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1 Le lundi 19 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Monsieur le Greffier, pourriez-vous appeler l'affaire ?
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-00-39-
8 T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 Monsieur Krajisnik, nous avons reçu encore quelques documents, enfin, du
11 moins, des photocopies des documents accompagnées d'un résumé, et ces
12 documents ont été donnés aux deux parties pour qu'elles voient ce qu'elles
13 comptent en faire. Le résumé va être traduit et, bien sûr, traduit en
14 priorité. Donc, tout a été mis en œuvre pour arriver à ce but. Ensuite,
15 Monsieur Krajisnik, avant de poursuivre, nous avons quelques points
16 logistiques à traiter portant principalement sur des pièces à conviction.
17 Tout d'abord, pour ce qui est des pièces P1091 et P1092, je tiens à
18 avertir les parties de ce qui suit.
19 Le 10 mars 2006, deux clips d'un film vidéo ont été diffusés en
20 prétoire. Le premier clip qui a été diffusé à la page T2116 [comme
21 interprété] montrait l'intronisation de 18 personnes appelées des Vojvodas
22 chetniks. Cette pièce a été admise sous la cote P1091. Le deuxième clip
23 vidéo qui faisait partie de la même pièce montrait des déclarations de
24 Vojislav Seselj et Radovan Karadzic, quand le Dr Seselj a justement emmené
25 ces nouveaux Vojvodas chetniks à Pale. Ce clip a été diffusé à la page
26 T21118 [comme interprété], et par inadvertance, on lui a donné une autre
27 cote, c'est-à-dire la P1092.A. Donc, la Chambre ordonne le Greffe, par la
28 présente, de corriger le compte rendu en donnant à ce deuxième clip le
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1 numéro de pièce qui est correct, c'est-à-dire la cote P1091.
2 Ensuite, le point suivant porte sur la numérotation du P292 et du P389. Une
3 liasse de conversations téléphoniques interceptées ont été versées par
4 l'Accusation le 27 septembre 2004 et versées au dossier sous la cote P292.
5 Un CD reprenant des conversations téléphoniques interceptées a été versé le
6 8 novembre 2004 et versé au dossier sous la cote P389. Afin de pouvoir
7 identifier et citer ces intercepts de façon plus simple, la Chambre donne
8 par la présente assertion au Greffe de numéroter chaque conversation
9 interceptée comme un intercalaire séparé avec un numéro de cote
10 correspondant. Donc, ceci sera modifié dans la liste des pièces du Greffe,
11 qui doit aussi contenir référence aux numéros d'identification KID de
12 chaque intercept téléphonique, étant donné que ce nombre a été cité très
13 souvent dans ce prétoire pour identifier les intercepts téléphoniques bien
14 précis.
15 Le point suivant, maintenant, est un rappel de l'ordonnance du 6 juin sur
16 les pièces. La Chambre tient à rappeler aux parties qu'en vertu de
17 l'ordonnance de la Chambre sur les pièces qui a été rendue le 6 juin 2006,
18 toutes les pièces manquantes et toutes les traductions manquantes doivent
19 être données au Greffe demain le 20 juin au plus tard.
20 Enfin, la Chambre tient à donner une date butoir pour la présentation des
21 documents de M. Krajisnik. Au cours de son témoignage, M. Krajisnik a
22 présenté un grand nombre de documents. Ces documents ont été distribués à
23 la fois au conseil de l'Accusation et au conseil de la Défense afin de
24 déterminer quels documents convenaient d'être traduits pour être versés au
25 dossier. La Chambre fixe, par la présente, une date butoir du vendredi 23
26 juin 2006 pour les parties qui devront donc présenter ces documents si
27 elles veulent qu'ils soient versés au dossier à cette date. Et bien sûr, si
28 les traductions ne sont pas tout à fait prêtes, un délai peut être demandé.
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1 Voici donc tous les points de procédure qui devaient être traités. Monsieur
2 Stewart, maintenant, Monsieur Josse, êtes-vous prêts pour les questions
3 supplémentaires ?
4 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je tiens à vous
6 rappeler que vous êtes encore tenu par la déclaration solennelle que vous
7 avez faite au début de votre déposition.
8 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, vous avez la parole.
11 Nouvel interrogatoire par M. Josse :
12 M. JOSSE : [interprétation] Tout d'abord, j'aimerais donner à M. Krajisnik
13 une liasse de documents. Comme lors de l'interrogatoire principal, j'ai
14 fait mettre des repères sur ces documents pour que M. Krajisnik sache
15 exactement à quels passages nous allons nous référer.
16 Q. Monsieur Krajisnik, on vous a posé un grand nombre de questions sur
17 Sarajevo. Tout d'abord, j'aimerais que vous regardiez le document qui porte
18 la cote "B1" et qui fait donc partie des principes qui avaient été admis
19 lors de Dayton.
20 Il s'agit d'un document qui est écrit en anglais. Vous nous avez
21 donné ce document; nous aimerions savoir où vous l'avez obtenu, s'il vous
22 plaît ?
23 R. Cela vient des documents que j'ai rapportés de Dayton. Il me semble que
24 chaque participant avait exactement le même jeu de documents de contexte et
25 les a donc remmenés de Dayton.
26 Q. Avez-vous la moindre idée de la personne qui aurait rédigé ce
27 document ?
28 R. Les médiateurs, les personnes qui travaillaient là-bas, y compris les
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1 représentants de la Communauté européenne et les Américains. L'un d'entre
2 eux a rédigé ceci et l'a proposé. Une proposition à peu près identique
3 était à l'ordre du jour quand on a parlé de Sarajevo en tant que district.
4 Q. L'écriture, l'écriture manuscrite que l'on trouve en haut à droite de
5 ce document, pouvez-vous nous dire exactement qui a écrit cela ?
6 R. C'est moi qui ai écrit cela.
7 Q. Que pouvons-nous lire ?
8 R. "I : Proposition pour Sarajevo."
9 Q. Juste par curiosité, comment ce document vous a-t-il été traduit à
10 l'époque, s'il vous plaît ? Pourriez-vous nous le dire ?
11 R. Je crois qu'il n'a pas été traduit; on s'est débrouillé comme on a pu.
12 Quelqu'un qui savait l'anglais l'a interprété, enfin, l'a traduit. Il n'y
13 avait pas de temps pour qu'il soit, pas de temps pour qu'il soit traduit
14 pour les personnes qui ne parlaient pas anglais à la conférence. Mais on a
15 obtenu une traduction par la suite, et j'ai une version serbe aussi. Je ne
16 sais pourquoi vous ne l'avez pas obtenue, d'ailleurs.
17 Q. Pourquoi, d'après vous, ce document est-il si important ?
18 R. Parce qu'à Dayton, lors des discussions entre notre délégation et M.
19 Holbrooke, notre délégation, donc la délégation des Serbes de Bosnie-
20 Herzégovine, donc de la Republika Srpska, ont accepté cette proposition.
21 Nous pensions, enfin, nous étions tout à fait d'accord pour que Sarajevo
22 soit un district, parce qu'à notre avis, il n'y avait pas d'autre bonne
23 solution. Nous pensions aussi à l'époque que Sarajevo était l'obstacle qui
24 empêchait que l'on trouve une solution générale pour la Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Mais comment est-ce que ce document peut s'intégrer avec la proposition
26 de l'Accusation qui est que vous vouliez que la ville de Sarajevo soit
27 divisée ?
28 R. Jusqu'à Dayton, la proposition des médiateurs était de ne pas diviser
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1 Sarajevo, mais de la transformer, avec un tiers, le centre de la ville
2 appartenant à la Republika Srpska et deux tiers à la fédération. On disait
3 toujours -- ou plutôt, comme il y avait une organisation qui chapeautait --
4 qui devait chapeauter toute la Bosnie-Herzégovine, on considérait qu'il
5 fallait aussi une organisation qui chapeauterait tout Sarajevo, parce que
6 dans le fonctionnement d'une ville, il faut toujours qu'il y ait des
7 organes qui s'occupent de tout conjointement. C'est peut-être pour cela
8 qu'ils font cette affirmation. Mais cela dit, j'avais aussi déclaré que
9 nous avions aussi droit à certains quartiers de Sarajevo, sans que l'on
10 divise Sarajevo comme elle l'est aujourd'hui.
11 Q. Ce document que nous avons sous les yeux, dans quelle mesure le camp
12 serbe a-t-il accepté ce qui est proposé dans ce document ?
13 R. Même du temps du plan Cutileiro, le plan serbe avait accepté cette
14 solution comme solution transitoire en attendant de trouver une meilleure
15 solution, la meilleure solution, c'est-à-dire que Sarajevo soit un
16 district, parce que c'était Sarajevo vraiment le gros problème, cela a
17 toujours été en fait la pierre d'achoppement. Les Musulmans voulaient tout
18 Sarajevo; c'était là qu'était le problème. En revanche, de notre côté, nous
19 pensions que nous avions droit à une partie de Sarajevo. D'ailleurs, à
20 l'heure actuelle, il y a encore un débat en Bosnie-Herzégovine. Cela a été
21 publié dans Slobodna Bosna. Les comptes rendus des délibérations sont
22 publiés, donc la direction où on a parlé en 1993. Et maintenant, c'est en
23 train d'être publié, et d'ailleurs, j'ai l'article. Si vous voulez, je peux
24 vous le montrer. Donc, c'est un débat qui porte sur plusieurs pages et qui
25 traite de ce propos.
26 M. JOSSE : [interprétation] Pourrions-nous avoir une cote, s'il vous
27 plaît ?
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D253.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
3 M. JOSSE : [interprétation]
4 Q. Maintenant, vous avez aussi donné un passage d'une interview avec le
5 général MacKenzie, donc il s'agit d'une vidéo.
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez proposé ce document pour qu'il soit vu par les Juges. Cette
8 interview fait partie d'un extrait d'un documentaire télé; c'est bien cela,
9 un documentaire qui serait passé à la télévision ?
10 R. Oui, vous avez raison. Il s'agit d'un film dont est extraite la
11 déclaration du général MacKenzie, et le DVD est disponible, mais je n'ai
12 pas pu l'ouvrir sur mon ordinateur. Je n'ai pu ouvrir que certains
13 passages.
14 Q. Nous voulons diffuser un passage de cinq à dix minutes qui comprend
15 cette interview avec la général MacKenzie.
16 Mais avant de ce faire, Monsieur Krajisnik, pourriez-vous nous aider,
17 pour ce qui est du producteur de ce programme que nous allons diffuser ?
18 R. Non, je n'en ai aucune idée. Mais cela dit, c'est écrit, je crois.
19 Enfin, cela a été diffusé. Il s'agit d'une émission qui a été vue en
20 Yougoslavie à la télé. C'est un Européen qui l'a faite, mais je ne sais pas
21 exactement qui est le réalisateur, mais je sais que cela a été diffusé en
22 "prime-time" en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et ailleurs, d'ailleurs.
23 C'est pour cela d'ailleurs que nous présentons ce DVD.
24 Q. Il a été obtenu par les enquêteurs; c'est bien cela ?
25 R. Oui. Nos enquêteurs l'ont trouvé.
26 M. JOSSE : [interprétation] Messieurs les Juges, l'émission est en anglais.
27 Il y a des sous-titres en B/C/S qui, à notre avis, sont complets. A l'heure
28 actuelle, cela dit, il n'y a pas encore de compte rendu, de script, donc je
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1 ne sais pas ce que vous tenez à dire aux interprètes. Comme je vous le dis,
2 il y a des sous-titres en B/C/S et l'émission est en anglais.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous savons que la présence des sous-
4 titres n'est pas toujours exhaustive, d'abord parce que les sous-titres,
5 souvent, sont quand même assez limités, donc on doit un peu réduire les
6 paroles dites. Donc, j'aimerais que les interprètes, dans la mesure du
7 possible, puissent traduire ce qui est entendu en anglais, en B/C/S ou en
8 français. Bien sûr, si c'est infaisable, et nous comprenons très bien que
9 ce soit infaisable, et bien à l'impossible, nul n'est tenu. Nous ne pouvons
10 pas ralentir malheureusement l'orateur puisque c'est diffusé. Nous
11 prendrons la traduction venant des cabines d'interprètes comme une
12 traduction provisoire uniquement, bien sûr, et nous demandons à la Défense,
13 bien sûr, que l'anglais soit transcrit pour qu'on ait un script et que le
14 CLSS puisse le traduire une bonne fois pour toute. Mais donc, nous
15 demandons aux interprètes de faire de leur mieux et ce sera une traduction
16 provisoire.
17 Si les interprètes considèrent que c'est impossible, ils peuvent nous
18 le faire savoir, bien sûr.
19 L'INTERPRÈTE : Très bien.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, on va aller, on va essayer.
21 L'INTERPRÈTE : De toute manière, nous n'avons pas encore entendu, donc nous
22 n'avons aucune idée de la vitesse à laquelle la personne parle, du son, et
23 cetera.
24 M. JOSSE : [interprétation] Je tiens à avertir les interprètes que cela va
25 très, très vite.
26 L'INTERPRÈTE : Cela risque donc d'être infaisable, surtout que nous n'avons
27 pas de script.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, au moins ceux d'entre
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1 nous qui comprenons l'anglais pourront suivre. J'espère que je pourrai
2 suivre moi-même et que mes collègues aussi pourront suivre. Enfin, on va
3 bien voir. Nous souhaitons bonne chance aux interprètes.
4 M. JOSSE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
6 M. JOSSE : [interprétation] On va essayer.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Il faudra néanmoins -- "
9 L'interprète de la cabine française s'excuse, mais on n'entend
10 absolument rien.
11 [voix sur voix] "-- souvenir que deux Musulmans ont tué le père d'un
12 marié alors qu'un prêtre a été blessé.
13 "Le meurtre de Nikola Gardovic en date du 1er mars a marqué le début
14 de la guerre à Sarajevo. En dépit des promesses des autorités, les
15 meurtriers qui étaient bien connus n'ont jamais été arrêtés. Le jour
16 d'après, les Musulmans et les Serbes ont posé des barricades. Dans
17 l'impossibilité de protéger la population civile, les Serbes de Bosnie ont
18 demandé à ce que des parties serbes de la ville soient gardées par leur
19 police à eux et que Sarajevo devienne une zone protégée sous
20 l'administration des Nations Unies. Les Musulmans, eux, ont insisté sur le
21 droit à Izetbegovic de diriger non seulement la Sarajevo, de gérer
22 Sarajevo, mais aussi la Bosnie entière. Il s'agissait de convaincre
23 l'opinion publique occidentale du fait que les Serbes étaient des
24 agresseurs.
25 L'intervenante : Si vous ne connaissez pas l'histoire, ce qui a été
26 le cas de la plupart des journalistes, il a été facile de les présenter
27 comme agresseurs.
28 Les journalistes américains, les diplomates et les correspondants
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1 étrangers ont été passés sous le camp de l'influence de ce qui s'était dit
2 à Washington. L'essentiel a été d'entendre ce que le département de l'Etat
3 américain disait.
4 Dans son autobiographie, le secrétaire d'Etat Baker a dit qu'il avait
5 envoyé son secrétaire chargé de la presse, Margaret Tutwiler, pour aider le
6 ministre des Affaires étrangères bosnien, Hari Silajdzic, et pour lui faire
7 obtenir le soutien des médias occidentaux.
8 Et il a également adressé -- il s'est adressé pour avoir ces
9 contacts. Alors dans quatre réseaux de télévision, le Washington Post et
10 autres, les postes de télévision et la presse, il y avait une disposition -
11 - une prédisposition pro musulmane. Il n'a pas été parlé de l'holocauste
12 des Serbes, pas parlé de la guerre civile avec des crimes commis de part et
13 d'autre. Il y a eu beaucoup plus de crimes perpétrés de la part des Serbes,
14 ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu de la part des deux autres
15 parties dans l'histoire.
16 C'est une partie de notre histoire, de notre culture. C'est ce qui a
17 été diffusé par l'industrie des divertissements, et sur la scène en Bosnie,
18 nous avons dû avoir, bien sûr, des bons gars et des mauvais gars. Il a été
19 facile de dire que les bons gars, c'étaient les Musulmans. Les Serbes, eux,
20 c'étaient des mauvais gars, des mauvais garçons, alors que les Croates
21 étaient de braves gars parce qu'ils nous aimaient bien. Alors, je pense que
22 certains reporters --"
23 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
24 M. TIEGER : [interprétation] Je trouve qu'il y a beaucoup de choses
25 dans ce document. Je ne comprends pas vraiment pourquoi -- d'une question
26 supplémentaire. J'ai l'impression que cela aurait dû être soulevé lors de
27 l'interrogatoire principal. Je vois beaucoup de gens qui parlent sur
28 beaucoup de sujets, je ne sais pas très bien où cela veut en venir et je
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1 trouve qu'il aurait fallu que nous puissions voir ce document et l'étudier
2 pour savoir si oui ou non il est pertinent, et je ne suis pas vraiment
3 certain que cela soit un bon document à présenter dans le contexte des
4 questions supplémentaires.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, vous n'avez pas encore
6 posé de questions, de toute façon.
7 Mais Monsieur Josse, qu'avez-vous à dire ?
8 M. JOSSE : [interprétation] Deux commentaires. Comme les Juges le sait,
9 c'est M. Krajisnik qui l'a présenté très tôt, et d'ailleurs, nos éminents
10 confrères auraient pu l'étudier et l'utiliser, puisque comme la Chambre l'a
11 bien fait remarquer à l'Accusation, les documents étaient là, ils pouvaient
12 s'en servir.
13 Nous présentons ce document en tant que conseil de M. Krajisnik et dans le
14 contexte de la ville de Sarajevo, parce qu'il y a des questions très
15 sérieuses qui lui ont été posées en ce qui concerne Sarajevo. Vous allez
16 voir d'ailleurs dans quelques minutes qu'il y a bientôt l'interview du
17 général MacKenzie qui traite des questions qui ont été posées par
18 l'Accusation à M. Krajisnik, questions d'ailleurs qu'il a réfutées.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'avez-vous à dire ?
20 M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, l'Accusation tient à être équitable,
21 certes, tient à être même très ouverte. Néanmoins, je tiens à dire qu'il
22 n'est pas juste de dire que parce que M. Krajisnik est censé de présenter
23 de nouveaux documents, souvent pour des raisons totalement inconnues,
24 chaque matin, en fait, il y avait toujours deux nouveaux documents qui nous
25 étaient présentés, donc je ne considère pas que l'un de ces documents a été
26 présenté parmi les autres. Cela devrait nous permettre d'en traiter. Je
27 pense qu'on aurait dû en traiter auparavant et pouvoir reprendre ce
28 document lors du contre-interrogatoire de M. Krajisnik. Bon, je ne vais pas
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1 faire une montagne d'une taupinière, mais il faut voir un petit peu où va
2 ce document. J'ai l'impression, en tout cas, que nous voyons un document
3 qui présente beaucoup d'informations qu'il faudrait étudier de près, et si
4 la Défense tient à utiliser ce document et toutes les informations qui se
5 trouvent dans le document, nous voulons absolument que la Chambre nous
6 permette de l'étudier de beaucoup plus près. Comme l'a dit M. Josse, tout
7 ce que nous savons, c'est qu'il y avait le général MacKenzie qui allait
8 parler, on ne savait pas du tout de quoi parlaient ce document et ce clip,
9 et cetera.
10 Enfin, je ne tiens pas vraiment à soulever des obstacles procéduraux
11 qui seraient inutiles, mais bon, je tiens quand même à dire que cette vidéo
12 nous semble être quelque chose qui aurait dû être présenté au cours de
13 l'interrogatoire principal de M. Krajisnik, et c'est pour ceci que, voilà,
14 je soulève le point maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, M. Tieger.
16 Nous ne savons pas encore en effet si cela va être une montagne ou
17 une taupinière, mais cela dit, la Chambre préférerait que l'on continue la
18 diffusion du document, puis une fois qu'on saura exactement de quoi il
19 retourne, nous verrons quel chemin emprunter.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Alors, les rapports ont été, jusqu'à une
22 certaine mesure, censurés au niveau où il y avait des éléments antiserbes.
23 Les Bosniens oeuvraient de même de l'autre côté.
24 Il est un fait que les Serbes s'étaient emparés des deux tiers de la
25 Bosnie, alors qu'ils ont depuis tout temps possédé cette partie du
26 territoire et c'étaient des agriculteurs et ils avaient en leur possession
27 des terres agricoles.
