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1 Le mardi 20 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-
6 vous, s'il vous plaît, citer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-
8 00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 Avant de passer en huis clos partiel pour un bref instant, je tiens à
11 vous donner quelques indications à propos du calendrier. Monsieur Krajisnik,
12 nous avons appris que vous deviez aller voir le dentiste jeudi; c'est bien
13 cela ? Entre 8 heures et 9 heures ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. On m'a dit que cela
15 allait être cette semaine, mais je ne sais pas quand.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On m'a informé que ce sera jeudi.
17 Donc, jeudi est déjà un jour où le programme est un peu différent des
18 autres jours. Je pense que nous commencerons un peu tard. On va essayer de
19 commencer à 9 heures 30 et on en aura fini à peu près vers 11 heures. On
20 aura la grande pause, et nous reprendrons l'après-midi jusqu'à environ 15
21 heures ou 15 heures 30. Cela c'est le premier point sur le planning.
22 Ensuite, il faudrait maintenant, Monsieur le Greffier, passer à huis
23 clos partiel.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
2 Monsieur Krajisnik, aujourd'hui nous avons encore reçu une petite liste de
3 documents de votre part. Nous l'avons traitée, bien sûr. Nous l'avons
4 donnée aux deux parties pour voir s'ils veulent l'utiliser ou pas. Cela
5 dit, à la fin de votre déposition, tout document qui n'est pas adopté par
6 les parties, si je puis dire, qui n'a pas été présenté par les parties,
7 l'une ou l'autre, vous pourrez y revenir et expliquer un peu ce que
8 contiennent ces documents, sur la base des résumés qui ont été traduits, et
9 vous pourrez expliquer pourquoi vous voulez que ces documents soient versés
10 au dossier et pourrez expliquer aux Juges pourquoi vous considérez que ces
11 documents sont essentiels.
12 Ensuite, à la fin de votre déposition, nous passerons en revue toutes
13 les pièces qui ont été présentées par vous-même en tant que témoin, et nous
14 étudierons les documents. Nous entendrons les objections qui ont été
15 soulevées. M. le Greffier doit préparer une liste pour que les deux parties
16 puissent étudier facilement tous ces documents et pour que cette procédure
17 d'admission des preuves soit rapide. Donc, il conviendra que les pièces
18 soient correctement numérotées et présentées dans une liste qui soit facile
19 à utiliser.
20 Ensuite, autre point très pratique. J'ai cru comprendre que quand, au nom
21 de la Chambre, je vous ai donné la date butoir pour les objections en ce
22 qui concerne les photographies, la date butoir qui avait été donnée était
23 une semaine après le 21 juin. Or, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
24 Vous avez jusqu'à demain en fait, et demain uniquement, pour soulever la
25 moindre objection en ce qui concerne ces photographies. Je vous ai déjà
26 donné des consignes quant aux objections qui seront acceptées par la
27 Chambre.
28 Autre point très mineur et pratique. Il y a quelque temps, une
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1 objection a été soulevée par la Défense à propos du versement au dossier de
2 l'agenda de M. Karadzic. A l'époque, on ne savait pas très bien quels
3 autres passages de cet agenda seraient soulevés lors de l'examen de
4 différents témoins par le Procureur. Donc, cela a remis à plus tard la
5 décision quant à savoir si on allait verser au dossier tout l'agenda ou si
6 la Chambre allait accepter l'objection soulevée par la Défense selon
7 laquelle il n'y avait que certains passages qui étaient pertinents et qui
8 avaient été utilisés lors de l'interrogatoire du témoin qui allaient être
9 versés au dossier.
10 Je ne sais plus du tout maintenant si on a reparlé de ce fameux
11 agenda de M. Karadzic. Il serait bon que le bureau du Procureur reconsidère
12 sa position en ce qui concerne le versement de la totalité ou d'un passage
13 seulement de ce fameux agenda et que l'on sache aussi quelle est la
14 position de la Défense à ce propos.
15 Ensuite et finalement, encore un point de procédure, assez compliqué
16 d'ailleurs. Une lettre a été envoyée par M. --
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- à la Défense. Cette lettre a été
19 traduite. Je pense que les parties ont reçu la traduction de cette lettre.
20 Cette lettre a été présentée par M. Krajisnik en tant que témoin. La
21 Chambre ne sait pas exactement si l'une ou l'autre partie veut vraiment
22 adopter cette lettre pour que l'on puisse la verser au dossier par leur
23 biais, ou s'ils ne le veulent pas. S'ils ne le veulent pas, cela reste un
24 document, document qui a été entre les mains d'un témoin et qui est venu à
25 la Chambre par les mains de ce témoin. Si les parties ne veulent pas
26 adopter ce document et le verser par leur biais, nous aimerions savoir s'il
27 y a des objections qui les empêcheraient d'admettre cette lettre en tant
28 que pièce présentée par un témoin lors de sa déposition. Vous comprenez
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1 ici, c'est assez compliqué. Parce qu'en tant que conseil de la Défense,
2 vous devez exprimer votre position par rapport à un document qui a été
3 amené à l'attention de la Chambre justement par ce témoin, ce témoin qui
4 est l'accusé.
5 M. STEWART : [interprétation] Bien, nous pouvons quand même simplifier les
6 choses, et j'en suis ravi, je tiens à vous le dire, nous ne l'adopterons
7 pas, mais nous ne soulevons pas d'objection non plus.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
9 Quant au bureau du Procureur, qu'en pensez-vous ? Qu'avez-vous à
10 dire ?
11 M. TIEGER : [interprétation] Nous allons vous faire savoir notre position
12 le plus rapidement possible.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bien sûr, la façon dont la
14 pièce est admise et versée au dossier fait partie du poids qui lui sera
15 donné, donc il faut bien prendre cela en compte dans votre décision.
16 Maintenant que nous avons fini avec les points de procédure --
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons. J'ai bien compris que le
19 CLSS aimerait vérifier la traduction du document que la Défense comptait
20 recevoir aujourd'hui, donc ils ne le recevront sans doute que demain matin,
21 mais le bureau du Procureur aussi ne le recevra que demain matin.
22 Maintenant que nous avons fini avec les points pratiques et les
23 points de procédure, Monsieur Krajisnik, je tiens à vous rappeler que vous
24 êtes toujours tenu par le --
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hanoteau me rappelle qu'il y a
27 encore un point que vous vouliez soulever, Monsieur Stewart.
28 M. STEWART : [interprétation] Je remercie le Juge Hanoteau de s'en
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1 rappeler.
2 Quand j'étudie un peu le planning prévu, nous avons, bien sûr, les
3 questions des Juges, de tous les Juges. Avez-vous la moindre idée du moment
4 auquel vous en aurez fini avec vos questions, exactement, et pour que les
5 parties puissent reprendre des points qui ont été soulevés par vous-même,
6 parce que j'ai un peu d'incertitude par rapport à ce qui va se passer lundi
7 prochain.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --
9 M. STEWART : [interprétation] Je sais bien sûr que la Chambre de première
10 instance et les parties ne sont pas toujours à 100 % d'accord sur les
11 difficultés même en l'espèce et de l'affaire, mais il s'agit quand même de
12 quelque chose qui va demander beaucoup de temps pour les parties. Mieux on
13 sait où on va -- je pense que
14 M. Harmon est d'accord avec moi et d'accord que plus on sait où on va, je
15 pense que mieux ce sera pour tout le monde.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais peut-être il faut passé à huis
17 clos partiel dans ce cas-là.
18 M. STEWART : [interprétation] Ce serait plus utile, je crois.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
20 partiel.
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14 [Audience publique]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je tiens à vous
16 rappeler que vous êtes encore tenu par la déclaration solennelle que vous
17 avez faite au début de votre déposition.
18 Mais avant de donner la parole au Juge Hanoteau pour ses questions, j'ai
19 une question très simple à vous poser pour ce qui est des documents que
20 vous venez de nous présenter. Il y a un document manuscrit où je vois très
21 clairement écrit le nom de M. Silajdzic. Pourriez-vous nous dire exactement
22 de quoi parle ce document ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné hier et j'ai fait une déposition
24 en répondant au Juge Hanoteau au sujet d'une jeune fille que j'avais
25 emmenée à l'aéroport, et c'est ce document-là que j'avais souhaité vous
26 présenter. Je n'ai pas souhaité mentionner le nom de l'homme, et surtout
27 pas le nom de la jeune fille. Mais, j'ai tapé cela à la machine pour que
28 l'on puisse voir. En deuxième page, j'ai retapé ce qui est écrit, ce qui
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1 figure dans le texte manuscrit.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Qui était ce
3 M. Silajdzic ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Silajdzic était membre de l'équipe chargé
5 des négociations du côté musulman. Il se trouvait à ministre des Affaires
6 étrangères de la Bosnie-Herzégovine. Il a été également premier ministre de
7 la Bosnie-Herzégovine.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
9 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Questions de la Cour : [Suite]
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, hier nous nous sommes quittés
13 alors que nous avions évoqué la présence de M. Davidovic sur le territoire
14 de votre pays, et je vous avais demandé si vous aviez pu avoir
15 l'impression, à un moment où à un autre, qu'autour de vous on vous cachait
16 des informations. Vous m'avez répondu, vous nous avez répondu, ce n'était
17 pas une impression que vous aviez et que vous n'imaginiez pas qu'on ait pu
18 vous cacher des informations. J'ai cru comprendre dans votre réponse que
19 vous la circonscriviez à la présence de M. Davidovic sur le territoire. Ma
20 question était, à ce moment-là, un peu plus large. C'était : est-ce que
21 vous avez l'impression que l'on ait pu vous cacher des informations
22 concernant, par exemple, les problèmes de l'armement des Serbes ou le
23 problème du rôle des paramilitaires ? Vous savez que ce Tribunal a reçu
24 beaucoup d'informations sur ces points, mais souvent vous nous avez dit :
25 Je n'étais pas au courant.
26 Ma question est : est-ce que vous avez pu avoir l'impression
27 qu'encore une fois, autour de vous, on avait pu vous cacher des
28 informations à dessein, parce qu'on ne voulait pas que vous soyez au
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1 courant ?
2 R. Merci d'avoir reposé la question. Je pense ne pas avoir répondu
3 jusqu'au bout de façon appropriée. En vous répondant, j'ai précisé que je
4 n'avais pas l'impression que les gens dans mon entourage, les gens avec qui
5 je coopérais, à savoir, Karadzic, Koljevic, Plavsic et peut-être d'autres
6 personnes faisant partie du pouvoir que j'avais contactées à l'époque,
7 s'agissant d'eux, je n'ai pas eu l'impression qu'ils dissimulaient des
8 informations à l'occasion de ces réunions consultatives. Justement, je
9 voulais vous dire que chacun d'entre nous avait son travail à faire. Il le
10 faisait de façon autonome, comme je ne sais pas ce que faisait le
11 gouvernement, le gouvernement ne sait pas ce que je faisais, moi, ou ce que
12 faisait l'un quelconque des membres de la présidence. Il y a eu des
13 décisions que j'ai vues pour la première fois ici, alors cela n'a rien de
14 criminel en soit, mais je n'étais pas au courant de celles-ci; c'était le
15 droit de ceux qui avaient compétence de les rendre ces décisions.
16 Pour ce qui est de l'armement et des formations paramilitaires et du
17 reste, il est question ici du Parti démocratique serbe qui, dirais-je,
18 aurait participé à l'armement. C'est ce qu'on a dit à plusieurs reprises
19 ici. Véritablement, je n'ai pas vaqué à ce segment, ce volet des activités
20 du Parti et je n'ai pas été informé du fait de savoir si quelqu'un avait
21 fait venir un camion remorque d'armements de l'Herzégovine ou pas. Je vous
22 ai dit à ce sujet ce que j'en savais pour ce qui est des formations
23 paramilitaires. Je vous assure que nous avions pris la ferme position au
24 niveau de l'armée et au niveau des gens avec qui j'ai eu ces réunions
25 consultatives pour préciser que c'était quelque chose de très mauvais et
26 que cela devait se faire sous l'autorité de l'armée, parce que si cela
27 échappait à l'autorité de celle-ci, il n'y aurait aucun contrôle. Déjà,
28 l'armée était très mal organisée. C'était une population armée, donc cela
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1 aurait été préjudiciable. J'ai sincèrement estimé que tout un chacun avait
2 déployé des efforts pour lutter contre la présence de formations
3 paramilitaires.
4 S'agissant maintenant de l'exemple de Pale, vraiment, je me suis posé
5 la question de savoir si quelqu'un avait dissimulé un groupe de personnes
6 quelque part, une vingtaine de personnes, sans que je l'aie su. Des
7 exemples de ce type ont bien pu exister parce qu'on manquait d'effectifs,
8 on manquait de soldats. Très souvent, les municipalités souhaitaient
9 compléter les tranchées vides, et peut-être de leur propre initiative ont-
10 elles essayé de se procurer de l'aide, mais c'était quelque chose de non
11 autorisé. Si cela a été fait, cela a pu être fait sur l'initiative propre
12 de niveau subalterne sans être autorisé ou approuvé par des instances
13 supérieures, pour autant que j'en aie connaissance.
14 Par exemple, le gouvernement ou la présidence, je n'ai pas eu
15 l'impression qu'ils aient dissimulé des informations à mon égard; ils ont
16 fait chacun leur travail, et ce n'est qu'ici que j'ai vu des décisions dont
17 j'ignorais tout, jusqu'à l'existence même, et je n'étais pas au courant de
18 la loi portant sur la présidence élargie. Je ne sais pas quand est-ce que
19 cela a été décidé ou adopté, et ce n'est qu'une fois au Parlement que j'ai
20 appris que cela a été fait. Mais c'est bon; je ne suis pas censé être au
21 courant de toutes décisions. Je vous donne un exemple.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans ce même ordre d'idée, Monsieur Krajisnik, je
23 vais revenir, si vous le voulez bien, sur ce rapport établi par le MUP de
24 Sarajevo et qui avait trait à une intervention de police arrêtant un
25 véhicule chargé d'armes automatiques et un grand nombre de munitions,
26 véhicule dans lequel était passager un
27 M. Kostic Dusan, qui était membre du "main board" du SDS et qui était un
28 député du Parlement. Vous avez dit que vous ne connaissiez pas ce rapport
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1 établi par le MUP de Sarajevo. Mon observation est la suivante et elle est
2 suivie d'une question.
3 Lorsqu'un service de police se trouve placé dans une situation qui
4 est extrêmement délicate comme celle-ci - la police se trouve devant un
5 député de la république qui est très près d'une situation délictuelle. On
6 peut imaginer que les responsables de ce service de police - en l'espèce,
7 le ministère - immédiatement alertent celui qui est en charge de
8 l'institution à laquelle appartient cette personne. Je voudrais avoir votre
9 explication et que vous nous disiez comment vous pouvez imaginer que le
10 ministre de l'Intérieur, qui apprend cette nouvelle qui a dû le surprendre,
11 ne vous ait pas immédiatement rendu compte, vous, qui étiez président de
12 l'assemblée et qui étiez un peu - pardonnez-moi le mot - le "patron" des
13 députés de l'assemblée ? Est-ce que vous imaginez que ce ministre de
14 l'Intérieur a voulu vous cacher une réalité ? Et là, ce serait bien le
15 cadre dans lequel je parlais tout à l'heure; c'est une volonté délibérée de
16 cacher. Ou est-ce que cela recouvre d'autres intentions ? Quel est votre
17 sentiment là-dessus ? Parce que la réalité, c'est que le rapport existe.
18 R. Monsieur le Juge, à l'époque il y avait un MUP conjoint au niveau de la
19 Bosnie-Herzégovine et à la tête de celui-ci il y avait un Musulman. Alors,
20 avec l'écart -- enfin, la distance temporelle entre le moment de l'époque
21 et le moment présent, je peux vous dire ce que je pense maintenant, mais je
22 vais essayer de vous dire ce que j'ai pensé à l'époque.
23 On disait que le MUP était en train d'armer le peuple musulman. Il
24 était mis en place une police de réserve, et ainsi de suite. On disait
25 également qu'il y avait bon nombre de choses de faites de façon
26 irrégulière. Il n'est pas arrivé une information officielle au Parlement;
27 c'est dans les couloirs que le bruit a couru, que la rumeur a couru avant
28 le début de session. Alors, qu'aurait dû faire le ministre du MUP, de
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1 l'Intérieur ? Il aurait dû le présenter au gouvernement, le gouvernement
2 aurait dû communiquer une information officielle au Parlement, déposer une
3 plainte au pénal et le ministère public aurait été saisi et une procédure
4 serait enclenchée. Mais aucune compétence ne revient pour ce qui est du
5 président du Parlement vis-à-vis du comportement des députés.
6 Le Parlement, oui. Une fois qu'une proposition arrive au Parlement
7 pour supprimer son immunité, pour l'exonérer de cette immunité en quelque
8 sorte afin qu'il puisse répondre de ses agissements, oui. Mais il y a eu un
9 autre cas, et probablement était-ce dû à cette absence d'autorité en
10 Bosnie-Herzégovine. Ces tendances illégales se toléraient mutuellement
11 parce que les unes et les autres savaient pertinemment qu'elles s'armaient
12 elles-mêmes. Je ne sais comment expliquer autrement pourquoi rien n'a été
13 fait à l'époque. Parce qu'il y a une façon de procéder; il n'y a rien à
14 inventer. Peu importe qu'on soit député ou autre chose, il y a une
15 procédure à suivre. Pour ceux, par exemple, qui ont arrêté cette colonne,
16 et pour les autres. Il n'avait pas à m'informer, moi en personne. Il aurait
17 dû informer le gouvernement. Le gouvernement aurait pu saisir le Parlement.
18 Enfin, il aurait pu s'adresser à moi, mais il n'était pas tenu de le faire.
19 Et ils auraient pu demander la suppression de son statut immunitaire.
20 C'était la façon de procéder telle que prévu. Malheureusement, nous
21 n'arrêtions pas de nous accuser les uns les autres, et on ne savait pas
22 trop ce qui était vrai et ce qui ne constituait qu'une rumeur. C'est peut-
23 être pour cela que, partant d'une rumeur, on ne pouvait pas faire une chose
24 alors que cela n'a pas été placé officiellement à l'ordre du jour.
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Une autre question, dans un autre ordre d'idée, s'il
26 vous plaît, Monsieur Krajisnik. A la session de l'assemblée du 25 février
27 2005, vous avez déclaré la chose suivante, et je vais citer ce qui est dit
28 en anglais. Vous avez dit :
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1 [interprétation] "Nous avons deux options : l'une, de nous battre par
2 des moyens politiques pour obtenir le maximum en ce temps présent dans une
3 première phase; ou alors, faire une rupture dans les négociations et faire
4 ce que nous avons fait pendant des siècles, à savoir, nous saisir de nos
5 territoires par la force."
6 [en français] Plus loin, vous avez dit :
7 [interprétation] "Messieurs, nous voulons rester dans une Serbie
8 unique, avec la Serbie et le Monténégro," et cetera. "Si nous ne pouvons
9 pas le faire par des méthodes déterminées, mettons un holà à cela. Vous
10 savez ce que notre profession a toujours été : retirer."
