Page 22481
1 Le mercredi 5 avril 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, après avoir demandé à
7 M. le Greffier de citer l'affaire, vous aurez la possibilité de reprendre
8 immédiatement votre contre-interrogatoire.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
10 donc de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 Monsieur Kecmanovic, je tiens à vous rappeler que vous êtes encore tenu par
13 la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre déposition.
14 Monsieur Tieger, vous avez la parole.
15 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 LE TÉMOIN : NENAD KECMANOVIC : [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Contre-interrogatoire par M. Tieger : [Suite]
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kecmanovic. Hier, nous avons parlé
20 des conversations que vous avez eues avec les membres de la direction des
21 Serbes de Bosnie portant sur différents sujets, y compris Sarajevo, entre
22 autres. Il y a eu une discussion avec la Chambre et avec M. Stewart à
23 propos de ce qui était les actes autorisés, les actes non autorisés, à
24 savoir, ce que vous compreniez par ce concept, et si vous étiez au courant
25 de ce type de chose. Au cours de cette discussion, vous avez expliqué, ceci
26 se trouve à la page 35 du compte rendu LiveNote, pour le bénéfice du
27 conseil et des Juges, que l'artillerie musulmane avait tiré sur les
28 quartiers serbes, et l'inverse aussi avait eu lieu, et que les tirs
Page 22482
1 d'artillerie, souvent, visaient des zones et des quartiers très peuplés.
2 Professeur Kecmanovic, ce n'est pas tout à fait un résumé très précis de ce
3 qui s'est passé à Sarajevo, ce que vous saviez, en tout cas, n'est-ce pas ?
4 R. En effet.
5 Q. En fait, les forces serbes avaient une artillerie supérieure et ont
6 totalement détruit le centre de la ville ainsi que les quartiers anciens de
7 la ville.
8 R. Quand j'ai dit auparavant que je n'avais pas donné un résumé total,
9 c'était autre chose. J'avais dit -- j'ai oublié quelque chose. Les
10 Musulmans, les forces musulmanes, ont aussi ouvert le feu et tiré aussi sur
11 leurs propres camps. Ils ont visé leurs propres camps. Le général MacKenzie
12 était le premier officiel international à nous avertir et à avertir les
13 gens de cela. Ceux d'entre nous qui habitaient en ville, comme moi, nous le
14 savions. Nous avions des informations là-dessus.
15 Q. C'est absolument faux, et vous le savez très bien. Le général MacKenzie
16 a bien dit dans son livre et dans ses interviews, aussi, il a tout clarifié
17 pour que l'on sache bien que les forces musulmanes bosniennes n'étaient pas
18 responsables de ces atrocités. Vous le savez.
19 R. Je n'ai pas le document avec moi, mais j'étais à Sarajevo. J'étais
20 encore à Sarajevo quand le général MacKenzie a fait une déclaration dans ce
21 sens. C'était quelque chose qui a été publié par les médias de Sarajevo. Je
22 n'ai pas lu le livre de MacKenzie. Je ne sais pas ce qui est écrit dans ce
23 livre, mais je sais qu'il y a une déclaration à cet effet. Malheureusement,
24 je n'ai pas les journaux avec moi pour le prouver aujourd'hui, pour prouver
25 ce que j'avance.
26 Q. Mais c'est facile, il suffit d'aller sur internet et de vérifier ce qui
27 est écrit dans le livre de MacKenzie. Il sait très bien que les forces
28 musulmanes de Bosnie n'étaient pas responsables pour les massacres comme le
Page 22483
1 massacre pour le pain, enfin. Il dit qu'il est absolument certain de ce
2 qu'il avance.
3 R. Je continue à maintenir qu'il y a une déclaration qui va dans le sens
4 de ce que j'ai dit, et la preuve indirecte existe aussi. Il y a eu des
5 réactions extrêmement animées des différents forums officiels côté musulman
6 après cette déclaration que M. le général MacKenzie a faite. En
7 conséquence, le général MacKenzie est resté quelqu'un qui n'est pas très
8 aimé dans la Sarajevo musulmane, justement à cause de cette déclaration.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je puis intervenir, j'ai l'impression
10 que lors des questions et des réponses, on mélange un peu les choses.
11 Hier, M. Kecmanovic nous a dit que des quartiers très peuplés avaient
12 été ciblés par des tirs d'artillerie et que c'était arrivé des deux côtés,
13 en fait, de la part des deux camps. Or, hier, dans les questions et les
14 réponses, je n'ai pas eu l'impression qu'il s'agissait d'un rapport fait
15 par le témoin sur l'équilibre entre les deux camps, à savoir, s'il y avait
16 supériorité d'artillerie disponible pour l'une des parties ou pour l'autre.
17 Il nous parlait juste de ce que les gens de la ville avaient vécu, donc je
18 pense qu'il y a deux choses là. Même avec des capacités d'artillerie assez
19 faibles, on peut très bien cibler des civils. Quand on a énormément de
20 puissance de feu, on sait aussi éviter de cibler les civils, enfin, de tuer
21 des civils ou de tirer sur des civils, parce qu'on ne devra pas parler de
22 viser.
23 Ici, il s'agit de deux choses différentes. Maintenant, on a un
24 troisième point qui entre en ligne de compte, à savoir si, avec beaucoup ou
25 peu d'artillerie, il y a une raison de croire que les Musulmans ou les
26 Serbes, d'ailleurs, tireraient ou viseraient, si on peut dire, leurs
27 propres camps, les personnes qui sont sur leurs propres territoires. Il
28 s'agit là de trois points tout à fait différents et très distincts, donc
Page 22484
1 dans vos questions, s'il vous plaît, il faut bien les séparer aussi. Sinon,
2 on n'aura que des réponses qui seront extrêmement confuses.
3 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je pense
4 que --
5 Q. Monsieur --
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis parler --
7 Q. Monsieur le Professeur, un moment, s'il vous plaît.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis ajouter quelque chose pour ce qui
9 est de l'interprétation, surtout, je n'ai pas dit que les forces musulmanes
10 ou les forces serbes avaient visé des cibles civiles. Tout ce que j'ai dit,
11 c'est quand on parlait de quartiers très peuplés, bien -- quel mot à
12 utiliser ? Je vais employer un mot qui a été utilisé plus tard, après les
13 bombardements de l'OTAN, et je vais donc vous parler qu'il y a eu des
14 dégâts collatéraux. Voilà. L'objectif et la cible étaient militaires, mais
15 --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, c'est exactement
17 pour cela que j'ai dit qu'il ne fallait pas que l'on parle de "viser" et de
18 "cible", parce que je dis plutôt que l'on tire sur des endroits et qu'il y
19 a parfois des dégâts collatéraux. Il ne faut pas parler, donc, de cible --
20 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- j'ai corrigé de moi-même.
22 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation]
24 Q. Au cours de vos réponses ce matin, vous avez commencé à nous donner un
25 peu d'informations supplémentaires sur les détails que vous voulez fournir
26 à la Cour, à la Chambre, en ce qui concerne ce qui est arrivé à Sarajevo.
27 Si j'ai bien compris votre position, vous voulez que la Chambre comprenne
28 bien qu'il y avait des tirs échangés de façon très équitable, si je puis
Page 22485
1 dire, entre les forces musulmanes et les forces serbes. Ils tiraient chacun
2 sur les territoires qui étaient détenus par le côté opposé.
3 R. Je tiens à vous dire une chose que j'ai encore omise. J'ai répondu à
4 votre question. Vous m'avez demandé si les choses se sont passées comme
5 cela, c'est pour cela que je vous ai donné l'explication supplémentaire. Ce
6 n'était pas mon initiative. Mais je me souviens très bien, au début de la
7 guerre --
8 Q. Veuillez répondre, s'il vous plaît. Si vous êtes en train de répondre à
9 une question en faisant référence au début de la guerre, je pense, en effet,
10 que la Chambre voudra vous entendre, mais j'aimerais quand même que vous
11 répondiez à ma propre question, d'abord avec un oui ou un non. S'il y a
12 besoin d'explications supplémentaires, vous pouvez, bien sûr, poursuivre.
13 Mais vous ne pouvez pas éviter de répondre à ma question en faisant
14 référence immédiatement à un autre sujet qui vous intéresse plus. Ce n'est
15 pas ce que nous recherchons ici.
16 Voici ma question : vous voulez que la Chambre comprenne bien qu'il y avait
17 des tirs qui étaient échangés par les Serbes et par les Musulmans sur des
18 portions de la ville qui étaient détenues par le camp opposé, et que ces
19 échanges étaient assez identiques d'un côté comme de l'autre; oui ou non ?
20 R. Je ne peux pas vous répondre par oui ou par non, c'est pour cela qu'il
21 faut que je vous explique exactement ce qui s'est passé en quelques mots.
22 Les civils, dont je faisais partie d'ailleurs, vous savez, à l'époque,
23 parce qu'il y avait des tirs, quand on entendait des détonations et des
24 explosions, on rentrait chez nous, on allait dans les maisons, puis on
25 entendait uniquement les explosions. On n'avait pas l'occasion d'aller voir
26 ce qui tombait, d'où cela venait, et cetera. Le problème de la population
27 civile, c'est qu'on n'arrivait pas à faire la différence entre ce que les
28 soldats appelaient les détonations ascendantes, et les détonations
Page 22486
1 descendantes. Alors pour l'homme de la rue, une explosion, une détonation,
2 c'est identique, quel que soit son type --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai l'impression que vous voulez
4 nous dire que vous ne savez pas, en fait; vous l'expliquez en disant que
5 vous étiez des civils, et qu'en tant que civils, vous ne pouviez savoir
6 exactement ce qui se passait. C'est une réponse tout à fait correcte. Donc,
7 vous avez commencé à nous répondre, mais vous avez commencé par dire : "Je
8 ne peux pas vous dire," donc, peut-être, commencez déjà par répondre en
9 nous disant exactement si vous savez, oui ou non, et ensuite, vous pouvez
10 vous expliquer.
11 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. Est-il correct ou incorrect de dire, Professeur Kecmanovic, que les
14 Serbes avaient une artillerie supérieure, une capacité d'artillerie
15 supérieure, et que les Serbes ont totalement détruit le centre-ville ainsi
16 que les parties anciennes de la ville ?
17 R. Je vais reprendre ce que je disais auparavant, et vous verrez. La
18 conséquence des pilonnages côté serbe, c'est quelque chose que j'ai pu voir,
19 alors que les conséquences du pilonnage des forces musulmanes sur les
20 forces serbes, je ne l'ai pas vu. L'impression, c'est que j'ai l'impression
21 que, bien sûr, le côté serbe avait une puissance de feu supérieure, puisque
22 j'ai vu le résultat de leurs tirs. Pour ce qui est des résultats des tirs
23 musulmans, là, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le voir. C'est la
24 réponse que vous attendiez ?
25 Q. Non, ce n'est pas tout à fait la réponse que j'attendais, mais basé sur
26 ce que vous avez vu, sur ce que vous avez entendu, sur les discussions que
27 vous avez eues avec des officiels que vous avez rencontrés, basé sur tout
28 ce que vous avez su par la suite aussi, est-ce que vous n'en êtes pas
Page 22487
1 arrivé à la conclusion que le camp serbe avait une puissance de feu
2 supérieure, avait une capacité d'artillerie supérieure, et que de ce fait,
3 le côté serbe a donc totalement détruit le centre et les quartiers anciens
4 de la ville ? Pourquoi ne pas le dire à la Chambre ?
5 R. Mais c'est justement ce que je veux vous dire. J'ai vu les résultats de
6 tout cela, j'ai vu les résultats de cela. Je n'ai pas vu les résultats, en
7 revanche, des tirs des forces musulmanes --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter pour la raison
9 suivante. Monsieur Tieger, vous avez déjà incorporé deux questions dans une
10 même question. Vous demandez au témoin une question sur la supériorité de
11 puissance de feu, à savoir, s'ils ont une artillerie plus sophistiquée, en
12 plus grande quantité, et vous, immédiatement, reliez cette question à une
13 autre qui est de savoir si cette puissance de feu a bel et bien été
14 utilisée pour totalement détruire le centre-ville.
15 Monsieur Kecmanovic, vous n'avez qu'à répondre à la deuxième partie
16 de la question, oubliez la première. La première question, c'était : est-ce
17 que suite à ce que vous avez entendu, ce que vous avez vu, ce à quoi vous
18 avez assisté, est-ce que vous pouvez nous dire si les Serbes avaient une
19 puissance de feu supérieure aux Musulmans ? Cela, c'est la première
20 question.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais avoir déjà répondu à cette question,
22 mais j'ai dû me tromper. Tout ce que j'ai vu, c'est la puissance de feu des
23 Serbes; la puissance de feu des Musulmans, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai
24 pas contrôlée, je n'en sais rien, puisque je n'ai pas vu les résultats de
25 cette puissance de feu.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous limitez vos observations aux
27 conséquences de cette artillerie une fois qu'elle a été utilisée, mais la
28 question est quand même bien plus large. On vous demande suite à ce que
Page 22488
1 vous avez entendu, ce que vous avez su, est-ce que vous êtes d'opinion de
2 dire que les Serbes avaient une puissance de feu bien supérieure à l'autre
3 camp ? C'est tout ce qu'on vous demande. Je vous demande de ne pas penser
4 du tout à l'utilisation de cette puissance de feu, mais on parle là de
5 capacité de feu, de pièces d'artilleries, et cetera. Est-ce que vous en
6 avez appris quoi que ce soit ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Si c'est une question très concrète sur le
8 nombre de pièces d'artillerie et des munitions, et cetera, là, je n'en sais
9 rien. Bien que j'étais membre de la présidence, je n'avais aucune idée de
10 ce qu'on avait en termes de capacité sur mon camp, alors sur l'autre camp,
11 je n'en savais encore moins. Je ne pouvais me faire une idée qu'en tirant
12 des conclusions à partir des conséquences de cette puissance de feu.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais M. Tieger vous a posé aussi la
14 question de savoir si par la suite vous avez appris quoi que ce soit sur
15 l'équilibre des forces.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, après, une fois que je suis parti à
17 Belgrade, si c'est ce que vous voulez dire. Une fois que je me suis
18 retrouvé à Belgrade après avoir quitté Sarajevo, là, j'ai entendu beaucoup
19 d'informations très différentes. Pendant toute cette période, d'ailleurs,
20 jusqu'à maintenant, j'essaie de m'informer de façon parallèle en essayant
21 de trouver des sources à Banja Luka, à Sarajevo, à Belgrade, et cetera. Il
22 est très difficile d'en arriver à se faire une idée bien précise sur ce qui
23 s'est vraiment passé. Plus le temps passe, plus les informations sont
24 contradictoires, tout dépend de la source dont elles émanent. Pour ce qui
25 est des sources internationales, là, peut-être, la situation serait plus
26 claire.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tieger nous suggère que les Serbes
28 avaient une puissance de feu supérieure. Si vous avez en tête une source
Page 22489
1 qui serait sérieuse, puisque vous nous dites que vous vous informez un peu
2 de tous côtés, si vous avez des rapports très sérieux - je ne parle pas, là,
3 de discours électoraux ou de ce genre de chose, mais des rapports vraiment
4 sérieux qui sembleraient déclarer que c'était les Musulmans qui, lors du
5 conflit à Sarajevo, avaient la puissance de feu supérieure - je pense que M.
6 Tieger aimerait beaucoup avoir accès à ce document.
7 Alors Monsieur Tieger, vous pouvez continuer, et vraiment, faites
8 attention à vos questions pour qu'elles soient très claires.
9 J'interviendrai quand ce sera nécessaire.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais quand même prendre la parole.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On n'est pas ici pour se lancer dans un
12 grand débat. Il faudrait plutôt peut-être donner la parole à M. Tieger afin
13 qu'il vous pose sa prochaine question et que l'on puisse poursuivre le
14 contre-interrogatoire.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais j'aimerais quand même prendre la
16 parole pour vous illustrer un petit peu le manque de clarté de la situation.
17 Si je suis les sources qui viennent de Sarajevo --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, on entendra cela, peut-être, à la
19 fin de votre témoignage. Je comprends bien qu'il y a des choses que vous
20 voulez nous dire maintenant, mais ce n'est pas le moment, on n'est pas ici
21 pour faire un débat politique, vous êtes ici pour répondre à des questions.
22 M. TIEGER : [interprétation]
23 Q. Professeur Kecmanovic, ce n'est pas la première fois que vous témoignez
24 devant ce Tribunal et ce n'est pas la première fois non plus que vous
25 fournissez des informations à ce Tribunal, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous nous avez fourni des rapports d'expert dans deux affaires, Kvocka
28 et Simic, n'est-ce pas, et vous avez témoigné dans l'affaire Simic ?
Page 22490
1 R. Non, je n'ai pas témoigné. J'ai été entendu comme témoin expert à
2 plusieurs reprises. Quelquefois, j'ai simplement fourni des éléments par
3 écrit, je n'ai pas été cité à la barre. Je crois que j'ai été cité à la
4 barre une fois seulement. J'ai eu l'occasion de défendre, si je puis
5 utiliser ce terme, mon rapport d'expert. C'est la première fois que je suis
6 cité en tant que témoin.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce ce que vous vouliez dire ? Vous
8 avez parlé d'audition de témoin une seule fois.
9 Monsieur Kecmanovic, si vous aviez écouté attentivement la question qui
10 vous a été posée par M. Tieger, il vous a dit que vous avez fourni deux
11 rapports dans deux affaires et que vous avez témoigné dans l'une d'entre
12 elles. Si vous nous dites que vous avez témoigné une seule fois, ceci
13 n'était pas nécessaire, car ceci faisait déjà partie de la question posée
14 par M. Tieger.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que l'interprétation n'était pas
16 exacte. J'ai dit que j'ai témoigné -- je n'ai pas témoigné, je défendais ou
17 présentais mon expertise oralement.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais répéter la question, inutile d'y
19 répondre. La question : vous avez fourni des rapports d'experts dans
20 l'affaire Kvocka et dans l'affaire Simic, et vous avez témoigné dans
21 l'affaire Simic.
22 Telle était la question, donc vous auriez pu simplement répondre par
23 oui. S'il y a un problème d'interprétation, cela se voit et cela prend du
24 temps.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ma réponse est non. Je n'ai pas déposé en
26 tant que témoin; je suis un expert. Je n'ai pas témoigné en tant que
27 témoin. J'ai présenté mon expertise, mes conclusions d'expert.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est une question technique
Page 22491
1 linguistique, puisque nous utilisons ce terme de "témoignage".
