a été impossible de les

18 franchir. La route était coupée. C'était le matin du 6 avril. Du côté de

19 Sokolac-Rogatica, devant le tunnel qu'on appelle Kozja Cuprija, il y avait

20 un barrage routier, d'un côté du tunnel il y avait des Serbes qui étaient

21 armés et, de l'autre côté, il y avait des Musulmans qui étaient armés, et

22 je n'ai pas été le seul à me trouver dans cette situation. Personne ne

23 pouvait franchir ce tunnel parce qu'en fait, on était là exposé à des tirs,

24 donc, je suis rentré à Pale qui n'était pas très loin.

25 Q. A Pale, vous avez pris contact avec le Pr Koljevic; est-ce exact ?

26 R. Oui, en principe, c'est comme cela que cela s'est passé. Cela a duré

27 quelques jours. J'ai réussi à me loger à l'hôtel Panorama, et deux ou trois

28 jours plus tard, parce que Pale est un petit endroit, c'est une petite

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1 ville, j'ai rencontré par hasard certaines personnes dans la rue et

2 c'étaient certains des chefs du Parti démocratique serbe. Ces personnes

3 m'ont dit qu'elles étaient assez nombreuses et qu'elles étaient descendues

4 dans un hôtel qui se trouvait aux abords de Pale. Je suis allé dans cet

5 hôtel d'abord j'ai rencontré le Pr Koljevic, entre autres, puis, les choses

6 ont évolué différemment.

7 Q. Monsieur Poplasen, est-ce que vous pourriez faire la synthèse à

8 l'intention des Juges des activités que vous avez eues au cours de cette

9 période en 1992 et puis nous aborderons quelques questions de détail.

10 Dites-moi, si je me trompe, mais au fond, vous avez travaillé côte à côte

11 avec le Pr Koljevic pendant disons deux mois; est-ce exact ?

12 R. Un peu moins de deux mois. Voici ce qui s'est passé. N'oublions pas

13 qu'avant le 6 avril, au mois de mars, dès lors dans la ville de Sarajevo,

14 même pas à Pale, après ce malentendu qu'il y avait eu à l'assemblée de

15 Bosnie-Herzégovine, une assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine

16 avait été constituée, et les parlementaires, députés élus, ont désigné un

17 gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Ladite

18 assemblée, en janvier 1991, avait adopté la constitution de la République

19 serbe de Bosnie-Herzégovine, donc, ce qui veut dire qu'il y avait déjà eu

20 l'assemblée, un gouvernement, qu'il existait certains documents, et les

21 membres du gouvernement et les membres de l'assemblée se sont retrouvés à

22 Pale. C'est alors qu'ils ont commencé à organiser leur vie politique, les

23 affaires juridiques, la défense, ainsi de suite.

24 J'ai rencontré le Pr Koljevic, et je m'occupais à trouver des locaux où ces

25 personnes pouvaient faire leur travail ou le travail pouvait commencer à se

26 faire pour ce qui est de réglementer tout ce travail, pour rétablir un

27 statut juridique, pour établir des contacts avec les médias. Cela

28 représentait énormément de travail. C'est pour cela que j'ai été en contact

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1 avec le Pr Koljevic, qui, lui même. a plus tard eu des contacts avec le

2 président Karadzic et d'autres membres les dirigeants du Parti démocratique

3 serbe, qu'il m'est arrivé de voir de temps à autre. Mais j'ai surtout

4 collaboré avec le Pr Koljevic sur ces questions que je viens de mentionner.

5 Cela a duré à peu près deux mois, jusqu'à la fin du mois de mai 1992; c'est

6 à ce moment-là que j'ai cessé de faire ce genre de travail et je suis allé

7 dans une unité, le 20 mai à peu près. Cette unité se trouvait à une

8 vingtaine de kilomètres de Pale, et son chef était un bon ami à moi.

9 Quelques jours plus tard, invité par le

10 Pr Koljevic, je suis rentré à Pale parce qu'il m'a demandé d'accepter le

11 poste de commissaire de la république dans la municipalité de Vogosca, et

12 je devais là m'occuper de réglementer des activités de cette municipalité.

13 J'ai accepté sa proposition. La présidence a rendu une décision dans ce

14 sens, et vers la fin du mois de juin, le 28 juin, si je me souviens bien -

15 c'était le jour de Saint-Blaise, Vidovdan - je suis allé prendre mes

16 fonctions de commissaire de la municipalité de Vogosca. Je n'ai pas passé

17 tout mon temps à Vogosca. J'y étais de temps à autre.

18 J'étais un peu frustré parce que j'avais quitté Pale et c'est pour cela que

19 plutôt que de travailler avec le SDS j'avais été dans cette unité. Mais,

20 dans l'intervalle j'ai précisé ma position politique et j'ai commencé à

21 établir le Parti radical serbe de la Republika Srpska. Lorsque j'étais en

22 fonction comme commissaire de la République à Vogosca, j'avais une voiture

23 de fonction, qui était la propriété de la présidence de la Republika

24 Srpska. Je me suis servi de cette voiture pour les activités du parti. Très

25 souvent, j'ai fait des déplacements dans la totalité de la Republika Srpska

26 au cours de l'année 1992. Je suis allé dans la plupart des municipalités et

27 j'ai participé à l'établissement du comité du directeur du Parti radical

28 serbe. Cela signifiait beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, beaucoup de

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1 carburant. Je n'ai pas abandonné mon poste de commissaire à Vogosca. J'y

2 suis allé de temps en temps parce que les commissaires, qui avaient été

3 nommés, s'acquittaient de leurs fonctions. Ils ne nous incombaient d'avoir

4 un poste de pouvoir, de détenir le pouvoir. C'était plutôt de veiller à ce

5 que les autorités locales respectent la loi dans l'exécution de leurs

6 fonctions. Donc, voilà, en quelques mots, les activités que j'ai eues après

7 avril 1992.

8 Q. Je vous remercie. Nous allons maintenant sceller ces différents

9 aspects. Vous avez commencé en disant à la Chambre que dans le fond, les

10 activités à Pale, C'étaient des activités de logistiques que vous avez

11 effectuées en tandem avec M. Divcic; est-ce exact ?

12 R. Oui. Quand les opérations de temps de guerre ont commencé, il y avait

13 un endroit qui s'appelait Kikinda. C'était une espèce d'auberge de jeunesse

14 ou d'un lieu de vacance qui avait été abandonné, les installations,

15 l'ameublement, posaient des problèmes.

16 Q. Aux questions de Me Josse, je vous arrête parce que

17 M. Divcic a parlé à la Chambre de ce qu'il faisait là. Mais il est exact de

18 dire que lui, il s'est occupé surtout de ces questions logistiques alors

19 que vous, vous avez commencé à vous intéresser de questions plus

20 politiques, n'est-ce pas ? Ceci, je dirais en tandem avec le Pr Koljevic.

21 R. C'est exact. Plusieurs plus tard, je ne sais plus exactement quand

22 c'était, le président Karadzic est arrivé à Pale, venant de Sarajevo. Ce

23 n'était pas le 6 avril, c'était à peu près une semaine plus tard. M.

24 Koljevic était présent. Ils s'étaient déjà mis d'accord sur la répartition

25 de certaines questions. J'ai accepté ce que proposait le Pr Koljevic, à

26 savoir que je travaille avec lui sur la question de faire le point sur les

27 relations internationales, les contacts et ces rapports. En plus de cela,

28 j'avais des réunions tous les jours avec le Pr Koljevic et nous avons parlé

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1 par le menu de la position adoptée par la Communauté européenne, les

2 Nations Unies, par les grandes puissances. Nous avons discuté de la réponse

3 qu'il fallait trouver à tout cela. Je suppose que ceci a eu une certaine

4 influence sur les lettres de M. Koljevic et du président Karadzic. Mais je

5 ne sais pas dans quelle mesure c'est vrai parce que le Pr Koljevic parlait

6 parfaitement l'anglais. Il était d'ailleurs diplômé en anglais et je n'ai

7 pas examiné sa correspondance. Quoiqu'il en soit, mes activités se

8 concentraient dans ce domaine, effectivement.

9 Dans une certaine mesure, je me suis aussi occupé d'organiser le

10 travail de la télévision, de la radio serbe à Pale. Mais un mois et demi

11 plus tard, des problèmes ont vu le jour, des problèmes qui concernaient

12 l'aide humanitaire. Il y avait eu des problèmes techniques au niveau du

13 contrôle. On se demandait comment savoir si 20 camions transportant des

14 secours humanitaires qui avaient été envoyés, étaient arrivés à

15 destination. Je n'avais pas trouvé de méthodes pour contrôler et vérifier.

