Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 5 avril 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, après avoir demandé à

7 M. le Greffier de citer l'affaire, vous aurez la possibilité de reprendre

8 immédiatement votre contre-interrogatoire.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

10 donc de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

12 Monsieur Kecmanovic, je tiens à vous rappeler que vous êtes encore tenu par

13 la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre déposition.

14 Monsieur Tieger, vous avez la parole.

15 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 LE TÉMOIN : NENAD KECMANOVIC : [Reprise]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 Contre-interrogatoire par M. Tieger : [Suite]

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kecmanovic. Hier, nous avons parlé

20 des conversations que vous avez eues avec les membres de la direction des

21 Serbes de Bosnie portant sur différents sujets, y compris Sarajevo, entre

22 autres. Il y a eu une discussion avec la Chambre et avec M. Stewart à

23 propos de ce qui était les actes autorisés, les actes non autorisés, à

24 savoir, ce que vous compreniez par ce concept, et si vous étiez au courant

25 de ce type de chose. Au cours de cette discussion, vous avez expliqué, ceci

26 se trouve à la page 35 du compte rendu LiveNote, pour le bénéfice du

27 conseil et des Juges, que l'artillerie musulmane avait tiré sur les

28 quartiers serbes, et l'inverse aussi avait eu lieu, et que les tirs

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1 d'artillerie, souvent, visaient des zones et des quartiers très peuplés.

2 Professeur Kecmanovic, ce n'est pas tout à fait un résumé très précis de ce

3 qui s'est passé à Sarajevo, ce que vous saviez, en tout cas, n'est-ce pas ?

4 R. En effet.

5 Q. En fait, les forces serbes avaient une artillerie supérieure et ont

6 totalement détruit le centre de la ville ainsi que les quartiers anciens de

7 la ville.

8 R. Quand j'ai dit auparavant que je n'avais pas donné un résumé total,

9 c'était autre chose. J'avais dit -- j'ai oublié quelque chose. Les

10 Musulmans, les forces musulmanes, ont aussi ouvert le feu et tiré aussi sur

11 leurs propres camps. Ils ont visé leurs propres camps. Le général MacKenzie

12 était le premier officiel international à nous avertir et à avertir les

13 gens de cela. Ceux d'entre nous qui habitaient en ville, comme moi, nous le

14 savions. Nous avions des informations là-dessus.

15 Q. C'est absolument faux, et vous le savez très bien. Le général MacKenzie

16 a bien dit dans son livre et dans ses interviews, aussi, il a tout clarifié

17 pour que l'on sache bien que les forces musulmanes bosniennes n'étaient pas

18 responsables de ces atrocités. Vous le savez.

19 R. Je n'ai pas le document avec moi, mais j'étais à Sarajevo. J'étais

20 encore à Sarajevo quand le général MacKenzie a fait une déclaration dans ce

21 sens. C'était quelque chose qui a été publié par les médias de Sarajevo. Je

22 n'ai pas lu le livre de MacKenzie. Je ne sais pas ce qui est écrit dans ce

23 livre, mais je sais qu'il y a une déclaration à cet effet. Malheureusement,

24 je n'ai pas les journaux avec moi pour le prouver aujourd'hui, pour prouver

25 ce que j'avance.

26 Q. Mais c'est facile, il suffit d'aller sur internet et de vérifier ce qui

27 est écrit dans le livre de MacKenzie. Il sait très bien que les forces

28 musulmanes de Bosnie n'étaient pas responsables pour les massacres comme le

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1 massacre pour le pain, enfin. Il dit qu'il est absolument certain de ce

2 qu'il avance.

3 R. Je continue à maintenir qu'il y a une déclaration qui va dans le sens

4 de ce que j'ai dit, et la preuve indirecte existe aussi. Il y a eu des

5 réactions extrêmement animées des différents forums officiels côté musulman

6 après cette déclaration que M. le général MacKenzie a faite. En

7 conséquence, le général MacKenzie est resté quelqu'un qui n'est pas très

8 aimé dans la Sarajevo musulmane, justement à cause de cette déclaration.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je puis intervenir, j'ai l'impression

10 que lors des questions et des réponses, on mélange un peu les choses.

11 Hier, M. Kecmanovic nous a dit que des quartiers très peuplés avaient

12 été ciblés par des tirs d'artillerie et que c'était arrivé des deux côtés,

13 en fait, de la part des deux camps. Or, hier, dans les questions et les

14 réponses, je n'ai pas eu l'impression qu'il s'agissait d'un rapport fait

15 par le témoin sur l'équilibre entre les deux camps, à savoir, s'il y avait

16 supériorité d'artillerie disponible pour l'une des parties ou pour l'autre.

17 Il nous parlait juste de ce que les gens de la ville avaient vécu, donc je

18 pense qu'il y a deux choses là. Même avec des capacités d'artillerie assez

19 faibles, on peut très bien cibler des civils. Quand on a énormément de

20 puissance de feu, on sait aussi éviter de cibler les civils, enfin, de tuer

21 des civils ou de tirer sur des civils, parce qu'on ne devra pas parler de

22 viser.

23 Ici, il s'agit de deux choses différentes. Maintenant, on a un

24 troisième point qui entre en ligne de compte, à savoir si, avec beaucoup ou

25 peu d'artillerie, il y a une raison de croire que les Musulmans ou les

26 Serbes, d'ailleurs, tireraient ou viseraient, si on peut dire, leurs

27 propres camps, les personnes qui sont sur leurs propres territoires. Il

28 s'agit là de trois points tout à fait différents et très distincts, donc

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1 dans vos questions, s'il vous plaît, il faut bien les séparer aussi. Sinon,

2 on n'aura que des réponses qui seront extrêmement confuses.

3 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je pense

4 que --

5 Q. Monsieur --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis parler --

7 Q. Monsieur le Professeur, un moment, s'il vous plaît.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis ajouter quelque chose pour ce qui

9 est de l'interprétation, surtout, je n'ai pas dit que les forces musulmanes

10 ou les forces serbes avaient visé des cibles civiles. Tout ce que j'ai dit,

11 c'est quand on parlait de quartiers très peuplés, bien -- quel mot à

12 utiliser ? Je vais employer un mot qui a été utilisé plus tard, après les

13 bombardements de l'OTAN, et je vais donc vous parler qu'il y a eu des

14 dégâts collatéraux. Voilà. L'objectif et la cible étaient militaires, mais

15 --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, c'est exactement

17 pour cela que j'ai dit qu'il ne fallait pas que l'on parle de "viser" et de

18 "cible", parce que je dis plutôt que l'on tire sur des endroits et qu'il y

19 a parfois des dégâts collatéraux. Il ne faut pas parler, donc, de cible --

20 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- j'ai corrigé de moi-même.

22 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

23 M. TIEGER : [interprétation]

24 Q. Au cours de vos réponses ce matin, vous avez commencé à nous donner un

25 peu d'informations supplémentaires sur les détails que vous voulez fournir

26 à la Cour, à la Chambre, en ce qui concerne ce qui est arrivé à Sarajevo.

27 Si j'ai bien compris votre position, vous voulez que la Chambre comprenne

28 bien qu'il y avait des tirs échangés de façon très équitable, si je puis

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1 dire, entre les forces musulmanes et les forces serbes. Ils tiraient chacun

2 sur les territoires qui étaient détenus par le côté opposé.

3 R. Je tiens à vous dire une chose que j'ai encore omise. J'ai répondu à

4 votre question. Vous m'avez demandé si les choses se sont passées comme

5 cela, c'est pour cela que je vous ai donné l'explication supplémentaire. Ce

6 n'était pas mon initiative. Mais je me souviens très bien, au début de la

7 guerre --

8 Q. Veuillez répondre, s'il vous plaît. Si vous êtes en train de répondre à

9 une question en faisant référence au début de la guerre, je pense, en effet,

10 que la Chambre voudra vous entendre, mais j'aimerais quand même que vous

11 répondiez à ma propre question, d'abord avec un oui ou un non. S'il y a

12 besoin d'explications supplémentaires, vous pouvez, bien sûr, poursuivre.

13 Mais vous ne pouvez pas éviter de répondre à ma question en faisant

14 référence immédiatement à un autre sujet qui vous intéresse plus. Ce n'est

15 pas ce que nous recherchons ici.

16 Voici ma question : vous voulez que la Chambre comprenne bien qu'il y avait

17 des tirs qui étaient échangés par les Serbes et par les Musulmans sur des

18 portions de la ville qui étaient détenues par le camp opposé, et que ces

19 échanges étaient assez identiques d'un côté comme de l'autre; oui ou non ?

20 R. Je ne peux pas vous répondre par oui ou par non, c'est pour cela qu'il

21 faut que je vous explique exactement ce qui s'est passé en quelques mots.

22 Les civils, dont je faisais partie d'ailleurs, vous savez, à l'époque,

23 parce qu'il y avait des tirs, quand on entendait des détonations et des

24 explosions, on rentrait chez nous, on allait dans les maisons, puis on

25 entendait uniquement les explosions. On n'avait pas l'occasion d'aller voir

26 ce qui tombait, d'où cela venait, et cetera. Le problème de la population

27 civile, c'est qu'on n'arrivait pas à faire la différence entre ce que les

28 soldats appelaient les détonations ascendantes, et les détonations

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1 descendantes. Alors pour l'homme de la rue, une explosion, une détonation,

2 c'est identique, quel que soit son type --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai l'impression que vous voulez

4 nous dire que vous ne savez pas, en fait; vous l'expliquez en disant que

5 vous étiez des civils, et qu'en tant que civils, vous ne pouviez savoir

6 exactement ce qui se passait. C'est une réponse tout à fait correcte. Donc,

7 vous avez commencé à nous répondre, mais vous avez commencé par dire : "Je

8 ne peux pas vous dire," donc, peut-être, commencez déjà par répondre en

9 nous disant exactement si vous savez, oui ou non, et ensuite, vous pouvez

10 vous expliquer.

11 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

12 M. TIEGER : [interprétation]

13 Q. Est-il correct ou incorrect de dire, Professeur Kecmanovic, que les

14 Serbes avaient une artillerie supérieure, une capacité d'artillerie

15 supérieure, et que les Serbes ont totalement détruit le centre-ville ainsi

16 que les parties anciennes de la ville ?

17 R. Je vais reprendre ce que je disais auparavant, et vous verrez. La

18 conséquence des pilonnages côté serbe, c'est quelque chose que j'ai pu voir,

19 alors que les conséquences du pilonnage des forces musulmanes sur les

20 forces serbes, je ne l'ai pas vu. L'impression, c'est que j'ai l'impression

21 que, bien sûr, le côté serbe avait une puissance de feu supérieure, puisque

22 j'ai vu le résultat de leurs tirs. Pour ce qui est des résultats des tirs

23 musulmans, là, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le voir. C'est la

24 réponse que vous attendiez ?

25 Q. Non, ce n'est pas tout à fait la réponse que j'attendais, mais basé sur

26 ce que vous avez vu, sur ce que vous avez entendu, sur les discussions que

27 vous avez eues avec des officiels que vous avez rencontrés, basé sur tout

28 ce que vous avez su par la suite aussi, est-ce que vous n'en êtes pas

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1 arrivé à la conclusion que le camp serbe avait une puissance de feu

2 supérieure, avait une capacité d'artillerie supérieure, et que de ce fait,

3 le côté serbe a donc totalement détruit le centre et les quartiers anciens

4 de la ville ? Pourquoi ne pas le dire à la Chambre ?

5 R. Mais c'est justement ce que je veux vous dire. J'ai vu les résultats de

6 tout cela, j'ai vu les résultats de cela. Je n'ai pas vu les résultats, en

7 revanche, des tirs des forces musulmanes --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter pour la raison

9 suivante. Monsieur Tieger, vous avez déjà incorporé deux questions dans une

10 même question. Vous demandez au témoin une question sur la supériorité de

11 puissance de feu, à savoir, s'ils ont une artillerie plus sophistiquée, en

12 plus grande quantité, et vous, immédiatement, reliez cette question à une

13 autre qui est de savoir si cette puissance de feu a bel et bien été

14 utilisée pour totalement détruire le centre-ville.

15 Monsieur Kecmanovic, vous n'avez qu'à répondre à la deuxième partie

16 de la question, oubliez la première. La première question, c'était : est-ce

17 que suite à ce que vous avez entendu, ce que vous avez vu, ce à quoi vous

18 avez assisté, est-ce que vous pouvez nous dire si les Serbes avaient une

19 puissance de feu supérieure aux Musulmans ? Cela, c'est la première

20 question.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais avoir déjà répondu à cette question,

22 mais j'ai dû me tromper. Tout ce que j'ai vu, c'est la puissance de feu des

23 Serbes; la puissance de feu des Musulmans, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai

24 pas contrôlée, je n'en sais rien, puisque je n'ai pas vu les résultats de

25 cette puissance de feu.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous limitez vos observations aux

27 conséquences de cette artillerie une fois qu'elle a été utilisée, mais la

28 question est quand même bien plus large. On vous demande suite à ce que

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1 vous avez entendu, ce que vous avez su, est-ce que vous êtes d'opinion de

2 dire que les Serbes avaient une puissance de feu bien supérieure à l'autre

3 camp ? C'est tout ce qu'on vous demande. Je vous demande de ne pas penser

4 du tout à l'utilisation de cette puissance de feu, mais on parle là de

5 capacité de feu, de pièces d'artilleries, et cetera. Est-ce que vous en

6 avez appris quoi que ce soit ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Si c'est une question très concrète sur le

8 nombre de pièces d'artillerie et des munitions, et cetera, là, je n'en sais

9 rien. Bien que j'étais membre de la présidence, je n'avais aucune idée de

10 ce qu'on avait en termes de capacité sur mon camp, alors sur l'autre camp,

11 je n'en savais encore moins. Je ne pouvais me faire une idée qu'en tirant

12 des conclusions à partir des conséquences de cette puissance de feu.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais M. Tieger vous a posé aussi la

14 question de savoir si par la suite vous avez appris quoi que ce soit sur

15 l'équilibre des forces.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, après, une fois que je suis parti à

17 Belgrade, si c'est ce que vous voulez dire. Une fois que je me suis

18 retrouvé à Belgrade après avoir quitté Sarajevo, là, j'ai entendu beaucoup

19 d'informations très différentes. Pendant toute cette période, d'ailleurs,

20 jusqu'à maintenant, j'essaie de m'informer de façon parallèle en essayant

21 de trouver des sources à Banja Luka, à Sarajevo, à Belgrade, et cetera. Il

22 est très difficile d'en arriver à se faire une idée bien précise sur ce qui

23 s'est vraiment passé. Plus le temps passe, plus les informations sont

24 contradictoires, tout dépend de la source dont elles émanent. Pour ce qui

25 est des sources internationales, là, peut-être, la situation serait plus

26 claire.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tieger nous suggère que les Serbes

28 avaient une puissance de feu supérieure. Si vous avez en tête une source

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1 qui serait sérieuse, puisque vous nous dites que vous vous informez un peu

2 de tous côtés, si vous avez des rapports très sérieux - je ne parle pas, là,

3 de discours électoraux ou de ce genre de chose, mais des rapports vraiment

4 sérieux qui sembleraient déclarer que c'était les Musulmans qui, lors du

5 conflit à Sarajevo, avaient la puissance de feu supérieure - je pense que M.

6 Tieger aimerait beaucoup avoir accès à ce document.

7 Alors Monsieur Tieger, vous pouvez continuer, et vraiment, faites

8 attention à vos questions pour qu'elles soient très claires.

9 J'interviendrai quand ce sera nécessaire.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais quand même prendre la parole.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On n'est pas ici pour se lancer dans un

12 grand débat. Il faudrait plutôt peut-être donner la parole à M. Tieger afin

13 qu'il vous pose sa prochaine question et que l'on puisse poursuivre le

14 contre-interrogatoire.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais j'aimerais quand même prendre la

16 parole pour vous illustrer un petit peu le manque de clarté de la situation.

17 Si je suis les sources qui viennent de Sarajevo --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, on entendra cela, peut-être, à la

19 fin de votre témoignage. Je comprends bien qu'il y a des choses que vous

20 voulez nous dire maintenant, mais ce n'est pas le moment, on n'est pas ici

21 pour faire un débat politique, vous êtes ici pour répondre à des questions.

22 M. TIEGER : [interprétation]

23 Q. Professeur Kecmanovic, ce n'est pas la première fois que vous témoignez

24 devant ce Tribunal et ce n'est pas la première fois non plus que vous

25 fournissez des informations à ce Tribunal, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous nous avez fourni des rapports d'expert dans deux affaires, Kvocka

28 et Simic, n'est-ce pas, et vous avez témoigné dans l'affaire Simic ?

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1 R. Non, je n'ai pas témoigné. J'ai été entendu comme témoin expert à

2 plusieurs reprises. Quelquefois, j'ai simplement fourni des éléments par

3 écrit, je n'ai pas été cité à la barre. Je crois que j'ai été cité à la

4 barre une fois seulement. J'ai eu l'occasion de défendre, si je puis

5 utiliser ce terme, mon rapport d'expert. C'est la première fois que je suis

6 cité en tant que témoin.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce ce que vous vouliez dire ? Vous

8 avez parlé d'audition de témoin une seule fois.

9 Monsieur Kecmanovic, si vous aviez écouté attentivement la question qui

10 vous a été posée par M. Tieger, il vous a dit que vous avez fourni deux

11 rapports dans deux affaires et que vous avez témoigné dans l'une d'entre

12 elles. Si vous nous dites que vous avez témoigné une seule fois, ceci

13 n'était pas nécessaire, car ceci faisait déjà partie de la question posée

14 par M. Tieger.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que l'interprétation n'était pas

16 exacte. J'ai dit que j'ai témoigné -- je n'ai pas témoigné, je défendais ou

17 présentais mon expertise oralement.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais répéter la question, inutile d'y

19 répondre. La question : vous avez fourni des rapports d'experts dans

20 l'affaire Kvocka et dans l'affaire Simic, et vous avez témoigné dans

21 l'affaire Simic.

22 Telle était la question, donc vous auriez pu simplement répondre par

23 oui. S'il y a un problème d'interprétation, cela se voit et cela prend du

24 temps.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ma réponse est non. Je n'ai pas déposé en

26 tant que témoin; je suis un expert. Je n'ai pas témoigné en tant que

27 témoin. J'ai présenté mon expertise, mes conclusions d'expert.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est une question technique

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1 linguistique, puisque nous utilisons ce terme de "témoignage".

