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1 Le mercredi 26 avril 2006
2 [Audience publique]
3 [M. Krajisnik est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Monsieur le
6 Greffier, veuillez, je vous prie, citer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
8 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik. Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
10 Avant de continuer avec l'interrogatoire principal de M. Krajisnik,
11 j'aurais une communication à faire. Pour ce qui est de la session passée
12 d'hier, il y a eu un enregistrement DVD de produit qui vous sera donné
13 aujourd'hui afin que vous puissiez vous pencher dessus. Il vous a été
14 fourni une version en B/C/S. Nous avons estimé que c'était la version qui
15 vous arrangerait. Si ce n'est pas le cas, je vous demande de nous le dire,
16 je vous demande de vérifier si tout fonctionne sur l'un de nos ordinateurs
17 ou sur le vôtre et au cas où vous ne pourriez pas le visionner, nous allons
18 nous efforcer d'y remédier.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà reçu le DVD, ce qui fait que les
20 employés du Tribunal ont été assez rapides.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il se peut que, comme d'habitude,
22 je sois le dernier à en avoir connaissance. L'avez-vous déjà essayé,
23 Monsieur Krajisnik ? Non, pas encore. Bon. Nous allons avoir de vos
24 nouvelles à ce sujet si cela ne marche pas, plus tard.
25 Monsieur Krajisnik, je tiens à vous rappeler que vous êtes toujours tenu
26 par la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre
27 témoignage d'hier.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je vous donne la parole.
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1 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
2 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
5 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik, hier, nous nous sommes penchés et
6 j'espère que vous avez encore sous les yeux la transcription de l'interview
7 que vous avez accordée dans cette émission de télévision appelée Club 91.
8 Je vous vois hocher de la tête, donc cela doit être le cas. Est-ce que sur
9 les marges de votre exemplaire, il vous est donné la possibilité de voir où
10 se trouve le numéro 3 ?
11 R. Oui.
12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, cela se trouve vers le
13 milieu de la page 4 en version anglaise où M. Krajisnik dit que : "Les
14 téléspectateurs allaient le voir, mais j'espère que vous allez le
15 reconnaître vous aussi." Alors, le journaliste dit : "Nous allons commencer
16 - nous avons derrière nous la journée d'hier et une longue session du
17 gouvernement, et comme les téléspectateurs le savent, il s'agissait de
18 problèmes de régionalisation en Bosnie-Herzégovine. Nous avons déjà obtenu
19 des réactions. J'aimerais que vous nous communiquiez votre position
20 concernant les problèmes qui ont fait l'objet de cette session du
21 gouvernement au sujet de la régionalisation en général ?"
22 Q. Monsieur Krajisnik, tout d'abord, vous n'avez personnellement pas été
23 présent à cette session du gouvernement, n'est-ce pas ?
24 R. Non, je n'ai pas été présent.
25 Q. Il -- d'habitude, vous n'assistiez pas au session du gouvernement
26 puisque vous n'en étiez pas membre, n'est-ce pas ?
27 R. Vous avez tout à fait raison.
28 Q. Je me propose de donner lecture de la réponse que vous avez apportée.
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1 Vous dites : "J'espère qu'il est très difficile de formuler une réponse à
2 cette question. Il est arrivé bien des choses et je crois qu'il y a des
3 différences du point de vue de la régionalisation. Je vais vous donner mon
4 opinion personnelle, chose que j'estime être le devoir du président du
5 Parlement, mais je parle aussi en citoyen et en homme ordinaire vivant en
6 Bosnie-Herzégovine. J'estime sans aucune hésitation, et ceci a été constaté
7 à la session du Parlement et du gouvernement, que la constitution autorise
8 la régionalisation, et c'est là le fait qui découle de la volonté des
9 municipalités qui doivent le faire de son plein gré, et si tant est qu'il y
10 a un intérêt politique, cela devrait pouvoir se réaliser. Sur le plan
11 juridique, quoiqu'il y ait eu des objections, il n'est point de doute qu'il
12 n'est point de fondement juridique pour contester la chose."
13 M. STEWART : [interprétation] Ensuite, on vient, Messieurs les Juges, à ces
14 annotations manuscrites qui ont été traduites également.
15 Q. Monsieur Krajisnik, la question qui vous a été posée par le journaliste
16 portait sur votre opinion concernant la régionalisation en général. La
17 question que je me propose de vous poser à présent, c'est de dire
18 aujourd'hui aux Juges de la Chambre ce qui, à l'époque, donc dans le
19 contexte de 1991, a constitué la régionalisation, ce qu'a été cette
20 régionalisation ?
21 R. En 1991, la régionalisation, quoique juridiquement prévue par la
22 constitution, comportait une forme de dimension poétique. Cela créait des
23 divergences entre les différentes parties. En d'autres termes, cela n'avait
24 pas le fondement véritable qui a été celui conçu et imaginé par les
25 rédacteurs de la constitution.
26 Q. Commençons alors avec la chose suivante, Monsieur Krajisnik. Trois
27 partis principaux, le SDA, le HDZ et le SDS, ces trois partis ont-ils eu
28 des approches identiques ou divergentes au sujet de la régionalisation en
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1 mai 1991 ?
2 R. Oui. Ces partis avaient une approche divergente.
3 Q. Tirons les choses au clair, pour commencer. Y avait-il une différence
4 dans l'approche entre qui était celle du SDA et celle du HDZ ?
5 R. Cela se peut, mais cela n'était pas apparent. Si je puis vous expliquer
6 les choses ainsi, je dirais que le HDZ était favorable à la
7 régionalisation, alors que le SDA était absolument contre cette
8 régionalisation. Quand je dis que le HDZ était favorable à la
9 régionalisation, je précise qu'il l'a été lorsqu'il s'agissait d'intérêts
10 de la population croate et, dans certains cas, ils l'ont fait. Lorsque cela
11 concernait la partie serbe et ce que les Serbes avaient fait, le HDZ, lui,
12 se solidarisait avec le SDA pour être contre cette régionalisation.
13 Q. Monsieur Krajisnik, si je puis commenter, ceci est un sujet
14 potentiellement complexe, alors je vous convierais à coller le plus
15 possible à mes questions pour procéder au pas à pas.
16 Quand vous parlez des divergences d'approche entre le SDA et le HDZ, vous
17 dites que la différence n'a pas été apparente. Ce n'est pas que je sois en
18 train de vous contre-interroger, Monsieur Krajisnik, mais tout d'abord,
19 vous dites qu'il y a une divergence apparente et vous dites que le HDZ
20 était favorable à la régionalisation, alors que le SDA est absolument
21 contre. Alors ce deuxième commentaire me semble être assez différent entre
22 celui que vous avez fait en disant qu'il n'y avait pas de divergence
23 apparente. Est-ce que vous pourriez éclairer notre lanterne à ce sujet ? Ce
24 que je veux dire, c'est que partant de votre réponse, il a découlé qu'il y
25 avait une différence très nette entre ce que défendait le SDA et ce que
26 défendait le HDZ.
27 R. Au Parlement de la Bosnie-Herzégovine, il y avait à l'ordre du jour,
28 pour l'essentiel, la régionalisation qui a été réalisée par les Serbes. Là,
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1 le HDZ et le SDA se sont solidarisés pour être contre ce type de
2 régionalisation. Lorsque tout à l'heure j'expliquais en parlant en général
3 de la régionalisation et de l'approche qu'avaient les différentes parties,
4 j'ai dit que le SDA était absolument contre; le HDZ, lui, était favorable
5 lorsque cette régionalisation concernant, par exemple, l'Herzégovine
6 occidentale. Il y a une chose qui se passait au niveau du Parlement, et il
7 y a autre chose qui s'est traduit par les gestes politiques ou une décision
8 politique dont nous avons eu vent. Quand j'en ai parlé, je n'ai parlé que
9 de ce qui s'est produit au niveau du Parlement.
10 Q. Monsieur Krajisnik, commençons par une description avec le moins de
11 mots possible. Quelle a été, en substance, la politique du SDS concernant
12 la régionalisation à ce moment précis ?
13 R. Le SDS, si tant est que vous avez effectivement du SDS.
14 Q. Oui. J'espère avoir dit SDS. J'avais le SDS à l'esprit de toute façon,
15 Monsieur Krajisnik.
16 R. Le SDS a mis à profit la possibilité constitutionnelle. Il avait de
17 remettre sur le tapis la question de la régionalisation qui avait été mise
18 sur le tapis même avant les élections pluripartites. Sur le plan juridique,
19 cela tenait debout, mais sur le plan politique, cela a été une riposte aux
20 violations de la constitution faites par les deux autres parties pour ce
21 qui est, par exemple, de la déclaration du mois de février 1991, lorsque
22 cela a été mis sur le tapis et lorsqu'il s'il s'agissait de décider de
23 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. J'espère maintenant avoir été
24 clair.
25 Q. Donc, Monsieur Krajisnik, mettons pour le moment de côté le fait si
26 cela avait été une réponse ou la raison pour laquelle ceci a été adopté en
27 guise de réaction. Quelles ont été, en substance, en termes de
28 régionalisation, les politiques ou la politique pratique du SDS ?
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1 R. Le SDS, mis à part la toute première des réponses qu'il avait ou de la
2 toute première réaction qu'il avait apportée, avait souhaité une
3 régionalisation des municipalités. Il avait donc été favorable à la
4 régionalisation parce que bon nombre de régions s'étaient vues délaisser,
5 parce que le centre de Sarajevo, la ville de Sarajevo a en quelque sorte
6 été privilégiée. Pour permettre un développement polycentrique de la
7 Bosnie-Herzégovine, nous avons - quand je dis "nous", je pense au SDS -
8 nous avons défendu le modèle de régionalisation de la Bosnie-Herzégovine
9 suivant l'exemple de la Suisse.
10 Q. Lorsque vous dites que le SDS avait souhaité régionaliser les
11 municipalités, dites-nous ce que le SDS avait souhaité faire au niveau des
12 municipalités, aux fins de mettre en œuvre cette régionalisation ?
13 R. Il s'agissait de procéder conformément à la constitution. Chaque
14 municipalité, de son plein gré, devait se prononcer sur le fait de savoir,
15 si oui ou non, elle voulait faire partie de telle ou telle autre région, et
16 si tant est qu'une initiative de ce faire existait. C'est ce qui se
17 produisait dans la pratique. Il s'agissait donc de ne faire que ce que la
18 constitution prévoyait, à savoir que les municipalités se prononcent sur
19 leur intérêt et de quelle façon elles procèderaient à leur intégration dans
20 telle ou telle autre région.
21 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que dans vos réponses, vous essayiez de
22 nous fournir les détails concrets au pas à pas. Vous venez de dire que
23 chaque municipalité était censée se prononcer sur sa volonté, alors quel
24 aurait été le mécanisme partant duquel les municipalités étaient censées se
25 prononcer ? Quelle est l'instance qui était supposée le faire ? Comment
26 cela devait-il être fait ?
27 R. La constitution a constitué le fondement de la régionalisation, la
28 constitution qui était en vigueur en Bosnie-Herzégovine. En vertu de cette
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1 constitution dans le socialisme, c'était quelque chose de diriger, et nous
2 avions, nous, proposé que cela se fasse en quelque sorte suivant une façon
3 coordonnée et concertée. Les représentants des municipalités étaient censés
4 se réunir, exprimer leurs intérêts, et chaque municipalité dans son propre
5 milieu, à savoir, au niveau de son assemblée, devait lancer une initiative
6 pour la réalisation de cette idée. Nous avons donc voulu renouveler les
7 régions parce que ces régions avaient déjà existé auparavant, donc avant
8 les élections pluripartites, comme je viens de vous l'expliquer.
9 Q. Donc ces représentants des différentes municipalités étaient censés
10 coordonner leurs activités et négocier de la chose entre eux. Est-ce que
11 vous êtes en train de parler maintenant des Serbes seulement ou alors des
12 Serbes et des représentants des autres groupes ethniques ?
13 R. Je ne parle pas seulement des Serbes, parce que dans chaque
14 municipalité, il y a des groupes ethniques différents. Je dirais donc qu'il
15 y avait aussi des Croates et des Musulmans. Je parle ici de municipalités
16 qui sont frontalières parce qu'on ne peut pas relier à une région une
17 municipalité qui est territorialement éloignée. Nous avions envisagé la
18 création de régions qui constitueraient des entités, et chaque municipalité
19 qui s'appuyait sur une région provisoirement constituée avait la
20 possibilité de se prononcer pour faire partie de cette région à l'avenir.
21 C'est ce qui a été décidé et rendu pratique par le biais de référendum.
22 Q. Est-ce que l'intention a été, Monsieur Krajisnik, qu'en fin de compte,
23 ces régions politiquement sous la conduite des Serbes soient distinctes des
24 régions qui avaient une direction politique avec des Musulmans ou des
25 Croates à leur tête ?
26 R. Lorsqu'il s'agit de régionalisation, il est certain qu'à l'époque, il
27 n'a pas été question du tout de regrouper les municipalités à majorité
28 serbe, par exemple. Cela n'est certainement pas le cas. Nous avons pour
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1 preuve la déclaration du président de la Région autonome de la Krajina qui
2 avait convié d'autres municipalités à se joindre à la région, municipalités
3 où il y avait majorité d'une population musulmane.
4 Q. Par conséquent, lorsque vous parlez de municipalités censées se
5 prononcer sur leur volonté, cela signifiait que l'assemblée municipale de
6 chaque municipalité était censée décider sur la question et déclarer sa
7 volonté de s'adjoindre à telle ou telle autre région; est-ce exact ?
8 R. Vous avez tout à fait raison, et c'est ce qui s'est passé jusqu'au
9 début des conflits.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, puis-je vous demander
11 --
12 M. STEWART : [interprétation] Oui, bien sûr.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- une clarification.
14 M. STEWART : [interprétation] Oui, bien sûr.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Krajisnik mentionne, et je peux le
16 lire, le fait que les municipalités avaient la possibilité de se prononcer
17 par le biais de référendum. J'ai certaines difficultés concernant
18 l'expression de cette volonté. Est-ce que cela se faisait par décision de
19 l'assemblée municipale ou par référendum ? Cela demeure assez flou.
20 M. STEWART : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.
21 Q. Monsieur Krajisnik, lorsque vous avez fait référence au référendum,
22 est-ce que vous le dites en ayant à l'esprit la tenue d'un référendum au
23 sein de la municipalité avant de prendre -- non, plutôt, je vais
24 reformuler.
25 Est-ce que cela se passait partant d'une expectative concernant la
26 tenue d'un référendum au niveau de la municipalité avant qu'une décision ne
27 soit prise ?
28 R. Je ne me souviens pas avoir mentionné le mot de référendum.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être y a-t-il eu une difficulté au
2 niveau de l'interprétation. Mais nous pourrions le vérifier à la pause qui
3 vient.
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vais peut-être poser la question à M.
5 Krajisnik pour voir s'il est d'accord avec ce que je vais dire.
6 Q. Monsieur Krajisnik, si on lit le compte rendu d'audience en anglais, il
7 y a quelques minutes, vous dites qu'il ne serait être créées de
8 municipalités ou de régions avec des municipalités territorialement
9 éloignées les unes des autres. Ensuite vous dites, je me réfère au compte
10 rendu, vous dites que les municipalités qui étaient territorialement
11 proches les unes des autres avaient la possibilité de se prononcer au
12 référendum pour créer des régions. C'est ce qui a été fait dans la
13 pratique.
14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise font savoir par le
15 biais du compte rendu d'audience qu'il y a eu un malentendu au niveau de
16 l'interprétation par les soins des interprètes, puisque M. Krajisnik avait
17 parlé de se prononcer ou de "déclarer leur volonté".
18 M. STEWART : [interprétation]
19 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez entendu ce que les interprètes ont dit ?
20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise, toujours, précisent
21 qu'il y a eu un malentendu au niveau de l'interprétation dans les propos de
22 M. Krajisnik lorsqu'il a parlé de la volonté sur laquelle devait se
23 prononcer la population en traduisant par référendum.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, les choses sont claires,
25 maintenant.
26 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup, merci beaucoup.
27 Alors peut-être pourriez-vous tirer au clair au sujet de ce que M.
28 Krajisnik a dit ?
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1 Je voudrais m'adresser aux interprètes pour savoir ce que
2 M. Krajisnik a dit à ce moment-là.
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise et celui de la
4 cabine française précisent qu'ils n'ont fait que rajouter le mot de
5 "référendum" puisqu'il s'agissait de se déclarer, de se prononcer eux-
6 mêmes.
7 M. STEWART : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
9 M. STEWART : [aucune interprétation]
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, justement. Je ne me souviens pas du
11 tout avoir utilisé le mot de "référendum".
12 M. STEWART : [interprétation]
13 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez, je pense, absolument raison. Là, il y a
14 eu juste un malentendu.
15 Nous allons donc résumer. C'est aux assemblées municipales qu'il
16 appartenait de prendre cette décision, n'est-ce pas ? Une fois que les
17 municipalités s'étaient prononcées sur leur volonté selon laquelle elles
18 voulaient rejoindre une région, il y en avait sans doute plus d'une, sinon
19 on n'a pas de région, bien sûr. Une fois que ces municipalités avaient
20 déclaré leur volonté, qu'elles avaient dit pourquoi elles voulaient
21 rejoindre une région, quelles étaient les attentes du SDS, en ce qui
22 concerne comment cette région serait gouvernée ?
23 R. Les municipalités prenaient leur décision, celle-là comme les autres,
24 c'est-à-dire lors des sessions de l'assemblée. Etant donné que je suis sous
25 serment et que je dois absolument dire la vérité, je tiens à dire que le
26 SDS n'avait pris qu'une mesure politique en réplique à ce que demandait
27 l'autre côté, pour que la crise en Bosnie-Herzégovine soit résolue par le
28 biais d'un accord plutôt que par le biais d'une solution imposée. Parce que
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1 les régions devaient absolument être fondées sur des accords, des accords
2 des trois côtés, alors qu'ici, bien sûr, il n'y avait absolument pas
3 d'accord en ce qui concerne les régions entre les trois partis.
4 Donc il s'agissait d'une réponse politique à la prise de décision
5 prise par les deux autres côtés. C'était un signal comme quoi il fallait
6 avoir un accord à la fois sur les régions et un accord pour trouver une
7 solution, aussi, pour toute la Bosnie-Herzégovine.
8 Q. Monsieur Krajisnik, on va d'abord en rester à la première question que
9 je vous ai posée. Imaginons qu'on ait, dans une situation, imaginons qu'on
10 ait au moins quelques municipalités qui se sont prononcées, comme vous
11 l'avez dit, de la façon dont vous nous avez parlé, prononcées sur leur
12 volonté de rejoindre une région bien spécifique. Dans ce cas-là, que
13 voulait le SDS eu égard au gouvernement de cette région ? Au-dessus du
14 niveau des municipalités, donc au niveau supérieur, quel allait être le
15 gouvernement de cette région ?
16 R. [aucune interprétation]
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit qu'il y a eu une interprétation de la part
18 de la cabine anglaise.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il faudrait que vous reformuliez
20 votre question.