16 Le gouvernement s'était déplacé de Pale à Jahorina qui rendait le travail

17 encore plus difficile parce qu'il y avait que quelques lignes téléphoniques

18 à la disposition de tout le gouvernement.

19 Cette situation, je la trouvais très peu satisfaisante. J'en ai donc

20 parlé au premier ministre, au Pr Koljevic et je suis parti pour rejoindre

21 l'unité. Il se peut que je manquais d'objectivité. Peut-être qu'il n'était

22 possible de faire autrement au niveau de l'organisation mais j'avais le

23 sentiment qu'on aurait dû faire plus d'efforts parce qu'il commençait à se

24 passer certaines choses. Je ne dirais pas que c'étaient des activités

25 criminelles, mais il y avait des choses qu'il était difficile de vérifier

26 et de maîtriser. Donc, j'ai quitté Palé par aller dans cette unité, mais

27 lorsqu'on m'a rappelé, et je suis revenu comme je vous l'ai déjà dit.

28 Q. Parlons rapidement de cette unité. Où se trouvait-elle cette unité, en

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1 quel lieu ?

2 R. Elle se trouvait au nord de Sarajevo. Le poste de commandement était à

3 une dizaine de kilomètres de la ville d'Olovo, dans un village qui

4 s'appelait Nisici, officiellement. C'était la Brigade de Nisici qui avait à

5 sa tête un civil, Slavko Kojic. Je suis resté là, peut-être 15 ou 20 jours,

6 pour l'aider, en le conseillant dans son travail de commandant. J'ai parlé

7 aussi aux réfugiés civils. En effet, beaucoup de Croates avaient pris la

8 fuite en passant par Nisici. Ils venaient de Kiseljak et de Visoko, et

9 cette unité leur fournissait une aide logistique, de la nourriture et leur

10 disant aussi quelle route elle devait prendre. Cette unité, à l'époque, n'a

11 pas eu d'activités militaires. Elle n'a pas participé à des conflits

12 militaires. En fait, elle s'occupait de problèmes qui résultaient de la

13 guerre. Il fallait nourrir cette population, s'occuper des réfugiées,

14 trouver où les loger.

15 Q. Pour évacuer tout doute, je vous demande une précision, est-ce que vous

16 avez rejoint l'armée ?

17 R. Non. C'est seulement en 1994 que j'ai rejoint l'armée après

18 mobilisation. Cela a été le cas pour d'autres hommes en âge de combattre.

19 En 1994, en novembre, j'ai été mobilité dans une brigade étudiante en tant

20 que professeur d'université.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le juge Hanoteau a une question pour

22 vous.

23 M. LE JUGE HANOTEAU : Avant que nous allions plus loin, Monsieur, vous

24 aviez dit que vous aviez aidé au moment où vous étiez auprès de Koljevic,

25 que vous aviez aidé au travail de la radio et de la télévision à Pale. Est-

26 ce que vous pouvez donner quelques détails sur ce qu'était votre travail à

27 l'époque, s'il vous plaît ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sujet de ce que j'ai fait avec le Pr

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1 Koljevic, j'en ai déjà parlé un petit peu. C'était des analyses et des

2 concertations mutuelles pour envisager la position internationale du peuple

3 serbe et, en particulier, du peuple serbe en République serbe. Il y a eu

4 plusieurs initiatives, à ce moment-là, de la part de la Communauté

5 européenne, la communauté internationale, les grandes puissances et les

6 dirigeants serbes et yougoslaves avaient des visions --

7 M. LE JUGE HANOTEAU : Non, Monsieur. J'ai bien compris ce que vous faisiez

8 là auprès de M. Koljevic, mais vous avez dit aussi : "J'ai participé au

9 travail de la radio et de la télévision. J'ai aidé au travail de la radio

10 et de la télévision." Je voudrais savoir qu'est-ce que c'était exactement.

11 Merci, Monsieur.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, il n'y avait pas de

13 radiotélévision serbe. Donc, il a fallu réunir les conditions pour qu'elles

14 puissent démarrer, pour qu'elles puissent fonctionner. Donc, il fallait

15 tout d'abord créer -- trouver des locaux. Est-ce que ce serait le foyer de

16 la culture ou un autre endroit ? Il a fallu rencontrer les gens qui

17 travaillaient à la radio et télévision de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo des

18 gens compétents sur le plan technique, logistique, et cetera, qui savaient

19 où on pouvait se procurer des moyens, et cetera. Il a fallu rassembler --

20 réunir les journalistes. Il a fallu voir les instances compétentes de

21 l'assemblée municipale pour qu'elles prennent des décisions qui

22 s'imposaient, pour que cela puisse se mettre sur pied au foyer culturel.

23 Cela demande du temps et de la patience, et en particulier, quand les

24 lignes téléphoniques ne fonctionnent pas, quand les transports posent

25 problèmes, quand, à plusieurs reprises, vous devez chercher quelqu'un qui

26 devrait se trouver à son poste, mais pour des raisons X, Y, il n'y est

27 plus, et il a disparu. Donc, on a perdu du temps en faisant cela. Puis, à

28 Pale, on a vu arriver un écrivain, Todor Dutina, un homme de lettres, qui

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1 avait de l'expérience. Donc, il s'est chargé de la totalité de ces tâches à

2 partir de ce moment-là, sur instructions du président Karadzic, il a été

3 chargé d'exercer les fonctions de directeur. Il était à la tête de ce

4 projet et il avait toutes les attributions nécessaires et donc il s'en est

5 occupé. Alors, peu après que M. Dutina s'en charge, je n'arrive pas à me

6 rappeler la date, mais on a pu voir pour la première fois le signal de la

7 radio/télévision serbe. Tout d'abord, l'agence de presse, qu'on a appelé

8 SRNA, a commencé à fonctionner puis la radio/télévision serbe, puis le

9 radio -- donc, c'était grâce aux efforts très importants déployés par

10 Dutina et son équipe. Sept mois. Aussi, j'ai fait quelques pas, mais des

11 pas techniques plutôt logistiques, mais pour ce qui est de la création des

12 programmes, pour la diffusion des programmes, cela c'étaient d'autres

13 personnes comme M. Dutina.

14 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.

15 M. JOSSE : [interprétation]

16 Q. J'étais sur le point de dire que je ne sais plus où on en est vu la

17 longue pause que nous avons eue auparavant, à vous de décider, bien

18 entendu, Messieurs les Juges, de la prochaine pause.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On pourrait faire une pause maintenant

20 ou dans les cinq minutes.

21 M. JOSSE : [interprétation] Bien, ce moment-ci prête bien.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Pause de 20 minutes. Nous

23 reprendrons à midi 20.

24 --- L'audience est suspendue à 11 heures 54.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 28.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Josse.

27 M. JOSSE : [interprétation]

28 Q. Comment avez-vous appris que vous alliez être nommé commissaire de la

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1 république ?

2 R. Oui, effectivement, émissaire ou commissaire. Mais si je me rappelle

3 bien une estafette est arrivée à Nisici où je me trouvais et il m'a informé

4 du fait que le Pr Koljevic m'avait demandé de venir à Pale le plus

5 rapidement possible. Je ne me souviens plus de la date. Mais cela a dû se

6 passer dans la première quinzaine du mois de juin 1992.

7 Je suis arrivé à Pale et le Pr Koljevic m'a parlé de l'initiative

8 qu'il avait lancé. A son avis plusieurs d'entre nous devaient prendre

9 certaines fonctions. Il a dit qu'à son avis, il s'agissait d'individus qui

10 seraient à même de formuler et d'énoncer la position des dirigeants de

11 l'Etat de la République serbe de Bosnie-Herzégovine qui plus tard a été

12 appelé Republika Srpska. Il a ajouté que, pour mener à bien cette tâche et

13 pour occuper ces fonctions, il fallait de la coordination. Il fallait

14 vérifier si les autorités locales respectaient les dispositions de la

15 constitution. Il fallait aussi indiquer s'il y avait des carences dans le

16 travail que faisaient ces autorités locales. C'était nécessaire parce que

17 les transmissions étaient très mauvaises à l'époque. Il n'y avait pas de

18 communication entre les dirigeants de la Republika Srpska et certains

19 territoires. Si les lignes téléphoniques fonctionnaient, à ce moment-là, il

20 n'est pas possible en l'espace de deux minutes de formuler un avis

21 politique complet. C'est pour cela qu'on a eu des consultations avec les

22 membres de la présidence et du gouvernement de la Republika Srpska qui

23 était chargé de faire ce travail. Le commissaire après ces consultations

24 nous avons regagné nos municipalités respectives. Nous avons fait le point

25 de la situation dans ces municipalités et nous en avons fait rapport au

26 gouvernement.