2 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Dans les deux cas, il y a eu participation de représentants de la

4 municipalité, de personnalités politiques, que ce soit des représentants de

5 la république ou non; est-ce exact ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Dans votre rapport dans l'affaire Simic, nous pouvons le trouver à

8 l'intercalaire numéro 3, dans l'affaire Kvocka, cela se trouve à

9 l'intercalaire numéro 3. Vous avez dit à la page 29 du texte anglais et à

10 la page 48 du texte en B/C/S. Tout en haut de la page 49, vous avez dit que

11 : "L'artillerie supérieure serbe a eu le dessus sur la partie ancienne et

12 centrale de la ville," vous entendez par là la ville de Sarajevo; est-ce

13 exact ?

14 R. Je vous demande de bien vouloir répéter ce que vous avez dit, s'il vous

15 plaît, l'extrait en question.

16 Q. En bas de la page 48, le haut de la page 49 ?

17 R. Oui.

18 Q. Monsieur Le Professeur, est-il exact de dire que les forces serbes ont

19 pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des collines

20 voisines ?

21 R. Vous citez une phrase du texte; si tel est le cas, veuillez nous dire

22 de quel passage il s'agit.

23 Q. Vous avez besoin de savoir si c'est quelque chose que vous avez déjà

24 dit pour pouvoir répondre ?

25 R. Non, je n'ai pas besoin de me reporter au texte, mais je me

26 retrouverais plus facilement si je savais que c'était moi, car ceci s'est

27 passé il y a un certain nombre d'années --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, M. Tieger vous a

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1 d'abord demandé si la description qu'il vous a donnée était exacte.

2 Réfléchissez-y, estimez et dites-nous si oui ou non, ceci est exact. Comme

3 cela s'est déjà passé par le passé, vous dites que cela n'est pas exact, à

4 ce moment-là, M. Tieger peut vous soumettre des textes qui viennent de

5 vous. Nous ne sommes pas ici pour vous entendre vérifier vos propres dires

6 ou ce que vous avez dit dans vos rapports à l'époque, nous sommes ici pour

7 vous entendre et entendre votre déposition. Ici, vous n'êtes pas devant

8 cette Chambre en tant qu'expert, mais en tant que témoin.

9 Dites-nous, s'il vous plaît, s'il est exact de dire que les forces

10 serbes ont pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des

11 collines voisines.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, les choses étaient ainsi, c'est la

13 raison pour laquelle j'ai insisté entre la différence entre la déposition

14 d'expert et la déposition tout court. Je n'ai pas parlé sous serment

15 lorsque j'ai présenté mes conclusions d'expert. J'ai parlé en tant

16 qu'expert. Aujourd'hui, en tant que témoin, je fais très attention de ne

17 pas parler de choses que je ne peux pas confirmer ou étayer.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, peut-être que vous

19 pourriez nous donner -- peut-être que M. Tieger pourrait vous poser cette

20 question : avez-vous des raisons de croire que -- ensuite, vous pourriez

21 nous citer vos sources. Je comprends bien, je comprends à juste titre que

22 vous fassiez la différence entre vos propres observations et ce que vous

23 avez appris d'autres sources. Je comprends bien. Dans la première partie de

24 votre réponse, vous dites que d'après vos propres observations, vous ne

25 pourriez pas nous dire, d'après votre précédente réponse; mais ceci, il

26 peut s'y ajouter d'autres sources, et vous pouvez donc répondre à cette

27 question et dire si cette déclaration est exacte ou non.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle sous serment aujourd'hui, et je fais

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1 très attention lorsque je donne mon sentiment. Lorsque l'Accusation me dit

2 qu'un côté ou l'autre était plus fort, je ne sais pas quelle partie était

3 plus forte et quel côté était plus faible. Lorsque l'on parle sous serment,

4 ceci a un poids, et je n'ai pas le niveau d'information ou de connaissances

5 nécessaires pour décider si c'est un côté ou un autre.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons parler du sujet suivant.

7 Ceci a été vérifié. En tant qu'expert, vous avez adopté une certaine

8 position, alors que vous dites que vous ne pouvez pas le dire sous serment;

9 c'est exact. La question suivante était de savoir si les forces serbes ont

10 pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des collines

11 voisines; est-ce exact ? Est-ce une déclaration exacte, oui ou non ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, tout ce que je puis dire, c'est ceci

13 : c'est le sentiment que j'avais, le sentiment que j'avais, j'étais un

14 homme qui vivait à Sarajevo, mais ce n'est pas quelque chose que je peux

15 déclarer ici sous serment.

16 M. TIEGER : [interprétation]

17 Q. Professeur Kecmanovic, j'ai indiqué précédemment, et bien sûr au fil

18 des questions qui vous ont été posées par Me Stewart et par les Juges de la

19 Chambre, je crois que quelquefois on vous pose une question sur un

20 événement bien particulier et les souvenirs que vous avez de ces événements

21 bien particuliers. On tente de recueillir votre sentiment, quelquefois on

22 vous demande ce que vous saviez à la lumière de ce que vous avez vu,

23 entendu dire au cours de différentes conversations ou par tout autre moyen,

24 ce que vous avez pu glaner comme informations, compte tenu de vos activités

25 et de l'expérience que vous aviez avant, pendant, et après le conflit.

26 Donc, je vous demande ce que vous saviez, vous, Nenad Kecmanovic, ce que

27 vous saviez à partir des discussions, à partir de ce que vous avez pu

28 entendre dans les médias et à partir de vos échanges avec les dirigeants de

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1 deux côtés, et tout le reste.

2 R. A titre d'exemple du problème qui est le mien lorsque je dois répondre

3 à votre question, la deuxième partie de cette phrase porte sur l'armement

4 de plus en plus important des forces musulmanes, je ne savais pas quel type

5 d'armes, quelle quantité d'armes arrivaient du côté musulman. La seule

6 chose que j'avais, c'était le sentiment qu'il y avait un mouvement dans ce

7 sens-là, que les forces musulmanes s'armaient de plus en plus. Il y avait

8 cet homme qui était la tête de l'armée, mais c'était un système collégial,

9 et nous avons les faits et les chiffres. Sous serment, je peux vous dire

10 que c'est exact.

11 Q. C'est exactement la question que je vous posais.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous demande de donner votre

13 impression. Ensuite, nous allons peut-être vous demander sur quoi ces

14 impressions sont fondées.

15 M. TIEGER : [interprétation]

16 Q. Monsieur le Professeur, ceci n'est pas très compliqué. Vous avez dans

17 votre déposition parlé de ce qui est arrivé à Sarajevo. Il s'agit ici de

18 l'expérience des hommes et de la manière dont vous avez compris ces

19 événements. Vous avez été informé ou vous avez pris connaissance de tout

20 ceci grâce à un certain nombre de facteurs, parce que dans votre

21 déposition, précédemment, je vous ai demandé de faire la clarté là-dessus,

22 sur comment vous aviez compris les choses. C'est à propos de cela que je

23 vous parle ce matin. C'est la question que je vous pose maintenant.

24 Comme vous l'avez indiqué précédemment, j'avais l'impression que d'après

25 votre témoignage précédent, vous vouliez que la Chambre comprenne qu'il y

26 avait un échange de coups de feu des deux côtés et que cet échange était de

27 part de d'autre égal. Je conteste ce que vous avez dit là. Vous dites que

28 vous saviez mieux, que vous saviez bien, vous saviez mieux, et qu'il faut

Page 22495

1 donner à la Chambre une description exacte de ce qu'il s'est réellement

2 passé à Sarajevo.

3 R. Je ne conteste pas vos affirmations que l'artillerie serbe avait la

4 supériorité par rapport aux Musulmans -- ou plutôt, par rapport à

5 l'artillerie de Bosnie-Herzégovine. Si c'est comme cela que vous avez

6 compris ce que j'ai dit, alors vous m'avez mal compris. Je ne suis pas en

7 train de contester cela du tout, mais moi-même, je ne peux pas prétendre

8 sous serment qu'il y avait une supériorité, parce que je n'ai aucun élément

9 d'information sur la quantité d'armes, le type d'armes qui étaient à leur

10 disposition de part de d'autre.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, personne ne vous

12 demande de citer des chiffres statistiques. D'après vos observations et

13 d'après les quantités de pièces d'artillerie, M. Tieger vous a demandé si

14 c'est exact de dire que l'artillerie serbe avait la supériorité, d'après

15 votre dernière réponse. Plutôt que d'en reparler toutes les 15 minutes,

16 vous auriez simplement pu dire : le sentiment que j'avais, je n'avais

17 aucune raison de contester cela. Mais nous savons que d'après réponse, vous

18 n'avez pas, évidemment, procédé à l'inspection de chaque pièce

19 d'artillerie, et qu'on ne vous a pas demandé de l'inspecter, d'inspecter

20 les registres, non plus, sur qui a acheté des pièces d'artillerie, et

21 cetera. Essayons de poursuivre sur cette base-là. Comme M. Tieger a dit, il

22 vous a demandé quel était votre sentiment; vrai ou faux ? Je crois qu'il ne

23 faut pas jouer des jeux sémantiques, ici; dans ce cas-là, ce sera un

24 véritable témoignage.

25 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

26 M. TIEGER : [interprétation]

27 Q. Je --

28 R. Je crois que je peux vous donner une réponse précise, le type de

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1 réponse que vous vouliez entendre. J'avais des impressions, bien que je

2 sois ici comme témoin sous serment, je ne suis pas un analyste, et la

3 réponse que je vais vous donner est celle-ci : j'avais le sentiment -

4 faites attention à ce que je vais dire - qu'ils avaient la supériorité, car

5 voyez-vous, j'étais du côté qui pouvait constater les conséquences de cette

6 artillerie. J'étais moi-même dans un tel environnement --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous en tenir à vos propres

8 observations, alors que la question qui vous a été posée a été posée dans

9 un sens beaucoup plus large.

10 Monsieur Tieger, vous pouvez poser la question. Je vais prêter attention et

11 m'assurer que ceci ne devienne pas un débat, mais que nous entendions ici

12 un témoignage.

13 M. TIEGER : [interprétation]

14 Q. N'est-il pas exact de dire et n'avez-vous pas dit précédemment que les

15 forces serbes ont pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir

16 des collines voisines ?

17 R. Oui, c'est le sentiment que j'avais.

18 Q. Vous avez parlé de groupes mis en minorité, de votes à la majorité,

19 dans votre témoignage précédent, et je crois que vous avez parlé de

20 supériorité numérique des Musulmans et des Serbes dans un contexte

21 politique. N'est-il pas exact de dire, Monsieur le Professeur, que d'après

22 vous, alors que les Musulmans et les Croates n'hésitaient pas à utiliser

23 leur avantage numérique dans un contexte politique, en revanche, la partie

24 serbe n'a pas hésité à utiliser son avantage numérique en termes d'armes

25 lourdes en temps de guerre ?

26 R. Oui.

27 Q. En conséquence, au mois d'août, on pouvait dire que la République serbe

28 était une entité définie au plan territorial avec une population homogène,

Page 22497

1 dont l'origine ethnique homogène avait été imposée par la force ?

2 R. Pardonnez-moi, mais quelle est votre question ?

3 Q. Qu'au mois d'août 1992, la République serbe était une entité définie au

4 plan territorial dont la population homogène avait été définie par la

5 force ?

6 R. Votre question est de savoir si cela est exact ? Quelle est votre

7 question ?

8 Q. C'est cela.

9 R. C'est quelque chose -- nous parlons bien évidemment d'un texte que j'ai

10 écrit moi-même. J'ai l'impression que vous citez à partir de quelque chose

11 que j'ai écrit moi-même. Tout d'abord, ceci n'était pas dû à quelque chose

12 que j'ai vécu personnellement.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, je souhaite être

14 très clair. Que M. Tieger vous cite ou ne vous cite pas ou les raisons pour

15 lesquelles vous avez écrit ceci ou cela importent peu. Il est important que

16 vous répondiez à la question. Est-il vrai qu'à partir du mois d'août 1992,

17 la République serbe était une entité définie au plan territorial par une

18 population ethniquement homogène et imposée par la force ? Telle est sa

19 question. Vous allez nous dire si c'est exact ou pas. Vous pouvez dire oui

20 ou non. Il est inutile de vous pencher sur tout ce que vous avez écrit,

21 répondez tout simplement à la question. N'entrez pas dans le débat, parce

22 que nous ne voulons pas nous pencher là-dessus dans votre déposition.

23 Veuillez poursuivre. Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux confirmer cela, à l'exception du

25 dernier passage où il est dit que ceci a été appliqué par la force.

26 M. TIEGER : [interprétation]

27 Q. Très bien. Souhaitez-vous que je vous montre une interview où vous avez

28 dit exactement cela ? Veuillez-vous vous reporter à l'intercalaire numéro

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1 14, s'il vous plaît.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous

3 souhaitez verser au dossier le rapport de M. Kecmanovic ? Deuxième question

4 : est-ce que vous souhaitez le verser au dossier dans son intégralité, car

5 à ce moment-là, il nous faudrait avoir un numéro de cote. Peut-être pas

6 l'ensemble du rapport.

7 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas l'ensemble du rapport, simplement le

8 passage ou les passages --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que les parties ne tombent

10 d'accord sur certaines phrases que vous avez prononcées ou de citations de

11 ce rapport. A ce moment-là, nous n'aurons pas besoin d'avoir l'ensemble du

12 rapport.

13 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, si Me Josse est d'accord, peut

14 confirmer cela et nous dire qu'il s'agit de rapports précis et exacts --

15 M. JOSSE : [interprétation] Ecoutez, je ne suis pas du tout d'accord avec

16 cela. J'ai noté cela et je souhaite en parler avec mon client pendant la

17 pause --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais, à ce moment-là, attribuer un

19 numéro.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1149.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Intercalaire numéro 14. L'intercalaire

22 suivant ?

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1150.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

25 Monsieur Tieger, je crois que le témoin attend votre question.

26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'entends bien, Monsieur le Président. Un

27 instant, s'il vous plaît. Pardonnez-moi, j'aurais dû demander au témoin de

28 se reporter à l'intercalaire numéro 16, et aux Juges de la Chambre de se

Page 22499

1 reporter à l'intercalaire numéro 16. Ici, la partie qui m'intéresse, c'est

2 le quatrième paragraphe --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, le numéro 1150 serait

4 attribué à l'intercalaire numéro 16, il s'agit également d'un entretien,

5 mais qui est daté du 25 août, plutôt que du 28.

6 M. TIEGER : [interprétation]

7 Q. Ici, Professeur Kecmanovic, à l'intercalaire numéro 16, c'est une

8 interview du journal Tanjug de Belgrade, en avril -- non, c'est le 25 août

9 1992, qui déclare : "La 'Bosnie' musulmane, 'l'Herceg-Bosnia' croate et la

10 République serbe sont des entités définies au plan territorial, et

11 comportent une population ethniquement homogène obtenue par la force."

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire où exactement.

13 M. TIEGER : [interprétation] Le quatrième paragraphe, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le quatrième.

16 M. TIEGER : [interprétation]

17 Q. Monsieur le Professeur, vous avez dit au journal Tanjug de Belgrade,

18 vous avez dit ceci; est-ce exact ?

19 R. Au paragraphe 4, je peux confirmer ceci dans son ensemble, mais ceci a

20 été dit un peu différemment à la manière dont je vous ai entendu me relire

21 cet extrait.

22 Q. Monsieur le Professeur, je souhaite savoir si, à ce moment-là, vous

23 avez dit au journal Tanjug de Belgrade, en substance, que --

24 R. Nous parlons de --

25 Q. Nous allons maintenant parler de la République serbe pour l'instant,

26 qu'on déplaçait les non-Serbes par la force, autrement dit, qu'ils étaient

27 chassés de chez eux par la force. N'est-ce pas l'idée que vous avez essayé

28 de faire passer ici ?

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1 R. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir répéter ce que vous venez de

2 dire ? Je n'ai pas compris.

3 Q. N'avez-vous pas, au mois d'août 1992, dit au journal Tanjug de Belgrade

4 que parmi les territoires réclamés par -- sous le contrôle de la République

5 serbe, les non-Serbes seraient chassés par la force ?

6 R. Non. Ce que je voulais dire, c'est précisément ce qui est dit dans ces

7 quatre phrases, ici, ce qui est quelque peu plus complexe.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que le témoin devrait

9 s'expliquer, Monsieur Tieger.

10 Veuillez nous expliquer cela, s'il vous plaît.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je lire ces quatre lignes, s'il vous

12 plaît ? "La 'Bosnie' musulmane, 'l'Herceg-Bosnia' croate et la République

13 serbe sont des entités définies au plan territorial et comportent une

14 population ethniquement homogène obtenue par la force. Après plusieurs mois

15 d'horreur et de guerre civile, de haine et de peur, il semble que leur seul

16 désir soit d'être séparé de façon provisoire pour l'instant."

17 M. TIEGER : [interprétation]

18 Q. Monsieur le Professeur, ne faisiez-vous pas référence à une conquête,

19 essentiellement ? Vous faisiez particulièrement référence, ici, à la

20 République serbe, n'est-ce pas, et aux forces serbes, conquête faite par

21 les forces serbes ?

22 R. Je parlais à la fois du côté serbe, du côté bosniaque et de la partie

23 croate, et des conquêtes faites par ces trois parties.

24 Q. N'est-il pas exact que les conquêtes du côté serbe ont provoqué les

25 plus grandes souffrances humaines et les dégâts les plus importants sur le

26 plan matériel ?

27 R. Oui, si vous me permettez d'expliquer ceci, s'il vous plaît.

28 Q. Oui, bien sûr.

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1 R. Dans la mesure où le territoire de la Bosnie-Herzégovine tout entière,

2 et cela est montré par les rapports, puisque vous m'avez encouragé à parler

3 et comme je suis sous serment --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, s'il vous plaît,

5 abstenez-vous de faire des commentaires concernant le comportement de M.

6 Tieger, d'accord ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer --

9 M. TIEGER : [interprétation]

10 Q. Monsieur Kecmanovic, je ne vais pas vous priver de l'opportunité de

11 présenter des explications dans la mesure du nécessaire pour ce qui est de

12 la réponse affirmative que vous avez apportée à la question que j'ai posée

13 concernant les conquêtes de la part du côté serbe qui se sont soldées par

14 de grandes souffrances humaines et de grandes destructions matérielles.

15 Alors si vous voulez vous arrêter à cela, j'aimerais que vous nous

16 confirmiez si c'est bien ce que vous avez dit dans votre rapport dans

17 l'affaire Kvocka ?

18 R. Oui.

19 Q. Et --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, lorsque je vous ai

21 dit de ne pas commenter le comportement de M. Tieger, je n'ai pas eu

22 l'intention de vous empêcher d'apporter les explications que vous vouliez,

23 mais je voulais que vous le fassiez sans commenter le comportement de M.

