Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 26 avril 2006

2 [Audience publique]

3 [M. Krajisnik est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Monsieur le

6 Greffier, veuillez, je vous prie, citer l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit

8 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik. Merci.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

10 Avant de continuer avec l'interrogatoire principal de M. Krajisnik,

11 j'aurais une communication à faire. Pour ce qui est de la session passée

12 d'hier, il y a eu un enregistrement DVD de produit qui vous sera donné

13 aujourd'hui afin que vous puissiez vous pencher dessus. Il vous a été

14 fourni une version en B/C/S. Nous avons estimé que c'était la version qui

15 vous arrangerait. Si ce n'est pas le cas, je vous demande de nous le dire,

16 je vous demande de vérifier si tout fonctionne sur l'un de nos ordinateurs

17 ou sur le vôtre et au cas où vous ne pourriez pas le visionner, nous allons

18 nous efforcer d'y remédier.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà reçu le DVD, ce qui fait que les

20 employés du Tribunal ont été assez rapides.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il se peut que, comme d'habitude,

22 je sois le dernier à en avoir connaissance. L'avez-vous déjà essayé,

23 Monsieur Krajisnik ? Non, pas encore. Bon. Nous allons avoir de vos

24 nouvelles à ce sujet si cela ne marche pas, plus tard.

25 Monsieur Krajisnik, je tiens à vous rappeler que vous êtes toujours tenu

26 par la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre

27 témoignage d'hier.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je vous donne la parole.

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1 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

2 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]

5 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik, hier, nous nous sommes penchés et

6 j'espère que vous avez encore sous les yeux la transcription de l'interview

7 que vous avez accordée dans cette émission de télévision appelée Club 91.

8 Je vous vois hocher de la tête, donc cela doit être le cas. Est-ce que sur

9 les marges de votre exemplaire, il vous est donné la possibilité de voir où

10 se trouve le numéro 3 ?

11 R. Oui.

12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, cela se trouve vers le

13 milieu de la page 4 en version anglaise où M. Krajisnik dit que : "Les

14 téléspectateurs allaient le voir, mais j'espère que vous allez le

15 reconnaître vous aussi." Alors, le journaliste dit : "Nous allons commencer

16 - nous avons derrière nous la journée d'hier et une longue session du

17 gouvernement, et comme les téléspectateurs le savent, il s'agissait de

18 problèmes de régionalisation en Bosnie-Herzégovine. Nous avons déjà obtenu

19 des réactions. J'aimerais que vous nous communiquiez votre position

20 concernant les problèmes qui ont fait l'objet de cette session du

21 gouvernement au sujet de la régionalisation en général ?"

22 Q. Monsieur Krajisnik, tout d'abord, vous n'avez personnellement pas été

23 présent à cette session du gouvernement, n'est-ce pas ?

24 R. Non, je n'ai pas été présent.

25 Q. Il -- d'habitude, vous n'assistiez pas au session du gouvernement

26 puisque vous n'en étiez pas membre, n'est-ce pas ?

27 R. Vous avez tout à fait raison.

28 Q. Je me propose de donner lecture de la réponse que vous avez apportée.

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1 Vous dites : "J'espère qu'il est très difficile de formuler une réponse à

2 cette question. Il est arrivé bien des choses et je crois qu'il y a des

3 différences du point de vue de la régionalisation. Je vais vous donner mon

4 opinion personnelle, chose que j'estime être le devoir du président du

5 Parlement, mais je parle aussi en citoyen et en homme ordinaire vivant en

6 Bosnie-Herzégovine. J'estime sans aucune hésitation, et ceci a été constaté

7 à la session du Parlement et du gouvernement, que la constitution autorise

8 la régionalisation, et c'est là le fait qui découle de la volonté des

9 municipalités qui doivent le faire de son plein gré, et si tant est qu'il y

10 a un intérêt politique, cela devrait pouvoir se réaliser. Sur le plan

11 juridique, quoiqu'il y ait eu des objections, il n'est point de doute qu'il

12 n'est point de fondement juridique pour contester la chose."

13 M. STEWART : [interprétation] Ensuite, on vient, Messieurs les Juges, à ces

14 annotations manuscrites qui ont été traduites également.

15 Q. Monsieur Krajisnik, la question qui vous a été posée par le journaliste

16 portait sur votre opinion concernant la régionalisation en général. La

17 question que je me propose de vous poser à présent, c'est de dire

18 aujourd'hui aux Juges de la Chambre ce qui, à l'époque, donc dans le

19 contexte de 1991, a constitué la régionalisation, ce qu'a été cette

20 régionalisation ?

21 R. En 1991, la régionalisation, quoique juridiquement prévue par la

22 constitution, comportait une forme de dimension poétique. Cela créait des

23 divergences entre les différentes parties. En d'autres termes, cela n'avait

24 pas le fondement véritable qui a été celui conçu et imaginé par les

25 rédacteurs de la constitution.

26 Q. Commençons alors avec la chose suivante, Monsieur Krajisnik. Trois

27 partis principaux, le SDA, le HDZ et le SDS, ces trois partis ont-ils eu

28 des approches identiques ou divergentes au sujet de la régionalisation en

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1 mai 1991 ?

2 R. Oui. Ces partis avaient une approche divergente.

3 Q. Tirons les choses au clair, pour commencer. Y avait-il une différence

4 dans l'approche entre qui était celle du SDA et celle du HDZ ?

5 R. Cela se peut, mais cela n'était pas apparent. Si je puis vous expliquer

6 les choses ainsi, je dirais que le HDZ était favorable à la

7 régionalisation, alors que le SDA était absolument contre cette

8 régionalisation. Quand je dis que le HDZ était favorable à la

9 régionalisation, je précise qu'il l'a été lorsqu'il s'agissait d'intérêts

10 de la population croate et, dans certains cas, ils l'ont fait. Lorsque cela

11 concernait la partie serbe et ce que les Serbes avaient fait, le HDZ, lui,

12 se solidarisait avec le SDA pour être contre cette régionalisation.

13 Q. Monsieur Krajisnik, si je puis commenter, ceci est un sujet

14 potentiellement complexe, alors je vous convierais à coller le plus

15 possible à mes questions pour procéder au pas à pas.

16 Quand vous parlez des divergences d'approche entre le SDA et le HDZ, vous

17 dites que la différence n'a pas été apparente. Ce n'est pas que je sois en

18 train de vous contre-interroger, Monsieur Krajisnik, mais tout d'abord,

19 vous dites qu'il y a une divergence apparente et vous dites que le HDZ

20 était favorable à la régionalisation, alors que le SDA est absolument

21 contre. Alors ce deuxième commentaire me semble être assez différent entre

22 celui que vous avez fait en disant qu'il n'y avait pas de divergence

23 apparente. Est-ce que vous pourriez éclairer notre lanterne à ce sujet ? Ce

24 que je veux dire, c'est que partant de votre réponse, il a découlé qu'il y

25 avait une différence très nette entre ce que défendait le SDA et ce que

26 défendait le HDZ.

27 R. Au Parlement de la Bosnie-Herzégovine, il y avait à l'ordre du jour,

28 pour l'essentiel, la régionalisation qui a été réalisée par les Serbes. Là,

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1 le HDZ et le SDA se sont solidarisés pour être contre ce type de

2 régionalisation. Lorsque tout à l'heure j'expliquais en parlant en général

3 de la régionalisation et de l'approche qu'avaient les différentes parties,

4 j'ai dit que le SDA était absolument contre; le HDZ, lui, était favorable

5 lorsque cette régionalisation concernant, par exemple, l'Herzégovine

6 occidentale. Il y a une chose qui se passait au niveau du Parlement, et il

7 y a autre chose qui s'est traduit par les gestes politiques ou une décision

8 politique dont nous avons eu vent. Quand j'en ai parlé, je n'ai parlé que

9 de ce qui s'est produit au niveau du Parlement.

10 Q. Monsieur Krajisnik, commençons par une description avec le moins de

11 mots possible. Quelle a été, en substance, la politique du SDS concernant

12 la régionalisation à ce moment précis ?

13 R. Le SDS, si tant est que vous avez effectivement du SDS.

14 Q. Oui. J'espère avoir dit SDS. J'avais le SDS à l'esprit de toute façon,

15 Monsieur Krajisnik.

16 R. Le SDS a mis à profit la possibilité constitutionnelle. Il avait de

17 remettre sur le tapis la question de la régionalisation qui avait été mise

18 sur le tapis même avant les élections pluripartites. Sur le plan juridique,

19 cela tenait debout, mais sur le plan politique, cela a été une riposte aux

20 violations de la constitution faites par les deux autres parties pour ce

21 qui est, par exemple, de la déclaration du mois de février 1991, lorsque

22 cela a été mis sur le tapis et lorsqu'il s'il s'agissait de décider de

23 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. J'espère maintenant avoir été

24 clair.

25 Q. Donc, Monsieur Krajisnik, mettons pour le moment de côté le fait si

26 cela avait été une réponse ou la raison pour laquelle ceci a été adopté en

27 guise de réaction. Quelles ont été, en substance, en termes de

28 régionalisation, les politiques ou la politique pratique du SDS ?

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1 R. Le SDS, mis à part la toute première des réponses qu'il avait ou de la

2 toute première réaction qu'il avait apportée, avait souhaité une

3 régionalisation des municipalités. Il avait donc été favorable à la

4 régionalisation parce que bon nombre de régions s'étaient vues délaisser,

5 parce que le centre de Sarajevo, la ville de Sarajevo a en quelque sorte

6 été privilégiée. Pour permettre un développement polycentrique de la

7 Bosnie-Herzégovine, nous avons - quand je dis "nous", je pense au SDS -

8 nous avons défendu le modèle de régionalisation de la Bosnie-Herzégovine

9 suivant l'exemple de la Suisse.

10 Q. Lorsque vous dites que le SDS avait souhaité régionaliser les

11 municipalités, dites-nous ce que le SDS avait souhaité faire au niveau des

12 municipalités, aux fins de mettre en œuvre cette régionalisation ?

13 R. Il s'agissait de procéder conformément à la constitution. Chaque

14 municipalité, de son plein gré, devait se prononcer sur le fait de savoir,

15 si oui ou non, elle voulait faire partie de telle ou telle autre région, et

16 si tant est qu'une initiative de ce faire existait. C'est ce qui se

17 produisait dans la pratique. Il s'agissait donc de ne faire que ce que la

18 constitution prévoyait, à savoir que les municipalités se prononcent sur

19 leur intérêt et de quelle façon elles procèderaient à leur intégration dans

20 telle ou telle autre région.

21 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que dans vos réponses, vous essayiez de

22 nous fournir les détails concrets au pas à pas. Vous venez de dire que

23 chaque municipalité était censée se prononcer sur sa volonté, alors quel

24 aurait été le mécanisme partant duquel les municipalités étaient censées se

25 prononcer ? Quelle est l'instance qui était supposée le faire ? Comment

26 cela devait-il être fait ?

27 R. La constitution a constitué le fondement de la régionalisation, la

28 constitution qui était en vigueur en Bosnie-Herzégovine. En vertu de cette

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1 constitution dans le socialisme, c'était quelque chose de diriger, et nous

2 avions, nous, proposé que cela se fasse en quelque sorte suivant une façon

3 coordonnée et concertée. Les représentants des municipalités étaient censés

4 se réunir, exprimer leurs intérêts, et chaque municipalité dans son propre

5 milieu, à savoir, au niveau de son assemblée, devait lancer une initiative

6 pour la réalisation de cette idée. Nous avons donc voulu renouveler les

7 régions parce que ces régions avaient déjà existé auparavant, donc avant

8 les élections pluripartites, comme je viens de vous l'expliquer.

9 Q. Donc ces représentants des différentes municipalités étaient censés

10 coordonner leurs activités et négocier de la chose entre eux. Est-ce que

11 vous êtes en train de parler maintenant des Serbes seulement ou alors des

12 Serbes et des représentants des autres groupes ethniques ?

13 R. Je ne parle pas seulement des Serbes, parce que dans chaque

14 municipalité, il y a des groupes ethniques différents. Je dirais donc qu'il

15 y avait aussi des Croates et des Musulmans. Je parle ici de municipalités

16 qui sont frontalières parce qu'on ne peut pas relier à une région une

17 municipalité qui est territorialement éloignée. Nous avions envisagé la

18 création de régions qui constitueraient des entités, et chaque municipalité

19 qui s'appuyait sur une région provisoirement constituée avait la

20 possibilité de se prononcer pour faire partie de cette région à l'avenir.

21 C'est ce qui a été décidé et rendu pratique par le biais de référendum.

22 Q. Est-ce que l'intention a été, Monsieur Krajisnik, qu'en fin de compte,

23 ces régions politiquement sous la conduite des Serbes soient distinctes des

24 régions qui avaient une direction politique avec des Musulmans ou des

25 Croates à leur tête ?

26 R. Lorsqu'il s'agit de régionalisation, il est certain qu'à l'époque, il

27 n'a pas été question du tout de regrouper les municipalités à majorité

28 serbe, par exemple. Cela n'est certainement pas le cas. Nous avons pour

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1 preuve la déclaration du président de la Région autonome de la Krajina qui

2 avait convié d'autres municipalités à se joindre à la région, municipalités

3 où il y avait majorité d'une population musulmane.

4 Q. Par conséquent, lorsque vous parlez de municipalités censées se

5 prononcer sur leur volonté, cela signifiait que l'assemblée municipale de

6 chaque municipalité était censée décider sur la question et déclarer sa

7 volonté de s'adjoindre à telle ou telle autre région; est-ce exact ?

8 R. Vous avez tout à fait raison, et c'est ce qui s'est passé jusqu'au

9 début des conflits.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, puis-je vous demander

11 --

12 M. STEWART : [interprétation] Oui, bien sûr.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- une clarification.

14 M. STEWART : [interprétation] Oui, bien sûr.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Krajisnik mentionne, et je peux le

16 lire, le fait que les municipalités avaient la possibilité de se prononcer

17 par le biais de référendum. J'ai certaines difficultés concernant

18 l'expression de cette volonté. Est-ce que cela se faisait par décision de

19 l'assemblée municipale ou par référendum ? Cela demeure assez flou.

20 M. STEWART : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.

21 Q. Monsieur Krajisnik, lorsque vous avez fait référence au référendum,

22 est-ce que vous le dites en ayant à l'esprit la tenue d'un référendum au

23 sein de la municipalité avant de prendre -- non, plutôt, je vais

24 reformuler.

25 Est-ce que cela se passait partant d'une expectative concernant la

26 tenue d'un référendum au niveau de la municipalité avant qu'une décision ne

27 soit prise ?

28 R. Je ne me souviens pas avoir mentionné le mot de référendum.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être y a-t-il eu une difficulté au

2 niveau de l'interprétation. Mais nous pourrions le vérifier à la pause qui

3 vient.

4 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vais peut-être poser la question à M.

5 Krajisnik pour voir s'il est d'accord avec ce que je vais dire.

6 Q. Monsieur Krajisnik, si on lit le compte rendu d'audience en anglais, il

7 y a quelques minutes, vous dites qu'il ne serait être créées de

8 municipalités ou de régions avec des municipalités territorialement

9 éloignées les unes des autres. Ensuite vous dites, je me réfère au compte

10 rendu, vous dites que les municipalités qui étaient territorialement

11 proches les unes des autres avaient la possibilité de se prononcer au

12 référendum pour créer des régions. C'est ce qui a été fait dans la

13 pratique.

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise font savoir par le

15 biais du compte rendu d'audience qu'il y a eu un malentendu au niveau de

16 l'interprétation par les soins des interprètes, puisque M. Krajisnik avait

17 parlé de se prononcer ou de "déclarer leur volonté".

18 M. STEWART : [interprétation]

19 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez entendu ce que les interprètes ont dit ?

20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise, toujours, précisent

21 qu'il y a eu un malentendu au niveau de l'interprétation dans les propos de

22 M. Krajisnik lorsqu'il a parlé de la volonté sur laquelle devait se

23 prononcer la population en traduisant par référendum.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, les choses sont claires,

25 maintenant.

26 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup, merci beaucoup.

27 Alors peut-être pourriez-vous tirer au clair au sujet de ce que M.

28 Krajisnik a dit ?

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1 Je voudrais m'adresser aux interprètes pour savoir ce que

2 M. Krajisnik a dit à ce moment-là.

3 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise et celui de la

4 cabine française précisent qu'ils n'ont fait que rajouter le mot de

5 "référendum" puisqu'il s'agissait de se déclarer, de se prononcer eux-

6 mêmes.

7 M. STEWART : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

9 M. STEWART : [aucune interprétation]

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, justement. Je ne me souviens pas du

11 tout avoir utilisé le mot de "référendum".

12 M. STEWART : [interprétation]

13 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez, je pense, absolument raison. Là, il y a

14 eu juste un malentendu.

15 Nous allons donc résumer. C'est aux assemblées municipales qu'il

16 appartenait de prendre cette décision, n'est-ce pas ? Une fois que les

17 municipalités s'étaient prononcées sur leur volonté selon laquelle elles

18 voulaient rejoindre une région, il y en avait sans doute plus d'une, sinon

19 on n'a pas de région, bien sûr. Une fois que ces municipalités avaient

20 déclaré leur volonté, qu'elles avaient dit pourquoi elles voulaient

21 rejoindre une région, quelles étaient les attentes du SDS, en ce qui

22 concerne comment cette région serait gouvernée ?

23 R. Les municipalités prenaient leur décision, celle-là comme les autres,

24 c'est-à-dire lors des sessions de l'assemblée. Etant donné que je suis sous

25 serment et que je dois absolument dire la vérité, je tiens à dire que le

26 SDS n'avait pris qu'une mesure politique en réplique à ce que demandait

27 l'autre côté, pour que la crise en Bosnie-Herzégovine soit résolue par le

28 biais d'un accord plutôt que par le biais d'une solution imposée. Parce que

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1 les régions devaient absolument être fondées sur des accords, des accords

2 des trois côtés, alors qu'ici, bien sûr, il n'y avait absolument pas

3 d'accord en ce qui concerne les régions entre les trois partis.

4 Donc il s'agissait d'une réponse politique à la prise de décision

5 prise par les deux autres côtés. C'était un signal comme quoi il fallait

6 avoir un accord à la fois sur les régions et un accord pour trouver une

7 solution, aussi, pour toute la Bosnie-Herzégovine.

8 Q. Monsieur Krajisnik, on va d'abord en rester à la première question que

9 je vous ai posée. Imaginons qu'on ait, dans une situation, imaginons qu'on

10 ait au moins quelques municipalités qui se sont prononcées, comme vous

11 l'avez dit, de la façon dont vous nous avez parlé, prononcées sur leur

12 volonté de rejoindre une région bien spécifique. Dans ce cas-là, que

13 voulait le SDS eu égard au gouvernement de cette région ? Au-dessus du

14 niveau des municipalités, donc au niveau supérieur, quel allait être le

15 gouvernement de cette région ?

16 R. [aucune interprétation]

17 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'il y a eu une interprétation de la part

18 de la cabine anglaise.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il faudrait que vous reformuliez

20 votre question.