27 On mettait l'accent sur quelque chose que moi-même et mon parti, nous

28 trouvions important, à savoir, la nécessité de maintenir un Etat de droit.

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1 Nous insistions sur la nécessité de créer un Etat sur un fondement

2 juridique.

3 Quand il y a une guerre souvent la loi est violée. Il y a des

4 infractions et il est toujours possible que règne le chaos. A mon avis,

5 c'était là une façon d'empêcher que ne s'instaure le chaos, une façon

6 d'établir un Etat, à partir de certains principes de droit, mais aussi pour

7 régler certains problèmes que les autorités locales ne pouvaient pas

8 résoudre du fait que ces autorités avaient très peu de contact avec les

9 dirigeants de l'Etat. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté l'idée et

10 la proposition du Pr Koljevic. J'ai reçu une décision écrite et signée

11 émanant de la présidence de la république. Dans cette décision étaient

12 nommées et étaient répertoriées diverses commissions, ce qu'elles devaient

13 faire et ainsi que le nom des commissaires dont le mien. Je suis allé à

14 Vogosca. Je me suis présenté au président de l'assemblée municipale et au

15 président du conseil.

16 Q. Vous avez fourni beaucoup d'informations. Dans cette réponse assez

17 longue, vous avez déjà répondu à certaines questions que je voulais vous

18 poser, c'était très utile. Mais, avant de parler de façon plus précise de

19 Vogosca, j'aimerais que vous examiniez le procès-verbal de la 5e séance, le

20 travail de la présidence.

21 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai des exemplaires à l'intention des

22 Juges, apparemment il s'agit de la pièce portant la cote P65. Les autres

23 exemplaires sont destinés aux interprètes. Je ne sais pas si c'est

24 nécessaire qu'ils les aient.

25 Q. Ce document nous montre que vous avez été nommé commissaire et que cinq

26 autres personnes dont le nom est donné dans ce document l'ont été aussi.

27 Est-ce que vous vous souvenez si vous étiez présent à cette séance de

28 travail de la présidence ?

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1 R. Non. Je ne me souviens pas. Je n'assistais pas aux réunions de la

2 présidence de la république. Je ne me souviens pas y avoir été présent;

3 mais apparemment ce procès-verbal est tout à fait digne de foi et

4 correspond bien à ce que je sais. Tout autant qu'on m'a dit que la décision

5 a été prise le 10 juin et, effectivement, ces six personnes mentionnées ici

6 me sont connues. Elles ont exercé ces fonctions de commissaires même si

7 elles le font sur un autre territoire que le mien. Je pense que ce procès-

8 verbal est digne de foi.

9 M. JOSSE : [interprétation] Il se peut que je me sois tromper au niveau de

10 la cote.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'est-ce que ce n'est pas la pièce 529,

12 intercalaire 12 ?

13 M. HARMON : [interprétation] Pour moi, c'est la pièce P64, intercalaire 17

14 ou 7 -- l'interprète n'a pas bien saisi --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est peut-être une confusion au niveau

16 du procès-verbal et de la décision. Donc, c'est bien Treanor, le témoin qui

17 a présenté cette pièce 64, intercalaire 17 --

18 M. HARMON : [interprétation] C'est aussi la pièce Treanor, P65,

19 intercalaire -- l'interprète n'a pas saisi --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. Abordons un autre sujet. Vous avez fait ce travail; comment l'a-t-on

23 qualifié ? Dans la traduction en anglais que j'aie, on dit : "Qu'une liste

24 a été établie qui reprenait le nom des commissaires de la direction de

25 l'Etat de la SBH, en anglais, et on cite le nom de ces personnes."

26 Il nous a été donné d'entendre parler ici dans ce prétoire de "commissaires

27 de guerre," pour qualifier cette fonction. Est-ce qu'il y a une différent

28 ou est-ce qu'on parle de la même chose ?

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1 R. Je pense qu'on peut se contenter de dire "commissaires," même si c'est

2 comme cela qu'on a appelé les commissaires, commissaires de guerre, parce

3 que quand on dit de "guerre", cela veut dire que cela indique que la

4 période pendant laquelle ils ont exercé ces activités. Mais je pense qu'il

5 suffit de dire "commissaires." Je m'excuse, on met l'accent sur le fait que

6 ce sont des commissaires, mais ils ne s'intéressaient pas en premier lieu à

7 la guerre, aux questions du personnel militaire. Ces individus n'avaient

8 aucun pouvoir sur l'armée, mais sûrement pas au niveau des opérations et

9 des actions de guerre. Bien sûr, nous étions en temps de guerre sur tout le

10 territoire, mais il ne serait pas correct d'associer ces activités de

11 commissaires à la guerre parce que les attributions et les devoirs

12 qu'avaient ces commissaires étaient d'ordre civil.

13 Q. Vous avez déjà décrit vos fonctions et vous avez expliqué pourquoi vous

14 aviez accepté ce poste. Vous étiez en passant de nous parler du début de

15 vos activités à Vogosca et de la façon dont vous aviez exercé ces fonctions

16 de commissaires dans cette municipalité; est-ce que vous pourriez

17 maintenant nous en parler ?

18 R. En quelques mots, je dirais que je n'avais pas pour fonction de prendre

19 des décisions, de trancher de questions, mais c'est plutôt d'avoir une

20 meilleure idée de la façon dont fonctionnaient les autorités locales. J'ai

21 pris contact avec le président de l'assemblée municipale, avec le président

22 du conseil exécutif. Je leur ai dit qu'une décision avait été prise par la

23 présidence, une décision qu'ils ont acceptée. A leur tour, ces personnes

24 m'ont informé de la situation qui prévalait dans la municipalité lorsque

25 j'y suis arrivé, il y avait de façon intermittente des affrontements le

26 long des lignes. C'était des affrontements -- des opérations de guerre

27 périodiques. Elles n'étaient pas intenses à l'époque où je suis arrivé,

28 mais il y avait assez bien de difficultés pour ce qui est des lignes de

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1 transmission avec le reste du monde.

2 Une partie du territoire se trouvait contrôler par l'ABiH. Quand on va de

3 Sarajevo à Vogosca, on trouve Olovo, région qui était aussi contrôlée par

4 l'ABiH. On pouvait passer par la montagne. Ce n'était pas facile d'utiliser

5 cette voie parce que c'était une espèce de sentier. Il était difficile

6 d'acheminer les approvisionnements. Il y avait vraiment pénurie en matière

7 de vivres. En ce qui concerne les médicaments, il était difficile de

8 contacter les établissements de santé à proximité si vous aviez des blessés

9 qui arrivaient et nous on essayait de voir quelles étaient les solutions

10 possibles.

11 Autres difficultés c'étaient que beaucoup de membres du conseil

12 étaient soit en déplacement soit blessés, certains avaient été tués.

13 L'assemblée municipale ne pouvait pas se réunir régulièrement parce qu'il

14 était difficile de contacter ses membres, mais il y avait quand même au

15 moins une réunion hebdomadaire du conseil exécutif qui constitue le

16 gouvernement mais puisqu'on était en état de guerre ce gouvernement pouvait

17 exercer certaines des fonctions qui reviennent en général à un parlement.

18 J'ai analysé la situation et j'ai fait rapport au Pr Koljevic qui avait des

19 obligations de ce suivi de notre travail. Je suis souvent allé en

20 déplacement. J'allais à Vogosca.

21 Mais puisqu'une commission avait été constituée certaines des

22 personnes à Vogosca étaient très actives et je me suis dit que c'étaient

23 des personnes tout à fait capables. J'ai donné leurs noms au Pr Koljevic.

24 Quand j'étais absent, ces personnes pouvaient exercer toutes les

25 attributions que prévoyaient ou qui étaient prévues pour la commission et

26 c'est comme cela que cela a tourné à Vogosca.

27 Q. Vous avez témoin d'une dispute banale entre le président de l'assemblée

28 municipale de Vogosca et le président du conseil exécutif, et vous avez de

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1 les réconcilier, d'y remédier; c'est exact ?

2 R. Oui. Le président de l'assemblée municipale était

3 M. Stanic et M. Kuprivica, ces deux hommes se sont opposés sur la manière

4 dont fonctionnait l'assemblée dont allait fonctionner le conseil exécutif.

5 M. Stanic voulait que l'assemblée se réunisse, mais suite à cinq

6 convocations, il n'y a toujours pas de majorité simple de députés réunis.