28 Alors, c'était devenu un cliché pour dire que les Serbes s'étaient
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1 emparés de 70 % de la Bosnie, parce qu'on avait supposé dès le départ qu'il
2 n'y avait pas du tout de Serbes, et en réalité, la grande partie des
3 territoires en Bosnie était des terres Serbes avant qu'il n'y ait eu des
4 combats, en laissant entendre que les Serbes étaient venus d'une autre
5 planète et qu'ils ont fait leur apparition alors qu'ils n'avaient pas leur
6 place là.
7 Sous l'influence de ce qu'on a pu voir, Kenny est devenu l'un des
8 critiques des médias au niveau des Serbes. Kenny et les autres ont défendu
9 la thèse au terme de laquelle l'OTAN devait bombarder les Serbes.
10 Je suis cet intervenant probablement responsable en personne de ce
11 qui est qualifié de nettoyage ethnique. J'ai essayé de secouer l'opinion
12 publique mondiale, et une partie de mon travail consistait à trouver de
13 quoi étoffer les propos de Margaret Tutwiler. C'est elle qui demandait des
14 nouvelles 'chaudes'. On m'avait envoyé un télégramme disant que les Serbes
15 étaient en train de réaliser un nettoyage ethnique, c'est ce qu'il a dit.
16 Et j'ai dit : bon. A ma surprise, personne n'a éliminé cette expression.
17 Les agresseurs sont en train de procéder à une politique criminelle
18 de nettoyage ethnique.
19 A partir de ce moment-ci, la notion de 'nettoyage ethnique' est
20 entrée dans la politique officielle. Avant cela, elle n'avait pas été
21 utilisée, c'était une notion qui est restée en vigueur, et cela a été
22 rattaché avec un génocide, ce qui ne correspond pas du tout à la réalité.
23 La réalité, c'est que toutes les parties avaient procédé à un
24 nettoyage ethnique depuis le début de la guerre.
25 Il y a des éléments de preuve importants qui disent que cela arrive
26 partout en Bosnie, et cela arrive dans les zones protégées des Nations
27 Unies, dans toutes les parties de la Bosnie.
28 La perception des médias a influé sur la politique des occidentaux
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1 vis-à-vis de la Bosnie, ce qui fait que le conflit s'était exacerbé. La
2 seule partie qui pouvait conserver la paix était l'armée yougoslave,
3 l'armée populaire yougoslave stationnée à Sarajevo. Elle avait les
4 effectifs, les officiers, le matériel pour faire face aux factions en
5 guerre des trois côtés. Le général Kadijevic a justement essayé de le faire
6 à une rencontre avec les leaders des trois parties. Toutefois, sous la
7 menace des sanctions sur lesquelles avaient insisté les Etats-Unis, la JNA
8 a été démobilisée. A Sarajevo, la plupart des armes lourdes sont restées
9 entre les mains des Serbes. Dans les autres parties de la Bosnie, les
10 Musulmans et les Croates ont hérité des armes qui se trouvaient au niveau
11 des usines d'armes. Au lieu d'avoir des armées professionnelles qui
12 seraient responsables pour ce qui est du maintien de l'ordre, les gardiens
13 de la paix des Nations Unies avaient une mission pratiquement impossible de
14 séparer les parties en conflit. Le secrétaire des Nations Unies avait
15 critiqué les forces serbes pour ce qui est de leur rôle autour de Sarajevo.
16 Il a dit plus tard que la plupart des 19 cessez-le-feu où il a servi de
17 médiateur ont été enfreints par le Musulmans, parce que c'était leur
18 politique que d'obliger les occidentaux d'y intervenir, le général des
19 Nations Unies.
20 Alors, il s'agissait de prolonger le conflit aux fins de générer une
21 intervention. Je crois que la plupart des intervenants seront d'accord pour
22 le dire.
23 Les conflits à Sarajevo dans les médias ont un peu été présentés
24 comme une espèce de siège, alors que les lignes de front n'ont pas été
25 modifiées grandement pendant la guerre. Les Serbes tiraient dans les
26 régions, sur les régions où il y avait des Musulmans, alors que les
27 Musulmans, de leur partie de la ville, tiraient en direction des Serbes.
28 Je crois que les gens ne sont pas conscients du fait que la
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1 communauté serbe a souffert presque autant que les deux autres communautés
2 en présence.
3 Les correspondants de guerre ont commenté, tels que David Hackworth
4 de News Week, pour dire que quelque 300 chars -- prendre quelque 300 chars,
5 et cela, au niveau de Sarajevo, a été une rigolade pour les Serbes.
6 Le général MacKenzie a également estimé qu'il pouvait s'emparer de la
7 ville en quelques jours s'il l'avait voulu.
8 Le général MacKenzie : Etant donné qu'ils avaient toutes ces armes de
9 l'ex-JNA à leur disposition, une prédominance militaire ainsi que les chars
10 à Lukavica, les blindés de Lukavica, ils pouvaient attaquer, lancer une
11 attaque finale sur la ville, et avec de grandes chances de succès.
12 Le gouvernement bosnien s'est comporté rarement comme un gouvernement
13 sous siège.
14 A plusieurs reprises, les Nations Unies ont informé du fait que les
15 forces bosniaques pilonnaient des régions qu'il ne faudrait pas être
16 pilonnées, comme cela est le cas de l'aéroport.
17 Dans son livre "L'odyssée des Balkans", Lord Owen a dit que les
18 forces musulmanes, de temps à autre, pilonnaient l'aéroport pour
19 interrompre le flux de l'aide humanitaire et attirer l'attention de
20 l'opinion publique sur la ville assiégée. Sarajevo est devenu le symbole de
21 la Bosnie, et depuis le début de la crise, il n'y avait qu'une unité
22 auxiliaire là-bas. C'est ainsi que nous avons pu avoir un accès direct
23 d'une minute à l'autre à tout ce qui passait pendant la guerre.
24 Les événements de Sarajevo ont été souvent destinés pour la diffusion
25 dans les médias. La présence de la CNN, de l'ITV, de la BBC et de Sky TV
26 n'ont fait que rendre plus difficile la présence des opérations militaires,
27 parce que le monde entier avait tout pu voir tout de suite et être informé
28 pour juger, partant de là. Dans le reste des parties de la Bosnie, sans la
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1 présence des médias, l'on pouvait faire tout ce que bon vous semblait."
2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
3 M. JOSSE : [interprétation]
4 Q. Monsieur Krajisnik, nous avons entendu bien des éléments ou des
5 citations de la part du général Mackenzie. Tout d'abord, une affirmation a
6 été présentée au terme de laquelle les Musulmans ont enfreint le cessez-le-
7 feu à Sarajevo. Que sauriez-vous nous dire à ce sujet ?
8 R. Ici, je n'ai fait que témoigner au sujet de ce que nos militaires à
9 nous nous ont expliqué. Lorsque l'on faisait face à des accusations de la
10 part de la communauté internationale, ils nous disaient que c'étaient des
11 violations faites par les Musulmans et qu'eux ne faisaient que riposter. Je
12 ne savais pas ce qu'il en était, mais j'ai retrouvé des dires analogues de
13 la part du général MacKenzie, c'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce
14 que ce soit présenté ici.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions essayer de
16 déterminer de quelle période de temps il est question ici ? Est-ce qu'il
17 s'agit de 1992 ou de 1992 à 1995 ? Parce qu'on n'a aucune idée du cadre
18 temporel. Je crois qu'il a été question de 19 violations de cessez-le-feu,
19 alors je crois que nous pourrions vérifier si cela s'est produit en 1992.
20 Monsieur Krajisnik, si vous le savez, veuillez nous le dire; si vous ne le
21 savez pas, dites-nous que vous ne le savez pas.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je sais, c'est que M. MacKenzie
23 était là-bas en 1992, et ultérieurement, il y a eu d'autres commandants de
24 la FORPRONU de présents.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, vous supposez qu'il est en
26 train de parler de la période où il a connu les choses directement ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que je suppose. Il doit être en
28 train de parler de sa propre expérience, mais je n'en sais trop rien. Je
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1 sais seulement que c'est la période où il a été présent.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Josse.
3 M. JOSSE : [interprétation]
4 Q. Alors d'après vous, Monsieur Krajisnik, ces propos de la part du
5 général ont-ils été compris comme étant ceux d'une personne qui a
6 directement pris part aux négociations à l'occasion de ces 19 cessez-le-
7 feu, à savoir qu'il a été impliqué lui-même dans les négociations ?
8 R. Oui, on peut le voir. Il dit que sur 19 cessez-le-feu, la plupart ont
9 été enfreints par les Musulmans. Il n'a pas dit tous, il a dit la plupart.
10 Je sais qu'il a participé aux négociations avec nos militaires, et c'est M.
11 Koljevic qui a eu le plus de contacts avec lui pour ce qui est des
12 autorités civiles.
13 Q. Il a également dit qu'au début de la guerre, les forces serbes, si
14 elles l'avaient voulu, auraient pu sans difficulté s'emparer de Sarajevo.
15 Est-ce que vous pourriez le commenter ?
16 R. Je ne suis pas un stratège militaire et j'aurais beaucoup de mal à
17 commenter, pour ma part. Je pense que l'intention n'avait pas été celle de
18 s'emparer de Sarajevo et j'estime qu'il serait difficile de s'emparer de
19 Sarajevo, quel que soit le nombre de blindés que vous ayez à votre
20 disposition. Mais c'est ce que je pense en ma qualité de profane. Eux, ce
21 sont des militaires, ils doivent mieux savoir que moi. Mais l'intention n'a
22 pas été celle de s'emparer de la ville de Sarajevo, mais plutôt de
23 préserver les positions qui étaient tenues. C'est pour autant que j'en
24 sache. Je ne sais pas si les militaires avaient des plannings différents;
25 cela, je ne sais pas vous le confirmer.
26 Q. Lorsqu'il s'agit de cette affirmation faite par ces soins pour dire que
27 cela arrangeait les Musulmans que de faire durer les combats à Sarajevo aux
28 fins de se procurer un appui des occidentaux --
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1 R. C'est avec beaucoup de regrets que je dois dire que cette chose est
2 très exacte. Les négociations n'arrangeaient pas les Musulmans. Ils avaient
3 une Bosnie-Herzégovine internationalement reconnue. Leur gouvernement était
4 légitime et légal aux yeux de la communauté internationale, et la Bosnie,
5 elle, a été reconnue comme un Etat unitaire et non pas comme un état
6 transformé, comme les deux autres parties l'avaient exigé, ce qui fait que
7 toute conférence, à leurs yeux, était superflue. Ils voulaient maintenir le
8 statut quo.
9 M. JOSSE : [interprétation] Peut-on attribuer une cote à ce disque, je vous
10 prie ?
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D254, Messieurs les
12 Juges.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier d'audience.
14 M. JOSSE : [interprétation]
15 Q. J'aimerais passer maintenant --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être vais-je poser une ou deux
17 questions, si vous le permettez.
18 Lorsque nous nous sommes entretenus auparavant, vous avez plutôt dit tout à
19 l'heure que ces conférences, à leurs yeux, étaient superflues. Alors à ce
20 sujet, j'aimerais savoir quel est le pourcentage du territoire passé sous
21 le contrôle des Serbes, disons vers la fin de 1992.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était très certainement à plus de 50 %. Mais
23 Monsieur le Président, je vais vous dire pourquoi j'estime pouvoir affirmer
24 qu'il était de l'intérêt des Musulmans de ne pas avoir de conférences. Ils
25 avaient réclamé une intervention militaire afin que les Serbes révoltés ou
26 insurgés ou les insurgés croates soient calmés, afin que l'OTAN vienne là
27 et que la Bosnie soit pacifiée de la sorte; c'est la raison pour laquelle
28 les conférences ne les arrangeaient pas. Ils ont estimé qu'ils devaient se
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1 présenter comme étant les victimes afin que l'OTAN débarque pour
2 intervenir, et cela a été le cas à plusieurs reprises.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors à ce moment-là, il y avait dans
4 des municipalités avec une majorité serbe et qui ont été contrôlées par des
5 forces musulmanes et croates ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous le dire exactement, et si
7 tant est que cela ait été le cas, leur nombre n'était pas très grand. Je
8 vais ajouter peut-être autre chose, Monsieur le Président. Dans la partie
9 centrale de la Bosnie-Herzégovine, dans les grandes villes, il y avait une
10 grande partie de la population ou des populations où les Serbes étaient en
11 minorité. Je ne dirais pas qu'il s'agissait de municipalités, mais il y
12 avait des parties de municipalités où les Serbes étaient en grand nombre
13 restés sur des territoires musulmans : Zenica, Travnik, Tuzla, Mostar,
14 Sarajevo. Il n'y a pas eu donc des municipalités entières, mais ils ont été
15 nombreux dans certaines parties, par exemple à Tuzla; cela, je le sais.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il en a été de même pour la partie
17 adverse, je suppose, pour ce qui est des parties adverses, les populations
18 musulmanes et croates qui se trouvaient dans des municipalités en
19 population majoritaire, alors que les municipalités étaient contrôlées
20 militairement par des Serbes.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait sur le territoire serbe rien que
22 Prijedor et Banja Luka qui étaient des villes assez grandes; le reste,
23 c'étaient des bourgades, pour l'essentiel. Mais vous avez raison quand vous
24 dites que par exemple, à Vlasenica, qui comptait 8 000 à 10 000 habitants,
25 il y avait une majorité de Musulmans. Peut-être en a-t-il été de la sorte
26 pour Bratunac aussi. La différence consiste dans la taille de ces
27 municipalités.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autre différence, et vous allez me
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1 dire, c'est comme vous l'avez dit au début, qu'il n'y a pas eu de
2 municipalités avec une majorité serbe à être placées sous le contrôle
3 militaire des Musulmans ou des Croates. C'est ainsi que j'avais commencé ma
4 question. Est-ce que cela n'a pas été l'une des principales différences ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas s'il y a eu des
6 municipalités à majorité serbe qui étaient placées sous leur contrôle. Si
7 cela a été le cas, il n'y en a eu qu'une ou deux. Je n'arrive pas à m'en
8 souvenir maintenant. C'était pour l'essentiel des municipalités de petites
9 tailles. Il est certain que vous avez raison, à savoir qu'il y a eu des
10 municipalités où ils ont été majoritaires mais où les militaires serbes ont
11 exercé leur contrôle. A Tuzla, par exemple, il y avait plus de Serbes que
12 d'en trois ou quatre autres municipalités de la Bosnie de l'est qui étaient
13 des municipalités serbes. Il en était de même pour ce qui est de Zenica.
14 Dans les grandes villes, où il y a une grande population et cela a été le
15 cas de Mostar, entre autres.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Josse.
17 M. JOSSE : [interprétation]
18 Q. J'aimerais que nous passions maintenant aux questions liées au plan
19 Cutileiro. Monsieur Krajisnik, vous avez présenté un document qui porte une
20 inscription qui est celle de C2. C'est encore une carte.
21 R. Est-ce qu'on en a fini avec le précédent ?
22 Q. Pour autant que je sois concerné, oui.
23 R. Oui, mais je vois que peut-être faudrait-il que je réponde à la toute
24 première des questions posées. Je l'ai présentée aujourd'hui et vous avez
25 fait une proposition à cet effet, mais je crois que j'ai dit que Sarajevo
26 aurait dû être Serbe et peut-être pour moi faudrait-il --
27 Q. Donnez-moi un instant, je vous prie. Justement, j'allais en parler un
28 peu plus tard, mais je veux bien que nous en parlions maintenant.
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1 R. Aucun problème ne se pose. On peut en parler quand cela vous arrangera.
2 Allez-y.
3 Q. Fort bien. J'aimerais que nous nous penchions maintenant sur le
4 document Cutileiro que vous avez présenté ici. Il s'agit, dans la liasse de
5 documents, de la pièce qui porte l'inscription C2. Cela aurait été établi
6 par l'Institut chargé du droit international et de la coopération
7 économique internationale en 1997 à Banja Luka. On dit que ce sont les
8 documents de Dayton et de Paris. Je pense que la version couleur pourrait
9 être placée sur le rétroprojecteur parce qu'il est particulièrement
10 important de comprendre la teneur de cette carte concrète.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plaçons-la sur le rétroprojecteur.
12 M. JOSSE : [interprétation]
13 Q. Pendant que ceci est en train d'être fait, Monsieur Krajisnik, peut-
14 être pourriez-vous nous dire quelque chose au sujet de cet institut et au
15 sujet de la façon dont vous vous êtes procuré ledit document.
16 R. Oui.
17 Q. Répondez d'abord à ma question, puis ensuite on parlera de la carte.
18 R. Il existe un livre qui a été rédigé par le Dr Vitomir Popovic et le Dr
19 Vlado Lukic. Le Dr Vlado Lukic est l'un des participants à la Conférence de
20 Paix à Dayton et dans le livre intitulé "Les accords de Dayton et de
21 Paris," je précise que tous les documents de ces deux conférences sont
22 joints, et il y a les cartes qui ont été établies pendant ces négociations.
23 L'une de ces cartes-là c'est justement celle que vous avez sous les yeux.
24 Je puis apporter ici le livre pour que vous vérifiiez qu'il s'agit bien de
25 cartes tirées de ce livre.
26 Q. Maintenant, cette carte dans le livre est-elle en couleur ?
27 R. Elle est exactement comme celle que vous êtes en train de voir sur le
28 moniteur.
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1 Q. Pourquoi avez-vous voulu attirer l'attention des Juges de la Chambre
2 sur cette carte-là ?
3 R. J'ai été véritablement très surpris lorsque, ici, j'ai vu que l'on
4 problématisait les cartes à Cutileiro. J'ai retrouvé une autre source pour
5 que vous puissiez voir ce qui a été publié officiellement comme plan
6 Cutileiro. Je ne me souviens pas d'une autre carte que nous aurions
7 qualifié de plan à Cutileiro. Je dois vous admettre que je n'ai pas entendu
8 parler d'autres cartes. Peut-être des cartes de travail, mais c'est la
9 carte de Cutileiro que nous qualifions comme telle. C'est partant de cette
10 carte-là que nous avions fondé ce qui a constitué nos objectifs
11 stratégiques.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, pourriez-vous, je vous
13 prie, nous fournir plus dans les explications concernant les cartes.
14 Qu'est-ce qui est en vert, en blanc, en rose, et cetera ?
15 M. JOSSE : [interprétation] Il y a un index, Monsieur le Président.
16 Je ne sais pas si l'on pourrait le présenter à l'écran.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être si l'on déplaçait légèrement
18 la carte vers le haut, voilà comme ceci. Je vois maintenant qu'il
19 semblerait que la couleur verte représente les territoires musulmans, que
20 le rouge semblerait représenter les territoires croates, le blanc
21 représente les territoires serbes et Sarajevo se trouve représenté par la
22 couleur rose. Permettez-moi d'examiner cette carte.
23 M. JOSSE : [interprétation] Oui, merci.
24 Q. Dites-nous, Monsieur, qu'en est-il de la façon dont le corridor est
25 dépeint dans la partie orientale de la Bosnie selon cette carte ?
26 R. Si vous vous souviendrez de ma carte à moi, le corridor devrait être
27 placé ici, c'est le corridor qui liait la Semberija ; je parle de la
28 partie orientale, là où il y aurait eu ce corridor dans cette partie tout à
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1 fait étroite. C'est ce corridor qui annexait la Semberija d'une certaine
2 façon. Vous ne m'avez pas posé de questions concernant le corridor de
3 Posavina, n'est-ce pas ?
4 Q. Non, non, je ne l'ai pas fait.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je ne comprends pas c'est qui a
6 proposé cette carte ? Vous dites que c'est la carte Cutileiro, j'aimerais
7 savoir est-ce que c'est la carte avec laquelle vous êtes d'accord ? Vous
8 avez dit : Nous étions d'accord avec le plan Cutileiro. Est-ce que c'est
9 bien la carte qui vous convenait, étiez-vous tombés d'accord sur cette
10 carte ? Comment comprendre cette carte ? J'ai du mal à comprendre la façon
11 dont vous aimeriez que nous comprenions la chose. Vous avez dit : C'est la
12 carte Cutileiro, celle qui date du mois de février 1992, alors que d'après
13 ce que j'ai compris, c'est que l'accord a eu lieu au mois de mars --
14 M. JOSSE : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, avec votre
15 permission, Monsieur le Président, si j'ai bien compris votre question :
16 est-ce que le témoin est en train de nous dire que la carte qui se trouve
17 sur le rétroprojecteur était, effectivement, la carte qui se trouvait sur
18 la table des négociations ou est-ce que c'était une autre carte qui
19 ressemblait à ceci. Est-ce que c'est cela que vous posez comme question ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas du tout. Ma question est à
21 savoir quel est le rôle que jouait cette carte. Je ne peux pas m'imaginer
22 que pendant les négociations, il n'y avait qu'une seule carte sur la table.
