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1 Le jeudi 31 août 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 37.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon après-midi à tous. Monsieur le
6 Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
8 de l'affaire IT-00-39-T, l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Il y a quelques
10 questions que je souhaite traiter rapidement. La première concerne ce qui
11 suit : Monsieur Tieger, est-ce que vous souhaitez faire des observations,
12 nous faire part de vos préoccupations à propos de l'utilisation de
13 l'article 94 [comme interprété] bis ? Si tel est le cas, je vous
14 demanderais de bien vouloir le faire à la fin de l'audience, mais pas avant
15 la déclaration de M. Krajisnik, mais à la fin de vos arguments, lorsque
16 vous allez présenter vos arguments supplémentaires.
17 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est comme cela que je l'ai compris M.
18 Josse.
19 M. JOSSE : [interprétation] Je vous tiendrai au courant et vous dirai où
20 nous en sommes au fil du déroulement de l'audience.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Il ne faut pas tout mélanger.
22 Les questions de procédure, et le fait d'entendre la déclaration de M.
23 Krajisnik, c'est autre chose.
24 Je crois que la parole revient à l'Accusation. Ce sont vos derniers
25 arguments, et votre dernier tour.
26 M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour ce qui est
27 des questions qui ont été posées à l'Accusation par les Juges de la
28 Chambre, M. Gaynor va présenter les arguments de l'Accusation.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Gaynor.
2 M. GAYNOR : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
3 La première question que vous nous avez posée est celle-ci : A
4 supposer que nous, le bureau du Procureur, avons prouvé ce que nous avons
5 dit avoir prouvé, pourquoi une condamnation dans ce cas se fondant sur à la
6 fois l'idée de l'incitation à commettre et le fait à encourager et aider à
7 encourager serait un résultat approprié ?
8 Il y a deux questions dans la question qui a été posée par les Juges
9 de la Chambre, et je vais répondre à ces deux questions rapidement.
10 La première question, à propos de chaque -- sur chaque chef d'Accusation,
11 la Chambre peut conclure qu'il y a eu incitation, le fait d'aider et
12 encourager eu égard à ces actes. La jurisprudence du Tribunal à cet égard
13 n'est pas encore fixée. Je vais vous demander de vous reporter, Messieurs
14 les Juges, aux opinions séparées de M. le Juge Schomburg et de M. le Juge
15 Shahabuddeen, qui sont présentées en annexe à l'arrêt Kamuhanda du 19
16 septembre 2005. M. Le Juge Schomburg suggère qu'une condamnation qui cite
17 une ou deux modes ou formes de responsabilités à propos du même chef
18 d'Accusation et compte tenu des mêmes actes peut constituer un cumul sans
19 que cela soit permissible.
20 M. le Juge Shahabuddeen, avec lequel était d'accord Mme le Juge
21 Weinberg de Roca, pense que de telles condamnations ne présentent pas un
22 cumul qui n'est pas permis. Le jugement ne reprend pas ces éléments en
23 profondeur.
24 Le deuxième point est de savoir s'il y a les deux éléments,
25 l'incitation et le fait d'aider et encourager, quel serait le résultat.
26 Ceci décrit bien le comportement criminel et l'intention de l'accusé dans
27 ce cas. Je vais parler de chaque mode de responsabilité séparément.
28 Je vais tout d'abord parler du fait d'aider et d'encourager. La
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1 jurisprudence du Tribunal reconnaît que le fait d'aider et d'encourager est
2 en général considéré comme comportant un degré de responsabilité pénale
3 moindre a contrario par rapport à la participation à l'entreprise
4 criminelle commune. Je souhaite vous reporter à l'arrêt Vasiljevic,
5 paragraphe 2(1) [comme interprété] et la décision rendue par la Chambre
6 d'appel dans l'affaire Milutinovic du 22 mai 2003, au paragraphe 20.
7 Celui qui aide et qui encourage et commet des actes qui aident,
8 encouragent ou apportent un soutien moral à celui qui commet le crime, et
9 cet appui a un effet important sur la commission du crime. L'élément mental
10 requis est la connaissance que les actes commis par celui qui aide et qui
11 encourage vient en aide ou assiste à la commission du crime.
12 Dans ce cas, M. Krajisnik a fait beaucoup plus que simplement fourni
13 son aide, encouragé, donné ou apporté son soutien moral. Un groupe de
14 personnes, y compris M. Krajisnik, ont agi de concert, ils ont planifié et
15 mis en place une campagne massive en vue de commettre des massacres dont le
16 but était de faire disparaître physiquement les Musulmans et les Croates du
17 territoire pris pour cible, y compris les crimes qui figurent à l'acte
18 d'accusation. L'ampleur de la campagne était-elle qu'elle ne pouvait pas
19 être menée par une seule personne, et par conséquent devait être l'œuvre de
20 plusieurs. La manière dont la culpabilité de l'accusé est décrite doit
21 refléter cette réalité. Krajisnik n'a pas agi seul; c'était un participant
22 tout à fait essentiel et central, donc, il serait inapproprié de
23 caractériser ces crimes comme étant des crimes de quelqu'un d'autre qui
24 l'aurait aidé et encouragé. Comme la Chambre d'appel l'a dit dans l'affaire
25 Tadic, la responsabilité au nom d'un objectif commun est "dictée non
26 seulement par l'objet et le but même du statut, mais c'est également requis
27 par la nature même d'un certain nombre de crimes internationaux qui sont
28 commis de façon assez souvent lorsqu'il y a guerre. La plupart du temps,
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1 ces crimes ne sont pas la conséquence de la propencité [phon] criminelle
2 d'aucun, mais sont des manifestations d'une criminalité collective. Les
3 crimes sont souvent commis par des groupes d'individus qui agissent parce
4 qu'ils ont un dessein criminel commun."
5 C'est l'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic au
6 paragraphe 1991 [comme interprété].
7 Je vais maintenant parler de l'incitation. L'incitation est le fait
8 d'inciter à compromettre encourage une personne à commettre un acte ou une
9 omission en toute connaissance de cause en sachant qu'un crime pourrait
10 être commis dans l'exécution de cette incitation. D'après notre argument,
11 les moyens de preuve suffisent à cet égard pour étayer une condamnation
12 pour incitation pour chaque chef d'Accusation dans ce cas. J'ajoute
13 simplement la situation faite lors de l'arrêt par la Chambre de l'appel
14 Gacumbitsi, le 7 juillet 2006, au paragraphe 61, se fondant sur les faits
15 dans cette affaire, mais sans doute sur une application d'ordre plus
16 général, l'incitation peut comporter un degré de gravité moindre comme mode
17 de responsabilité que le fait de commettre le crime. De même, l'incitation
18 est le reflet de la responsabilité de l'accusé qui aide et qui encourage,
19 l'incitation en revanche ne peut pas être le reflet de la participation
20 dans sa totalité de l'accusé aux crimes allégués.
21 Pour ce qui est de question 2, questions 2(A) et 2(B) dans les arguments
22 que j'ai présentés mardi, à la question 2(C) vous m'avez demandé si
23 l'accusé exerçait le contrôle effectif sur des personnes ou des groupes de
24 personnes ayant commis des crimes, et pourquoi n'avez-vous pas demandé à la
25 Chambre de déclarer que l'accusé est coupable conformément à l'article 7.3
26 du statut du Tribunal par rapport à ces crimes; aussi l'article 7.1 si on
27 insiste là-dessus, il s'agit d'ordonner la commission de ces crimes ? Je
28 vais parler de l'article 7.3 en premier lieu.
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1 Un point de clarification en premier lieu : des allégations conformément à
2 l'article 7.3 dans l'acte d'accusation n'ont pas été retirées et sont
3 toujours en l'état. Les éléments de preuve dans cette affaire étayent une
4 condamnation pour supérieur hiérarchique par rapport à chaque chef
5 d'Accusation. Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles nous
6 n'avons pas insisté sur le mode de responsabilité conformément au 7.3 dans
7 notre mémoire en clôture.
8 Comme vous le savez, certainement, Messieurs les Juges, la Chambre ne peut
9 pas condamner en vertu du 7.1 et du 7.3 pour un même comportement eu égard
10 à chaque chef d'Accusation, puisqu'à ce moment-là ce serait un cumul, ce
11 qui ne serait pas permis ou autorisé. Je vous renvois au paragraphe 92 de
12 l'arrêt Blaskic.
13 Il y a des exigences juridiques à la fois correspondant à l'article 7.1 et
14 7.3, les modes de responsabilité, une condamnation doit être faite en se
15 reportant à l'article 7(1) seulement. Il faut tenir compte de la
16 responsabilité en tant que supérieur hiérarchique comme un facteur
17 aggravant lorsque la Chambre décidera de la peine. Je me reporte ici à
18 l'arrêt en appel de Kvocka, paragraphe 101 [comme interprété] et de l'arrêt
19 en appel dans l'affaire Blaskic, paragraphe 91.
20 Il y a trois raisons pour lesquelles nous ne nous concentrerons pas sur
21 l'article 7.3, mode de responsabilité, dans notre mémoire en clôture.
22 Comme nous l'avons dit, l'accusé et Karadzic se trouvaient tout en
23 haut de la pyramide et de la campagne serbe aux fins de déplacer et chasser
24 la population non-serbe de ces territoires. Ils ont participé de façon
25 active à la mise en place et à l'exécution de cette campagne. Il serait une
26 description inexacte de responsabilité pénale que de condamner l'accusé en
27 tant que coauteur ou coarchitecte d'une campagne massive de grande
28 brutalité et de simplement le condamner pour des crimes qu'il avait
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1 l'intention de commettre. Ce serait minimiser de façon très importante la
2 participation de
3 M. Krajisnik dans les crimes allégués.
4 Deuxièmement, dans les arguments, nous disons que ceci ne tiendrait pas
5 compte des considérations élémentaires de la justice ni des Statuts eux-
6 mêmes qui tiennent pour responsables les personnes les plus responsables
7 des crimes commis en masse, de condamner un fantassin ou un policier qui a
8 commis un meurtre dans le cadre de la campagne pénale mise en œuvre par les
9 dirigeants serbes de Bosnie, conformément à l'article 7.1. C'est autre
10 chose que de condamner quelqu'un ou ceux qui ont été à l'origine de cette
11 campagne, conformément à l'article 7.3.
12 Troisièmement, l'acte d'accusation dans cette affaire n'allègue pas que
13 l'accusé avait la responsabilité de supérieur hiérarchique sur toutes les
14 forces qui ont commis les crimes dont le but était de déplacer par la force
15 les non-Serbes dans les territoires ciblés. Ceci dont ferait partie de la
16 responsabilité criminelle commune, mais ne serait pas visé par l'article
17 7.3 et une condamnation s'y rapportant. Une condamnation en vertu du 7.3,
18 par conséquent, d'après nous, n'illustre pas la responsabilité de l'accusé
19 des crimes commis ici, car il avait en réalité pour objectif la séparation
20 ethnique par la force et ceux qui ont travaillé avec lui, sur lesquels il
21 n'avait pas le contrôle effectif.
22 Pour ces trois raisons, nous estimons qu'une condamnation en vertu du 7.3,
23 sur aucun chef d'accusation, ne serait étayée par les éléments de preuve et
24 n'illustrerait pas suffisamment bien la participation réelle de l'accusé
25 dans les crimes allégués.
26 A la question 2(C), Messieurs les Juges, vous avez demandé pourquoi la
27 Chambre n'a pas déclaré l'accusé coupable pour avoir ordonné la commission
28 des crimes. Nous maintenons l'allégation dans l'acte d'accusation en vertu
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1 de quoi l'accusé est responsable pour avoir ordonné ces crimes. Ceci est
2 étayé par tous les éléments de preuve, eu égard à chaque chef d'accusation.
3 La proposition générale consisterait à dire que le fait d'ordonner
4 ces crimes serait un mode de responsabilité approprié. Dans cette affaire,
5 néanmoins, nous avons noté que nous n'avons pas allégué que l'accusé
6 exerçait une position d'autorité eu égard à certaines forces, et en
7 particulier, eu égard au personnel de la JNA, qui commettait des crimes
8 dans le but de réaliser l'objectif qui était la séparation ethnique par la
9 force avant la mise en place de la VRS, le 12 mai 1992. Les rapports qui
10 existaient entre la JNA et les dirigeants serbes de Bosnie avant la
11 création de la VRS étaient des rapports qui étaient bons, de coopération,
12 mais il ne s'agissait pas -- les uns et les autres ne se donnaient pas
13 d'ordres. La Chambre, en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires, peut
14 conclure que l'accusé n'est pas responsable pour avoir donné des ordres à
15 la JNA, mais qu'au lieu de cela, a agi en coopération avec la JNA au mois
16 d'octobre, aux fins de faire exécuter ce plan pénal. Ceci serait
17 parfaitement illustré par une condamnation en vertu de l'entreprise
18 criminelle commune.
19 Ensuite, la question 2(D), vous nous avez dit subsidiairement, et
20 notre utilisation des termes semble indiquer -- qu'il s'agisse du contrôle
21 effectif dans notre mémoire en clôture était censée alléguer que même si
22 l'accusé lui-même n'exerçait pas le contrôle effectif sur certaines
23 personnes ou groupes de personnes qui auraient commis les crimes, ici,
24 d'autres membres de la même entreprise criminelle commune dont l'accusé
25 était un membre exerçaient effectivement le contrôle effectif sur ces
26 personnes.
27 Il est exact de dire que les personnes qui faisaient partie de
28 l'entreprise criminelle commune comme Krajisnik avaient exercé un contrôle
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1 effectif sur certains groupes d'hommes. Par exemple, Kukanjac exerçait un
2 contrôle effectif sur les soldats de la JNA dans le 2e Secteur militaire.
3 Le mode de responsabilité exact qui reflèterait de façon juste la
4 responsabilité de l'accusé pour les crimes commis par la force sur les
5 membres de l'entreprise criminelle commune qui exerçaient un contrôle
6 effectif, d'après nous, il s'agit de l'entreprise criminelle commune. Si la
7 Chambre devait constater que l'accusé était un membre de l'entreprise
8 criminelle commune et qu'il y avait un noyau dur, il serait responsable
9 pour les actes de ses subordonnés et des autres membres de l'entreprise
10 criminelle commune, lorsqu'ils ont été commis conformément à cette
11 entreprise criminelle commune.
12 A la question 3, je ne vais pas vous lire l'ensemble de la question.
13 Messieurs les Juges, un numéro de référence dans notre mémoire en clôture,
14 par exemple, Plavsic, Koljevic et d'autres personnes comme Djeric étaient
15 plutôt marginaux, n'ont pas participé à cette entreprise criminelle commune
16 comme les autres. Certains avaient beaucoup moins contribué, beaucoup moins
17 participé, avaient beaucoup moins de pouvoirs, et ce, inversement à
18 certains membres du noyau dur qui portent la responsabilité de tous les
19 crimes commis. En d'autres termes, notre position est que si quelqu'un est
20 un membre de l'entreprise criminelle commune, cela ne signifie pas que
21 forcément chaque membre est responsable ou responsable au même titre pour
22 tous les crimes commis en application de cette entreprise criminelle
23 commune. Vous avez demandé quelles étaient nos sources qui nous permettent
24 d'étayer nos arguments.
25 A cet égard, à la question 3(A), notre réponse est de dire que chaque
26 membre de l'entreprise criminelle commune partageait l'intention de
27 réaliser cet objectif commun qui était celui de l'entreprise criminelle
28 commune et y a contribué et est pénalement responsable pour les crimes
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1 commis dans le but de réaliser cet objectif commun. Comme je l'ai dit dans
2 mes arguments un peu plus tôt, il n'y a pas d'exigences légales
3 particulières qui indiquent qu'un accusé doit avoir contribué de façon
4 substantielle à une entreprise criminelle commune. Pour étayer ceci, je
5 vais vous citer l'arrêt dans l'affaire Kvocka au paragraphe 93 -- le
6 paragraphe 97, en réalité.
7 D'après nous, certains participants de l'entreprise criminelle
8 commune ont participé davantage que d'autres. Ceci a été reconnu de façon
9 publique par l'Accusation dans l'exposé des faits présentés dans l'affaire
10 Plavsic et accepté par la Chambre dans cette affaire-là. Dans notre mémoire
11 en clôture, nous avons utilisé des termes comme "marginalisé", ou
12 "servile", ou "écarté"; ce sont des termes qui doivent être compris dans le
13 sens où certains individus ont été marginalisés ou écartés par rapport à ce
14 noyau dur que constituait l'équipe dirigeante des Serbes de Bosnie.
15 Certains participants ont moins participé à l'entreprise criminelle
16 commune, comme Djeric et Subotic. Néanmoins, ils ont participé de façon
17 importante, il est vrai. Mais le niveau de participation de l'accusé à
18 l'entreprise criminelle commune est un facteur qui pourrait être pris en
19 compte lorsqu'il s'agit de fixer la peine.
20 Nos sources sont le numéro 3, l'arrêt dans l'affaire Stakic, au
21 paragraphe 308 [comme interprété], où la Chambre d'appel, après avoir
22 constaté que Stakic était un membre et participant à l'entreprise
23 criminelle commune, a poursuivi pour dire que son rôle dans la commission
24 des crimes par rapport à l'objectif commun sous-jacent était minime.
25 Dans l'arrêt Kvocka, la Chambre d'appel a analysé la participation de
26 chaque individu, de chaque accusé qui a participé à l'entreprise criminelle
27 commune lorsqu'il s'agissait de faire fonctionner le camp d'Omarska pour
28 déterminer la peine.
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1 Dans l'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans l'affaire Babic, au
2 paragraphe 4 [comme interprété], la Chambre a reconnu qu'une Chambre peut,
3 d'après son pouvoir discrétionnaire, évaluer la participation d'un accusé à
4 l'entreprise criminelle commune par rapport à la participation d'autres
5 membres, lorsqu'il s'agit de prononcer la peine.
6 Pour ce qui maintenant de la question 4, il s'agit de la JCE 2. Vous
7 faites remarquer qu'elle n'avait pas été traitée à l'étape de l'article 98
8 bis du procès et vous demandez pourquoi ceci est erroné, même si cela avait
9 été une option valable à ce moment-là et que ce ne le serait plus
10 maintenant.
11 La Chambre de première instance peut, en exerçant son pouvoir
12 discrétionnaire, décider d'appliquer ou de ne pas appliquer l'entreprise
13 criminelle commune 2. L'entreprise criminelle commune dans l'acte
14 d'accusation en l'espèce a été exposée selon la jurisprudence qui
15 s'applique à l'exposition d'une responsabilité au titre d'une entreprise
16 criminelle commune. De plus, les faits à partir desquels la mens rea pour
17 une participation au titre de la JCE 2 pourrait être déduite ont été bel et
18 bien exposés dans l'acte d'accusation. Donc, il est fort clair dans l'acte
19 d'accusation qu'il est allégué que M. Krajisnik avait connaissance d'un
20 système criminel dont le but était d'expulser les Musulmans et les Croates
21 des municipalités concernées par l'acte d'accusation et avait aussi
22 l'intention de poursuivre ce système. Nous reconnaissons selon -- là que la
23 JCE 2 n'a pas été traitée au moment du 98 bis, et c'est en effet à la
24 discrétion de la Chambre de décider oui ou non de l'appliquer. Ce ne serait
25 pas faux de ne pas l'appliquer.
26 Question 5, vous avez demandé d'identifier quel était le premier crime dans
27 le temps qui avait été commis en application de l'entreprise criminelle
28 commune alléguée, comprenant l'accusé. Vous avez demandé qui étaient les
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1 membres de cette entreprise criminelle commune à ce moment-là.
2 Le premier crime de l'acte d'accusation est l'incident que l'on trouve au
3 point 1.1 de l'annexe A, c'est-à-dire le meurtre le 48 Musulmans bosniens
4 ou d'hommes, femmes et enfants musulmans ou croates de Bosnie, le 1er et 2
5 avril 1992 dans la ville de Bijeljina.
6 Tant que je parle de Bijeljina, je tiens à faire une correction au mémoire
7 en clôture de l'Accusation. Donc, il s'agit du paragraphe 246 de ce
8 mémoire.
9 A la fin du paragraphe qui se trouve au premier alinéa, on voit référence
10 au président Micic. Il faudrait rayer, s'il vous plaît, "Micic" et le
11 remplacer par "Novakovic".
12 En effet, comme l'a dit M. Stewart hier, la référence à Micic, paragraphe
13 246 de notre mémoire auquel M. Harmon a fait référence à la page 27 301 de
14 son argument et donc du compte rendu en l'espèce, était une erreur. C'est
15 Novakovic qui a parlé à M. Krajisnik, selon d'ailleurs la déposition même
16 de l'accusé à la page de compte rendu 24 298. Cet incident, donc c'est un
17 appel téléphonique auquel il fait aussi référence dans le paragraphe 333 de
18 notre mémoire où là, il est fait référence de façon correcte à Novakovic.