2 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Dans les deux cas, il y a eu participation de représentants de la
4 municipalité, de personnalités politiques, que ce soit des représentants de
5 la république ou non; est-ce exact ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Dans votre rapport dans l'affaire Simic, nous pouvons le trouver à
8 l'intercalaire numéro 3, dans l'affaire Kvocka, cela se trouve à
9 l'intercalaire numéro 3. Vous avez dit à la page 29 du texte anglais et à
10 la page 48 du texte en B/C/S. Tout en haut de la page 49, vous avez dit que
11 : "L'artillerie supérieure serbe a eu le dessus sur la partie ancienne et
12 centrale de la ville," vous entendez par là la ville de Sarajevo; est-ce
13 exact ?
14 R. Je vous demande de bien vouloir répéter ce que vous avez dit, s'il vous
15 plaît, l'extrait en question.
16 Q. En bas de la page 48, le haut de la page 49 ?
17 R. Oui.
18 Q. Monsieur Le Professeur, est-il exact de dire que les forces serbes ont
19 pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des collines
20 voisines ?
21 R. Vous citez une phrase du texte; si tel est le cas, veuillez nous dire
22 de quel passage il s'agit.
23 Q. Vous avez besoin de savoir si c'est quelque chose que vous avez déjà
24 dit pour pouvoir répondre ?
25 R. Non, je n'ai pas besoin de me reporter au texte, mais je me
26 retrouverais plus facilement si je savais que c'était moi, car ceci s'est
27 passé il y a un certain nombre d'années --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, M. Tieger vous a
Page 22492
1 d'abord demandé si la description qu'il vous a donnée était exacte.
2 Réfléchissez-y, estimez et dites-nous si oui ou non, ceci est exact. Comme
3 cela s'est déjà passé par le passé, vous dites que cela n'est pas exact, à
4 ce moment-là, M. Tieger peut vous soumettre des textes qui viennent de
5 vous. Nous ne sommes pas ici pour vous entendre vérifier vos propres dires
6 ou ce que vous avez dit dans vos rapports à l'époque, nous sommes ici pour
7 vous entendre et entendre votre déposition. Ici, vous n'êtes pas devant
8 cette Chambre en tant qu'expert, mais en tant que témoin.
9 Dites-nous, s'il vous plaît, s'il est exact de dire que les forces
10 serbes ont pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des
11 collines voisines.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, les choses étaient ainsi, c'est la
13 raison pour laquelle j'ai insisté entre la différence entre la déposition
14 d'expert et la déposition tout court. Je n'ai pas parlé sous serment
15 lorsque j'ai présenté mes conclusions d'expert. J'ai parlé en tant
16 qu'expert. Aujourd'hui, en tant que témoin, je fais très attention de ne
17 pas parler de choses que je ne peux pas confirmer ou étayer.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, peut-être que vous
19 pourriez nous donner -- peut-être que M. Tieger pourrait vous poser cette
20 question : avez-vous des raisons de croire que -- ensuite, vous pourriez
21 nous citer vos sources. Je comprends bien, je comprends à juste titre que
22 vous fassiez la différence entre vos propres observations et ce que vous
23 avez appris d'autres sources. Je comprends bien. Dans la première partie de
24 votre réponse, vous dites que d'après vos propres observations, vous ne
25 pourriez pas nous dire, d'après votre précédente réponse; mais ceci, il
26 peut s'y ajouter d'autres sources, et vous pouvez donc répondre à cette
27 question et dire si cette déclaration est exacte ou non.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle sous serment aujourd'hui, et je fais
Page 22493
1 très attention lorsque je donne mon sentiment. Lorsque l'Accusation me dit
2 qu'un côté ou l'autre était plus fort, je ne sais pas quelle partie était
3 plus forte et quel côté était plus faible. Lorsque l'on parle sous serment,
4 ceci a un poids, et je n'ai pas le niveau d'information ou de connaissances
5 nécessaires pour décider si c'est un côté ou un autre.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons parler du sujet suivant.
7 Ceci a été vérifié. En tant qu'expert, vous avez adopté une certaine
8 position, alors que vous dites que vous ne pouvez pas le dire sous serment;
9 c'est exact. La question suivante était de savoir si les forces serbes ont
10 pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir des collines
11 voisines; est-ce exact ? Est-ce une déclaration exacte, oui ou non ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, tout ce que je puis dire, c'est ceci
13 : c'est le sentiment que j'avais, le sentiment que j'avais, j'étais un
14 homme qui vivait à Sarajevo, mais ce n'est pas quelque chose que je peux
15 déclarer ici sous serment.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Professeur Kecmanovic, j'ai indiqué précédemment, et bien sûr au fil
18 des questions qui vous ont été posées par Me Stewart et par les Juges de la
19 Chambre, je crois que quelquefois on vous pose une question sur un
20 événement bien particulier et les souvenirs que vous avez de ces événements
21 bien particuliers. On tente de recueillir votre sentiment, quelquefois on
22 vous demande ce que vous saviez à la lumière de ce que vous avez vu,
23 entendu dire au cours de différentes conversations ou par tout autre moyen,
24 ce que vous avez pu glaner comme informations, compte tenu de vos activités
25 et de l'expérience que vous aviez avant, pendant, et après le conflit.
26 Donc, je vous demande ce que vous saviez, vous, Nenad Kecmanovic, ce que
27 vous saviez à partir des discussions, à partir de ce que vous avez pu
28 entendre dans les médias et à partir de vos échanges avec les dirigeants de
Page 22494
1 deux côtés, et tout le reste.
2 R. A titre d'exemple du problème qui est le mien lorsque je dois répondre
3 à votre question, la deuxième partie de cette phrase porte sur l'armement
4 de plus en plus important des forces musulmanes, je ne savais pas quel type
5 d'armes, quelle quantité d'armes arrivaient du côté musulman. La seule
6 chose que j'avais, c'était le sentiment qu'il y avait un mouvement dans ce
7 sens-là, que les forces musulmanes s'armaient de plus en plus. Il y avait
8 cet homme qui était la tête de l'armée, mais c'était un système collégial,
9 et nous avons les faits et les chiffres. Sous serment, je peux vous dire
10 que c'est exact.
11 Q. C'est exactement la question que je vous posais.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous demande de donner votre
13 impression. Ensuite, nous allons peut-être vous demander sur quoi ces
14 impressions sont fondées.
15 M. TIEGER : [interprétation]
16 Q. Monsieur le Professeur, ceci n'est pas très compliqué. Vous avez dans
17 votre déposition parlé de ce qui est arrivé à Sarajevo. Il s'agit ici de
18 l'expérience des hommes et de la manière dont vous avez compris ces
19 événements. Vous avez été informé ou vous avez pris connaissance de tout
20 ceci grâce à un certain nombre de facteurs, parce que dans votre
21 déposition, précédemment, je vous ai demandé de faire la clarté là-dessus,
22 sur comment vous aviez compris les choses. C'est à propos de cela que je
23 vous parle ce matin. C'est la question que je vous pose maintenant.
24 Comme vous l'avez indiqué précédemment, j'avais l'impression que d'après
25 votre témoignage précédent, vous vouliez que la Chambre comprenne qu'il y
26 avait un échange de coups de feu des deux côtés et que cet échange était de
27 part de d'autre égal. Je conteste ce que vous avez dit là. Vous dites que
28 vous saviez mieux, que vous saviez bien, vous saviez mieux, et qu'il faut
Page 22495
1 donner à la Chambre une description exacte de ce qu'il s'est réellement
2 passé à Sarajevo.
3 R. Je ne conteste pas vos affirmations que l'artillerie serbe avait la
4 supériorité par rapport aux Musulmans -- ou plutôt, par rapport à
5 l'artillerie de Bosnie-Herzégovine. Si c'est comme cela que vous avez
6 compris ce que j'ai dit, alors vous m'avez mal compris. Je ne suis pas en
7 train de contester cela du tout, mais moi-même, je ne peux pas prétendre
8 sous serment qu'il y avait une supériorité, parce que je n'ai aucun élément
9 d'information sur la quantité d'armes, le type d'armes qui étaient à leur
10 disposition de part de d'autre.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, personne ne vous
12 demande de citer des chiffres statistiques. D'après vos observations et
13 d'après les quantités de pièces d'artillerie, M. Tieger vous a demandé si
14 c'est exact de dire que l'artillerie serbe avait la supériorité, d'après
15 votre dernière réponse. Plutôt que d'en reparler toutes les 15 minutes,
16 vous auriez simplement pu dire : le sentiment que j'avais, je n'avais
17 aucune raison de contester cela. Mais nous savons que d'après réponse, vous
18 n'avez pas, évidemment, procédé à l'inspection de chaque pièce
19 d'artillerie, et qu'on ne vous a pas demandé de l'inspecter, d'inspecter
20 les registres, non plus, sur qui a acheté des pièces d'artillerie, et
21 cetera. Essayons de poursuivre sur cette base-là. Comme M. Tieger a dit, il
22 vous a demandé quel était votre sentiment; vrai ou faux ? Je crois qu'il ne
23 faut pas jouer des jeux sémantiques, ici; dans ce cas-là, ce sera un
24 véritable témoignage.
25 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Je --
28 R. Je crois que je peux vous donner une réponse précise, le type de
Page 22496
1 réponse que vous vouliez entendre. J'avais des impressions, bien que je
2 sois ici comme témoin sous serment, je ne suis pas un analyste, et la
3 réponse que je vais vous donner est celle-ci : j'avais le sentiment -
4 faites attention à ce que je vais dire - qu'ils avaient la supériorité, car
5 voyez-vous, j'étais du côté qui pouvait constater les conséquences de cette
6 artillerie. J'étais moi-même dans un tel environnement --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous en tenir à vos propres
8 observations, alors que la question qui vous a été posée a été posée dans
9 un sens beaucoup plus large.
10 Monsieur Tieger, vous pouvez poser la question. Je vais prêter attention et
11 m'assurer que ceci ne devienne pas un débat, mais que nous entendions ici
12 un témoignage.
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. N'est-il pas exact de dire et n'avez-vous pas dit précédemment que les
15 forces serbes ont pilonné de façon arbitraire la ville de Sarajevo à partir
16 des collines voisines ?
17 R. Oui, c'est le sentiment que j'avais.
18 Q. Vous avez parlé de groupes mis en minorité, de votes à la majorité,
19 dans votre témoignage précédent, et je crois que vous avez parlé de
20 supériorité numérique des Musulmans et des Serbes dans un contexte
21 politique. N'est-il pas exact de dire, Monsieur le Professeur, que d'après
22 vous, alors que les Musulmans et les Croates n'hésitaient pas à utiliser
23 leur avantage numérique dans un contexte politique, en revanche, la partie
24 serbe n'a pas hésité à utiliser son avantage numérique en termes d'armes
25 lourdes en temps de guerre ?
26 R. Oui.
27 Q. En conséquence, au mois d'août, on pouvait dire que la République serbe
28 était une entité définie au plan territorial avec une population homogène,
Page 22497
1 dont l'origine ethnique homogène avait été imposée par la force ?
2 R. Pardonnez-moi, mais quelle est votre question ?
3 Q. Qu'au mois d'août 1992, la République serbe était une entité définie au
4 plan territorial dont la population homogène avait été définie par la
5 force ?
6 R. Votre question est de savoir si cela est exact ? Quelle est votre
7 question ?
8 Q. C'est cela.
9 R. C'est quelque chose -- nous parlons bien évidemment d'un texte que j'ai
10 écrit moi-même. J'ai l'impression que vous citez à partir de quelque chose
11 que j'ai écrit moi-même. Tout d'abord, ceci n'était pas dû à quelque chose
12 que j'ai vécu personnellement.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, je souhaite être
14 très clair. Que M. Tieger vous cite ou ne vous cite pas ou les raisons pour
15 lesquelles vous avez écrit ceci ou cela importent peu. Il est important que
16 vous répondiez à la question. Est-il vrai qu'à partir du mois d'août 1992,
17 la République serbe était une entité définie au plan territorial par une
18 population ethniquement homogène et imposée par la force ? Telle est sa
19 question. Vous allez nous dire si c'est exact ou pas. Vous pouvez dire oui
20 ou non. Il est inutile de vous pencher sur tout ce que vous avez écrit,
21 répondez tout simplement à la question. N'entrez pas dans le débat, parce
22 que nous ne voulons pas nous pencher là-dessus dans votre déposition.
23 Veuillez poursuivre. Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux confirmer cela, à l'exception du
25 dernier passage où il est dit que ceci a été appliqué par la force.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Très bien. Souhaitez-vous que je vous montre une interview où vous avez
28 dit exactement cela ? Veuillez-vous vous reporter à l'intercalaire numéro
Page 22498
1 14, s'il vous plaît.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous
3 souhaitez verser au dossier le rapport de M. Kecmanovic ? Deuxième question
4 : est-ce que vous souhaitez le verser au dossier dans son intégralité, car
5 à ce moment-là, il nous faudrait avoir un numéro de cote. Peut-être pas
6 l'ensemble du rapport.
7 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas l'ensemble du rapport, simplement le
8 passage ou les passages --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que les parties ne tombent
10 d'accord sur certaines phrases que vous avez prononcées ou de citations de
11 ce rapport. A ce moment-là, nous n'aurons pas besoin d'avoir l'ensemble du
12 rapport.
13 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, si Me Josse est d'accord, peut
14 confirmer cela et nous dire qu'il s'agit de rapports précis et exacts --
15 M. JOSSE : [interprétation] Ecoutez, je ne suis pas du tout d'accord avec
16 cela. J'ai noté cela et je souhaite en parler avec mon client pendant la
17 pause --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais, à ce moment-là, attribuer un
19 numéro.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1149.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Intercalaire numéro 14. L'intercalaire
22 suivant ?
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1150.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
25 Monsieur Tieger, je crois que le témoin attend votre question.
26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'entends bien, Monsieur le Président. Un
27 instant, s'il vous plaît. Pardonnez-moi, j'aurais dû demander au témoin de
28 se reporter à l'intercalaire numéro 16, et aux Juges de la Chambre de se
Page 22499
1 reporter à l'intercalaire numéro 16. Ici, la partie qui m'intéresse, c'est
2 le quatrième paragraphe --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, le numéro 1150 serait
4 attribué à l'intercalaire numéro 16, il s'agit également d'un entretien,
5 mais qui est daté du 25 août, plutôt que du 28.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Ici, Professeur Kecmanovic, à l'intercalaire numéro 16, c'est une
8 interview du journal Tanjug de Belgrade, en avril -- non, c'est le 25 août
9 1992, qui déclare : "La 'Bosnie' musulmane, 'l'Herceg-Bosnia' croate et la
10 République serbe sont des entités définies au plan territorial, et
11 comportent une population ethniquement homogène obtenue par la force."
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire où exactement.
13 M. TIEGER : [interprétation] Le quatrième paragraphe, Monsieur le
14 Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le quatrième.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Monsieur le Professeur, vous avez dit au journal Tanjug de Belgrade,
18 vous avez dit ceci; est-ce exact ?
19 R. Au paragraphe 4, je peux confirmer ceci dans son ensemble, mais ceci a
20 été dit un peu différemment à la manière dont je vous ai entendu me relire
21 cet extrait.
22 Q. Monsieur le Professeur, je souhaite savoir si, à ce moment-là, vous
23 avez dit au journal Tanjug de Belgrade, en substance, que --
24 R. Nous parlons de --
25 Q. Nous allons maintenant parler de la République serbe pour l'instant,
26 qu'on déplaçait les non-Serbes par la force, autrement dit, qu'ils étaient
27 chassés de chez eux par la force. N'est-ce pas l'idée que vous avez essayé
28 de faire passer ici ?
Page 22500
1 R. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir répéter ce que vous venez de
2 dire ? Je n'ai pas compris.
3 Q. N'avez-vous pas, au mois d'août 1992, dit au journal Tanjug de Belgrade
4 que parmi les territoires réclamés par -- sous le contrôle de la République
5 serbe, les non-Serbes seraient chassés par la force ?
6 R. Non. Ce que je voulais dire, c'est précisément ce qui est dit dans ces
7 quatre phrases, ici, ce qui est quelque peu plus complexe.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que le témoin devrait
9 s'expliquer, Monsieur Tieger.
10 Veuillez nous expliquer cela, s'il vous plaît.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je lire ces quatre lignes, s'il vous
12 plaît ? "La 'Bosnie' musulmane, 'l'Herceg-Bosnia' croate et la République
13 serbe sont des entités définies au plan territorial et comportent une
14 population ethniquement homogène obtenue par la force. Après plusieurs mois
15 d'horreur et de guerre civile, de haine et de peur, il semble que leur seul
16 désir soit d'être séparé de façon provisoire pour l'instant."
17 M. TIEGER : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Professeur, ne faisiez-vous pas référence à une conquête,
19 essentiellement ? Vous faisiez particulièrement référence, ici, à la
20 République serbe, n'est-ce pas, et aux forces serbes, conquête faite par
21 les forces serbes ?
22 R. Je parlais à la fois du côté serbe, du côté bosniaque et de la partie
23 croate, et des conquêtes faites par ces trois parties.
24 Q. N'est-il pas exact que les conquêtes du côté serbe ont provoqué les
25 plus grandes souffrances humaines et les dégâts les plus importants sur le
26 plan matériel ?
27 R. Oui, si vous me permettez d'expliquer ceci, s'il vous plaît.
28 Q. Oui, bien sûr.
Page 22501
1 R. Dans la mesure où le territoire de la Bosnie-Herzégovine tout entière,
2 et cela est montré par les rapports, puisque vous m'avez encouragé à parler
3 et comme je suis sous serment --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, s'il vous plaît,
5 abstenez-vous de faire des commentaires concernant le comportement de M.
6 Tieger, d'accord ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer --
9 M. TIEGER : [interprétation]
10 Q. Monsieur Kecmanovic, je ne vais pas vous priver de l'opportunité de
11 présenter des explications dans la mesure du nécessaire pour ce qui est de
12 la réponse affirmative que vous avez apportée à la question que j'ai posée
13 concernant les conquêtes de la part du côté serbe qui se sont soldées par
14 de grandes souffrances humaines et de grandes destructions matérielles.
15 Alors si vous voulez vous arrêter à cela, j'aimerais que vous nous
16 confirmiez si c'est bien ce que vous avez dit dans votre rapport dans
17 l'affaire Kvocka ?
18 R. Oui.
19 Q. Et --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, lorsque je vous ai
21 dit de ne pas commenter le comportement de M. Tieger, je n'ai pas eu
22 l'intention de vous empêcher d'apporter les explications que vous vouliez,
23 mais je voulais que vous le fassiez sans commenter le comportement de M.
24 Tieger. Donnez-nous votre explication.
25 M. TIEGER : [interprétation]
26 Q. Aux fins d'avoir une explication raisonnable --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger --
28 M. TIEGER : [interprétation] Vous avez raison. Mes excuses.
Page 22502
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 22503
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- j'ai demandé à M. Kecmanovic de nous
2 apporter ses explications.