23 Nous en avons vu plusieurs alors que Monsieur Krajisnik nous apprend que
24 c'est la carte Cutileiro. J'aimerais savoir qui a présenté cette carte.
25 Est-ce que c'était M. Cutileiro lui-même ? Etait-ce présenté par le côté
26 serbe, par le côté croate, par qui exactement êt à quel moment et quel rôle
27 cette carte a-t-elle joué au cours des négociations ou pendant les
28 négociations, c'est-à-dire que cela je n'arrive pas à comprendre ce qu'est
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1 cette carte exactement.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, M. Cutileiro -- lorsque
3 nous sommes arrivés à créer les trois unités constitutives, on a commencé à
4 élargir les territoires et c'est le feu M. Darwin qui a fait cette carte.
5 Je me souviens de son nom de famille, il était anglais. M. Darwin, a dit :
6 Voici ces territoires que nous pourrions tracer. Ce ne sont pas des
7 territoires qui sont à 100 % ni Croate, ni Musulman, ni Serbes, et cetera,
8 mais voici je fais une esquisse des territoires et les échanges de
9 territoires, vous pouvez le faire et vous arriverez certainement à un
10 accord. Vous avez tout à fait raison, c'était une carte de travail selon
11 laquelle c'était un point de départ et plus tard il a fallu créer d'autres
12 cartes, bien sûr, mais en partant de cette carte-là.
13 Plus tard, nous avons tous présenté des propositions de cartes. Vous
14 les avez toutes vues, je ne sais pas s'il y avait d'autres cartes,
15 toutefois. Peut-être que oui, c'était il y a très longtemps effectivement,
16 mais comment vous dire, c'est la carte qui correspond le mieux aux unités
17 constitutives, c'est-à-dire que M. Darwin a pu identifier les territoires,
18 les régions, qui pourraient appartenir aux unités constitutives de façon
19 séparée et c'est certainement la carte la plus importante sur laquelle on
20 revenait tout le temps.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En essayant d'examiner la carte, je me
22 demande si je dois comprendre que Prijedor devait se retrouver dans la
23 partie croate ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Prijedor se trouve exactement à la frontière
25 du territoire croate. Vous avez raison. Voici le territoire croate et il y
26 a un point qui se trouve sur la partie jaune ou la partie rouge et c'est ce
27 qui appartient aux Croates.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je comprends qu'on a présenté
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1 cette carte à un certain moment donné précis alors que les négociations
2 étaient en cours. Mais il me semblerait que cette carte est assez
3 différente des autres cartes qui ont suivies celle-ci. Monsieur Krajisnik,
4 est-ce que vous vous souvenez si elle a été présentée au début du mois de
5 février ou à la fin février ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que cette carte nous a servi de base
7 le 11 mai lorsque nous avons rédigé les objectifs stratégiques. J'estimais
8 que cette carte, selon moi, avait certainement été faite avant, mais
9 certainement pas après, cela est certain.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que cette carte vous a
11 inspiré à rédiger des objectifs stratégiques qui devaient être mis en œuvre
12 à la suite de ces négociations. Est-ce que je vous ai bien compris ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Voici ce que je voulais dire : c'est
14 que cette carte se trouvait devant nous lorsque nous avons formulé les
15 objectifs stratégiques pour l'assemblée du 12 mai. Cette carte de Cutileiro
16 c'était celle-là. Nous disions : Voici, avec nos objectifs stratégiques
17 nous irons les présenter aux négociations.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Josse.
19 M. JOSSE : [interprétation]
20 Q. Lorsque vous pensiez que vous aviez un accord avec les Musulmans
21 concernant les négociations présidées par M. Cutileiro, comment cet accord
22 reflétait la carte qui est sur le rétroprojecteur ou comment est-ce qu'elle
23 se rapportait, quel était le lien entre les deux ?
24 R. Le 18 mars on a créé trois unités constitutives selon un accord. Cette
25 carte était une carte de travail. Il a fallu travailler d'après une carte
26 et nous estimions que ce qui était très important c'est d'essayer de faire
27 un échange de territoire grâce à cette carte ou d'essayer d'améliorer
28 éventuellement ou de prouver que nous avions certains droits, et cetera, et
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1 cetera. Lors de ces négociations, nous avons eu, à un moment donné, à
2 négocier avec les Croates, et le 12 mai, nous avions dit que nous allions
3 changer les frontières du territoire dans la Posavina, que nous allions
4 l'échanger pour obtenir Posavina. Je l'avais déjà dit. C'est Karadzic qui
5 l'avait déjà déclaré, mais je vous l'ai déjà dit ici. En date du 18 mars,
6 on était tombé en accord entre les Croates, les Musulmans et la Communauté
7 européenne ainsi qu'avec les Serbes, et c'était en 1992.
8 M. JOSSE : [interprétation] Pourrait-on, je vous prie, attribuer une cote à
9 cette carte ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous écoute.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] D255, Monsieur le Président.
12 M. JOSSE : [interprétation] Avec la page couverture, n'est-ce pas, Monsieur
13 le Président ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. La page de garde qui
15 établit ce qu'elle représente en réalité et elle fera partie de la pièce,
16 elle sera annexée ensemble.
17 M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie.
18 Q. Pourrait-on demander à M. Krajisnik de prendre la pièce C1, je vous
19 prie, qui sera distribuée sous peu.
20 Voici un extrait qui est tiré de l'Economiste.
21 R. Je ne l'ai pas, je n'ai que C2 sous les yeux, je n'ai pas C1.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons revenir à --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis vraiment désolé, excusez-moi, je l'ai
24 retrouvé.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, Monsieur Krajisnik. Auriez-
26 vous la gentillesse, je vous prie, de revenir sur la carte couleur. Je
27 voulais encore vous poser une dernière question. Vous avez dit cette carte,
28 que vous avez appelée la carte Cutileiro, j'essaie de voir la partie --
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1 Monsieur Krajisnik, lorsque j'essaie de résumer votre témoignage, vous nous
2 avez dit : "Cette carte se trouvait sur la table des négociations lorsque
3 nous avons formulé les objectifs stratégiques lors de l'assemblée du 12
4 mai; c'était la carte Cutileiro qui nous servait de base."
5 Ensuite, Me Josse vous a demandé : "Lorsque vous pensiez que vous
6 aviez un accord avec les Musulmans, pour les négociations qu'avait présidé
7 M. Cutileiro, il a dit de quelle façon est-ce que cet accord établissait un
8 lien entre ce qui a été dit et la carte."
9 J'essaie de comprendre. Nous avons une carte sous les yeux, la carte
10 de février 1992 qui est différente de ce que, selon moi, selon la
11 compréhension que j'avais, sinon pas de l'accord mais du point de départ
12 pour les négociations. Vous dites le 12 mai qu'on a pris la carte du mois
13 de février plutôt celle du 18 mars qui nous a guidés et qui nous a permis à
14 formuler nos objectifs stratégiques.
15 M. JOSSE : [interprétation] Je suis vraiment désolé d'interrompre, Monsieur
16 le Président, mais j'aimerais savoir si M. Krajisnik pourrait nous parler
17 de la différence entre cette pièce-ci et ce que vous aviez pensé être la
18 carte Cutileiro.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais l'examiner, mais si vous me
20 dites que c'est en fait la même carte, à ce moment-là, je vais devoir faire
21 une meilleure comparaison.
22 M. JOSSE : [interprétation] Nous voulions dire qu'elles sont très
23 semblables. Nous n'avons pas assez une analyse détaillée, donc c'était le
24 point de départ -- enfin, il semblerait que ce soit là le point de départ
25 pour les objectifs stratégiques.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais faire une comparaison entre
27 celle-ci et la carte D7.
28 M. JOSSE : [interprétation] C'est B, je crois.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, d'accord, donc il s'agissait de
2 ceci, de la pièce B7.
3 M. JOSSE : [interprétation]
4 Q. Il y a un autre document Cutileiro, je l'ai déjà mentionné. M.
5 Krajisnik, il semblerait qu'il soit -- en fait, ceci est un extrait de
6 l'hebdomadaire l'Economiste du 15 décembre 1995. La date n'apparaît pas
7 dans l'article. L'article n'a pas été traduit, mais je vais le lire.
8 On voit ici : "Monsieur, dans votre article sur la Bosnie du mois de
9 novembre 1992, vous dites qu'au mois de février 1992, avant le début de la
10 guerre, Lord Carrington et moi-même, 'avaient rédigé une constitution qui
11 aurait transformé le pays en une confédération en employant le style des
12 cantons suisses. Les Musulmans ont refusé d'accepter ce qu'ils estimaient
13 être une désintégration de la Bosnie.' Mais pas tout à fait. Après
14 plusieurs rondes de négociations sur les 'principes pour la constitution ou
15 les arrangements futurs de la constitution pour la Bosnie-Herzégovine,' les
16 trois parties, les Musulmans, les Serbes et les Croates, sont tombées
17 d'accord à Sarajevo le 18 mars sur un accord qui serait la base des
18 négociations futures. Ceci s'est poursuivi, les cartes ont été présentées,
19 et tout ceci a continué jusqu'à l'été, lorsque les Musulmans ont renié
20 l'accord. S'ils n'avaient pas fait ceci, la question bosnienne aurait pu
21 être réglée et résolue beaucoup plus tôt avec moins de pertes, surtout du
22 côté des Musulmans, pour ce qui est des vies et des territoires. Pour être
23 tout à fait juste, le président Izetbegovic et son entourage ont encouragé,
24 ont retardé cet accord et de se battre pour une Bosnie unitaire, pour
25 établir un Etat unitaire, en pensant qu'ils pensaient mieux."
26 Qu'est-ce que vous en pensez ?
27 R. Je suis tout à fait persuadé que M. Cutileiro a dit cela, mais si M.
28 Izetbegovic avait accepté, mais cela aurait été autre chose. Mais il était
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1 victime de pressions et de pressions externes également, par les agences
2 lui demandant de renoncer, d'annuler cet accord, de ne pas accepter cet
3 accord.
4 Q. Justement, c'est ce que j'allais vous demander. Est-ce que vous pensez
5 que M. Cutileiro parle, lorsqu'il pense de personnes externes voulant du
6 bien, est-ce que vous pensez que c'est de cela qu'il parle ?
7 R. Je ne peux pas les appeler. Je ne peux pas appeler l'ambassadeur
8 Zimmerman un étranger, un homme de l'extérieur, mais je sais qu'il lui a
9 proposé de refuser, alors que M. Izetbegovic avait dans ses rangs à lui
10 beaucoup de personnes, qu'il était entouré de personnes qui ne répondaient
11 de rien, pour rien, qui étaient responsables de rien et qui étaient là
12 simplement pour refuser toute transformation de la Bosnie-Herzégovine,
13 toute proposition de transformation alors qu'ils avaient un pouvoir
14 politique. Ils pouvaient, de cette façon, influencer M. Izetbegovic, de
15 sorte qu'il était coincé et il se trouvait écarté entre ses désirs, les
16 pressions nationales et les encouragements venant de l'extérieur et des
17 hommes politiques de l'extérieur. Je n'essaie pas de justifier
18 M. Izetbegovic, mais je dois vous dire que j'ai passé beaucoup de temps
19 avec lui et je sais qu'il lui arrivait d'accepter certaines choses, mais
20 plus tard, il devait renoncer à ce qu'il avait accepté, refuser et renier,
21 car il n'avait pas le choix. Donc, il lui arrivait souvent de revenir sur
22 sa parole.
23 M. JOSSE : [interprétation] Pourrait-on attribuer la cote, je vous prie,
24 pour ce document ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur le Greffier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote D256,
27 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
28 M. JOSSE : [interprétation]
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1 Q. Je souhaiterais maintenant rester avec M. Izetbegovic et examiner un
2 entretien qu'il a accordé au mois d'octobre 2000. C'était un entretien qui
3 se trouve dans le document F1 de la liasse de documents, Monsieur
4 Krajisnik.
5 Nous avons un entretien assez long. Il n'y a qu'une partie très
6 courte qui m'intéresse, donc je vais vous poser des questions. Dites-moi
7 d'abord d'où est-ce que ceci est tiré.
8 R. On voit ici un quotidien de Dani, c'est un quotidien musulman.
9 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture du titre de cet
10 entretien ?
11 R. "Les seuls gens que je déteste, ce sont les traîtres."
12 Q. Nous voyons que dans l'introduction on parle, cinq lignes à partir du
13 haut, nous voyons un mot qui précède votre nom; de quoi s'agit-il ?
14 R. "Donc je confirme de la façon la plus explicite que la personne avec
15 laquelle il était possible de parler, c'était Krajisnik. En réalité, il
16 était la personne qui répondait à toutes les critiques qui ne le -- il
17 semble répondre à toutes les critiques qui n'ont pas eu de sympathie pour
18 lui, ni au cours de la matinée, ni au cours de l'après-midi, pour lui et
19 ses opinions. En dernier, après toutes ces années, il prétend qu'il
20 préfèrerait former une coalition avec le SDP plutôt que de s'unir avec le
21 SDS ou le HDZ, mais seulement sous certaines conditions qui sont telles que
22 cette coalition n'aurait jamais eu lieu."
23 Q. Prenez la page 19, je vous prie. A la dernière page, au coin supérieur
24 droit, c'est un document qui a été annoté pour vous, et nous voyons une
25 question qui commence par "Jednom," une fois. Pouvez-vous lire la question,
26 je vous prie, mais lentement, n'est-ce pas ?
27 R. "Vous avez déclaré déjà lors d'un entretien, et corrigez-moi si je ne
28 m'abuse, que pour ce qui est des représentants du peuple serbe dans la BiH,
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1 le représentant avec lequel on peut tomber d'accord, c'était Krajisnik.
2 Pourquoi ? Parce que Radisic et Jelavic sont des nationalistes ?"
3 C'était la question.
4 Izetbegovic répond : "Oui, j'ai déjà dit quelque chose de semblable.
5 J'ai passé de très grands nombres d'heures de négociations avec Krajisnik
6 et je n'oublierai jamais les négociations pénibles qui ont eu lieu sur la
7 monnaie bosnienne. C'était une vraie torture, mais je n'avais pas
8 l'impression -- plutôt, je n'ai pas ressenti de la haine envers Krajisnik.
9 Les seuls gens que je déteste sont les traîtres. J'imagine que ceci est dû
10 à mon expérience de prisonnier. Krajisnik n'était pas un traître. Il s'est
11 battu pour le peuple serbe comme il le savait et comme il le pouvait, car
12 c'est ainsi qu'il avait défendu le peuple serbe. Pour ce qui est de Jelavic
13 et de Radisic, je vous en parlerai une autre fois."
14 M. JOSSE : [interprétation] Pourrions-nous avoir une cote, s'il vous
15 plaît ?
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera donc le D257.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
18 Monsieur Josse, j'aimerais avoir un peu d'éclaircissement sur une
19 réponse précédente qui a été donnée par le témoin.
20 On vous a demandé -- enfin, M. Josse vous a demandé si la lettre envoyée
21 par M. Cutileiro à l'Economiste, à l'hebdomadaire The Economist, étaye
22 votre thèse des événements du printemps et de l'été 1992. Alors beaucoup
23 est dit dans cette lettre. Il est bien évident que M. Cutileiro déclare que
24 si les Musulmans s'étaient tenus à l'accord tripartite, cela aurait permis,
25 comme il le dit, et je cite : "Le problème bosnien aurait pu être résolu
26 beaucoup plus tôt en économisant beaucoup de vies principalement musulmanes
27 et en sauvegardant aussi des territoires musulmans."
28 Donc, vous dites que cette lettre -- parce que vous êtes d'accord avec ce
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1 qui est arrivé, ce qui est décrit dans cette lettre, donc vous êtes
2 d'accord pour dire donc que si un accord avait été atteint, cela aurait été
3 des vies musulmanes et des territoires musulmans qui auraient été épargnés;
4 c'est bien cela ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela veut dire que des vies musulmanes
6 aussi aurait pu être épargnées. Il y aurait eu beaucoup moins de morts des
7 trois côtés.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous dis -- M.
9 Cutileiro dit : "Des vies principalement musulmanes auraient été
10 épargnées." Je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec cela ou non, donc
11 si c'est principalement des vies musulmanes qui ont été perdues, du fait du
12 temps qu'a pris le règlement de la question bosnienne. Personne n'est en
13 train de dire que M. Cutileiro ne dit que les Serbes n'ont perdu aucune vie
14 ou que les Croates n'ont perdu aucune vie, et cetera, pas du tout. Je
15 voudrais savoir si vous êtes d'accord avec M. Cutileiro quand il dit que du
16 fait que de ce règlement très tardif, que ce sont surtout les Musulmans qui
17 ont perdu.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que M. Cutileiro a raison. Les pertes
19 humaines, les pertes principalement se sont faites du côté musulman. Il
20 faut être honnête, c'est comme cela que cela s'est passé.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est des territoires aussi ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pour ce qui est des territoires, j'ai des
23 réserves, là j'émets des réserves, parce que les Musulmans habitaient
24 principalement dans des villes, c'étaient des citadins, mais pour ce qui
25 est des vies perdues, c'est vrai, là M. Cutileiro a raison. Il a raison, il
26 y a bien sûr eu des pertes des deux autres côtés, mais il est vrai que
27 c'est les Musulmans qui ont subi les plus grosses pertes en vies humaines.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Krajisnik. Je regarde la
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1 pendule, et il est temps de faire une pause, mais nous avons commencé un
2 peu en retard parce qu'il y avait des problèmes techniques, donc si vous
3 avez encore des questions pour 10 minutes, on peut peut-être poursuivre
4 encore 10 minutes.
5 M. JOSSE : [interprétation] Très bien. Je vais maintenant poser encore une
6 question à M. Krajisnik. Il n'a pas besoin d'avoir le document sous les
7 yeux, mais pour Messieurs les Juges, il serait bon que vous l'ayez. Vous,
8 c'est le P1213.
9 Q. Monsieur Krajisnik, on vous a posé un grand nombre de questions,
10 principalement, le Président vous a posé des questions, pour ce qui est
11 donc de la question des fusils automatiques de fabrication russe. Alors si
12 vous regardez dans votre dossier, il faudrait peut-être se pencher sur le
13 document qui a été attribué le numéro I1. C'est dans la liasse que nous
14 avons donnée ce matin, Monsieur Krajisnik.
15 Tout d'abord, il s'agit d'un document qui a déjà un numéro ERN. Cela dit,
16 j'aimerais savoir quand même comment vous avez obtenu ce document, Monsieur
17 Krajisnik.
18 R. C'est un document qui vient du bureau du Procureur. Il a d'ailleurs un
19 numéro, je l'ai trouvé dans ma documentation, je ne sais pas d'où il vient,
20 mais il a un numéro en haut, en haut dans un coin en haut, mais il a aussi
21 un numéro ERN, le 005973. Cela fait partie donc d'un rapport qui provient
22 du 1er Corps de la Krajina.
23 Q. Pourriez-vous nous lire le titre lentement, s'il vous plaît, les mots
24 qui sont inscrits au-dessus du tableau ?
25 R. "Aperçu des armes et des équipements donnés aux unités et états majors
26 de la TO par le 5e Corps."
27 Q. Bien. Nous n'avons pas encore de traduction, il faut donc s'en
28 souvenir. Mais cela dit, quelle est la ligne qui selon vous, traite donc de
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1 ces fameux fusils automatiques de fabrication russe ?
2 R. La ligne 6 du tableau. Je peux déchiffrer ce qui y est écrit : "7.62
3 millimètres automatique, M49/57." C'est le modèle, la 49/57.