19 Je tiens ici à reprendre quelque chose qui porte sur le fond, là. M.
20 Stewart, hier, lorsqu'il parlait du paragraphe 246 de notre propre mémoire,
21 a dit, et je cite : "M. Krajisnik n'a pas parlé à Mauzer." Donc, nous
22 avançons que ce n'est pas correct. Je vous demande de faire référence au
23 compte rendu de la déposition de M. Krajisnik à la page 24 298, auquel il
24 est fait référence à la note de pied de page 631 de notre propre mémoire.
25 Je vais vous lire les lignes de cette page qui s'appliquent ici, c'est-à-
26 dire les lignes 9 à 15.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, auriez-vous aussi le
28 jour ? Parce que sur LiveNote, j'ai un peu de mal à m'y retrouver.
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1 M. STEWART : [interprétation] Il s'agit du 18 mai.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 18 mai. Merci.
3 M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.
4 Je vais vous lire quel est le passage.
5 Je cite : "J'étais dans les bureaux ou dans le cabinet de l'assemblée
6 de Bosnie-Herzégovine, et le nom de cet homme était M. Novakovic. Je lui ai
7 demandé ce qui se passait. Il a dit : je ne peux pas te le dire par
8 téléphone. Quelqu'un, d'ailleurs, a arraché le récepteur de ses mains, et
9 j'ai entendu la voix d'un homme qui disait : 'Pendant que tu es assis là,
10 nous, on fait ton travail.' Et c'était qui ? C'était M. Mauzer."
11 Passons -- poursuivons maintenant.
12 Vous nous avez demandé qui étaient les membres de l'entreprise criminelle
13 commune lors de la commission des premiers crimes qui sont dans l'acte
14 d'accusation. Comme exposé à l'acte d'accusation, l'objectif de
15 l'entreprise criminelle commune était l'expulsion permanente, par force ou
16 par d'autres moyens, des Musulmans de Bosnie, des Croates de Bosnie ou des
17 autres habitants non-serbes de grandes parties du territoire de la Bosnie-
18 Herzégovine, et ce, au travers de la commission de crimes qui peuvent être
19 punis en vertu du Statut du Tribunal. Il s'agissait d'une entreprise
20 criminelle de très grande envergure, et comme toute entreprise criminelle
21 de grande envergure, ses membres étaient fluctuants, bien sûr. Les membres
22 de l'entreprise criminelle commune ont participé de toutes sortes de façons
23 et dans différentes zones territoriales. Mais ils avaient une intention
24 commune : c'était de réaliser leur objectif qui était l'expulsion par la
25 force des non-Serbes des territoires qu'ils convoitaient, et ce, dans une
26 vaste partie de la Bosnie-Herzégovine.
27 A la fin du mois de mars 1992 et au moment où les premiers crimes -- des
28 premiers crimes qui sont notés dans l'acte d'accusation, l'entreprise
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1 criminelle commune comprenait déjà un grand nombre de personnes, y compris
2 Krajisnik, Karadzic, Koljevic, Plavsic, Arkan, Milosevic, Mauzer, Mico
3 Stanisic, Mandic, Brdjanin et Kukanjac. Elle incluait aussi les cellules de
4 Crise serbes qui avaient été établies, les membres du MUP de la Republika
5 Srpska, la TO serbe, les groupes paramilitaires ainsi que des effectifs de
6 la JNA. Vous pourriez peut-être vous demander pourquoi nous n'avons pas
7 incorporé Mladic à cette liste. Mladic et les autres membres de la VRS ont
8 rejoint l'entreprise criminelle commune le 12 mai 1992, quand cette même
9 VRS a été créée.
10 Maintenant, passons à la question 6, qui est une question extrêmement
11 spécifique portant sur Glogova. Vous nous avez demandé si l'attaque
12 alléguée sur Glogova était une action de l'entreprise criminelle commune
13 alléguée qui aurait compris l'accusé. Si c'était le cas, vous nous avez
14 demandé d'expliquer pourquoi, sachant que ni Karadzic, ni Mladic ne
15 semblaient en avoir eu connaissance a priori, uniquement a posteriori,
16 étant donné que Djeric visiblement en était fort mécontent.
17 L'attaque était bel et bien une action de l'entreprise criminelle commune
18 comprenant l'accusé. La municipalité de Bratunac était une municipalité à
19 majorité de population musulmane, et c'était une municipalité qui était
20 contiguë à la Serbie. En tant que telle, elle était essentielle pour
21 réaliser l'objectif stratégique numéro 3. La nature même des actes commis
22 au cours de l'attaque sur Glogova -- tout à fait cohérente, d'ailleurs et
23 contemporaine d'attaques visant d'autres parties du territoire convoité --
24 les forces même ayant participé à l'attaque -- le fait que des approbations
25 à de très hauts niveaux ont été obtenues avant l'attaque, l'intervention de
26 désarmement qui a précédé l'attaque et l'absence de tout effort pour
27 poursuivre les personnes responsables de cette attaque constituent des
28 éléments qui confirment le point de vue selon lequel cette attaque sur
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1 Glogova a été effectuée pour réaliser la campagne qui avait pour but
2 d'éliminer tous les non-Serbes des territoires convoités.
3 C'est une question très spécifique, et je vais essayer de vous donner
4 des détails pour étayer tout cela. Les preuves montrent bien que l'attaque
5 sur Glogova était intentionnelle, cela faisait partie du plan pour créer un
6 territoire serbe dans la municipalité de Bratunac, en expulsant par la
7 force sa population musulmane. Les attaques et le nettoyage ethnique des
8 hameaux musulmans de Suha et de Voljevica, d'ailleurs, ont succédé à cette
9 attaque.
10 Les caractéristiques mêmes de l'attaque de Glogova - on a désarmé le
11 village, on l'a attaqué, ensuite on a rasé ses maisons, on a rasé les
12 mosquées, on a procédé à un nettoyage ethnique de la population en séparant
13 les hommes, en les frappant, parfois en les tuant, ensuite en les expulsant
14 par la force de la municipalité - reflétaient bien le type d'attaques de
15 hameaux musulmans, qui avaient déjà eu lieu dans des municipalités qui
16 étaient contiguës avec la Serbie ou qui étaient des territoires essentiels
17 pour la réalisation de cet objectif stratégique numéro 3. Ici, je fais
18 référence tout spécialement aux municipalités de Bijelina, de Foca,
19 Zvornik, Visegrad et Vlasenica. Ailleurs en Bosnie, d'ailleurs, ce même
20 type d'attaques avait lieu dans les municipalités de Sanski Most, de
21 Bosanska Krupa, de Brcko, Prijedor et Doboj.
22 Le plan d'attaquer Glogova a été entrepris tout en sachant qu'il était
23 approuvé par les dirigeants les plus élevés, les plus éminents de la
24 Republika Srpska.
25 La planification opérationnelle de l'attaque sur Glogova a été
26 préparée par la JNA.
27 La décision même d'attaquer Glogova, de brûler une partie du village
28 et d'expulser par la force sa population ainsi que de procéder à un
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1 nettoyage ethnique d'autres hameaux musulmans a été prise de façon
2 officielle par la cellule de Crise Bratunac lors d'une réunion où il y
3 avait des représentants de la JNA, de la sécurité d'Etat serbe, le
4 commandant de la TO et le chef de la police.
5 L'attaque de villages a été une opération coordonnée et conjointe. Les
6 forces attaquantes comportaient des membres de la JNA, du TO, de la police
7 ainsi que, comme je cite, des "volontaires" venant de Serbie.
8 Ces fameux volontaires "qui ont participé à l'attaque" avaient été
9 escortés depuis la Serbie jusqu'en Bosnie pour Goran Zekic, qui était
10 membre de l'assemblée des Serbes de Bosnie et du Conseil exécutif du SDS;
11 par Miodrag Jokic, qui était vice-président du SDS de Srebrenica; par
12 Miroslav Deronjic, président de la cellule de Crise à Bratunac et par la
13 police serbe. Selon Zekic, les volontaires et la JNA ont opéré en vertu
14 d'un accord qui aurait été conclu entre les dirigeants de la Serbie et les
15 dirigeants de la Republika Srpska.
16 L'attaque de Glogova a eu pour conséquence la mort de 65 Musulmans,
17 l'incendie d'une grande partie du village, l'expulsion par la force de
18 toute la population musulmane, la détention des hommes et la destruction de
19 sa seule mosquée. Des attaques identiques, comme je vous l'ai déjà dit, ont
20 immédiatement suivi et se sont portées sur des hameaux musulmans.
21 Des musulmans -- les hommes musulmans de ces hameaux et de Glogova
22 ont été détenus dans des installations, dans des centres de Détention où
23 ils ont été passés à tabac, parfois tués, et où ils ont de toute façon été
24 expulsés de la municipalité par la force.
25 Deronjic a dû se rendre à Pale où, avec d'autres présidents de cellules de
26 Crise serbes de Bosnie, il a dû faire rapport à Mladic, Karadzic et Ostojic
27 sur la situation militaire sur le terrain. Les cartes de la Bosnie montrant
28 la composition ethnique des municipalités étaient derrière eux avec les
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1 territoires serbes en bleu et les territoires musulmans en vert. Deronjic a
2 décrit en grand détail l'opération de nettoyage ethnique qui avait eu lieu
3 et qui continuait encore, d'ailleurs, à Bratunac. Suite à la présentation
4 de Deronjic, Ostojic a remarqué : "Maintenant, on peut peindre la
5 municipalité de Bratunac en bleu."
6 Il n'y a aucune preuve selon laquelle Karadzic ne savait rien des
7 événements qui avaient eu lieu à Bratunac avant cette réunion.
8 Au moment de la réunion, Mladic n'avait pas encore été nommé à la
9 tête de l'état-major et il était en train d'être briefé sur ce qui se
10 passait, les événements militaires sur le terrain. Deux jours après, lors
11 de la 16e Session, on l'a nommé officiellement à la tête de l'état-major de
12 la VRS.
13 Les preuves n'expliquent pas pourquoi Djeric était si mécontent à
14 propos de cette attaque sur Glogova. Mais ce que montrent les preuves, en
15 revanche, c'est que quand les Musulmans qui ont subi un nettoyage ethnique
16 de Bratunac sont arrivés à Pale plusieurs jour après, Djeric, en revanche,
17 savait bien qu'ils allaient arriver et a aidé matériellement les efforts
18 qui ont eu pour résultat leur expulsion du territoire des Serbes de Bosnie.
19 Deronjic n'a jamais été critiqué ni par Karadzic, ni par Mladic, ni
20 par Ostojic pour les actions dont il a parlé dans son rapport oral.
21 Deronjic n'a jamais été poursuivi ou puni ou sanctionné pour
22 l'attaque effectuée sur Glogova par les autorités serbes de Bosnie. En
23 revanche, il a été nommé par la suite au Conseil exécutif du SDS. Il est
24 devenu vice-président du SDS. Donc, en résumé, tout montre bien que
25 l'attaque sur Glogova était un exemple classique d'une opération d'une
26 entreprise criminelle commune qui avait parfaitement atteint son objectif.
27 Passons maintenant à la question numéro 7. Vous avez cité deux paragraphes
28 de notre mémoire, le 225, et vous détectez principalement, surtout en avril
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1 et mai, certaines cellules de Crise. Vous avez demandé si la théorie du
2 bureau du Procureur était qu'il n'y avait que quelques cellules de Crise
3 qui faisaient partie de l'entreprise criminelle commune alléguée ?
4 Notre réponse est la suivante : Toutes les cellules de Crise serbes
5 faisaient partie de cette entreprise criminelle commune. Paragraphe 225 de
6 notre mémoire, il est fait référence à des cellules de Crise qui donnaient
7 des ordres aux unités militaires, ayant des contacts très étroits avec le
8 VRS, contacts personnels, d'ailleurs, avec Mladic; au paragraphe 230, pour
9 exemple. Ces paragraphes ne signifient pas -- ne sont pas identiques à dire
10 que certaines cellules de Crise n'étaient pas dans l'entreprise criminelle
11 commune, mais expliquent plutôt la relation entre les militaires et
12 certaines cellules de Crise bien particulières.
13 Le rapport Hanson, maintenant. Il traite du problème de l'autorité
14 militaire des cellules de Crise, et ce, dans tous les détails. Certaines
15 cellules de Crise, surtout en avril et en mai, donc avant que la VRS ne
16 soit créée, ont commandé des unités armées locales. Dans d'autres zones,
17 les cellules de Crise n'ont pas commandé des unités armées, et ce parce que
18 la JNA était déjà là ou parce que la TO locale avait une structure de
19 commandement très robuste et déjà en place. Normalement, le système était
20 que toutes les cellules de Crise au minimum soutenaient et coordonnaient,
21 avec les forces serbes armées de leurs municipalités, ils fournissaient des
22 ressources et des effectifs qui facilitaient les opérations de ces unités
23 armées. Toutes les cellules de Crise ont agi afin de soutenir les
24 opérations visant à réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune,
25 puisqu'elles avaient été établies et maintenues par les dirigeants serbes
26 de Bosnie, au travers des variantes A et B et par l'ordonnance de Djeric du
27 26 avril, dont le but était de saisir et de maintenir le pouvoir au niveau
28 municipal sur le territoire convoité. Même les cellules de Crise qui ont
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1 joué un petit rôle uniquement dans le commandement des forces armées
2 locales ont participé de toute façon à la campagne de persécution en
3 supervisant l'expulsion par la force des non-Serbes et en ordonnant des
4 mesures de discrimination contre les non-Serbes.
5 Question 8, c'est une question assez longue, mais pour le compte rendu, je
6 pense qu'il faut que j'en donne lecture. La question était : quel type
7 d'éléments de preuve distinguent les cellules de Crise (d'une façon plus
8 générale, les auteurs des crimes) qui agissaient en faisant partie de
9 l'entreprise criminelle commune, de ceux qui ne faisaient pas partie de
10 l'entreprise criminelle commune, mais qui étaient engagés à les copier ou à
11 des actions parallèles ou à des activités indépendantes, des crimes de
12 guerre en soi (notamment pour ce qui était d'une guerre civile combattue
13 par rapport à ce qui était en l'application de l'entreprise criminelle
14 commune comme objectif), ou simplement du banditisme commun qui découlait
15 du fait que le droit et l'ordre s'étaient effondrés.
16 Pour commencer, les éléments de preuve ne révèlent pas qu'il y a eu un
17 effondrement du droit et de l'ordre, mais que ce droit et cet ordre étaient
18 partiellement discriminatoires.
19 Deuxièmement, les éléments de preuve étayent la conclusion que toutes les
20 cellules de Crise agissaient comme partie de l'entreprise criminelle
21 commune. Il n'y a pas de preuves fiables qu'il y ait eu des activités
22 visant à copier d'autres ou qu'il y ait eu des cellules de Crise
23 indépendantes.
24 En ce qui concerne les types d'éléments de preuve qui déterminent si
25 une cellule de Crise particulière agissait dans le cadre de l'entreprise
26 criminelle commune, nous soutenons que la Chambre devrait examiner la liste
27 des facteurs suivants, qui n'est pas exhaustive : premièrement, comment la
28 cellule de Crise a été créée et qui l'a créée; deuxièmement, la composition
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1 générale de la cellule de Crise, y compris la question de savoir si elle
2 comportait des individus qui avaient des postes d'autorité tels que des
3 chefs, notamment de la Défense territoriale, du personnel de la VRS, des
4 représentants du SDS; la relation entre les membres des cellules de Crise
5 par rapport à des membres qui se trouvaient aussi à faire partie de
6 l'entreprise criminelle commune; les expressions de l'intention par des
7 membres de la cellule de Crise qui seraient compatibles avec ce but commun;
8 les éléments de preuve de communication entre des membres de l'entreprise
9 criminelle commune et la cellule de Crise; les éléments de preuve d'autres
10 actions dans une cellule de Crise qui s'accordent avec les objectifs de
11 l'entreprise criminelle commune, y compris des crimes contre les Musulmans
12 et les Croates ainsi que leurs biens; les éléments de preuve d'acceptation
13 d'instruction des cellules de Crise venant d'un membre de l'entreprise
14 criminelle commune; et le fait qu'il y ait schéma des cellules de Crise par
15 la direction des services de Bosnie.
16 Un très grand nombre de ces éléments de preuve peuvent aussi
17 s'appliquer aux auteurs, et ceci est une liste non exhaustive qui pourrait
18 comprendre ceci : premièrement, la question de savoir si les auteurs
19 étaient membres ou étaient associés à des organes organisés qui avaient des
20 rapports avec l'entreprise criminelle commune; la question de savoir si les
21 crimes commis étaient dans la logique des crimes analogues de l'entreprise
22 criminelle commune; la question de savoir si l'auteur a agi au même moment
23 que des membres de l'entreprise criminelle commune ou comme des personnes
24 qui se sont faites les instruments de l'entreprise criminelle commune; la
25 question de savoir si les actes de l'auteur permettaient de favoriser les
26 objectifs de l'entreprise criminelle commune, si les actes de l'auteur
27 étaient ratifiés de façon implicite ou explicite par des membres de
28 l'entreprise criminelle commune; la question de savoir si l'auteur de
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1 l'acte a agi en coopération, en conjonction avec des membres de
2 l'entreprise criminelle commune à un moment quelconque; si des efforts
3 significatifs avaient été faits pour punir un acte d'un membre d'une
4 entreprise criminelle commune ou qui aurait été en mesure de le faire; de
5 savoir si des actes analogues ont été punis par les membres de l'entreprise
6 criminelle commune qui étaient en mesure de la faire; la question de savoir
7 si des membres de l'entreprise criminelle commune qui étaient des
8 instruments de l'entreprise criminelle commune ont continué à être affiliés
9 avec les auteurs après les actes; enfin, savoir si ces actes ont été
10 accomplis dans le contexte d'une attaque systématique, y compris une
11 attaque d'intensité relativement faible sur une période étendue.
12 En examinant les éléments de preuve concernant les crimes d'une façon
13 générale, nous soutenons que vous constaterez que dans la mesure ou des
14 incidents criminels démontrés ont été au-delà de ce qui était l'intention
15 de l'accusé, nous soutenons que la Chambre devrait conclure que
16 premièrement, il était prévisible que de tels crimes pourraient être commis
17 par tel ou tel membre de ce groupe, et deuxièmement que l'accusé a
18 volontairement pris ce risque, c'est-à-dire qu'il était conscient du fait
19 qu'un tel crime était possible et pouvait être la conséquence de
20 l'exécution par cette entreprise de ses buts. En étant conscient de cela,
21 l'accusé a décidé de participer à l'entreprise en question.
22 La prévisibilité de ces crimes doit être appréciée à la lumière, notamment,
23 d'un certain nombre de facteurs dans quatre catégories.
24 Premièrement, des preuves qu'il y avait systématiquement le fait d'armer la
25 population serbe et une campagne délibérée pour désarmer les Musulmans et
26 les Croates.
27 Deuxièmement, des preuves que la direction de Bosnie a créé et encouragé
28 une culture d'impunité à l'égard de crimes contre les non-Serbes commis par
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1 les forces du MUP de la VRS et des forces paramilitaires, tout en
2 continuant d'appliquer la loi contre les Serbes, et ils commettaient des
3 crimes, même certains crimes relativement mineurs, contre des co-nationaux
4 serbes.
5 Troisièmement, l'élément de preuve que la direction des Serbes de Bosnie
6 procédait à des persécutions systématiques par les crimes qui sont indiqués
7 à l'acte d'accusation.
8 Quatrièmement, des preuves que la direction serbe de Bosnie promouvait et
9 mettait en œuvre une campagne de propagande, mais il y avait le fait que la
10 direction donnait à cette population serbe de la Bosnie-Herzégovine une
11 haine ethnique et une crainte d'annihilation par les Musulmans et les
12 Croates. Des concepts tels que -- des liens tels que la fraternité, l'unité
13 et la tolérance interethnique étaient délibérément méprisés et discrédités.
14 Les Musulmans et les Croates étaient vilipendés et déshumanisés.
15 Dans cet environnement de campagne systématique où la haine ethnique était
16 attisée et où il y avait une population serbe qui était armée, une
17 population non-serbe désarmée et une culture délibérée d'impunité à l'égard
18 de certains crimes contre des non-Serbes, de tels crimes opportunistes
19 contre des non-Serbes dans des municipalités telles que ceci s'est produit
20 étaient relativement prévisibles, et l'accusé était au courant du fait que
21 de tels crimes pouvaient être des conséquences de l'exécution et de la mise
22 en œuvre de cette entreprise criminelle commune.
23 La neuvième question, la question numéro 9, M. Tieger y a répondu mardi,
24 donc à moins que je ne puisse vous être encore utile, ceci met fin à mes
25 réponses à ces questions, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai été informé du fait que
27 l'Accusation se limiterait effectivement dans la durée d'une heure qui
28 avait été annoncée, ce qui veut dire que vous n'avez que peu de choses à
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1 ajouter, parce que vous avez presque épuisé l'heure en question.
2 Veuillez poursuivre.
3 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais ajouter que le fait
5 d'utiliser moins de mots ne veut pas dire que vous dites quelque chose de
6 moins important. Veuillez poursuivre.
7 M. TIEGER : [interprétation] Mais je suis sûr que ce que je vais devoir
8 maintenant vous dire est extrêmement important, Monsieur le Président.