24 Tieger. Donnez-nous votre explication.

25 M. TIEGER : [interprétation]

26 Q. Aux fins d'avoir une explication raisonnable --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger --

28 M. TIEGER : [interprétation] Vous avez raison. Mes excuses.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- j'ai demandé à M. Kecmanovic de nous

2 apporter ses explications.

3 Veuillez le faire.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse si je vous crée des difficultés

5 dans le déroulement du procès, mais je n'ai pas l'habitude d'apporter des

6 réponses brèves et concises. Je m'en excuse, ce n'était pas mon intention

7 que de vous créer des difficultés.

8 Si au départ j'ai dit que l'armée serbe avait eu la prédominance, il

9 est logique d'entendre que c'est elle qui a eu le plus d'activités

10 militaires et qu'elle a généré le plus de destruction matérielle. Cela se

11 trouve à être logique. Ceux qui sont plus forts, ceux qui l'emportent ont

12 plus d'opérations, et leurs actions ont plus d'effets, de résultats sur le

13 champ de bataille. C'est ce que je voulais apporter comme explication.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je ne suis pas tout à

15 fait votre logique.

16 Monsieur Tieger, veuillez continuer avec vos questions.

17 M. TIEGER : [interprétation]

18 Q. Aux fins de tirer au clair ce que l'on entendait par "conquête", je

19 dirais que dans le rapport présenté en cette affaire appelée Kvocka, vous

20 avez fourni un exemple de conquêtes de ce type et vous avez cité cet

21 exemple de Prijedor, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez expliqué qu'à Prijedor et à Sanski Most, les Serbes sous la

24 direction de la cellule de Crise ont pris le pouvoir -- je vais me corriger

25 quelque peu, sous la direction de la cellule de Crise du SDS, n'est-ce pas

26 ?

27 R. Je ne peux pas être certain de cela parce qu'une partie de l'expertise,

28 pour ce qui est du dossier en question concernant les conditions et

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1 circonstances locales, a fait que j'ai dû consulter des personnes de là-

2 bas, et ils m'ont fait des déclarations. C'est la raison pour laquelle j'ai

3 rédigé certaines parties de texte. Donc, il serait important pour moi et il

4 m'aiderait grandement que de voir les parties de texte auxquelles vous vous

5 référez, si tant est que cela ne vous pose pas de problème.

6 Q. Ce n'est pas du tout un problème, Monsieur. Je puis vous dire que cela

7 se trouve à la page 4 de la deuxième partie du rapport Kvocka. Je précise

8 qu'il s'agit de l'intercalaire numéro 3. Mais je voulais vous donner

9 lecture de cette partie, et on verra si cela vous rappelle quoi que ce

10 soit.

11 Comme je l'ai dit --

12 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, il faut que le témoin

13 ait le temps de retrouver le passage et il faut qu'il puisse suivre le

14 passage en question.

15 M. TIEGER : [interprétation]

16 Q. Cela ne me pose pas de problème, mais le témoin a dit que cela

17 l'aiderait de lui rafraîchir la mémoire en citant les passages pertinents -

18 -

19 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais je crois que M. Tieger n'a pas vu que

20 le témoin avait jeté un regard vers l'huissière pour demander de l'aide aux

21 fins de retrouver le passage.

22 M. TIEGER : [interprétation] Pas de problème du tout.

23 M. JOSSE : [interprétation] Je n'avais pas d'autre idée à l'esprit.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement.

25 Monsieur Tieger, j'aimerais que vous aidiez les Juges de la Chambre.

26 Intercalaire 3, avez-vous dit ?

27 M. TIEGER : [interprétation] Intercalaire 3, page 5 de la partie du bout.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

Page 22505

1 M. TIEGER : [interprétation]

2 Q. Nous allons parcourir cela rapidement, Monsieur Kecmanovic, une fois

3 que vous l'aurez retrouvé. Penchez-vous sur la fin de l'intercalaire. Vous

4 verrez la dernière page, page numéro 5 de votre version à vous.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai l'impression que nous avons quand

6 même un problème. Je demanderais à l'Huissière de bien vouloir nous venir

7 en aide.

8 M. TIEGER : [interprétation]

9 Q. Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Professeur, nous allons parcourir

10 ce passage rapidement pour que vous puissiez suivre. "A Prijedor et à

11 Sanski Most, il y a eu un coup d'Etat en douce, parce que le pouvoir a été

12 pris par les Serbes sous la direction des cellules de Crise du SDS."

13 Ensuite, on fournit des explications pour dire qu'il y a eu un événement où

14 il a été tué deux policiers serbes. Puis, on dit --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, j'ai toujours des

16 difficultés à retrouver.

17 M. TIEGER : [interprétation] Page 5, six ou sept lignes vers le bas, où on

18 parle de Prijedor et de Sanski Most.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous ne l'avons toujours pas

20 retrouvé.

21 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il ne l'a pas

22 trouvé non plus.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, cela se trouve à l'intercalaire

24 3, Monsieur Tieger. Nous avons deux fois --

25 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais c'est la deuxième partie --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'avais pas compris ce que vous

27 entendiez par "deuxième partie".

28 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse.

Page 22506

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous l'avons trouvé.

2 M. TIEGER : [interprétation]

3 Q. Je ne vais pas donner lecture une fois de plus de cette première

4 phrase, Professeur, mais comme je l'ai dit plus loin, il est question des

5 deux policiers serbes qui ont été tués, et ensuite on dit : "Il y a eu des

6 représailles terribles qui ont suivi de la part des forces serbes de police

7 et des militaires, qui ont fait que la population musulmane a été chassée,

8 non pas seulement de ce village-là, mais des villages environnants, avec

9 mises à feu de leurs maisons. Cela fait que tous les Musulmans qui sont en

10 âge de combattre ont été emmenés en détention, et leurs familles

11 respectives ont été chassées de leurs maisons, qui ont été incendiées."

12 Au paragraphe suivant, vous parlez d'Omarska et de Keraterm. Vers le

13 milieu de ce paragraphe, vous donnez une description et vous indiquez que

14 c'étaient des endroits de traitements inhumains où il a été commis des

15 crimes de guerre à l'égard d'individus et de groupes de détenus.

16 Monsieur le Professeur, d'après ce que vous nous avez dit, cette partie-là

17 du rapport se fonde sur une étude que vous avez effectuée avec d'autres

18 experts qui ont disposé d'informations sur ce qui s'était produit au niveau

19 local. La raison pour laquelle j'ai attiré votre attention sur cet élément-

20 là, c'est la nécessité de vous voir nous confirmer que, parmi les conquêtes

21 dont vous avez parlé tout à l'heure, ceci constitue l'un des exemples de ce

22 que vous avez déjà avancé, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Professeur, je voudrais que nous passions à d'autres points, compte

25 tenu du temps qui passe. Lorsqu'il est question de l'entretien ou de la

26 réunion qui s'est tenue à l'hôtel Terme en avril 1992, vous avez dit dans

27 votre témoignage que vous et M. Pejanovic aviez rencontré M. Krajisnik et

28 le Dr Karadzic. Tout simplement, votre idée était celle de vous procurer

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1 des informations sur la situation. Je me réfère notamment au passage de la

2 ligne 22356 du compte rendu d'audience, n'est-ce pas, Monsieur ?

3 R. Si je puis ?

4 Q. Monsieur, je --

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Non, non. C'est le témoignage que vous avez fait, enfin, la déclaration

7 que vous avez faite ici, dans le prétoire, il y a quelque temps. C'est de

8 cela que je parle --

9 R. Oui, je comprends.

10 Q. Parlons maintenant de cette réunion-là. Je crois que vous nous avez

11 précisé que votre objectif était celui de vous procurer des informations

12 sur la situation, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Il ne s'agissait pas seulement d'information pour être rien qu'informé

15 par curiosité, mais c'était là une situation qui prêtait à préoccupation,

16 la situation était grave, n'est-ce pas ?

17 R. C'est l'un et l'autre. J'ai été curieux sur un plan professionnel parce

18 que j'étais à la tête d'un parti et j'entretenais des contacts réguliers

19 avec tous les partis politiques pertinents à l'époque.

20 Q. Mais la finalité principale de cette réunion, la raison principale de

21 la tenue de celle-ci, c'était la réponse ou la réaction à ce que vous avez

22 décrit comme étant une situation prêtant à inquiétude, situation des plus

23 graves, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Probablement avez-vous espéré que vous trouveriez une façon quelconque

26 de surmonter le problème, pour trouver une solution à la situation, à la

27 crise, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, on pourrait le formuler ainsi.

Page 22508

1 Q. Il me semble que vous avez déjà dit dans votre témoignage que la seule

2 issue de cette réunion ou la seule chose qui s'est passée à cette réunion,

3 c'est que tout le monde est tombé d'accord sur le fait de dire que la

4 situation était grave. Tout le monde a exprimé une forte inquiétude, mais

5 rien de très significatif n'y a été dit. Est-ce que c'est ainsi que vous

6 avez gardé en mémoire cette réunion ?

7 R. Cela a été l'une des tentatives nombreuses de ce genre que j'ai

8 décrites hier et avant-hier, qui n'a pas porté de fruit, pas de fruit

9 concret.

10 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, personne n'avait une idée

11 pratique concernant la façon de surmonter la crise, d'y trouver une

12 solution ?

13 R. Je vais répéter que mon impression a été que tous, de toutes parts,

14 avaient voulu résoudre le problème politiquement, mais personne en réalité

15 ne trouvait de bonne réponse ou de bonne solution.

16 Q. Bien, je pense que s'agissant des données historiques, il convient de

17 dire qu'aucune solution n'a été trouvée avant le début des conflits. La

18 question qui se pose est celle de savoir s'il y a eu des propositions

19 concrètes, pour ce qui est d'essayer de trouver une solution au conflit qui

20 était sur le point d'éclater. Il ne s'agissait pas seulement d'exprimer des

21 préoccupations ou une inquiétude et de tomber d'accord sur le fait de dire

22 que la situation était très grave.

23 R. Cela était la première des réunions qui a été mentionnée à l'occasion

24 des débats de ces trois jours. La situation n'avait pas été aussi

25 dramatique que cela a été le cas ultérieurement pendant la guerre. Mais

26 comme je l'ai décrit, on avait l'impression que l'une est l'autre partie

27 étaient sur le point de tomber d'accord, de trouver une solution, mais cela

28 n'a quand même pas porté de fruit.

Page 22509

1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient au témoin de se rapprocher du

2 micro.

3 M. TIEGER : [interprétation]

4 Q. Fort bien. Je vais donc considérer qu'il s'agit là d'une réponse à ma

5 question qui a été celle de dire qu'il n'y a pas eu de proposition concrète

6 concernant la façon de surmonter le conflit et de trouver les solutions ?

7 R. Ce que je puis dire, c'est qu'il y a sans cesse eu un problème présent

8 concernant la façon dont on pourrait réorganiser la Bosnie. Il y a toujours

9 eu une mise en minorité systématique au Parlement, qui, à mon avis, a causé

10 la guerre. On a constamment eu à l'ordre du jour une médiation de la part

11 de Cutileiro avec des solutions proposées à tour de rôle, mais s'agissant

12 de propositions ou de négociations concrètes à l'occasion de cette réunion-

13 là, non, ce n'est pas ce que je pourrais dire.

14 Q. Bien. Je vais vous montrer une partie du discours tenu par le Dr

15 Karadzic en date du 12 mai 1992, discours fait devant l'assemblée des

16 Serbes de Bosnie à l'occasion de la 16e Session de celle-ci.

17 Je ne sais pas ce que vous avez devant vous et le nombre de pages que

18 vous avez devant vous, mais la partie que je vous demanderais de consulter

19 se trouve en page 0084722 [comme interprété]. Comme vous pouvez le voir,

20 tout au haut de cette page-là, le Dr Karadzic parle "…des conflits à

21 Sarajevo, où le peuple serbe ne permettra pas qu'une ville qui s'est

22 construite par les efforts conjoints de toutes les ethnies, il y ait quoi

23 que ce soit de fait au détriment de la partie serbe…". Il dit qu'on ne

24 permettra pas que cette ville-là soit écartée de la partie serbe. Il

25 voulait que la police serbe assume des responsabilités vis-à-vis de la

26 partie serbe de la ville et que la partie musulmane assure des

27 responsabilités vis-à-vis de la partie musulmane sans qu'il y ait combat.

28 Il continue en disant : "Tout ceci aurait pu se faire de façon pacifique."

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1 Alors là, le Dr Karadzic nous dit, Monsieur le Professeur, en

2 procédant à une rétrospective relative aux événements passés, que le

3 partage de Sarajevo aurait pu se faire sans qu'il y ait des combats. En

4 d'autres termes, le Dr Karadzic indique que c'est ce que lui avait souhaité

5 ainsi que la direction des Serbes de Bosnie. Mais le Dr Karadzic et M.

6 Krajisnik n'ont pas mentionné une chose de ce genre à cette réunion,

7 lorsque tout le monde avait exprimé sa préoccupation au sujet de la gravité

8 de la situation ?

9 R. Je ne m'en souviens pas. Il m'est difficile de me souvenir avec toute

10 la précision nécessaire de cela, parce que cela s'est passé il y a très

11 longtemps. Chose plus importante encore. Ces sujets ont toujours été sur le

12 tapis, comme je vous l'ai déjà dit, les cartes de partage. Entre autres,

13 j'ai été de ceux qui avaient également dressé des cartes avec Izetbegovic

14 et autres. Dans la quatrième solution que j'ai mentionnée et que je n'ai

15 pas détaillée, il y avait une idée de partage de Sarajevo. Je précise que

16 le centre-ville, au sens restreint du terme, où il y avait les institutions

17 des trois parties, il fallait que ce district-là devienne extraterritorial.

18 Alors par conséquent, je ne sais pas si à cette réunion il a été question

19 de points concrets à ce sujet. Je ne peux pas le confirmer. Je ne peux pas

20 non plus le nier, parce que c'était là un sujet qui était sur le tapis

21 constamment. Mais en tout état de cause, il n'a pas été question de quelque

22 chose de bien précis ou de spécifique qui serait susceptible de rester

23 gravé dans ma mémoire.

24 Q. Comme vous nous l'avez dit lors de votre témoignage quelques semaines

25 plus tard à l'occasion d'une réunion avec M. Izetbegovic, M. Krajisnik a

26 proposé de façon concrète un partage de Sarajevo et vous nous précisé

27 quelles étaient les démarches que vous aviez faites en réponse à cela. Si

28 je me souviens bien de ce que vous nous avez dit dans votre témoignage, M.

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1 Krajisnik avait proposé un partage provisoire de Sarajevo, n'est-ce pas ?

2 R. Non seulement il avait proposé un partage provisoire, mais j'ai des

3 souvenirs qui reviennent. Si on s'entretenait plus longtemps à ce sujet, je

4 me rappellerais probablement d'autres particularités. Je me souviens même

5 qu'il avait dit que ce n'était pas là son souhait à lui, mais qu'il y avait

6 des pressions exercées du côté de la population serbe en raison des

7 conflits déjà en cours disant qu'il fallait faire quelque chose de ce

8 genre, et que lui estimait cela comme étant provisoire. Je pense l'avoir

9 dit hier ou avant-hier, il était certain que M. Izetbegovic, indépendamment

10 de son âge, finirait par vivre assez longtemps pour voir les choses revenir

11 à la situation de départ.

12 Il avait donc proposé un partage de principe, et il a demandé l'opinion

13 d'Izetbegovic, ce dernier étant tombé d'accord sur la nécessité d'avoir

14 recours à une solution provisoire. Donc, il a laissé Izetbegovic proposer

15 des solutions concrètes, et on m'a confié à moi le soin de formuler ces

16 propositions concrètes ou ces solutions concrètes.

17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes redemandent à ce que le témoin se rapproche

18 de son micro.

19 Q. Peut-être serait-il utile de voir de quelle façon M. Krajisnik fournit

20 la présentation de ce partage potentiel de Sarajevo à l'occasion d'une

21 interview qu'il a eue avec la BBC ? Je crois que cela se trouve à

22 l'intercalaire 23, si je ne m'abuse.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est déjà versé au dossier. Dois-je

24 supposer que le PV que vous avez montré tout à l'heure au témoin était la

25 pièce P65, intercalaire 127 --

26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- Oui. Alors, il s'agit d'extraits de

28 la 16e Session de l'assemblée.

Page 22512

1 M. TIEGER : [interprétation]

2 Q. Dans votre version, Monsieur le Professeur Kecmanovic, cela se trouve

3 tout à fait en bas de la page 3.

4 M. TIEGER : [interprétation] Messieurs les Juges, cela se trouve au haut de

5 la page 4 en version anglaise.

6 M. JOSSE : [interprétation] Mon confrère vient de dire intercalaire 23,

7 n'est-ce pas ? Parce que là, je suis en train de consulter le mauvais

8 classeur, parce que là, il y a une conversation avec M. Tintor.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tintor.

10 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

11 M. TIEGER : [interprétation] Alors cela doit être l'intercalaire d'après.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'on a un intercalaire

13 après celui-ci ?

14 M. JOSSE : [interprétation] Non.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

16 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé. J'aurais dû vous le

17 communiquer, parce que c'est une pièce complémentaire.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois qu'on avait montré cela --

19 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- au Témoin D9, si ma mémoire ne me

21 fait pas défaut.

22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, justement.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela date de mi-novembre.

24 M. JOSSE : [interprétation] Cela a été versé au dossier, j'en suis assez

25 certain.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et je suis assez certain du fait

27 qu'il s'agissait du témoin D9 --

28 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P853, Monsieur le

Page 22513

1 Président.

2 Q. Alors, dans cette partie-là de l'interview - M. Krajisnik et la Défense

3 me corrigeront si je me trompe - il est question de la période qui a

4 précédé le départ de la direction serbe vers Pale. Dans la page que je vous

5 ai indiquée, il est dit : "Nous avons toujours eu à l'esprit le partage de

6 Sarajevo, à savoir que les Serbes devraient avoir leur partie à eux, et les

7 Musulmans, la leur. Cela n'a pas été un secret. Nous avons considéré que

8 Sarajevo aurait dû être partagé en deux villes jumelles. Donc, le meilleur

9 des scénarios possibles serait de faire en sorte que les régions

10 périphériques de Sarajevo appartiennent aux Serbes et que le centre

11 devienne musulman."

12 Lorsque M. Krajisnik dit que ceci n'est pas un secret ou il n'est pas un

13 secret que de dire que les Serbes de Bosnie ont toujours eu à l'esprit le

14 partage de Sarajevo pour en faire une partie musulmane et une partie serbe,

15 dites-nous si cela avait constitué un secret pour vous ?