4 Q. Alors comment est-ce que ceci pourrait éclairer notre lanterne ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous mélangions totalement,
6 pourriez-vous nous aider, s'il vous plaît, Monsieur Josse, à comprendre ce
7 qui est en cause ici ? C'est l'interprétation d'un rapport sur les armes
8 trouvées dans ces automobiles, c'est cela ? Je crois que le problème était,
9 peut-être que je me trompe et corrigez-moi, s'il vous plaît, mais je crois
10 que ceci avait été compris, même par M. Krajisnik, comme étant des armes
11 qui étaient des armes antiques.
12 M. JOSSE : [interprétation] Oui, si je me souviens bien du problème,
13 c'était l'âge de ces armes.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je me souviens, il s'agissait de
15 vieux fusils automatiques, c'est cela ?
16 Très bien, comme c'est le problème, M. Krajisnik, pourriez-vous, s'il vous
17 plaît, répondre à la question et nous dire en quoi cette sixième ligne de
18 ce tableau pourrait éclairer notre lanterne ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de fusils automatiques à tambour,
20 modèle 49 à 57. Ils ont été fabriqués pendant la Deuxième Guerre mondiale.
21 Cela tire des munitions de calibre 7,62, comme on voit à deux rangées au-
22 dessus, on voit le fusil, le 7,62 qui est un fusil automatique. Cela c'est
23 le nouveau alors que le 49 à 57 est un vieux fusil automatique qui
24 commençait à être fabriqué pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il s'agit
25 des fusils automatiques qui ont le barrier [phon] à tambour, ce que
26 possédait la TO. Ils sont apparus au début de la guerre.
27 M. JOSSE : [interprétation]
28 Q. Comment est-ce que vous savez que ceci fait référence aux armes qui ont
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1 été mentionnées dans la pièce P1213, c'est-à-dire, le rapport fait au
2 ministère de l'Intérieur à Sarajevo ?
3 R. Les seules armes automatiques de fabrication russe étaient celles qui
4 avaient ce fameux barrier [phon] à tambour. Etant donné que ce qui était
5 écrit était "des automatiques russes," j'ai compris qu'il s'agissait bien
6 de ceux qui avaient ce fameux barrier [phon] à tambour. Ma réponse était
7 que je n'en savais rien, mais j'essayais d'interpréter ce que cela pouvait
8 bien vouloir dire. Il s'agit aussi de fusils automatiques russes. C'est
9 ainsi qu'ils étaient appelés ces fameux fusils qui avaient le barrier
10 [phon] à tambour.
11 M. JOSSE : [interprétation] Pourrions-nous avoir une cote, s'il vous
12 plaît ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D258.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, pouvez-vous nous
16 dire les autres fusils automatiques qui sont sur cette liste, de quelle
17 origine sont-ils ? J'ai beaucoup de mal à déchiffrer ce qui est écrit sur
18 ce tableau.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de vous expliquer un tout
20 petit peu. La première arme est un pistolet, un 7,52, je crois, fabriqué
21 par l'usine Crvena Zastava en Kragujevac. Ensuite il y a le pistolet 7,65,
22 c'est un pistolet automatique.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le premier, il est écrit
24 "pistolet." Pourriez-vous me le lire parce que j'ai beaucoup de mal à
25 déchiffrer.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai du mal aussi à le lire. J'arrive quand
27 même à le déchiffrer.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est quoi le premier mot ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] "Pistolet 7 millimètres 62."
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites que c'est un pistolet
3 d'une certaine marque, mais comment est-ce que vous savez que c'est un
4 pistolet qui est de cette marque-là ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en avais un avant la guerre, moi-même, j'en
6 possédais un.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, très bien. Comment est-ce que
8 vous pouvez être convaincu que le pistolet qui est mentionné sur cette
9 première ligne serait un pistolet de marque -- je cherche à la ligne du
10 transcript, je vais retrouver la marque de cette arme.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je ne suis pas militaire certes, mais je
12 sais que tous ces pistolets qui sont mentionnés ici, mis à part le premier,
13 deuxième et troisième, étaient fabriqués par l'usine Crvena Zastava à
14 Kragujevac par la division militaire de cette usine et ils étaient
15 disponibles pour quiconque voulait acheter des armes pour sa possession
16 personnelle.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites tout que vous n'avez pas
18 appris cela du document en le voyant lui-même, mais c'est de notoriété
19 publique et c'est pour cela que vous en avez conclu que ce sont des
20 pistolets qui ont été fabriqués par cette usine.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est parce que Crvena Zastava avait une
22 usine d'armes extrêmement moderne. Par exemple, le fusil 7,62 qui est à la
23 quatrième rangée, c'est la Kalachnikov, une automatique bien connue. Cette
24 usine fabriquait des fusils automatiques modernes en utilisant sous licence
25 Kalachnikov. La Kalachnikov bien sûr c'est quand même un fusil automatique
26 très moderne. Numéro 5 c'est le PAP 7,62; c'est un fusil semi-automatique.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, je ne m'y connais pas
28 vraiment dans ce domaine. Vous dites "sous licence
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1 Kalachnikov." Kalachnikov, il me semble, c'est une société russe c'est
2 cela, qui aurait concédé des licences à d'autres entreprises pour fabriquer
3 des armes. Je ne connais absolument rien à la fabrication des armes. S'il
4 vous plaît, pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit, quand vous nous
5 dites des fusils qui sont fabriqués sous licence Kalachnikov. C'est cela ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Kalachnikov était un scientifique, c'est le
7 nom d'un scientifique. Le fusil a été nommé d'après lui. Il avait 85 ans,
8 je pense qu'il a donné à Zastava la licence pour fabriquer cette arme, et
9 c'était une arme létale.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde avait des Kalachnikovs de ce
12 type.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous me dites qu'à la quatrième case, ce
14 fusil automatique de 7,62 était fabriqué sous licence Kalachnikov par cette
15 usine CZ; c'est bien cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'usine Kalachnikov a concédé
18 d'autres licences pour fabriquer d'autres types de Kalachnikovs ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, non, je ne sais pas. Dans
20 l'ancienne Yougoslavie il y avait toujours distribution de production
21 militaire. Quelque chose serait fabriqué dans une usine, à Zastava et
22 Kragujevac, on faisait ce type de petites armes, et à Vitez en en Slovénie
23 on faisait ce qu'on devait faire. Il y en a qui faisaient des chars. Il y
24 en avait qui faisaient d'autres choses, qui faisaient des canons.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était une production yougoslave, si
26 j'ai bien compris. Tout cela c'est fabriqué de façon nationale ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Passons maintenant à la
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1 sixième case. Vous savez, je ne m'y connais vraiment pas grand-chose,
2 j'essaie juste de comprendre. Vous nous dites que cette arme de 7
3 millimètres 62 est de fabrication russe. Pourriez-vous nous dire exactement
4 d'abord ce qui est écrit dans la case ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] "Automatique, 7,62 mm." Ensuite, il y a un
6 grand "M49/57."
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela, c'est fabriqué en Russie ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. On les appelait des fusils automatiques
9 russes. C'est Automat Dobosar, ceux qui avaient ce fameux canon. Quant à
10 savoir si c'était fabriqué en Russie ou ailleurs, je ne sais pas. On les
11 appelait comme cela parce qu'ils étaient vieux. C'étaient des vieilles
12 armes.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On ne faisait pas référence à
14 Kalachnikov comme à une arme russe, c'est cela ? Quelle était la
15 nationalité de M. Kalachnikov pourtant ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, on appelait cela des fusils automatiques,
17 des fusils automatiques.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'est ce qui est écrit à la
19 case numéro 6 : "Automat, 7,62 millimètres."
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais la munition est différente, le
21 calibre est différent. On appelait cela des balles spéciales. Le modèle est
22 différent parce qu'en haut, il s'agit d'un fusil alors qu'en bas, il s'agit
23 d'une arme automatique. Ce n'est pas la même chose.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors le "PAP 7,62
25 millimètres," c'est quoi exactement ? Celui qui se trouve à la cinquième
26 case.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un fusil semi-automatique, calibre 7,26.
28 Je crois que cela aussi c'était fabriqué par Zastava à Kragujevac, je le
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1 crois en tout cas. On n'a eu ces armes qu'au début de la guerre, ensuite il
2 n'y a plus eu que des automatiques.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un tout petit peu plus clair dans
4 mon esprit. Monsieur Josse, nous pouvons peut-être poursuivre. Non, je
5 regarde la pendule, je crois qu'il va falloir que l'on s'arrête. J'essaie
6 juste de comprendre quelles sont les conclusions qu'il convient de tirer de
7 ce tableau pour ce qui est de la discussion que nous avons eue. Nous allons
8 quand même suspendre la séance pour la pause.
9 Nous reprendrons à 4 heures 30. Merci.
10 --- L'audience est suspendue à 16 heures 02.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, l'Accusation a informé les
12 Juges de la Chambre du fait que le document I1 se trouvait déjà à être
13 versé au dossier.
14 M. JOSSE : [interprétation] Oui, ils nous l'ont dit également.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela a été attaché au
16 document P741.1. Partant de l'original, nous pouvons voir que le mot
17 utilisé qui est celui de "Automat", et c'est là que l'on a commencé à
18 interpréter le type d'armes que c'était. Lorsqu'à l'époque la question a
19 été soulevée, les interprètes ont fait comprendre de quelle façon il devait
20 être procédé la traduction. Là où en sixième case, il est dit
21 "mitrailleuse", cela n'est peut-être pas tout à fait bien parce que l'on ne
22 sait pas s'il s'agit d'une mitrailleuse ou d'une arme automatique, d'un
23 fusil automatique.
24 En même temps, une partie du problème provient du fait de savoir s'il
25 s'agissait d'une arme assez ancienne, qui datait depuis il y a très
26 longtemps pendant le conflit. Peut-être pourrions-nous demander à
27 M. Krajisnik ?
28 Vous avez dit, Monsieur Krajisnik, que c'étaient des armes qui
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1 dataient de la Deuxième Guerre mondiale, alors quelle pertinence y a-t-il à
2 préciser que l'arme était ancienne, mis à part le fait que ce n'est pas une
3 arme tout à fait moderne ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé du type d'armes et j'ai dit que
5 cela datait de la Deuxième Guerre mondiale. Cela a été fabriqué même après
6 la Deuxième Guerre mondiale. J'avais un oncle qui faisait partie de l'armée
7 populaire yougoslave et qui possédait une mitraillette à chargeur tambour,
8 et c'est pour cela que j'ai su que cela datait de la Deuxième Guerre
9 mondiale.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne dis pas que ce n'est pas meurtrier;
12 c'est une arme meurtrière, bien entendu, mais qui est un peu caduque. On
13 peut toujours tuer quelqu'un avec.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que cela a été utilisé à des
15 fins militaires ? En 1992, j'entends. Est-ce qu'ils avaient décidé de s'en
16 servir ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, au début, c'était là,
18 mais à partir du moment où il y a eu des armes plus modernes, celles-ci ont
19 été retirées. Tout le monde préférait les armes automatiques, les fusils
20 automatiques qui étaient plus modernes et meilleurs. Pour ce qui est des
21 autres, je ne sais pas ce qu'il en est advenu. Je n'en ai aucune idée.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ces armes vieux jeu, si je puis
23 dire ainsi, ont-elles été distribuées pour le conflit de 1992 ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que oui, mais je ne le sais pas. Je
25 ne puis que supposer.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que l'on peut déduire de la
27 pièce P741. Dans la lettre envoyée par le général Talic à l'intention du 1er
28 Corps de la Krajina, du commandement du 1er Corps de la Krajina, il est
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1 donné une explication disant que ce sont des armes délivrées aux unités et
2 au QG de la TO; en d'autres termes, à des structures extérieures aux forces
3 armées, depuis le début des activités qui visaient à faire protéger les
4 Serbes vis-à-vis du génocide en Croatie et de la Republika Srpska. Alors
5 partant de la lettre, il nous est donné de conclure -- la lettre jointe à
6 cette liste -- on pourrait conclure que l'arme en question pouvait jouer un
7 rôle actif dans les hostilités, ou ai-je mal compris ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense territoriale
9 a été placée sous l'armée populaire yougoslave, mais de façon dissociée du
10 reste des forces armées. Alors quand on les a distribuées, c'était pour
11 qu'on puisse se battre avec, pas pour qu'on les garde à la maison. Vous
12 avez raison.
13 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je faire un
14 commentaire ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
16 M. JOSSE : [interprétation] Nous avons été la partie qui a choisi de
17 procéder à des questions complémentaires sur ce sujet, compte tenu des
18 échanges entre M. Krajisnik et vous-même au sujet de ces armes automatiques
19 russes. Toujours est-il que bon nombre de questions à ce sujet pourraient
20 connaître une réponse meilleure faite par d'autres témoins comparaissant
21 devant les Juges de la Chambre qui seraient plus qualifiés, pour ce qui est
22 de parler de ce qui s'est passé sur le terrain, que ne l'est M. Krajisnik.
23 Les Juges de la Chambre ont entendu bon nombre de personnes qui ont été
24 impliquées dans le conflit sur une base journalière, et les Juges ont
25 également pu entendre des experts militaires qui également pourraient
26 parler de la question.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 M. JOSSE : [interprétation] Donc, je tiens à faire remarquer que M.
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1 Krajisnik a lui-même fait remarquer qu'il n'était pas un expert en matière
2 militaire et il n'est pas contesté le fait qu'il n'a pas pris physiquement
3 part au combat, ce qui fait que cela est un point sur lequel les deux
4 parties sont tombées d'accord.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a eu une possibilité qui
6 a été celle de laisser entendre par le fait que c'étaient des armes
7 caduques qui seraient donc censées diminuer l'importance de l'événement
8 dont il a été question. Or, M. Krajisnik a été tout à fait explicite à ce
9 sujet, et je crois que c'est versé au dossier, à savoir que c'est consigné
10 au compte rendu d'audience. Le fait que ces armes aient été caduques
11 n'empêche pas le fait qu'elles aient pu être distribuées, et si
12 contestation quelconque il y a, nous pourrons nous repencher sur la
13 question. Mais vous pouvez donc continuer, Maître Josse. Une fois constaté
14 que le P741 est déjà versé au dossier, le numéro D258 pourra être libéré,
15 pourra être disponible.
16 M. JOSSE : [interprétation] Alors peut-être pourrions-nous attribuer cette
17 cote au document suivant, qui est le document H1 dans la liasse de
18 documents qui vous a été distribuée ?
19 Ici, il s'agit d'une interview avec M. Krajisnik. C'est le journal Srpski.
20 C'est daté du 21 décembre 1992. Messieurs les Juges, l'avant-dernière
21 question et la réponse qui a été apportée sont ce qui nous intéresse. Nous
22 vous demanderions de vous pencher sur la page 2 où il y a une version
23 agrandie pour qu'on puisse lire plus aisément.
24 Q. Vous l'avez en surligné en jaune et vous avez la version agrandie, et
25 je vous prierais de nous donner lecture de la question et de la réponse qui
26 a été apportée, en allant lentement, je vous prie.
27 R. "Vous n'ignorez pas le fait que la commission chargée des droits de
28 l'homme auprès des Nations Unies a même voté une résolution par laquelle
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1 seuls les Serbes au sein de la Bosnie-Herzégovine sont accusés d'un
2 génocide ?"
3 Réponse : "Le terme de 'nettoyage ethnique' ne correspond pas, du
4 moins pas entièrement à ce qui est en train de se passer sur le territoire
5 de l'ex-Bosnie-Herzégovine, car nous ne considérons pas que les Serbes - et
6 c'est eux que je prends en exemple - aient été expulsés de Vitez ou de
7 Zenica s'il leur a été fourni la possibilité de déménager paisiblement, à
8 savoir de s'en aller là où c'est plus sûr pour eux - sur le territoire de
9 la Republika Srpska. Personnellement, je suis contre toute forme de
10 contrainte. Je condamne de façon énergique toute tentative d'expulsion
11 forcée des gens de leurs foyers ancestraux, c'est pourquoi le terme de
12 'nettoyage ethnique' doit être pris avec des réserves. Il a été utilisé
13 rien que dans le rapport de Tadeusz Mazowiecki, ex-premier ministre
14 polonais qui, de façon extrêmement unilatérale, hypocrite, comme s'il
15 faisait un rapport sur commande, a accusé rien que les Serbes en ex-Bosnie-
16 Herzégovine."
17 Voulez-vous que je continue la lecture ?
18 Q. Non. Vous souvenez-vous de l'interview que vous avez accordée ?
19 R. Depuis le temps qui s'est passé, je ne me souviens pas de l'interview,
20 mais je sais que cela a été mon opinion au sujet du nettoyage ethnique et
21 du rapport présenté par M. Mazowiecki.
22 Q. Est-ce que cette position de l'époque diffère de la position qui est la
23 vôtre aujourd'hui ?
24 R. Malheureusement, pour ce qui est du rapport Mazowiecki, il n'y a aucune
25 différence. Pour ce qui est du nettoyage ethnique, je sais ce que signifie
26 que d'abandonner son foyer, et de nos jours, je suis profondément contre,
27 profondément contre toute expulsion de la population, parce que j'estime
28 que c'est l'événement sur le plan émotionnel le plus grave qui pourrait
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1 survenir pour quelqu'un. Même à ce jour, je rêve de mon village, quoi que
2 n'ayant pas été ethniquement nettoyé moi-même; je l'ai quitté, tout
3 simplement.
4 M. JOSSE : [interprétation] Messieurs les Juges, voulez-vous que cette
5 pièce constitue la pièce à conviction D258 ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 M. TIEGER : [interprétation] Il me semble que c'est également une pièce à
8 conviction de l'Accusation. J'essaie de vérifier pour retrouver le numéro.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si c'est une pièce à conviction,
10 nous allons attendre. Avez-vous d'autres documents ou d'autres questions à
11 poser à M. Krajisnik à ce sujet, Me Josse ?
12 M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à lui poser au
13 sujet de ces interviews.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, bien.
15 Monsieur Krajisnik, je suis en train de lire attentivement ce que
16 vous venez de dire. Vous avez dit : "Le terme de 'nettoyage ethnique' ne
17 correspondait pas entièrement à ce qui était en train de se passer sur le
18 territoire de la Bosnie-Herzégovine," et vous énoncez les raisons.
19 A cette fin, vous estimez que : "Les Serbes ne devraient pas être
20 considérés comme étant expulsés de Vitez ou de Zenica," à titre d'exemple
21 seulement, "s'ils ont eu la possibilité de déménager de façon pacifique."
22 Par cette réponse, vous laissez entendre qu'ils n'ont pas pris cela
23 comme une possibilité de s'en aller à titre pacifique ou d'une façon
24 paisible, ou est-ce que je vous ai mal compris ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. J'ai dit que ces
26 gens ont été heureux de pouvoir quitter des territoires dangereux et ils
27 ont été heureux d'arriver à nos territoires. Ils ont peut-être jugé plus
28 important le fait d'avoir eu la vie sauve, d'avoir pu se sauver. Sur la
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1 base d'une réciprocité, j'ai appris que les Musulmans qui résidaient sur
2 notre territoires avaient également souhaité partir vers des régions plus
3 sûres, mais j'ai estimé devoir être contre le fait d'expulser quelqu'un,
4 parce que j'ai pu observer les Serbes arrivant chez nous et j'en ai tiré ce
5 type de conclusion, parce que bon nombre de Serbes ont quitté la Bosnie
6 centrale.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors ce que je crois comprendre,
8 c'est que vous êtes en train de dire que si l'on décide en fin de compte de
9 partir vers des lieux plus sûrs, cela ne constitue pas un nettoyage
10 ethnique.