7 Donc, que fallait-il faire ? Il fallait bien qu'ils se rendent à l'évidence

8 que compte tenu des circonstances on ne pouvait plus attendre cette journée

9 invraisemblable où l'assemblée allait se réunir et que le conseil exécutif

10 reste les bras croisés. Finalement, M. Stanic a accepté la situation. Le

11 fait que l'assemblée ne pouvait pas se réunir et c'est le conseil exécutif

12 et -- à qui il a donné la possibilité de fonctionner et aussi à la

13 direction de la municipalité. Il a fallu plusieurs fois, effectivement, que

14 M. Stanic se réunisse avec M. Kuprivica et qu'on règle ce conflit entre

15 eux. Qu'ils se rendent compte qu'ils n'étaient pas --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le juge Hanoteau aimerait vous poser une

17 question.

18 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez parlé -- lorsque nous avons -- ou lorsque

19 Me Josse a abordé le thème de "Republicain commissionner," vous avez pris

20 les mots "commissionner or emissary"; qu'est-ce que vous avez voulu dire

21 par là ? Vous avez -- vous semblez avoir fait une analogie entre les deux

22 mots, "commissionner" et "emissary." Est-ce que vous voulez reprendre cela

23 et nous donner des explications ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on dit "commissaire", dans mon esprit,

25 cela évoque cette fonction dans les sociétés communistes. Le commissaire

26 agit sur un plan politique et moral pour juger les différentes personnes et

27 pour prononcer sa sentence dans le système où j'ai été formé où j'ai grandi

28 c'est ainsi qu'on emploie le mot "commissaire." Or, l'émissaire n'a pas les

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1 mêmes connotations. C'est plutôt un envoyé. C'est quelqu'un qui doit

2 transmettre à la lettre la position de la direction de l'Etat sans y

3 contribuer lui, personnellement, sans modifier cela. Il est en droit

4 d'interpréter mais il n'est pas en droit de modifier les règles ou les

5 textes qui sont déjà établis. Lorsqu'on ne pouvait pas transmettre quelque

6 chose d'une autre manière, bien, il fallait qu'on transmette cela

7 oralement. C'est cela notre rôle. Puis, on partait du fait que la

8 législation existait bel et bien. Il y avait des textes de loi que devaient

9 respecter les autorités locales. Lorsqu'on dit "commissaire" dans ce sens-

10 là, bien, il fallait simplement veiller à ce que ces textes soient

11 respectés et non pas y apporter une interprétation personnelle, donc, voir

12 si les autorités locales respectaient bien la législation qui était en

13 vigueur dans la République serbe. Donc, il fallait que je sois vigilant,

14 qu'on mette en garde les autorités locales si elles ne se conformaient pas

15 et il fallait que le gouvernement de la République serbe soit averti si

16 nous on pouvait -- s'il n'y avait pas de remède. Nous, on ne pouvait pas

17 agir et il faut savoir. Mais, en principe, une fois que, nous, on serait

18 intervenu et qu'il y est une mise en garde, normalement, c'est la

19 présidence ou le gouvernement de la République serbe qui devait intervenir

20 dans un deuxième temps. Si nous avons formulé une demande logique fondée

21 sur la loi, il fallait que les intéressés acceptent nos instructions.

22 Or, "commissaire", ce terme-là, dans mon esprit, de la manière dont je

23 l'interprète c'est complètement autre chose, c'est un haut niveau

24 d'arbitrage, et cela implique un haut degré d'intolérance aussi, donc cela

25 n'a rien à voir avec notre rôle.

26 M. LE JUGE HANOTEAU : Comme vous avez dit qu'il y avait très peu de moyens

27 de communication, quelques téléphones, quelques lignes téléphoniques, est-

28 ce qu'il n'appartenait pas à ces émissaires, justement de faire parvenir

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1 des instructions, des directives de la part du pouvoir central ? Puisqu'il

2 n'y avait pas de moyen de communication, est-ce que ce n'était pas aussi le

3 rôle de l'émissaire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, c'était une des tâches. Lorsqu'on ne

5 pouvait pas agir autrement, il fallait qu'ils apportent et remettent en

6 main propre un texte de loi, l'interprète et puis les autorités locales en

7 prendraient connaissance, vous savez, soit on était affecté à une tâche de

8 travail, soit on était mobilisé lorsqu'on était dans les autorités locales.

9 Les émissaires, ils n'avaient que cela pour affectation. Il fallait que je

10 m'y rende, que je rentre à Pale, que je m'informe auprès de la présidence

11 en détail du message, et je reviens sur le terrain pour transmettre les

12 positions. Alors, est-ce que ce sont des directives ? Je ne sais pas

13 comment il faut les appeler, mais ce sont des positions adoptées par les

14 dirigeants. Parfois, c'étaient des textes de loi; parfois, sur le plan

15 local, on ignorait qu'une loi avait adopté ou un règlement, donc, il

16 fallait l'apporter physiquement car il fallait du temps pour que le journal

17 officiel soit imprimé, le temps qu'il arrive aux différents endroits, alors

18 que la situation pouvait avoir un caractère d'urgence.

19 M. LE JUGE HANOTEAU : Quand vous dites -- quand vous répondez à ma

20 question, en disant : "Yes, it was one of the tasks. If no other way was

21 possible, then they would bring a piece of paper containing the given

22 regulation," and so on; est-ce qu'il vous est arrivé, personnellement, de

23 porter comme cela à Vogosca des décisions ou des "pieces of paper," à

24 Vogosca de la part du pouvoir central ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que c'est arrivé dans d'autres

26 municipalités. Personnellement, je n'ai pas eu de le faire mais de Vogosca

27 par écrit, j'informais la présidence et le gouvernement de la République

28 serbe de la situation qui prévalait. Le conseil exécutif, je pense, a

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1 travaillé plutôt bien compte tenu des circonstances d'après les

2 informations que j'avais. Je n'avais pas besoin d'intervenir de manière

3 significative.

4 M. LE JUGE HANOTEAU : Je suis désolé d'être un peu long, Maître Josse.

5 Il y a une phrase que vous avez prononcée. Vous avez dit: "The commission

6 itself was so -- itself was set up, some of the persons who were quite --

7 Vogosca were deemed to -- by me, as appropriate for that function…"

8 Est-ce que cela veut dire qu'on a créé sur place une commission ? Qu'est-ce

9 que vous avez voulu dire par là ? Vous avez recommandé des personnes qui

10 étaient tout à fait actives : "Deemed by me as appropriate for that

11 function." Qu'est-ce que vous avez voulu dire exactement, là ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait moi; j'étais émissaire de la

13 présidence du gouvernement de la République serbe. Il y avait aussi un

14 groupe d'émissaires locaux et cela a été question de ma proposition. Donc,

15 automatiquement, j'en faisais membre ainsi que quatre membres de la

16 communauté locale. Ces noms, je les ai transcrits -- enfin, consignés sur

17 un bout de papier. J'ai transmis cela à M. Koljevic et, par mon entremise

18 sur proposition de

19 M. Koljevic, ils ont été nommés émissaires municipaux. Donc, c'était 1 plus

20 4. En mon absence, ils faisaient leur travail, donc, leur travail qui

21 correspond aux tâches de l'émissaire. Mais cela ne veut dire qu'ils

22 prenaient les tâches qui étaient celles du conseil exécutif. Alors, cela me

23 facilitait la vie parce que, quand je venais à Vogosca, je les rencontrais

24 et ils m'informaient des différents points qui m'intéressaient.

25 Un autre point -- une autre particularité. Vogosca est une municipalité de

26 la ville de Sarajevo. Physiquement, matériellement, il aurait été plus

27 facile de se rendre à Pale, à la présidence du gouvernement, que ce n'était

28 le cas des émissaires qui se trouvaient à plusieurs centaines de kilomètres

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1 du siège de la présidence et du gouvernement. C'est l'une des raisons pour

2 lesquelles il aurait été plus facile de se procurer les lois, les

3 règlements, les textes, tous les documents, alors que ceux qui étaient à

4 plusieurs centaines de kilomètres dans différentes situations, dans

5 différents cas de figure, il aurait été plus difficile de se procurer ces

6 documents. Vous m'avez posé la question. Donc, il fallait qu'on leur porte

7 des versions papiers.