9 Il y a juste quelques remarques en ce qui concerne la déclaration
10 proposée. Comme la Chambre le sait, j'en suis sûr, l'idée du dernier est
11 assez étrangère aux praticiens des systèmes de "common law", alors qu'elle
12 est très familière à ceux des systèmes de droit romano-germanique. Ici,
13 nous avons un système hybride qui incorpore par l'article 84 bis ce
14 système, mais il faut commencer là, selon nous, à la lumière de l'exigence
15 en vertu de l'article 85; la déposition doit être faite sous serment et
16 doit pouvoir faire l'objet d'un contre-interrogatoire. A notre avis,
17 l'intention n'est pas d'éviter un contre-interrogatoire ou de pouvoir faire
18 une nouvelle tentative. Dans la mesure où il s'agit bien de cela, il ne
19 faudrait pas y accorder de poids.
20 Je note par exemple que l'accusé dans l'affaire Limaj, après avoir
21 déposé, a essayé de faire une déclaration de ce genre, mais on la lui a
22 refusé pour cette raison. Ici, l'accusé a déposé sur quelque chose qui est
23 sans précédent, certainement depuis longtemps.
24 Néanmoins, en l'espèce, la Chambre peut souhaiter entendre
25 M. Krajisnik ce qu'il a à dire, et nous avons donné notre avis à la Défense
26 à ce sujet que nous n'essayons d'empêcher la Chambre de l'accorder, à
27 l'exception de trois petites références que nous avons portées à leur
28 attention. Telle est notre position, sous réserve des commentaires que je
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1 viens de présenter à la Chambre.
2 Je vous remercie.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
4 Avant que nous ne poursuivions, j'ai une question à poser, Monsieur
5 Gaynor, sur ce que vous avez dit. J'essaie de voir si j'ai bien compris ce
6 que vous avez dit. Lorsque vous vous êtes référé à ce paragraphe -- je vais
7 le retrouver. Je crois, le paragraphe 246. Vous avez dit, c'est vrai, M.
8 Krajisnik n'a pas parlé à M. Micic, mais à M. Novakovic, et vous dites
9 qu'il a aussi parlé à Mauzer. Vous avez fait référence -- à ce moment-là,
10 vous avez dit une partie de la page 23 298.
11 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la page
12 dont j'ai lu un extrait était la page 24 298.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je croyais avoir dit cela. En tous
14 les cas, c'est la page que j'ai devant moi. Vous nous avez donc lu un
15 passage à ce sujet, et si je voulais expliquer ce qui se passe ici, c'est
16 que M. Krajisnik est dans le cours d'une conversation téléphonique avec M.
17 Novakovic. Puis, quelqu'un, à un moment donné, saisit le combiné du
18 téléphone, prononce quelques mots, et après cela, cette personne identifiée
19 par M. Krajisnik comme étant M. Mauzer interrompt cette conversation
20 téléphonique, repose le combiné, ce qui met fin à la conversation
21 téléphonique.
22 A votre avis, le fait de parler pour ne pas avoir une conversation avec
23 quelqu'un, juste d'entendre des mots de quelqu'un qui intervient dans une
24 conversation téléphonique que vous avez avec quelqu'un d'autre, est-ce que
25 ceci -- enfin, est-ce que je comprends bien ?
26 Si je regarde de très près, si vous défendez cette position, je crois qu'en
27 vous fondant donc sur cette ligne 246, cela aurait dû être que le même jour
28 que Krajisnik a appelé la cellule de Crise de Bijeljina et que M. Mauzer
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1 lui a parlé, parce que je ne vois pas un seul mot de réponse à ce que M.
2 Mauzer a dit ici. Est-ce que je me trompe ? Parce que vous utilisez cet
3 élément, vous dites : il a parlé à Mauzer parce que c'est ce qu'a dit M.
4 Krajisnik. Ce que M. Krajisnik a dit ne me donne pas l'impression qu'il y a
5 eu une conversation. D'habitude, si je dis : bon, j'ai parlé à telle ou
6 telle personne, d'habitude je veux dire qu'on a eu une conversation avec
7 quelqu'un. Ce n'est pas simplement que j'ai entendu quelques mots prononcés
8 ou quelqu'un qui criait à une certaine distance à quelque chose ou
9 quelqu'un d'autre. Je suis en train d'essayer de comprendre s'il y a
10 davantage à comprendre ou si c'est cela que vous vouliez nous dire.
11 M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie de la possibilité qui m'est
12 donnée de préciser, de clarifier les choses, Monsieur le Président. C'est
13 exact. D'après cette page du compte rendu, il est clair que M. Mauzer a
14 parlé à M. Krajisnik, et il n'y a aucun élément de preuve selon lequel M.
15 Krajisnik ait répondu de quelque manière. Donc, je comprends votre
16 remarque, Monsieur le Président, et je vous remercie d'avoir relevé cela.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci. Je pense que nous allons
18 poursuivre.
19 Maître Stewart et Maître Josse, est-ce que vous préférez commencer
20 maintenant ou que nous ayons d'abord une suspension de séance ? Peut-être
21 que cela va nous poser des problèmes si nous ne commençons pas maintenant.
22 Cela dépend de savoir combien de temps vous pensez qu'il vous faut pour
23 votre dernière plaidoirie au deuxième tour.
24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'allons pas
25 dépasser le temps qui nous est alloué, le temps que la Chambre a à
26 l'esprit, mais je ne sais pas si même nous allons nous approcher de cela.
27 Effectivement, Monsieur le Président, nous serions heureux si nous pouvions
28 avoir maintenant une suspension de séance, maintenant si possible.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vais calculer. Si nous avons une
2 suspension de séance maintenant, nous pouvons reprendre à 16 heures, à 4
3 heures. Oui, je pense qu'on peut faire ainsi. Nous n'avons pas de
4 problèmes, par conséquent, notamment pour ce qui est des bobines
5 d'enregistrement et pour les autres suspensions.
6 Nous allons suspendre la séance pour 25 minutes et nous reprendrons à 4
7 heures.
8 --- L'audience est suspendue à 15 heures 34.
9 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, la parole est à vous.
11 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Une des raisons pour laquelle nous avons demandé à faire la pause au
13 moment où nous l'avons faite, je voulais saisir l'occasion d'évoquer avec
14 mon co-conseil, Me Josse, sa réaction quant à la manière dont les choses se
15 sont déroulées au cours des deux, trois derniers jours, ainsi que cet
16 après-midi, car je trouve que c'est toujours très précieux de comparer mon
17 point de vue avec celui de
18 Me Josse et voir si nous sommes d'accord. Très souvent, nous constatons que
19 nous sommes d'accord, et pour autant que cela serve à quelque chose.
20 Monsieur le Président, ce qui s'est passé est très peu satisfaisant.
21 L'Accusation, ayant fait sa demande et ayant obtenu un mémoire en après qui
22 est quasiment le double de ce qui est en général fixé, de 60 000 à 125 000
23 mots -- sa demande a été refusée.
24 Autrement dit, l'Accusation n'a pas pu présenter un mémoire beaucoup plus
25 long, et sa demande d'augmentation du nombre de mots n'a pas été accordée.
26 Ensuite, je souhaite évoquer la question du jour supplémentaire qui a été
27 accordé à l'Accusation, une semaine supplémentaire à la Défense.
28 L'Accusation a, de façon très efficace et rapide, dans un certain sens,
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1 permis d'évoquer ces 101 pages, ou quelque chose de ce genre, au niveau du
2 compte rendu ils ont rajouté à ces 60 000, 60 000 mots par rapport à leur
3 mémoire en clôture.
4 Très bien. S'il s'agit de tactique tout à fait légitime, il est vrai
5 que nous l'apprécions moyennement, mais bon.
6 Mais en revanche, ce que l'Accusation n'a pas fait lorsqu'elle a
7 présenté quelque chose comme des actualités américaines lors d'une émission
8 à la télévision, ils se passent la parole, et cetera. Tout ceci est très
9 bien léché. C'est très efficace, mais ce qu'ils n'ont pas fait, à
10 l'exception d'une ou deux questions, c'est traiter une liste, chose pas
11 toujours aisée, pas toujours simple, une liste de questions qui avait été
12 présentée par la Chambre de première instance à la fin de la semaine
13 dernière. Ils n'ont pas réussi à faire cela.
14 Hier soir, on nous a clairement précisé que l'Accusation prendrait le temps
15 nécessaire, à savoir une heure, et s'en tiendrait à cela. Ensuite, nous
16 avons rendu compte que s'ils allaient parler de ces autres questions,
17 questions supplémentaires, cela prendra un peu plus de temps. Non seulement
18 ils ont pris plus d'une heure, mais de surcroît, tout le temps qu'ils ont
19 utilisé est un temps qui a été pris par M. Gaynor, qui a évoqué ses
20 questions en suspens. Il traitait à la fois de ses questions et les
21 questions qui étaient soulevées, quelquefois non, mais comme il l'a fait
22 aujourd'hui, il a évoqué la troisième partie du mémoire en clôture, qui a
23 aujourd'hui été consignée au compte rendu d'audience. La première partie,
24 509 000 mots [comme interprété], ou quelque chose de ce genre; la partie 2,
25 101 pages du compte rendu; et dans la partie 3 cet après-midi.
26 Messieurs les Juges, dans cette affaire, et nous du côté de la Défense,
27 nous connaissons les pratiques et la culture dans le monde juridique. Il y
28 a un certain nombre de choses qui ont dû être traitées en déposant des
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1 écritures soumettant des requêtes, et cetera, et nous aurions préféré, et
2 cela aurait peut-être été plus efficace, qu'il y ait simplement un échange
3 dans le prétoire entre les parties, que chacun puisse exposer son point de
4 vue, et que l'on parle des difficultés des uns et des autres. Tout ceci
5 aurait pu être réglé.
6 A l'inverse, nous avons maintenant une situation qui est celle
7 d'aujourd'hui. Les questions sont traitées de façon compliquée, et au lieu
8 d'avoir quelque chose qui, en application de la procédure de ce Tribunal,
9 permet justement que des écritures soient déposées avec le préavis
10 nécessaire, que chacun ait le temps de les lire, tout ce s'est fait
11 oralement à la dernière minute, et c'est la raison pour laquelle nous
12 protestons.
13 La conséquence de ceci est qu'un certain nombre de -- il faut tenir compte
14 d'un certain nombre de facteurs, il est certain, a eu la conséquence
15 mentionnée par M. Tieger ce matin; autrement dit que c'était M. Krajisnik
16 qui aurait le dernier mot. En réalité, l'Accusation a eu le dernier mot, en
17 somme.
18 Nous espérons, et nous pensons que ceci à terme n'aurait pas d'incidence
19 particulière. Messieurs les Juges, vous avez cette tâche qui est une tâche
20 intimidante, difficile de devoir sélectionner tous ces documents, et vous
21 aurez également cette lourde tâche qui consistera à utiliser ces documents
22 parfois complexes, parfois difficiles à comprendre, mais constitue toujours
23 un élément essentiel de la jurisprudence de ce Tribunal.
24 Ayant dit cela, Monsieur le Président, la Défense souhaitait
25 simplement vous dire que nous avons bien compris ce qui s'est passé. Nous
26 souhaitons y répondre, et nous allons vous donner, Messieurs les Juges, nos
27 quelques commentaires sur les différents points évoqués. Nous pensons que
28 c'était ce qu'on nous avait demandé de faire pour aujourd'hui. Une fois
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1 cela fait, après deux ou trois courtes questions, nous nous rassiérons.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander quelque
3 chose ? Vous utilisez ce terme de "intimidant." Ce matin, déjà, et avec un
4 de mes confrères ce matin, j'essayais de comprendre exactement ce que cela
5 signifie dans le dictionnaire. Est-ce que vous pourriez nous le décrire ?
6 Est-ce que vous pouvez nous dire exactement ce que voulez nous dire, car il
7 y a des sens multiples pour ce terme. Est-ce vraiment ce que M. Stewart
8 avait à l'esprit ? Comme nous ne sommes pas de langue maternelle anglaise -
9 -
10 M. STEWART : [interprétation] C'est exactement ce que j'avais à l'esprit
11 parce que je connais bien -- je sais ce qu'est ce mot et je sais ce qu'il
12 signifie. Ce sera une définition imparfaite, alors.
13 Ce que j'avais à l'esprit, Monsieur le Président, c'est qu'il s'agit
14 véritablement -- c'est un défi qui frise l'inquiétant - je ne suis pas du
15 tout en train de suggérer que vous avez peut-être peur - mais ceci pourrait
16 constituer un défi, pourrait être une tâche lourde, une tâche que l'on
17 pourrait craindre. Si, par exemple, vous êtes face à une falaise très
18 abrupte et vous êtes en montagne, et vous allez devoir escalader cette
19 partie de la montagne, c'est difficile, ce serait intimidant. Ce ne serait
20 peut-être pas intimidant pour M. Harmon; je ne sais pas.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ainsi que je l'ai compris, mais
22 c'est la raison -- à la lecture -- mais nous n'avons pas cherché ce terme
23 dans le "Oxford dictionnary".
24 M. STEWART : [interprétation] Bien --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pardonnez-moi de vous avoir interrompu -
26 -
27 M. STEWART : [interprétation] Ce qui va m'intéresser, c'est de voir comment
28 ce terme a été traduit en français.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.
2 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, ce que je vais faire par
3 conséquent, encore une fois à la manière dont je l'ai dit déjà, tout
4 d'abord très brièvement je souhaite faire quelques commentaires sur les 10
5 points, je crois, évoqués par M. Gaynor au cours de ses argument cet après-
6 midi. M. Gaynor va certainement être le point de mire de notre attention
7 cet après-midi.
8 La première des 10 questions soulevées par lui, ceci se trouve à la page 56
9 du compte rendu de mardi. Je ne sais pas si nous avons la version numérotée
10 qui convient, mais à la page 56 du compte rendu, il s'agit de l'article
11 98(H). Dans l'ensemble, nous ne souhaitons pas contester les différents
12 points précisés par M. Gaynor dans ses arguments. Je crois qu'il s'agit
13 d'une question de bon sens en matière juridique. Encore une fois, nous
14 souhaitons vous donner un exemple qui, dans cette affaire, n'est pas le
15 seul, mais en guise d'illustration.
16 A la page 55 du même compte rendu, mardi, M. Harmon dit : "Pour
17 finir, Messieurs les Juges, si vous regardez la pièce de la Défense 211, il
18 s'agit d'un document qui émane du Comité exécutif de Pale et qui est daté
19 du 7 juillet, qui est adressé personnellement à Mme Plavsic, précisant à
20 Mme Plavsic que les Musulmans commençaient à partir de leur propre
21 initiative et discrétion --" ensuite, M. Harmon avance ceci : "Mme Plavsic
22 aurait certainement partagé cet élément d'information avec M. Krajisnik."
23 C'est en tout cas ce qu'il semble dire en guise de conclusion. Ce
24 document 211 n'a pas été traité, il a certainement été présenté, mais on
25 n'y a pas fait référence dans cette affaire, l'exécution du moment où M.
26 Krajisnik lors de sa déposition en a parlé. Même à ce moment-là, il n'avait
27 pas -- il n'a pas eu l'occasion de parler dans les détails de ce document.
28 Mme Plavsic n'a fait l'objet d'aucune question à propos de ce document
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1 lorsqu'elle est venue témoigner.
2 D'une certaine façon, c'est assez extraordinaire, mais ceci signale
3 bien l'endroit où nous trouvons; autrement dit, des questions qui n'ont pas
4 été posées à propos de documents qui n'ont pas été présentés. Certains
5 éléments n'ont pas été pris en compte, et, par conséquent, Messieurs les
6 Juges, vous devrez être très prudents avant de parvenir à des déductions,
7 des conclusions négatives à l'égard de M. Krajisnik.
8 Sinon, Messieurs les Juges, nous avons présenté tout ceci dans nos
9 arguments et dans notre mémoire en clôture et nous n'avons rien à ajouter
10 sur ce point.
11 M. Gaynor, à la page 60, page 60, ligne 15 : "Eu égard à la crédibilité, la
12 Chambre a eu suffisamment de temps pour observer le témoin et déduire ses
13 propres conclusions à propos de la crédibilité du témoin tout au long de la
14 déposition du témoin. Pour ces raisons, toutes les préoccupations relevant
15 de l'article 90(H)(ii), toutes ces préoccupations sont les préoccupations
16 auxquelles on a répondu."
17 Il s'agit là d'une question différente. L'occasion d'évaluer la
18 crédibilité est un point différent, est une question différente. Bien sûr,
19 cela fait partie de l'évaluation générale de l'ensemble des pièces -- des
20 éléments de preuve. Conformément à l'article 90, nous parlons de la
21 possibilité de traiter de tels documents et des déductions qui en sont
22 faites, que l'on peut faire à juste titre.
23 Le troisième point, M. Gaynor, à la page 61, ligne 6, le point suivant, et
24 je le cite, il s'agit de la responsabilité en vertu de l'entreprise : "La
25 responsabilité en vertu de l'entreprise criminelle commune peut être
26 appliquée à une campagne criminelle massive." Cela, c'est en tout cas son
27 point de vue. "La Défense semble arguer du fait, aux paragraphes 107 à 130
28 et 1 334 [comme interprété] dans son mémoire en clôture que l'entreprise
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1 criminelle commune et la responsabilité à cet égard ne pouvaient pas être
2 appliquées à grande échelle dans cette affaire. Cette question a déjà été
3 prise en compte et rejetée."
4 Nous ne sommes pas en train de dire, Monsieur le Président, que -- c'est
5 une position extrême que nous ne souhaitons pas adopter. Nous disons en
6 revanche que dans -- pour bon nombre de raisons, ceci ne peut pas être
7 appliqué, c'est quelque chose que nous avons évoqué dans notre mémoire en
8 clôture. L'élément essentiel de l'entreprise criminelle commune en tant que
9 mode de responsabilité pour la commission de certains crimes constitue
10 l'élément essentiel, c'est l'élément clé de l'accusé et de ces crimes. Pour
11 autant que l'on concentre son attention sur l'élément clé, c'est important,
12 c'est ce qu'avance la Défense dans son mémoire en clôture. Pour autant que
13 cela soit correct et ne va pas aussi loin que cela semble avoir été
14 indiqué.
15 J'ai par mégarde omis d'évoquer le deuxième point qui se trouve en
16 bas de la page 60, ligne 23, la deuxième question portait sur la mens rea,
17 l'intention ou l'élément moral, la planification, le fait d'ordonner et
18 d'inciter, tel que cela était expliqué par la Défense dans son mémoire et
19 qui a été évoqué dans ses arguments au paragraphe 92 à 96 du mémoire en
20 clôture de la Défense et indiquait que comme nous n'avons pas reconnu en
21 particulier ce qui -- pas tenu compte précisément de ce qui a été dit dans
22 le jugement d'appel de Kordic, paragraphes 25 à 32, nous avions mal cité le
23 texte -- la loi.
24 Messieurs les Juges, nous faisons simplement remarquer que si nous
25 lisons correctement ce que nous lisons dans notre mémoire en clôture, il
26 n'y pas d'incohérence.
27 Messieurs les Juges, vous constaterez ceci de vous-mêmes, c'est très
28 clair, et que le critère juridique ici approprié a été bien défini.
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1 Le point suivant, en bas de la page 61, 61 ligne 20, l'application de la
2 responsabilité pour participation à l'entreprise criminelle commune n'a pas
3 été suffisamment étudiée ou analysée dans le mémoire en clôture de la
4 Défense.
5 Le cinquième point, en bas de la page 62, ligne 24, l'entreprise criminelle
6 commune n'exige pas qu'il y ait accord entre l'accusé et les personnes qui
7 ont physiquement commis ces crimes, est quelque chose que nous avons bien
8 couvert dans notre mémoire.
9 Le sixième point, première référence à ce sixième point se trouve à la page
10 65. Cela commence véritablement à la page 66, car il y a une digression. On
11 parle que la responsabilité de l'entreprise criminelle commune n'exige pas
12 que l'accusé ait contribué de façon substantielle. M. Gaynor, ici, fait
13 référence au mémoire en clôture de la Défense et cite le paragraphe 143. Il
14 parle de la responsabilité de l'entreprise criminelle commune, peut-être
15 celle de l'accusé qui a commis des actes ou qu'il ait assisté de façon
16 essentielle et significative à la réalisation de ces objectifs, des
17 objectifs de cette entreprise, et attire notre attention sur le fait que
18 nous n'avons précisément pas fait référence à l'arrêt Kvocka, plus
19 précisément à l'arrêt dans l'affaire Kvocka, au paragraphe 97.
20 Messieurs les Juges, il ne semble pas que ce soit nécessaire de lire
21 l'ensemble du paragraphe 97. En tout cas, pas maintenant. Bien sûr, c'est
22 essentiel de lire l'ensemble de l'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans
23 l'affaire Kvocka, pour autant que ceci soit applicable. Mais en
24 particulier, le paragraphe 97 a besoin d'être lu de très près, et il y a
25 des nuances dans l'affaire Kvocka, car la Chambre n'était pas satisfaite du
26 fait que les agissements de l'accusé avaient assisté de façon substantielle
27 ou affecté de façon significative la réalisation des objectifs de cette
28 entreprise, il serait nécessaire de faire preuve de prudence avant de
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1 condamner pour responsabilité criminelle sur la base des nuance que nous
2 pouvons constater dans Kvocka.