11 La question suivante que j'ai à vous poser, c'est de dire que si la
12 vie pour quelqu'un est si dangereuse ou misérable --
13 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je me permettre d'interrompre ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 M. JOSSE : [interprétation] Parce que là, ce sont des choses tout à fait
16 différentes, n'est-ce pas ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors je vais partager, je vais
18 scinder les choses. Si la vie de quelqu'un est mise à tel point en danger
19 que les gens choisissent de s'en aller vers des lieux où ils sont plus
20 sûrs, et j'essaye de formuler ma question de façon tout à fait attentive,
21 est-ce que ceci exclu la possibilité de considérer cela comme étant un
22 nettoyage ethnique ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] La question est très délicate, Monsieur le
24 Président. Je suis opposé à toute contrainte; or, la contrainte est
25 difficile à prouver parce qu'il y a un mélange de raisons objectives et
26 subjectives. Si vous voulez placer quelque chose au premier plan, vous avez
27 tendance à placer les raisons subjectives. Mais si vous dites objectivement
28 que vous avez peur parce que vous êtes minoritaires, cela dépend du nombre
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1 d'éléments à prendre en considération. Je ne peux pas m'ériger en arbitre
2 pour savoir quels sont les éléments qui l'ont emporté, s'agissant des
3 Musulmans qui sont partis, parce que si quelqu'un leur a délibérément rendu
4 la vie difficile, non pas en raison de la guerre, parce que la guerre
5 apporte suffisamment de situations difficiles, mais si cela a été le cas de
6 façon délibérée - et peut-être cela a-t-il été le cas avec les Serbes à
7 Zenica - ils peuvent toujours dire : Dieu merci, on a la vie sauve. Mais il
8 y a aussi des expulsions forcées. Là, la situation est tout à fait nette,
9 c'est la raison pour laquelle j'ai dit que j'étais opposé au nettoyage
10 ethnique et j'ai comparé cela avec la partie serbe, parce que je ne sais
11 pas ce qui s'est passé avec la partie musulmane. Je ne sais pas ce qui l'a
12 emporté, s'agissant des Musulmans, parce qu'ils ont tous signé le fait
13 d'avoir -- de vouloir partir, puis après, ils ont dit qu'ils ont été
14 nettoyés ethniquement. Donc, il serait difficile d'avoir a posteriori
15 l'intelligence nécessaire. Mais la guerre vous rend la tâche aisée pour ce
16 qui est de rendre la vie dure à quelqu'un. Il n'y a déjà pas assez de
17 nourriture pour tout le monde, cela pourrait suffire comme raison, et ce
18 n'est peut-être pas forcément délibéré, cela pourrait être complètement
19 fortuit et ce sont des choses que j'ai pu voir.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce que vous venez de dire, vous
21 avez signalé que tout un chacun avait exprimé le souhait de s'en aller, et
22 cetera, et qu'ils étaient heureux de s'en aller et que par la suite, ils
23 ont dit qu'ils ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique et qu'il est
24 difficile de soulever le tout, d'arbitrer. Est-ce qu'à votre avis, cela
25 n'aurait pas constitué un nettoyage ethnique, ou à votre avis, est-il
26 difficile de décider si oui ou non il s'agit d'un nettoyage ethnique et
27 qu'il dépendrait des circonstances, pour ce qui est de pouvoir parler de
28 nettoyage ethnique ? Pouvons-nous entendre votre point de vue ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer d'être objectif le plus
2 possible. Pour le moins qu'on puisse dire, il ne s'agit pas là de pur et
3 simple nettoyage ethnique. Je vous ai donné l'exemple de Pale. J'ai
4 interrogé bon nombre de personnes et ils ont dit qu'il n'y avait aucune
5 contrainte. Puis, ces gens-là ont dit qu'ils ont fait l'objet d'un
6 nettoyage ethnique. Maintenant, il faut faire des tas de choses pour
7 prouver que ce n'est pas le cas, parce que les gens ont fui les régions où
8 ils étaient minoritaires. Alors, il se peut qu'il y ait eu ce que vous
9 dites, à savoir qu'il y ait eu contrainte de la part de quelqu'un, mais il
10 avait suffit d'être minoritaires pour que les gens aient exprimé le souhait
11 de s'en aller dans la plupart des villes. Je ne peux pas juger de ce qui
12 s'est passé dans les différentes municipalités, mais j'essaye autant que
13 faire se peut d'être objectif.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 Maître Josse, veuillez continuer, je vous prie. Pour votre
16 information, je tiens à préciser que l'interview fait partie de la pièce
17 P583, intercalaire 121.
18 M. JOSSE : [interprétation] Oui, merci.
19 Q. Monsieur Krajisnik, vous vous êtes référé un peu plus tôt à une
20 interview qui figure au tout début du classeur et cela porte une référence
21 A6, et vous avez dit que vous vouliez en parler.
22 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit
23 de la pièce 1241. Nous avons des copies que nous avons fait distribuer et
24 cela a été distribué pendant le contre-interrogatoire du témoin.
25 Q. En page 5, en toute dernière page, du côté droit, et à l'intention des
26 interprètes, je dirais que c'est vers la moitié de la dernière colonne et
27 vous avez, Monsieur Krajisnik, un passage qui est marqué mais qui n'est pas
28 traduit. L'Accusation ne l'a pas fait traduire. Ce n'est pas une critique.
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1 C'est juste une observation. J'aimerais que vous donniez lecture lentement
2 de ce passage.
3 R. "Donc, qui est-ce qui en est coupable ? Peut-être doit-on blâmer
4 davantage ceux qui les ont incités et moins la partie musulmane, quoique
5 cette dernière aurait dû tenir compte de la guerre, mais ils sont à blâmer.
6 Quand nous disons, c'est notre faute à nous, quand c'est eux qui le disent,
7 ils le sont aussi. Je ne veux pas problématiser davantage, mais l'essentiel
8 est la chose suivante : étant donné que la guerre nous a été imposée, cette
9 guerre a apporté des réalités nouvelles. Malheureusement, il y a eu
10 beaucoup de victimes en guise de produit de ces réalités nouvelles. A
11 présent, il n'y a plus de Serbes en Bosnie centrale. Il n'y en a plus ou il
12 y en a bien moins. Peut-être sont-ils 100 000 en Bosnie orientale là où il
13 y avait des Musulmans, mais là il n'y a plus de Musulmans car ces derniers
14 ont fui vers la partie centrale de la Bosnie. Tout simplement maintenant,
15 tant les Serbes que les Musulmans et les Croates, se sont séparés, ou mieux
16 vaut-il dire peut-être, les Serbes et les autres parce qu'au sein de la
17 fédération, il y a encore des enclaves mixtes. Ils se sont séparés comme se
18 sépare l'huile et l'eau et qu'on le veuille ou pas, toute la vie durant,
19 parce que quand vous remplissez une bouteille pour une moitié de l'huile et
20 pour une moitié de l'eau et quand vous mélangez cela vous donne une
21 émulsion, mais quand vous laissez reposer, cela se sépare. L'ex-régime
22 avait gardé cela ensemble moyennant recours à des clés moyennant
23 contraintes, et nous avons été 'mélangés' pour donner un tout."
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que le texte n'est pas très clair.
25 M. JOSSE : [interprétation]
26 Q. Ce sont des propos que vous avez tenus en 1995. Comment ces propos
27 s'intègrent-ils, si tant est que cela est le cas, aux questions qui vous
28 ont été posées tant par les éminents confrères de l'Accusation que par le
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1 Juge qui préside aux travaux de la Chambre, pour ce qui est de vos points
2 de vue relatifs au nettoyage ethnique ?
3 R. J'ai dit ici que la guerre a mis en place des réalités nouvelles. Je ne
4 voulais pas parler de la problématique qui était celle de savoir si des
5 gens ont quitté leur foyer ou ont été expulsés. Mais la réalité était celle
6 de dire qu'il n'y avait plus de Serbes à Zenica, qu'il n'y avait plus de
7 Musulmans à Zvornik, qu'il n'y avait plus de Serbes à Mostar, qu'il n'y
8 avait plus de Musulmans en Nevesinje ou que sais-je encore. Quand j'ai dit
9 cela, j'ai véritablement considéré que les uns, les autres et les tiers se
10 trouvaient dans la même situation. Il eut été trop grave que d'affirmer que
11 les Serbes ont quitté leurs territoires et que les Musulmans ont été
12 expulsés des leurs ou vice-versa. Je crois que la destinée en temps de
13 guerre, s'agissant de ces trois groupes ethniques, a été la même plus ou
14 moins pour les trois parce qu'ils ont été exposés à des circonstances plus
15 ou moins identiques pour ce qui est d'abandonner leurs foyers.
16 J'ai ajouté qu'à l'époque socialiste, il a été créé un faux-semblant
17 de fraternité et d'unité où nous avons soi-disant été une seule et même
18 chose, mais dès que la guerre a commencé, on a tout suite vu qu'il y avait
19 des animosités parce il y a eu une guerre généralisée qui a éclaté
20 immédiatement entre les trois groupes ethniques. Ils ont été "ensembles"
21 côte à côte dans l'époque du socialisme, en "grand amour" mais dès que la
22 guerre a éclaté, cela a été une guerre totale entre les groupes ethniques
23 et non pas une guerre entre groupes sociaux ou groupes idéologiques ou que
24 sais-je. Je le dis à grand regret mais c'est la réalité.
25 Q. J'aimerais maintenant --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hanoteau a une question.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, vous dites : [interprétation]
28 "Pendant le système socialiste, il y avait une fausse apparence de
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1 fraternité, une unité dans laquelle nous étions tous unis."
2 [en français] Vous dites : [interprétation] "Sous le système socialiste,
3 pendant cette époque, il y avait beaucoup 'd'amour' entre les trois
4 groupes."
5 [en français] Excusez-moi, Monsieur Krajisnik, vous semblez dire qu'il y a
6 une fraternité qui est imposée par le régime socialiste; et d'un autre
7 côté, vous dites : Il y avait de l'amour dans cette société. Merci de me
8 dire si c'est ou non, une contradiction.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit amour, entre guillemets, peut-être
10 l'ai-je fait à tort. Mais j'ai cru. J'ai cru que jamais entre nous, il ne
11 serait y avoir une guerre ou de la haine. Je ne croyais pas à l'existence
12 de la haine. J'étais un idéaliste. J'avais des amis musulmans, des amis
13 croates. Nous nous respections mutuellement et ainsi de suite, mais chose
14 incroyable, quand la guerre a éclaté, c'est incroyable que de voir comment,
15 à quel point, de quelque part, la haine a jailli. Il n' y a pas la faute
16 seulement des leaders.
17 Tout simplement, tout un et chacun avait commencé à tirer des
18 exemples de mémoire datant d'il y a plus de 100 ans ou je ne sais combien.
19 J'ai constaté que ce que j'ai estimé être une véritable fraternité, unité
20 et de l'amour, c'était du mensonge. Et il y avait cette clé ethnique, parce
21 que si le Serbe était directeur, l'adjoint était Croate ou Musulman. Si le
22 gérant était Croate, le Musulman devait être son suppléant. Et on a fait
23 cela pour que les choses fonctionnent parfaitement. Des frères ne sauraient
24 vraiment pas se battre ou se faire la guerre. Alors s'ils se qualifient de
25 frères et que ce n'est pas le cas, très facilement, il y a des situations
26 où il y a bagarre ou guerre. C'est ce que je voulais dire. J'ai été
27 terriblement surpris de voir, de voir qu'une telle effusion de sang pouvait
28 survenir du jour au lendemain. C'est ce qui s'est passé et autre chose,
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1 vous m'excuserez, de nos jours.
2 Cela fait 12 ans qui se sont écoulés depuis Dayton et il est
3 incroyable de voir dans certains secteurs combien les animosités sont
4 encore vives, comme si la guerre venait de prendre fin hier. Je n'y suis
5 pas, mais à Mostar, à Sarajevo, partout. Il n'y a plus de criminels de
6 guerre, il y a d'autres gens là-bas, mais les animosités sont là; et sont
7 en train de mentir ceux qui affirment que tout va bien là-bas. Ce n'est pas
8 vrai. Je le vois. Il y a des scissions qui s'opèrent entre les hommes. Je
9 ne sais pas pourquoi, je n'en sais rien. Vous pouvez voir, même dans les
10 médias ce qui se passe dans la Bosnie-Herzégovine. Même maintenant, 14 ans
11 après la fin de la guerre. Je n'en sais rien. Il faudrait faire recours à
12 des psychologues pour qu'ils vous expliquent les raisons de la chose. La
13 chose la plus facile, c'est de dire : c'est la faute à autrui, à quelqu'un,
14 à un tiers. Mais il y avait quelque chose en Bosnie, une espèce de germe
15 qui n'a fait que s'épanouir. Je ne sais pas si j'ai réussi à vous
16 expliquer, Monsieur le Président.
17 Quand j'ai dit ici que quand c'est nous qui racontons c'est leur faute.
18 Quand eux, ils parlent, c'est notre faute à nous. Chacun dit : c'est la
19 faute de l'autre. Vous écoutez un Serbe, c'est les autres qui sont
20 coupables; quand vous écoutez les Musulmans, c'est les autres qui sont
21 coupables. Et c'est ainsi que les choses se sont passées.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, et si je vous demandais
23 aujourd'hui : qu'est-ce que vous en pensez ? Parce que vous y avez réfléchi
24 à tout cela. Quelle est votre explication ?
25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE HANOTEAU : Je disais, Monsieur Krajisnik, j'ai écouté avec
27 beaucoup d'attention ce que vous venez de dire, mais je voudrais savoir
28 aujourd'hui, après toutes ces années passées, est-ce que vous trouvez une
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1 explication à cette résurgence de la haine qui a causé des souffrances,
2 nous avons bien compris, chez tout le monde ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, la question musulmane et la
4 question serbe, la question croate en Bosnie ne se trouvent être résolues.
5 Je pense peut-être de façon différente. Ils ont tous estimé que les Croate
6 devaient recevoir une entité à eux. Cela c'est d'un. Mais j'estime que les
7 Musulmans, eux, devraient bénéficier d'une entité à eux, parce que le
8 problème c'est qu'il y a à chaque fois, une partie qui veut l'emporter sur
9 l'autre. Il faut que les trois parties soient sur un pied d'égalité. Je
10 vous assure, il s'est passé des siècles. Les gens vivaient les uns à côté
11 des autres et ils vivaient bien ensemble lorsqu'ils étaient sur un pied
12 d'égalité. Lorsque l'un ne dominait pas l'autre. Maintenant, les Musulmans
13 et les Croates n'ont pas d'entité à eux et ils sont tournés contre les
14 Serbes qui eux ont une entité à eux. Ils se disputent tous entre eux. La
15 haine, elle, est survenue parce que ces trois groupes ethniques n'ont pas
16 un vécu à eux en Bosnie-Herzégovine. Ils ont ressenti la nécessité d'avoir
17 un Etat, pas un Etat au vrai sens du terme, mais s'ils pouvaient ne pas
18 être dominés par les uns ou les autres, cela donnerait la paix. Il ne
19 s'agit pas de partager la Bosnie, il faut qu'ils aient leurs entités à eux.
20 Il faut qu'ils aient leur pouvoir local à eux, où ils pourront décider pour
21 eux et non pas qu'un autre groupe ethnique vienne vous diriger les choses
22 ou vous imposer les choses parce que la situation, telle qu'elle est, est
23 intenable. Cela, c'est mon opinion, ma libre opinion personnelle. Peut-être
24 ne suis-je pas dans mon droit.
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
26 M. JOSSE : [interprétation]
27 Q. Je voudrais vous poser une question au sujet de la 22e Session. Un
28 extrait d'un discours fait par M. Srdjo Srdic.
Page 26003
1 M. JOSSE : [interprétation] Nous nous sommes penchés sur la question et
2 nous avons trouvé deux traductions différentes. Or, je sais que M. Tieger
3 avait mentionné aux Juges de la Chambre qu'il y a eu une session où
4 l'Accusation avait fourni une traduction nouvelle. Peut-être pourrions-nous
5 confier à M. Krajisnik cette partie pertinente de l'intervention.
6 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner les pages
7 en B/C/S ou en anglais, comme cela, on pourra vous aider.
8 M. JOSSE : [interprétation] En B/C/S, il s'agira du 02149745 ou plutôt de
9 la page 37. J'aimerais que l'on remettre cela à M. Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que Monsieur l'Huissier pourrait
11 nous aider ?
12 M. TIEGER : [interprétation] Je m'excuse. Pourriez-vous reprendre le numéro
13 que vous avez donné ?
14 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Il s'agit du 02149745.
15 M. TIEGER : [interprétation] Fort bien.
16 M. JOSSE : [interprétation] En anglais, nous avons deux traductions
17 différentes, comme je l'ai dit. Il y en a une qui porte en bas de page, le
18 numéro 115 et l'autre porte 118 à 123, en bas.
19 M. TIEGER : [interprétation] La page 115 en anglais semblerait représenter
20 le texte correspondant de ce que vient de citer en B/C/S mon éminent
21 confrère. Il s'agit également d'une traduction révisée. Je crois que par sa
22 longueur, nous pouvons que c'est bien ceci. Je crois qu'il s'agit d'une
23 citation.
24 M. JOSSE : [interprétation] Il y a un certain nombre de mots qui sont
25 illisibles, c'est ce que nous voulions dire. C'est très important. Ce que
26 je vais faire c'est qu'avec votre permission, j'en donnerai lecture de
27 l'autre, depuis l'autre traduction. Je vais demander à M. Krajisnik de
28 suivre attentivement ma lecture et de lire l'original, et si l'un des mots
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1 n'est pas clair ou si l'un des mots n'est pas tout à fait bien traduit, à
2 ce moment-là, il faudra nous le dire. Monsieur Josse, excusez-moi, je ne
3 sais pas si les traducteurs ou les interprètes vont être d'accord. Enfin,
4 il y a certains mots qui ne sont peut-être pas vraiment lisibles. Je ne
5 sais pas ce qu'on peut dire objectivement de ne pas représenter des mots
6 lisibles, mais en fait, il est certain que nous avons donné toutes les
7 parties lisibles à traduire.
8 M. JOSSE : [interprétation] J'ai un certain nombre de copies de la
9 traduction originale, et pour ce qui est de la nouvelle traduction, je n'ai
10 qu'une copie et nous pourrions la placer sur le rétroprojecteur et je --
11 peut-être, Monsieur le Président, c'est à vous de décider.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, alors est-ce que vous voulez --
13 M. JOSSE : [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il est possible de
15 placer le document sur le rétroprojecteur de façon à voir les deux
16 exemplaires ? C'est ainsi que nous pourrions faire une comparaison entre
17 les deux. Je ne sais pas si on pourrait faire ceci peut-être en plaçant le
18 texte en haut ou le texte en dessous ? Pour l'autre, je ne sais pas si nous
19 pouvons nous livrer à cet exercice.
20 M. JOSSE : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président, de
21 montrer à l'huissier le passage qui nous intéresse.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Puis, je vous prie d'indiquer
23 à l'huissier.
24 M. JOSSE : [interprétation] J'ai souligné l'une de ces versions, mais
25 l'autre, je ne l'ai pas surlignée.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Voilà l'original qui est
27 surligné.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je me demande si le document
Page 26005
1 pourrait être placé de sorte à voir l'autre texte également afin de pouvoir
2 comparer les deux. Voilà, pouvez-vous déplacer un peu vers le bas de façon
3 à ce que nous pouvons peut-être -- je ne sais pas si nous pouvons voir les
4 deux exemplaires ? Nous ne voyons qu'une copie, mais si nous avions les
5 deux parties pertinentes, à ce moment-là nous pourrions peut-être comparer
6 les deux. Voilà, donc si vous -- peut-être un petit peu plus vers le haut.
7 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que maintenant, nous avons les deux
8 textes sur le même écran.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, déplacez-les légèrement vers le
10 bas, je vous prie, maintenant. C'est ainsi que nous allons bien sûr voir le
11 nom de Srdic sur les deux copies. Si vous nous donnez lecture de la partie
12 surlignée à ce moment-là -- mais non, ce n'est pas cela qu'on voulait.
13 Monsieur l'Huissier, c'était tout à fait correct. Vous l'avez déplacé,
14 bien, voilà. C'est peut-être mieux comme cela.
15 M. JOSSE : [interprétation] Très bien, merci beaucoup.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. JOSSE : [interprétation]
18 Q. "Prijedor est composé en moyenne de 10,5 % jusqu'à 12 000 soldats sur
19 le front. Nous allons tous les rappeler de la ligne, les rappeler de
20 revenir de la ligne de front, et nous écraserons. Nous ne nous vous avons
21 pas demandé ni vous, ni M. Karadzic, ni M. Krajisnik quoi faire à Prijedor.
22 La seule municipalité verte en Bosanska Krajina était Prijedor. Si nous
23 vous avions écouté, cette municipalité aurait encore été verte, nous nous
24 appellerions encore Krupa et Prijedor n'aurait pas été Prijedor. Nous nous
25 sommes occupés d'eux et nous les avons lapidés avec des pierres, et nous
26 les avons envoyés là où ils appartiennent."
