Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 11 novembre 2008

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 33.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Madame le

  7   Greffier, pourriez-vous introduire le numéro de l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames, Messieurs les Juges.

  9   Bonjour à tous et à toutes. Il s'agit de l'affaire IT-00-39-A, le Procureur

 10   contre Momcilo Krajisnik.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Je me tourne vers M. Krajisnik.

 12   Nous entendez-vous, êtes-vous en mesure de suivre les débats dans une

 13   langue que vous comprenez ?

 14   L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Bien. Je crois que les conseils de M. Krajisnik sur la question de

 17   l'entreprise criminelle conjointe ne sont pas là.

 18   M. KREMER : [interprétation] Katharina Margetts avec Alma Imamovic, notre

 19   commis à l'affaire, et je suis moi-même Peter Kremer, nous représentons

 20   tous ensemble l'Accusation.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. L'amicus curiae, sans

 22   micro, malheureusement.

 23   Vous n'avez pas allumé votre micro, Monsieur. Sans micro, toujours ?

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Colin Nicholls et Quincy Whitaker.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Il s'agit d'une audience publique visant à recueillir des élément de preuve

 27   dans le cadre de l'affaire le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

 28   L'objectif de cette audience est d'entendre la déposition de M. Nicholas


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  1   Stewart, qui a été cité par l'accusé, M. Krajisnik, au titre de l'article

  2   115 du Règlement de procédure et de preuve. Je vais résumer les éléments de

  3   preuve qui ont été reçus dans le cadre de cet appel, ensuite je vous

  4   parlerai de la manière dont nous allons entendre la déposition du témoin

  5   aujourd'hui.

  6   Dans sa décision du 20 août 2008, la version publique qui a été déposée le

  7   4 novembre 2008, la Chambre d'appel a autorisé, au titre de l'article 115

  8   du Règlement, le versement au dossier de deux pièces, les pièces AD1 et AD2

  9   signées de la main de George Mano et Stefan Karganovic respectivement. Les

 10   deux déclarations concernent la conduite de Me Stewart en tant que conseil

 11   principal au cours du procès de l'appelant.

 12   Dans sa décision du 8 octobre 2008, la Chambre d'appel a accepté de verser

 13   au dossier sept documents présentés par l'Accusation comme étant des

 14   éléments de preuve en réfutation à ces déclarations, il s'agit des pièces

 15   AP1 à AP7.

 16   Le 4 novembre 2008, la Chambre d'appel a entendu la déposition de MM. Mano

 17   et Karganovic, s'agissant de leurs déclarations préalablement versées au

 18   dossier.

 19   Le 6 novembre 2008, la Chambre d'appel a accepté le versement au dossier au

 20   titre de l'article 115 du Règlement de procédure de six autres documents

 21   relatifs également à la conduite de Me Stewart dans le cadre du procès de

 22   l'accusé, et il s'agit des pièces AD4 à AD9. Dans la même décision, la

 23   Chambre d'appel a ordonné à l'appelant d'entrer en contact avec Me Stewart

 24   afin que celui-ci comparaisse devant la Chambre d'appel en qualité de

 25   témoin conformément à l'article 115 du Règlement de procédure et de preuve.

 26   Je rappellerai aux parties ainsi qu'à l'ami de la Cour que toutes les

 27   pièces versées au dossier dans le cadre de la procédure d'appel l'ont été

 28   sous pli scellé. Par conséquent, si les parties ou l'ami de la Cour


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  1   souhaitent faire référence à ces documents, ils devront demander à ce que

  2   l'on passe en audience à huis clos partiel.

  3   Nous allons procéder ainsi cet après-midi : d'abord, l'appelant aura une

  4   heure pour procéder à l'interrogatoire principal de Me Stewart. Puis l'ami

  5   de la Cour sera autorisé pendant 30 minutes à poser, lui aussi, des

  6   questions à Me Stewart. Par la suite, nous ferons une pause. Ensuite,

  7   l'Accusation disposera d'une heure pour le contre-interrogatoire, et il y

  8   aura ensuite questions supplémentaires de la part de l'appelant adressées à

  9   M. Stewart pendant 20 minutes. Il s'agit là, bien sûr, de durées

 10   approximatives, elles pourront être revues en fonction des besoins si la

 11   Chambre de première instance le juge nécessaire.

 12   Bien entendu, je rappelle aux parties qu'elles ne sont pas censées épuiser

 13   tout le temps qui leur a été imparti, et les Juges seront libres, bien sûr,

 14   d'interrompre les parties à quelque moment que ce soit pour poser leurs

 15   propres questions au témoin.

 16   Avant de citer le témoin, j'aimerais aborder une question supplémentaire

 17   s'agissant des mémoires supplémentaires que les parties et l'ami de la Cour

 18   sont libres de déposer sur les incidences des pièces AD1 et AD2, sur les

 19   éléments de preuve présentés en réfutation et sur les dépositions viva voce

 20   de MM. Mano, Karganovic et Karadzic. Le délai de dépôt de ces mémoires est

 21   fixé au 14 novembre 2008, et le 5 novembre 2008, la Chambre d'appel a

 22   décidé qu'ils devraient être présentés dans un seul document consolidé qui

 23   ne devra pas dépasser 7 500 mots.

 24   A la lumière de sa décision consistant à autoriser le versement au dossier

 25   des pièces AD4 à AD9, la Chambre d'appel permet aux parties et à l'ami de

 26   la Cour de faire figurer dans ces documents des arguments sur toute

 27   incidence éventuelle de ces six pièces et la déposition de M. Stewart

 28   d'aujourd'hui dans ce mémoire supplémentaire consolidé. Par ailleurs, la


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  1   Chambre d'appel proroge le délai de dépôt de ce mémoire au 18 novembre

  2   2008, et permet que ces mémoires soient plus longs que ce qui avait été

  3   prévu au départ, et autorise un maximum de 9 000 mots.

  4   Je demanderais maintenant à ce que l'on introduise le témoin, Me Stewart,

  5   dans le prétoire.

  6   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour, Maître Stewart. M'entendez-

  8   vous ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends. Merci. Bonjour.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Je vous demanderais de bien

 11   vouloir donner lecture de la déclaration solennelle qui vous est tendue par

 12   l'huissier.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : NICHOLAS STEWART [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Monsieur Stewart, asseyez-vous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Stewart, pourriez-vous

 20   indiquer aux Juges de la Chambre quel est votre patronyme ainsi que votre

 21   date de naissance.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Nicholas John Cameron Stewart, 16 avril 1947.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 24   nous dire quelle est votre profession, et l'occupation que vous avez

 25   aujourd'hui et que vous aviez il y a quelque temps.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis avocat en exercice, je suis membre du

 27   barreau d'Angleterre et du Pays de Galles depuis 1972. J'ai été nommé

 28   "Queen's Counsel" en 1987, et depuis 1992 ou peut-être 1991, je suis juge


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  1   adjoint dans la "High Court" d'Angleterre et du Pays de Galles, une

  2   occupation à temps partiel, si je puis dire.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Vous avez été convoqué ici pour

  4   témoigner dans le cadre de cette procédure d'appel dans l'affaire le

  5   Procureur contre Momcilo Krajisnik. C'est M. Krajisnik, l'appelant, qui

  6   vous a cité à comparaître, c'est donc lui qui va procéder à

  7   l'interrogatoire principal.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous --

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Attendez. Après cela, l'ami de la Cour

 10   pourra vous poser des questions, ensuite le Procureur procédera au contre-

 11   interrogatoire, et vous répondrez ensuite aux questions supplémentaires de

 12   l'appelant. Les Juges, bien sûr, auront peut-être des questions à vous

 13   poser à quelque moment que ce soit de votre déposition, bien sûr, s'ils le

 14   souhaitent.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je comprends

 16   tout à fait. Tout ceci est très clair. Pourrais-je poser deux questions ?

 17   Je ne souhaite pas, bien sûr, utiliser de manière indue le temps alloué à

 18   qui que ce soit.

 19   Bien sûr, je sais que deux témoins ont déposé lundi dernier et, bien sûr,

 20   je connais leur identité, puisque leur identité n'a pas été confidentielle.

 21   Mais je crois que la plus grosse partie de leur témoignage a été entendue

 22   en audience à huis clos partiel, alors si ce n'est pas inopportun de ma

 23   part, je voulais savoir pourquoi, parce que je dois vous dire que je ne

 24   vais pas demander à ce que le même régime s'applique à moi-même, dans mon

 25   propre intérêt. Et c'est vrai que j'aurais préféré que ces dépositions

 26   aient lieu dans la mesure du possible en audience publique. Je ne souhaite

 27   pas en tout cas, moi, déposer à huis clos partiel, je souhaiterais dans la

 28   mesure du possible que ma déposition soit entendue en public, je voulais


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  1   simplement -- je ne comprends pas très bien pourquoi le gros de ces

  2   témoignages a été entendu en audience à huis clos partiel. J'aurais voulu

  3   comprendre, si toutefois, je peux poser la question.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] En tant que témoin, vous devriez

  5   davantage répondre à des questions plutôt que d'en poser. Quoi qu'il en

  6   soit, la plupart des documents qui ont été utilisés au cours de ces

  7   dépositions dont vous parlez étaient des documents à caractère

  8   confidentiel, ainsi toute référence faite à ces documents devait être faite

  9   en audience à huis clos partiel.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Ceci répond à la question

 11   d'un point de vue technique, et j'espère que vous comprenez tout à fait ma

 12   position.

 13   L'autre question qui me paraît tout à fait légitime pour un témoin, parce

 14   que je vais essayer, bien sûr, d'apporter la plus grande assistance

 15   possible dans le cadre de ma déposition, il se peut que la question du lien

 16   de confidentialité qui me lie avec M. Krajisnik soit abordée très

 17   rapidement, or, en tant qu'ex-conseil de M. Krajisnik, il y a sans doute

 18   certaines choses que je ne suis pas en mesure d'aborder.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais ce sera à vous de voir

 20   effectivement si des éléments peut-être relèvent de ce lien de

 21   confidentialité. Si tel est le cas, je vous inviterais à ne pas l'évoquer.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-ci, ma position a toujours été la

 23   même s'agissant de ce lien de confidentialité, et à moins de recevoir des

 24   instructions contraire, je m'en tiendrai, bien sûr à cette position.

 25   [La Chambre d'appel se concerte]

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui. Je voulais poser la question à

 27   l'appelant, bien sûr. Pensez-vous que le témoin doit s'en tenir à ce secret

 28   professionnel ou pas ? C'est à vous de nous le dire, d'une certaine


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  1   manière.

  2   L'APPELANT : [interprétation] Oui. M. Dershowitz et M. Sladojevic m'ont

  3   indiqué que je ne devrais pas autoriser la levée de ce secret

  4   professionnel, et j'aurais tendance à suivre leur conseil puisqu'ils sont

  5   plus versés dans ce genre de chose que moi.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Nous prenons note de ceci et,

  7   bien entendu, vous tiendrez compte de cela lorsque vous poserez vos

  8   questions au témoin.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, et j'ai pris, bien sûr, bonne note

 10   de ceci également. Merci.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Juge Meron.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président,

 13   que le secret professionnel compte pour l'accusé plutôt que pour l'avocat.

 14   M. Krajisnik a invité M. Stewart à déposer sur un certain nombre de

 15   questions, et je suppose donc que M. Krajisnik serait prêt à lever le

 16   secret qui pèse sur ses échanges avec Me Stewart. Compte tenu des questions

 17   sur lesquelles M. Krajisnik souhaite que M. Stewart dépose, ce sont

 18   précisément des questions qui renvoient à des allégations d'assistance

 19   inefficace et des questions relatives à l'iniquité du procès. Donc il me

 20   semble que M. Krajisnik ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Krajisnik.

 22   L'APPELANT : [interprétation] Excusez-moi. Puis-je prendre la parole ?

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais je vous en prie.

 24   L'APPELANT : [interprétation] M. Sladojevic m'a conseillé de mener à bien

 25   l'audition de ce témoin, et si à quelque moment que ce soit ce droit devait

 26   se retrouver violé d'une certaine manière, il nous faudrait prendre une

 27   décision en la matière. Pour respecter la confidentialité d'une part et

 28   l'intérêt du public de l'autre, si ce cas de figure se présente, bien sûr,


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  1   je prendrai une décision, mais je ne souhaite pas qu'il y ait d'obstacle à

  2   une déposition complète de M. Stewart.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui. C'est précisément ce que

  4   j'essayais de dire tout à l'heure. Vous allez voir effectivement dans

  5   quelle mesure vous serez prêt à renoncer à ce droit dans le cadre des

  6   questions que vous allez souhaiter poser à M. Stewart. Mais il est clair

  7   que si vous poser une question et que vous souhaitez obtenir une réponse,

  8   il faudra peut-être aller dans ce sens, puisque évidemment vous allez

  9   chercher à obtenir réponse à votre question.

 10   Bien. Ceci étant dit, nous allons peut-être pouvoir donner la parole

 11   à M. Krajisnik afin que l'interrogatoire principal puisse débuter. Vous

 12   avez la parole, Monsieur Krajisnik.

 13   Interrogatoire principal par M. Krajisnik :

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Stewart.

 15   R.  Bonjour, Monsieur Krajisnik.

 16   Q.  J'ai été mis en garde par la Chambre d'appel, à savoir que nous

 17   devrions sans doute passer en audience à huis clos partiel au moment de

 18   faire référence à certains documents. Je vais donc demander à ce que l'on

 19   passe en audience à huis clos partiel pendant quelques instants pour que

 20   nous puissions faire référence à certains documents sous pli scellé.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame la Greffière, passons en

 22   audience à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 24   partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Krajisnik,

 27   allez-y.

 28   M. KRAJISNIK : [interprétation] Merci beaucoup.


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  1   Q.  J'aimerais attirer l'attention de M. Stewart sur les documents dont il

  2   dispose, j'espère, les documents AD4, AD5 et AD6.

  3   R.  Monsieur Krajisnik, je n'ai rien avec moi et je ne sais pas non plus à

  4   quels documents ces cotes correspondent.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vais demander à ce que l'on remette

  6   les trois documents en question au témoin, les trois documents cités par M.

  7   Krajisnik; AD4, AD5 et AD6.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Merci bien. Ça y est. J'ai

  9   trois documents, Monsieur Krajisnik, sous les yeux, Messieurs les Juges

 10   également.

 11   M. KRAJISNIK : [interprétation]

 12   Q.  Bien. C'est votre lettre, la lettre que vous adressez à la Chambre avec

 13   un mémo en pièce jointe et des notes que vous avez prises au cours de votre

 14   réunion avec le Juge Orie et M. Zahar. Avez-vous eu l'occasion de reprendre

 15   connaissance de ce document au préalable ? Le connaissez-vous bien, ce

 16   document ? Si tel n'est pas le cas, je vous invite à le reconsulter.

 17   R.  Oui, j'ai trois documents; la lettre avec ce mémorandum assez long qui

 18   figure en annexe, ainsi que les notes avec ma réunion avec le Juge Orie, la

 19   note de ma réunion avec M. Zahar. La réponse est oui, j'ai examiné tous ces

 20   documents qui semblent être des exemplaires des documents en question. Je

 21   les ai bien revus, effectivement, au cours des 48 heures passées.

 22   Q.  Monsieur Stewart, êtes-vous en mesure de confirmer à l'attention des

 23   Juges que tous ces documents ont été écrits de votre main, ou en tout cas

 24   que vous avez participé à leur rédaction ?

 25   R.  Oui, bien sûr je peux le faire. Le document le plus long que l'on

 26   trouve en annexe de la lettre du 28 octobre et peut-être une partie de la

 27   lettre, ceci a été rédigé avec M. Josse, mon co-conseil. Je crois que nous

 28   avons fait chacun la moitié du travail, mais là aujourd'hui, je ne me


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  1   souviens plus très exactement qui a rédigé quoi. Cela étant, oui,

  2   effectivement ce document porte mon nom et il a été signé de ma main, oui.

  3   Q.  Merci, Monsieur Stewart. Votre réponse me satisfait tout à fait.

  4   Y a-t-il quoi que ce soit dans ce document que vous aimeriez corriger ?

  5   Vous avez dit que vous avez eu la possibilité de vous rafraîchir la

  6   mémoire, de revoir le contenu de ces documents au cours des 48 heures qui

  7   viennent de passer.

  8   R.  Oui. Il y a deux petites corrections à apporter, sans compter, bien

  9   sûr, les erreurs de ponctuation. Dans les notes correspondant à la réunion

 10   avec le Juge Orie le 31 octobre, c'est un lundi, dans l'avant-dernier

 11   paragraphe de la première page, (expurgé)

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 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16   Puis il y a aussi le mot "days" qui manque à la page suivante, à peu près

 17   au milieu. On parle de "120" et point. Bien sûr, on doit lire "120 jours."

 18   Voilà, ce sont des petites corrections. A part cela, je n'ai rien remarqué

 19   d'autre, et je confirme que ces documents expriment mon opinion personnelle

 20   et que c'est l'opinion que j'avais à ce moment-là. Elle est exprimée de

 21   manière la plus honnête possible. Les faits que je décris dans ce document

 22   demeurent tout à fait véridiques, les faits tels que je les décris, tels

 23   que je les ai perçus ici.

 24   Q.  Cela signifie-t-il que vous confirmez aujourd'hui toute la teneur de

 25   ces trois documents ? Est-ce là une conclusion que l'on peut tirer,

 26   Monsieur Stewart ?

 27   R.  Oui, Messieurs les Juges, je vous le confirme. Oui.

 28   Q.  Merci beaucoup.


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  1   M. KRAJISNIK : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on repasse en

  2   audience publique, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame la Greffière.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.

  5   [Audience publique]

  6   M. KRAJISNIK : [interprétation]

  7   Q.  J'aimerais à ce stade de cet entretien que nous parlions de l'ouverture

  8   du procès et des témoins qui ont été cités. Mme Plavsic et M. Djeric, entre

  9   autres, ont été cités. Voici quelle est ma question : pensez-vous que la

 10   Chambre de première instance a alloué suffisamment de temps pour

 11   l'interrogatoire de ces témoins ?

 12   R.  M. Krajisnik nous parle de l'ouverture du procès. Je crois qu'il n'est

 13   pas contesté que Mme Plavsic et M. Djeric ont été cités à la toute fin du

 14   procès.

 15   Mais à cette nuance près, Monsieur Krajisnik, non, je ne crois pas

 16   que la Chambre de première instance n'a pas alloué suffisamment de temps.

 17   Lorsqu'on examine le temps qui a été consacré à l'audition d'autres témoins

 18   dans le cadre du procès, et compte tenu du peu de temps qui a été autorisé

 19   pour ces deux témoins, alors que pour Mme Plavsic en particulier on aurait

 20   pu s'attendre à ce que celle-ci ait une connaissance beaucoup plus large

 21   des événements qui intéressaient la Chambre au cours de ce procès par

 22   rapport à la connaissance qu'auraient pu avoir de nombreux autres témoins,

 23   il m'a semblé, à moi et à mon co-conseil, qu'en fait le temps alloué à

 24   l'audition de ces témoins avait été ridiculement bref, particulièrement

 25   pour ce qui est de Mme Plavsic.

 26   Q.  Cela signifie-t-il alors que vous n'avez pas eu assez de temps à votre

 27   disposition pour procéder à l'interrogatoire de Mme Plavsic.

 28   R.  Je crois qu'il y a deux choses, Monsieur Krajisnik. Premièrement,


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  1   puisque nous savions que nous n'avions que très peu de temps, nous avons

  2   ajusté l'interrogatoire au temps qui nous était alloué et nous n'avons pas

  3   procédé ou préparé le contre-interrogatoire que nous aurions pu avoir si

  4   nous avions eu plus temps. Mais étant donné les limites qui s'appliquaient

  5   à nous et les nombres de sujets que nous cherchions à couvrir, il me

  6   semble, Monsieur Krajisnik, même si je n'en ai plus de détails exactement

  7   précis en esprit, qu'effectivement il nous semblait - et c'est ce que

  8   montrera le compte rendu d'audience - que nous agissions un peu isolés, que

  9   nous n'arrivions pas à aller dans les sujets dans lesquels nous voulions

 10   aller, y compris, par exemple, mais sans aller dans trop de détails, des

 11   extraits de l'ouvrage de Mme Plavsic.

 12   Q.  En ce qui concerne le livre de Mme Plavsic, son titre

 13   était : "Je témoigne." Cet ouvrage avait-il été pleinement traduit avant

 14   que vous ne puissiez procéder à l'interrogatoire de

 15   Mme Plavsic ?

 16   R.  Je ne le crois pas. Non, Monsieur Krajisnik. Il me semble que non,

 17   effectivement.  

 18   Q.  Monsieur Stewart, vous souvenez-vous comment la Chambre de première

 19   instance, pendant son interrogatoire de Mme Plavsic, a, ou plus exactement,

 20   dans quelle mesure les Juges ont dépendu de l'ouvrage de Mme Plavsic, et

 21   comment ils faisaient référence à certains extraits ou paragraphes de cet

 22   ouvrage ?

 23   R.  Monsieur Krajisnik, Messieurs, Monsieur le Président, je ne m'en

 24   souviens pas très en détail, mais je me souviens qu'un agent de la Chambre

 25   de première instance avait été en Suède s'entretenir avec Mme Plavsic. Je

 26   ne sais pas exactement quels extraits ou quels paragraphes tirés du livre

 27   avaient été identifiés. Je me souviens seulement que c'était un choix assez

 28   limité, assez biaisé des écrits de Mme Plavsic. Pour répondre à votre


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  1   question plus précisément, de savoir combien les Juges de la Cour

  2   dépendaient de cet ouvrage, il me semble effectivement que puisque Mme

  3   Plavsic était un témoin présenté par la Chambre, c'est effectivement la

  4   Chambre de première instance qui dépendait de ces extraits. C'était eux qui

  5   avaient pris l'initiative de présenter ces éléments de preuve.

  6   Q.  Maître Stewart, avez-vous pu procéder à un contre-interrogatoire de

  7   façon satisfaisante de Mme Plavsic, plus particulièrement en ce qui

  8   concerne son fameux ouvrage intitulé : "Je témoigne" ?