11 [en français] Vous vous souvenez de cette déclaration, Monsieur Krajisnik ?
12 R. Je m'en souviens. Je ne sais pas à quelle session, mais je me souviens
13 ce que j'avais dit à l'époque.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est certainement pas en 2005, comme
15 le dit le compte rendu d'audience.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je le sais.
17 M. LE JUGE HANOTEAU : C'est 1992.
18 Monsieur Krajisnik, ma question est la suivante : dans cette
19 déclaration, vous ne dites pas que l'utilisation de la force se fera si
20 vous êtes attaqués, mais vous considérez l'usage de la force à partir du
21 moment où la voie de la négociation politique échoue. Vous dites, si les
22 négociations n'aboutissement pas, nous allons faire la guerre. Est-ce que
23 c'est bien cela que vous entendiez ? Parce que vous ne faites pas allusion
24 à une agression qui va justifier votre offensive. On a le sentiment, en
25 relisant ce "statement", cette déclaration, qu'en cas d'échec des
26 négociations, c'est nous qui allons prendre, nous - vous les Serbes - nous
27 allons prendre l'initiative de la guerre. Est-ce que c'est comme cela qu'il
28 faut le comprendre ou est-ce que c'est une mauvaise interprétation ?
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1 R. Je vais vous dire ce que j'avais à l'esprit et tel que cela a été. A
2 vous de le soupeser. A l'ordre du jour, nous avions un accord - je ne sais
3 pas trop - mais vous pouvez voir à l'ordre du jour de l'assemblée, il y
4 avait un accord présenté aux députés pour ce qui est des entretiens à la
5 conférence. Les députés avaient des centaines d'observations. Ils étaient
6 gênés par ceci ou par cela. Nous ne voulions plus négocier. Mais les
7 Musulmans, eux, avaient déjà dit qu'ils allaient faire un référendum et se
8 diriger vers l'indépendance. Alors, il y avait cette résistance au niveau
9 des députés qui disaient : Mais pourquoi voulez-vous qu'on discute avec eux
10 alors qu'eux tout simplement veulent procéder à un référendum avec
11 l'indépendance de la Bosnie au bout sans qu'il y ait transformation aucune.
12 Alors, vous avez une façon d'aller négocier pour essayer de faire changer
13 d'avis à ces gens-là qui sont révoltés parce qu'on nous a tirés par le bout
14 du nez, et ils disaient qu'ils ne voulaient pas accepter le plan Cutileiro.
15 Puis, vous leur disiez : On va négocier. Alors, les gens disaient : Mais
16 que voulez-vous qu'on fasse à négocier; il n'y a pas à négocier. Alors,
17 j'essayais d'expliquer. J'essayais de dire qu'il y avait une issue, qui
18 était celle des négociations, et je disais qu'il s'agissait de trouver une
19 solution négociée. De façon sarcastique, j'essaye de leur dire : Il y a une
20 autre variante. Etant donné que pendant des siècles, nous avons dû faire la
21 guerre et mourir et perdre la vie de notre population, est-ce que nous
22 allons opter pour cette autre variante sans avoir pour autant épuiser les
23 possibilités que nous offre la première.
24 Vous verrez, à l'occasion de cette session, que nous avons eu un mal
25 terrible à les convaincre de la nécessité de continuer à négocier. Parce
26 que les députés disaient : Mais comment voulez-vous qu'on négocie alors
27 qu'ils ont laissé tomber l'accord et qu'ils veulent l'indépendance
28 nonobstant les dispositions de la constitution. C'est cela la substance.
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1 Messieurs les Juges, ce que je tiens à vous dire, c'est que j'ai compris
2 que le rôle du président du Parlement était le suivant. J'étais tenu de
3 faire en sorte que les lois, les conclusions, soient bonnes et conforment à
4 la loi. Les discussions de la part des députés, qui ne sont pas très
5 équilibrées, ou comment faire pour rapprocher les positions des divergentes
6 à la fin des débats, j'ai estimé que c'étaient des façons de procéder pour
7 aboutir à une décision. Et je procédais à des analyses. Je n'ai trouvé
8 aucune décision du Parlement, ni de l'un ni de l'autre, où j'aurais émis
9 des réserves pour dire cela nous a été imposé. Dans la mesure du possible,
10 je me suis efforcé d'influer sur ce qui se passait, pour ne pas avoir, par
11 exemple, un député proposer une option de guerre ou de paix. Je n'ai pas
12 dit cela : Au vote. J'ai fait celui qui fait la sourde oreille, même si
13 j'aurais peut-être dû le mettre aux voix. Mais je n'ai pas voulu qu'une
14 décision passe alors qu'elle aurait, par exemple, été votée dans un moment
15 où il y aurait l'élément émotionnel chez les députés qui l'auraient
16 emportée. Pour moi, il importait d'aboutir au résultat final. Parce que les
17 Serbes ont fait la guerre pendant une guerre, pendant une deuxième guerre,
18 une troisième guerre. Toute leur vie durant, ils n'ont pas arrêté de se
19 battre, et la population s'est trouvée réduite de moitié. Nous étions 30
20 millions, et nous sommes cinq ou six, voire huit. C'était cela le message
21 de ce que j'ai dit. En aucun cas n'ai-je défendu la variante qui était
22 celle d'aller en guerre, mais celle d'aller négocier. Vous pouvez analyser.
23 Je vous assure qu'il en était ainsi.
24 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, dans un autre ordre d'idée.
25 Me Stewart a cité des propos de M. Karadzic, et ils avaient trait à
26 ceux qui font en sorte de prendre du pouvoir, et il cite ou il stigmatise
27 les petits Napoléons qui essayent de faire du mal ou qui font des choses
28 qui vont nuire au peuple serbe, et questionné sur cette citation de M.
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1 Karadzic, vous avez répondu :
2 [interprétation] "Il pensait aux petits Napoléons, aux gens du niveau
3 régional, les personnes qui étaient chargées des politiques du SDS au
4 niveau régional. Ces derniers se sont emparés du pouvoir. Ils se sont
5 élevés à ces rangs et ont décidé qu'ils étaient indépendants du parti."
6 [en français] Et avant cela :
7 [interprétation] "M. Karadzic a mis certaines personnes qui se
8 trouvaient au niveau régional, il les a chargées d'être responsables du
9 comité régional du SDS. Donc, ces personnes avaient acquis un pouvoir, et
10 pour le dire de façon très claire, elles ont abusé de ce pouvoir."
11 [en français] Vous n'avez pas voulu dire ou donner des noms des
12 personnes auxquelles vous pensiez en disant cela. Vous avez dit : "It would
13 be just guesswork." Et vous n'aviez pas envie d'entrer dans ce jeu-là; ce
14 que l'on peut comprendre. Mais que vouliez-vous dire lorsque vous énonciez
15 que ces personnes avaient effectivement abusé de leur pouvoir ? A quels
16 exemples vous raccrochiez-vous ? Quels exemples aviez-vous en tête de ces
17 petits Napoléons, de ces personnes qui avaient abusé du pouvoir ? A quels
18 exemples précis pensiez-vous à ce moment-là, s'il vous plaît ?
19 R. Justement, cet exemple concret lorsque M. Karadzic s'est servi de ces
20 mots-là, il a voulu critiquer un président, un coordinateur régional du SDS
21 originaire de Banja Luka. C'est quelqu'un de très bien, mais de têtu, et
22 guère discipliné. Alors, la politique du SDS, et notre politique à nous,
23 était celle de nous conformer au plan Vance en Croatie et d'œuvrer en
24 faveur de la transformation de la Bosnie-Herzégovine suivant les principes
25 énoncés par Cutileiro. Nous ne pouvions pas maintenant démanteler, déchirer
26 la Croatie ou la Bosnie, parce que cela aurait constitué une enfreinte de
27 ce qui a été convenu sur un plan international. Mais compte tenu du grand
28 désir des gens de la Krajina, de la Krajina serbe je veux dire, et des
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1 ressortissants de la Krajina de Bosnie, cet homme-là, ou le groupe en
2 question, avait fixé une audience où c'était question de proclamer un Etat.
3 Nous étions conscients de leur volonté alors. Plutôt que d'expliquer la
4 politique aux gens et de dire : Oui, c'est un souhait, et je serais peut-
5 être le premier à le souhaiter également, mais nous ne pouvons pas le faire
6 pour telle et telle raison, il s'est mis, lui, à la tête des activités en
7 ce sens. Et c'est à très juste titre que la communauté internationale avait
8 fait remarquer que nous ne respections pas les accords que nous avions
9 signés. Comment voulez-vous, disaient-ils, qu'on vous fasse confiance pour
10 ce qui est de la Bosnie alors que vous voulez déchirer la Croatie et la
11 Bosnie ? Les gens qui étaient censés interpréter la politique auprès de la
12 population et faire savoir que les vœux étaient une chose et que la réalité
13 en était une autre, ils se sont mis à se comporter de façon de plus en plus
14 autonome et ont voulu de plus en plus décider eux-mêmes d'une chose sans
15 avoir de responsabilité à assumer pour ce qui est des séquelles.
16 Il y avait un pouvoir économique réel effectué au niveau de la
17 municipalité parce que la municipalité avait des recettes. Les gens des
18 municipalités finançaient l'armée, les réfugiés et tout le reste, et c'est
19 à partir de là où il y avait le pouvoir économique que s'exerçait le
20 pouvoir politique, qu'on le veuille ou non. Et lorsque ces liens sont
21 brisés en temps de guerre, il est difficile de synchroniser tout cela.
22 Quelle que soit votre autorité, si vous n'avez pas le pouvoir économique
23 que cela sous-entend, l'autre là-bas ne va écouter que soi et va vous faire
24 payer les pots cassés.
25 Je veux dire qu'il y a eu un peu d'exceptions de ce genre-là. Il y a eu une
26 majorité de gens corrects. Mais il suffit que vous ayez quelques exceptions
27 de cette nature pour que le système cesse de fonctionner comme il se doit.
28 C'est ce que j'avais eu à l'esprit comme exemple, et c'est en corrélation
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1 justement avec ce que M. Karadzic a dit.
2 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, un autre de vos propos tenu
3 pendant la 11e Session d'assemblée le 18 mars 1992. Vous déclarez ceci :
4 [interprétation] "Je crois que le problème c'est qu'ils avaient
5 voulu la Bosnie-Herzégovine reconnue internationalement à tout prix. Ils
6 veulent que cela devienne un Etat. A ce sujet, il serait bon que l'on fasse
7 une chose pour des raisons stratégiques. Si nous pouvions commencer à
8 réaliser ce que nous avons déjà arrêté, à savoir la division ethnique sur
9 le terrain. Cela permettrait de commencer à déterminer le territoire, et
10 une fois ce territoire déterminé, il resterait à établir, par des
11 négociations complémentaires, quelles sont les autorités à faire
12 fonctionner et suivant quel modèle."
13 [en français] -- vous en disant :
14 [interprétation] "Je ne sais pas si cela est équitable en termes
15 politiques. Il n'y a pas beaucoup d'équité en politique après tout, et si
16 cela s'avère être inéquitable, les Serbes seront blâmés."
17 [hors micro]
18 R. Oui, oui, je m'en souviens.
19 M. LE JUGE HANOTEAU : Quand vous dites : "We could start implementing that
20 we have agreed upon, the ethnic division on the ground. We have to start
21 determining the territories," est-ce que cela implique une prise de
22 possession d'un territoire suivant une ligne ethnique ou une division
23 ethnique qui a été décidée préalablement ? Est-ce que c'est cela que vous
24 vouliez dire ?
25 R. Monsieur le Juge, à l'ordre du jour, nous avions les principes énoncés
26 par Cutileiro, et de façon claire -- je dis peut-être y a-t-il une certaine
27 ambiguïté dans l'écrit. Mais je disais : Mettons en œuvre ce que nous avons
28 convenu. J'avais à l'esprit les principes, à savoir, ce qui est à nous,
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1 quels sont nos territoires ethniques à nous. Il y avait une carte et nos
2 territoires ethniques. Moyennant négociations, il s'agissait pour nous de
3 continuer d'essayer à en obtenir le plus possible. J'avais souhaiter
4 obtenir des territoires plus importants, parce qu'il avait été question de
5 44 %, ou je ne sais combien.
6 Pour ce qui est du pouvoir qui fonctionnerait, cela était censé
7 dépendre des unités constitutives ou de l'existence d'une Bosnie-
8 Herzégovine, parce qu'on avait dit qu'il y aurait eu un pouvoir au niveau
9 de la Bosnie-Herzégovine et des unités constitutives en dessous. Je sais
10 que cela peut engendrer une ambiguïté, mais vous avez pu voir, et si vous
11 analysez les travaux de cette assemblée, vous avez constamment pu voir que
12 les gens voulaient sans cesse revenir à l'option yougoslave. Alors, le
13 moment était bien choisi pour dire : mais nous sommes en Bosnie. Je ne
14 voulais pas être cru, mais je voulais leur dire : écoutez, réalisons ce que
15 nous avons convenu, et par les négociations, nous essaierons d'en obtenir
16 le plus possible. Il a fallu beaucoup de temps pour passer du concept
17 visant à rester en Yougoslavie avec les autres Serbes et ceux qui voulaient
18 rester, pour accepter une Bosnie en tant qu'Etat et au sein de celle-ci
19 avoir une unité constitutive à soi. Vous allez voir dans les interventions
20 : qu'est-ce que c'est que cette unité constitutive ? Cela nous donnera ceci
21 ou cela.
22 Il y avait un raz de marée de problèmes. En mars, un plan de ce genre
23 a échoué et ce n'est que le 18 que cela a été adopté. C'était cela mon
24 objectif. Je n'ai pas eu pour objectif de dire, allons faire la guerre, si
25 on était venu parler des principes à Cutileiro. Pour moi, le débat visait à
26 faire en sorte de ce qui était convenu dans la Krajina, à Semberija, à
27 Herzégovine. Ce sont nos régions, et chacun voulait que son propre village
28 fasse partie de cette unité constitutive, que sa région fasse partie de
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1 l'unité constitutive. Je leur ai dit : attendez, nous allons négocier.
2 Lorsque les députés viennent y débattre de la chose, il y avait un
3 problème principal; c'était les territoires, la carte. Chacun voulait voir
4 de quel côté était son lieu d'origine. Est-ce que c'était du côté rouge, du
5 côté vert ou du côté bleu ? Quand vous dites : faisons d'abord ce qui a été
6 convenu, et on continuera de négocier et on verra quel va être le pouvoir
7 au sommet et au niveau des unités constitutives de même. C'était cela la
8 signification de mon intervention à moi.
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, je ne vous cache pas que ce qui
10 m'intrigue dans cette déclaration; c'est que vous dites pratiquement pour
11 conclure : "I cannot say whether this will be fair in political terms."
12 Ceci semble être une espèce de connotation par laquelle vous dites ce que
13 je vous annonce là, c'est-à-dire, occuper, enfin, déterminer ces
14 territoires. Je sais que ce n'est pas très, très joli, mais c'est cela la
15 politique. Cette espèce de commentaire que vous ajoutez à la fin,
16 effectivement, rend la première partie de votre "statement" parfaitement
17 ambiguë. Est-ce que vous comprenez qu'on peut le lire comme cela et comment
18 faut-il le lire autrement, s'il vous plaît ?
19 R. Je comprends parfaitement le fait que l'on puisse comprendre autrement.
20 Nous avions une réunion du Club des députés toujours avant la session du
21 Parlement. Là l'ambiance est plus détendue. Je sais que l'on en avait parlé
22 : Regardez, nous sommes
23 33 % et le plan Cutileiro nous donne 44 %. Quand on a voulu placer ce plan,
24 je disais que nous allions continuer à nous battre pour les territoires,
25 alors peut-être ne serait-il pas équitable d'avoir 50 %. C'est ce que je
26 leur dis, dans ce sens-là, et ce qu'on obtiendra en plus ne sera peut-être
27 pas tout à fait juste et équitable, parce que nous sommes moins nombreux du
28 point de vue de la population. Je l'expliquais parce que je voulais vendre
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1 mon produit, à savoir, le plan afin qu'il soit adopté par ces gens-là, tout
2 simplement.
3 Des fois, vous dites des choses que vous savez être inexactes, parce
4 que vous savez que vous possédez 64 % des territoires. Alors, vous reprenez
5 les arguments des Musulmans qui disent : mais vous n'êtes que 33 % et vous
6 recevez 44 % des territoires. Je le dis. Bien que dans les négociations
7 nous risquons d'avoir plus, et bien que cela puisse paraître inéquitable,
8 c'est de la politique. Je voulais leur faire comprendre qu'il fallait être
9 satisfaits du point de départ plutôt que de façon mégalomaniaque. On
10 demande l'impossible, parce que certains voulaient les deux tiers, parce
11 que chacun voyait de ses propres yeux le partage de la Bosnie qui devait
12 s'effectuer. C'était là la signification de mes propos. Je le regrette
13 parce qu'au Club des députés, l'ambiance est plus détendue et cela se
14 constate. Des discussions sont parfois reprises au niveau de l'audience du
15 Parlement en suite de ce qui s'est dit auparavant.
16 J'ai toujours recherché une solution équitable. Quand nous nous
17 sommes entretenus avec les deux autres parties en présence, j'ai dit que je
18 ne voulais pas que quelque chose se fasse à l'avantage du peuple serbe au
19 détriment des deux autres peuples. Le peuple serbe avait en effet plus de
20 territoire, mais c'était des terres peu productives où rien n'était bâti.
21 C'est un fait. Nous n'avons pas obtenu au final des territoires où il y
22 avait quoi que ce soit de bâti en Bosnie-Herzégovine.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, ce sera le dernier point sur
24 lequel je voudrais une précision. Si j'ai bien compris, vous avez été élu à
25 ce qu'on appelle le "Main Board" du SDS, le 12 juillet 1991; est-ce que
26 c'est bien exact ?
27 R. Oui, c'est l'assemblée du Parti démocratique serbe qui m'a élu en 1991;
28 oui.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : A ce moment-là vous étiez membre du SDS depuis
2 combien de temps ?
3 R. J'ai été membre du SDS depuis le tout début, à savoir, depuis le 12
4 juillet 1990.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Bien. Je ne commets pas d'erreur en disant que vous
6 ne faisiez pas partie de ce qu'on appelle l'"Exective Board" du SDS ?
7 R. Non. Non, je n'ai pas fait partie du comité principal avant le 12
8 juillet.
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Bien. Alors le "Main Board" comportait 45 membres,
10 d'après ce que j'ai compris. C'est bien cela ?
11 R. Oui, je pense que c'est bien ce chiffre-là.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : L'"Executive Board" comprenait combien de personnes ?
13 R. Je pense six, sept, huit, neuf. C'est un organe plus restreint. C'est
14 comme un gouvernement au niveau de la république. C'est une espèce d'organe
15 exécutif.