16 R. S'il n'y avait pas eu cette dernière phrase que vous venez de citer, je

17 serais porté à croire qu'il s'agissait de quelque chose de diamétralement

18 opposé à ce que M. Krajisnik avait dit à l'occasion de cette réunion avec

19 M. Izetbegovic. Mais lorsqu'il a parlé des banlieues qui devaient revenir

20 aux Serbes et le centre, aux Musulmans, je vous dirais que M. Krajisnik

21 avait décrit la situation de fait, telle qu'elle se présentait avant la

22 guerre, à l'époque du régime communiste. Tout simplement, cela avait été la

23 structure territoriale et ethnique que l'on avait en présence à l'époque,

24 pour ce qui est de la ville de Sarajevo. Je suppose que la chose vous a été

25 dite. Cette partie ancienne de la ville qui s'appelle Bascarsija, depuis

26 que je suis en vie, il y a toujours eu une prédominance de la population

27 musulmane. Je ne sais pas historiquement comment cela s'est produit, mais

28 il y a eu une concentration très nette de la population musulmane. Bien

Page 22514

1 entendu, il n'était interdit à personne de venir acheter un appartement là.

2 Il y avait donc un petit nombre de Serbes et de Croates qui habitaient là,

3 mais historiquement parlant, c'était une partie de la ville qui appartenait

4 à des commerçants serbes et, surtout, à des commerçants juifs. Mais depuis

5 que j'en ai le souvenir, il y a eu une majorité musulmane, là.

6 Dans les cités autour de la ville, d'après mes souvenirs d'enfance, il y

7 avait prédominance de Serbes. Donc, de ce point de vue là, cela n'avait pas

8 eu constitué une intervention ou une modification quelconque. Cela n'avait

9 constitué qu'une légalisation de la situation réelle, et il ne s'agissait

10 pas d'une contradiction percée. Les différentes personnes avaient des

11 opinions qui variaient, et là c'est une question qui est tout à fait

12 différente. Ce n'est pas ce que vous avez posé comme question.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur Kecmanovic,

14 si vous dites : "Vous ne m'avez pas posé cette question," dites-nous ce que

15 M. Tieger vous a posé comme question ? Parce que ne vous a-t-il pas demandé

16 que pour vous à l'époque, cela avait ou pas constitué un secret, que de

17 voir M. Krajisnik à avoir envisagé ce partage ? De là à dire que c'était

18 logique ou que ce serait contraire à la situation ethnique, alors vous nous

19 faites un discours, mais vous ne nous répondez pas aux questions. Je vous

20 le redemande une fois de plus de prêter une oreille attentive aux questions

21 qu'on vous pose. De là, à savoir, la question est celle de savoir si à

22 l'époque c'était un secret pour vous ou pas que de savoir si Krajisnik

23 avait envisagé ce partage ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas vous dire à quoi avait

25 pensé et ce qu'avait envisagé M. Krajisnik en personne à l'époque. Cela je

26 ne le sais pas.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela dit, vous n'avez pas hésité à

28 nous expliquer en détail ce que voulait dire

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1 M. Krajisnik quand il a émis ces mots. Dans votre déposition, vous n'avez

2 qu'à regarder, vous avez dit : "M. Krajisnik décrivait la situation

3 factuelle, la situation qui prévalait," et cetera. Vous n'hésitez pas à

4 interpréter ses propos, et sans qu'on vous le demande d'ailleurs.

5 Maintenant, vous nous répondez à notre nouvelle question en disant vous ne

6 pouvez absolument pas répondre pour nous dire ce que M. Krajisnik avait à

7 l'esprit car vous ne savez pas si c'était un secret, oui ou non.

8 Monsieur Kecmanovic, personne dans cette Chambre ne s'attend à ce qu'une

9 division de Sarajevo soit faite de la façon à ce que les Serbes puissent

10 contrôler des zones musulmanes ou les Musulmans contrôlaient des zones

11 peuplées par des Serbes. Cette explication logique, nous l'avons déjà

12 entendue de nombreuses fois sur Sarajevo. On vous a posé une question pour

13 savoir si vous ne -- si ce que

14 M. Krajisnik avait à l'esprit en ce qui concernait la région de Sarajevo

15 était un secret pour vous, oui ou non. C'est tout ce qu'on vous a demandé ?

16 Votre réponse c'est bien que vous -- c'était resté un secret ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

20 M. TIEGER : [interprétation]

21 Q. Au cours des discussions sur le plan Cutileiro, et lorsque vous avez

22 regardé le document qui se trouve à l'intercalaire 9, il était clair que la

23 division ethnique de la Bosnie était à l'esprit de la communauté

24 internationale et des différentes parties en présence depuis très longtemps,

25 n'est-ce pas ?

26 R. Veuillez reprendre la question ?

27 Q. Le problème de la division ethnique, les efforts pour diviser la

28 Bosnie-Herzégovine selon les lignes ethniques, c'était le centre des

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1 discussions Cutileiro, et c'était aussi quelque chose que débattaient les

2 parties et la communauté internationale depuis des semaines bien avant

3 cette conversation qui a eu lieu entre

4 M. Krajisnik et M. Izetbegovic; c'est bien vrai ?

5 R. Oui.

6 Q. Nous avons regardé, il y a quelques jours, les comptes rendus de ces

7 réunions, de ces discussions, et cette Chambre a aussi vu d'autres moyens

8 de preuve portant sur les sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie,

9 tout cela pour dire que la position des Serbes de Bosnie était selon ces

10 rapports donc, selon toutes ces preuves, était donc qu'ils ne pouvaient pas

11 vivre avec les Musulmans. Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

12 R. Non, pas à ce moment-là. Je peux m'expliquer.

13 Q. Vous dites que vous en avez eu connaissance par la suite, mais pas à ce

14 moment-là ?

15 R. Oui, c'est cela.

16 Q. Pendant que vous étiez impliqué dans les discussions Cutileiro, vous

17 n'avez jamais entendu le moindre dirigeant des Serbes de Bosnie ou le

18 moindre représentant des Serbes de Bosnie exprimer ce concept avant qu'il y

19 ait cette réunion entre M. Krajisnik et

20 M. Izetbegovic; c'est ce que vous nous dites ?

21 R. Il se peut que des individus aient dit ce genre de chose. Je ne peux

22 pas le confirmer ou l'affirmer. Je ne peux pas exclure la possibilité qu'il

23 y avait en effet des gens, des personnes qui exprimaient ce point de vue à

24 l'époque.

25 Q. Mais vous saviez que les Serbes de Bosnie recherchaient une division

26 ethnique de la Bosnie-Herzégovine, division du territoire en trois zones;

27 l'une contrôlé par les Serbes, l'autre les Croates, et le troisième par les

28 Musulmans ?

Page 22517

1 R. A partir du moment ou -- après le référendum où il y a eu minorité,

2 mise en minorité, à partir de ce moment-là cette idée a commencé à être

3 envisagée comme étant le meilleur compromis qui permettrait de satisfaire

4 plus ou moins toutes les parties.

5 Q. [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, encore une fois, la

7 question était la suivante : Que recherchaient les Serbes de Bosnie ? Si

8 vous aviez d'abord répondu à la question, et vous auriez pu dire, ensuite -

9 - vous auriez pu préciser votre propos, mais il faut d'abord répondre à la

10 question.

11 M. TIEGER : [interprétation]

12 Q. Voulez-vous répéter la question ? Je la répète. Voici la question :

13 Vous saviez, n'est-ce pas, que les Serbes de Bosnie recherchaient une

14 division de la Bosnie-Herzégovine selon des lignes ethnique, c'est-à-dire,

15 une division en trois parties; avec une partie serbe, une partie croate, et

16 une partie musulmane.

17 R. Oui, bien sûr, j'étais au courant.

18 Q. Et -- mais votre témoignage --

19 R. Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît ? Permettez-moi de

20 rajouter quelque chose.

21 Q. Je ne sais vraiment pas pourquoi vous voulez ajouter quoi que ce soit.

22 Enfin, allez-y.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Kecmanovic.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un point qu'on ne pouvait pas ignorer,

25 parce que c'était sur toutes les lèvres. Tout le monde en parlait. J'ai

26 fait partie de la commission Cutileiro, et c'est pour cela que la question

27 n'est pas assez précise. J'aimerais savoir ce que vous avez précisément en

28 tête quand vous posez cette question. J'aimerais exactement savoir où vous

Page 22518

1 voulez en venir, et je pense que cela nous permettrait peut-être de mieux

2 nous comprendre.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, peut-être que pour une

4 meilleure compréhension mutuelle, une petite pause s'impose, 25 minutes

5 peut-être ? Monsieur Kecmanovic, nous allons lever la séance pour une pause

6 et nous reprendrons à 11 heures 05.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 40.

8 --- L'audience est reprise à 11 heures 11.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous avez la parole.

10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Monsieur Kecmanovic, revenons-en à l'un des derniers points dont vous

12 avez parlé lors de votre interrogatoire principal avec

13 M. Stewart, il s'agit de l'extrait du livre écrit par M. Glenny.

14 M. TIEGER : [interprétation] Il serait peut-être utile que le témoin puisse

15 avoir le texte sous les yeux.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'une pièce de la Défense.

17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas encore de traduction. C'est

19 cela, Monsieur Tieger ?

20 M. TIEGER : [interprétation] En effet.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez que le témoin prenne

22 connaissance d'un certain passage, vous pourriez peut-être le lire

23 lentement pour que cela soit traduit pour le témoin et pour

24 M. Krajisnik.

25 M. TIEGER : [interprétation]

26 Q. Tout d'abord, Monsieur Kecmanovic, il faut d'abord que je sache s'il

27 vous est utile, s'il est nécessaire, que je récite tout le passage dont on

28 a parlé auparavant lors de l'interrogatoire principal. Est-ce que vous vous

Page 22519

1 souvenez tout d'abord de ce passage et de la discussion qui s'en est suivi

2 avec M. Stewart ?

3 Si je l'ai bien compris, il s'agissait d'une conversation entre vous et M.

4 Glenny. Vous ne vous rappelez pas de l'essentiel de la conversation, mais

5 vous vous souvenez quand même de la teneur générale des propos ?

6 R. En effet.

7 Q. Si on pouvait se concentrer sur un passage du livre qui repeint un peu

8 le contexte, le passage dont M. Stewart a cité commence par : "Nenad

9 Kecmanovic a servi pendant un moment…" c'est une introduction qui aide le

10 lecteur à comprendre le contexte. Mais juste avant cela et juste après

11 cela, M. Glenny remet la conversation dans le contexte.

12 Il s'agit du paragraphe précédent qui dit la chose suivante : "Dans

13 la première phase de la guerre, les médias mondiaux ont concentré leur

14 attention sur le sort de la capitale assiégée, Sarajevo. Il n'y avait pas

15 de raison spéciale pour expliquer pourquoi la direction des Serbes de

16 Bosnie avait décidé de porter son effort militaire dans le siège. Alors

17 qu'il était plutôt dans leur intérêt de couper les liens de communication

18 avec le gouvernement bosnien qui se trouvait au nord et à l'ouest. La

19 destruction gratuite de Sarajevo était uniquement une expression de la

20 haine."

21 Ensuite, il y a une description de votre conversation avec

22 M. Koljevic. A la fin de la conversation, voici comment cette conversation

23 se termine, et je cite : "Le Dr Koljevic opine du chef et dit qu'il est

24 trop personnellement impliqué avec le sort de Sarajevo," et rajoute un peu

25 après : "Bien sûr, tout le monde s'inquiète de Sarajevo. Cela signifie que

26 personne ne s'occupait vraiment pas de ce qui se passait ailleurs."

27 M. Glenny continue ensuite dans son livre. Il dit : "Au début août, le

28 monde a commencé à apprendre les atrocités qui se passaient à l'est et au

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1 nord de Bosnie." Il explique que : "Ceci est le fait de reporteurs

2 particulièrement courageux qui ont fait savoir au monde ce qui se passait."

3 Le but de toute cette histoire et le but de ce que le

4 Dr Koljevic aurait rajouté au passage comme quoi personne ne s'occupait

5 vraiment de ce qui se passait ailleurs, tel qu'il l'a fait reporté par M.

6 Glenny, c'est que la communauté internationale avait l'attention attirée

7 sur Sarajevo. Le but était justement de ne pas savoir exactement ce qui se

8 passait dans le reste de la Bosnie-Herzégovine pendant ce temps-là. C'est

9 bien cela, n'est-ce pas ?

10 R. Comme je vous l'ai déjà dit, et quand je vous l'ai dit d'ailleurs,

11 quand j'ai dit à M. Stewart quand il était en train de citer ce passage, je

12 me souviens que ce soir-là, j'ai dîné avec Koljevic et Glenny, mais j'ai

13 repoussé certaines allégations concrètes qui, selon moi, étaient

14 incorrectes. Pour ce qui est de ce passage, je ne me souviens pas que ce

15 soit ce que j'ai dit. Je sais que j'ai dit que nous tous, d'une façon ou

16 d'une autre, nous, nous étions préoccupés par Sarajevo. C'est logique pour

17 moi puisque j'ai passé toute la guerre à Sarajevo. Pour le reste, je ne

18 peux pas dire grand-chose. Je ne peux pas faire des commentaires sur le

19 reste.

20 Q. Je reprends pour le compte rendu, que vous avez nié de ces allégations

21 très concrètes comme étant incorrectes. Je pense que ce serait une erreur

22 peut-être de traduction ou vous n'avez pas entendu le fait que c'est M.

23 Glenny qui a dit dans son rapport que vous vous étiez enfui de Sarajevo

24 pour sauver votre sécurité et que vous étiez arrivé en très mauvaise

25 condition physique. Vous vous rappelez, si ? Vous avez dit que ceci était

26 faux, mais nous n'étions pas en train de dire que c'était vrai. Vous avez

27 commencé par le nier, ensuite vous avez réalisé que finalement vous étiez

28 d'accord, tous les deux.

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1 Le témoin bouge la tête, opine du chef, donc, vous êtes en train de

2 répondre de façon affirmative ?

3 R. Non, je ne réponds pas de façon affirmative. Lorsque nous parlons

4 d'allégations comme quoi j'avais été battu à Sarajevo, mais c'est trop

5 personnel et je le m'en faire rappeler si j'avais été battu. Maintenant,

6 pour ce qui est de ce que j'ai dit lors de la conversation lors d'un dîner

7 ou au cours d'une soirée, il est évident que je ne peux pas m'en souvenir

8 de tous. Cela me paraît normal.

9 Q. Tout à fait. Mais vous disiez que M. Krajisnik aimait bien répéter des

10 anecdotes, et vous nous avez dit d'ailleurs de façon assez badine que vous

11 étiez prêt à quitter la pièce alors qu'il s'apprêtait à répéter ses

12 anecdotes. Mais M. Koljevic, aussi, je crois, comme nous tous d'ailleurs, a

13 tendance parfois à se répéter, à répéter des anecdotes, à répéter, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Pour ce qui est de M. Krajisnik, il y avait des sessions tout à fait

16 régulières. Il parlait du Parlement, et cetera, des dirigeants, et cetera.

17 Q. Très bien. Professeur, vous dites -- mais je vais passer à autre chose

18 plutôt. Je voudrais vous montrer une autre conversation que le Dr Koljevic

19 a eue sur le même sujet. Peut-être cela vous rafraîchira votre mémoire sur

20 cette autre conversation, dont nous parlions, avec le Koljevic, et qui

21 avait trait à M. Glenny.

22 M. TIEGER: [interprétation] Si on pouvait montrer ce document au témoin,

23 s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au fait, j'aimerais, Monsieur Tieger,

25 attirer votre attention sur une chose. Auparavant, vous avez fait référence

26 -- je crois que c'était au 26 ou au 24 -- à l'interview, et vous avez dit

27 au témoin, il y est rapporté que vous avez dit ceci et cela. Je vois que

28 dans la version anglaise, il n'y a pas les guillemets pour ce qui est de la

Page 22522

1 version B/C/S. Alors, je ne sais pas où est l'original, je ne sais pas si

2 elle n'est pas là. Bien, il y a des guillemets, maintenant. Le témoin a

3 déposé sur le sujet, mais je n'aime pas trop avoir deux versions d'une même

4 chose. Une version semble décrire une situation, et l'autre est une

5 description où il y a des guillemets sur l'interview. Pourriez-vous, un

6 petit peu, voir où nous en sommes ? Je crois que c'était l'extrait de

7 Tanjug. Vous avez commencé par nous donner le mauvais extrait. Ensuite,

8 nous l'avons finalement trouvé. C'était le 24 ou le 26, je ne sais plus

9 très bien.

10 M. TIEGER : [interprétation] Je sais exactement à quelle pièce vous vous

11 référez et je vais, bien sûr, vérifier.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Essayez de faire cela.

13 Maintenant, passons à la pièce suivante.

14 M. TIEGER : [interprétation]

15 Q. Il s'agit d'un passage qui vient d'un autre journaliste. Il s'agit là

16 d'Ed Vulliamy. C'est un livre qui est intitulé "Saisons en Enfer". Il nous

17 relate une conversation avec le Dr Koljevic où le même sujet a été abordé.

18 Je vais vous le lire.

19 "A ce point de la guerre, le pire avait été caché et ne pouvait être glané

20 qu'après le fait, à partir des témoignages des témoins. Pendant le siège à

21 Sarajevo, le programme de nettoyage ethnique, bien entendu, n'était pas

22 fait pour que le public en soit mis au courant. L'ombre intellectuel de

23 Karadzic, un membre de la présidence, Nikola Koljevic, m'a indiqué que

24 Sarajevo était comme une pièce de théâtre extrêmement violente qui allait

25 capturer l'attention du monde et qui allait, du coup, éviter que le monde

26 ne se concentre sur le véritable programme en cours. Le Pr Koljevic m'a

27 parlé, dans un hôtel très classe à Belgrade : 'Il est étonnant qu'il ait

28 mis si longtemps à arriver vraiment au but, au cœur du sujet.' Là, je

Page 22523

1 reprends ce qu'a dit le Pr Koljevic. Je cite : "C'est étonnant qu'on ait

2 mis si longtemps à en arriver au but. Pauvre Sarajevo. C'est tout ce qu'on

3 pouvait en penser. C'était au carrefour de l'Europe. Cela n'aurait pas pu

4 arriver à Trnopolje."

5 Est-ce que ce commentaire vous rappelle quoi que ce soit, le fait que

6 l'attention du monde était concentrée sur Sarajevo ?