  9   R.  Non, Monsieur Krajisnik. Je croyais que l'exercice était insatisfaisant

 10   et je crois qu'il n'y avait pas vraiment la possibilité ni pour

 11   l'Accusation ni pour la Défense d'interroger de façon correcte Mme Plavsic.

 12   En ce qui concerne les extraits de son ouvrage en tout cas, c'est ce dont

 13   je me souviens. Il me semblait effectivement que nous avons été arrêtés en

 14   plein vol, si j'ose dire, et nous n'avons pas pu réellement remettre en

 15   perspective l'ouvrage dont on nous présentait des extraits. Mais j'imagine

 16   que ceci est assez clair et que le compte rendu d'audience le montrera très

 17   clairement. Je ne pense pas que je puisse amener d'éléments supplémentaires

 18   en utilisant mes souvenirs.

 19   Q.  Vous souvenez-vous, Maître, que j'avais voulu procéder moi-même à un

 20   interrogatoire de Mme Plavsic ? Vous vous souviendrez certainement qu'on

 21   m'a empêché de procéder à son contre-interrogatoire ?

 22   R.  Je m'en souviens tout à fait, Monsieur Krajisnik. Messieurs les Juges,

 23   je dois dire que c'est le seul extrait du compte rendu d'audience de

 24   l'interrogatoire de Mme Plavsic que j'ai relu pour l'audience d'aujourd'hui

 25   tout simplement parce que - et j'imagine que vous le savez parfaitement M.

 26   Krajisnik et ses collaborateurs me l'ont passé - Alors effectivement, j'ai

 27   relu ce document. Cela m'a rafraîchi la mémoire, mais je m'en souviens très

 28   bien, effectivement. Vous lirez en lisant le compte rendu d'audience


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  1   qu'effectivement le Juge Orie vous a, d'autorité, interrompu et empêché de

  2   procéder au contre-interrogatoire. Je peux vous dire ça, alors même que je

  3   n'étais pas un grand fan du moment où vous, vous procédiez à des contre-

  4   interrogatoires, que ce soit nos témoins ou les témoins de la partie

  5   adverse d'ailleurs.

  6   Q.  Merci. Revenons à la phase préliminaire au procès, lorsque vous avez

  7   été embauché comme conseil. Lorsque vous avez repris l'affaire, vous

  8   souvenez-vous qui était mon conseil avant vous et qui il avait été ?

  9   R.  Oui. Je m'en souviens très bien, je m'en souviens parfaitement bien,

 10   Messieurs, Monsieur le Président. C'était M. Brashich -- M. Dan Brashich.

 11   Le greffe me l'avait dit d'ailleurs.

 12   Q.  Savez-vous ou vous souvenez-vous pendant combien de temps M. Brashich

 13   avait travaillé avec moi ?

 14   R.  Oui. Depuis plusieurs années déjà. Deux, trois ans, quatre peut-être,

 15   en tout cas, depuis déjà bien longtemps. Vous avez été arrêté et transféré

 16   ici en avril 2000; et je crois que Me Brashich est devenu votre conseil

 17   très rapidement. Je ne sais plus exactement quand, mais très peu de temps

 18   après votre arrivée ici en tout cas.

 19   Q.  Monsieur Stewart, lorsque vous avez repris le dossier, vous attendiez-

 20   vous à recevoir de M. Brashich un produit qui vous permettrait de

 21   travailler à la constitution de ma défense ?

 22   R.  Oui. Le greffe m'a dit - et d'une certaine façon c'était exact - on

 23   m'avait dit que le procès devait commencer le 14 mai, je crois - on peut

 24   vérifier ça - le procès devait commencer le 14 mai, disais-je, et à la fin

 25   avril il était apparu que Me Brashich avait été ou devait être radié du

 26   barreau pendant un an, et donc retiré de cette affaire. Ce que j'ai compris

 27   très rapidement, c'était exactement ça, qu'effectivement on était à 15

 28   jours du procès géré par quelqu'un qui connaissait l'affaire depuis très


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  1   longtemps, et quelles que soient les raisons qui avaient motivé le barreau

  2   de New York pour le suspendre, il me semblait évidemment que le dossier

  3   était prêt à l'usage à échéance de deux, ou trois, ou quatre semaines.

  4   Evidemment, je me suis vite rendu compte que ce n'était pas le cas, mais en

  5   tout cas lorsque j'ai commencé, c'était l'impression que je me faisais des

  6   choses.

  7   Donc, oui, je m'attendais effectivement à recevoir une matière utile, un

  8   dossier utile à la conduite d'un procès en le recevant de l'avocat

  9   précédant.

 10   Q.  Pourriez-vous dire à Mme et MM. les Juges ce que vous avez

 11   effectivement reçu, et si vous avez reçu ce que vous vous attendiez à

 12   recevoir de Me Brashich ?

 13   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai eu. Me Brashich est venu. On avait prévu

 14   de se retrouver moi, Me Loukas, mon co-conseil, que j'avais ramené

 15   d'Australie, et lui; et nous nous sommes retrouvés ici pendant une semaine

 16   en août 2003, nous sommes venus vous voir, Monsieur Krajisnik. Me Brashich

 17   était supposé venir avec un dossier complet. C'est bien pour ça que le

 18   greffe avait payé son voyage. Et il n'a amené que très peu de choses, rien,

 19   en fait, quelques fragments de papier et quelques documents.

 20   J'ai réussi à en obtenir un peu plus deux ou trois mois plus tard, et en

 21   gros, c'était 13 grosses boîtes venant de Me Brashich et 53 petites boîtes

 22   revenant de l'un de ses co-conseils, Me Kostic, qui me sont arrivées à la

 23   fin de l'automne après une bataille rude pour les obtenir. Donc il y avait

 24   beaucoup de choses, mais ce n'était absolument pas organisé et traité. En

 25   tout cas, ce n'était absolument pas le dossier auquel je m'attendais

 26   lorsque j'ai repris l'affaire.

 27   Q.  Monsieur Stewart, avez-vous pu comprendre ce qu'il y avait parmi ces

 28   éléments et parmi ces documents ? Après tout, lorsque l'on reprend une


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  1   affaire, il faut bien comprendre ce qui s'y passe pour pouvoir organiser la

  2   défense, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui. Je me perds peut-être en conjecture, Madame, Messieurs les Juges,

  4   mais j'imagine que Me Brashich avait été assez réticent à m'envoyer ces

  5   documents, il m'avait dit que sa secrétaire devait l'aider. J'ai eu

  6   l'impression qu'effectivement le classement avait été fait en toute hâte.

  7   Il y avait quelques sections. J'ai effectivement été en mesure de rédiger

  8   des listes, une espèce de grande structure du dossier, mais dans chaque

  9   boîte il y avait 20 ou 30 catégories peut-être, et dans chaque groupe rien

 10   n'était très organisé.

 11   Puis, je le dis en passant, j'ai reçu également un certain nombre de

 12   CD, et également des disquettes déjà démodées dont certaines comportaient

 13   quelques documents, parfois 100, parfois 1 000 documents ou plus, mais il

 14   fallait ouvrir chacun de ces documents individuellement pour savoir ce

 15   qu'ils représentaient.

 16   Q.  Monsieur Stewart, lorsque vous avez repris l'affaire, aviez-vous déjà

 17   un certain nombre d'affaires en cours à Londres que vous deviez finaliser ?

 18   R.  Oui, évidemment, j'avais du travail. Je suis un avocat qui exerce. Et

 19   je suis ravi de pouvoir vous dire qu'effectivement, je n'étais pas au

 20   chômage, donc il y avait effectivement des choses à faire, et j'en ai parlé

 21   avec le greffe. Il fallait évidemment que j'organise ma charge de travail,

 22   que je finisse ce que je pouvais finir pour me libérer et travailler sur

 23   votre affaire. Et comme n'importe lequel de mes confrères, je n'ai pas pu

 24   finaliser absolument tout; et j'ai eu parfois des obligations envers mes

 25   clients.

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Meron avait une question.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Monsieur Stewart, vous nous avez dit que vous avez eu de vraies difficultés


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  1   de ce que Me Brashich ne vous avait pas vraiment préparé un vrai dossier.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et vous avez reçu toutes ces boîtes.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc il y avait peu de temps, et

  6   l'Amicus Curiae, dans sa version de son mémoire, nous a fait remarquer que

  7   vous n'avez pas demandé à repousser l'audience de début de procès. Si c'est

  8   exact, pouvez-vous nous dire pourquoi ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge --

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, mais qu'est-ce que cela montre de

 11   votre charge de travail et de votre habilité, Maître --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'il est inexact, Monsieur le Juge,

 13   de considérer que je n'ai pas cherché à retarder le début du procès. Au

 14   contraire, je voulais absolument que le procès commence. Mais

 15   effectivement, nous n'avons pas demandé de façon formelle à ce que le

 16   procès soit suspendu, nous avons eu des entretiens en grand nombre, je ne

 17   sais plus combien, avec M. Harhoff à l'époque, aujourd'hui c'est le Juge

 18   Harhoff, nous avons eu des entretiens avec le Juge Orie. Souvent seul, si

 19   j'ai bonne mémoire, plutôt qu'accompagné de ses deux co-Juges, et nous

 20   avons parlé de tous ces sujets de façon très claire, et j'ai dit très

 21   clairement à M. Harhoff exactement la situation dans laquelle nous nous

 22   trouvions; et je l'ai dit exactement également au Juge Orie. Ce que nous

 23   étions en train d'essayer de faire, c'était de négocier, et ça a duré un

 24   certain temps, effectivement, et à un moment ou à un autre, je me souviens

 25   très bien avoir entendu le Juge Orie dire : "Maître Stewart, ce procès

 26   commencera le 3 février." Ou le 4. Enfin, je ne sais plus quel jour était

 27   un lundi. Mais en tout cas, le Juge m'a dit très clairement : "Cette

 28   affaire commencera." Et je l'ai cru. C'était évident pour moi que le Juge


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  1   Orie pensait ce qu'il disait.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quel impact cela avait-il sur

  3   l'adéquation et la pertinence de la défense ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le procès n'a pas

  5   commencé le 4 février puis a continué cinq jours à la semaine. Le Juge Orie

  6   nous a proposé une charge de travail - je vais faire référence à des

  7   chiffres, mais je ne m'en souviens pas exactement, j'espère que vous

  8   m'excuserez, je n'ai pas relu tous mes documents - mais le Président Orie

  9   nous proposait 18 jours, me semble-t-il, à utiliser de façon assez

 10   flexible, alors je ne sais pas si c'était six semaines de trois jours ou

 11   quatre semaines de quatre jours. Il y avait une certaine marge de

 12   flexibilité, et une fois qu'on aurait couvert ces 18 jours de procès,

 13   effectivement il y aurait eu une suspension; jusqu'après Pâques, qui devait

 14   tomber le 10 ou 11 avril.

 15   Et étant donné que le Juge Orie avait dit : "Ce procès commencera," et

 16   puisqu'il nous avait proposé ces modalités, il me semblait qu'une requête

 17   en suspension était inutile. Et il me semblait effectivement que nous

 18   pouvions gérer cela, puis d'une certaine façon c'était utile aussi

 19   d'apprendre à gérer un tribunal inconnu, à gérer l'ambiance.

 20   Il me semblait qu'effectivement les témoignages quant aux activités

 21   criminelles seraient présentés et ça, ça serait assez facile à gérer.

 22   Le plus compliqué, en fait, c'était lorsque M. Deronjic a été cité à

 23   comparaître, et là nous nous y sommes opposés. Nous n'avons pas réussi à

 24   faire valoir nos arguments. Mais voilà. Evidemment tout cela était lié avec

 25   le fait que M. Deronjic était sur le point d'être condamné ici. D'autant

 26   que le Juge Orie était le Président de la Chambre qui jugeait M. Deronjic.

 27   Donc il y avait un vrai débat quant à savoir si M. Deronjic devait entendre

 28   sa sentence avant d'être cité à comparaître ou l'inverse. En tout cas,


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  1   c'est le Juge Orie qui a remporté la partie.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais une question, Monsieur Stewart.

  3   Vous nous dites que vous avez rencontré dans l'ensemble la plupart du temps

  4   le Juge Orie. En même temps, vous nous avez dit qu'une requête en

  5   suspension formelle ou une requête en retardement du début de l'audience

  6   aurait été futile étant donné la position du Juge Orie. Mais vous n'avez

  7   pas pensé que présenter cette requête permettrait d'informer les deux

  8   autres Juges ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, évidemment j'y ai pensé

 10   mais ça n'a rien changé à mon analyse. Malgré tout le respect que je dois

 11   aux deux autres Juges, d'autant plus qu'il y a également eu un changement

 12   de Juge; M. Harhoff était un agent de la cour extrêmement efficace et qui

 13   connaissait bien la maison, et il nous semblait effectivement que le Juge

 14   Orie était bien celui qui était aux commandes. Même si ce n'était pas un

 15   fait, en tout cas c'était comme ça qu'on le voyait.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci de cette analyse.

 17   Monsieur le Juge Guney, vous vouliez poser une question.

 18   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Monsieur Stewart, je voudrais vous

 19   poser une question complémentaire à celle du Juge Meron. Puisque vous étiez

 20   le conseil principal de la Défense pour M. Krajisnik le 30 juillet 2003 et

 21   que vous avez reçu le dossier de façon très désordonnée avec beaucoup de

 22   retard de la part de l'avocat précédent, Me Brashich, diriez-vous que vous

 23   étiez prêt à entamer les audiences dès le 3 février 2004 ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, d'une certaine

 25   façon, non, en toute honnêteté, il nous semblait que le procès n'aurait

 26   jamais dû commencer si tôt que ça; hormis ce que j'ai évoqué à propos de M.

 27   Deronjic, le fait est que ce n'est pas en février que nous avons eu le plus

 28   de problèmes. Hormis le témoin Deronjic, ces premiers témoins dans cette


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  1   période de 18 jours d'audience étaient gérables, nous semblait-il, si l'on

  2   travaillait dur.

  3   Et ainsi la question de savoir s'il fallait continuer de nous battre, faire

  4   des requêtes en suspension, tout cela doit être examiné à la lumière du

  5   fait que l'offre que nous faisait la Chambre de première instance était

  6   assez bien réfléchie, et je ne dis pas ça de façon méprisante, après tout,

  7   effectivement, on nous proposait 18 jours d'audience, une certaine marge de

  8   manœuvre sur la flexibilité de l'organisation de ces jours d'audience, et

  9   ensuite une suspension. Le fait est que M. Treanor a été entendu dans son

 10   interrogatoire principal pendant ces premiers jours, je crois qu'on l'a

 11   entendu avant la fin de février 2004; mais je n'ai pas eu à procéder au

 12   contre-interrogatoire avant le retour après le congé de Pâques, autour du

 13   10 ou 11 avril. Evidemment, nous savons tous que le rapport de M. Treanor

 14   était extrêmement détaillé, très fouillé, et c'était un vrai défi pour

 15   chacun d'entre nous de comprendre ce que c'était. Et c'est moi qui ai

 16   procédé au contre-interrogatoire; effectivement avoir ce délai de quelques

 17   semaines avant le contre-interrogatoire était extrêmement utile pour nous.

 18   Tous ces éléments sont entrés en jeu lorsque nous avons cherché à voir si,

 19   étant donné ce que le Juge Orie nous avait dit, il était pertinent ou utile

 20   de se confronter à lui plutôt que de poursuivre cette approche de

 21   négociation, une négociation qui a duré pendant bien les premiers mois de

 22   l'audience.

 23   D'ailleurs, il nous semblait que dans cette négociation nous n'avions pas

 24   la position de force - lorsque je dis d'ailleurs que c'est le Juge Orie qui

 25   faisait tourner la boutique, j'entends par là que c'est bien la Chambre de

 26   première instance - il nous semblait bien effectivement que la Chambre de

 27   première instance était sous pression d'ailleurs pour voir si oui ou non le

 28   procès devait commencer, et cetera.


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  1   De façon générale, je crois qu'on peut dire qu'il y avait des pressions qui

  2   venaient de New York. C'est peut-être pas très précis comme analyse, mais

  3   en tout cas, il nous semble que cette affaire de 2000 à 2003 avait été mal

  4   gérée, 2003 et 2004, et c'est pour ça qu'il y avait des pressions.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Meron.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  7   Monsieur Stewart, je crois que vous avez présenté une requête le 22 février

  8   2005.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une requête en suspension jusqu'à août

 11   2005. Vous dites que l'avocat en charge du dossier, à savoir vous, n'aviez

 12   pas lu plus de "15 % des documents et du dossier."

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais dire ça

 14   très clairement. Je ne remets pas cela en cause. Mais effectivement nous

 15   avons présenté cette requête en suspension en juillet 2004. Donc je crois

 16   que vous faites référence, Monsieur le Juge, à la deuxième requête, n'est-

 17   ce pas ?

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, en effet.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous nous dites quand même que

 21   vous n'aviez pas lu plus de 15 % du dossier, et le 28 février 2005, pendant

 22   l'audience, votre co-conseil, Me Loukas disait et se plaignait en citation,

 23   je cite, que : "La stratégie n'avait pas été finalisée."

 24   Et voici ma question : avez-vous jamais pu réexaminer tous les documents et

 25   être tout à fait au point ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, non. Nous n'avons jamais été

 27   en mesure de tout lire. Mais je ne pense pas non plus, de façon suggérée,

 28   que n'importe quel conseil principal, dans n'importe quelle affaire, lirait


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  1   absolument 100 % du dossier. Après tout, on délègue, c'est normal. Puis il

  2   faut trier les documents.

  3   En ce qui concerne cette Défense et cette stratégie --

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce n'est pas finalement un vrai

  5   problème que vous n'ayez pas tout lu. Ça ne posait pas un problème en terme

  6   d'efficacité de la défense.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, non, absolument pas,

  8   ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Ce serait en dire trop. J'ai

  9   eu un entretien, disons, semi-formel - ce n'était pas sur la terrasse mais

 10   bon - j'ai eu un entretien avec le Juge Harhoff,  alors par M. Harhoff à

 11   l'époque. Il me disait - il avait tout à fait raison : "Evidemment, il y a

 12   tous ces papiers, mais on sait très bien que 60 % de ces documents, de ces

 13   papiers sont inutiles."

 14         Et je lui disais : "Mais bien sûr, Fred, je suis tout à fait

 15   d'accord. Mais dites-moi, dites-moi déjà quel 60 % de documents ne servent

 16   à rien et que je pourrais traiter les 40 % restants ?" Alors, je ne cherche

 17   pas assez à vous faire rire mais d'une certaine façon c'était un vrai

 18   problème. Evidemment, on peut d'une certaine façon identifier assez

 19   rapidement les éléments qui ne vont servir absolument à rien. Mais c'était

 20   un problème, Monsieur le Juge, c'est resté un vrai problème. Je ne veux pas

 21   dire - comme auraient pu le dire certains hommes politiques - je ne savais

 22   pas ce que je ne savais pas.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et ce que Mme Loukas a dit à propos

 24   d'une stratégie de défense inadéquate.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne pense pas qu'il faille mettre

 26   trop l'accent là-dessus. Les grandes lignes d'une stratégie qui permettait

 27   d'identifier ce que l'on cherchait à faire pendant les contre-

 28   interrogatoires, un des témoins de l'Accusation était assez évident. Et


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  1   quelles que soient les priorités que je m'étais fixées ou que j'aurais pu

  2   me fixer, je n'aurais jamais commencé un contre-interrogatoire sans avoir

  3   une idée au moins générale de mes objectifs, même si je n'étais pas

  4   absolument certain que mes co-conseils et moi-même aurions pu mettre la

  5   main sur tous les documents pertinents.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien, Monsieur Krajisnik, poursuivez

  8   votre interrogatoire principal.

  9   M. KRAJISNIK : [interprétation]

 10   Q. Monsieur Stewart, j'aimerais maintenant vous demander de bien

 11   vouloir parler avec moi du temps dont a pu disposer l'équipe de la Défense

 12   au cours du procès, peu de temps, beaucoup de documents. J'aimerais vous

 13   renvoyer à la requête que vous avez déposée le 14 juillet 2004. Dans le

 14   paragraphe 14 de ce document, vous dites, en parlant du manque de temps,

 15   question d'ailleurs qui vous a été posée par plusieurs Juges de la Chambre

 16   d'appel, vous dites donc que vous avez souligné l'existence de ce problème

 17   avant même le début du procès.

 18   R.  Oui. Vous parliez de la première requête, Monsieur Krajisnik,

 19   n'est-ce pas, la première requête que nous avons déposée en vue d'obtenir

 20   une suspension substantielle, n'est-ce pas ?

 21   Q.  Je vais citer le texte de cette requête et je vous demanderais de bien

 22   vouloir vous prononcer.  Deux citations donc. Le 14 juillet 2005, vous avez

 23   dit la chose suivante :

 24   "Nous sommes certains que les documents qui nous ont été communiqués par

 25   l'Accusation sont les éléments relevant de l'article 68 du Règlement

 26   dépassent les 500 000 pages. Ce que nous savons c'est qu'il s'agit là d'une

 27   quantité considérable de documents que nous n'avons pas été en mesure de

 28   l'examiner, encore moins de le lire."


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  1   Puis, au paragraphe 15 de la même requête, vous dites ce qui suit :

  2   "Nous n'avons pas été en mesure de lire et de tenir compte de manière

  3   satisfaisante de tous les éléments de preuve renvoyant aux témoins qui ont

  4   déjà fait l'objet de contre-interrogatoire. On nous a souvent présenté trop

  5   d'éléments en trop peu de temps. Nous ne serons jamais en mesure d'y

  6   parvenir avant la fin de la présentation des éléments à charge et il sera

  7   trop tard, à ce moment-là, pour le faire."

  8   Alors, j'interromps ma lecture et je vous pose la question : êtes-vous

  9   d'accord avec moi pour reconnaître que l'équipe de la Défense, en juillet

 10   2004, n'avait pas eu suffisamment de temps pour se préparer au procès ?