3 Veuillez le faire.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse si je vous crée des difficultés
5 dans le déroulement du procès, mais je n'ai pas l'habitude d'apporter des
6 réponses brèves et concises. Je m'en excuse, ce n'était pas mon intention
7 que de vous créer des difficultés.
8 Si au départ j'ai dit que l'armée serbe avait eu la prédominance, il
9 est logique d'entendre que c'est elle qui a eu le plus d'activités
10 militaires et qu'elle a généré le plus de destruction matérielle. Cela se
11 trouve à être logique. Ceux qui sont plus forts, ceux qui l'emportent ont
12 plus d'opérations, et leurs actions ont plus d'effets, de résultats sur le
13 champ de bataille. C'est ce que je voulais apporter comme explication.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je ne suis pas tout à
15 fait votre logique.
16 Monsieur Tieger, veuillez continuer avec vos questions.
17 M. TIEGER : [interprétation]
18 Q. Aux fins de tirer au clair ce que l'on entendait par "conquête", je
19 dirais que dans le rapport présenté en cette affaire appelée Kvocka, vous
20 avez fourni un exemple de conquêtes de ce type et vous avez cité cet
21 exemple de Prijedor, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez expliqué qu'à Prijedor et à Sanski Most, les Serbes sous la
24 direction de la cellule de Crise ont pris le pouvoir -- je vais me corriger
25 quelque peu, sous la direction de la cellule de Crise du SDS, n'est-ce pas
26 ?
27 R. Je ne peux pas être certain de cela parce qu'une partie de l'expertise,
28 pour ce qui est du dossier en question concernant les conditions et
Page 22504
1 circonstances locales, a fait que j'ai dû consulter des personnes de là-
2 bas, et ils m'ont fait des déclarations. C'est la raison pour laquelle j'ai
3 rédigé certaines parties de texte. Donc, il serait important pour moi et il
4 m'aiderait grandement que de voir les parties de texte auxquelles vous vous
5 référez, si tant est que cela ne vous pose pas de problème.
6 Q. Ce n'est pas du tout un problème, Monsieur. Je puis vous dire que cela
7 se trouve à la page 4 de la deuxième partie du rapport Kvocka. Je précise
8 qu'il s'agit de l'intercalaire numéro 3. Mais je voulais vous donner
9 lecture de cette partie, et on verra si cela vous rappelle quoi que ce
10 soit.
11 Comme je l'ai dit --
12 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, il faut que le témoin
13 ait le temps de retrouver le passage et il faut qu'il puisse suivre le
14 passage en question.
15 M. TIEGER : [interprétation]
16 Q. Cela ne me pose pas de problème, mais le témoin a dit que cela
17 l'aiderait de lui rafraîchir la mémoire en citant les passages pertinents -
18 -
19 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais je crois que M. Tieger n'a pas vu que
20 le témoin avait jeté un regard vers l'huissière pour demander de l'aide aux
21 fins de retrouver le passage.
22 M. TIEGER : [interprétation] Pas de problème du tout.
23 M. JOSSE : [interprétation] Je n'avais pas d'autre idée à l'esprit.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement.
25 Monsieur Tieger, j'aimerais que vous aidiez les Juges de la Chambre.
26 Intercalaire 3, avez-vous dit ?
27 M. TIEGER : [interprétation] Intercalaire 3, page 5 de la partie du bout.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
Page 22505
1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Nous allons parcourir cela rapidement, Monsieur Kecmanovic, une fois
3 que vous l'aurez retrouvé. Penchez-vous sur la fin de l'intercalaire. Vous
4 verrez la dernière page, page numéro 5 de votre version à vous.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai l'impression que nous avons quand
6 même un problème. Je demanderais à l'Huissière de bien vouloir nous venir
7 en aide.
8 M. TIEGER : [interprétation]
9 Q. Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Professeur, nous allons parcourir
10 ce passage rapidement pour que vous puissiez suivre. "A Prijedor et à
11 Sanski Most, il y a eu un coup d'Etat en douce, parce que le pouvoir a été
12 pris par les Serbes sous la direction des cellules de Crise du SDS."
13 Ensuite, on fournit des explications pour dire qu'il y a eu un événement où
14 il a été tué deux policiers serbes. Puis, on dit --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, j'ai toujours des
16 difficultés à retrouver.
17 M. TIEGER : [interprétation] Page 5, six ou sept lignes vers le bas, où on
18 parle de Prijedor et de Sanski Most.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous ne l'avons toujours pas
20 retrouvé.
21 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il ne l'a pas
22 trouvé non plus.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, cela se trouve à l'intercalaire
24 3, Monsieur Tieger. Nous avons deux fois --
25 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais c'est la deuxième partie --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'avais pas compris ce que vous
27 entendiez par "deuxième partie".
28 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse.
Page 22506
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous l'avons trouvé.
2 M. TIEGER : [interprétation]
3 Q. Je ne vais pas donner lecture une fois de plus de cette première
4 phrase, Professeur, mais comme je l'ai dit plus loin, il est question des
5 deux policiers serbes qui ont été tués, et ensuite on dit : "Il y a eu des
6 représailles terribles qui ont suivi de la part des forces serbes de police
7 et des militaires, qui ont fait que la population musulmane a été chassée,
8 non pas seulement de ce village-là, mais des villages environnants, avec
9 mises à feu de leurs maisons. Cela fait que tous les Musulmans qui sont en
10 âge de combattre ont été emmenés en détention, et leurs familles
11 respectives ont été chassées de leurs maisons, qui ont été incendiées."
12 Au paragraphe suivant, vous parlez d'Omarska et de Keraterm. Vers le
13 milieu de ce paragraphe, vous donnez une description et vous indiquez que
14 c'étaient des endroits de traitements inhumains où il a été commis des
15 crimes de guerre à l'égard d'individus et de groupes de détenus.
16 Monsieur le Professeur, d'après ce que vous nous avez dit, cette partie-là
17 du rapport se fonde sur une étude que vous avez effectuée avec d'autres
18 experts qui ont disposé d'informations sur ce qui s'était produit au niveau
19 local. La raison pour laquelle j'ai attiré votre attention sur cet élément-
20 là, c'est la nécessité de vous voir nous confirmer que, parmi les conquêtes
21 dont vous avez parlé tout à l'heure, ceci constitue l'un des exemples de ce
22 que vous avez déjà avancé, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Professeur, je voudrais que nous passions à d'autres points, compte
25 tenu du temps qui passe. Lorsqu'il est question de l'entretien ou de la
26 réunion qui s'est tenue à l'hôtel Terme en avril 1992, vous avez dit dans
27 votre témoignage que vous et M. Pejanovic aviez rencontré M. Krajisnik et
28 le Dr Karadzic. Tout simplement, votre idée était celle de vous procurer
Page 22507
1 des informations sur la situation. Je me réfère notamment au passage de la
2 ligne 22356 du compte rendu d'audience, n'est-ce pas, Monsieur ?
3 R. Si je puis ?
4 Q. Monsieur, je --
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. Non, non. C'est le témoignage que vous avez fait, enfin, la déclaration
7 que vous avez faite ici, dans le prétoire, il y a quelque temps. C'est de
8 cela que je parle --
9 R. Oui, je comprends.
10 Q. Parlons maintenant de cette réunion-là. Je crois que vous nous avez
11 précisé que votre objectif était celui de vous procurer des informations
12 sur la situation, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Il ne s'agissait pas seulement d'information pour être rien qu'informé
15 par curiosité, mais c'était là une situation qui prêtait à préoccupation,
16 la situation était grave, n'est-ce pas ?
17 R. C'est l'un et l'autre. J'ai été curieux sur un plan professionnel parce
18 que j'étais à la tête d'un parti et j'entretenais des contacts réguliers
19 avec tous les partis politiques pertinents à l'époque.
20 Q. Mais la finalité principale de cette réunion, la raison principale de
21 la tenue de celle-ci, c'était la réponse ou la réaction à ce que vous avez
22 décrit comme étant une situation prêtant à inquiétude, situation des plus
23 graves, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Probablement avez-vous espéré que vous trouveriez une façon quelconque
26 de surmonter le problème, pour trouver une solution à la situation, à la
27 crise, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, on pourrait le formuler ainsi.
Page 22508
1 Q. Il me semble que vous avez déjà dit dans votre témoignage que la seule
2 issue de cette réunion ou la seule chose qui s'est passée à cette réunion,
3 c'est que tout le monde est tombé d'accord sur le fait de dire que la
4 situation était grave. Tout le monde a exprimé une forte inquiétude, mais
5 rien de très significatif n'y a été dit. Est-ce que c'est ainsi que vous
6 avez gardé en mémoire cette réunion ?
7 R. Cela a été l'une des tentatives nombreuses de ce genre que j'ai
8 décrites hier et avant-hier, qui n'a pas porté de fruit, pas de fruit
9 concret.
10 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, personne n'avait une idée
11 pratique concernant la façon de surmonter la crise, d'y trouver une
12 solution ?
13 R. Je vais répéter que mon impression a été que tous, de toutes parts,
14 avaient voulu résoudre le problème politiquement, mais personne en réalité
15 ne trouvait de bonne réponse ou de bonne solution.
16 Q. Bien, je pense que s'agissant des données historiques, il convient de
17 dire qu'aucune solution n'a été trouvée avant le début des conflits. La
18 question qui se pose est celle de savoir s'il y a eu des propositions
19 concrètes, pour ce qui est d'essayer de trouver une solution au conflit qui
20 était sur le point d'éclater. Il ne s'agissait pas seulement d'exprimer des
21 préoccupations ou une inquiétude et de tomber d'accord sur le fait de dire
22 que la situation était très grave.
23 R. Cela était la première des réunions qui a été mentionnée à l'occasion
24 des débats de ces trois jours. La situation n'avait pas été aussi
25 dramatique que cela a été le cas ultérieurement pendant la guerre. Mais
26 comme je l'ai décrit, on avait l'impression que l'une est l'autre partie
27 étaient sur le point de tomber d'accord, de trouver une solution, mais cela
28 n'a quand même pas porté de fruit.
Page 22509
1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient au témoin de se rapprocher du
2 micro.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Fort bien. Je vais donc considérer qu'il s'agit là d'une réponse à ma
5 question qui a été celle de dire qu'il n'y a pas eu de proposition concrète
6 concernant la façon de surmonter le conflit et de trouver les solutions ?
7 R. Ce que je puis dire, c'est qu'il y a sans cesse eu un problème présent
8 concernant la façon dont on pourrait réorganiser la Bosnie. Il y a toujours
9 eu une mise en minorité systématique au Parlement, qui, à mon avis, a causé
10 la guerre. On a constamment eu à l'ordre du jour une médiation de la part
11 de Cutileiro avec des solutions proposées à tour de rôle, mais s'agissant
12 de propositions ou de négociations concrètes à l'occasion de cette réunion-
13 là, non, ce n'est pas ce que je pourrais dire.
14 Q. Bien. Je vais vous montrer une partie du discours tenu par le Dr
15 Karadzic en date du 12 mai 1992, discours fait devant l'assemblée des
16 Serbes de Bosnie à l'occasion de la 16e Session de celle-ci.
17 Je ne sais pas ce que vous avez devant vous et le nombre de pages que
18 vous avez devant vous, mais la partie que je vous demanderais de consulter
19 se trouve en page 0084722 [comme interprété]. Comme vous pouvez le voir,
20 tout au haut de cette page-là, le Dr Karadzic parle "…des conflits à
21 Sarajevo, où le peuple serbe ne permettra pas qu'une ville qui s'est
22 construite par les efforts conjoints de toutes les ethnies, il y ait quoi
23 que ce soit de fait au détriment de la partie serbe…". Il dit qu'on ne
24 permettra pas que cette ville-là soit écartée de la partie serbe. Il
25 voulait que la police serbe assume des responsabilités vis-à-vis de la
26 partie serbe de la ville et que la partie musulmane assure des
27 responsabilités vis-à-vis de la partie musulmane sans qu'il y ait combat.
28 Il continue en disant : "Tout ceci aurait pu se faire de façon pacifique."
Page 22510
1 Alors là, le Dr Karadzic nous dit, Monsieur le Professeur, en
2 procédant à une rétrospective relative aux événements passés, que le
3 partage de Sarajevo aurait pu se faire sans qu'il y ait des combats. En
4 d'autres termes, le Dr Karadzic indique que c'est ce que lui avait souhaité
5 ainsi que la direction des Serbes de Bosnie. Mais le Dr Karadzic et M.
6 Krajisnik n'ont pas mentionné une chose de ce genre à cette réunion,
7 lorsque tout le monde avait exprimé sa préoccupation au sujet de la gravité
8 de la situation ?
9 R. Je ne m'en souviens pas. Il m'est difficile de me souvenir avec toute
10 la précision nécessaire de cela, parce que cela s'est passé il y a très
11 longtemps. Chose plus importante encore. Ces sujets ont toujours été sur le
12 tapis, comme je vous l'ai déjà dit, les cartes de partage. Entre autres,
13 j'ai été de ceux qui avaient également dressé des cartes avec Izetbegovic
14 et autres. Dans la quatrième solution que j'ai mentionnée et que je n'ai
15 pas détaillée, il y avait une idée de partage de Sarajevo. Je précise que
16 le centre-ville, au sens restreint du terme, où il y avait les institutions
17 des trois parties, il fallait que ce district-là devienne extraterritorial.
18 Alors par conséquent, je ne sais pas si à cette réunion il a été question
19 de points concrets à ce sujet. Je ne peux pas le confirmer. Je ne peux pas
20 non plus le nier, parce que c'était là un sujet qui était sur le tapis
21 constamment. Mais en tout état de cause, il n'a pas été question de quelque
22 chose de bien précis ou de spécifique qui serait susceptible de rester
23 gravé dans ma mémoire.
24 Q. Comme vous nous l'avez dit lors de votre témoignage quelques semaines
25 plus tard à l'occasion d'une réunion avec M. Izetbegovic, M. Krajisnik a
26 proposé de façon concrète un partage de Sarajevo et vous nous précisé
27 quelles étaient les démarches que vous aviez faites en réponse à cela. Si
28 je me souviens bien de ce que vous nous avez dit dans votre témoignage, M.
Page 22511
1 Krajisnik avait proposé un partage provisoire de Sarajevo, n'est-ce pas ?
2 R. Non seulement il avait proposé un partage provisoire, mais j'ai des
3 souvenirs qui reviennent. Si on s'entretenait plus longtemps à ce sujet, je
4 me rappellerais probablement d'autres particularités. Je me souviens même
5 qu'il avait dit que ce n'était pas là son souhait à lui, mais qu'il y avait
6 des pressions exercées du côté de la population serbe en raison des
7 conflits déjà en cours disant qu'il fallait faire quelque chose de ce
8 genre, et que lui estimait cela comme étant provisoire. Je pense l'avoir
9 dit hier ou avant-hier, il était certain que M. Izetbegovic, indépendamment
10 de son âge, finirait par vivre assez longtemps pour voir les choses revenir
11 à la situation de départ.
12 Il avait donc proposé un partage de principe, et il a demandé l'opinion
13 d'Izetbegovic, ce dernier étant tombé d'accord sur la nécessité d'avoir
14 recours à une solution provisoire. Donc, il a laissé Izetbegovic proposer
15 des solutions concrètes, et on m'a confié à moi le soin de formuler ces
16 propositions concrètes ou ces solutions concrètes.
17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes redemandent à ce que le témoin se rapproche
18 de son micro.
19 Q. Peut-être serait-il utile de voir de quelle façon M. Krajisnik fournit
20 la présentation de ce partage potentiel de Sarajevo à l'occasion d'une
21 interview qu'il a eue avec la BBC ? Je crois que cela se trouve à
22 l'intercalaire 23, si je ne m'abuse.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est déjà versé au dossier. Dois-je
24 supposer que le PV que vous avez montré tout à l'heure au témoin était la
25 pièce P65, intercalaire 127 --
26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- Oui. Alors, il s'agit d'extraits de
28 la 16e Session de l'assemblée.
Page 22512
1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Dans votre version, Monsieur le Professeur Kecmanovic, cela se trouve
3 tout à fait en bas de la page 3.
4 M. TIEGER : [interprétation] Messieurs les Juges, cela se trouve au haut de
5 la page 4 en version anglaise.
6 M. JOSSE : [interprétation] Mon confrère vient de dire intercalaire 23,
7 n'est-ce pas ? Parce que là, je suis en train de consulter le mauvais
8 classeur, parce que là, il y a une conversation avec M. Tintor.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tintor.
10 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
11 M. TIEGER : [interprétation] Alors cela doit être l'intercalaire d'après.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'on a un intercalaire
13 après celui-ci ?
14 M. JOSSE : [interprétation] Non.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé. J'aurais dû vous le
17 communiquer, parce que c'est une pièce complémentaire.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois qu'on avait montré cela --
19 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- au Témoin D9, si ma mémoire ne me
21 fait pas défaut.
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, justement.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela date de mi-novembre.
24 M. JOSSE : [interprétation] Cela a été versé au dossier, j'en suis assez
25 certain.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et je suis assez certain du fait
27 qu'il s'agissait du témoin D9 --
28 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P853, Monsieur le
Page 22513
1 Président.
2 Q. Alors, dans cette partie-là de l'interview - M. Krajisnik et la Défense
3 me corrigeront si je me trompe - il est question de la période qui a
4 précédé le départ de la direction serbe vers Pale. Dans la page que je vous
5 ai indiquée, il est dit : "Nous avons toujours eu à l'esprit le partage de
6 Sarajevo, à savoir que les Serbes devraient avoir leur partie à eux, et les
7 Musulmans, la leur. Cela n'a pas été un secret. Nous avons considéré que
8 Sarajevo aurait dû être partagé en deux villes jumelles. Donc, le meilleur
9 des scénarios possibles serait de faire en sorte que les régions
10 périphériques de Sarajevo appartiennent aux Serbes et que le centre
11 devienne musulman."
12 Lorsque M. Krajisnik dit que ceci n'est pas un secret ou il n'est pas un
13 secret que de dire que les Serbes de Bosnie ont toujours eu à l'esprit le
14 partage de Sarajevo pour en faire une partie musulmane et une partie serbe,
15 dites-nous si cela avait constitué un secret pour vous ?