16 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que vous pouvez m'indiquer la cadence des
17 réunions du "Main Board", dont vous faisiez partie. Ce "Main Board" se
18 réunissait tous les combiens ? A partir du 12 juillet 1991, à partir du
19 moment où vous y entrez, ce sont des réunions qui ont lieu tous les
20 combiens ?
21 R. C'est ici que j'ai déterminé le nombre de ces sessions. En réalité, je
22 pense qu'il y a eu deux ou trois sessions avant le début de la guerre. Je
23 pense qu'il y a eu plus de sessions conjointes entre les membres du comité
24 principal et du Club des députés lorsqu'il s'agissait de résoudre un
25 problème de taille. Alors, d'après les PV, je crois qu'il en a eu une ou
26 deux des sessions du comité principal. Il y a eu une conversation
27 téléphonique entre M. Dukic et moi-même vers la fin de l'année où il dit
28 que le comité principal ne s'était pas réuni depuis pratiquement un an. Ce
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1 comité principal n'avait pas fonctionné parce que c'est l'assemblée
2 conjointe qui a porté le gros des activités et qui a organisé ces
3 rencontres. Ce qui fait que l'on n'a pas tellement ressenti le
4 fonctionnement de ce comité principal. L'accent a été mis sur les activités
5 opérationnelles réalisées par le conseil exécutif du Parti démocratique
6 serbe.
7 M. LE JUGE HANOTEAU : Ce conseil, est-ce que c'est ce qu'on appelle le "SDS
8 Political Council" ?
9 R. Non, Monsieur le Juge. Il y avait un organe à part constitué par des
10 académiciens, des gens très en vue qui constituaient ce conseil. C'était
11 une instance consultative. Je n'ai pas fait partie de ce conseil
12 consultatif, mais je sais qui en a fait partie.
13 M. LE JUGE HANOTEAU : Cet "Executive Board", si j'ai bien compris, s'est
14 réuni à deux ou trois reprises avant le début de la guerre, et après, il ne
15 s'est pas réuni et cela a été plutôt le Club des députés qui a été l'organe
16 dans lequel on discutait de la politique ?
17 R. Non. Ce comité ou conseil exécutif avait des réunions fréquentes,
18 comité dont je n'ai pas fait partie. Le comité principal a tenu deux ou
19 trois sessions. Alors, qu'a été cette politique ? Malheureusement, cela
20 s'est réduit à une seule question. Il s'agissait de débattre du sort de la
21 destinée de la Bosnie-Herzégovine. A l'occasion de ces sessions conjointes,
22 si le sujet était tel, on en parlait. Mais le reste des questions, le
23 problème des cadres, les effectifs et le reste, c'était confié à ce comité,
24 au conseil exécutif du Parti démocratique serbe. C'était à l'organe
25 exécutif. Je n'ai, par exemple, pas assisté aux sessions de ce conseil ou
26 comité exécutif, compte tenu des autres obligations qui étaient les
27 miennes.
28 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais maintenant savoir comment fonctionnait ce
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1 que l'on voit souvent évoqué, c'est le Club des députés. Ce Club des
2 députés a existé dans l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Nous sommes bien
3 d'accord ?
4 R. Oui, oui.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que c'était un Club des députés qui
6 rassemblait simplement les députés appartenant au SDS ?
7 R. Oui. Il y avait deux députés du SPO. C'est le parti à Vuk Draskovic.
8 J'entends de là, je parle de Bosnie-Herzégovine. Ensuite, il y a eu par la
9 suite des députés indépendants au niveau de l'assemblée de la Republika
10 Srpska.
11 M. LE JUGE HANOTEAU : Au niveau de la Bosnie-Herzégovine - j'en suis
12 toujours-là - ce Club des députés réunit les députés inscrits au SDS, et
13 deux autres députés inscrits à un autre parti. Quel était à ce moment-là le
14 rôle de ce Club des députés ? Est-ce que, d'abord, il avait une existence
15 juridique ? C'était quelque chose qui était prévu par la constitution ?
16 Deuxièmement, quel était son rôle dans la Bosnie-Herzégovine, d'abord ?
17 R. Oui. Selon le règlement du Parlement de Bosnie-Herzégovine, il était
18 prévu d'avoir pour chaque parti ayant des députés au niveau du Parlement, à
19 condition d'en avoir au moins deux des députés, un droit qui était celui de
20 créer son propre club. Il y avait trois -- plutôt deux partis qui n'avaient
21 que deux députés, mais eux avaient des locaux à eux et un secrétaire
22 attribué par l'assemblée, par le Parlement qui était là pour tenir à jour
23 les comptes rendu d'audience. Les clubs se réunissaient lorsqu'on leur
24 fournissait des documents pour les sessions du Parlement. Avant la session,
25 ils se réunissaient pour se préparer en vue de l'audience du lendemain. Il
26 y a eu des réunions où l'on a élaboré les documents. On les a étudié pour
27 se préparer pour la session du lendemain. Il y a eu des sessions ad hoc au
28 niveau des clubs. Pendant des pauses des sessions où il y avait, par
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1 exemple, un problème, où les clubs se retiraient pour débattre entre eux
2 certains points. Le président du club avait un bureau. Il y avait un
3 secrétaire du club et il y avait un représentant officiel de
4 l'administration du Parlement qui était là pour lui venir en aide. C'était
5 une instance officielle pour ce qui est de la composition des députés d'un
6 parti qui avait des députés élus.
7 M. LE JUGE HANOTEAU : Du temps de cette assemblée de la Bosnie-Herzégovine,
8 qui présidait le "Deputies' Club" du SDS ? Qui était le président ?
9 R. Nous avions un président et un adjoint du président du club. Le
10 président était le Pr Vojislav Maksimovic. Son adjoint était un député du
11 nom de Trifko Radic. C'est eux qui présidaient aux sessions des réunions de
12 ce Club des députés, donnaient la parole à un tel, intervenaient, ainsi de
13 suite.
14 M. LE JUGE HANOTEAU : -- président de l'assemblée que vous étiez, siégeait
15 dans ce "Deputies' Club" ?
16 R. Oui, oui.
17 M. LE JUGE HANOTEAU : Lorsque cela a été constitué, la Republika Srpska, il
18 y a une nouvelle assemblée. Est-ce qu'il y en a aussi un Club des députés ?
19 R. Oui. Les deux mêmes hommes étaient le président et l'adjoint, et nous
20 constituons tous le club, et les députés indépendants ont été avec nous, et
21 ensuite ils ont eu, à vrai dire vers la fin, donc assez tard, ils ont eu
22 des clubs à eux.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans cette assemblée de la Republika Srpska, si j'ai
24 bien compris, il n'y a pas eu de nouvelles élections pour élire des députés
25 de l'assemblée de la Republika Srpska. Ce sont les députés SDS -- enfin, ce
26 sont les députés serbes de l'assemblée de Bosnie qui sont devenus députés
27 de l'assemblée de la Republika Srpska. Est-ce que j'ai bien compris ?
28 R. Oui, oui. Les députés serbes du Parlement de la Bosnie-Herzégovine, non
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1 seulement du SDS mais les autres aussi, sont devenus les députés de cette
2 assemblée serbe, mais seuls ces députés-là.
3 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans cette assemblée de la Republika Srpska, le Club
4 des députés, il y avait plusieurs Clubs des députés ou un seul ?
5 R. Au début, il n'y a eu qu'un seul de club. Nous avons tous constitué un
6 club. Ultérieurement, disais-je, en 1994 ou 1995, vers plus tard, il y en a
7 eu d'autres. Ces députés faisant partie des autres parties ont créé --
8 enfin, leur club à eux.
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans cette assemblée de la Republika Srpska, le Club
10 des députés se réunissait pratiquement tous les jours ? Est-ce que vous
11 pouvez me donner des indications sur la fréquence des réunions ?
12 R. Ils ne se réunissaient que lorsqu'il fallait qu'il y ait une session.
13 C'est là que le club se réunissait. Il ne siégeait pas indépendamment des
14 sessions de l'assemblée.
15 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous n'étiez pas président du Club des députés; nous
16 sommes bien d'accord. C'était toujours M. Maksimovic qui est resté le
17 président de ce Club des députés ?
18 R. Oui, c'est exact, Maksimovic et Radic; les deux sont restés président
19 et adjoint du président.
20 M. LE JUGE HANOTEAU : Si j'ai bien compris, Monsieur Krajisnik, à ces
21 séances du Club des députés dans la Republika Srpska, assistaient des
22 personnes qui n'étaient pas membres de l'assemblée, qui n'étaient pas
23 députés. J'ai cru comprendre - et j'espère ne pas avoir commis d'erreur, on
24 y notait la présence de M. Karadzic, des membres du gouvernement, donc des
25 ministres, même la présence du général Mladic ?
26 R. Oui, vous avez raison, tout à fait raison.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : Expliquez-vous - pardonnez-moi d'utiliser ce mot; il
28 n'a rien de péjoratif. Comment expliquez-vous ce mélange des gens ? Parce
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1 qu'on imagine un Club des députés qui est un lieu de réflexion pour des
2 députés qui vont prendre des décisions le lendemain ou le jour même dans
3 une session. Mais pourquoi mélanger, dans cette instance de réflexion et
4 d'élaboration, des responsables gouvernementaux - ne croyez pas que j'ai
5 quoi que ce soit contre les militaires - mais en plus, des militaires ?
6 Comment peut-on expliquer cela ?
7 R. Je pense que les militaires n'étaient là que quand il y avait, par
8 exemple, une pause à l'occasion des sessions. Si avant la session il y
9 avait la réunion du Club, je ne me souviens pas de la présence d'un
10 représentant de l'armée. S'ils étaient venus à une session et une session
11 du club avant -- mais je ne me souviens pas de leur présence à l'occasion
12 des sessions du club.
13 Pour ce qui est des autres, je dirais que très souvent, des documents
14 étaient censés être expliqués par l'un quelconque des membres du
15 gouvernement. Très souvent, il fallait que quelqu'un de la présidence
16 vienne expliquer de quoi il en retourne. Le club a certainement été très
17 autonome, tant au niveau de la Bosnie-Herzégovine qu'au niveau de la
18 Republika Srpska. Parce que les députés tenaient énormément à leur rôle à
19 eux, et ils ne voulaient pas que quelqu'un d'autre vienne leur dicter leur
20 position, que ce soit Karadzic, ou la Plavsic, ou qui que ce soit d'autre
21 du reste. Ils étaient plus détendus au niveau des sessions du club, ce qui
22 fait qu'il était plus difficile d'harmoniser les positions qu'au niveau,
23 par exemple, au niveau du club qui se tenait au Parlement de la Bosnie-
24 Herzégovine. Mais il y a eu des personnes invitées qui étaient là pour
25 aider; c'est exact. Et il y a eu des PV de tenus à jour. En Bosnie-
26 Herzégovine, cela a certainement été le cas, mais je pense que cela a
27 également été le cas au niveau de l'assemblée de la Republika Srpska.
28 M. LE JUGE HANOTEAU : Quelle était la proportion des députés du SDS en
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1 Republika Srpska qui faisaient partie du Club des députés ? Est-ce que tous
2 y assistaient ou est-ce qu'il n'y avait qu'une partie d'entre eux, les plus
3 actifs, les plus intéressés, les plus engagés qui en faisaient partie ?
4 R. Non. Tous les députés faisaient partie du Club des députés. Chaque
5 député était membre du club. Il n'y en avait pas un seul à l'extérieur,
6 tant au niveau de la Bosnie-Herzégovine qu'ici au niveau de l'assemblée de
7 la Srpska. Personne ne se trouvait à l'extérieur du club.
8 M. LE JUGE HANOTEAU : Bien, Monsieur Krajisnik, je vous remercie beaucoup
9 d'avoir répondu à toutes ces questions.
10 R. Je vous remercie.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est quatre heures moins le quart.
12 Nous allons maintenant faire une pause d'une demi-heure et reprendrons à 16
13 heures 15. Merci.
14 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.
15 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que les parties ont reçu le
17 rapport dont nous avons parlé.
18 Je crois que le Juge Canivell va maintenant reprendre les questions.
19 M. LE JUGE CANIVELL : Je voudrais vous faire quelques questions. Parce
20 qu'en principe, je vous suppose être un grand connaisseur de l'histoire de
21 votre pays. D'autre part, je voudrais, en plus, savoir quelle a été la
22 réalité. Pas si proche de votre personne, comme il en a été dans les
23 questions que vous a posées hier le Juge Hanoteau, mais un peu plus dans
24 une ambiance plus large. J'ai la connaissance, je crois, et je voudrais
25 savoir, et c'est votre mission d'essayer, qui l'a -- votre pays a passé des
26 alternatives de sa politique qui est bien compliqué. Je ne veux pas revenir
27 très en arrière de l'histoire, mais je sais qu'il y a une bonne partie,
28 quelquefois même tout le versant qui est connu comme la péninsule des
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1 Balkans, était occupée par l'Empire Ottoman. Alors, même si près de la fin
2 du XIXe siècle, la Bosnie-Herzégovine est passée d'être soumise à l'Empire
3 turc à dépendre de l'Empire autrichien. C'est vraiment après la Première
4 Guerre mondiale qui m'intéresse votre avis sur comment était la situation
5 des Musulmans. Ces Musulmans qui, pendant cette Première Guerre mondiale,
6 étaient d'un groupe, d'un pays -- de procidence d'un pays qui autrefois
7 était celui qui occupait la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire la Turquie, et
8 qu'ils ont passé la Première Guerre mondiale à un moment où l'ascension de
9 son seigneur était devenue les alliés des empires centraux. Cela m'incline
10 à penser qu'à la fin de la Première Guerre mondiale, l'Etat de ces
11 Musulmans de procidence turque, qui étaient, en raison de cette procidence,
12 faisant rapport avec les systèmes d'auparavant, avec les Turcs, qui étaient
13 les vaincus en 1918, ils ont dû supporter une situation assez difficile
14 puisqu'ils étaient minoritaires des Slaves dans une maison qui était
15 construite et qui était l'Etat des Slaves du sud. Pour commencer, leur
16 propre ethnie n'était pas considérée, même dans le nom de ce pays. Quel
17 était donc, selon vous, la situation de ces Musulmans qui sont restés ou
18 qui ont fait partie inévitablement comme une ethnie de ce nouveau pays créé
19 en 1918 ?
20 R. L'ex-Yougoslavie, que l'on parle de la première, deuxième ou de la
21 troisième, ou de celle de 1918, la Yougoslavie est pleine d'histoire; son
22 passé complexe. Pour répondre à votre question, Monsieur le Juge, lorsqu'il
23 y a eu l'unification des Slaves du sud, ils ont été considérés comme des
24 Slaves qui s'étaient convertis à l'Islam. Il y avait également des
25 personnes qui étaient restées derrière la Turquie, mais on les considérait
26 comme des Slaves. Je ne sais pas quels droits ils avaient exactement,
27 puisque les gens se distinguaient en trois groupes. Ils se considéraient
28 soit comme catholiques, comme musulmans ou comme orthodoxes. C'était une
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1 façon d'identifier les personnes plus que de s'identifier en tant que
2 Croates, Serbes ou Musulmans.
3 Le royaume de la Yougoslavie a été créé et divisé en cantons. Je vais
4 vous donner un exemple. Dans Zabrdje, ma ville natale, c'était un "vice-
5 ban". Ces cantons, on les appelait banovina, et notre ville était un sous
6 ban, un sous canton, et M. Hadzi Omerovic était le maire de la ville. Il
7 avait une maison. Il avait également une maison de campagne, un chalet. Le
8 problème qui s'était posé à l'époque et plus tard était le problème de
9 l'identité des Musulmans. Pour être objectif, il faudrait essayer de se
10 mettre à leur place, pour essayer de voir les choses de leur point de vue.
11 Mais il n'est pas facile, si vous avez tout d'un coup deux peuples, les
12 Serbes et les Croates, deux peuples principaux, pour les appeler ainsi, et
13 essayer de s'emparer de la troisième partie de la pomme, le troisième
14 peuple. Que ces derniers soient des personnes qui s'étaient converties à
15 l'Islam ou si c'étaient des anciens Croates ou des anciens Serbes, ce n'est
16 pas cela qui comptait tellement, mais ce que je veux dire par là, c'est
17 qu'on a essayé de s'emparer de ce peuple. Je parle de la Deuxième Guerre
18 mondiale et après la Deuxième Guerre mondiale. Cet équilibre qui
19 traditionnellement se faisait, cette réciprocité, pendant la durée du
20 royaume de Yougoslavie était semblable à la situation qui prévalait après
21 la guerre. C'est-à-dire que les gens essayaient de se respecter
22 mutuellement. Mais dès que la Deuxième Guerre mondiale a éclaté, déjà,
23 immédiatement en fait, il y a eu des antagonismes, et les gens ont commencé
24 à se séparer par groupe ethnique. Je ne sais pas si je pourrais être
25 objectif tout à fait, mais je vais essayer de l'être. Je comprends
26 lorsqu'une personne ne peut pas trouver son identité. Je suis vraiment
27 désolé, Monsieur le Juge, Monsieur Canivell.
28 Après la Deuxième Guerre mondiale, les Musulmans n'ont pas été
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1 acceptés en tant que peuple distinct. Ils étaient considérés comme étant
2 des gens qui n'appartenaient pas vraiment à un peuple. Ils étaient soit
3 serbes ou croates. Et ces derniers ont toujours essayé d'obtenir leur
4 propre identité. Dans les années 1960, je crois, si je ne m'abuse, Josip
5 Broz Tito les a reconnu en tant que Musulmans. C'est une nation, la nation
6 des Musulmans. Au cours de cette guerre, la guerre qui nous occupe, la
7 guerre après laquelle ce Tribunal a été formé, on dit : nous, nous ne
8 sommes pas des Musulmans, mais des Bosniens, c'est-à-dire que ces derniers
9 ont toujours essayé de trouver leur identité et il se pose un problème dans
10 cette recherche d'identité. C'est qu'ils ont compris que : voilà, la Bosnie
11 pourrait être un état, que les Serbes ont la Serbie, les Croates ont la
12 Croatie et nous, les Musulmans, on aimerait avoir notre patrie, notre terre.
13 Les Musulmans n'avaient jamais eu d'état auparavant et leur désir était
14 beaucoup plus fort que la conscience.
15 Ces derniers ont essayé à tout prix d'avoir une Bosnie séparément,
16 non pas parce qu'ils n'étaient pas bien traités dans la Yougoslavie de
17 l'époque. Nous étions tous traités de la même façon. Nous avions tous la
18 même position, mais c'était un peuple qui le voulait, qui voulait se
19 séparer. Vous avez très bien identifié les choses. Vous pouvez imaginer un
20 tout petit peuple, un petit peuple composé de deux millions de personnes,
21 et lorsque vous dites à ces personnes : "Vous êtes des Turcs," pour eux,
22 c'était une insulte. Alors qu'eux, les Turcs, devraient se sentir insultés.