8 M. LE JUGE HANOTEAU : Pas les noms, mais qui étaient-ils ? D'où venaient-

9 ils ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que j'ai vu quelque part dans les

11 documents cette décision qui comporte les noms. Donc, les noms ne sont

12 contestables. Ils travaillaient, ils vivaient dans la municipalité de

13 Vogosca.

14 M. LE JUGE HANOTEAU : Quels étaient leurs fonctions ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, je ne me souviens pas de leurs

16 fonctions avant leur nomination, mais un devait être juriste; un,

17 économiste. Il fallait qu'il y ait quelqu'un qui connaît ces problèmes

18 d'information -- de propagande afin qu'il couvre les domaines plutôt variés

19 pour que leur appréciation soit utile pour que je puisse me fonder de

20 manière fiable sur leur avis. Je pense que je vous ai dit quelles étaient

21 leurs professions. D'ailleurs, c'était vraiment un juriste, un économiste,

22 et cetera. Donc, c'était cela leur travail dans la communauté locale avant

23 qu'il ne soit nommé émissaire. Ils connaissaient bien le terrain. Donc, ils

24 connaissaient bien les gens. Je pouvais me fier à leurs informations. Avant

25 la guerre, je n'avais pas vécu à Vogosca. Donc, je ne connaissais pas la

26 région. L'endroit, c'était complètement nouveau pour moi.

27 M. LE JUGE HANOTEAU : Donc, nous sommes bien clairs. Ils n'avaient aucun

28 pouvoir réel sinon de contrôler si l'action des administrations était

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1 conforme aux règlements en vigueur ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. On pourrait peut-être ajouter

3 qu'ils étaient chargés de coordination, donc, entre eux, pour voir s'ils

4 appliquaient bien la législation, puis, ils étaient chargés de coordination

5 entre les autorités locales et les instances de l'Etat. Mais ils n'avaient

6 pas d'attribution -- enfin, de pouvoirs exécutifs là. La loi régit

7 autrement le rôle et la fonction des autorités locales.

8 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite, dans la suite de ces

10 questions, vous en poser quelques-unes, moi-même.

11 Monsieur Poplasen, vous nous avez dit que vous avez essayé de rassembler

12 les gens qui avaient des compétences variées. Est-ce qu'il y avait un

13 militaire de carrière dans cette commission ? Est-ce qu'on a nommé un

14 militaire à Vogosca donc, dans le secteur où vous avez travaillé, vous-

15 même ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y avait un colonel. Lui encore une

17 fois, c'était un homme plutôt âgé juste devant la retraite et ce n'était

18 pas un commandant de brigade, mais il avait un rôle de coordination un peu

19 bizarre. Il devait apprécier l'évolution des activités militaires dans le

20 secteur. C'était quelqu'un que j'avais connu avant la guerre. Il enseignait

21 à l'université, à la faculté des Sciences politiques, il enseignait là, la

22 Défense populaire généralisée, donc, je l'ai chargé de m'informer de

23 l'aspect militaire de la situation. Les commandants des unités, quant à

24 eux, n'ont pas été membres de cette commission, des commandants à quelques

25 échelons, que ce soit de brigade ou autres. Ce colonel, il était chargé

26 d'estimer -- d'évaluer la situation et de m'informer des problèmes, le

27 colonel Vukovic. Ce qui m'intéressait, avant tout, c'était les problèmes de

28 logistique, de services médicaux ou de santé dans les rangs de l'armée, et

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1 cetera.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez souligné que cette

3 commission s'attachait avant tout aux questions de légalité des autorités

4 locales; est-ce qu'elle a fait la moindre chose pour apporter son soutien

5 aux militaires ? Ou était-ce quelque chose de totalement distinct ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée et les activités militaires étaient

7 une chose totalement distincte. Qu'est-ce que cela veut dire fournir un

8 soutien ou une assistance à l'armée dans les rangs des Unités de Vogosca ?

9 Il y avait, avant la population civile qui a été mobilisée sur place, donc,

10 ces bataillons dans la Brigade de Vogosca.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les commissions de guerre ont-elles joué

12 un rôle quel qu'il soit sur le plan militaire ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être, si vous pensez que la fourniture de

14 vivres ou d'autres matériaux pour la population et pour l'armée fait partie

15 d'une activité militaire. La population et les personnes mobilisées ne

16 devaient pas mourir de faim, donc, on a distribué les vivres à la fois à la

17 population civile et à l'armée. Mais cela n'avait rien à voir avec les

18 munitions, avec le carburant, encore moins les armes.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce l'une des tâches spécifiques de

20 la commission ou est-ce que votre interprétation que personne ne devait

21 souffrir de la faim ?

22 LE TÉMOIN : [hors micro]

23 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que le témoin s'exprime hors micro.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, pouvez-vous aider le

25 témoin, s'il vous plaît ? Il semble y avoir un problème. Est-ce

26 correctement branché ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on m'entend à présent ?

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous entends.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après mon évaluation, il n'était pas humain,

2 ni correct, humainement parlant, que quelqu'un souffre de la faim si on

3 pouvait l'éviter.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ma question n'était pas de savoir

5 si vous alliez personnellement forcer quelqu'un à mourir de faim, c'était

6 de savoir si ce genre de soutien d'assistance apportée à l'armée. Etait-ce

7 une fonction spécifique de la commission ou est-ce votre interprétation de

8 son activité ou de ce qui était

9 humain ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'était pas une fonction spécifique

11 que la commission prévoie quelle est la quantité de vivres nécessaires en

12 fonction du nombre d'hommes. Non, non, mais c'était la situation sur le

13 plan global tel qu'elle prévalait dans la municipalité, je vous ai dit il y

14 avait des problèmes de communication qui des voix de communication ont été

15 coupées.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les conditions de travail des militaires

17 ne faisaient partie officiellement de votre affectation, de vos fonctions ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La décision du 10 juin, c'est la date où

20 vous avez été nommé, et je vais vous donner lecture d'une partie de ce que

21 les commissions de guerre étaient censées faire, et je me réfère à la pièce

22 P529, intercalaire 112. Il est

23 dit : "Il y aura coopération entre les commissions et les autorités afin de

24 créer des conditions permettant aux organes militaires de fonctionner et

25 permettant aux unités engagées dans la défense du peuple serbe de

26 fonctionner."

27 Ceci semble être légèrement différent de la réponse que vous venez de nous

28 apporter à l'instant. Est-ce que vous pouvez peut-être m'expliquer cela ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils vont coopérer pour réunir les conditions.

2 Cela peut signifier par exemple qu'un immeuble peut être mis à la

3 disposition du commandement, par exemple, qu'un dispensaire soit mis à la

4 disposition des militaires --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si, si, je comprends cela. C'est

6 précisément la raison pour laquelle je vous ai posé ma

7 question : "Les conditions de travail du personnel militaire ne faisaient

8 pas partie officiellement de votre poste."

9 Votre réponse a été : "De confirmer cette affirmation."

10 Donc, maintenant, vous nous dites qu'ils vont coopérer pour réunir les

11 conditions. Tandis que dans la réponse que je vous ai posée précédemment,

12 je me suis référé à ces conditions et vous avez dit que ceci ne faisait pas

13 officiellement partie de vos attributions. Je comprends parfaitement ce que

14 peut signifier le fait de créer des conditions, donc, des bâtiments, des

15 vivres, un hôpital de campagne.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas votre question, Monsieur

17 le Juge.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à ma question, en

19 disant que ceci ne faisait absolument pas partie de vos attributions. Je

20 vais vous lire verbatim, je vous ai demandé : "Les conditions de travail

21 des militaires ne faisaient pas officiellement partie de votre travail."

22 Je ne réfère à votre travail au sein de la commission de l'Etat.

23 Réponse : "Vous avez confirmé cela dans votre réponse."

24 Maintenant, en lisant la partie de la décision par laquelle on a créé les

25 commissions, vous avez commencé à expliquer que ces conditions faisaient

26 partie de leurs attributions. Vous avez expliqué qu'il pouvait, par

27 exemple, mettre à la disposition un bâtiment au dispensaire, et cetera.

28 Donc, j'ai un peu du mal à comprendre comment les deux peuvent être

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1 acceptés.

2 M. JOSSE : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

4 M. JOSSE : [interprétation] Je pense que ce serait utile de montrer le

5 document au témoin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous ne l'avons pas ici,

7 Monsieur le Greffier, vous le trouverez -- peut-être imprimé -- c'est la

8 pièce P529, intercalaire 112.1. C'est un fichier point tif, vous le

9 trouverez peut-être dans votre ordinateur --

10 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

12 M. HARMON : [interprétation] On peut faire apparaître à l'écran la version

13 en B/C/S, si ceci peut vous nous aider.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on pourrait faire cela également,

15 Monsieur le Greffier, vous avez bien fait de ne pas tenir compte de ce que

16 j'ai dit au sujet de la version anglaise puisque, de toute façon, ceci

17 n'aiderait nullement le témoin à encore il peut lire l'anglais.

18 Monsieur le Témoin, voici sur quoi portait ma question : pouvez-vous

19 nous donner lecture de cette dernière phrase de

20 l'article 3 de la décision prise le 10 juin 1992 ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] "La Commission de guerre coopère avec les

22 autorités -- avec les organes de pouvoir afin de créer des conditions

23 permettant aux organes militaires."