3 Au paragraphe 7, nous souhaitons -- au point 7, en réalité, cela se trouve
4 à la page 66, ligne 13. Le point suivant évoqué par M. Gaynor est également
5 court.
6 Nous parlons du fait d'aider et d'encourager. Dans le mémoire en
7 clôture de la Défense, nous n'avions rien à ajouter sur ce point, hormis le
8 fait qu'il s'agit ici d'un domaine où la lecture de l'acte d'accusation ne
9 permettrait à personne de comprendre ce qui était dit sur les points en
10 question. Donc, ceci était une difficulté à laquelle avaient face des
11 personnes qui ont rédigé l'acte d'accusation à l'époque.
12 Au point 8 qui se trouve à la page 66, ligne 20, il y a un argument qui
13 porte sur le mémoire en clôture de la Défense. Aux paragraphes 260, 266,
14 270, condamnation pour génocide conformément à l'article 7.3, l'accusé
15 devra établir que l'accusé possédait le dolus requis, dolus specialis
16 requis. La Défense reconnaît qu'il y a des éléments de jurisprudence très
17 importants dans l'affaire Kvocka, à cet égard, contre la Défense.
18 Messieurs les Juges, encore une fois, on peut voir et constater ceci de
19 façon très claire, l'élaboration du point, d'un certain nombre de points à
20 partir des mémoires en clôture, nous n'avons rien à ajouter par rapport à
21 ce qui a été déjà décrit dans ce mémoire en clôture.
22 Au point 9, page 67, ligne 11, M. Gaynor : "Le point suivant concerne
23 la présidence élargie." Ligne 14, il s'agit d'une question de droit. "Il
24 n'est pas nécessaire de prouver que l'accusé occupait une position
25 d'autorité de jure pour le condamner en vertu de l'article 7.3."
26 Nous ne disons pas cela. Tel est notre argument. Nous n'allons pas si
27 loin.
28 M. Gaynor poursuit : "Une conclusion de positions d'autorité de jure
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1 ne permet pas d'établir une présomption réfutable de contrôle effectif,
2 mais le critère de la responsabilité est quelque chose ici qui peut être
3 mis en avant, à savoir si l'accusé exerçait en réalité ou non le contrôle
4 effectif.
5 Messieurs les Juges, ici nous insistons là-dessus et dans notre
6 mémoire en clôture, comme nous l'avons dit, il n'y avait pas d'autorité de
7 jure en tant que telle. Cela signifie que la Chambre doit établir quelle
8 est la jurisprudence correcte, ici, car la jurisprudence correcte par
9 rapport à l'autorité de facto, cela dépend évidemment des conclusions
10 présentées par les moyens de preuve.
11 Messieurs les Juges, vous avez nos arguments là-dessus, sur les faits
12 et sur les moyens de preuve à la fois. Donc, ceci n'a pas été établi, de
13 toute façon. Ensuite, pour ce qui est de l'autorité de jure, ceci n'a pas
14 été correctement décrit dans le passage ou cité par l'Accusation dans ces
15 arguments.
16 Au point 10, page 67, ligne 23, par rapport à l'intention de
17 commettre les crimes, dans chaque municipalité citée dans l'acte
18 d'accusation, nous n'avons rien à ajouter. Encore une fois, nous nous en
19 tenons à ce qui figure dans notre mémoire en clôture.
20 Maintenant, pour ce qui est des réponses aux questions qui ont été
21 posées aujourd'hui, je ne vais pas -- pour ce qui est de la question 1, je
22 ne vais pas vous donner des nombres. Je ne vais pas relire les questions.
23 Nous n'avons pas grand-chose à rajouter, ce qui ne signifie pas, bien sûr,
24 que nous sommes d'accord avec l'Accusation. Cela est sur le point 1.
25 Question 2, maintenant. Nous sommes d'accord -- certes, nous sommes
26 d'accord sur ce qui a été dit à propos de la nature, de la possibilité de
27 cumuler, bien sûr, les condamnations du 7.1 et du 7.3, ce qui paraît assez
28 évident, d'ailleurs. Nous n'avons rien à rajouter à part cela.
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1 Nous n'avons rien à ajouter non plus à propos de la question 3, rien à
2 ajouter aux arguments qui ont déjà été avancés.
3 Pour ce qui est de la question 4, de l'entreprise criminelle commune
4 2, vous avez nos arguments comme quoi ce type d'entreprise criminelle
5 commune ne se s'adapte pas bien en l'espèce. Mais vous avez d'ailleurs nos
6 arguments à la fois dans notre mémoire en clôture et dans notre plaidoirie
7 d'hier à propos des interrelations entre les entreprises criminelles
8 communes 1 et 2.
9 Question 5, le point Mauzer. Vous l'avez déjà traité, Messieurs les
10 Juges. Je pense qu'il ne sert à rien de rajouter quoi que ce soit.
11 Pour ce qui est du point 6, nous ne voyons pas vraiment comment
12 l'Accusation a répondu à cette question, mais nous aimerions faire un
13 commentaire quand même. M. Gaynor nous a dit qu'il n'y avait "aucune preuve
14 selon laquelle Karadzic ne savait pas ce qui s'était passé à Bratunac avant
15 cette réunion." C'est une façon assez compliquée de présenter les choses.
16 Ce qui -- en fait, la seule chose que l'on puisse en conclure, c'est qu'il
17 faut bien se souvenir de qui a la charge de la preuve.
18 Paragraphe 7, maintenant. Question 7, plutôt. Le paragraphe -- la
19 réponse de l'Accusation sur -- a plus ou moins clarifié le point de vue de
20 l'Accusation. Pour ce qui est de la question 8, je pense que c'était un
21 exemple très clair de ce qui aurait dû être dans les mémoires en clôture ou
22 au moins dans le premier réquisitoire. Mais il s'agit de toute façon d'un
23 exemple de cet exercice redoutable d'évaluation auquel vous êtes maintenant
24 confrontés, Messieurs les Juges.
25 Maintenant, pour ce qui est de la question 9, la réponse a été donnée
26 mardi dernier. Donc, c'est tout ce que nous avions à dire aujourd'hui et je
27 vais en terminer sur une petite note positive. J'en ai terminé avec ma
28 plaidoirie.
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1 J'aimerais rajouter quand même -- j'ai déjà associé la Défense aux
2 compliments et aux remerciements qui ont été émis par l'Accusation et
3 j'aimerais quand même maintenant saisir l'occasion de remercier aussi ma
4 propre équipe. J'espère que vous pensez que c'est le bon endroit pour faire
5 cela. Certains d'entre eux ont été avec depuis très longtemps. M. Jonovic,
6 par exemple, a été avec moi depuis extrêmement longtemps, parfois à plein
7 temps, parfois à mi-temps, et quand il est à plein temps, il dirait vrai
8 que son plein temps est un temps très rempli.
9 M. Rassiah est tout à fait nouveau à l'équipe, mais lui aussi
10 travaille à plein temps, voire plus.
11 M. Josse, bien sûr, qui à la fois -- je le remercie chaleureusement
12 pour nous avoir assistés. Il est arrivé vraiment pendant le déroulement. Il
13 a vraiment été jeté dans le grand bain, sans bruit sans rien, en espérant
14 qu'il ne se noierait pas, et non seulement il ne s'est pas noyé, mais il
15 nage parfaitement bien. Je tiens vraiment à le remercier. J'aimerais aussi
16 remercier tous les membres de mon équipe qui ont travaillé par le passé ou
17 qui y travaillent encore. On voit bien la contribution sur le compte rendu
18 extrêmement long de cette affaire. Où qu'ils soient sur la planète, je
19 tiens à leur exprimer tous mes remerciements. Je pense que même certains
20 ont aimé travailler avec nous en équipe.
21 M. Krajisnik va bien sûr avoir le dernier mot. Pour ce qui est de M.
22 Krajisnik, si je puis dire, par votre entremise, j'aimerais parler à M.
23 Krajisnik : Il est vrai que la relation client-conseil est toujours
24 compliquée, mais je pense qu'aucun conseil ne pouvait avoir un client plus
25 courtois et plus précieux que M. Krajisnik. Je tiens vraiment à le
26 remercier.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.
28 Peut-être pourrions-nous poser quelques questions aux parties, des
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1 points mineurs, certes, sans doute. Ensuite, nous prendrons une pause.
2 Juste avant la pause, je lirais, j'expliquerais, l'article 84 bis du
3 Règlement de procédure et de preuve à M. Krajisnik. Je pense que c'est tout
4 à fait normal. M. Krajisnik, après la pause, pourra faire sa déclaration,
5 et cela conclura le déroulement de ce procès.
6 Tout d'abord, une question pour vous, Monsieur Stewart. L'Accusation a
7 avancé que la Règle 90(H)(ii), c'est-à-dire -- ne s'appliquera pas ici pour
8 des autorités -- ne s'appliquera pas, même si l'accusé témoigne, si j'ai
9 bien compris ce que M. Gaynor nous a dit. Je n'ai pas vraiment compris
10 quelle était la position de la Défense. J'aimerais bien savoir si vous êtes
11 d'accord avec M. Gaynor à propos de l'application de cette Règle 90(H)(ii)
12 ou pas ?
13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne sommes pas
14 d'accord, parce que nous pensons que cela s'applique, et qu'il n'y a aucune
15 exception à la règle. Donc, tout s'applique.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, les éléments -- enfin,
17 je n'ai pas encore étudié les éléments auxquels il a fait allusion. Peut-
18 être vous le -- je pensais que vous l'aviez fait, puisqu'il a cité quelques
19 jurisprudences; un cas canadien, une affaire -- une autre affaire. Vont-ils
20 dans le bon -- dans ce sens-là, ou dans un sens inverse ?
21 M. STEWART : [interprétation] Le principe de bas, c'est l'équité. Il se
22 peut que dans certaines circonstances, la Défense - parce que parfois il
23 s'agit d'affaires en civil - donc que la Défense [comme interprété] était
24 bien mise au courant de certains points, alors que d'autres témoins ne
25 connaîtraient pas aussi bien. C'est tout. Cela ne va pas plus loin. Le
26 concept de base est simple. Il faut donner une occasion équitable de
27 traiter certains points, et ne -- et étudier de façon équitable la preuve,
28 pour qu'on ne soit pas -- pour que tous les éléments étaient testés. C'est
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1 tout. Si quelque chose est avancé, s'il n'y a pas eu une possibilité
2 équitable que cette chose soit testée, expliquée, qu'il y ait réponse,
3 voilà le principe, et rien de plus. Si vous voulez, c'est une illustration
4 ou une sous catégorie de l'équité du procès en tout. Il faut avoir une
5 possibilité équitable de répondre et de traiter de tous ces points.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Il y a peut-être certains
7 éléments de l'article du règlement sur lesquels il convient de réfléchir.
8 Il me semblait que le témoin ne devait pas ne pas être informé que son
9 témoignage contredisait les arguments de l'Accusation, parce que n'étant
10 pas informé, il ne pourrait ne pas comprendre le type d'explication qu'on
11 lui demande. Il me semble que M. Gaynor, dans votre argumentation, vous
12 avez dit que si un accusé témoigne en l'espèce, et pour son compte a
13 toujours été là depuis le début du déroulement du procès, a suivi les
14 déclarations liminaires, a écouté les décisions orales, et cetera, dans ce
15 cas-là, le besoin de donner ce type d'information à un témoin est moins
16 important ou moins pressant que lorsqu'il s'agit d'un témoin qui arrive
17 assez vierge en l'espèce, en ayant vu peut-être qu'un seul aspect de la
18 chose, et nous -- quand il n'aurait aucune idée de la friction qui pourrait
19 exister entre son témoignage et les arguments de l'Accusation.
20 Je pensais que c'était comme cela qu'il fallait comprendre le problème.
21 M. STEWART : [interprétation] Certes. C'est tout à fait correct en ce qui
22 concerne ce dont vous avez parlé, mais je vous ai dit il y a quelques
23 secondes, je crois, qu'il peut y avoir des différences entre la position du
24 défendant, puisque le défendant, bien sûr, sait exactement ce à quoi il --
25 ce qu'il sait. Il le sait au cours du déroulement du procès, mais ce qui
26 est difficile quand on essaye d'appliquer cette distinction en l'espèce,
27 c'est que cette différence est plus claire, et traite bien la situation
28 pour les cas très simples.
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1 Quand on a un cas aussi complexe que celui-ci, avec autant d'éléments qui
2 rentrent en cause, bien sûr M. Krajisnik et bien sûr les équipes de la
3 Défense ont su bien avant qu'il arrive à déposer -- au fur et à mesure,
4 d'ailleurs, des dépositions des différents témoins quel était ce qui lui
5 était reproché. Mais quand on va juste un petit peu en dessous, quand on
6 creuse un petit peu sous toutes ces preuves qui doivent être étudiées, là
7 on ne peut plus anticiper exactement quels sont tous ces points. On a pris
8 le tout petit exemple de cet après-midi pour illustrer la chose.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela clarifie énormément votre position.
10 Merci.
11 Monsieur Gaynor, maintenant, je vous ai demandé auparavant comment vous
12 compreniez les mots "parler à quelqu'un." Pour moi, c'est quand même avoir
13 une conversation avec quelqu'un. Non, je ne crois que ce n'est pas à vous
14 je devrais parler, en fait. Je vous ai entendu. J'ai lu ce qui a été écrit
15 dans le mémoire en clôture à propos de la connaissance que M. Krajisnik
16 avait des choses. Je vais essayer de retrouver le passage. Au paragraphe
17 397, il est écrit : "Krajisnik a informé M. Mici [comme interprété] du
18 massacre." Ensuite, il est référence à la pièce P292 et la pièce P239.
19 Quand je lis le compte rendu de l'intercept téléphonique, Mirko
20 Krajisnik dit que le bus a été attaqué par des Musulmans et que, sans doute
21 par erreur, ils ont cru que toutes les personnes à bord du bus étaient
22 Serbes. Je lis le texte. On pouvait dire qu'il a peut-être relié des
23 informations erronées ou des informations justes, certes, mais dire que
24 Mirko Krajisnik a informé Krajisnik du massacre, d'accord. A premier abord,
25 c'est correct, puisque dans cette conversation téléphonique, Mirko a
26 informé Momcilo d'un massacre. Mais il faut remettre cela dans le contexte.
27 Là où nous sommes, le contexte, c'est la connaissance qu'avait M. Krajisnik
28 de différents rapports et différentes informations, non pas sur les actions
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1 des Musulmans, mais sur les actions des Serbes.
2 J'étais un peu surpris, là, de votre utilisation de ces éléments.
3 J'aurais voulu vous donner l'occasion de vous expliquer. Pourquoi avez-vous
4 présenté les choses de cette façon ? J'aimerais vous donner l'occasion de
5 vous expliquer. Je pense que si vous attaquez les choses sous un autre
6 angle, ce serait pour nous plus efficace.
7 M. TIEGER : [interprétation] Oui, la façon dont vous attirez l'attention
8 sur ce point est une indication bien suffisante, comme l'a dit la Chambre,
9 qu'il y a certainement une meilleure manière d'attaquer la chose, c'est
10 sûr. Comme l'a indiqué la Chambre, c'est ce qui est indiqué ici, c'est que
11 l'Accusation veut faire remarquer à la Chambre que M. Krajisnik avait été
12 averti de cet événement. Je regrette certes que cela n'ait pas été très
13 clair, je ne veux pas vous dire que c'est parce qu'on n'avait pas beaucoup
14 de temps, pas assez de place -- c'est pourtant une des raisons. Mais nous
15 ne voulions surtout pas vous induire en erreur, ce n'était pas du tout le
16 but. Je remercie -- j'aurais aimé pu donner le contexte de l'intercept
17 téléphonique, le fait que d'ailleurs cet endroit d'où était passée cette
18 conversation téléphonique était extrêmement proche des endroits où
19 habitaient à la fois M. Krajisnik et M. Mirko Krajisnik, la connaissance
20 générale aussi des événements à l'époque, les forces de l'époque --
21 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
22 M. TIEGER : [interprétation] Je ne tiens pas à rajouter quoi que ce soit.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez -- oui, je comprends
24 bien. Si vous aviez pu donner plus de détails, vous l'auriez fait et vous
25 auriez pu sans doute expliquer exactement pourquoi vous avez présenté les
26 choses de cette façon.
27 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais il s'est passé deux choses. En vous
28 basant sur les éléments de preuve en l'espèce, soit vous allez dire qu'il y
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1 a un lien ou alors vous allez dire qu'il n'y en a pas. Mais en tout cas,
2 nous ne voulions absolument pas vous induire en erreur en vous faisant
3 immédiatement ressortir cet intercept et en pointant votre attention sur
4 cet intercept téléphonique.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Oui, dans votre mémoire en
6 clôture, je lis au paragraphe 215 : "Les cellules de Crise serbes de Bosnie
7 à l'origine étaient formées par des -- formaient des organes secrets du
8 Parti SDS conformément aux Variantes A et B."
9 Nous avons quelques cellules de Crise qui ont été créées avant le 19
10 décembre 1992, et on pourrait s'attendre à ce que si des cellules de Crise
11 ont été constituées beaucoup plus tard que décembre 1992, l'Accusation nous
12 dirait : elles ont agi tard ou elles ont été retardées pour faire ce
13 qu'elles avaient à faire. Mais que dire des cellules de Crise qui ont été
14 formées avant le 19 décembre ? Bien sûr, vous pourriez dire que ceci est
15 conforme à cela. Est-ce qu'elles auraient eu les mêmes types de tâches ?
16 Comment expliquez-vous qu'elles aient été formées au tout début, dans les
17 premières phases ? Quel est le lien de cause entre les instructions de ces
18 cellules de Crise ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, pour commencer, je
20 voudrais rappeler la cellule de Crise particulière à laquelle pense la
21 Chambre. J'aimerais me les remémorer. Je n'en ai pas une à l'esprit pour le
22 moment, cela me paraît bien vague.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas leur nom pour le moment,
24 mais je me rappelle qu'il y en avait une qui avait commencé extrêmement
25 tôt, et puis une autre, je crois, vers la mi-octobre, quelque chose comme
26 cela. Je ne peux pas vous donner exactement la référence maintenant, mais
27 j'en ai deux à l'esprit.
28 Oui, Monsieur Tieger.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce qui est le plus important de
2 garder à l'esprit en ce qui concerne celles-ci, c'est leur lien continu
3 avec la direction des Serbes de Bosnie, les dirigeants serbes de Bosnie. Si
4 vous suivez les activités de ces organes, et bien que je ne puisse pas les
5 désigner précisément, mes souvenirs très clairs sont que ces cellules de
6 Crise n'ont pas fonctionné en dehors d'une voie qui avait été prise par les
7 très nombreuses cellules de Crise qui ont été créées pour répondre aux
8 exigences des Variantes A et B, mais tout à fait de la même manière, comme
9 ont été créées -- enfin, je ne veux pas trop me centrer sur leur création
10 parce que je ne peux pas me rappeler exactement à quel moment elles l'ont
11 été, me rappeler les dates particulières ou quelque chose qui a été un
12 facteur déclenchant en particulier.
13 Mais ce que je sais, c'est que ces cellules de Crise, et tout
14 particulièrement après décembre 1992 [comme interprété], ont agi d'une
15 façon qui était cohérente et qui correspondait à ce que toutes les autres
16 cellules de Crise faisaient sous la direction des dirigeants serbes de
17 Bosnie.
18 Quant à savoir maintenant s'ils étaient en train de se préparer ou
19 s'il y en a une ou l'autre qui s'est formée dans le sillage d'une autre,
20 d'après mes souvenirs, l'état d'urgence a été déclaré par
21 M. Karadzic le 18 octobre. Il y a eu très clairement l'impression que les
22 événements commençaient à se dérouler, comme nous le savons, après les 14
23 et 15, après l'assemblée, la séance de l'assemblée du 14 et du 15 octobre,
24 cette session conjointe. Nous avons le 15 octobre pour la réunion du
25 conseil politique, et immédiatement après cela, le Club des députés du 18
26 octobre, l'état d'urgence proclamé le 18 octobre par M. Karadzic, et
27 beaucoup d'attention a été consacrée, vous l'avez vu parmi les nombreuses
28 conversations téléphoniques qui ont été enregistrées de M. Karadzic qui
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1 parlait des mesures qu'il allait prendre. Mes souvenirs sont au moins --
2 excusez-moi si je les appelle "cellules de Crise prématurées", elles ont
3 été formées à ce moment-là tout à fait pour répondre à situation et à la
4 lumière de la façon dont la direction, les dirigeants serbes de Bosnie
5 comprenaient la situation comme devant faire progresser les choses afin que
6 les autorités municipales puissent être créées.