7 R. Je tiens à vous dire deux choses : tout d'abord, j'habitais à Sarajevo

8 jusqu'au 5 juillet 1992. J'y ai résidé jusqu'au 5 juillet 1992. Première

9 chose. Deuxième chose, je n'étais pas membre du Mouvement national serbe ni

10 du SDS. Or, hier, quand vous avez parlé, vous avez cité certains faits

11 venant du Parti démocratique serbe, pour ce qui est des médias, exactement,

12 et vous avez encore cité --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, je vous arrête

14 encore une fois. Vous n'avez pas répondu à la question. La question était

15 de savoir si cette citation, qui nous venait d'un livre de M. Vulliamy,

16 rafraîchissait votre mémoire. Vous vous rappelez, oui ou non, étant donné

17 que c'est une conversation à peu près identique que celle que vous aviez

18 eue avec le Dr Koljevic, la discussion que vous avez véritablement eue avec

19 le Pr Koljevic. En lisant cela, est-ce que cela rafraîchit un peu votre

20 mémoire quant à la conversation que vous avez eue avec le Dr Koljevic ?

21 C'était la question.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse est donc non.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

24 M. TIEGER : [interprétation]

25 Q. Je sais que vous avez les détails, mais nous n'allons pas entrer dans

26 les détails. Ne peut-on pas dire que ce que vous avez communiqué, dit à M.

27 Glenny, est la chose suivante : le Dr Koljevic a ajouté comme une arrière-

28 pensée, finalement, que le fait que Sarajevo ait concentré l'attention du

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1 monde était une manœuvre, en fait, pour empêcher la communauté

2 internationale de se concentrer sur ce qui se passait ailleurs en Bosnie ?

3 R. Ce passage - et je tiens à répéter cela - pour ce qui est de mes

4 souvenirs sur cette conversation, si je me souviens bien, ce n'était pas la

5 teneur de nos propos du tout. En tout cas, ce n'était pas le sens de nos

6 propos.

7 Q. Avez-vous des explications pour nous dire pourquoi M. Glenny a cru

8 comprendre que vous lui exprimiez, dans votre relation de la conversation

9 que vous avez eue, que vous étiez en train de lui exprimer ce concept ?

10 R. Je n'ai pas bien compris votre question. Communiquer quoi ? Mon --

11 Q. Quand on lit les passages du livre de M. Glenny, il semble clair que le

12 Dr Koljevic avait fait ce commentaire et lui avait fait part de ce

13 commentaire pour bien lui faire remarquer que tous les médias

14 internationaux étaient principalement préoccupés par Sarajevo, et non pas

15 par ce qui se passait dans le reste de la Bosnie, mais que finalement, cela

16 a commencé à émerger, ce qui se passait dans le reste de la Bosnie.

17 R. Le but de mon intervention dont parle Glenny - je crois que c'est

18 correct, d'ailleurs, il semblait dire qu'on était en train de trop se

19 concentrer sur Sarajevo - le but de ma phrase était le suivant : dans la

20 conversation que nous avions à l'époque, nous traitions uniquement

21 Sarajevo, on ne parlait que de Sarajevo. Mon intervention avait un but un

22 petit peu différent. Il faut comprendre que ce n'était pas une conversation

23 officielle. On était en train de dîner, Glenny, Koljevic et moi, on était

24 en train de manger et on parlait. Koljevic a posé beaucoup de questions sur

25 Sarajevo, et je tiens à vous répéter qu'il avait son frère qui habitait à

26 Sarajevo à l'époque. C'est de ce type de choses que l'on parlait. Si je me

27 souviens bien, on avait tendance à dire qu'on s'occupait de Sarajevo et

28 qu'on parlait trop de Sarajevo parce qu'on avait justement tous ces parents

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1 qui y habitaient. C'est bien cela, en fait, qui était le but de la

2 conversation, et non pas la coloration politique que vous semblez vouloir

3 lui donner.

4 Q. Très bien.

5 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

7 Monsieur Josse, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

8 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, mais on

9 vient de me rappeler que la pièce suivante n'a pas de cote.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, il faudrait lui en donner une

11 --

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le passage du livre appelé "Saisons en

13 Enfer" recevra la cote provisoire P1151.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Il s'agit

15 d'un livre dont l'auteur est Ed Vulliamy.

16 Monsieur Josse.

17 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai passé pratiquement

18 toute la pause avec M. Krajisnik. J'avais besoin, d'ailleurs, de plus de

19 temps avec lui, car il m'a donné un document, et il voudrait que je

20 questionne le témoin à propos de ce document. J'ai vraiment besoin d'en

21 parler un peu plus avec mon client. Je vais avoir un peu de mal à

22 comprendre exactement ce qui est sorti du contre-interrogatoire, donc je

23 demande vraiment à la Chambre de m'autoriser à avoir un peu de temps

24 supplémentaire.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il vous faut du temps ?

26 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps ?

28 M. JOSSE : [interprétation] Le plus possible.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il faudrait quand même qu'on

2 en termine aujourd'hui, donc vous nous parlez de combien de temps ?

3 M. JOSSE : [interprétation] Une demi-heure.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons avoir notre

5 deuxième pause immédiatement et nous reprendrons à midi. Cela limitera

6 peut-être un peu le temps qui est à notre disposition ce matin, mais je

7 pense que cela devrait nous permettre quand même d'en avoir terminé vers 13

8 heures 30.

9 M. JOSSE : [interprétation] Oui, comme vous le savez, le témoin prochain

10 n'est pas dans le bâtiment.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien, mais vous voulez

12 commencer à interroger ce témoin suivant dès demain matin.

13 M. JOSSE : [interprétation] En effet.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons faire une

15 pause maintenant, pendant une demi-heure, et nous reprendrons donc à midi.

16 --- L'audience est suspendue à 11 heures 32.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 09.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

19 M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps.

20 Cela se défend, la question que M. Krajisnik souhaite que je pose peut

21 effectivement se poser, mais avec l'autorisation de la Chambre, je souhaite

22 voir comment on peut poursuivre sur ce point. Au mieux, j'ai pu, au début

23 de la pause, remettre à mon éminent confrère un exemplaire en B/C/S de

24 différents documents que mon client m'a remis la nuit dernière.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tieger a commencé à les lire dès que

26 je les lui ai remis. Bien, ceci pourrait engendrer quelques problèmes, bien

27 que ceci a déjà été le cas de part et d'autre, il est vrai -- ou plutôt,

28 plus souvent du côté de la Défense. Vous avez également l'assistant

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1 juridique qui vous permet de voir à peu près quelle est la teneur du

2 document.

3 M. TIEGER : [interprétation] C'est tout à fait exact. Nous insistons sur le

4 terme "approximatif".

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 Voyons voir.

7 M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup.

8 Nouvel interrogatoire par M. Josse :

9 Q. [interprétation] Maître Kecmanovic, vous avez devant vous les trois

10 premières pages de cette liasse qui constitue le procès-verbal de la

11 présidence de Bosnie-Herzégovine daté du 20 juin 1992; c'est exact, n'est-

12 ce pas ? Si vous regardez la première page, vous n'avez pas assisté à la

13 réunion.

14 R. Oui, cela est tout à fait évident.

15 Q. Si vous regardez ceci, cette réunion s'est déroulée à 11 heures 00 du

16 matin. Savez-vous pourquoi ni vous ni M. Pejanovic ont assisté ?

17 R. Je ne me souviens pas de quelle session il s'agit ici. Je ne sais pas

18 s'il s'agit d'une des sessions au cours de laquelle ils n'ont pas réussi à

19 nous "trouver", j'entends, les services administratifs.

20 Oui, je vois qu'en regard du point 2, "Projet de décision afin de

21 déclarer l'état de guerre," je crois qu'il doit s'agir d'une de ces

22 sessions-là. Lorsque j'ai été interrogé par Me Stewart, j'ai évoqué ceci.

23 Q. Bien. Au point 6, à la page 3, je souhaite vous poser des questions.

24 Vers le milieu de la page, on voit que M. Halilovic contribue aux débats.

25 Ceci porte sur d'éventuels échanges de population dans la région de Banja

26 Luka.

27 R. Pardonnez-moi, vous voulez parler de quel paragraphe, s'il vous plaît ?

28 Page 3, au point 6 ?

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1 Q. Le paragraphe qui commence par "Sefer Halilovic…," dans le milieu de la

2 page.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce qu'on peu

4 faire la lecture de ce paragraphe en premier lieu, de façon à ce que nous

5 puissions comprendre de quoi il en retourne ?

6 M. TIEGER : [interprétation] Une simple question d'intendance. J'ai le

7 passage, ici, qui a été surligné dans l'exemplaire qui m'a été remis par la

8 Défense, et référence est faite à un autre paragraphe en permanence. Peut-

9 être que nous pourrions lire tout ceci, s'il peut nous dire de quoi il

10 s'agit ?

11 M. JOSSE : [interprétation] Ce sont les trois paragraphes suivants.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le paragraphe commence par Sefer

13 Halilovic, Fikret Abdic, Alija Izetbegovic --

14 M. JOSSE : [interprétation] C'est exact.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, le texte se poursuit. Sur les

16 trois lignes à partir du bas, quelque chose comme cela, on voit le chiffre

17 1300.

18 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que l'on peut vous demander

20 s'il y a un membre de votre équipe à qui on peu demander de lire ceci

21 lentement, s'il vous plaît, de façon à ce que soit interprété ?

22 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je avoir un moment, s'il vous plaît ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 [Le conseil de la Défense se concerte]

25 M. JOSSE : [interprétation] Vous entendez lecture faite en B/C/S, bien sûr,

26 cela ne pose --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr, cela ne pose aucun problème. C'est M.

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1 Sladojevic qui peut lire ceci --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, c'est très

3 apprécié, M. Sladojevic. Si vous pouviez commencer au paragraphe qui

4 commence par "Sefer Halilovic". Veuillez lire lentement, s'il vous plaît.

5 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Sefer Halilovic a présenté l'objection

6 formulée par les combattants vis-à-vis des gens qui ont fui Sarajevo et la

7 Bosnie-Herzégovine dans le courant de cette guerre en disant qu'ils ne

8 devraient se voir confier aucune fonction --"

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Il a ensuite fait état d'objections

11 disant que la FORPRONU transportait à bord de ces véhicules des Chetniks,

12 puis ensuite, des objections concernant d'échanges de population visant à

13 créer des cités ethniquement pures." Paragraphe suivant : "Fikret Abdic a

14 demandé à ce que le gouvernement résolve la question de l'électricité pour

15 la Krajina (à Jajce) et à informer les personnes présentes de la situation

16 de guerre à Bihac." Paragraphe suivant : "Alija Izetbegovic a informé la

17 présidence sur son entretien avec le président de l'assemblée municipale de

18 Zenica sur les problèmes de départ des Musulmans de Banja Luka en

19 soulignant qu'ils se sont vus menacés d'être tués, au cas où ils ne

20 quitteraient pas Banja Luka."

21 M. JOSSE : [interprétation] Me Sladojevic s'est arrêté là, car c'était le

22 passage que nous avions surligné. C'est tout.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

24 M. TIEGER : [interprétation] Je comprends fort bien, Monsieur le Président,

25 mais je n'ai pas le passage en anglais. Le paragraphe suivant, on parle

26 "Esnika" [phon] --

27 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr, cela ne pose aucun problème, nous

28 pouvons poursuivre.

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1 M. TIEGER : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] [en B/C/S], qui est très proche des

3 termes que nous avons entendus, déjà. Nous avons la phrase où est mentionné

4 le terme Banja Luka, et jusqu'à la phrase où on peut voir 13 heures 00.

5 Est-ce que vous pouvez lire cette dernière partie, s'il vous plaît ?

6 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Au cas où cela se trouverait être

7 accepté, cela signifierait création de régions ethniquement pures. Notre

8 pays doit rejeter ces pressions visant à créer des régions ethniquement

9 pures."

10 M. JOSSE : [interprétation] Pardonnez-moi, ce passage aurait dû être lu. M.

11 Tieger a tout à fait raison, car c'est tout à fait pertinent.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. JOSSE : [interprétation] Pour être honnête, ce passage n'a pas été

14 surligné, et ceci n'était pas précisé pour M. Sladojevic, il ne l'avait pas

15 sous les yeux.

16 Q. Avant de parler d'autre chose, cette question, à savoir, l'échange des

17 populations qui a été débattu lors de la séance de la présidence, avez-vous

18 des éléments d'information ou quelque connaissance à ce sujet ?

19 R. Je me souviens du fait que dans le courant des activités que j'ai

20 déployées dans le cadre de la présidence, pendant ce mois et quelque, il y

21 a eu des échanges de populations. Au sein de la présidence, puisqu'il

22 s'agissait d'échanges entre partie serbe et partie musulmane, c'est Mirko

23 Pejanovic qui s'y est employé pas mal. Dans notre partage interne des

24 tâches, j'ai surtout vaqué à la nécessité de faire sortir de prison des

25 Serbes détenus dans des prisons privées.

26 Donc, je dirais qu'à cet effet, oui, il y a eu des échanges de

27 population, et c'est Mirko Pejanovic qui se concertait d'une part avec le

28 président Izetbegovic, et un peu aussi avec Ganic, mais surtout avec

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1 Izetbegovic. L'autre interlocuteur du côté serbe, je ne me souviens pas

2 trop de qui il s'agissait. C'était des individus, des groupes d'individus

3 plus ou moins grands. Mais il ne s'agissait pas d'échanges massifs de

4 population, il s'agissait de listes concrètes d'individus qui ont été ou

5 qui se sont vus échangés de part et d'autre.

6 Q. Lorsque M. Izetbegovic déclare : "Notre pays ne doit pas accepter

7 d'être mis sous pression afin de créer des régions ethniquement pures,"

8 est-ce que ceci est une illustration de ce que vous pensiez être son point

9 de vue à l'époque, point de vue et objectif, je devais préciser, à l'époque

10 ?

11 R. Je puis vous rappeler, si tant est que vous êtes au courant de ces

12 renseignements, que dès la phase de création, avant les élections, avant

13 cette phase, du temps des promotions des différentes parties au sein des

14 régions de la Bosnie-Herzégovine, et tous les partis ont fait cela à deux

15 grands rassemblements : l'un a eu lieu à Kladusa, dans la Krajina de Cazin;

16 et l'autre a eu lieu à Foca, en Bosnie orientale. En ces occasions-là,

17 Izetbegovic, s'adressant aux foules de gens rassemblés, il a dit que la

18 direction du SDS, et le parti dans son ensemble, nous accuse de vouloir

19 créer une République, un Etat islamique. Puis, il a posé une question

20 rhétorique : Frères et sœurs, est-ce que nous voulons véritablement une

21 République islamique ? A sa grande surprise, puisque la question était

22 plutôt rhétorique, la masse a répondu : Oui, on le veut, on le veut. Alors,

23 il a dit : Non, c'est trop tôt pour cela. Nous prendrons les territoires de

24 la Bosnie-Herzégovine que nous serons à même de contrôler pour qu'ils

25 fonctionnent avec prospérité. Cette déclaration a été reprise par bon

26 nombre de médias, au détriment d'Izetbegovic.

27 Ce que je veux dire par là, c'est qu'Izetbegovic, de ce point de vue-là,

28 avait eu une approche assez inhabituelle. Il changeait de positions. Il

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1 adoptait des attitudes différentes dans différentes situations. Une fois,

2 en répondant aux questions des journalistes, il disait, le même jour, le

3 matin, il lui semblait qu'il fallait penser d'une façon sur un même

4 problème; d'une façon le matin, et d'une autre façon l'après-midi. C'est

5 quelque chose qui avait été souvent cité dans les médias musulmans ou

6 plutôt bosniens, comme on les appelait par la suite. Je vais finir ma

7 pensée. D'une part, on critique cette pratique, mais dans la période

8 précédente, on avait participé à ce type de pratique, parce que si cela

9 n'avait pas été le cas, il n'aurait pas été nécessaire de venir condamné

10 par la suite cette façon de se comporter.

11 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, veuillez me donner une

12 minute ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être pourriez-vous demander au

14 témoin d'abord…

15 [Le conseil de la Défense se concerte]

16 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, voici notre position :

17 les pages restantes de cette liasse sont des extraits de l'ouvrage de Sefer

18 Halilovic, "Stratégie de ruse." Une partie de ce document a déjà été versée

19 au dossier dans cette affaire. Si nous nous reportons à la page 137, au bas

20 de cette même page, nous pouvons constater - bien sûr, en B/C/S - ce qui

21 correspond aux commentaires de Sefer Halilovic sur la session en question,

22 celle sur laquelle le témoin vient de nous donner ses commentaires, à

23 savoir, la session du 20 juin 1992, à 11 heures du matin. Certains passages

24 des commentaires de Sefer Halilovic sont des passages à propos desquels

25 nous aimerions poser des questions à ce témoin.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de faire cela, je souhaite avoir

27 un éclaircissement sur la dernière réponse donnée par le témoin.

28 Vous avez dit, Monsieur Kecmanovic, que : "D'un côté, cette pratique est

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1 critiquée, mais d'un autre côté, ils avaient participé à cela. En réalité,

2 ils ne la condamnaient pas à l'époque, cette pratique."

3 Tout d'abord, qu'est-ce que vous entendiez précisément par l'utilisation de

4 ces termes : "Ils ne condamnaient pas cette pratique" ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux choses que j'ai mentionnées -- trois,

6 plutôt. L'une de ces choses c'est que les échanges de population ne se sont

7 pas faits en masse, mais que cela s'est fait dans l'organisation ou sous

8 les hospices de la présidence. C'est Mirko Pejanovic, un confrère, un

9 Serbe, qui est intervenu du côté musulman pour communiquer avec la partie

10 adverse. Au sein de la présidence même, il a contacté Izetbegovic en sa

11 qualité de représentant authentique de l'autre partie. Ce que je voulais

12 dire c'est que dans ce cadre-là, il y a eu, incessamment, des échanges de

13 population d'organisés. Cela se faisait avec recours à des listes. La

14 partie musulmane demandait des individus pour qu'ils soient transférés vers

15 le territoire musulman, et les Serbes, suivant d'autres listes, demandaient

16 à ce que les Serbes soient transférés depuis les territoires musulmans vers

17 les leurs. Cela est d'un.

18 De deux, j'ai parlé du fait que --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai besoin d'un éclaircissement ici,

20 s'il vous plaît. Pour ce qui est des chiffres, est-ce que nous parlons ici

21 d'une dizaine de noms qui auraient figurés sur ces listes, de personnes qui

22 auraient été échangées, ou est-ce que nous parlons d'une centaine de noms

23 ou de milliers de noms ? Que dois-je comprendre par là, s'il vous plaît, à

24 ce moment-là ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de moins de 50 individus, si mes

26 souvenirs sont bons, d'un côté. De l'autre côté, je dirais que le processus

27 se déroulait en continuité. Des fois, il y en avait bien moins; ils étaient

28 dix ou 30, il n'y avait pratiquement jamais plus de 50 personnes. Mais

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1 l'activité a duré. Pejanovic, à ce sujet, était constamment en contact avec

2 Izetbegovic; des fois, avec Ganic aussi.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quelle fréquence dois-je me reporter ?