 11   R.  Monsieur Krajisnik, ce qui est dit au paragraphe de la requête que vous

 12   citez est tout à fait véridique. Dans mon système, bien sûr, nous, nous

 13   présentons des arguments en tant que conseil. Est-ce que nous y croyons,

 14   bon, c'est une autre question, bien sûr. Mais lorsque nous disons où nous

 15   en sommes dans notre préparation, de notre prise de connaissance des

 16   documents, bien entendu, nous faisons part aux juges de la Chambre à

 17   laquelle nous nous adressons de notre avis et nous faisons part de notre

 18   avis en toute honnêteté, nous disons où nous en sommes. Alors, oui, bien

 19   sûr, c'est vrai, Monsieur Krajisnik, nous ne l'aurions pas dit si ça

 20   n'avait pas été le cas.

 21   Q.  Merci. Merci. Alors le 16 juillet 2004, en page 4 478 du compte rendu

 22   d'audience, je lis ce qui suit et je reprends vos propos ici : 

 23         "On ne peut pas tout faire. Lorsque l'on établit ses priorités entre

 24   six tâches fondamentales, nous ne pouvons en retenir que deux. Nous sommes

 25   parvenus à la conclusion selon laquelle nous ne sommes pas en mesure de

 26   défendre M. Krajisnik de manière satisfaisante. Il le sait également. Et

 27   nous aussi."

 28   Et le même jour, le 16 juillet 2004 toujours, en page 4 485 et 4 486


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  1   du compte rendu d'audience, vous ajoutez devant les Juges et à l'égard de

  2   la quantité considérable de documents et du manque de temps qui vous est

  3   donné pour vous y préparer, vous dites donc :

  4   "Je n'aurais pas dû sous-estimer le problème depuis si longtemps et

  5   je n'aurais pas dû ignorer le problème comme je l'ai fait parfois. J'aurais

  6   dû mettre en garde la Chambre de première instance, avec toute la

  7   promptitude requise, j'aurais dû le faire, mais je le fais aujourd'hui. Et

  8   je lui dit que nous avons besoin de temps."

  9   Voici quelle est ma question : avant cette date, avez-vous mis en

 10   garde la Chambre, l'avez-vous prévenue que vous ne disposez pas

 11   suffisamment de temps et qu'il y avait une quantité considérable de

 12   documents qu'il convenait d'examiner afin de pouvoir me défendre de la

 13   meilleure manière possible ?

 14   R.  A de multiples reprises, Monsieur Krajisnik. Je ne saurais même pas

 15   vous dire combien de fois je l'ai fait. Le message, je l'ai exprimé haut et

 16   clair pendant des mois, des mois et des mois, à chaque fois que nous avons

 17   pu le faire. Bien entendu, à M. Harhoff, et de manière permanente à ce

 18   dernier. Et dès que nous avons eu l'occasion de le faire, nous l'avons fait

 19   haut et clair, je le répète.

 20   Q.  Merci beaucoup. Le 29 août 2004, en page 7 668 du compte rendu, vous

 21   dites la chose suivante :

 22   "Le problème est exacerbé. Nous sommes au point de rupture du côté de

 23   la Défense, parce que notre équipe n'a pas été en mesure de faire face,

 24   quelles que soient les apparences que nous donnons, nous n'avons pas réussi

 25   à gérer ce procès de manière satisfaisante jusqu'à présent."

 26   Vous serez d'accord avec moi pour reconnaître qu'en octobre 2004 la

 27   situation ne s'était pas améliorée, qu'en octobre 2004 la Défense ne

 28   disposait toujours pas de suffisamment de temps pour se préparer au procès


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  1   ?

  2   R.  Monsieur Krajisnik, je n'essaie pas de me soustraire à vos questions du

  3   tout, mais il y a plusieurs choses à dire ici, dans le cadre d'un long

  4   procès, qui sont vraiment des tournants véritables, des jalons. J'en vois

  5   un, à l'été 2004, qui m'a poussé à faire cette demande, si vous voulez. Ça

  6   renvoie à ce mode de négociation dont j'ai parlé plus tôt, négociation

  7   s'agissant notamment du calendrier du procès, et cetera. Puis, ils ont un

  8   revirement, un changement de cap.

  9   Nous avons eu une longue discussion avec le Juge Orie, et avec

 10   l'Accusation d'ailleurs qui était représentée ici dans l'une de ces

 11   réunions 65 ter. Je ne sais plus si c'était 65 ter, mais en tout cas,

 12   c'était une réunion relativement informelle. L'idée, c'était de se mettre

 13   d'accord sur un nombre important de faits. Le Juge Orie était disposé à ce

 14   moment-là à nous donner des semaines, voire peut-être même plusieurs mois

 15   en échange d'un engagement de notre part en vue de nous mettre d'accord sur

 16   un nombre important de faits avec l'Accusation.

 17   Alors, je vous parlais il y a un instant de ce mode de négociation.

 18   C'est l'expression qui convient, en l'occurrence, parce que le Juge Orie

 19   nous disait souvent ceci en réunion : "Bien, si vous parvenez à ceci et à

 20   cela" - et c'est vraiment le message qu'il essayait de faire passer haut et

 21   clair - "si nous vous donnons ceci et cela, bien, ceci va me coûter ou va

 22   nous coûter tant de jours ou tant de semaines." Bon. C'est vrai que nous

 23   avons eu des échanges parfois un peu musclés - et je le dis avec tout le

 24   respect qui lui est dû - mais parfois, je lui disais : "Mais on dirait un

 25   banquier," ce qui était moins une insulte à l'époque que ça ne pourrait

 26   l'être aujourd'hui, et c'est ce que je lui ai dit et c'était exactement ce

 27   que je ressentais. Bien sûr, je le respecte en tant -- je suis moi-même

 28   parfois amené à siéger en tant que juge, et même si je n'ai pas à gérer ce


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  1   genre de difficulté, en général. Bon. Bien sûr, la préoccupation première

  2   d'un juge, c'est de faire en sorte que les choses avancent. Alors je

  3   comprenais très bien en l'occurrence vous n'avez pas de ressources

  4   inépuisables, donc c'est ce qu'on essaie un peu, ce genre de marché auquel

  5   on essaie de parvenir.

  6   Mais en très bref, nous avons sué sang et eau pour essayer de nous

  7   mettre d'accord sur un certain nombre de faits. M. Mano vous en aura sans

  8   doute parlé. Nous avons sué sang et eau, je l'ai dit, pour essayer de nous

  9   mettre d'accord, et j'ai dû vraiment pousser une équipe par ailleurs très

 10   réticente. Mais à un moment donné, en fin de semaine, j'ai fait le bilan,

 11   j'ai réfléchi à notre position, je savais que l'Accusation disposait de

 12   ressources bien plus importantes que les nôtres et avait une connaissance

 13   bien plus approfondie de ce dont nous parlions. Et j'ai l'impression que

 14   nous dérivions, en quelque sorte, dans le domaine des faits, et que --

 15   bien, il n'était pas sûr véritablement d'accepter certaines choses, et je

 16   suis parvenu à la conclusion un week-end que ceci, bien, n'allait pas dans

 17   notre sens, que ceci n'était pas dans l'intérêt de M. Krajisnik, que cet

 18   exercice n'était pas dans l'intérêt de M. Krajisnik. J'en ai informé le

 19   Juge Orie, qui était absolument furieux. C'était très clair.

 20   Par la suite, j'ai eu plusieurs discussions avec le Juge Harhoff, et

 21   nous sommes passés dans un autre mode, le mode procès proprement dit. La

 22   suspension a pris fin et j'ai dit au Juge Harhoff que j'avais le sentiment

 23   que nous étions punis, parce que nous n'avions pas réussi à nous mettre

 24   d'accord sur un certain nombre de faits. Le Juge Harhoff a été d'accord

 25   avec cette opinion-là. Alors, vous, Monsieur Krajisnik, avez été puni, tout

 26   comme moi en tant que votre conseil. Ça a été difficile pour nous tous,

 27   mais je crois que nous avons travaillé de manière consciencieuse dans le

 28   cadre de ce procès. Ceci, bien sûr, a eu un effet fort sur la dynamique des


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  1   choses. Je n'ai pas l'habitude à ce qu'une Chambre ne me fasse pas

  2   confiance.

  3   Dans les 30 années de pratique que j'ai derrière moi, c'est quelque

  4   chose qui ne m'arrive pas souvent. D'habitude, on me comprend bien, et

  5   lorsque je dis que j'ai fait de mon mieux, et en l'occurrence, j'ai fait de

  6   mon mieux, mais le Juge Orie ne m'a pas cru. Nous sommes donc passés dans

  7   ce mode procès. Nous avons abandonné le mode de négociation que nous avions

  8   mis en branle. Nous avons déposé une demande de suspension qui ne nous a

  9   pas menés bien loin d'ailleurs. Et c'est à ce moment-là que l'équipe a

 10   commencé à s'épuiser. Lorsque nous nous sommes retrouvés après la fin de la

 11   suspension, je dois vous dire que cette équipe n'avait plus les ressources,

 12   les capacités et l'énergie pour faire face au calendrier. Je vais conclure

 13   ma réponse ici. Paradoxalement, nous avons été sauvés par le départ du Juge

 14   de la Chambre qui nous a quittés en décembre, le Juge El Mahdi.

 15   C'est son départ qui nous a sauvés, physiquement, de l'effondrement.

 16   Le Juge El Mahdi qui a été remplacé par le Juge Hanoteau. Le Juge Hanoteau,

 17   bien sûr, a certifié qu'il avait pris connaissance de tous les documents,

 18   et la date de reprise des travaux nous a été annoncée avant même que nous

 19   sachions quel Juge allait remplacer le Juge El Mahdi, ce qui nous a

 20   d'ailleurs un peu sidérés, mais le --

 21   Q.  Monsieur Stewart, avec tout le respect que je vous dois, puisque nous

 22   n'avons pas suffisamment de temps, je vais vous remercier de votre réponse

 23   et je vais vous demander de bien vouloir répondre à la question suivante

 24   sur le même point, d'ailleurs.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Guney aimerait poser une

 26   question sur ce point précis.

 27   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Monsieur Stewart, l'appelant et l'ami

 28   de la Cour disent tous deux qu'en tant qu'ex-conseil, vous n'avez pas reçu


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  1   l'assistance nécessaire au cours de la phase préalable au procès, ainsi que

  2   pendant le procès, et que ceci a entraîné une situation dans laquelle

  3   l'appelant n'a pas bénéficié d'un procès équitable, ou bien subsidiairement

  4   ceci a entraîné une situation dans laquelle le jugement rendu ne saurait

  5   être considéré comme fiable.

  6   A la lumière de la situation, s'agissant de l'assistance dont vous avez

  7   bénéficié, comment la décririez-vous ? Diriez-vous que le traitement qui

  8   vous a été réservé était exceptionnel, spécial, ordinaire, juste ou

  9   supérieur à la moyenne ? Si possible, pourriez-vous choisir l'un de ces

 10   adjectifs pour décrire l'assistance dont vous avez bénéficié.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je m'interroge sur votre

 12   question. Me demandez-vous de qualifier le traitement qui nous a été

 13   réservé par la Chambre de première instance à la lumière du droit à un

 14   procès équitable qui était le nôtre, ou bien êtes-vous en train de me

 15   demander d'évaluer mon efficacité en tant que conseil de la Défense pour M.

 16   Krajisnik, ou les deux ? Je suis désolé, je n'ai pas très bien compris la

 17   question. Question, par ailleurs, importante, à laquelle j'aimerais pouvoir

 18   répondre, mais je souhaite véritablement bien la comprendre.

 19   M. LE JUGE GUNEY : Peut-être les deux à la fois.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur une échelle -- alors, ce que la Chambre de

 21   première instance a offert à M. Krajisnik en ce qui concerne l'équité de

 22   son procès sur une échelle de 1 à 10, avec le 1 représentant une iniquité 

 23   totale, une parodie de procès, si vous voulez, le verdict préparé à

 24   l'avance, à 10, qui correspond à un niveau de perfection absolue, une

 25   équité immaculée, 3 ou 4.

 26   Pour la seconde question, c'est à d'autres de répondre à cette

 27   question. J'ai fait de mon mieux, je crois, et je crois que d'un point de

 28   vue professionnel, j'ai fait de mon mieux dans une situation qui s'est


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  1   avérée beaucoup plus difficile que ce que j'aurais pu imaginer, mais là

  2   encore, je ne suis pas le juge.

  3   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Krajisnik.

  5   M. KRAJISNIK : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais revenir avec vous sur certains des arguments que vous avez

  7   présentés et qui sont consignés au compte rendu. Je vous renvoie au compte

  8   rendu d'audience du 26 novembre 2004, pages 8 907 à 8 910. Vous dites que

  9   vous êtes insatisfait et que vous ressentez même de la honte, parce que

 10   vous n'êtes pas en mesure de parcourir tous les documents.

 11   Le 28 février 2005, aux pages 9 598, 9 599 du compte rendu, vous

 12   parlez de centaines de documents totalement mal classés, désorganisés, et

 13   vous dites qu'il y a des dizaines et des dizaines et des dizaines et des

 14   dizaines de pages de documents que vous n'avez pas lues. Et vous ne savez

 15   même pas de quoi elles parlent. Si j'ouvre un CD, dites-vous, je vois des

 16   milliers de dossiers, je ne m'y retrouve pas. C'est absolument impossible.

 17   La situation est impossible.

 18   Le 28 septembre 2005, en page 17 167 vous dites que vous avez "essayé de

 19   faire le minimum."

 20   Et vous rajoutez, le 27 octobre 2005, aux pages 17 883 et

 21   17 884, vous dites ce qui suit devant les Juges de la Chambre :

 22   "Je n'ai cessé de faire référence à ces questions, et la Chambre de

 23   première instance n'en a pas tenu compte comme si ceci ne faisait pas

 24   partie de la réalité des choses. Vous ne vous intéressez pas aux éléments

 25   qui ont une incidence sur la Défense et ça a été la position que vous avez

 26   défendue pendant tout le procès. De ce fait" --

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez poser la question que vous

 28   souhaitez poser au témoin.


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  1   M. KRAJISNIK : [interprétation]

  2   Q.  Voici quelle est ma question : au cours des années 2004 et 2005, avez-

  3   vous disposé de suffisamment de temps pour préparer ma défense comme il

  4   convenait ?

  5   R.  Nous ne cessions de cavaler pour rester immobiles en quelque sorte,

  6   pour ne pas reculer. C'est ça --

  7   Q.  Quelle serait votre analyse de vos méthodes de

  8   préparation ? Avez-vous été en mesure de vous préparer convenablement,

  9   parce qu'à plus d'une reprise vous avez dit aux Juges de la Chambre de

 10   première instance que vous ne disposiez pas de temps suffisant, que les

 11   documents auxquels vous deviez vous intéresser étaient volumineux, et que

 12   vous ne pouvez pas vous préparer comme il le fallait.

 13   R.  Oui, j'ai fait ce que tout conseil compétent aurait fait, et je crois

 14   que Mme Loukas aurait eu la même démarche que moi. Vous essayez toujours,

 15   bien sûr, de vous concentrer sur ce que vous souhaitez faire. Vous essayez

 16   de trouver les éléments dont vous avez besoin. Parfois vous disposez d'un

 17   temps extrêmement long. Vous êtes en mesure de prendre connaissance de tous

 18   les documents, pourquoi pas; mais dans de très nombreux cas, Monsieur

 19   Krajisnik, soyons tout à fait honnêtes, nous n'avions pas de handicap

 20   véritable par rapport à tous les témoins, parfois nos objectifs étaient

 21   extrêmement simples. Nous essayions de prouver qu'en fait tel ou tel témoin

 22   n'avait pas véritablement de connaissance directe de telle ou telle chose,

 23   et il était possible de l'établir sans faire une référence à une quantité

 24   considérable de documents, le problème c'est que vous voulez simplement

 25   pouvoir être convaincu que votre équipe a suffisamment de temps et de

 26   ressources pour au moins examiner les documents et pour veiller à ce que

 27   vous ne passiez à côté de rien; et c'est ce que nous n'avons pas été en

 28   mesure de faire à aucun moment, parce que nous n'avions ni le temps


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  1   nécessaire ni les ressources suffisantes pour traiter tous ces documents,

  2   encore une fois, extrêmement volumineux.

  3   Q.  Merci beaucoup. Voici que vous soulevez une question très importante,

  4   c'est le lien entre Krajisnik et les auteurs directs des crimes. Je vais

  5   vous donner lecture de ce qu'a dit Mme Loukas à la Chambre de première

  6   instance le 28 février 2005. C'est en page 9 577. Elle dit :

  7   "Le fait que nous n'ayons pas lu et analysé en profondeur tous les

  8   documents potentiellement pertinents signifie que notre contre-

  9   interrogatoire de ces témoins au cours de la présentation des éléments à

 10   charge a été entravé, voire même empêché."

 11   Ce sont là des propos tenus en public par Me Loukas devant les Juges de la

 12   Chambre. Etes-vous d'accord avec elle ?

 13   R.  Oui, même si globalement, Monsieur Krajisnik, même si ce n'est pas

 14   véritablement en lien direct avec les auteurs directs des crimes, les

 15   individus à l'origine de ces crimes. Ce n'était pas là véritablement que

 16   résidait cette difficulté fondamentale. Je ne pense pas que nous violons

 17   quelque secret que ce soit ici, ce n'était pas là la clé du problème.

 18   Q.  Monsieur Stewart, je vous ai demandé simplement si vous partagiez

 19   l'opinion de Mme Loukas, je vous parle, moi, de témoins qui ont fait

 20   l'objet d'un interrogatoire ici même et qui ont évoqué les liens entre

 21   Krajisnik et les auteurs des crimes. Etes-vous d'accord avec son analyse ?

 22   Oui, non ?

 23   R.  Monsieur Krajisnik, je crois que la chose est claire dans la mesure où

 24   ce que Mme Loukas dit ici s'applique aux témoins de cette catégorie. Je ne

 25   suis pas en désaccord avec elle globalement. Je dis simplement que le

 26   problème ne renvoie pas tant à cette question des auteurs, des individus à

 27   l'origine de ces crimes sur le terrain. C'est vrai, ce que dit Mme Loukas

 28   est vrai, mais ce n'était pas le problème fondamental pour nous.


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  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je dois vous

  2   prévenir que vous avez dépassé déjà le temps qui vous était imparti depuis

  3   cinq minutes. J'ai décidé de vous laisser poursuivre du fait des nombreuses

  4   questions qui ont été posées par les Juges, mais je vous demanderais

  5   maintenant de bien vouloir conclure en cinq minutes.

  6   M. KRAJISNIK : [interprétation]

  7   Q.  Je vais vous poser une question qui renvoie au compte rendu du 23

  8   février 2006. Aux pages 2 853 et 2 854. Il y est question des témoins

  9   experts. Vous avez dit :

 10   "Nous avons manqué considérablement de temps. Nous n'avons pas disposé du

 11   temps dont nous avions besoin pour faire un travail qui par ailleurs exige

 12   des heures et des heures d'attention, et nous sommes parvenus à une

 13   décision radicale qui consiste à mettre un terme à toute enquête ultérieure

 14   en ce qui concerne les témoins experts. Nous avons donc dû les retirer de

 15   la liste. C'est tout à fait déplorable. Messieurs les Juges, ils ont été

 16   délibérément retirés de la liste, parce que pour être tout à fait honnête

 17   nous n'avons pas eu le temps de nous en occuper."

 18   Etes-vous satisfait de la décision que vous avez dû prendre à ce moment-là

 19   et du fait que vous ayez décidé de ne pas citer d'experts.

 20   R.  Monsieur Krajisnik, si cette réponse était interprétée comme signifiant

 21   qu'à un moment donné ou à un autre, nous n'avons pas examiné avec tout le

 22   sérieux requis la question des témoins experts, c'est une mauvaise

 23   interprétation. Mme Loukas, sous ma houlette et à mes côtés, en réalité a

 24   préparé un mémo complet sur les témoins experts qui a traversé, si je puis

 25   dire, trois étapes. La troisième version ayant été une vraie amélioration

 26   par rapport aux deux premières; et elle-même et moi-même avons débattu de

 27   chaque élément de la question par rapport, notamment, aux témoins experts

 28   présentés par l'Accusation.


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  1   Et nous sommes parvenus à une conclusion provisoire raisonnable, à

  2   savoir que finalement l'utilité véritable de témoins experts pour vous,

  3   Monsieur Krajisnik, était très limitée. C'était l'opinion que j'avais à

  4   l'époque et je m'y tiens aujourd'hui en réalité. Mme Loukas ne se sentait

  5   pas très à l'aise à l'idée d'approfondir le travail eu égard à un mémo qui

  6   avait déjà été préparé. Je dois dire que les versions 1 et 2 n'étaient pas

  7   très satisfaisantes; mais la version 3 était un bon travail, bien ficelé.

  8   Nous aurions pu, dans l'idéal, y consacrer plus de temps, mais sachant les

  9   avantages que vous alliez en tirer, nous nous sommes dit que c'était peut-

 10   être là un domaine que nous pouvions, disons, laisser de côté parmi toutes

 11   les priorités qui étaient les nôtres, mais nous avons dûment réfléchi à

 12   cette question.

 13   L'APPELANT : [interprétation] Pourrais-je poser deux brèves questions

 14   encore au témoin, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si elles sont très brèves, oui.

 16   M. KRAJISNIK : [interprétation]

 17   Q.  La première des deux questions, Monsieur Stewart, est la suivante : il

 18   y avait des enquêteurs sur place à Pale, et à la

 19   page 4 476 du transcript il est indiqué que vous faites référence à la

 20   gestion dont l'équipe à Pale faisait l'objet, l'organisation de leur

 21   travail. Vous nous dites qu'il n'y avait pas vraiment de moyen de les

 22   diriger dans leur enquête. Si vous demandiez des rapports, il n'y avait pas

 23   assez de temps pour étudier ces rapports.

 24   En quelques mots, est-ce que vous aviez raison et est-ce que vous vous

 25   tenez à cette analyse ? Répondez simplement par oui ou par non, si vous le

 26   pouvez.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Dernière question. Dans le jugement, il est indiqué -- il y a, plus


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  1   exactement, 555 notes de bas de page qui font référence aux experts de

  2   l'Accusation. L'Accusation en a appelé 22.

  3   Pourriez-vous expliquer à Mme et MM. les Juges comment il aurait pu être

  4   utile de citer à comparaître des experts qui auraient pu être utiles pour

  5   rédiger au mieux le jugement ? Après tout, sur les 1 000 ou 2 000 notes de

  6   bas de page, il y en avait 550 qui faisaient référence à des experts.