7 Notre position serait qu'elles aient été créées essentiellement pour
8 le même objectif et qu'elles ont suivi pratiquement la même voie et peuvent
9 être également considérées par certains de la même manière après décembre
10 1991, et ceci bien avant par ces mêmes autorités.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais alors peut-être que je
12 parviendrai à retrouver le nom de ces deux cellules de Crise ainsi que les
13 dates auxquelles elles ont été créées.
14 Une autre question, enfin, c'est un point très mineur sans grande
15 importance. Si vous regardez la note de bas de page 360 sur la pièce P65,
16 intercalaire -- pages 40, 43 -- est censée contenir ce qu'a déclaré M.
17 Cizmovic le 28 février 1992. Il n'est pas nécessaire que vous répondiez
18 immédiatement à cela, mais puisque c'est maintenant le dernier jour
19 d'audience, sans cela je vous aurais posé la question en vous demandant de
20 le retrouver. Je ne vois pas que
21 M. Cizmovic ait parlé -- je ne vois pas cela dans ces pages, si je ne me
22 trompe, mais peut-être qu'en regardant une deuxième fois --
23 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, c'est possible, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 M. TIEGER : [interprétation] Mon souvenir est que ceci avait fait l'objet
27 de quelques discussions au cours du contre-interrogatoire de M. Krajisnik,
28 de sorte que si ce n'est pas le cas, évidemment nous vous indiquerons dès
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1 que possible où on le retrouve, mais il se peut qu'il y ait une autre façon
2 de vérifier cette référence précise.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, une autre question. Maintenant je
4 m'adresse à la Défense, bien que cette question ne soit pas pour la
5 Défense. La Défense a évoqué l'idée de savoir si le fait d'aider et
6 d'encourager l'entreprise criminelle commune était en quoi que ce soit
7 possible. Puis, vous avez poursuivi. La Défense a dit qu'elle était
8 chargée, elle était accusée de cela dans l'acte d'accusation. Nous avons de
9 graves doutes que ceci soit du tout possible. Si c'est possible, à ce
10 moment-là, tels et tels éléments, telles et telles conditions seraient
11 nécessaires. Pourriez-vous faire des commentaires là-dessus, développer ?
12 Pourriez-vous, sur la question de savoir si on pourrait aider et encourager
13 une entreprise criminelle commun, je veux dire, dans le cas où l'entreprise
14 criminelle commune ne serait pas toujours un crime. On nous a dit que le
15 fait d'aider et d'encourager dans certains cas n'était pas un crime. Peut-
16 être M. Gaynor, peut-être pourrez-vous répondre à cette question, mais elle
17 a été précisément évoquée par la Défense.
18 M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
19 pense que dans les conclusions que j'ai présentées mardi, je vous ai
20 indiqué qu'il y avait une conclusion particulière, notamment en ce qui
21 concernait l'arrêt Kvocka, au paragraphe 91, où il a été constaté qu'il
22 était effectivement inexact de parler et d'aider, d'encourager une
23 entreprise criminelle commune, de sorte que ce type de responsabilité,
24 semble-t-il, avait été reconnu comme n'étant pas pleinement --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il figure quand même dans
26 l'acte d'accusation, n'est-ce pas ?
27 M. GAYNOR : [interprétation] C'est exact.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous dites qu'on adopte quelque
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1 chose qui n'existe pas et que la Défense dit, bon, on peut ne pas en tenir
2 compte ?
3 M. GAYNOR : [interprétation] Je sais que la Défense a présenté des
4 conclusions sur ce que devaient être les éléments qui pourraient
5 constituer, qui seraient constitutifs de toute responsabilité, mais compte
6 tenu du fait que la Chambre d'appel a estimé que ce n'était pas une voie
7 sûre à emprunter, notre conclusion est que vous ne devriez pas non plus
8 emprunter cette voie. Quant aux conclusions de la Défense --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie -- voyez-vous, aider et
10 encourager un crime qui a été commis par l'entreprise criminelle commune.
11 Est-ce une possibilité ? Commençons par --
12 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, aider et encourager un participant à
13 l'entreprise criminelle commune suffit, c'est suffisant. C'est ce que dit
14 bien l'arrêt dans l'affaire Kvocka. Mais l'entreprise criminelle commune
15 est une forme de responsabilité. Aider et encourager, il y a donc une
16 responsabilité conjointe, commune, et lorsqu'elles sont mêlées l'une à
17 l'autre, le tableau n'est plus si clair. Je pense que c'est ce que voulait
18 dire la Chambre d'appel, en l'occurrence, aider et encourager un
19 participant et un certain nombre de participants, une catégorie de
20 participants qui sont de membres de cette entreprise criminelle commune.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes d'accord que le
22 fait de mêler ces deux formes de responsabilité résultera toujours dans une
23 confusion ? Est-ce que vous adoptez cela comme une règle générale ?
24 M. GAYNOR : [interprétation] Si vous permettez que je consulte un instant.
25 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de clarifier les
27 choses. Peut-être que -- si j'insiste quelqu'un à commettre une infraction,
28 c'est une chose que l'on peut faire, alors j'incite et j'encourage cette
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1 personne très fortement à faire cette infraction, et au moment même où
2 cette personne est sur le point de commettre cette infraction, je vais
3 l'aider en lui donnant un instrument, un outil ou ce que vous voulez. Ce
4 serait là inciter et aider et encourager, peut-être.
5 M. GAYNOR : [interprétation] Oui. Je suis d'accord que c'est une analyse
6 qui est tout à fait -- qui doit être basée sur des faits. Pour une
7 infraction très simple, cette infraction peut consister le fait d'inciter
8 en partie, d'aider et d'encourager en partie à commettre. Je pense que
9 c'est un bon exemple pour l'arrêt rendu en appel lorsque, par exemple,
10 l'accusé était présent à un site où a eu lieu un massacre. Il a ordonné
11 qu'un massacre ait lieu. Il a participé au fait de séparer la population
12 tutsie d'une autre population, puis il a fait mettre de côté ce qui était
13 présent. Il les a, à ce moment-là, encouragés à commencer le processus et
14 la tuerie, de sorte que dans cet exemple, différentes formes de
15 responsabilité en ce qui concerne les différents stades semblent traduire
16 sa responsabilité criminelle.
17 De proposition générale, je pense que, Monsieur le Président, le
18 droit, la loi semble reconnaître ce que vous pouvez constater lorsqu'on
19 analyse une responsabilité criminelle. Vous pouvez parvenir à des
20 conclusions selon les différents éléments de l'article 7.1 du Statut.
21 Toutefois, s'il y a des formes mêlées de responsabilité criminelle relevant
22 de l'article 7, paragraphe 1, dans le cadre d'une entreprise criminelle
23 conjointe, ceci ne semble pas rencontrer une forte approbation de la
24 jurisprudence jusqu'à présent.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Me Stewart a demandé que l'on
26 prête une attention précise au paragraphe 97 de l'affaire Kvocka,
27 contribution importante qui, dans ce paragraphe, même sans le lire dans son
28 intégralité, il est dit que ceci dépend des circonstances et qu'il se
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1 pourrait qu'il y ait parfois des cas où il n'est pas nécessaire d'établir
2 qu'il y ait eu une contribution importante ou matérielle, substantive.
3 Avez-vous des commentaires à ce sujet ? Parce que vous avez dit les
4 choses très brièvement. Vous avez dit que ceci n'est pas nécessaire. Mais
5 en même temps, le paragraphe 97, bien entendu, nous trouvons que tel ou tel
6 élément pourrait être nécessaire dans telles circonstances. Par conséquent,
7 la question de savoir si nous sommes en train d'avoir à faire face à de
8 telles circonstances en l'espèce, ce n'est pas une réponse aux problèmes
9 pour dire de façon générale, parce que la Chambre d'appel dit que ceci
10 dépend beaucoup de la contribution, à savoir si c'était une contribution
11 matérielle ou importante qui doit être établie.
12 Indépendamment de la règle générale, et ce n'est pas toujours
13 nécessaire, est-ce que nous avons ici un cas où elle devrait être établie ?
14 M. GAYNOR : [interprétation] Non, Monsieur le Président, notre
15 position est que l'accusé a fait une contribution importante à l'entreprise
16 criminelle commune, de sorte que c'est vraiment une question technique pour
17 la présente affaire.
18 Je pense que ce que disait la Chambre d'appel au paragraphe en
19 question, c'était que du point de vue du droit, il n'est pas nécessaire
20 d'établir que l'accusé ait fait une contribution substantielle à
21 l'entreprise criminelle commune. Toutefois, pour ce qui est de
22 l'appréciation des éléments de preuve, il est facile de constater que
23 l'accusé a participé à l'entreprise criminelle commune et que sa
24 contribution était substantielle.
25 Comme nous avons présenté nos conclusions, la participation de cet
26 accusé ici, à cette entreprise criminelle commune, a été très importante.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous voyons bien, Monsieur
28 Tieger. Peut-être, pour vous aider, Bosanski Petrovac, 24 octobre 1991 --
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1 incidemment, je me suis trompé tout à l'heure lorsque j'ai parlé du 19
2 décembre 1992. Je voulais dire bien sûr 1991.
3 M. TIEGER : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de Bosanski Petrovac.
6 Vous avez traité des événements qui s'étaient passés en octobre 1991.
7 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que c'était de la même manière
8 et que la même chose est vraie en ce qui concerne Bratunac.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ceci a été établi en
11 réponse à l'état d'urgence proclamé le 18 octobre et qu'ensuite, elle a
12 démantelée puis reformée de la diffusion de la Variante A et de la Variante
13 B.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bratunac en était également une
15 autre. Oui, j'en avais deux en tête et je pense que c'étaient les deux
16 seules qui s'appliquaient en l'espèce.
17 M. TIEGER : [interprétation] Si je peux vous donner une clarification
18 rapide d'un point que l'on a parlé précédemment, les prisonniers
19 d'Ahatovici, donc là j'essaie juste de -- je ne voudrais pas que la
20 référence vous induise en erreur. L'un des facteurs, d'abord, c'est que
21 c'était lors de l'interrogatoire principal de M. Krajisnik, et il me semble
22 qu'il a reconnu qu'il s'agissait bien de prisonniers musulmans qui avaient
23 été tués. Il a aussi expliqué comment il lui avait été dit et qu'il lui
24 avait été dit par le biais d'un intercept téléphonique. C'est ainsi qu'il
25 avait été averti. Maintenant, je vais essayer de retrouver la page, si je
26 puis.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Enfin, on va voir les choses. On va
28 étudier tout cela de près.
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1 M. TIEGER : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il y a peut-être -- que
3 dans votre mémoire en clôture, vous avez plus d'éléments qui étayent la
4 chose que ce qu'il y a uniquement dans ce pied de page; c'est bien cela ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait, et cette référence était un peu
6 une allusion, et rien de plus. Nous pensons que cela allait -- qu'allusion
7 suffirait, alors que -- au vu de ce qui avait été soulevé par la Chambre.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons. Oui, je crois que la
11 Chambre n'a plus de questions à poser aux parties.
12 Monsieur Krajisnik --
13 M. JOSSE : [interprétation] Tout d'abord, avant tout je tiens à intervenir.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 M. JOSSE : [interprétation] C'est quelque chose que j'aimerais soulever et
16 faire remarquer, et ce, au nom de M. Krajisnik. La déclaration qu'il a
17 préparée depuis un moment, d'ailleurs, comme je vous l'ai dit hier, a été
18 traduite, et j'ai donné cette traduction à nos collègues de l'Accusation
19 hier. Ils l'ont étudiée, ils ont fait quelques remarques. J'en ai parlé
20 avec M. Krajisnik.
21 Il a apporté quelques remarques supplémentaires à sa déclaration, suite aux
22 remarques qui avaient été faites par l'Accusation -- aux arguments de
23 l'Accusation il y a deux jours. L'Accusation n'a pas été prévenue
24 absolument de tout ce que M. Krajisnik va dire, et je leur ai d'ailleurs
25 fait part de cela ce matin, après avoir été au quartier pénitentiaire ce
26 matin.
27 De plus, pour essayer de rendre la chose la plus simple possible, nous
28 avons donné aux trois cabines d'interprétation la version en B/C/S,
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1 l'original du discours de M. Krajisnik, ainsi que la traduction en anglais
2 des propos de M. Krajisnik, de ce qu'il va nous lire. Mais comme je vous
3 l'ai déjà dit, il y a quelques corrections qui ne sont peut-être pas sur
4 ces documents et qu'il va dire.
5 Il va, donc, à un moment partir ad lib [phon] et va quitter un petit
6 peu le discours écrit.
7 J'ai bien expliqué tout cela, Monsieur Tieger, ce matin, après avoir
8 quitté le quartier pénitentiaire. L'Accusation est au courant de tout.
9 Ensuite, M. Tieger a déclaré qu'on avait empêché Limaj de faire sa
10 déclaration prévue au titre de l'article 84 bis du Règlement parce qu'il
11 avait déjà témoigné. Or, j'étais informé par quelqu'un qui m'a -- qui avait
12 suivi le déroulement de ce procès-là et qui m'a expliqué que Limaj n'avait
13 pas pu faire cette déclaration en fin de procès parce qu'il avait fait une
14 déclaration liminaire en application de l'article 84 bis. Je tiens juste à
15 le dire pour votre information.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
17 Monsieur Josse, je pense que vous savez quels sont les points sensibles en
18 ce qui concerne l'Accusation. J'ai bien -- dans les portions -- dans les
19 passages qui ont été ajoutés, pensez-vous qu'il y ait quoi que ce soit qui
20 soit sensible ?
21 M. JOSSE : [interprétation] Non, je ne le pense pas, et je tiens aussi à
22 faire remarquer que nos éminents collègues de l'Accusation ont été
23 extrêmement coopératifs et très raisonnables. Il y avait certains passages
24 qui, à mon avis, étaient assez sensibles, et pourtant, ils les ont
25 acceptés. Je tiens à dire aussi que M. Krajisnik et moi-même avons ensemble
26 rédigé ou rerédigé son premier brouillon, sachant que -- étant donné que je
27 savais mieux que lui ce que la Chambre permettrait et ce que la Chambre ne
28 permettrait pas.
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1 Messieurs les Juges, la déclaration au titre de 84 bis, cette déclaration
2 lui prendra au moins trois quarts d'heure, peut-être même plutôt une heure.
3 Je sais que normalement, il n'y a que 30 minutes, mais il y a quand même eu
4 300 jours d'audience, et ce serait vraiment dommage qu'à la fin d'un procès
5 aussi long, on expédie la dernière demi-heure de déclaration de l'accusé.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre est d'accord pour que tout se
9 déroule comme vous l'avez suggéré, Monsieur Josse.
10 Monsieur Krajisnik, après la pause, vous pourrez faire votre déclaration,
11 mais avant la pause -- vous avez peut-être déjà parlé avec votre conseil,
12 mais je tiens quand même à vous rappeler certaines choses. Tout d'abord,
13 l'article 84 bis du Règlement de procédure et de preuve dit -- ce n'est pas
14 utilisé uniquement pour permettre à l'accusé de prononcer une dernière
15 déclaration, mais il est écrit néanmoins que nous vous permettons de faire
16 une déclaration, déclaration qui est encore sous contrôle de la Chambre de
17 première instance. Nous espérons quand même que, comme en a parlé votre
18 conseil, nous n'aurons pas à intervenir et à vous interrompre, que nous
19 pourrons juste vous écouter. Il s'agit d'une déclaration qui n'est pas
20 solennelle, ce qui signifie que vous n'avez pas à prêter serment. Dans de
21 nombreuses juridictions, l'accusé ne prête jamais serment, et dans ces
22 systèmes, ceci n'est pas considéré comme une possibilité de ne pas dire la
23 vérité, bien sûr. Donc, vous n'avez pas à prêter serment, enfin, à faire de
24 déclaration solennelle, puisqu'ici on ne parle pas de serment. Vous n'allez
25 pas être interrogé à propos de votre déclaration. Nous allons juste vous
26 écouter et vous entendre.
27 Cela dit, cette Chambre statuera sur l'éventuelle valeur probante de la
28 déposition. Vous allez bien réaliser que si vous dites quelque chose et
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1 tout ce que vous dites peut être pris en compte au cours de nos
2 délibérations. Nous pouvons très bien utiliser ce que vous dites dans cette
3 déclaration soit contre vous, soit en votre faveur. C'est vraiment à nous
4 de statuer sur l'éventuelle valeur probante de votre déposition.
5 Quand on parle de valeur probante, sachez que ce n'est pas uniquement si
6 vous admettez certaines choses, si vous dites que ceci s'est passé en
7 décembre -- des choses concrètes. Mais aussi si vous dites des choses qui
8 sont compatibles avec les éléments de preuve que nous avons entendus, nous
9 comprendrons donc que c'est compatible, mais cela dit, si vous trouvez une
10 autre explication, tout à coup si vous nous dites quelque chose qui serait
11 difficile à comprendre au vu des preuves que nous avons accumulées jusqu'à
12 présent, nous pourrions très bien en tirer des conclusions tout à fait
13 négatives vous concernant.
14 C'est votre déclaration, et c'est à nous de statuer sur l'éventuelle valeur
15 probante de cette déposition. Il se pourrait très bien que nous l'écartions
16 d'un revers de main, ou pas. Mais il faut en tout cas que vous en soyez
17 pleinement conscient.
18 Je peux déjà dire qu'après votre déclaration, donc après la pause, après
19 votre déclaration, nous en aurons fini avec cette phase du procès. On a
20 fini avec le procès, d'ailleurs. Je ne vais pas remercier tout le monde. Ce
21 qui ne signifie pas que nous ne partagions pas, bien sûr, tous les
22 remerciements qui ont déjà été exprimés par rapport à toutes les personnes
23 qui sont dans le prétoire, en dehors du prétoire, et cetera, mais, Monsieur
24 Krajisnik, vos paroles seront les dernières paroles entendues au cours de
25 ce procès. Après votre déposition, nos délibérations sur le jugement
26 commenceront. La prochaine fois que vous nous entendrez, ce sera pour le
27 prononcé du jugement.
28 S'il y a quoi que ce soit que les parties voudraient soulever avant la
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1 toute fin du procès, il faut -- c'est comme dans un mariage; c'est
2 maintenant ou jamais. Sinon, il faut "forever rest your peace," comme on
3 dit en anglais.
4 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Etant donné que c'est la dernière fois
5 que je pouvais me lever, je tiens à vous répondre pour ce qui est de votre
6 demande sur la pièce -- note de pied de page 360. Il s'agit --
7 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
8 M. TIEGER : [interprétation] Les références aux pages 40 et 43, ces
9 références sont à une ancienne traduction et la référence correcte doit
10 être 29 à 31, si j'ai bien compris.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 S'il n'y a rien à rajouter, nous allons maintenant suspendre la séance pour
13 une pause, et nous reprendrons à 6 heures moins 25. Merci.
14 --- L'audience est suspendue à 17 heures 12.
15 --- L'audience est reprise à 17 heures 44.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Krajisnik, la Chambre vous donne
17 l'opportunité -- vous fournit l'opportunité de faire votre déclaration.
18 Veuillez prendre la parole, je vous prie.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tiens tout d'abord vous remercier de m'avoir
20 fourni l'occasion de prononcer ces propos de clôture, parce que ce sera une
21 dernière tentative de ma part de démontrer ce que qui est vrai. Je suis
22 satisfait de ce que j'ai fait parce que j'estime avoir fait tout ce que je
23 pouvais, en prenant part tant dans mon témoignage, en aidant la Défense et
24 dans la préparation de documents, et je regretterais véritablement de ne
25 pas avoir eu l'occasion de procéder à cette dernière tentative. Je vous
26 remercie, Messieurs les Juges, et je remercie également ceux qui m'ont aidé
27 à élaborer ce discours de clôture.
28 En préparant ce discours de clôture devant ce Tribunal, j'ai eu un dilemme.
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1 Je me suis posé la question de savoir ce qu'il convenait de dire à
2 l'occasion des comptes finaux s'agissant du travail dont s'est occupée ma
3 Défense pendant les six ans et demi écoulés ? Il n'a pas été seulement
4 difficile de vaquer à ce travail pour ce qui est du travail en tant que
5 tel, mais parce que je n'ai jamais fait un travail similaire, et le faire
6 pour soi-même n'a été que peu difficile. J'ai eu l'impression qu'une tâche
7 similaire pourrait être plus aimant si j'avais à le faire pour quelqu'un
8 d'autre. Un autre fardeau a constitué le fait que j'écrivais sur une partie
9 de ma vie tout en ayant à déconnecter l'émotionnel afin de ne pas être
10 accusé, de ne pas avoir maintenu un niveau d'objectivité indispensable.
11 C'est ce que je me suis dit avant la rédaction de ce document quand
12 je n'a pas pu me dire, je suis à 100 % certain de ce j'affirme et lorsque
13 je n'ai pas pu constater d'avoir trouvé une réponse à la question qui n'est
14 guère aisée. Peut-être à un moment donné ai-je été près de la décision de
15 ne rien rédiger du tout, et de prendre la parole pour parler de tête
16 concernant ce que je sentais et ce que je croyais devoir dire à un moment
17 final. Mais, je ne suis pas resté sur cette idée de m'adresser oralement
18 aux Juges de la Chambre sans avoir de notes écrites.