21 Monsieur Stewart, nous allons reprendre.

22 M. STEWART : [interprétation] Oui.

23 Q. Monsieur Krajisnik, pouvez-vous, s'il vous plaît, juste parler dans

24 votre langue pour que l'on voie si l'interprétation fonctionne depuis la

25 cabine anglaise ?

26 R. Bien, je peux dire que je vous entends tous très bien.

27 Q. Merci, Monsieur Krajisnik.

28 Je reformule la question. Imaginons la situation suivante : on a

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1 quelques municipalités qui se sont prononcées par le biais de ce que vous

2 nous avez expliqué, qui se sont prononcées sur leur désir de rejoindre une

3 région bien spécifique. Quelle est l'attente du SDS au niveau du

4 gouvernement de cette région ? Je ne parle pas au niveau de la

5 municipalité, mais au niveau supérieur.

6 R. Bien. Tout simplement, je ne dis pas que c'est ce que le SDS voulait,

7 mais je vous donne la position du SDS. Ce n'est pas son but, mais c'est sa

8 position. Ces régions devaient fonctionner exactement comme ce qui avait

9 été envisagé dans la constitution de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire,

10 les municipalités pouvaient transférer un certain nombre de leurs pouvoirs

11 à la région, et ces pouvoirs étaient traités à l'assemblée de la région ou

12 au conseil exécutif de la région. Je ne me souviens plus très bien quel

13 était le libellé exact de cet organe dans la constitution, mais cet organe

14 prendrait les décisions qui, ensuite, redescendraient vers les

15 municipalités qui, donc, formaient un tout.

16 Q. Vous avez légèrement abordé la position du HDZ. A l'époque, comment le

17 HDZ exprimait-il sa position à cet égard, sur ce processus ? Est-ce qu'ils

18 disaient qu'ils étaient plutôt en faveur ou plutôt opposés en règle

19 générale ? Quelle était leur ligne politique à cet égard ?

20 R. Si je me souviens bien, le HDZ était assez silencieux. Il n'exprimait

21 pas publiquement son opinion sur la régionalisation, mais tacitement en

22 revanche, au sein de l'assemblée, quand il y avait des décisions à prendre

23 sur la régionalisation, ils étaient solidaires du SDS, activement.

24 Q. Vous dites que le SDA en revanche était opposé à la régionalisation.

25 Publiquement, est-ce qu'ils exprimaient leur opposition à cette

26 régionalisation, est-ce qu'ils donnaient des raisons pour cette

27 opposition ?

28 R. Oui.

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1 Q. Quelles étaient les raisons qu'ils donnaient ?

2 R. Le SDA interprétait la régionalisation comme étant l'effondrement de la

3 Bosnie-Herzégovine. Ils voulaient une Bosnie-Herzégovine unie, ferme,

4 souveraine.

5 Q. Pour clarifier les choses, voulaient-ils une Bosnie-Herzégovine

6 souveraine qui ferait partie d'une Yougoslavie plus étendue ou voulaient-

7 ils une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante ?

8 R. Il y a différentes étapes à laquelle -- en fait, leur position a

9 changé, a évolué.

10 Lors de la campagne électorale, ils voulaient une Bosnie au sein de

11 la Yougoslavie. Cela, c'était lors de la première phase après les élections

12 multipartites, ensuite ils voulaient qu'elle soit réformée. Ensuite, ils

13 voulaient une Bosnie-Herzégovine autonome mais toujours au sein de la

14 Yougoslavie quand l'accord historique a été atteint, et ensuite ils

15 voulaient une Bosnie-Herzégovine qui serait en dehors de la Yougoslavie.

16 Cela, c'est la dernière étape et c'était à partir d'octobre 1991 jusqu'au

17 début du conflit armé.

18 Q. Nous, nous nous référons à l'époque de mai 1991. A votre connaissance,

19 et là je vous parle vraiment de ce que vous vous pensez. Je ne parle pas du

20 SDS ou de tout autre groupe mais je veux savoir ce que, vous, vous

21 compreniez à l'époque. A l'époque, vous compreniez que le SDA voulait que

22 la Bosnie-Herzégovine continue à exister mais au sein d'une Yougoslavie

23 plus étendue, d'une grande Yougoslavie ?

24 R. J'ai du mal à définir quelle était la position du SDA. Mais à cette

25 période, il y avait débat à propos d'une déclaration, déclaration à propos

26 d'une Bosnie-Herzégovine souveraine qui était discutée à la commission sur

27 la constitution et discutée aussi dans le cadre d'autres organes. On

28 pensait qu'on pourrait avoir un accord qui signifierait encore une

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1 troisième solution. A l'époque, le SDA n'était pas vraiment fermement en

2 faveur d'une Bosnie-Herzégovine autonome et indépendante, mais dans tous

3 les débats qui avaient lieu, ce modèle était promu et favorisé puisqu'ils

4 voulaient que la déclaration soit adoptée.

5 Q. Monsieur Krajisnik, dans vos réponses que vous avez données ce matin,

6 vous nous avez indiqué que la politique de régionalisation du SDS venait en

7 réponse. C'est ainsi que vous nous l'avez présentée. Vous dites, en réponse

8 aux politiques et aux lignes politiques des deux autres camps. C'est bien

9 cela ? C'est bien ce que vous avez dit ?

10 R. Oui, tout à fait. A partir de mars jusqu'en mai. Cela s'applique de

11 mars à mai. Il s'agissait de la ligne politique de l'époque. Mais quand le

12 SDS voulait que l'on présente une recommandation à l'assemblée de Bosnie-

13 Herzégovine pour arrêter la régionalisation jusqu'à ce qu'on trouve une

14 solution politique à la Bosnie-Herzégovine, et ce, bien sûr, pendant les

15 négociations.

16 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous avez dit que la régionalisation était une

17 réponse mais si c'était une réponse, quel était le problème qui était

18 posé ? Je reprends. D'après vous, quels étaient les aspects négatifs que le

19 SDS voyait aux solutions des autres parties, les aspects négatifs qui

20 auraient été annulés par la régionalisation ?

21 R. En février 1991, le SDA a proposé cette déclaration à l'assemblée. Il y

22 avait 20 signataires. C'étaient des signataires venant du SDS, députés du

23 SDS, donc c'est passé au conseil. Les discussions ont eu lieu et la

24 position du SDA s'est éclaircie. On a trouvé la solution de la

25 régionalisation principalement après une déclaration de M. Izetbegovic,

26 assez involontaire d'ailleurs, qui, lors d'une réunion à Split, une réunion

27 des présidents des républiques, a dit que la déclaration serait adoptée que

28 le SDS soit d'accord ou pas. Ensuite, tout a été mis en branle. Il a fallu

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1 trouver cette réponse politique à la régionalisation. Il y a bien un

2 document qui comporte cette déclaration faite par M. Izetbegovic. Il y a

3 des articles de journaux qui relatent ce qu'il a dit après la réunion de

4 Split.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, j'aimerais que l'on

6 clarifie une chose. A la page 5, ligne 20, je vais le lire.

7 Monsieur Krajisnik, voici la traduction que nous avons reçue et je ne

8 sais pas vraiment si c'est ce que vous avez dit ou si vous avez fait un

9 lapsus ou quoi ? Vous avez dit la chose suivante, je cite : "Néanmoins,

10 politiquement", pour parler de régionalisation, "c'était une réponse sur la

11 violation de la constitution par les deux parties, eu égard au fait qu'ils

12 avaient mis la déclaration d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine à

13 l'ordre du jour de la réunion de l'assemblée en février 1992." Maintenant,

14 vous faites référence toujours à 1991 quand on parle de régionalisation,

15 régionalisation en tant que réponse à un problème. Vous vous êtes trompé ?

16 Vous avez voulu dire, février 1992 ou vous vouliez dire février 1991 ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en 1991, 1991. J'ai peut-être fait un

18 lapsus, mais je voulais en tout cas parler de 1991.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je voulais le clarifier.

20 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 J'aurais dû sans doute réparer cette erreur lorsqu'elle est arrivée.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. De toute façon, je m'étais posé la

23 question et puisque vous venez d'en parler, j'ai trouvé qu'il valait mieux

24 demander une clarification tout de suite.

25 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

26 Q. Monsieur Krajisnik, maintenant, voyons un petit peu, on regardera les

27 documents s'il le faut, mais bon. Pour ce qui est de cette déclaration de

28 M. Izetbegovic, pouvez-vous nous la résumer, nous en dire l'essentiel ?

Page 23032

1 R. L'essentiel de cette déclaration de M. Izetbegovic quand il a parlé un

2 peu imprudemment, il a dit que la procédure de l'assemblée existait, que la

3 déclaration était là, faisait partie de la procédure de l'assemblée et

4 qu'elle serait adoptée, que le SDS soit d'accord ou pas. C'est un signal

5 pour dire que tous les débats qu'on avait eus avec les représentants des

6 autres camps au sein de la procédure adoptée par l'assemblée, là, on a vu

7 que leur position était très claire. Ils voulaient que la déclaration

8 passe. Ils voulaient une Bosnie-Herzégovine indépendante. Cela a déclenché

9 l'alarme, si je puis dire. Cela a déclenché l'alerte. On s'est rendu compte

10 qu'on était en train de débattre en vain, puisque de toute façon leur

11 position était claire.

12 J'essaie d'être bref et concis, et mes réponses ne sont peut-être pas

13 très claires. Je pourrais, bien sûr, étoffer mes réponses. Mais j'aimerais

14 bien que mon conseil me dirige, comme cela je pourrais répondre de façon

15 plus brève aux questions. Les questions peuvent-elles être posées de cette

16 façon, ensuite je pourrai répondre de façon concise.

17 Q. Excellente idée. On va procéder de la sorte. Je vais vous diriger.

18 Monsieur Krajisnik, le point essentiel de la déclaration, de cette

19 déclaration de M. Izetbegovic, cela fait des années qu'on en parle, mais

20 vous nous montrez que tout est très simple finalement. Alors, pourquoi --

21 reprenons la question, pourquoi est-ce que cette déclaration faite par M.

22 Izetbegovic a rendu indispensable l'adoption de différentes mesures par le

23 SDS et par les Serbes pour trouver une réponse ?

24 R. Bien, lors de l'assemblée en 1991, donc en février 1991, M. Izetbegovic

25 a encore fait une déclaration qui était encore un peu imprudente et où il a

26 dit qu'il était prêt à sacrifier la paix pour obtenir une Bosnie-

27 Herzégovine souveraine. Ce qui montrait bien évidemment qu'elles étaient

28 les positions et les intentions des deux autres camps.

Page 23033

1 Encore autre chose. Un mois avant, en janvier 1991 à l'assemblée de

2 Bosnie-Herzégovine, M. Izetbegovic est venu pour expliquer son programme,

3 son programme qu'il portait au nom de la Bosnie-Herzégovine avec les autres

4 présidents des autres républiques, et il a dit : Je veux une Bosnie au sein

5 de la Yougoslavie, bien sûr, d'une Yougoslavie réformée. Il a été applaudi

6 par toutes les personnes présentes et le public était assez soulagé

7 d'ailleurs. Mais un mois plus tard, ce même camp et ce même homme a fait

8 une déclaration complètement différente qui a, bien sûr, provoqué une

9 réaction, réaction dont je vous ai parlé. Là, le SDS a dû trouver une

10 réponse politique à cette nouvelle déclaration.

11 Q. Bien, Monsieur Krajisnik -- mais je vais parler un peu à tout le monde

12 ici. Pendant toute cette période de référence, la période de référence de

13 notre affaire, il s'agit de 1991, début 1992, par moments, n'est-ce pas, il

14 y avait des fluctuations abruptes dans le message passé par le SDA eu égard

15 à l'indépendance de la Bosnie, la position évoluait et fluctuait de façon

16 abrupte ?

17 R. Oui.

18 Q. J'espère que je ne suis pas trop directif ici, mais je vais poser ma

19 question. Une fois que le SDA, à un moment, s'est prononcé ouvertement pour

20 l'indépendance, quand il y avait des retours en arrière, parfois pour dire

21 que finalement qu'ils allaient revenir sur leur décision de demander

22 l'indépendance, ces retours en arrière n'étaient pas convaincants, ils ne

23 convoquaient pas les Serbes de Bosnie; c'est bien vrai ?

24 R. La réponse, c'est à la fois oui et non.

25 Q. Donnez-nous la réponse positive et ensuite on aura la réponse négative.

26 R. Etant donné qu'il s'agissait de temps très difficiles, même une petite

27 déclaration qui était vaguement positive devenait majeure et pouvait faire

28 évoluer la situation. Si on allumait un petit témoin qui semblait aller

Page 23034

1 dans le bon sens -- enfin si le SDA faisait cela, il y avait un peu une

2 relaxation de la situation. Or, si on est dans l'autre sens, la réaction

3 était différente, comme si cela ne s'était jamais fait.

4 La situation était très complexe, il faut bien comprendre. Je pense qu'on

5 ne peut pas vraiment le comprendre si on ne l'a pas vécu parce que c'est

6 très dynamique. Même moi, d'ailleurs, je ne me souviens pas vraiment de

7 tous les détails puisque cela changeait.

8 Si je puis -- quand je vous parle du SDA, j'aimerais rajouter une chose

9 quand même sur le SDA.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela fait partie de votre réponse, tout

11 dépend de M. Stewart, il vous dira si vous pouvez ou ne pouvez pas

12 continuer.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, je vous parle comme si j'accusais M.

14 Izetbegovic et le SDA. Mais le moteur qui poussait le SDA était le HDZ, en

15 tout cas, cela c'est mon opinion personnelle, si le SDA avait poursuivi sa

16 politique et n'avait pas été plus ou moins manipulé, ils auraient pris des

17 mesures plus raisonnables. Je connais M. Izetbegovic et je sais qu'il

18 voulait obtenir quelque chose et qu'il y avait des pressions qui venaient

19 de l'autre camp aussi. Mais je ne voudrais pas ici vous cacher quoi que ce

20 soit, c'est pour cela que je vous dis tout ce que je pense.

21 M. STEWART : [interprétation]

22 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous avez donné le côté positif de la réponse

23 puisque quand j'avais posé une question, vous avez dit que la réponse était

24 oui et non. Vous nous avez donné la question positive. Je vous reformule la

25 question, en vous disant quand tout à coup il y avait des retours en

26 arrière de la part du SDA, où le SDA semblait revenir en arrière sur sa

27 volonté d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, est-ce qu'il y avait

28 relaxation à ce moment-là de la situation au niveau du SDS ? Quelle est

Page 23035

1 votre réponse négative là-dessus ? Puisque visiblement vous semblez dire

2 que parfois ces retours en arrière du SDA n'arrivaient pas vraiment à

3 convaincre le SDS. Pouvez-vous nous expliciter cela maintenant ?

4 R. Quand un peuple, quand une nation est dans une situation difficile, il

5 y a énormément de désinformation. S'il y a une déclaration positive qui

6 avait été faite par le SDA, on avait l'impression un peu que c'est

7 quelqu'un qui joue sur les deux tableaux. Il y a des gens qui disent : Non,

8 ils jouent sur les deux tableaux, c'est tout. Il y a des gens qui sont

9 sceptiques et il y en a d'autres qui croient à la désinformation. Certains

10 pensent qu'il ne dit cela que pour la ligne politique, et cetera. C'est

11 pour cela que ma réponse est à la fois négative et positive.

12 Q. Donc, Monsieur Krajisnik, pour ce qui est du SDS qui était préoccupé et

13 inquiet parce qu'il pensait que le SDA voulait uniquement l'indépendance,

14 mais vous nous dites cela, pourquoi est-ce que cette politique

15 d'indépendance poursuivie par le SDA -- en quoi serait-elle un problème

16 pour le SDS ?

17 R. Vous savez, nous craignions tous un début de guerre. Nous craignions

18 les conflits. Chez nous, nous avons une tradition. Chaque homme né en

19 Bosnie savait très bien que s'il y avait trois partis qui n'étaient pas

20 d'accord, les choses n'allaient pas bien se présenter. C'est la raison pour

21 laquelle le SDA était le représentant d'un peuple le plus nombreux,

22 majoritaire, et si eux ne sont pas d'accord avec quelque chose, à ce

23 moment-là, l'avenir ne se présentait pas bien. Nous étions inquiets non pas

24 à cause du vote, mais surtout parce que nous avions peur que les choses se

25 déroulent de façon non contrôlée. Nous avions donc peur que si le SDA était

26 contre, si cela avait été un parti mineur qui n'avait pas de soutien du

27 peuple musulman, à ce moment-là, nous n'aurions pas été inquiets, mais s'il

28 s'agit du SDS ou du SDA, à ce moment-là, le poids est assez lourd.

Page 23036

1 Q. Monsieur Krajisnik, justement, la raison pour laquelle je vous pose ces

2 questions, c'est que je voulais m'assurer que l'on comprenne très bien

3 qu'il existe une distinction claire entre les deux éléments.

4 Si par exemple d'un côté, vous avez un peuple qui souhaite

5 l'indépendance et que de l'autre côté, il y a une autre notion -- donc

6 laissons de côté le fait que dans votre cas à vous, il y avait trois

7 nations. Vous avez un peuple qui souhaite l'indépendance et l'autre peuple

8 qui ne souhaite pas l'indépendance, et il est possible de comprendre qu'une

9 guerre civile pouvait éclater. Cela est clair, n'est-ce pas ? Vous

10 comprenez ce que je veux dire par là ?

11 R. Je peux vous dire que c'était tout à fait clair. Tout un chacun en

12 Bosnie-Herzégovine avait très bien compris la situation.

13 Q. Mais, en fait, ma question initiale était à vous demander de prendre un

14 pas en arrière, Monsieur Krajisnik, et de nous dire quelle est la raison

15 pour laquelle l'idée d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, cette idée en

16 soi, pourquoi est-ce que c'est une idée inacceptable pour les Serbes, qui

17 se sont si largement opposés à cette idée ? Qu'est-ce que vous en pensez ?

18 R. Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, tout d'un coup, quelqu'un

19 avait annulé l'existence d'un pays. Nous avions la Yougoslavie.

20 Deuxièmement, l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine était contre la

21 constitution; la constitution voulait que la Bosnie reste au sein d'une

22 Yougoslavie, et nous n'avions pas fait de compromis. Les trois nations

23 n'avaient pas fait de compromis. Le parti adverse, je parle de la coalition

24 du SDA et du HDZ, souhaitait que la Bosnie-Herzégovine sorte de la

25 Yougoslavie sans se plier à la constitution, sans respecter la

26 constitution, et c'est la raison pour laquelle nous avions cette peur. Si

27 c'était une procédure, par exemple, légale, un changement de constitution,

28 nous nous serions senti à l'aise et nous aurions fait des compromis, mais

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1 ce n'était pas le cas, et les choses se sont résolues quelque peu lorsque

2 la communauté internationale s'est impliquée. C'est à ce moment-là que la

3 constitution a pu changer.

4 Q. Monsieur Krajisnik, vivre en Bosnie-Herzégovine, dans une Bosnie-

5 Herzégovine indépendante avant la régionalisation, c'était quelque chose

6 qui avait été accepté par les Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?