23 Les Turcs sont une très grande nation. C'est comme si, par exemple, les
24 Serbes, on leur disait, puisque les Serbes aiment les Français et les
25 Russes, c'est comme si nous vous disions : vous êtes français ou russe.
26 C'est comme si cela voudrait dire qu'il faudrait que nous soyons insultés,
27 alors que c'est le contraire qui devrait se présenter.
28 C'est comme, par exemple, quand on dit pour les Serbes qu'ils sont
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1 des "Chetniks". Ce n'est pas normalement un péjoratif. Ce n'est pas un mot
2 péjoratif, mais lorsqu'on le dit de cette façon-là, les Serbes, par exemple,
3 se sentent toujours insultés. A chaque fois que ces événements se
4 montraient, c'était un antagonisme historique et c'est pour cela que la
5 Bosnie, on lui avait collé l'étiquette de petite Yougoslavie. Les Serbes
6 n'étaient pas d'accord alors que si on disait : si la Grande Yougoslavie
7 est en train de se démantelée, il est bien difficile de maintenir une
8 petite Yougoslavie lorsqu'elle était grande et non transformée. Elle était
9 complexe également. Il m'est bien difficile de parler en leurs noms. Je les
10 comprends, même si j'estime qu'ils n'avaient pas raison parce qu'ils
11 voulaient que l'on accepte une Bosnie-Herzégovine de façon
12 inconstitutionnelle, et c'est une des raisons principales de la guerre.
13 M. LE JUGE CANIVELL : -- du moment que vous me dites que de façon avec un
14 air de mépris, les Turcs, cela me confirme dans la possibilité que pendant
15 tout ce temps, c'est-à-dire, même entre deux guerres et postérieurement,
16 socialement, en dépit des cas comme ceux que vous nous avez racontés hier,
17 dans votre famille qui recevait bien certains Musulmans, ce n'était pas le
18 cas qui, dans l'ambiance générale, c'était justement le procès. Il y avait
19 toujours ces gens qui sentaient, qui voulaient leur dire, dernièrement, pas
20 des Turcs musulmans, mais qui étaient devenus Musulmans, peut-être parce
21 qu'ils avaient trouvé cela plus commode avec ou sous la domination turque.
22 Mais, tout cela déterminait toutes les situations générales ressenties
23 parmi les gens du pays, des mépris tout à fait spécial vers cette
24 communauté ou ce groupe ethnique des Musulmans de la part des autres
25 groupes ethniques qui étaient restés pendant des siècles avec une religion
26 différente, qui étaient devenus si important à partir de la Première Guerre
27 mondiale, qui, la petite Serbie se convertie dans une grande Yougoslavie.
28 Est-ce que je me trompe si je pense comme cela, ou peut-être j'exagère.
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1 Socialement, est-ce que les Musulmans ont été bien vus des autres ? Est-ce
2 que c'était bien vu, par exemple, qu'une Serbe ou une Croate épousait un
3 Musulman ? Est-ce que même, en dépit de ce cas dont vous nous parliez tout
4 à l'heure, hier, vous avez eu des amis très gentils qui étaient des
5 Musulmans ? Ce n'était pas le contraire qui était la règle générale ?
6 R. Oui. Lorsqu'on parle de mariage interethnique, il y avait des mariages
7 effectivement mixtes entre les Musulmans et les Serbes, entre les Croates
8 et les Musulmans, mais, vous savez, c'était une minorité qui faisait cela.
9 Les mariages se passaient surtout entre les Musulmans, les Croates et les
10 Serbes à l'intérieur de leur groupe ethnique, mais il y avait également des
11 mariages mixtes; c'est tout à fait vrai. Cela n'avait pas pris des
12 proportions très importantes. Maintenant, concernant votre question, s'il y
13 avait un mépris en Bosnie-Herzégovine où j'habitais, où je vivais, les
14 Musulmans étaient absolument le groupe dominant à partir de la Deuxième
15 Guerre mondiale jusqu'à cette guerre, cette dernière guerre.
16 Ils dominaient. Ils étaient majoritaires dans le sens où ces Musulmans de
17 Bosnie n'ont absolument rien à voir avec ceux que l'on voit à la
18 télévision, les gens qui habitent à l'est, à l'Orient. Ce sont des gens qui
19 vivaient de façon calme, des gens paisibles. Si l'on voulait se lancer en
20 affaires avec eux, ou faire affaires avec eux, c'était eux qu'on allait
21 voir. Mais après la guerre, les Musulmans se sont montrés être très
22 radicaux, extrémistes, et c'était assez étrange. Ils ont tout d'un coup
23 montré qu'ils se sont sentis trahis. Tout d'un coup, il y a eu une
24 apparition de haine, ce qui était assez étrange, parce que c'était des gens
25 très tolérants autrefois.
26 Ce que vous avez là, c'était assez différent. Lorsque ce peuple s'était
27 converti à l'Islam, ce n'était pas accepté de façon traditionnelle par les
28 Chrétiens. C'est là que les Musulmans n'étaient pas bien vus ni par les
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1 Croates ni par les Serbes orthodoxes. Mais dans la vie quotidienne, à
2 partir des années 1970, les Musulmans étaient devenus majoritaire - peut-
3 être même avant les années 1970, je l'ignore - mais les Musulmans ont
4 occupé un champ d'activités et ce champ d'activités était, par exemple,
5 l'artisanat. La population, au sens large du terme, était plutôt intéressée
6 par l'artisanat. Il y avait un très petit nombre de personnes qui montaient
7 verticalement, pour m'exprimer ainsi, pour obtenir des diplômes d'études
8 supérieures et qui allaient à l'université. Par la suite, cela a changé et
9 les gens sont devenus médecins, sont devenus artistes, et cetera. Donc, le
10 statut des Musulmans, en tant que peuple, avait changé et pour le mieux.
11 Cette guerre a permis aux Musulmans de devenir une nation. C'est cela. S'il
12 y a eu quelque chose de bien que l'on peut tirer de cette guerre, qu'eux
13 peuvent tirer de cette guerre, c'est de s'être trouvé en tant que nation.
14 Ils se sont trouvés. Maintenant ils se disent : nous ne sommes ni les
15 anciens Serbes ni les anciens Croates, mais nous sommes maintenant une
16 nation au sens propre du terme. J'essaie vraiment de vous dépeindre une
17 image objective, vous savez.
18 M. LE JUGE CANIVELL : Merci de me dire cela. Je dois vous demander de vous
19 rendre tout d'abord. Un côté -- pardon. Je crois que ce -- ce que je ne
20 vois pas.
21 R. Monsieur le Juge, moi non plus je ne vous vois pas, donc nous sommes
22 dans un désavantage tous les deux.
23 M. LE JUGE CANIVELL : D'un côté, les faits de résistance d'une importante
24 communauté musulmane se sont produits seulement à la Bosnie-Herzégovine pas
25 ailleurs dans la Yougoslavie, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, vous savez il y avait des Musulmans en Serbie dans la Raska. Nous,
27 on appelle cela la Raska, les Serbes, alors que les Musulmans appellent
28 cette région le Sandzak. C'est la partie orientale de la Serbie qui établit
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1 un lien avec le Kosovo. Les Musulmans en Croatie et en Serbie, il en y
2 avait, même si les Musulmans, alors qu'ils s'appelaient encore Musulmans,
3 étaient en Bosnie-Herzégovine. Maintenant, ces derniers se sont identifiés
4 comme étant des Bosniaques.
5 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Je vous remercie de me le rappeler.
6 Une autre question qui ne m'explique pas bien, c'est qu'à la fin de
7 la Seconde Guerre mondiale, il semble que s'est produite une situation de
8 génocide vis-à-vis des Serbes, et je crois comprendre que cela a été causé
9 par ce que vous appeliez les Oustachi. Justement, est-ce qu'il y avait des
10 Oustachi musulmans ? Je suis confondu quand je pense qu'il n'y avait que
11 des Oustachi croates. Les Musulmans se sont tenus à l'écart de cette
12 situation, ou quoi ?
13 R. Parmi les Oustachi, il y avait également des Musulmans. Parmi les
14 Musulmans, il y avait des Oustachi. Ces Croates les ont appelés la division
15 de Handzar. C'est une division qui a causé beaucoup de dégâts. Ils
16 portaient leur fez avec un U pour exprimer leur appartenance aux Oustachi,
17 c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas identifiés autrement que des Musulmans
18 qui s'étaient battus aux côtés des Oustachi, donc avec un U. Il y avait
19 certains Musulmans qui étaient chez les partisans, mais il y avait
20 également un tout petit nombre chez les Chetniks, mais c'était assez petit,
21 un petit chiffre car c'était l'ancienne armée yougoslave. Mais pour la
22 plupart, les Musulmans ont fait partie des Oustachi et ils avaient
23 également rejoint les rangs des partisans à l'époque.
24 M. LE JUGE CANIVELL : En tout cas, est-ce qu'on peut dire que cette
25 situation de la fin de la Seconde Guerre mondiale ne s'est pas réfléchie
26 surtout au moment de la guerre qui nous intéresse à l'instant, parce qu'il
27 semble que pour ce qui est plus différent ou plus séparé des Musulmans que
28 des Croates ou c'était un résultat du fait que les Musulmans étaient plus
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1 abondants, plus nombreux en Bosnie que les Croates. Comment est-ce que je
2 dois voir cela ?
3 R. Voyez-vous, les Croates et les Musulmans, depuis le début de, pour
4 l'appeler ainsi, la vie politique au sein du Parlement, étaient
5 immédiatement en coalition, c'est-à-dire que même s'ils étaient au sein du
6 SDS, ils étaient au pouvoir. Les uns se sont mis d'un côté, alors que le
7 SDS s'est placé de l'autre. Lorsqu'il y a eu le référendum pour la Bosnie
8 indépendante, ils se sont également mis ensemble. Lorsque la guerre a
9 commencé, ils étaient ensemble. A un certain moment donné, je ne sais plus
10 si c'était vers la fin de 1992 au début de 1993, ils se sont, à cause de
11 certains territoires et que certains crimes faits sur certains territoires,
12 ils n'étaient plus d'accord, et donc il y a eu une guerre entre les
13 Musulmans et les Croates, c'est-à-dire qu'elles se sont battues à cause de
14 ces incidents criminels, de ces meurtres. Par la suite, ils se sont mis
15 encore une fois ensemble, mais ce n'était pas un mariage d'amour. C'était
16 des antagonismes qui existaient encore. Tout comme chez entre les Musulmans
17 et les Serbes, cette même haine existait également entre les Musulmans et
18 les Croates dans certains régions de Bosnie-Herzégovine. Les Croates
19 minoritaires en Bosnie, ils sont très amers. Ils pensent, ils estiment
20 qu'ils ont perdu leurs droits.
21 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Le fait de l'indépendance de la
22 Croatie qui chronologiquement s'est produite avant l'indépendance de la
23 Bosnie-Herzégovine, vous croyez qu'il a été une course concomitante avec la
24 situation qui se produit plus tard en Bosnie ? Puisque, pour ce qui est
25 apparemment censé de respecter les frontières qui étaient établies entre
26 les six républiques. C'est là à la fin de la Seconde Guerre mondiale, si je
27 comprends bien. Alors, vous croyez que cette situation sont les
28 complications qui sont advenues après, par l'exemple dans le sens qui pour
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1 ce qui est tenu à former un état avec les territoires qui étaient
2 auparavant qualifiés de Bosnie-Herzégovine sans pouvoir vous séparer d'eux
3 et former peut-être un état avec d'autres Serbes qui étaient déjà dans les
4 six états qu'avait formé la Yougoslavie ?
5 R. J'ai toujours peur d'être subjectif, mais c'est à vous bien sûr de
6 l'apprécier, Monsieur le Juge
7 Je pense que les Musulmans ont été incités par les Croates d'essayer
8 de proclamer l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, telle qu'elle se
9 trouve aujourd'hui, et je crois que la guerre était importée de la Croatie
10 en Bosnie-Herzégovine, car les Croates se sont débarrassés de la Croatie,
11 étaient en guerre avec les Serbes à cause de la Republika Srpska de la
12 Krajina, et ils ont essayé de s'emparer des territoires ethniques de la
13 Croatie, car elle se trouvait en Posavina et en Herzégovine de l'ouest,
14 c'est-à-dire, il se trouvait à l'ouest et au nord. Mais, il ne faut pas
15 oublier que je m'étais bien sûr entretenu lors des négociations avec les
16 représentants croates. Ils estimaient que factuellement [phon] là où ils
17 ont le pouvoir, c'était leur territoire et qu'à l'avenir ils allaient
18 devenir autonomes ou que ces territoires seraient annexés à la Croatie,
19 sans pour autant enfin être subjectif. J'essaie vraiment d'être objectif.
20 Les Croates et les Serbes en Bosnie-Herzégovine, si vous demandiez au
21 peuple ce qu'il désire, si vous demandiez aux Musulmans, je crois que tout
22 le monde voudrait que l'on annexe les Musulmans et les Serbes -- les
23 Croates en Croatie. Je crois qu'ils voudraient avoir une partie de la
24 Bosnie qui serait prospère et qui ferait partie de leur territoire, qui
25 serait leur état. C'est une évaluation personnelle.
26 Maintenant, depuis La Haye, j'examine ce qui se passe en Bosnie-
27 Herzégovine. Avec un recul, je peux vous faire ce genre de commentaires. Je
28 peux faire ces conclusions et je sais de quoi il était question à l'époque
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1 bien sûr. Il est très difficile de réconcilier l'histoire, les intérêts,
2 les traditions.
3 Ce sont de vieilles peuplades, des vieux peuples; ce ne sont pas des
4 peuples nouveaux. Ce n'est pas des peuples nouveaux importés de quelque
5 part, mais c'est des gens qui vivaient sur place depuis 500 ans, depuis 300
6 ans et qui se rappellent, qui ont une mémoire. Au cours de la Deuxième
7 Guerre mondiale, un génocide atroce a été commis envers les Serbes, et ce,
8 justement sur les territoires où les Musulmans ont péri dernièrement. Il y
9 a eu une hécatombe de Serbes, hécatombe causée par les Oustachi à Kozara, à
10 Jasenovac, et cetera. On a massacré un très grand nombre de Serbes en
11 Herzégovine également, et cetera, et cetera.
12 Mais, il faut dire que les Musulmans ont souffert également. Eux, ils
13 parlent de la Bosnie orientale où ils disent que les Chetniks les ont
14 massacrés, et cetera. Donc, chacun se rappelle de son histoire. Chacun
15 apprend son histoire et chacun se sert de son histoire.
16 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Cela est pour les aspects les plus
17 généraux qui m'intéressaient, mais si l'on va à des questions plus
18 concrètes, vous avez dit dans votre témoignage, que vous avez eu un
19 referendum en novembre 1991. Je ne sais pas si j'ai bien compris, cela
20 s'est fait en accord avec la constitution de l'époque de la Bosnie-
21 Herzégovine. C'est ce qui s'est passé, ou c'est vous, les Serbes, qui avez
22 convoqué ce referendum pour savoir qui était pour ou qui était contre la
23 situation que vous préconisiez ?
24 R. Ce n'était pas constitutionnel lorsqu'on parle de la Bosnie-Herzégovine.
25 En réalité, lorsqu'il y a eu cet écart le 14 octobre dans l'assemblée,
26 cette scission, le SDS disait que les Musulmans et les Croates n'avaient
27 pas le droit de proclamer la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant
28 et que le SDS est un représentant légitime du peuple serbe. Ils ont exprimé
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1 la volonté des Serbes. Ils ont dit que les Serbes voulaient que la Bosnie-
2 Herzégovine reste au sein de la Yougoslavie. Ensuite, on disait que le SDS
3 n'a aucune légitimité, n'est pas un parti légal, puisqu'il y avait des
4 Serbes également dans d'autres partis.
5 C'est à ce moment-là que l'on a procédé à la création de l'assemblée
6 du peuple serbe, qui a organisé un plébiscite pour que la volonté du peuple
7 serbe soit exprimée. On leur a dit : Voici les faits, et que pense le
8 peuple serbe ? Ce n'était pas un plébiscite obligatoire, mais on voulait
9 savoir, par ce plébiscite, si le SDS avait la légitimité nécessaire et la
10 compétence nécessaire.
11 Il y a une disposition, la disposition permettant aux peuples de
12 s'autodéterminer. Mais dans la constitution, on ne dit pas que l'on a le
13 droit de s'exprimer par voie de plébiscite, parce que cela n'avait jamais
14 été fait pendant l'époque socialiste, alors que cette constitution datait
15 de l'époque socialiste.
16 C'est-à-dire que ce n'était pas légal. C'était peut-être légitime, si
17 vous voulez, mais c'était inconstitutionnel tout du moins.
18 M. LE JUGE CANIVELL : Oui, je comprends la différence. Mais c'était un
19 referendum qui avait été convoqué par la SDS et auquel étaient convoqués
20 seulement les citoyens des ethnies serbes. Les autres n'étaient même pas en
21 capacité de participer. C'est-à-dire, les Musulmans et les Croates ne
22 participaient pas à ce vote.
23 Il y a une autre question qui me semble intéressante. Quand vous serez --
24 R. Monsieur le Juge, excusez-moi. Tout le monde pouvait participer. Tout
25 le monde avait le droit de vote. Mais le feuillet de vote pour la
26 Yougoslavie était de savoir quelle est la volonté du peuple serbe. Vous
27 aviez une autre feuille de vote pour les Croates, une troisième pour les
28 Musulmans, et on voulait ainsi établir de quelle façon les gens
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1 s'exprimaient pour rester en Bosnie-Herzégovine. Alors que la majorité
2 était les Serbes, et ils avaient voté pour la Yougoslavie.
3 M. LE JUGE CANIVELL : Les Croates n'ont pas voté dans ce referendum ou
4 oui ? Il n'y a pas eu des Musulmans ou des Croates qui ont participé ?
5 R. Non, non. Un tout petit nombre de personnes, outre les Serbes et les
6 Yougoslaves, ont voté lors de ce referendum. C'est un pourcentage minime de
7 Musulmans et de Croates qui ait voté.
8 M. LE JUGE CANIVELL : Alors, vous nous avez dit dans votre témoignage,
9 quand on a voté à l'assemblée que vous présidiez le 12 mai 1992, les six
10 buts stratégiques des volontés pour l'avenir est -- pour vous, ce qui
11 comptait c'était comme d'éléments pour établir votre négociation au niveau
12 international et avec les autres ethnies de la Bosnie-Herzégovine. Mais ce
13 que je voudrais vous demander, est-ce que vous n'avez pas trouvé qu'à même
14 temps constituer les motifs les stimulent pour ce qui se produit en réalité,
15 c'est-à-dire une guerre, dans le but d'obtenir aussi, par les autres moyens
16 que la négociation, l'accomplissement de celui que vous vous aviez donné ?
17 R. Monsieur le Juge, cela faisait déjà un mois que la guerre avait éclaté.
18 Ces objectifs stratégiques ont été présentés à la suite de notre demande
19 présentée à M. Cutileiro visant à obtenir l'unité constitutive qui était la
20 nôtre, que nous voulions qu'elle soit établie, et cetera. C'était une
21 objection. C'était une façon de dire que nous n'étions pas d'accord avec ce
22 qui a été dit lors des négociations. Il y a même un livre qui a été écrit,
23 qui est intitulé "Ce que les Serbes désirent". Ce livre a été publié.