16 R. S'il n'y avait pas eu cette dernière phrase que vous venez de citer, je
17 serais porté à croire qu'il s'agissait de quelque chose de diamétralement
18 opposé à ce que M. Krajisnik avait dit à l'occasion de cette réunion avec
19 M. Izetbegovic. Mais lorsqu'il a parlé des banlieues qui devaient revenir
20 aux Serbes et le centre, aux Musulmans, je vous dirais que M. Krajisnik
21 avait décrit la situation de fait, telle qu'elle se présentait avant la
22 guerre, à l'époque du régime communiste. Tout simplement, cela avait été la
23 structure territoriale et ethnique que l'on avait en présence à l'époque,
24 pour ce qui est de la ville de Sarajevo. Je suppose que la chose vous a été
25 dite. Cette partie ancienne de la ville qui s'appelle Bascarsija, depuis
26 que je suis en vie, il y a toujours eu une prédominance de la population
27 musulmane. Je ne sais pas historiquement comment cela s'est produit, mais
28 il y a eu une concentration très nette de la population musulmane. Bien
Page 22514
1 entendu, il n'était interdit à personne de venir acheter un appartement là.
2 Il y avait donc un petit nombre de Serbes et de Croates qui habitaient là,
3 mais historiquement parlant, c'était une partie de la ville qui appartenait
4 à des commerçants serbes et, surtout, à des commerçants juifs. Mais depuis
5 que j'en ai le souvenir, il y a eu une majorité musulmane, là.
6 Dans les cités autour de la ville, d'après mes souvenirs d'enfance, il y
7 avait prédominance de Serbes. Donc, de ce point de vue là, cela n'avait pas
8 eu constitué une intervention ou une modification quelconque. Cela n'avait
9 constitué qu'une légalisation de la situation réelle, et il ne s'agissait
10 pas d'une contradiction percée. Les différentes personnes avaient des
11 opinions qui variaient, et là c'est une question qui est tout à fait
12 différente. Ce n'est pas ce que vous avez posé comme question.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur Kecmanovic,
14 si vous dites : "Vous ne m'avez pas posé cette question," dites-nous ce que
15 M. Tieger vous a posé comme question ? Parce que ne vous a-t-il pas demandé
16 que pour vous à l'époque, cela avait ou pas constitué un secret, que de
17 voir M. Krajisnik à avoir envisagé ce partage ? De là à dire que c'était
18 logique ou que ce serait contraire à la situation ethnique, alors vous nous
19 faites un discours, mais vous ne nous répondez pas aux questions. Je vous
20 le redemande une fois de plus de prêter une oreille attentive aux questions
21 qu'on vous pose. De là, à savoir, la question est celle de savoir si à
22 l'époque c'était un secret pour vous ou pas que de savoir si Krajisnik
23 avait envisagé ce partage ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas vous dire à quoi avait
25 pensé et ce qu'avait envisagé M. Krajisnik en personne à l'époque. Cela je
26 ne le sais pas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela dit, vous n'avez pas hésité à
28 nous expliquer en détail ce que voulait dire
Page 22515
1 M. Krajisnik quand il a émis ces mots. Dans votre déposition, vous n'avez
2 qu'à regarder, vous avez dit : "M. Krajisnik décrivait la situation
3 factuelle, la situation qui prévalait," et cetera. Vous n'hésitez pas à
4 interpréter ses propos, et sans qu'on vous le demande d'ailleurs.
5 Maintenant, vous nous répondez à notre nouvelle question en disant vous ne
6 pouvez absolument pas répondre pour nous dire ce que M. Krajisnik avait à
7 l'esprit car vous ne savez pas si c'était un secret, oui ou non.
8 Monsieur Kecmanovic, personne dans cette Chambre ne s'attend à ce qu'une
9 division de Sarajevo soit faite de la façon à ce que les Serbes puissent
10 contrôler des zones musulmanes ou les Musulmans contrôlaient des zones
11 peuplées par des Serbes. Cette explication logique, nous l'avons déjà
12 entendue de nombreuses fois sur Sarajevo. On vous a posé une question pour
13 savoir si vous ne -- si ce que
14 M. Krajisnik avait à l'esprit en ce qui concernait la région de Sarajevo
15 était un secret pour vous, oui ou non. C'est tout ce qu'on vous a demandé ?
16 Votre réponse c'est bien que vous -- c'était resté un secret ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
19 Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation]
21 Q. Au cours des discussions sur le plan Cutileiro, et lorsque vous avez
22 regardé le document qui se trouve à l'intercalaire 9, il était clair que la
23 division ethnique de la Bosnie était à l'esprit de la communauté
24 internationale et des différentes parties en présence depuis très longtemps,
25 n'est-ce pas ?
26 R. Veuillez reprendre la question ?
27 Q. Le problème de la division ethnique, les efforts pour diviser la
28 Bosnie-Herzégovine selon les lignes ethniques, c'était le centre des
Page 22516
1 discussions Cutileiro, et c'était aussi quelque chose que débattaient les
2 parties et la communauté internationale depuis des semaines bien avant
3 cette conversation qui a eu lieu entre
4 M. Krajisnik et M. Izetbegovic; c'est bien vrai ?
5 R. Oui.
6 Q. Nous avons regardé, il y a quelques jours, les comptes rendus de ces
7 réunions, de ces discussions, et cette Chambre a aussi vu d'autres moyens
8 de preuve portant sur les sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie,
9 tout cela pour dire que la position des Serbes de Bosnie était selon ces
10 rapports donc, selon toutes ces preuves, était donc qu'ils ne pouvaient pas
11 vivre avec les Musulmans. Est-ce que vous étiez au courant de cela ?
12 R. Non, pas à ce moment-là. Je peux m'expliquer.
13 Q. Vous dites que vous en avez eu connaissance par la suite, mais pas à ce
14 moment-là ?
15 R. Oui, c'est cela.
16 Q. Pendant que vous étiez impliqué dans les discussions Cutileiro, vous
17 n'avez jamais entendu le moindre dirigeant des Serbes de Bosnie ou le
18 moindre représentant des Serbes de Bosnie exprimer ce concept avant qu'il y
19 ait cette réunion entre M. Krajisnik et
20 M. Izetbegovic; c'est ce que vous nous dites ?
21 R. Il se peut que des individus aient dit ce genre de chose. Je ne peux
22 pas le confirmer ou l'affirmer. Je ne peux pas exclure la possibilité qu'il
23 y avait en effet des gens, des personnes qui exprimaient ce point de vue à
24 l'époque.
25 Q. Mais vous saviez que les Serbes de Bosnie recherchaient une division
26 ethnique de la Bosnie-Herzégovine, division du territoire en trois zones;
27 l'une contrôlé par les Serbes, l'autre les Croates, et le troisième par les
28 Musulmans ?
Page 22517
1 R. A partir du moment ou -- après le référendum où il y a eu minorité,
2 mise en minorité, à partir de ce moment-là cette idée a commencé à être
3 envisagée comme étant le meilleur compromis qui permettrait de satisfaire
4 plus ou moins toutes les parties.
5 Q. [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, encore une fois, la
7 question était la suivante : Que recherchaient les Serbes de Bosnie ? Si
8 vous aviez d'abord répondu à la question, et vous auriez pu dire, ensuite -
9 - vous auriez pu préciser votre propos, mais il faut d'abord répondre à la
10 question.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Voulez-vous répéter la question ? Je la répète. Voici la question :
13 Vous saviez, n'est-ce pas, que les Serbes de Bosnie recherchaient une
14 division de la Bosnie-Herzégovine selon des lignes ethnique, c'est-à-dire,
15 une division en trois parties; avec une partie serbe, une partie croate, et
16 une partie musulmane.
17 R. Oui, bien sûr, j'étais au courant.
18 Q. Et -- mais votre témoignage --
19 R. Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît ? Permettez-moi de
20 rajouter quelque chose.
21 Q. Je ne sais vraiment pas pourquoi vous voulez ajouter quoi que ce soit.
22 Enfin, allez-y.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Kecmanovic.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un point qu'on ne pouvait pas ignorer,
25 parce que c'était sur toutes les lèvres. Tout le monde en parlait. J'ai
26 fait partie de la commission Cutileiro, et c'est pour cela que la question
27 n'est pas assez précise. J'aimerais savoir ce que vous avez précisément en
28 tête quand vous posez cette question. J'aimerais exactement savoir où vous
Page 22518
1 voulez en venir, et je pense que cela nous permettrait peut-être de mieux
2 nous comprendre.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, peut-être que pour une
4 meilleure compréhension mutuelle, une petite pause s'impose, 25 minutes
5 peut-être ? Monsieur Kecmanovic, nous allons lever la séance pour une pause
6 et nous reprendrons à 11 heures 05.
7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 40.
8 --- L'audience est reprise à 11 heures 11.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous avez la parole.
10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur Kecmanovic, revenons-en à l'un des derniers points dont vous
12 avez parlé lors de votre interrogatoire principal avec
13 M. Stewart, il s'agit de l'extrait du livre écrit par M. Glenny.
14 M. TIEGER : [interprétation] Il serait peut-être utile que le témoin puisse
15 avoir le texte sous les yeux.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'une pièce de la Défense.
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas encore de traduction. C'est
19 cela, Monsieur Tieger ?
20 M. TIEGER : [interprétation] En effet.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez que le témoin prenne
22 connaissance d'un certain passage, vous pourriez peut-être le lire
23 lentement pour que cela soit traduit pour le témoin et pour
24 M. Krajisnik.
25 M. TIEGER : [interprétation]
26 Q. Tout d'abord, Monsieur Kecmanovic, il faut d'abord que je sache s'il
27 vous est utile, s'il est nécessaire, que je récite tout le passage dont on
28 a parlé auparavant lors de l'interrogatoire principal. Est-ce que vous vous
Page 22519
1 souvenez tout d'abord de ce passage et de la discussion qui s'en est suivi
2 avec M. Stewart ?
3 Si je l'ai bien compris, il s'agissait d'une conversation entre vous et M.
4 Glenny. Vous ne vous rappelez pas de l'essentiel de la conversation, mais
5 vous vous souvenez quand même de la teneur générale des propos ?
6 R. En effet.
7 Q. Si on pouvait se concentrer sur un passage du livre qui repeint un peu
8 le contexte, le passage dont M. Stewart a cité commence par : "Nenad
9 Kecmanovic a servi pendant un moment…" c'est une introduction qui aide le
10 lecteur à comprendre le contexte. Mais juste avant cela et juste après
11 cela, M. Glenny remet la conversation dans le contexte.
12 Il s'agit du paragraphe précédent qui dit la chose suivante : "Dans
13 la première phase de la guerre, les médias mondiaux ont concentré leur
14 attention sur le sort de la capitale assiégée, Sarajevo. Il n'y avait pas
15 de raison spéciale pour expliquer pourquoi la direction des Serbes de
16 Bosnie avait décidé de porter son effort militaire dans le siège. Alors
17 qu'il était plutôt dans leur intérêt de couper les liens de communication
18 avec le gouvernement bosnien qui se trouvait au nord et à l'ouest. La
19 destruction gratuite de Sarajevo était uniquement une expression de la
20 haine."
21 Ensuite, il y a une description de votre conversation avec
22 M. Koljevic. A la fin de la conversation, voici comment cette conversation
23 se termine, et je cite : "Le Dr Koljevic opine du chef et dit qu'il est
24 trop personnellement impliqué avec le sort de Sarajevo," et rajoute un peu
25 après : "Bien sûr, tout le monde s'inquiète de Sarajevo. Cela signifie que
26 personne ne s'occupait vraiment pas de ce qui se passait ailleurs."
27 M. Glenny continue ensuite dans son livre. Il dit : "Au début août, le
28 monde a commencé à apprendre les atrocités qui se passaient à l'est et au
Page 22520
1 nord de Bosnie." Il explique que : "Ceci est le fait de reporteurs
2 particulièrement courageux qui ont fait savoir au monde ce qui se passait."
3 Le but de toute cette histoire et le but de ce que le
4 Dr Koljevic aurait rajouté au passage comme quoi personne ne s'occupait
5 vraiment de ce qui se passait ailleurs, tel qu'il l'a fait reporté par M.
6 Glenny, c'est que la communauté internationale avait l'attention attirée
7 sur Sarajevo. Le but était justement de ne pas savoir exactement ce qui se
8 passait dans le reste de la Bosnie-Herzégovine pendant ce temps-là. C'est
9 bien cela, n'est-ce pas ?
10 R. Comme je vous l'ai déjà dit, et quand je vous l'ai dit d'ailleurs,
11 quand j'ai dit à M. Stewart quand il était en train de citer ce passage, je
12 me souviens que ce soir-là, j'ai dîné avec Koljevic et Glenny, mais j'ai
13 repoussé certaines allégations concrètes qui, selon moi, étaient
14 incorrectes. Pour ce qui est de ce passage, je ne me souviens pas que ce
15 soit ce que j'ai dit. Je sais que j'ai dit que nous tous, d'une façon ou
16 d'une autre, nous, nous étions préoccupés par Sarajevo. C'est logique pour
17 moi puisque j'ai passé toute la guerre à Sarajevo. Pour le reste, je ne
18 peux pas dire grand-chose. Je ne peux pas faire des commentaires sur le
19 reste.
20 Q. Je reprends pour le compte rendu, que vous avez nié de ces allégations
21 très concrètes comme étant incorrectes. Je pense que ce serait une erreur
22 peut-être de traduction ou vous n'avez pas entendu le fait que c'est M.
23 Glenny qui a dit dans son rapport que vous vous étiez enfui de Sarajevo
24 pour sauver votre sécurité et que vous étiez arrivé en très mauvaise
25 condition physique. Vous vous rappelez, si ? Vous avez dit que ceci était
26 faux, mais nous n'étions pas en train de dire que c'était vrai. Vous avez
27 commencé par le nier, ensuite vous avez réalisé que finalement vous étiez
28 d'accord, tous les deux.
Page 22521
1 Le témoin bouge la tête, opine du chef, donc, vous êtes en train de
2 répondre de façon affirmative ?
3 R. Non, je ne réponds pas de façon affirmative. Lorsque nous parlons
4 d'allégations comme quoi j'avais été battu à Sarajevo, mais c'est trop
5 personnel et je le m'en faire rappeler si j'avais été battu. Maintenant,
6 pour ce qui est de ce que j'ai dit lors de la conversation lors d'un dîner
7 ou au cours d'une soirée, il est évident que je ne peux pas m'en souvenir
8 de tous. Cela me paraît normal.
9 Q. Tout à fait. Mais vous disiez que M. Krajisnik aimait bien répéter des
10 anecdotes, et vous nous avez dit d'ailleurs de façon assez badine que vous
11 étiez prêt à quitter la pièce alors qu'il s'apprêtait à répéter ses
12 anecdotes. Mais M. Koljevic, aussi, je crois, comme nous tous d'ailleurs, a
13 tendance parfois à se répéter, à répéter des anecdotes, à répéter, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Pour ce qui est de M. Krajisnik, il y avait des sessions tout à fait
16 régulières. Il parlait du Parlement, et cetera, des dirigeants, et cetera.
17 Q. Très bien. Professeur, vous dites -- mais je vais passer à autre chose
18 plutôt. Je voudrais vous montrer une autre conversation que le Dr Koljevic
19 a eue sur le même sujet. Peut-être cela vous rafraîchira votre mémoire sur
20 cette autre conversation, dont nous parlions, avec le Koljevic, et qui
21 avait trait à M. Glenny.
22 M. TIEGER: [interprétation] Si on pouvait montrer ce document au témoin,
23 s'il vous plaît.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au fait, j'aimerais, Monsieur Tieger,
25 attirer votre attention sur une chose. Auparavant, vous avez fait référence
26 -- je crois que c'était au 26 ou au 24 -- à l'interview, et vous avez dit
27 au témoin, il y est rapporté que vous avez dit ceci et cela. Je vois que
28 dans la version anglaise, il n'y a pas les guillemets pour ce qui est de la
Page 22522
1 version B/C/S. Alors, je ne sais pas où est l'original, je ne sais pas si
2 elle n'est pas là. Bien, il y a des guillemets, maintenant. Le témoin a
3 déposé sur le sujet, mais je n'aime pas trop avoir deux versions d'une même
4 chose. Une version semble décrire une situation, et l'autre est une
5 description où il y a des guillemets sur l'interview. Pourriez-vous, un
6 petit peu, voir où nous en sommes ? Je crois que c'était l'extrait de
7 Tanjug. Vous avez commencé par nous donner le mauvais extrait. Ensuite,
8 nous l'avons finalement trouvé. C'était le 24 ou le 26, je ne sais plus
9 très bien.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je sais exactement à quelle pièce vous vous
11 référez et je vais, bien sûr, vérifier.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Essayez de faire cela.
13 Maintenant, passons à la pièce suivante.
14 M. TIEGER : [interprétation]
15 Q. Il s'agit d'un passage qui vient d'un autre journaliste. Il s'agit là
16 d'Ed Vulliamy. C'est un livre qui est intitulé "Saisons en Enfer". Il nous
17 relate une conversation avec le Dr Koljevic où le même sujet a été abordé.
18 Je vais vous le lire.
19 "A ce point de la guerre, le pire avait été caché et ne pouvait être glané
20 qu'après le fait, à partir des témoignages des témoins. Pendant le siège à
21 Sarajevo, le programme de nettoyage ethnique, bien entendu, n'était pas
22 fait pour que le public en soit mis au courant. L'ombre intellectuel de
23 Karadzic, un membre de la présidence, Nikola Koljevic, m'a indiqué que
24 Sarajevo était comme une pièce de théâtre extrêmement violente qui allait
25 capturer l'attention du monde et qui allait, du coup, éviter que le monde
26 ne se concentre sur le véritable programme en cours. Le Pr Koljevic m'a
27 parlé, dans un hôtel très classe à Belgrade : 'Il est étonnant qu'il ait
28 mis si longtemps à arriver vraiment au but, au cœur du sujet.' Là, je
Page 22523
1 reprends ce qu'a dit le Pr Koljevic. Je cite : "C'est étonnant qu'on ait
2 mis si longtemps à en arriver au but. Pauvre Sarajevo. C'est tout ce qu'on
3 pouvait en penser. C'était au carrefour de l'Europe. Cela n'aurait pas pu
4 arriver à Trnopolje."
5 Est-ce que ce commentaire vous rappelle quoi que ce soit, le fait que
6 l'attention du monde était concentrée sur Sarajevo ?
7 R. Je tiens à vous dire deux choses : tout d'abord, j'habitais à Sarajevo
8 jusqu'au 5 juillet 1992. J'y ai résidé jusqu'au 5 juillet 1992. Première
9 chose. Deuxième chose, je n'étais pas membre du Mouvement national serbe ni
10 du SDS. Or, hier, quand vous avez parlé, vous avez cité certains faits
11 venant du Parti démocratique serbe, pour ce qui est des médias, exactement,
12 et vous avez encore cité --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, je vous arrête
14 encore une fois. Vous n'avez pas répondu à la question. La question était
15 de savoir si cette citation, qui nous venait d'un livre de M. Vulliamy,
16 rafraîchissait votre mémoire. Vous vous rappelez, oui ou non, étant donné
17 que c'est une conversation à peu près identique que celle que vous aviez
18 eue avec le Dr Koljevic, la discussion que vous avez véritablement eue avec
19 le Pr Koljevic. En lisant cela, est-ce que cela rafraîchit un peu votre
20 mémoire quant à la conversation que vous avez eue avec le Dr Koljevic ?