21 Monsieur Stewart, nous allons reprendre.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui.
23 Q. Monsieur Krajisnik, pouvez-vous, s'il vous plaît, juste parler dans
24 votre langue pour que l'on voie si l'interprétation fonctionne depuis la
25 cabine anglaise ?
26 R. Bien, je peux dire que je vous entends tous très bien.
27 Q. Merci, Monsieur Krajisnik.
28 Je reformule la question. Imaginons la situation suivante : on a
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1 quelques municipalités qui se sont prononcées par le biais de ce que vous
2 nous avez expliqué, qui se sont prononcées sur leur désir de rejoindre une
3 région bien spécifique. Quelle est l'attente du SDS au niveau du
4 gouvernement de cette région ? Je ne parle pas au niveau de la
5 municipalité, mais au niveau supérieur.
6 R. Bien. Tout simplement, je ne dis pas que c'est ce que le SDS voulait,
7 mais je vous donne la position du SDS. Ce n'est pas son but, mais c'est sa
8 position. Ces régions devaient fonctionner exactement comme ce qui avait
9 été envisagé dans la constitution de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire,
10 les municipalités pouvaient transférer un certain nombre de leurs pouvoirs
11 à la région, et ces pouvoirs étaient traités à l'assemblée de la région ou
12 au conseil exécutif de la région. Je ne me souviens plus très bien quel
13 était le libellé exact de cet organe dans la constitution, mais cet organe
14 prendrait les décisions qui, ensuite, redescendraient vers les
15 municipalités qui, donc, formaient un tout.
16 Q. Vous avez légèrement abordé la position du HDZ. A l'époque, comment le
17 HDZ exprimait-il sa position à cet égard, sur ce processus ? Est-ce qu'ils
18 disaient qu'ils étaient plutôt en faveur ou plutôt opposés en règle
19 générale ? Quelle était leur ligne politique à cet égard ?
20 R. Si je me souviens bien, le HDZ était assez silencieux. Il n'exprimait
21 pas publiquement son opinion sur la régionalisation, mais tacitement en
22 revanche, au sein de l'assemblée, quand il y avait des décisions à prendre
23 sur la régionalisation, ils étaient solidaires du SDS, activement.
24 Q. Vous dites que le SDA en revanche était opposé à la régionalisation.
25 Publiquement, est-ce qu'ils exprimaient leur opposition à cette
26 régionalisation, est-ce qu'ils donnaient des raisons pour cette
27 opposition ?
28 R. Oui.
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1 Q. Quelles étaient les raisons qu'ils donnaient ?
2 R. Le SDA interprétait la régionalisation comme étant l'effondrement de la
3 Bosnie-Herzégovine. Ils voulaient une Bosnie-Herzégovine unie, ferme,
4 souveraine.
5 Q. Pour clarifier les choses, voulaient-ils une Bosnie-Herzégovine
6 souveraine qui ferait partie d'une Yougoslavie plus étendue ou voulaient-
7 ils une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante ?
8 R. Il y a différentes étapes à laquelle -- en fait, leur position a
9 changé, a évolué.
10 Lors de la campagne électorale, ils voulaient une Bosnie au sein de
11 la Yougoslavie. Cela, c'était lors de la première phase après les élections
12 multipartites, ensuite ils voulaient qu'elle soit réformée. Ensuite, ils
13 voulaient une Bosnie-Herzégovine autonome mais toujours au sein de la
14 Yougoslavie quand l'accord historique a été atteint, et ensuite ils
15 voulaient une Bosnie-Herzégovine qui serait en dehors de la Yougoslavie.
16 Cela, c'est la dernière étape et c'était à partir d'octobre 1991 jusqu'au
17 début du conflit armé.
18 Q. Nous, nous nous référons à l'époque de mai 1991. A votre connaissance,
19 et là je vous parle vraiment de ce que vous vous pensez. Je ne parle pas du
20 SDS ou de tout autre groupe mais je veux savoir ce que, vous, vous
21 compreniez à l'époque. A l'époque, vous compreniez que le SDA voulait que
22 la Bosnie-Herzégovine continue à exister mais au sein d'une Yougoslavie
23 plus étendue, d'une grande Yougoslavie ?
24 R. J'ai du mal à définir quelle était la position du SDA. Mais à cette
25 période, il y avait débat à propos d'une déclaration, déclaration à propos
26 d'une Bosnie-Herzégovine souveraine qui était discutée à la commission sur
27 la constitution et discutée aussi dans le cadre d'autres organes. On
28 pensait qu'on pourrait avoir un accord qui signifierait encore une
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1 troisième solution. A l'époque, le SDA n'était pas vraiment fermement en
2 faveur d'une Bosnie-Herzégovine autonome et indépendante, mais dans tous
3 les débats qui avaient lieu, ce modèle était promu et favorisé puisqu'ils
4 voulaient que la déclaration soit adoptée.
5 Q. Monsieur Krajisnik, dans vos réponses que vous avez données ce matin,
6 vous nous avez indiqué que la politique de régionalisation du SDS venait en
7 réponse. C'est ainsi que vous nous l'avez présentée. Vous dites, en réponse
8 aux politiques et aux lignes politiques des deux autres camps. C'est bien
9 cela ? C'est bien ce que vous avez dit ?
10 R. Oui, tout à fait. A partir de mars jusqu'en mai. Cela s'applique de
11 mars à mai. Il s'agissait de la ligne politique de l'époque. Mais quand le
12 SDS voulait que l'on présente une recommandation à l'assemblée de Bosnie-
13 Herzégovine pour arrêter la régionalisation jusqu'à ce qu'on trouve une
14 solution politique à la Bosnie-Herzégovine, et ce, bien sûr, pendant les
15 négociations.
16 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous avez dit que la régionalisation était une
17 réponse mais si c'était une réponse, quel était le problème qui était
18 posé ? Je reprends. D'après vous, quels étaient les aspects négatifs que le
19 SDS voyait aux solutions des autres parties, les aspects négatifs qui
20 auraient été annulés par la régionalisation ?
21 R. En février 1991, le SDA a proposé cette déclaration à l'assemblée. Il y
22 avait 20 signataires. C'étaient des signataires venant du SDS, députés du
23 SDS, donc c'est passé au conseil. Les discussions ont eu lieu et la
24 position du SDA s'est éclaircie. On a trouvé la solution de la
25 régionalisation principalement après une déclaration de M. Izetbegovic,
26 assez involontaire d'ailleurs, qui, lors d'une réunion à Split, une réunion
27 des présidents des républiques, a dit que la déclaration serait adoptée que
28 le SDS soit d'accord ou pas. Ensuite, tout a été mis en branle. Il a fallu
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1 trouver cette réponse politique à la régionalisation. Il y a bien un
2 document qui comporte cette déclaration faite par M. Izetbegovic. Il y a
3 des articles de journaux qui relatent ce qu'il a dit après la réunion de
4 Split.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, j'aimerais que l'on
6 clarifie une chose. A la page 5, ligne 20, je vais le lire.
7 Monsieur Krajisnik, voici la traduction que nous avons reçue et je ne
8 sais pas vraiment si c'est ce que vous avez dit ou si vous avez fait un
9 lapsus ou quoi ? Vous avez dit la chose suivante, je cite : "Néanmoins,
10 politiquement", pour parler de régionalisation, "c'était une réponse sur la
11 violation de la constitution par les deux parties, eu égard au fait qu'ils
12 avaient mis la déclaration d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine à
13 l'ordre du jour de la réunion de l'assemblée en février 1992." Maintenant,
14 vous faites référence toujours à 1991 quand on parle de régionalisation,
15 régionalisation en tant que réponse à un problème. Vous vous êtes trompé ?
16 Vous avez voulu dire, février 1992 ou vous vouliez dire février 1991 ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en 1991, 1991. J'ai peut-être fait un
18 lapsus, mais je voulais en tout cas parler de 1991.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je voulais le clarifier.
20 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 J'aurais dû sans doute réparer cette erreur lorsqu'elle est arrivée.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. De toute façon, je m'étais posé la
23 question et puisque vous venez d'en parler, j'ai trouvé qu'il valait mieux
24 demander une clarification tout de suite.
25 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Q. Monsieur Krajisnik, maintenant, voyons un petit peu, on regardera les
27 documents s'il le faut, mais bon. Pour ce qui est de cette déclaration de
28 M. Izetbegovic, pouvez-vous nous la résumer, nous en dire l'essentiel ?
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1 R. L'essentiel de cette déclaration de M. Izetbegovic quand il a parlé un
2 peu imprudemment, il a dit que la procédure de l'assemblée existait, que la
3 déclaration était là, faisait partie de la procédure de l'assemblée et
4 qu'elle serait adoptée, que le SDS soit d'accord ou pas. C'est un signal
5 pour dire que tous les débats qu'on avait eus avec les représentants des
6 autres camps au sein de la procédure adoptée par l'assemblée, là, on a vu
7 que leur position était très claire. Ils voulaient que la déclaration
8 passe. Ils voulaient une Bosnie-Herzégovine indépendante. Cela a déclenché
9 l'alarme, si je puis dire. Cela a déclenché l'alerte. On s'est rendu compte
10 qu'on était en train de débattre en vain, puisque de toute façon leur
11 position était claire.
12 J'essaie d'être bref et concis, et mes réponses ne sont peut-être pas
13 très claires. Je pourrais, bien sûr, étoffer mes réponses. Mais j'aimerais
14 bien que mon conseil me dirige, comme cela je pourrais répondre de façon
15 plus brève aux questions. Les questions peuvent-elles être posées de cette
16 façon, ensuite je pourrai répondre de façon concise.
17 Q. Excellente idée. On va procéder de la sorte. Je vais vous diriger.
18 Monsieur Krajisnik, le point essentiel de la déclaration, de cette
19 déclaration de M. Izetbegovic, cela fait des années qu'on en parle, mais
20 vous nous montrez que tout est très simple finalement. Alors, pourquoi --
21 reprenons la question, pourquoi est-ce que cette déclaration faite par M.
22 Izetbegovic a rendu indispensable l'adoption de différentes mesures par le
23 SDS et par les Serbes pour trouver une réponse ?
24 R. Bien, lors de l'assemblée en 1991, donc en février 1991, M. Izetbegovic
25 a encore fait une déclaration qui était encore un peu imprudente et où il a
26 dit qu'il était prêt à sacrifier la paix pour obtenir une Bosnie-
27 Herzégovine souveraine. Ce qui montrait bien évidemment qu'elles étaient
28 les positions et les intentions des deux autres camps.
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1 Encore autre chose. Un mois avant, en janvier 1991 à l'assemblée de
2 Bosnie-Herzégovine, M. Izetbegovic est venu pour expliquer son programme,
3 son programme qu'il portait au nom de la Bosnie-Herzégovine avec les autres
4 présidents des autres républiques, et il a dit : Je veux une Bosnie au sein
5 de la Yougoslavie, bien sûr, d'une Yougoslavie réformée. Il a été applaudi
6 par toutes les personnes présentes et le public était assez soulagé
7 d'ailleurs. Mais un mois plus tard, ce même camp et ce même homme a fait
8 une déclaration complètement différente qui a, bien sûr, provoqué une
9 réaction, réaction dont je vous ai parlé. Là, le SDS a dû trouver une
10 réponse politique à cette nouvelle déclaration.
11 Q. Bien, Monsieur Krajisnik -- mais je vais parler un peu à tout le monde
12 ici. Pendant toute cette période de référence, la période de référence de
13 notre affaire, il s'agit de 1991, début 1992, par moments, n'est-ce pas, il
14 y avait des fluctuations abruptes dans le message passé par le SDA eu égard
15 à l'indépendance de la Bosnie, la position évoluait et fluctuait de façon
16 abrupte ?
17 R. Oui.
18 Q. J'espère que je ne suis pas trop directif ici, mais je vais poser ma
19 question. Une fois que le SDA, à un moment, s'est prononcé ouvertement pour
20 l'indépendance, quand il y avait des retours en arrière, parfois pour dire
21 que finalement qu'ils allaient revenir sur leur décision de demander
22 l'indépendance, ces retours en arrière n'étaient pas convaincants, ils ne
23 convoquaient pas les Serbes de Bosnie; c'est bien vrai ?
24 R. La réponse, c'est à la fois oui et non.
25 Q. Donnez-nous la réponse positive et ensuite on aura la réponse négative.
26 R. Etant donné qu'il s'agissait de temps très difficiles, même une petite
27 déclaration qui était vaguement positive devenait majeure et pouvait faire
28 évoluer la situation. Si on allumait un petit témoin qui semblait aller
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1 dans le bon sens -- enfin si le SDA faisait cela, il y avait un peu une
2 relaxation de la situation. Or, si on est dans l'autre sens, la réaction
3 était différente, comme si cela ne s'était jamais fait.
4 La situation était très complexe, il faut bien comprendre. Je pense qu'on
5 ne peut pas vraiment le comprendre si on ne l'a pas vécu parce que c'est
6 très dynamique. Même moi, d'ailleurs, je ne me souviens pas vraiment de
7 tous les détails puisque cela changeait.
8 Si je puis -- quand je vous parle du SDA, j'aimerais rajouter une chose
9 quand même sur le SDA.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela fait partie de votre réponse, tout
11 dépend de M. Stewart, il vous dira si vous pouvez ou ne pouvez pas
12 continuer.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, je vous parle comme si j'accusais M.
14 Izetbegovic et le SDA. Mais le moteur qui poussait le SDA était le HDZ, en
15 tout cas, cela c'est mon opinion personnelle, si le SDA avait poursuivi sa
16 politique et n'avait pas été plus ou moins manipulé, ils auraient pris des
17 mesures plus raisonnables. Je connais M. Izetbegovic et je sais qu'il
18 voulait obtenir quelque chose et qu'il y avait des pressions qui venaient
19 de l'autre camp aussi. Mais je ne voudrais pas ici vous cacher quoi que ce
20 soit, c'est pour cela que je vous dis tout ce que je pense.
21 M. STEWART : [interprétation]
22 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous avez donné le côté positif de la réponse
23 puisque quand j'avais posé une question, vous avez dit que la réponse était
24 oui et non. Vous nous avez donné la question positive. Je vous reformule la
25 question, en vous disant quand tout à coup il y avait des retours en
26 arrière de la part du SDA, où le SDA semblait revenir en arrière sur sa
27 volonté d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, est-ce qu'il y avait
28 relaxation à ce moment-là de la situation au niveau du SDS ? Quelle est
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1 votre réponse négative là-dessus ? Puisque visiblement vous semblez dire
2 que parfois ces retours en arrière du SDA n'arrivaient pas vraiment à
3 convaincre le SDS. Pouvez-vous nous expliciter cela maintenant ?
4 R. Quand un peuple, quand une nation est dans une situation difficile, il
5 y a énormément de désinformation. S'il y a une déclaration positive qui
6 avait été faite par le SDA, on avait l'impression un peu que c'est
7 quelqu'un qui joue sur les deux tableaux. Il y a des gens qui disent : Non,
8 ils jouent sur les deux tableaux, c'est tout. Il y a des gens qui sont
9 sceptiques et il y en a d'autres qui croient à la désinformation. Certains
10 pensent qu'il ne dit cela que pour la ligne politique, et cetera. C'est
11 pour cela que ma réponse est à la fois négative et positive.
12 Q. Donc, Monsieur Krajisnik, pour ce qui est du SDS qui était préoccupé et
13 inquiet parce qu'il pensait que le SDA voulait uniquement l'indépendance,
14 mais vous nous dites cela, pourquoi est-ce que cette politique
15 d'indépendance poursuivie par le SDA -- en quoi serait-elle un problème
16 pour le SDS ?
17 R. Vous savez, nous craignions tous un début de guerre. Nous craignions
18 les conflits. Chez nous, nous avons une tradition. Chaque homme né en
19 Bosnie savait très bien que s'il y avait trois partis qui n'étaient pas
20 d'accord, les choses n'allaient pas bien se présenter. C'est la raison pour
21 laquelle le SDA était le représentant d'un peuple le plus nombreux,
22 majoritaire, et si eux ne sont pas d'accord avec quelque chose, à ce
23 moment-là, l'avenir ne se présentait pas bien. Nous étions inquiets non pas
24 à cause du vote, mais surtout parce que nous avions peur que les choses se
25 déroulent de façon non contrôlée. Nous avions donc peur que si le SDA était
26 contre, si cela avait été un parti mineur qui n'avait pas de soutien du
27 peuple musulman, à ce moment-là, nous n'aurions pas été inquiets, mais s'il
28 s'agit du SDS ou du SDA, à ce moment-là, le poids est assez lourd.
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1 Q. Monsieur Krajisnik, justement, la raison pour laquelle je vous pose ces
2 questions, c'est que je voulais m'assurer que l'on comprenne très bien
3 qu'il existe une distinction claire entre les deux éléments.
4 Si par exemple d'un côté, vous avez un peuple qui souhaite
5 l'indépendance et que de l'autre côté, il y a une autre notion -- donc
6 laissons de côté le fait que dans votre cas à vous, il y avait trois
7 nations. Vous avez un peuple qui souhaite l'indépendance et l'autre peuple
8 qui ne souhaite pas l'indépendance, et il est possible de comprendre qu'une
9 guerre civile pouvait éclater. Cela est clair, n'est-ce pas ? Vous
10 comprenez ce que je veux dire par là ?
11 R. Je peux vous dire que c'était tout à fait clair. Tout un chacun en
12 Bosnie-Herzégovine avait très bien compris la situation.
13 Q. Mais, en fait, ma question initiale était à vous demander de prendre un
14 pas en arrière, Monsieur Krajisnik, et de nous dire quelle est la raison
15 pour laquelle l'idée d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, cette idée en
16 soi, pourquoi est-ce que c'est une idée inacceptable pour les Serbes, qui
17 se sont si largement opposés à cette idée ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
18 R. Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, tout d'un coup, quelqu'un
19 avait annulé l'existence d'un pays. Nous avions la Yougoslavie.
20 Deuxièmement, l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine était contre la
21 constitution; la constitution voulait que la Bosnie reste au sein d'une
22 Yougoslavie, et nous n'avions pas fait de compromis. Les trois nations
23 n'avaient pas fait de compromis. Le parti adverse, je parle de la coalition
24 du SDA et du HDZ, souhaitait que la Bosnie-Herzégovine sorte de la
25 Yougoslavie sans se plier à la constitution, sans respecter la
26 constitution, et c'est la raison pour laquelle nous avions cette peur. Si
27 c'était une procédure, par exemple, légale, un changement de constitution,
28 nous nous serions senti à l'aise et nous aurions fait des compromis, mais
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1 ce n'était pas le cas, et les choses se sont résolues quelque peu lorsque
2 la communauté internationale s'est impliquée. C'est à ce moment-là que la
3 constitution a pu changer.
4 Q. Monsieur Krajisnik, vivre en Bosnie-Herzégovine, dans une Bosnie-
5 Herzégovine indépendante avant la régionalisation, c'était quelque chose
6 qui avait été accepté par les Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?