7 R. Je vais vous donner une opinion personnelle, et je crois que cette

8 opinion est partagée par un très grand nombre de Serbes. Permettez-moi

9 d'abord de vous dire que le côté musulman avait déclaré qu'il ne souhaitait

10 plus rester au sein d'une Yougoslavie. Ils avaient dit : Nous avons peur de

11 rester ensemble avec les Serbes en tant que minorité. Les Serbes ont eu la

12 réaction suivante : Si vous avez peur de rester - puisque, effectivement,

13 nous étions une majorité et puisque nous sommes une majorité en

14 Yougoslavie, mais pas en Bosnie - alors les Serbes disaient : Pourquoi est-

15 ce que nous pouvons vous faire confiance ? Comment pouvons-nous rester

16 ensemble avec vous en tant que minorité, puisqu'une constitution existe et

17 que vous souhaitez agir de façon inconstitutionnelle ? Qu'est-ce qui se

18 passerait si nous étions enfermés avec vous dans une Bosnie-Herzégovine

19 fermée ?

20 L'autre partie qui était présente disait qu'ils estimaient que la

21 Yougoslavie était la meilleure solution, que tous les peuples - et je parle

22 maintenant des problèmes que les trois peuples avaient, les Serbes, les

23 Musulmans et les Croates - que nous devions rester ensemble dans une

24 Yougoslavie unie. Lorsque je m'entretenais avec les Serbes, les Serbes

25 parlaient d'un Etat sans frontière, et c'est ce que nous voulions. Nous

26 voulions rester au sein d'un même pays avec les autres Serbes, mais nous

27 voulions que les Musulmans et les Croates restent au sein de cette même

28 Yougoslavie. Je ne sais pas quelle a été notre approche -- enfin, voici

Page 23038

1 notre approche. Ceci a été notre approche. C'est ce que nous voulions et

2 souhaitions.

3 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce qu'il est exact de dire que - et encore une

4 fois, nous parlons maintenant ici du SDS - est-ce que l'on peut dire que,

5 si vous aviez tout à fait confiance et vous étiez sûr que la Bosnie-

6 Herzégovine pouvait rester au sein de la Yougoslavie, que la

7 régionalisation n'aurait pas été nécessaire du point de vue du SDS ?

8 R. Nous estimions -- vous savez, j'emploie très souvent "nous". Lorsque je

9 dis "nous", je ne pense pas au SDS, mais au lieu de parler à la première

10 personne du singulier, j'emploie le pluriel, donc je dis "nous" lorsque je

11 parle de moi-même. Nous estimions qu'il fallait refaire la Yougoslavie et

12 la Bosnie-Herzégovine.

13 Mais, pour répondre à votre question, cette régionalisation qui était

14 contestée pour l'appeler ainsi, nous pensions la chose suivante : si la

15 Bosnie était restée en Yougoslavie, automatiquement cette Bosnie aurait été

16 éliminée, et c'était d'ailleurs prévu par un accord qui existait déjà entre

17 les Serbes et les Musulmans. Je suis vraiment désolé d'employer ce mot,

18 "Musulmans". Je ne veux pas dénigrer les Bosniens, mais je considère ce

19 peuple comme des Musulmans, et c'est avec beaucoup de respect que j'emploie

20 ce terme, c'est ainsi que je les ai toujours appelés. C'est la raison pour

21 laquelle je parle de "Musulmans."

22 Q. Vous avez mentionné, Monsieur Krajisnik, que cette tendance vers la

23 régionalisation, telle que vue par le SDA, représentait un démantèlement de

24 la Bosnie-Herzégovine ou allait mener nécessairement au démantèlement d'une

25 Bosnie-Herzégovine. Est-ce que le SDS avait perçu la régionalisation comme

26 le démantèlement d'une Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Je souhaiterais répondre en vous donnant un supplément d'information.

28 Le SDS n'estimait pas qu'il s'agirait d'un démantèlement de la Bosnie-

Page 23039

1 Herzégovine, et ce n'était pas le cas. Cela n'aurait pas pu être le cas non

2 plus. On n'aurait pas pu démanteler la Bosnie-Herzégovine. Le SDA n'avait

3 pas raison. Voilà maintenant un ajout, un complément d'informations, avec

4 votre permission. Le SDA, en s'agissant d'une Bosnie-Herzégovine non

5 régionalisée, régnait, ou plutôt, avait le pouvoir sur un très grand nombre

6 de municipalités où il y avait un très nombre de Serbes. Ils souhaitaient

7 dominer. Ils souhaitaient être les dominateurs. Pour eux, la

8 régionalisation voulait dire se séparer de Sarajevo, se séparer du pouvoir

9 central pour distribuer le pouvoir sur les municipalités. Donc, le SDA

10 avait l'intention d'être le parti majoritaire, puisqu'il était constitué

11 d'une majorité et d'un peuple majoritaire, et que, s'il n'y avait pas de

12 divisions, ils pouvaient régner mieux. Donc, ne pas diviser pour régner.

13 Lorsque je parle du mot "régner" en Bosnie, cela veut dire imposer son

14 pouvoir au niveau républicain en Bosnie-Herzégovine et imposer son pouvoir

15 dans les municipalités.

16 Q. Est-ce que c'était une politique du SDS de dire que si une coopération

17 pouvait être faite avec les autres partis en faisant partie de ce processus

18 de régionalisation, est-ce qu'on aurait pu dire que certaines régions

19 auraient été, à ce moment-là, placées sous le contrôle des Musulmans, par

20 exemple, ou dans d'autres parties du pays sous le contrôle des Croates ?

21 R. Pardon, je suis désolé. Je n'ai pas très bien saisi votre question.

22 Q. Est-ce que selon la politique du SDS, on disait qu'avec le processus de

23 la régionalisation, cela voudrait dire que certaines régions auraient été

24 placées sous le contrôle des Musulmans ?

25 R. Absolument. Oui, tout à fait. Nous n'étions pas contre une

26 régionalisation de la Bosnie-Herzégovine.

27 Q. Donc certaines régions avaient été placées sous le contrôle des

28 Croates ?

Page 23040

1 R. Tout à fait, oui.

2 Q. Est-ce qu'une telle politique demandait ou préconisait un mouvement de

3 population ? Est-ce que cela aurait été une conséquence de l'application de

4 cette politique ?

5 R. Absolument pas. Vous pouvez d'ailleurs le voir dans un procès-verbal où

6 j'ai fait cette déclaration, justement. Personne n'aurait pas été

7 délocalisé. Il y aurait eu une minorité dans une région et il y aurait eu

8 une autre minorité dans une autre région, et il y aurait eu une

9 réciprocité. Nous étions pour les libertés nationales, beaucoup plus que

10 les socialistes. Personne ne parlait de délocalisation de la population. Je

11 n'ai jamais entendu de tels propos, ou tout du moins, pas avant la guerre.

12 Q. Monsieur Krajisnik, nous avons commencé ici votre déposition avec

13 l'interview que vous avez accordée au Club 1991 et l'émission télévisée, et

14 nous avons parlé d'une session du gouvernement qui avait été tenue pendant

15 deux jours. Quel aurait été le résultat de cette session du gouvernement ?

16 Quelle est la décision qui a été prise ?

17 R. Le gouvernement a pris une décision qui était contraire à la décision

18 prise par l'assemblée relative à la régionalisation, c'est-à-dire que la

19 décision a été négative pour une régionalisation. En fait, l'assemblée a

20 pris une décision contre cela, donc c'était négatif relativement à la

21 régionalisation, mais c'était obligatoire. L'assemblée a rendu une décision

22 contraignante demandant d'empêcher la régionalisation. Je vous parle ainsi,

23 car je ne connais pas la teneur exacte de cette décision qui a été rendue,

24 mais je voulais simplement vous donner une idée de ce qui a été dit.

25 Q. Monsieur Krajisnik, pour revenir au transcript de votre interview à la

26 télévision, est-ce que vous pourriez trouver, je vous prie, le numéro 5 ?

27 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

28 c'est en plein milieu de la page 5 en anglais. Il y a un paragraphe qui

Page 23041

1 commence par les mots: "Je n'ai pas aimé la façon," donc "I did not like

2 the way," en anglais. "I did not like the way."

3 Q. Monsieur Krajisnik, nous l'avons retrouvé en anglais, j'espère que vous

4 l'avez trouvé aussi. Vous avez dit : "Je n'ai pour aimé la façon dont on a

5 abordé la question de la régionalisation à l'ordre du jour de l'assemblée."

6 Est-ce que vous avez trouvé ce passage ? Bien.

7 Vous dites : "Je n'ai pas aimé la façon dont la régionalisation a fait

8 l'objet d'une discussion à l'ordre du jour. Je crois qu'il s'agissait d'une

9 erreur d'abord. La question avait été posée à savoir s'il s'agissait d'une

10 régionalisation. A ce moment-là, les municipalités de la Bosnie de Krajina

11 étaient séparées pour rejoindre le district autonome serbe de Krajina. On

12 en a parlé à l'assemblée de façon si dérangeante que j'en ai été

13 estomaqué."

14 Monsieur Krajisnik, est-ce que vous pourriez nous expliquer quelle était

15 cette erreur ? Qu'est-ce qui vous avait répugné et bouleversé à ce point ?

16 R. Je crois que la session s'est tenue en juin, et l'ordre du jour avait

17 été adopté. La discussion a eu lieu sans en parler, sans parler de la

18 régionalisation. Tout d'un coup, un député s'est levé, un député du SDS

19 s'est levé et il a apporté une nouvelle qui disait que voilà, un accord

20 avait été conclu entre la SAO de la Krajina et la Bosanska Krajina, et que

21 la Krajina de Bosnie allait se séparer de la Bosnie et faire partie de la

22 Yougoslavie. Il demandait à ce que ceci soit ajouté à l'ordre du jour alors

23 que l'ordre du jour avait déjà été adopté.

24 Nous avons continué à discuter de cette régionalisation même si elle

25 ne faisait pas partie de l'ordre du jour, et c'est cela que je voulais

26 dire. C'était dramatique, la façon dont le tout s'est présenté. Voilà, il

27 est entré pour dire, il a fait irruption pour dire qu'à partir de

28 maintenant, la Krajina de Bosnie se séparait et une guerre allait éclater.

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1 J'ai été étonné. J'ai été choqué par cette décision, mais en réalité, il

2 s'agissait de deux hommes qui, à Grahovo, avait fait cette déclaration, et

3 le peuple musulman était particulièrement bouleversé. C'est ainsi que ce

4 point concernant la régionalisation avait été introduit à l'ordre du jour

5 après que l'ordre du jour avait été déjà adopté après les discussions.

6 Après la fin, en fait, de la session, on a introduit ce point et on a

7 demandé à ce que l'on en parle même si cela ne faisait partie de l'ordre du

8 jour. Ce n'était pas prévu du tout.

9 Q. Est-ce que vous vous rappelez qui était ce représentant, qui était

10 cette personne, ce député qui a déclaré, qui a porté cette nouvelle à

11 l'assemblée ?

12 R. Je crois que c'était M. Irfan Ajanovic. Je ne suis pas tout à fait

13 certain, mais il est certain que nous pouvons trouver ce détail dans le PV

14 de l'assemblée pour savoir à quel moment ce point à l'ordre du jour a été

15 ajouté. Cela fait partie du procès-verbal. Je crois que c'était Irfan

16 Ajanovic, mais vous pourriez certainement retrouver cela au procès-verbal.

17 Q. Monsieur Krajisnik, je souhaiterais vous demander de nous raconter

18 cette journée-là, vous avez dit que ce jour-là cet homme, vous n'êtes pas

19 sûr si c'était, effectivement, son nom, mais, en tout cas, un député a fait

20 irruption dans l'assemblée et il a déclaré ceci de façon alarmante presque.

21 Vous dites, Monsieur Krajisnik, qu'il y avait un écart entre ce qui se

22 passait en réalité quant à la Bosnie de Krajina, qu'il y avait un écart

23 entre ce qui a été discuté et ce que ce député était venu dire ?

24 R. Oui, effectivement. C'était une énorme différence.

25 Q. Pourriez-vous nous décrire cette incohérence ou cet écart ? Pourriez-

26 vous nous décrire comment les choses se déroulaient et de quelque façon ce

27 député a présenté la question à l'assemblée ?

28 R. Feu Milan Babic a rencontré à Grahovo quelques députés provenant de

Page 23043

1 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine des Serbes de Banja Luka, ils ont décidé

2 de faire une annonce disant que la Krajina de Bosnie et la SAO de Krajina

3 de Croatie devaient se mettre ensemble.

4 C'était une idée. Ce n'était pas une décision qui avait été adoptée par

5 l'assemblée. Cela a été présenté de façon dramatique, comme je vous l'ai

6 expliqué, il a fait irruption de façon dramatique, et il a dit que quelque

7 chose se déroulait sans votre connaissance -- derrière notre dos.

8 Effectivement, c'était le cas, aucun d'entre nous, nous ne savions pas

9 qu'il y avait une telle intention, une telle décision ou que ceci avait

10 lieu. Il faut dire que ceci était assez important, la Krajina de Bosnie,

11 donc la Krajina qui se trouvait en Bosnie allait se séparer maintenant de

12 la Bosnie et allait être annexée à la Serbie. C'est cela qui était

13 inquiétant, il est tout à fait certain que des députés ont commencé à en

14 parler, il y avait déjà des tensions avant l'arrivée de cette nouvelle.

15 Cela a apporté de l'huile sur le feu et c'était particulièrement difficile

16 de présider une telle assemblée. Nous étions tous très bouleversés et

17 consternés.

18 Je ne vais pas vous citer tout ce que ce député a dit. Maintenant je ne

19 sais pas si c'était M. Muhamed Cengic ou Irfan Ajanovic, malheureusement,

20 je ne le sais plus. Mais l'un d'eux est venu déclarer ceci, mais de façon

21 très dramatique. C'était la façon dont cela a été apporté, les députés

22 étaient consternés et surtout les téléspectateurs qui regardaient la

23 télévision étaient particulièrement affectés. Cela a été fait de façon

24 dramatique et c'est cela que je n'ai pas aimé. Je n'ai pas aimé que l'on

25 introduise ce point à l'ordre du jour de cette façon-là. On aurait peut-

26 être dû terminer cette session-là et commencer une nouvelle session avec ce

27 point à l'ordre du jour qui aurait été, à ce moment-là, adopté.

28 Q. En donnant votre réponse, Monsieur Krajisnik, vous avez dit qu'en

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1 réalité c'était quelque chose qui se déroulait sans votre connaissance ou

2 derrière votre dos, vous n'aviez pas connaissance de ce qui se passait, de

3 cela, que cette question était discutée et lorsque ce député, nous ne

4 savons pas encore son nom, mais l'une des deux personnes dont vous avez

5 énumérées est venue apporter cette nouvelle. Est-ce que vous êtes en train

6 de nous dire que vous personnellement ne saviez pas si ce que cette

7 personne est venue apporter comme nouvelle à l'assemblée, vous ne saviez

8 pas si c'était exact ou non, si c'était un élément précis, si c'était la

9 vérité ou non ?

10 R. Effectivement, je ne le savais vraiment pas. Je ne savais pas du tout

11 qu'un tel événement a eu lieu. Qu'une discussion a eu lieu et entre qui. Je

12 n'avais aucune connaissance de cette question.

13 Q. Pour revenir à ce que vous aviez dit dans votre entretien, dans le même

14 passage six lignes plus bas, vous avez dit : "Ceci a été présenté à

15 l'assemblée de façon si dramatique que j'ai été consterné. Je croyais que

16 le moment est venu où la Bosnie-Herzégovine allait disparaître, la

17 Yougoslavie allait disparaître, qu'une guerre allait éclater," et cetera.

18 Vous étiez en train de dire aux téléspectateurs quelle avait été votre

19 réaction alors vous vous trouviez à l'assemblée; est-ce exact ?

20 R. Oui, c'est tout à fait exact.

21 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, quelle est la raison

22 pour laquelle vous aviez adopté ce point de vue à ce moment-là, vous vous

23 sentiez ainsi, pourquoi pensiez-vous que la Bosnie-Herzégovine allait

24 disparaître, que la Yougoslavie allait disparaître et qu'une guerre était

25 éminente ?

26 R. Je ne sais pas comment vous comprenez ce texte, comment on le comprend,

27 mais lorsque vous voyez un homme qui raconte quelque chose de façon très

28 dramatique et que vous n'êtes pas du tout au courant de ce qui se passe et

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1 qu'un homme vient vous dire que la Krajina de Bosnie se sépare et qu'elle

2 sera annexée à la Serbie, il s'agissait de démantèlement de la Bosnie, on

3 voyait une Bosnie éclatée en miettes. Il disait la Bosnie n'existait plus,

4 la Yougoslavie n'existera plus, une guerre allait éclater. Il a présenté

5 les choses de façon si dramatique que je les ai vécues de cette façon-là

6 également.

7 C'est lui qui m'a fait comprendre que les événements étaient dramatiques.

8 Je ne croyais pas personnellement qu'une guerre allait éclater, qu'une

9 guerre était si éminente. Mais ce que je voulais dire là, c'est que c'est

10 lui qui avait dit que la Bosnie-Herzégovine allait disparaître, que la

11 Yougoslavie allait disparaître et qu'une guerre était éminente. C'est lui

12 qui avait dit cela, ce n'est pas moi.

13 Q. Plus bas vous dites : "Avec le temps, je crois que ce qui s'est passé

14 hier à l'assemblée… au gouvernement, je crois que c'est une erreur

15 d'approche. C'est-à-dire, je viens d'entendre maintenant… que les réactions

16 qui provenaient de la Krajina de Bosnie, d'Herzégovine et d'autres régions,

17 en fait, les réactions avaient été ignorées. Tout comme elles avaient été

18 ignorées lorsqu'on a parlé de la recommandation, elles avaient été ignorées

19 s'agissant de ces décisions-là, de ce type-là prisent par le gouvernement."

20 Ignorées par qui, Monsieur Krajisnik, dites-nous ?

21 R. Par les municipalités.

22 Q. Quelles municipalités ? Dites-le nous.

23 R. Les municipalités qui avaient fait partie de la régionalisation, qui

24 faisaient partie d'une même région. Le gouvernement avait probablement

25 adopté la décision d'abolir les régions, et j'estimais que nous nous

26 trouverions dans la situation dans laquelle les municipalités n'allaient

27 pas respecter les décisions prises par le gouvernement.

28 Q. Ensuite, vous poursuivez pour dire : "C'est bien que le gouvernement ne

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1 soit pas divisé et qu'il n'y a pas de mise en minorité, c'est quelque chose

2 qui était très positif hier soir," c'est ce que vous avez dit.

3 Dites-nous en comparant la veille, vous avez parlé de la session du

4 gouvernement lorsque vous parlez de la veille ou plutôt -- confirmons.

5 Lorsque vous dites que : "C'est quelque chose qui a été très positif hier

6 soir," dans votre texte vous faites référence à la session du

7 gouvernement ?

8 R. Oui.

9 Q. Qu'est-ce que vous étiez en train de décrire comme étant "quelque chose

10 de positif qui s'est déroulé hier soir," comme vous le dites.

11 R. Le gouvernement avait pris cette décision de mise en vote, sans tenir

12 compte de l'accord des ministres, du SDS et du gouvernement. Donc, je fais

13 un commentaire ici en disant que ce n'est pas bien.