21 C'était la question.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse est donc non.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
24 M. TIEGER : [interprétation]
25 Q. Je sais que vous avez les détails, mais nous n'allons pas entrer dans
26 les détails. Ne peut-on pas dire que ce que vous avez communiqué, dit à M.
27 Glenny, est la chose suivante : le Dr Koljevic a ajouté comme une arrière-
28 pensée, finalement, que le fait que Sarajevo ait concentré l'attention du
Page 22524
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 22525
1 monde était une manœuvre, en fait, pour empêcher la communauté
2 internationale de se concentrer sur ce qui se passait ailleurs en Bosnie ?
3 R. Ce passage - et je tiens à répéter cela - pour ce qui est de mes
4 souvenirs sur cette conversation, si je me souviens bien, ce n'était pas la
5 teneur de nos propos du tout. En tout cas, ce n'était pas le sens de nos
6 propos.
7 Q. Avez-vous des explications pour nous dire pourquoi M. Glenny a cru
8 comprendre que vous lui exprimiez, dans votre relation de la conversation
9 que vous avez eue, que vous étiez en train de lui exprimer ce concept ?
10 R. Je n'ai pas bien compris votre question. Communiquer quoi ? Mon --
11 Q. Quand on lit les passages du livre de M. Glenny, il semble clair que le
12 Dr Koljevic avait fait ce commentaire et lui avait fait part de ce
13 commentaire pour bien lui faire remarquer que tous les médias
14 internationaux étaient principalement préoccupés par Sarajevo, et non pas
15 par ce qui se passait dans le reste de la Bosnie, mais que finalement, cela
16 a commencé à émerger, ce qui se passait dans le reste de la Bosnie.
17 R. Le but de mon intervention dont parle Glenny - je crois que c'est
18 correct, d'ailleurs, il semblait dire qu'on était en train de trop se
19 concentrer sur Sarajevo - le but de ma phrase était le suivant : dans la
20 conversation que nous avions à l'époque, nous traitions uniquement
21 Sarajevo, on ne parlait que de Sarajevo. Mon intervention avait un but un
22 petit peu différent. Il faut comprendre que ce n'était pas une conversation
23 officielle. On était en train de dîner, Glenny, Koljevic et moi, on était
24 en train de manger et on parlait. Koljevic a posé beaucoup de questions sur
25 Sarajevo, et je tiens à vous répéter qu'il avait son frère qui habitait à
26 Sarajevo à l'époque. C'est de ce type de choses que l'on parlait. Si je me
27 souviens bien, on avait tendance à dire qu'on s'occupait de Sarajevo et
28 qu'on parlait trop de Sarajevo parce qu'on avait justement tous ces parents
Page 22526
1 qui y habitaient. C'est bien cela, en fait, qui était le but de la
2 conversation, et non pas la coloration politique que vous semblez vouloir
3 lui donner.
4 Q. Très bien.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
7 Monsieur Josse, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?
8 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, mais on
9 vient de me rappeler que la pièce suivante n'a pas de cote.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, il faudrait lui en donner une
11 --
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le passage du livre appelé "Saisons en
13 Enfer" recevra la cote provisoire P1151.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Il s'agit
15 d'un livre dont l'auteur est Ed Vulliamy.
16 Monsieur Josse.
17 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai passé pratiquement
18 toute la pause avec M. Krajisnik. J'avais besoin, d'ailleurs, de plus de
19 temps avec lui, car il m'a donné un document, et il voudrait que je
20 questionne le témoin à propos de ce document. J'ai vraiment besoin d'en
21 parler un peu plus avec mon client. Je vais avoir un peu de mal à
22 comprendre exactement ce qui est sorti du contre-interrogatoire, donc je
23 demande vraiment à la Chambre de m'autoriser à avoir un peu de temps
24 supplémentaire.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il vous faut du temps ?
26 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps ?
28 M. JOSSE : [interprétation] Le plus possible.
Page 22527
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il faudrait quand même qu'on
2 en termine aujourd'hui, donc vous nous parlez de combien de temps ?
3 M. JOSSE : [interprétation] Une demi-heure.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons avoir notre
5 deuxième pause immédiatement et nous reprendrons à midi. Cela limitera
6 peut-être un peu le temps qui est à notre disposition ce matin, mais je
7 pense que cela devrait nous permettre quand même d'en avoir terminé vers 13
8 heures 30.
9 M. JOSSE : [interprétation] Oui, comme vous le savez, le témoin prochain
10 n'est pas dans le bâtiment.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien, mais vous voulez
12 commencer à interroger ce témoin suivant dès demain matin.
13 M. JOSSE : [interprétation] En effet.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons faire une
15 pause maintenant, pendant une demi-heure, et nous reprendrons donc à midi.
16 --- L'audience est suspendue à 11 heures 32.
17 --- L'audience est reprise à 12 heures 09.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.
19 M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps.
20 Cela se défend, la question que M. Krajisnik souhaite que je pose peut
21 effectivement se poser, mais avec l'autorisation de la Chambre, je souhaite
22 voir comment on peut poursuivre sur ce point. Au mieux, j'ai pu, au début
23 de la pause, remettre à mon éminent confrère un exemplaire en B/C/S de
24 différents documents que mon client m'a remis la nuit dernière.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Tieger a commencé à les lire dès que
26 je les lui ai remis. Bien, ceci pourrait engendrer quelques problèmes, bien
27 que ceci a déjà été le cas de part et d'autre, il est vrai -- ou plutôt,
28 plus souvent du côté de la Défense. Vous avez également l'assistant
Page 22528
1 juridique qui vous permet de voir à peu près quelle est la teneur du
2 document.
3 M. TIEGER : [interprétation] C'est tout à fait exact. Nous insistons sur le
4 terme "approximatif".
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 Voyons voir.
7 M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup.
8 Nouvel interrogatoire par M. Josse :
9 Q. [interprétation] Maître Kecmanovic, vous avez devant vous les trois
10 premières pages de cette liasse qui constitue le procès-verbal de la
11 présidence de Bosnie-Herzégovine daté du 20 juin 1992; c'est exact, n'est-
12 ce pas ? Si vous regardez la première page, vous n'avez pas assisté à la
13 réunion.
14 R. Oui, cela est tout à fait évident.
15 Q. Si vous regardez ceci, cette réunion s'est déroulée à 11 heures 00 du
16 matin. Savez-vous pourquoi ni vous ni M. Pejanovic ont assisté ?
17 R. Je ne me souviens pas de quelle session il s'agit ici. Je ne sais pas
18 s'il s'agit d'une des sessions au cours de laquelle ils n'ont pas réussi à
19 nous "trouver", j'entends, les services administratifs.
20 Oui, je vois qu'en regard du point 2, "Projet de décision afin de
21 déclarer l'état de guerre," je crois qu'il doit s'agir d'une de ces
22 sessions-là. Lorsque j'ai été interrogé par Me Stewart, j'ai évoqué ceci.
23 Q. Bien. Au point 6, à la page 3, je souhaite vous poser des questions.
24 Vers le milieu de la page, on voit que M. Halilovic contribue aux débats.
25 Ceci porte sur d'éventuels échanges de population dans la région de Banja
26 Luka.
27 R. Pardonnez-moi, vous voulez parler de quel paragraphe, s'il vous plaît ?
28 Page 3, au point 6 ?
Page 22529
1 Q. Le paragraphe qui commence par "Sefer Halilovic…," dans le milieu de la
2 page.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce qu'on peu
4 faire la lecture de ce paragraphe en premier lieu, de façon à ce que nous
5 puissions comprendre de quoi il en retourne ?
6 M. TIEGER : [interprétation] Une simple question d'intendance. J'ai le
7 passage, ici, qui a été surligné dans l'exemplaire qui m'a été remis par la
8 Défense, et référence est faite à un autre paragraphe en permanence. Peut-
9 être que nous pourrions lire tout ceci, s'il peut nous dire de quoi il
10 s'agit ?
11 M. JOSSE : [interprétation] Ce sont les trois paragraphes suivants.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le paragraphe commence par Sefer
13 Halilovic, Fikret Abdic, Alija Izetbegovic --
14 M. JOSSE : [interprétation] C'est exact.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, le texte se poursuit. Sur les
16 trois lignes à partir du bas, quelque chose comme cela, on voit le chiffre
17 1300.
18 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que l'on peut vous demander
20 s'il y a un membre de votre équipe à qui on peu demander de lire ceci
21 lentement, s'il vous plaît, de façon à ce que soit interprété ?
22 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je avoir un moment, s'il vous plaît ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
24 [Le conseil de la Défense se concerte]
25 M. JOSSE : [interprétation] Vous entendez lecture faite en B/C/S, bien sûr,
26 cela ne pose --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr, cela ne pose aucun problème. C'est M.
Page 22530
1 Sladojevic qui peut lire ceci --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, c'est très
3 apprécié, M. Sladojevic. Si vous pouviez commencer au paragraphe qui
4 commence par "Sefer Halilovic". Veuillez lire lentement, s'il vous plaît.
5 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Sefer Halilovic a présenté l'objection
6 formulée par les combattants vis-à-vis des gens qui ont fui Sarajevo et la
7 Bosnie-Herzégovine dans le courant de cette guerre en disant qu'ils ne
8 devraient se voir confier aucune fonction --"
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Il a ensuite fait état d'objections
11 disant que la FORPRONU transportait à bord de ces véhicules des Chetniks,
12 puis ensuite, des objections concernant d'échanges de population visant à
13 créer des cités ethniquement pures." Paragraphe suivant : "Fikret Abdic a
14 demandé à ce que le gouvernement résolve la question de l'électricité pour
15 la Krajina (à Jajce) et à informer les personnes présentes de la situation
16 de guerre à Bihac." Paragraphe suivant : "Alija Izetbegovic a informé la
17 présidence sur son entretien avec le président de l'assemblée municipale de
18 Zenica sur les problèmes de départ des Musulmans de Banja Luka en
19 soulignant qu'ils se sont vus menacés d'être tués, au cas où ils ne
20 quitteraient pas Banja Luka."
21 M. JOSSE : [interprétation] Me Sladojevic s'est arrêté là, car c'était le
22 passage que nous avions surligné. C'est tout.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
24 M. TIEGER : [interprétation] Je comprends fort bien, Monsieur le Président,
25 mais je n'ai pas le passage en anglais. Le paragraphe suivant, on parle
26 "Esnika" [phon] --
27 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr, cela ne pose aucun problème, nous
28 pouvons poursuivre.
Page 22531
1 M. TIEGER : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] [en B/C/S], qui est très proche des
3 termes que nous avons entendus, déjà. Nous avons la phrase où est mentionné
4 le terme Banja Luka, et jusqu'à la phrase où on peut voir 13 heures 00.
5 Est-ce que vous pouvez lire cette dernière partie, s'il vous plaît ?
6 M. SLADOJEVIC : [interprétation] "Au cas où cela se trouverait être
7 accepté, cela signifierait création de régions ethniquement pures. Notre
8 pays doit rejeter ces pressions visant à créer des régions ethniquement
9 pures."
10 M. JOSSE : [interprétation] Pardonnez-moi, ce passage aurait dû être lu. M.
11 Tieger a tout à fait raison, car c'est tout à fait pertinent.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 M. JOSSE : [interprétation] Pour être honnête, ce passage n'a pas été
14 surligné, et ceci n'était pas précisé pour M. Sladojevic, il ne l'avait pas
15 sous les yeux.
16 Q. Avant de parler d'autre chose, cette question, à savoir, l'échange des
17 populations qui a été débattu lors de la séance de la présidence, avez-vous
18 des éléments d'information ou quelque connaissance à ce sujet ?
19 R. Je me souviens du fait que dans le courant des activités que j'ai
20 déployées dans le cadre de la présidence, pendant ce mois et quelque, il y
21 a eu des échanges de populations. Au sein de la présidence, puisqu'il
22 s'agissait d'échanges entre partie serbe et partie musulmane, c'est Mirko
23 Pejanovic qui s'y est employé pas mal. Dans notre partage interne des
24 tâches, j'ai surtout vaqué à la nécessité de faire sortir de prison des
25 Serbes détenus dans des prisons privées.
26 Donc, je dirais qu'à cet effet, oui, il y a eu des échanges de
27 population, et c'est Mirko Pejanovic qui se concertait d'une part avec le
28 président Izetbegovic, et un peu aussi avec Ganic, mais surtout avec
Page 22532
1 Izetbegovic. L'autre interlocuteur du côté serbe, je ne me souviens pas
2 trop de qui il s'agissait. C'était des individus, des groupes d'individus
3 plus ou moins grands. Mais il ne s'agissait pas d'échanges massifs de
4 population, il s'agissait de listes concrètes d'individus qui ont été ou
5 qui se sont vus échangés de part et d'autre.
6 Q. Lorsque M. Izetbegovic déclare : "Notre pays ne doit pas accepter
7 d'être mis sous pression afin de créer des régions ethniquement pures,"
8 est-ce que ceci est une illustration de ce que vous pensiez être son point
9 de vue à l'époque, point de vue et objectif, je devais préciser, à l'époque
10 ?
11 R. Je puis vous rappeler, si tant est que vous êtes au courant de ces
12 renseignements, que dès la phase de création, avant les élections, avant
13 cette phase, du temps des promotions des différentes parties au sein des
14 régions de la Bosnie-Herzégovine, et tous les partis ont fait cela à deux
15 grands rassemblements : l'un a eu lieu à Kladusa, dans la Krajina de Cazin;
16 et l'autre a eu lieu à Foca, en Bosnie orientale. En ces occasions-là,
17 Izetbegovic, s'adressant aux foules de gens rassemblés, il a dit que la
18 direction du SDS, et le parti dans son ensemble, nous accuse de vouloir
19 créer une République, un Etat islamique. Puis, il a posé une question
20 rhétorique : Frères et sœurs, est-ce que nous voulons véritablement une
21 République islamique ? A sa grande surprise, puisque la question était
22 plutôt rhétorique, la masse a répondu : Oui, on le veut, on le veut. Alors,
23 il a dit : Non, c'est trop tôt pour cela. Nous prendrons les territoires de
24 la Bosnie-Herzégovine que nous serons à même de contrôler pour qu'ils
25 fonctionnent avec prospérité. Cette déclaration a été reprise par bon
26 nombre de médias, au détriment d'Izetbegovic.
27 Ce que je veux dire par là, c'est qu'Izetbegovic, de ce point de vue-là,
28 avait eu une approche assez inhabituelle. Il changeait de positions. Il
Page 22533
1 adoptait des attitudes différentes dans différentes situations. Une fois,
2 en répondant aux questions des journalistes, il disait, le même jour, le
3 matin, il lui semblait qu'il fallait penser d'une façon sur un même
4 problème; d'une façon le matin, et d'une autre façon l'après-midi. C'est
5 quelque chose qui avait été souvent cité dans les médias musulmans ou
6 plutôt bosniens, comme on les appelait par la suite. Je vais finir ma
7 pensée. D'une part, on critique cette pratique, mais dans la période
8 précédente, on avait participé à ce type de pratique, parce que si cela
9 n'avait pas été le cas, il n'aurait pas été nécessaire de venir condamné
10 par la suite cette façon de se comporter.
11 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, veuillez me donner une
12 minute ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être pourriez-vous demander au
14 témoin d'abord…
15 [Le conseil de la Défense se concerte]
16 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, voici notre position :
17 les pages restantes de cette liasse sont des extraits de l'ouvrage de Sefer
18 Halilovic, "Stratégie de ruse." Une partie de ce document a déjà été versée
19 au dossier dans cette affaire. Si nous nous reportons à la page 137, au bas
20 de cette même page, nous pouvons constater - bien sûr, en B/C/S - ce qui
21 correspond aux commentaires de Sefer Halilovic sur la session en question,
22 celle sur laquelle le témoin vient de nous donner ses commentaires, à
23 savoir, la session du 20 juin 1992, à 11 heures du matin. Certains passages
24 des commentaires de Sefer Halilovic sont des passages à propos desquels
25 nous aimerions poser des questions à ce témoin.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de faire cela, je souhaite avoir
27 un éclaircissement sur la dernière réponse donnée par le témoin.
28 Vous avez dit, Monsieur Kecmanovic, que : "D'un côté, cette pratique est
Page 22534
1 critiquée, mais d'un autre côté, ils avaient participé à cela. En réalité,
2 ils ne la condamnaient pas à l'époque, cette pratique."
3 Tout d'abord, qu'est-ce que vous entendiez précisément par l'utilisation de
4 ces termes : "Ils ne condamnaient pas cette pratique" ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux choses que j'ai mentionnées -- trois,
6 plutôt. L'une de ces choses c'est que les échanges de population ne se sont
7 pas faits en masse, mais que cela s'est fait dans l'organisation ou sous
8 les hospices de la présidence. C'est Mirko Pejanovic, un confrère, un
9 Serbe, qui est intervenu du côté musulman pour communiquer avec la partie
10 adverse. Au sein de la présidence même, il a contacté Izetbegovic en sa
11 qualité de représentant authentique de l'autre partie. Ce que je voulais
12 dire c'est que dans ce cadre-là, il y a eu, incessamment, des échanges de
13 population d'organisés. Cela se faisait avec recours à des listes. La
14 partie musulmane demandait des individus pour qu'ils soient transférés vers
15 le territoire musulman, et les Serbes, suivant d'autres listes, demandaient
16 à ce que les Serbes soient transférés depuis les territoires musulmans vers
17 les leurs. Cela est d'un.
18 De deux, j'ai parlé du fait que --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai besoin d'un éclaircissement ici,
20 s'il vous plaît. Pour ce qui est des chiffres, est-ce que nous parlons ici
21 d'une dizaine de noms qui auraient figurés sur ces listes, de personnes qui
22 auraient été échangées, ou est-ce que nous parlons d'une centaine de noms
23 ou de milliers de noms ? Que dois-je comprendre par là, s'il vous plaît, à
24 ce moment-là ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de moins de 50 individus, si mes
26 souvenirs sont bons, d'un côté. De l'autre côté, je dirais que le processus
27 se déroulait en continuité. Des fois, il y en avait bien moins; ils étaient
28 dix ou 30, il n'y avait pratiquement jamais plus de 50 personnes. Mais
Page 22535
1 l'activité a duré. Pejanovic, à ce sujet, était constamment en contact avec
2 Izetbegovic; des fois, avec Ganic aussi.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quelle fréquence dois-je me reporter ?