4 Dix listes par mois, cinq, ou 25 par mois ? J'essaie de comprendre et de me

5 faire une idée sur la question. Si vous dites de dix à 20, pas plus de 50,

6 ce qui serait une moyenne de 30, donc dix listes par mois --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en moyenne.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- ce qui correspondrait à 200 à 300

9 personnes par mois. C'est une indication qui n'est pas précise. Peut-être

10 que vous pourriez nous donner quelque chose de plus précis, en tout cas,

11 pour l'état des choses à ce moment-là ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faudrait que je multiplie et que je fasse

13 des calculs. Je ne suis pas très fort en la matière, mais je dirais que

14 cela n'a pas excédé 50 personnes, mais que cela se faisait en permanence.

15 Il y avait deux lignes d'activité en parallèle qui se déroulaient à ce

16 sujet, mais comme je ne suis pas intervenu moi-même sur ce point-là, je ne

17 peux pas vous en dire plus. L'autre élément dont j'ai parlé c'est

18 qu'Izetbegovic, dans différentes phases, s'était employé publiquement, même

19 avant les élections, en faveur d'une partie de la Bosnie-Herzégovine

20 ethniquement séparée; musulmane, bien entendu, appelée par la suite

21 bosnienne. Très souvent, on lui rappelait les différentes choses qu'il

22 avait dites dans des occasions différentes.

23 Ce que j'ai dit ici c'est que, partant de cette partie-là du PV que j'ai

24 sous les yeux, l'impression qu'on peut se faire c'est que ce type de chose

25 arrivait en effet, et Izetbegovic est venu critiqué cela. Ce n'est pas ici

26 une opportunité où il parle en termes généraux ou dans le cadre de

27 principe. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je souhaite que vous me fassiez la

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1 clarté sur le deuxième point que j'ai évoqué. Vous avez dit : Même avant

2 les élections, et je suppose qu'il s'agit des élections de 1991 ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990, les élections.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pardonnez-moi, je me suis mal exprimé.

5 M. Izetbegovic, vous dites que : "Il prenait une région ethniquement

6 distincte en Bosnie-Herzégovine." Ceci n'est pas très clair en ce qui me

7 concerne, car on peut parler d'une région distincte ou la majorité

8 musulmane aurait le pouvoir, et donc il faudra partager et diviser. Par

9 exemple, on peut en faire une province ou un sous-état, quel que soit le

10 système adopté. Ce n'est pas la même chose de dire que -- de parler, de

11 dire d'un gouvernement musulman dans un territoire ethniquement pur, ce qui

12 signifie qu'il n'y a pas de Serbes, ni de Croates sur ce territoire.

13 D'après la partie du document qui vient de nous être présentée, je

14 comprends les choses de la manière suivante : Ils évoquaient, et c'est

15 quelque chose que je vais relire -- je vais essayer de vous citer le

16 passage en question. Il dit que : "Si ceci était adopté, ceci conduirait à

17 la création de régions ethniquement pures. Notre pays ne doit pas se

18 soumettre à ce type de pression et créer des régions ethniquement pures."

19 Lorsque vous dites que M. Izetbegovic prenait en public ou publiquement des

20 régions ethniquement -- ou des territoires ethniquement distincts, est-ce

21 que ceci englobait les régions qui devaient devenir ethniquement pures, ou

22 est-ce qu'il s'agissait simplement de Musulmans qui avaient la majorité et

23 qui dirigeaient cette région ? Car, je crois que ceci semble constituer la

24 différence essentielle entre le plan Cutileiro et ce qui a été évoqué ici;

25 autrement dit, cela se conclurait ou se solderait par une région

26 ethniquement pure. Donc, que prenait M. Izetbegovic à cet égard ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, l'occasion que j'ai mentionnée

28 pour ce qui est de cette de ce rassemblement électoral à Foca, il n'a pas

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1 dit davantage, il n'a pas été plus précis pour ce qui est de savoir ce

2 qu'il entendait par ce qu'on pouvait contrôler pour y faire régner la

3 prospérité. Je suis porté à croire que c'est ce que vous dites dans le plan

4 Cutileiro et dans les plans avancés par les trois parties en présence

5 pendant la guerre, et ce que les autres médiateurs ont proposé, à savoir,

6 Vance, Owen et autres. Nul part il n'a été question d'une thèse où il y

7 aurait des régions ethniquement pures. Mais il était question de régions

8 avec majorité ethnique de certains en respectant les droits des minorités

9 avec une autonomie des autres. Si toutes ces régions ethniquement

10 majoritaires se retrouvent dans le cadre d'un Etat, il faut que l'on

11 respecte mutuellement les minorités qui se trouvent sur place, parce que

12 comme la majorité croate devait se comporter à l'égard la minorité

13 bosnienne en Herzégovine, il devait en aller de même pour ce qui est de la

14 Bosnie centrale, quant à l'attitude des Musulmans vis-à-vis des Croates. Je

15 crois qu'aucune partie à un moment quelconque n'aurait défendu la thèse de

16 régions ethniquement pures. Je sais que, par exemple, Banja Luka est une

17 région où je vais souvent, ou j'enseigne à l'université. J'ai bon nombre

18 d'amis musulmans qui ont passé toute la guerre là-bas. Ils se sont trouvés

19 être des ministres dans le gouvernement précédent.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter maintenant. Cette

21 Chambre a recueilli un nombre important d'éléments de preuve sur Banja

22 Luka, et sur la manière dont -- ou quelle était la composition de la

23 population à ce moment-là pendant la guerre. Tout ceci est clair

24 maintenant.

25 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je dire, et

26 pardonnez-moi si je m'exprime ainsi, mais le sujet sur lequel a porté vos

27 questions, Monsieur le Président, lorsque le témoin a dit que : "Ils ont

28 pris part à cela, et qu'ils ne le condamnaient pas à l'époque, ils ne

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1 condamnaient pas cette pratique," c'est exactement la raison pour laquelle

2 M. Krajisnik souhaitait que je présente cet élément de preuve, ce qui est

3 lié au document suivant, qui est l'extrait de l'ouvrage de M. Halilovic.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

5 M. JOSSE : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à la Chambre,

6 je souhaite proposer ceci : Je sais que cela n'est pas idéal, mais je

7 souhaite demander au témoin de lire cette page et demie, de nous la

8 résumer, de nous faire ses observations et, bien sûr, nous ferons traduire

9 tout ceci en temps voulu.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, j'ai quelques hésitations. Je

11 ne souhaite pas demander au témoin de résumer ceci. Nous avons entendu

12 l'explication qui a été fournie par le témoin sur son rôle en qualité

13 d'expert, et de dire bien ce qu'il a dit en tant qu'expert. Le témoin sera

14 déjà parti lorsque la traduction sera faite de ce document. Ce sera trop

15 tard. Donc, j'hésite à le faire.

16 Mais, Monsieur Tieger, si vous avez quelque chose --

17 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr. Il y a certains extraits que nous

18 avons surlignés. On peut procéder de la même manière et

19 M. Sladojevic peut les lire à voix haute.

20 M. TIEGER : [interprétation] Ceci peut paraître un petit peu lourd, mais je

21 crois que c'est la seule façon de faire.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai posé la question à

23 M. Tieger, et j'ai fait part de mes hésitations. Mais M. Tieger a un

24 certain avantage dans la mesure à la fois il a le texte et il a également

25 une assistante linguistique. Encore une fois, tout ceci peut être fait de

26 façon approximative.

27 M. JOSSE : [interprétation] Bien. Je vais venir à son aide.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

Page 22539

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez lire et sélectionner les

3 passages pertinents. Veuillez vous assurer que le contexte soit

4 suffisamment clair.

5 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 [Le conseil de la Défense se concerte]

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si les Juges de la Chambre me le permette --

9 pendant qu'on attend, si le président de la Chambre est d'accord,

10 j'aimerais dire quelques mots. Merci.

11 Je ne voudrais pas que vous vous fassiez l'impression concernant ce que

12 vous avez dit tout à l'heure pour ce qui est des -- que vous aviez des

13 informations au sujet de Banja Luka et de la population qui s'y trouvait.

14 Mais, je disais que je connaissais beaucoup de gens qui étaient Croates ou

15 Bosniens d'appartenance ethnique, et qui sont restés là-bas pendant la

16 guerre. Je ne voulais rien nier du tout, mais je voulais justement juste

17 rappeler, en ma qualité d'homme qui a longtemps vécu à Sarajevo, que c'est

18 à Sarajevo qu'il y a eu les plus grosses modifications de la structure

19 ethnique de la population.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis au courant. Nous essayons

21 non pas de recueillir des impressions générales, mais nous écoutons très

22 attentivement ce que vous nous dites.

23 Maître Josse.

24 M. JOSSE : [interprétation] Donc, M. Sladojevic s'apprête à lire ce texte à

25 la page 137, où on peut lire, en B/C/S --

26 L'INTERPRÈTE : Est-ce que nous pouvons avoir le numéro de page, s'il vous

27 plaît ?

28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, pardonnez-moi, à un tiers du document vers

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1 le bas.

2 L'INTERPRÈTE : A la page 137 ?

3 M. JOSSE : [interprétation] Oui, 137.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le début du denier grand

5 paragraphe.

6 M. JOSSE : [interprétation] Il va également lire ce qui est en caractère

7 gras tout en haut de la page.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

9 Puis-je vous rappeler que quelquefois, lorsqu'on lit, cela va

10 beaucoup trop vite. Je vous demande de bien vouloir lire lentement, s'il

11 vous plaît.

12 M. SLADOJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 "Extrait de l'enregistrement audio de l'audience de la présidence de la

14 République de Bosnie-Herzégovine, tenue le 20 juin 1992. La session a

15 commencé à 11 heures 00, sous la présidence d'Alija Izetbegovic, président

16 de la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

17 "Halilovic : Deuxième chose, j'aimerais brièvement vous informer sur un

18 phénomène à mon avis très dangereux, qui se produit sur les territoires de

19 la Krajina de Bihac. D'après certaines autres informations dont nous

20 disposons, ceci n'est hélas pas un phénomène isolé. Il est si dangereux

21 qu'il met en péril les relations politiques fondamentales prévalant au sein

22 de la Bosnie-Herzégovine et risque d'avoir des conséquences

23 incommensurables, en effet, d'après les rapports du commandant du QG

24 régional de la TO de la région de Bihac, M. Hajrudin Osmanagic, président

25 du Parti SDA de la région de Bihac, puis du Dr Irfan Ljubjankic et du

26 président de la municipalité de Bihac, M. Nenad Ibrahimpasic, qui ont eu

27 des entretiens à Bihac avec une délégation du SDS en provenance de Banja

28 Luka, qui eux, circulent tout le temps dans la Krajina à bord des véhicules

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1 de la FORPRONU. Ils sont tombés d'accord sur dans échanges de population et

2 départ de cette population de la région de Banja Luka, les Serbes de ces

3 régions-là devant aller vers la région de Banja Luka. J'estime que,

4 s'agissant de notre combat, il s'agit là d'un phénomène très dangereux,

5 fatal. J'aimerais vous demander de prendre position sur cette question

6 d'importance, parce qu'ainsi, cela arrange ceux qui ont précisément

7 l'intention de créer des territoires ethniquement purs. En effet, par des

8 déménagements de la population, ils créent des unités ethniques pures, ce

9 qui conduite au démantèlement de l'Etat bosniaque et à son partage

10 ethnique. Un groupe de citoyens du groupe ethnique musulman à Banja Luka se

11 sont vu accorder deux ou trois heures de temps pour emballer leurs effets

12 personnels, pour être chassés ensuite, et ces gens sont déjà arrivés dans

13 la région de Zenica. Or, dans la le secteur de Sanski Most, Prijedor et

14 Bosanski Novi, ce type d'activités, d'après les rapports datant d'hier et

15 d'aujourd'hui, se trouvent être en cours. Dans le nettoyage ethnique de la

16 part des Chetniks dans ces régions, avec la coopération de la FORPRONU qui

17 fait venir des autocars et reçoit des passagers pour les transporter

18 suivant un planning à elle. Deux mille cinq cents Musulmans se trouvent

19 déjà transférés à Lika et Titova Korenica. On leur a fourni un abri

20 provisoire là-bas, et ils attendent la continuation de leur voyage. Etant

21 donné qu'à l'arrivée à Lika et Titova Korenica, leurs vies étaient en

22 péril, 540 citoyens du groupe ethnique serbe ont demandé à quitter Cazin

23 et Bosanska Krupa, comme convenu à une réunion de Titova Korenica entre le

24 Dr Ljubijankic et Nenad Ibrahimpasic, avec une délégation du SDS sous

25 l'égide de la FORPRONU. Il s'agit d'une question politique, mais également

26 d'une question militaire de taille, parce que se trouvant directement

27 contraire aux objectifs de notre combat, et nécessitant une analyse

28 attentive après collecte d'informations sur le terrain. D'autant plus que

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1 ce phénomène n'est pas isolé, parce que SRNA montre un grand nombre de

2 citoyens du groupe ethnique serbe originaires de la Bosnie centrale de la

3 vallée de la Neretva, sur des territoires provisoirement occupés, à savoir

4 : Nevesinje, Boracko Jezero, et surtout dans les banlieues de Sarajevo,

5 Vogosca, Ilijas, Ilidza, et ainsi de suite. Ils sont trop nombreux pour

6 qu'on puisse parler de cas isolés, de cas individuels. Il est évident qu'il

7 s'agit d'une opération plus ample soutenue par des structures locales et le

8 ministère de l'Intérieur. Je veux que vous sachiez qu'une telle action

9 renforce le blocus de la ville de Sarajevo parce que l'on a atténué ou

10 éliminé le problème principal qu'ont les Chetniks, à savoir, le manque

11 d'effectif.

12 "Pour finir, je demanderais à M. Juro Pelivan, en sa qualité de

13 premier ministre, de résoudre par le biais de la FORPRONU le problème des

14 coupures de courant dans la région de Bihac, de la part des autorités

15 chetniks à Banja Luka. Ici, l'énergie électrique est utilisée en guise

16 d'arme, et les demandes de nos instances du pouvoir à Jajce sont celles qui

17 consistent à couper le courant à Banja Luka. Ces coupures de courant à

18 Bihac créent bon nombre de problèmes. Entre autres, on ne peut pas faire

19 fonctionner les réseaux radio et télévision, qui transmettent les

20 avertissement ou les annonces de dangers. C'est ainsi qu'il est tombé hier

21 plusieurs obus, et il y a eu 8 civils et 5 combattants de tués. Le problème

22 est urgent et nécessite une réaction urgente. Observation, Muhamed Cengic,

23 à l'occasion de l'une des sessions suivantes de la présidence, a été nommé

24 représentant économique de la République de Bosnie-Herzégovine en

25 république de Turquie. La présidence, s'agissant de ces échanges de

26 population dont je l'ai informée, n'a jamais débattu et n'a pas réagi au

27 phénomène qui s'est présenté dans une mesure plus ou moins grande

28 ultérieurement, dans différentes parties de la Bosnie-Herzégovine."

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir donné

2 lecture de cela. Les interprètes ont été en mesure de vous suivre de très

3 près, comme je l'ai remarqué.

4 M. JOSSE : [interprétation]

5 Q. Nous avons entendu, au début de cet extrait, M. Kecmanovic, que la

6 session était enregistrée. Vous n'avez pas vous-même assisté à cette

7 session. Saviez-vous que ces sessions étaient enregistrées sur bandes audio

8 ?

9 R. Oui, oui. Je dirais même qu'au début, nous recevions des résumés de ce

10 qui s'était dit à ces réunions. Par la suite, cela n'a plus été le cas.

11 Cela a été justifié par la complexité de la situation, où cela se trouvait

12 être techniquement impossible, trop onéreux, et ainsi de suite.

13 Q. Les mots qui sont en italique à la page 138 représentent un commentaire

14 sur ce que M. Halilovic venait de décrire, ou en tout cas, sur la manière

15 dont M. Halilovic a décrit ce qui s'était passé au cours de la réunion,

16 n'est-ce pas ? C'est ainsi que vous l'avez compris ?

17 R. Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai remarqué trop tard, vous êtes

19 debout.

20 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que le témoin va faire un commentaire

21 -- répondre à la question, mais il y a une hypothèse ici, peut-être, qui a

22 été introduite de façon non intentionnelle. Ce qui a été lu était une

23 description de M. Halilovic. Je ne sais pas quel passage correspond à une

24 description et quel passage correspond aux séances qui ont été enregistrées.

25 M. JOSSE : [interprétation] Je suis d'accord avec mon éminent confrère.

26 Q. Faites de votre mieux, Monsieur Kecmanovic. Comment comprenez-vous la

27 différence entre les parties qui sont en italique et les parties qui ne

28 sont pas italiques ?

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1 R. Je comprends les choses de la façon suivante : ce qui est en caractères

2 normaux, c'est une sorte -- d'ailleurs, on le dit, ce sont des "Extraits

3 d'enregistrements audio de la session de la présidence," donc il ne fait

4 point de doute qu'il s'agit là d'un enregistrement. Ce qui est dit sous

5 l'intitulé "Observation", en italique, c'est un commentaire qui coïncide

6 avec ce que j'ai dit moi-même au sujet de ce qu'a dit Cengic, et que j'ai

7 avancé moi-même, à savoir que la présidence fonctionnait à titre tout à

8 fait irrégulier, et Izetbegovic conduisait les choses de façon très

9 arbitraire. Ce qui fait que moi-même et Halilovic, de façon évidente, nous

10 sommes vus privés de la possibilité d'être présents à certaines sessions,

11 jusqu'au moment où il y a eu proclamation d'un état de guerre. Lui, jusque-

12 là, n'était pas membre de la présidence. On le conviait à venir pour faire

13 partie de cette présidence, au sens large du terme, où il n'avait pas le

14 droit de vote, mais il est un fait qu'on faisait venir certaines

15 personnalités. Des fois, c'était Halilovic, et des fois, c'était Doko, qui

16 était ministre de la Défense et qui est, soit dit en passant, un Croate et

17 un membre du HDZ. D'après moi, Halilovic, ici, après la proclamation de

18 l'état de guerre, était devenu membre de la présidence de Guerre, donc il

19 est devenu membre à part entière avec droit de vote. Mais il lui arrivait,

20 de façon évidente, ce qui m'est arrivé à moi et à Pejanovic, à savoir, de

21 ne pas être intégré à certaines activités. Je peux vous expliquer pourquoi

22 cela s'est passé avec Halilovic aussi, si cela vous intéresse.