  7   R.  Monsieur Krajisnik, je le répète, je ne pense pas que des témoins

  8   experts auraient fait une grande différence pour soutenir votre position.

  9   Q.   Et une question finale : pourriez-vous avoir la gentillesse de

 10   dire à Mme et à MM. les Juges si vous, en tant que conseil, pourriez nous

 11   dire ce que sont les procès-verbaux de la présidence ? Est-ce que c'est un

 12   document juridique ? Est-ce que ce ne sont que des notes de la présidence ?

 13   Est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus ce que c'est.

 14   M. KREMER : [interprétation] Ce n'est pas une vraie question.

 15   L'APPELANT : [interprétation] Je suis désolé. Je n'ai pas entendu ce que

 16   disait le Procureur.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pouvez-vous répéter ?

 18   M. KREMER : [interprétation] Je m'oppose à cette question, c'est une

 19   question qui demande un avis de ce témoin, alors que la Chambre de première

 20   instance a réglé cette affaire et a donné son avis. Cela ne relève pas du

 21   sujet que nous traitons ici aujourd'hui.

 22   L'APPELANT : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, si vous me le

 23   permettez, je voudrais vous dire ce que je cherche. Je souhaiterais

 24   entendre la réponse de M. Stewart pour qu'il nous dise comment il a traité

 25   ces procès-verbaux pendant le procès.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je dois répondre à cette question ?

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est une question tout à fait

 28   différente.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas bien en quoi la question est

  2   différente. Est-ce qu'on pourrait me dire très clairement quelle est cette

  3   nouvelle mouture de la question ?

  4    M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Reposez-nous cette question, la

  5   nouvelle version de la question.

  6   M. KRAJISNIK : [interprétation] 

  7   Q.  Monsieur Stewart, vous aviez entre vos mains des comptes rendus de

  8   sessions à la présidence. Pouvez-vous me dire, en tant que juriste, en tant

  9   qu'avocat, quelle était votre attitude, votre rapport à ces procès-verbaux

 10   ? Qu'étaient-ils ? Etaient-ils des documents juridiques, des notes ou

 11   d'autres documents ? Comment les traitiez-vous pendant le courant de

 12   l'audience ?

 13   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, c'est toujours la même question.

 14   Elle est posée différemment, mais c'est toujours la même. Non, voilà. Vous

 15   ne pouvez pas poser cette question. Le témoin ne répondra pas à cette

 16   question.

 17   Monsieur Krajisnik, vous avez pris cinq minutes de plus que ce que je vous

 18   avais accordé, je crois qu'il serait temps de conclure cet interrogatoire

 19   principal.

 20   L'APPELANT : [interprétation] Ai-je la permission de reformuler cette

 21   question ou dois-je m'arrêter ?

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je crois qu'il faut terminer. Vous avez

 23   reformulé la question, en fait, c'était la même, il est temps de s'arrêter

 24   là.

 25   L'APPELANT : [interprétation]  Merci, Monsieur le Président. Merci,

 26   Monsieur Stewart.

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je crois que nous en arrivons à la fin

 28   de l'interrogatoire principal. Nous allons prendre une pause jusqu'à 16


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  1   heures 30, nous reprendrons avec la parole qui sera donnée à l'Amicus

  2   Curiae, s'il veut prendre la parole.

  3   La séance est suspendue.

  4   --- L'audience est suspendue à 16 heures 06.

  5   --- L'audience est reprise à 16 heures 30.  

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons. Je comprends que le

  7   Juge Shahabuddeen voudrait poser une question. Monsieur le Juge, vous avez

  8   la parole.

  9   Oui, évidemment, il faut attendre que le témoin soit parmi nous. Je ne

 10   l'avais pas remarqué. Toutes mes excuses.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Juge.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Stewart, je dois dire

 14   que la façon dont vous avez porté témoignage m'a grandement impressionné.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous informe que nous aurons

 17   sans doute à voir comment la Chambre de première instance, sous la

 18   présidence du Juge Orie, s'est comportée, mais votre témoignage n'a pas

 19   pour objectif de répondre à une quelconque accusation contre lui. Je

 20   comprends que votre témoignage doit répondre à la question suivante : avez-

 21   vous, en tant qu'avocat, fourni une aide efficace à l'appelant; est-ce bien

 22   cela ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas absolument certain, Monsieur

 24   le Juge. Je dois dire que mon témoignage a pour but de répondre aux

 25   questions qu'on me pose. J'avais cru comprendre que les questions de M.

 26   Krajisnik tournaient autour de l'équité du jugement et de la Chambre de

 27   première instance. Je ne sais pas quelles sont les questions et à quoi

 28   elles ont trait, mais moi, j'essaie d'y répondre. En tout cas, il n'est pas


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  1   à moi de porter des accusations contre les uns ou les autres. Vous verrez,

  2   Madame, Messieurs les Juges, que les pièces écrites, et mon témoignage les

  3   a confirmées, qu'effectivement certains éléments, certaines modalités de

  4   traitement et de gestion de cette affaire m'ont porté à être assez critique

  5   de la façon dont ces éléments ont été traités en tant qu'ancien conseil de

  6   M. Krajisnik.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous comprendrez bien que cette

  8   Chambre d'appel cherche à voir si votre témoignage aide effectivement la

  9   Chambre d'appel à juger de l'efficacité de votre conseil à M. Krajisnik.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends bien que c'est un des sujets

 11   essentiels de votre travail. Je le comprends, Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] C'est l'élément essentiel de

 13   votre témoignage.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui mais, évidemment, comme j'allais le dire,

 15   Monsieur le Juge, ce n'est pas à moi de dire ce qui est le plus important.

 16   C'est à vous de le faire.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] En effet. Vous nous avez dit que

 18   vous avez dû gérer des dizaines et des dizaines et des dizaines et des

 19   dizaines de milliers de pages et de documents. Ailleurs, vous nous avez

 20   parlé de 500 000 pages, peut-être.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai cru entendre ce matin,

 22   effectivement -- cet après-midi, pardon.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Je me félicite de ce que

 24   vous avez effectivement indiqué, que vous deviez procéder à une évaluation

 25   intelligente de cette affaire, que vous deviez déléguer, là où il vous

 26   semblait que c'était utile, certaines missions à certains membres de votre

 27   équipe.

 28   Je vous rappelle incidemment que le Tribunal vous a alloué des sommes


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  1   de façon à vous rémunérer, rémunérer le co-conseil et quelques

  2   collaborateurs. Combien ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Combien en somme ou en nombre de

  4   collaborateurs ?

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Combien de

  6   personnes ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de l'affaire, autant que je me

  8   souvienne, il y avait moi, Chris Luka [comme interprété] en tant que co-

  9   conseil, Tatjana Cmeric qui était le commis aux affaires, Lucy Robb, une

 10   jeune fille qui venait d'Australie et qui était extrêmement intelligente,

 11   qui nous venait comme conseiller juridique. Il me semble que nous avions

 12   peut-être encore un conseiller juridique, puis un peu plus tard à l'été

 13   quelqu'un d'autre. Je crois qu'effectivement on en était à peu près à cette

 14   taille-là. J'imagine qu'au greffe vous trouverez les éléments différents.

 15   Mais en tout cas, il y avait une équipe de trois; moi, Me Loukas et Me

 16   Cmeric, puis nous avions un ou deux collaborateurs juristes.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation]  Oui, j'entends bien. Avec cette

 18   équipe vous avez réussi à gérer l'affaire ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Juge,

 20   c'était à peine faisable. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous courions

 21   pour ne pas nous effondrer. C'était exactement ça.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Hm-hm.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne le financement, c'est vrai

 24   que c'était un peu compliqué. Le greffe - et je suis sûr que Madame,

 25   Messieurs les Juges, vous le savez - le greffe accorde un budget

 26   prédéterminé pour notre affaire puisque c'était une catégorie 3.

 27   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] C'est la catégorie la plus

 28   élevée, n'est-ce pas ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais je crois qu'effectivement, même

  2   parmi les autres affaires de catégorie 3, c'était une affaire d'une grande

  3   importance, mais le greffe nous a alloué une somme prédéterminée, puis ils

  4   font un calcul de ce que M. Krajisnik doit payer de lui-même. Le greffe

  5   doit compléter cette somme seulement. Nous nous sommes entretenus avec M.

  6   Krajisnik et nous nous sommes tenus à cette somme jusqu'à ce qu'à la toute

  7   fin du procès. Le greffe nous accorde des sommes supplémentaires.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Très bien. Il me semble, dirais-

  9   je, c'est ce que je comprends de ce que vous nous dites, que la Chambre de

 10   première instance n'a pas siégé tous les jours de la semaine, peut-être

 11   seulement trois jours par semaine, puis en même temps la Chambre vous a

 12   accordé quelques suspensions, si je comprends. C'est une façon de faire qui

 13   vous a ou pas permis de gérer l'affaire ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas tout à fait ça. Evidemment,

 15   Monsieur le Juge, vous pourrez trouver dans les comptes rendus d'audience

 16   les jours d'audience.

 17   Je crois que les premiers mois du procès, jusqu'au mois de juillet,

 18   effectivement il y avait des trous dans le programme, si j'ose dire. Il y a

 19   eu une première phase, puis nous avons repris en avril. Il y a eu une

 20   suspension au mois de mai. Je ne sais plus trop pourquoi. Il y avait

 21   l'exercice sur les faits reconnus qui n'a pas abouti. Mais à la fin de

 22   l'automne, lorsque nous avons repris, même si ça dépendait évidemment de la

 23   disponibilité des témoins, je crois que le principe était de dire

 24   qu'effectivement les audiences auraient lieu cinq fois la semaine.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que réellement il y a eu

 26   des audiences tous les jours de la semaine ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Juge. En tout cas,

 28   j'en ai eu l'impression. L'affaire dans laquelle je suis pour l'instant est


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  1   gérée de façon à avoir un jour de repos toutes les semaines, c'était vrai.

  2   Mais lorsque j'ai repris l'affaire Krajisnik, effectivement on m'avait dit

  3   qu'il y aurait un jour de repos par semaine ou une semaine par mois. Mais

  4   en fait ce n'était pas le cas. Lorsque réellement nous nous sommes engagés

  5   dans notre rythme de croisière après l'été 2004, le principe de base était

  6   de dire que c'était cinq jours par semaine, mais il n'y avait pas de jour

  7   de suspension de prévu. Mais évidemment, Madame, Messieurs les Juges, vous

  8   savez fort bien comment ça se passe.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bien. Passons à autre chose. Le

 10   28 février 2005, la Chambre a exposé ses motifs quant à la suspension de

 11   six mois. M. Krajisnik a dit à la Chambre à ce moment-là, et je cite :

 12   "Je dois dire que quoi que mes conseils aient pu dire aujourd'hui dans ce

 13   prétoire, je le reprends à mon compte. Je n'ai rien à rajouter quant aux

 14   services offerts par mon conseil. Ils sont tous deux d'excellents

 15   juristes."

 16   Vous souvenez-vous avoir entendu ces mots ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne savais pas que c'était le 28

 18   février, mais je me souviens parfaitement d'avoir entendu M. Krajisnik à

 19   plusieurs reprises dire des choses de ce type, nous offrir quelques

 20   compliments.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous souvenez-vous que le 18

 22   août 2005, la Chambre de première instance a motivé sa décision orale sur

 23   la représentation par lui-même de l'accusé ? Au paragraphe 35, il est

 24   indiqué, et je cite :

 25   "L'équipe de la Défense," y compris vous donc, "ne fait pas preuve d'un

 26   disfonctionnement existentiel ou d'une rupture dans la relation entre

 27   client et ses avocats. Au contraire. L'équipe de la Défense actuelle est

 28   compétente, dévouée à son travail, fonctionne et travaille en bonne


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  1   intelligence avec l'accusé. Il n'est pas dans l'intérêt général de

  2   démanteler une telle équipe."

  3   C'est ce que disait la Chambre de première instance en rejetant la demande

  4   de l'accusé de se représenter par lui-même.

  5   Vous souvenez-vous de cela ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en souviens dans l'ensemble, Monsieur le

  7   Juge.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que cela reflète les

  9   faits, effectivement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'ensemble, oui, sauf à dire

 11   qu'évidemment faire preuve de "disfonctionnement," c'est peut-être un peu

 12   surfait. Mais il est vrai que la pression sous laquelle nous nous trouvions

 13   à cause de cette affaire, évidemment il y avait des difficultés entre nous,

 14   peut-être plus que la Chambre ne pouvait s'en douter.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Monsieur Stewart.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame le Juge Vaz.

 18   Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Maître Stewart, je voudrais vous poser une petite question. Tout à l'heure,

 20   vous avez fait part largement des difficultés rencontrées quant aux

 21   ressources allouées et au temps insuffisant dont vous avez bénéficié.

 22   Cependant, vous avez ajouté que vous avez été sauvé - si c'est bien le

 23   terme que vous avez employé - par le départ du Juge El Mahdi, pour que le

 24   Juge Hanoteau, qui a été désigné pour le remplacer, s'imprègne du dossier.

 25   Doit-on considérer que vous avez alors pu combler le déficit de temps

 26   dont vous nous avez parlé, et qu'à partir de ce moment-là vous avez été

 27   plus à l'aise pour défendre votre client, M. Krajisnik ? Merci.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était effectivement utile, Madame le Juge,


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  1   d'avoir ce temps. Ce temps a été utilisé à bon escient, mais je ne crois

  2   pas que nous puissions dire que cela nous a permis de compenser l'entièreté

  3   du déficit, si j'ose dire.

  4   Mme LE JUGE VAZ : L'entièreté ? L'entièreté. Pouvez-vous nous donner au

  5   moins une évaluation, très rapidement, s'il vous plaît.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Juge El Mahdi a quitté, je crois, l'affaire

  7   le 14 décembre, ou à peu de jours près. Donc nous avons eu deux mois et

  8   demi à notre disposition. Me Loukas, si j'ai bonne mémoire, est partie

  9   pendant un mois en Australie, semble-t-il. C'était normal, et il fallait

 10   qu'elle y aille. J'étais tout à fait d'accord avec ça, je l'ai soutenue à y

 11   aller. Elle y est allée et n'a pas travaillé sur cette affaire. Ensuite, il

 12   y a eu la suspension, d'ailleurs je crois que j'ai travaillé en partie

 13   pendant ces vacances judiciaires. Donc lorsque nous sommes revenus en

 14   janvier, il ne nous restait que six semaines. Je ne crois pas que nous

 15   ayons réellement pu faire beaucoup de rattrapage pendant les vacances

 16   judiciaires, ensuite, il n'y avait que six semaines.

 17   Madame le Juge, je ne veux pas ne pas vous répondre, mais il ne

 18   restait que six semaines, en fait.

 19   Mme LE JUGE VAZ : Merci. Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Juge Meron, vous avez la parole.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Stewart, vous nous avez parlé

 22   de la tactique ou de la stratégie de la Chambre pour que vous puissiez

 23   avoir des suspensions de séance assez longues qui vous permettraient de

 24   rattraper votre travail et de procéder à la lecture de ces documents. Avez-

 25   vous eu, à un moment quelconque, l'impression d'avoir rattrapé votre

 26   travail et d'avoir une maîtrise assez bonne de tout ce dossier ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Vous dites que j'ai parlé de la tactique

 28   ou de la stratégie du Tribunal permettant des suspensions, en fait, je ne


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  1   fais que reconnaître qu'à partir du 4 février, disons, et jusqu'en juin,

  2   jusqu'à l'exercice d'acceptation des faits, effectivement, il n'y a pas eu

  3   tant de jours d'audience que de jours disponibles. Il y avait un certain

  4   degré de flexibilité à ce moment-là, mais ultérieurement, ce n'était plus

  5   le cas.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous n'avez jamais été vraiment à

  7   l'aise avec ce dossier, ou en tout cas, pas autant que vous auriez voulu

  8   l'être en tant que professionnel, n'est-ce pas ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ce qui est certain, c'est

 10   qu'à la fin des arguments de l'Accusation, nous n'étions jamais tout à fait

 11   à l'aise pendant la phase du procès qui relevait de l'Accusation.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Stewart. Je

 13   crois tout à l'heure qu'en répondant au Juge Guney, vous avez noté l'équité

 14   de la Chambre en lui donnant une note de 3 ou 4.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous indiquer

 17   quelque chose que vous n'avez pas pu faire, parce que vous n'avez pas eu le

 18   temps et qui aurait pu avoir une incidence négative sur l'affaire Krajisnik

 19   ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je le dis depuis le début en détail, en

 21   général, lorsque nous procédions aux contre-interrogatoires des témoins de

 22   l'Accusation, nous n'étions jamais tout à fait convaincus d'avoir pu

 23   examiner tous les documents qui auraient pu être utiles. Quant à savoir -

 24   et ce serait ça la deuxième question - à quels documents nous faisons

 25   référence et ce qui aurait pu sortir de ces documents, c'est en fait un

 26   exercice en spéculation, c'est justement ça que je ne sais pas.

 27   Et si vous le permettez, je me souviens que j'ai parlé de cet

 28   exercice de 60 % pour les contre-interrogatoires accordés par la Chambre.


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  1   Je l'ai dit à plusieurs reprises, je l'ai fait savoir, je trouvais que

  2   cette règle était appliquée de façon trop rigide. On passait son temps à se

  3   battre. Le Juge Orie passait son temps à faire référence à cette règle des

  4   60 %, et je lui disais : "Mais ce n'est qu'une recommandation" et il

  5   répondait : "Oui." Et en même temps, il faisait quand même référence à une

  6   règle. D'une certaine façon, je passais mon temps à essayer de faire valoir

  7   notre position ou à l'annoncer. Mais c'est vrai que dans l'ensemble,

  8   c'était appliqué comme une règle, et je crois que si l'on regarde le compte

  9   rendu d'audience, il doit y avoir plusieurs occasions où je fais référence

 10   au fait que j'aurais voulu poser des questions supplémentaires pendant le

 11   contre-interrogatoire et que nous n'avions pas encore atteint les 60 %.

 12   Mais ça, c'est un élément particulier. Mais effectivement, je ne sais pas

 13   s'il y avait des points de contre-interrogatoire particuliers, mais ce qui

 14   est certain, c'est que cette règle était appliquée de façon trop rigide.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Shahabuddeen, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le fait que l'on vous interrompe

 18   pendant les contre-interrogatoires n'a pas grand-chose à voir, me semble-t-

 19   il, avec la façon de savoir si vous avez eu du temps pour gérer le dossier.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en effet, Monsieur le Juge. J'essayais de

 21   donner deux exemples différents au Juge Meron.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, très bien. Vous avez dit

 23   tout à l'heure qu'il y avait des dizaines et des dizaines et des dizaines

 24   de milliers de pages. Je vous pose la question

 25   suivante : si vous aviez dû, par vous-même, lire chacune de ces pages,

 26   passer un peu de temps à examiner les illustrations qui les accompagnaient,

 27   seriez-vous en mesure aujourd'hui même de commencer le procès ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, vous avez anticipé ma


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  1   réponse. Evidemment je serais encore en train de tout lire en ce moment

  2   même.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Merci. Avant de donner la

  5   parole à l'Amicus Curiae, je voulais vérifier un point. Ai-je bien compris

  6   que vous nous avez dit qu'il y avait eu une pause dans le procès lorsque le

  7   Juge El Mahdi a quitté l'affaire ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je crois que c'était autour du 14

  9   décembre. C'était juste avant les vacances judiciaires de la Noël.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je n'ai pas vérifié au compte rendu

 11   d'audience, mais ça a peut-être commencé un mois plus tôt.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien, peut-être.

 13   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je crois que les mandats de Juges

 14   arrivaient à échéance au 16 novembre, donc vous avez peut-être eu quatre

 15   semaines de plus.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Corrigez-moi, si j'ai tort.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je rectifie le compte rendu d'audience.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais je crois qu'il y avait une

 19   différence entre le moment où le juge El Mahdi n'a pas été réélu et le

 20   moment où il a dû se retirer de l'affaire. C'est sans doute une de mes

 21   erreurs, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Passons à l'interrogatoire

 23   par l'Amicus Curiae s'il est prêt à ce faire.

 24   Vous avez une demi-heure, Maître.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 26   Questions de l'Amicus Curiae M. Nicholls:

 27   Q.  [interprétation] Monsieur Stewart, je voulais vérifier un point avec

 28   vous. A l'époque où vous avez repris l'affaire Krajisnik, vous exerciez


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  1   depuis déjà 33 ans comme avocat, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, effectivement, 33 ans.

  3   Q.  Dont 18 ans comme "Queen's Counsel" ?

  4   R.  Dix-sept.

  5   Q.  Dix-sept. Et vous pratiquez particulièrement les affaires commerciales,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Mais vous aviez un peu d'expérience en droit pénal ?

  9   R.  Du droit pénal, oui, ou du droit quasi pénal, si j'ose dire, avec

 10   quelques audiences devant la cour européenne des droits de l'homme. J'avais

 11   été impliqué dans des affaires en Turquie, des missions d'enquête sur des

 12   accusations au pénal, donc, oui.

 13   Q.  Vous savez certainement, dans ce cas-là, que dans la préparation d'un

 14   procès au pénal, la préparation est essentielle, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, mais c'est essentiel au civil aussi, cher Maître. Mais je sais

 16   très bien que c'est un principe qui s'applique pour toute affaire.

 17   Q.  Lorsque vous avez repris le dossier pour des raisons concrètes et

 18   pratiques, en ce qui vous concerne, vous n'avez quasiment pas eu de

 19   préparation dans la phase préalable ?

 20   R.  Vous voulez dire, en fait, c'est ça ?

 21   Q.  En fait ?

 22   R.  Vous voulez dire l'équipe dans son ensemble ou lorsque j'ai repris par

 23   rapport à l'équipe précédente ?

 24   Q.  Lorsque vous avez repris le dossier.

 25   R.  En effet, je n'ai pas vu de preuve de ce que le dossier était prêt. Je

 26   n'ai pas l'impression que Me Brashich était prêt à entamer les audiences

 27   dès le mois de mai, lorsque j'ai repris l'affaire au mois d'avril,

 28   lorsqu'il a été suspendu par le barreau de New York.