24 C'était une plate-forme qui nous servait de plate-forme de travail avec
25 Cutileiro. C'est-à-dire, les six objectifs stratégiques ont été énoncés
26 lors de cette session. Lors de cette session de l'assemblée, nous avons
27 demandé l'arrêt des hostilités, et nous avons demandé le travail de la
28 conférence jusqu'à ce que nous n'arrivions à une solution. Même si on fait
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1 une guerre sans faire quoi que ce soit, il n'y a que des -- ce qu'on
2 négocie -- il n'y a que des victimes.
3 Nous avions voté le 12 mai sur les objectifs stratégiques, et nous
4 voulions des objectifs spécifiques. Par la suite, ils ont été publiés en
5 tant que document. Je l'avais déjà expliqué en 1993 pour vous dire que ces
6 derniers avaient peut-être été publiés par erreur. Non pas par moi. C'était
7 peut-être intentionnel, c'était peut-être par erreur, je ne le sais pas.
8 Mais en tout cas, on les a publiés ensemble en tant qu'objectifs
9 stratégiques, donc un document.
10 M. LE JUGE CANIVELL : Ils viennent en appendice; c'est cela ? Et vous avez
11 continué à essayer de trouver des issues négociées à la situation. Même si
12 la guerre, comme vous le dites bien, avait déjà commencé un mois avant
13 votre déclaration des objectifs stratégiques, l'effet c'est qu'après,
14 pendant que vous continuiez vous-même surtout à faire des négociations,
15 vous étiez au courant qu'en même temps, ces principes, ces objectifs
16 embuaient la façon d'agir dans la guerre qui s'est produite
17 contemporainement [phon]?
18 R. On pouvait comprendre les choses de cette façon-là. Mais on ne savait
19 jamais ce que l'on peut faire alors que la guerre était en cours. Les
20 choses changeaient assez rapidement. Et après un objectif, aucun des
21 objectifs n'a été réalisé. La chance, pendant la guerre, pouvait changer.
22 On ne savait absolument pas ce que l'avenir nous réserve puisque l'ensemble
23 de la Bosnie-Herzégovine était une ligne de front. De sorte que chaque
24 municipalité avait son propre plan et voulait peut-être s'emparer de son
25 village. C'est-à-dire que la confédération était telle que c'était une
26 confédération de buts, pour l'appeler ainsi. Chacun avait son propre
27 objectif. C'était une plate-forme servant aux négociations, et qu'est-ce
28 qu'on aurait pu obtenir si c'était la guerre ? La guerre, on ne sait jamais.
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1 On perd des fois certaines choses et on gagne d'autres choses. La chance de
2 la guerre est quelque chose que l'on ne peut jamais prévoir. La guerre est
3 soit imposée ou pas imposée. C'est quelque chose que vous désirez ou que
4 vous ne désirez pas. C'est-à-dire que je sais que personne ne désire la
5 guerre, mais lorsque la guerre éclate, il est difficile de l'arrêter.
6 M. LE JUGE CANIVELL : D'autre part, vous nous avez dit que vous étiez pour
7 que les changements des populations des ethnies différentes à la Serbe
8 devaient se produire par des moyens volontaires. C'est-à-dire que seulement
9 par la volonté de ceux qui partit de leurs endroits où ils avaient vécu
10 auparavant, vous préconisiez simplement que cela se produise par la volonté
11 des intéressés. Mais je me demande si le fait qu'en même étant que ce que
12 vous préconisiez, que vous trouviez que c'était la façon plus acceptable ou
13 acceptable d'agir, en même temps, une guerre était en cours. Et alors, est-
14 ce que l'existence de cette guerre n'a pas déterminé la volonté de ces gens
15 qui sont partis, tant d'un côté que de l'autre, mais évidemment cette
16 volonté n'était pas complètement disons libre de se produire, mais elle
17 était influencée par l'effet de l'existence d'une guerre, ou même d'autre
18 chose, mais surtout pour l'existence même de la guerre ? Est-ce que c'est
19 évident ou pas, à vous ?
20 R. Lorsqu'il y a la guerre, l'essentiel est de garder la vie sauve. Il est
21 tellement facile de perdre la vie en temps de guerre; il n'y a rien de plus
22 facile. Quand j'ai parlé des Serbes qui ont quitté la Bosnie centrale, qui
23 ont quitté leurs foyers là-bas, et ils ont été heureux de pouvoir s'en
24 aller, j'ai compris.
25 A l'occasion des négociations, au fil des quatre années en question,
26 une vingtaine de fois, peut-être même plus, je me suis dit : On est enfin
27 arrivé à la paix. A chaque conférence, je me disais : Voilà, la fin de la
28 guerre est imminente; on en verra le bout. Vous avez raison. Les gens
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1 fuient la guerre, notamment fuient ceux qui sont minoritaires. Ils veulent
2 garder la vie sauve. Ils se disent la guerre finira bien par se terminer.
3 Il en a été de même pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les gens ont fui
4 leur région, et à la fin de la guerre, chacun est revenu chez soi, là où il
5 vivait avant. Ici, les choses ont tourné différemment. J'ai été content
6 quand j'ai vu que ces Serbes s'en étaient tirés vivants. Parce que croyez-
7 moi bien que ceux qui sont restés là où ils étaient minoritaires, ils ont
8 souffert beaucoup plus que ceux qui s'en sont allés. Je parle de Sarajevo,
9 Zenica, Tuzla et que sais-je encore, d'autres régions. Parce que quand on
10 est longtemps minoritaire, il y a des éléments incontrôlés de toutes sortes
11 qui mettent votre vie en péril et il est difficile de rester vivant.
12 J'ai des exemples de Pale. Un docteur croate qui est venu me voir
13 pour me dire : Est-ce que tu peux m'aider ? Je lui ai dit : De quoi il
14 s'agit ? Alors, il m'a fait savoir qu'il était menacé par des gens. J'ai
15 appelé Malko Koroman. Il a dit : Je retrouverai bien ces criminels. C'est
16 un pédiatre qui a soigné des tas et des tas d'enfants serbes, et un
17 criminel voulait le menacer. Dieu merci, il est resté en vie, et il a même
18 fait une déclaration. Il voulait témoigner ici même, mais il y a un mois ou
19 deux, il est décédé hélas. Ce que je veux dire, c'est que dans chaque
20 milieu, il y a eu des gens qui étaient à même de mettre votre vie en
21 danger. S'il n'y a pas contrainte -- déménager, partir était utile. Si cela
22 s'est fait sous des pressions, sous la contrainte, je crois que c'est
23 inadmissible, et je crois que personne n'a le droit de le faire. Je suis un
24 réfugié et j'estime que personne ne devrait être chassé de chez soi.
25 M. LE JUGE CANIVELL : Vous avez aussi dit, pendant votre témoignage, que
26 vous ignoriez la possibilité, l'existence de ces attentats graves contre
27 les droits de l'homme. Et alors, cela en dépit, j'imagine, que je vous
28 demande, que vous sortiez fréquemment de votre pays, vous alliez à des
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1 réunions internationales. Est-ce que dans ces réunions, il n'était pas
2 quelquefois question de vous demander qu'est-ce que qui se passe, qu'est-ce
3 qu'il y a ? C'est ce qui m'attire, disons le respect de la vie humaine ou
4 des droits de l'homme. Il n'est pas arrivé, dans ces sessions avec tout
5 d'abord le Lord Carrington et Cutileiro, et plus tard avec Lord Owen et
6 Cyrus Vance, et tous ceux qui ont suivi, il ne s'est pas présenté, à tous
7 les gens qui étaient réunis là-bas, ces questions pour vous demander
8 qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que vous savez, qu'est-ce que vous pouvez
9 faire pour empêcher ce qui se passe ?
10 R. Je vais expliquer ici. Il y a eu des représentants de la communauté
11 internationale qui s'étaient plaint du nettoyage ethnique, des expulsions
12 et des camps, que sais-je encore. Je vous ai dit, il y a eu des personnes
13 qui en étaient chargées, tels que le MUP et les membres de la présidence.
14 C'est eux qui contactaient les différentes structures. Pour ma part, je
15 recevais des informations à nos réunions consultatives, nous en débattions.
16 Et on m'a dit que c'était de la propagande. C'était tout à fait le
17 contraire qui se passait. Lorsqu'une commission a été créée et lorsqu'elle
18 a fait le tour des endroits, des sites, et les communications étaient
19 plutôt mauvaises, ce n'est que là qu'on a découvert des choses, et on a
20 découvert des petites parties de problèmes. On parlé de l'existence de
21 prisons, mais non pas de meurtres, et des mesures ont été prises, des
22 mesures strictes.
23 Cela n'a pas fait partie de mes compétences, mais je tiens à dire
24 qu'avec toutes les personnes, le gouvernement, la présidence, j'ai senti
25 auprès de toutes ces personnes qu'il y avait la volonté de mettre en place
26 un Etat de droit et de punir les gens. Mais qui est-ce qui commettait les
27 crimes ? Cela, ce sont des choses qui ont probablement été dissimulées.
28 Vous ne pouviez pas le savoir. Vous avez vu à Sarajevo, je l'ai déjà dit,
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1 dans un diamètre de deux kilomètres, l'autorité ne savait pas ce qui se
2 passait à l'autre bout. Il pouvait y avoir des crimes dans l'immeuble d'à
3 côté sans que vous le sachiez pendant la guerre. Tout simplement, les gens
4 qui ont commis des crimes l'ont dissimulé, et il n'y avait pas suffisamment
5 de policiers pour enquêter. Les instances de la justice fonctionnaient de
6 façon piètre, et ce n'est que par la suite ou après que vous avez appris ce
7 qui s'était passé.
8 A chaque fois qu'il y a eu des plaintes, chaque fois il y a eu des
9 débats, des mesures de prises. Je ne me souviens d'aucune réunion où il y
10 aurait eu à l'ordre du jour ce type de choses sans qu'il y ait eu prise de
11 mesures pour déterminer la vérité, pour sanctionner les individus et pour
12 donner des ordres ou des instructions. Je ne me souviens d'aucune réunion
13 où on aurait dit, par exemple, peu importe ce qui se passe ici ou là.
14 Je vais vous dire, j'ai eu des problèmes familiaux. Du vivant de ma
15 femme, j'ai d'abord eu son problème à elle; puis j'ai eu le problème des
16 enfants à Pale. J'ai été surtout à Pale. Je n'ai pas beaucoup voyagé, mis à
17 part les sessions de l'assemblée. Ce qui fait que je n'ai pas pu faire le
18 tour de la région pour déterminer moi-même la vérité.
19 M. LE JUGE CANIVELL : Justement, vous dites qu'il y avait beaucoup de
20 crimes qui étaient secrets, qui ont été dissimulés. Justement, peut-être il
21 y en avait. Mais il y en avait d'autres, d'autres situations qui étaient
22 montrées au monde entier à travers surtout les médias et surtout ce genre
23 de médias qui est le plus moderne, qui est la télévision. Il ne vous est
24 pas arrivé, quand vous êtes sorti dans vos voyages à Londres - vous nous
25 avez dit que vous êtes allé des fois à Londres dans le mois de juillet de
26 1992. Je pense qu'il y a une autre réunion à Londres à la fin du mois
27 d'août et plus particulièrement à Genève. Est-ce que cela ne vous a pas
28 frappé en voyant, même en passant à une télévision, des faits et vous vous
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1 auriez demandé : Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que c'est cela ? Est-ce
2 que je pourrais en savoir plus sur cela ? Cela ce ne vous est pas arrivé
3 pendant ce voyage ?
4 R. Tout d'abord, je dirais que j'étais très intéressé par ce qui se
5 passait. J'étais très intéressé et à ces réunions auxquelles nous avons
6 assisté nous autres, chaque point -- par exemple, la réunion de Londres, il
7 a été adopté des conclusions, une décision disant que toutes les prisons
8 devaient être supprimées et que les personnes devaient être relâchées. Il
9 fallait que cela soit réalisé. Il y a des éléments ou des parties qui ont
10 été réalisés, mais ce que je sais c'est que si on nous avait accusé de
11 telles choses, ceux qui en ont été chargés et Karadzic et Koljevic étaient
12 présents, ils ont dit quelles étaient nos positions et ils ont reçu les
13 mêmes informations que moi. Je ne veux pas qu'on me fasse de reproches,
14 mais ils ont reçu des informations de la part des personnes consultées
15 auparavant.
16 Malheureusement dans l'immédiat, les médias étrangers, il y a eu des choses
17 que nous savions être inexactes. Par exemple, on montrait un cimetière avec
18 plein de croix et on disait, voilà un cimetière où sont enterrés les
19 Musulmans tués par les Serbes. On sait bien que pour les Musulmans il n'y a
20 pas de croix - ils l'ont dit - et ils présentent cela comme étant une
21 vérité. On perd la boussole. On ne croit plus aux informations comme étant
22 objectives. Je ne l'ai pas vu moi-même, mais on me l'a dit. Alors, on se
23 fait l'impression que tout est monté, que tout est faux. Par exemple, vous
24 avez vu la lettre ouverte de Mme Plavsic qui y a dit : ce n'est pas vrai.
25 Il y a des camps chez les Musulmans. Nous, nous n'avons pas de camps. Cela
26 c'est l'information que nous avions à l'époque. On disait que dans les
27 prisons il n'y avait que des prisonniers, pas des civils, et ainsi de
28 suite. Je dis qu'il en allait de même pour les parties adverses. La
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1 situation était chaotique, l'autorité était rabaissée vers le niveau le
2 plus bas et entre les mains de personnes très souvent irresponsables. Nous
3 avons commencé à construire à partir d'un pré, d'un terrain vague pour
4 mettre en place un système juridique. Je ne parle pas des personnes qui ont
5 été chargées de ceci ou cela. Il en était ainsi tout simplement.
6 M. LE JUGE CANIVELL : Oui, mais par exemple, il y a eu le moment où M.
7 Karadzic en apprenant - je ne sais pas si c'était du Times, un journal
8 anglais - expliquer à fond des attentats graves. Alors, immédiatement, il a
9 dit : mais tout est fabriqué. Est-ce qu'il avait des renseignements parce
10 qu'évidemment quand il s'agit de dire non à un fait positif, c'est-à-dire,
11 on a tué quelqu'un. Alors vous pouvez dire : ce n'est pas vrai
12 immédiatement sur cela. Mais s'il y a le contraire de dire qu'une chose ne
13 s'est pas produite, est-ce que cela s'était enquêté avant ? Comment est-ce
14 qu'il a pu faire cette affirmation si rapidement ? Vous aviez observé
15 comment cela s'est produit cette situation parce que vous étiez constamment
16 à ses côtés à lui ?
17 R. Je ne sais pas de quelle déclaration il s'agit au juste, mais il se
18 peut que des écritures à moi soient erronées. Je ne suis pas l'avocat de M.
19 Karadzic. Je me défends ici moi-même. D'après les informations qui m'ont
20 été communiquées, ses informations pouvaient venir du ministère de
21 l'Intérieur, de l'armée ou de la part des personnes qui s'étaient trouvées
22 sur le terrain. Mais je n'ai pas appris qu'il y a eu des gens à avoir
23 confirmé ce type d'information. Si Karadzic recevait les mêmes
24 informations, il se peut qu'il ait réagi partant de là comme il a réagi;
25 ensuite, on détermine que quelque chose est faux. Parce qu'un chef de
26 police quelconque vous aurait informé de façon erronée. Lui, il aurait
27 informé le ministre de façon erronée; lui, le ministre vous aurait vous-
28 même de façon erronée parce que chacun est chargé de son domaine.
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1 Alors moi en personne, Monsieur le Juge, je ne pouvais ni
2 sanctionner, ni promouvoir, ni décerner des médailles ou des
3 reconnaissances de mérite. En ma qualité de personne, je pouvais peut-être
4 recommander quelqu'un, mais je ne pouvais pas laisser les choses telles
5 quelles parce que cela était une façon de souiller le peuple dont je fais
6 partie. J'étais d'avis que chacun était censé faire son travail. Si j'avais
7 eu des informations, il est certain que j'aurais réagi et quand j'ai su
8 quelque chose j'ai réagi à chaque fois pour qu'il y ait enquête lorsque des
9 indices nous étaient parvenus. Je dirais également que d'autres ont
10 également réagi.
11 M. LE JUGE CANIVELL : Je voudrais aussi demander, vous avez dit dans
12 votre témoignage que toutes les fois que vous qui étiez aux réunions de la
13 présidence de la Republika Srpska, vous étiez là-bas comme un invité. Je me
14 demande, puisque vous étiez pratiquement dans toutes les réunions, sauf une
15 je crois, de cette présidence à partir du mois de juin jusqu'à la fin du
16 mois de décembre, en quoi consistait être un invité à ces réunions ?
17 Qu'est-ce que vous faisiez là-bas ? Quel était votre rôle dans ces
18 réunions ?
19 R. Je n'ai pas considéré cela comme étant des sessions de la présidence.
20 C'est la première fois ici que j'ai vu ces procès-verbaux, à La Haye. J'ai
21 su qu'i y a eu des aide-mémoire et j'ai estimé que ces réunions étaient des
22 réunions consultatives. Très souvent, nous avons tenu des réunions
23 consultatives pour débattre chacun de son problème. Et "le coupable" de la
24 tenue de ces réunions consultatives, c'est moi et M. Djeric parce qu'on
25 voulait se consulter sur des points. J'ai fait partie d'une société, d'une
26 entreprise où la direction collégiale se réunissait pour parler des
27 problèmes, et ensuite chacun allait faire son travail. J'ai été présent
28 pour débattre de la sorte des problèmes. Il y a eu bon nombre de décisions
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1 qui ont été prises par la présidence sans que cela n'ait été discuté à ces
2 réunions, de façon tout à fait autonome. M. Karadzic a donné des ordres
3 indépendamment de ces réunions-là. Il y a eu des textes de loi qui n'ont
4 pas été examinés à l'occasion de ces réunions. Cela fait partie des droits
5 de la présidence.
6 De là à savoir s'ils ont tenu des réunions à part, il me semble que
7 cela s'est fait assez rarement. C'étaient des réunions ad hoc. Ce n'était
8 pas des réunions officielles. Mais des réunions qui ont été qualifiées
9 comme étant des réunions de la présidence, je dirais que c'était des
10 débats, des conversations sur tout un tas de choses. Si quelqu'un avait des
11 missions ou des problèmes, on en débattait et ensuite chacun allait faire
12 son travail. Mais je n'ai jamais effectué quelque tâche que ce soit qui
13 aurait été la tâche de la présidence. Je n'ai pas repris les compétences
14 d'autrui. Je ne me serais certainement pas permis de faire partie d'un
15 organisme illégal. Si je devais faire partie de la présidence, il fallait
16 que ce soit présenté au Parlement et que ce soit mit au vote, aux voix. Je
17 ne voulais pas devenir illégalement membre de celle-ci pour prendre des
18 décisions. Ce qui fait que nous avons été là pour nous consulter au sujet
19 de problèmes de fonctionnement. Je me souviens de la majorité des points à
20 l'ordre du jour, suite à quoi chacun allait faire sa partie du travail. Eux
21 ne savaient pas ce que je faisais. Je ne savais pas ce que les autres
22 faisaient. Chacun allait faire son bout de travail et les réunions étaient
23 très souvent assez courtes.