23 Q. Pas pour l'instant. Vous nous avez dit, dans la première partie de

24 votre réponse, du moins, tel que cela a été traduit, vous avez dit qu'il

25 s'agissait du commentaire de Cengic. Il s'agit, semble-t-il, je crois, du

26 commentaire d'Halilovic.

27 R. Il s'agit d'un commentaire de la part d'Halilovic au sujet de Cengic,

28 qui a été nommé en Turquie. Il a dit que ceux qui avaient quitté Sarajevo

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1 ne devaient pas se voir faire confier des fonctions. Cengic était quelqu'un

2 d'important dans la hiérarchie du SDA, et il est parti en Turquie où il s'y

3 était trouvé pour une tâche quelconque. Il avait demandé à ce qu'il ne lui

4 soient pas accordées des fonctions de représentant diplomatique ou

5 d'ambassadeur. Donc, Halilovic était contre, et ultérieurement, il s'est

6 avéré que la fonction en question a été bel et bien accordée à M. Cengic.

7 C'est cela, la substance de ce commentaire.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre.

9 Maître Josse, je ressens le besoin de demander la relecture de ce passage,

10 car d'après la dernière réponse du témoin, je suppose que M. Cengic n'a pas

11 été nommé président économique de la République de Bosnie et de la

12 République de Turquie, et la présidence sur l'échange de la population,

13 c'est quelque chose dont nous avons été informés; ceci n'a jamais été

14 débattu, il n'y a pas eu de réaction. Cela n'est pas très clair. On ne sait

15 pas très bien à quel poste M. Cengic a été nommé.

16 M. JOSSE : [interprétation] Je peux faire la clarté là-dessus, si vous me

17 le permettez. Il s'agit de la deuxième partie des commentaires d'Halilovic

18 qui intéresse la Défense.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais le témoin nous explique ce qui est

20 arrivé à M. Cengic; si vous estimez que cela n'est pas pertinent, arrêtez-

21 le.

22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je dirais que cela n'est pas pertinent.

23 C'est la deuxième partie du passage intitulé "Napomena".

24 Q. Puis-je vous demander, Monsieur Kecmanovic, ce que vous entendez par ce

25 terme-là, "napomena" ?

26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous ne pouvons pas demander

2 aux interprètes de nous dire ce que signifie ce terme, "napomena", car au

3 niveau de la traduction, cela n'est pas très clair. "Napomena" semble être

4 un terme qui est tout seul, et ensuite, c'est intégré à une phrase.

5 M. JOSSE : [interprétation] Précisément.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on peut demander aux

7 interprètes, en premier lieu, ce que signifie ce terme ?

8 L'INTERPRÈTE : "Napomena" veut dire "observation, remarque ou nota bene".

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Il s'agit d'une note qui a

10 été rédigée de la main de M. Halilovic. Il réagit à cette transcription.

11 Monsieur Tieger.

12 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que nous sommes en train de nous

13 livrer à un exercice qui ne peut que poser problème, en ce qui me concerne.

14 Pour l'essentiel, nous procédons à nouveau à l'interrogatoire principal en

15 demandant au témoin de répondre à des questions qui n'ont pas suffisamment

16 -- ont été posées avant, en lui demandant de faire un commentaire --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A propos des commentaires.

18 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

20 Maître Josse, je vous demande de poser des questions très précises à cet

21 égard au témoin.

22 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai presque terminé.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

24 M. JOSSE : [interprétation] C'est la dernière question sur le sujet. Si

25 quelqu'un s'y oppose, à ce moment-là, la Chambre de première instance le

26 saura.

27 Q. La question est celle-ci : Monsieur Kecmanovic, pouvez-vous nous

28 fournir une explication, à supposer que ceci est exact, sur les raisons

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1 pour lesquelles la présidence n'a jamais abordé cette question, à savoir,

2 celle des mouvements de population ?

3 R. Je pense que c'est, en substance, ce qu'Halilovic voulait dire, parce

4 que quoiqu'à la session précédente, il ait soulevé le problème des échanges

5 de la population, la présidence n'en a pas débattu. Je ne puis que

6 confirmer qu'il n'y a pas eu de débat de ce genre, du moins pas en ma

7 présence. Parce que, comme vous avez pu le constaté, je n'ai pas toujours

8 été convié à venir. L'explication est la suivante : dans la direction

9 musulmane, il y avait deux filières, et cela a été une constante qui s'est

10 étirée jusqu'à nos jours. Je ne sais pas quel terme utiliser pour ne pas

11 être mal interprété. Il était question d'une fédéralisation de la Bosnie,

12 chose qu'ont faite les accords de Dayton. Donc il y a eu affirmation de

13 cette ligne-là, de cette filière. L'autre filière, à laquelle appartenant

14 Halilovic - je puis l'illustrer avec bon nombre d'autres exemples - lui, il

15 était favorable à une façon de voir qui était celle de considérer la

16 Bosnie-Herzégovine conformément à ce qui avait été la façon des Communistes

17 de la voir. C'est la raison pour laquelle Halilovic a été révoqué de ses

18 fonctions ultérieurement par Izetbegovic et la direction au sommet du SDA.

19 M. JOSSE : [interprétation] Je vais maintenant passer à un autre sujet.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. On vous a posé un certain nombre de questions sur le partage de

23 Sarajevo. La quatrième variante que vous avez évoquée lors de

24 l'interrogatoire principal, lorsque Me Stewart vous a posé des questions;

25 est-ce que ceci tenait compte - peut-être qu'il s'agit d'une question

26 sémantique, ici - est-ce qu'il s'agissait, en d'autres termes, d'une

27 division ou d'une transformation de la ville de Sarajevo ?

28 R. Quand on parle de transformation, de partage, de régionalisation, de

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1 fédéralisation; tout cela, ce sont des expressions qui, dans notre

2 communication politique, dans notre parler au quotidien, étaient utilisées

3 sans qu'il y ait une distinction entre les différents termes utilisés. Dans

4 la troisième des variantes -- ou plutôt, la quatrième qui a été acceptée

5 par tout un chacun était de faire en sorte qu'au centre-ville, il y ait un

6 secteur extraterritorial là où il y avait des institutions conjointes.

7 Parce qu'on avait compté sur des institutions conjointes qui se

8 trouveraient au niveau de l'Etat et auxquelles participeraient les trois

9 parties en présence. Le reste devait constituer des prolongations de ce qui

10 était considéré comme étant des territoires ethniques, pas ethniquement

11 purs, mais avec une majorité de l'une des trois populations présentes. Par

12 exemple, j'ai parlé de Bascarsija, le secteur de la vieille ville, là où

13 j'habitais moi-même. Etant donné qu'il y avait une prédominance musulmane,

14 cela était censé appartenir aux secteurs à prédominance musulmane. Je

15 n'aurais jamais formulé cette proposition si cela signifiait un territoire

16 ethniquement pur parce que cela se traduirait par mon expulsion à moi de ce

17 quartier. Il était question de ces municipalités de la banlieue qui avaient

18 une majorité serbe. Il y a une sortie de Sarajevo qui s'appelait Stupska

19 Petlja. Avant la guerre, cela avait été une région avec prédominance

20 croate. Mais cela a été censé constituer le lien avec une entité, un

21 canton. Nous parlions "d'entité" à l'époque. Les autres termes ont été

22 utilisés ultérieurement. Donc, cela devait servir de liaison avec la région

23 croate. Voilà ce que contenait la proposition telle que formulée.

24 Q. Dernière question supplémentaire, qui portera aussi sur Sarajevo. Ce

25 matin, on vous a demandé ce que vous saviez à propos des pilonnages serbes

26 sur la ville, et à un moment, vous avez essayé de développer une réponse et

27 vous avez dit : "Si vous me permettez, j'aimerais vous donner une

28 illustration de la situation très peu claire de ce qui se passait à

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1 Sarajevo." Et là, le Président vous a arrêté. Est-ce que vous vous souvenez

2 ce que vous étiez en train d'essayer de dire ?

3 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'a-t-il, Monsieur Tieger ?

5 M. TIEGER : [interprétation] Il y a eu une discussion très longue. Il y

6 avait des questions qui ont été posées ayant trait à différents points. On

7 a empêché le témoin de continuer à discourir, et c'était pour une raison

8 que les Juges l'ont arrêté. Il me semble que là, on est en train d'essayer

9 de contourner la décision qui a été prise par les Juges.

10 M. JOSSE : [interprétation] Si je me souviens bien, vous avez quand même

11 dit, Monsieur le Président, que le témoin pourrait y revenir par la suite.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, j'ai bien dit que si le témoin

13 voulait rajouter quoi que ce soit à son témoignage, il pourrait le faire.

14 Mais ce n'est pas ce que vous êtes en train de faire en ce moment. Vous

15 dites : dites-nous exactement ce que vous vouliez dire quand les Juges vous

16 ont arrêté. Ce n'est pas la même chose que de lui dire que voulez-vous

17 ajouter maintenant --

18 M. JOSSE : [interprétation] Non. Je fais valoir que je n'ai rien fait qui

19 soit incorrect. Je pose des questions supplémentaires, et rien de plus.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va demander au témoin.

21 M. Josse vous a posé une question -- c'est-à-dire, vous avez été

22 interrompu, c'est vrai, ce matin, et normalement il vous a été dit que vous

23 pourriez reprendre la discussion qui a été interrompue quand vous le

24 voudriez. Vous pouvez le faire maintenant.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je ne me souviens pas exactement si

26 c'est bien de cela qu'il s'agissait, parce que cet interrogatoire a été

27 assez long. C'est la première fois que je témoigne. J'enseigne toute ma

28 vie, et j'avoue que je me débrouille mal pour ce qui est de fournir des

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1 réponses brèves. Je crois avoir voulu expliquer qu'il y a eu un malentendu

2 avec M. le Procureur, du moins, il me semble que nous ne nous sommes pas

3 bien compris. Que signifie quand je dis que Sarajevo était pilonnée ou

4 inondée d'obus, et quand je parle d'une artillerie, et quand j'ai dit que

5 je ne peux pas comparer les forces de part et d'autre et les effets, parce

6 que je ne connaissais que ce qui se passait d'un côté. Je n'avais pas

7 connaissance de ce qui se passait de l'autre côté. Je ne peux pas faire de

8 comparaison pour ce qui est de savoir qui était plus fort et qui avait

9 davantage de puissance de tir ou quoi que ce soit d'autre. C'est là le

10 problème.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kecmanovic, c'est ce que

12 vous avez dit. Je vais lire exactement ce que vous avez dit.

13 Vous nous avez demandé, je cite : "Si je puis juste dire quelque chose pour

14 illustrer la situation très peu claire qui prévalait à Sarajevo, pour ce

15 qui est des sources. Par exemple --" et ensuite je vous ai interrompu et je

16 vous ai dit que si, à la fin de votre déposition, il y avait des points

17 qui, selon vous, étaient suffisamment importants pour nous en faire part,

18 vous auriez le temps de le faire. Donc, c'est cette illustration que vous

19 aviez en tête ou autre chose ? Si c'est le cas, dites-le maintenant. Mais

20 ne répétez pas ce qui a déjà été dit. Nous l'avons déjà entendu.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Fort heureusement, maintenant vous

22 m'avez rafraîchi la mémoire et je me souviens de ce que je voulais dire.

23 Voilà ce que je voulais dire : je parlais de l'information très

24 controversée, des rumeurs très controversées qui couraient en ville, par

25 rapport aux événements qui avaient eu lieu. D'un côté, il y avait les

26 sources médias côté serbe et musulman. Puis, il y avait ensuite

27 l'interprétation que les gens en faisaient. Ils, parfois, connaissaient la

28 situation. Ils avaient un peu d'autorité. Ils pouvaient dire un peu ce qui

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1 se passait derrière les coulisses. Par exemple, je fais référence à des

2 officiels qui étaient dans l'ABiH ou des membres de formations

3 paramilitaires que je connaissais, parce que c'étaient des gens avec qui

4 j'avais grandi. Il y avait certains de mes amis qui venaient de mon

5 enfance, qui habitaient dans ma rue et qui avaient emprunté de mauvais

6 chemins, si je puis dire, des chemins de traverse, et étaient devenus

7 membres de ces unités. Par exemple, j'ai entendu dire que les tirs sur la

8 foule qui était devant l'assemblée ne venaient pas de l'hôtel Holiday Inn,

9 mais ces gens m'ont dit que cela venait de Sarajevo. Il y avait des tirs

10 spéciaux de Sarajevo. Je me souviens qu'ils ont dit "et." Je me souviens

11 très bien de ce "et." Ensuite, plusieurs années après, à Belgrade, j'ai lu

12 un journal venant de Sarajevo où ce même homme disait quelque chose pour la

13 presse bosnienne. Il disait que cette information était correcte. Il a

14 répété ce qu'il m'avait dit en privé. Or, c'est un homme que je connais

15 bien et à qui je fais confiance. C'est justement un des exemples. C'était

16 de cela que je voulais parler.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

18 M. JOSSE : [interprétation] Merci de nous avoir laisser nous exprimer.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions pour vous

20 maintenant, Monsieur Kecmanovic.

21 Questions de la Cour :

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, la première chose. Vous

23 nous avez expliqué que la présidence élargie de Bosnie-Herzégovine avait

24 pris la forme d'une présidence élargie et on l'avait élargie en invitant

25 des personnes à siéger, si j'ai bien compris. Pourriez-vous nous dire quels

26 étaient les instruments juridiques qui définissaient cela, où il est écrit,

27 par exemple, que la présidence peut inviter des non membres de la

28 présidence à ces sessions en état de guerre. Y a-t-il un texte légal ?

Page 22553

1 C'est cela que l'on cherche.

2 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, mais vous parlez d'un état de

3 guerre. Il va y avoir une ambiguïté supplémentaire. Le témoin nous a parlé

4 de la présidence élargie avant l'état de guerre, et ensuite il a changé le

5 nom de la présidence une fois que l'état de guerre a été déclaré.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il va falloir que je vérifie cela.

7 Pourriez-vous nous expliquer comment on pouvait permettre à des

8 personnes qui n'étaient pas membres de la présidence d'assister à ces

9 réunions de la présidence de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que cela se

10 passait en état de guerre ou est-ce que cela se passait déjà avant l'état

11 de guerre ?

12 R. Cela se passait avant la proclamation de l'état de guerre. On ne les a

13 jamais qualifiés d'invités. On les appelait par leurs titres officiels. Il

14 s'agissait du premier ministre ou d'un ministre pour tel domaine ou tel

15 autre domaine. Il y avait des compositions qui variaient. Il y en avait,

16 bien entendu, qui était régulièrement ou très souvent présent. Par exemple,

17 j'ai dit en passant, tout à l'heure, que dans certaines situations, les

18 structures militaires étaient représentées par le ministre de la Défense,

19 M. Jerko Doko. Dans certaines occasions, dans la même période, c'était le

20 général Sefer Halilovic qui le faisait. Egalement, il y avait à certaines

21 sessions, le ministre de l'Intérieur, Alija Delimustafic. Dans d'autres

22 circonstances, il n'y avait personne du côté des structures de la police.

23 Le premier ministre était présent le plus souvent; un peu moins le vice-

24 président du Parlement, et ainsi de suite.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous nous avez expliqué qui

26 étaient ces fameux invités. Ma question était de savoir où trouver les

27 articles constitutionnels, les articles juridiques qui permettent de créer

28 cette situation, ou est-ce que c'était juste une pratique courante ?

Page 22554

1 R. Tout simplement, il se peut que cela ait été prévu dans un règlement de

2 travail de la présidence. Il y aurait eu des dispositions prévoyant la

3 présence de personnes invitées de haut niveau. Je suppose que cela ait fait

4 partie du règlement ou que cela ait fait partie d'une pratique, parce qu'il

5 était difficile de débattre de certaines questions à la présidence sans,

6 par exemple, la présence du premier ministre. Mais une fois que l'état de

7 guerre a été promulgué, la situation a complètement changé, et certaines de

8 ces personnes sont devenues, comme je l'ai dit, membres à part entière.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'était quand l'état de

10 guerre a été déclaré ?

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il des instruments juridiques

13 qui indiquaient quel était le nombre des membres de la présidence, et

14 cetera ? Est-ce que cela se faisait aussi en pratique ou est-ce qu'il y

15 avait vraiment un texte qui réglementait ce genre de chose ?

16 R. Pour ce qui est de la composition de la présidence de Guerre, je pense

17 être sûr et pouvoir dire que cela a fait l'objet d'un texte légal. Je me

18 dois de mentionner aussi que ce type de documents, pour ce qui est des gens

19 de la présidence, mis à part Mirko Pejanovic, ces textes n'étaient que très

20 mal connus. Les nuances compliquées entre la situation d'état de guerre

21 éminent ou d'état de guerre tout court, et en dernière position, il y avait

22 la proclamation d'un état de guerre. C'était lui qui, à l'intention de la

23 présidence, tenait des conférences pour ce qui était de faire la différence

24 entre ces différentes nuances, parce que c'était quelqu'un qui, dans le

25 régime précédent, était intervenu en matière de système politique, donc il

26 connaissait la matière.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Maintenant,

28 un autre point : vous avez décrit ces informations qui étaient à votre

Page 22555

1 disposition quand vous vous étiez à Sarajevo. Vous pouviez suivre les

2 médias des deux côtés et vous obteniez ainsi des informations

3 contradictoires. Vous avez parlé de la radio. Vous parlez des sources

4 d'information. Il y avait la radio, il y avait les journaux à Sarajevo;

5 venant des deux côtés ? C'était disponible ?

6 R. Non. La presse de la partie adverse, non. Mais le programme radio, oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, uniquement la radio. Et la

8 télévision, les deux camps aussi ?

9 R. Quand il y avait de l'énergie électrique, oui, on pouvait capter les

10 émissions. Sinon, on pouvait, avec nos transistors, écouter les programmes

11 radio diffusés par les deux parties.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y avait-il des diffusions

13 internationales que vous arriviez à capter ?

14 R. De temps à autre. Cela intéressait particulièrement les gens pour

15 savoir ce qui se passait à l'extérieur, à l'extérieur de la Bosnie-

16 Herzégovine.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait aussi la télévision

18 étrangère ? Est-ce que c'est inclus dans ce qui était captable ?

19 R. Non. A Sarajevo, cela n'a pas été possible même avant la guerre, en

20 temps de paix.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait pas d'antennes

22 paraboliques. Parce que d'après ce que j'avais compris --

23 R. Il y avait très peu de gens qui pouvaient s'en servir avant la guerre.

24 Par exemple, les téléphones cellulaires, pour la première fois au sein de

25 la présidence, cela a été apporté en premier par Fikret Abdic. Lui, il

26 avait un téléphone cellulaire. Les autres membres, président de la

27 présidence compris, n'en avaient pas.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la présidence avait-elle accès à la

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1 télévision par satellite avec une antenne parabolique ? Il y a énormément

2 de chaînes publiques qui peuvent être captées et qui étaient même plus

3 faciles à recevoir, bien plus faciles que des téléphones cellulaires ?