27 Par la suite, nous voyons qu'entre parenthèses, il est écrit :
28 applaudissements. Maintenant question, Monsieur Krajisnik. Pour ce qui est
Page 26006
1 du mot "vert", ici dans ce texte, dans votre version à vous, le mot "vert",
2 est-ce qu'il est clair ?
3 R. Oui, oui. On fait trait aux Musulmans ici, lorsqu'on parle de la
4 couleur verte, on parle de Musulmans.
5 Q. Oui, parce que dans notre texte, il semblerait que ce mot n'était pas
6 tout à fait lisible. Bien, mais je crois que le sens des deux traductions
7 est essentiellement le même, en fait, les deux textes sont essentiellement
8 les mêmes. Qu'est-ce que vous aviez compris de ces propos de M. Srdic ?
9 Qu'est-ce qu'il voulait exactement dire dans son discours et comment cela
10 se fait-il qu'il a reçu cet applaudissement ?
11 R. M. Srdic était contre l'arrivée du Bataillon canadien à Banja Luka,
12 alors que M. Koljevic, puisqu'il était en contact avec la FORPRONU, il
13 avait proposé que l'assemblée adopte une décision selon laquelle le
14 Bataillon canadien de la FORPRONU devait être déployé ou cantonné à
15 Sarajevo. M. Srdic est tout à fait contre cet ordre, donc pour que le
16 Bataillon canadien soit cantonné à Banja Luka. M. Srdic est tout à fait
17 contre ceci et il dit : Nous n'avons pas demandé ni à M. Koljevic, ni à M.
18 Karadzic, ni à qui que ce soit d'autre de nous donner conseil sur ce que
19 nous devions faire pendant la guerre, et c'est pour cela qu'il faudrait
20 faire à Prijedor, et c'est pour ceci que nous avons, pour ce qui est de la
21 municipalité qui était peinte en verte, cette municipalité aurait été
22 encore intacte. Maintenant il y a plusieurs façon de comprendre ce qu'il
23 dit, mais puisqu'on a parlé du départ de très grand nombre de réfugiés, ou
24 plutôt, parlons de Musulmans de Trnopolje, de Manjaca, et cetera, je crois
25 que ce discours pouvait également faire allusion à ceci, c'est-à-dire que
26 ces derniers avaient fait leur bagages pour partir en direction de l'ouest
27 et que ces personnes de Prijedor avaient été dupées. On leur avait dit
28 qu'elles pouvaient revenir et qu'il avait interdit à Ceda Aleksic de
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1 revenir à Prijedor.
2 En fait, il étale ici son esprit de contradictoire, c'est-à-dire
3 qu'il est tout à fait contre, mais il explique avec véhémence qu'il est
4 contre l'arrivée du Bataillon canadien et qu'il prendra des mesures
5 radicales. C'était un vieil homme assez âgé, il parle de façon un peu
6 emphatique et je ne l'avais pas tout à fait compris littéralement. Bien
7 sûr, plus tard nous avons pris une décision, mais il a bien voulu nous
8 expliquer son point de vue et nous dire de cette façon-ci qu'il était
9 contre l'arrivée du Bataillon canadien. Puisque c'était une personne qui
10 parlait d'une façon un peu agressive avec énormément de tempérament, il a
11 reçu un applaudissement des députés, et nous étions vraiment pris de court,
12 nous ne savions pas comment nous comporter envers la FORPRONU. Et voilà, je
13 le répète, nous avions quand même décidé tous seuls, sans vous demander à
14 vous, c'est ce que j'avais dit, c'est une comparaison importante et ce que
15 nous allons faire à l'avenir, et si vous emmenez les soldats canadiens
16 contre lesquels il était -- je veux dire, contre l'arrivée desquels il
17 s'était exprimé. Pour ce qui est de Prijedor, la police avait encerclé
18 Prijedor et personne n'était au courant de ce qui s'est passé ce matin-là,
19 c'est-à-dire qu'ils ont pris le pouvoir.
20 Q. Je souhaiterais entrer un petit peu plus en détail et analyser ces
21 propos : "Nous ne vous avons pas demandé ni à vous, ni à M. Karadzic, ni à
22 M. Krajisnic." Est-ce que c'était un commentaire qui avait été conçu et
23 fait pour illustrer soit les liens ou les manques de liens qui existaient
24 entre cette municipalité-là et Pale ou est-ce qu'il voulait simplement
25 parler du Bataillon canadien et du rôle qu'il allait jouer dans cette
26 municipalité ?
27 R. Non. Pas du tout, c'était un fait. Il avait dit que nous n'avions pas
28 des liens avec Prijedor puisque le tout avait été fait sans se consulter,
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1 sans se concerter avec qui que ce soit. C'était un fait, il en parle, et
2 toutes les discussions tournent autour de l'arrivée du Bataillon canadien,
3 mais il en a profité pour exprimer également son point de vue quant à la
4 population de Prijedor, la libération de Prijedor, et qu'il ne s'agissait
5 pas d'une municipalité verte, mais une municipalité serbe.
6 Q. Avec votre permission, je souhaiterais vous reporter au document P100 -
7 - pardon, P1225. En l'occurrence, il s'agit ici d'un rapport émanant du
8 ministre de l'Intérieur. On vous a posé un certain nombre de questions sur
9 ce rapport dans le cadre des questions relatives à la présence des hommes
10 d'Arkan dans Pale.
11 M. JOSSE : [interprétation] Dans ce rapport, en haut de la page 3 en B/C/S,
12 en haut de la page 3 également en anglais -- c'est le témoin qui a besoin
13 de ce rapport. Je vous remercie d'avoir distribué ces documents. Je veux
14 dire la Chambre, mais il faudrait aussi le donner au témoin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord.
16 M. JOSSE : [interprétation]
17 Q. Page 3, Monsieur Krajisnik, en B/C/S, je vous prie.
18 On peut lire, je vais résumer : lors d'une inspection du poste de sécurité
19 publique de Pale, il a été trouvé qu'un groupe des hommes d'Arkan sont
20 encore présents à la l'Hôtel Panaroma. Le chef Koroman a présenté ceci
21 comme un problème et il a voulu résoudre ce problème puisqu'il s'attendait
22 à ce que leur commandant et un certain nombre de personnes dans les jours à
23 venir résolvent ce problème."
24 Qui était le chef Koroman, je vous prie ?
25 R. C'était M. Malko Koroman. Il était le chef de police à l'époque et plus
26 tard aussi, d'ailleurs.
27 Q. S'agissait-il d'un homme qui parlait de façon régulière ? Est-ce que
28 vous avez régulièrement parlé à cet homme au cours de l'année 1992 ou est-
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1 ce que vous ne lui avez jamais adressé la parole ?
2 R. Je crois que c'était assez rare, mais je connaissais la personne. Je ne
3 nie pas de lui avoir jamais parlé, mais je n'avais absolument aucune raison
4 pour m'entretenir avec lui souvent. Je crois que je me suis entretenu avec
5 lui assez rarement, d'ailleurs.
6 Q. Est-ce qu'il ne vous a jamais mentionné, vous a-t-il parlé de la teneur
7 de ce rapport, notamment que des hommes d'Arkan étaient encore présents à
8 l'hôtel ?
9 R. Non, non, Monsieur Josse. J'ai voulu expliquer la chose suivante. J'ai
10 voulu dire qu'à Pale, il y avait également le ministre du MUP, Radevic et
11 les autres ainsi que les membres du gouvernement. Si ces derniers étaient à
12 l'Hôtel Panorama avec moi, s'ils m'accompagnaient, tous ces derniers, on
13 aurait pu appeler des hommes d'Arkan, c'est-à-dire qu'on n'aurait pas parlé
14 des réfugiés lors de la séance du gouvernement des réfugiés si les hommes
15 avaient été là. Je vous affirme avec certitude qu'il n'y avait absolument
16 pas d'hommes d'Arkan dans la partie du bâtiment dans laquelle j'étais.
17 Peut-être qu'ils y étaient, peut-être dans Buducnost, qui est une
18 installation où il y avait des blessés. Ils étaient placés là et c'est un
19 bâtiment qui est attenant à l'Hôtel Panorama et donc je ne sais pas si
20 c'est à cela qu'il faisait référence.
21 Même si Radevic était à Pale et les ministres étaient également à
22 Pale, pourquoi à ce moment-là est-ce que ces derniers auraient appris de
23 lui ? Il aurait pu également savoir qu'ils étaient à Panorama, mais pour ce
24 qui me concerne, je n'ai absolument aucune connaissance de la présence des
25 hommes d'Arkan à l'Hôtel Panorama. Personne ne m'en avait jamais parlé et
26 je ne les avais pas vus non plus.
27 Q. Au cours des années qui ont suivi l'année 1992 et avant de partir de
28 Pale pour vous rendre à La Haye, est-ce que vous ne vous êtes jamais
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1 entretenu avec M. Koroman ?
2 R. Oui, tout à fait, oui je lui ai parlé. En fait, plus tard, oui, dans la
3 période qui a suivi 1992, oui je lui ai parlé de toutes sortes de choses,
4 mais on n'a jamais parlé de ce problème et il ne m'en avait jamais vraiment
5 parlé. En fait, je ne sais pas s'il m'aurait répondu si je lui avais posé
6 la question, mais je ne lui ai pas posé de question, il ne m'en a pas parlé
7 et il n'a pas spontanément parlé non plus de ceci. Je n'avais d'ailleurs
8 jamais vu ce rapport auparavant.
9 Q. A l'intercalaire P1224, c'est un rapport, en l'occurrence, également
10 destiné au ministre de l'Intérieur, et je pourrais vous le montrer si vous
11 le voulez, il y a quelqu'un que l'on appelle chef et commandant à la SJB
12 Pale, donc au poste de sécurité publique de Pale. Donc, on parle d'une
13 personne à la page 3 en anglais, en haut de la page 3 en B/C/S. Qui était
14 le chef et le commandant du poste de sécurité publique de Pale, du SJB ?
15 R. C'était M. Arkan -- non pardon, c'était M. Koroman.
16 Q. Donc, c'est la même personne ?
17 R. Oui, oui, oui, tout à fait. C'est la même personne, il était le chef de
18 police. Je ne sais pas qui était le commandant, mais ce rapport a été
19 rédigé avant le rapport que vous m'avez montré tout à l'heure.
20 Q. Le commandant et le chef, ce sont deux personnes distinctes. Le chef de
21 police était M. Koroman et vous ne savez pas qui était son adjoint, le
22 commandant ?
23 R. Non, je ne me souviens pas du tout qui était le commandant. Mais le
24 chef de police était Koroman du poste de sécurité publique.
25 Q. Merci.
26 Je souhaiterais maintenant vous demander de prendre l'intercalaire
27 268 de la pièce d'Accusation. Malheureusement, je ne l'ai pas, je n'ai pas
28 la pièce, la cote de cette pièce. Je ne peux pas vous donner le numéro de
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1 cote, mais il s'agit de l'intercalaire 268.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est indiqué en haut du document. Il
3 s'agit de la pièce P64A, intercalaire 730.
4 M. JOSSE : [interprétation] Je suis vraiment désolé, je vous en remercie,
5 Monsieur le Président, mais je n'avais pas la cote sur mon document.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, c'est l'Accusation qui nous a
7 communiqué ces pièces.
8 M. JOSSE : [interprétation] Je vous en remercie et je les remercie de leur
9 amabilité.
10 Q. Monsieur Krajisnik, à la dernière page, on fait référence au Dr Buha,
11 et au cours de votre déposition, on vous a demandé une question et vous
12 avez dit aux Juges de la Chambre que vous aimeriez leur dire quelque chose
13 concernant M. Buha. Le Président vous a arrêté et il a dit que le moment
14 n'était pas opportun et qu'il faudra parler de lui lorsque le bon moment
15 sera venu. Voilà, maintenant je vous donne la possibilité d'aborder ce
16 sujet.
17 R. Oui, oui, tout à fait. Je voulais simplement étoffer mes affirmations.
18 Je voulais simplement par cela dire que lors de ces réunions, il y a
19 beaucoup plus de personnes qui n'avaient été consignées au PV. Vous vous
20 souviendrez, M. Djokanovic a également témoigné pour dire qu'il avait été
21 présent à cette réunion alors que dans le PV, on n'a pas indiqué son nom en
22 tant que personne présente. C'était le but, c'est-à-dire qu'à un moment
23 donné, on a dit que Buha était également un membre de la présidence, mais
24 en réalité cela dépendait de la façon dont le secrétaire qui faisait le PV
25 a indiqué ces détails. Voilà, c'est tout ce que je voulais dire concernant
26 ce document.
27 M. JOSSE : [interprétation] Nous n'avons plus d'autres questions, Monsieur
28 le Président, pour M. Krajisnik.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Josse.
2 Un instant, je vous prie. Une question -- ce n'est pas le début des
3 questions que vont poser les Juges de cette Chambre à ce témoin, mais une
4 question qui découle d'une question de Me Josse. En parlant de M. Koroman,
5 est-ce que vous savez s'il existait des liens entre M. Koroman et les
6 formations paramilitaires ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Même si j'ai entendu un témoignage qui
8 nous parlait de "juta oce" [phon] de Pale, je n'avais pas entendu parler
9 des liens qu'il aurait potentiellement avec des formations paramilitaires,
10 c'est-à-dire qu'il avait parlé de Dzudza, mais je n'avais pas connaissance
11 de ceci, il ne m'en avait pas informé.
12 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète, "juta oce" veut dire guêpe jaune.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause, Monsieur
16 Krajisnik, et ensuite s'ensuivront les questions des Juges de cette Chambre
17 de première instance.
18 Nous retournerons ici à 6 heures cinq.
19 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.
20 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, Monsieur Hanoteau a
22 quelques questions. Il va commencer par une première question.
23 Questions de la Cour :
24 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, je souhaiterais que nous
25 revenions tout à fait au début de votre audition et que vous nous parliez
26 un peu plus sur le milieu dans lequel vous avez été élevé, dans quel type
27 de famille vous avez été élevé, si vous le voulez bien ? Qu'est-ce que
28 faisaient vos parents ? Quelle était la composition de votre famille ? Dans
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1 quel cadre vous avez été élevé, un cadre urbain, rural ? Quelle école vous
2 avez fréquentée ? Je vais jusqu'au bout, Monsieur Krajisnik. Vous comprenez
3 bien que je suis intéressé par ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est-
4 à-dire, cette société pluriethnique. Est-ce que vous avez été élevé dans ce
5 cadre pluriethnique ? Est-ce que votre famille recevait des Musulmans, des
6 Croates ? Est-ce qu'on se voyait ? Est-ce qu'on se fréquentait ?
7 Puis, compte tenu de votre âge, je voudrais savoir à partir de quel
8 moment vous avez compris qu'il y avait des tensions entre les communautés.
9 Et vous avez parlé de cette fraternité qui était recouverte par un certain
10 régime politique, peut-être. Est-ce que c'était une fraternité de façade ?
11 Comment avez-vous vécu tout cela ? Ce qui m'intéresse évidemment, c'est
12 pendant votre enfance, votre adolescence jusqu'à l'âge adulte, là où se
13 joue un peu ce que va être la vie de chacun. Merci.
14 R. Je suis né à la campagne. Mon père et ma mère avaient un autre fils,
15 nous étions deux, des enfants. J'ai eu plusieurs oncles, une famille assez
16 grande. A Zabrdje, là où je suis né, c'était un village serbe ethniquement
17 pur, mais je suis allé à l'école à Reljevo. Cette école réunissait les
18 enfants de la municipalité de Rajlovac au sens large du terme. Il y avait
19 des Musulmans, des Croates et des Serbes. Je dois vous dire qu'il y avait
20 surtout des Serbes, mais il y a eu des ressortissant d'autres groupes
21 ethniques. Nous étions amis et jamais, avec mes camarades de classe, je
22 n'ai eu une attitude autre que celle qui est l'attitude d'un ami. J'allais
23 à pied jusqu'à l'école. Cela faisait quelque 4 kilomètres de marche, dans
24 un autre village, sur les hauteurs qui s'appellent Smiljevici où c'était
25 assez mélangé, les Serbes, Croates et Musulmans.
26 La famille dont je suis issu est une famille patriarcale. Tous le
27 Krajisnik ont cru en Dieu et ont respecté les us et coutumes. Par exemple,
28 lorsque des collègues à moi venaient, des Musulmans ou des Croates, les
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1 Musulmans ne mangent pas de porcs, et ma mère alors leur faisait manger à
2 part. Elle disait : "Cela, il n'y a pas de porc, et là, il y a les plats
3 que mangent les Croates et les Serbes." Et on plaisantait. Mes collègues
4 disaient : "Mangeons d'abord ce qui est destiné aux Musulmans et on passera
5 ensuite à nos plats à nous." C'était un peu une façon de rire. Je suis allé
6 dans leur maison à eux, à Rajlovac, il y avait la famille d'un bon ami à
7 moi qui a été mon camarade de classe à l'école primaire, à l'école
8 secondaire, à la faculté, et nous avons même travaillé dans la même
9 société. Il m'a même servi de piston pour que je puisse me trouver du
10 travail.
11 Après l'école primaire, je voyageais en train de Rajlovac pour aller
12 à Sarajevo. Cela faisait quelque sept à huit kilomètres; je partais le
13 matin et je rentrais le soir. C'est ainsi que j'ai fréquenté la faculté.
14 Quand j'ai terminé mes études, j'ai commencé à travailler dans une
15 entreprise qui s'appelait Energoinvest. Donc s'agissant de ma famille, nous
16 avons tous travaillé jour et nuit, si je puis m'exprimer ainsi. A la
17 maison, quand j'allais à l'école, après l'école, je travaillais. Je faisais
18 toutes les tâches, j'accomplissais toutes les tâches qui sont celles d'une
19 propriété. Cela ne me dérangeait pas. J'ai estimé que pour avoir quelque
20 chose, on devait investir du travail à soi. Nous avons été l'une des
21 familles les plus aisées dans les parages; c'était dû au fait que nous
22 avons beaucoup travaillé.
23 Pour ce qui est des contacts que j'ai eus avec d'autres groupes
24 ethniques, je dirais que dans ma famille, mon père et ma mère m'ont éduqué
25 de cette façon-là en disant qu'il fallait toujours respecter les gens
26 appartenant à notre groupe ethnique, et peut-être même davantage que les
27 Serbes, parce que vous pouvez offenser moins les Serbes et vous pouvez plus
28 aisément offenser les autres ressortissants si vous faites quelque chose
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1 d'irréfléchi. C'est ainsi que je me suis comporté toute ma vie durant. A
2 titre d'illustration, je vous dirais que feu ma femme a été soignée par un
3 médecin. Je ne vais pas mentionner son nom parce qu'il pourrait avoir des
4 désagréments à Sarajevo. C'était un Musulman. Lui -- moi je suis parti
5 négocier à Genève, et lui a retrouvé le téléphone de ma famille et il a
6 demandé à ma mère, une fois que j'aurais passé un coup de fil, de lui
7 ramener des médicaments pour un fils qui souffrait d'asthme. Il avait une
8 autre maladie encore. J'ai acheté ces médicaments à Genève et j'ai envoyé
9 cela, j'ai confié cela aux délégués musulmans qui sont rentrés à Sarajevo
10 pour les lui remettre. Quand je lui ai demandé de faire une déclaration,
11 j'ai été déçu. Il m'a dit : Ecoute, tu sais où je vis, ne me place pas en
12 position désagréable. Cela m'a fait mal.
13 Les miens aussi auraient pu me reprocher la chose, pourquoi rends-tu
14 service en pleine guerre à un Musulman. Je ne veux pas qu'il y ait quoi que
15 ce soit d'éléments à décharge de cette nature. C'étaient des amis pendant
16 la guerre, et si je pouvais faire sortir quelqu'un de prison, si je pouvais
17 envoyer un colis ou si je pouvais rendre un service quelconque, je le
18 faisais parce que c'est quelque chose qu'on m'a inculqué, et quand bien
19 même je saurais que cela m'allégerait la peine, je ne le voudrais pas parce
20 que j'estime que Dieu voit ce que vous faites de bien.