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  1   Q.  Est-ce qu'il est exact qu'il ne vous a rien donné ou presque rien ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Et à l'occasion d'une audience précédente, il avait dit au Juge Orie

  4   qu'effectivement, tout le dossier était dans sa tête ?

  5   R.  En effet, et j'aurais aimé que quelqu'un me l'ait fait remarquer

  6   lorsque j'en ai parlé au départ avec le greffe, je ne l'ai pas su avant

  7   très longtemps après.

  8   Q.  Vous n'avez pas reçu un dossier complet ou en tout cas raisonnablement

  9   complet avant la fin du mois de novembre 2003 ?

 10   R.  Je n'ai pas reçu, effectivement, un ensemble complet de documents avant

 11   cette date.

 12   Q.  Très bien. Et c'est à ce moment-là que vous et Mme Loukas avez eu des

 13   discussions sérieuses sur la situation à laquelle vous étiez confrontés ?

 14   R.  C'est exact. Ajoutez à cela que le greffe n'a pas consenti à autoriser

 15   Mme Loukas à venir ici jusqu'à un mois avant le début ou six semaines avant

 16   le début du procès. Elle se trouvait en Australie à l'époque. Ils n'étaient

 17   pas disposés à la faire venir si ce n'est en une brève occasion au mois

 18   d'août.

 19   Q.  Mme Loukas était expérimentée en matière pénale, n'est-ce pas ?

 20   R.  En effet, oui. Elle travaillait effectivement pour le bureau du

 21   défenseur public. Je crois que c'est là qu'elle a passé la plupart de sa

 22   carrière à Sidney, en effet.

 23   Q.  Très bien. Et vous a-t-elle dit qu'il faudrait au moins un an pour se

 24   préparer convenablement ?

 25   R.  Je ne me souviens pas précisément qu'elle l'ait dit, mais ça ne me

 26   surprendrait pas.

 27   Q.  Très bien. Est-ce qu'au cours des mois de décembre, janvier 2003, 2004,

 28   est-ce qu'elle vous a poussé constamment à demander une suspension


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  1   d'audience ?

  2   R.  En effet, oui.

  3   Q.  Ou un report, plus précisément.

  4   R.  Oui, en effet, elle l'a fait, elle a dit que nous devions nous mettre

  5   en grève. Elle a dit que nous devions refuser de commencer le procès. Elle

  6   a dit un certain nombre de choses, effectivement, elle avait une opinion

  7   très marquée là-dessus.

  8   Q.  Bien. Et en dépit de tout ceci, vous avez pensé que vous étiez prêt à

  9   vous lancer dans l'affaire, que le procès pouvait démarrer, c'est ce que

 10   vous avez dit en réponse aux questions de M. Krajisnik ?

 11   R.  Je n'ai pas du tout dit que le procès pouvait commencer, Monsieur

 12   Nicholls. J'ai été réaliste par rapport à ce qui allait se produire. Et ce

 13   n'était pas à moi de prendre la décision.

 14   Q.  Bien. Et vous étiez disposé à ne pas demander un report sur la base du

 15   fait que vous ne pensiez qu'elle serait accueillie favorablement, cette

 16   demande ?

 17   R.  Je l'ai expliqué, j'ai vite compris que dans cette institution, bien

 18   plus que dans les tribunaux auxquels nous sommes habitués vous et moi - et

 19   ce n'est pas une critique ici que je formule - mais je me suis vite rendu

 20   compte qu'on discute beaucoup plus de ce genre de choses hors du contexte

 21   formel du prétoire qu'on le fait dans d'autres systèmes. Et j'ai décidé que

 22   l'on procéderait de la sorte.

 23   Q.  Mais si vous aviez déposé une demande de report ou de suspension, il se

 24   peut que les Juges y aient fait droit.

 25   R.  Non, je crois que c'était voué à l'échec, quasiment. Pourquoi ? Parce

 26   qu'il aurait s'agit d'une demande dont on aurait

 27   dit : Nous vous proposons 18 jours avec un calendrier flexible au cours des

 28   prochains mois. Demandez une suspension dans un ou deux mois, si cela


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  1   s'avère nécessaire, si ça ne fonctionne pas.

  2   Q.  Avez-vous --

  3   R.  Je vous demanderais de bien vouloir me laisser finir.  La

  4   question de savoir quand l'on devait demander une suspension, cette

  5   question-là a fait l'objet de multiples discussions; et pour les raisons

  6   que j'ai déjà évoquées, nous avons dû abandonner ce mode de négociation. Et

  7   lorsque vous regardez le calendrier des audiences de février jusqu'à la fin

  8   du mois de juin, vous verrez que finalement ça n'a pas très bien

  9   fonctionné, on n'a pas tellement réussi à nous aménager un peu de temps au

 10   cours de cette période, mais lorsque tout cet exercice d'admission de

 11   certains faits a pris fin, nous avons à ce moment-là présenté cette

 12   demande.

 13   Q.  Vous serez d'accord pour dire qu'en ne présentant pas une telle

 14   demande à la Chambre de première instance, vous avez perdu une occasion

 15   d'un nouvel appel devant la Chambre d'appel ?

 16   R.  Non, pas du tout, Monsieur Nicholls, parce que mon avis, à l'époque -

 17   et cela reste mon avis aujourd'hui - est que je ne pense pas m'être trompé

 18   à ce moment-là. Je pensais à ce moment-là que notre demande n'aurait pas

 19   été accueillie par la Chambre, et si c'était bien le cas, nous aurions

 20   perdu réalistement toute chance d'appel.

 21   Q.  Mais vous seriez d'accord pour dire qu'avec le recul, vous n'avez pas

 22   pris la bonne décision ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Mais vous avez dit une fois, n'est-ce pas : "Je n'aurais pas dû sous-

 25   estimer le problème pendant si longtemps. Je n'aurais pas dû écarter

 26   certaines questions. J'aurais dû attirer l'attention de la Chambre de

 27   première instance là-dessus depuis longtemps." C'est ce qui est dit dans la

 28   requête de juillet --


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  1   R.  Oui, je m'en souviens très bien. Vous dites, avec le recul,

  2   consentirais-je à reconnaître que ma décision était erronée ? Avec le

  3   recul, finalement je me rends compte que nous n'étions pas dans une

  4   meilleure situation que si j'avais fait la demande d'emblée. Mais vous me

  5   demandez aujourd'hui si je pense que lorsque j'ai décidé ceci en janvier ou

  6   en février, c'était une mauvaise idée. Non, je ne crois pas. Et j'aimerais

  7   revenir à ce que vous avez dit en citant le compte rendu, il y a un

  8   élément, et je ne crois pas essayer de tromper qui que ce soit ici en

  9   disant cela, il y a un élément de souhait, si vous voulez, de souhait de

 10   remonter le moral de mon équipe qui se trouvait effondrée, en quelque

 11   sorte, par la situation, et particulièrement Mme Loukas. Et il n'y a pas

 12   ici d'autoflagellation de ma part, pas du tout, non -- Monsieur Nicholls,

 13   attendez, je finis. Je voulais simplement indiquer que compte tenu de

 14   l'évolution de la situation, nous étions toujours désabusés, si vous

 15   voulez, et en fait, avec le recul - et je l'ai reconnu auprès de Me Loukas

 16   - j'ai fait trop confiance à ce que je pensais être une volonté de la part

 17   de la Chambre de première instance d'examiner des demandes de suspension au

 18   fil de l'évolution de la situation.

 19   Q.  Je n'ai qu'une demi-heure, Maître Stewart.

 20   R.  Oui, mais j'essaie simplement d'apporter des réponses à vos questions.

 21   Q.  Bien. Simplement, quels ont été les résultats de cette décision. Vous

 22   avez commencé le procès le 3 février --

 23   R.  Je ne sais pas si c'est le 3 ou le 4, mais c'était un lundi.

 24   Q.  Très bien, peu importe. En ce qui concerne la deuxième requête de

 25   suspension, vous avez dit que votre équipe n'avait lu que 15 % des

 26   documents de l'affaire.

 27   R.  Non, je ne suis pas en train de vous disputer sur des détails, mais --

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] N'interrompez pas les questions. Je


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  1   n'arrive pas à suivre.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, excusez-moi.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation]

  4   Q.  Dans la deuxième requête, celle après 13 mois après le début du procès,

  5   vous avez dit que votre équipe n'avait lu que 15 % des documents. Pourriez-

  6   vous nous dire le pourcentage des documents que votre équipe avait lu le 3

  7   ou le 4 février lorsque le procès a débuté ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, 1 %, 2 %. Monsieur Nicholls, s'il y

  9   avait un demi-million de documents, je ne sais pas, nous avons peut-être lu

 10   quelques milliers d'entre eux, donc c'est un petit pourcentage.

 11   Q.  Avez-vous jugé bon de commencer le procès alors que votre équipe

 12   n'avait lu qu'entre 1 et 2 % des documents ?

 13   R.  Je ne pensais pas que c'était une bonne idée, non, Monsieur Nicholls,

 14   mais si vous me permettez de répondre à votre question, dans une certaine

 15   mesure c'est une discussion qui a eu lieu entre moi-même et Me Loukas. Et

 16   elle m'a dit : Nous devons nous mettre en grève, et je lui ai dit :

 17   Chrissa, nous sommes devant un tribunal, et si le tribunal dit que le

 18   procès doit commencer, peut-être que cela ne nous arrange pas, peut-être

 19   que nous pouvons nous plaindre, que nous pouvons essayer d'aller à

 20   l'encontre de cette réalité; mais si une chambre ou un tribunal dit : le

 21   procès va commencer, le procès commence.

 22   Q.  Je passe à ma question suivante. A ce moment-là, le 3 ou le 4 février,

 23   votre équipe avait-elle mené convenablement des enquêtes afin de tester la

 24   crédibilité des témoins à charge ?

 25   R.  Non, nous n'avions pas pu mener la moindre enquête, Monsieur Nicholls,

 26   parce que Mme Loukas, Mme Cmeric, et moi-même n'avions pas eu la

 27   possibilité de nous rendre sur les lieux dans la région. Nous avions les

 28   gens à Pale. Et les personnes qui se trouvaient à Pale nous ont communiqué


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  1   de temps en temps des informations, mais je dois vous dire en toute

  2   honnêteté, et M. Krajisnik ne sera sans doute pas très content de

  3   l'entendre, mais ces personnes étaient des amateurs.

  4   Q.  Bien. Aviez-vous examiné les éléments communiqués par l'Accusation ?

  5   R.  Oui, dans la mesure du possible, bien sûr. Nous avons examiné le plus

  6   grand nombre possible d'éléments qui avaient un rapport avec les témoins de

  7   l'Accusation. Mme Cmeric nous a aidés; c'était une personne très

  8   intelligente, et elle avait connaissance de l'affaire, en tout cas quelques

  9   connaissances.

 10   Q.  Avez-vous examiné des éléments à décharge susceptibles d'avoir été

 11   disponibles à ce moment-là ?

 12   R.  Relativement peu. Il me semble que cette Mme Cmeric a examiné certains

 13   documents en B/C/S, je dois dire qu'elle n'a pas accordé grand crédit à un

 14   certain nombre d'entre eux, à beaucoup d'entre eux en réalité.

 15   Q.  Bien. Avez-vous obtenu des éléments matériels de preuve de M. Krajisnik

 16   ?

 17   R.  Non, Monsieur Nicholls.

 18   Q.  Avez-vous reçu des instructions détaillées de sa part quant aux

 19   objectifs poursuivis dans le cadre du contre-interrogatoire pour sa défense

 20   ?

 21   R.  Bien sûr.

 22   Q.  Dans quelle mesure ?

 23   R.  Nous nous sommes concentrés sur les témoins qui se présentaient au fur

 24   et à mesure, c'était naturel.

 25   Q.  Bien. Avez-vous essayé de préparer quelque chose pour M. Krajisnik ?

 26   R.  Finalement, je l'ai fait. Mais ce n'était pas une priorité au tout

 27   début en tout cas, bien sûr, Monsieur Nicholls.

 28   Q.  Bien. Et le 3 ou le 4, aviez-vous identifié des témoins de la Défense à


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  1   part M. Krajisnik dont nous venons de parler ?

  2   R.  Non, j'en doute -- non, vraiment j'en doute.

  3   Q.  Mme Loukas s'est plainte, à savoir qu'il n'y avait pas de stratégie de

  4   défense à proprement parler. Vous vous en souvenez ?

  5   R.  Oui, je me souviens effectivement qu'elle s'en soit plainte, sur ça et

  6   sur d'autres choses souvent.

  7   Q.  Avait-elle raison de dire qu'il n'y avait pas de stratégie de défense ?

  8   R.  Non, pas vraiment. Nous étions d'accord pour reconnaître que, bien sûr,

  9   nous aurions aimé disposer de plus de temps pour tout. Nous étions d'accord

 10   pour reconnaître que nous aurions aimé disposer de plus de temps pour

 11   développer plus avant la stratégie, et pour effectivement pouvoir faire ce

 12   que vous dites, pour -- Monsieur Nicholls, attendez, je n'ai pas terminé.

 13   Q.  Oui, mais n'oubliez pas, je n'ai qu'une demi-heure.

 14   R.  Oui, je m'en souviens; mais si vous me posez une question, Monsieur le

 15   Président, j'aimerais pouvoir y répondre.

 16   Q.  Répondez plus brièvement, Monsieur Stewart.

 17   R.  Oui, si je peux répondre à la question, je le ferai bien sûr plus

 18   brièvement.

 19   Q.  Poursuivez.

 20   R.  Comme je crois l'avoir déjà dit, nous avons pu et nous avions

 21   d'ailleurs une idée assez claire de la stratégie que nous entendions suivre

 22   pour que cela ne pose pas problème dans le cadre des contre-interrogatoires

 23   des témoins à charge.

 24   Q.  Mais n'est-il pas vrai que le 3 février ou le 4 février, votre équipe

 25   était absolument mal préparée à la perspective d'un début de procès ?

 26   R.  Nous avons fait de notre mieux, Monsieur Nicholls, mais simplement le

 27   procès a commencé trop tôt.

 28   Q.  Voici quelle est ma question. Le 3 ou le 4 février, votre équipe


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  1   n'était absolument pas prête pour commencer ce procès.

  2   R.  Si vous regardez l'ensemble du procès, bien sûr que si, oui; bien sûr

  3   que non, nous n'étions pas prêts. Bien sûr.

  4   Q.  Très bien. Et si vous vous étiez mis à la place de M. Krajisnik, vous

  5   vous seriez rendu compte que ce ne pouvait être un procès équitable ?

  6   R.  Nous l'avons dit à M. Krajisnik. Nous lui avons dit. Mais je le répète,

  7   je ne pense pas que ceci ait vraiment eu un impact sur le premier lot de

  8   témoins, disons, de février; mais c'est vrai que oui, nous étions

  9   absolument mal préparés pour commencer ce procès, pour commencer un procès

 10   dans toute sa durée. Nous l'avons dit tout à fait à M. Krajisnik. Nous

 11   avons dit que nous le déplorions. Il l'a su. Il savait bien quelle était

 12   notre position. Nous n'avons pas caché quoi que ce soit. Nous n'avons pas

 13   caché nos préoccupations, c'était notre client. Et nous nous devions de lui

 14   expliquer honnêtement ce que nous pensions.

 15   Q.  Il ne pouvait donc pas y avoir de procès équitable dans les

 16   circonstances telles qu'elles existaient les 3 ou 4 février ?

 17   R.  Il ne pouvait pas y avait de procès équitable si le procès débutait le

 18   3 ou le 4 février, à moins que l'on accorde une marge de manœuvre

 19   suffisante par la suite, à moins qu'un temps suffisant soit accordé par la

 20   suite. Mais commencer le procès le 4 février, ça ne veut pas dire que ça

 21   allait nécessairement être un procès inéquitable, mais ça aurait été un

 22   procès inéquitable effectivement dès lors que les ajustements nécessaires

 23   n'étaient pas faits par la suite, dès lors que l'on ne nous donnait pas

 24   suffisamment de temps et l'occasion suffisante pour présenter les arguments

 25   à l'appui de la cause de M. Krajisnik.

 26   Q.  Mais Mme Loukas a dit que vous aviez besoin de 12 mois, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, enfin -- on n'allait jamais obtenir ces 12 mois, soyons clairs,

 28   Monsieur Nicholls, mais oui, bien sûr, j'étais d'accord avec Mme Loukas,


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  1   c'est vrai, si l'on avait pu nous donner ceci, bien sûr; et je n'ai jamais

  2   été en désaccord avec elle sur ce genre d'analyse et je serais d'accord

  3   encore aujourd'hui.

  4   Q.  Cette réunion du 3 janvier, réunion 65 ter, si je puis dire, le Juge

  5   Orie fait référence aux documents et nous dit qu'ils sont en réalité

  6   complètement désorganisés et que le chaos le plus grand règne ?

  7   R.  Oui, effectivement, et c'est de moi qu'il a reçu cette information,

  8   puisqu'il ne le savait pas, comment l'aurait-il su, c'est moi qui avais les

  9   documents de la Défense.

 10   Q.  Et il a reconnu les difficultés auxquelles vous étiez confronté ?

 11   R.  Je ne sais pas. Il faudrait que vous me donniez lecture des éléments

 12   qui pourraient m'amener à confirmer qu'effectivement il a reconnu ceci.

 13   Q.  Mais en dépit de tout ceci, en dépit du fait qu'il ait reconnu que la

 14   Défense était confrontée à des difficultés, que tous ces documents étaient

 15   totalement chaotiques, vous n'avez pas demandé une suspension ?

 16   R.  J'en ai parlé au Juge Orie. Nous étions autour de la même table, et à

 17   la lumière de tout ce qu'il a dit, j'ai dit que la date ne conviendrait

 18   pas, la date de début de procès, et le Juge Orie a dit : "Le procès

 19   commencera" -- le 3 ou le 4 février, quelle que soit la date réelle du

 20   début du procès.

 21   Q.  Vous avez finalement présenté votre première demande de suspension en

 22   juillet, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, lorsque effectivement, nous n'avons pas réussi à nous mettre

 24   d'accord sur tous ces faits avec l'Accusation.

 25   Q.  Et à ce moment-là, vous avez fait part de vos préoccupations quant au

 26   temps dont vous disposiez et aux ressources mises à votre disposition ?

 27   R.  En effet.

 28   Q.  Et c'est à ce moment-là, n'est-ce pas, que vous avez dit que vous


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  1   n'auriez pas dû sous-estimer le problème pendant si longtemps et que vous

  2   auriez dû écouter votre co-conseil.

  3   R.  Non, -- l'idée, c'était de veiller à ce que l'équipe soit satisfaite,

  4   fonctionne. J'ai écouté mon co-conseil, bien entendu. Et simplement, je

  5   n'étais pas toujours d'accord avec elle.

  6   Q.  Mais il n'a pas été fait droit à la requête déposée en juillet 2004 ?

  7   R.  En effet.

  8   Q.  Vous n'avez pas fait appel --

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  -- de cette décision.

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  Pourquoi pas ?

 13   R.  Parce que j'étais absolument certain que nous allions perdre, et que

 14   j'étais sûr qu'il se passerait ce qui s'est passé avec la deuxième requête,

 15   qui n'a pas été accueillie non plus et à propos de laquelle nous avons fait

 16   appel. Nous pensions que la Chambre d'appel, effectivement, confirmerait la

 17   décision de la Chambre de première instance et que cela pousserait la

 18   Chambre de première instance à accélérer encore la cadence du procès. J'ai

 19   préféré en rester là. J'ai préféré faire une nouvelle demande à une date

 20   ultérieure au moment où nous penserions que le moment serait le bienvenu.

 21   Q.  Monsieur Stewart --

 22   R.  C'est une position que nous avons prise à ce moment-là. Et je pense que

 23   c'était une position qui était tout à fait valable.

 24   Q.  Et votre client était-il d'accord avec vous ?

 25   R.  Je ne m'en souviens plus, Monsieur Nicholls.

 26   Q.  L'avez-vous consulté ?

 27   R.  Bien entendu.

 28   Q.  Pensez-vous que vous avez fait preuve de discernement en ne demandant


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  1   pas une suspension ou en ne déposant aucune autre demande sachant

  2   simplement que vous le faisiez sur la base du fait que vous estimiez que le

  3   Tribunal ne ferait pas droit à la requête en

  4   question ?

  5   R.  Oui, je pense qu'effectivement, c'est un facteur fondamental, oui, je

  6   le pense, Monsieur Nicholls.

  7   Q.  Les première et deuxième requêtes de suspension n'ont pas abouti, comme

  8   vous l'avez dit, et vous vous êtes retrouvés dans une position où vous

  9   deviez suivre le déroulement en essayant d'éteindre les feux au fur et à

 10   mesure où ils s'allumaient, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, effectivement, c'est tout à fait ça, Monsieur Nicholls.

 12   Q.  Est-il exact qu'en réalité vous n'avez jamais pu compenser le déficit

 13   de préparation du début ?

 14   R.  Du début, c'est-à-dire ?

 15   Q.  Au moment où le procès s'est ouvert.

 16   R.  Nous n'avons jamais pu rattraper -- oui, nous n'avons effectivement

 17   jamais pu rattraper le déficit constaté dès le début du procès, oui. Ni par

 18   la suite dans la phase préalable et au moment où le procès a commencé.

 19   Q.  Et en ce qui concerne les contre-interrogatoires, vous n'avez jamais

 20   été à même de dire que vous pouviez effectivement procéder à tous les

 21   contre-interrogatoires, sachant que vous n'aviez pas pris connaissance de

 22   tous les éléments dont vous auriez eu besoin pour pouvoir le faire de

 23   manière efficace ?

 24   R.  Oui, ce n'était pas le cas pour chaque témoin, Monsieur Nicholls, mais

 25   de manière générale, oui, c'est exact, en tout cas pour les témoins les

 26   plus importants.

 27   Q.  Donc ceci s'appliquait à certains témoins, et pour certains témoins,

 28   vous avez eu le sentiment que vous n'étiez pas en maîtrise des éléments


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  1   nécessaires, et pour d'autres témoins, vous ne le savez pas parce que vous

  2   ne saviez pas simplement ce que contenaient certains éléments, vous n'aviez

  3   pas été en mesure de les consulter ?