4 Dix listes par mois, cinq, ou 25 par mois ? J'essaie de comprendre et de me
5 faire une idée sur la question. Si vous dites de dix à 20, pas plus de 50,
6 ce qui serait une moyenne de 30, donc dix listes par mois --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en moyenne.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- ce qui correspondrait à 200 à 300
9 personnes par mois. C'est une indication qui n'est pas précise. Peut-être
10 que vous pourriez nous donner quelque chose de plus précis, en tout cas,
11 pour l'état des choses à ce moment-là ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faudrait que je multiplie et que je fasse
13 des calculs. Je ne suis pas très fort en la matière, mais je dirais que
14 cela n'a pas excédé 50 personnes, mais que cela se faisait en permanence.
15 Il y avait deux lignes d'activité en parallèle qui se déroulaient à ce
16 sujet, mais comme je ne suis pas intervenu moi-même sur ce point-là, je ne
17 peux pas vous en dire plus. L'autre élément dont j'ai parlé c'est
18 qu'Izetbegovic, dans différentes phases, s'était employé publiquement, même
19 avant les élections, en faveur d'une partie de la Bosnie-Herzégovine
20 ethniquement séparée; musulmane, bien entendu, appelée par la suite
21 bosnienne. Très souvent, on lui rappelait les différentes choses qu'il
22 avait dites dans des occasions différentes.
23 Ce que j'ai dit ici c'est que, partant de cette partie-là du PV que j'ai
24 sous les yeux, l'impression qu'on peut se faire c'est que ce type de chose
25 arrivait en effet, et Izetbegovic est venu critiqué cela. Ce n'est pas ici
26 une opportunité où il parle en termes généraux ou dans le cadre de
27 principe. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je souhaite que vous me fassiez la
Page 22536
1 clarté sur le deuxième point que j'ai évoqué. Vous avez dit : Même avant
2 les élections, et je suppose qu'il s'agit des élections de 1991 ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990, les élections.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pardonnez-moi, je me suis mal exprimé.
5 M. Izetbegovic, vous dites que : "Il prenait une région ethniquement
6 distincte en Bosnie-Herzégovine." Ceci n'est pas très clair en ce qui me
7 concerne, car on peut parler d'une région distincte ou la majorité
8 musulmane aurait le pouvoir, et donc il faudra partager et diviser. Par
9 exemple, on peut en faire une province ou un sous-état, quel que soit le
10 système adopté. Ce n'est pas la même chose de dire que -- de parler, de
11 dire d'un gouvernement musulman dans un territoire ethniquement pur, ce qui
12 signifie qu'il n'y a pas de Serbes, ni de Croates sur ce territoire.
13 D'après la partie du document qui vient de nous être présentée, je
14 comprends les choses de la manière suivante : Ils évoquaient, et c'est
15 quelque chose que je vais relire -- je vais essayer de vous citer le
16 passage en question. Il dit que : "Si ceci était adopté, ceci conduirait à
17 la création de régions ethniquement pures. Notre pays ne doit pas se
18 soumettre à ce type de pression et créer des régions ethniquement pures."
19 Lorsque vous dites que M. Izetbegovic prenait en public ou publiquement des
20 régions ethniquement -- ou des territoires ethniquement distincts, est-ce
21 que ceci englobait les régions qui devaient devenir ethniquement pures, ou
22 est-ce qu'il s'agissait simplement de Musulmans qui avaient la majorité et
23 qui dirigeaient cette région ? Car, je crois que ceci semble constituer la
24 différence essentielle entre le plan Cutileiro et ce qui a été évoqué ici;
25 autrement dit, cela se conclurait ou se solderait par une région
26 ethniquement pure. Donc, que prenait M. Izetbegovic à cet égard ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, l'occasion que j'ai mentionnée
28 pour ce qui est de cette de ce rassemblement électoral à Foca, il n'a pas
Page 22537
1 dit davantage, il n'a pas été plus précis pour ce qui est de savoir ce
2 qu'il entendait par ce qu'on pouvait contrôler pour y faire régner la
3 prospérité. Je suis porté à croire que c'est ce que vous dites dans le plan
4 Cutileiro et dans les plans avancés par les trois parties en présence
5 pendant la guerre, et ce que les autres médiateurs ont proposé, à savoir,
6 Vance, Owen et autres. Nul part il n'a été question d'une thèse où il y
7 aurait des régions ethniquement pures. Mais il était question de régions
8 avec majorité ethnique de certains en respectant les droits des minorités
9 avec une autonomie des autres. Si toutes ces régions ethniquement
10 majoritaires se retrouvent dans le cadre d'un Etat, il faut que l'on
11 respecte mutuellement les minorités qui se trouvent sur place, parce que
12 comme la majorité croate devait se comporter à l'égard la minorité
13 bosnienne en Herzégovine, il devait en aller de même pour ce qui est de la
14 Bosnie centrale, quant à l'attitude des Musulmans vis-à-vis des Croates. Je
15 crois qu'aucune partie à un moment quelconque n'aurait défendu la thèse de
16 régions ethniquement pures. Je sais que, par exemple, Banja Luka est une
17 région où je vais souvent, ou j'enseigne à l'université. J'ai bon nombre
18 d'amis musulmans qui ont passé toute la guerre là-bas. Ils se sont trouvés
19 être des ministres dans le gouvernement précédent.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter maintenant. Cette
21 Chambre a recueilli un nombre important d'éléments de preuve sur Banja
22 Luka, et sur la manière dont -- ou quelle était la composition de la
23 population à ce moment-là pendant la guerre. Tout ceci est clair
24 maintenant.
25 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je dire, et
26 pardonnez-moi si je m'exprime ainsi, mais le sujet sur lequel a porté vos
27 questions, Monsieur le Président, lorsque le témoin a dit que : "Ils ont
28 pris part à cela, et qu'ils ne le condamnaient pas à l'époque, ils ne
Page 22538
1 condamnaient pas cette pratique," c'est exactement la raison pour laquelle
2 M. Krajisnik souhaitait que je présente cet élément de preuve, ce qui est
3 lié au document suivant, qui est l'extrait de l'ouvrage de M. Halilovic.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. JOSSE : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à la Chambre,
6 je souhaite proposer ceci : Je sais que cela n'est pas idéal, mais je
7 souhaite demander au témoin de lire cette page et demie, de nous la
8 résumer, de nous faire ses observations et, bien sûr, nous ferons traduire
9 tout ceci en temps voulu.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, j'ai quelques hésitations. Je
11 ne souhaite pas demander au témoin de résumer ceci. Nous avons entendu
12 l'explication qui a été fournie par le témoin sur son rôle en qualité
13 d'expert, et de dire bien ce qu'il a dit en tant qu'expert. Le témoin sera
14 déjà parti lorsque la traduction sera faite de ce document. Ce sera trop
15 tard. Donc, j'hésite à le faire.
16 Mais, Monsieur Tieger, si vous avez quelque chose --
17 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr. Il y a certains extraits que nous
18 avons surlignés. On peut procéder de la même manière et
19 M. Sladojevic peut les lire à voix haute.
20 M. TIEGER : [interprétation] Ceci peut paraître un petit peu lourd, mais je
21 crois que c'est la seule façon de faire.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai posé la question à
23 M. Tieger, et j'ai fait part de mes hésitations. Mais M. Tieger a un
24 certain avantage dans la mesure à la fois il a le texte et il a également
25 une assistante linguistique. Encore une fois, tout ceci peut être fait de
26 façon approximative.
27 M. JOSSE : [interprétation] Bien. Je vais venir à son aide.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
Page 22539
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez lire et sélectionner les
3 passages pertinents. Veuillez vous assurer que le contexte soit
4 suffisamment clair.
5 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 [Le conseil de la Défense se concerte]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si les Juges de la Chambre me le permette --
9 pendant qu'on attend, si le président de la Chambre est d'accord,
10 j'aimerais dire quelques mots. Merci.
11 Je ne voudrais pas que vous vous fassiez l'impression concernant ce que
12 vous avez dit tout à l'heure pour ce qui est des -- que vous aviez des
13 informations au sujet de Banja Luka et de la population qui s'y trouvait.
14 Mais, je disais que je connaissais beaucoup de gens qui étaient Croates ou
15 Bosniens d'appartenance ethnique, et qui sont restés là-bas pendant la
16 guerre. Je ne voulais rien nier du tout, mais je voulais justement juste
17 rappeler, en ma qualité d'homme qui a longtemps vécu à Sarajevo, que c'est
18 à Sarajevo qu'il y a eu les plus grosses modifications de la structure
19 ethnique de la population.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis au courant. Nous essayons
21 non pas de recueillir des impressions générales, mais nous écoutons très
22 attentivement ce que vous nous dites.
23 Maître Josse.
24 M. JOSSE : [interprétation] Donc, M. Sladojevic s'apprête à lire ce texte à
25 la page 137, où on peut lire, en B/C/S --
26 L'INTERPRÈTE : Est-ce que nous pouvons avoir le numéro de page, s'il vous
27 plaît ?
28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, pardonnez-moi, à un tiers du document vers
Page 22540
1 le bas.
2 L'INTERPRÈTE : A la page 137 ?
3 M. JOSSE : [interprétation] Oui, 137.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le début du denier grand
5 paragraphe.
6 M. JOSSE : [interprétation] Il va également lire ce qui est en caractère
7 gras tout en haut de la page.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation]
9 Puis-je vous rappeler que quelquefois, lorsqu'on lit, cela va
10 beaucoup trop vite. Je vous demande de bien vouloir lire lentement, s'il
11 vous plaît.
12 M. SLADOJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 "Extrait de l'enregistrement audio de l'audience de la présidence de la
14 République de Bosnie-Herzégovine, tenue le 20 juin 1992. La session a
15 commencé à 11 heures 00, sous la présidence d'Alija Izetbegovic, président
16 de la présidence de la Bosnie-Herzégovine.
17 "Halilovic : Deuxième chose, j'aimerais brièvement vous informer sur un
18 phénomène à mon avis très dangereux, qui se produit sur les territoires de
19 la Krajina de Bihac. D'après certaines autres informations dont nous
20 disposons, ceci n'est hélas pas un phénomène isolé. Il est si dangereux
21 qu'il met en péril les relations politiques fondamentales prévalant au sein
22 de la Bosnie-Herzégovine et risque d'avoir des conséquences
23 incommensurables, en effet, d'après les rapports du commandant du QG
24 régional de la TO de la région de Bihac, M. Hajrudin Osmanagic, président
25 du Parti SDA de la région de Bihac, puis du Dr Irfan Ljubjankic et du
26 président de la municipalité de Bihac, M. Nenad Ibrahimpasic, qui ont eu
27 des entretiens à Bihac avec une délégation du SDS en provenance de Banja
28 Luka, qui eux, circulent tout le temps dans la Krajina à bord des véhicules
Page 22541
1 de la FORPRONU. Ils sont tombés d'accord sur dans échanges de population et
2 départ de cette population de la région de Banja Luka, les Serbes de ces
3 régions-là devant aller vers la région de Banja Luka. J'estime que,
4 s'agissant de notre combat, il s'agit là d'un phénomène très dangereux,
5 fatal. J'aimerais vous demander de prendre position sur cette question
6 d'importance, parce qu'ainsi, cela arrange ceux qui ont précisément
7 l'intention de créer des territoires ethniquement purs. En effet, par des
8 déménagements de la population, ils créent des unités ethniques pures, ce
9 qui conduite au démantèlement de l'Etat bosniaque et à son partage
10 ethnique. Un groupe de citoyens du groupe ethnique musulman à Banja Luka se
11 sont vu accorder deux ou trois heures de temps pour emballer leurs effets
12 personnels, pour être chassés ensuite, et ces gens sont déjà arrivés dans
13 la région de Zenica. Or, dans la le secteur de Sanski Most, Prijedor et
14 Bosanski Novi, ce type d'activités, d'après les rapports datant d'hier et
15 d'aujourd'hui, se trouvent être en cours. Dans le nettoyage ethnique de la
16 part des Chetniks dans ces régions, avec la coopération de la FORPRONU qui
17 fait venir des autocars et reçoit des passagers pour les transporter
18 suivant un planning à elle. Deux mille cinq cents Musulmans se trouvent
19 déjà transférés à Lika et Titova Korenica. On leur a fourni un abri
20 provisoire là-bas, et ils attendent la continuation de leur voyage. Etant
21 donné qu'à l'arrivée à Lika et Titova Korenica, leurs vies étaient en
22 péril, 540 citoyens du groupe ethnique serbe ont demandé à quitter Cazin
23 et Bosanska Krupa, comme convenu à une réunion de Titova Korenica entre le
24 Dr Ljubijankic et Nenad Ibrahimpasic, avec une délégation du SDS sous
25 l'égide de la FORPRONU. Il s'agit d'une question politique, mais également
26 d'une question militaire de taille, parce que se trouvant directement
27 contraire aux objectifs de notre combat, et nécessitant une analyse
28 attentive après collecte d'informations sur le terrain. D'autant plus que
Page 22542
1 ce phénomène n'est pas isolé, parce que SRNA montre un grand nombre de
2 citoyens du groupe ethnique serbe originaires de la Bosnie centrale de la
3 vallée de la Neretva, sur des territoires provisoirement occupés, à savoir
4 : Nevesinje, Boracko Jezero, et surtout dans les banlieues de Sarajevo,
5 Vogosca, Ilijas, Ilidza, et ainsi de suite. Ils sont trop nombreux pour
6 qu'on puisse parler de cas isolés, de cas individuels. Il est évident qu'il
7 s'agit d'une opération plus ample soutenue par des structures locales et le
8 ministère de l'Intérieur. Je veux que vous sachiez qu'une telle action
9 renforce le blocus de la ville de Sarajevo parce que l'on a atténué ou
10 éliminé le problème principal qu'ont les Chetniks, à savoir, le manque
11 d'effectif.
12 "Pour finir, je demanderais à M. Juro Pelivan, en sa qualité de
13 premier ministre, de résoudre par le biais de la FORPRONU le problème des
14 coupures de courant dans la région de Bihac, de la part des autorités
15 chetniks à Banja Luka. Ici, l'énergie électrique est utilisée en guise
16 d'arme, et les demandes de nos instances du pouvoir à Jajce sont celles qui
17 consistent à couper le courant à Banja Luka. Ces coupures de courant à
18 Bihac créent bon nombre de problèmes. Entre autres, on ne peut pas faire
19 fonctionner les réseaux radio et télévision, qui transmettent les
20 avertissement ou les annonces de dangers. C'est ainsi qu'il est tombé hier
21 plusieurs obus, et il y a eu 8 civils et 5 combattants de tués. Le problème
22 est urgent et nécessite une réaction urgente. Observation, Muhamed Cengic,
23 à l'occasion de l'une des sessions suivantes de la présidence, a été nommé
24 représentant économique de la République de Bosnie-Herzégovine en
25 république de Turquie. La présidence, s'agissant de ces échanges de
26 population dont je l'ai informée, n'a jamais débattu et n'a pas réagi au
27 phénomène qui s'est présenté dans une mesure plus ou moins grande
28 ultérieurement, dans différentes parties de la Bosnie-Herzégovine."
Page 22543
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir donné
2 lecture de cela. Les interprètes ont été en mesure de vous suivre de très
3 près, comme je l'ai remarqué.
4 M. JOSSE : [interprétation]
5 Q. Nous avons entendu, au début de cet extrait, M. Kecmanovic, que la
6 session était enregistrée. Vous n'avez pas vous-même assisté à cette
7 session. Saviez-vous que ces sessions étaient enregistrées sur bandes audio
8 ?
9 R. Oui, oui. Je dirais même qu'au début, nous recevions des résumés de ce
10 qui s'était dit à ces réunions. Par la suite, cela n'a plus été le cas.
11 Cela a été justifié par la complexité de la situation, où cela se trouvait
12 être techniquement impossible, trop onéreux, et ainsi de suite.
13 Q. Les mots qui sont en italique à la page 138 représentent un commentaire
14 sur ce que M. Halilovic venait de décrire, ou en tout cas, sur la manière
15 dont M. Halilovic a décrit ce qui s'était passé au cours de la réunion,
16 n'est-ce pas ? C'est ainsi que vous l'avez compris ?
17 R. Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai remarqué trop tard, vous êtes
19 debout.
20 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que le témoin va faire un commentaire
21 -- répondre à la question, mais il y a une hypothèse ici, peut-être, qui a
22 été introduite de façon non intentionnelle. Ce qui a été lu était une
23 description de M. Halilovic. Je ne sais pas quel passage correspond à une
24 description et quel passage correspond aux séances qui ont été enregistrées.
25 M. JOSSE : [interprétation] Je suis d'accord avec mon éminent confrère.
26 Q. Faites de votre mieux, Monsieur Kecmanovic. Comment comprenez-vous la
27 différence entre les parties qui sont en italique et les parties qui ne
28 sont pas italiques ?
Page 22544
1 R. Je comprends les choses de la façon suivante : ce qui est en caractères
2 normaux, c'est une sorte -- d'ailleurs, on le dit, ce sont des "Extraits
3 d'enregistrements audio de la session de la présidence," donc il ne fait
4 point de doute qu'il s'agit là d'un enregistrement. Ce qui est dit sous
5 l'intitulé "Observation", en italique, c'est un commentaire qui coïncide
6 avec ce que j'ai dit moi-même au sujet de ce qu'a dit Cengic, et que j'ai
7 avancé moi-même, à savoir que la présidence fonctionnait à titre tout à
8 fait irrégulier, et Izetbegovic conduisait les choses de façon très
9 arbitraire. Ce qui fait que moi-même et Halilovic, de façon évidente, nous
10 sommes vus privés de la possibilité d'être présents à certaines sessions,
11 jusqu'au moment où il y a eu proclamation d'un état de guerre. Lui, jusque-
12 là, n'était pas membre de la présidence. On le conviait à venir pour faire
13 partie de cette présidence, au sens large du terme, où il n'avait pas le
14 droit de vote, mais il est un fait qu'on faisait venir certaines
15 personnalités. Des fois, c'était Halilovic, et des fois, c'était Doko, qui
16 était ministre de la Défense et qui est, soit dit en passant, un Croate et
17 un membre du HDZ. D'après moi, Halilovic, ici, après la proclamation de
18 l'état de guerre, était devenu membre de la présidence de Guerre, donc il
19 est devenu membre à part entière avec droit de vote. Mais il lui arrivait,
20 de façon évidente, ce qui m'est arrivé à moi et à Pejanovic, à savoir, de
21 ne pas être intégré à certaines activités. Je peux vous expliquer pourquoi
22 cela s'est passé avec Halilovic aussi, si cela vous intéresse.