19 J'ai donc décidé ce rédiger des propos de clôture, non seulement
20 parce que je voulais faire preuve de respect à l'égard des Juges de la
21 Chambre et à l'égard de toutes les personnes qui ont suivi ce procès au fil
22 de ces deux ans et demi écoulés, mais également en raison de l'histoire à
23 laquelle je tiens tout particulièrement.
24 Donc, pour l'histoire et pour les besoins de ma propre Défense, je
25 tiens à dire, Messieurs les Juges, la chose suivante : Je m'adresse à vous
26 en ma qualité d'homme qui croit en Dieu et en la Justice divine, qui croit
27 à la vérité et qui croit que la vérité finira par triompher. Je crois à la
28 justice et à la vérité parce que, si je croyais que la justice et le
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1 mensonge pouvaient gagner, pouvaient l'emporter, je crois que le monde
2 disparaîtrait. Je veux que le monde subsiste et que subsistent les gens qui
3 croient aux mêmes valeurs. J'ai cette position parce que j'estime que la
4 vérité ne peut déranger que ceux qui n'ont pas la conscience propre et qui
5 ont commis les crimes et des injustices à l'égard d'autrui, or je ne fais
6 pas partie de ce groupe-là.
7 En séjournant à la prison de La Haye, comme je l'ai dit pendant plus
8 de six ans et demi, j'ai fait à plusieurs reprises l'inventaire de tout ce
9 que j'ai fait dans la vie, et j'ai toujours tiré la même conclusion, à
10 savoir que toute ma vie durant, je me suis comporté de façon identique à
11 moi-même. Je n'ai jamais été sans -- en ayant conscience de cela, du côté
12 de ceux qui ont commis des injustices et qui se sont comportés de façon
13 inhumaine, qui ont fait de ce comportement leur allié. Si cela s'est fait,
14 cela s'est fait sans ma connaissance et sans mon approbation. Je vous
15 affirme que je me battrais pour la vérité, quand bien même cette vérité me
16 coûterait très chère, parce que je crois profondément qu'un crime ne
17 saurait faire l'objet d'une prescription extinctive. Je crois comprendre
18 que vous, Juristes, interprétez la chose de la même façon, à savoir qu'un
19 crime ne saurait être prescrit. Je le pense en ma qualité d'homme qui croit
20 à la loi divine et qui estime que les fautifs peuvent éviter le tribunal
21 sur terre mais ne saurait fuir la justice de Dieu et les peines qui sont
22 régulièrement plus sévères et plus durables que celles prononcées par
23 quelque tribunal au monde.
24 Si j'étais coupable et que je venais à être libéré, je crois que pour mon
25 crime, la peine retomberait sur mes propres enfants.
26 C'est la raison pour laquelle, Messieurs les Juges, en dépit du fait que je
27 sais que vous avez entre les mains la clé de ma destinée, et en dépit du
28 fait que j'ai beaucoup d'estime pour vous, je ne vous demanderai pas grâce,
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1 mais je vous demanderais de juger en fonction de votre constance et partant
2 des éléments de preuve qui vous ont été présentés.
3 Je le dis tout en étant conscient du danger que représente le fait que la
4 Défense n'a pas présenté la totalité, pas même le minimum des arguments qui
5 prouveraient mon innocence et la vérité, et qui ont, à compter du début
6 même, été mis à sa disposition. Je vous rappelle cela et la conséquence
7 d'anomalies qui ont suivi toute la défense, toute ma défense au fil du
8 procès entier, chose que j'ai indiqué à plusieurs reprises.
9 Bien que cela soit exact, je vous demande de juger partant des éléments de
10 preuve présentés, parce que comme vous me l'avez rappelé à plusieurs
11 reprises, j'ai présenté ma vérité devant des Juges d'expérience et
12 professionnels, et non pas devant un jury, et je tiens à dire aussi que je
13 n'aie aucune attitude négative vis-à-vis des jurys. J'estime que vous avez
14 entendu et vu bon nombre d'éléments de preuve pendant ce procès et que vous
15 serez à même de prendre une décision qui se fondera sur la vérité et la
16 justice.
17 Je le dis parce que j'étais convaincu de la chose par les positions
18 adoptées par vous-mêmes à l'occasion de la phase finale de la procédure,
19 lorsque vous avez décidé de ne pas considérer nécessaire des témoins
20 complémentaires ou des éléments de preuve complémentaires. J'ai eu
21 l'impression que vous avez déjà pris votre décision, que vous avez conforté
22 votre opinion. Je suis même convaincu que ce propos de clôture est une
23 partie de la procédure et non pas un élément complémentaire en faveur de ma
24 Défense.
25 Quand je dis que je suis convaincu du fait que vous ayez déjà pris votre
26 décision, je vais être tout à fait sincère jusqu'au bout, et je vais dire
27 que je suis convaincu que votre décision est juste et équitable, et que
28 vous en êtes arrivés à la conclusion disant que l'acte d'accusation contre
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1 moi est tout à fait infondé.
2 Avant de répondre à la question qui est celle de me demander à partir de
3 quoi est-ce que je dis cela, je vous dirais que certaines parties de l'acte
4 d'accusation se sont avérées infondées. Tout d'abord, je veux dire que j'ai
5 réparti les éléments à présenter en deux groupes : un groupe général et un
6 groupe d'éléments concrets.
7 Tout d'abord, lorsque j'ai prêté une oreille attentive aux propos de
8 clôture de l'Accusation, je dois dire que j'aie été sous le stress; un
9 stress similaire à celui où j'ai été mis aux arrêts et amené ici dans mon
10 pyjama. Dans ma vie, j'ai eu énormément de stress - quand j'ai perdu ma
11 femme, quand j'ai perdu mon père, également - et quoique ayant connaissance
12 de l'acte d'accusation, ceci a été que je ne souhaiterais voir se produire
13 à quiconque au monde.
14 Je crois, Messieurs les Juges, avec tout le respect que j'aie pour le
15 travail accompli par l'Accusation, que vous en viendrez, et j'en suis
16 certain, à une décision partant des arguments et non pas en partant
17 d'hypothèses, que je ne reprocherai pas au Procureur étant donné les
18 terribles crimes commis effectivement en Bosnie-Herzégovine.
19 Je le dis pour une autre raison encore. Ne m'en voulez pas. Je le dis de
20 façon très involontaire : le peuple serbe, la majeure partie du peuple
21 serbe a une attitude négative vis-à-vis du bureau du Procureur à La Haye
22 parce qu'il estime que l'on ne juge que les Serbes. J'ai investi tant
23 d'efforts pour prouver qu'effectivement ce Tribunal ici constitue la seule
24 modalité pour moi de prouver mon innocence. Parce que quand l'on voit
25 quelqu'un d'accusé de telles choses, vient à prouver qu'il n'a pas commandé
26 l'armée, la police, il n'a pas pu influer et punir, j'en serais plus
27 heureux encore plus que pour moi-même de pouvoir démontrer que ce qui a été
28 écrit est effectivement vrai.
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1 Je tiens à vous rappeler, Messieurs les Juges, que si j'avais été considéré
2 coupable par les Musulmans et les Croates, ils n'auraient pas exprimé le
3 souhait de me voir membre de la présidence. Ils disaient tous : allez voir
4 Krajisnik. Nous savons tous qui est coupable en Bosnie-Herzégovine. Je ne
5 tiens pas à vous le rappeler, mais j'ai passé toute la procédure des
6 accords de Dayton. On aurait pu dire : Krajisnik est suspect. Ne faisons
7 pas de lui un membre de la présidence en 1996. Les blessures étaient encore
8 fraîches et profondes.
9 Si j'avais eu l'intention de détruire le groupe ethnique croate et musulman
10 - parlons maintenant des Croates seulement - est-ce que notre politique
11 aurait permis que les Croates, une fois qu'ils ont été coincés, les civils
12 et les Musulmans, parlant de Musulmans, traversent nos territoires en
13 portant leurs armes pour gagner leur propre territoire ? Nous ne leur
14 aurions pas fourni l'occasion d'être soignés dans nos hôpitaux à
15 [imperceptible] et Ilija [phon]. On nous dit qu'on a eu de bonnes
16 relations, mais nous avons voulu de bonnes relations avec les Musulmans
17 également. Nous nous sommes efforcés de faire en sorte que ces relations
18 soient bonnes parce que sans l'approbation des trois peuples en Bosnie-
19 Herzégovine, rien de bien ne serait se produire.
20 On disait aussi Momcilo Krajisnik est quelqu'un de capable, d'intelligent.
21 J'en ai entendu des épithètes pour avoir de quoi combler ma vie entière.
22 Si, Messieurs les Juges, j'étais intelligent, je ne serais pas ici devant
23 ce Tribunal. Je ne serais pas à La Haye. Il n'y a aucun président de
24 parlement à être comparu ici. Si j'avais été intelligent, j'aurais appris
25 au moins comment éviter d'aboutir ici. Je n'arrive pas à comprendre, au
26 bout de tout ce procès, ce que Momcilo Krajisnik avait bien pu faire. Je ne
27 peux pas comprendre ce type de réflexion juridique.
28 Et dernière généralité, je dirais que nous avons entendu 250 déclarations
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1 de témoins. Nous avons également parlé de la comparution de témoins
2 experts. Vous avez vu le nombre de témoins qu'on a fait venir ici et c'est
3 un grand problème parce que si on avait pu faire venir un grand nombre --
4 un plus grand nombre de gens, des gens à grande crédibilité pour affirmer
5 ou infirmer des éléments, cela aurait grandement aidé.
6 Je vais passer maintenant aux aspects particuliers. Je suis accusé d'avoir
7 par la force voulu procéder à des destructions en Bosnie-Herzégovine. Je
8 tiens à vous rappeler qu'il y a d'abord eu un plan Cutileiro qui visait à
9 créer des entités. Cela s'est fait du plein gré de tout un chacun. Cela
10 date de janvier -- mars 1992. Jusqu'au 22 avril, je suis allé voir Alija
11 Izetbegovic, feu Alija Izetbegovic, au parlement pour que nous essayions de
12 trouver une issue.
13 Après le 22 avril, vous vous rappellerez que Karadzic a rédigé une
14 plateforme que nous avons adoptée à une réunion consultative où il était
15 question de négocier jusqu'à la découverte d'une solution.
16 Le 12 mai, nous avons convié la Communauté européenne à procéder à des
17 négociations et à ne pas les interrompre, quand bien même la guerre se
18 poursuivrait dans l'objectif de trouver une solution. Vous vous souviendrez
19 que le 27 mars, avant le début de la guerre, il y a eu une session de
20 l'assemblée de la Republika Srpska et Karadzic interrogeait sur nos plans.
21 On avait dit que nous n'avions pas de plan. Il a dit : s'il y a guerre,
22 vous allez avoir des plans. Mais la paix est notre valeur suprême et nous
23 nous employons en faveur de la paix. Si vous vous en souvenez, il a dit en
24 répondant à une question des députés qui demandaient : que faire ? Il leur
25 a dit : Une fois rentré chez vous, faites des cellules de Crise. Créez des
26 cellules de Crise. Mais je n'ai pas d'autres modalités de prouver que nous
27 n'avons pas voulu résoudre les choses militairement. Mais une fois que la
28 guerre a commencé, c'est l'aspect militaire qui l'emporte. Une fois que les
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1 gens commencent à se battre, les règles sont éliminés, sont mises de côté.
2 Je vous rappelle également qu'avant le 12 mai, nous sommes allés à
3 Genève ou à Bruxelles - excusez, si je me trompe - pour négocier avec les
4 deux autres groupes ethniques aux fins de trouver une solution. Après, nous
5 sommes allés à Grac. Nous nous sommes entretenus avec les Croates pour voir
6 ce qu'il y avait de contester, ou ce qu'il n'y avait pas de contestable,
7 pour trouver des solutions politiques.
8 Je suis accusé ici d'avoir dit que les Musulmans avaient souhaité un Etat
9 islamique. Si vous vous penchez sur mon intervention, j'ai dit que certains
10 représentants de l'équipe de négociation musulmane s'employaient en faveur
11 d'un Etat islamique. J'ai avancé des preuves dans le livre de M. Muhamed
12 Filipovic, en pages 57 et 58. Il est clairement dit que M. le Pr Kouacevic
13 [phon] avait procédé à une analyse, une étude, et estimait que l'on pouvait
14 créer un Etat islamique, le premier des états islamiques dans les Balkans.
15 J'ai donc repris les propos d'autrui, et je dois être tout à fait honnête;
16 ce n'est pas M. Izetbegovic, mais il y a eu des faucons qui ont estimé que
17 le temps était -- l'heure était venue de créer un Etat islamique. Ici, il y
18 a probablement eu un lapsus lingue.
19 Excusez-moi d'être allé peut-être un peu vite.
20 Il y a probablement eu un lapsus de fait. On a parlé de Glogova, et que
21 cela avait été fait suite aux instructions des instances de la République,
22 et l'intervenant au niveau des instances de la république était Goran
23 Zekic, feu Goran Zekic. Deronjic a lui dit, lorsque Goran Zekic a été tué,
24 le soir de la même journée en guise de représailles, il a lancé une action
25 à Glogova. Alors, peut-être Zekic a-t-il pu le faire, mais Zekic n'avait
26 pas été habilité à proposer quoi que ce soit.
27 J'ai été accusé ici d'avoir eu le pouvoir de sortir des gens de prison. Il
28 y a eu deux exemples de présentés; Iko [phon] Stanic, originaire d'Ilijas,
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1 lorsque Trifko Radic a aidé, et Trifko Karahmetovic, lorsque Momcilo Mandic
2 a aidé. Or, Messieurs les Juges, Iko Stanic, lui, était un député au tout
3 début de la guerre. J'ai appelé Trifko Radic, un autre député, pour lui
4 demander s'il pouvait influer pour faire relâcher cet homme, ce Croate,
5 pour qu'il rentre chez lui. Mais je crois que toute homme le ferait. Je
6 suis donc intervenu auprès de Mandic, et je lui ai demandé d'aller voir
7 dans la prison. Karahmetovic, c'était quelqu'un de Rajlovac [phon], un
8 Musulman avec qui j'ai joué au football. Mais il n'y avait aucune raison de
9 ne pas le faire, donc ce -- ces quelques cas où j'ai pu influer, et là où
10 j'ai pu le faire, j'ai influé -- ou non pas influé, j'ai prié les gens.
11 J'ai prié les gens pour la jeune fille que vous avez vue ici, parce que moi
12 aussi, j'ai une fille. J'ai des enfants. J'ai des amis, des camarades, et
13 pourquoi ne pas les aider si je puis le faire ? Ce n'est pas un pouvoir,
14 c'est une sollicitation, comme lorsque vous solliciteriez vous-même un
15 collègue.
16 On dit ici que les Musulmans sont partis sous la pression de Pale. Vous
17 vous souviendrez, Mme Plavsic avait été le représentant, la présidente de
18 cette mission de représentation à Pale lorsque cela s'est passé, et lorsque
19 vous lui avez posé la question ici, elle a dit qu'elle n'en savait rien. On
20 parle du moment où les Musulmans sont partis. Ce que je sais, c'est qu'il
21 est impossible de prouver telles choses, mais on aurait pu lui demander :
22 as-tu informé Krajisnik ?
23 Vous vous souviendrez également qu'on m'a reproché ici le 11 août, à
24 l'occasion d'une session de l'assemblée à Banja Luka. Il a été proposé de
25 mettre à l'ordre du jour la question des prisonniers. Je n'aurais pas
26 approuvé, dit-on. Messieurs les Juges, penchez-vous sur un petit entrefilet
27 dans le PV, et vous verrez que j'ai dit : vous avez une session demain.
28 Faites en sorte que le gouvernement prépare la documentation, et que nous
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1 mettions la chose à l'ordre du jour. Le gouvernement ne l'a pas préparé.
2 Nous ne pouvons pas débattre sans documentation d'une question aussi
3 sérieuse. Le gouvernement ne l'a pas fait, et au bout de dix jours, un
4 rapport a été fait et il s'est tenu une réunion à Banja Luka.
5 On dit que j'ai été au courant de l'armement. Il s'est passé pas mal de
6 temps depuis. Je vous ai fourni des exemples pour ce qui est de ma
7 localité, Zabrdze. Il n'y avait pas d'armes. Si je pouvais armer quelqu'un,
8 c'est eux que j'aurais armés. Je croyais longtemps que la [imperceptible]
9 pouvait protéger les Serbes et toutes autres personnes attaquées. J'ai
10 expliqué -- je crois qu'un autre témoin l'a expliqué ici pour ce qui est de
11 la façon dont les armes ont été acheminés. Dusan Kozic, et le volet
12 armements.
13 Je voudrais dire que je ne me suis pas très bien débrouillé sur le moment.
14 Prenez le rapport qui disait que j'ai été mis au courant. C'est un rapport
15 du MUP de Mostar. Il ne porte pas de date. Il ne porte pas de cachet. Il ne
16 porte pas de destinataire. Il n'y a pas de numéro de protocole
17 d'enregistrement. A mon avis, jamais un rapport en langue serbe -- ne
18 regardez pas la version anglaise. Jamais un rapport en serbe ne pourrait
19 être distribué à quiconque à moins que ce n'ait été une version -- un
20 brouillon. Je suis en train de me poser la question constamment. Le rapport
21 en question, je n'ai pas pu me le procurer, et je vais me référer à celui-
22 là encore seulement.
23 J'ai dit, Messieurs les Juges, qu'il avait vu le -- l'un document où
24 j'aurais donné l'ordre de nettoyer Bijeljina ethniquement. Ecoutez. On dit
25 que ce document a été donné à Jerkovic. Le document que j'ai donné, moi,
26 reprend le moment où Jerkovic a commencé à vaquer à ces échanges. Cela se
27 passe en 1993, et j'ai délivré -- j'ai rendu ici un deuxième document où
28 l'on voit Milan Tesic, un député, lui donner des pleins pouvoirs alors
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1 qu'il était représentant du gouvernement. Sur le coup, je ne me suis pas
2 débrouillé. Quand il a vu un député, il a dit : oui, c'est le président de
3 l'assemblée.
4 On a dit, Krajisnik avait pu apprendre de la bouche de Plavsic, de
5 Karadzic, de Koljevic, de la bouche de Djeric également, il aurait pu le
6 savoir. Il aurait pu aller déambuler en Bosnie-Herzégovine pour être
7 informé. J'ai beaucoup de peine à le dire : pour ce qui est du mois d'avril
8 jusqu'à la fin du mois d'août, j'avais une femme malade, et trois enfants
9 en bas âge. Je ne pouvais aller nul part. Je n'étais qu'à la tête de
10 l'assemblée, aux négociations, et à Pale. Après le décès de mon épouse fin
11 août, j'ai dû veiller à trois enfants en bas âge, trois enfants mineurs. Je
12 ne pouvais pas déambuler en Bosnie-Herzégovine.
13 Mme Plavsic, elle, a déambulé; qu'elle vous dise si elle a vu des crimes
14 être commis. Je vous affirme que personne n'est venu me voir pour me dire,
15 j'ai tué quelqu'un, ou se ventait d'avoir tué quelqu'un. Ils venaient me
16 voir si je pouvais leur venir en aide, et c'est la raison pour laquelle je
17 n'ai pas pu aller ça et là en Bosnie-Herzégovine. Si on m'avait accusé deux
18 ans auparavant, j'aurais éventuellement pu déambuler, aller ça et là, mais
19 là, à ce moment-là, non.
20 Je veux juste dire quelques mots encore au sujet de la présidence,
21 pour ce qui est des répliques.
22 Il n'y a pas eu de présidence élargie. Je vais juste avancer de façon
23 taxative les éléments qui ont été présentés ici à titre de rappel.
24 Le 25 juillet 1992, et vous vous en souviendrez, lorsque nous sommes allés
25 à la Conférence de Londres, il y a eu une déclaration de la part de M.
26 Karadzic, disant que M. Koljevic, membre de la présidence, et le président
27 de l'assemblée, M. Krajisnik l'accompagnaient. Ce même jour, le 25 juillet,
28 il y a eu une deuxième assemblée de guerre après le 12 mai. Ce 25, il y a
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1 eu des prestations de serments de la part des membres de la présidence,
2 parce qu'auparavant, ils n'avaient pas prêté serment. Il y a un PV qui
3 reprend le tout. Toutes ces sessions et tous ces PV, je ne sais pas si je
4 les ai vus. Il se peut que je les aie vus, mais je ne m'en souviens pas.
5 Mme Plavsic a dit qu'elle n'avait vu aucun PV. Tout ceci avait été baptisé
6 comme étant tenu dans des circonstances d'état de guerre imminent, pas dans
7 un état de guerre ou d'une présidence de guerre.
8 Nous avons entendu D24, un témoin protégé. Il vous a parlé de ces PV.
9 Si vous vous penchez sur son témoignage, vous verrez bien pourquoi cela a
10 été tenu de la sorte. Il a nié l'existence d'une présidence élargie, Bogdan
11 Subotic, Dragan Kapetan, Rajko Kasagic. Vous avez entendu la déclaration de
12 Radovan Karadzic auprès de Gojko Djogo. Cela n'a pas été versé au dossier,
13 mais cela n'a été que mentionné. Ostojic lui aussi l'a nié. Milan Trbojevic
14 aussi. Je vous rappelle qu'il a dit : nous avons estimé que la présidence
15 élargie était la présidence de trois membres, et que Karadzic faisait
16 partie de la présidence élargie. Vous verrez cela lorsque vous vous
17 pencherez sur sa déclaration.