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La dernière partie de la phrase --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est déjà l'article 4 : "Des unités dans

26 la défense du peuple serbe."

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, lorsque je vous ai demandé si

28 le fait de créer des conditions pour le travail des organes militaires

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1 intéressait la commission, vous avez dit "non", mais on voit que cela fait

2 partie intégrante de cette décision, donc, cette décision nous permet de

3 voir que ceci constituait bel et bien un parti de ces attributions, de

4 coopérer afin de réunir ces conditions.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis faire une observation : dans ma

6 première réponse, je vous ai très bien expliqué ce qui concernait votre

7 question. Lorsque je parle de "conditions de travail," je veux dire que les

8 membres des familles des combattants ne doivent pas souffrir de faim. Cela

9 veut dire aussi que, si un commandement veut s'installer dans une école

10 primaire, bien quelqu'un doit prendre cette décision. Cela veut dire réunir

11 les conditions.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais ma question suivante a été de

13 savoir si cela faisait partie officiellement des attributions de ces

14 commissions -- d'une telle commission; ou était-ce votre interprétation de

15 l'humanité ? Vous m'avez dit que ceci ne faisait pas partie des

16 attributions officielles. Puis, je vous ai demandé : si ceci ne devait pas

17 vous intéresser. Vous avez dit : effectivement et maintenant, je vous

18 montre qu'il s'agissait d'une attribution officielle, qu'il ne s'agissait

19 pas uniquement de préoccupations d'ordre humanitaire. Mais passons à autre

20 chose.

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. Est-ce que, Monsieur Poplasen, vous voulez faire un commentaire sur ce

23 que vient de dire le Président ?

24 R. Oui. Mon interprétation du mot "humanitaire" et les tâches que l'on

25 trouve ici, je pense que c'est un peu exagéré, à savoir si les gens doivent

26 mourir de faim ou pas. L'élimination de la faim, est-ce que c'est avoir un

27 -- prendre en compte tout aspect humanitaire ou est-ce que c'est la mise en

28 œuvre de l'article 3 ? Le problème c'est que la commission n'avait pas de

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1 tâches de guerre, n'avait pas d'attributions en matière de guerre, mais

2 quand il y a guerre, tout a trait à la guerre. La musique que l'on joue à

3 la radio peut être connectée à la guerre aussi parce que cela crée une

4 certaine attitude, une certaine humeur. Donc, on peut interpréter ceci ad

5 litem. Il n'est écrit nulle part que la commission a des attributions

6 militaires ou des tâches militaires. Si les autorités civiles doivent

7 émettre un document pour réquisitionner une école qui -- et la mettre à la

8 disposition de l'armée, plutôt que d'avoir l'armée la prendre de force, ici

9 ce n'est pas une tâche militaire en tant que tel. Il faut prendre d'autres

10 règlements. Il faut savoir comment l'armée va occuper le bâtiment. Combien

11 de temps elle va l'occuper. C'est comme cela que j'interprète les

12 conditions à mon avis, uniquement comme cela. Quand je dis qu'on avait

13 aucune compétence en matière militaire, je parle de la planification es

14 opérations militaires, des décisions sur la participation à une opération

15 militaire, sur la programmation de cette opération, sur l'approvisionnement

16 des armes, des munitions, à savoir, qui sera -- qui commandera l'unité, la

17 formation des unités, et cetera. Tout ceci, ce sont des affaires

18 militaires. Or, si un bâtiment doit être obtenu selon les besoins de vivre,

19 de sorte d'information, si cela ce sont les conditions qui permettent une

20 activité militaire, dans ce cas-là, on était en charge. Dans ce cas-là,

21 j'accepte ce qui a été dit.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, maintenant, nous avons compris,

23 Monsieur Poplasen.

24 Vous pouvez continuer, Monsieur Josse.

25 M. JOSSE : [interprétation]

26 Q. Est-ce que vous pourriez nous aider en nous disant combien de fois vous

27 êtes rendu à Vogosca au cours de votre mandat de commissaire ?

28 R. On pourrait dire que je n'effectuais pas bien ma mission parce que,

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1 comme je l'ai dit, j'utilisais la voiture et le carburant pour faire un

2 petit peu le tour de la république et pour établir des branches du Parti

3 républicain radical serbe. Je passais quelques jours à Vogosca, ensuite,

4 j'étais absent une semaine, deux semaines, trois semaines, et les autres

5 personnes le voyaient bien d'ailleurs ainsi que la direction civile. Bien

6 sûr, quand j'étais présent, si je remarquais quelque chose et que je

7 pensais qu'il fallait que j'intervienne, je le faisais. Mais on pourrait

8 dire que j'étais vraiment là par intermittence, mais je n'étais pas là très

9 souvent.

10 Q. Pendant votre -- quand vous étiez là, avez-vous à un moment ou à un

11 autre remarqué s'il y avait un endroit qui servait soit de -- pour détenir

12 ou pour rassembler des civils musulmans ?

13 R. Oui. Oui, dans la ville de Vogosca, enfin, à l'extérieur de la ville,

14 je suis allé prendre un café puis parlé rapidement dans un restaurant --

15 enfin, un café qui s'appelait Sonja ou Sanja. M. Vlace était là et il était

16 le garde. J'ai garé la voiture dans le parking juste devant le café enfin

17 et il y avait différentes personnes qui sortaient et qui rentraient. J'ai

18 vu qu'il y avait des soldats serbes et des gens qu'on pourrait appeler des

19 détenus ou des prisonniers, mais, enfin, ils étaient quand même assez

20 libres d'aller et venir. Il n'y avait pas de gardes armés qui gardaient le

21 bâtiment. Il n'y avait pas de gardes armés à l'intérieur non plus. Les

22 soldats étaient armés mais ils étaient armés avec un fusil -- enfin, leurs

23 armes étaient justement sur l'épaule et cela faisait partie de leur

24 paquetage, rien de plus. Alors, pendant que j'ai parlé avec cette personne,

25 je me suis rendu compte qu'il y avait des personnes que l'on envoyait pour

26 travailler et qui étaient visiblement en transit. Je ne sais pas où ils

27 étaient -- où ils devaient allés. Ils n'étaient pas obligés à rester dans

28 une pièce spéciale. Ils n'étaient pas gardés très étroitement. Ils étaient

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1 plus ou moins libres d'aller et venir. Alors, on a évoqué le problème de la

2 nourriture et des vivres. Je me suis dit que cela devait être certainement

3 être des Musulmans qui voulaient quitter Vogosca pour une raison ou pour

4 une autre et ils étaient là en transit, donc, j'ai quand même attiré

5 l'attention sur le problème des vivres, et on a pris des mesures en ce qui

6 concerne l'approvisionnement des vivres pour toute la ville, pour trouver

7 de nouvel approvisionnement pour la ville.

8 C'est ce que j'ai observé. J'ai eu l'impression que c'était une espèce de

9 centre de Détention et de prison puisque les gens étaient rassemblés là et

10 qu'ils étaient plus ou moins surveillés -- enfin, on ne les contrôlait pas

11 par les armes, cela dit. Du coup, j'ai écrit une lettre au ministre de la

12 Justice de la Republika Srpska où j'ai demandé expressément que cette

13 institution que je décrivais ainsi dans ma lettre soit démantelée. Enfin,

14 je ne sais plus très bien comment je me suis exprimé dans ma lettre. Enfin,

15 la lettre doit être quelque part, de toute façon, mais que cela devait être

16 intégré au sein du système judiciaire de la Republika Srpska. Ma

17 proposition était la suivante. Je pensais que cela devait être traité comme

18 étant une prison, une prison, cela devait être traité qui existait

19 auparavant dans la partie serbe de Sarajevo qui avait des règlements à des

20 effectifs qui avaient leurs bâtiments, et cetera. J'ai trouvé que ce centre

21 devait être réglementé de la même façon. J'ai envoyé une copie d'ailleurs

22 de ma lettre à M. Koljevic et j'ai envoyé la lettre originale au ministère

23 de la Justice et il me semble d'ailleurs que j'ai reçu une réponse. En tout

24 cas, il y a eu réponse à ma lettre.

25 Q. Cela signifie quoi pour vous : "Qu'il y a eu réponse de la part du

26 ministère de la Justice ?"