24 M. LE JUGE CANIVELL : Comment expliquer que dans les minutes ou comptes
25 rendus de ce qui s'est passé là-bas, on parle de décisions prises autour de
26 certains problèmes concrets, la nomination, par exemple, on décide de
27 nommer des commissionnés pour les différents corps, "Crisis Staffs" ou "War
28 Staffs" ? Pourquoi, par exemple, il y a eu un moment même, si j'ai bien
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1 noté, le 27 juin 1992, à la réunion de cette présidence dans les minutes
2 qui nous ont été fournies, on a ordonné au général Mladic d'arrêter le
3 bombardement de Sarajevo, et pas seulement qu'on a ordonné cela, ce n'était
4 pas quelque chose de consultatif, c'était quelque chose de décisif en même
5 temps. Pas cela seulement. Après cet ordre fait au général Mladic, en effet
6 le bombardement s'est arrêté à ce moment-là. Comment expliquer que la
7 référence que nous avons de ces réunions est plutôt de caractère des plus
8 déterminatif, c'était plus de prendre des décisions que faire de simples
9 consultations ?
10 R. Si ceci se rapporte à une réunion où il n'y avait pas Karadzic et où il
11 y avait Koljevic, Mme Plavsic, Djeric et moi, et si nous disions qu'il
12 fallait cesser de tirer sur Dobrinja -- Sarajevo et si on disait au
13 commandant Suprême de donner l'ordre à l'état-major de procéder ainsi.
14 Il est probable que des gens qui avaient eu auparavant des contacts
15 avec la FORPRONU et avaient eu vent de plaintes au sujet de pilonnages, et
16 les Musulmans venaient dire que la conférence ne saurait continuer puisque
17 les Serbes s'attaquaient à la ville. Il se peut, il est probable que
18 Koljevic ait présenté la chose et que la conclusion adoptée ait été celle
19 de dire que cela était inacceptable, indépendamment des dégâts ou des
20 délits au pénal. C'était des dommages politiques qui nous étaient portés,
21 donc il fallait que la présidence donne des ordres pour faire cesser cela,
22 indépendamment de justificatifs existants ou inexistants. La personne qui
23 était chargée de noter les choses qui s'étaient dites a dû le noter.
24 L'ordre a été donné ultérieurement, mais c'est là que l'on a noté qu'il
25 fallait donner l'ordre de faire cesser cela parce que cela nous portait
26 politiquement préjudice. En dépit des dégâts subis là-bas, cela, sur le
27 plan politique, nous portait dégât parce que l'on ne pouvait pas continuer
28 les travaux de la conférence à cause de cela.
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1 M. LE JUGE CANIVELL : Vous voulez donc dire que dans ces réunions, les
2 décisions n'étaient jamais prises, seulement par ceux qui constituaient la
3 présidence, c'est-à-dire, si je vous ai bien compris, Koljevic, et vous
4 n'avez pas mentionné Mme Plavsic. Que s'est-il passé à une réunion au mois
5 de novembre 1992 à laquelle seulement les trois seuls membres connus de la
6 présidence étaient présents ? Comment on a pris les décisions à ce moment-
7 là s'il n'y avait qu'un seul membre et si les autres personnes étaient M.
8 Celic et vous-même ? Comment m'expliquez-vous cette situation ?
9 R. Cela montre bien qu'on a discuté des problèmes. Si cela relève des
10 compétences de la présidence, c'est à eux d'en traiter; si c'est le
11 Parlement, c'est le Parlement qui s'en occupe; si c'est le gouvernement,
12 c'est le gouvernement qui s'en occupe. La réalisation qui a été convenue à
13 la réunion, c'est de confier à l'instance compétente la solution du
14 problème. Je ne sais pas s'ils vont donner des ordres ou mettre à l'ordre
15 du jour de la réunion. C'est celui qui en avait les attributions qui
16 mettait à l'ordre du jour un point pour que les autres émettent leur
17 opinion. La réalisation, elle, était confiée aux personnes qui avaient
18 compétence de réaliser. Je n'avais pas compétence, par exemple, de donner
19 des ordres à l'armée de faire cesser l'artillerie de tirer, mais c'était la
20 présidence, en sa qualité de commandant Suprême.
21 Mais eux ne pouvaient pas venir présider aux sessions du Parlement.
22 C'était moi qui le faisais. Ce n'était pas quelqu'un de la présidence qui
23 pouvait se retrouver à la tête du gouvernement, c'était forcément
24 quelqu'un du gouvernement. Par exemple, je n'ai pas assisté à une seule des
25 réunions du gouvernement. Je ne sais pas ce qu'il a été décidé là-bas, en
26 1992 j'entends. Cela relevait de leurs compétences et il était normal
27 qu'ils aient leurs compétences et qu'ils s'en occupent. Eux, ils ont été
28 présents aux sessions du Parlement lorsque je présidais aux sessions du
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1 Parlement. Les membres de la présidence en faisaient de même, mais ils
2 n'avaient pas droit de vote à l'occasion des audiences ou des sessions du
3 tribunal, il n'y avait que les députés qui pouvaient décider. Mais nous
4 voulions entendre leurs opinions, nous voulions entendre leurs
5 interventions et il est normal que les députés aient voulu prêter oreille
6 attentive à ce qu'ils pensaient.
7 M. LE JUGE CANIVELL : Je vous remercie, Monsieur Krajisnik.
8 R. Je vous remercie également.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je ne vais pas
10 commencer à poser mes questions tout de suite. Il faudra d'abord qu'on ait
11 une pause. Mais j'ai quand même un petit éclaircissement à vous demander.
12 Sur une de vos dernières réponses au Juge Canivell, vous nous avez dit la
13 chose suivante si cela fait référence à une réunion où M. Karadzic n'était
14 pas là, et vous dites, et je cite :
15 "Quand nous avons dit qu'il fallait arrêter de tirer sur Dobrinja --
16 enfin Sarajevo plutôt et que le commandant Suprême doit donner des ordres
17 à l'état-major à ce but, c'est sans doute ce qui s'est passé." Ensuite, si
18 on lit exactement ce qui est écrit, vous dites : "L'état-major de l'armée
19 de la République serbe du BH reçoit ordre de cesser toute opération
20 d'artillerie et d'infanterie dans la région serbe de Dobrinja."
21 Si on lit cela, on voit que vous ne demandez pas au commandement Suprême de
22 donner ordre à l'état-major, parce que dans le texte, ce n'est pas ce qui
23 est écrit. Dans le texte, il y a un ordre direct qui est donné à l'état-
24 major, d'immédiatement prendre action pour faire cesser le feu, et cetera.
25 C'est bien ce qui est dit ?
26 R. Vous avez peut-être retrouvé à la deuxième page où il est dit que le
27 commandement Suprême en est informé. Je crois que c'est dans l'un des PV
28 que cela est dit, à savoir qu'il fallait demander des informations ou des
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1 rapports au QG ou à l'état-major. Si j'avais le PV sous les yeux, je
2 pourrais commenter. Il m'est difficile maintenant de parler de mémoire.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si quelqu'un avait la version en B/C/S,
4 version de la 12e Session de la présidence qui s'est tenue le 27 juin, il
5 s'agit de la pièce P65, intercalaire 171.
6 Il faudrait en donner une copie à M. Krajisnik.
7 Monsieur Krajisnik, j'ai devant moi les PV de la 12e Session de la
8 présidence, je faisais référence au paragraphe 3, première phrase complète,
9 je la lis en anglais, je cite - si c'est mal traduit, nous devrons peut-
10 être vérifier cela de plus près - mais je lis et je
11 cite : "L'état-major de l'armée de la République serbe de la Bosnie-
12 Herzégovine reçoit ordre de cesser toute opération d'artillerie et
13 d'infanterie dans le quartier de Dobrinja et ce, immédiatement."
14 R. Oui. Il est dit ici : "Il est donné ordre à l'état-major." Mais cela,
15 ce n'est pas un ordre. Il faut réaliser cela. Il n'y avait pas de
16 représentant de l'état-major sur place, il fallait que quelqu'un rédige
17 l'ordre en question et l'envoie là-bas, quelqu'un de la présidence était
18 censé le faire.
19 C'est probablement en corrélation avec le dernier passage, Monsieur
20 le Président, où il est donné instruction à l'état-major d'établir un
21 contact avec la FORPRONU pour accéder à la réalisation, et ainsi de suite -
22 - non, plutôt c'est le passage précédent, excusez-moi. "On ne pourra tirer
23 qu'en cas de nécessaire défense, oui, alors ce que j'avais à l'esprit c'est
24 qu'on ne peut tirer, ouvrir le feu, rien qu'en cas de défense indispensable
25 et avec notification préalable au commandement Suprême et à la FORPRONU qui
26 sert de médiateur à l'opération de l'aéroport".
27 C'est ce que je voulais dire. Je me souviens du fait que Karadzic
28 n'était pas là-bas. Il fallait que quelqu'un soit là pour donner
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1 instruction à l'état-major de faire cesser les choses. Mais, ce n'est pas
2 ainsi que l'on rédige l'ordre en tant que tel. Il faut que quelqu'un rédige
3 l'ordre et, à l'état-major, il faut que quelqu'un le signe. Si nous avions
4 eu un représentant de l'état-major, il se peut qu'il en ait pris note, mais
5 en général, il reçoit des ordres par écrit.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, on pourrait
7 l'interpréter autrement, on pourrait l'interpréter ainsi : Ordre a été
8 donné de cesser toute opération d'infanterie et d'artillerie immédiatement,
9 enfin c'est ce qui est écrit à la deuxième ligne et que les forces armées
10 doivent passer d'une position offensive à une position défensive, ce qui
11 est suggère au moins qu'au départ ils étaient en position offensive et qu'à
12 l'avenir les tirs ne doivent être effectués que pour des opérations de
13 défense nécessaires et ce après consultation avec la présidence, le
14 commandement Suprême et la FORPRONU. Quant à savoir si la présidence et le
15 commandement Suprême jouent un rôle c'est une chose, mais on pourrait aussi
16 l'interpréter en faisant en faisant une distinction bien nette entre les
17 ordres qui doivent être exécuter immédiatement et des ordres qui, en
18 revanche, demandent une consultation ultérieure pour être exécutés, c'est-
19 à-dire les ordres demandant que l'on ouvre le feu qu'en cas des opérations
20 de défense.
21 R. Oui, mais ceci n'est pas un ordre. C'est partant de ce document-ci que
22 quelqu'un était censé rédiger l'ordre. L'instance compétente devait rédiger
23 et signer cet ordre, si elle est d'accord. Alors, il y a là deux membres de
24 la présidence. C'est un PV ceci, c'est un procès-verbal. Mais, il faut
25 qu'il y ait un énoncé du document. C'est la raison pour laquelle cette
26 réunion est une réunion consultative. Ensuite, il convient de rédiger les
27 ordres. Il fallait que nous formulions des opinions et que quelqu'un
28 ensuite rédige, c'est de cela qu'il s'agit. Ceci ne suffit pas. L'état-
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1 major ne saurait accepter un document de la sorte. Le Grand état-major,
2 lui, n'a pas reçu ce document.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais, Monsieur Krajisnik, ce n'est
4 pas ce qui est écrit dans le texte. On est d'accord quand même là-dessus ?
5 R. Oui, nous sommes d'accord. C'est ainsi que c'est écrit, en effet.
6 Ensuite, il faut que quelqu'un aille rédiger l'ordre et faire le
7 nécessaire. Le Grand état-major, lui, n'a pas reçu le document.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, mais la deuxième partie de votre
9 raisonnement c'est que vous nous dites : "Ceci ne devait servir que pour
10 application ultérieure et c'est pour cela que c'était une réunion
11 consultative".
12 Là, dans votre déposition, vous nous avez dit que c'était des
13 réunions consultatives ce qui explique pourquoi il restait encore des
14 choses à faire. Si ce n'était pas une réunion consultative, en revanche, le
15 raisonnement n'est plus valide.
16 R. Je dis bien que c'est une réunion consultative. Il ne s'agit pas --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où est-ce que c'est écrit ? Pouvez-vous
18 me l'indiquer ? Je vois décision A, décision B, ordre de ceci, ordre de
19 cela, où est-ce que c'est écrit que c'est consultatif ? Vous nous avez
20 répété cela sans cesse. Une des choses essentielles, c'est que vous nous
21 avez donné votre propre interprétation des textes sur la base de ce que
22 vous dites être ce que vous en connaissez, mais les Juges ont aussi leur
23 propre responsabilité en ce qui concerne l'interprétation des textes pour
24 voir si les textes étayent votre déposition ou non. Donc, je vous demande
25 de nous montrer les passages du texte qui indiquent clairement qu'il s'agit
26 bien de réunions consultatives et non pas de réunions de prises de
27 décision. Parce que le texte très souvent nous dit décision ceci, décision
28 cela, et cetera. Il conviendrait que vous nous aidiez à trouver ces
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1 passages qui étayeraient votre propre interprétation du texte et votre
2 interprétation de ce qui s'est véritablement passé lors de ces réunions.
3 Cela nous aiderait énormément.
4 R. Monsieur le Président, vous voyez bien que c'est signé par M. Karadzic,
5 cela a été tapé ultérieurement. Cela a été frappé, la frappe a été faite
6 ultérieurement. Nous avions une réunion, quelqu'un a pris des notes et
7 ensuite rédige la teneur de ce texte, de ce document et notamment lorsque
8 Karadzic n'était pas là. Il se peut qu'il ait signé le lendemain, ou je ne
9 sais trop quand. Quand je vous dis que c'était une réunion consultative, en
10 effet, il n'est nulle part dit réunion consultative, mais il dit que c'est
11 : "Une réunion de la présidence dans des conditions de danger de guerre
12 imminent." Il y a une réunion de fixée, on ne dit pas en situation de
13 guerre, en état de guerre. Il y a des gens qui sont là pour débattre.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous mélangez tout maintenant.
15 Je ne vous ai jamais dit que ceci s'était fait sous la menace imminente de
16 guerre. Je vous ai juste demandé de nous montrer quels étaient les passages
17 du texte qui étayeraient votre déposition, selon laquelle il s'agissait de
18 réunions consultatives. Je viens juste de vous entendre dire que le texte
19 ne le dit pas.
20 R. Ce n'est pas écrit dans ce texte. Regardez, quand ils disent : Fêter la
21 Slava et Ilijas, Koljevic, Krajisnik, c'est nous qui avions convenu d'aller
22 un tel ici, un autre là-bas. On a parlé de la composition des délégations,
23 donc il s'agissait de consultations. On n'a pas déterminé qui ferait partie
24 de telles délégations. Il y a eu des conclusions de cette sorte en très
25 grand nombre. On dit il faudrait faire ceci, il faut faire cela, et ainsi
26 de suite. Le texte lui-même --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous nous dites maintenant
28 qu'on ne dit même pas qui était dans la délégation. Mais, je vois au grand
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1 1 que pour la Saint-Vitus, les délégués suivants vont être nommés pour
2 représenter l'Etat lors de ces fêtes. A : Pour Han Pijesak, le Dr Radovan
3 Karadzic, le Dr Biljana Plavsic, le Dr Branko Djeric, et Bogdan Subotic. B
4 : Pour Ilijas, le Dr Nikola Koljevic et Momcilo Krajisnik. C : Pour Reuf
5 [phon], Velibor Ostojic et Zucovic. Vous avez dit, dans votre déposition,
6 qu'il n'a même pas été dit qui seraient les délégués. Vous avez pris cet
7 exemple, et comment est-ce que je peux l'interpréter pour concilier cela
8 avec le fait que - je vais retrouver vos paroles exactes - "Il n'est même
9 pas spécifié qui doit faire partie de la délégation".
10 Or, je vois là pour les trois délégations, les personnes sont nommées
11 personnellement. La composition des délégations est exprimée.
12 R. Monsieur le Président, ce que j'avais à l'esprit c'était de donner
13 instruction au gouvernement pour créer des délégations pour visiter les
14 unités militaires et visiter des hôpitaux. C'est de cela que je parlais. Il
15 y a eu bon nombre d'exemples où les autres venaient dire ce qu'ils
16 pensaient. Nous étions présents sur place. Nous avons parlé de qui irait
17 où, ce n'était pas une décision, mais tout simplement une concertation
18 entre nous.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, donc la décision repose entre les
20 mains du gouvernement.
21 Je pense qu'il est temps de faire une pause. Nous reprendrons à 6
22 heures cinq.
23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
24 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai également quelques questions à vous
26 poser. Vous avez expliqué d'abord, à maintes reprises, que ce que les
27 Musulmans et les Croates ont fait était inconstitutionnel, c'est-à-dire la
28 façon dont ils ont cherché d'obtenir l'indépendance de l'ABiH. Pouvez-vous,
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1 je vous prie, nous expliquer quelle aurait été la façon constitutionnelle
2 de procéder, étape par étape. Non pas ce qui aurait du être fait
3 conformément à la constitution pour obtenir l'indépendance, mais plutôt
4 étape par étape, je vous prie.
5 R. L'indépendance était censée être acquise par un changement de statut.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois. Et comment fait-on pour changer
7 le statut ?
8 R. Le statut de la constitution est changé de la façon suivante. D'abord,
9 on propose un document de travail, et la majorité des deux chambres doit
10 voter. Il y avait la Chambre du peuple et la Chambre des citoyens, et les
11 deux devaient donner leur appui pour une nouvelle constitution pour pouvoir
12 obtenir l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. C'est ainsi qu'ont procédé
13 la Slovénie et la Croatie. Avant cela, ils ont fait un référendum pour
14 tâter le pouls et pour voir ce qu'en pense l'opinion publique.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, est-ce que je vous comprends
16 qu'une minorité aurait pu bloquer l'indépendance si elle représentait au
17 moins un tiers du vote, un tiers des voix ? Est-ce que je vous ai bien
18 compris ?
19 R. Oui, tout à fait. Pour un changement de constitution, oui. Mais il y
20 avait un instrument qui a été mis en place, et c'est cela qu'il faut dire.
21 Les questions d'intérêt national, les questions qui ont un intérêt vital,
22 ne pouvaient pas faire l'objet de vote avant d'être présentées au conseil
23 des droits de la nationalité des peuples. Nous n'avions pas encore formé ce
24 conseil, et ce conseil avait la possibilité de voter aux deux tiers.