23 Q. Pas pour l'instant. Vous nous avez dit, dans la première partie de
24 votre réponse, du moins, tel que cela a été traduit, vous avez dit qu'il
25 s'agissait du commentaire de Cengic. Il s'agit, semble-t-il, je crois, du
26 commentaire d'Halilovic.
27 R. Il s'agit d'un commentaire de la part d'Halilovic au sujet de Cengic,
28 qui a été nommé en Turquie. Il a dit que ceux qui avaient quitté Sarajevo
Page 22545
1 ne devaient pas se voir faire confier des fonctions. Cengic était quelqu'un
2 d'important dans la hiérarchie du SDA, et il est parti en Turquie où il s'y
3 était trouvé pour une tâche quelconque. Il avait demandé à ce qu'il ne lui
4 soient pas accordées des fonctions de représentant diplomatique ou
5 d'ambassadeur. Donc, Halilovic était contre, et ultérieurement, il s'est
6 avéré que la fonction en question a été bel et bien accordée à M. Cengic.
7 C'est cela, la substance de ce commentaire.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre.
9 Maître Josse, je ressens le besoin de demander la relecture de ce passage,
10 car d'après la dernière réponse du témoin, je suppose que M. Cengic n'a pas
11 été nommé président économique de la République de Bosnie et de la
12 République de Turquie, et la présidence sur l'échange de la population,
13 c'est quelque chose dont nous avons été informés; ceci n'a jamais été
14 débattu, il n'y a pas eu de réaction. Cela n'est pas très clair. On ne sait
15 pas très bien à quel poste M. Cengic a été nommé.
16 M. JOSSE : [interprétation] Je peux faire la clarté là-dessus, si vous me
17 le permettez. Il s'agit de la deuxième partie des commentaires d'Halilovic
18 qui intéresse la Défense.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais le témoin nous explique ce qui est
20 arrivé à M. Cengic; si vous estimez que cela n'est pas pertinent, arrêtez-
21 le.
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je dirais que cela n'est pas pertinent.
23 C'est la deuxième partie du passage intitulé "Napomena".
24 Q. Puis-je vous demander, Monsieur Kecmanovic, ce que vous entendez par ce
25 terme-là, "napomena" ?
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi --
Page 22546
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 22547
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous ne pouvons pas demander
2 aux interprètes de nous dire ce que signifie ce terme, "napomena", car au
3 niveau de la traduction, cela n'est pas très clair. "Napomena" semble être
4 un terme qui est tout seul, et ensuite, c'est intégré à une phrase.
5 M. JOSSE : [interprétation] Précisément.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on peut demander aux
7 interprètes, en premier lieu, ce que signifie ce terme ?
8 L'INTERPRÈTE : "Napomena" veut dire "observation, remarque ou nota bene".
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Il s'agit d'une note qui a
10 été rédigée de la main de M. Halilovic. Il réagit à cette transcription.
11 Monsieur Tieger.
12 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que nous sommes en train de nous
13 livrer à un exercice qui ne peut que poser problème, en ce qui me concerne.
14 Pour l'essentiel, nous procédons à nouveau à l'interrogatoire principal en
15 demandant au témoin de répondre à des questions qui n'ont pas suffisamment
16 -- ont été posées avant, en lui demandant de faire un commentaire --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A propos des commentaires.
18 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 Maître Josse, je vous demande de poser des questions très précises à cet
21 égard au témoin.
22 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai presque terminé.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
24 M. JOSSE : [interprétation] C'est la dernière question sur le sujet. Si
25 quelqu'un s'y oppose, à ce moment-là, la Chambre de première instance le
26 saura.
27 Q. La question est celle-ci : Monsieur Kecmanovic, pouvez-vous nous
28 fournir une explication, à supposer que ceci est exact, sur les raisons
Page 22548
1 pour lesquelles la présidence n'a jamais abordé cette question, à savoir,
2 celle des mouvements de population ?
3 R. Je pense que c'est, en substance, ce qu'Halilovic voulait dire, parce
4 que quoiqu'à la session précédente, il ait soulevé le problème des échanges
5 de la population, la présidence n'en a pas débattu. Je ne puis que
6 confirmer qu'il n'y a pas eu de débat de ce genre, du moins pas en ma
7 présence. Parce que, comme vous avez pu le constaté, je n'ai pas toujours
8 été convié à venir. L'explication est la suivante : dans la direction
9 musulmane, il y avait deux filières, et cela a été une constante qui s'est
10 étirée jusqu'à nos jours. Je ne sais pas quel terme utiliser pour ne pas
11 être mal interprété. Il était question d'une fédéralisation de la Bosnie,
12 chose qu'ont faite les accords de Dayton. Donc il y a eu affirmation de
13 cette ligne-là, de cette filière. L'autre filière, à laquelle appartenant
14 Halilovic - je puis l'illustrer avec bon nombre d'autres exemples - lui, il
15 était favorable à une façon de voir qui était celle de considérer la
16 Bosnie-Herzégovine conformément à ce qui avait été la façon des Communistes
17 de la voir. C'est la raison pour laquelle Halilovic a été révoqué de ses
18 fonctions ultérieurement par Izetbegovic et la direction au sommet du SDA.
19 M. JOSSE : [interprétation] Je vais maintenant passer à un autre sujet.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
21 M. JOSSE : [interprétation]
22 Q. On vous a posé un certain nombre de questions sur le partage de
23 Sarajevo. La quatrième variante que vous avez évoquée lors de
24 l'interrogatoire principal, lorsque Me Stewart vous a posé des questions;
25 est-ce que ceci tenait compte - peut-être qu'il s'agit d'une question
26 sémantique, ici - est-ce qu'il s'agissait, en d'autres termes, d'une
27 division ou d'une transformation de la ville de Sarajevo ?
28 R. Quand on parle de transformation, de partage, de régionalisation, de
Page 22549
1 fédéralisation; tout cela, ce sont des expressions qui, dans notre
2 communication politique, dans notre parler au quotidien, étaient utilisées
3 sans qu'il y ait une distinction entre les différents termes utilisés. Dans
4 la troisième des variantes -- ou plutôt, la quatrième qui a été acceptée
5 par tout un chacun était de faire en sorte qu'au centre-ville, il y ait un
6 secteur extraterritorial là où il y avait des institutions conjointes.
7 Parce qu'on avait compté sur des institutions conjointes qui se
8 trouveraient au niveau de l'Etat et auxquelles participeraient les trois
9 parties en présence. Le reste devait constituer des prolongations de ce qui
10 était considéré comme étant des territoires ethniques, pas ethniquement
11 purs, mais avec une majorité de l'une des trois populations présentes. Par
12 exemple, j'ai parlé de Bascarsija, le secteur de la vieille ville, là où
13 j'habitais moi-même. Etant donné qu'il y avait une prédominance musulmane,
14 cela était censé appartenir aux secteurs à prédominance musulmane. Je
15 n'aurais jamais formulé cette proposition si cela signifiait un territoire
16 ethniquement pur parce que cela se traduirait par mon expulsion à moi de ce
17 quartier. Il était question de ces municipalités de la banlieue qui avaient
18 une majorité serbe. Il y a une sortie de Sarajevo qui s'appelait Stupska
19 Petlja. Avant la guerre, cela avait été une région avec prédominance
20 croate. Mais cela a été censé constituer le lien avec une entité, un
21 canton. Nous parlions "d'entité" à l'époque. Les autres termes ont été
22 utilisés ultérieurement. Donc, cela devait servir de liaison avec la région
23 croate. Voilà ce que contenait la proposition telle que formulée.
24 Q. Dernière question supplémentaire, qui portera aussi sur Sarajevo. Ce
25 matin, on vous a demandé ce que vous saviez à propos des pilonnages serbes
26 sur la ville, et à un moment, vous avez essayé de développer une réponse et
27 vous avez dit : "Si vous me permettez, j'aimerais vous donner une
28 illustration de la situation très peu claire de ce qui se passait à
Page 22550
1 Sarajevo." Et là, le Président vous a arrêté. Est-ce que vous vous souvenez
2 ce que vous étiez en train d'essayer de dire ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'a-t-il, Monsieur Tieger ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Il y a eu une discussion très longue. Il y
6 avait des questions qui ont été posées ayant trait à différents points. On
7 a empêché le témoin de continuer à discourir, et c'était pour une raison
8 que les Juges l'ont arrêté. Il me semble que là, on est en train d'essayer
9 de contourner la décision qui a été prise par les Juges.
10 M. JOSSE : [interprétation] Si je me souviens bien, vous avez quand même
11 dit, Monsieur le Président, que le témoin pourrait y revenir par la suite.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, j'ai bien dit que si le témoin
13 voulait rajouter quoi que ce soit à son témoignage, il pourrait le faire.
14 Mais ce n'est pas ce que vous êtes en train de faire en ce moment. Vous
15 dites : dites-nous exactement ce que vous vouliez dire quand les Juges vous
16 ont arrêté. Ce n'est pas la même chose que de lui dire que voulez-vous
17 ajouter maintenant --
18 M. JOSSE : [interprétation] Non. Je fais valoir que je n'ai rien fait qui
19 soit incorrect. Je pose des questions supplémentaires, et rien de plus.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va demander au témoin.
21 M. Josse vous a posé une question -- c'est-à-dire, vous avez été
22 interrompu, c'est vrai, ce matin, et normalement il vous a été dit que vous
23 pourriez reprendre la discussion qui a été interrompue quand vous le
24 voudriez. Vous pouvez le faire maintenant.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je ne me souviens pas exactement si
26 c'est bien de cela qu'il s'agissait, parce que cet interrogatoire a été
27 assez long. C'est la première fois que je témoigne. J'enseigne toute ma
28 vie, et j'avoue que je me débrouille mal pour ce qui est de fournir des
Page 22551
1 réponses brèves. Je crois avoir voulu expliquer qu'il y a eu un malentendu
2 avec M. le Procureur, du moins, il me semble que nous ne nous sommes pas
3 bien compris. Que signifie quand je dis que Sarajevo était pilonnée ou
4 inondée d'obus, et quand je parle d'une artillerie, et quand j'ai dit que
5 je ne peux pas comparer les forces de part et d'autre et les effets, parce
6 que je ne connaissais que ce qui se passait d'un côté. Je n'avais pas
7 connaissance de ce qui se passait de l'autre côté. Je ne peux pas faire de
8 comparaison pour ce qui est de savoir qui était plus fort et qui avait
9 davantage de puissance de tir ou quoi que ce soit d'autre. C'est là le
10 problème.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kecmanovic, c'est ce que
12 vous avez dit. Je vais lire exactement ce que vous avez dit.
13 Vous nous avez demandé, je cite : "Si je puis juste dire quelque chose pour
14 illustrer la situation très peu claire qui prévalait à Sarajevo, pour ce
15 qui est des sources. Par exemple --" et ensuite je vous ai interrompu et je
16 vous ai dit que si, à la fin de votre déposition, il y avait des points
17 qui, selon vous, étaient suffisamment importants pour nous en faire part,
18 vous auriez le temps de le faire. Donc, c'est cette illustration que vous
19 aviez en tête ou autre chose ? Si c'est le cas, dites-le maintenant. Mais
20 ne répétez pas ce qui a déjà été dit. Nous l'avons déjà entendu.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Fort heureusement, maintenant vous
22 m'avez rafraîchi la mémoire et je me souviens de ce que je voulais dire.
23 Voilà ce que je voulais dire : je parlais de l'information très
24 controversée, des rumeurs très controversées qui couraient en ville, par
25 rapport aux événements qui avaient eu lieu. D'un côté, il y avait les
26 sources médias côté serbe et musulman. Puis, il y avait ensuite
27 l'interprétation que les gens en faisaient. Ils, parfois, connaissaient la
28 situation. Ils avaient un peu d'autorité. Ils pouvaient dire un peu ce qui
Page 22552
1 se passait derrière les coulisses. Par exemple, je fais référence à des
2 officiels qui étaient dans l'ABiH ou des membres de formations
3 paramilitaires que je connaissais, parce que c'étaient des gens avec qui
4 j'avais grandi. Il y avait certains de mes amis qui venaient de mon
5 enfance, qui habitaient dans ma rue et qui avaient emprunté de mauvais
6 chemins, si je puis dire, des chemins de traverse, et étaient devenus
7 membres de ces unités. Par exemple, j'ai entendu dire que les tirs sur la
8 foule qui était devant l'assemblée ne venaient pas de l'hôtel Holiday Inn,
9 mais ces gens m'ont dit que cela venait de Sarajevo. Il y avait des tirs
10 spéciaux de Sarajevo. Je me souviens qu'ils ont dit "et." Je me souviens
11 très bien de ce "et." Ensuite, plusieurs années après, à Belgrade, j'ai lu
12 un journal venant de Sarajevo où ce même homme disait quelque chose pour la
13 presse bosnienne. Il disait que cette information était correcte. Il a
14 répété ce qu'il m'avait dit en privé. Or, c'est un homme que je connais
15 bien et à qui je fais confiance. C'est justement un des exemples. C'était
16 de cela que je voulais parler.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
18 M. JOSSE : [interprétation] Merci de nous avoir laisser nous exprimer.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions pour vous
20 maintenant, Monsieur Kecmanovic.
21 Questions de la Cour :
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, la première chose. Vous
23 nous avez expliqué que la présidence élargie de Bosnie-Herzégovine avait
24 pris la forme d'une présidence élargie et on l'avait élargie en invitant
25 des personnes à siéger, si j'ai bien compris. Pourriez-vous nous dire quels
26 étaient les instruments juridiques qui définissaient cela, où il est écrit,
27 par exemple, que la présidence peut inviter des non membres de la
28 présidence à ces sessions en état de guerre. Y a-t-il un texte légal ?
Page 22553
1 C'est cela que l'on cherche.
2 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, mais vous parlez d'un état de
3 guerre. Il va y avoir une ambiguïté supplémentaire. Le témoin nous a parlé
4 de la présidence élargie avant l'état de guerre, et ensuite il a changé le
5 nom de la présidence une fois que l'état de guerre a été déclaré.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il va falloir que je vérifie cela.
7 Pourriez-vous nous expliquer comment on pouvait permettre à des
8 personnes qui n'étaient pas membres de la présidence d'assister à ces
9 réunions de la présidence de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que cela se
10 passait en état de guerre ou est-ce que cela se passait déjà avant l'état
11 de guerre ?
12 R. Cela se passait avant la proclamation de l'état de guerre. On ne les a
13 jamais qualifiés d'invités. On les appelait par leurs titres officiels. Il
14 s'agissait du premier ministre ou d'un ministre pour tel domaine ou tel
15 autre domaine. Il y avait des compositions qui variaient. Il y en avait,
16 bien entendu, qui était régulièrement ou très souvent présent. Par exemple,
17 j'ai dit en passant, tout à l'heure, que dans certaines situations, les
18 structures militaires étaient représentées par le ministre de la Défense,
19 M. Jerko Doko. Dans certaines occasions, dans la même période, c'était le
20 général Sefer Halilovic qui le faisait. Egalement, il y avait à certaines
21 sessions, le ministre de l'Intérieur, Alija Delimustafic. Dans d'autres
22 circonstances, il n'y avait personne du côté des structures de la police.
23 Le premier ministre était présent le plus souvent; un peu moins le vice-
24 président du Parlement, et ainsi de suite.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous nous avez expliqué qui
26 étaient ces fameux invités. Ma question était de savoir où trouver les
27 articles constitutionnels, les articles juridiques qui permettent de créer
28 cette situation, ou est-ce que c'était juste une pratique courante ?
Page 22554
1 R. Tout simplement, il se peut que cela ait été prévu dans un règlement de
2 travail de la présidence. Il y aurait eu des dispositions prévoyant la
3 présence de personnes invitées de haut niveau. Je suppose que cela ait fait
4 partie du règlement ou que cela ait fait partie d'une pratique, parce qu'il
5 était difficile de débattre de certaines questions à la présidence sans,
6 par exemple, la présence du premier ministre. Mais une fois que l'état de
7 guerre a été promulgué, la situation a complètement changé, et certaines de
8 ces personnes sont devenues, comme je l'ai dit, membres à part entière.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'était quand l'état de
10 guerre a été déclaré ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il des instruments juridiques
13 qui indiquaient quel était le nombre des membres de la présidence, et
14 cetera ? Est-ce que cela se faisait aussi en pratique ou est-ce qu'il y
15 avait vraiment un texte qui réglementait ce genre de chose ?
16 R. Pour ce qui est de la composition de la présidence de Guerre, je pense
17 être sûr et pouvoir dire que cela a fait l'objet d'un texte légal. Je me
18 dois de mentionner aussi que ce type de documents, pour ce qui est des gens
19 de la présidence, mis à part Mirko Pejanovic, ces textes n'étaient que très
20 mal connus. Les nuances compliquées entre la situation d'état de guerre
21 éminent ou d'état de guerre tout court, et en dernière position, il y avait
22 la proclamation d'un état de guerre. C'était lui qui, à l'intention de la
23 présidence, tenait des conférences pour ce qui était de faire la différence
24 entre ces différentes nuances, parce que c'était quelqu'un qui, dans le
25 régime précédent, était intervenu en matière de système politique, donc il
26 connaissait la matière.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Maintenant,
28 un autre point : vous avez décrit ces informations qui étaient à votre
Page 22555
1 disposition quand vous vous étiez à Sarajevo. Vous pouviez suivre les
2 médias des deux côtés et vous obteniez ainsi des informations
3 contradictoires. Vous avez parlé de la radio. Vous parlez des sources
4 d'information. Il y avait la radio, il y avait les journaux à Sarajevo;
5 venant des deux côtés ? C'était disponible ?
6 R. Non. La presse de la partie adverse, non. Mais le programme radio, oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, uniquement la radio. Et la
8 télévision, les deux camps aussi ?
9 R. Quand il y avait de l'énergie électrique, oui, on pouvait capter les
10 émissions. Sinon, on pouvait, avec nos transistors, écouter les programmes
11 radio diffusés par les deux parties.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y avait-il des diffusions
13 internationales que vous arriviez à capter ?
14 R. De temps à autre. Cela intéressait particulièrement les gens pour
15 savoir ce qui se passait à l'extérieur, à l'extérieur de la Bosnie-
16 Herzégovine.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait aussi la télévision
18 étrangère ? Est-ce que c'est inclus dans ce qui était captable ?
19 R. Non. A Sarajevo, cela n'a pas été possible même avant la guerre, en
20 temps de paix.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait pas d'antennes
22 paraboliques. Parce que d'après ce que j'avais compris --
23 R. Il y avait très peu de gens qui pouvaient s'en servir avant la guerre.
24 Par exemple, les téléphones cellulaires, pour la première fois au sein de
25 la présidence, cela a été apporté en premier par Fikret Abdic. Lui, il
26 avait un téléphone cellulaire. Les autres membres, président de la
27 présidence compris, n'en avaient pas.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la présidence avait-elle accès à la
Page 22556
1 télévision par satellite avec une antenne parabolique ? Il y a énormément
2 de chaînes publiques qui peuvent être captées et qui étaient même plus
3 faciles à recevoir, bien plus faciles que des téléphones cellulaires ?