27 R. Là, ils ont pris les bonnes décisions, enfin, des décisions

28 appropriées, c'est-à-dire, ils ont donc intégré ce centre au sein du

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1 système carcéral de la Republika Srpska. Donc, en y appliquant donc, les

2 règles et les règlements normaux. Donc, je n'ai pas suivi tout cela en

3 détail parce qu'on était déjà en plein été 1992 et là commission a été

4 abolie à la fin de l'année 1992 et, ensuite, je n'ai plus rien eu à faire

5 avec les organes de la Republika Srpska. J'ai fait quelque chose de

6 complètement différent après.

7 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez montrer au témoin la

8 pièce P379 ? Ce serait, je suis sûr, le greffier va nous aider. Il serait

9 peut-être bon de le mettre sur le rétroprojecteur.

10 Je ne sais pas ce qui se passe. Le micro est constamment allumé.

11 Le micro de droite ne marche pas du tout et le micro de gauche semble

12 être allumé en permanence.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez qu'à utiliser celui

14 qui est allumé.

15 M. JOSSE : [interprétation] Non, non, je vous entends.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Josse.

17 M. JOSSE : [interprétation]

18 Q. Dans cette photo, vous voyez un bâtiment qui est sur cette photo, la

19 pièce P379. Est-ce que c'est l'endroit dont vous venez de nous parler ?

20 R. Non. Le bâtiment dont je vous ai parlé était, tout à fait, différent.

21 Il n'y avait pas de barrières qui l'entourait. Puis, cela ne ressemblait

22 pas absolument à cela. La forme était complètement différente.

23 Q. Mais ce bâtiment, est-ce qu'il vous rappelle quelque chose ? Est-ce que

24 vous l'avez déjà vu ? Est-ce que vous pouvez nous aider à l'identifier ?

25 R. Cela ne me rappelle rien. C'est un bâtiment très typique. Cela

26 représente, tout à fait, aux maisons construites par des émigrants qui sont

27 rentrés chez eux et qui ont construit des immenses bâtisses avec dix pièces

28 et qui ne les ont jamais habité d'ailleurs. Il y en a partout.

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1 Q. Merci.

2 M. JOSSE : [interprétation] J'ai fait référence à cette pièce. Je vais y

3 revenir bientôt et on va peut-être comprendre où je veux en venir.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait bien. Peut-être que j'ai raté

5 au passage le nom du responsable de la prison, du garde; avait-il un nom ?

6 Je l'ai raté.

7 M. JOSSE : [interprétation] Oui, oui. Le nom a été prononcé, en effet, mais

8 il a été mal écrit, je crois. C'est Brano Vlace,

9 V-l-a-c-e.

10 Q. C'est bien cela Monsieur Poplasen ?

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, vous pouvez continuer.

13 M. JOSSE : [interprétation]

14 Q. Le nom Ramiz Juzik vous évoque t-il quoique ce soit ?

15 R. Non. Je n'ai jamais entendu ce nom auparavant et je ne connais personne

16 appelée de la sorte. Je n'ai jamais rencontré des personnes ayant ce nom.

17 Je n'en ai jamais entendu parler d'ailleurs.

18 Q. A un moment quelconque, en 1992, vous vous êtes rendu à la caserne, à

19 Rajlovac -- de façon temporelle, à Rajlovac ?

20 R. Je crois que je comprends votre question. Au cours de l'année 1992, je

21 ne me suis jamais rendu à la caserne Rajlovac. Il n'y a aucune caserne

22 d'ailleurs. Je ne suis jamais entré dans aucune caserne. Aucun endroit où

23 les soldats sont logés, sont entraînés que ce soit Rajlovac ou ailleurs,

24 d'ailleurs.

25 Q. Or, dans ce prétoire, on sait qu'il est allégué que vous avec Mirko

26 Krajisnik et quelqu'un appelé Vlasko Apostolski se seraient rendus à cette

27 caserne, le 7 août 1992 et vous y avez un homme qui avait été passé à

28 tabac. Quand dites-vous de cette allégation ?

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1 R. Le nom Mirko Apolstolski ne me dit rien. Je ne connais pas cette

2 personne. Pour ce qui est Mirko Krajisnik, je l'ai rencontré plus tard. Je

3 ne crois que c'était en 1992 mais plutôt en 1993. Cette réunion était très

4 courte et quelqu'un me l'a présenté comme étant Momcilo Krajisnik -- Mirko

5 Krajisnik.

6 L'INTERPRÈTE : Le micro du témoin ne marche plus.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, des problèmes visiblement avec les

8 micros.

9 M. Josse, je tiens à attirer votre attention sur les faits suivants. Dans

10 le compte rendu, vous parlez d'un Vlasto Apostolski et le témoin a répondu

11 en parlant d'un Mirko Apostolski.

12 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je m'en suis rendu compte. Q. Donc,

13 soyons clairs, éclaircissons la chose. Est-ce que c'était Vlasto ou Mirko

14 Apostolski ?

15 R. Il faut que je me répète. Le nom de Vlasto Apostolski ne me rappelle

16 absolument rien, ne signifie rien pour moi.

17 Q. C'est bien. Vous nous avez aussi parlé de Mirko Krajisnik. Donc, est-il

18 vrai que vous seriez rendu à la caserne Rajlovac, que vous auriez vu un

19 homme qui avait été passé à tabac d'une façon assez sadique d'ailleurs, un

20 homme qui s'était fait passer à tabac.

21 R. Non, c'est une invention pure je n'ai pas vu cet homme. Je ne me suis

22 pas rendu à la caserne. Je ne connais pas cette personne Apostolski alors

23 que j'ai rencontré en effet Mirko Krajisnik, mais plus tard.

24 Q. Nous allons continuer, donc. Maintenant, voici sur lequel j'aimerais

25 que vous vous penchiez. Vous l'aviez évoqué au passage c'était la décision

26 d'établir le Parti radical serbe. Pourquoi, à votre avis, était-il

27 nécessaire de créer ce parti politique ?

28 R. Il m'est difficile de répondre à votre question à moins de 45 minutes.

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1 La première raison est la suivante : à mon avis, il fallait de pluralisme

2 au sein de la Republika Srpska parce que c'est vrai que le pouvoir du SDS,

3 c'est vrai qu'il y avait une guerre, mais cela me rappelait beaucoup du

4 parti unique qui régnait lors du système socialiste.

5 Deuxième raison, c'est en 1992, j'ai trouvé que le problème serbe n'avait

6 pas été résolu --

7 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que le micro du témoin s'éteint à nouveau.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il y a un problème avec le micro

9 puisque j'ai du mal à mettre mon micro en route. Je ne peux pas non

10 l'arrêter. Il y a un problème avec le contrôle des micros. Il faudrait que

11 les techniciens se penchent sur ce problème, pour voir si on peut quand

12 même continuer. On a encore dix minutes. Mais, si cela devient infaisable,

13 on verra. Pour l'instant, je vais garder mon micro ouvert. Peut-être si on

14 n'y touche plus, il se passera -- cela marchera. Mais, pour l'instant, il

15 faudrait s'assurer que le micro du témoin marche bien.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le micro marche.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai peur que ce soit moi qui sois la

18 source de tous ces problèmes. J'ai -- mon bloc note était sur le poste de

19 commandement des micros, donc, c'est pour cela. Maintenant, le problème est

20 résolu.

21 M. JOSSE : [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

24 Q. Monsieur Poplasen, vous avez donné la première raison pour laquelle

25 vous vouliez créer ce nouveau parti. Pouvez-vous reprendre la deuxième

26 raison, vous nous disiez qu'en 1992, le problème serbe n'était pas résolu ?

27 Pouvez-vous continuer, s'il vous plaît ?

28 R. En 1992, à mon avis, les circonstances en Bosnie-Herzégovine, dans les

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1 Balkans, et dans toute la zone d'ailleurs, la résolution du problème

2 national serbe allait prendre le temps, du temps, dizaines d'années, il y

3 avait d'autres problèmes qui restaient en suspens dans les Balkans. C'est

4 pour cela que j'étais sûr qu'il nous fallait avoir une orientation très

5 claire pour l'avenir. Il fallait une politique bien réfléchie parce que la

6 décennie suivante allait être une décennie de tension avec des conflits, et

7 les différents pays autour des Balkans allaient aussi exprimer leurs

8 propres intérêts aussi là je parle bien sûr de l'Allemagne et du Vatican.

9 La troisième raison, bien sûr, on en a déjà parlé, c'était le SDS, qui

10 avait formé un gouvernement légitime, qui avait donc gagné les élections,

11 avait un peu dévié de sa ligne originelle, on a déjà parlé d'ailleurs.