7 R. Je vais vous donner une opinion personnelle, et je crois que cette
8 opinion est partagée par un très grand nombre de Serbes. Permettez-moi
9 d'abord de vous dire que le côté musulman avait déclaré qu'il ne souhaitait
10 plus rester au sein d'une Yougoslavie. Ils avaient dit : Nous avons peur de
11 rester ensemble avec les Serbes en tant que minorité. Les Serbes ont eu la
12 réaction suivante : Si vous avez peur de rester - puisque, effectivement,
13 nous étions une majorité et puisque nous sommes une majorité en
14 Yougoslavie, mais pas en Bosnie - alors les Serbes disaient : Pourquoi est-
15 ce que nous pouvons vous faire confiance ? Comment pouvons-nous rester
16 ensemble avec vous en tant que minorité, puisqu'une constitution existe et
17 que vous souhaitez agir de façon inconstitutionnelle ? Qu'est-ce qui se
18 passerait si nous étions enfermés avec vous dans une Bosnie-Herzégovine
19 fermée ?
20 L'autre partie qui était présente disait qu'ils estimaient que la
21 Yougoslavie était la meilleure solution, que tous les peuples - et je parle
22 maintenant des problèmes que les trois peuples avaient, les Serbes, les
23 Musulmans et les Croates - que nous devions rester ensemble dans une
24 Yougoslavie unie. Lorsque je m'entretenais avec les Serbes, les Serbes
25 parlaient d'un Etat sans frontière, et c'est ce que nous voulions. Nous
26 voulions rester au sein d'un même pays avec les autres Serbes, mais nous
27 voulions que les Musulmans et les Croates restent au sein de cette même
28 Yougoslavie. Je ne sais pas quelle a été notre approche -- enfin, voici
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1 notre approche. Ceci a été notre approche. C'est ce que nous voulions et
2 souhaitions.
3 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce qu'il est exact de dire que - et encore une
4 fois, nous parlons maintenant ici du SDS - est-ce que l'on peut dire que,
5 si vous aviez tout à fait confiance et vous étiez sûr que la Bosnie-
6 Herzégovine pouvait rester au sein de la Yougoslavie, que la
7 régionalisation n'aurait pas été nécessaire du point de vue du SDS ?
8 R. Nous estimions -- vous savez, j'emploie très souvent "nous". Lorsque je
9 dis "nous", je ne pense pas au SDS, mais au lieu de parler à la première
10 personne du singulier, j'emploie le pluriel, donc je dis "nous" lorsque je
11 parle de moi-même. Nous estimions qu'il fallait refaire la Yougoslavie et
12 la Bosnie-Herzégovine.
13 Mais, pour répondre à votre question, cette régionalisation qui était
14 contestée pour l'appeler ainsi, nous pensions la chose suivante : si la
15 Bosnie était restée en Yougoslavie, automatiquement cette Bosnie aurait été
16 éliminée, et c'était d'ailleurs prévu par un accord qui existait déjà entre
17 les Serbes et les Musulmans. Je suis vraiment désolé d'employer ce mot,
18 "Musulmans". Je ne veux pas dénigrer les Bosniens, mais je considère ce
19 peuple comme des Musulmans, et c'est avec beaucoup de respect que j'emploie
20 ce terme, c'est ainsi que je les ai toujours appelés. C'est la raison pour
21 laquelle je parle de "Musulmans."
22 Q. Vous avez mentionné, Monsieur Krajisnik, que cette tendance vers la
23 régionalisation, telle que vue par le SDA, représentait un démantèlement de
24 la Bosnie-Herzégovine ou allait mener nécessairement au démantèlement d'une
25 Bosnie-Herzégovine. Est-ce que le SDS avait perçu la régionalisation comme
26 le démantèlement d'une Bosnie-Herzégovine ?
27 R. Je souhaiterais répondre en vous donnant un supplément d'information.
28 Le SDS n'estimait pas qu'il s'agirait d'un démantèlement de la Bosnie-
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1 Herzégovine, et ce n'était pas le cas. Cela n'aurait pas pu être le cas non
2 plus. On n'aurait pas pu démanteler la Bosnie-Herzégovine. Le SDA n'avait
3 pas raison. Voilà maintenant un ajout, un complément d'informations, avec
4 votre permission. Le SDA, en s'agissant d'une Bosnie-Herzégovine non
5 régionalisée, régnait, ou plutôt, avait le pouvoir sur un très grand nombre
6 de municipalités où il y avait un très nombre de Serbes. Ils souhaitaient
7 dominer. Ils souhaitaient être les dominateurs. Pour eux, la
8 régionalisation voulait dire se séparer de Sarajevo, se séparer du pouvoir
9 central pour distribuer le pouvoir sur les municipalités. Donc, le SDA
10 avait l'intention d'être le parti majoritaire, puisqu'il était constitué
11 d'une majorité et d'un peuple majoritaire, et que, s'il n'y avait pas de
12 divisions, ils pouvaient régner mieux. Donc, ne pas diviser pour régner.
13 Lorsque je parle du mot "régner" en Bosnie, cela veut dire imposer son
14 pouvoir au niveau républicain en Bosnie-Herzégovine et imposer son pouvoir
15 dans les municipalités.
16 Q. Est-ce que c'était une politique du SDS de dire que si une coopération
17 pouvait être faite avec les autres partis en faisant partie de ce processus
18 de régionalisation, est-ce qu'on aurait pu dire que certaines régions
19 auraient été, à ce moment-là, placées sous le contrôle des Musulmans, par
20 exemple, ou dans d'autres parties du pays sous le contrôle des Croates ?
21 R. Pardon, je suis désolé. Je n'ai pas très bien saisi votre question.
22 Q. Est-ce que selon la politique du SDS, on disait qu'avec le processus de
23 la régionalisation, cela voudrait dire que certaines régions auraient été
24 placées sous le contrôle des Musulmans ?
25 R. Absolument. Oui, tout à fait. Nous n'étions pas contre une
26 régionalisation de la Bosnie-Herzégovine.
27 Q. Donc certaines régions avaient été placées sous le contrôle des
28 Croates ?
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1 R. Tout à fait, oui.
2 Q. Est-ce qu'une telle politique demandait ou préconisait un mouvement de
3 population ? Est-ce que cela aurait été une conséquence de l'application de
4 cette politique ?
5 R. Absolument pas. Vous pouvez d'ailleurs le voir dans un procès-verbal où
6 j'ai fait cette déclaration, justement. Personne n'aurait pas été
7 délocalisé. Il y aurait eu une minorité dans une région et il y aurait eu
8 une autre minorité dans une autre région, et il y aurait eu une
9 réciprocité. Nous étions pour les libertés nationales, beaucoup plus que
10 les socialistes. Personne ne parlait de délocalisation de la population. Je
11 n'ai jamais entendu de tels propos, ou tout du moins, pas avant la guerre.
12 Q. Monsieur Krajisnik, nous avons commencé ici votre déposition avec
13 l'interview que vous avez accordée au Club 1991 et l'émission télévisée, et
14 nous avons parlé d'une session du gouvernement qui avait été tenue pendant
15 deux jours. Quel aurait été le résultat de cette session du gouvernement ?
16 Quelle est la décision qui a été prise ?
17 R. Le gouvernement a pris une décision qui était contraire à la décision
18 prise par l'assemblée relative à la régionalisation, c'est-à-dire que la
19 décision a été négative pour une régionalisation. En fait, l'assemblée a
20 pris une décision contre cela, donc c'était négatif relativement à la
21 régionalisation, mais c'était obligatoire. L'assemblée a rendu une décision
22 contraignante demandant d'empêcher la régionalisation. Je vous parle ainsi,
23 car je ne connais pas la teneur exacte de cette décision qui a été rendue,
24 mais je voulais simplement vous donner une idée de ce qui a été dit.
25 Q. Monsieur Krajisnik, pour revenir au transcript de votre interview à la
26 télévision, est-ce que vous pourriez trouver, je vous prie, le numéro 5 ?
27 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
28 c'est en plein milieu de la page 5 en anglais. Il y a un paragraphe qui
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1 commence par les mots: "Je n'ai pas aimé la façon," donc "I did not like
2 the way," en anglais. "I did not like the way."
3 Q. Monsieur Krajisnik, nous l'avons retrouvé en anglais, j'espère que vous
4 l'avez trouvé aussi. Vous avez dit : "Je n'ai pour aimé la façon dont on a
5 abordé la question de la régionalisation à l'ordre du jour de l'assemblée."
6 Est-ce que vous avez trouvé ce passage ? Bien.
7 Vous dites : "Je n'ai pas aimé la façon dont la régionalisation a fait
8 l'objet d'une discussion à l'ordre du jour. Je crois qu'il s'agissait d'une
9 erreur d'abord. La question avait été posée à savoir s'il s'agissait d'une
10 régionalisation. A ce moment-là, les municipalités de la Bosnie de Krajina
11 étaient séparées pour rejoindre le district autonome serbe de Krajina. On
12 en a parlé à l'assemblée de façon si dérangeante que j'en ai été
13 estomaqué."
14 Monsieur Krajisnik, est-ce que vous pourriez nous expliquer quelle était
15 cette erreur ? Qu'est-ce qui vous avait répugné et bouleversé à ce point ?
16 R. Je crois que la session s'est tenue en juin, et l'ordre du jour avait
17 été adopté. La discussion a eu lieu sans en parler, sans parler de la
18 régionalisation. Tout d'un coup, un député s'est levé, un député du SDS
19 s'est levé et il a apporté une nouvelle qui disait que voilà, un accord
20 avait été conclu entre la SAO de la Krajina et la Bosanska Krajina, et que
21 la Krajina de Bosnie allait se séparer de la Bosnie et faire partie de la
22 Yougoslavie. Il demandait à ce que ceci soit ajouté à l'ordre du jour alors
23 que l'ordre du jour avait déjà été adopté.
24 Nous avons continué à discuter de cette régionalisation même si elle
25 ne faisait pas partie de l'ordre du jour, et c'est cela que je voulais
26 dire. C'était dramatique, la façon dont le tout s'est présenté. Voilà, il
27 est entré pour dire, il a fait irruption pour dire qu'à partir de
28 maintenant, la Krajina de Bosnie se séparait et une guerre allait éclater.
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1 J'ai été étonné. J'ai été choqué par cette décision, mais en réalité, il
2 s'agissait de deux hommes qui, à Grahovo, avait fait cette déclaration, et
3 le peuple musulman était particulièrement bouleversé. C'est ainsi que ce
4 point concernant la régionalisation avait été introduit à l'ordre du jour
5 après que l'ordre du jour avait été déjà adopté après les discussions.
6 Après la fin, en fait, de la session, on a introduit ce point et on a
7 demandé à ce que l'on en parle même si cela ne faisait partie de l'ordre du
8 jour. Ce n'était pas prévu du tout.
9 Q. Est-ce que vous vous rappelez qui était ce représentant, qui était
10 cette personne, ce député qui a déclaré, qui a porté cette nouvelle à
11 l'assemblée ?
12 R. Je crois que c'était M. Irfan Ajanovic. Je ne suis pas tout à fait
13 certain, mais il est certain que nous pouvons trouver ce détail dans le PV
14 de l'assemblée pour savoir à quel moment ce point à l'ordre du jour a été
15 ajouté. Cela fait partie du procès-verbal. Je crois que c'était Irfan
16 Ajanovic, mais vous pourriez certainement retrouver cela au procès-verbal.
17 Q. Monsieur Krajisnik, je souhaiterais vous demander de nous raconter
18 cette journée-là, vous avez dit que ce jour-là cet homme, vous n'êtes pas
19 sûr si c'était, effectivement, son nom, mais, en tout cas, un député a fait
20 irruption dans l'assemblée et il a déclaré ceci de façon alarmante presque.
21 Vous dites, Monsieur Krajisnik, qu'il y avait un écart entre ce qui se
22 passait en réalité quant à la Bosnie de Krajina, qu'il y avait un écart
23 entre ce qui a été discuté et ce que ce député était venu dire ?
24 R. Oui, effectivement. C'était une énorme différence.
25 Q. Pourriez-vous nous décrire cette incohérence ou cet écart ? Pourriez-
26 vous nous décrire comment les choses se déroulaient et de quelque façon ce
27 député a présenté la question à l'assemblée ?
28 R. Feu Milan Babic a rencontré à Grahovo quelques députés provenant de
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1 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine des Serbes de Banja Luka, ils ont décidé
2 de faire une annonce disant que la Krajina de Bosnie et la SAO de Krajina
3 de Croatie devaient se mettre ensemble.
4 C'était une idée. Ce n'était pas une décision qui avait été adoptée par
5 l'assemblée. Cela a été présenté de façon dramatique, comme je vous l'ai
6 expliqué, il a fait irruption de façon dramatique, et il a dit que quelque
7 chose se déroulait sans votre connaissance -- derrière notre dos.
8 Effectivement, c'était le cas, aucun d'entre nous, nous ne savions pas
9 qu'il y avait une telle intention, une telle décision ou que ceci avait
10 lieu. Il faut dire que ceci était assez important, la Krajina de Bosnie,
11 donc la Krajina qui se trouvait en Bosnie allait se séparer maintenant de
12 la Bosnie et allait être annexée à la Serbie. C'est cela qui était
13 inquiétant, il est tout à fait certain que des députés ont commencé à en
14 parler, il y avait déjà des tensions avant l'arrivée de cette nouvelle.
15 Cela a apporté de l'huile sur le feu et c'était particulièrement difficile
16 de présider une telle assemblée. Nous étions tous très bouleversés et
17 consternés.
18 Je ne vais pas vous citer tout ce que ce député a dit. Maintenant je ne
19 sais pas si c'était M. Muhamed Cengic ou Irfan Ajanovic, malheureusement,
20 je ne le sais plus. Mais l'un d'eux est venu déclarer ceci, mais de façon
21 très dramatique. C'était la façon dont cela a été apporté, les députés
22 étaient consternés et surtout les téléspectateurs qui regardaient la
23 télévision étaient particulièrement affectés. Cela a été fait de façon
24 dramatique et c'est cela que je n'ai pas aimé. Je n'ai pas aimé que l'on
25 introduise ce point à l'ordre du jour de cette façon-là. On aurait peut-
26 être dû terminer cette session-là et commencer une nouvelle session avec ce
27 point à l'ordre du jour qui aurait été, à ce moment-là, adopté.
28 Q. En donnant votre réponse, Monsieur Krajisnik, vous avez dit qu'en
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1 réalité c'était quelque chose qui se déroulait sans votre connaissance ou
2 derrière votre dos, vous n'aviez pas connaissance de ce qui se passait, de
3 cela, que cette question était discutée et lorsque ce député, nous ne
4 savons pas encore son nom, mais l'une des deux personnes dont vous avez
5 énumérées est venue apporter cette nouvelle. Est-ce que vous êtes en train
6 de nous dire que vous personnellement ne saviez pas si ce que cette
7 personne est venue apporter comme nouvelle à l'assemblée, vous ne saviez
8 pas si c'était exact ou non, si c'était un élément précis, si c'était la
9 vérité ou non ?
10 R. Effectivement, je ne le savais vraiment pas. Je ne savais pas du tout
11 qu'un tel événement a eu lieu. Qu'une discussion a eu lieu et entre qui. Je
12 n'avais aucune connaissance de cette question.
13 Q. Pour revenir à ce que vous aviez dit dans votre entretien, dans le même
14 passage six lignes plus bas, vous avez dit : "Ceci a été présenté à
15 l'assemblée de façon si dramatique que j'ai été consterné. Je croyais que
16 le moment est venu où la Bosnie-Herzégovine allait disparaître, la
17 Yougoslavie allait disparaître, qu'une guerre allait éclater," et cetera.
18 Vous étiez en train de dire aux téléspectateurs quelle avait été votre
19 réaction alors vous vous trouviez à l'assemblée; est-ce exact ?
20 R. Oui, c'est tout à fait exact.
21 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, quelle est la raison
22 pour laquelle vous aviez adopté ce point de vue à ce moment-là, vous vous
23 sentiez ainsi, pourquoi pensiez-vous que la Bosnie-Herzégovine allait
24 disparaître, que la Yougoslavie allait disparaître et qu'une guerre était
25 éminente ?
26 R. Je ne sais pas comment vous comprenez ce texte, comment on le comprend,
27 mais lorsque vous voyez un homme qui raconte quelque chose de façon très
28 dramatique et que vous n'êtes pas du tout au courant de ce qui se passe et
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1 qu'un homme vient vous dire que la Krajina de Bosnie se sépare et qu'elle
2 sera annexée à la Serbie, il s'agissait de démantèlement de la Bosnie, on
3 voyait une Bosnie éclatée en miettes. Il disait la Bosnie n'existait plus,
4 la Yougoslavie n'existera plus, une guerre allait éclater. Il a présenté
5 les choses de façon si dramatique que je les ai vécues de cette façon-là
6 également.
7 C'est lui qui m'a fait comprendre que les événements étaient dramatiques.
8 Je ne croyais pas personnellement qu'une guerre allait éclater, qu'une
9 guerre était si éminente. Mais ce que je voulais dire là, c'est que c'est
10 lui qui avait dit que la Bosnie-Herzégovine allait disparaître, que la
11 Yougoslavie allait disparaître et qu'une guerre était éminente. C'est lui
12 qui avait dit cela, ce n'est pas moi.
13 Q. Plus bas vous dites : "Avec le temps, je crois que ce qui s'est passé
14 hier à l'assemblée… au gouvernement, je crois que c'est une erreur
15 d'approche. C'est-à-dire, je viens d'entendre maintenant… que les réactions
16 qui provenaient de la Krajina de Bosnie, d'Herzégovine et d'autres régions,
17 en fait, les réactions avaient été ignorées. Tout comme elles avaient été
18 ignorées lorsqu'on a parlé de la recommandation, elles avaient été ignorées
19 s'agissant de ces décisions-là, de ce type-là prisent par le gouvernement."
20 Ignorées par qui, Monsieur Krajisnik, dites-nous ?
21 R. Par les municipalités.
22 Q. Quelles municipalités ? Dites-le nous.
23 R. Les municipalités qui avaient fait partie de la régionalisation, qui
24 faisaient partie d'une même région. Le gouvernement avait probablement
25 adopté la décision d'abolir les régions, et j'estimais que nous nous
26 trouverions dans la situation dans laquelle les municipalités n'allaient
27 pas respecter les décisions prises par le gouvernement.
28 Q. Ensuite, vous poursuivez pour dire : "C'est bien que le gouvernement ne
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1 soit pas divisé et qu'il n'y a pas de mise en minorité, c'est quelque chose
2 qui était très positif hier soir," c'est ce que vous avez dit.
3 Dites-nous en comparant la veille, vous avez parlé de la session du
4 gouvernement lorsque vous parlez de la veille ou plutôt -- confirmons.
5 Lorsque vous dites que : "C'est quelque chose qui a été très positif hier
6 soir," dans votre texte vous faites référence à la session du
7 gouvernement ?
8 R. Oui.
9 Q. Qu'est-ce que vous étiez en train de décrire comme étant "quelque chose
10 de positif qui s'est déroulé hier soir," comme vous le dites.
11 R. Le gouvernement avait pris cette décision de mise en vote, sans tenir
12 compte de l'accord des ministres, du SDS et du gouvernement. Donc, je fais
13 un commentaire ici en disant que ce n'est pas bien.