21 Pour répondre à l'une des questions que vous avez posées, Monsieur le
22 Juge, pour ce qui est de savoir si j'avais pris des mesures quelconque
23 quand j'ai eu vent de crimes, je vais vous raconter autre chose dont je me
24 suis souvenu hier au sujet des groupes ethniques et autres.
25 Un haut représentant du groupe ethnique musulman m'avait dit qu'il y
26 avait une maison close dans notre région, notre secteur, et qu'il y avait
27 là-bas une jeune fille. Si je pouvais la faire venir à l'aéroport, il
28 s'agissait de la faire venir, si possible. Mais j'ai été surpris, je me
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1 suis dit : cela n'est pas possible, ce n'est pas vrai, cela ne se peut pas.
2 J'ai envoyé un accompagnateur ou je ne sais trop qui, et effectivement, ils
3 l'on retrouvée. Lorsqu'on est venu me voir, j'ai dit : mais est-ce qu'il y
4 a véritablement une maison close, est-ce qu'il y a des problèmes ? Elle m'a
5 dit : non, non, non, il n'est pas question. Alors je lui ai dit : Est-ce
6 que tu voudrais venir avec moi à l'aéroport, il y a ton père qui t'attend ?
7 Elle dit qu'elle le voulait bien. J'ai pris sa déclaration, j'ai signé, le
8 haut représentant a signé de sa part, et j'étais heureux d'avoir pu envoyer
9 cette fille vers son père parce que moi aussi, j'en ai une, une fille.
10 Toute ma vie, cela a été comme cela.
11 Alors quand vous me demandez quand est-ce que j'ai ressenti qu'il y a
12 cette dissension, ces antagonismes entre les groupes ethniques, je dirais
13 que le jour où les partis nationaux ont été créés, ce n'est pas eux, ces
14 partis qui ont créé des problèmes, non. A ce moment-là, à ce moment-là les
15 trois peuples se sont sentis plus libres. On peut être Musulman autant
16 qu'on veut, on peut être Serbe autant qu'on le veut, on peut être Croate
17 autant qu'on le veut. Du coup, je vais être sincère, du coup, quelqu'un a
18 dit : "Vous, Messieurs les Musulmans, si vous voulez vous présenter, vous
19 en charger, vous pouvez avoir un Etat à vous." Je ne les accuse pas, mais
20 c'est de leur faute, c'est ce qui a causé la guerre, parce que toute leur
21 vie, ils ont été monnaie d'échange. On les a qualifiés de Serbes, on les a
22 qualifiés de Musulmans, mais du coup, ils sont devenus peuple, nation, ils
23 ont pu avoir un Etat de Bosnie, en tant qu'Etat. Ils n'ont pas résisté à la
24 tentation. Ils ont voulu avoir une Bosnie, la Bosnie a été reconnue et il y
25 a eu une situation de chaos.
26 Je ne sais pas comment je me serais comporté si j'étais Musulman ou
27 si on me disait : tu peux avoir un Etat serbe. Parce que c'est ce type de
28 région. Mais dans ces premières journées, lorsque je suis devenu président
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1 du Parlement, c'était avec beaucoup d'idéalisme que j'ai essayé d'édifier
2 une société traditionaliste fondée le respect, mais j'ai vu que chacun
3 tirait de son côté et j'ai été mis à mal, parce que c'est comme si un bras
4 invisible était en train de manipuler chacune des trois parties en présence
5 pour semer la zizanie, pour qu'il y ait conflit. L'histoire finira bien par
6 le déterminer.
7 Mais le jour où on a commencé à parler de démantèlement de la
8 Yougoslavie et de la possibilité à faire en sorte que la Bosnie devienne un
9 Etat indépendant, c'est à ce moment-là que nos problèmes traditionnels qui
10 datent des Turcs encore, qu'ils se sont réinstallés, qui datent encore de
11 la Première Guerre mondiale et ainsi de suite. Il y a eu des tas
12 d'arguments de sortis du tiroir et plus personne n'a voulu mettre quoi que
13 ce soit de positif sur la table. Il y a eu des choses positives pendant la
14 Deuxième Guerre mondiale. On a sorti que les choses négatives, et quand on
15 a placé tout cela sur la table, chacun s'est mis à avoir peur de l'autre et
16 il y a eu conflit. Voilà, je pense avoir répondu à votre question pour ce
17 qui est du moment où en Bosnie, on a commencé à en parler d'un Etat. C'est
18 à partir de ce moment-là qu'à un niveau incroyable, les relations se sont
19 détériorées.
20 Pour ce qui est de la fraternité de l'unité socialiste, j'ai cru --
21 je n'étais pas membre du parti communiste ni du parti socialiste ou de la
22 Ligue des Communistes. J'avais compris qu'il y avait des hommes différents
23 et qu'il fallait les respecter. C'est mon éducation familiale qui m'a
24 incité à les respecter. Quand j'ai parlé de Turcs, moi, cela m'a fait mal
25 parce que je n'ai jamais rien dit de mal à l'égard des adversaires, et
26 c'étaient des ennemis pendant la guerre. Enfin, j'ai essayé de vous
27 illustrer tout tant que faire se pouvait. Si j'ai omis quelque chose, je
28 continue à me mettre à votre disposition.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Oui, je vous avais demandé la profession de votre
2 père. C'était un agriculteur ? Qu'est-ce qu'il faisait ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon père était un agriculteur et ma mère était
4 femme au logis. Mon père avait quatre années de primaire et ma mère n'en
5 avait guère plus. Il en a eu de même pour tous mes oncles.
6 M. LE JUGE HANOTEAU : Pour en revenir à ce que vous avez dit sur cette
7 société qui précède les événements dont nous nous occupons, donc avant
8 l'apparition de ces partis, est-ce que vous estimez que sous cette période
9 de régime socialiste, une certaine répression a empêché l'apparition de ces
10 tensions interethniques ? Est-ce que c'était l'appareil policier ? Est-ce
11 que c'était l'appareil répressif qui expliquait qu'il y avait cette
12 apparente cohésion entre les communautés ?
13 R. Je vous ai déjà précisé que je n'ai pas été membre de la Ligue des
14 Communistes. Je n'ai pas été membre du parti. Mais comme tout le monde
15 s'attaque maintenant à ce parti, j'ai envie de le défendre, parce que
16 personne ne semble avoir été pour ce parti, mais tous semblent avoir été
17 contre. Alors il n'y a pas eu de répression dans ce sens-là, Monsieur le
18 Juge. Voilà ce qui s'est passé. En termes simples, il n'y a pas eu de
19 véritable liberté.
20 Si on vous laissait aller à l'église, si vous fêtiez une fête, vous
21 étiez un peu la brebis galeuse. Cela n'était pas valable pour les Serbes
22 seuls, c'était valable pour tous les groupes ethniques. Si vous n'étiez pas
23 membre de la Ligue des Communistes, vous ne pouviez pas progresser, avancer
24 sur le plan professionnel. J'ai été directeur, mais j'ai dû travailler
25 trois fois plus et faire mes preuves trois fois plus que celui qui était
26 membre de la Ligue des Communistes. Mais moi, par principe, je n'ai pas
27 voulu m'affilier pour ne pas avoir à rechercher la prospérité par des
28 moyens plus ou moins corrects. Pour avoir la paix à la maison, si on
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1 tombait sur un nationaliste, par exemple un Serbe nationaliste, on
2 finissait par dégoter dix jours après ou dans un délai de dix jours un
3 nationaliste croate et un nationaliste musulman, donc il s'agissait de
4 faire l'équilibre.
5 Par exemple, à la naissance de son fils, un homme venait à chanter
6 une chanson de son groupe et il passait quelques jours en prison ou un mois
7 en prison. Donc, je ne dis pas -- il y a eu des belles choses dans ce
8 socialisme. Il n'y a pas eu de liberté vraie et il y a eu une certaine
9 discrimination. On n'a pas respecté la qualité au travail, mais
10 l'appartenance ou non à ce seul parti ou parti unique.
11 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
12 Ma deuxième question porte sur les activités que vous avez eues après les
13 accords de Dayton, et je voudrais que vous nous disiez ce qui s'est passé
14 jusqu'à votre arrestation. Qu'est-ce que vous êtes devenu à partir des
15 accords de Dayton ? Quelle a été votre carrière, s'il vous plaît ?
16 R. Après Dayton -- d'abord, à Dayton, j'ai eu beaucoup d'amertume pour le
17 fait de voir Sarajevo remis à l'autre partie d'une façon incorrecte. Je
18 sais, j'ai su tout de suite qu'il y aurait un exode. Lors de la réunion du
19 comité principal du Parti démocratique serbe, à savoir, de la présidence de
20 ce Parti démocratique serbe, il y a eu des candidats de proposés. Etant
21 donné que Karadzic ne pouvait pas occuper ces fonctions, il s'agissait de
22 savoir qui serait président du Parlement, qui serait président de la
23 république, qui serait le président du parti et qui seraient les membres de
24 la présidence. A ce moment-là, personne ne voulait partir à Sarajevo pour
25 être membre de la présidence.
26 C'est très émotionnel comme réaction, parce qu'ils ont estimé que les
27 Serbes ont été endommagés, on les a privés de Sarajevo. Ils ne voulaient
28 pas se disputer, ils ne voulaient pas à avoir à combattre avec les
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1 représentants musulmans et croates. Lorsque personne n'a vraiment voulu
2 l'accepter, les gens ont facilement décidé qui serait président à la
3 république, président du parti, président du Parlement. J'ai dit que je ne
4 serais pas président du Parlement, que je l'ai déjà assez été et que je
5 voulais me consacrer à ma famille et à moi-même. Lorsque personne n'a voulu
6 être membre de la présidence, j'ai accepté, j'ai fini par accepter. Ils ont
7 dit : on ne sais pas comment cela va être pour toi là-bas. Mais je suis
8 allé quand même à Sarajevo et j'ai été avec M. Izetbegovic, avec feu
9 Izetbegovic et M. Zubak. J'ai passé là-bas deux ans. J'ai estimé qu'il
10 fallait, pour moi, défendre les intérêts serbes et je les ai représentés au
11 maximum, pour le mieux. Mais jamais, par aucun fait et geste, je n'ai voulu
12 porter atteinte aux deux autres groupes ethniques. Eux deux étaient en
13 coalition et ils me mettaient très souvent en minorité. A un moment donné,
14 M. Zubak et moi-même avons été d'un côté et M. Izetbegovic se retrouvait de
15 l'autre. Il s'agissait de voter pour battre M. Izetbegovic. J'ai dit : non,
16 je vais m'abstenir, je vais être neutre, je ne veux pas que nous mettions
17 qui que ce soit en minorité. Nous devons édifier ici des positions
18 conjointes. Il est facile de mettre quelqu'un en minorité et de générer la
19 discorde. Il faut que nous fassions de notre mieux pour mettre en œuvre,
20 pour appliquer les accords de Dayton.
21 J'ai appliqué bon nombre de ces choses convenues avec les deux autres
22 au bout de deux ans. C'est quelqu'un d'autre qui occupé ce poste et j'ai
23 vu, j'ai constaté que je n'avais pas de quoi vivre. Il fallait bien que je
24 fasse quelque chose. Etant donné que je suis économiste, j'ai commencé à
25 faire des affaires à titre privé. J'ai commencé donc à faire quelque chose,
26 j'ai loué une bétonnière, une usine à béton, et j'ai commencé à travailler
27 avec une usine de ciment, une cimenterie primitive, mais toujours est-il
28 que je voulais subvenir aux besoins de ma famille. Quand j'ai été arrêté,
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1 j'étais à Panorama. J'étais venu pour le week-end chez mes parents qui ont
2 été sous-locataires dans une maison. Sept jours avant d'être arrêté, ma
3 famille de l'étage est allée dans la maison qu'ils avaient construite, et
4 j'étais avec les enfants à l'étage. C'est là que j'ai été arrêté. Il me
5 restait encore des crédits, des problèmes. Pour dire vrai, mon frère et le
6 reste de la famille veillent au grain et essayent de faire quelque chose
7 pour que cela continue à tourner. C'est une toute petite société, mais je
8 crois qu'ils sont en train de se battre autant qu'ils le peuvent. Mon père
9 est décédé. La première des chambres qui a examiné mon affaire ne m'a pas
10 laissé aller à l'enterrement. Ma vieille mère est encore vivante; elle a du
11 mal à vivre, d'ailleurs. Mes trois enfants ont fini leurs études
12 universitaires à Pale, je n'ai pas pu les envoyer ailleurs. Ils ont eu des
13 diplômes d'économie et ils sont là, à Pale. C'est là qu'ils vivent.
14 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, vous aviez démissionné de vos
15 derniers mandats politiques avant de reprendre des affaires dans le privé ?
16 R. Non. Il y avait une règle électorale. Je m'étais porté candidat à la
17 présidence pour une deuxième fois, mais au sein de la Bosnie-Herzégovine,
18 il y avait des votes et il y avait les votes qui venaient par courrier, par
19 la poste, alors je l'ai emporté aux élections en Bosnie-Herzégovine. Mais
20 lorsque les votes de l'étranger sont arrivés, parce qu'ont eu le droit de
21 voter les Musulmans, les Croates et les Serbes à l'extérieur - je ne vais
22 pas dire que cela était fait en bonne et due forme ou pas, je ne veux pas
23 en parler - mais j'ai perdu pour je ne sais combien de votes et je me suis
24 tourné vers les affaires de le secteur privé. Mais j'avais brigué un
25 deuxième mandat pour cette présidence.
26 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans ces mois qui précédaient ou qui ont précédé
27 votre arrestation, vous saviez que des poursuites étaient engagées contre
28 vous par ce Tribunal international, en tout cas, par son Procureur ?
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1 R. Je n'ai obtenu aucun indice à ce sujet. Il y a eu des pressions
2 psychologiques certaines, parce que devant l'immeuble où je travaillais, il
3 y avait très souvent un blindé de transport de troupes de la SFOR. J'ai
4 écrit une lettre au général Adams pour lui demander : pourquoi m'importune-
5 t-on ? Si on a quoi que ce soit contre moi, il convient de me le dire. Les
6 gens venaient de mal gré chez moi parce qu'ils avaient peur, il y avait
7 cette appréhension. Une fois que j'ai été arrêté, j'étais stupéfait.
8 J'avais fait de l'hypertension ici, j'en étais à 200. J'ai passé toutes
9 sortes de vérifications, parce quand vous déposez une candidature, vous
10 êtes vérifié. Au final, je n'ai pas eu la moindre idée de l'éventualité
11 d'être mis en accusation ici pour des crimes de guerre. Pour dire vrai,
12 lorsque quelqu'un vous suit, vous surveille, vous vous sentez très mal,
13 vous vous sentez mal à l'aise. Mais je n'ai pas pu penser que je pourrais
14 être inculpé, que je pourrais être arrêté.
15 Je dirais même qu'un haut responsable -- je ne vais pas mentionner
16 son nom, mais j'étais en bons termes avec lui, c'était quelqu'un de la
17 communauté internationale, un certain représentant de la Republika Srpska
18 étaient allés le voir et lui a dit qu'il savait pour sûr à mon sujet que je
19 n'étais pas inculpé. Il l'a dit à mon sujet. J'avais même voulu le citer à
20 comparaître en guise de témoin, mais ultérieurement, étant donné que nous
21 n'avons eu que peu de temps pour le faire, j'y ai renoncé, mais c'est
22 quelqu'un avec qui j'ai coopéré sur bien des sujets.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Alors ce sera ma troisième question, Monsieur
24 Krajisnik, si vous le voulez bien.
25 Dans le "cross-examination" du 29 mai dernier, le Procureur a fait
26 allusion à ce qui s'est dit à la 11e Session de l'assemblée et a cité une
27 partie d'une intervention d'un M. Zekic. M. Zekic disait, je vais le citer
28 en anglais puisque j'ai relevé ces termes en anglais, il parle des
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1 Musulmans :
2 [interprétation] "Avec leurs naissances, ils vont graduellement
3 s'emparer des territoires et nous allons nous retrouver dans une situation
4 très difficile avec leur croissance de naissances."
5 [en français] Le Procureur, sur cette phrase, et vous avez répondu.
6 Etait-ce une menace sur l'espace vital ? Non, c'était plutôt nos droits de
7 l'homme qui risquaient d'être menacés. Il y avait de l'espace territorial
8 plus que nous en avions tous besoin. J'aimerais s'il vous plaît que vous
9 développiez un peu ce thème, et pourquoi y avait-il une menace éventuelle
10 sur vos droits individuels, alors que je prends pour établi que l'on vivait
11 ensemble ? Comme vous l'avez rappelé, on était habitué à vivre ensemble.
12 Alors pourquoi tout d'un coup il y a cette menace qui peut affecter
13 les droits de chacun ? Est-ce que vous pouvez développer ce thème, s'il
14 vous plaît ?
15 R. -- parler du territoire. La Bosnie-Herzégovine compte 50 000 kilomètres
16 carrés et n'avait que quatre millions d'habitants. Quand on compare avec la
17 Hollande qui a 35 000 kilomètres carrés et 17 millions d'habitants, je
18 dirais qu'on aurait pu y installer trois fois plus d'habitants. Il n'y
19 avait pas donc insuffisamment d'espace. Le problème, c'était dans les
20 droits de l'homme, au niveau de la démocratie. Quand vous avez une natalité
21 liée à un chiffre numérique que vous mettez à profit pour mettre quelqu'un
22 en minorité et pour que ses droits de l'homme à lui soient abrogés, c'est
23 là que le problème se pose, quand il y en a plus des uns que des autres,
24 quand il n'y a pas d'instrument pour protéger une minorité.
25 Au début du travail pluripartite, du fonctionnement pluripartite, il
26 y a eu beaucoup de gens qui ont eu peur de cela, parce que nous ne pouvions
27 pas nous mettre d'accord sur l'énoncé du serment à prêter. Il y a tout de
28 suite eu des coalitions de créées et vous vous êtes tout de suite sentis
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1 mis en minorité. Quand vous êtes mis en minorité alors que vous aviez été
2 un peuple constitutif, tout ce qui est sacro-saint au niveau d'un peuple
3 peut être supprimé par quelqu'un d'autre, par exemple les insignes, les
4 drapeaux, ce genre de chose, l'alphabet et ainsi de suite. J'ai dit que ce
5 n'était pas le problème de la natalité en tant que tel; on aurait pu avoir
6 15 millions d'habitants et ce n'est pas la faute d'autrui si on a moins
7 d'enfants que les autres. Les Serbes ont moins d'enfants que les Musulmans,
8 là n'est pas le problème. Mais si cela -- s'il y a abus, si l'on dit que
9 l'on veut un état de droit et que si vous devez être 51 % pour pouvoir
10 imposer votre pouvoir et si vous avez des antécédents qui vous disent bien
11 des choses négatives, vous avez peur de cette natalité. C'est de façon
12 irrégulière, de façon anticonstitutionnelle qu'a été votée l'indépendance
13 de la Bosnie-Herzégovine.
14 Quand on dit : nous ne pouvons pas vivre avec vous, les Serbes, parce
15 que vous êtes majoritaires en Yougoslavie, alors nous avons dit : si vous
16 qui êtes majoritaires avez peur de nous, comment voulez-vous que nous en
17 Bosnie n'ayons pas peur de vous si vous allez devenir une majorité ? Et
18 c'est là que se pose le problème de la natalité. Le fait est que les
19 Musulmans avaient des familles bien plus nombreuses que cela n'a été le cas
20 pour les Serbes et les Croates. Donc, si l'on instrumentalise la natalité,
21 non pas pour s'emparer des territoires, mais pour cette fin-là, c'est là
22 que le problème survient.
23 Et c'est ce que Zekic a dit en étant un peu plus radical. Mais je
24 vous parle du problème survenu chez nous lorsque la vie politique a
25 commencé, a connu ce développement tel quel en Bosnie-Herzégovine. Lui,
26 Zekic, avait voulu dire qu'avant la guerre, c'était plus ou moins local,
27 parce que Srebrenica en tant que telle, qui a eu le malheur de connaître ce
28 qu'elle a connu au fil des siècles était serbe, puis musulmane, puis
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1 hongroise, puis que sais-je encore. Alors, chacun part de son point de vue
2 à soi, qu'il soit dans son droit ou pas, peu importe. Lui, il était
3 originaire de Srebrenica où il était en minorité et il avait redouté le
4 fait d'être en minorité.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vais me permettre une remarque Monsieur Krajisnik,
6 parce que je voudrais bien comprendre. Vous dites "si le taux de naissance
7 était instrumentalisé", mais qu'est-ce que vous voulez dire par là ? C'est
8 là où j'ai du mal à suivre votre explication. Le taux de naissance n'est
9 pas forcément instrumentalisé, il est ce qu'il est et les sociétés suivent
10 leur cours. Pourquoi dire "si ce taux de naissance est instrumentalisé" ?