14 Deuxièmement, ce qui n'est pas bien, c'est que cette décision telle qu'elle

15 existait, elle ne pouvait pas être adoptée par le gouvernement, le

16 gouvernement doit s'assurer que cette décision est mise en œuvre en

17 utilisant les instruments du gouvernement, il fallait dire à ce moment-là

18 qu'il n'y avait pas suffisamment d'activité politique telle que recommandée

19 par le gouvernement, par l'assemblée municipale, et c'est la raison pour

20 laquelle l'état en l'espèce, les choses se sont déroulées de cette façon-

21 ci.

22 Q. Quel était le point positif ?

23 R. Je dis que c'est positif quand un gouvernement est uni, quand il n'y a

24 pas de mise en minorité d'une faction ou de l'autre au niveau du

25 gouvernement. C'est pour cela que j'ai dit "positif," c'est bien sûr mon

26 point de vue. A mon avis, il est bon que le gouvernement ait une position

27 monolithique, alors qu'elle comprend des représentants de trois différents

28 peuples. C'est cela qui est positif.

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1 Q. Soyons clairs, Monsieur Krajisnik, peut-être qu'il y a un petit

2 problème de traduction encore, vous n'étiez pas en train de dire dans cet

3 entrevue à la télévision, vous n'étiez pas en train de nous dire que la

4 nuit précédente, il y avait eu quoi que ce soit de positif; c'est bien

5 cela ?

6 R. Oui. Il ne s'est rien passé. J'ai fait juste un commentaire, tout ce

7 que je vous dis, qu'en ce qui concerne un gouvernement et il est bon qu'il

8 n'y ait pas de mise en minorité. C'est cela qui est positif. Ensuite, je

9 parle des aspects négatifs. Cela aurait été positif s'il n'y avait pas eu

10 cette mise en minorité d'un des camps, mais cela ne s'est pas passé comme

11 cela.

12 Q. Oui.

13 M. STEWART : [interprétation] Pour être positif, peut-on envisager de faire

14 une pause ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. Je pense que c'est le bon

16 moment pour faire une pause et nous reprendrons à 11 heures.

17 Merci.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

19 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.

21 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Krajisnik, s'agissant de la transcription que vous avez sous

23 les yeux, essayez de retrouver le paragraphe numéro 6.

24 M. STEWART : [interprétation] Je crois que cela correspondrait à

25 l'intervention qui commence par : "Nous allons certainement," et cetera.

26 Q. Vous l'avez retrouvé, ce numéro 6 ?

27 R. Oui.

28 Q. Le présentateur dit : "Nous allons arriver au sujet principal, au sujet

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1 crucial." Je voudrais que vous répondiez à la partie qui concerne le Parti

2 démocratique serbe accusé de vouloir diviser ou partager la Bosnie-

3 Herzégovine conformément à la recette ou à la méthode de Knin et placer la

4 souveraineté de cette Bosnie-Herzégovine sur l'autel et la sacrifier à une

5 Grande-Serbie.

6 Alors comment avez-vous compris, à l'époque, cet énoncé qui dit :

7 "Suivant la recette de Knin" ?

8 R. Dans cette province ou Région autonome serbe de Krajina qui se situe

9 sur le territoire de la Croatie, les municipalités se sont prononcées pour

10 créer des régions autonomes serbes par la réunification de ces

11 municipalités. Il s'agissait là d'une répartie politique en Croatie qui a

12 déjà eu lieu en Croatie, et on a établi un parallèle avec ce qui se passait

13 en Bosnie-Herzégovine.

14 Q. Y avait-il une distinction à faire entre la méthode utilisée à Knin et

15 la méthode de régionalisation envisagée par le SDS en Bosnie ?

16 R. Il y avait, en effet, une grande différence.

17 Q. Quelle était cette différence ?

18 R. En Croatie, cela s'est passé avec recours à la force. Il y a eu conflit

19 alors qu'en Republika Srpska -- et au fait, je ne sais pas comment chez

20 eux, là-bas, ils avaient réglementé la question dans la constitution, mais

21 en Bosnie-Herzégovine, cela s'est passé uniquement en application des

22 textes de la constitution, donc cela se fondait sur une chose qui existait

23 dans le système socialiste avant les élections pluripartites. Là-bas, il

24 s'agissait uniquement d'un mécanisme d'autodéfense vis-à-vis du régime

25 croate qui avait éjecté les Serbes de ce statut de peuple constitutif qui

26 avait été le leur.

27 Q. Ici, il est fait référence à une question de la présentatrice, un

28 commentaire qui parle donc d'un autel où l'on sacrifie la Bosnie à une

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1 Serbie plus grande. Est-ce que ce concept de plus grande Serbie faisait

2 partie de la politique du SDS ?

3 R. La notion de Grande-Serbie avait été utilisée à l'occasion de la

4 campagne électorale par certaines personnes, mais la plateforme du SDS n'a

5 jamais été celle de la Grande-Serbie. Quoique si l'on me demandait

6 maintenant ce que cela signifie au juste, j'aurais beaucoup de mal à

7 l'expliquer.

8 Q. Cela allait justement être ma question suivante, Monsieur Krajisnik.

9 Vous êtes allé de l'avant. Alors, en dépit de la difficulté que vous

10 ressentez à ce faire, pourriez-vous quand même tenter d'y répondre ?

11 Qu'avez-vous compris, à l'époque, que l'on sous-entendait par Grande-

12 Serbie, à l'occasion de la campagne de la part de ceux qui s'employaient en

13 faveur ?

14 R. Je vais essayer de vous rectifier. Je vais vous dire d'abord ce

15 qu'entendaient ceux qui accusaient les Serbes de vouloir une Grande-Serbie.

16 Ceux qui nous accusaient de le vouloir, ils disaient et ils pensaient que

17 les Serbes voulaient élargir la Serbie pour l'étendre sur le territoire

18 ethnique des Serbes à l'extérieur de la Serbie pour s'accaparer des

19 territoires qui ne faisaient pas partie de la Serbie. Ils entendaient donc

20 que l'on voulait faire une Serbie plus grande que celle qui existait déjà,

21 et c'était là une signification négative, péjorative, que l'on utilisait ce

22 terme. C'est un terme qui a été utilisé à la Conférence de Londres, et on

23 voulait laisser entendre que les Serbes voulaient s'emparer de quelque

24 chose qui ne leur appartenait pas pour faire un Etat plus grand, une Serbie

25 plus grande.

26 Q. Y a-t-il eu, parmi ces Serbes de Bosnie - et là, je parle de ceux

27 d'entre eux qui étaient politiquement actifs - Monsieur Krajisnik, y avait-

28 il, parmi eux, des Serbes qui s'employaient en faveur d'une Grande-Serbie ?

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1 R. Personne ne s'employait en faveur d'une Grande-Serbie, mais ces termes

2 ont été souvent utilisés par des gens qui ont souhaité présenter les choses

3 de façon radicale pour expliquer une idée positive à l'égard des Serbes,

4 mais ce n'était pas un concept de Grande-Serbie effective, chose que l'on

5 peut voir dans la suite des événements.

6 Q. Je vous demande de vous référer à la numérotation 8 sur les marges.

7 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de la page 9

8 de la version anglaise, où l'on voit les propos de M. Krajisnik commençant

9 par : "Je me dois de dire…"

10 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous avez retrouvé ce passage ?

11 R. Oui, je l'ai retrouvé.

12 Q. Alors, je vais d'abord dire ce que l'animatrice a dit : "Alors entre-

13 temps, est-ce que vous vous faites peur mutuellement, entre partis, ou est-

14 ce que vous vous faites peur les uns aux autres pour ce qui est de dire que

15 l'objectif des uns est la création d'un Etat croate indépendant et que

16 quelqu'un en coulisse est en train de préparer un Etat musulman, ou est-ce

17 que quelqu'un parle de garder les autres dans une sorte de Serboslavie ou

18 d'une Grande-Serbie ? Est-ce que ce sont des catégories fantomatiques ou

19 des options véritables, à votre avis ?

20 Krajisnik : Je dois dire que dans chaque partie, il y a une faction de

21 gauche, une faction de droite et un centre. Cette faction de droite parle

22 de Grande-Serbie ou d'un Etat islamique de Bosnie-Herzégovine, ou demande

23 ou propage l'idée d'une Confédération ou d'une Grande-Croatie ou d'un NDH,

24 NDH étant l'abréviation de l'Etat croate indépendant ou souhaitant une

25 espèce d'Etat national."

26 Je pense que là, il convient de tirer quelque chose au clair parce que ce

27 n'est pas tout à fait clair en langue anglaise. Vous parlez de "l'aile

28 droite au sein du SDS" qui s'emploie en faveur d'une Grande-Serbie, l'aile

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1 droite du SDA s'employant en faveur d'un Etat islamique et l'aile droite du

2 HDZ s'emploie en faveur de la Confédération ou d'une Grande-Croatie ou de

3 l'Etat indépendant de Croatie. Alors, est-ce que c'est de façon exacte que

4 l'on a résumé ici ce que vous avez dit ?

5 R. Non, pas tout à fait.

6 Q. Je vous prie de procéder à une rectification de ce résumé.

7 R. Voilà. L'aile droite au sein d'un parti accusait les autres, par

8 exemple, l'aile droite du SDS, accusait les autres de créer un NDH ou un

9 Etat islamique. Parmi eux, il y en avait qui disaient : "S'ils ne veulent

10 pas être avec nous, nous allons faire une Grande-Serbie." C'était de la

11 rhétorique.

12 Ceux du SDA, de leur aile droite, disaient : "Oui, vous, au SDS, vous

13 voulez une Grande-Serbie, une Serboslavie, et nous ne voulons pas en faire

14 partie." Il y avait parmi eux des gens qui disaient qu'ils voulaient un

15 Etat à eux, même si cet Etat adopte des lois islamiques.

16 Au HDZ, la situation était assez spécifique. Depuis le tout début, ils

17 s'employaient officiellement en faveur d'une Bosnie-Herzégovine -- ou

18 plutôt, je m'excuse, d'une Yougoslavie confédérale. S'agissant de la

19 Bosnie, officiellement, ils voulaient une Bosnie-Herzégovine autonome rien

20 que pour la sortir, l'extraire de la Yougoslavie, en se disant que dans la

21 phase ultérieure, les régions à eux pourront être régionalisées aux fins

22 d'être annexées à la Croatie.

23 Si vous voulez que je sois tout à fait sincère, je dirais que des trois

24 côtés, il y a eu des accusations vis-à-vis des autres avec soulignage de ce

25 qu'il y avait des aspects négatifs ou des idées négatives dans les

26 programmes de tout un chacun. C'étaient des points de vue d'extrémistes.

27 Q. Dans quelle mesure ces points de vue-là l'ont-ils emporté, si tant est

28 que cela a été le cas parmi les affiliés au SDS ?

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1 R. A l'occasion des grandes réunions, il y a eu toutes sortes d'opinions

2 de formuler. Si nous passions tout cela en revue, je dirais qu'il y a eu

3 des idées lancées en public de cet ordre. Mais la politique officielle et

4 les conclusions officielles ont été des plus claires. Tout d'abord, il

5 s'agissait de rester en Yougoslavie, et ensuite, procéder à une

6 transformation de la Bosnie-Herzégovine ou chacun aurait son unité

7 constitutive.

8 Q. Dans cette réponse qui figure à côté du numéro 8 dans le texte de la

9 transcription. Je dirais en donnant lecture que : "La Bosnie-Herzégovine

10 devrait être un Etat national d'un seul peuple avec une supériorité vis-à-

11 vis des autres.

12 "Je pense que ce n'est pas la règle principale. Ce n'est pas la

13 conception littérale défendue par quelque parti que ce soit."

14 Vous dites, Monsieur Krajisnik, ce n'est pas la conception ou l'idée

15 maîtresse de quelque parti que ce soit, à savoir qu'il s'agirait de

16 s'employer en faveur d'un Etat islamiste. Etait-ce votre opinion véritable

17 à l'époque que de dire que le SDA n'avait pas pour plateforme la création

18 d'un Etat islamique en Bosnie-Herzégovine.

19 R. Le SDA, cette variante ou cette alternative ne pouvait être défendue

20 que par le SDA parce qu'ils étaient les plus nombreux et du fait de leur

21 nombre, il pouvait avoir plus de 51 % pour que l'Etat, démocratiquement

22 parlant, devienne un Etat à eux.

23 Dans les contacts que j'ai eus directement avec les gens du SDA, dans

24 nos entretiens à plusieurs reprises, j'ai pu me rendre compte du fait

25 qu'ils étaient plutôt écartelés. Peut-être le souhaitaient-ils cet Etat à

26 eux ? Mais ils voulaient aussi aboutir à une situation ou une solution de

27 compromis parce qu'ils étaient conscients de la spécificité de la Bosnie et

28 ils voulaient quelque chose de durable et ils voulaient la paix. C'est ce

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1 qui découlait de nos entretiens à nous.

2 Je ne sais pas ce qu'ils se disaient entre eux. Je sais qu'en public,

3 il y a eu des interventions où des personnalités avaient dit que les Serbes

4 avaient leur Etat, les Croates avaient leur Etat et que cela était leur

5 Etat à eux. J'avais eu l'impression qu'ils avaient pendant longtemps

6 souhaité une solution de compromis, une solution rationnelle. Donc il y a

7 eu des hauts et des bas. Bien entendu, dans notre parti, des gens les ont

8 accusés de certaines choses, tout comme on nous a accusés nous de certaines

9 choses. Mais cela, c'était de la rhétorique politique à mon avis.

10 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, Il y a une quatrième

11 ligne --

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Si la Bosnie était devenue

13 indépendante en raison de la forte natalité de leur côté, je dirais que

14 cela était censé être un Etat avec prédominance musulmane. C'est juste ce

15 que je voulais ajouter.

16 M. STEWART : [interprétation] Bien. Alors, Messieurs les Juges, dans la

17 quatrième ligne de cette réponse, en page 10 ou plutôt ligne 10 et page 36,

18 on dit, M. Sladojevic vient de dire qu'on y dit, "démographiquement

19 parlant" et les interprètes vont peut-être nous confirmer qu'il s'agirait

20 de dire "démocratiquement parlant."

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, les deux semblent logiques.

22 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est la raison pour laquelle je soulève

23 la question.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik lorsque vous dites

25 qu'ils arriveraient facilement au chiffre de 51 %, ce qui leur permettrait

26 d'avoir un Etat à eux, est-ce que vous vouliez dire en terme démographique

27 ou en terme démocratique parce que l'un et l'autre des deux termes fait

28 sens ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé à l'instant de démographie. A

2 l'époque, j'avais dit, démocratiquement parce que cela aurait été

3 démocratique si vous avez plus de 51 %.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que la question a été tirée au

5 clair.

6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, les termes se

7 ressemblent beaucoup dans d'autres langues et cela est le cas pour le serbe

8 aussi. C'est ce qu'on m'a dit.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est ce qui arrive, bien entendu.

10 M. STEWART : [interprétation] Certes.

11 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que nous passions maintenant à ce qui

12 porte l'annotation du numéro 10 ou le passage numéro 10. C'est une réponse

13 assez longue que vous avez apportée. Cela commence avec : "Pour ce qui est

14 du référendum."

15 Vers la moitié de cette réponse, vous dites : "Nous ne devons pas

16 souffrir de cécité politique." Est-ce que vous voyez cette phrase ?

17 R. Oui.

18 Q. "Nous ne devons pas avoir de cécité politique pour ne pas voir qu'il

19 est évident qu'un peuple veut rester dans l'Etat commun, c'est le peuple

20 serbe, le peuple musulman veut une Bosnie autonome, indépendante, le peuple

21 croate veut une Confédération et ces deux options, Confédération et Bosnie

22 indépendante se recoupent ou peuvent coïncider."

23 Monsieur Krajisnik, est-ce que vous seriez à même de nous expliquer ce que

24 vous avez compris à l'époque que signifiait ce terme de Confédération ?

25 R. A l'époque, la politique officielle des républiques qui ont fait

26 sécession s'était employée en faveur d'une Yougoslavie en tant que

27 Confédération d'Etats indépendants. Alors, la Confédération devait servir

28 de cadre et les Etats à l'intérieur seraient indépendants. Cela avait été

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1 une solution appuyée par M. Tudjman et par la partie croate en Bosnie. Il

2 s'agissait d'avoir des liens lâches entre ces Etats au niveau confédéral,

3 au niveau yougoslave.

4 Q. Pouvez-vous, je vous prie, aller de l'avant pour arriver au numéro 13,

5 apposé en marge du texte ?

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour nous, Monsieur Stewart, il s'agit

7 de quelle page ?

8 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, il s'agit

9 de la page 19 juste après le mot, "jingle" tout au haut de la page. Nous

10 n'allons pas repasser l'enregistrement.

11 Q. Monsieur Krajisnik, si on descend plus bas dans le texte, on voit un

12 passage où l'animatrice dit après deux réponses que vous apportez, elle dit

13 : "Nous avons énormément de questions de la part des spectateurs." Cela on

14 l'a vu sur l'enregistrement vidéo. Les gens appelaient au téléphone. Nous

15 avons déjà survolé ces questions.

16 Par exemple, on dit :

17 "Un journaliste de Tesanj : A partir de quel fond on paie l'armement

18 des Serbes de Bosnie avec les armes de Kragujevac ? En savez-vous quelque

19 chose ?

20 Krajisnik : Je ne sais pas, mais si tant est qu'ils s'arment et s'il

21 y a des fonds de ce type, je crois que je serais plutôt enclin à considérer

22 que la question est de nature provocante.

23 Le journaliste : Est-ce que vous pensez que l'on arme les Serbes de

24 Bosnie ? Mais de quels Serbes de Bosnie parle-t-on en terme d'armement ?"

25 R. C'était une question provocante et j'ai répondu de façon

26 provocante moi-même. Parce que quelqu'un me pose la question en disant que

27 ce qu'on considérait comme étant un fait c'est que les Serbes s'armaient.

28 J'ai voulu provoquer en retour. Je ne savais pas quels étaient les fonds

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1 qui permettaient aux uns de s'armer, c'était plutôt une réponse de nature

2 politique. Parce que quand on vous dit : les gens s'arment, et on dit cela

3 au président du parlement de la Bosnie-Herzégovine, cela implique que la

4 personne qui pose la question sait que je sais que ces Serbes s'armaient.

5 Cela m'a semblé être une provocation.

6 Ici, on peut avoir l'impression que j'ai répondu de façon sérieuse,

7 mais j'ai apporté ultérieurement aussi des réponses de ce type. Si

8 quelqu'un m'avait dit : est-ce qu'ils s'arment ? J'aurais dit : non, ils ne

9 s'arment pas. Mais on a affirmé qu'ils s'armaient et on voulait savoir à

10 partir de quels fonds. Je ne savais pas qu'ils s'armaient ou s'ils armaient

11 et à partir de quels fonds. Ce que j'ai pu supposer, c'est que tous les

12 groupes ethniques s'armaient et cela s'est avéré être vrai une fois que la

13 guerre ait commencé.