4 R. Dans le bâtiment de la présidence, il y avait une salle de conférence

5 de presse et sans cesse, il y avait là un grand nombre de journalistes. Ils

6 avaient un point de rassemblement où ils ne travaillaient pas. C'est là

7 que, devant les caméras de la télévision, il venait des membres de la

8 présidence pour être interviewés. Ils venaient individuellement, et il a

9 été convenu que l'un d'entre nous informerait les médias de ce qui s'était

10 passé durant cette journée-là au sein de la présidence. Cependant, comme

11 Stjepan Kljuic --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous êtes en train de changer le

13 sujet, puisque je vous parlais de la captation, et là vous êtes en train de

14 parler de la diffusion. Je voulais savoir s'il y avait des possibilités,

15 dans le bâtiment de la présidence ou à un endroit accessible aux membres de

16 la présidence ou à leurs assistants, s'il y avait une possibilité d'avoir

17 accès à une réception, une réception de CNN ou d'une chaîne étrangère ?

18 R. Non.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ma question suivante, maintenant

20 une question de suivi, plutôt. La Chambre a entendu de nombreuses

21 dépositions, dont la vôtre, d'ailleurs, sur l'important rôle joué par les

22 médias au cours de cette guerre. Or, d'après ce que j'ai compris,

23 techniquement, il me semblait que ce n'était pas quelque chose

24 d'extraordinaire d'avoir une antenne parabolique pour recevoir la télé par

25 satellite. Alors pouvez-vous m'expliquer comment la présidence a tout

26 simplement ignoré ce point essentiel, qui aurait permis de recevoir des

27 informations sur la perception du conflit en cours, la perception par le

28 monde extérieur du conflit en cours ?

Page 22557

1 R. Vous avez raison. Cela semble en effet très étrange. Toutefois, les

2 communications avec le monde extérieur, d'une façon spécifique, ont été

3 réalisées par les employés de la FORPRONU qui se trouvaient à Sarajevo et

4 qui maintenaient le contact avec certains membres de la Présidence. C'est

5 ce qui a constitué le lien. Cela n'a pas compensé véritablement l'élément

6 dont vous avez parlé vous-même, mais c'est ainsi que cela s'est passé.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, vous nous avez dit que quand

8 vous êtes arrivé à Pale, dans cette pièce ou cette salle d'attente, vous

9 avez dit : "Je n'étais pas assis en train d'attendre, j'ai écrit et j'ai lu

10 tous les journaux que je n'avais pas eu l'occasion de lire à Sarajevo." De

11 quels quotidiens parliez-vous ?

12 R. Je n'ai pas dit que j'avais lu tous les journaux, mais je disais qu'à

13 l'époque, le temps que je devais passer à attendre mon départ pour

14 Belgrade, je le mettais à profit pour lire la presse. Cela m'a grandement

15 servi parce que ce qu'on avait comme presse était très réduit, c'étaient

16 des espèces de bulletins. Pour autant que je le sache, dans la Republika

17 Srpska, il y avait un journal qui s'appelait Glas Srpski, la voix serbe. Ce

18 n'était pas un journal d'une grande qualité, mais j'ai pu voir donc la

19 presse de Belgrade que j'avais eu l'habitude de lire avant, en temps de

20 paix. C'était le journal Politika, la revue Nin, et autres. Politika, c'est

21 un quotidien, et Nin, c'est la revue hebdomadaire la plus connue sur un

22 plan politique, notamment.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de journaux internationaux ?

24 R. Il n'y en avait pas. Je n'en avais pas trouvé, là-bas.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, à Belgrade, pourriez-vous nous

26 décrire un peu la situation à Belgrade en ce qui concerne l'accès à la

27 presse étrangère, l'accès aux médias étrangers, télévision, radio ?

28 R. Là-bas, bien entendu, cela se passait nettement mieux. On était en

Page 22558

1 temps de paix. Mis à part cela, j'avais bon nombre de contacts avec des

2 diplomates étrangers qui se trouvaient toujours présents à Belgrade. J'ai

3 eu aussi des entretiens, des sources d'informations, parce que là, la

4 situation était pratiquement normale. Certes, l'opinion publique, elle

5 aussi, était partagée, pour ce qui était de la guerre faisant rage en

6 Bosnie-Herzégovine. Cela a été très inspirant pour ce qui est des

7 réflexions et des analyses, mais ceci se rapporte à périodes ultérieures,

8 parce que j'ai passé pratiquement une semaine entière à l'hôpital. Je dois

9 admettre que tout au début, je n'ai pas pu suivre les médias dans une

10 grande mesure. J'ai passé mon temps, notamment, avec ma famille, parce

11 qu'une partie de ma famille se trouvait encore à Sarajevo, donc j'ai suivi

12 ce qui se passait.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons revenir peut-être à

14 Sarajevo pour mes questions. Vous avez dit qu'il y avait la radio. Mais

15 n'est-il pas vrai que plupart des postes radio pouvaient recevoir très

16 facilement tout ce qui était diffusé, soit par la BBC ou par CNN ? Enfin,

17 je ne suis pas un expert en radio. Je ne sais pas s'il y a les ondes

18 courtes ou les ondes longues, ou quoi que ce soit, mais enfin, avec un

19 transistor, on n'a pas besoin de grand-chose; pas besoin de satellite, pas

20 besoin d'équipement. Il suffit de tourner le bouton.

21 R. Oui, en effet.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Or, vous n'essayiez pas de le faire ?

23 R. Cela semble paradoxal, mais j'ai eu davantage l'occasion de le faire

24 avant de devenir actif au niveau de la présidence. Lorsque j'ai eu des

25 activités politiques du matin au soir, je passais mon temps dans les locaux

26 de la présidence. Bien entendu, je n'avais pas le temps de le faire, ce qui

27 fait qu'en quelque sorte, je me suis trouvé être moins informé qu'avant

28 d'être partie intégrante de cette présidence. J'étais moins informé sur

Page 22559

1 certaines autres choses. A la présidence, j'étais plus informé sur le

2 quotidien, sur ce qui se passait dans la maison. Ce que je faisais

3 d'habitude, je n'avais pas le temps de le faire.

4 Techniquement parlant, oui, vous avez raison. Cela était possible.

5 Certaines choses m'étaient rapportées par des amis, par les membres de ma

6 famille. Jusqu'au moment où j'ai commencé à faire partie de la présidence,

7 c'est un domaine d'information auquel j'avais recours régulièrement. Mais

8 il faut que vous sachiez que le soir, il n'y avait pas d'électricité. On

9 faisait exprès l'obscurité et on ne pouvait se servir que des piles, des

10 transistors à piles, pour capter. Là, le son capté était de qualité assez

11 médiocre, et l'information recueillie, plutôt --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour vos réponses. Je n'ai plus de

13 questions.

14 Y a-t-il des questions suite aux questions que la Chambre a posées ?

15 Monsieur Tieger ? Monsieur Josse ? Non ?

16 Dans ce cas-là, Monsieur Kecmanovic, nous en avons fini avec votre

17 déposition. Je tiens à vous remercier d'être venu ici à La Haye pour

18 répondre très longuement, si puis je peux dire, à toutes les questions qui

19 vous ont été posées à la fois par les deux parties et par les Juges de la

20 Chambre. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. J'ai aussi une petite

22 requête. Puisque je quitte demain La Haye et comme je n'aurai pas la

23 possibilité d'aller à l'unité de détention, est-ce que je puis aller dire

24 au revoir à M. Krajisnik ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

27 [Le témoin se retire]

28 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

Page 22560

1 M. JOSSE : [interprétation] Je sais que j'ai besoin de cotes pour les deux

2 documents que j'ai soumis.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

4 M. JOSSE : [interprétation] Il me faut deux cotes --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première cote sera donnée au passage

6 du livre "La chute de la Yougoslavie", c'est Ed Vulliamy, D157. La cote

7 suivante, c'est pour les trois pages du procès-verbal de la présidence de

8 la Bosnie-Herzégovine qui sera --

9 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- donc le D158. Le dernier document,

11 c'est le passage du livre de M. Halilovic, qui recevra la cote D159.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est en effet cela.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Greffier.

14 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

16 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que vous vous êtes trompé, parce que

17 "La chute de la Yougoslavie" a été écrit par Misha Glenny.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, c'est Glenny, ce n'est pas

19 Vulliamy --

20 M. JOSSE : [interprétation] Vulliamy, c'était le document P1151.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, je suis perdu dans mes

22 papiers. Je suis un peu perdu dans tous ces documents qui ont été

23 présentés.

24 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une petite

25 question de clarification ? Pour ce qui est du P1148, le fameux agenda, le

26 cahier sur lequel il y a des notes, l'Accusation ou les Juges de la Chambre

27 ont-ils l'intention de verser l'agenda en entier ou veulent-ils que nous ne

28 versions que des pages bien précises ? Si c'est le cas, il faut que nous

Page 22561

1 sachions exactement quelles sont les pages qui sont prises en compte.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger ?

3 M. TIEGER : [interprétation] Nous voulons verser tout le cahier.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, tout le cahier, mais nous

5 n'en avons vu que des passages.

6 M. TIEGER : [interprétation] En effet, mais c'est un document qui doit être

7 versé en entier. Nous en avons parlé pour tout ce qui avait trait au plan

8 Cutileiro. Cela fait référence en plus au contenu général du cahier, et si

9 j'avais eu le temps, on aurait pu passer beaucoup plus de temps sur de

10 nombreuses pages de ce document. Donc, je pense qu'il vaudrait mieux verser

11 tout le dossier. Nous n'en avons vu que certains passages, mais c'est parce

12 que nous n'avions pas le temps.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Josse, est-ce que ce

14 serait pratique pour vous -- bon, tout d'abord pour votre information, la

15 Chambre est très occupée, quand on sort de ce prétoire, on n'a pas

16 forcément le temps immédiatement de lire tout ce qui est écrit dans les

17 cahiers. Jusqu'à présent, nous ne nous sommes penchés que sur les passages

18 qui nous ont été présentés, car nous avons beaucoup de choses à faire. Ce

19 serait peut-être une bonne idée de savoir dans quelle mesure cet agenda

20 sera utilisé dans les semaines à venir, et ensuite, peut-être, on pourra

21 prendre la décision quant à savoir si on va le verser en entier ou ne

22 verser que certains passages quand le moment sera venu. Sinon, on risque

23 d'avoir encore des discussions exactement identiques quant à savoir sur ce

24 qu'on va verser ou ne pas verser.

25 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais j'allais vous demander de me donner

26 encore un petit peu de temps pour que je puisse en parler avec M. Stewart.

27 Je pense que nous avons fait les mêmes commentaires en ce qui concerne le

28 P1149, qui est le rapport d'expert, et je pense que la Défense voudrait que

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1 tous les documents soient versés --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

3 M. JOSSE : [interprétation] -- Il va falloir de toute manière que j'en

4 parle avec M. Stewart avant de vous donner notre position.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, on verra, de toute façon.

6 Maintenant, voyons un petit peu les cotes des documents qui ont été abordés

7 lors du témoignage du M. Kecmanovic.

8 On va commencer par le P1145, On va les voir un par un en détail.

9 Donc, il y a d'abord l'intercept; le P1146, un autre intercept; le P1147,

10 l'article d'Oslobodjenje. Il n'y a pas de version en anglais de ce

11 document, n'est-ce pas, Monsieur Tieger ? Y en a-t-il ou il n'y en a pas ?

12 Je regarde mon dossier.

13 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que vous avez raison, il n'y en

14 a pas.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous vérifier s'il y a une

16 version anglaise ?

17 M. TIEGER : [interprétation] Je m'y emploierai.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, le P1148, avez-vous des

19 suggestions là-dessus ? On dit que versement en suspens ou versement

20 provisoire, en donnant la possibilité à la Défense de faire valoir son

21 point de vue éventuellement un peu plus tard --

22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je préférerai qu'on dise qu'il est versé

23 en suspens pour l'instant, le versement est en suspens --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, donc cela, c'est le 1140

25 [comme interprété].

26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je pense la même chose. En fait, c'est la

27 même chose finalement, que l'on dise l'un ou l'autre.

28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais je préfère que l'on dise que c'est en

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1 suspens, comme cela la Défense se souviendra qu'il est en suspens et qu'il

2 faut faire quelque chose avec ce document --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc c'est sur notre liste, on va

4 le noter comme étant en suspens.

5 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous essayons quand même de ne pas avoir

7 trop de questions laissées en suspens, vous comprenez bien.

8 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je comprends.

9 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

10 M. JOSSE : [aucune interprétation]

11 M. TIEGER : [interprétation] Je ne recherche pas à ce que l'on verse au

12 dossier, je ne comprends pas, donc, pourquoi il est en suspens.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais là, on parle du rapport d'expert,

14 avec le Dr Kecmanovic.

15 M. TIEGER : [interprétation] Non, j'ai présenté des extraits de ce rapport

16 au témoin, il les a vérifiés, je pense que cela suffit. M. LE JUGE ORIE :

17 [interprétation] Oui, cela doit suffire, mais a-t-il besoin d'une cote pour

18 les extraits qui ont été lus ?

19 M. JOSSE : [interprétation] Bien --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense est en train de dire que

21 l'Accusation n'a pas recherché à faire autre chose que de montrer quelques

22 citations au témoin de ce rapport, donc elle n'a pas l'intention de verser

23 le rapport en entier au dossier. Il lui faut non pas une cote en P -- enfin

24 c'est à la Défense de savoir si elle veut le verser ou pas. Monsieur Josse

25 --

26 M. JOSSE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit à ce

27 propos à l'heure actuelle.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, ce sera la

Page 22564

1 P1149, il est disponible. Monsieur Josse, vous avez de la chance, il est

2 déjà photocopié et il a été traduit.

3 Maintenant, le P1150, c'est l'interview avec Kecmanovic de Tanjug; le

4 P1151, il s'agit là des passages du livre de Vulliamy.

5 Donc, nous allons verser le P1145, le P1146, le P1150, le P1151, les

6 1147 et 1148 en suspens, et la cote 1149 a été libérée. Cela dit, ce

7 document recevra peut-être, à l'avenir, une cote en D.

8 Passons maintenant aux numéros en D. Le D157, le D158 et le D159; le

9 premier est le passage du livre de M. Glenny, "La chute de la Yougoslavie;"

10 ensuite, le suivant, ce sont les pages du compte rendu de la présidence de

11 Bosnie-Herzégovine; et pour ce qui est de la cote 159, il s'agit des

12 extraits du livre de M. Halilovic.

13 Objections ?

14 M. TIEGER : [interprétation] Aucune, mais pour ce qui est donc de

15 l'interrogatoire, des questions supplémentaires et du versement de ces

16 documents, il est dommage que l'Accusation, dans ces circonstances -- bon,

17 la Défense a suivi la procédure, a demandé l'autorisation d'ouvrir des

18 documents, nous a présenté des documents que nous n'avions vus que dans la

19 version B/C/S, et cetera. Enfin, je tiens à citer tout cela parce qu'il se

20 pourrait fort bien qu'il y ait d'autres documents qui parlent de la même

21 chose, et qui seront présentés à la Chambre plus tard. Je tenais quand même

22 à éclaircir ce point.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, le D157 jusqu'à et y compris

24 le D159 sont versés au dossier.

25 Monsieur Josse, si l'Accusation a encore d'autres initiatives suite à

26 la communication tardive de ces documents, nous verrons et nous traiterons

27 les choses en temps et en heure. Vous êtes d'accord ?

28 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

Page 22565

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je tiens quand même à ajouter, M.

2 le Greffier vient de me le rappeler, d'ailleurs, avant de verser une bonne

3 fois pour toute le D158 et le D159, il nous faudra la traduction.

4 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je l'avais anticipé.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais oublié de le dire. C'est

6 tout.

7 Monsieur Tieger, vous avez la parole.

8 M. TIEGER : [interprétation] Il y a une discussion rapide avec le Greffier

9 à propos de l'admission des sessions de la présidence, qui ont été

10 demandées. Elles sont ici. Elles peuvent être versées, si vous -- enfin,

11 elles peuvent être présentées en tout cas de façon -- Cela peut être très

12 utile pour faire avancer l'affaire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

14 Monsieur le Greffier, si je comprends bien, vous les avez. Est-ce

15 qu'elles ont reçu une cote ? Non. Je vois au sommaire que les numéros des

16 pièces sont écrits, mais ils n'ont pas de cote, si j'ai bien compris.

17 Monsieur le Greffier, avez-vous la moindre idée pour savoir comment

18 nous pourrions remplir ces cases vides ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] On pourrait leur donner tout simplement

20 les cotes disponibles ?

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Une autre façon de traiter le

22 problème serait de donner au dossier entier une cote. Il y aura quelques

23 répétitions, certes, mais de toute façon les exemplaires ont été faits, les

24 photocopies sont déjà faites, donc ce n'est pas cela qui va économiser le

25 papier. Je pense qu'il vaudrait mieux donner une même cote globale et y

26 faire référence peut-être aux dates, et s'il y a plus d'une réunion qui se

27 serait tenue en même jour, on verra. Oui, je vois quand même ici, au 1er

28 septembre 1992, il y a eu deux sessions, donc deux réunions. Les parties

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1 doivent indiquer très clairement à quoi elles font référence. Si on parle,

2 par exemple, du 1er septembre, étant donné qu'il y a deux séances, elles

3 n'ont pas reçu de cote encore. Nous allons y réfléchir. Je vais en parler

4 avec M. le Greffier, et nous verrons bien comment numéroter ces documents.

5 Avez-vous d'autres objections éventuelles sur le versement de ces pièces,

6 mis à part le fait qu'il a des numéros qui n'ont pas encore été donnés.

7 M. JOSSE : [interprétation] Non, je ne vois absolument pas comment la

8 Défense pourrait soulever la moindre objection.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons

10 lever la séance jusqu'à demain.

11 Monsieur Josse, j'espère que vous n'avez plus de problèmes avec le témoin

12 suivant qui doit venir témoigner ?

13 M. JOSSE : [interprétation] Oui, il est dans l'Unité de Détention.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le sais.

15 M. JOSSE : [interprétation] Je l'ai déjà vu. Je crois que je vais pouvoir

16 m'entretenir avec lui cet après-midi. Je dois être prêt pour demain matin,

17 et je le serai.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 Dans ce cas-là, nous levons la séance et nous reprendrons demain à 9

20 heures, même prétoire.

21 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi

22 6 avril 2006, à 9 heures 00.

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