14 Deuxièmement, ce qui n'est pas bien, c'est que cette décision telle qu'elle
15 existait, elle ne pouvait pas être adoptée par le gouvernement, le
16 gouvernement doit s'assurer que cette décision est mise en œuvre en
17 utilisant les instruments du gouvernement, il fallait dire à ce moment-là
18 qu'il n'y avait pas suffisamment d'activité politique telle que recommandée
19 par le gouvernement, par l'assemblée municipale, et c'est la raison pour
20 laquelle l'état en l'espèce, les choses se sont déroulées de cette façon-
21 ci.
22 Q. Quel était le point positif ?
23 R. Je dis que c'est positif quand un gouvernement est uni, quand il n'y a
24 pas de mise en minorité d'une faction ou de l'autre au niveau du
25 gouvernement. C'est pour cela que j'ai dit "positif," c'est bien sûr mon
26 point de vue. A mon avis, il est bon que le gouvernement ait une position
27 monolithique, alors qu'elle comprend des représentants de trois différents
28 peuples. C'est cela qui est positif.
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1 Q. Soyons clairs, Monsieur Krajisnik, peut-être qu'il y a un petit
2 problème de traduction encore, vous n'étiez pas en train de dire dans cet
3 entrevue à la télévision, vous n'étiez pas en train de nous dire que la
4 nuit précédente, il y avait eu quoi que ce soit de positif; c'est bien
5 cela ?
6 R. Oui. Il ne s'est rien passé. J'ai fait juste un commentaire, tout ce
7 que je vous dis, qu'en ce qui concerne un gouvernement et il est bon qu'il
8 n'y ait pas de mise en minorité. C'est cela qui est positif. Ensuite, je
9 parle des aspects négatifs. Cela aurait été positif s'il n'y avait pas eu
10 cette mise en minorité d'un des camps, mais cela ne s'est pas passé comme
11 cela.
12 Q. Oui.
13 M. STEWART : [interprétation] Pour être positif, peut-on envisager de faire
14 une pause ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. Je pense que c'est le bon
16 moment pour faire une pause et nous reprendrons à 11 heures.
17 Merci.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
19 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
21 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Krajisnik, s'agissant de la transcription que vous avez sous
23 les yeux, essayez de retrouver le paragraphe numéro 6.
24 M. STEWART : [interprétation] Je crois que cela correspondrait à
25 l'intervention qui commence par : "Nous allons certainement," et cetera.
26 Q. Vous l'avez retrouvé, ce numéro 6 ?
27 R. Oui.
28 Q. Le présentateur dit : "Nous allons arriver au sujet principal, au sujet
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1 crucial." Je voudrais que vous répondiez à la partie qui concerne le Parti
2 démocratique serbe accusé de vouloir diviser ou partager la Bosnie-
3 Herzégovine conformément à la recette ou à la méthode de Knin et placer la
4 souveraineté de cette Bosnie-Herzégovine sur l'autel et la sacrifier à une
5 Grande-Serbie.
6 Alors comment avez-vous compris, à l'époque, cet énoncé qui dit :
7 "Suivant la recette de Knin" ?
8 R. Dans cette province ou Région autonome serbe de Krajina qui se situe
9 sur le territoire de la Croatie, les municipalités se sont prononcées pour
10 créer des régions autonomes serbes par la réunification de ces
11 municipalités. Il s'agissait là d'une répartie politique en Croatie qui a
12 déjà eu lieu en Croatie, et on a établi un parallèle avec ce qui se passait
13 en Bosnie-Herzégovine.
14 Q. Y avait-il une distinction à faire entre la méthode utilisée à Knin et
15 la méthode de régionalisation envisagée par le SDS en Bosnie ?
16 R. Il y avait, en effet, une grande différence.
17 Q. Quelle était cette différence ?
18 R. En Croatie, cela s'est passé avec recours à la force. Il y a eu conflit
19 alors qu'en Republika Srpska -- et au fait, je ne sais pas comment chez
20 eux, là-bas, ils avaient réglementé la question dans la constitution, mais
21 en Bosnie-Herzégovine, cela s'est passé uniquement en application des
22 textes de la constitution, donc cela se fondait sur une chose qui existait
23 dans le système socialiste avant les élections pluripartites. Là-bas, il
24 s'agissait uniquement d'un mécanisme d'autodéfense vis-à-vis du régime
25 croate qui avait éjecté les Serbes de ce statut de peuple constitutif qui
26 avait été le leur.
27 Q. Ici, il est fait référence à une question de la présentatrice, un
28 commentaire qui parle donc d'un autel où l'on sacrifie la Bosnie à une
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1 Serbie plus grande. Est-ce que ce concept de plus grande Serbie faisait
2 partie de la politique du SDS ?
3 R. La notion de Grande-Serbie avait été utilisée à l'occasion de la
4 campagne électorale par certaines personnes, mais la plateforme du SDS n'a
5 jamais été celle de la Grande-Serbie. Quoique si l'on me demandait
6 maintenant ce que cela signifie au juste, j'aurais beaucoup de mal à
7 l'expliquer.
8 Q. Cela allait justement être ma question suivante, Monsieur Krajisnik.
9 Vous êtes allé de l'avant. Alors, en dépit de la difficulté que vous
10 ressentez à ce faire, pourriez-vous quand même tenter d'y répondre ?
11 Qu'avez-vous compris, à l'époque, que l'on sous-entendait par Grande-
12 Serbie, à l'occasion de la campagne de la part de ceux qui s'employaient en
13 faveur ?
14 R. Je vais essayer de vous rectifier. Je vais vous dire d'abord ce
15 qu'entendaient ceux qui accusaient les Serbes de vouloir une Grande-Serbie.
16 Ceux qui nous accusaient de le vouloir, ils disaient et ils pensaient que
17 les Serbes voulaient élargir la Serbie pour l'étendre sur le territoire
18 ethnique des Serbes à l'extérieur de la Serbie pour s'accaparer des
19 territoires qui ne faisaient pas partie de la Serbie. Ils entendaient donc
20 que l'on voulait faire une Serbie plus grande que celle qui existait déjà,
21 et c'était là une signification négative, péjorative, que l'on utilisait ce
22 terme. C'est un terme qui a été utilisé à la Conférence de Londres, et on
23 voulait laisser entendre que les Serbes voulaient s'emparer de quelque
24 chose qui ne leur appartenait pas pour faire un Etat plus grand, une Serbie
25 plus grande.
26 Q. Y a-t-il eu, parmi ces Serbes de Bosnie - et là, je parle de ceux
27 d'entre eux qui étaient politiquement actifs - Monsieur Krajisnik, y avait-
28 il, parmi eux, des Serbes qui s'employaient en faveur d'une Grande-Serbie ?
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1 R. Personne ne s'employait en faveur d'une Grande-Serbie, mais ces termes
2 ont été souvent utilisés par des gens qui ont souhaité présenter les choses
3 de façon radicale pour expliquer une idée positive à l'égard des Serbes,
4 mais ce n'était pas un concept de Grande-Serbie effective, chose que l'on
5 peut voir dans la suite des événements.
6 Q. Je vous demande de vous référer à la numérotation 8 sur les marges.
7 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de la page 9
8 de la version anglaise, où l'on voit les propos de M. Krajisnik commençant
9 par : "Je me dois de dire…"
10 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous avez retrouvé ce passage ?
11 R. Oui, je l'ai retrouvé.
12 Q. Alors, je vais d'abord dire ce que l'animatrice a dit : "Alors entre-
13 temps, est-ce que vous vous faites peur mutuellement, entre partis, ou est-
14 ce que vous vous faites peur les uns aux autres pour ce qui est de dire que
15 l'objectif des uns est la création d'un Etat croate indépendant et que
16 quelqu'un en coulisse est en train de préparer un Etat musulman, ou est-ce
17 que quelqu'un parle de garder les autres dans une sorte de Serboslavie ou
18 d'une Grande-Serbie ? Est-ce que ce sont des catégories fantomatiques ou
19 des options véritables, à votre avis ?
20 Krajisnik : Je dois dire que dans chaque partie, il y a une faction de
21 gauche, une faction de droite et un centre. Cette faction de droite parle
22 de Grande-Serbie ou d'un Etat islamique de Bosnie-Herzégovine, ou demande
23 ou propage l'idée d'une Confédération ou d'une Grande-Croatie ou d'un NDH,
24 NDH étant l'abréviation de l'Etat croate indépendant ou souhaitant une
25 espèce d'Etat national."
26 Je pense que là, il convient de tirer quelque chose au clair parce que ce
27 n'est pas tout à fait clair en langue anglaise. Vous parlez de "l'aile
28 droite au sein du SDS" qui s'emploie en faveur d'une Grande-Serbie, l'aile
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1 droite du SDA s'employant en faveur d'un Etat islamique et l'aile droite du
2 HDZ s'emploie en faveur de la Confédération ou d'une Grande-Croatie ou de
3 l'Etat indépendant de Croatie. Alors, est-ce que c'est de façon exacte que
4 l'on a résumé ici ce que vous avez dit ?
5 R. Non, pas tout à fait.
6 Q. Je vous prie de procéder à une rectification de ce résumé.
7 R. Voilà. L'aile droite au sein d'un parti accusait les autres, par
8 exemple, l'aile droite du SDS, accusait les autres de créer un NDH ou un
9 Etat islamique. Parmi eux, il y en avait qui disaient : "S'ils ne veulent
10 pas être avec nous, nous allons faire une Grande-Serbie." C'était de la
11 rhétorique.
12 Ceux du SDA, de leur aile droite, disaient : "Oui, vous, au SDS, vous
13 voulez une Grande-Serbie, une Serboslavie, et nous ne voulons pas en faire
14 partie." Il y avait parmi eux des gens qui disaient qu'ils voulaient un
15 Etat à eux, même si cet Etat adopte des lois islamiques.
16 Au HDZ, la situation était assez spécifique. Depuis le tout début, ils
17 s'employaient officiellement en faveur d'une Bosnie-Herzégovine -- ou
18 plutôt, je m'excuse, d'une Yougoslavie confédérale. S'agissant de la
19 Bosnie, officiellement, ils voulaient une Bosnie-Herzégovine autonome rien
20 que pour la sortir, l'extraire de la Yougoslavie, en se disant que dans la
21 phase ultérieure, les régions à eux pourront être régionalisées aux fins
22 d'être annexées à la Croatie.
23 Si vous voulez que je sois tout à fait sincère, je dirais que des trois
24 côtés, il y a eu des accusations vis-à-vis des autres avec soulignage de ce
25 qu'il y avait des aspects négatifs ou des idées négatives dans les
26 programmes de tout un chacun. C'étaient des points de vue d'extrémistes.
27 Q. Dans quelle mesure ces points de vue-là l'ont-ils emporté, si tant est
28 que cela a été le cas parmi les affiliés au SDS ?
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1 R. A l'occasion des grandes réunions, il y a eu toutes sortes d'opinions
2 de formuler. Si nous passions tout cela en revue, je dirais qu'il y a eu
3 des idées lancées en public de cet ordre. Mais la politique officielle et
4 les conclusions officielles ont été des plus claires. Tout d'abord, il
5 s'agissait de rester en Yougoslavie, et ensuite, procéder à une
6 transformation de la Bosnie-Herzégovine ou chacun aurait son unité
7 constitutive.
8 Q. Dans cette réponse qui figure à côté du numéro 8 dans le texte de la
9 transcription. Je dirais en donnant lecture que : "La Bosnie-Herzégovine
10 devrait être un Etat national d'un seul peuple avec une supériorité vis-à-
11 vis des autres.
12 "Je pense que ce n'est pas la règle principale. Ce n'est pas la
13 conception littérale défendue par quelque parti que ce soit."
14 Vous dites, Monsieur Krajisnik, ce n'est pas la conception ou l'idée
15 maîtresse de quelque parti que ce soit, à savoir qu'il s'agirait de
16 s'employer en faveur d'un Etat islamiste. Etait-ce votre opinion véritable
17 à l'époque que de dire que le SDA n'avait pas pour plateforme la création
18 d'un Etat islamique en Bosnie-Herzégovine.
19 R. Le SDA, cette variante ou cette alternative ne pouvait être défendue
20 que par le SDA parce qu'ils étaient les plus nombreux et du fait de leur
21 nombre, il pouvait avoir plus de 51 % pour que l'Etat, démocratiquement
22 parlant, devienne un Etat à eux.
23 Dans les contacts que j'ai eus directement avec les gens du SDA, dans
24 nos entretiens à plusieurs reprises, j'ai pu me rendre compte du fait
25 qu'ils étaient plutôt écartelés. Peut-être le souhaitaient-ils cet Etat à
26 eux ? Mais ils voulaient aussi aboutir à une situation ou une solution de
27 compromis parce qu'ils étaient conscients de la spécificité de la Bosnie et
28 ils voulaient quelque chose de durable et ils voulaient la paix. C'est ce
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1 qui découlait de nos entretiens à nous.
2 Je ne sais pas ce qu'ils se disaient entre eux. Je sais qu'en public,
3 il y a eu des interventions où des personnalités avaient dit que les Serbes
4 avaient leur Etat, les Croates avaient leur Etat et que cela était leur
5 Etat à eux. J'avais eu l'impression qu'ils avaient pendant longtemps
6 souhaité une solution de compromis, une solution rationnelle. Donc il y a
7 eu des hauts et des bas. Bien entendu, dans notre parti, des gens les ont
8 accusés de certaines choses, tout comme on nous a accusés nous de certaines
9 choses. Mais cela, c'était de la rhétorique politique à mon avis.
10 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, Il y a une quatrième
11 ligne --
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Si la Bosnie était devenue
13 indépendante en raison de la forte natalité de leur côté, je dirais que
14 cela était censé être un Etat avec prédominance musulmane. C'est juste ce
15 que je voulais ajouter.
16 M. STEWART : [interprétation] Bien. Alors, Messieurs les Juges, dans la
17 quatrième ligne de cette réponse, en page 10 ou plutôt ligne 10 et page 36,
18 on dit, M. Sladojevic vient de dire qu'on y dit, "démographiquement
19 parlant" et les interprètes vont peut-être nous confirmer qu'il s'agirait
20 de dire "démocratiquement parlant."
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, les deux semblent logiques.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est la raison pour laquelle je soulève
23 la question.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik lorsque vous dites
25 qu'ils arriveraient facilement au chiffre de 51 %, ce qui leur permettrait
26 d'avoir un Etat à eux, est-ce que vous vouliez dire en terme démographique
27 ou en terme démocratique parce que l'un et l'autre des deux termes fait
28 sens ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé à l'instant de démographie. A
2 l'époque, j'avais dit, démocratiquement parce que cela aurait été
3 démocratique si vous avez plus de 51 %.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que la question a été tirée au
5 clair.
6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, les termes se
7 ressemblent beaucoup dans d'autres langues et cela est le cas pour le serbe
8 aussi. C'est ce qu'on m'a dit.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est ce qui arrive, bien entendu.
10 M. STEWART : [interprétation] Certes.
11 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que nous passions maintenant à ce qui
12 porte l'annotation du numéro 10 ou le passage numéro 10. C'est une réponse
13 assez longue que vous avez apportée. Cela commence avec : "Pour ce qui est
14 du référendum."
15 Vers la moitié de cette réponse, vous dites : "Nous ne devons pas
16 souffrir de cécité politique." Est-ce que vous voyez cette phrase ?
17 R. Oui.
18 Q. "Nous ne devons pas avoir de cécité politique pour ne pas voir qu'il
19 est évident qu'un peuple veut rester dans l'Etat commun, c'est le peuple
20 serbe, le peuple musulman veut une Bosnie autonome, indépendante, le peuple
21 croate veut une Confédération et ces deux options, Confédération et Bosnie
22 indépendante se recoupent ou peuvent coïncider."
23 Monsieur Krajisnik, est-ce que vous seriez à même de nous expliquer ce que
24 vous avez compris à l'époque que signifiait ce terme de Confédération ?
25 R. A l'époque, la politique officielle des républiques qui ont fait
26 sécession s'était employée en faveur d'une Yougoslavie en tant que
27 Confédération d'Etats indépendants. Alors, la Confédération devait servir
28 de cadre et les Etats à l'intérieur seraient indépendants. Cela avait été
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1 une solution appuyée par M. Tudjman et par la partie croate en Bosnie. Il
2 s'agissait d'avoir des liens lâches entre ces Etats au niveau confédéral,
3 au niveau yougoslave.
4 Q. Pouvez-vous, je vous prie, aller de l'avant pour arriver au numéro 13,
5 apposé en marge du texte ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour nous, Monsieur Stewart, il s'agit
7 de quelle page ?
8 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, il s'agit
9 de la page 19 juste après le mot, "jingle" tout au haut de la page. Nous
10 n'allons pas repasser l'enregistrement.
11 Q. Monsieur Krajisnik, si on descend plus bas dans le texte, on voit un
12 passage où l'animatrice dit après deux réponses que vous apportez, elle dit
13 : "Nous avons énormément de questions de la part des spectateurs." Cela on
14 l'a vu sur l'enregistrement vidéo. Les gens appelaient au téléphone. Nous
15 avons déjà survolé ces questions.
16 Par exemple, on dit :
17 "Un journaliste de Tesanj : A partir de quel fond on paie l'armement
18 des Serbes de Bosnie avec les armes de Kragujevac ? En savez-vous quelque
19 chose ?
20 Krajisnik : Je ne sais pas, mais si tant est qu'ils s'arment et s'il
21 y a des fonds de ce type, je crois que je serais plutôt enclin à considérer
22 que la question est de nature provocante.
23 Le journaliste : Est-ce que vous pensez que l'on arme les Serbes de
24 Bosnie ? Mais de quels Serbes de Bosnie parle-t-on en terme d'armement ?"
25 R. C'était une question provocante et j'ai répondu de façon
26 provocante moi-même. Parce que quelqu'un me pose la question en disant que
27 ce qu'on considérait comme étant un fait c'est que les Serbes s'armaient.
28 J'ai voulu provoquer en retour. Je ne savais pas quels étaient les fonds
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1 qui permettaient aux uns de s'armer, c'était plutôt une réponse de nature
2 politique. Parce que quand on vous dit : les gens s'arment, et on dit cela
3 au président du parlement de la Bosnie-Herzégovine, cela implique que la
4 personne qui pose la question sait que je sais que ces Serbes s'armaient.
5 Cela m'a semblé être une provocation.
6 Ici, on peut avoir l'impression que j'ai répondu de façon sérieuse,
7 mais j'ai apporté ultérieurement aussi des réponses de ce type. Si
8 quelqu'un m'avait dit : est-ce qu'ils s'arment ? J'aurais dit : non, ils ne
9 s'arment pas. Mais on a affirmé qu'ils s'armaient et on voulait savoir à
10 partir de quels fonds. Je ne savais pas qu'ils s'armaient ou s'ils armaient
11 et à partir de quels fonds. Ce que j'ai pu supposer, c'est que tous les
12 groupes ethniques s'armaient et cela s'est avéré être vrai une fois que la
13 guerre ait commencé.
14 Q. Passons au passage 14. Il s'agit des quelques pages qui suivent.
15 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, pour vous, il s'agit de
16 la page 22 en version anglaise.