  4   R.  Oui, en effet. Là, c'est un peu radical de dire que nous n'étions

  5   absolument par prêts, parce que pour certains témoins, c'est vrai, ils

  6   étaient, disons, plutôt mineurs compte tenu de la nature de leur

  7   déposition. Mais ce n'est pas la majorité.

  8   Q.  J'aimerais que nous parvenions aux éléments à décharge pour quelques

  9   instants.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous avez dit que vous étiez très préoccupés de savoir si vous auriez

 12   suffisamment de temps pour préparer la présentation des éléments à charge

 13   [comme interprété].

 14   R.  En effet.

 15   Q.  Il s'agit d'abord de témoins qui allaient déposer pour M. Krajisnik.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Il s'agissait ensuite de décider qui allaient être ces témoins.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  De l'ordre dans lequel ils allaient comparaître et, bien entendu, de la

 20   teneur de leur déposition.

 21   R.  Oui, en effet, Monsieur Nicholls. La seule nuance que j'apporterais,

 22   c'est que s'agissant de l'ordre de comparution, ça faisait partie des

 23   priorités les plus basses, si vous voulez, parce que je suis sûr que c'est

 24   un constat que peut faire aussi l'Accusation, lorsque vous faites venir des

 25   témoins de la région jusqu'ici, en général, leur ordre de comparution est

 26   dicté par vos capacités à faire venir les personnes.

 27   Q.  Avez-vous eu suffisamment de temps pour préparer l'interrogatoire de

 28   ces témoins -- en tout cas, pour décider de l'identité des témoins qui


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  1   allaient déposer et pour se préparer par rapport à ce qu'ils allaient dire

  2   ici ?

  3   R.  S'agissant des éléments à décharge, la position n'était pas aussi

  4   difficile que par rapport aux témoins de l'Accusation. Nous n'avons jamais

  5   eu autant de temps que nous l'aurions voulu, et nous avons eu énormément de

  6   difficultés au début pour la préparation et le dépôt de la liste; et on le

  7   voit bien, d'ailleurs, dans le compte rendu, on voit bien les énormes

  8   problèmes que nous avons rencontrés pour respecter les délais fixés par la

  9   Chambre. Mais si vous voulez, les témoins de la Défense n'ont pas présenté

 10   le plus de difficulté pour nous.

 11   Q.  Avez-vous demandé à disposer de davantage de temps ?

 12   R.  Oui -- oui, pour le dépôt de la liste 65 ter et le début de la

 13   présentation des éléments à décharge, oui, je crois que nous avons demandé

 14   à plusieurs reprises -- d'ailleurs, nous avons demandé à disposer de plus

 15   de temps, nous avons demandé des prorogations de délais, et il me semble

 16   que ces demandes ont été accueillies favorablement.

 17   Q.  Avez-vous eu des difficultés considérables à présenter des résumés des

 18   dépositions de témoins ?

 19   R.  Bien sûr. Et d'ailleurs, à ce moment-là, une difficulté supplémentaire

 20   était que Mme Loukas nous avait quittés et que M. Josse était nouveau, et

 21   ça constituait une difficulté supplémentaire pour nous.

 22   Q.  Et ces difficultés ont-elles provoqué des problèmes considérables avec

 23   le Juge Orie, y a-t-il eu conflit du fait de tous ces éléments ?

 24   R.  Il y a eu beaucoup de choses qui ont provoqué des situations de conflit

 25   avec le Juge Orie, parce que nous n'appréciions pas beaucoup les décisions

 26   rendues par le Juge Orie, et - je ne lis pas dans les pensées, mais je

 27   crois que beaucoup de difficultés sont nées du non-aboutissement à l'été

 28   2004 de cet exercice consistant à se mettre d'accord sur un certain nombre


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  1   de faits avec l'Accusation.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Krajisnik,

  3   allez-y.

  4   L'APPELANT : [interprétation] Puis-je quitter le prétoire pendant quelques

  5   minutes, s'il vous plaît, avec votre autorisation, et je reviendrai, bien

  6   sûr, à l'issue de ces quelques minutes.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie.

  8   L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Peut-on reprendre. Monsieur Nicholls,

 10   il vous reste trois minutes pour conclure.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Stewart, avez-vous jugé disposer du temps dont il vous fallait

 13   pour rédiger votre mémoire final ?

 14   R.  Non, non, pas du tout, pas du tout. Le délai était extrêmement serré,

 15   c'est un travail extrêmement difficile. On aurait préféré disposer de bien

 16   plus de temps.

 17   Q.  Bien. Au cours du procès, étiez-vous très préoccupé par la question des

 18   priorités ?

 19   R.  Oui, ce n'est pas inhabituel. Mais oui, effectivement, les priorités

 20   étaient une véritable source de préoccupation.

 21   Q.  Mais surtout dans la présente affaire, compte tenu du temps disponible

 22   pour accomplir le travail à accomplir ?

 23   R.  Oui, tout à fait, je suis tout à fait d'accord avec vous.

 24   Q.  A-t-il fallu également abréger la recherche juridique proprement dite ?

 25   R.  Oui, Monsieur Nicholls, bien sûr, mais en réalité ce n'était pas le

 26   cœur du problème. Oui, bien sûr, nous aimerions pouvoir avoir pu faire

 27   plus. Parfois, je crois que Me Loukas aurait bien aimé procéder à certaines

 28   recherches juridiques plutôt que de devoir effectuer les contre-


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  1   interrogatoires; et je respecte tout à fait ce point de vue. Nous n'avons

  2   pas été entravés dans notre travail dans ce sens-là, si vous voulez. Nous

  3   en avons fait assez, bien sûr. Oui c'est vrai qu'une feuille de route

  4   juridique aurait pu être utile, si vous voulez mais, bon.

  5   Q.  Il faut commencer, n'est-ce pas, par identifier les membres de l'équipe

  6   susceptible de procéder aux recherches ?

  7   R.  Oui, mais ce n'était pas là la difficulté, compte tenu de l'équipe. Il

  8   n'y avait pas grand choix. Je me suis souvent porté volontaire d'ailleurs

  9   pour ce genre de travail.

 10   Q.  Très bien. Or, dans ce cadre d'exercice, il faut, bien sûr,

 11   sélectionner les personnes qui seront chargées de le faire.

 12   R.  En effet.

 13   Q.  Et votre équipe était extrêmement limitée, n'est-ce pas, en nombre ?

 14   R.  Oui, bien sûr.

 15   Q.  En ce qui concerne les avocats à proprement parler, il y avait vous et

 16   Me Loukas, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ensuite, il y avait vous et Me Josse; c'est ça ?

 19   R.  Oui. Josse, c'est ça, pas Jossie.

 20   Q.  Vous deux, eux deux, étiez-vous réellement en mesure, dans le temps qui

 21   vous était imparti, d'identifier les sujets, les recherches autour de ces

 22   sujets qu'il faudrait faire pour fournir un service de qualité à M.

 23   Krajisnik ?

 24   R.  Maître, permettez-moi de répondre. Vous avez dit qu'il y avait Lucy

 25   Robb; elle y était, certes, elle n'était pas avocat mais elle avait une

 26   très belle carrière et elle avait eu de très beaux diplômes en Australie.

 27   Donc nous avions quelques moyens de faire de la recherche juridique. Encore

 28   une fois, ce n'était pas vraiment un problème, je sais que je me répète,


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  1   mais nous avions suffisamment de moyens de savoir où nous allions.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Nicholls, je crois que vous avez

  3   épuisé votre temps.

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, je m'arrêterais.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Passons à l'Accusation pour

  6   le contre-interrogatoire.

  7   Contre-interrogatoire par M. Kremer :

  8   Q.  [interprétation]  Monsieur Stewart, je comprends de votre témoignage en

  9   réponse aux questions de Me Nicholls que M. Krajisnik participait

 10   activement à sa défense ?

 11   R.  En effet, M. Krajisnik travaillait extrêmement dur, et était capable de

 12   produire des documents en grande quantité.

 13   Q.  Et dans le courant de sa défense, avez-vous eu des entretiens réguliers

 14   avec lui ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  En ce qui concerne les accusations à charge, M. Krajisnik vous

 17   proposait-il des questions à soumettre aux avocats, aux témoins à charge ?

 18   R.  Oui. Il participait. Je ne sais pas si c'était toujours des questions à

 19   poser, parfois c'étaient des notes mais il produisait toujours quelque

 20   chose, des notes, et il l'écrivait dans sa propre langue et c'est Tatjana

 21   Cmeric qui traitait cela en premier, en effet.

 22   Q.  Par rapport aux 500 000 pages de documents qui auront été transmises

 23   par l'Accusation, est-ce que tous ces documents ont été transmis à M.

 24   Krajisnik dès le début et pendant toute la phase préalable au procès et

 25   pendant le procès à proprement parler ?

 26   R.  Ce n'était pas tout à fait possible. En tout cas, pas une photocopie ou

 27   des exemplaires papier de tous ces documents. Il n'était pas possible de

 28   fournir tous ces documents qui remplissaient une pièce complète mais nous


Page 684

  1   avions un échange de CD assez régulier avec M. Krajisnik et cela lui

  2   permettait de voir ces documents.

  3   Q.  Est-il acceptable de dire que la contribution de M. Krajisnik à cette

  4   affaire et au dossier était assez importante étant donné sa connaissance de

  5   l'histoire politique, sa connaissance intime de l'histoire politique de la

  6   Bosnie-Herzégovine en 1992 ?

  7   R.  Oui. Evidemment, M. Krajisnik connaissait beaucoup de choses sur son

  8   propre dossier. Il travaille dur, comme je l'ai dit; et d'autant qu'il

  9   travaille naturellement dur, donc oui.

 10   Q.  Est-ce que vous avez fait preuve de jugement professionnel pour voir

 11   s'il fallait effectivement poser ces questions au témoin ?

 12   R.  Nous triions également le matériel, les documents transmis par M.

 13   Krajisnik. M. Krajisnik était un client exigeant mais je ne lui en tiens

 14   pas rigueur. Mieux vaut un client exigeant. Il nous a effectivement

 15   transmis des documents qui nous prenaient du temps à traiter, c'est vrai.

 16   Q.  Pendant la phase de procès et l'audition des témoins à charge, est-il

 17   exact de dire que vous avez reçu un classeur complet des éléments de preuve

 18   relatifs aux événements dans les

 19   Municipalités ?

 20   R.  Ecoutez, je ne sais pas si nous avons toujours reçu ces dossiers

 21   toujours en avance des auditions des témoins relatifs à une municipalité

 22   particulière. Je n'en suis pas absolument certain. Je ne saurais le dire.

 23   Q.  Est-ce que vous n'avez pas non plus reçu des dossiers récapitulant les

 24   déclarations des témoins, les documents auxquels les témoins pouvaient

 25   faire référence ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Ça vous a été fourni ?

 28   R.  En effet.


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  1     Q.  Donc, vous saviez à peu près, dans la page de préparation, quel

  2   élément l'Accusation cherchait à obtenir des témoins ?

  3   R.  Comme vous l'avez particulièrement indiqué, je crois que toutes les

  4   déclarations des témoins disaient clairement sur quoi on allait mettre

  5   l'accent, hormis peut-être les listes 65 ter.

  6   Q.  Revenons un peu en arrière. Lorsque vous avez commencé à prendre

  7   l'affaire Krajisnik, est-ce que vous l'avez rencontré avant de commencer et

  8   avant le début du procès ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que vous avez reçu de lui des instructions quant à sa défense ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Lorsque vous avez commencé en tant que conseil, et lorsque vous avez

 13   repris la phase préalable et les documents préparés par l'équipe Brashich,

 14   j'ai l'impression, n'est-ce pas, qu'il fallait mettre à l'épreuve

 15   l'Accusation; est-ce que c'est exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que vous avez reçu des instructions de M. Krajisnik selon

 18   lesquelles il fallait être plus ouvert ou plus conciliant pendant cette

 19   première phase du procès ?

 20   R.  Je ne sais plus avec quel degré de réticence il l'a fait, mais M.

 21   Krajisnik a accepté de s'engager dans l'exercice cherchant à définir une

 22   liste de faits acceptés et reconnus. C'était quelque chose de très

 23   différent de l'approche de Me Brashich, qui n'aurait pas adopté cette

 24   approche.

 25   Q.  Lorsque vous vous êtes retiré de cet exercice sur les faits admis --

 26   R.  Les faits acceptés.

 27   Q.  Très bien. Faits acceptés. Vous êtes-vous consulté avec M. Krajisnik ?

 28   R.  En fait, je crois que la décision définitive de se retirer a été prise


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  1   par moi un week-end, sans consultation avec M. Krajisnik. Je crois que

  2   c'est ça.

  3   Q.  Lorsque vous en avez informé M. Krajisnik, vous a-t-il incité à

  4   reprendre ces négociations ?

  5   R.  M. Krajisnik ne se posait aucun problème. Si j'avais cru que ça lui

  6   aurait posé un problème, j'aurais attendu de lui rendre visite au centre de

  7   Détention avant de ce faire. En fait, mon équipe, dans son ensemble, était

  8   ravie de cette décision. D'ailleurs, j'ai l'impression d'avoir été le seul

  9   à vouloir poursuivre cet exercice aussi loin que possible.

 10   Q.  Passons à votre vision de la défense de M. Krajisnik lorsque les

 11   audiences ont commencé. Vous nous avez dit que vous aviez eu l'occasion de

 12   le rencontrer à de nombreuses reprises avant le début des audiences.

 13   Saviez-vous quels étaient les éléments principaux de la défense

 14   lorsque vous avez entamé les premiers contre-interrogatoires ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je vais vous proposer un résumé de la stratégie de Défense.

 17   Premièrement, vous vouliez distancier autant que possible M. Krajisnik et

 18   M. Karadzic; est-ce exact ?

 19   R.  Ça en faisait partie, en effet.

 20   Q.  Deuxièmement, il fallait montrer que M. Krajisnik n'était que le

 21   président de l'assemblée, un homme politique, et pas un décisionnaire.

 22   R.  Oui. C'est mis un peu plus brutalement que ce que j'aurais pu dire,

 23   mais dans l'ensemble, c'est à peu près ça.

 24   Q.  Il n'y avait pas de rapport, pas de lien entre M. Krajisnik et les

 25   crimes commis sur le terrain ?

 26   R.  Oui. Le lien était clé, effectivement.

 27   Q.  Il ne faisait pas partie de la présidence élargie.

 28   R.  Oui.


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  1   L'APPELANT : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse, mais je

  2   ne sais pas si le Procureur doit réellement poser des questions directrices

  3   de ce type au témoin.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je ne sais pas si ce sont des questions

  5   directrices.

  6   M. KREMER : [interprétation] Ce sont des questions directrices, mais je

  7   crois que j'ai le droit de les poser.

  8   L'APPELANT : [interprétation] S'il a le droit de les poser, je m'en excuse,

  9   mais je crois que le Procureur devrait mettre l'accent sur ce qui a été dit

 10   dans l'interrogatoire principal et poser moins de questions directrices.

 11   Nous avons ici un témoin qui est un juriste professionnel qui répondra

 12   comme il le faut, mais c'est à la Chambre de décider.

 13   M. KREMER : [interprétation] J'essaie juste de vous aider.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je ne crois pas que ce soit des

 15   questions directrices. Quant à savoir si le contre-interrogatoire ne fait

 16   que réagir à l'interrogatoire principal, c'est à vous de le voir.

 17   M. KREMER : [interprétation] Mais puisque nous venons de parler de la

 18   question de l'équité du jugement et de l'efficacité du conseil, je crois

 19   qu'effectivement ces questions relèvent de cette question centrale, et je

 20   m'en tiendrai à l'efficacité du conseil et à l'équité du procès.

 21   Q.  Dans le cadre de cette stratégie de Défense, avez-vous cherché à

 22   montrer que M. Krajisnik a participé aux négociations internationales et

 23   qu'il cherchait à résoudre le conflit par la

 24   paix ?

 25   R.  Oui, et pas seulement dans le cadre international.

 26   Q.  Votre objectif stratégique était-il d'indiquer que M. Krajisnik n'avait

 27   aucun lien avec la police ou avec l'armée ?

 28   R.  Nous cherchions effectivement à le minimiser autant que possible et de


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  1   montrer combien ce lien était faible ou inexistant.

  2   Q.  Et que les Variantes A et B n'étaient pas des documents officiels ?

  3   R.  Oui. Nous cherchions à miner l'approche de l'Accusation sur les

  4   Variantes A et B, en effet.

  5   Q.  Très bien. Les objectifs stratégiques étaient fondamentalement

  6   criminels, et c'était une politique et non pas un plan criminel, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez reçu des instructions quant aux objectifs stratégiques de la

 10   Défense de M. Krajisnik avant le premier contre-interrogatoire au mois de

 11   février 2004 ?

 12   R.  Vous utilisez l'expression "objectifs stratégiques" de façon très

 13   différente des six objectifs stratégiques auxquels on faisait référence.

 14   Q.  En effet.

 15   R.  Oui, nous étions effectivement le conseil, donc effectivement la

 16   stratégie du procès relevait des instructions de M. Krajisnik.

 17   Q.  Mais en tant que conseil, et sur la base des instructions de M.

 18   Krajisnik, vous aviez identifié ces objectifs particuliers que nous venons

 19   d'évoquer comme étant les domaines sur lesquels vous vouliez mettre

 20   l'accent ou lorsque cela était évoqué par les témoins; est-ce bien le cas ?

 21   R.  En effet. Mais effectivement le plaignant, M. Krajisnik, a appelé ces

 22   instructions, mais certaines de ces instructions et de ces objectifs sont

 23   assez évidents pour un plaignant quel qu'il soit.

 24   Q.  La Chambre peut regarder les déclarations liminaires que vous avez

 25   faites au mois d'octobre 2005, si je ne m'abuse.

 26   R.  Oui, ça doit être la date.

 27   Q.  Tous les objectifs que nous avons identifiés y étaient reconnus comme

 28   des questions que soulevait la Défense et sur lesquelles la Défense


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  1   souhaitait apporter une réponse, par exemple, que M. Krajisnik n'était

  2   qu'un pauvre président d'assemblée et qu'il ne pouvait prendre aucune

  3   décision.

  4   R.  Je ne me souviens pas des détails, mais ça m'étonnerait qu'on n'en ait

  5   pas parlé à ce moment-là.

  6   Q.  Les arguments de la Défense ont cherché à montrer que tous les

  7   objectifs de la Défense étaient fondés avant même le début des arguments de

  8   l'Accusation, et présentaient une vision des choses tout à fait différente

  9   de celle de l'Accusation à la Chambre de première instance, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, c'est tout à fait ça.

 11   Q.  Il me semble avoir compris que M. Krajisnik allait toujours apporter

 12   son témoignage dans le courant de sa défense ?

 13   R.  Oui, effectivement.

 14   Q.  Il avait été indiqué à la Chambre qu'il apporterait son témoignage si

 15   la décision était favorable dans le cadre de l'article 92 bis. Vous l'avez

 16   dit clairement et M. Krajisnik l'a dit également, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, c'est assez inhabituel, c'est vrai, mais il était tout à fait

 18   clair que M. Krajisnik avait fait comprendre clairement que c'était ce

 19   qu'il voulait faire.

 20   Q.  En ce qui concerne la répartition du temps, est-il exact que M.

 21   Krajisnik a témoigné pendant 40 jours en tout ?

 22   R.  Oui, il faudrait vérifier, mais je crois que c'est à peu près ça.

 23   Q.  En ce qui concernait la présentation de ses éléments de preuve, je

 24   crois que c'était 23 jours au départ, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, ça doit être ça.

 26   Q.  Dans son interrogatoire principal, y a-t-il eu des domaines dans

 27   lesquels vous pensez que sa position n'était pas clairement exprimée ou

 28   suffisamment exprimée ?


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  1   R.  A la fin de l'interrogatoire en chef, je n'ai pas eu l'impression qu'il

  2   y avait des trous éblouissants dans sa présentation des éléments.

  3   Q.  Lorsque vous avez décidé quels témoins à décharge seraient cités à

  4   comparaître, est-ce que M. Krajisnik participait ?

  5   R.  Oui, bien sûr.

  6   Q.  Un témoin précédent nous a laissé entendre que certains témoins à

  7   décharge ont, par leur simple présence, surpris M. Krajisnik. Avez-vous

  8   souvenir d'avoir cité à comparaître un témoin que vous n'auriez pas annoncé

  9   à M. Krajisnik ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Pour préparer les arguments de la Défense, est-ce que vous avez

 12   consulté régulièrement et activement M. Krajisnik pour savoir quelles

 13   questions poser aux témoins à décharge et comment ils pourraient être

 14   utiles ?

 15   R.  Oui. Si vous dites vous, est-ce que c'est moi et/ou M. Josse, la

 16   réponse est oui. En effet, à ce moment-là, Me Loukas nous avait déjà

 17   quittés à ce moment-là.

 18   M. KREMER : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais passer à

 19   huis clos partiel. Je voudrais traiter de documents sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame la Greffière.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

 23   M. KREMER : [interprétation]

 24   Q.  Je voudrais évoquer quelques-uns des documents relevant de l'article

 25   115. Je voudrais tout d'abord faire référence à la pièce AD1, la lettre

 26   signée de George Mano.

 27   R.  Oui. Non, je n'ai pas ce document.

 28   Q.  Oui, je sais. Je crois comprendre que vous avez eu connaissance de


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  1   cette lettre en septembre, octobre 2004.

  2   R.  Oui, septembre, je crois.

  3   Q.  Et vous avez pu --

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que le greffier vous a permis de rédiger une

  6   réponse ?

  7   R.  Le greffe ne m'a pas interdit. Je peux évidemment écrire.

  8   Q.  Très bien. En ce qui concerne cette lettre, à proprement parler,

  9   pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des accusations portées dans

 10   cette lettre ?

 11   R.  Ça fait bien longtemps que je n'ai pas lu cette lettre. Je vais essayer

 12   de m'en souvenir au mieux. Il y avait certaines insultes personnelles

 13   cherchant à me détruire, évidemment, mais je crois qu'il se plaignait

 14   particulièrement de l'exercice sur les faits reconnus.