4 R. Dans le bâtiment de la présidence, il y avait une salle de conférence
5 de presse et sans cesse, il y avait là un grand nombre de journalistes. Ils
6 avaient un point de rassemblement où ils ne travaillaient pas. C'est là
7 que, devant les caméras de la télévision, il venait des membres de la
8 présidence pour être interviewés. Ils venaient individuellement, et il a
9 été convenu que l'un d'entre nous informerait les médias de ce qui s'était
10 passé durant cette journée-là au sein de la présidence. Cependant, comme
11 Stjepan Kljuic --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous êtes en train de changer le
13 sujet, puisque je vous parlais de la captation, et là vous êtes en train de
14 parler de la diffusion. Je voulais savoir s'il y avait des possibilités,
15 dans le bâtiment de la présidence ou à un endroit accessible aux membres de
16 la présidence ou à leurs assistants, s'il y avait une possibilité d'avoir
17 accès à une réception, une réception de CNN ou d'une chaîne étrangère ?
18 R. Non.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ma question suivante, maintenant
20 une question de suivi, plutôt. La Chambre a entendu de nombreuses
21 dépositions, dont la vôtre, d'ailleurs, sur l'important rôle joué par les
22 médias au cours de cette guerre. Or, d'après ce que j'ai compris,
23 techniquement, il me semblait que ce n'était pas quelque chose
24 d'extraordinaire d'avoir une antenne parabolique pour recevoir la télé par
25 satellite. Alors pouvez-vous m'expliquer comment la présidence a tout
26 simplement ignoré ce point essentiel, qui aurait permis de recevoir des
27 informations sur la perception du conflit en cours, la perception par le
28 monde extérieur du conflit en cours ?
Page 22557
1 R. Vous avez raison. Cela semble en effet très étrange. Toutefois, les
2 communications avec le monde extérieur, d'une façon spécifique, ont été
3 réalisées par les employés de la FORPRONU qui se trouvaient à Sarajevo et
4 qui maintenaient le contact avec certains membres de la Présidence. C'est
5 ce qui a constitué le lien. Cela n'a pas compensé véritablement l'élément
6 dont vous avez parlé vous-même, mais c'est ainsi que cela s'est passé.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, vous nous avez dit que quand
8 vous êtes arrivé à Pale, dans cette pièce ou cette salle d'attente, vous
9 avez dit : "Je n'étais pas assis en train d'attendre, j'ai écrit et j'ai lu
10 tous les journaux que je n'avais pas eu l'occasion de lire à Sarajevo." De
11 quels quotidiens parliez-vous ?
12 R. Je n'ai pas dit que j'avais lu tous les journaux, mais je disais qu'à
13 l'époque, le temps que je devais passer à attendre mon départ pour
14 Belgrade, je le mettais à profit pour lire la presse. Cela m'a grandement
15 servi parce que ce qu'on avait comme presse était très réduit, c'étaient
16 des espèces de bulletins. Pour autant que je le sache, dans la Republika
17 Srpska, il y avait un journal qui s'appelait Glas Srpski, la voix serbe. Ce
18 n'était pas un journal d'une grande qualité, mais j'ai pu voir donc la
19 presse de Belgrade que j'avais eu l'habitude de lire avant, en temps de
20 paix. C'était le journal Politika, la revue Nin, et autres. Politika, c'est
21 un quotidien, et Nin, c'est la revue hebdomadaire la plus connue sur un
22 plan politique, notamment.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de journaux internationaux ?
24 R. Il n'y en avait pas. Je n'en avais pas trouvé, là-bas.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, à Belgrade, pourriez-vous nous
26 décrire un peu la situation à Belgrade en ce qui concerne l'accès à la
27 presse étrangère, l'accès aux médias étrangers, télévision, radio ?
28 R. Là-bas, bien entendu, cela se passait nettement mieux. On était en
Page 22558
1 temps de paix. Mis à part cela, j'avais bon nombre de contacts avec des
2 diplomates étrangers qui se trouvaient toujours présents à Belgrade. J'ai
3 eu aussi des entretiens, des sources d'informations, parce que là, la
4 situation était pratiquement normale. Certes, l'opinion publique, elle
5 aussi, était partagée, pour ce qui était de la guerre faisant rage en
6 Bosnie-Herzégovine. Cela a été très inspirant pour ce qui est des
7 réflexions et des analyses, mais ceci se rapporte à périodes ultérieures,
8 parce que j'ai passé pratiquement une semaine entière à l'hôpital. Je dois
9 admettre que tout au début, je n'ai pas pu suivre les médias dans une
10 grande mesure. J'ai passé mon temps, notamment, avec ma famille, parce
11 qu'une partie de ma famille se trouvait encore à Sarajevo, donc j'ai suivi
12 ce qui se passait.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons revenir peut-être à
14 Sarajevo pour mes questions. Vous avez dit qu'il y avait la radio. Mais
15 n'est-il pas vrai que plupart des postes radio pouvaient recevoir très
16 facilement tout ce qui était diffusé, soit par la BBC ou par CNN ? Enfin,
17 je ne suis pas un expert en radio. Je ne sais pas s'il y a les ondes
18 courtes ou les ondes longues, ou quoi que ce soit, mais enfin, avec un
19 transistor, on n'a pas besoin de grand-chose; pas besoin de satellite, pas
20 besoin d'équipement. Il suffit de tourner le bouton.
21 R. Oui, en effet.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Or, vous n'essayiez pas de le faire ?
23 R. Cela semble paradoxal, mais j'ai eu davantage l'occasion de le faire
24 avant de devenir actif au niveau de la présidence. Lorsque j'ai eu des
25 activités politiques du matin au soir, je passais mon temps dans les locaux
26 de la présidence. Bien entendu, je n'avais pas le temps de le faire, ce qui
27 fait qu'en quelque sorte, je me suis trouvé être moins informé qu'avant
28 d'être partie intégrante de cette présidence. J'étais moins informé sur
Page 22559
1 certaines autres choses. A la présidence, j'étais plus informé sur le
2 quotidien, sur ce qui se passait dans la maison. Ce que je faisais
3 d'habitude, je n'avais pas le temps de le faire.
4 Techniquement parlant, oui, vous avez raison. Cela était possible.
5 Certaines choses m'étaient rapportées par des amis, par les membres de ma
6 famille. Jusqu'au moment où j'ai commencé à faire partie de la présidence,
7 c'est un domaine d'information auquel j'avais recours régulièrement. Mais
8 il faut que vous sachiez que le soir, il n'y avait pas d'électricité. On
9 faisait exprès l'obscurité et on ne pouvait se servir que des piles, des
10 transistors à piles, pour capter. Là, le son capté était de qualité assez
11 médiocre, et l'information recueillie, plutôt --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour vos réponses. Je n'ai plus de
13 questions.
14 Y a-t-il des questions suite aux questions que la Chambre a posées ?
15 Monsieur Tieger ? Monsieur Josse ? Non ?
16 Dans ce cas-là, Monsieur Kecmanovic, nous en avons fini avec votre
17 déposition. Je tiens à vous remercier d'être venu ici à La Haye pour
18 répondre très longuement, si puis je peux dire, à toutes les questions qui
19 vous ont été posées à la fois par les deux parties et par les Juges de la
20 Chambre. Je vous souhaite un bon retour chez vous.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. J'ai aussi une petite
22 requête. Puisque je quitte demain La Haye et comme je n'aurai pas la
23 possibilité d'aller à l'unité de détention, est-ce que je puis aller dire
24 au revoir à M. Krajisnik ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
27 [Le témoin se retire]
28 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
Page 22560
1 M. JOSSE : [interprétation] Je sais que j'ai besoin de cotes pour les deux
2 documents que j'ai soumis.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.
4 M. JOSSE : [interprétation] Il me faut deux cotes --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première cote sera donnée au passage
6 du livre "La chute de la Yougoslavie", c'est Ed Vulliamy, D157. La cote
7 suivante, c'est pour les trois pages du procès-verbal de la présidence de
8 la Bosnie-Herzégovine qui sera --
9 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- donc le D158. Le dernier document,
11 c'est le passage du livre de M. Halilovic, qui recevra la cote D159.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est en effet cela.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Greffier.
14 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que vous vous êtes trompé, parce que
17 "La chute de la Yougoslavie" a été écrit par Misha Glenny.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, c'est Glenny, ce n'est pas
19 Vulliamy --
20 M. JOSSE : [interprétation] Vulliamy, c'était le document P1151.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, je suis perdu dans mes
22 papiers. Je suis un peu perdu dans tous ces documents qui ont été
23 présentés.
24 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une petite
25 question de clarification ? Pour ce qui est du P1148, le fameux agenda, le
26 cahier sur lequel il y a des notes, l'Accusation ou les Juges de la Chambre
27 ont-ils l'intention de verser l'agenda en entier ou veulent-ils que nous ne
28 versions que des pages bien précises ? Si c'est le cas, il faut que nous
Page 22561
1 sachions exactement quelles sont les pages qui sont prises en compte.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Nous voulons verser tout le cahier.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, tout le cahier, mais nous
5 n'en avons vu que des passages.
6 M. TIEGER : [interprétation] En effet, mais c'est un document qui doit être
7 versé en entier. Nous en avons parlé pour tout ce qui avait trait au plan
8 Cutileiro. Cela fait référence en plus au contenu général du cahier, et si
9 j'avais eu le temps, on aurait pu passer beaucoup plus de temps sur de
10 nombreuses pages de ce document. Donc, je pense qu'il vaudrait mieux verser
11 tout le dossier. Nous n'en avons vu que certains passages, mais c'est parce
12 que nous n'avions pas le temps.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Josse, est-ce que ce
14 serait pratique pour vous -- bon, tout d'abord pour votre information, la
15 Chambre est très occupée, quand on sort de ce prétoire, on n'a pas
16 forcément le temps immédiatement de lire tout ce qui est écrit dans les
17 cahiers. Jusqu'à présent, nous ne nous sommes penchés que sur les passages
18 qui nous ont été présentés, car nous avons beaucoup de choses à faire. Ce
19 serait peut-être une bonne idée de savoir dans quelle mesure cet agenda
20 sera utilisé dans les semaines à venir, et ensuite, peut-être, on pourra
21 prendre la décision quant à savoir si on va le verser en entier ou ne
22 verser que certains passages quand le moment sera venu. Sinon, on risque
23 d'avoir encore des discussions exactement identiques quant à savoir sur ce
24 qu'on va verser ou ne pas verser.
25 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais j'allais vous demander de me donner
26 encore un petit peu de temps pour que je puisse en parler avec M. Stewart.
27 Je pense que nous avons fait les mêmes commentaires en ce qui concerne le
28 P1149, qui est le rapport d'expert, et je pense que la Défense voudrait que
Page 22562
1 tous les documents soient versés --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
3 M. JOSSE : [interprétation] -- Il va falloir de toute manière que j'en
4 parle avec M. Stewart avant de vous donner notre position.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, on verra, de toute façon.
6 Maintenant, voyons un petit peu les cotes des documents qui ont été abordés
7 lors du témoignage du M. Kecmanovic.
8 On va commencer par le P1145, On va les voir un par un en détail.
9 Donc, il y a d'abord l'intercept; le P1146, un autre intercept; le P1147,
10 l'article d'Oslobodjenje. Il n'y a pas de version en anglais de ce
11 document, n'est-ce pas, Monsieur Tieger ? Y en a-t-il ou il n'y en a pas ?
12 Je regarde mon dossier.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que vous avez raison, il n'y en
14 a pas.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous vérifier s'il y a une
16 version anglaise ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Je m'y emploierai.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, le P1148, avez-vous des
19 suggestions là-dessus ? On dit que versement en suspens ou versement
20 provisoire, en donnant la possibilité à la Défense de faire valoir son
21 point de vue éventuellement un peu plus tard --
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je préférerai qu'on dise qu'il est versé
23 en suspens pour l'instant, le versement est en suspens --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, donc cela, c'est le 1140
25 [comme interprété].
26 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je pense la même chose. En fait, c'est la
27 même chose finalement, que l'on dise l'un ou l'autre.
28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, mais je préfère que l'on dise que c'est en
Page 22563
1 suspens, comme cela la Défense se souviendra qu'il est en suspens et qu'il
2 faut faire quelque chose avec ce document --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc c'est sur notre liste, on va
4 le noter comme étant en suspens.
5 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous essayons quand même de ne pas avoir
7 trop de questions laissées en suspens, vous comprenez bien.
8 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je comprends.
9 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
10 M. JOSSE : [aucune interprétation]
11 M. TIEGER : [interprétation] Je ne recherche pas à ce que l'on verse au
12 dossier, je ne comprends pas, donc, pourquoi il est en suspens.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais là, on parle du rapport d'expert,
14 avec le Dr Kecmanovic.
15 M. TIEGER : [interprétation] Non, j'ai présenté des extraits de ce rapport
16 au témoin, il les a vérifiés, je pense que cela suffit. M. LE JUGE ORIE :
17 [interprétation] Oui, cela doit suffire, mais a-t-il besoin d'une cote pour
18 les extraits qui ont été lus ?
19 M. JOSSE : [interprétation] Bien --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense est en train de dire que
21 l'Accusation n'a pas recherché à faire autre chose que de montrer quelques
22 citations au témoin de ce rapport, donc elle n'a pas l'intention de verser
23 le rapport en entier au dossier. Il lui faut non pas une cote en P -- enfin
24 c'est à la Défense de savoir si elle veut le verser ou pas. Monsieur Josse
25 --
26 M. JOSSE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit à ce
27 propos à l'heure actuelle.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, ce sera la
Page 22564
1 P1149, il est disponible. Monsieur Josse, vous avez de la chance, il est
2 déjà photocopié et il a été traduit.
3 Maintenant, le P1150, c'est l'interview avec Kecmanovic de Tanjug; le
4 P1151, il s'agit là des passages du livre de Vulliamy.
5 Donc, nous allons verser le P1145, le P1146, le P1150, le P1151, les
6 1147 et 1148 en suspens, et la cote 1149 a été libérée. Cela dit, ce
7 document recevra peut-être, à l'avenir, une cote en D.
8 Passons maintenant aux numéros en D. Le D157, le D158 et le D159; le
9 premier est le passage du livre de M. Glenny, "La chute de la Yougoslavie;"
10 ensuite, le suivant, ce sont les pages du compte rendu de la présidence de
11 Bosnie-Herzégovine; et pour ce qui est de la cote 159, il s'agit des
12 extraits du livre de M. Halilovic.
13 Objections ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Aucune, mais pour ce qui est donc de
15 l'interrogatoire, des questions supplémentaires et du versement de ces
16 documents, il est dommage que l'Accusation, dans ces circonstances -- bon,
17 la Défense a suivi la procédure, a demandé l'autorisation d'ouvrir des
18 documents, nous a présenté des documents que nous n'avions vus que dans la
19 version B/C/S, et cetera. Enfin, je tiens à citer tout cela parce qu'il se
20 pourrait fort bien qu'il y ait d'autres documents qui parlent de la même
21 chose, et qui seront présentés à la Chambre plus tard. Je tenais quand même
22 à éclaircir ce point.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, le D157 jusqu'à et y compris
24 le D159 sont versés au dossier.
25 Monsieur Josse, si l'Accusation a encore d'autres initiatives suite à
26 la communication tardive de ces documents, nous verrons et nous traiterons
27 les choses en temps et en heure. Vous êtes d'accord ?
28 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
Page 22565
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je tiens quand même à ajouter, M.
2 le Greffier vient de me le rappeler, d'ailleurs, avant de verser une bonne
3 fois pour toute le D158 et le D159, il nous faudra la traduction.
4 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je l'avais anticipé.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais oublié de le dire. C'est
6 tout.
7 Monsieur Tieger, vous avez la parole.
8 M. TIEGER : [interprétation] Il y a une discussion rapide avec le Greffier
9 à propos de l'admission des sessions de la présidence, qui ont été
10 demandées. Elles sont ici. Elles peuvent être versées, si vous -- enfin,
11 elles peuvent être présentées en tout cas de façon -- Cela peut être très
12 utile pour faire avancer l'affaire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
14 Monsieur le Greffier, si je comprends bien, vous les avez. Est-ce
15 qu'elles ont reçu une cote ? Non. Je vois au sommaire que les numéros des
16 pièces sont écrits, mais ils n'ont pas de cote, si j'ai bien compris.
17 Monsieur le Greffier, avez-vous la moindre idée pour savoir comment
18 nous pourrions remplir ces cases vides ?
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] On pourrait leur donner tout simplement
20 les cotes disponibles ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Une autre façon de traiter le
22 problème serait de donner au dossier entier une cote. Il y aura quelques
23 répétitions, certes, mais de toute façon les exemplaires ont été faits, les
24 photocopies sont déjà faites, donc ce n'est pas cela qui va économiser le
25 papier. Je pense qu'il vaudrait mieux donner une même cote globale et y
26 faire référence peut-être aux dates, et s'il y a plus d'une réunion qui se
27 serait tenue en même jour, on verra. Oui, je vois quand même ici, au 1er
28 septembre 1992, il y a eu deux sessions, donc deux réunions. Les parties
Page 22566
1 doivent indiquer très clairement à quoi elles font référence. Si on parle,
2 par exemple, du 1er septembre, étant donné qu'il y a deux séances, elles
3 n'ont pas reçu de cote encore. Nous allons y réfléchir. Je vais en parler
4 avec M. le Greffier, et nous verrons bien comment numéroter ces documents.
5 Avez-vous d'autres objections éventuelles sur le versement de ces pièces,
6 mis à part le fait qu'il a des numéros qui n'ont pas encore été donnés.
7 M. JOSSE : [interprétation] Non, je ne vois absolument pas comment la
8 Défense pourrait soulever la moindre objection.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons
10 lever la séance jusqu'à demain.
11 Monsieur Josse, j'espère que vous n'avez plus de problèmes avec le témoin
12 suivant qui doit venir témoigner ?
13 M. JOSSE : [interprétation] Oui, il est dans l'Unité de Détention.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le sais.
15 M. JOSSE : [interprétation] Je l'ai déjà vu. Je crois que je vais pouvoir
16 m'entretenir avec lui cet après-midi. Je dois être prêt pour demain matin,
17 et je le serai.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
19 Dans ce cas-là, nous levons la séance et nous reprendrons demain à 9
20 heures, même prétoire.
21 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi
22 6 avril 2006, à 9 heures 00.
23
24
25
26
27
28