17 Q. Le journaliste qui dit, tout en haut de cette page 22, à côté du numéro
18 14, le journaliste dit : "Régionalisation - beaucoup de questions. Voyons
19 un peu. Est-ce qu'en arrivant à Pale vous avez contribué à ce que Pale
20 rejoigne la région de Romanija ? C'est une spectatrice de Pale.
21 "Krajisnik : Je crois que c'est une provocation. En ma qualité de
22 président du parlement, je n'aurais jamais été favorable à cela et je
23 n'aurais pas influé de ma part sur la régionalisation. C'est la population
24 qui l'a décidée.
25 Le journaliste : Vous êtes allé à Pale et un spectateur fait allusion
26 à la visite que vous avez effectuée à Pale, n'est-ce pas ?"
27 R. Le spectateur fait allusion à cette visite, mais je ne me souviens pas
28 avoir jamais été à Pale, mis à part vers la fin de mes études
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1 universitaires, lorsque nous avons fêté la fin des études et c'était à la
2 veille du début de la guerre. Non seulement, je n'ai pas participé à cette
3 réunion, mais je ne pense pas avoir été à Pale du tout. J'ai encore moins
4 idée de ceux qui ont participé à cette réunion. Je n'ai pas été parmi les
5 organisateurs de cette réunion, je n'ai pas participé à cette réunion
6 concernant la régionalisation à Pale, et cetera.
7 Q. Mais est-il exact de dire, Monsieur Krajisnik, que vers le mois de mai
8 1991, vous n'avez pas eu de lien personnel avec Pale ?
9 R. Non, je n'ai pas eu de lien.
10 Q. [aucune interprétation]
11 R. A part quand quelqu'un venait à l'assemblée, mais je ne suis jamais
12 allé à Pale.
13 Q. Si vous pouviez maintenant passer au numéro 15, au repère numéro 15, si
14 vous pouviez le trouver.
15 R. Je l'ai trouvé.
16 Q. C'est juste avant, où M. Krajisnik dit : "Les mesures de répression ne
17 doivent pas être appliquées." Donc, l'animatrice vous dit --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il s'agit de quelle page, s'il
19 vous plaît ?
20 M. STEWART : [interprétation] Page 23, en haut de la page, le quatrième
21 paragraphe. L'animateur dit donc : "Pourquoi est-ce que les municipalités
22 de Krajina et d'Herzégovine se séparent ? En se séparant, cela signifie
23 sans doute qu'ils créent leur propre région, qu'ils ne se séparent pas."
24 Cela nous vient d'un auditeur de Mostar.
25 Vous répondez : "Ils ne sont pas en train de se séparer, ils restent
26 au sein de la Bosnie-Herzégovine. Ils ne font pas d'Etat, c'est la seule
27 raison de cette situation, mais si cela commençait à adopter un caractère
28 politique, il faut de toute façon ne pas s'en occuper, il faut préserver
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1 notre Etat."
2 Q. Monsieur Krajisnik, vous compreniez à l'époque -- à l'époque, vous
3 pensiez que la Krajina et l'Herzégovine n'allaient pas se séparer et
4 allaient rester au sein de la Bosnie-Herzégovine; c'est cela ?
5 R. Oui, c'était ma position. C'était mon opinion et j'aurais été opposé à
6 toute personne, à tout mouvement pour quitter la Bosnie, pour que tout
7 territoire soit annexé ailleurs. C'était en mai 1991 et cela a d'ailleurs
8 été ma position jusqu'au début de la guerre et même encore après.
9 Q. Oui, mais qui aurait été en position de décider, à ce moment-là ?
10 Commençons par la Krajina, qui aurait pu être en position de décider que
11 les municipalités de Krajina allaient se séparer ?
12 R. Laissez-moi un peu de temps et prendre un peu de recul. La Krajina
13 c'est un territoire qui se trouve en partie en Croatie et en partie en
14 Bosnie-Herzégovine. Elle a été créée au cours des Empires ottomans et des
15 Empires austro-hongrois. C'était une aspiration de ces peuples d'être
16 ensemble et quand on a eu la démocratie, il y a eu plusieurs tentatives
17 pour réunir ces deux parties en un seul tout, en un seul ensemble et même
18 en un seul Etat. Nous, en tant qu'hommes politiques, nous étions opposés à
19 cela. Non pas parce qu'on s'opposait à leur opinion, mais parce que c'était
20 contraire au plan Vance. C'était contraire aussi à notre théorie selon
21 laquelle la Bosnie devait être un Etat reconnu. On avait beaucoup de
22 problèmes pour essayer de traiter ce que voulaient ces gens. Ils pensaient
23 qu'on ne les comprenait pas, ils nous accusaient d'essayer de leur faire du
24 tort. Cela dit, même s'il y avait eu création de cette entité, elle
25 n'aurait pas pu être reconnue, puisqu'elle était contraire à tous les plans
26 qui étaient en cours, enfin qui étaient en élaboration, comme le plan
27 Vance. Ce n'était pas réaliste du point de vue politique, c'étaient des
28 désirs, des aspirations, cela c'est ce que les gens voulaient, mais la
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1 réalité, c'est autre chose quand même.
2 Q. Oui, mais alors cette réponse que vous venez de nous donner, est-ce que
3 cela s'applique aussi à l'Herzégovine ? Ou est-ce qu'il y a des différences
4 pour ce qui est de l'Herzégovine ?
5 R. C'est pratiquement identique, mais il y a une petite différence quand
6 même. Une partie de l'Herzégovine, par décision du Congrès de Berlin, a été
7 donnée au Monténégro. Les peuples d'Herzégovine sont très proches de ceux
8 du Monténégro. Ils ont une petite orientation serbe. Ils voulaient
9 rejoindre le Monténégro certes, mais c'était moins fort que ce qui s'est
10 passé en Krajina serbe, en Bosnie et en Croatie. Je parle ici des gens, du
11 peuple, des communautés, des groupes. Je parle des aspirations des peuples.
12 Q. Revenons à l'interview. On a déjà vu le 15, maintenant passons à la fin
13 de la page 23.
14 Au milieu de la page 23, le présentateur vous demande la chose
15 suivante : "Asim de Sarajevo voudrait savoir : est-ce que la
16 régionalisation qu'effectuent les Serbes à Banja Luka en Krajina est
17 honnête ?"
18 Votre réponse est : "Honnête, oui, mais c'est plus ou moins
19 discutable."
20 Je ne suis pas vraiment de l'anglais, ici, Monsieur Krajisnik, mais si vous
21 avez l'air de dire que ce n'est pas honnête, pouvez-vous nous expliquer
22 pourquoi il est suggéré que cette régionalisation qui est mise en œuvre par
23 les Serbes serait malhonnête ?
24 R. Je peux essayer de deviner ce que voulait dire ce téléspectateur. Je
25 crois qu'il pensait que dans ces municipalités, les décisions étaient
26 prises de rejoindre une municipalité quelconque. Il y avait une mise en
27 minorité des Croates ou des Musulmans, tout comme les Serbes avaient été
28 mis en minorité d'une façon parfaitement légale au Parlement. Mais il y a
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1 quand même une différence. Au point de vue régional, tout ceci est légal,
2 alors qu'au niveau de la République, il y a une disposition dans la
3 constitution qui interdit la mise en minorité.
4 Alors, voici un Musulman qui demande : "Est-ce que c'est juste que
5 l'on poursuive cette régionalisation alors que vous êtes en train de nous
6 mettre en minorité ?" Je réponds : "Oui, économiquement, c'est valable,
7 mais si cela adopte une dimension nationale, en revanche, ce n'est plus
8 bon, ce n'est plus valable. Cela ne fait que remettre de l'huile sur le feu
9 et cela va nous amener à la guerre." Voilà comment je comprends cette
10 question du téléspectateur et comment j'essaie d'y répondre.
11 Q. Vous dites dans votre réponse qu'économiquement, c'est justifié, mais
12 nous devons faire beaucoup d'efforts pour être certains que cela n'a pas
13 d'implications négatives au niveau national.
14 A quelle conséquence négative faisiez-vous allusion, là ?
15 R. Bien, c'est ce que je viens de vous dire il y a une seconde. A
16 l'époque, tout était politique, tout était politisé. Si on accomplit une
17 régionalisation économique comme en Krajina, qui était un territoire sous-
18 développé, et si les autres côtés considèrent que c'est un mouvement des
19 Serbes contre eux, cela aura, bien sûr, des conséquences extrêmement
20 négatives. Tout ce qui était fait par quiconque était vu au travers d'un
21 prisme politique.
22 Q. Encore plus loin, environ dix lignes en dessous, le présentateur dit :
23 "Sinan de Zenica a une question." "Je vous estime énormément,
24 personnellement, mais est-ce que vous vous identifiez avec le Duc Seselj ?"
25 Vous répondez : "Merci, Sinan, de cette haute estime que vous avez de
26 moi, mais je pense qu'il n'est pas normal de m'assimiler à Seselj."
27 A l'époque, qui était Seselj exactement, et pourquoi est-ce que vous
28 ne voulez pas être assimilé à ce Seselj ?
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1 R. A ce moment-là, je répondais à ce que Sinan avait voulu impliquer.
2 Seselj était un nationaliste, quelqu'un qui était contre les Musulmans, et
3 je ne voulais pas être assimilé à lui. Seselj était un homme très
4 intelligent, et il n'était pas la personne que les Musulmans croyaient
5 qu'il était, mais je ne voulais pas être assimilé à lui. Je ne voulais pas
6 être comparé au président des Etats-Unis non plus, ou qui que ce soit. Mais
7 là, je ne voulais surtout pas être assimilé à Seselj; sinon, je le
8 rencontrais et j'avais une assez bonne impression de lui. J'avais
9 l'impression que c'était un homme assez différent que celui que voyaient
10 les Musulmans. Mais cela, c'est au autre chose, bien sûr.
11 Q. Oui, Monsieur Krajisnik.
12 M. STEWART : [interprétation] Maintenant, nous allons laisser tomber
13 l'interview au Club 91, donc, le script de cette interview.
14 [Le conseil de la Défense se concerte]
15 M. STEWART : [interprétation] Nous allons maintenant nous référer à
16 un autre document qui n'est pas informatisé. Nous avons uniquement des
17 documents papier. En anglais, il s'appelle : "Décision sur l'établissement
18 d'un Conseil national serbe." Le numéro ERN est le suivant : SA04-1938 à
19 1939.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il n'a pas été
21 informatisé, mais est-ce qu'il a déjà été versé au dossier ?
22 M. STEWART : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Oui. Oui, je crois
23 qu'il fait partie des pièces de M. Treanor.
24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
25 M. STEWART : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement de
26 l'intercalaire et du numéro du volume en ce qui concerne les pièces de M.
27 Treanor, mais il est là. Enfin, on peut peut-être le retrouver pour vous et
28 surtout pour le transcript.
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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. STEWART : [interprétation] Oui, j'ai une petite note comme quoi, en
3 effet, c'est une pièce du dossier Treanor.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela doit être quelque part dans le P64.
5 M. STEWART : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on me dit que c'est P64,
7 intercalaire 15.
8 M. STEWART : [interprétation] Oui, j'aurais pu vous le dire, en effet, que
9 c'était au P64. Enfin, nous l'avons, nous l'avons.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez de toute façon, et nous le
11 retrouverons pour nous assurer des références exactes.
12 M. STEWART : [interprétation] Il est en effet à l'intercalaire 15. C'est la
13 référence est R428A. Je ne sais absolument pas que cela signifie, mais cela
14 peut peut-être vous aider, enfin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez été assez clair. Je pense
16 qu'on va arriver à le retrouver.
17 Vous pouvez continuer.
18 M. STEWART : [interprétation] Nous avons des copies en B/C/S et en anglais.
19 Q. Juste avant l'interview que vous avez donné au Club 91, c'est un
20 document qui porte la date du 8 avril 1991. C'est un document qui est assez
21 court. Si vous pouvez le lire extrêmement rapidement, juste pour vous
22 familiariser avec la teneur de ce document, et est-ce que vous pourriez
23 nous dire quand vous aurez fini de le lire ?
24 R. C'est fait.
25 Q. Monsieur Krajisnik, étiez-vous personnellement impliqué d'une façon ou
26 d'une autre dans des réunions qui ont abouti à cette décision ?
27 R. Non, absolument pas. Je n'étais pas impliqué.
28 Q. Tout d'abord, est-ce que vous étiez au courant qu'il y a eu cette
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1 réunion qui a abouti à cette décision ?
2 R. Oui. Je le savais.
3 Q. Mais vous saviez quoi ?
4 R. Pas grand-chose, mais je peux vous dire le peu que j'en savais. Il y a
5 une initiative venant des partis qui étaient en Serbie-et-Monténégro, et je
6 crois, aussi, en Bosnie-Herzégovine. Cela, je n'en suis pas vraiment sûr.
7 Il y avait aussi des membres venant de Croatie. Enfin, c'était une
8 initiative demandant qu'un conseil politique soit créé, un conseil qui
9 formulerait, qui représenterait les intérêts des groupes ethniques qu'ils
10 formuleraient et qui les présenteraient comme étant la volonté du peuple
11 serbe dans un grand territoire. Ces partis se sont rencontrés à Belgrade;
12 cela, je l'ai appris par la suite. Certains étaient là, et d'autres qui
13 sont quand même mentionnés sur ce document sont sortis de la réunion et
14 n'ont pas signé la décision. Il y a même eu des insultes et des prises de
15 bec à propos des patriotes qui étaient plus patriotes que d'autres, et
16 cetera. Donc cet organe n'a jamais pu fonctionner en pratique. D'ailleurs,
17 je n'ai jamais ressenti, je n'ai jamais vu l'aboutissement de son travail
18 en pratique. D'ailleurs, c'est la première fois que je vois ce document.
19 Q. Est-ce que vous --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.
21 M. STEWART : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une clarification. Vous parlez de
23 ce document comme une décision qui aurait été prise --
24 M. STEWART : [interprétation] Oui. C'est comme un projet.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
26 M. STEWART : [interprétation] Il faudrait donner à M. Krajisnik la
27 possibilité --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous nous avez dit auparavant que
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1 c'était une décision, alors que c'est un projet, en fait --
2 M. STEWART : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
4 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je pense que c'est clair quand même.
5 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous saviez qui étaient les
6 représentants du Parti démocratique serbe, du SDS, donc à qui il est fait
7 référence dans ce document ?
8 R. D'après ce que je vois, le président du Conseil national serbe en
9 Bosnie-Herzégovine, et là, il s'agit de M. Radovan Karadzic. Je pense qu'il
10 doit figurer au titre du numéro 12 dans ce document.
11 Q. Avez-vous reçu un rapport portant sur les discussions qui traitaient de
12 cette proposition ?
13 R. A partir de conversations, j'ai pu apprendre ce qui s'y était passé,
14 mais je me souviens que de très peu de choses que j'ai entendues. Je sais
15 qu'il y a des personnes qui ont quitté la pièce, d'autres qui ont accepté
16 la proposition. Enfin, j'ai cru comprendre quand même que cette initiative
17 n'avait pas été une réussite suite au boycott, au fait que certains partis
18 quittaient la salle.
19 Q. Maintenant, cette initiative, puisque vous l'appelez ainsi, a-t-elle
20 abouti à quoi que ce soit qui aurait pu avoir un impact éventuel sur les
21 politiques ou les mesures prises par la suite par le SDS ?
22 R. Vous parlez des politiques du SDS, c'est cela, ou vous parlez bien du
23 SDS ?
24 Très bien. Cet organe n'a jamais joué la moindre influence. En tout
25 cas, je ne l'ai pas ressenti en pratique ultérieurement. C'est pour cela
26 que je peux presque dire qu'il n'existait pas. En tout cas, il n'avait pas
27 pris de décisions quelconques.
28 Q. Maintenant, Monsieur Krajisnik, le 12 juillet 1991, il y a eu assemblée
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1 du SDS, donc c'était juste un an après la réunion d'inauguration.
2 M. STEWART : [interprétation] Nous avons le compte rendu de cette réunion.
3 C'est informatisé. Donc, il y a un lien, un hyperlien pour arriver au
4 document.
5 Monsieur le Président, je vais donner à M. Krajisnik un document
6 identique au mien, c'est-à-dire qui est numéroté exactement comme le mien -
7 -
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez le lui donner.
9 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie.
10 [Le conseil de la Défense se concerte]
11 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je --
12 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.
14 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais juste savoir si vous avez un
15 document papier ou si vous avez besoin d'un document papier.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Si vous nous donnez une copie
17 papier, nous vérifierons aussi si on peut le trouver sur informatique.
18 M. TIEGER : [interprétation] Ce serait bien aussi pour l'Accusation d'avoir
19 une version papier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne l'ai pas encore retrouvé sur
21 l'écran.
22 M. STEWART : [aucune interprétation]
23 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse, oui.
25 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur Sladojevic va vous l'afficher.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
27 M. STEWART : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je suis désolé,
28 j'ai --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, pour l'instant, je n'ai qu'une
2 version qui est extrêmement floue.
3 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est un autre bouton. M. Sladojevic me
4 dit qu'il suffit d'appuyer sur un autre bouton qui est au milieu, plutôt à
5 gauche.
6 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
7 M. STEWART : [interprétation] Je me souviens que vous préfèreriez aussi
8 avoir les versions papiers, enfin.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, on peut continuer comme
10 cela.
11 M. STEWART : [interprétation]
12 Q. Monsieur Krajisnik, passons donc au point 2, donc là où il y a une
13 référence numéro 2, dans la marge, pour vous repérer. C'est à la page 25 de
14 la version anglaise. Vous l'avez trouvé ?
15 R. Oui.
16 Q. Il s'agit de quelque chose que Karadzic a dit. Après dix lignes, il dit
17 la chose suivante : "Je dois dire quelque chose : nous devons conserver la
18 force du parti, le pouvoir du parti, et ne pas s'abandonner aux impulsions
19 des "petits Napoléon" qui essaient de faire des choses qui vont être
20 négatives pour le peuple serbe.
21 Nous avions un conseil régional. Nous avons dû le changer. Il était
22 en Krajina bosniaque, qui est devenu complètement aliénée, qui est devenue
23 une puissance qui s'est trouvée au-dessus des conseils municipaux."
24 Monsieur Krajisnik, s'il vous plaît, à qui fait référence M. Karadzic quand
25 il parle de ces "petits Napoléon" qui veulent s'emparer du pouvoir ?
26 R. Il parlait de "petits Napoléons", les gens qui se trouvaient au niveau
27 régional, qui, tout d'un coup, se trouvaient responsables du SDS, des
28 politiques régionales du SDS, et qui se sont emparés du pouvoir, qui se
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1 sont élevés, qui se sont décidés qu'ils étaient indépendants et qu'ils
2 étaient indépendants de notre ligne politique, qui ont décidé qu'ils
3 pouvaient écrire leur propre politique de façon parfaitement indépendante
4 par rapport au parti. Avant cela, M. Karadzic avait nommé des personnes au
5 niveau régional qui étaient en charge de coordonner les conseils régionaux
6 du SDS. Donc, ces gens ont eu un peu de pouvoir et malheureusement, ils ont
7 abusé de leur pouvoir.