 15   Ça, je m'en souviens. Il me semble également que George Mano n'avait pas de

 16   formation juridique, et je ne lui en tiens pas rigueur, mais il n'avait pas

 17   vraiment d'idée de ce que nous cherchions à faire. Ce pourquoi je lui en

 18   tiens rigueur, c'est qu'il ne reconnaissait pas qu'il ne savait rien. Il

 19   est vrai que nous ne sommes jamais devenus de grands amis, mais lorsqu'il

 20   me demandait si je pourrais demander au greffier si lui aurait eu le droit

 21   d'aller voir M. Krajisnik seul, parce que disait-il, et je cite : "J'ai

 22   quelques questions à lui poser," je lui ai répondu : "Non". Lorsqu'il m'a

 23   demandé : "Pourquoi ?" je lui disais : "Je pense que le greffe ne vous le

 24   permettra pas," et franchement, ça ne me servirait à rien.

 25   Il a commencé à s'agiter. Il trouvait qu'un stagiaire devait pouvoir

 26   faire ça, mais franchement ça me surprenait. Il avait un sacré toupet,

 27   quand même. Je me souviens de l'avoir emmené avec moi. Après tout, j'aime

 28   bien emmener mes stagiaires avec moi. C'est normal. Je crois que je l'avais


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  1   emmené rencontrer M. Harmon, M. Tieger, M. Hannis.

  2   Je voyais qu'à un certain moment M. Harmon a été surpris de voir que

  3   George Mano a commencé à dire à l'autre bout de la table : "C'est

  4   inacceptable." Franchement, quel culot. Visiblement, il avait l'impression

  5   que ce qu'il nous fallait faire c'était apprendre tout ce qu'il y avait à

  6   apprendre sur l'histoire de la Serbie, alors que nous, il nous semblait

  7   qu'il fallait en connaître juste assez pour pouvoir aller de l'avant avec

  8   ce procès.

  9   Voilà certains éléments dont je me souviens. Mais je me souviens

 10   effectivement qu'il y avait des accusations personnelles puis des choses

 11   qui étaient extrêmement inexactes. Il disait que j'avais passé 15 jours en

 12   Espagne, pendant 15 jours. C'est vrai que c'était le cas, mais j'y allais

 13   avec mes enfants et je travaillais jusqu'à ce qu'ils se lèvent, soit vers

 14   midi. Effectivement, j'y suis allé en Croatie pour quelques jours avec mon

 15   nouveau-né qui devait avoir 1 an à peu près à l'époque. Ce n'était pas

 16   complètement ridicule. En tout cas, c'était vraiment n'importe quoi, cette

 17   lettre. Maintenant que vous m'en reparlez, j'en suis furieux encore

 18   aujourd'hui.

 19   Q.  Très bien.

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   Q.  Il dit que les avocats disent toujours que les clients sont l'ennemi

 22   des avocats.

 23   R.  Oui. Evidemment, je m'en souviens. C'est effectivement un collègue en

 24   Lettonie qui m'avait dit qu'effectivement dans son cabinet, tout le monde

 25   dit c'est le client l'ennemi. D'accord, mais c'est une blague entre

 26   avocats, c'est-à-dire qu'il faut effectivement poser des limites à

 27   l'agitation des clients et faire preuve de jugement. C'est tout ce que je

 28   disais.


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  1   Q.  Donc il vous a mal compris ?

  2   R.  Je pense que c'est faire preuve d'une grande générosité que dire qu'il

  3   ne m'avait pas compris. En tout cas, il a complètement dévoyé ce que je

  4   disais.

  5   Q.  Je vais passer au AD2 --

  6   R.  De toute façon, tout ce qu'il y a d'autre dans cette lettre c'est du

  7   n'importe quoi.

  8   Q.  Très bien. Passons à cette lettre AD2. C'est une déclaration de Stefan

  9   Karganovic, qui était le commis aux affaires d'avril 2005 à mai 2006; c'est

 10   ça ?

 11   R.  Oui, jusqu'à avril, mai 2006.

 12   Q.  Il allègue que vous ne vous intéressiez pas particulièrement au

 13   contexte historique et factuel de cette affaire. Que dites-vous ?

 14   R.  La même réponse. Je m'y intéressais juste suffisamment. D'ailleurs, M.

 15   Krajisnik était critique parfois, c'est normal, mais je ne me souviens pas

 16   qu'il ait fait preuve d'une grande critique quant à ce que nous disions.

 17   D'ailleurs, je crois qu'il m'a parfois félicité sur ma compréhension des

 18   événements.

 19   Q.  Sur les témoins qui apportaient des éléments de preuve politiques, est-

 20   ce que M. Krajisnik participait à leur contre à la préparation du contre-

 21   interrogatoire ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et à leur interrogatoire ?

 24   R.  Oui, bien sûr. Nous ne nous sommes jamais interdits d'aller parler à M.

 25   Krajisnik. Nous nous rendions disponibles, il se rendait disponible,

 26   félicitons-le aussi de sa disponibilité.

 27   Q.  Il est dit que du temps de Stefan Karganovic, la Défense était un grand

 28   exercice d'improvisation ?


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  1   R.  Oui, ça décrit très bien M. Karganovic, oui. C'était un excellent

  2   interprète et un excellent traducteur, ça c'est évident. Sans doute un des

  3   meilleurs, le meilleur peut-être que j'aie jamais rencontré. Mais oui,

  4   c'était de l'improvisation, j'ai déjà dit comment nous travaillions. S'il

  5   est en train de décrire ce que j'ai déjà dit, alors c'est un terme exact.

  6   Sinon, c'est inexact.

  7   Q.  Bien. Passons à AD4, la lettre à M. Zahar --

  8   R.  Oui.

  9   Q.  -- et les pièces jointes y attachées. Quelles étaient, d'après vos

 10   souvenirs, les circonstances dans lesquelles vous avez préparé cette lettre

 11   ?

 12   R.  Je crois me souvenir que le Juge Orie a insulté, a accusé l'étude de la

 13   Défense dans toutes sortes de circonstances. Je crois me souvenir qu'il y

 14   avait d'ailleurs eu des insultes ou des accusations directes de la Défense

 15   alors même que nous travaillions dur et que nous faisions, me semble-t-il,

 16   étant donné les circonstances, du bon boulot dans des circonstances

 17   extrêmement difficiles. J'avais l'impression que ces modalités étaient

 18   imposées sur nous. En ce qui concerne les derniers mois des arguments à

 19   charge, juin, juillet 2005, c'était une catastrophe, je crois me souvenir,

 20   un vrai cauchemar. Mme Loukas nous a quittés avant même qu'elle ait

 21   réellement fini, c'était épuisant pour elle. Nous avions Me Josse qui nous

 22   avait rejoints. Nous étions complètement perdus, d'une certaine façon, mais

 23   nous travaillions extrêmement dur. Nous faisions de notre mieux et personne

 24   ne le reconnaissait.

 25   Q.  Bien. Au cours du moment où vous avez représenté M. Krajisnik, avez-

 26   vous jugé que vous n'étiez plus en mesure de défendre ses meilleurs

 27   intérêts ? Avez-vous proposé de démissionner ?

 28   R.  Ça n'était pas envisageable, parce que lorsque Chrissa Loukas a demandé


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  1   à quitter l'équipe dès octobre 2004, elle voulait rentrer chez elle,

  2   simplement. Elle est rentrée de la période des vacances judiciaires et elle

  3   a dit je veux rentrer chez moi, c'est-à-dire en Australie. Le greffe nous a

  4   dit que ça ne serait pas possible, qu'il n'allait même pas envisager la

  5   possibilité de modifier la composition de l'équipe de la Défense.

  6   Finalement, nous avons réussi à organiser un changement et ça a été

  7   extrêmement difficile. Il a fallu faire en sorte que ceci ne coûte rien

  8   pour le greffe, ce qui a demandé beaucoup de travail à M. Josse par

  9   ailleurs. Mais la directive qui s'applique à la commission d'office de

 10   conseil de la Défense ne m'autorisait pas une démission quelle qu'elle

 11   soit. J'ai dit à M. Krajisnik, assez tôt d'ailleurs, au moment sans doute

 12   où Mme Loukas a demandé à pouvoir partir, je lui ai dit, "Monsieur

 13   Krajisnik, je serai à vos côtés jusqu'à la fin de cette affaire."

 14   Q.  Parce que vous jugiez que c'était là une obligation qui vous incombait

 15   d'un point de vue professionnel ?

 16   R.  Puis surtout parce que je voulais qu'il sache que certaines personnes

 17   souhaitaient partir, abandonner l'équipe. Il n'en était pas content. Je lui

 18   ai promis que je resterais à ses côtés jusqu'à la fin. Je crois que, je

 19   dois le reconnaître, M. Krajisnik en a été reconnaissant. Il a toujours eu

 20   l'esprit qu'il convenait d'avoir à ce moment-là et, bien sûr, je suis

 21   resté.

 22   Q.  Bien. Je vous inviterais à examiner la page 7 192 du compte rendu

 23   d'audience qui renvoie aux difficultés rencontrées par la Défense du fait

 24   que M. Krajisnik n'a pas apporté sa contribution financière à l'équipe ou

 25   au travail accompli par son équipe. (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 698

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   R.  Manifestement, à l'évidence, ceci a eu une incidence négative, bien

  6   sûr. C'était inévitable. Mais j'ai dit au greffe, et je pense l'avoir dit

  7   également aux Juges de la Chambre à un moment donné ou à un autre, j'ai dit

  8   que ce dont cette affaire avait besoin en réalité pour évoluer au rythme

  9   choisi par la Chambre, c'était trois conseils, ou en tout cas plus de deux.

 10   Q.  Avez-vous obtenu ces trois conseils, finalement ?

 11   R.  Non.

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien, il va falloir faire une pause.

 13   Alors le moment s'y prête-t-il bien ?

 14   M. KREMER : [interprétation] Oui, quand vous voulez.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons faire une pause de 15

 16   minutes.

 17   --- L'audience est suspendue à 18 heures 03.

 18   --- L'audience est reprise à 18 heures 18.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons reprendre l'audience et je

 20   donne la parole à M. Kremer afin qu'il poursuive --M. KREMER :

 21   [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le contre-interrogatoire.

 23   M. KREMER : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Stewart, encore quelques questions avant de repasser en

 25   audience publique. Je fais référence au paragraphe 9 de la lettre de M.

 26   Karganovic. Je vais vous donner lecture de ce qu'il dit ici et je vous

 27   demanderais de bien vouloir vous prononcer sur ce paragraphe. Voici ce

 28   qu'il dit :


Page 699

  1   "Il semble que l'équipe de la Défense n'a pas de plan sur lequel ils

  2   se basent pour fonctionner, particulièrement dans la phase au cours de

  3   laquelle la Défense a commencé à présenter ses éléments de preuve et ne

  4   s'est plus contentée de réagir aux démarches de l'Accusation. La démarche

  5   suivie par la Défense est plutôt de nature expérimentale et n'est pas

  6   véritablement guidée par des orientations particulières."

  7   Comment répondre à ceci ?

  8   R.  Je ne suis pas d'accord.

  9   Q.  Aviez-vous un plan, un plan de Défense, lorsque vous avez commencé à

 10   présenter vos éléments à décharge ?

 11   R.  Oui, bien sûr. M. Josse est un conseil très expérimenté, et nous en

 12   avons parlé largement avec lui. C'est vrai que nous n'avons pas

 13   véritablement fait participer M. Karganovic à ces discussions.

 14   Q.  Et lorsque M. Mano était stagiaire au sein de l'équipe, a-t-il

 15   participé aux discussions relatives à la stratégie que vous deviez suivre

 16   au cours du procès ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Et M. Karganovic, a-t-il été invité à participer à des réunions entre

 19   vous, M. Josse et les autres assistants juridiques pour évoquer cette

 20   stratégie ?

 21   R.  Oui, oui. M. Karganovic était une personne très affable au sein de

 22   l'équipe. Nous nous réunissions sous différentes formes et pas toujours

 23   peut-être, mais pratiquement, M. Karganovic était à nos côtés lorsque nous

 24   allions rendre visite à M. Krajisnik. Mais il y a eu énormément de

 25   discussions entre M. Josse et moi-même sans que personne d'autre ne soit

 26   présent, et c'est tout à fait normal.

 27   Q.  M. Karganovic a dit à la Chambre au cours de son témoignage qu'il vous

 28   avait dit, à vous et à Chrissa Loukas, que ses recherches sur les


Page 700

  1   allégations liées à M. Davidovic étaient erronées et qu'en dépit du fait

  2   qu'il vous en ait informé le 27 juin, au cours de la matinée de l'audience,

  3   dans l'après-midi, Chrissa Loukas lui a posé des questions pour savoir si

  4   effectivement il avait extorqué des fonds à un certain médecin. Vous

  5   souvenez-vous de cela ?

  6   R.  Je m'en souviens. Je me souviens du foin qu'a soulevé ce contre-

  7   interrogatoire de M. Davidovic par Mme Loukas. Mais je ne me souviens pas -

  8   - quoi, on suggère que Chrissa Loukas savait déjà que les allégations

  9   étaient fausses avant même qu'elle interroge le témoin à cet effet ?

 10   Q.  Et que vous le saviez aussi. C'est ce que M. Karganovic a dit la

 11   semaine dernière à cette Chambre.

 12   R.  C'est complètement faux. C'est absolument faux. C'est absolument faux

 13   en ce qui concerne Chrissa Loukas, parce qu'à moins qu'elle n'ait menti du

 14   début jusqu'à la fin là-dessus, je dois vous dire que je suis absolument

 15   certain que cette allégation est totalement fausse eu égard à Chrissa

 16   Loukas et je suis tout à fait sûr qu'elle est fausse me concernant

 17   également.

 18   Q.  Bien.

 19   M. KREMER : [interprétation] Peut-être pourrait-on repasser en audience

 20   publique.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame la Greffière, repassons en

 22   audience publique.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Stewart, excusez-moi, que la chose

 24   soit tout à fait claire, parce qu'après tout, je sais que M. Karganovic a

 25   déposé à huis clos partiel. C'est une allégation faite par M. Karganovic

 26   selon laquelle Mme Loukas, alors qu'elle savait que l'information qu'elle

 27   allait soumettre au témoin était fausse, alors donc qu'elle le savait, que

 28   Mme Loukas a néanmoins présenté l'information au témoin ? Je suis désolé de


Page 701

  1   me répéter, mais je suis sidéré. Est-ce ça que l'on a dit à propos de Mme

  2   Loukas ?

  3   M. KREMER : [interprétation]

  4   Q.  C'est l'interprétation que j'ai faite de ce qu'il a dit. Peut-être que

  5   je pourrais vous donner lecture de ce qu'a dit M. Karganovic. Alors je fais

  6   référence aux pages 484 et 485 du compte rendu :

  7   "Qu'avez-vous dit exactement à Mme Loukas à propos de votre

  8   conversation téléphonique ?"

  9   Et c'est là que le témoin dit que c'est faux. Voici ce qu'il répond :

 10   "J'ai dit à Mme Loukas que le médecin a dit que l'extorsion qui

 11   faisait l'objet d'allégation, extorsion de M. Davidovic, n'avait en fait

 12   pas été perpétrée. Le docteur a infirmé l'allégation qui avait été faite

 13   par les enquêteurs de M. Krajisnik."

 14   "Très bien." Et je poursuis la lecture : "Etiez-vous présent dans le

 15   prétoire lorsque l'allégation a été présentée à M. Davidovic à propos de

 16   ceci ?"

 17   Et il répond : "J'en suis certain."

 18         Ensuite, il y a une autre question : "Avez-vous dit à M. Stewart que

 19   vous étiez préoccupé du contre-interrogatoire qui faisait l'objet

 20   d'objections de la part de l'Accusation ?"

 21   Et la réponse a été : "La Défense, oui," c'est-à-dire Mme Loukas et

 22   M. Stewart, "savaient tous deux que cette conversation téléphonique avait

 23   eu lieu, et les conjectures étaient les suivantes : M. Davidovic était un

 24   personnage tellement puissant et intimidant que même s'il n'avait pas nui à

 25   cette personne, ils n'auraient pas osé en parler."

 26   Etiez-vous au courant ou pas ?

 27   R.  Je suis désolé. Je ne me souviens pas de tous les détails, tous les

 28   tenants et aboutissants, mais à l'époque c'est vrai que toute la question


Page 702

  1   avait fait un vrai foin; et j'en ai parlé à Chrissa Loukas, bien sûr.

  2   La Chambre de première instance a fait part de ses grandes

  3   préoccupations. Et je suis arrivé à la conclusion suivante : même si le

  4   contre-interrogatoire de Chrissa Loukas avait été poussé jusqu'au bout en

  5   ce qui concerne toutes les questions qu'elle était en mesure de poser au

  6   témoin, je ne pense pas qu'elle avait dépassé les bornes. Or, c'est ici ce

  7   que je crois lire de ce qui est dit ici, à savoir qu'elle aurait violé

  8   certaines règles déontologiques et que -- non, non, je ne le crois pas.

  9   Q.  Je vais poser une question simple, Monsieur. M. Karganovic, vous a-t-il

 10   dit que suite à cette conversation téléphonique, il avait appris que le

 11   témoin dont on disait qu'il avait été l'objet d'une extorsion de la main de

 12   M. Davidovic, que ce témoin donc avait dit qu'en réalité ces allégations

 13   n'étaient pas fondées ? Vous l'a-t-il dit ?

 14   R.  Je --

 15   Q.  Le 27 juin --

 16   R.  Le 27 juin ?

 17   Q.  -- 2004, avant la déposition du témoin ?

 18   R.  Non, non, je suis certain que non. Non. Il y a eu beaucoup de

 19   discussions par la suite, et je me souviens avoir exprimé mon

 20   insatisfaction s'agissant de la fiabilité de l'information obtenue par M.

 21   Karganovic. Je crois qu'il fallait effectivement creuser la question. C'est

 22   ce qu'a fait Chrissa Loukas en posant un certain nombre de questions au

 23   témoin. Mais dire qu'on nous avait prévenu comme cela et que nous avons

 24   fait fi de ce que nous avions appris, et cetera, non, non. Je ne me

 25   souviens pas des dates et je ne peux pas admettre une chose pareille.

 26   M. KREMER : [interprétation] Nous pouvons repasser en audience publique

 27   maintenant. 

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à nouveau en audience


Page 703

  1   publique.

  2   [Audience publique]

  3   M. KREMER : [interprétation]

  4   Q.  Bien. Je reviens à la stratégie de la Défense que vous avez déployée.

  5   J'aimerais rajouter quelques éléments à la liste des différents éléments

  6   qui ont constitué la stratégie de la Défense au moment de la présentation

  7   des éléments de preuve à charge, puis des éléments de preuve à décharge. Y

  8   a-t-il eu tentative pour démontrer que M. Krajisnik n'avait aucune

  9   connaissance des crimes qui avaient été perpétrés sur le terrain ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Puis il y a eu également une tentative qui visait à montrer que M.

 12   Krajisnik, enfin, qu'il n'y avait pas de plan criminel commun, et en tout

 13   cas que M. Krajisnik n'en faisait pas partie ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Oui ?

 16   R.  Oui et oui.

 17   Q.  Bien. Finalement, vous avez déposé un mémoire final dans cette affaire,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et tous ces éléments faisant partie de la stratégie de la Défense ont

 21   été repris dans ce mémoire final. Vous avez d'abord contesté la manière

 22   dont l'Accusation avait dépeint ces différents événements et vous avez

 23   également montré pourquoi votre version devait être privilégiée au

 24   détriment de celle de l'Accusation, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, je le crois, oui.

 26   Q.  Bien. Alors quelques points sur l'entreprise criminelle commune.

 27   Lorsque vous avez pris cette affaire, vous avez bien saisi que l'un des

 28   pivots des arguments présentés par l'Accusation par M. Krajisnik était


Page 704

  1   précisément cette thèse de l'entreprise criminelle commune ?

  2   R.  Bien, oui. J'ai dû, bien sûr, lire l'acte d'accusation avant d'avoir

  3   accepté cette affaire, et je vous répondrai par l'affirmative. Je ne crois

  4   pas avoir jamais entendu parler du concept d'entreprise criminelle commune

  5   avant cela dans ma vie.

  6   Q.  Très bien. Avant le début du procès en février 2004, vous étiez-vous

  7   pleinement familiarisé avec la notion d'entreprise criminelle commune ?

  8   R.  Oui, bien sûr, et Mme Loukas également, parce que nous avons été en

  9   mesure de saisir le concept sans aucun document de la part de M. Brashich.

 10   Bien sûr, oui, nous avions l'acte d'accusation. Ce n'est pas que nous

 11   étions complètement démunis.

 12   Q.  Bien. Au départ, en attendant d'obtenir tous les documents, vous avez

 13   dû procéder à certaines recherches juridiques, procéder à une réflexion

 14   juridique pour faire face à un certain nombre de difficultés ou de défis

 15   factuels connexes que vous alliez rencontrer plus tard dans le courant du

 16   procès ?

 17   R.  Oui. Au tout début, effectivement, c'était la seule chose que nous

 18   puissions faire; et c'était par ailleurs quelque chose de tout à fait

 19   logique. Chrissa était une juriste tout à fait expérimentée, mais

 20   néanmoins, je crois que cette entreprise criminelle commune était une bête

 21   dont nous n'avions jamais entendu parler.

 22   Q.  Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question. Vous l'avez fait,

 23   n'est-ce pas, cette recherche, cette réflexion ?

 24   R.  Oui, excusez-moi, bien sûr.

 25   Q.  Bien. Et vous saviez alors quels étaient les différents éléments

 26   inhérents au mode de responsabilité lié à l'entreprise criminelle commune ?

 27   Vous les aviez à l'esprit au moment du contre-interrogatoire des témoins de

 28   l'Accusation ?


Page 705

  1   R.  Bien sûr.

  2   Q.  Et dans votre mémoire final, vous avez indiqué que l'entreprise

  3   criminelle commune, dans la forme plaidée, si vous voulez, n'était pas le

  4   mode de responsabilité approprié en l'espèce et que les conditions

  5   nécessaires à l'établissement des responsabilités au titre d'une entreprise

  6   criminelle conjointe n'étaient pas réunies en la présente affaire ?