12 La quatrième raison, à mon avis, c'est que le Parti radical serbe à ce

13 moment-là en Yougoslavie, je ne parle pas de la Serbie ici, était le parti

14 qui avait vraiment le mieux formulé la politique et qu'il semblait

15 acceptable, et il s'agissait du Parti radical serbe avec son dirigeant,

16 Vojislav Seselj.

17 Ensuite, cinquième raison, moralement, je ne pouvais pas accepter de

18 laisser la Republika Srpska en voiture ou en bus et pour accepter une

19 position très confortable de maître de conférence ou quoi que ce soit.

20 Certes, on m'a offert ce type de poste à Belgrade. Je ne voulais pas

21 abandonner mon peuple et la communauté au sein de laquelle je vivais. Quand

22 on compile toutes ces raisons, c'est pour cela que j'ai œuvré au sein de la

23 Republika Srpska pour créer toutes les différentes branches du parti pour

24 en arriver à la session inaugurale du parti.

25 Début 1993, je travaillais pour l'université de Banja Luka, et le 20 mars

26 1993, il y a eu la session inaugurale du Parti radical serbe. A ce moment-

27 là, j'ai été élu président du parti, et d'ailleurs -- sur le nom-- on a vu

28 les noms des différents commissaires sur la liste, il y en a un qui a été

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1 nommé vice-président du parti et l'autre était secrétaire général du parti.

2 En plus de nos métiers, puisque je travaillais à l'université, on

3 travaillait aussi à développer le paragraphe du parti. On était un parti

4 d'opposition, donc, on était en position pour critiquer le Parti

5 démocratique serbe. Très souvent, d'ailleurs, on était très exagéré dans

6 nos critiques et ce pour des raisons de propagande.

7 Dès 1994, nous nous sommes rendus compte qu'on avait un soutien assez

8 important en tant que parti au sein de la Republika Srpska, et on a

9 commencé à exiger qu'il y soit des élections générales. Bon, c'est pour

10 cela que j'ai demandé à rencontrer M. Krajisnik qui était speaker de

11 l'assemblée. Je lui ai demandé de lui parler en tant que président de mon

12 parti, j'ai aussi demandé à rencontrer le président Karadzic. Certes, je

13 suis aussi allé le voir avec la délégation du Parti radical serbe.

14 La direction du Parti radical serbe, dont qui était déjà devenu un parti

15 parlementaire en Serbie, là, je fais référence, bien sûr, à celui qui était

16 dirigé par Vojislav Seselj, devait aussi s'y rendre, et je ferais partie de

17 la délégation puisque j'étais vice-président du parti. A l'époque, bien sûr,

18 notre siège était à Belgrade, c'était l'administration centrale du parti.

19 J'étais vice-président de ce parti central, et M. Vojislav Seselj en était

20 le président, mais j'étais aussi, en même temps, président du Parti radical

21 serbe de la Republika Srpska.

22 Il y avait un peu un jeu juridique, si on veut voir les choses ainsi. On

23 avait accepté la légitimité du Parti démocrate serbe, qui avait en

24 apparence, en tout cas, accepté de reconnaître la Bosnie-Herzégovine. Ce

25 n'est pas pour une décision, mais, à travers de sa conduite, on s'est bien

26 rendu compte et on avait ce Parti radical serbe, la Republika Srpska, mais

27 on n'était quand même indépendant puisqu'on n'avait pas de liens officiels

28 avec le parti de Seselj. Mais on avait une administration centrale et je

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1 faisais partie de cette administration centrale, donc, formellement et

2 officiellement, on était relié à l'administration. Cette administration, si

3 on avait été un parti venant d'un pays différent, on n'aurait pas eu le

4 droit de voter. C'est pour cela qu'on s'est enregistré officiellement à cet

5 endroit-là et à ce moment-là. On a fait pression pour qu'il y ait des

6 élections générales.

7 Le président Karadzic a fait quelques déclarations assez brutales

8 contre nous, contre notre parti, peut-être parce qu'on était assez

9 populaire, on avait un soutien populaire assez important. Mais c'était la

10 dynamique du mouvement qui faisait cela et le parti a pris de l'ampleur,

11 puis, les élections étaient sans cesse retardées. Dans nos communiqués de

12 presse, on critiquait sans cesse les mesures prises par le Parti démocrate

13 serbe. L'on visait les partis socialistes et le président Milosevic, entre

14 autres. Mais la majeure partie de nos critiques peuvent être trouvées

15 d'ailleurs dans les nombreuses déclarations que j'ai faites et dans les

16 nombreux livres que j'ai publiés qui contiennent certaines de mes

17 déclarations publiques que j'ai faites à l'époque, c'est-à-dire, entre 1992

18 et 1995. Il y a plusieurs livres qui traitent de ces événements. Il y avait

19 trois grands problèmes, trois grandes raisons pour lesquelles on critiquait

20 le Parti démocrate serbe et Belgrade, et j'en ai déjà mentionné quelques-

21 uns.

22 Q. Je vous arrête ici parce que j'allais justement vous en -- J'allais

23 vous poser une question là-dessus, à savoir, quelles étaient les raisons de

24 votre conflit avec le SDS ?

25 M. JOSSE : [interprétation] Mais je vois qu'il est tard et qu'on ne pourra

26 pas.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On reprendra cela demain.

28 Mais on va demander au témoin de sortir du prétoire, cela dit avant de ce

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1 faire, Monsieur Poplasen, je tiens à vous dire que vous ne devez parler à

2 personne de la déposition que vous venez de faire et de la déposition que

3 vous allez faire demain.

4 Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il vous plaît, sortir le témoin hors

5 du prétoire et on aimerait vous revoir demain --

6 M. JOSSE : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- demain après-midi, à partir de 14

8 heures 15. Merci.

9 [Le témoin se retire]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, pourriez-vous nous

11 dire à peu près combien de temps il vous faut pour en terminer avec votre

12 interrogatoire principal ?

13 M. JOSSE : [interprétation] Je pense qu'il me faudra encore une séance. Je

14 suis content que vous en ayez parlé en l'absence du témoin. Vous savez que

15 la Défense n'a plus d'autres témoins ici à La Haye --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. JOSSE : [interprétation] -- et vous allez devoir prendre une décision

18 sur ce qui va se passer vendredi. Mais je pense que la décision a déjà été

19 prise d'ailleurs.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois bien que la plupart des

21 réponses sont très détaillées, vont dans -- sont très détaillées, mais,

22 parfois, ne sont pas très pertinentes en l'espèce. Il est très difficile de

23 prévoir maintenant, à savoir quelle est l'importance du conflit éventuel

24 que ce parti pourrait -- il y aurait pu y avoir une autre partie puisqu'on

25 n'est pas ici vraiment pour entendre quelle était la position politique du

26 parti du témoin. On pourrait peut-être nous éclairer quand même.

27 M. JOSSE : [interprétation] Je --

28 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

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1 M. JOSSE : [interprétation] -- je vais vous dire ce que je pense. Je pense

2 que l'Accusation va vouloir demander au témoin ce qu'il avait contre le

3 SDS, et j'aimerais bien en parler avant. Je sais qu'il va être contre-

4 interrogé là-dessus. C'est un problème de fond à mon avis et ce témoin est

5 un critique et connu pour avoir critiqué violemment le SDS et avoir

6 critiqué ce qu'ils ont fait en 1992. Donc je pense que c'est quand même

7 assez pertinent.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, c'est difficile si on ne

9 sait pas ce qu'il a critiqué. Il est difficile aux Juges d'avoir une

10 opinion a priori, de toute façon on ne veut pas avoir d'opinion a priori

11 avant d'avoir entendu le témoin bien sûr. Mais c'est vous qui savez

12 exactement quelle est la pertinence de ces critiques. J'ai remarqué quand

13 même que le témoin a tendance à parler longuement --

14 M. JOSSE : [interprétation] Oui, il --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et j'hésite à l'interrompre et vous

16 demander quelle sorte de questions que vous alliez lui poser exactement.

17 M. JOSSE : [interprétation] De toute façon, pour ce qui est de ce témoin,

18 il a vraiment tendance à anticiper un peu sur mes questions et à en parler

19 lors de ses réponses, mais je pense que ce qu'il dit, il y a peu de choses

20 qui soient vraiment superflues dans ce qu'il dit.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, de toute manière, on va voir et on

22 va essayer de rendre son -- de traiter son interrogatoire de façon plus

23 efficace possible.

24 Monsieur Harmon, je sais bien que l'Accusation est dans une situation

25 difficile ici, mais pensez-vous que vous aurez le temps de faire votre

26 contre-interrogatoire une fois que M. Josse en aura fini avec

27 l'interrogatoire principal ?

28 M. HARMON : [interprétation] Oui, on pourra commencer le contre-

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1 interrogatoire demain.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, on reprendra

3 demain à 14 heures 15. Merci.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi 9 mars 2006,

5 à 14 heures 15.

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