14 Q. Passons au passage 14. Il s'agit des quelques pages qui suivent.

15 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, pour vous, il s'agit de

16 la page 22 en version anglaise.

17 Q. Le journaliste qui dit, tout en haut de cette page 22, à côté du numéro

18 14, le journaliste dit : "Régionalisation - beaucoup de questions. Voyons

19 un peu. Est-ce qu'en arrivant à Pale vous avez contribué à ce que Pale

20 rejoigne la région de Romanija ? C'est une spectatrice de Pale.

21 "Krajisnik : Je crois que c'est une provocation. En ma qualité de

22 président du parlement, je n'aurais jamais été favorable à cela et je

23 n'aurais pas influé de ma part sur la régionalisation. C'est la population

24 qui l'a décidée.

25 Le journaliste : Vous êtes allé à Pale et un spectateur fait allusion

26 à la visite que vous avez effectuée à Pale, n'est-ce pas ?"

27 R. Le spectateur fait allusion à cette visite, mais je ne me souviens pas

28 avoir jamais été à Pale, mis à part vers la fin de mes études

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1 universitaires, lorsque nous avons fêté la fin des études et c'était à la

2 veille du début de la guerre. Non seulement, je n'ai pas participé à cette

3 réunion, mais je ne pense pas avoir été à Pale du tout. J'ai encore moins

4 idée de ceux qui ont participé à cette réunion. Je n'ai pas été parmi les

5 organisateurs de cette réunion, je n'ai pas participé à cette réunion

6 concernant la régionalisation à Pale, et cetera.

7 Q. Mais est-il exact de dire, Monsieur Krajisnik, que vers le mois de mai

8 1991, vous n'avez pas eu de lien personnel avec Pale ?

9 R. Non, je n'ai pas eu de lien.

10 Q. [aucune interprétation]

11 R. A part quand quelqu'un venait à l'assemblée, mais je ne suis jamais

12 allé à Pale.

13 Q. Si vous pouviez maintenant passer au numéro 15, au repère numéro 15, si

14 vous pouviez le trouver.

15 R. Je l'ai trouvé.

16 Q. C'est juste avant, où M. Krajisnik dit : "Les mesures de répression ne

17 doivent pas être appliquées." Donc, l'animatrice vous dit --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il s'agit de quelle page, s'il

19 vous plaît ?

20 M. STEWART : [interprétation] Page 23, en haut de la page, le quatrième

21 paragraphe. L'animateur dit donc : "Pourquoi est-ce que les municipalités

22 de Krajina et d'Herzégovine se séparent ? En se séparant, cela signifie

23 sans doute qu'ils créent leur propre région, qu'ils ne se séparent pas."

24 Cela nous vient d'un auditeur de Mostar.

25 Vous répondez : "Ils ne sont pas en train de se séparer, ils restent

26 au sein de la Bosnie-Herzégovine. Ils ne font pas d'Etat, c'est la seule

27 raison de cette situation, mais si cela commençait à adopter un caractère

28 politique, il faut de toute façon ne pas s'en occuper, il faut préserver

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1 notre Etat."

2 Q. Monsieur Krajisnik, vous compreniez à l'époque -- à l'époque, vous

3 pensiez que la Krajina et l'Herzégovine n'allaient pas se séparer et

4 allaient rester au sein de la Bosnie-Herzégovine; c'est cela ?

5 R. Oui, c'était ma position. C'était mon opinion et j'aurais été opposé à

6 toute personne, à tout mouvement pour quitter la Bosnie, pour que tout

7 territoire soit annexé ailleurs. C'était en mai 1991 et cela a d'ailleurs

8 été ma position jusqu'au début de la guerre et même encore après.

9 Q. Oui, mais qui aurait été en position de décider, à ce moment-là ?

10 Commençons par la Krajina, qui aurait pu être en position de décider que

11 les municipalités de Krajina allaient se séparer ?

12 R. Laissez-moi un peu de temps et prendre un peu de recul. La Krajina

13 c'est un territoire qui se trouve en partie en Croatie et en partie en

14 Bosnie-Herzégovine. Elle a été créée au cours des Empires ottomans et des

15 Empires austro-hongrois. C'était une aspiration de ces peuples d'être

16 ensemble et quand on a eu la démocratie, il y a eu plusieurs tentatives

17 pour réunir ces deux parties en un seul tout, en un seul ensemble et même

18 en un seul Etat. Nous, en tant qu'hommes politiques, nous étions opposés à

19 cela. Non pas parce qu'on s'opposait à leur opinion, mais parce que c'était

20 contraire au plan Vance. C'était contraire aussi à notre théorie selon

21 laquelle la Bosnie devait être un Etat reconnu. On avait beaucoup de

22 problèmes pour essayer de traiter ce que voulaient ces gens. Ils pensaient

23 qu'on ne les comprenait pas, ils nous accusaient d'essayer de leur faire du

24 tort. Cela dit, même s'il y avait eu création de cette entité, elle

25 n'aurait pas pu être reconnue, puisqu'elle était contraire à tous les plans

26 qui étaient en cours, enfin qui étaient en élaboration, comme le plan

27 Vance. Ce n'était pas réaliste du point de vue politique, c'étaient des

28 désirs, des aspirations, cela c'est ce que les gens voulaient, mais la

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1 réalité, c'est autre chose quand même.

2 Q. Oui, mais alors cette réponse que vous venez de nous donner, est-ce que

3 cela s'applique aussi à l'Herzégovine ? Ou est-ce qu'il y a des différences

4 pour ce qui est de l'Herzégovine ?

5 R. C'est pratiquement identique, mais il y a une petite différence quand

6 même. Une partie de l'Herzégovine, par décision du Congrès de Berlin, a été

7 donnée au Monténégro. Les peuples d'Herzégovine sont très proches de ceux

8 du Monténégro. Ils ont une petite orientation serbe. Ils voulaient

9 rejoindre le Monténégro certes, mais c'était moins fort que ce qui s'est

10 passé en Krajina serbe, en Bosnie et en Croatie. Je parle ici des gens, du

11 peuple, des communautés, des groupes. Je parle des aspirations des peuples.

12 Q. Revenons à l'interview. On a déjà vu le 15, maintenant passons à la fin

13 de la page 23.

14 Au milieu de la page 23, le présentateur vous demande la chose

15 suivante : "Asim de Sarajevo voudrait savoir : est-ce que la

16 régionalisation qu'effectuent les Serbes à Banja Luka en Krajina est

17 honnête ?"

18 Votre réponse est : "Honnête, oui, mais c'est plus ou moins

19 discutable."

20 Je ne suis pas vraiment de l'anglais, ici, Monsieur Krajisnik, mais si vous

21 avez l'air de dire que ce n'est pas honnête, pouvez-vous nous expliquer

22 pourquoi il est suggéré que cette régionalisation qui est mise en œuvre par

23 les Serbes serait malhonnête ?

24 R. Je peux essayer de deviner ce que voulait dire ce téléspectateur. Je

25 crois qu'il pensait que dans ces municipalités, les décisions étaient

26 prises de rejoindre une municipalité quelconque. Il y avait une mise en

27 minorité des Croates ou des Musulmans, tout comme les Serbes avaient été

28 mis en minorité d'une façon parfaitement légale au Parlement. Mais il y a

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1 quand même une différence. Au point de vue régional, tout ceci est légal,

2 alors qu'au niveau de la République, il y a une disposition dans la

3 constitution qui interdit la mise en minorité.

4 Alors, voici un Musulman qui demande : "Est-ce que c'est juste que

5 l'on poursuive cette régionalisation alors que vous êtes en train de nous

6 mettre en minorité ?" Je réponds : "Oui, économiquement, c'est valable,

7 mais si cela adopte une dimension nationale, en revanche, ce n'est plus

8 bon, ce n'est plus valable. Cela ne fait que remettre de l'huile sur le feu

9 et cela va nous amener à la guerre." Voilà comment je comprends cette

10 question du téléspectateur et comment j'essaie d'y répondre.

11 Q. Vous dites dans votre réponse qu'économiquement, c'est justifié, mais

12 nous devons faire beaucoup d'efforts pour être certains que cela n'a pas

13 d'implications négatives au niveau national.

14 A quelle conséquence négative faisiez-vous allusion, là ?

15 R. Bien, c'est ce que je viens de vous dire il y a une seconde. A

16 l'époque, tout était politique, tout était politisé. Si on accomplit une

17 régionalisation économique comme en Krajina, qui était un territoire sous-

18 développé, et si les autres côtés considèrent que c'est un mouvement des

19 Serbes contre eux, cela aura, bien sûr, des conséquences extrêmement

20 négatives. Tout ce qui était fait par quiconque était vu au travers d'un

21 prisme politique.

22 Q. Encore plus loin, environ dix lignes en dessous, le présentateur dit :

23 "Sinan de Zenica a une question." "Je vous estime énormément,

24 personnellement, mais est-ce que vous vous identifiez avec le Duc Seselj ?"

25 Vous répondez : "Merci, Sinan, de cette haute estime que vous avez de

26 moi, mais je pense qu'il n'est pas normal de m'assimiler à Seselj."

27 A l'époque, qui était Seselj exactement, et pourquoi est-ce que vous

28 ne voulez pas être assimilé à ce Seselj ?

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1 R. A ce moment-là, je répondais à ce que Sinan avait voulu impliquer.

2 Seselj était un nationaliste, quelqu'un qui était contre les Musulmans, et

3 je ne voulais pas être assimilé à lui. Seselj était un homme très

4 intelligent, et il n'était pas la personne que les Musulmans croyaient

5 qu'il était, mais je ne voulais pas être assimilé à lui. Je ne voulais pas

6 être comparé au président des Etats-Unis non plus, ou qui que ce soit. Mais

7 là, je ne voulais surtout pas être assimilé à Seselj; sinon, je le

8 rencontrais et j'avais une assez bonne impression de lui. J'avais

9 l'impression que c'était un homme assez différent que celui que voyaient

10 les Musulmans. Mais cela, c'est au autre chose, bien sûr.

11 Q. Oui, Monsieur Krajisnik.

12 M. STEWART : [interprétation] Maintenant, nous allons laisser tomber

13 l'interview au Club 91, donc, le script de cette interview.

14 [Le conseil de la Défense se concerte]

15 M. STEWART : [interprétation] Nous allons maintenant nous référer à

16 un autre document qui n'est pas informatisé. Nous avons uniquement des

17 documents papier. En anglais, il s'appelle : "Décision sur l'établissement

18 d'un Conseil national serbe." Le numéro ERN est le suivant : SA04-1938 à

19 1939.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il n'a pas été

21 informatisé, mais est-ce qu'il a déjà été versé au dossier ?

22 M. STEWART : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Oui. Oui, je crois

23 qu'il fait partie des pièces de M. Treanor.

24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

25 M. STEWART : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement de

26 l'intercalaire et du numéro du volume en ce qui concerne les pièces de M.

27 Treanor, mais il est là. Enfin, on peut peut-être le retrouver pour vous et

28 surtout pour le transcript.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. STEWART : [interprétation] Oui, j'ai une petite note comme quoi, en

3 effet, c'est une pièce du dossier Treanor.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela doit être quelque part dans le P64.

5 M. STEWART : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on me dit que c'est P64,

7 intercalaire 15.

8 M. STEWART : [interprétation] Oui, j'aurais pu vous le dire, en effet, que

9 c'était au P64. Enfin, nous l'avons, nous l'avons.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez de toute façon, et nous le

11 retrouverons pour nous assurer des références exactes.

12 M. STEWART : [interprétation] Il est en effet à l'intercalaire 15. C'est la

13 référence est R428A. Je ne sais absolument pas que cela signifie, mais cela

14 peut peut-être vous aider, enfin.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez été assez clair. Je pense

16 qu'on va arriver à le retrouver.

17 Vous pouvez continuer.

18 M. STEWART : [interprétation] Nous avons des copies en B/C/S et en anglais.

19 Q. Juste avant l'interview que vous avez donné au Club 91, c'est un

20 document qui porte la date du 8 avril 1991. C'est un document qui est assez

21 court. Si vous pouvez le lire extrêmement rapidement, juste pour vous

22 familiariser avec la teneur de ce document, et est-ce que vous pourriez

23 nous dire quand vous aurez fini de le lire ?

24 R. C'est fait.

25 Q. Monsieur Krajisnik, étiez-vous personnellement impliqué d'une façon ou

26 d'une autre dans des réunions qui ont abouti à cette décision ?

27 R. Non, absolument pas. Je n'étais pas impliqué.

28 Q. Tout d'abord, est-ce que vous étiez au courant qu'il y a eu cette

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1 réunion qui a abouti à cette décision ?

2 R. Oui. Je le savais.

3 Q. Mais vous saviez quoi ?

4 R. Pas grand-chose, mais je peux vous dire le peu que j'en savais. Il y a

5 une initiative venant des partis qui étaient en Serbie-et-Monténégro, et je

6 crois, aussi, en Bosnie-Herzégovine. Cela, je n'en suis pas vraiment sûr.

7 Il y avait aussi des membres venant de Croatie. Enfin, c'était une

8 initiative demandant qu'un conseil politique soit créé, un conseil qui

9 formulerait, qui représenterait les intérêts des groupes ethniques qu'ils

10 formuleraient et qui les présenteraient comme étant la volonté du peuple

11 serbe dans un grand territoire. Ces partis se sont rencontrés à Belgrade;

12 cela, je l'ai appris par la suite. Certains étaient là, et d'autres qui

13 sont quand même mentionnés sur ce document sont sortis de la réunion et

14 n'ont pas signé la décision. Il y a même eu des insultes et des prises de

15 bec à propos des patriotes qui étaient plus patriotes que d'autres, et

16 cetera. Donc cet organe n'a jamais pu fonctionner en pratique. D'ailleurs,

17 je n'ai jamais ressenti, je n'ai jamais vu l'aboutissement de son travail

18 en pratique. D'ailleurs, c'est la première fois que je vois ce document.

19 Q. Est-ce que vous --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.

21 M. STEWART : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une clarification. Vous parlez de

23 ce document comme une décision qui aurait été prise --

24 M. STEWART : [interprétation] Oui. C'est comme un projet.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

26 M. STEWART : [interprétation] Il faudrait donner à M. Krajisnik la

27 possibilité --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous nous avez dit auparavant que

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1 c'était une décision, alors que c'est un projet, en fait --

2 M. STEWART : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

4 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je pense que c'est clair quand même.

5 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous saviez qui étaient les

6 représentants du Parti démocratique serbe, du SDS, donc à qui il est fait

7 référence dans ce document ?

8 R. D'après ce que je vois, le président du Conseil national serbe en

9 Bosnie-Herzégovine, et là, il s'agit de M. Radovan Karadzic. Je pense qu'il

10 doit figurer au titre du numéro 12 dans ce document.

11 Q. Avez-vous reçu un rapport portant sur les discussions qui traitaient de

12 cette proposition ?

13 R. A partir de conversations, j'ai pu apprendre ce qui s'y était passé,

14 mais je me souviens que de très peu de choses que j'ai entendues. Je sais

15 qu'il y a des personnes qui ont quitté la pièce, d'autres qui ont accepté

16 la proposition. Enfin, j'ai cru comprendre quand même que cette initiative

17 n'avait pas été une réussite suite au boycott, au fait que certains partis

18 quittaient la salle.

19 Q. Maintenant, cette initiative, puisque vous l'appelez ainsi, a-t-elle

20 abouti à quoi que ce soit qui aurait pu avoir un impact éventuel sur les

21 politiques ou les mesures prises par la suite par le SDS ?

22 R. Vous parlez des politiques du SDS, c'est cela, ou vous parlez bien du

23 SDS ?

24 Très bien. Cet organe n'a jamais joué la moindre influence. En tout

25 cas, je ne l'ai pas ressenti en pratique ultérieurement. C'est pour cela

26 que je peux presque dire qu'il n'existait pas. En tout cas, il n'avait pas

27 pris de décisions quelconques.

28 Q. Maintenant, Monsieur Krajisnik, le 12 juillet 1991, il y a eu assemblée

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1 du SDS, donc c'était juste un an après la réunion d'inauguration.

2 M. STEWART : [interprétation] Nous avons le compte rendu de cette réunion.

3 C'est informatisé. Donc, il y a un lien, un hyperlien pour arriver au

4 document.

5 Monsieur le Président, je vais donner à M. Krajisnik un document

6 identique au mien, c'est-à-dire qui est numéroté exactement comme le mien -

7 -

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez le lui donner.

9 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie.

10 [Le conseil de la Défense se concerte]

11 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je --

12 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

14 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais juste savoir si vous avez un

15 document papier ou si vous avez besoin d'un document papier.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Si vous nous donnez une copie

17 papier, nous vérifierons aussi si on peut le trouver sur informatique.

18 M. TIEGER : [interprétation] Ce serait bien aussi pour l'Accusation d'avoir

19 une version papier.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne l'ai pas encore retrouvé sur

21 l'écran.

22 M. STEWART : [aucune interprétation]

23 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse, oui.

25 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur Sladojevic va vous l'afficher.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

27 M. STEWART : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je suis désolé,

28 j'ai --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, pour l'instant, je n'ai qu'une

2 version qui est extrêmement floue.

3 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est un autre bouton. M. Sladojevic me

4 dit qu'il suffit d'appuyer sur un autre bouton qui est au milieu, plutôt à

5 gauche.

6 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

7 M. STEWART : [interprétation] Je me souviens que vous préfèreriez aussi

8 avoir les versions papiers, enfin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, on peut continuer comme

10 cela.

11 M. STEWART : [interprétation]

12 Q. Monsieur Krajisnik, passons donc au point 2, donc là où il y a une

13 référence numéro 2, dans la marge, pour vous repérer. C'est à la page 25 de

14 la version anglaise. Vous l'avez trouvé ?

15 R. Oui.

16 Q. Il s'agit de quelque chose que Karadzic a dit. Après dix lignes, il dit

17 la chose suivante : "Je dois dire quelque chose : nous devons conserver la

18 force du parti, le pouvoir du parti, et ne pas s'abandonner aux impulsions

19 des "petits Napoléon" qui essaient de faire des choses qui vont être

20 négatives pour le peuple serbe.

21 Nous avions un conseil régional. Nous avons dû le changer. Il était

22 en Krajina bosniaque, qui est devenu complètement aliénée, qui est devenue

23 une puissance qui s'est trouvée au-dessus des conseils municipaux."

24 Monsieur Krajisnik, s'il vous plaît, à qui fait référence M. Karadzic quand

25 il parle de ces "petits Napoléon" qui veulent s'emparer du pouvoir ?

26 R. Il parlait de "petits Napoléons", les gens qui se trouvaient au niveau

27 régional, qui, tout d'un coup, se trouvaient responsables du SDS, des

28 politiques régionales du SDS, et qui se sont emparés du pouvoir, qui se

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1 sont élevés, qui se sont décidés qu'ils étaient indépendants et qu'ils

2 étaient indépendants de notre ligne politique, qui ont décidé qu'ils

3 pouvaient écrire leur propre politique de façon parfaitement indépendante

4 par rapport au parti. Avant cela, M. Karadzic avait nommé des personnes au

5 niveau régional qui étaient en charge de coordonner les conseils régionaux

6 du SDS. Donc, ces gens ont eu un peu de pouvoir et malheureusement, ils ont

7 abusé de leur pouvoir.