8 Q. Monsieur, mais avaient-ils des noms bien précis en tête quand il
9 parlait de ces "petits Napoléon" ?
10 R. Il avait certainement des noms concrets en tête, mais il me faudrait me
11 livrer aux conjectures, si vous souhaiteriez que je vous donne des noms. Il
12 pensait aux personnes qui se trouvaient à la tête de certaines régions qui
13 ne faisaient pas partie de l'union politique. Il aurait fallu aller au
14 Parlement. Il ne serait pas juste de vous citer des noms parce que je
15 devrais me livrer à des conjectures, mais il s'agissait certainement des
16 noms de personnes qui étaient à la tête de diverses régions. Il ne pensait
17 pas aux membres ordinaires.
18 Q. Lorsque vous dites qu'il fallait procéder au changement du conseil
19 régional en Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous aviez personnellement pris
20 au changement dont fait référence le Dr Karadzic, changement de ces
21 conseils régionaux ?
22 R. Non. Cela ne faisait pas partie de mon champ de compétence et je n'y ai
23 pas pris part. Il est possible que j'y aie été présent, mais la compétence
24 relevait du président du parti, exclusivement. Je sais maintenant à qui on
25 fait référence ici, si l'on parle du conseil régional du SDS de la Krajina
26 de Bosnie.
27 Q. Monsieur Krajisnik, je vous demanderais de passer au numéro 4. C'est en
28 fait quatre pages plus loin. C'est à la page 29 en anglais. Encore une
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1 fois, le Dr Radovan Karadzic fait -- le numéro de référence. Est-ce que
2 vous avez retrouvé le passage, Monsieur Krajisnik ?
3 R. Oui, oui.
4 Q. Fort bien. Je ne sais pas si c'est la même disposition du texte, mais
5 ce serait le paragraphe où le Dr Karadzic dit en anglais : "Je dois dire
6 que la politique du Parti démocratique serbe ne vise pas de diviser la
7 Bosnie-Herzégovine ou n'a jamais été ceci jusqu'à ce que les personnes
8 commencent à en parler. Le SDS n'approuve pas la création de nouvelles
9 unités de la Fédération avant que le système constitutionnel et juridique
10 ne soit démantelé."
11 Est-ce que vous savez de quoi il parlait, ici, lorsqu'il parle d'unités
12 fédérales ?
13 R. Il pensait à la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'il avait
14 l'impression que la Bosnie-Herzégovine devrait devenir une unité, deux ou
15 trois unités fédérales. Tout comme la Bosnie se trouvait au sein de la
16 Yougoslavie, il aurait fallu créer plusieurs unités fédérales au sien d'une
17 même Bosnie-Herzégovine. La fédéralisation veut dire constitutionaliser une
18 région en tant qu'unité constitutionnelle avec l'approbation du Parlement.
19 Q. Mais ce processus, lorsqu'on parle de la création de nouvelles unités
20 fédérales, c'était la politique du SDS. Cela reflète adéquatement, n'est-ce
21 pas, la politique du SDS, c'est-à-dire que le SDS n'approuvait la création
22 de nouvelles unités fédérales, n'est-ce pas, à ce moment-là ?
23 R. Oui, c'est exact. Nous sommes maintenant en juin 1991, et il s'agissait
24 d'une période --
25 Q. C'est le mois de juillet, Monsieur Krajisnik.
26 R. Oui, effectivement. C'était le mois de juillet, le septième mois de
27 l'année.
28 Q. Excusez-moi, je vous ai interrompu. Je suis désolé. Veuillez
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1 poursuivre, je vous prie, Monsieur Krajisnik --
2 R. A l'époque, ce qui était, ce qui existait, c'était un discours très
3 actif entre le côté serbe et le côté musulman, et il aurait fallu arriver à
4 un accord historique entre les Serbes et les Musulmans.
5 Q. Lorsque le Dr Karadzic dit ici : "Je dois dire que la politique du
6 Parti démocratique serbe n'est pas de diviser la Bosnie-Herzégovine, à
7 moins que d'autres personnes ne la démantèlent." Est-ce qu'on avait parlé,
8 au sein du SDS, du fait que le Parti démocratique serbe, à un moment donné,
9 adopterait la politique qui viserait à diviser la Bosnie-Herzégovine ?
10 R. C'est une excellente question. Je vais essayer de répondre de façon
11 claire.
12 Cette première partie de la réponse de M. Karadzic était la position
13 officielle adoptée par le SDS, à l'époque. Puisqu'il existait une aile
14 gauche et une aile droite et que de diverses discussions se faisaient
15 sentir, le comité avait dit, nous n'allons pas démanteler, nous, la Bosnie-
16 Herzégovine, mais d'autres personnes devraient procéder à le démanteler.
17 Donc, il a ajouté cette annexe pour qu'un compromis soit apporté à cette
18 discussion croyant que jamais cela n'arriverait. C'était la position de M.
19 Karadzic en tant qu'homme politique, c'est-à-dire de répondre déjà,
20 d'anticiper la question, d'anticiper la réponse, d'anticiper en donnant une
21 réponse à une question anticipée de certaines parties qui auraient pu
22 proposer certains changements. Donc, c'était ce qui était le cas en juillet
23 1991.
24 Q. Est-ce que nous pouvons dire que la politique du SDS souhaitait un
25 démantèlement de la Bosnie-Herzégovine ?
26 R. Je suis vraiment désolé, mais je vais peut-être devoir répondre
27 de cette façon-ci. Lors des négociations, nous avions des points de vue
28 extrêmes, maximalistes. Notre concept était la Yougoslavie, mais il y avait
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1 également une variante de réserve, c'est-à-dire que si la Yougoslavie
2 n'allait pas exister, nous devions avoir une unité constitutive au sein
3 d'une Bosnie-Herzégovine. Il n'y avait pas de troisième variante.
4 Personnellement, en leur for intérieur, certaines personnes pensaient si
5 les Musulmans voulaient créer leur propre Etat comme les Croates et s'ils
6 voulaient se démanteler, alors ils disaient : "Pourquoi n'aurions-nous pas,
7 nous aussi, un Etat indépendant ?" Mais ce n'était pas quelque chose qui
8 était à l'ordre du jour. On n'en parlait pas du tout de façon officielle en
9 Bosnie-Herzégovine, et surtout pas au niveau du SDS lors des discussions au
10 sein du SDS.
11 Q. Lorsque vous dites que c'était une position personnelle, ou plutôt,
12 lorsque vous dites que c'était une position de rechange qu'il y ait une
13 Bosnie-Herzégovine constituante, une unité constituante au sein d'une
14 Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous voulez dire que même si ce genre de
15 propos n'avait jamais été discuté publiquement, c'était une question qui
16 existait au sein du SDS ?
17 R. Oui. On en parlait, mais on en parlait comme une variante secondaire,
18 une possibilité. L'idée principale était de rester au sein de la
19 Yougoslavie, que la Bosnie devrait rester au sein d'une Yougoslavie, que la
20 Yougoslavie devrait être quelque peu changée dans le sens où certaines
21 unités devaient passer en Bosnie. Nous prônions une Bosnie. Nous étions par
22 la Bosnie et nous voulions que certaines unités, que certains pouvoirs
23 soient également représentés par la Bosnie. Nous ne voulions pas de
24 frontières ni de passeports qui nous sépareraient les uns des autres. C'est
25 tout ce que nous ne voulions surtout pas.
26 Q. Monsieur Krajisnik, s'agissant de cette session du SDS qui, à un moment
27 donné, a changé en un autre type de session, il y avait des invités non
28 invités, des représentants d'autres partis et d'autres nationalités qui
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1 avaient fait irruption, n'est-ce pas ?
2 R. Je crois que oui. Il y avait toujours des invités non invités qui
3 venaient participer, qui venaient écouter les sessions, mais il est peut-
4 être fort possible qu'ici aussi, il y ait eu des invités non invités, non
5 prévus.
6 Q. Monsieur Krajisnik, à la page 45 de la version anglaise, quatre ou cinq
7 paragraphes plus bas, en haut de la page 46 en anglais, le Dr Karadzic dit
8 :
9 "Je demanderais les délégués de rester après la session formelle, car nous
10 aimerions procéder à un vote, car M. Izetbegovic et Cengic et les gens du
11 HDZ viendront ici. Ils nous ont demandé de poursuivre la politique de
12 coopération."
13 Un peu plus bas, huit ou dix pages plus loin, plutôt -- M. Krajisnik,
14 dites-moi si vous avez retrouvé le point 9 ?
15 M. STEWART : [interprétation] C'est la page 59 en anglais, Monsieur le
16 Président, Messieurs les Juges.
17 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé ?
18 R. Oui.
19 Q. Monsieur Krajisnik, nous pouvons voir ici qu'Abdullah Konjicija - je
20 n'arrive pas à prononcer - qui fait partie de la cambre des citoyens de
21 Bosnie-Herzégovine, quelle est sa nationalité ? Il était Musulman, n'est-ce
22 pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Au point 10, M. Rabija Subic, qui avait également pris la parole, qui
25 est-il ? A quelle nationalité appartenait-il ?
26 R. C'est une femme --
27 Q. Excusez-moi. Je lui demande de me pardonner, en fait. Je présente mes
28 excuses à cette dame.
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1 R. Je n'ai pas reçu d'interprétation.
2 Rabija Subic était la présidente du Parti socialiste de Bosnie-
3 Herzégovine. Vous vouliez savoir à quel parti elle appartenait; c'est
4 cela ?
5 Q. Quelle était son appartenance ethnique ? En fait, à quelle nationalité
6 appartenait-elle ? Elle était de quelle nationalité ?
7 R. Son nom est musulman, mais elle était mariée avec un Serbe, donc nous
8 pourrions dire qu'elle était Yougoslave.
9 Q. Dix pages plus loin, au point 14, Monsieur Krajisnik, qui correspond à
10 la page 58 [comme interprété] en anglais.
11 [Le conseil de la Défense se concerte]
12 R. Oui, j'ai trouvé.
13 Q. C'est vous-même, Monsieur Krajisnik, qui aviez pris la parole :
14 "Mesdames et Messieurs, je suis très heureux que vous m'ayez accueilli
15 ainsi." Est-ce que c'est la page 68 ?
16 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est la page 68, Monsieur le Président.
17 Q. "Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être reçu ici, plus
18 particulièrement puisque M. Konjicija était le premier à se lever et M.
19 Muhamed Cengic était le dernier. Je les respecte tous les deux, je les aime
20 bien tous les deux, et je n'ai aucune critique à leur endroit."
21 Vous avez ensuite fait des compliments aux personnes qui avaient pris la
22 parole avant vous. Plus loin, vous dites : "Je suis très heureux que les
23 personnes de ce parti m'aient demandé de ne jamais travailler au détriment
24 d'autres peuples puisque cela serait dévastateur."
25 Dernier paragraphe de cette réponse, je ne vais pas vous donner lecture de
26 tout ce paragraphe, donc vous dites : "La seule chose que je peux dire
27 devant vous tous, c'est que je vais parler au nom du peuple serbe, car ils
28 m'ont autorisé de parler en leur nom. Mais ce que je ne vais pas faire,
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1 tout comme j'ai fait il y a quelques jours -- tous ceux qui me connaissent,
2 vous savez que je me convertirais plutôt que de ne pas respecter ma
3 parole."
4 C'est ce que vous aviez dit. Monsieur Krajisnik, lors de cette réunion,
5 vous avez été élu en tant que membre du conseil principal du SDS, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Bien sûr, vous êtes resté le président de l'assemblée de Bosnie-
9 Herzégovine tout au long de cette période. Est-ce que vous aviez reçu des
10 membres, des dirigeants du SDS, des instructions, à savoir, ce que vous
11 devriez dire, ou est-ce que l'on vous a suggéré d'adopter certains points
12 de vue lors des réunions publiques ?
13 R. Je crois que les positions étaient connues de tous, et les positions
14 étaient fort simples, également. C'est ce que j'ai d'ailleurs dit dans ce
15 texte, que je protège mon propre peuple, mais que je ne pourrais jamais
16 travailler au détriment d'autres peuples, c'est-à-dire que je veux tenir
17 une assemblée juste et je veux dire de façon très claire et de façon très
18 juste. Je vais énoncer mon point de vue.
19 Il n'y a jamais eu de demande faite pour que je protège le peuple
20 serbe, même si le peuple serbe n'a pas raison, c'est-à-dire que je n'ai
21 jamais reçu d'ordre de personne, on ne m'a pas donné d'instructions. Nous
22 nous consultions, nous avions des discussions, des consultations et tout
23 comme m'a dit un témoin qui était venue témoigner devant vous; elle a parlé
24 de brainstorming. C'est ce que nous avions assez fréquemment. Nous
25 représentions la volonté du peuple serbe. Je savais très bien ce que
26 désirait le peuple serbe et c'est ce sur quoi je travaillais. Ici, on parle
27 du peuple serbe, et non pas du parti. Je ne représentais donc pas les idées
28 d'un parti, mais du peuple serbe.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.
2 M. STEWART : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous le pourriez, je vous
4 prierais de préciser un point que vous avez lu, dont vous nous avez donné
5 lecture il y a quelques instants. On lit ici, au compte rendu d'audience :
6 "Quand je ne suis pas en mesure de le faire, je vais certainement pouvoir
7 le faire." Nous ne comprenons pas très bien ce que c'est.
8 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président. Je
9 vais demander une question à M. Krajisnik.
10 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez dit quelque chose en marge 14. Si vous
11 prenez le dernier, le tout dernier paragraphe de ceci, première phrase :
12 "Tout ce que je peux dire devant cette assemblée," c'est ce que j'ai lu il
13 y a quelques instants.
14 La phrase qui suit, c'est en anglais : "When I am not", donc "lorsque
15 je ne…" Donc, Monsieur le Président, je vais vous donner lecture de cette
16 phrase.
17 En fait, Monsieur Krajisnik, pourriez-vous lire ce passage en serbe ?
18 R. Je vais essayer de trouver le passage.
19 Q. C'est à la toute fin du point 14 en marge.
20 R. Je l'ai trouvé, oui, j'ai trouvé le point 14.
21 Q. Allez au tout dernier paragraphe de votre discours vous terminez avec :
22 "Merci".
23 "(Applaudissements)."
24 Avant que le président ne prenne parole de nouveau, est-ce que vous
25 l'avez trouvé ?
26 R. Oui, oui. Aimeriez-vous que je vous donne lecture du passage ?
27 Q. Oui, certainement, Monsieur Krajisnik, je vous prierais de nous donner
28 lecture du paragraphe;"Tout ce que je peux dire devant cette assemblée," je
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1 vous prie de nous donner lecture de ce paragraphe.
2 R. "Devant cette assemblée, je peux dire seulement que je vais m'impliquer
3 pour ce dont je suis autorisé par le peuple serbe lorsque je ne pourrais
4 pas le faire, je vais à ce moment-là faire ce que j'ai fait il y a quelques
5 jours. Chacun qui me connaît sait que je changerais plus rapidement de
6 religion que de revenir sur ma parole."
7 Q. Oui, Monsieur Krajisnik.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque M. Krajisnik vient de nous
9 donner lecture du passage que nous avons en anglais qui se lit comme suit :
10 "Lorsque je ne serais pas en mesure de faire cela, je vais certainement
11 faire cela."
12 J'ai deux -- je ne comprends pas très bien puisque c'est contradictoire. Si
13 vous n'êtes pas en mesure de faire quelque chose comment se fait-il que
14 vous allez néanmoins faire quelque chose ? Je vous demanderais de nous
15 expliquer ce que vous voulez dire, Monsieur Krajisnik ? Ce n'est pas tout à
16 fait clair, malheureusement.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens d'expliquer il y a quelques instants
18 quel était mon mandat. J'avais reçu un mandat, et le mandait était de
19 travailler de façon juste, de ne pas travailler au détriment d'autres
20 peuples et de protéger les intérêts du peuple Serbe. C'était mon mandat que
21 je devais respecter. C'est ce que j'avais dit, je remercie au SDS de me
22 permettre de défendre les intérêts du peuple serbe, de ne pas aller au
23 détriment d'autres peuples. Voilà, c'était mon mandat.
24 Avant cette assemblée, il y avait eu une autre assemblée de
25 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et les députés du SDS étaient sortis, ils
26 avaient quitté l'assemblée et j'étais resté seul avec
27 M. Bjelobrk. Irfan Ajanovic a dit nous demandons que M. Krajisnik soit
28 démis de ses fonctions. Nous ne sommes pas d'accord avec lui. J'ai donc dit
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1 : Oui, d'accord, procéder à un vote immédiat si vous estimez que je ne suis
2 pas juste. Ils ont dit : Non, non, il n'y a pas de député du SDS. J'ai dit
3 : Ce n'est pas grave, s'il n'y a pas de député du SDS, au nom du HDZ et du
4 SDA, déclarez-vous et dites si vous voulez que je reste au sein du parti ?
5 J'ai insisté et ils m'ont dit : Nous sommes désolés, nous n'avons pas
6 demandé votre démission. M. Ajanovic a commencé à me louer. J'ai dit : Mais
7 non, arrête de me lancer des louanges puisque le SDS à ce moment-là me
8 relèvera de mes fonctions. Je lui ai dit : Je vais demander ma démission
9 seulement si je ne peux pas travailler conformément à mon mandat. Je lui ai
10 dit : Je préfèrerais changer de religion que de redevenir sur ma parole.
11 C'est ce que je voulais dire. Mon intention était de me retirer si
12 jamais on avait voté mon départ. Je parlais de cette assemblée, tout le
13 monde connaissait ce qui s'était passé lors de cette assemblée et vous
14 verrez qu'il y a une personne qui me remercie d'avoir présidé cette
15 session. J'étais resté seul avec les députés du HDZ et du SDA alors que les
16 députés du SDS n'étaient pas présents. C'est à ceci qu'on fait référence.
17 Je leur disais à ce moment-là que si je n'étais pas un homme juste que
18 j'allais demander ma propre démission, et qu'il fallait procéder à un vote
19 de confiance.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, Monsieur
21 Stewart.
22 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Je crois dans l'original en serbe, il y a peut-être une erreur de
24 frappe.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas tout à fait clair. Ce n'est
26 pas tout à fait limpide à 100 % mais je ne veux pas passer plus de temps
27 sur cette question. Je regarde l'heure et je vois qu'il est midi 26. Je
28 propose de prendre une pause maintenant de 25 minutes, et nous reprendrons
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1 nos travaux à midi. En fait, nous allons reprendre nos travaux à midi 45.
2 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci.
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous ne continuions,
7 j'aimerais que nous nous penchions sur une question pratique, des plus
8 pratiques, ce qui explique la raison pour laquelle nous arrivons en retard
9 pour cette audience-ci.