18 Slobodan Hrvancanin l'a contesté. Momcilo Mitic l'a contesté.
19 Il n'y a pas eu d'état de guerre de proclamé, si vous vous en
20 souvenez bien. S'agissant du PV de la présidence daté du 30 novembre, il y
21 est exactement dit que l'on ne pouvait pas mettre en place une présidence
22 élargie. Le Procureur a fait une erreur. "On ne peut pas avoir une
23 présidence élargie parce qu'il n'y a pas eu proclamation d'état de guerre",
24 pour les raisons que nous connaissons.
25 Si j'avais eu une telle importance - il y a eu par la suite un
26 changement de la constitution - je serais devenu vice-président de la
27 république, mais je suis resté à la tête du Parlement. Les deux autres
28 membres de la présidence sont devenus des vice-présidents de la république.
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1 Je tiens à vous rappeler aussi l'existence d'une loi constitutionnelle
2 prévoyant la création d'une présidence élargie en circonstances de guerre.
3 Vous avez pu voir que le gouvernement, le 30 mai, a adopté ce document, l'a
4 envoyé pour signature chez Karadzic, mais cela n'a pas été présenté à la
5 présidence le 31 mai. Il n'y a qu'une décision de présentée concernant les
6 présidences municipales, et cela a été fourni pour publication le 1er juin.
7 Or, la date portée par la loi est celle du 2 juin.
8 Je me suis également penché sur la décision prise par les autorités
9 musulmanes. Ces autorités, elles, ont pris la décision de créer une
10 présidence élargie en circonstances de danger de guerre imminent, et cela a
11 inclus le premier ministre, mais nous n'avons jamais pris cette décision.
12 Il n'y a pas eu publication. Il n'y a eu que les présidences municipales
13 d'adoptées. L'on n'a supprimé qu'une décision municipale pour ce qui est
14 des missions de représentation, mais il n'y a pas eu de décision portant la
15 création d'une présidence élargie.
16 Vous vous pencherez sur un courrier. Vous vous pencherez également
17 sur la session de la présidence du 26 octobre 1992, où il est dit que
18 Momcilo Krajisnik est membre. Or, le courrier que j'ai rédigé le même jour
19 à l'égard de l'état-major, il y est dit : "Momcilo Krajisnik --" avec la
20 signature, le cachet de l'assemblée où on dit qu'il est président du
21 Parlement. Si je m'adressais à l'état-major en ma qualité de membre de la
22 présidence donc en qualité de commandant suprême j'aurais dit "j'ordonne".
23 Or, si l'on se réfère également au 1er septembre 1992, il y a eu deux
24 réunions. Il y a eu une conclusion à un point de l'ordre du jour plutôt,
25 disant qu'il fallait trouver une solution concernant l'installation du
26 Parlement et de la présidence, deux instances bien distinctes. Il y a eu
27 plusieurs points à l'ordre du jour et plusieurs conclusions où il est dit
28 qu'il convenait de consulter le gouvernement, le président de l'assemblée
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1 et la présidence. Dans tout PV, on pouvait clairement comprendre qu'il y
2 avait deux instances bien distinctes. Nous étions effectivement installés
3 dans un même bâtiment pendant un certain temps, puis nous avons été
4 séparés. Ils sont allés dans le bâtiment à Pramos [phon], et je suis resté
5 là où j'étais.
6 Il n'y a pas eu un seul ordre, une seule décision, un seul document
7 que j'aurais signé ma qualité de membre de la présidence. J'estime que
8 c'est complètement erroné, que ce n'est pas prouvé. Il n'y a aucun argument
9 le confirmant. J'aurais signé moi-même en tant que membre de la présidence
10 plutôt que président du Parlement parce que ces fonctions étaient bien plus
11 élevées.
12 Si vous me posez la question de savoir sur quoi je fonde ce type de
13 position concernant mon innocence, je tiens à vous rappeler partant de quoi
14 j'estime que toutes les parties de l'acte d'accusation se sont avérées
15 infondées.
16 Tout d'abord, quoi qu'il en soit, l'on ne saurait parler d'activités
17 incriminées. Il s'est avéré que je n'ai pas été membre dirigeant du SDS. Je
18 fonde cette allégation sur le fait que quoi qu'étant membre du SDS et en
19 même temps membre du comité principal et membre de la Commission chargée
20 des cadres pendant l'intervalle de temps englobé par l'acte d'accusation,
21 cela ne suffit pas pour déclarer au sujet de quelqu'un que c'est un membre
22 dirigeant au sein d'un parti politique. D'autant plus qu'il est clair
23 maintenant que le Comité principal du SDS, dans la deuxième moitié de 1991
24 et courant jusqu'à avril 1992, date du début des conflits armés, il n'y a
25 eu que trois sessions ou plus. En 1992, il n'y a pas eu une seule session,
26 et le SDS en tant que parti n'a pas été actif non plus.
27 Je dirais également que cette Commission chargée des cadres au sein
28 du SDS n'a tenu aucune réunion et n'a pris aucune décision relevant du
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1 domaine de la nomination des cadres. La politique des cadres a été prise en
2 charge par le Comité exécutif du SDS dont je n'ai pas été membre, et je
3 n'ai pas participé à aucune réunion de cette instance politique.
4 Plusieurs témoins ont confirmé qu'au sein du SDS, il y a eu
5 séparation des fonctions du parti et des fonctions au niveau de l'Etat. En
6 guise d'exemple éclatant, l'on a signalé un fait, à savoir que M. Karadzic,
7 en sa qualité de président du parti, n'avait pas été candidat à la
8 présidence de la Bosnie-Herzégovine aux élections de 1990, alors que les
9 candidats -- alors qu'Alija Izetbegovic, Pejanovic et Kljuic ont été
10 candidats aux fonctions à la présidence -- excusez-moi, il n'a pas été
11 candidat aux élections pour la présidence de la Bosnie-Herzégovine aux
12 élections de 1990. Il y a eu des candidats aux fonctions de ministres au
13 sein du gouvernement et à d'autres fonctions en Bosnie-Herzégovine, des
14 gens qui n'ont pas fait partie d'aucun parti. A titre de rappel, mis à part
15 deux ministres originaires du peuple serbe qui étaient membres du SDS, tous
16 les autres n'ont pas été membres du parti.
17 J'ai été nommé membre du Comité principal du SDS en mi-1991, mais
18 cela n'a pas signifié que j'étais devenu un haut responsable du parti. Ma
19 nomination a constitué plutôt à une nécessité politique du parti en raison
20 de la considération dont j'avais bénéficiée du fait de mes fonctions de
21 président du Parlement de Bosnie-Herzégovine, et non pas pour me nommer à
22 une fonction au sein du parti pour me donner de l'importance et pour faire
23 de moi un membre influent du SDS.
24 Deuxièmement, je n'ai été membre d'aucun organe exécutif, y compris
25 l'affiliation à la présidence de la Republika Srpska. Alors je vais
26 expliquer. Je vais passer outre ce paragraphe-là.
27 Je dirais que les réunions de la présidence -- pour ce qui est des
28 réunions de la présidence, tout comme les membres de la présidence et les
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1 membres du gouvernement ont assisté aux réunions de l'assemblée. On savait
2 bien que c'étaient des invités qui pouvaient intervenir et prendre la
3 parole, mais qui ne pouvaient pas prendre de décision.
4 J'ai au même titre ou un titre similaire assisté aux réunions de la
5 présidence. S'agissant de l'inexistence de cette présidence élargie, ce
6 sont des éléments que j'ai déjà présentés devant les Juges de la Chambre.
7 J'ai dit que les réunions des personnes étaient les plus éminentes de la
8 Republika Srpska et se sont tenues très souvent en présence de toutes ces
9 personnalités, mais c'étaient des réunions consultatives. Ce n'étaient pas
10 des réunions d'instances officielles.
11 Etant donné que ces réunions étaient qualifiées de réunions de la
12 présidence, on pouvait les qualifier comme telles s'il y avait au moins
13 deux membres de la présidence de présents.
14 Ce qui est constaté et déterminé sans nul doute, c'est que je n'ai
15 jamais donné d'ordre ou pris de décision qui sous-entendrait que je serais
16 membre de la présidence de la Republika Srpska, parce que si c'était le
17 cas, il y aurait au moins un document qui montrerait que j'avais des
18 attributions, pour ce qui est de diligenter des enquêtes ou punir des gens
19 ou prendre des mesures pour entraver la perpétration de certains crimes.
20 Vous pouvez le voir dans tous les documents. On ne peut pas punir
21 quelque chose pour un pouvoir de facto, mais il faut le faire également
22 pour un pouvoir de jure.
23 Je n'ai ni commandé l'armée ni commandé la police, et tous les
24 témoins l'ont confirmé sans réserve aucune. A ce titre, c'est le témoignage
25 de M. Subotic Bogdan qui revêt beaucoup d'importance ainsi que Mladen
26 Kapetina. Ils ont été hauts responsables au ministère de la Défense.
27 S'agissant des informations relatives au fonctionnement du
28 gouvernement et de ses ministères, et je dirais que je n'ai assisté à
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1 aucune réunion du gouvernement, une fois ce gouvernement constitué à la
2 date du 12 mai 1992, je n'ai pas eu non plus le droit d'influer sur les
3 décisions prises par les instances municipales. Vous vous souviendrez du
4 témoignage de M. Tupajic, lorsqu'on lui a posé la question de savoir si
5 Krajisnik pouvait le révoquer. Lui a dit qu'il ne pouvait être révoqué que
6 par l'assemblée municipale qui l'avait nommé.
7 Cela me donne raison, pour ce qui est d'affirmer que je n'ai pas tout
8 pris comme mesure pour empêcher la perpétration de crimes.
9 Je peux ajouter ici autre chose : compte tenu du non-fonctionnement
10 des lignes téléphoniques pendant la plupart du temps, pour ce qui est de la
11 période englobée par l'acte d'accusation, je dirais que je ne pouvais pas
12 être informé de la situation sur le terrain, pas plus que des crimes
13 éventuellement commis. J'ajouterai également que j'avais pu être informé
14 par les députés. Messieurs les Juges, le 12 mai, il est tenu une session du
15 Parlement à Banja Luka. Nous sommes revenus, et ce n'est que le 25 juillet
16 que s'est tenue la session suivante. Nous sommes restés un jour et nous
17 sommes partis à la Conférence de Londres.
18 La suivante s'est tenue le 11 août. Ce n'est que là qu'on a pu
19 discuter quelque peu. A ce moment-là, le gouvernement a déjà reçu
20 instruction pour ce qui est d'enquêter au sujet des crimes commis sur le
21 territoire de la Republika Srpska. Je n'ai pas eu de contact avec les
22 députés jusque-là. Hypothétiquement, cela peut être vrai, mais pratiquement
23 on peut exactement savoir quand est-ce que j'ai eu l'occasion de m'asseoir
24 et de discuter avec l'un quelconque des députés.
25 Pour le confirmer, je peux dire que s'agissant de toutes les
26 réunions, et je vous prie de vous référer aux réunions où j'ai été présent,
27 où l'on aurait fait part de doutes au sujet de la commission de crimes, et
28 là, il a été pris des mesures pour vérifier la véracité des suspicions et
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1 pour faire le nécessaire aux fins de punir les auteurs.
2 Alors pour ce qui est maintenant de l'organisation du peuple serbe en
3 Bosnie-Herzégovine dans des circonstances exceptionnelles, une chose qui
4 est plus connue sous l'appellation Variantes A et B, il a été prouvé qu'il
5 ne s'agit d'aucune espèce de plan, du moins, je l'estime. J'estime que pour
6 ce qui est de la prise du pouvoir dans les territoires que les Serbes
7 avaient considérés comme étant des territoires leur appartenant
8 ethniquement, il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que ces six
9 objectifs stratégiques, en guise de décision, n'ont pas été adoptée à la
10 session de l'assemblée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine le 12
11 mai 1992, et cette variante n'a été appliquée nulle part, mis à part le
12 fait qu'il a été débattu au niveau de certaines municipalités à ce sujet. A
13 aucun endroit de la Republika Srpska cela n'a été appliqué, parce qu'il eût
14 fallu démanteler ou révoquer certaines assemblées et en créer de nouvelles.
15 Or, l'Accusation a mentionné le fait qu'il a été débattu de la
16 question, mais que cela n'a été nulle part mis en œuvre.
17 Les six objectifs stratégiques constituaient une plateforme
18 politique. Je le sais. J'ai participé aux préparatifs pour savoir en faveur
19 de quoi nous nous emploierions aux négociations avant cela, aux réunions
20 avec les représentants de la communauté internationale, mais cela n'a
21 nullement constitué un fondement pour pouvoir affirmer que nous nous
22 préparions pour la guerre et pour affirmer que nous avions des objectifs
23 militaires.
24 Pour ce qui est de la Variante B, il se peut que sur le terrain, il y
25 ait eu des comportements de ce type. Je sais que cela n'a jamais été adopté
26 par le Parlement, et pas par le parti non plus. Je ne pense que l'on ait pu
27 retrouver quoi que ce soit de palpable pour conforter, confirmer leurs
28 conclusions.
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1 J'ai dit à l'époque, je l'ai avancé ici, pour dire que ces six
2 objectifs avaient constitué une décision politique. J'avais parlé
3 d'objectifs politiques, et je pense avoir avancé que Karadzic, le 12 mai,
4 avait dit -- et lorsque nous avons examiné le sténogramme, les notes
5 sténographiées, c'est moi qui avais pris la parole à la page 37, numéro --
6 L'INTERPRÈTE : Numéro que l'interprète n'a pas saisi.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- lorsqu'il a été question du corridor,
8 j'ai dit que "dans nos entretiens avec la communauté ethnique croate, nous
9 avons parlé de regroupements des territoires. Nous n'avons pas parlé de
10 corridors. Vous avez pu le voir si vous avez lu."
11 Cette citation, je vous l'ai donnée, cette page de notes
12 sténographiées, je vous l'ai fournie ici pour dire clairement que
13 l'intention de notre parti n'était pas de réaliser -- était celui de
14 réaliser nos objectifs par des moyens politiques. Pour ce qui est de
15 l'autre objectif, c'était une chose à négocier avec la communauté ethnique
16 croate qui résidait en majorité dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine
17 par où devait passer ce corridor. Il s'agissait d'échanger des territoires
18 parce qu'il y avait également le territoire non loin de Kupres qui devait
19 faire partie de ce territoire-là. Nous avons tenu cette réunion à Grac.
20 En dépit de toutes les tentatives visant à prouver que certains
21 participants à cette réunion de l'assemblée populaire de la Republika
22 Srpska avaient pu comprendre que ces objectifs stratégiques visaient à être
23 réalisés par la guerre se sont avérés comme étant erronés.
24 A la même session, nous avons adopté un appel à l'égard de la
25 Communauté européenne disant que nous étions favorables à la continuation
26 de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine jusqu'à aboutissement à une
27 solution politique à l'égard de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment de
28 toute continuation des conflits armés éventuels.
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1 Je tiens à vous rappeler que c'est ce qui s'est passé le 12 mai. Le
2 13 mai, il y a une conversation téléphonique entre M. Mladic et M. Unkovic,
3 où Mladic dit qu'il convient de respecter le cessez-le-feu adopté. Le même
4 jour, Mme Plavsic s'entretient avec Mico Stanisic et lui dit qu'il convient
5 de cesser les pilonnages même si l'on était attaqué, parce qu'il s'agissait
6 de respecter le cessez-le-feu.
7 Le 13 mai -- oui, je m'excuse auprès des interprètes.
8 Le 13 mai, j'ajoute, nous étions à Banja Luka à la célébration de la fête
9 du ministère de l'Intérieur. Le 14 mai, et vous verrez cela au livre de M.
10 Zimmermann ou de M. Koljevic et Karadzic ont été présents à la réunion chez
11 eux. J'étais à Belgrade, et quand on m'a dit, ici : tu étais au courant du
12 pilonnage de Sarajevo le 14 mai, j'ai dit que je n'ai pas été au courant
13 parce que je n'étais pas à Pale.
14 J'aimerais vous dire pourquoi ces objectifs stratégiques étaient une
15 plateforme politique. Le 14 mai, on proposait des négociations en attente
16 d'une solution, et aucun de ces objectifs stratégiques n'a été réalisé à ce
17 moment-là. Ils n'avaient pas été réalisés. Si on avait fait la guerre pour
18 cela, on aurait dit : dans ce cas-là, attendons un petit peu, attendons
19 quelques mois, et ensuite, on poursuivrait les négociations. Mais à ce
20 moment-là, nous avons dit très clairement : on arrête tout, on veut des
21 négociations.
22 Ensuite, il y avait une thèse très forte comme quoi j'étais un homme
23 de pouvoir. Or, si on analyse un petit peu les preuves qui existent et qui
24 vous ont été présentées, on peut conclure que cette allégation de
25 l'Accusation n'a pas été confirmée. Dans la plupart de ces cas, il s'agit
26 plutôt d'avoir, on a mal interprété ma personnalité, mon caractère. Je suis
27 très, très loin de toute puissance qui aurait pu ensuite avoir pour
28 conséquence la commission de crimes.
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1 Ensuite, il n'est pas logique de dire que je suis quelqu'un de
2 pouvoir parce qu'il faudrait qu'il y ait eu deux conditions réunies, dans
3 ce cas-là. J'aurais tout d'abord eu à avoir une autorité légale qui
4 m'aurait conféré ces pouvoirs, ou avoir j'aurais dû usurper un pouvoir qui
5 ne m'appartenait pas.
6 Toutes les législations pertinentes démontrent bien que je ne pouvais
7 pas avoir de position de pouvoir et l'autorité juridique nécessaire pour me
8 donner et me conférer des pouvoirs décisionnaires. La seule possibilité,
9 c'est que j'aurais usurpé l'autorité de quelqu'un d'autre, ce serait
10 l'autre alternative. Mais dans ce cas, j'aurais pu le confirmer, cela se
11 serait vu dans ma conduite au jour le jour. Or, cela ne s'est jamais vu, je
12 n'ai jamais eu cette attitude. Cela a bien été montré lors des éléments de
13 preuve présentés ici.
14 Ma notoriété et ma popularité -- quelqu'un a dit -- certaines
15 personnes on parlé de ma notoriété et de ma réputation. Ces personnes qui
16 ont parlé ont sans doute exagéré quelque chose que j'ai acquis lors de mes
17 fonctions officielles en Bosnie-Herzégovine en tant que président de
18 l'assemblée. Donc, ceci montre bien que le -- ce qui est en cause ici,
19 c'est mon prestige politique qui est venu des travaux que j'ai effectués au
20 sein de la première assemblée multipartite. Ce prestige, qui est enraciné
21 dans la session politique de Bosnie-Herzégovine où on devait traiter du
22 destin des peuples, du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, a été augmenté
23 certes par la suite quand je suis devenu président de l'assemblée.
24 Je sais, et je sais que Dieu aussi le sait, je sais que je n'ai
25 jamais -- que j'ai été investi du pouvoir du fait de mon poste, du poste
26 que j'avais, je n'ai jamais usurpé non plus de pouvoir. Je n'ai jamais
27 abusé de mon pouvoir que je détenais au sein de la direction politique de
28 la Republika Srpska.
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1 Pour démontrer tout cela, que ce fait, que cette allégation de
2 pouvoir éventuel que j'avais est totalement infondée, je tiens à vous
3 rappeler des preuves de certains des témoins qui ont témoigné à ce propos.
4 On a essayé de démontrer ma soi-disant -- mon soi-disant pouvoir,
5 mais quand on a demandé des exemples, ils ont eu du mal à trouver des
6 illustrations qui permettaient de montrer ce pouvoir. C'était presque
7 tragique. Certaines catégories de témoins m'ont décrit de façon grossière,
8 ils ont décrit mon poste de façon grossière, mais ils ne décrivaient pas
9 mon pouvoir. Ce qu'ils décrivaient, c'est quelque chose qui n'avait rien à
10 voir, en fait, très loin du pouvoir, si difficile qu'il est difficile de
11 comprendre pourquoi ils ont fait une telle confusion à la base.
12 Je tiens à vous rappeler, Messieurs les Juges, que certains témoins
13 ont dit que j'étais un homme qui tenait sa parole, qui tenait ses
14 engagements et qui, quand il faisait une promesse, il la réalisait. De ce
15 fait, il est vrai que j'étais assez puissant à leurs yeux. D'autres ont dit
16 que je travaillais de façon diligente, que je fournissais énormément de
17 tâches, que je voyais beaucoup de monde qui sollicitait des faveurs. Ils me
18 disaient que j'étais puissant parce que les gens ne seraient pas venus me
19 voir, c'est vrai, pour régler leurs petits problèmes si je n'avais pas eu
20 le pouvoir de les régler, au moins de les entendre. La conclusion qu'ils en
21 ont tirée, c'est que si quelqu'un répond à des sollicitations, il est très
22 certainement quelqu'un qui est en capacité de résoudre les problèmes, qui a
23 donc du pouvoir. Ils en ont donc tiré la conclusion que j'avais du pouvoir.