25 Lorsque la décision aurait été prise, à ce moment-là, la décision aurait
26 été présentée à l'assemblée, et les deux tiers des députés pouvaient à ce
27 moment-là appuyer la décision du conseil. C'est semblable en Bosnie-
28 Herzégovine actuellement. C'est une situation assez semblable qui a été
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1 mise en place maintenant en Bosnie-Herzégovine, avec l'exception qu'il
2 existe un conseil du peuple, un conseil national.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce conseil pour l'égalité nationale, à
4 ce moment-là, au sein de ce conseil, une minorité pouvait également
5 procéder au blocage, aurait pu freiner le tout, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, seulement lorsqu'il est question d'intérêts qui sont d'un intérêt
7 vital; pas lorsqu'il s'agit de parler de lois. Mais lorsqu'il s'agit de
8 questions d'intérêt vital, une minorité pouvait bloquer la majorité. Même
9 aujourd'hui, après Dayton, cela existe. C'est-à-dire, et je voulais plutôt
10 insister pour dire que c'est le consensus qui prévaut et non pas la mise en
11 minorité.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Est-ce que vous estimez
13 que la question de l'indépendance aurait pu être résolue par moyen de
14 consensus alors que les parties étaient si à l'opposé les unes des autres ?
15 R. J'estime que nous aurions pu trouver des solutions de cette façon-là,
16 et je peux même vous expliquer comment j'envisage cela.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, veuillez, je vous prie.
18 R. Nous avions deux extrêmes : les Serbes d'un côté voulaient obtenir la
19 Yougoslavie, alors que les Musulmans tenaient à un Etat indépendant. Alors
20 que les Croates se trouvaient situés quelque part entre les deux. Un accord
21 a été conclu, un accord qui a été conclu à la suite de certaines pressions,
22 de certaines réalités également sur le terrain. On a dit alors : Vous, les
23 uns, vous pouvez accepter la Bosnie, et les autres devaient renoncer à la
24 Yougoslavie, et on a proposé que la Bosnie soit un Etat complexe comme la
25 Suisse ou la Belgique. Ce sont ces principes-là à partir desquels on aurait
26 pu procéder à la création d'une Bosnie indépendante sans la guerre. Lorsque
27 ces principes ont été énoncés, le peuple a été émerveillé. Ils étaient
28 absolument contents de cette proposition. Je crois que c'est une erreur
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1 historique. C'est dommage que les choses ne se sont pas déroulées de la
2 sorte.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais cela dit, les choses se sont
4 déroulées de façon différente. La solution constitutionnelle n'a pas été
5 adoptée, n'a pas été prise. Parlons maintenant de la Republika Srpska - je
6 parle du niveau central pour commencer - de quelle façon est-ce que les
7 minorités étaient représentées au niveau central, qu'il s'agisse du
8 gouvernement ou de l'assemblée ou de la présidence, et ce dans la Republika
9 Srpska ?
10 R. Est-ce que vous parlez de la guerre, au moment où la guerre a
11 éclaté ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque la Republika Srpska a été
13 créée, et à ce moment-là, il est vrai que la guerre a commencé peu de temps
14 après.
15 R. Oui, tout à fait. La Republika Srpska a été créée le 9 janvier
16 1992, donc deux ou trois mois avant le début de la guerre. Elle a été créée
17 sur papier - il faut bien le dire, sur papier. C'était un Etat fictif. Le
18 25 janvier, peu de temps après cette date, il y a eu une assemblée
19 concernant un référendum en Bosnie-Herzégovine, et j'avais demandé aux
20 députés de m'accompagner à cette session conjointe. Nous en avions parlé
21 pendant deux jours pour essayer de trouver une solution pour que les Serbes
22 puissent aller également, aller se présenter au référendum, et nous avons
23 trouvé une solution. C'est-à-dire que le gouvernement a accepté de faire la
24 régionalisation. Vous avez également le transcript. Vous avez des images
25 vidéo. Cela aurait satisfait les Serbes. C'est-à-dire que nous aurions tous
26 fait le référendum, et le peuple aurait été content, et on aurait tous eu
27 des unités constitutives. Il y a également une décision. M. Cengic, le
28 vice-président du gouvernement, le vice-président du SDA, s'est présenté,
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1 et avec Karadzic, il a dit : Voilà, nous sommes parvenus à un accord.
2 C'était la joie totale. Mais sous la pression, M. Izetbegovic est revenu
3 sur sa parole et a dit qu'il renonçait à cet accord. C'était la dernière
4 session de l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine jamais tenue. Donc, nous
5 étions parvenus à un accord à trois heures du matin. Pendant deux jours,
6 nous avions débattu et nous avions essayé de négocier. C'était notre
7 dernière chance d'éviter la guerre. Ensuite, il y a eu Cutileiro et ainsi
8 de suite.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais ma question était de savoir
10 de quelle façon est-ce que les minorités étaient représentées ?
11 R. Je l'ai déjà dit. J'ai dit que le 9 janvier, la Republika Srpska avait
12 été créée sur papier. Au début, elle n'existait pas, c'est-à-dire elle ne
13 fonctionnait pas jusqu'au début de la guerre. Les Musulmans et les Croates
14 ne participaient pas à cet Etat qui était créé sur papier. Il n'y avait pas
15 de territoire. Il n'y avait rien. C'était simplement une proclamation sur
16 papier.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Les choses se sont développées,
18 les choses ont commencé à survenir. Il n'y avait pas de territoire, certes,
19 mais il y a eu un territoire -- il y a eu une assemblée. Quelles mesures
20 ont été prises par les Musulmans et les Croates pour participer ? De quelle
21 façon étaient-ils représentés dans ces nouveaux organes établis par la
22 Republika Srpska ?
23 R. J'ai plusieurs exemples à l'appui du fait que nous avons essayé, nous
24 avons tout tenté. M. Kupresanin avait invité un Musulman, un député, de
25 venir à l'assemblée. Il était venu à Banja Luka. Le contact qu'il avait
26 était avec Karadzic au téléphone. Vous avez même l'écoute électronique ici.
27 Il a dit : Permettez-lui de venir dans l'assemblée. Tu es de Banja Luka. Tu
28 proviens de l'ancienne assemblée, donc tu devrais venir. Ce dernier avait
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1 accepté, mais il a renoncé plus tard. Les députés, c'est-à-dire du SDA et
2 du HDZ, n'ont pas voulu entrer dans cette "fausse" assemblée de la
3 Republika Srpska parce que pendant la guerre, veut, veut pas, il s'agissait
4 quand même d'une assemblée exclusivement serbe. Je parle bien sûr du
5 gouvernement au niveau de la Republika Srpska, pour répondre à votre
6 question, n'est-ce pas. Pour vous parler du niveau municipal, Monsieur le
7 Président, à ce niveau-là, il y avait, par exemple, à Banja Luka, une
8 partie quand même assez minimale. Il y avait un peu de Musulmans, mais au
9 début, alors qu'après, il n'y en avait plus, comme de l'autre côté
10 également.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais dans certaines municipalités
12 dans lesquelles les Musulmans étaient en majorité, telle que Prijedor, pour
13 citer un exemple, que s'est-il passé là concernant le droit des Musulmans
14 et des Croates ?
15 R. Vous avez vu ici la déclaration de M. Srdic, qu'ils ont tout fait seul,
16 que nous n'avions pas de contact avec Prijedor jusqu'à la fin de juin, car
17 il n'y avait pas de communication avec eux. Mais qu'est-ce qui a été fait ?
18 Sans guerre, la partie serbe s'est emparée de la municipalité, et par la
19 suite, ils ont commencé à se bagarrer. La guerre a commencé, et par la
20 suite, l'assemblée au début ne fonctionnait pas. Ils avaient une cellule de
21 Crise ou une présidence. C'est ce que j'ai appris plus tard.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais vous nous avez dit que les
23 assemblées serbes devaient être créées dans les municipalités. Il y avait,
24 comme vous nous avez dit, un instrument qui servait à exprimer le point de
25 vue des Serbes sur les questions d'importance vitale et non pas des
26 questions qui ont trait aux décisions. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est
27 passé par la suite à ces assemblées serbes ? Est-ce qu'à une étape
28 ultérieure, non pas nécessairement en 1992, mais est-ce que ces dernières
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1 fonctionnaient ? Est-ce que l'assemblée a joué un rôle en tant
2 qu'assemblée ?
3 R. Vous pensez de la période pendant la guerre, Monsieur le Président ? Je
4 ne vous ai pas très bien compris. Enfin, je n'ai pas très bien compris le
5 moment précis.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que ces assemblées serbes
7 avaient été créées. Nous savons très bien que les cellules de Crise
8 existaient. Nous en avons entendu parler. Nous avons entendu parler des
9 présidences de Guerre, des commissions de guerre, mais que s'est-il passé
10 exactement avec ces assemblées serbes ? Ont-elles jamais fonctionné en tant
11 qu'assemblée plus tard ?
12 R. Dans une phase ultérieure, oui. Dans la plupart des municipalités, oui,
13 ou presque dans toute municipalité, jusqu'à la fin de 1992, elles
14 fonctionnaient; c'étaient des organes de pouvoir, les conseils exécutifs et
15 les assemblées municipales qui étaient composées de Serbes, effectivement,
16 et ce pendant la guerre, oui. C'est-à-dire que les assemblées
17 fonctionnaient, mais à plusieurs endroits, il n'y avait plus de commissions
18 ou de commissaires.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plus tard, est-ce qu'on a permis aux
20 personnes d'être représentées dans ces instances représentatives ou à
21 l'assemblée ? Est-ce qu'on a permis aux Musulmans et aux Croates qui
22 devaient rester sur le territoire dans lequel se trouvaient ces
23 municipalités, étaient-ils représentés ?
24 R. Je ne peux pas vous répondre avec précision. Il me serait tout à fait
25 impossible de vous donner une réponse juste. Je peux seulement vous parler
26 de mon opinion personnelle. Je sais que nous aurions été très heureux que
27 les Musulmans de ces territoires se présentent à la municipalité. Nous
28 aurions voulu qu'ils se présentent dans les municipalités pour dire : Nous
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1 avons également des assemblées mixtes, tout comme à Sarajevo, et ils ont
2 montré qu'il ne s'agissait pas simplement d'instances purement musulmanes.
3 Mais cela ne s'est pas déroulé ainsi, et même ceux qui se trouvaient à
4 l'intérieur de la municipalité partaient, alors que la majorité absolue
5 était serbe. Mais la politique préconisait, si nous n'examinions que la
6 politique, on aurait dit oui, vous auriez été les bienvenus. Mais il est
7 tout à fait vrai que nous aurions été très heureux de voir que les autres
8 députés qui se trouvaient dans la l'assemblée municipale aient été
9 représentés. Je crois que c'était dans peu de municipalités en fait, tout
10 comme la situation se répétait également chez les Croates et les Musulmans.
11 Mais ici, bien sûr que l'on ne parle que des Serbes.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'est-il pas exact de dire que le droit
13 constitutionnel garantissait que l'on soit représenté à un niveau local ?
14 R. Vous avez tout à fait raison. Nous avions une constitution des plus
15 démocratiques. Mais la guerre avait déjà éclaté, et ce n'était qu'une
16 utopie en fait. Il était absolument impossible de mettre en œuvre les
17 dispositions de la constitution. Après la guerre, oui, certes que nous
18 avons procédé de la sorte, mais avant la guerre, non, c'était impossible.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, chaque personne avait le droit
20 d'être représentée directement ? C'est-à-dire, le droit d'être représenté
21 au sein des entités ou des instances représentatives était un droit qui
22 existait ? Est-ce que c'est ce que vous dites ?
23 R. D'abord, je dois vous dire qu'on n'avait pas le choix pendant la
24 guerre. Il n'y avait que des anciens députés de 1990. Ces derniers
25 n'étaient pas représentés au Parlement. Ils ne voulaient pas, pour la
26 plupart, rester au Parlement. Ils sortaient du Parlement là où il y avait
27 la Republika Srpska. Mais, ils auraient été acceptés certainement s'ils
28 avaient voulu entrer dans le parlement municipal, tout comme au Parlement
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1 républicain d'ailleurs.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Outre la conversation téléphonique à
3 laquelle vous avez fait illusion il y a quelques instants, par M.
4 Kupresanin, une initiative a-t-elle été prise pour faire en sorte que les
5 Musulmans et les Croates aient plus de droits que ce que vous nous avez
6 expliqué ou ce qui figure dans cette lettre ?
7 R. Nous avons tenté de protéger les gens selon les conventions de Genève
8 pour la plupart. Car lorsqu'il s'agit de la vie politique, une très large
9 partie du temps était destinée ou consacrée au fonctionnement des cellules
10 de Crise et des commissions. Au moment où les assemblées avaient commencé
11 leur travail, c'était déjà vers la mi-1992, ou peut-être au cours du
12 dernier quart de 1992. Donc, il était un peu difficile de parler de quelque
13 chose de très productif. Il était déjà devenu assez impossible d'inclure
14 les Musulmans au sein des autorités musulmanes, même si la porte était déjà
15 ouverte. Les gens partaient. Les Serbes mêmes s'en allaient, non pas
16 seulement les Musulmans et les Croates.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit : "Plus a été fait -- vous
18 avez consacré plutôt vos efforts à protéger les gens selon les conventions
19 de Genève."
20 Si je me souviens bien, des crimes de guerre commis à l'endroit des
21 Serbes avaient fait l'objet d'une enquête, n'est-ce pas ?
22 R. Non, Monsieur le Président. Non, ces crimes n'avaient jamais été
23 enquêtés, même si une commission avait été créée. Il aurait fallu procéder
24 à des enquêtes, même si du côté des Musulmans on avait formé des
25 commissions. Mais en réalité, on recueillait des données, des informations,
26 alors qu'en réalité c'était la guerre. Je ne sais pas si on a formé quelque
27 chose au niveau central, je ne le sais pas. Mais pour ce qui est du niveau
28 municipal, je ne le sais pas, je ne me souviens pas. Mais il n'y a pas,
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1 selon moi, eu une commission d'enquête contre les crimes de guerre commis à
2 l'encontre des Serbes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'une commission avait
4 été établie pour enquêter sur les crimes de guerre commis à l'endroit des
5 Serbes. Est-ce que des initiatives similaires avaient été prises pour mener
6 des enquêtes relatives aux violations des conventions de Genève, et ce à
7 l'endroit d'une population non-serbe ?
8 R. A plusieurs reprises, nous avions reçu pour ordre de faire des
9 enquêtes, de voir qui en est le responsable, et de sanctionner les
10 coupables. Je sais que cela existait sur papier, mais je ne sais pas de
11 quelle façon est-ce qu'on essayait de mettre en œuvre ou d'appliquer tout
12 ceci sur le terrain dans la réalité.
13 La charge était énorme. Les pressions étaient énormes. Mais le but
14 n'était pas de violer les conventions de Genève.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel était ce poids, cette pression
16 énorme dont vous avez parlé ? Pourriez-vous élaborer, je vous prie.
17 R. Voyez-vous, s'il y a des négociations en cours et si, par exemple, vous
18 êtes constamment accusé de quelque chose - et je vous parle de choses outre
19 les crimes qui ne sont pas permis - mais il est tout à fait normal que vous
20 essaierez d'enquêter sur la chose pour voir ce qu'il en est. Puisque
21 politiquement parlant, ce n'est pas du tout utile, outre le fait que c'est
22 une obligation. Mais comment est-ce que l'on peut estimer qu'une telle
23 chose pourrait être utile si on accuse les gens de viols, de pillages, et
24 cetera ? Si vous voulez résoudre une situation de façon politique, à ce
25 moment-là, cela aurait été sous pression, et beaucoup plus si cela est fait
26 par des criminels qui font cela au nom des Serbes. Pourquoi est-ce que nous
27 protégerions les criminels ? Il n'y a absolument aucune raison pour faire
28 cela.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Canivell vous a posé une
2 question un peu plus tôt. Il voulait savoir, pour vous, avec quel sérieux
3 est-ce que vous avez pris ce qui était déclaré dans les médias, qui
4 blâmaient toujours les Serbes. Vous avez répondu : Bien, ils parlaient de
5 tombeaux avec des croix, et cetera, et ils disaient que c'est tous les
6 Musulmans qui étaient tués, alors que les Musulmans, nous savons très bien,
7 n'ont pas de croix sur leurs tombeaux. C'était la réponse que vous lui avez
8 donnée. Est-ce que vous avez également vu ou eu une information qui n'était
9 pas si évidente, qui n'était pas reconnaissable de façon si claire. En
10 d'autres mots, est-ce que vous avez vu des informations qui étaient
11 complètement ridicules ?
12 R. J'ai cité cet exemple-ci pour démontrer le niveau de non confiance qui
13 existait au sein des médias internationaux.
14 Nous avions reçu une déclaration. Le ministre de l'information avait
15 emmené tous les journalistes qui avaient écrit contre nous pour voir que
16 les choses ne sont pas exactes. Il a emmené une délégation de journalistes.
17 Il avait convoqué une conférence de presse dans ce Prijedor, et ses
18 impressions étaient tout à fait différentes après cela, alors que lorsqu'il
19 est arrivé, ce n'était pas la même chose. Maintenant ces journalistes de
20 tous les médias qui sont venus sur place, il les avait envoyés là-bas. Il a
21 tenu une conférence de presse et il a dit : Ecrivez ce que vous voyez, mais
22 sans censure, je vous prie. Tout ce que j'ai pu faire, c'est de lui croire.
23 Je n'avais que deux choix : de lui croire ou de ne pas lui croire. Mais si
24 je ne croyais pas, il aurait fallu que je me rende sur place pour vérifier.
25 J'aurais obtenu l'information, même si ce n'est pas mon travail, mais le
26 sien.
27 M. Bozanic également s'est rendu sur place. La dame aussi, qui est
28 venue témoigner ici, elle avait également emmené un journaliste sur place.
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1 C'est ce que nous avions pu faire, voir si les journalistes avaient raison
2 lorsqu'ils écrivent les différents articles ou est-ce que la situation
3 était tout autre. C'est tout ce que j'ai pu faire. Je ne sais pas de quelle
4 façon est-ce j'aurais pu procéder autrement. J'aurais pu me transformer en
5 voyageur qui suit constamment des délégations pour voir si tout est vrai.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parmi les faits sur lesquels nous sommes
7 en accord, nous avons des éléments de preuve démontrant une situation de
8 malnutrition grave dans certains lieux de détention. Est-ce qu'il ne vous
9 est jamais arrivé de voir à la télévision, par exemple, des images
10 diffusées à l'époque ? Je ne sais pas si vous les auriez vues, soit
11 directement à la télévision ou si vous avez vu des photographies de
12 personnes qui souffraient de mauvaise nutrition et qui visiblement
13 souffraient de malnutrition.
14 R. Monsieur le Président, si vous citez l'exemple de Prijedor, je vous
15 prierais d'examiner un film tourné par un journaliste qui explique comment
16 le tout a été truqué. Je vous demanderais de demander à la Défense de
17 trouver ma cassette que j'ai emmenée. Le journaliste dit : Regardez comment
18 tout ceci est truqué. Ensuite, vous vous retrouvez dans un dilemme. Vous
19 demandez qu'est-ce que la vérité. Je demanderais à la Défense de trouver la
20 cassette que je lui ai remise, dans laquelle ce témoin explique à quel
21 point tout est truqué.