10 Demain, nous allons avoir une réunion plénière des Juges prévue pour le
11 matin. Cela nous a été annoncé il y a quelques temps. Comme aucune des
12 salles d'audience n'était disponible l'après-midi et que les Juges ont
13 estimé qu'il était important de ne pas perdre de journées autant que
14 possible, il a fallu trouver une solution. L'une de ces solutions, c'était
15 de faire en sorte que le Juge qui préside à la Chambre assiste à la
16 plénière. Il s'est avéré que l'affaire Martic vient de terminer pour cette
17 semaine et ils étaient prévus pour l'après-midi de demain. Conformément aux
18 instructions récentes que j'ai données, il sera étudié la possibilité de
19 passer en session d'après-midi. Même le Greffier n'a pas eu connaissance de
20 la dernière des évolutions des événements. Nous venons de voir la chose
21 avec les Juges qui sont chargés de l'affaire Martic, il y sept minutes à
22 peine. Je voudrais savoir si cela vous crée problème, parce que si nous
23 avions à travailler demain après-midi, et si nous demandions au Président
24 de nous exempter de notre présence pour cette réunion, qu'en pensez-vous ?
25 M. STEWART : [interprétation] Il n'y a pas de problème pour la Défense,
26 Monsieur le Président.
27 M. TIEGER : [interprétation] Pas de problème non plus pour l'Accusation.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, vous êtes maintenant
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1 témoin et ce qui fait que votre position est quelque peu différente.
2 J'estime que vous êtes disponible, mais il se pourrait que vous ayez eu des
3 obligations autres, un médecin à voir, mais je vois que vous opinez du chef,
4 donc j'en conclus qu'il n'y a pas de problème majeur à cela. Donc je
5 demanderais à M. le Greffier de vérifier s'il est possible de travailler
6 demain après-midi et de m'en informer dès que possible.
7 Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
8 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que vous retrouviez le point numéro 15
10 en marge des pages.
11 M. STEWART : [interprétation] C'est en haut de la page 76 dans la version
12 anglaise. En réalité, c'est tout à fait le bas de la page précédente, 75,
13 où il est dit : "Le Dr Karadzic," et où on cite ses quelques propos qu'on
14 retrouve au haut de la page 76.
15 Q. Le voyez-vous ? On dit : "Quelques mots à peine." Voyez-vous cela ?
16 R. Oui, je vois.
17 Q. Ensuite, il dit : "Nous avons sondé les positions de l'armée et on a
18 constaté que les positions de l'armée étaient identiques à l'égard de tous
19 les partis. Je dois reconnaître pour le compte rendu, que le SDS est un
20 parti de centre et non pas à un parti de droite, donc leur attitude à
21 l'égard de tous les partis étaient plus ou moins la même. Nous avons vu
22 qu'ils étaient décidés à se défendre, non pas seulement à défendre le
23 peuple serbe, mais toute population exposée à des attaques."
24 Monsieur Krajisnik, on dit ici qu'il n'y a aucune probabilité de voir
25 quiconque entrer en conflit avec l'armée. Alors, ici, il s'agissait d'une
26 réunion publique, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que la presse était présente ? Vous en souvenez-vous ?
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1 R. Je ne m'en souviens pas, mais il est fort probable que si.
2 Q. Avez-vous, vous-même, été impliqué dans des discussions avec des
3 représentants de la JNA ?
4 R. Oui. A un certain moment, oui.
5 Q. Pendant quelle période ?
6 R. Je crois qu'il s'agissait de la deuxième partie de 1991. En ma qualité
7 de président du Parlement de Bosnie-Herzégovine, j'ai participé à des
8 entretiens avec le commandant local du 2e District militaire, mais il en a
9 été de même avec des responsables au niveau fédéral de l'armée populaire
10 yougoslave.
11 Q. Vous venez de parler de la deuxième moitié de 1991. Je crois que ma
12 question n'a pas été suffisamment précise. La réunion que nous sommes en
13 train d'examiner est une réunion qui s'est tenue le 12 juillet, et c'est à
14 cette réunion que le Dr Karadzic avait pris la parole. Est-ce que jusque-
15 là, vous aviez pris part à des entretiens qui auraient eu lieu avec la
16 JNA ?
17 R. Je pense que non, et si cela est quand même le cas, cela a pu être des
18 entretiens au nom de la Bosnie-Herzégovine, enfin, entre la Bosnie-
19 Herzégovine et l'armée populaire yougoslave. Je n'ai pas discuté avec
20 l'armée populaire yougoslave au nom de mon parti.
21 Q. Pour autant que vous en ayez eu connaissance à l'époque, ce que le Dr
22 Karadzic dit ici au sujet de l'attitude prise par la JNA représente-il, de
23 façon véritable, la façon que vous considériez être celle de voir les
24 choses par les soins de l'armée ?
25 R. Oui.
26 Q. Le Dr Karadzic dit : "Si nous sommes attaqués et comme l'armé est tenue
27 de défendre les victimes des attaques, elle devra bien nous défendre. C'est
28 une institution de l'Etat très importante. Elle est en train de défendre
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1 ceux qui sont attaqués en Croatie à présent.
2 "Nous avons dit que nous n'allions pas créer d'armées de parti. Nous
3 savons que des Serbes sont en train de s'armer avec des armes de
4 contrebande ou des armes de fabrication ancienne, mais en notre qualité de
5 parti, nous n'avons pas le droit de nous armer, d'armer la population. Donc
6 nous n'avons pas le droit d'armer la population, mais nous n'avons pas le
7 droit de décourager cela non plus, parce que cela pourrait exposer la
8 population à des souffrances."
9 Monsieur Krajisnik, avez-vous eu connaissance du fait que les Serbes
10 étaient en train de s'armer avec des armes de ce genre ou des armes qu'ils
11 avaient depuis un moment déjà ?
12 R. Dans ma réponse précédente, je vous ai déjà dit que je ne savais
13 vraiment pas comment, de quelle façon les Serbes étaient en train de
14 s'armer s'ils étaient en train de s'armer. Mais lorsque les conflits armés
15 ont commencé, j'ai vu qu'ils avaient des armes, ce qui signifie qu'à
16 l'époque, il y a eu un armement des trois parties en présence.
17 Q. Le Dr Karadzic continue --
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient à l'intervenant d'indiquer le
19 numéro de la page.
20 M. STEWART : [interprétation] Oui, je m'excuse.
21 Q. Monsieur Krajisnik, peut-être pourriez-vous nous aider ? Où en sommes-
22 nous dans votre version ?
23 R. Page 92.
24 Q. Merci.
25 R. En fait, non, le numéro de la fin est 722.
26 Q. Oui, mais cela, c'est la numérotation interne du document lui-même. Là,
27 ce qu'on vous demande, c'est le numéro de la page.
28 R. Page 92. La page, c'est 92.
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1 Q. Merci, Monsieur Krajisnik.
2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas cette page.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est une page qui manque aux
4 interprètes seulement, parce qu'enfin, la différence semble être grande
5 entre ce que nous avons --
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont la page 90, puis qu'ils
7 n'ont pas la page 91, 92, et puis qu'il y a la page 95 ensuite.
8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas comment
9 cela s'est produit. Je m'en excuse. Nous essayerons de faire mieux pour
10 demain.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela nous ferait gagner du temps.
12 M. STEWART : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les interprètes souhaitent
14 que l'on donne lecture de la partie traduite, ou pas ?
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'intervenant de lire lentement
16 et ils essayeront de le faire.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
18 Veuillez continuer.
19 M. STEWART : [interprétation] Bien. C'est entendu.
20 Q. Alors : "Pour ce qui est de l'armée, nous avons donné instruction qui a
21 été rejeté par ses soins. Nous avons donné instruction en disant que le
22 personnel devait répondre aux appels sous les drapeaux lancés par la JNA.
23 Nous ne permettrons pas, au cas où il y aurait des attaques de lancées
24 contre la JNA, qu'elles viennent à être battue ou humiliée en Bosnie, parce
25 que cela n'arrivera pas, parce que c'est notre armée et cela le restera
26 tant qu'elle défend la Yougoslavie. Les volontaires ne seront pas
27 uniquement Serbes. Je sais qu'il y a des volontaires de …"
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Du moins, pour ce qui est de la
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1 traduction en français, je crois avoir compris que les interprètes
2 réitèrent leur demande de ralentir.
3 M. STEWART : [interprétation] Je vais m'efforcer de le faire.
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 M. STEWART : [interprétation] "Les volontaires ne seront pas exclusivement
6 Serbes. Je sais qu'il y a des volontaires issus des rangs des autres
7 groupes ethniques de la Krajina de Bosnie; par exemple, à Bosanski Novi, il
8 y a des Musulmans qui se sont portés volontaires pour défendre les Serbes
9 en Croatie, et je sais pour sûr qu'ils sont en train de recevoir des
10 réfugiés et d'aider à fournir logements et nourriture à leur égard.
11 "Cela fait que de notre côté, nous conseillons à nos affiliés de
12 répondre à tous les appels sous les drapeaux de la JNA. Je crois que cela
13 est raisonnable et que cela le sera pour les autres partis en présence qui
14 souhaitent avoir la paix. Aussi faudrait-il qu'ils recommandent à leurs
15 affiliés de répondre présents aux appels. Nous ne serons pas tenus
16 responsables pour quelque déséquilibre que ce soit dans la composition
17 ethnique de l'armée. Ceux qui empêchent les membres de leur parti et leurs
18 ressortissants de leur groupe ethnique de répondre présents en assumeront
19 la responsabilité. Ceux qui encouragent les réservistes à ne pas répondre
20 présents, et ainsi de suite."
21 Q. Alors, Monsieur Krajisnik, tout ceci a été dit par le Dr Karadzic en
22 présence des invités issus d'autres partis et d'autres groupes ethniques,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Je crois qu'à ce rassemblement, c'est bien ce que le Dr Karadzic a dit.
25 Les personnes présentes ont toutes pu l'entendre. Enfin, je me réfère à ce
26 texte. Il l'a dit en public, ce qu'il a dit à ce rassemblement. C'est
27 exact.
28 Q. Y a-t-il eu des réactions négatives ou des hostilités manifestées par
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1 quelque membre d'un autre parti ou d'un autre groupe ethnique, s'agissant
2 de ce que le Dr Karadzic a prononcé à cette réunion ?
3 R. Je ne pense pas, mais je vais ouvrir une parenthèse. Très souvent, il y
4 a eu des individus extrémistes qui avaient souhaité la création d'une
5 nouvelle armée serbe, mais c'étaient des phénomènes marginaux. Je ne sais
6 pas s'il y a eu des débats de ce genre à ce niveau-là, mais je pense que
7 cela a été la position qui a été acceptée par tout un chacun. Aux yeux de
8 certains extrémistes l'armée était considérée comme étant communiste, et
9 c'est la raison pour laquelle ils avaient émis des réserves.
10 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être pourrions-nous
11 essayer de recourir à une sorte d'expérimentation. J'espère que cela se
12 passera bien. Nous voudrions nous pencher sur deux conversations
13 interceptées qui se trouvent être en corrélation avec ce que nous venons de
14 voir, et nous demanderions une certaine souplesse. Avec l'autorisation des
15 Juges, je convierai Me Josse à s'en occuper. Je préférerais que l'on
16 m'autorise à ce que je confie la conduite de l'interrogatoire à Me Josse,
17 pour qu'il parle de certaines questions.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, quoique d'habitude, la pratique
19 veut que ce soit un conseil, le même conseil qui interroge le témoin.
20 Compte tenu de la longueur de celle-ci --
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le travail en équipe ne fait pas l'objet
23 d'une opposition de la part des Juges de la Chambre, mais toujours est-il
24 que nous pourrons donner une décision finale une fois que l'Accusation nous
25 communiquera son opinion.
26 M. TIEGER : [interprétation] D'abord, je n'ai pas d'objection à cet égard.
27 M. Stewart a dit qu'il s'agissait d'une expérimentation. Si des problèmes
28 venaient à se présenter, nous attirerons l'attention des Juges de la
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1 Chambre, certainement.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'y a pas de décision finale à
3 ce sujet. Il n'y a pas d'opposition de la part des Juges de la Chambre. Si
4 cela vient à l'avenir, on verra.
5 Allez-y.
6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais passer
7 le relais à Me Josse.
8 Merci, Maître Josse.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, les écoutes vont être
10 passées d'une façon similaire. Je crois que cela va être lu en anglais et
11 traduit en français pour avoir le procès-verbal complet. Il est normal que
12 les interprètes soient quelque peu en retard par rapport à l'original.
13 M. JOSSE : [interprétation] Oui, ce sera une expérimentation de plus.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.
15 M. JOSSE : [interprétation] Bien. La première des écoutes que nous
16 aimerions faire entendre au témoin n'a pas, jusqu'à présent, été versée au
17 dossier. Je voudrais le diriger sur certaines parties de cette écoute sans
18 que nous ayons à effectivement l'écouter nous-mêmes.
19 Pour gagner du temps, nous avons mis sur papier plusieurs versions en
20 B/C/S, et l'une de ces versions est destinée au témoin. Un exemplaire sera
21 destiné aux cabines d'interprétation, et la version anglaise sera passée
22 sur l'écran. M. Sladojevic va suivre la version audio et déplacera le texte
23 sur l'écran au fur et à mesure de son défilement.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui. Mais cela devrait être valable
25 pour les pièces à conviction. Tout d'abord, si nous disons souhaiter avoir
26 la version imprimée des pièces à conviction, pour le cas où cela serait une
27 pièce à conviction déjà versée au dossier, peut-être avant que de venir
28 dans le prétoire, peut-être pourrions-nous prendre nous-mêmes nos
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1 exemplaires avant que de venir, mais il faut que vous nous l'indiquiez pour
2 ne pas que l'on dépense autant de papier pour les photocopies. Toujours
3 est-il que je remercie M. Sladojevic du travail qu'il a fourni. Je ne
4 voudrais pas suivre ce qu'il nous montre avec sa souris, mais j'aimerais
5 que nous puissions suivre autrement.
6 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors si quiconque, les
8 interprètes, les techniciens, les Juges, ou vous, Monsieur Krajisnik, avez
9 des difficultés pour ce qui est de cette façon de faire, j'aimerais que
10 vous nous l'indiquiez.
11 Veuillez continuer, Maître Josse.
12 M. JOSSE : [interprétation] Nous allons passer à une conversation
13 téléphonique interceptée du 16 juillet 1991.
14 Voici un exemplaire papier pour M. Krajisnik. Les autres exemplaires sont
15 pour les interprètes --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document qui n'a pas
17 encore été versé --
18 M. JOSSE : [interprétation] Oui, on a vérifié. Enfin, on a essayé de
19 vérifier, et visiblement, cela n'a pas encore été versé.
20 Je tiens aussi à ajouter que toutes les pièces à conviction, n'est-ce pas,
21 résultent de documents qui sont communiqués par l'Accusation, enfin, pour
22 ce qui est des conversations téléphoniques.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas d'objection en ce qui
24 concerne leur origine ?
25 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
26 M. HARMON : [interprétation] Nous aimerions en revanche avoir aussi un
27 exemplaire en B/C/S.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il s'agit de fournir à
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1 l'Accusation un exemplaire en B/C/S.
2 M. JOSSE : [interprétation] Pendant qu'on est en train de diffuser le
3 document, j'ai parlé aux personnes qui sont dans la cabine anglaise pour
4 savoir exactement ce qu'ils veulent faire. Est-ce que vous voulez que nous
5 lisions le script, ou est-ce que vous voulez qu'on essaie de traduire la
6 conversation interceptée ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Notre expérience m'a montré qu'il est
8 impossible de traduire immédiatement en temps réel ce qui est intercepté
9 par téléphone mot à mot, c'est beaucoup trop rapide. Si je me souviens
10 bien, je crois qu'il y a un travail d'équipe, quelqu'un qui suit un peu ce
11 qui se passe en B/C/S dans la cabine, et l'autre est en train de lire la
12 traduction anglaise telle qu'elle a été préparée; ce qui, bien sûr, donne
13 la possibilité par la suite de vérifier si la traduction a été exacte ou
14 non. C'est comme cela que cela fonctionne jusqu'à présent. C'est la
15 traduction écrite qui nous sert de référence, mais pour avoir un dossier
16 bien complet, nous voulons aussi que la traduction anglaise soit lue.
17 Ainsi, nous avons tout au compte rendu, au transcript.
18 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On devrait demander peut-être aux
20 personnes qui téléphonent de parler plus lentement, tout simplement, à
21 l'avenir. Cela rendrait le travail de tout le monde beaucoup plus simple.
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Si on pouvait faire passer maintenant la
23 conversation téléphonique interceptée.
24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
25 [Diffusion de la cassette audio]
26 M. JOSSE : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait que l'on arrête, parce que
28 nous pensions avoir la traduction anglaise à l'écran --
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1 M. JOSSE : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Or, à l'écran, pour l'instant, il y a
3 deux petits enfants très mignons et un petit chat.
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, cela nous vient de l'Allemagne du sud,
5 d'ailleurs. M. Sladejovic a un petit peu de mal, il a un problème avec la
6 connexion technique. Pour l'instant, il essaie d'obtenir le fichier, mais
7 il n'arrive pas à afficher sur l'écran, à l'heure actuelle.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois un technicien qui s'avance.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. HARMON : [interprétation] Nous avons une traduction en anglais de
11 cette conversation téléphonique interceptée à l'arrêt 03219444. On pourra
12 peut-être vous la montrer. Peut-être que nous pouvons vous la fournir. Elle
13 pourrait aider peut-être à la fois les interprètes et le conseil de la
14 Défense.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, comme cela on pourrait résoudre le
16 problème technique plus tard. Donc vous pouvez peut-être le mettre tout
17 simplement, soit l'afficher à votre écran ou alors le mettre sur le
18 rétroprojecteur.
19 M. HARMON : [interprétation] Je vais demander à mon expert ce qu'il en est.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, nous n'avons pas de document papier,
22 donc on ne peut pas le mettre sur le transcript.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, on ne le mettra pas sur le
24 rétroprojecteur.
25 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais on peut quand même l'afficher de
26 façon électronique.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si cela pouvait être un petit peu
28 élargi, je pense qu'on va arriver à s'en sortir.
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1 Monsieur Josse, vous pouvez y aller. Nous avons tous le document sous les
2 yeux.
3 M. JOSSE : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'a pas encore de cote, en revanche.
5 Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous donner une cote ?
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D178.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le transcript en B/C/S sera le D178.1, et
9 la traduction en anglais sera le D178.A.1.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vérifie.
11 Nous venons de recevoir ceci sur le CD-ROM. Normalement, les conversations
12 téléphoniques interceptées sont versées sous forme électronique et les
13 transcripts, donc les scripts, reçoivent une cote A pour le script dans la
14 langue d'origine et 1.1 pour la version traduite.
15 M. JOSSE : [interprétation] Si je pouvais avoir la nuit, peut-être, pour en
16 parler avec M. Sladojevic, M. Haider, et puis toutes nos équipes
17 techniques, nos techniciens, nos experts et ceux qui nous aident à résoudre
18 ce genre de problème.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je peux même -- je ne pense pas que
20 vous allez graver un CD pour chaque nouvelle version, enfin, pour chaque
21 nouveau script, et peut-être qu'il faudrait tout mettre sur un seul CD,
22 mettre tous les interceptions téléphoniques sur un seul CD.