8 Q. Monsieur, mais avaient-ils des noms bien précis en tête quand il

9 parlait de ces "petits Napoléon" ?

10 R. Il avait certainement des noms concrets en tête, mais il me faudrait me

11 livrer aux conjectures, si vous souhaiteriez que je vous donne des noms. Il

12 pensait aux personnes qui se trouvaient à la tête de certaines régions qui

13 ne faisaient pas partie de l'union politique. Il aurait fallu aller au

14 Parlement. Il ne serait pas juste de vous citer des noms parce que je

15 devrais me livrer à des conjectures, mais il s'agissait certainement des

16 noms de personnes qui étaient à la tête de diverses régions. Il ne pensait

17 pas aux membres ordinaires.

18 Q. Lorsque vous dites qu'il fallait procéder au changement du conseil

19 régional en Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous aviez personnellement pris

20 au changement dont fait référence le Dr Karadzic, changement de ces

21 conseils régionaux ?

22 R. Non. Cela ne faisait pas partie de mon champ de compétence et je n'y ai

23 pas pris part. Il est possible que j'y aie été présent, mais la compétence

24 relevait du président du parti, exclusivement. Je sais maintenant à qui on

25 fait référence ici, si l'on parle du conseil régional du SDS de la Krajina

26 de Bosnie.

27 Q. Monsieur Krajisnik, je vous demanderais de passer au numéro 4. C'est en

28 fait quatre pages plus loin. C'est à la page 29 en anglais. Encore une

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1 fois, le Dr Radovan Karadzic fait -- le numéro de référence. Est-ce que

2 vous avez retrouvé le passage, Monsieur Krajisnik ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. Fort bien. Je ne sais pas si c'est la même disposition du texte, mais

5 ce serait le paragraphe où le Dr Karadzic dit en anglais : "Je dois dire

6 que la politique du Parti démocratique serbe ne vise pas de diviser la

7 Bosnie-Herzégovine ou n'a jamais été ceci jusqu'à ce que les personnes

8 commencent à en parler. Le SDS n'approuve pas la création de nouvelles

9 unités de la Fédération avant que le système constitutionnel et juridique

10 ne soit démantelé."

11 Est-ce que vous savez de quoi il parlait, ici, lorsqu'il parle d'unités

12 fédérales ?

13 R. Il pensait à la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'il avait

14 l'impression que la Bosnie-Herzégovine devrait devenir une unité, deux ou

15 trois unités fédérales. Tout comme la Bosnie se trouvait au sein de la

16 Yougoslavie, il aurait fallu créer plusieurs unités fédérales au sien d'une

17 même Bosnie-Herzégovine. La fédéralisation veut dire constitutionaliser une

18 région en tant qu'unité constitutionnelle avec l'approbation du Parlement.

19 Q. Mais ce processus, lorsqu'on parle de la création de nouvelles unités

20 fédérales, c'était la politique du SDS. Cela reflète adéquatement, n'est-ce

21 pas, la politique du SDS, c'est-à-dire que le SDS n'approuvait la création

22 de nouvelles unités fédérales, n'est-ce pas, à ce moment-là ?

23 R. Oui, c'est exact. Nous sommes maintenant en juin 1991, et il s'agissait

24 d'une période --

25 Q. C'est le mois de juillet, Monsieur Krajisnik.

26 R. Oui, effectivement. C'était le mois de juillet, le septième mois de

27 l'année.

28 Q. Excusez-moi, je vous ai interrompu. Je suis désolé. Veuillez

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1 poursuivre, je vous prie, Monsieur Krajisnik --

2 R. A l'époque, ce qui était, ce qui existait, c'était un discours très

3 actif entre le côté serbe et le côté musulman, et il aurait fallu arriver à

4 un accord historique entre les Serbes et les Musulmans.

5 Q. Lorsque le Dr Karadzic dit ici : "Je dois dire que la politique du

6 Parti démocratique serbe n'est pas de diviser la Bosnie-Herzégovine, à

7 moins que d'autres personnes ne la démantèlent." Est-ce qu'on avait parlé,

8 au sein du SDS, du fait que le Parti démocratique serbe, à un moment donné,

9 adopterait la politique qui viserait à diviser la Bosnie-Herzégovine ?

10 R. C'est une excellente question. Je vais essayer de répondre de façon

11 claire.

12 Cette première partie de la réponse de M. Karadzic était la position

13 officielle adoptée par le SDS, à l'époque. Puisqu'il existait une aile

14 gauche et une aile droite et que de diverses discussions se faisaient

15 sentir, le comité avait dit, nous n'allons pas démanteler, nous, la Bosnie-

16 Herzégovine, mais d'autres personnes devraient procéder à le démanteler.

17 Donc, il a ajouté cette annexe pour qu'un compromis soit apporté à cette

18 discussion croyant que jamais cela n'arriverait. C'était la position de M.

19 Karadzic en tant qu'homme politique, c'est-à-dire de répondre déjà,

20 d'anticiper la question, d'anticiper la réponse, d'anticiper en donnant une

21 réponse à une question anticipée de certaines parties qui auraient pu

22 proposer certains changements. Donc, c'était ce qui était le cas en juillet

23 1991.

24 Q. Est-ce que nous pouvons dire que la politique du SDS souhaitait un

25 démantèlement de la Bosnie-Herzégovine ?

26 R. Je suis vraiment désolé, mais je vais peut-être devoir répondre

27 de cette façon-ci. Lors des négociations, nous avions des points de vue

28 extrêmes, maximalistes. Notre concept était la Yougoslavie, mais il y avait

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1 également une variante de réserve, c'est-à-dire que si la Yougoslavie

2 n'allait pas exister, nous devions avoir une unité constitutive au sein

3 d'une Bosnie-Herzégovine. Il n'y avait pas de troisième variante.

4 Personnellement, en leur for intérieur, certaines personnes pensaient si

5 les Musulmans voulaient créer leur propre Etat comme les Croates et s'ils

6 voulaient se démanteler, alors ils disaient : "Pourquoi n'aurions-nous pas,

7 nous aussi, un Etat indépendant ?" Mais ce n'était pas quelque chose qui

8 était à l'ordre du jour. On n'en parlait pas du tout de façon officielle en

9 Bosnie-Herzégovine, et surtout pas au niveau du SDS lors des discussions au

10 sein du SDS.

11 Q. Lorsque vous dites que c'était une position personnelle, ou plutôt,

12 lorsque vous dites que c'était une position de rechange qu'il y ait une

13 Bosnie-Herzégovine constituante, une unité constituante au sein d'une

14 Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous voulez dire que même si ce genre de

15 propos n'avait jamais été discuté publiquement, c'était une question qui

16 existait au sein du SDS ?

17 R. Oui. On en parlait, mais on en parlait comme une variante secondaire,

18 une possibilité. L'idée principale était de rester au sein de la

19 Yougoslavie, que la Bosnie devrait rester au sein d'une Yougoslavie, que la

20 Yougoslavie devrait être quelque peu changée dans le sens où certaines

21 unités devaient passer en Bosnie. Nous prônions une Bosnie. Nous étions par

22 la Bosnie et nous voulions que certaines unités, que certains pouvoirs

23 soient également représentés par la Bosnie. Nous ne voulions pas de

24 frontières ni de passeports qui nous sépareraient les uns des autres. C'est

25 tout ce que nous ne voulions surtout pas.

26 Q. Monsieur Krajisnik, s'agissant de cette session du SDS qui, à un moment

27 donné, a changé en un autre type de session, il y avait des invités non

28 invités, des représentants d'autres partis et d'autres nationalités qui

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1 avaient fait irruption, n'est-ce pas ?

2 R. Je crois que oui. Il y avait toujours des invités non invités qui

3 venaient participer, qui venaient écouter les sessions, mais il est peut-

4 être fort possible qu'ici aussi, il y ait eu des invités non invités, non

5 prévus.

6 Q. Monsieur Krajisnik, à la page 45 de la version anglaise, quatre ou cinq

7 paragraphes plus bas, en haut de la page 46 en anglais, le Dr Karadzic dit

8 :

9 "Je demanderais les délégués de rester après la session formelle, car nous

10 aimerions procéder à un vote, car M. Izetbegovic et Cengic et les gens du

11 HDZ viendront ici. Ils nous ont demandé de poursuivre la politique de

12 coopération."

13 Un peu plus bas, huit ou dix pages plus loin, plutôt -- M. Krajisnik,

14 dites-moi si vous avez retrouvé le point 9 ?

15 M. STEWART : [interprétation] C'est la page 59 en anglais, Monsieur le

16 Président, Messieurs les Juges.

17 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé ?

18 R. Oui.

19 Q. Monsieur Krajisnik, nous pouvons voir ici qu'Abdullah Konjicija - je

20 n'arrive pas à prononcer - qui fait partie de la cambre des citoyens de

21 Bosnie-Herzégovine, quelle est sa nationalité ? Il était Musulman, n'est-ce

22 pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Au point 10, M. Rabija Subic, qui avait également pris la parole, qui

25 est-il ? A quelle nationalité appartenait-il ?

26 R. C'est une femme --

27 Q. Excusez-moi. Je lui demande de me pardonner, en fait. Je présente mes

28 excuses à cette dame.

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1 R. Je n'ai pas reçu d'interprétation.

2 Rabija Subic était la présidente du Parti socialiste de Bosnie-

3 Herzégovine. Vous vouliez savoir à quel parti elle appartenait; c'est

4 cela ?

5 Q. Quelle était son appartenance ethnique ? En fait, à quelle nationalité

6 appartenait-elle ? Elle était de quelle nationalité ?

7 R. Son nom est musulman, mais elle était mariée avec un Serbe, donc nous

8 pourrions dire qu'elle était Yougoslave.

9 Q. Dix pages plus loin, au point 14, Monsieur Krajisnik, qui correspond à

10 la page 58 [comme interprété] en anglais.

11 [Le conseil de la Défense se concerte]

12 R. Oui, j'ai trouvé.

13 Q. C'est vous-même, Monsieur Krajisnik, qui aviez pris la parole :

14 "Mesdames et Messieurs, je suis très heureux que vous m'ayez accueilli

15 ainsi." Est-ce que c'est la page 68 ?

16 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est la page 68, Monsieur le Président.

17 Q. "Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être reçu ici, plus

18 particulièrement puisque M. Konjicija était le premier à se lever et M.

19 Muhamed Cengic était le dernier. Je les respecte tous les deux, je les aime

20 bien tous les deux, et je n'ai aucune critique à leur endroit."

21 Vous avez ensuite fait des compliments aux personnes qui avaient pris la

22 parole avant vous. Plus loin, vous dites : "Je suis très heureux que les

23 personnes de ce parti m'aient demandé de ne jamais travailler au détriment

24 d'autres peuples puisque cela serait dévastateur."

25 Dernier paragraphe de cette réponse, je ne vais pas vous donner lecture de

26 tout ce paragraphe, donc vous dites : "La seule chose que je peux dire

27 devant vous tous, c'est que je vais parler au nom du peuple serbe, car ils

28 m'ont autorisé de parler en leur nom. Mais ce que je ne vais pas faire,

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1 tout comme j'ai fait il y a quelques jours -- tous ceux qui me connaissent,

2 vous savez que je me convertirais plutôt que de ne pas respecter ma

3 parole."

4 C'est ce que vous aviez dit. Monsieur Krajisnik, lors de cette réunion,

5 vous avez été élu en tant que membre du conseil principal du SDS, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Bien sûr, vous êtes resté le président de l'assemblée de Bosnie-

9 Herzégovine tout au long de cette période. Est-ce que vous aviez reçu des

10 membres, des dirigeants du SDS, des instructions, à savoir, ce que vous

11 devriez dire, ou est-ce que l'on vous a suggéré d'adopter certains points

12 de vue lors des réunions publiques ?

13 R. Je crois que les positions étaient connues de tous, et les positions

14 étaient fort simples, également. C'est ce que j'ai d'ailleurs dit dans ce

15 texte, que je protège mon propre peuple, mais que je ne pourrais jamais

16 travailler au détriment d'autres peuples, c'est-à-dire que je veux tenir

17 une assemblée juste et je veux dire de façon très claire et de façon très

18 juste. Je vais énoncer mon point de vue.

19 Il n'y a jamais eu de demande faite pour que je protège le peuple

20 serbe, même si le peuple serbe n'a pas raison, c'est-à-dire que je n'ai

21 jamais reçu d'ordre de personne, on ne m'a pas donné d'instructions. Nous

22 nous consultions, nous avions des discussions, des consultations et tout

23 comme m'a dit un témoin qui était venue témoigner devant vous; elle a parlé

24 de brainstorming. C'est ce que nous avions assez fréquemment. Nous

25 représentions la volonté du peuple serbe. Je savais très bien ce que

26 désirait le peuple serbe et c'est ce sur quoi je travaillais. Ici, on parle

27 du peuple serbe, et non pas du parti. Je ne représentais donc pas les idées

28 d'un parti, mais du peuple serbe.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.

2 M. STEWART : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous le pourriez, je vous

4 prierais de préciser un point que vous avez lu, dont vous nous avez donné

5 lecture il y a quelques instants. On lit ici, au compte rendu d'audience :

6 "Quand je ne suis pas en mesure de le faire, je vais certainement pouvoir

7 le faire." Nous ne comprenons pas très bien ce que c'est.

8 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président. Je

9 vais demander une question à M. Krajisnik.

10 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez dit quelque chose en marge 14. Si vous

11 prenez le dernier, le tout dernier paragraphe de ceci, première phrase :

12 "Tout ce que je peux dire devant cette assemblée," c'est ce que j'ai lu il

13 y a quelques instants.

14 La phrase qui suit, c'est en anglais : "When I am not", donc "lorsque

15 je ne…" Donc, Monsieur le Président, je vais vous donner lecture de cette

16 phrase.

17 En fait, Monsieur Krajisnik, pourriez-vous lire ce passage en serbe ?

18 R. Je vais essayer de trouver le passage.

19 Q. C'est à la toute fin du point 14 en marge.

20 R. Je l'ai trouvé, oui, j'ai trouvé le point 14.

21 Q. Allez au tout dernier paragraphe de votre discours vous terminez avec :

22 "Merci".

23 "(Applaudissements)."

24 Avant que le président ne prenne parole de nouveau, est-ce que vous

25 l'avez trouvé ?

26 R. Oui, oui. Aimeriez-vous que je vous donne lecture du passage ?

27 Q. Oui, certainement, Monsieur Krajisnik, je vous prierais de nous donner

28 lecture du paragraphe;"Tout ce que je peux dire devant cette assemblée," je

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1 vous prie de nous donner lecture de ce paragraphe.

2 R. "Devant cette assemblée, je peux dire seulement que je vais m'impliquer

3 pour ce dont je suis autorisé par le peuple serbe lorsque je ne pourrais

4 pas le faire, je vais à ce moment-là faire ce que j'ai fait il y a quelques

5 jours. Chacun qui me connaît sait que je changerais plus rapidement de

6 religion que de revenir sur ma parole."

7 Q. Oui, Monsieur Krajisnik.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque M. Krajisnik vient de nous

9 donner lecture du passage que nous avons en anglais qui se lit comme suit :

10 "Lorsque je ne serais pas en mesure de faire cela, je vais certainement

11 faire cela."

12 J'ai deux -- je ne comprends pas très bien puisque c'est contradictoire. Si

13 vous n'êtes pas en mesure de faire quelque chose comment se fait-il que

14 vous allez néanmoins faire quelque chose ? Je vous demanderais de nous

15 expliquer ce que vous voulez dire, Monsieur Krajisnik ? Ce n'est pas tout à

16 fait clair, malheureusement.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens d'expliquer il y a quelques instants

18 quel était mon mandat. J'avais reçu un mandat, et le mandait était de

19 travailler de façon juste, de ne pas travailler au détriment d'autres

20 peuples et de protéger les intérêts du peuple Serbe. C'était mon mandat que

21 je devais respecter. C'est ce que j'avais dit, je remercie au SDS de me

22 permettre de défendre les intérêts du peuple serbe, de ne pas aller au

23 détriment d'autres peuples. Voilà, c'était mon mandat.

24 Avant cette assemblée, il y avait eu une autre assemblée de

25 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et les députés du SDS étaient sortis, ils

26 avaient quitté l'assemblée et j'étais resté seul avec

27 M. Bjelobrk. Irfan Ajanovic a dit nous demandons que M. Krajisnik soit

28 démis de ses fonctions. Nous ne sommes pas d'accord avec lui. J'ai donc dit

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1 : Oui, d'accord, procéder à un vote immédiat si vous estimez que je ne suis

2 pas juste. Ils ont dit : Non, non, il n'y a pas de député du SDS. J'ai dit

3 : Ce n'est pas grave, s'il n'y a pas de député du SDS, au nom du HDZ et du

4 SDA, déclarez-vous et dites si vous voulez que je reste au sein du parti ?

5 J'ai insisté et ils m'ont dit : Nous sommes désolés, nous n'avons pas

6 demandé votre démission. M. Ajanovic a commencé à me louer. J'ai dit : Mais

7 non, arrête de me lancer des louanges puisque le SDS à ce moment-là me

8 relèvera de mes fonctions. Je lui ai dit : Je vais demander ma démission

9 seulement si je ne peux pas travailler conformément à mon mandat. Je lui ai

10 dit : Je préfèrerais changer de religion que de redevenir sur ma parole.

11 C'est ce que je voulais dire. Mon intention était de me retirer si

12 jamais on avait voté mon départ. Je parlais de cette assemblée, tout le

13 monde connaissait ce qui s'était passé lors de cette assemblée et vous

14 verrez qu'il y a une personne qui me remercie d'avoir présidé cette

15 session. J'étais resté seul avec les députés du HDZ et du SDA alors que les

16 députés du SDS n'étaient pas présents. C'est à ceci qu'on fait référence.

17 Je leur disais à ce moment-là que si je n'étais pas un homme juste que

18 j'allais demander ma propre démission, et qu'il fallait procéder à un vote

19 de confiance.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, Monsieur

21 Stewart.

22 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Je crois dans l'original en serbe, il y a peut-être une erreur de

24 frappe.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas tout à fait clair. Ce n'est

26 pas tout à fait limpide à 100 % mais je ne veux pas passer plus de temps

27 sur cette question. Je regarde l'heure et je vois qu'il est midi 26. Je

28 propose de prendre une pause maintenant de 25 minutes, et nous reprendrons

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1 nos travaux à midi. En fait, nous allons reprendre nos travaux à midi 45.

2 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous ne continuions,

7 j'aimerais que nous nous penchions sur une question pratique, des plus

8 pratiques, ce qui explique la raison pour laquelle nous arrivons en retard

9 pour cette audience-ci.