24 Comme il l'ont dit eux-mêmes, ils n'avaient aucune connaissance de la
25 substance de mes conversation avec les parties, de la nature de leur -- ils
26 ne savaient en fait comment j'aidais ces partis. Ils ne savaient pas que
27 c'était en les dirigeant vers les personnes qui, elles, étaient en bonne
28 position pour les aider ou pour les conseiller pour résoudre leurs
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1 problèmes. J'ai peut-être intercédé au nom de ces personnes en demandant
2 l'assistance de ceux qui étaient en fait au pouvoir et qui pouvaient
3 vraiment les aider.
4 Il y avait cette femme, par exemple, qui avait un problème avec son
5 appartement. Il est vrai que je ne pouvais pas rien lui refuser, et un
6 témoin protégé, d'ailleurs, en a parlé. C'était l'un de ces cas où j'ai
7 aidé quelqu'un, le Témoin D9 [phon].
8 Il y a un troisième type de témoins qui ont dit qu'ils trouvaient que
9 j'étais puissant parce que j'avais travaillé et je fonctionnais très bien
10 en tant que président de l'assemblée du Parlement. C'est ainsi donc que
11 j'avais le support d'un grand nombre de personnes, non seulement des
12 Serbes, mais aussi ces personnes des autres ethnicités.
13 Maintenant, le groupe de témoins qui ont dit que j'avais participé au
14 processus de négociation avec les autres communautés ethniques en vue de
15 trouver une solution et qui ont dit qu'ainsi, j'avais pu être populaire,
16 ils ont parlé de ma participation aux conférences -- ont dit que c'était --
17 conférence sur la Bosnie-Herzégovine comme étant ma fonction la plus
18 importante et disant que je retirais l'essentiel de mon pouvoir.
19 En disant cela, ils ont -- non, c'est tout à fait faux, ils ont
20 prononcé les choses de façon erronée. Ils ont oublié d'une façon délibérée
21 que les députés serbes de l'ABiH, lors la session de fondation de
22 l'assemblée serbe en octobre, le 24 octobre 1991, m'ont désigné avec cinq
23 autres candidats - M. Karadzic, Koljevic, Mme Plavsic, M. Buha et M.
24 Maksimovic - pour représenter les Serbes, donc la communauté ethnique serbe
25 au sein de l'équipe de négociations avec les communautés musulmanes et
26 croates.
27 Ils ont aussi oublié de dire que c'était précisément en réponse et en
28 réaction à leur insistance, de -- comme on dit, une "délégation qui serait
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1 revitalisée", qu'au moins à deux occasions, j'ai proposé à l'assemblée le
2 11 mars 1992 et le 16 juillet 1992 que l'on choisisse quelqu'un d'autre
3 pour les négociations plutôt que moi. J'ai suggéré de façon indirecte que
4 certains d'entre eux pourraient être peut-être nommés au sein de l'équipe
5 de négociations, mais les députés l'ont rejeté. Ils ont oublié aussi de
6 dire que les députés ne voulaient pas modifier la composition de la
7 délégation justement parce qu'ils comprenaient bien qu'il fallait
8 "revitaliser" cette équipe de négociation pour ne plus refléter les
9 ambitions personnelles de certains.
10 Si je n'avais pas été accusé, je n'aurais jamais découvert que
11 quelqu'un aurait pu penser que j'étais puissant parce que j'avais participé
12 à une équipe qui travaillait sur des problèmes aussi essentiels pour le
13 peuple serbe.
14 Je dois maintenant quand même répondre de cette accusation suite,
15 bien sûr, à l'immaturité de ces individus et suite à la jalousie
16 personnelle de ces personnes. Ce n'est pas du fait de la puissance que
17 j'avais ou du pouvoir que j'avais. Cette conviction que j'ai a été
18 corroborée par des figures éminentes de la Republika Srpska qui ont déposé
19 ici dans ce prétoire. Je pense que la Chambre a dû tirer absolument la même
20 conclusion après avoir écouté leur témoignage.
21 Pour ce qui est des accusations qui précèdent, il y a là le
22 témoignage totalement faux de Biljana Plavsic et de Milorad Davidovic. Mme
23 Plavsic tout particulièrement, d'ailleurs, a témoigné de façon choquante de
24 trafic d'armes avec le côté musulman dans lequel j'aurais trempé, soi-
25 disant, et l'allégation selon laquelle elle aurait fait rapport au
26 Parlement de la Republika Srpska à ce propos. Mme Plavsic a porté des
27 charges extrêmement importantes contre moi en déclarant qu'en réponse à sa
28 question : "Devons-nous vendre des armes au côté musulman," bon, elle a
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1 écouté en ma présence la réponse de Karadzic comme quoi c'était en effet
2 nécessaire. De plus, elle a aussi déclaré que ma maison à Zabrdze avait
3 servi de dépôt d'armes pour ce trafic alors que c'est justement une maison
4 qui était proche de l'aile de séparation très près du front qui a été par
5 la suite dévastée. Mon père a été tué, et ensuite même ciblé par mes
6 propres voisins.
7 En réponse à ce qu'elle avait dit, j'avais l'intention de lui poser des
8 questions qui aurait bien fait comprendre qu'elle était en train de mentir
9 mais on ne m'a pas donné la possibilité de la contre-interroger sur ces
10 points et j'étais certain que ni cela, ni aucun point similaire ait jamais
11 été sur l'ordre du jour de l'assemblée. J'ai donc décidé de rafraîchir un
12 peu ma mémoire. Il y avait une question qui me travaillait. Elle était en
13 train de dire les choses de façon erronée afin de me nuire délibérément ou
14 suite à l'âge, avait-elle un petit peu oublié ce qui s'était véritablement
15 passé ? Malheureusement, je n'ai conclu que ce n'était en fait une mauvaise
16 perception des faits. C'était plutôt une tentative délibérée de me
17 calomnier. Malheureusement, sur ce point, Mme Plavsic a fait un faux
18 témoignage et ce, de façon délibérée.
19 De nombreux ont décrit ma relation très proche avec Radovan Karadzic comme
20 étant l'une des sources du pouvoir que j'étais censé avoir. Or, les
21 personnes qui affirment cela, sont celles qui ont été nommées par M.
22 Karadzic à des postes très élevés de l'Etat et du SDS. Mme Plavsic est un
23 exemple parfait d'ailleurs, et d'autres témoins que nous avons entendus
24 aussi.
25 M. Djeric et Mme Plavsic ont été nommés par M. Karadzic à des postes
26 les plus élevés. Tout d'abord en Bosnie-Herzégovine et par la suite en
27 Republika Srpska. M. Karadzic a nommé Mme Plavsic. Il ne m'a pas nommé moi-
28 même. Il a nommé Mme Plavsic, membre de la présidence de l'ABiH au nom du
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1 SDS. Alors que M. Djeric a d'abord été nommé ministre du cabinet, ensuite
2 premier ministre du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.
3 Les deux, ainsi que d'autres, ont été nommés en 1990 à des positions
4 éminentes au sein du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, alors que, moi,
5 j'ai été totalement contourné. Je n'étais nommé à aucun poste éminent bien
6 que je connaissais M. Radovan Karadzic.
7 Contrairement à eux, j'ai été nommé par le comité municipal du SDS
8 pour Novi Grad. En tant que candidat de réserve pour la députation et ce,
9 sur la liste de Sarajevo qui comprenait 10 candidats venant de plus -- qui
10 prenait des candidats venant de plus de 10 municipalités.
11 Les représentants de M. Karadzic avaient mis mon nom en dernier, au
12 numéro 6 sur la liste, et j'ai été élu à mon siège uniquement après que
13 l'on ait recompté les bulletins de vote.
14 Quand je suis devenu candidat, je n'ai pas été nommé pour être
15 présent à l'assemblée. M. Trbojevic, c'est lui qui devait avoir le poste.
16 Quand il a été rejeté de ce poste, parce qu'il était suffisamment bon mais
17 uniquement pour un problème de quotas régionaux qui n'étaient pas atteints.
18 C'est moi qu'on a choisi et c'est moi qui donc qui étais élu à ce poste.
19 Je tiens à vous rappeler, Messieurs les Juges, que quand la
20 constitution a été modifiée en décembre 1991, si j'avais été si important
21 que cela, pourquoi n'est-ce pas moi qui aurais nommé président de la
22 république ? Pourquoi est-ce que c'était Mme Plavsic, vice-président de la
23 république ? Pourquoi Mme Plavsic à ma place ?
24 Souvenez-vous après les accords de Dayton quand Karadzic a abdiqué,
25 il n'a pas donné son poste. Il ne m'a pas donné son poste ni en tant que
26 président de l'Etat ni en tant que président du parti. C'est M. Buha qui
27 est devenu président du parti et Mme Plavsic qui a pris la tête de l'Etat.
28 Au moment des élections, personne ne voulait être membre de la présidence.
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1 Mme Plavsic est devenue chef d'Etat;
2 M. Buha chef du parti; et moi, étant donné qu'il voulait que je sois membre
3 de la présidence, je me suis laissé faire et je suis devenu membre de la
4 présidence de Bosnie-Herzégovine.
5 Je vois que malheureusement que l'heure tourne, mais que je ne vais
6 pas pouvoir vous lire ma déclaration en entier.
7 L'Accusation a affirmé et a avancé que le côté serbe avait établi des
8 institutions parallèles dans le but de détruire la Bosnie-Herzégovine. Je
9 tiens à vous rappeler d'une des sessions de l'assemblée. Nous n'avons fait
10 que réagir. En fait, nous n'avons jamais fait que réagir à ce que faisaient
11 les Musulmans.
12 Le feu M. Izetbegovic, en janvier 1991, est arrivé avec son programme
13 et il est revenu sur ces accords selon lesquels la Bosnie allait rester
14 dans la Yougoslavie. Ils ont voulu l'indépendance. Ils ont opté pour
15 l'indépendance.
16 En avril, le côté serbe a soulevé le problème de la régionalisation
17 en tant que réponse politique, de la réaction politique à ce mouvement et
18 c'était une option constitutionnelle et légale qui existait avant la
19 guerre. Quand même cela a échoué, avant que la guerre n'éclate, nous avons
20 émis une recommandation demandant de suspendre la régionalisation, parce
21 que cela devenait trop politique. Nous, nous avons voulu parler d'une
22 déclaration, uniquement.
23 Quand toutes ces négociations, tous ces débats ont échoué, là on
24 s'est mis à négocier sur l'accord historique entre les Musulmans et les
25 Croates, une négociation qui comprenait aussi les Serbes, Serbes, Musulmans
26 et Croates. Mais les Musulmans sont revenus sur l'accord qu'ils avaient
27 donné, sont revenus par la suite sur leur accord. Ils l'ont retiré.
28 En septembre, Izetbegovic, lui-même, a proposé une conclusion à
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1 l'assemblée qui a été acceptée. C'est que personne ne devait imposer une
2 solution à un autre camp et qu'il fallait plutôt négocier, y passer
3 l'éternité s'il le fallait, que tout était meilleur que la guerre.
4 Ensuite, en octobre, à nouveau les Musulmans ont rédigé un nouveau
5 document, leur mémorandum, pour remplacer la fameuse déclaration avec
6 toujours le même but.
7 Le 25 juillet, nous avons eu le débat sur le référendum. Ce qu'il
8 fallait, c'était prendre une décision permettant de régionaliser la Bosnie-
9 Herzégovine. Dans ce cas-là, tout le monde aurait pris part au référendum.
10 L'accord était là. M. Cengic, président du SDA, était là. Il y avait aussi
11 le président et le premier ministre. Tout le monde était d'accord pour dire
12 : oui, le gouvernement va préparer cet accord de régionalisation. Dix
13 minutes plus tard, Izetbegovic à nouveau a dit : non, nous voulons un
14 référendum. Nous ne sommes plus d'accord. Quand M. Cutileiro est arrivé,
15 nous étions heureux parce que nous avions enfin un accord.
16 Le 25 mars, le côté musulman, avant que nous allions à Bruxelles,
17 juste avant que de nous rendre à Bruxelles, le côté musulman est à nouveau
18 arrivé avec quelque chose : Les hommes sont en train de jouer la montre.
19 Nous, on ne veut pas du tout qu'il y ait une modification de la Bosnie-
20 Herzégovine. On veut autre chose. On va demander à l'opposition et aux
21 forces patriotiques de nous aider à conserver la Bosnie en Etat.
22 Je n'ai jamais été pour une division de la Bosnie. Je voulais que la
23 Bosnie reste au sein de la Yougoslavie, tout comme le côté serbe. Mais
24 quand cela a échoué, on m'a dit : d'accord, transformons la Bosnie-
25 Herzégovine puisque c'est tout ce qui reste. Essayons de trouver une
26 autonomie au sein de la Bosnie.
27 Messieurs les Juges, quand nous proposions plusieurs options aux
28 Musulmans et aux Croates pour que la Bosnie soit un Etat parfaitement
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1 autonome au sein de la Yougoslavie, mais avec des liens très lâches, avec
2 quelques institutions et quelques politiques communes au niveau de la
3 fédération, encore, cela n'a pas fonctionné. Nous avons accepté
4 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Cela se voit dans l'accord, dans
5 tous les accords, mis à part dans le plan Vance-Owen. On s'était mis
6 d'accord sur tout.
7 Momcilo Krajisnik, en tant que juriste -- en tant que légaliste, avait
8 toujours insisté pour qu'il y ait accord. Nous ne voulions pas une entité
9 séparée en Bosnie-Herzégovine. Moi, j'aimais la Yougoslavie, la République
10 fédérale de Yougoslavie avec la Slovénie et avec toutes ces entités. Mais
11 tout cela s'est effondré, et notre seul choix était de faire tout ce qu'on
12 pouvait pour éviter la guerre.
13 On a parlé de crimes. On a dit que j'avais pu savoir que -- j'avais pu être
14 au courant des crimes. Je tiens à vous affirmer, je vais abréger, je
15 n'étais au courant d'aucun crime. Lorsque des indices ont fait leur
16 apparition -- je vous les ai montrés, Messieurs les Juges. A l'aéroport, M.
17 Silajdzic m'a dit que des filles à Foca, des jeunes filles à Foca avaient
18 subi des sévices. J'ai envoyé mon accompagnateur. On a fait venir ces deux
19 filles, et il y en avait une qui était enceinte. Elle a dit : je ne suis
20 malmenée par personne. L'autre, elle a dit qu'elle voulait rentrer chez
21 elle. Je l'ai amenée à l'aéroport. Je l'ai confiée à quelqu'un d'autre,
22 enfin, contre un bordereau.
23 J'aurais sanctionné toute peine. J'ai des enfants, j'ai des filles.
24 Pourquoi voulez-vous que j'apporte mon soutien à des criminels qui ont
25 commis des crimes si aucune personne normale au monde ne serait censée
26 apporter son soutien ?
27 On m'a dit que je n'étais pas assez crédible pour ce que j'avais dit,
28 n'avoir jamais entendu parler de Keraterm et Omarska. Je n'ai pas appris ce
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1 qui s'était passé à Keraterm et Omarska, et c'est ici pour la première fois
2 que j'ai appris ce qui s'est passé. Cela m'a choqué, terriblement choqué,
3 pour apprendre qu'une chose pareille pouvait se passer. Je ne l'ai pas
4 appris là-bas, et c'est en substance la totalité du problème.
5 Nettoyage ethnique. Je vais juste m'y référer brièvement. Messieurs les
6 Juges, je n'affirme pas qu'il n'y ait pas eu de déplacement des
7 populations. J'ai dit qu'il y a eu déplacement des populations serbes
8 également. J'ai fait deux déclarations à ce sujet. J'ai toujours été
9 favorable à la solution. Je suis quelqu'un qui a quitté son propre logis.
10 J'ai dû quitter l'endroit où je suis né, et je ne voudrais pas -- je ne le
11 souhaite à personne. J'ai pu faire confiance à ceux qui sont allés
12 déterminer les choses, mais j'ai pu apprendre par la suite qu'il y a eu des
13 déplacements, de grands déplacements, mais je n'ai jamais estimé que
14 c'était quelque chose de juste.
15 Pour ce qui est de la destruction des lieux du culte, j'ai fourni ici
16 une publication de l'église orthodoxe serbe, non pas pour justifier les
17 destructions des lieux de culte. J'ai voulu juste avancer un élément, un
18 argument. Nous étions en temps de guerre. Il est incroyable de voir à quel
19 point tous les lieux du culte ont été endommagés ou détruits, comme si une
20 espèce de mauvais esprit avait quitté les -- s'était dégagé de l'esprit des
21 gens pour commettre tout ce qui a été commis.
22 Enfin, remarque finale. J'estime qu'on a présenté aux Juges de ce Tribunal
23 international pour l'ex-Yougoslavie un bon nombre d'éléments et de preuves
24 niant complètement les allégations faites par l'Accusation, disant que
25 j'aurais perpétré ou n'aurais pas pris les mesures pour empêcher la
26 commission de crimes de guerre à l'encontre des Musulmans ou des Croates
27 pendant les conflits armés en Bosnie-Herzégovine.
28 J'estime avoir prouvé que tous les efforts ont été faits pour aboutir
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1 à une solution politique équitable. Il a été avéré que la partie serbe ne
2 s'était pas employée à une solution sortant du cadre des positions
3 défendues par la communauté internationale.
4 La partie serbe, pendant toute la guerre, pendant toute la durée de
5 cette guerre, s'est toujours employée en faveur d'une interruption
6 momentanée des conflits armés avec repli de l'armée serbe de parties
7 considérables du territoire, en dédaignant le fait que la population serbe
8 avait, de façon disproportionnée, au nombre de ses habitants, un
9 pourcentage très important des terres de la Bosnie-Herzégovine, plus que
10 les deux autres populations, les deux autres groupes ethniques.
11 A ce titre, j'ai présenté aux Juges de la Chambre un grand nombre de
12 documents qui n'ont, je le crois, pas été versés au dossier. Il serait
13 injuste d'affirmer que j'ai témoigné de façon non crédible. Comme jamais de
14 ma vie je n'ai dit des contrevérités, j'estime ne pas avoir dit de
15 contrevérités ici non plus. S'agissant de toutes les choses que j'ai
16 avancées ici, Messieurs les Juges, j'estime les avoir documentées, pour ce
17 qui est de tous les éléments de mon témoignage. Vous avez pu voir à chaque
18 affirmation pourquoi j'ai affirmé telle chose. Malheureusement, bon nombre
19 de pièces n'ont pas été versées au dossier.
20 En raison de ces éléments-là, j'estime que les Juges de la Chambre
21 disposent de suffisamment d'éléments pour rejeter la totalité des
22 allégations à mon encontre. J'espère qu'il en sera de sorte, parce que
23 toute décision contraire serait contraire à la justice et à la vérité. Dans
24 l'intérêt de la justice et la vérité, au moment où un jugement devra être
25 rendu à mon égard, je tiens à dire -- je convie tout membre de ces groupes
26 ethniques musulmans ou croates à -- qui auraient des éléments à mon
27 encontre de venir les présenter. Je n'ai peur d'aucun autre élément de
28 preuve. Je tiens à dire que compte tenu de toutes les informations qui
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1 m'ont été communiquées concernant les crimes commis à l'égard de personnes
2 innocentes pendant cette malheureuse guerre en Bosnie-Herzégovine --
3 qu'elles le fassent. Mais je suis tranquille, et je peux, la conscience
4 tranquille, déclarer devant Dieu et devant vous, Messieurs les Juges, que
5 non seulement je ne me sens pas coupable, mais que je ne suis pas coupable
6 non plus, s'agissant des allégations avancées par l'Accusation. J'espère
7 que Dieu fera en sorte et que vous ferrez en sorte que la vérité se fasse
8 le jour.
9 Je tiens pour finir à vous remercier de ces deux ans et demi que nous avons
10 passés ensemble. Je ne suis pas -- je n'en veux pas à l'Accusation, parce
11 que chacun doit faire son travail. Je tiens à dire qu'avec bon nombre de
12 personnes avec qui je me suis entretenu, les gens ont déjà fait comme si je
13 n'étais plus. Mais je sais que la vérité l'emportera et je suis certain que
14 vous rendrez une décision et un jugement équitables. Dieu vous aide à être
15 justes.
16 Merci.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Krajisnik.
18 Ceci met un terme à ce procès qui a commencé le 3 février 2004. Ce jour-là,
19 j'ai dit que le procès pourrait nous garder ensemble pour quelque deux
20 années. Il s'est avéré que cela fait 31 mois que nous sommes ensemble dans
21 ce prétoire.
22 Le jugement sera rendu en temps utile, et la date de jugement sera annoncée
23 par une ordonnance portant calendrier que la Chambre communiquera dès
24 qu'elle le pourra.
25 L'audience est levée.
26 --- L'audience est levée à 18 heures 59 sine die.
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