22 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'y avais pensé
23 justement lorsque vous avez posé la question, je crois qu'il aurait fallu
24 être un peu plus spécifique. Mais j'ai voulu attendre pour voir si M.
25 Krajisnik allait répondre de façon plus spécifique. Il est tout à fait
26 clair que M. Krajisnik ne vous a pas répondu directement à votre question.
27 Donc, pouvez-vous être un peu plus précis, Monsieur le Président, lorsqu'il
28 s'agit de cette émission diffusée à la télévision.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est une image assez
2 connue. Je crois que cela fait partie des éléments de preuve. Il s'agit
3 d'un homme qui se trouve derrière un barbelé.
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, oui, je la vois. Je l'ai dans l'esprit,
5 effectivement. Mais M. Krajisnik a répondu en posant une question relative
6 à la confirmation de ce que l'on est en train de parler.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en fait. J'ai oublié quelle est la
8 cote de cette pièce qui se trouve au dossier, mais il s'agit bien de
9 l'homme qui se tient debout derrière un fil barbelé. Il semblerait que M.
10 Krajisnik opine du chef; il sait de quoi je parle.
11 Monsieur Krajisnik, outre le fait que vous disiez que c'était truqué,
12 l'état, la malnutrition qui existait - je ne parle pas de la personne qui
13 se trouvait derrière le fil barbelé ou non; je ne parle plus de cette
14 personne, mais je parle d'indices visibles, de traces de mauvaise nutrition
15 sur cette personne. Est-ce que vous estimez également qu'il s'agissait de
16 photos truquées ?
17 R. Je n'ai pas vu ce film à l'époque. Cela a été rediffusé par la suite,
18 et je me suis intéressé à la chose pour voir de quoi il s'agissait, et je
19 l'ai vu. Je ne sais pas pourquoi il était comme cela. Le fait d'être maigre
20 à ce point veut probablement dire qu'il n'a pas mangé suffisamment. Mais je
21 n'en savais rien du tout à l'époque. On m'avait communiqué le film, et on
22 m'a dit qu'il n'était pas l'intérieur des barbelés, mais à l'extérieur. Je
23 ne sais vraiment pas vous dire si c'est vrai ou pas. Je ne sais pas vous
24 dire non plus pourquoi il présente ainsi. Je ne sais pas s'il a été en
25 prison et mal nourri ou s'il est malade tout simplement. Je ne sais pas. Je
26 l'ai vu ultérieurement. L'image de ces hommes, on l'a reprise à la
27 télévision à plusieurs reprises, mais à l'époque, je ne l'avais pas vue. Je
28 ne sais pas du tout pourquoi il est comme cela, cet homme. Il serait peut-
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1 être bon de voir ce film, pour voir la même chose que j'ai vue à la
2 cassette. Je ne sais pas du tout vous dire si c'est exact ou pas.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis pas vraiment intéressé à
4 savoir si cela était truqué ou non. Ce qui m'intéresse plutôt, c'est la
5 malnutrition en tant que telle.
6 Mais passons à autre chose plutôt, Monsieur Krajisnik.
7 R. Monsieur le Président, excusez-moi, s'il vous plaît. A côté de lui, il
8 y a dix hommes qui ont l'air d'être tout à fait bien nourris. Il n'y a que
9 lui à être maigre. Alors, si on ne voyait que l'image de cet homme, oui.
10 Mais à côté de lui, il y a des hommes encore à côté de la prison, et on se
11 pose la question. Il y a un dilemme : pourquoi lui serait mal nourri et les
12 autres ont une apparence normale ? Justement, je me suis repenché sur la
13 cassette. Vous pouvez prêter attention, à côté de lui, tous les autres ont
14 l'air d'être tout à fait normaux.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons quand même à autre chose, un
16 point qui a quand même avoir avec ce que nous venons d'invoquer
17 précédemment. Il s'agit du fonctionnement de l'appareil judiciaire. Dans
18 quelle mesure étiez-vous impliqué dans la création de la branche
19 judiciaire ?
20 R. Le ministre de la Justice a eu du mal à rassembler ses effectifs. Il
21 n'y a eu que peu de juristes à pouvoir être juges, et il s'est adressé au
22 gouvernement pour que la question soit débattue. Ils ont soumis les
23 propositions au président de la présidence pour signature et cela allait
24 ensuite au Parlement. Vous avez tout un jeu de nominations avant le 11 août
25 qui ont été signées par Karadzic et qui ont été publiées à la Gazette
26 officielle de façon directe. Mais, ensuite, au Parlement, il y a eu des
27 modifications, parce que des députés ont eu des observations, des remarques
28 à formuler au sujet de certaines personnalités. Malheureusement, Karadzic a
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1 signé bon nombre de documents pour des Croates et des Musulmans. A
2 l'assemblée, il y a eu une terrible résistance à ce sujet et ils ont même
3 rayé de la liste même des Monténégrins qui, au niveau local, étaient allés
4 débattre si un tel devait devenir juge ou pas.
5 Karadzic, à cette session, a dit que c'était très préjudiciable et il
6 a dit : Comment veut-on bâtir ou édifier un état de droit sur ces
7 fondements-là ? Vous verrez le PV où il dit au sujet des nominations qu'il
8 a effectuées et qui ont été annulées par la suite. Je n'ai décidé au sujet
9 d'aucun cadre. C'est ainsi que les décisions se sont faites.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'est-il arrivé aux personnes qui
11 appartenaient à l'appareil judiciaire qui était en état avant la guerre ?
12 R. Croyez-moi bien que je n'en sais rien. La plupart devaient être restée,
13 à moins que certains ne soient partis. Je ne sais pas trop, mais je sais
14 que lui avait un grand problème au niveau des effectifs parce qu'il n'y
15 avait pas assez de juristes, il n'avait pas de quoi à nommer des juges. On
16 lui a dit : Choisis. Mais, il n'avait pas un grand choix. Je sais que le
17 problème s'était posé. Cela existe dans un PV. On avait des juges qui sont
18 devenus juges et qui ont quitté leur poste par la suite.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous exprimé de vive voix votre
20 opinion quand l'assemblée a refusé certaines nominations ?
21 R. A l'occasion des nominations, je dirais que nous avons eu une réunion
22 consultative et nous avons été très satisfaits de celle-ci, parce que face
23 à l'opinion internationale, vous ne pouvez pas faire figure d'état
24 démocratique si vous avez quelque chose contre. Peut-être était-ce des
25 mauvais cadres, ces Musulmans et Croates, mais il fallait y en avoir, il
26 fallait qu'on en ait en tant que juges. Les situations du débat en temps de
27 guerre ont fait que les députés ont décidé les débats ont duré longtemps et
28 il y a eu mise aux voix et on a biffé certains noms.
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1 Je ne devrais pas dire pourquoi ceci ou cela. On a essayé -- j'ai
2 essayé dans les débats de faire relâcher prise pour que certains cadres
3 restent en place, quoique je n'en aie pas connu un seul, mais je voulais
4 dire que sur un plan politique, qu'il était justifié et non pas seulement
5 sur un plan politique, mais sur un plan humain, il était justifié de garder
6 certains cadres à ces postes-là. Je dirais que politiquement on en avait
7 besoin.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire dans quel PV ou
9 dans quelles notes sténographiques des réunions de l'assemblée on peut
10 trouver confirmation de la façon dont vous avez organisé les discussions et
11 mené les débats pour être sûr que ces personnes nommées soient protégées ?
12 R. Je vais vous dire le 11 août, il y a eu une proposition visant à faire
13 approuver par les députés la nomination de
14 M. Karadzic. Il y avait un grand nombre de Croates et Musulmans. Avant
15 cela, j'étais d'accord pour que la chose soit entérinée. Puis, il y a eu
16 des débats, et Karadzic avait défendu sa proposition. Il était intervenu;
17 Koljevic aussi. Vous pouvez retrouver cela dans le procès-verbal. A partir
18 du moment où cela a été proposé au niveau du Parlement, c'est que je l'aie
19 épaulé. Cela me semblait normal. Il se peut que ce soit le 11 ou le 12
20 août, excusez-moi. Je crois que c'est l'une de ces deux dates.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vérifier cela dans la soirée et
22 je vais voir si je peux le retrouver.
23 R. Si vous le voulez, je peux vous l'apporter demain. Je vais vous
24 apporter exactement quelles ont été les nominations.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Précédemment, dans d'autres occasions --
26 parce que je vous ai déjà posé des questions sur le sort de ces juges qui
27 étaient en exercice avant la guerre. Je vous ai demandé si cela avait été
28 débattu. Vous m'avez dit : Je ne sais pas du tout où ils sont allés. Vous
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1 avez parlé ensuite des nouvelles nominations.
2 R. Bon nombre de ces gens-là avaient été déjà juges auparavant, parmi ces
3 quatre. Je ne sais pas exactement quelles ont été leurs fonctions précises,
4 mais ils devaient tous avoir eu des examens de réussis au niveau du
5 judiciaire.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'on ne s'est pas bien
7 compris. Je vous ai demandé si on avait débattu du sort de ces juges qui
8 étaient en exercice avant la guerre et qui peut-être ne l'étaient plus
9 après la guerre.
10 R. Je ne voulais m'impliquer dans la question. C'était de la compétence du
11 ministre et du ministère, mais il n'est pas facile d'être juge pendant la
12 guerre, parce que tout un chacun pouvait venir avec un fusil à la main et
13 faire justice lui-même. Je crois que cela relevait des compétences
14 exclusives du ministre. Il a pioché dans le terrain vague pour -- dans la
15 province, dans la campagne, pour compléter les rangs.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai déjà demandé si vous
17 exprimiez votre opinion en ce qui concerne les nouvelles nominations. Mais
18 le 21 juillet 1992, quand M. Lukic, qui était le député de Vlasenica à
19 l'assemblée des Serbes de Bosnie, quand il a demandé pourquoi tous les
20 juges musulmans étaient chassés de Vlasenica, Bratunac et Zvornik, je
21 voudrais savoir si vous avez fait des commentaires à ce propos ?
22 R. Je ne sais pas de quel Lukic de Vlasenica vous parlez. C'est peut-être
23 Dukic que vous vouliez dire ?
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me suis peut-être trompé. Il s'agit,
25 en effet, de Rajko Dukic, et non pas Lukic.
26 R. Mais, Monsieur le Président, non le 25 juillet, ce que je sais, c'est
27 que nous avons été soumis à de très fortes pressions pour ce qui est
28 d'aller au plus vite à la Conférence de Londres. Je pense même que je n'aie
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1 même pas dirigé les travaux d'une partie de cette session. C'est M.
2 Milanovic qui a continué parce que le président, lui, a dû partir pour la
3 Conférence de Londres, vu que tout était subordonné à cette dernière.
4 Je sais qu'au mois de juillet, nous sommes allés deux fois à Londres.
5 Je n'arrive pas à me souvenir de tout ce qui s'est passé. Je ne pourrais
6 pas commenter davantage parce que je crois que je discuterais dans
7 l'incertain. Je serais dans l'incertain. Il y a eu, bien sûr, des
8 propositions de toutes sortes. Il y a eu des interventions de la part des
9 uns et des autres. On avait le droit de dire ce qu'on pensait, mais moi, je
10 m'y mélange. Je pouvais peut-être faire en sorte que les choses aillent de
11 travers. Pour moi, l'essentiel c'était d'aboutir à une décision correcte au
12 plus tôt, rien d'autre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour aller plus en détail à propos du
14 fonctionnement de la branche judiciaire, nous avons entendu la déposition
15 de M. Mandic, qui a dit qu'il était en faveur d'une fusion, si je puis
16 dire, des organes judiciaires militaires avec les organes de même nature
17 mais civils. Vous vous souvenez de cette déposition ?
18 R. Je m'en souviens.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il nous a dit qu'il avait parlé de la
20 chose avec vous. Vous corroborez ces dires ?
21 R. Non, je vous ai bien montré ici que j'avais présenté cela au Parlement,
22 l'armée était contre et elle a fait enlever cela de l'ordre du jour. Mais,
23 ce n'est pas lui qui s'est entretenu -- il est allé voir le gouvernement
24 d'abord, et il est venu me voir. Une fois la proposition venue de la part
25 du gouvernement, cela a été présenté au Parlement. J'ai compris qu'il
26 fallait que cela se fasse, mais l'état-major était contre, et ils ont fait
27 en sorte que ce soit biffé de l'ordre du jour. Ils n'ont pas accepté qu'il
28 y ait cette jonction-là. La santé également devait être adjointe à tout
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1 ceci, et cela n'a pas été accepté par les députés.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez dit : Ils ont réussi à ce
3 que ce soit ôté de l'ordre du jour. Comment est-ce qu'ils ont réussi à
4 faire cela ? Quelle était la compétence qu'avait l'organe militaire pour
5 arriver à ôter ce point de l'ordre du jour ?
6 R. Les militaires n'avaient pas le droit de le faire, mais la partie
7 concernée, à savoir, la partie qui a proposé, à savoir, le tribunal
8 militaire, et le ministère public -- le ministère -- enfin le procureur
9 militaire sont concernés. Quand il y a cette problématique, ils viennent,
10 ils se déplacent, ils défendent leur position et fournissent leur opinion.
11 Le gouvernement fait de même. Il s'est conduit un débat contradictoire, et
12 au final on a trouvé une solution médiane qui était celle de l'enlever de
13 l'ordre du jour en attendant que le gouvernement et l'état-major ne
14 trouvent une solution concertée.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui a trouvé cette solution ? Qui a pris
16 la décision en fin de compte ?
17 R. C'est au travers du débat qu'on est arrivé à cette solution, tout
18 simplement. On a estimé que c'était la meilleure des solutions. Je ne sais
19 pas vous dire qui exactement, mais c'est la solution qui a été adoptée, à
20 savoir, de ne pas prendre de décision pour qu'il n'y ait pas de conflit
21 parce que l'état-major était absolument contre et le gouvernement, lui,
22 était favorable à une autre proposition. Alors, il y aurait pu y avoir mis
23 en minorité systématique, chose qui n'aurait pas été une bonne solution.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai compris que le gouvernement et
25 l'état-major, visiblement, avaient des opinions divergentes, mais qui, en
26 fin de compte, a pris la décision ? Qui avait la compétence ? Qui avait le
27 droit de prendre cette décision, et donc de repousser cela aux calendes
28 grecques ?
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1 R. Le Parlement pouvait tomber d'accord ou pas, alors si vous proposiez,
2 il faut qu'il y ait concertation des positions entre les intéressés. Il
3 faut qu'il y ait des arguments d'avancés sans mettre en minorité au
4 préalable. On leur dit : coordonnez vos positions et ne venez pas devant
5 nous pour nous demander d'arbitrer parce que nous ne sommes pas là pour
6 cela. On pourrait être les supporters des uns ou des autres.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, c'est ce "nous" qui
8 n'est pas très clair. J'aimerais bien savoir qui, donc, est ce "nous". Le
9 fait que l'on a retardé la prise de décision, est-ce qu'il y a eu vote à ce
10 propos; sinon, qui a pris cette décision ?
11 R. Monsieur le Président, si le président du Parlement préside aux
12 travaux, et s'il y a une proposition émanant d'une partie, et si vous avez
13 une autre partie qui s'y oppose, il y a un débat qui s'en suit. Si vous en
14 arrivez à une situation où sans les arguments qu'il faut, vous procédez à
15 une mise aux voix, les arguments se doivent d'être clairs. Il faut que la
16 situation soit trouvée.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je tiens à vous
18 arrêter ici. Je vais peut-être vous poser peut-être la question plus
19 directement. Avez-vous décidé, vous-même, que ce serait rayé de l'ordre du
20 jour ? Est-ce que cela tombait dans votre domaine de compétence ?
21 R. Non, je n'en ai pas les compétences, mais j'aurais pu proposer et leur
22 dire : Etes-vous d'accord que cela soit remis à plus tard ? Si le Parlement
23 n'est pas d'accord, c'est une chose, et s'il est d'accord, c'est d'autre
24 chose.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y a-t-il eu vote, ou est-ce que
26 vous avez juste dit : Bien, nous allons remettre cela à plus tard.
27 R. Si j'étais contre, Monsieur le Président, je ne l'aurais pas mis à
28 l'ordre du jour. Pourquoi l'aurais-je mis à l'ordre du jour du tout, pour
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1 le reporter à plus tard ?
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais j'essaie juste de savoir qui a
3 pris la décision de remettre ce point à plus tard. J'ai bien compris que
4 c'est vous, enfin.
5 R. Ce n'est pas moi qui ai pris la décision.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai bien compris. Vous avez dit : Bien
7 sûr, je ne pouvais pas le faire de mon propre chef, mais je pouvais
8 proposer, je pouvais suggérer que cela soit remis à plus tard. Et c'est ce
9 que vous avez fait; vous avez suggéré que ce soit remis à plus tard.
10 R. Exactement. C'est probablement comme cela que j'ai fait.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 R. Au bout d'un long débat où les intérêts étaient confrontés les uns aux
13 autres.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce M. Mandic, avant ou après ce jour
15 dont nous parlons, a-t-il fait part de ce point à la présidence ?
16 R. Je ne m'en souviens pas. Il se peut que cela ait été au Parlement ou au
17 gouvernement, mais il n'y a pas eu de position de prise. Mais, au juste, je
18 ne m'en souviens pas très bien. Le problème, ce n'était pas le fait de voir
19 le Procureur -- enfin, le ministère public et la justice, chacun de leur
20 côté. Ils pouvaient bien fonctionner de façon distincte, séparément; séparé
21 l'un de l'autre. Pourquoi pas ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Mandic a aussi déposé en nous disant
23 qu'il vous avait informé très précisément de tout ce qu'il savait, y
24 compris les irrégularités et les traitements inhumains qu'avaient subi
25 certaines personnes dans les centres de détention. Pouvez-vous le
26 confirmer, ou…
27 R. Non, ce n'est pas ce qu'il a dit. Il avait dit, d'abord, puis après il
28 s'est repris pour dire seulement pour Sarajevo. Vous pouvez retrouver le
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1 passage où il a été interrogé par M. Stewart. Je ne l'ai informé qu'au
2 sujet de Kula, parce que lui ne savait pas du tout ce qui se passait à
3 l'extérieur de Sarajevo. Je sais exactement ce qu'il a dit, et je sais
4 qu'il ne m'a pas informé parce qu'il ne savait tout simplement pas le même.
5 S'il l'avait su, il n'aurait pas envoyé une commission là-bas. Vous pourrez
6 retrouver cela au procès-verbal et vous verrez bien qu'il en était ainsi.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'horloge, Monsieur
8 Krajisnik, et le temps. Je ne peux pas transgresser l'heure. Je l'ai fait
9 trop souvent et il faut maintenant que nous suivions bien la pendule. Nous
10 allons lever la séance et nous reprendrons demains à 2 heures et quart dans
11 ce prétoire.
12 Merci.
13 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mercredi, 21
14 juin 2006, à 14 heures 15.
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