10 Demain, nous allons avoir une réunion plénière des Juges prévue pour le

11 matin. Cela nous a été annoncé il y a quelques temps. Comme aucune des

12 salles d'audience n'était disponible l'après-midi et que les Juges ont

13 estimé qu'il était important de ne pas perdre de journées autant que

14 possible, il a fallu trouver une solution. L'une de ces solutions, c'était

15 de faire en sorte que le Juge qui préside à la Chambre assiste à la

16 plénière. Il s'est avéré que l'affaire Martic vient de terminer pour cette

17 semaine et ils étaient prévus pour l'après-midi de demain. Conformément aux

18 instructions récentes que j'ai données, il sera étudié la possibilité de

19 passer en session d'après-midi. Même le Greffier n'a pas eu connaissance de

20 la dernière des évolutions des événements. Nous venons de voir la chose

21 avec les Juges qui sont chargés de l'affaire Martic, il y sept minutes à

22 peine. Je voudrais savoir si cela vous crée problème, parce que si nous

23 avions à travailler demain après-midi, et si nous demandions au Président

24 de nous exempter de notre présence pour cette réunion, qu'en pensez-vous ?

25 M. STEWART : [interprétation] Il n'y a pas de problème pour la Défense,

26 Monsieur le Président.

27 M. TIEGER : [interprétation] Pas de problème non plus pour l'Accusation.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, vous êtes maintenant

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1 témoin et ce qui fait que votre position est quelque peu différente.

2 J'estime que vous êtes disponible, mais il se pourrait que vous ayez eu des

3 obligations autres, un médecin à voir, mais je vois que vous opinez du chef,

4 donc j'en conclus qu'il n'y a pas de problème majeur à cela. Donc je

5 demanderais à M. le Greffier de vérifier s'il est possible de travailler

6 demain après-midi et de m'en informer dès que possible.

7 Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.

8 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que vous retrouviez le point numéro 15

10 en marge des pages.

11 M. STEWART : [interprétation] C'est en haut de la page 76 dans la version

12 anglaise. En réalité, c'est tout à fait le bas de la page précédente, 75,

13 où il est dit : "Le Dr Karadzic," et où on cite ses quelques propos qu'on

14 retrouve au haut de la page 76.

15 Q. Le voyez-vous ? On dit : "Quelques mots à peine." Voyez-vous cela ?

16 R. Oui, je vois.

17 Q. Ensuite, il dit : "Nous avons sondé les positions de l'armée et on a

18 constaté que les positions de l'armée étaient identiques à l'égard de tous

19 les partis. Je dois reconnaître pour le compte rendu, que le SDS est un

20 parti de centre et non pas à un parti de droite, donc leur attitude à

21 l'égard de tous les partis étaient plus ou moins la même. Nous avons vu

22 qu'ils étaient décidés à se défendre, non pas seulement à défendre le

23 peuple serbe, mais toute population exposée à des attaques."

24 Monsieur Krajisnik, on dit ici qu'il n'y a aucune probabilité de voir

25 quiconque entrer en conflit avec l'armée. Alors, ici, il s'agissait d'une

26 réunion publique, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que la presse était présente ? Vous en souvenez-vous ?

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1 R. Je ne m'en souviens pas, mais il est fort probable que si.

2 Q. Avez-vous, vous-même, été impliqué dans des discussions avec des

3 représentants de la JNA ?

4 R. Oui. A un certain moment, oui.

5 Q. Pendant quelle période ?

6 R. Je crois qu'il s'agissait de la deuxième partie de 1991. En ma qualité

7 de président du Parlement de Bosnie-Herzégovine, j'ai participé à des

8 entretiens avec le commandant local du 2e District militaire, mais il en a

9 été de même avec des responsables au niveau fédéral de l'armée populaire

10 yougoslave.

11 Q. Vous venez de parler de la deuxième moitié de 1991. Je crois que ma

12 question n'a pas été suffisamment précise. La réunion que nous sommes en

13 train d'examiner est une réunion qui s'est tenue le 12 juillet, et c'est à

14 cette réunion que le Dr Karadzic avait pris la parole. Est-ce que jusque-

15 là, vous aviez pris part à des entretiens qui auraient eu lieu avec la

16 JNA ?

17 R. Je pense que non, et si cela est quand même le cas, cela a pu être des

18 entretiens au nom de la Bosnie-Herzégovine, enfin, entre la Bosnie-

19 Herzégovine et l'armée populaire yougoslave. Je n'ai pas discuté avec

20 l'armée populaire yougoslave au nom de mon parti.

21 Q. Pour autant que vous en ayez eu connaissance à l'époque, ce que le Dr

22 Karadzic dit ici au sujet de l'attitude prise par la JNA représente-il, de

23 façon véritable, la façon que vous considériez être celle de voir les

24 choses par les soins de l'armée ?

25 R. Oui.

26 Q. Le Dr Karadzic dit : "Si nous sommes attaqués et comme l'armé est tenue

27 de défendre les victimes des attaques, elle devra bien nous défendre. C'est

28 une institution de l'Etat très importante. Elle est en train de défendre

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1 ceux qui sont attaqués en Croatie à présent.

2 "Nous avons dit que nous n'allions pas créer d'armées de parti. Nous

3 savons que des Serbes sont en train de s'armer avec des armes de

4 contrebande ou des armes de fabrication ancienne, mais en notre qualité de

5 parti, nous n'avons pas le droit de nous armer, d'armer la population. Donc

6 nous n'avons pas le droit d'armer la population, mais nous n'avons pas le

7 droit de décourager cela non plus, parce que cela pourrait exposer la

8 population à des souffrances."

9 Monsieur Krajisnik, avez-vous eu connaissance du fait que les Serbes

10 étaient en train de s'armer avec des armes de ce genre ou des armes qu'ils

11 avaient depuis un moment déjà ?

12 R. Dans ma réponse précédente, je vous ai déjà dit que je ne savais

13 vraiment pas comment, de quelle façon les Serbes étaient en train de

14 s'armer s'ils étaient en train de s'armer. Mais lorsque les conflits armés

15 ont commencé, j'ai vu qu'ils avaient des armes, ce qui signifie qu'à

16 l'époque, il y a eu un armement des trois parties en présence.

17 Q. Le Dr Karadzic continue --

18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient à l'intervenant d'indiquer le

19 numéro de la page.

20 M. STEWART : [interprétation] Oui, je m'excuse.

21 Q. Monsieur Krajisnik, peut-être pourriez-vous nous aider ? Où en sommes-

22 nous dans votre version ?

23 R. Page 92.

24 Q. Merci.

25 R. En fait, non, le numéro de la fin est 722.

26 Q. Oui, mais cela, c'est la numérotation interne du document lui-même. Là,

27 ce qu'on vous demande, c'est le numéro de la page.

28 R. Page 92. La page, c'est 92.

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1 Q. Merci, Monsieur Krajisnik.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas cette page.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est une page qui manque aux

4 interprètes seulement, parce qu'enfin, la différence semble être grande

5 entre ce que nous avons --

6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont la page 90, puis qu'ils

7 n'ont pas la page 91, 92, et puis qu'il y a la page 95 ensuite.

8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas comment

9 cela s'est produit. Je m'en excuse. Nous essayerons de faire mieux pour

10 demain.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela nous ferait gagner du temps.

12 M. STEWART : [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les interprètes souhaitent

14 que l'on donne lecture de la partie traduite, ou pas ?

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'intervenant de lire lentement

16 et ils essayeront de le faire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

18 Veuillez continuer.

19 M. STEWART : [interprétation] Bien. C'est entendu.

20 Q. Alors : "Pour ce qui est de l'armée, nous avons donné instruction qui a

21 été rejeté par ses soins. Nous avons donné instruction en disant que le

22 personnel devait répondre aux appels sous les drapeaux lancés par la JNA.

23 Nous ne permettrons pas, au cas où il y aurait des attaques de lancées

24 contre la JNA, qu'elles viennent à être battue ou humiliée en Bosnie, parce

25 que cela n'arrivera pas, parce que c'est notre armée et cela le restera

26 tant qu'elle défend la Yougoslavie. Les volontaires ne seront pas

27 uniquement Serbes. Je sais qu'il y a des volontaires de …"

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Du moins, pour ce qui est de la

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1 traduction en français, je crois avoir compris que les interprètes

2 réitèrent leur demande de ralentir.

3 M. STEWART : [interprétation] Je vais m'efforcer de le faire.

4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

5 M. STEWART : [interprétation] "Les volontaires ne seront pas exclusivement

6 Serbes. Je sais qu'il y a des volontaires issus des rangs des autres

7 groupes ethniques de la Krajina de Bosnie; par exemple, à Bosanski Novi, il

8 y a des Musulmans qui se sont portés volontaires pour défendre les Serbes

9 en Croatie, et je sais pour sûr qu'ils sont en train de recevoir des

10 réfugiés et d'aider à fournir logements et nourriture à leur égard.

11 "Cela fait que de notre côté, nous conseillons à nos affiliés de

12 répondre à tous les appels sous les drapeaux de la JNA. Je crois que cela

13 est raisonnable et que cela le sera pour les autres partis en présence qui

14 souhaitent avoir la paix. Aussi faudrait-il qu'ils recommandent à leurs

15 affiliés de répondre présents aux appels. Nous ne serons pas tenus

16 responsables pour quelque déséquilibre que ce soit dans la composition

17 ethnique de l'armée. Ceux qui empêchent les membres de leur parti et leurs

18 ressortissants de leur groupe ethnique de répondre présents en assumeront

19 la responsabilité. Ceux qui encouragent les réservistes à ne pas répondre

20 présents, et ainsi de suite."

21 Q. Alors, Monsieur Krajisnik, tout ceci a été dit par le Dr Karadzic en

22 présence des invités issus d'autres partis et d'autres groupes ethniques,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Je crois qu'à ce rassemblement, c'est bien ce que le Dr Karadzic a dit.

25 Les personnes présentes ont toutes pu l'entendre. Enfin, je me réfère à ce

26 texte. Il l'a dit en public, ce qu'il a dit à ce rassemblement. C'est

27 exact.

28 Q. Y a-t-il eu des réactions négatives ou des hostilités manifestées par

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1 quelque membre d'un autre parti ou d'un autre groupe ethnique, s'agissant

2 de ce que le Dr Karadzic a prononcé à cette réunion ?

3 R. Je ne pense pas, mais je vais ouvrir une parenthèse. Très souvent, il y

4 a eu des individus extrémistes qui avaient souhaité la création d'une

5 nouvelle armée serbe, mais c'étaient des phénomènes marginaux. Je ne sais

6 pas s'il y a eu des débats de ce genre à ce niveau-là, mais je pense que

7 cela a été la position qui a été acceptée par tout un chacun. Aux yeux de

8 certains extrémistes l'armée était considérée comme étant communiste, et

9 c'est la raison pour laquelle ils avaient émis des réserves.

10 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être pourrions-nous

11 essayer de recourir à une sorte d'expérimentation. J'espère que cela se

12 passera bien. Nous voudrions nous pencher sur deux conversations

13 interceptées qui se trouvent être en corrélation avec ce que nous venons de

14 voir, et nous demanderions une certaine souplesse. Avec l'autorisation des

15 Juges, je convierai Me Josse à s'en occuper. Je préférerais que l'on

16 m'autorise à ce que je confie la conduite de l'interrogatoire à Me Josse,

17 pour qu'il parle de certaines questions.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, quoique d'habitude, la pratique

19 veut que ce soit un conseil, le même conseil qui interroge le témoin.

20 Compte tenu de la longueur de celle-ci --

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le travail en équipe ne fait pas l'objet

23 d'une opposition de la part des Juges de la Chambre, mais toujours est-il

24 que nous pourrons donner une décision finale une fois que l'Accusation nous

25 communiquera son opinion.

26 M. TIEGER : [interprétation] D'abord, je n'ai pas d'objection à cet égard.

27 M. Stewart a dit qu'il s'agissait d'une expérimentation. Si des problèmes

28 venaient à se présenter, nous attirerons l'attention des Juges de la

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1 Chambre, certainement.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'y a pas de décision finale à

3 ce sujet. Il n'y a pas d'opposition de la part des Juges de la Chambre. Si

4 cela vient à l'avenir, on verra.

5 Allez-y.

6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais passer

7 le relais à Me Josse.

8 Merci, Maître Josse.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, les écoutes vont être

10 passées d'une façon similaire. Je crois que cela va être lu en anglais et

11 traduit en français pour avoir le procès-verbal complet. Il est normal que

12 les interprètes soient quelque peu en retard par rapport à l'original.

13 M. JOSSE : [interprétation] Oui, ce sera une expérimentation de plus.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

15 M. JOSSE : [interprétation] Bien. La première des écoutes que nous

16 aimerions faire entendre au témoin n'a pas, jusqu'à présent, été versée au

17 dossier. Je voudrais le diriger sur certaines parties de cette écoute sans

18 que nous ayons à effectivement l'écouter nous-mêmes.

19 Pour gagner du temps, nous avons mis sur papier plusieurs versions en

20 B/C/S, et l'une de ces versions est destinée au témoin. Un exemplaire sera

21 destiné aux cabines d'interprétation, et la version anglaise sera passée

22 sur l'écran. M. Sladojevic va suivre la version audio et déplacera le texte

23 sur l'écran au fur et à mesure de son défilement.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui. Mais cela devrait être valable

25 pour les pièces à conviction. Tout d'abord, si nous disons souhaiter avoir

26 la version imprimée des pièces à conviction, pour le cas où cela serait une

27 pièce à conviction déjà versée au dossier, peut-être avant que de venir

28 dans le prétoire, peut-être pourrions-nous prendre nous-mêmes nos

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1 exemplaires avant que de venir, mais il faut que vous nous l'indiquiez pour

2 ne pas que l'on dépense autant de papier pour les photocopies. Toujours

3 est-il que je remercie M. Sladojevic du travail qu'il a fourni. Je ne

4 voudrais pas suivre ce qu'il nous montre avec sa souris, mais j'aimerais

5 que nous puissions suivre autrement.

6 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors si quiconque, les

8 interprètes, les techniciens, les Juges, ou vous, Monsieur Krajisnik, avez

9 des difficultés pour ce qui est de cette façon de faire, j'aimerais que

10 vous nous l'indiquiez.

11 Veuillez continuer, Maître Josse.

12 M. JOSSE : [interprétation] Nous allons passer à une conversation

13 téléphonique interceptée du 16 juillet 1991.

14 Voici un exemplaire papier pour M. Krajisnik. Les autres exemplaires sont

15 pour les interprètes --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document qui n'a pas

17 encore été versé --

18 M. JOSSE : [interprétation] Oui, on a vérifié. Enfin, on a essayé de

19 vérifier, et visiblement, cela n'a pas encore été versé.

20 Je tiens aussi à ajouter que toutes les pièces à conviction, n'est-ce pas,

21 résultent de documents qui sont communiqués par l'Accusation, enfin, pour

22 ce qui est des conversations téléphoniques.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas d'objection en ce qui

24 concerne leur origine ?

25 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

26 M. HARMON : [interprétation] Nous aimerions en revanche avoir aussi un

27 exemplaire en B/C/S.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il s'agit de fournir à

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1 l'Accusation un exemplaire en B/C/S.

2 M. JOSSE : [interprétation] Pendant qu'on est en train de diffuser le

3 document, j'ai parlé aux personnes qui sont dans la cabine anglaise pour

4 savoir exactement ce qu'ils veulent faire. Est-ce que vous voulez que nous

5 lisions le script, ou est-ce que vous voulez qu'on essaie de traduire la

6 conversation interceptée ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Notre expérience m'a montré qu'il est

8 impossible de traduire immédiatement en temps réel ce qui est intercepté

9 par téléphone mot à mot, c'est beaucoup trop rapide. Si je me souviens

10 bien, je crois qu'il y a un travail d'équipe, quelqu'un qui suit un peu ce

11 qui se passe en B/C/S dans la cabine, et l'autre est en train de lire la

12 traduction anglaise telle qu'elle a été préparée; ce qui, bien sûr, donne

13 la possibilité par la suite de vérifier si la traduction a été exacte ou

14 non. C'est comme cela que cela fonctionne jusqu'à présent. C'est la

15 traduction écrite qui nous sert de référence, mais pour avoir un dossier

16 bien complet, nous voulons aussi que la traduction anglaise soit lue.

17 Ainsi, nous avons tout au compte rendu, au transcript.

18 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On devrait demander peut-être aux

20 personnes qui téléphonent de parler plus lentement, tout simplement, à

21 l'avenir. Cela rendrait le travail de tout le monde beaucoup plus simple.

22 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Si on pouvait faire passer maintenant la

23 conversation téléphonique interceptée.

24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

25 [Diffusion de la cassette audio]

26 M. JOSSE : [aucune interprétation]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait que l'on arrête, parce que

28 nous pensions avoir la traduction anglaise à l'écran --

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1 M. JOSSE : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Or, à l'écran, pour l'instant, il y a

3 deux petits enfants très mignons et un petit chat.

4 M. STEWART : [interprétation] Oui, cela nous vient de l'Allemagne du sud,

5 d'ailleurs. M. Sladejovic a un petit peu de mal, il a un problème avec la

6 connexion technique. Pour l'instant, il essaie d'obtenir le fichier, mais

7 il n'arrive pas à afficher sur l'écran, à l'heure actuelle.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois un technicien qui s'avance.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. HARMON : [interprétation] Nous avons une traduction en anglais de

11 cette conversation téléphonique interceptée à l'arrêt 03219444. On pourra

12 peut-être vous la montrer. Peut-être que nous pouvons vous la fournir. Elle

13 pourrait aider peut-être à la fois les interprètes et le conseil de la

14 Défense.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, comme cela on pourrait résoudre le

16 problème technique plus tard. Donc vous pouvez peut-être le mettre tout

17 simplement, soit l'afficher à votre écran ou alors le mettre sur le

18 rétroprojecteur.

19 M. HARMON : [interprétation] Je vais demander à mon expert ce qu'il en est.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, nous n'avons pas de document papier,

22 donc on ne peut pas le mettre sur le transcript.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, on ne le mettra pas sur le

24 rétroprojecteur.

25 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais on peut quand même l'afficher de

26 façon électronique.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si cela pouvait être un petit peu

28 élargi, je pense qu'on va arriver à s'en sortir.

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1 Monsieur Josse, vous pouvez y aller. Nous avons tous le document sous les

2 yeux.

3 M. JOSSE : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'a pas encore de cote, en revanche.

5 Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous donner une cote ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D178.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le transcript en B/C/S sera le D178.1, et

9 la traduction en anglais sera le D178.A.1.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vérifie.

11 Nous venons de recevoir ceci sur le CD-ROM. Normalement, les conversations

12 téléphoniques interceptées sont versées sous forme électronique et les

13 transcripts, donc les scripts, reçoivent une cote A pour le script dans la

14 langue d'origine et 1.1 pour la version traduite.

15 M. JOSSE : [interprétation] Si je pouvais avoir la nuit, peut-être, pour en

16 parler avec M. Sladojevic, M. Haider, et puis toutes nos équipes

17 techniques, nos techniciens, nos experts et ceux qui nous aident à résoudre

18 ce genre de problème.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je peux même -- je ne pense pas que

20 vous allez graver un CD pour chaque nouvelle version, enfin, pour chaque

21 nouveau script, et peut-être qu'il faudrait tout mettre sur un seul CD,

22 mettre tous les interceptions téléphoniques sur un seul CD.