11 Est-ce qu'il était en l'espèce instrumentalisé ? Vous parlez des Musulmans,
12 bien entendu, je pense, plus que des Croates.
13 R. Les Croates étaient dans la position la plus difficile, en réalité.
14 Mais je vais vous dire ce que je voulais dire par là. Les Serbes et les
15 Croates s'en allaient vers la Serbie ou vers la Croatie. Donc, en sus de
16 cette faible natalité, ils s'en allaient. Les Musulmans, eux, venaient vers
17 la Bosnie-Herzégovine, donc en sus du taux de natalité, ils devenaient de
18 toute façon plus nombreux. Quand pour la première fois vous avez une
19 assemblée pluripartite avec des instruments de protection de ceux qui sont
20 en minorité et le fait qu'il y ait plus de partenaires croates et
21 musulmans, donc puisqu'ils avaient un objectif conjoint, et lorsqu'ils
22 enfreignent la constitution. Et si vous dites : s'ils le font maintenant,
23 comment va-t-on avoir une Bosnie demain avec une voix, un vote ? Comment
24 cela ne pourra-t-il pas survenir ? Et s'ils n'ont pas voulu rester avec
25 nous en Yougoslavie, puisque la Bosnie avait pratiquement toutes les
26 prérogatives d'un état au sein de cette Yougoslavie, alors si nous disons
27 maintenant : tu ne veux pas faire partie de la Yougoslavie, donne-nous ce
28 que tu avais, ce que la Bosnie avait en Yougoslavie, donne-le-nous au
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1 niveau de la Bosnie-Herzégovine. Nous ne demandons pas plus, nous
2 accepterons cette Bosnie-Herzégovine, mais donne-nous cette petite
3 autonomie où nous aurons nos droits à nous.
4 En d'autres termes, nous avons vu à l'œuvre l'instrumentalisation qui
5 a été faite de la majorité. Cette majorité venait par le taux de natalité
6 et par l'arrivée des Musulmans. S'ils venaient à faire 51 % de la
7 population, ils rejetteraient les Croates. Ils s'en sont servis tant qu'ils
8 en avaient besoin, jusqu'au moment où ils auraient 51 %. Et nous, nous ne
9 pourrions rien faire. Nous ne réclamions que des instruments de protection.
10 Et maintenant, c'est mis en place, Monsieur les Juges. Après les accords de
11 Dayton, cela a été mis en place, et très simplement, on tient compte du
12 fait de la nécessité de faire, par exemple, que le peuple croate qui est
13 moins nombreux qu'avant ne soit mis en minorité. Il faut qu'on se concerte
14 avec eux. Ce n'est pas parce qu'on est plus nombreux qu'il faut que ce soit
15 ainsi. Ce n'est pas parce que vous êtes plus nombreux que votre volonté
16 doit être faite. C'était la peur qu'avait le peuple serbe. Il est probable
17 que le peuple croate ait eu cette même appréhension. Je parle du peuple
18 serbe parce que je le sais.
19 Nous ne pouvions pas nous mettre d'accord sur l'alphabet, croyez-moi
20 bien. Au début, il y avait la langue serbo-croate, tout à coup, c'est
21 devenu croate, serbe, bosnien. Puis, l'alphabet, est-ce qu'on va avoir le
22 cyrillique et les caractères latins ? On a passé des journées et des
23 journées à débattre de choses improductives, parce que tout simplement,
24 chacun voulait narguer les autres. J'interrompais les sessions du Parlement
25 pour laisser les gens aller à la mosquée. Je leur ai dit : écoutez,
26 excusez-moi. Il y a un droit. J'ai estimé que c'étaient leurs droits. Je
27 voulais que les gens se rapprochent les uns des autres. Cela n'a pas
28 marché. Jusqu'au dernier moment, je suis resté au Parlement. Et tout
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1 simplement, il fallait bien qu'il y ait cette structure. Malheureusement,
2 le problème n'est pas seulement le fait d'avoir eu cette rupture et la
3 guerre au final, mais c'est que le malheur et les crimes vont être gardés
4 en mémoire pendant des centaines d'années, parce qu'en Bosnie-Herzégovine,
5 on se souvient encore de ce qui s'est passé il y a 500 ans et cela va
6 laisser des traces graves, lourdes dans la conscience des gens que ces
7 conséquence et séquelles de la guerre que nous venons de sortir.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, je veux demander un
10 éclaircissement sur un point de vos explications que je n'ai pas bien
11 saisi. Vous avez dit que votre premier projet était de créer des assemblées
12 municipales serbes et non pas d'obtenir des territoires serbes. Vous vous
13 souvenez de cette phrase que vous avez prononcée ?
14 R. J'ai dit que nous voulions faire des assemblées municipales et c'est au
15 sujet des déclarations de M. Izetbegovic que je l'ai dit.
16 M. LE JUGE HANOTEAU : Tout à fait. Alors, je voudrais là qu'on entre dans
17 une -- que vous puissiez me donner une explication précise, parce que je ne
18 l'ai peut-être pas perçue ou je ne l'ai peut-être pas entendue. Si on prend
19 une municipalité qui est composée d'une ville principale et de plusieurs
20 villages ou hameaux. Dans cette municipalité, imaginons qu'il y a une
21 minorité serbe. Cette minorité serbe, en tout cas je l'imagine, avant le
22 conflit qui nous préoccupe aujourd'hui, elle devait être, cette minorité
23 serbe, sans cesse ou très fréquemment mise en minorité dans l'assemblée
24 municipale, dans les institutions municipales. Je pense que le nœud du
25 problème était là : vous souhaitiez que cette minorité serbe puisse être
26 défendue par des institutions qui lui soient propres. Est-ce que j'ai bien
27 compris jusque-là ?
28 R. Oui.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Alors, que devenait la majorité musulmane ou croate ?
2 Votre minorité serbe constitue des institutions pour être représentées.
3 Mais comment vont vivre alors les autres communautés ? Vont-elles avoir
4 leurs propres institutions à elles, donc des institutions croates et
5 musulmanes, et comment ces trois institutions municipales vont-elles
6 cohabiter ? Qu'est-ce qui était prévu ? Et là, j'avoue que je ne comprends
7 pas et je vous demanderais de bien vouloir m'aider à comprendre, s'il vous
8 plaît.
9 R. Si j'ai bien compris, vous êtes en train de parler de Serbes qui sont
10 minoritaires dans une assemblée municipale et d'une municipalité, et ils
11 sont mis en minorité. Nous avons donné des instructions claires. Lorsque
12 l'on a créé une assemblée de la République serbe, il y a eu une initiative
13 qui visait à faire savoir qu'il y avait aussi des mises en minorité au
14 niveau des municipalités avec des coalitions de créées. Nous avons
15 recommandé de veiller à ce que chacun reste au niveau des assemblées
16 municipales, les députés et autres, et que cette assemblée municipale
17 serbe, si elle venait à se créer, vienne débattre des problèmes ou des
18 intérêts ethniques vitaux qui sont en jeu; ils peuvent être ethniques, ils
19 peuvent être aussi globaux. Il s'agissait par exemple de construire quelque
20 chose, de faire venir telle chose à tel endroit. Donc, il fallait qu'ils
21 puissent en débattre et qu'on puisse entendre leur voix, par exemple avoir
22 une chambre des groupes ethniques, dire par exemple : les Serbes s'estiment
23 être mis en minorité, mais voilà ce qu'ils pensent. C'était la fonction de
24 l'assemblée au niveau de la république que nous avions créée. Nous voulions
25 rester dans un Parlement conjoint, mais lorsqu'il n'y a pas un autre
26 instrument à notre disposition, il fallait que nous puissions dire qu'on
27 n'est pas d'accord. Mais cela a été vite changé, parce qu'il n'y a pas eu
28 de rapprochement, si je puis le dire.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Là, si vous le permettez. Mais c'était déjà bien le
2 cas dans cette municipalité dont nous parlons. La minorité serbe était déjà
3 représentée, alors quel était l'instrument nouveau que vous mettiez en
4 place ? C'est cela que je ne comprends pas. L'assemblée municipale était
5 bien composée de représentants musulmans, croates et serbes. Dans
6 l'hypothèse que j'ai prise, les Serbes sont en minorité, mais ils pouvaient
7 s'exprimer de toute façon dans cette assemblée municipale, alors j'imagine
8 qu'ils étaient mis en minorité, donc vous vouliez que quelque chose d'autre
9 se passe pour mieux défendre les Serbes. Mais comment,
10 institutionnellement, vous vouliez mettre en place quelque chose de nouveau
11 qui permette aux Serbes de ne pas être mis en minorité ? Je ne vois pas
12 comment vous imaginiez cela. Alors recommencez, s'il vous plaît.
13 R. Le problème, cela n'a pas été une mise en minorité systématique, parce
14 que c'est une façon démocratique de s'exprimer. Le problème, c'est quand
15 quelqu'un vient enfreindre vos droits prévus par la loi, par la
16 constitution ou par je ne sais quoi. Vous avez un Club des députés serbes
17 qui dit : "Voilà c'est une assemblée serbe, et nous ne sommes d'accord
18 parce qu'on a été mis en minorité nonobstant les dispositions de la loi et
19 de la constitution."
20 Nous avons été 100 fois mis en minorité au niveau de l'assemblée de
21 la république par l'adoption d'une loi ou d'un texte, c'est normal. Quand
22 cela concerne votre destinée, vos intérêts vitaux, c'est là que le problème
23 s'est situé et c'est pour cela que nous avons voulu pouvoir dire que nous
24 ne sommes pas d'accord. Nous n'avons pas pu le réaliser mais il fallait
25 qu'on fasse bien entendre qu'on a été mis en minorité pour un droit qui est
26 fondamental. Voilà ce que nous avions envisagé de faire. Si, par exemple,
27 quelqu'un venait dire : La Bosnie va être indépendante. Il fallait que cela
28 se fasse conformément à la constitution et à la loi. Si on veut faire les
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1 choses autre les dispositions légales et constitutionnelles, vous vous y
2 opposez.
3 Je vous ai remis ici un document, quand M. Muhamed Filipovic l'a dit
4 dans son livre. Il a dit qu'on n'a pas pu le faire de façon légale, et ils
5 sont passés par le biais d'un référendum qui ne pouvait pas résoudre le
6 problème de l'indépendance de la Bosnie. Il fallait qu'il donne une
7 opinion, ce référendum. Il fallait quand même passer l'assemblée, par le
8 parlement. Or, cela n'a pas été fait. Le fait de mettre quelqu'un en
9 minorité c'est démocratique, mais quand on vient enfreindre vos droits qui
10 découlent de la constitution et des lois, c'est là que se situe le problème
11 et c'est de cela que je parle.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Lorsque cette minorité serbe est mise
13 systématiquement en minorité, vous souhaitiez la création d'une institution
14 autonome qui les représente complètement; est-ce que c'est bien cela ? Vous
15 les invitiez à créer une assemblée municipale purement serbe qui allait
16 coexister avec l'autre assemblée municipale; est-ce que c'est bien cela ?
17 R. Oui, vous avez raison. Ce Club de délégués aurait constitué cette
18 assemblée serbe et était censé débattre d'une décision où ils ont été mis
19 en minorité et revenir au parlement ou à l'assemblée conjoint. C'était
20 l'objectif, il fallait que les députés restent là. La décision était de
21 faire en sorte que les députés restent là où ils étaient parce que nous ne
22 voulions pas, nous, faire échouer cette assemblée. C'était une façon de se
23 défendre quand vous voyez quelqu'un enfreindre la loi et la constitution
24 sans en avoir le droit. Vous, verbalement, vous exprimez votre désaccord.
25 Vous ne pouvez pas le mettre en œuvre parce que c'est l'assemblée qui est
26 censée, au niveau municipalité, à titre officiel réaliser les choses. A
27 vrai dire cela a duré très peu de temps et il n'a pas pu être fait grand-
28 chose en effet.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
2 Ma cinquième question a trait à M. Davidovic qui a été un témoin et
3 qui a donné, de sa présence sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, une
4 explication précise. Il a dit ceci, et je cite en anglais : "Bito Gracanin
5 [phon]," pardon par la prononciation --
6 [interprétation] "Bito Gracanin [phon]," excusez ma prononciation,
7 secrétaire fédéral du SUP a dit à Davidovic que ce groupe de policiers
8 avait été envoyé là en tant qu'aide de la part du premier ministre
9 yougoslave, M. Milan Panic, ou à la direction de la République de la Bosnie
10 serbe. Après les plaintes ultérieures, disant qu'il ne pouvait plus
11 contrôler les paramilitaires serbes en Bosnie-Herzégovine, qui étaient en
12 train de tuer des Musulmans et de piller."
13 [en français] Cette référence de M. Davidovic, elle est, elle
14 s'adresse, elle va vers le leadership de la "Bosnian Serb Republic." Je
15 voulais savoir, Monsieur Krajisnik, si à un moment ou à un autre, vous avez
16 entendu, par ceux avec lesquels vous travaillez, qu'on allait demander
17 l'appui d'une force spéciale fédérale pour se débarrasser de ce problème
18 des paramilitaires. Est-ce que cela a été évoqué de près ou de loin devant
19 vous ? Parce que vous me pardonnez d'être un peu long, Monsieur Krajisnik;
20 M. Davidovic est arrivé sur le terrain, il est bien arrivé avec un ordre de
21 mission. Comment explique-t-on qu'il fût là, sinon qu'il avait été demandé
22 par les autorités de votre république pour venir mettre un terme à l'action
23 des paramilitaires. Et a fortiori, pouvez-vous dire que vous n'avez été
24 absolument pas au courant de cet appel à un spécialiste de la répression,
25 enfin je crois que c'était cela. Pouvez-vous répondre à cette question ?
26 R. S'agissant de M. Panic c'est quelqu'un que je n'ai vu qu'une seule fois
27 de la vie à l'hôtel Hyatt de Belgrade. Je l'ai vu une fois. C'est quelqu'un
28 dont j'étais au courant. C'était le président du gouvernement, le premier
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1 ministre yougoslave. Le dénommé Davidovic qui est venu ici, je ne l'ai
2 jamais vu de ma vie. Je ne savais pas non plus que des unités spéciales de
3 la Serbie, voire de la Yougoslavie, étaient ici. Quand je dis ici, c'est
4 dans la Republika Srpska. Je me suis entretenu avec des détenus ici, et ils
5 m'ont parlé de Brcko en me disant qu'il y avait des gens avec des couvre-
6 chefs rouges. Pour moi, c'était du surréel, du fantastique. On va juger ici
7 M. Mico Stanisic. Il va vous dire la vérité entière parce qu'il est au
8 courant. Je veux bien croire que des unités spéciales de la Yougoslavie,
9 tant est qu'elles sont venues sur le territoire de la Republika Srpska,
10 n'auraient pas pu venir si quelqu'un ne les avait pas conviées. Je ne sais
11 pas si quelqu'un les a convié.
12 Je n'ai jamais entendu dire mon entourage, Koljevic, Karadzic,
13 Plavsic, dire que quelqu'un aurait réclamé l'arrivée d'unités spéciales
14 comme vous le dites au sujet de Davidovic. Et je sais que Davidovic n'était
15 pas là-bas pour sécuriser le gouvernement, le gouvernement n'est venu
16 qu'ultérieurement. Je ne me suis jamais entretenu avec lui. Il se peut
17 qu'il ait été à l'hôtel Bosanka à Belgrade, mais je n'ai rien eu à voir
18 avec lui, et il a dit bon nombre de choses inexactes qui m'ont fait
19 beaucoup de mal. Je ne sais pas pour ce qui est du reste s'il a dit la
20 vérité au sujet des guêpes jaunes et Bijeljina. Je n'en sais rien. Je ne
21 sais pas s'il y a pris part et si oui, de quelle façon. Il se peut que oui,
22 il y a bon nombre de documents qui disent que même la municipalité lui
23 avait refusé l'hospitalité à Bijeljina parce qu'il avait fait quelque chose
24 d'extérieur aux approbations qu'ils avaient fournies auparavant. Je ne sais
25 pas dans la régie de qu'il était là-bas. Je ne sais même pas s'il était
26 venu à Pale ou à Vrace. Je n'ai jamais entendu parler de cet homme. J'ai
27 entendu parler d'un autre Davidovic, et quand celui-là est venu ici c'était
28 quelqu'un dont je n'avais jamais entendu parler.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : C'est une question qui a trait à cela, Monsieur
2 Krajisnik, et j'en termine là. A l'heure où nous parlons, est-ce que vous
3 avez le sentiment que des choses ou des événements vous ont été cachés, à
4 l'époque où vous étiez en exercice du pouvoir.
5 R. Non, je suis convaincu du fait que l'on ne m'a rien dissimulé. J'ai été
6 convaincu du fait d'avoir été bien informé, du fait que ce que lui a dit
7 n'était pas exact. Il n'y avait aucune raison de dissimuler quoi que ce
8 soit. Le ministre, lui, n'avait aucune raison de venir me dire ce qu'il
9 faisait. Je ne pense pas qu'entre nous on ait dissimulé des informations
10 vis-à-vis des autres. Je ne pense pas que quelqu'un ait eu des informations
11 sans vouloir les transmettre à autrui. Non, vous avez des PV du
12 gouvernement où Mico Stanisic, en sa qualité de ministre chargé de remettre
13 de l'ordre dans Bijeljina, juste avant est allé là-bas. Je ne sais pas s'il
14 a contacté quelqu'un ou pas, il viendra vous le dire lorsqu'il témoignera.
15 Le gouvernement l'a fait de façon autonome. Il ne m'appartenait pas à moi,
16 ce n'était pas mon domaine d'intervention ou mon domaine d'intérêt pour
17 savoir qui va où pour faire quoi. Je n'ai pas eu l'impression que quelqu'un
18 dissimulait quoi que ce soit. Nous nous sommes entretenus sur bien des
19 sujets importants et je tiens à vous dire, vous pouvez me poser toutes les
20 questions que vous voulez, je vais vous dire tout de suite si on m'en a
21 parlé ou pas. Cela je n'en ai pas entendu parler.
22 J'ai entendu parler des Guêpes jaunes à Zvornik et on m'a dit que
23 c'était une unité spéciale du MUP qui a conduit le problème à son terme.
24 C'était une unité spéciale du MUP de la Republika Srpska, d'après ce qu'on
25 m'a dit. Ils ont arrêté M. Ostojic, ils l'ont malmené, il est venu au
26 gouvernement pour en parler et il en était de même pour M. Trbojevic et eux,
27 ils ont donné des ordres au MUP pour régler la situation. Personne n'a
28 jamais mentionné Davidovic. Il y a eu deux ministres que l'on avait fait
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1 sortir de la voiture à Zvornik pour fouiller la voiture et les fouiller.
2 C'est ce que j'ai appris à l'époque.
3 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que nous en terminions pour
5 aujourd'hui, Monsieur Krajisnik. Je tiens à vous donner instruction à ne
6 pas vous entretenir avec quiconque pour ce qui est de témoignage fourni
7 jusqu'à ce jour et le témoignage à venir.
8 Nous allons lever l'audience et nous allons reprendre demain, le 20
9 juin, dans cette salle d'audience numéro II à deux heures et quart. Je
10 tiens également à informer les parties en présence du fait que jeudi nous
11 avons un emploi du temps quelque peu différent. Nous allons commencer à
12 l'heure habituelle, le matin, puis nous allons faire une pause prolongée
13 entre 11 heures et midi trente, suite à quoi nous allons continuer et
14 terminer relativement tôt dans cette journée. C'est dû à des problèmes
15 pratiques d'emploi du temps pour la journée. Je tenais à vous informer d'un
16 horaire inhabituel pour ce qui ce qui est de jeudi.
17 Nous allons l'audience aujourd'hui et je vous dis à demain deux heures et
18 quart.
19 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le mardi 20 juin 2006,
20 à 14 heures 15.
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