  7   R.  Oui, en effet, et nous avons quelques renforts pour procéder à ce

  8   travail à l'époque, oui. Nous avions Mme Butler, qui était un cerveau, en

  9   l'occurrence, qui nous a beaucoup aidés, puis des stagiaires par ailleurs.

 10   Donc la réponse est oui.

 11   Q.  Bien. Et Mme Butler a rejoint l'équipe de la Défense septembre 2005 ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  A ce moment-là ?

 14   R.  Oui, à peu près.

 15   Q.  Bien. Et elle a recruté à son tour quelques stagiaires pour aider à la

 16   rédaction du mémoire final ?

 17   R.  Oui, effectivement. Ils ont procédé aux analyses et ils ont rassemblé

 18   les documents, et cetera.

 19   Q.  Bien. S'agissant de l'entreprise criminelle commune, le mémoire final

 20   de ces pages 39 à 58 traite précisément de cette question ?

 21   R.  Bien, je vous crois sur parole s'agissant de la pagination, oui. Mais

 22   en tout cas, il contient effectivement une rubrique sur ce point.

 23   Q.  Bien. Et à votre connaissance, M. Karganovic, a-t-il jamais demandé à

 24   participer à ces discussions sur l'entreprise criminelle commune ?

 25   R.  Je n'en sais rien. J'en doute. J'en doute, pour être tout à fait

 26   honnête. J'en doute vraiment. Au moment où nous avons rédigé ce mémoire, il

 27   n'était déjà plus là.

 28   Q.  Bien.


Page 706

  1   R.  Il avait quitté l'équipe quelques mois auparavant. Non, je ne le crois

  2   pas. Non, je ne pense pas.

  3   Q.  Bien. Au cours de la période que vous avez passée à défendre M.

  4   Krajisnik, pensez-vous qu'à un moment donné ou à un autre, vous n'avez pas

  5   respecté les obligations professionnelles qui étaient les vôtres, à savoir

  6   de protéger et de défendre au mieux les intérêts de votre client ?

  7   R.  Non, pas du tout. Pas du tout. Mon devoir professionnel consistait à me

  8   pousser à faire de mon mieux. Je pense effectivement que j'ai accompli mon

  9   devoir professionnel, pour répondre à votre question. Mais je dois vous

 10   dire néanmoins que -- bon, bien sûr, mon devoir professionnel, ce n'est pas

 11   seulement de faire de mon mieux. Ce mieux doit se situer à un certain

 12   niveau de qualité. Mais je veux que les choses soient tout à fait claires,

 13   j'ai fait de mon mieux, moi-même et mon équipe, et je pense que, ce

 14   faisant, nous avons accompli notre devoir professionnel.

 15   Q.  Bien. A la fin du procès, il me semble avoir compris que M. Krajisnik a

 16   demandé à ce que vous-même et M. Josse soient ajoutés à la liste des

 17   personnes chargées de l'aider dans le cadre de son appel. Vous souvenez-

 18   vous avoir parlé à M. Krajisnik de cette possibilité ?

 19   R.  Je ne suis pas certain. Je ne me souviens pas avoir été ajouté à cette

 20   liste. En fait, je croyais ne pas l'avoir été, mais peut-être que ma

 21   mémoire me fait défaut. Je crois que --

 22   Q.  Bien.

 23   R.  En tout cas, M. Josse a été ajouté à la liste, parce que je crois

 24   d'ailleurs que M. Josse a aidé -- est-ce que c'est au sein de l'équipe de

 25   M. Nicholls ou autre, je ne sais pas, depuis qu'il est devenu ami de la

 26   Cour, ou est-ce qu'il était conseil de M. Krajisnik, je ne sais plus. Mais

 27   en tout cas, il était inscrit sur cette liste.

 28   Q.  Bien. Et vous avez dit que M. Krajisnik avait été un client très


Page 707

  1   difficile pendant le procès. En tout cas, une fois, M. Krajisnik a essayé

  2   de défendre une requête visant à assurer sa propre défense.

  3   R.  Oui. Je ne lui en veux pas d'avoir été difficile.

  4   Q.  Non, non.

  5   R.  Mais c'est un fait, il l'a été.

  6   Q.  Vous avez fini par parvenir à un consensus avec la Chambre de première

  7   instance. Il a été autorisé à poser des questions dès lors que la Chambre

  8   l'y autorisait, des questions aux témoins de l'Accusation, mais également à

  9   des témoins de la Défense ?

 10   R.  Oui, en effet. C'était là une solution très peu satisfaisante. En tant

 11   que conseil, après tout j'ai été conseil pendant tout le procès, bon, je

 12   n'ai pas considéré que ceci allait dans l'intérêt de M. Krajisnik, en tout

 13   cas, de lui conférer ce droit parce qu'il allait l'exercer.

 14   Je le dirai de manière très franche, il me semble que les circonstances

 15   dans lesquelles la question s'est retrouvée sur le tapis, c'était la

 16   déposition de M. Bjelobrk, pourquoi M. Krajisnik s'est-il vu conférer ce

 17   droit. Bien, pour des raisons qui, à mon avis, ne sont pas bonnes. Voici ce

 18   qui s'est passé : il nous fallait plus de temps pour que M. Krajisnik

 19   puisse me donner les instructions nécessaires dans le cadre du contre-

 20   interrogatoire de ce témoin, M. Bjelobrk; et si mon souvenir est bon, la

 21   Chambre de première instance a dit, mais puisque M. Krajisnik connaît tout

 22   ceci dans le détail, pourquoi ne procéderait-il pas à la suite du contre-

 23   interrogatoire, et j'ai fait objection; j'ai dit à ce moment-là que ceci

 24   n'était pas une bonne raison pour contourner le conseil, en quelque sorte,

 25   et donner à son client le droit de poser des questions. En fait, bien sûr,

 26   ça s'insérait bien dans la démarche globale, parce qu'en réalité, l'idée

 27   c'était de gagner du temps et de permettre, si possible, à M. Bjelobrk de

 28   terminer sa déposition le vendredi, même si je crois qu'au final il a dû


Page 708

  1   revenir ultérieurement.

  2   Mais il me semble là que les raisons invoquées n'étaient pas les bonnes.

  3   C'était une décision injuste parce qu'il était évident que M. Krajisnik

  4   allait, bien sûr, saisir l'occasion qui lui était donnée de poser des

  5   questions, ce que je ne lui reproche pas, mais malheureusement, ceci allait

  6   être un peu contraire à ses intérêts. Et je l'ai dit à M. Harhoff, j'étais

  7   un peu agacé, parce que je savais que ceci allait provoquer des conflits

  8   considérables entre

  9   M. Krajisnik et moi-même, c'était inévitable, et c'était vraiment contre-

 10   productif, et je l'ai dit à M. Harhoff, bien sûr, je souhaitais qu'il fasse

 11   passer le message. J'ai pensé que c'était contre-productif et que ceci

 12   allait provoquer des conflits tout à fait inutiles entre M. Krajisnik et

 13   moi-même, que c'était contraire à ses intérêts. Et j'ai d'ailleurs essayé

 14   de solliciter des conseils de la part de l'association des conseils de la

 15   Défense, et de mon barreau en Angleterre.

 16   Q.  Mais vous avez fait objection ?

 17   R.  Oui, absolument. J'ai fait objection à de multiples reprises.

 18   Q.  Oui.

 19   R.  Oui, bien sûr. Evidemment je n'allais pas me lever et faire objection

 20   tous les matins, mais quoi qu'il en soit mes objections ont été rejetées.

 21   Q.  Très bien. S'agissant des moyens matériels dont vous disposiez, à

 22   plusieurs reprises vous avez dit que vous disposiez d'une équipe très forte

 23   à la fin du procès.

 24   R.  En effet.

 25   Q.  Et au cours de la précédente de présentation des éléments à décharge,

 26   serait-il exact de dire que l'équipe était également

 27   forte ?

 28   R.  Ça a dépendu. Mais oui, au final.


Page 709

  1   Q.  Très bien. Et au cours de cette période de présentation des éléments à

  2   décharge, on peut dire, n'est-ce pas, que vous n'avez pas rencontré les

  3   mêmes crises ou les mêmes difficultés que celles que vous avez rencontrées

  4   au cours de la présentation des moyens à

  5   charge ?

  6   R.  Oui. Je crois que les choses étaient différentes. Je crois qu'il faut

  7   reconnaître ça. Les difficultés n'étaient pas les mêmes. Les difficultés

  8   physiques étaient plus importantes, matérielles, et on nous a d'ailleurs

  9   octroyé davantage de fonds au cours des derniers mois de l'affaire. Mais

 10   oui, c'est vrai, la composition de l'équipe, le nombre de membres de

 11   l'équipe a changé au fil du temps. Mais tout à la fin, c'est vrai que même

 12   si l'équipe était relativement petite en nombre, elle était de haute tenue.

 13   Q.  Pouvez-vous citer un témoin de l'Accusation pour lequel vous avez jugé

 14   que votre contre-interrogatoire d'un point de vue professionnel n'était pas

 15   suffisamment bon ?

 16   R.  Je n'ai pas procédé à l'exercice qui consisterait à revoir les comptes

 17   rendus pour essayer de voir à quel endroit mon contre-interrogatoire avait

 18   péché par manque de qualité. Je ne l'ai pas fait, je ne me suis pas livré à

 19   cet exercice.

 20   Q.  Vous êtes-vous livré à l'exercice pour les contre-interrogatoires

 21   réalisés par Me Loukas ou Me Josse ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Donc vous n'êtes pas en mesure de citer un témoin en particulier dont

 24   le contre-interrogatoire n'a pas été mené de manière efficace ou a été

 25   entravé du fait du manque de temps de préparation, du manque de capacité à

 26   examiner les documents, et cetera ?

 27   R.  Non, je n'ai pas procédé à l'exercice, mais lorsque l'on examine le

 28   compte rendu, je crois qu'on verra bien le nombre de fois où j'ai protesté


Page 710

  1   du fait du manque de temps.

  2   M. KREMER : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Je me tourne donc vers M.

  4   Krajisnik pour les questions supplémentaires.

  5   Pardon, le Juge Shahabuddeen souhaite intervenir avant M. Krajisnik.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge Shahabuddeen, je

  7   ne vous entendais pas.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'aimerais revenir aux raisons

  9   que vous avez invoquées pour ne pas solliciter une suspension du procès, un

 10   point qui a été évoqué par Me Nicholls dans ses questions. Ai-je bien

 11   compris la position que vous avez défendue, à savoir qu'aujourd'hui vous

 12   pourriez avoir certaines raisons vous poussant à remettre en question

 13   certaines des décisions prises par le passé mais que, à l'époque, compte

 14   tenu des circonstances de l'espèce, les décisions que vous avez prises à

 15   l'époque l'ont été sur la base de l'opinion que vous aviez des choses en

 16   tant que professionnel honnête ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est exact.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'aimerais vous poser une autre

 19   question, la voici : vous vous souvenez de ce que vous avez dit, à savoir

 20   que vous n'aviez pas pu lire plus de 15 % de l'ensemble des documents ? Je

 21   n'ai pas moi-même le document sous les yeux, mais c'est une déclaration qui

 22   aurait été faite par vous-même et non pas par les autres membres de votre

 23   équipe.

 24   Qu'en pensez-vous ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que j'allais poser la question il y a

 26   une heure de cela, la question qui m'avait été posée, c'était est-ce que

 27   moi, personnellement, je n'ai pas lu tout ça, ou est-ce que c'est toute

 28   l'équipe, je ne sais pas. Je crois que vous avez tout à fait raison de


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  1   relever cette question, Monsieur les Juges.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Juge, je crois

  4   comprendre que votre question est de savoir si personnellement je n'avais

  5   pas lu plus de 15 % des documents.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, si je l'ai dit, et je l'ai

  8   dit à l'époque, je ne pense pas pouvoir faire un commentaire pertinent et

  9   utile aujourd'hui de la position exacte.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je comprends de ce que vous

 11   dites que vous n'aviez pas lu plus de 15 % du dossier et de tous les

 12   éléments, je ne crois pas que vous disiez à l'époque que votre équipe dans

 13   son ensemble n'avait pas lu plus de 15 % du document.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas absolument certain de ce que

 15   j'ai dit à l'époque, mais en ce qui me --

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une dernière question : qui a

 17   interrogé M. Krajisnik ? Vous avez dit qu'il a apporté un témoignage

 18   pendant 40 jours, que 23 des ces jours avaient été passés pendant

 19   l'interrogatoire principal. Qui l'a interrogé ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai fait l'essentiel de l'interrogatoire. Me

 21   Josse a posé des questions pendant deux ou trois jours, je crois qu'il

 22   avait posé des questions particulièrement sur les conversations

 23   interceptées, mais je ne sais pas si c'était tout ce dont il s'est occupé.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Juge Meron, vous avez la parole.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous nous avez dit

 28   tout à l'heure en répondant aux questions de M. Kremer il y a quelque temps


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  1   de cela que vous ne pouviez pas identifier un moment particulier pendant

  2   lequel vous ou Mme Loukas avez manqué de temps pour procéder au contre-

  3   interrogatoire. Il faudrait que je vérifie, mais dans ce que vous nous avez

  4   dit aujourd'hui même en répondant aux questions des Juges, j'avais

  5   l'impression qu'effectivement votre contre-interrogatoire avait souffert

  6   tout simplement, parce que vous n'aviez pas eu assez de temps et que vous

  7   avez dû interrompre vos contre-interrogatoires sur des questions

  8   d'importance. Pourriez-vous m'éclairer ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas qu'il y ait contradiction,

 10   Monsieur le Juge. On m'a demandé d'identifier un témoin ou une liste de

 11   témoins particuliers; ça, je ne peux pas le faire. Je ne peux pas donner de

 12   nom, puisque je n'ai pas relu le compte rendu d'audience de tous mes

 13   contre-interrogatoires.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et la proposition générale.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] La proposition générale.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous en tenez à ce que vous avez

 17   dit tout à l'heure à propos des contre-interrogatoires ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Juge. Sans pouvoir

 19   donner des noms exacts, nous avions cette compréhension de ce qu'il nous

 20   manquait du temps pour procéder au contre-interrogatoire.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce que vous avez répondu à M.

 22   Kremer c'est que vous ne pouvez pas identifier par nom l'un ou l'autre des

 23   témoins.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, mais cette affaire s'est conclue il

 25   y a deux ans de cela, et je n'ai pas relu le compte rendu d'audience de

 26   l'affaire Krajisnik.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous vous en tenez à ce que vous

 28   avez dit tout à l'heure, mais vous ne pouvez pas donner d'exemple concret;


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  1   c'est cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Juge vous avez tout

  3   compris parfaitement.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je donne désormais la parole à M.

  6   Krajisnik qui peut poser des questions supplémentaires. Vous avez 20

  7   minutes pour ce faire.

  8   L'APPELANT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Nouvel interrogatoire par M. Krajisnik :

 10   Q.  [interprétation] Maître Stewart, à plusieurs reprises aujourd'hui vous

 11   nous avez dit - et je vais vous donner quelques exemples - que vous n'avez

 12   pas eu assez de temps pour vous préparer, vous nous avez dit que vous

 13   deviez éteindre l'incendie comme il se déclenchait; aux pages 35 et 36 du

 14   compte rendu de l'audience de ce jour, vous avez dit, par exemple, que vous

 15   n'avez pas eu assez de temps pour interroger des témoins-clés et que cela

 16   était particulièrement vrai de Mme Plavsic et de M. Djeric.

 17   Ma question est la suivante : le Procureur vous a proposé aujourd'hui une

 18   analyse de votre approche qui était de disjoindre les activités de M.

 19   Krajisnik des crimes, de montrer qu'il n'y avait pas de lien entre lui et

 20   les criminels directs, qu'il n'était pas un membre de la présidence, qu'il

 21   n'était pas un membre de l'entreprise criminelle conjointe et qu'il n'était

 22   finalement que le président de l'assemblée et un membre de l'équipe de

 23   négociation.

 24   Ma question est la suivante : le manque de temps dont vous avez parlé et le

 25   fait même que vous n'ayez pas eu les moyens de vous préparer de façon

 26   adéquate étaient-ils des raisons pour lesquelles vous n'avez pas pu

 27   apporter la preuve de votre argumentaire ? M. Kremer vous a fourni certains

 28   éléments particuliers, et je viens de vous donner quelques suggestions.


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  1   Est-ce que bien le cas ?

  2   R.  Monsieur Krajisnik, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges,

  3   je ne comprends pas, je ne peux pas vous dire exactement pourquoi nous

  4   n'avons pas pu réussir à dissiper les accusations de l'Accusation, je ne

  5   sais pas pourquoi nous n'avons pas pu argumenter adéquatement. Je crois,

  6   Madame, Messieurs les Juges, qu'il y a plus en jeu que des questions de

  7   temps. Et je ne sache pas qu'il faille que j'en parle.

  8   Q.  Très bien. Merci. J'espère que la Chambre d'appel se prononcera sur

  9   l'influence et l'importance du manque de temps sur l'incapacité que vous

 10   avez eu à remplir la mission que vous vous étiez fixée.

 11   J'ai désormais trois questions brèves à vous poser. Et j'espère vous les

 12   poser de façon très claire, il semble qu'il y ait un malentendu qu'il

 13   faille dissiper, je voudrais parler de Davidovic et Karganovic.

 14   Je voudrais vous rappeler certains éléments du procès. Vous souvenez-vous

 15   pourquoi Chrissa Loukas avait interrogé M. Davidovic d'extorsion de fonds ?

 16   R.  Comme je l'ai déjà dit, Monsieur Krajisnik, je n'en ai pas un souvenir

 17   exact et précis. Non.

 18   Q.  Et si je vous disais que Me Loukas avait à sa disposition une

 19   déclaration rédigée par les enquêteurs du Tribunal, est-ce que cela

 20   rafraîchirait votre mémoire ?

 21   R.  Ce dont je me souviens c'est que -- j'ai dit ce que j'ai dit,

 22   qu'effectivement j'avais fait une enquête et qu'il me fallait faire ces

 23   éléments. Nous avons examiné cette question avec Me Loukas et nous en

 24   sommes arrivés à la conclusion que j'ai exposée dans mes réponses aux

 25   questions de M. Kremer, mais je ne suis pas en mesure aujourd'hui de me

 26   souvenir des détails, malgré le rafraîchissement de ma mémoire que vous me

 27   proposez.

 28   Q.  Très bien. Une dernière question. La dernière ou l'avant-dernière peut-


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  1   être.

  2   L'Accusation vous a rappelé aujourd'hui que Krajisnik vous a préparé toutes

  3   sortes de documents et vous les a soumis, la question est la suivante :

  4   nous ne pouvions pas communiquer en direct, je ne parle pas anglais, Maître

  5   Stewart, vous ne parlez pas le serbe, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est exact.

  7   Q.  Est-ce que les ressources en manière d'interprétation et de traduction

  8   étaient une restriction quant à la compréhension des documents que je vous

  9   soumettais ?

 10   R.  Monsieur Krajisnik, c'était évidemment une source de frustration de

 11   votre part et c'était évidemment naturellement un élément supplémentaire de

 12   travail pour nous. C'était vrai de Mme Cmeric lorsqu'elle était commis aux

 13   affaires, c'était effrayant, effectivement comme charge de travail, c'était

 14   également vrai de M. Sladojevic ultérieurement, vous savez parfaitement que

 15   je respecte éminemment son travail, le matériel était là, les équipements

 16   étaient là. Et vous savez très bien, Monsieur Krajisnik, qu'ils ont lu,

 17   trié avant de me passer des documents. Sinon ils seraient encore en train

 18   de travailler sur les traductions aujourd'hui. J'exagère peut-être un peu,

 19   mais vous comprenez ce que je veux dire.

 20   Monsieur Krajisnik, nous avons parfaitement examiné les documents que vous

 21   nous soumettiez. Nous le faisions en équipe, par étapes, de façon déléguée,

 22   c'est normal.

 23   Q.  Dernière question si vous le voulez bien : vous nous avez dit - et

 24   c'est exact - que j'ai apporté un témoignage pendant 40 jours. Considérez-

 25   vous qu'un témoignage de la part de l'accusé pourrait avoir compensé le

 26   déséquilibre en termes de témoins cités à comparaître par l'Accusation et

 27   par la Défense, ou est-ce que nous l'avons fait pour compenser le fait que

 28   nous n'ayons pas pu citer à comparaître les témoins que nous aurions voulu


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  1   citer ?

  2   R.  Pardon -- est-ce que vous êtes en train de nous dire en fait que je

  3   vous ai cité à comparaître parce que nous étions obligés de le faire; c'est

  4   ça ? Je n'ai pas bien compris.

  5   Q.  Non, ce n'est pas ça. Je repose ma question si vous me le permettez.

  6   R.  Je vous en prie.

  7   Q.  Considérez-vous que citer l'accusé à comparaître, un accusé qui a

  8   comparu comme témoin pendant 40 jours, pouvait compenser le déséquilibre du

  9   nombre de témoins cités à comparaître par l'Accusation et par la Défense

 10   tout simplement, parce que nous n'avons pas réussi à préparer plus de

 11   témoins à décharge ?

 12   R.  Monsieur Krajisnik, vous nous avez dit clairement et dès le départ

 13   qu'effectivement vous déposeriez. Je dirais, quelle que soit la pertinence

 14   de votre témoignage, que l'accusé lui-même vaut de nombreux témoins, tout

 15   simplement parce que vous avez une connaissance intime des sujets en cours,

 16   donc si l'on devait peser les témoignages, vous avez certainement dû

 17   représenter un certain nombre de témoins, oui, certainement.

 18   L'APPELANT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 19   Juges, je voudrais vous remercier et vous reverser les cinq minutes que

 20   vous m'aviez accordées au départ.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Krajisnik.

 22   Ceci nous amène à la conclusion de l'interrogatoire du témoin. Maître

 23   Stewart, la Chambre d'appel vous remercie d'avoir apporté votre témoignage.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez vous retirer.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 27   [Le témoin se retire]

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci conclut également notre audience


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  1   de ce jour. La Chambre d'appel lève la séance. La séance est levée.

  2   --- L'audience d'appel est levée à 18 heures 59.

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