23 M. JOSSE : [interprétation] On ne peut le faire qu'après coup. Je pense

24 qu'on devrait peut-être commencer, voir --

25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

26 M. JOSSE : [aucune interprétation]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mes enfants m'ont appris à graver les

28 CD, donc je suis certain que cela va fonctionner très bien. Je suis certain

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1 que M. Sladojevic est un expert pour faire ce genre de chose.

2 Enfin, commençons.

3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons maintenant un nouveau

5 problème. J'y avais déjà pensé, d'ailleurs, mais il est assez difficile

6 d'alimenter les dossiers électroniques à partir de deux ordinateurs, donc

7 d'habitude, étant donné que ces conversations téléphoniques interceptées

8 sont à la fois du texte et de l'audio, nous ne l'avons pas ici. Je pense

9 qu'il faudra se pencher aussi là-dessus. Je pense que ce sera à

10 M. Sladojevic de se pencher là-dessus, et le Tribunal, bien sûr, vous

11 aidera pour voir. Il faudra aussi que du côté du Procureur, il voie quelle

12 est la solution. Peut-être, ce serait d'avoir une copie papier du

13 transcript en anglais qui pourrait donnée aux cabines, pour qu'on ait quand

14 même une copie papier qui soit disponible dans les cabines.

15 Enfin, je vois que les aspects logistiques sont assez compliqués,

16 visiblement.

17 M. JOSSE : [interprétation] En effet --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière passe son temps à

19 se promener dans le prétoire, et je pense qu'il faudrait qu'on arrive à

20 trouver des solutions qui ne demanderaient pas autant d'allées et venues.

21 M. JOSSE : [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pouvez-vous

23 nous faire une copie papier de la version anglaise.

24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

25 [Le conseil de la Défense se concerte]

26 M. JOSSE : [interprétation] On va essayer quand même d'avoir à la fois

27 l'audio et le fichier texte à l'écran.

28 [Diffusion de la cassette audio]

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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

2 "Karadzic : Osijek, tous ceux qui sont là-bas devraient au moins…

3 Krajisnik : Votre parti est vraiment extraordinaire. Il n'y en a pas

4 d'autres. Vous voyez les choses comme moi ?

5 Karadzic : Oui.

6 Krajisnik : Oui, les Monténégrins et les gens de la Krajina ensemble,

7 qui viennent tous de la vieille Herzégovine. Vous pouvez imaginer comment

8 cela fonctionne.

9 Karadzic : Oui.

10 Krajisnik : Le professeur Bulatovic est ici.

11 Karadzic : Hm-hm.

12 Krajisnik : C'est ce bâtiment. Oui, ils sont là, c'est certain…"

13 L'INTERPRÈTE : L'interprète est désolée, mais le texte est passé trop

14 rapidement pour pouvoir faire une traduction.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il faudrait que nous nous

16 arrêtions à nouveau.

17 Cela va trop vite. Monsieur, quand vous faites dérouler le document,

18 il ne faut pas suivre le B/C/S. Il faut suivre l'anglais, en revanche.

19 M. JOSSE : [interprétation] C'est ma faute. Je n'ai pas donné les bonnes

20 instructions à M. Sladojevic.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Recommencez, s'il vous plaît, et je

22 pense qu'à ce moment-là, ils arriveront, aux cabines, à suivre. Enfin,

23 sachez que nous sommes ici en train d'essayer quelque chose.

24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer qu'ils sont toujours en train

25 de lire et de traduire le script à une vitesse normale, alors que, bien

26 sûr, au téléphone, les gens parlent extrêmement rapidement. C'est pour cela

27 qu'on prend du retard.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons bien compris.

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1 Mais reprenons --

2 [Diffusion de la cassette audio]

3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

4 "Karadzic : Osijek et tous, là-bas, devraient… au moins le Drava.

5 Krajisnik : Oui, votre parti est vraiment extraordinaire. Il n'y en a pas

6 d'autres comme cela.

7 Karadzic : [rires]

8 Krajisnik : Vous voyez comment on s'y est pris. Ecoutez.

9 Karadzic : Oui.

10 Krajisnik : Quand on arrive à prendre des Monténégrins et des gens de la

11 Krajina et qu'on les met ensemble, et avec vous qui venez de la vieille

12 Herzégovine, vous pouvez imaginer ce qui se passe.

13 Karadzic : Oui.

14 Krajisnik : Le professeur Bulatovic est ici.

15 Karadzic : Hein, hein.

16 Krajisnik : Ce bâtiment.

17 Karadzic : Oui.

18 Krajisnik : Ils sont là pour certains.

19 Karadzic : Hm-hm.

20 Krajisnik : S'il vous plaît. Il dit que la demande, il va la traiter, mais

21 pour ce qui est de cela, il faut qu'on se retrouve et qu'on arrive à en

22 terminer.

23 Karadzic : Oui, écoutez.

24 Krajisnik : Mais c'est compliqué. Le gouvernement n'a pas grand-chose à

25 faire.

26 Karadzic : En effet.

27 Krajisnik : Rien.

28 Karadzic : Super, super. Alors écoutez, on va voir. Ce Zulfikarpasic, il me

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1 recherchait depuis quelques jours. Il était désespéré.

2 Krajisnik : Oui.

3 Karadzic : Il m'a récupéré au téléphone aujourd'hui. Il a essayé de

4 m'éviter toute la journée, mais je l'ai eu au téléphone.

5 Krajisnik : Oui.

6 Karadzic : Il dit qu'on doit se rencontrer. C'est un accord historique

7 entre les Serbes et les Musulmans qui est en vue. On ne peut pas. J'ai dit

8 : 'Souvenez-vous, je vous l'ai dit.' Avant notre convention de création du

9 parti, vous avez dit que vous vouliez savoir qui allait être dans le parti.

10 Krajisnik : Oui.

11 Karadzic : Maintenant, on y est. J'ai aussi persuadé Alija. Il va

12 être avec nous. On va se rencontrer aujourd'hui et essayer d'arranger une

13 réunion avec une Milosevic demain. Ils sont en panique, ils sont paniqués.

14 Krajisnik : Oui, mais il va falloir qu'ils payent quand même pour l'entrée.

15 Karadzic : J'ai essayé de l'éviter, mais je lui ai dit que je le

16 rencontrerais pour un petit moment.

17 Krajisnik : Ce n'est pas grave.

18 Karadzic : Pour le rencontrer chez Nikola. Ce serait une bonne idée que

19 vous veniez aussi.

20 Krajisnik : Oui, mais dites-moi, à quelle heure ?

21 Karadzic : Vers 2 heures. On pourrait se rencontrer à deux heures moins le

22 quart là-bas.

23 Krajisnik : Parfait.

24 Karadzic : Cela vous va ?

25 Krajisnik : Non, pas vraiment. Je ne crois pas qu'on peut trouver deux

26 types comme Bulatovic et moi où que ce soit. Vous êtes ok, mais vous êtes

27 quand même que le deuxième sur la liste.

28 Karadzic : [rires] Je suis quand même très honoré d'arriver juste à votre

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1 cheville.

2 Krajisnik : Ah ?

3 Karadzic : Je suis honoré.

4 Krajisnik : Mauvais politicien. Vous êtes un diplomate, c'est tout. Les

5 pauvres, toutes ces dénominations, c'est difficile pour eux d'avoir à

6 traiter avec vous.

7 Karadzic : [rires]

8 Krajisnik : Mais je rigole. Je peux vous voir à deux heures moins le quart.

9 Karadzic : Parfait, dans ce cas-là.

10 Krajisnik : Ecoutez, vous savez ce qu'on va faire ?

11 Karadzic : Oui.

12 Krajisnik : Quand on a une mission, on veut en terminer le plus vite

13 possible, lui et moi.

14 Karadzic : Oui, oui.

15 Krajisnik : C'est quelqu'un au-dessus. Un de nos hommes devrait l'écrire,

16 ou alors on devrait écrire une lettre au nom de -- enfin peut-être que cela

17 devrait être un mémo, plutôt. Non, ce n'est pas possible.

18 Karadzic : Cela doit être un mémo, mais là-bas, ils sont inondés, là-bas,

19 ils ne peuvent pas rentrer.

20 Krajisnik : Oui, c'est vrai. Je tiens à vous dire quelque chose. Il

21 faudrait que ce soit le plus rapidement possible. Voici ce que je lui ai

22 dit --"

23 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande s'il convient de continuer.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que quelque chose soit arrivé.

25 Je ne sais pas si le B/C/S est terminé. Le B/C/S est en effet terminé.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons

27 continuer sans la version B/C/S et nous allons juste demander aux

28 interprètes en français et en anglais de poursuivre.

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1 J'ai quand même trouvé que la musique yougoslave était tout à fait

2 pertinente à ce moment, mais je pense que ce sera plus facile pour les

3 interprètes de travailler sans musique. Les interprètes vont continuer la

4 traduction.

5 [Diffusion de la cassette audio]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "Voici ce que je lui ai dit : il devrait s'en occuper. Donc quand le

8 HDZ ou le SDA le demande, nous lui donnerons les bâtiments dont ils ont

9 besoin.

10 Karadzic : Oui, bien sûr.

11 Krajisnik : Comme cela, l'assemblée devrait fonctionner selon cela.

12 Karadzic : C'est excellent. C'est parfait.

13 Krajisnik : Alors, écoutez ce que j'ai à vous suggérer, étant donné qu'il

14 n'y a pas de classe là-haut.

15 Karadzic : Oui.

16 Krajisnik : Donc je vais les rencontrer pour en finir.

17 Karadzic : Ok.

18 Krajisnik : Puis, on va demander à Bulatovic, puisqu'il fait de grands

19 sacrifices pour notre peuple.

20 Karadzic : D'accord. C'est d'accord. Donc on en reparlera avant 2 heures,

21 comme cela on peut se retrouver à 2 heures moins le quart et peut-être on

22 pourra en terminer.

23 Krajisnik : Est-ce qu'Alija sera là ? Non, je ne pense qu'il y sera.

24 Karadzic : Non. Il a dit qu'il avait parlé avec Alija et qu'il l'avait

25 convaincu. Alija aimerait bien en faire partie. Il veut que Milosevic le

26 voie demain, juste après qu'il ait parlé avec nous.

27 Krajisnik : Non, non. Il doit le mériter. Je ne sais pas. Il faut voir.

28 Karadzic : Non. On doit analyser la chose. Mais tout d'abord, on doit

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1 écouter, on doit avoir un emprunt.

2 Krajisnik : Oui, c'est parfait, vers la Bosnie, cela, c'est d'accord.

3 Qu'est-ce qu'on va faire à propos de ces bâtiments ? Il faut en terminer,

4 d'une façon ou d'une autre.

5 Karadzic : Je vais les appeler. Je vais appeler là-bas tout de suite pour

6 savoir s'il y a quelqu'un qui pourrait écrire ce --

7 Krajisnik : Vous n'avez pas besoin de le faire. Je vais le faire. Voilà ce

8 que je vais faire. Je vais plutôt appeler Ostojic.

9 Karadzic : Oui.

10 Krajisnik : Oui, puisque Zoran était là.

11 Karadzic : Hm-hm

12 Krajisnik : On doit voir où il est parti.

13 Karadzic : Très bien.

14 Krajisnik : On doit lui dire aussi d'être entré en contact, d'écrire ce

15 mémo pour obtenir le bâtiment.

16 Karadzic : Hm-hm. Vous savez ce que vous devriez faire, appeler Simovic et

17 Ostojic. Simovic a déjà une demande comme cela et cela fonctionnait très

18 bien. Enfin, étant donné qu'il a dû aller au gouvernement et est passé au

19 travers de quelques commissions.

20 Krajisnik : Non. Cela ne marche pas. Ce n'est pas au gouvernement de faire

21 cela. Ce n'est pas Vlado, ce n'est pas au gouvernement de le faire.

22 Karadzic : Oui.

23 Krajisnik : Cela appartient à la municipalité de Centar.

24 Karadzic : Hm-hm. C'est à eux, c'est sûr.

25 Krajisnik : Alors, voilà ce que je vais faire. Je vais contacter Simovic --

26 enfin, plutôt M. Bulatovic, pour que les deux puissent terminer la chose,

27 et puis ce sera fait.

28 Karadzic : Parfait. Maintenant, je vais appeler Simovic pour --

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1 Krajisnik : D'accord. Vous n'avez pas besoin de faire grand-chose. C'est

2 moi qui vais le faire.

3 Karadzic : Très bien.

4 Krajisnik : Je vais tout faire. Ne vous inquiétez de rien.

5 Karadzic : Au revoir.

6 Krajisnik : Au revoir. Tout va bien.

7 Karadzic : Merci. Bonne journée et surtout, dites bonjour au professeur de

8 ma part.

9 Krajisnik : Je le ferai."

10 [Fin de la diffusion de cassette audio]

11 Interrogatoire principal par M. Josse :

12 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik, vous-même et le Dr Karadzic

13 étiez en train de parler de la proposition de l'accord historique; est-ce

14 que c'est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. La Chambre a entendu certaines références à cela et dans ce document,

17 on fait référence à Zulfo Zulfikarpasic. Quelle était sa proposition ?

18 R. M. Zulfikarpasic était le président de l'organisation musulmane

19 bosnienne, et ils avaient donné une initiative, ils avaient proposé,

20 ensemble avec le Pr Filipovic, ils avaient proposé un accord historique.

21 Ils avaient proposé à ce que l'on fasse, l'on procède à un accord

22 historique entre les Serbes et les Musulmans.

23 Q. Le professeur Filipovic et M. Zulfikarpasic n'étaient pas membres du

24 parti de M. Izetbegovic, du parti politique de ce dernier, n'est-ce pas ?

25 R. Non, effectivement. Ils n'étaient pas -- au début, oui, mais pas à ce

26 moment-là, pas au moment où l'on en a discuté. Mais au tout début de leur

27 vie politique, dans les années 90, oui. Sauf qu'à ce moment-ci, ils

28 n'étaient plus avec M. Izetbegovic.

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1 Q. Quel était le nom de ce parti politique, à l'époque pertinente ?

2 R. Le OMB, c'était l'Organisation musulmane bosnienne.

3 Q. Pourquoi était-il à l'origine de la proposition de cet accord, pour ce

4 qui est du côté musulman ?

5 R. Ils avaient fait cette proposition selon laquelle deux peuples en

6 Bosnie-Herzégovine puissent passer par le biais de leurs représentants

7 politiques, de procéder à un accord et de régler un très grand nombre de

8 questions qui étaient problématiques au cours de l'histoire, et de trouver

9 des solutions afin de pouvoir vivre ensemble en harmonie au sein d'une

10 Bosnie-Herzégovine. L'idée était que la Bosnie-Herzégovine devait rester au

11 sein de la Yougoslavie, de rester dans son ensemble, de ne pas être

12 démantelée, et c'était leur proposition. C'était dans l'intérêt du peuple

13 serbe.

14 Q. Est-ce que vous savez de quelle façon ces derniers avaient présenté la

15 question au SDA et à M. Izetbegovic ?

16 R. J'étais présent lors d'une réunion qui eut lieu chez M. Koljevic. C'est

17 peut-être même la réunion chez M. Koljevic, lorsque M. Zulfikarpasic et M.

18 Filipovic avaient dit : "Nous avons une proposition pour un accord

19 historique." Ils ont parlé de cette proposition. Ils ont également ajouté

20 qu'ils avaient l'appui de

21 M. Izetbegovic, l'appui et le consentement, l'accord de ce dernier.

22 Q. C'est peut-être clair pour vous, mais dites-nous quelle était la raison

23 pour laquelle vous étiez en faveur de cet accord.

24 R. Je partageais cette opinion. Je souhaitais que la Bosnie reste dans son

25 ensemble à l'intérieur d'une Yougoslavie, mais qu'il fallait procéder à une

26 réorganisation de la Yougoslavie et d'arriver à un accord de paix entre les

27 deux peuples. Un accord à long terme, bien sûr. Mais il est certain que la

28 troisième entité devait être également incorporée ou incluse, donc je parle

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1 du troisième peuple, mais c'était une initiative qui allait être proposée

2 également au côté croate, au peuple croate.

3 Q. Quelle était la participation de M. Milosevic dans tout ceci ?

4 R. M. Milosevic était un homme qui, chez les Musulmans, était connus comme

5 étant le dirigeant, le leader de tous les Serbes. Outre que notre accord,

6 il voulait également obtenir l'accord de M. Milosevic. Ils avaient même

7 l'impression que nous étions appuyés par M. Milosevic et qu'ils avaient

8 peur que si nous, on était d'accord, mais que M. Milosevic était en

9 désaccord, que cela n'allait pas régler les choses, et M. Zulfikarpasic,

10 justement, a confirmé ceci lorsqu'il a accordé une entrevue au quotidien

11 Nin.

12 Q. Quel était le lien qui existait entre l'initiative de Belgrade et

13 l'accord historique ?

14 R. Je crois que c'était presque la même chose, ou pour peut-être être un

15 peu plus précis, il n'y avait que des nuances techniques, des différences

16 techniques. Voilà l'interprétation de ce que vous m'avez demandé de vous

17 répondre sur la base de cet accord historique.

18 Q. Pourquoi l'accord n'a pas pu être mis en place ? Pourquoi l'initiative

19 a capoté, l'accord, également ?

20 R. La réponse est fort simple. Le côté musulman, le SDA, a renoncé à cet

21 accord. Le côté croate au sein du Parlement également avait renoncé, mais

22 je parle plutôt du côté musulman, ici. Ce sont eux qui avaient la parole,

23 le dernier mot, en fait, parce que M. Izetbegovic a renoncé aux

24 propositions de M. Filipovic et Zulfikarpasic. Ils avaient renoncé à cet

25 accord, et c'est la raison pour laquelle l'accord a clairement capoté.

26 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

27 moment est peut-être opportun pour lever la séance, et pendant la soirée,

28 nous penserons à d'autres conversations téléphoniques interceptées et nous

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1 réfléchirons sur la possibilité d'en faire passer d'autres ou non.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

3 Avant de lever la séance, j'ai peut-être quelques questions

4 techniques à aborder.

5 Monsieur le Greffier, est-ce que le matériel Nielsen a déjà reçu une cote ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Non.

7 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

8 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors quelle sera la cote ? P1177; donc,

10 le numéro ou la cote a été réservée, mais n'a pas encore été utilisé.

11 Donc, concernant le document P64A, les descriptions ont été ajoutées

12 et figurent sur la liste des pièces et les intercalaires se trouvent dans

13 l'ordre chronologique plutôt que d'avoir la numérotation qu'elle avait

14 auparavant. Donc, il y a 831 intercalaires au total; 380 intercalaires de

15 ces 831 intercalaires se trouvent maintenant sur la base de données

16 judiciaire, et les gens responsables de ces intercalaires et de rendre tout

17 ceci disponible sur la base de données judiciaire s'occupent du reste.

18 Voilà, ce sont quelques questions pratiques que je voulais aborder avant de

19 lever la séance.

20 Je voulais vous demander, Monsieur le Greffier, s'il a été confirmé que

21 nous pouvons siéger dans l'après-midi demain dans l'après-midi ?

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

24 Nous allons lever la séance jusqu'à demain, 27 avril, 14 heures 15,

25 salle d'audience numéro II.

26 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 27

27 avril 2006, à 14 heures 15.

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