23 M. JOSSE : [interprétation] On ne peut le faire qu'après coup. Je pense
24 qu'on devrait peut-être commencer, voir --
25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
26 M. JOSSE : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mes enfants m'ont appris à graver les
28 CD, donc je suis certain que cela va fonctionner très bien. Je suis certain
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1 que M. Sladojevic est un expert pour faire ce genre de chose.
2 Enfin, commençons.
3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons maintenant un nouveau
5 problème. J'y avais déjà pensé, d'ailleurs, mais il est assez difficile
6 d'alimenter les dossiers électroniques à partir de deux ordinateurs, donc
7 d'habitude, étant donné que ces conversations téléphoniques interceptées
8 sont à la fois du texte et de l'audio, nous ne l'avons pas ici. Je pense
9 qu'il faudra se pencher aussi là-dessus. Je pense que ce sera à
10 M. Sladojevic de se pencher là-dessus, et le Tribunal, bien sûr, vous
11 aidera pour voir. Il faudra aussi que du côté du Procureur, il voie quelle
12 est la solution. Peut-être, ce serait d'avoir une copie papier du
13 transcript en anglais qui pourrait donnée aux cabines, pour qu'on ait quand
14 même une copie papier qui soit disponible dans les cabines.
15 Enfin, je vois que les aspects logistiques sont assez compliqués,
16 visiblement.
17 M. JOSSE : [interprétation] En effet --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière passe son temps à
19 se promener dans le prétoire, et je pense qu'il faudrait qu'on arrive à
20 trouver des solutions qui ne demanderaient pas autant d'allées et venues.
21 M. JOSSE : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pouvez-vous
23 nous faire une copie papier de la version anglaise.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 M. JOSSE : [interprétation] On va essayer quand même d'avoir à la fois
27 l'audio et le fichier texte à l'écran.
28 [Diffusion de la cassette audio]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Karadzic : Osijek, tous ceux qui sont là-bas devraient au moins…
3 Krajisnik : Votre parti est vraiment extraordinaire. Il n'y en a pas
4 d'autres. Vous voyez les choses comme moi ?
5 Karadzic : Oui.
6 Krajisnik : Oui, les Monténégrins et les gens de la Krajina ensemble,
7 qui viennent tous de la vieille Herzégovine. Vous pouvez imaginer comment
8 cela fonctionne.
9 Karadzic : Oui.
10 Krajisnik : Le professeur Bulatovic est ici.
11 Karadzic : Hm-hm.
12 Krajisnik : C'est ce bâtiment. Oui, ils sont là, c'est certain…"
13 L'INTERPRÈTE : L'interprète est désolée, mais le texte est passé trop
14 rapidement pour pouvoir faire une traduction.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il faudrait que nous nous
16 arrêtions à nouveau.
17 Cela va trop vite. Monsieur, quand vous faites dérouler le document,
18 il ne faut pas suivre le B/C/S. Il faut suivre l'anglais, en revanche.
19 M. JOSSE : [interprétation] C'est ma faute. Je n'ai pas donné les bonnes
20 instructions à M. Sladojevic.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Recommencez, s'il vous plaît, et je
22 pense qu'à ce moment-là, ils arriveront, aux cabines, à suivre. Enfin,
23 sachez que nous sommes ici en train d'essayer quelque chose.
24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer qu'ils sont toujours en train
25 de lire et de traduire le script à une vitesse normale, alors que, bien
26 sûr, au téléphone, les gens parlent extrêmement rapidement. C'est pour cela
27 qu'on prend du retard.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons bien compris.
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1 Mais reprenons --
2 [Diffusion de la cassette audio]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "Karadzic : Osijek et tous, là-bas, devraient… au moins le Drava.
5 Krajisnik : Oui, votre parti est vraiment extraordinaire. Il n'y en a pas
6 d'autres comme cela.
7 Karadzic : [rires]
8 Krajisnik : Vous voyez comment on s'y est pris. Ecoutez.
9 Karadzic : Oui.
10 Krajisnik : Quand on arrive à prendre des Monténégrins et des gens de la
11 Krajina et qu'on les met ensemble, et avec vous qui venez de la vieille
12 Herzégovine, vous pouvez imaginer ce qui se passe.
13 Karadzic : Oui.
14 Krajisnik : Le professeur Bulatovic est ici.
15 Karadzic : Hein, hein.
16 Krajisnik : Ce bâtiment.
17 Karadzic : Oui.
18 Krajisnik : Ils sont là pour certains.
19 Karadzic : Hm-hm.
20 Krajisnik : S'il vous plaît. Il dit que la demande, il va la traiter, mais
21 pour ce qui est de cela, il faut qu'on se retrouve et qu'on arrive à en
22 terminer.
23 Karadzic : Oui, écoutez.
24 Krajisnik : Mais c'est compliqué. Le gouvernement n'a pas grand-chose à
25 faire.
26 Karadzic : En effet.
27 Krajisnik : Rien.
28 Karadzic : Super, super. Alors écoutez, on va voir. Ce Zulfikarpasic, il me
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1 recherchait depuis quelques jours. Il était désespéré.
2 Krajisnik : Oui.
3 Karadzic : Il m'a récupéré au téléphone aujourd'hui. Il a essayé de
4 m'éviter toute la journée, mais je l'ai eu au téléphone.
5 Krajisnik : Oui.
6 Karadzic : Il dit qu'on doit se rencontrer. C'est un accord historique
7 entre les Serbes et les Musulmans qui est en vue. On ne peut pas. J'ai dit
8 : 'Souvenez-vous, je vous l'ai dit.' Avant notre convention de création du
9 parti, vous avez dit que vous vouliez savoir qui allait être dans le parti.
10 Krajisnik : Oui.
11 Karadzic : Maintenant, on y est. J'ai aussi persuadé Alija. Il va
12 être avec nous. On va se rencontrer aujourd'hui et essayer d'arranger une
13 réunion avec une Milosevic demain. Ils sont en panique, ils sont paniqués.
14 Krajisnik : Oui, mais il va falloir qu'ils payent quand même pour l'entrée.
15 Karadzic : J'ai essayé de l'éviter, mais je lui ai dit que je le
16 rencontrerais pour un petit moment.
17 Krajisnik : Ce n'est pas grave.
18 Karadzic : Pour le rencontrer chez Nikola. Ce serait une bonne idée que
19 vous veniez aussi.
20 Krajisnik : Oui, mais dites-moi, à quelle heure ?
21 Karadzic : Vers 2 heures. On pourrait se rencontrer à deux heures moins le
22 quart là-bas.
23 Krajisnik : Parfait.
24 Karadzic : Cela vous va ?
25 Krajisnik : Non, pas vraiment. Je ne crois pas qu'on peut trouver deux
26 types comme Bulatovic et moi où que ce soit. Vous êtes ok, mais vous êtes
27 quand même que le deuxième sur la liste.
28 Karadzic : [rires] Je suis quand même très honoré d'arriver juste à votre
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1 cheville.
2 Krajisnik : Ah ?
3 Karadzic : Je suis honoré.
4 Krajisnik : Mauvais politicien. Vous êtes un diplomate, c'est tout. Les
5 pauvres, toutes ces dénominations, c'est difficile pour eux d'avoir à
6 traiter avec vous.
7 Karadzic : [rires]
8 Krajisnik : Mais je rigole. Je peux vous voir à deux heures moins le quart.
9 Karadzic : Parfait, dans ce cas-là.
10 Krajisnik : Ecoutez, vous savez ce qu'on va faire ?
11 Karadzic : Oui.
12 Krajisnik : Quand on a une mission, on veut en terminer le plus vite
13 possible, lui et moi.
14 Karadzic : Oui, oui.
15 Krajisnik : C'est quelqu'un au-dessus. Un de nos hommes devrait l'écrire,
16 ou alors on devrait écrire une lettre au nom de -- enfin peut-être que cela
17 devrait être un mémo, plutôt. Non, ce n'est pas possible.
18 Karadzic : Cela doit être un mémo, mais là-bas, ils sont inondés, là-bas,
19 ils ne peuvent pas rentrer.
20 Krajisnik : Oui, c'est vrai. Je tiens à vous dire quelque chose. Il
21 faudrait que ce soit le plus rapidement possible. Voici ce que je lui ai
22 dit --"
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande s'il convient de continuer.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que quelque chose soit arrivé.
25 Je ne sais pas si le B/C/S est terminé. Le B/C/S est en effet terminé.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous allons
27 continuer sans la version B/C/S et nous allons juste demander aux
28 interprètes en français et en anglais de poursuivre.
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1 J'ai quand même trouvé que la musique yougoslave était tout à fait
2 pertinente à ce moment, mais je pense que ce sera plus facile pour les
3 interprètes de travailler sans musique. Les interprètes vont continuer la
4 traduction.
5 [Diffusion de la cassette audio]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Voici ce que je lui ai dit : il devrait s'en occuper. Donc quand le
8 HDZ ou le SDA le demande, nous lui donnerons les bâtiments dont ils ont
9 besoin.
10 Karadzic : Oui, bien sûr.
11 Krajisnik : Comme cela, l'assemblée devrait fonctionner selon cela.
12 Karadzic : C'est excellent. C'est parfait.
13 Krajisnik : Alors, écoutez ce que j'ai à vous suggérer, étant donné qu'il
14 n'y a pas de classe là-haut.
15 Karadzic : Oui.
16 Krajisnik : Donc je vais les rencontrer pour en finir.
17 Karadzic : Ok.
18 Krajisnik : Puis, on va demander à Bulatovic, puisqu'il fait de grands
19 sacrifices pour notre peuple.
20 Karadzic : D'accord. C'est d'accord. Donc on en reparlera avant 2 heures,
21 comme cela on peut se retrouver à 2 heures moins le quart et peut-être on
22 pourra en terminer.
23 Krajisnik : Est-ce qu'Alija sera là ? Non, je ne pense qu'il y sera.
24 Karadzic : Non. Il a dit qu'il avait parlé avec Alija et qu'il l'avait
25 convaincu. Alija aimerait bien en faire partie. Il veut que Milosevic le
26 voie demain, juste après qu'il ait parlé avec nous.
27 Krajisnik : Non, non. Il doit le mériter. Je ne sais pas. Il faut voir.
28 Karadzic : Non. On doit analyser la chose. Mais tout d'abord, on doit
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1 écouter, on doit avoir un emprunt.
2 Krajisnik : Oui, c'est parfait, vers la Bosnie, cela, c'est d'accord.
3 Qu'est-ce qu'on va faire à propos de ces bâtiments ? Il faut en terminer,
4 d'une façon ou d'une autre.
5 Karadzic : Je vais les appeler. Je vais appeler là-bas tout de suite pour
6 savoir s'il y a quelqu'un qui pourrait écrire ce --
7 Krajisnik : Vous n'avez pas besoin de le faire. Je vais le faire. Voilà ce
8 que je vais faire. Je vais plutôt appeler Ostojic.
9 Karadzic : Oui.
10 Krajisnik : Oui, puisque Zoran était là.
11 Karadzic : Hm-hm
12 Krajisnik : On doit voir où il est parti.
13 Karadzic : Très bien.
14 Krajisnik : On doit lui dire aussi d'être entré en contact, d'écrire ce
15 mémo pour obtenir le bâtiment.
16 Karadzic : Hm-hm. Vous savez ce que vous devriez faire, appeler Simovic et
17 Ostojic. Simovic a déjà une demande comme cela et cela fonctionnait très
18 bien. Enfin, étant donné qu'il a dû aller au gouvernement et est passé au
19 travers de quelques commissions.
20 Krajisnik : Non. Cela ne marche pas. Ce n'est pas au gouvernement de faire
21 cela. Ce n'est pas Vlado, ce n'est pas au gouvernement de le faire.
22 Karadzic : Oui.
23 Krajisnik : Cela appartient à la municipalité de Centar.
24 Karadzic : Hm-hm. C'est à eux, c'est sûr.
25 Krajisnik : Alors, voilà ce que je vais faire. Je vais contacter Simovic --
26 enfin, plutôt M. Bulatovic, pour que les deux puissent terminer la chose,
27 et puis ce sera fait.
28 Karadzic : Parfait. Maintenant, je vais appeler Simovic pour --
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1 Krajisnik : D'accord. Vous n'avez pas besoin de faire grand-chose. C'est
2 moi qui vais le faire.
3 Karadzic : Très bien.
4 Krajisnik : Je vais tout faire. Ne vous inquiétez de rien.
5 Karadzic : Au revoir.
6 Krajisnik : Au revoir. Tout va bien.
7 Karadzic : Merci. Bonne journée et surtout, dites bonjour au professeur de
8 ma part.
9 Krajisnik : Je le ferai."
10 [Fin de la diffusion de cassette audio]
11 Interrogatoire principal par M. Josse :
12 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik, vous-même et le Dr Karadzic
13 étiez en train de parler de la proposition de l'accord historique; est-ce
14 que c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. La Chambre a entendu certaines références à cela et dans ce document,
17 on fait référence à Zulfo Zulfikarpasic. Quelle était sa proposition ?
18 R. M. Zulfikarpasic était le président de l'organisation musulmane
19 bosnienne, et ils avaient donné une initiative, ils avaient proposé,
20 ensemble avec le Pr Filipovic, ils avaient proposé un accord historique.
21 Ils avaient proposé à ce que l'on fasse, l'on procède à un accord
22 historique entre les Serbes et les Musulmans.
23 Q. Le professeur Filipovic et M. Zulfikarpasic n'étaient pas membres du
24 parti de M. Izetbegovic, du parti politique de ce dernier, n'est-ce pas ?
25 R. Non, effectivement. Ils n'étaient pas -- au début, oui, mais pas à ce
26 moment-là, pas au moment où l'on en a discuté. Mais au tout début de leur
27 vie politique, dans les années 90, oui. Sauf qu'à ce moment-ci, ils
28 n'étaient plus avec M. Izetbegovic.
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1 Q. Quel était le nom de ce parti politique, à l'époque pertinente ?
2 R. Le OMB, c'était l'Organisation musulmane bosnienne.
3 Q. Pourquoi était-il à l'origine de la proposition de cet accord, pour ce
4 qui est du côté musulman ?
5 R. Ils avaient fait cette proposition selon laquelle deux peuples en
6 Bosnie-Herzégovine puissent passer par le biais de leurs représentants
7 politiques, de procéder à un accord et de régler un très grand nombre de
8 questions qui étaient problématiques au cours de l'histoire, et de trouver
9 des solutions afin de pouvoir vivre ensemble en harmonie au sein d'une
10 Bosnie-Herzégovine. L'idée était que la Bosnie-Herzégovine devait rester au
11 sein de la Yougoslavie, de rester dans son ensemble, de ne pas être
12 démantelée, et c'était leur proposition. C'était dans l'intérêt du peuple
13 serbe.
14 Q. Est-ce que vous savez de quelle façon ces derniers avaient présenté la
15 question au SDA et à M. Izetbegovic ?
16 R. J'étais présent lors d'une réunion qui eut lieu chez M. Koljevic. C'est
17 peut-être même la réunion chez M. Koljevic, lorsque M. Zulfikarpasic et M.
18 Filipovic avaient dit : "Nous avons une proposition pour un accord
19 historique." Ils ont parlé de cette proposition. Ils ont également ajouté
20 qu'ils avaient l'appui de
21 M. Izetbegovic, l'appui et le consentement, l'accord de ce dernier.
22 Q. C'est peut-être clair pour vous, mais dites-nous quelle était la raison
23 pour laquelle vous étiez en faveur de cet accord.
24 R. Je partageais cette opinion. Je souhaitais que la Bosnie reste dans son
25 ensemble à l'intérieur d'une Yougoslavie, mais qu'il fallait procéder à une
26 réorganisation de la Yougoslavie et d'arriver à un accord de paix entre les
27 deux peuples. Un accord à long terme, bien sûr. Mais il est certain que la
28 troisième entité devait être également incorporée ou incluse, donc je parle
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1 du troisième peuple, mais c'était une initiative qui allait être proposée
2 également au côté croate, au peuple croate.
3 Q. Quelle était la participation de M. Milosevic dans tout ceci ?
4 R. M. Milosevic était un homme qui, chez les Musulmans, était connus comme
5 étant le dirigeant, le leader de tous les Serbes. Outre que notre accord,
6 il voulait également obtenir l'accord de M. Milosevic. Ils avaient même
7 l'impression que nous étions appuyés par M. Milosevic et qu'ils avaient
8 peur que si nous, on était d'accord, mais que M. Milosevic était en
9 désaccord, que cela n'allait pas régler les choses, et M. Zulfikarpasic,
10 justement, a confirmé ceci lorsqu'il a accordé une entrevue au quotidien
11 Nin.
12 Q. Quel était le lien qui existait entre l'initiative de Belgrade et
13 l'accord historique ?
14 R. Je crois que c'était presque la même chose, ou pour peut-être être un
15 peu plus précis, il n'y avait que des nuances techniques, des différences
16 techniques. Voilà l'interprétation de ce que vous m'avez demandé de vous
17 répondre sur la base de cet accord historique.
18 Q. Pourquoi l'accord n'a pas pu être mis en place ? Pourquoi l'initiative
19 a capoté, l'accord, également ?
20 R. La réponse est fort simple. Le côté musulman, le SDA, a renoncé à cet
21 accord. Le côté croate au sein du Parlement également avait renoncé, mais
22 je parle plutôt du côté musulman, ici. Ce sont eux qui avaient la parole,
23 le dernier mot, en fait, parce que M. Izetbegovic a renoncé aux
24 propositions de M. Filipovic et Zulfikarpasic. Ils avaient renoncé à cet
25 accord, et c'est la raison pour laquelle l'accord a clairement capoté.
26 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le
27 moment est peut-être opportun pour lever la séance, et pendant la soirée,
28 nous penserons à d'autres conversations téléphoniques interceptées et nous
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1 réfléchirons sur la possibilité d'en faire passer d'autres ou non.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
3 Avant de lever la séance, j'ai peut-être quelques questions
4 techniques à aborder.
5 Monsieur le Greffier, est-ce que le matériel Nielsen a déjà reçu une cote ?
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Non.
7 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
8 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors quelle sera la cote ? P1177; donc,
10 le numéro ou la cote a été réservée, mais n'a pas encore été utilisé.
11 Donc, concernant le document P64A, les descriptions ont été ajoutées
12 et figurent sur la liste des pièces et les intercalaires se trouvent dans
13 l'ordre chronologique plutôt que d'avoir la numérotation qu'elle avait
14 auparavant. Donc, il y a 831 intercalaires au total; 380 intercalaires de
15 ces 831 intercalaires se trouvent maintenant sur la base de données
16 judiciaire, et les gens responsables de ces intercalaires et de rendre tout
17 ceci disponible sur la base de données judiciaire s'occupent du reste.
18 Voilà, ce sont quelques questions pratiques que je voulais aborder avant de
19 lever la séance.
20 Je voulais vous demander, Monsieur le Greffier, s'il a été confirmé que
21 nous pouvons siéger dans l'après-midi demain dans l'après-midi ?
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
24 Nous allons lever la séance jusqu'à demain, 27 avril, 14 heures 15,
25 salle d'audience numéro II.
26 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 27
27 avril 2006, à 14 heures 15.
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